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N°ISSN:0756-8215 Département «Didactiques des disciplines» DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET RECHERCHE-ACTION H. ROMIAN 1 G. DUCANCEL, C. GARCIA-DEBANC, M. MAS, J. TREIGNIER, M. YZIQUEL et coll. COLLECTION "RAPPORTS DE RECHERCHES" -1989 N° 2

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET RECHERCHE-ACTION

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N°ISSN:0756-8215

Département «Didactiques des disciplines»

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET RECHERCHE-ACTION

H. ROMIAN1 G. DUCANCEL, C. GARCIA-DEBANC, M. MAS, J. TREIGNIER, M. YZIQUEL et coll.

COLLECTION "RAPPORTS DE RECHERCHES" -1989 N° 2

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Crayon

Rédaction des rapports de recherche : Eveline CHARMEUX, Ecole Normale de Toulouse Gilbert DUCANCEL, Ecole Normale d'Amiens Claudine GARQA-DEBANC, Ecole Normale de Mende Maurice MAS, Ecole Normale de Privas Hélène ROMIAN, INRP, Département de Didactique Jacques TREIGMER, Circonscription de Chartres Claude VARGAS, Ecole Normale d'Aix^n-Provence Monique YZIQUEL, Ecole Normale de Quimper

Edition etfabrication : Coordination : Hélène ROMIAN, BSTRP Mise au point de la saisie : Anne-Marie BREMOND, ttïRP Traitement informatique, maquette et PAO : Jean-Pierre HOUELLON, Centre informatique Recherche, ttiRP fcnpression : U^STAPRDiT, Tours

TOUSDROrrSRESERVES

1989

H. ROMIAN, G. DUCANCEL, C. GARCIA-DEBANC, M. MAS, J. TREIGNIER, M. YZIQUEL et coll.

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS ET RECHERCHE-ACTION

©INRP1989

3. Traitement didactique de la pluralité des normes et codages 58 3.1Presentationdelaproblematiqued*ensemble(C.Vargas) 58 3.2 Traitement didactique des normes d'écrits mathématiques, scientifiques,

technologiques (C. Vargas) 59 3.3 Traitement didactique de la plurahté des normes et des codages (E. Charmeux) . . 63 3.4 Fonctionnaksation^ifférenciation (E. Charmeux) 69

4. QueUes variables didactiques ? (E. Charmeux) 69

5. D 'une didactique plurinormative à une didactique plurinormaliste (J. Treignier) . 71 5.1 Vers un nouveau rapport à la norme : modification des normes fonctionneUes . . 71 5.2Maftriserlactimensionsocio-pragmatiquedulangage 71 5.3Maîtriserlesinterrelationsentrevariationetrégularités 76

Annexes 76

HI. PRATIQUES LANGAGIERES ET PRATIQUES SEMIOTIQUES parMonique YZIQUEL 80

1. Problématique d'une recherche sur les relations entre les pratiques langagières etlespratiquessémiotiques 80

l.lChoixduthème 80 1.2Cadretheoriquedelarecherche 82 1.3Principesmethodologiques 85 1.4Miseenoeuvredespratiquesinnovantes 86

2. Schéma didactique 88 2.1 Trajets de lecture et de production de MPC 88 2.2 Les trajets didactiques sémiolangagiers : place et rôle des activités dans ladémarche 99

3. Les variables de la recherche 101 3.1EtabhssementdesvariabIes: lèreétape 101 3.2 EtabUssement des variables : 2eme étape 102 3.3 Procédures d'étabhssement des variables. Apports croisés de deux équipes . . . . 112

4.Acquisetperspectivesdelarecherche 117 4.1Lesacquisdelarecherche-innovation 117 4.2 Perspectives de recherche 120

Annexes , 123

IV. DES CRITERES POUR UNE EVALUATION FORMATIVE DES ECRITS DES ELEVES... DETERWONATION-ELABORATION-UnLISATION

parClaudineGAROA-DEBANC,MauriceMAS 128

1. Constructiondelaproblématique 128 l.lChoixduthèmederecherche 128 1.2Cadretheoriquedelarecherche 130 1.3Principesmethodologiques 132 1.4Miseenoeuvredepratiquesinnovantes 132

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DIDACTIQUE DU FRANCAIS ET RECHERCHE-ACTION

Sommaire

CONSTRUIRE UNE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE MATERNELLE, parHélène ROMIAN . . . . .' . . 7

I. DES RECHERCHES-ACTION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS,

parHélèneROMLALN . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

l.Desproblemespedagogiques,scientifiquescruciaux . . . 7

l.lL'enseignementdufrancais:unenseignenient...enechec . . . . . . . 8 1.2 Elargissement, diversification, complexifîcation des problématiques

scientifiques 9 1.3L'etatdesrecherchesenD.F.L.M . . 10

2.Champetthemauquedidactiquedesrecherches 12 2.1Lechampdesrecherches 12 2.2Lathematiquedidactiquedesrecherches . . . . . . 13

3.FinaUtesetobjectifsdesrecherches 16 3.1FinaHtesdesrecherches . 16 3.2 Des objectifs d'action et de connaissance 17

4.0ptionsmethodologiques.Uneconceptiondelarecherche-action . 18 4.1 Principesépistémologiques 18 4.2Construction/definitiondesbesoinsetdelaproblematiquederecherche 20 4.3 Construction de l'objet de recherche 20 4.4 Observation/description des pratiques de classe 23 4.5 Evaluation des effets des contenus, démarches d'enseignement/apprentissage

sur les comportements, les productions des élèves. . . . . . 25

5.Ledispositifde recherche 27

BibUographieréférentieUe,sélective . . . 28

U. VERS UNE DE)ACTTIQUE DE LA VARLVnON LANGAGffiRE parJacquesTREIGNffiR,EvelineCHARMEUX,ClaudeVARGAS . . 39

1. De la prise en compte des différences entre enfants au traitement didactique delavariationlangagière 39

l.lL*amontduprogramme(J.Treignier) . 39 1.2L'évolutiondesréférentsthéoriques(C.Vargas) 40 1.3L*evolutiondelaproblematiquedidactique (J.Treignier) . . . . . . . 45

2.Traitementdidactiquedesproblemesdediglossie 47 2.1Presentationdelaproblematiqued'ensemble(J.Treignier,S.Fabre) 47 2.2 Traitement didactique de la variation régionale (S. Fabre) 48 2.3 Traitement didactique de la variation socio^thnique (J. Treignier) 53 2.4Versunautrerapportalanorme(J.Treignier) 57

VI.ELEMENTSPOURCONSTRUnŒUNEDroACTIQUEDUFRANCAIS, parHélène RONQAN 229

l.Dessavoirspourracüon.Versunnouveauschémadidactíque 229 l.lDesfinaütéséducatives:verslaHbertédeparolepourtous 229 1.2Uncadrethéoriqueconunun:Hbertés/contrainteslangagières .232 1.3 Un "mode de travail didactique*' (M.T.D.) : pratiquer/objectiver 234 1.4LesavanceessignificativesdesGroupes 236

2.Dessavoirssurraction.VersuneconceptuaUsationdesactesdidactiques . . . .237 2.1 Des lieux pluriels d'intervention didactique 237 2.2Traitementdidactiquedesreferentsd'ordrepratique,theorique 240 2.3 Variables didactiques 245

3. Vers une "sémantique" de la recherche-innovation 247 3.1 Les savoirs produits sont-ils fiables ? . . 247 3.2 Les savoirs produits sont-ils communicables, transférables ? 249 3.3 Comprendre le sens des actes didactiques : impUcation/distanciation 253

2.Déterminationdescritèresd'évaluationdesécrits .134 2.1Enjeuxdeladeterminationdescriteres . . . . . . . . . 134 2.2 Contenus didactiques 136 2.3Aspeetsdeladidactisationdelanotiondecriteres 138

3.Versrélaborationetrutuisatíondescritèresparlesélèves . . . . . 143 3.1Enjeuxderelaborationdescriteres . . . . . ... . . . . . . 143 3.2Procéduresd'élaborationdescritèresparlesélèves . . . . . . 145 3.3 Degrés d'élaboration des critères . . . . 149

4.Exphcitationdesvariablesdidactiques 153 4.1Variablesénoncéesdansleshypothèsesd'actionpédagogique 153 4.2Constructiondevariablesparlarecherche . . . . 153 4.3Variablesconstruitesparlarecherche . . 159

5.Synthesedesresultatsdelarecherche 160 5.1Avancéesthéoriques:leconceptdecritère . . . . 160 5.2 Effets dans les classes en recherche 163 5.3Perspectivesdelarecherche 164

Annexes 166

V. APPRENDRE EN RESOLVANT DES PROBLEMES, parGilbertDUCANCEL . . . 171

1. Problématique initiale : 171 1.1 Constats 171 1.2...Enpratiquantetenobjectivantlespratiques 171 1.3 Situations 172 1.4Cadretheoriquedelarechercheetetatdelaquestion 173 1.5 Hypothèses d'action 177

2. Dynamique de la recherche : des hypothèses d'action aux hypothèses de recherche ; des problèmes de démarche aux problèmes de contenus d'enseignement 178

2.1...Miseenplacedesactivitesderesolutions... 179 2.2...MultipHcationdesessaisetanalysecritique 180 2.3 ... Analyse systématique..., formulation des variables et hypothèses de recherche . 181 2.4Les"contenusd'enseignement"aupremierplan 182

3....Modautésdetravaildesmaîtres,savoirsvisésetsavoirsconstruits 184 3.1Typesdesituationsd'emergenceetderesolutions 184 3.2 Des résolutions... aux projets 185 3.3Situations-problemesdelecture 186 3.4 Situations - problèmes d'écriture 196 3.5Problemes(ortho)graphiques 214

4. Synthèse des acquis de la recherche et prospective 223

Annexes 225

CONSTRUIRE UNE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE MATERNELLE

Hélène RONflAN

Ce rapport présente un premier bilan de quatre recherches en didactique du tran­çais langue maternelle (désormais D.F.L.M.), qui portent respectivement surle traitement didactique

- de la variation des pratiques langagières, d'ordre scolaire, régional, ethnique (Groupe de Recherche dit "Variation") ;

- des "textes" pluricodés type télévision, messages publicitaires, maquettes d'ex­position, jeu dramatique (Groupe de Recherche dit "Sémiotiques") ;

-de l'évaluation formative des écrits des élèves en classe (Groupe de Recherche dit "Evaluation") ;

- des problèmes de français, d'ordre situationnel, discursif, textuel, iinguistique (Groupe de Recherche dit "Résolutions de Problèmes").

Leurs dénominateurs communs (chap. I) tiennent au champ:l'enseignement/ap-prentissage du français, dans l'ensemble des activités à l'école, en relation avec l'ensem­ble des modes de communication. Ik tiennent également aux finahtés de recherche : contribuer à définir les principes didactiques d'une réussite pour tous en français, aux ob­jectifs : contribuer à définir des contenus, une démarche d'enseignement/apprentissage ac­tualisés, voire nouveaux, intégrant l'évolution des pratiques de la communication sociale et ceUe des connaissances ; et par là, contribuer à faire évoluer les pratiques des classes materneUes, élémentaires, et ceUes de la formation des maîtres. Ces dénominateurs com­muns tiennent enfin à des options épistémologiques, méthodologiques dans l'ordre de la recherche-action.

Les chapitres II ('"Variation"), UI ("Sémiotiques"), IV ("Evaluation"), V ("Résolu­tions de problèmes"), montrent, dans ce cadre commun, la spécificité de chacune des re­cherches. Enfin le chapitre VI, dégage, àpartirde laproblématique d'ensemble commune, et des avancées spécifiques, les hgnes de force, la cohérence construites dans/par le travail de recherche.

Nous destinons ce rapport aux chercheurs, aux formateurs de maîtres. C'est pour­quoi nous nous sommes attachés à montrer à la fois des résultats certes mais aussi leurs conditions de production, les cheminements dont ils procèdent, les produits auxquels Us aboutissent.

I -DES RECHERCHES-ACTION SUR L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS

Hélène ROMLAN

Aux sources des quatre recherches dont nous présentons un premier bilan, une his­toire, une problématique communes,

construites en commun, dans les années 1982-84, et donc historiquement datées. EUes s'enracinent dans une conjoncture pédagogique et scientifique, des demandes

socialesdonnées, eUes procèdent de finahtés et d'objectifs, d'options épistémologiques et

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méthodologiques donnés, hors desqueLs la signification de leurs résultats, de leurs produits ne peut être appréhendée justement.

Cela ne signifie pas que nos recherches se soient enfermées dans leur problémati­que initiale : comme en témoigne le chapitre VIqui conclut ce rapport, ceUe-ci a évolué, s'est approfondie, voire infléchie autrement. De ce chapitre I au chapitre VI, se dessine le chemin parcouru.

l-DES PROBLEMES PEDAGOGIQUES, SCffiNTffIQUES, CRUCLVUX

L'idée d'une nécessaire analyse de la conjoncture pour déterminer des demandes sociales, des besoins scientifiques de recherche est dans l'air au début des années 80. A l'évidence, il ne s'agit pas là de mode, mais d'un enjeu capital pour des recherches en D.F.L.M : les analyses qui suivent sont la résultante d'un travail coUectifde réflexion et d'enquête de plus d'une année.

1.1 -L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAK : UN ENSEIGNEMENT... ENECHEC

Depuis les années 70, il est notoire que le "Français", discipline d'enseignement, constitue un lieu d'échec, de sélection scolaires particulièrement déterminant jusqu'en 5eme au moins. Le "rapport Legrand", le "rapport Prost" entre autres, montrent que 10 ans plus tard, une partie non négligeable des coUégiens, des lycéens ne maîtrise pas la langue écrite : si les projecteurs des médias sont braqués sur la lecture, l'expression écrite ne pose pas moins de problèmes. Une telle situation est incompatible avec les objectifs affichés de réussite scolaire, avec les perspectives d'une élévation du niveau culturel, scientifique de l'ensemble de la population, appelée par le DCéme Plan.

De ce fait, l'enseignement du Français traverse une crise dont l'issue n'a rien d'é­vident. Notoire au CoUège, au Lycée, cette crise n'en existe pas moins à l'Ecole. En té­moigne l'enquête que nous avons menée en 1982, sur les besoins de recherche en D.F.L.M., en relation avec les besoins de la formation des instituteurs, auprès de 600 instituteurs et formateurs de maîtres (professeurs d'Ecole Normale, conseillers pédagogiques, universi­taires) (Romian, Ducancel, 1985). Elle fait apparaître un bilan de l'enseignement du Fran­çais négatif à plus de80 %. Ce constat intervient à un moment où, par aiUeurs, cet enseignement, fortement interpellé par des sciences du langage en pleine évolution, tend à se déstructurer sans que les enseignants aient les moyens -issus de la recherche et retrai­tés en termes de formation -de résoudre les problèmes devant lesquels ils se trouvent.

La complexité du "Français" ne facUite pas la recherche de solutioas. Linguistique-ment, le "Français" renvoie, non pas à une discipUne d'enseignement, dérivée d'une dis­cipline de recherche, ni même à un ensemble cohérent de discipUnes mais à un conglomérat de pratiques scolaires (lecture, expression écrite, grammaire, vocabulaire, orthographe, ex­plication de textes...) dont la relation avec des discipUnes de recherche données n'a rien de simple et évident. Leur raison d'être s'est trouvée dans l'inculcation d'un savoir mini­mal aujourd'hui obsolète : le "bon usage" de la langue tel que l'ont pratiqué les "bons au­teurs", l'orthographe enseignée en soi et pour soi, la grammaire de phrases.

D'un point de vue socio-linguistique, le "Français", renvoie à des réalités multi­formes. Langue maternelle pour la plupart, la langue française est langue d'acculturation pour d'autres dont la famille pratique une langue régionale (ou un français plus ou moins marqué), voire une autre langue. Quant à la langue de l'école, eUe renvoie à une gamme de pratiques langagières très particutières (Marchand, 1971) d'autant plus éloignées des

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pratiques famihates que les enfants appartiennent à des mikeux socio-culturels plus défa­vorisés. A contrario, statistiquement, les enfants d'enseignants réussissent mieux que d'au­tres réputés appartenir à des miUeux sociocultureLs plus favorisés. De ce fait, les pratiques langagières famiUales de bon nombre d'enfants ont un statut plus ou moins dévalorisant à l'école.

D en va de même pour bon nombre de pratiques langagières dont les enfants ont une expérience sociale quotidienne : presse, affiches, B.D., télévision, chanson..., que l'é­cole ignore, méprise ou qu'eUe admet à la rigueur comme "moyen" d'enseignement. La relation entre les pratiques scolaires de la langue et ces pratiques sociales non scolaires -qui constituent pourtant le fondement même de l'expérience des enfants -est généralement nulle ou superficieUe d'un point de vue didactique : elle ne remet pas en cause les conte­nus d'enseignement (Romian, Yziquel, 1988). Il est à noterque s'il est déconnecté despra-tiques langagières dans la communication sociale en général, le "Français" ne l'est pas moins de leurs aspects scolaires : l'enseignement/apprentissage des écrits mathématiques, historiques, scientifiques... reste à construire en tant que tel (et bien entendu, en équipes interdiscipUnaires).

Enfin, du point de vue de la poUtìque de la langue, il est à noter que l'école du dé­but des années 80 intègre peu et mal les changements récents quisont survenus : cam­pagnes pour le développement de la lecture publique, le droit à la différence, l'interculturel, les langues et cultures régionales... Même lorsqu'elle existe, l'ouverture de l'école au fait régional se fait sous le signe du marginal, de l'occasionnel, sans rapport avec le "Français". Il est symptomatique au demeurant que l'accent soitmis sur l'enseignementdes langues régionales (qui conceme une minorité d'élèves) et non sur l'"eveil" à ces langues, pré­sentes dans les pratiques de l'environnement (qui concerne la majorité d'entre eux).

Nous ne saurioas, pour terminer cette analyse de la conjoncture socio-pohtique et pédagogique du début des années 80, passer sous silence l'existence de l'innovation, de la recherche. Nos enquêtés soulignent en général leur rôle très positifdans leur propre prati­que professionnelle mais constatent que celles-ci sont peu connues, mal ou pas diffusées, qu'eUes sont reprises de façon hmitée, voire réductrice par les fostructions OfficieUes, et peu utilisées par les maîtres (lorsqu'elles le sont).

On peut légitimement penser que l'une des raisons majeures du rejet de la "greffe" scolaire pourrait bien se trouver dans le fait que le "Français" s'est figé dans des concep­tions obsolètes qui ne répondent plus ni aux pratiques de la communication sociale dont les élèves ont l'expérience quotidienne, ni aux demandes sociales qui se fontjour à travers les campagnes, les débats pubUcs. Que ces campagnes, ces débats - par exemple sur la lec­ture - posent ou non correctement les problèmes, eUes n'en sont pas moins l'expression d'un échec du "Français".

1.2 -ELARGLSSEMEHT, DWERSfflCATION, COMPLEXI-FICATION DES PROBLEMATIQUES SCffiNTffIQUES

La conjoncture scientifique n'est pas moins complexe que la conjoncture socio-pé­dagogique que nous venons d'évoquer, mais eUe est beaucoup plus évolutive.

En mai 1982, nous avons organisé un séminaire sur le thème "Où en sont les sciences du langage, les sciences de l'éducation ?" ("Repères" n*60, 1983), qui nous a permis de cerner un certain nombre de tendances dans les champs théoriques de référence potentiek de la D.F.L.M. D apparaît que ce n'est plus le problèmes des structures internes de la lan­gue qui est premier (Saussure, Chomsky) comme dans les années 70, mais celui des rela­tions entre langage et rapports sociaux, entre langage et communication, langage et aspects cognitifs, non cognitifs du développement de la personnafité.

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La tendance générale va dans le sens d'une prise en compte àla foisdes conditions de production des discours sociaux et des processus psychologiques, sémiotiques de cette production. Ainsi l'ancrage social des actes de parole a produit des concepts qui permet­tent de dépasser les timites du formaUsme, notamment ceux de variation des usages so­ciaux du langage et de normes plurieUes (MarceUesi, 1983). De même, les ancrages sémiotiques des actes de communication, de parole, permettent d'inscrire le langage oral, écrit d'une part dans ses fonctionnements sociaux réeLs où dominent les messages pluri-codés (T.V...), d'autre part dans l'ensemble des réseaux de signification dont il constitue une dimensionparmi d'autres (kinésique, iconique, vert>aL.) (Masselot, 1983). Lapsycho-logie du langage, comme la psychologie en général, a éclaté en de multiples dimensions : le traitement de l'infonnation dans la compréhension des écrits, dans la communication sociale, la construction des compétences tinguistiques et métalinguistiques ou ceUe du lan­gage, en général dans les interactions sociales (Moscato, 1983). Enfin, la linguistique -on devrait désormais parler de linguistiques - propose désormais des modèles d'analyse élar­gis : énonciation, pragmatique des "actes de parole", hnguistique textueUe centrée sur la notion de cohérence... qui permettent de resituer, redéfinir une linguistique de la phrase dans une hnguistique des discours qui serait centrée sur les phénomènes de variation tout autant que sur les invariants (Combettes, 1983).

L'article de présentation du Séminaire, intitulé de manière significative : "Pluriete. QueUe(s) problématique(s) de recherche aujourd'hui ?" concluait, rappelant les années 70 placées sous le signe d'un structuralisme unificateur et de la tinguistique fomielle : "Douze ans plus tard, les sciences du langage, les sciences de l'éducation sont en pleine crise (à l'image de la crise en général ?). Eclatement. Conflits. Foisonnement. Diversité. Hétéro­généité. Complexité. Variations. Quelle(s) problématique(s) (...) aujourd'hui et pour les années à venir qui tienne(nt) compte des acquis coUectifs, et d'une conjoncture scientifi­que éclatée, conflictueUe 7(...)Ce Séminaire a ouvert des fenêtres vers d'autres possibles. Quek choix faire entre ces possibles, et selon quels critères ? (...) On ne peut espérer trou­ver de réponse tout élaborée dans tel champ de recherche..." (Romian, 1983).

Il nous faUait donc construire notre propre problématique - pluridiscipUnaire -en réponse à des questionnements propres à notre champ, celui de la D.F.L.M. De ce point de vue, le domaine des sciences del'éducation, outre ses apports directs, permet une réflexion fondamentale sur les conditions de la pluridisciplinarité, qui la distinguedes amalgames syncrétiques d'une "science" globale de l'éducation comme d'un éclectisme sans prin­cipes. U pose en particuüer le problème difficile des emprunts, des analogies, des trans­ferts d'un champ scientifique à d'autres (Isambert -Jamati, 1983).

1.2.2 -L'état des recherches en D.F.L.M. fl n'était pas possible, en 1982, compte-tenu de la dispersion et du caractère lacu­

naire de l'information disponible d'établir l'état de la question selon les modatités habi-tueUes. Et c'est si vrai que nous avons, par ailleurs, organisé un Colloque International de D.F.L.M. en 1983 O*omian, Petitjean, 1985) et participé à une recherche documentaire franco-québécoise qui aUait aboutir à des puMications (Sprenger-CharoUes et coll., 1987) et à une banque de données consultable sur Minitel en 1988 (dite "Emile Hl"), en coUabo-ration avec le Centre de Documentation Recherche de l'I.N.R.P.

Les premiers résultats de ces approches convergent. Globalement, nous avons af­faire à un champ de recherches en émergence, dont les contours sont à définir, et dont la définition, en 1982, ne fait pas (encore) l'objet de discussions. On en est tout juste à baH-ser le champ, à explorer les relations qu'il peut entretenir avec les sciences du langage, ou­tre les "appUcations" fort répandues depuis les années 1970.

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Une rapide analyse des recherches présentées au Iléme Colloque International évo­qué plus haut, montre que leur thématique est centrée surl'écrit, et fait peu de place à Fo­rai, sauf au Québec. La lecture, la grammaire gardent une place importante ; mais apparaissent des recherches sur la production de textes écrits, le développement de la com­pétence de communication dans ses dimensions psycho- sociales (et non plus seulement linguistiques) et celui des compétences métahnguistiques (et non plus seulement des per­formances syntaxiques). Des problèmes nouveaux sont pris en compte : les conditions de production/réception des discours en général, des textes tittéraires en particulier, la diver­sité des pratiques langagières en tant que pratiques sociales (et notamment le fait régio­nal), les représentations que se font les élèves des fonctionnements Unguistiques, les relations entre apprentissages de l'écrit en particuher et apprentissages sémiotiques en gé­néral, le rôle du "Français" comme dimension transversale des activités scolaires. La plu­part de ces recherches relèvent d'innovations contrôlées en classe, et procèdent de l'application de données issues des sciences du langage. Les recherches tendant à décrire les pratiques d'enseignement, à en évaluer les effets sont rares. Parallèlement se sont dé­veloppées des recherches en psycho ou sociolinguistique dont l'objet d'étude est la langue des enfants en situation scolaire, et qui affichent des préoccupations didactiques.

Il semble bien que ces tendances, observées en 1983, soient sensiblement diffé­rentes de l'état des recherches dans les années 70. La recherche franco-québécoise évo­quée plus haut élabore, au moment où ces lignes sont écrites des états de questions qui permettront de cerner les évolutions des années 70 aux années 80.

Nous nous Umiterons ici à certains aspects des acquis des recherches que nous avons menées à l'.l.N.R.P. de 1968 à 1974 (Romian, 1979), puis de 1974 à 1980 (Bilan de 5 ans de recherches... 1980) teLs que nous pouvons les percevoir à travers les résultats de l'essai d'évaluation des effets d'une pédagogie du français (Romian et coll., 1980,1981, 1983). La pédagogie en question (Plan de Rénovation, 1971 et Best 1978), présente des contenus et une démarche d'enseignement organisés selon une double articulation : Hbération de la parole dans des activités de communication diversifiées selon les fonctions du langage en jeu (Jakobson, 1963)/structuration de la langue dans des activités d'apprentissage systé­matique des contraintes du système-langue (Saussure, 1955).

Globalement, l'observation des effets produits sur des performances syntaxiques, lexicales, poétiques d'élèves de CMl -et ceci 18 mois après la mise en place des pratiques innovantes de style Plan de Rénovation (désormais PR) -va dans le sens des hypothèses. Les performances aux épreuves sont significativement meiUeures dans les classes expéri­mentales toutes catégories socio-professionneUes confondues. On observe une tendance à la réduction des écarts de performances, dans ces mêmes classes, entre enfants de cadres supérieurs et enfantsd'ouvriers, employés, par rapport aux écarts constatés dans des classes pratiquant une pédagogie d'inculcation de la norme des bons auteurs et des règles ortho­graphiques, grammaticales.

Nous avions mis les performances des élèves en relation avec 9 Variables Pédago­giques (notion sur laquelle nous reviendrons) distinguant les dimensions majeures de la pédagogie PR, dans l'ordre de ses options linguistiques et de ses options psychologiques. Nous avons pu constater que les Variables qui sont le plus en relation avec de meilleures performances syntaxiques, lexicales des élèves (selon nos épreuves et dans les conditions de l'évaluation) sont les suivantes, par ordre décroissant, selon l'importance de leurs ef-fets:

- de$ contenus d'enseignement, des procédures d'analyse de la langue définis par rapport à des notions, des opérations Unguistiques (commutation..., transformation..., clas­sements...),

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- des activités de communication orale, écrite mettant en jeu des fonctions du lan­gage diversifiées selon le schéma de Jakobson,

-des activités d'analyse de la langue (grammaire, vocabulaire, orthographe) à la fois occasionnelles et systématiques, c'est-a<hre organisées selon la logique du système-langue,

- des objectifs d'adaptation des "registres" de langue aux situations de communi­cation,

- des activités d'analyse de la langue secondes par rapport à la pratique (prati­quer/observer) et visant à la construction progressive de règles de fonctionnement (Genou-vrier,1979).

L'ensemble des variables exclut la référence à la norme du bon usage érigé en mo­dèle de correction à inculquer, la prédominance d'activités de rédaction de type référen-tiel, et un enseignement dogmatique.

Soubgnons enfin l'un des résultats, non prévus, de l'évaluation. Les résultats sont d'autant plus significatifs que la cohérence des maîtres est plus grande dans l'ensemble des contenus enseignés et de la démarche d'enseignement qui articule l'ensemble des ac­tivités pratiquées. Si un tel constat avait valeur générale, ilpourrait contribuer à expUquer que la seule modification des contenus d'enseignement de la grammaire n'ait pas d'effets significatifs, et par ià à comprendre les fimites de la knguistique appliquée des années 70.

Ces résultats tendent à confirmer, entre autres, l'une de nos options-clés des années 70 qui demeure : l'enseignement du français ne devrait plus être une juxtaposition d'acti­vités que l'on peut "rénover" ponctueUement. Les facteurs de la réussite (y compris en grammaire) sont à rechercher du côté de Variables de type : contenus scientifiques d'en­seignement, diversification fonctionnelle des activités de communication orale, écrite, comme base d'une démarche d'enseignement cohérente, où l'observation des faits de lan­gue s'articule d'abord à la pratique de la langue.

Quoi qu'il en soit, le postulat posé dans les années 70 selon lequel les facteurs de réussite scolaire ont à voir - entre autres -avec les contenus d'enseignement n'a pas à être remis en question : tout au contraire, les résultats obtenus confirment sa valeur heuristi­que.

2 -CHAMP ET THEMATIQUE DH)ACTIQUE DES RECHERCHES

La délimitation du champ, de la thématique didactique initiale des recherches s'est faite au confluent des diverses analyses présentées plus haut.

2.1 -LE CHAMP DES RECHERCHES

Les analyses, et notammentl'enquêtede 1982 convergent : le champ del'enseigne-ment de la langue materneUe, tel qu 'il se dessine à travers les demandes sociales évoquées ne peut plus être limité à un easemble -composite -de disciplines, fussent-eUes tradition-neUes : expression orale et écrite, grammaire, orthographe...fl convient de considérer dé­sormais l'ensemble des problèmes de communication orale, écrite, dans l'ensemble des activités à l'école, dont ite constituent une dimension transversale, sans néghgerpour au­tant des aspects plus spécifiques, notamment ceux qui relèvent des activités d'analyse de la langue.

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Crayon

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A noter : l'emploi conjoint, désormais, des termes "Pédagogie" et "Didactique" du Français, sans que les définitions de ces termes fassent pour autant l'unanimité, y compris dans nos Groupes de Recherche. Citons, à titre d'exemple, une proposition (la mienne) :

- la didactique engloberait les problèmes de contenus et de démarche d'easeigne-ment/apprentissage des usages sociaux de la communication orale, écrite et des fonction­nements de la langue (aspects spécifiques),

- la pédagogie engloberait des problèmes de communication orale, écrite, qui "tra-versent'Tensemble des activités à l'école.

Ce problèmereste ouvert. A l'évidence, le fait que le terme de "didactique" tende, daas le milieu, à l'emporter, recouvrant la totalité des acceptions possibles ne résoud pas les problèmes posés par sa polysémie.

2.2 -LA THEMATIQUE DU>ACTIQUE DES RECHERCHES

Cette thématique a été élaborée à partir des résultats de l'enquête de 1982 sur les besoins de recherche (Romian, Ducancel 1985). CeUe-ci a permis de rassembler 164 de­mandes explicites de participation aux (futures) recherches I.N.R.P., dont 121 accompa­gnées d'un projet plus ou moins exphcite. Les unes et les autres sont surtout le fait de professeursou d'équipes des Ecoles Normales, des Universités, sans exclure des équipes d'instituteurs.

Les thèmes les plus fortement "demandés" sont, par ordre d'occurrence : la péda­gogie de la lecture/écriture, l'analyse de la langue et des discours, la prise en compte po­sitive des différences socio-culturelles entre enfants, l'évaluation continue des acquis et des progrès des enfants, les outils du travail scolaire et la description des modes de travail pédagogique des maîtres, les stratégies de formation des maîtres, la cohérence pédagogi­que des modes de communication utihsés en classe. TeI sont les problèmes de contenus, de démarched'enseignement/apprentissage mais aussi de recherchejugés particuUèrement cruciaux dans la perspective d'une réduction des échecs scolaires par notrepopulation d'enquête (plus de 600 instituteurs et formateurs de maîtres de catégories diverses dont le dénominateur commun est l'intérêt pour la recherche attesté par le fait qu'üs ont répondu à notre enquête, explicitement centrée sur les "besoins de recherche").

A la rentrée de septembre 1982, le groupe d'enquête laisse la place aux chercheurs potentiels : ceux-là mêmes qui avaient formulé des projets parle canaì de l'enquête. Apar-tir de là, un travail d'ordre théorique et pratique va permettre de reformuler la double thé­matique des demandes et des projets de recherche, pour aboutir en 1984, à quatre programmes de recherche présentant une problématique scientifique et un dispositifde re­cherche ; "Variation", "Sémiotiques", "Evaluation", "Résolutions de problèmes".

On trouvera plus loin un tableau qui résumel'état premier de la thématique des 4 recherches. D est à noter quela cohérence interne de cet ensemble n'a rien d'évident. La diversité -voulue -des référents théoriques n'exclut pas, et devrait au contraire permettre de construire une cohérence dans/par la recherche, en dépassant des oppositions de sur­face. Ainsi la question de savoir si les 4 recherches peuvent fonder une projet didactique, pédagogique commun, n'est pas -volontairement -traitée a priori : si un tel projet est "fai­sable", il sera une résultante des recherches et de leur mise en cohérence éventueUe (voir chap. Vl). U en va de même en ce qui concerne la cohérence théorique des référents : a priori, il n'y a pas d'incompatibüité, tout du moins. Ce qui compte d'abord, c'est leurper-tinence -à vérifier -dans/par la recherche -pour résoudre les problèmes didactiques posés. Un second point mérite d'être noté ici : la construction d'un objet de recherche à partir de demandes sociales exige dutravail, dutemps. Nous poserions volontiers que,compte-te-nu du type de recherches présenté ici, ce travail constitue une phrase première de la re-

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Crayon

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cherche, fondatrice des autres. Chacun des (futurs) Groupes a suivi un cheminement par­fois difficile, fort complexe en l'état scientifique des questions abordées. Le résumé que nous en présentons ne donne qu'une faible idée des problèmes. Nous le tenterons cepen­dant.

Le Groupe "Variations", parti de formulations issues de l'enquête de 1982, qui po­saient la nécessité d'une "prise en compte positive des différences entre enfants", en vient en 1984 à définir comme objet de sa recherche les "modes de gestion pédagogique (didac­tique) de la variation des pratiques langagières en relation avec la variation des pratiques sociocultureUes". En 1982 affleurent plusieurs problématiques, à dominante psychosocio­logique, de la différence : déficits ou handicaps socioculturels de milieux familiaux dit dé­favorisés et droit à la différence, écart à la norme et adaptation des locuteurs à des situations de communicationdonnées... Comme l'écrivent Hélène RomianetJacques Treignierdans le programme (n.p.) du Groupe, "c'est l'intégration d'une problématique d'ordre socioHn-guistique qui conduit à l'idée d'une pédagogie de la variation socio- langagière. Du constat des différences, on passe à un niveau expUcatif ; les différences sont traitées en tant qu'ef­fets d'un phénomène général : la variation (...) des pratiques langagières dans la vie so­ciale". D'où l'idée de constituer la variation en objet d'enseignement, conjointement au nécessaire apprentissage du "code commun" (François, 1980). L'enseignement du fran­çais, traditionneUement uniciste, devrait désormais traiterdialectiquement, et de l'unité de la langue et de la diversité de ses usages sociaux. A noter : la nouveauté dans les années 80, d'une telle orientation didactique.

Le cheminement du Groupe "Sémiotiques" ne relève pas comme le précédent d'une modification radicale des points de vue initiaux mais d'une expticitation et d'une théori-sation de directions initiales fort vagues. Définissant le champ à considérer comme celui d'une "pédagogie des usages de la langue dans l'ensemble des activités à l'école", les en­quêtes de 1982 précisent quelquefois "pédagogie de la langue et des autres modes de com­munication". Mais la thématique des demandes, des projets de recherche va, majoritairement aiUeurs. Et c'est si vrai que le Groupe "Sémiotiques" s'est créé près d'un an après les autres, à partird'une analyse des besoins de recherche, postérieure sur ce point-là à l'enquête. Constitué, le Groupe va être amené à préciser dans une perspective inter-disciphnaire, un fait culturel de première importance : l'emploi conjoint généralisé de plusieurs codes -dont la langue -dans la communication sociale. La nécessité d'une inser­tion des apprentissages langagiers (oraux, écrits) dans un cadre communicationnel, sémio­tique plus large va amenerle Groupe à définir son objet de recherche en termes d'interactions, à maîtriser, entre capacités sémiotiques et compétences linguistiques, com­pétences de communication. Les transcodages, sur lesqueLs le Groupe focalisera ensuite sa recherche, figurent dans le programme de recherche parmi les itinéraires sémio-langa-giers où ces interactions peuvent se construire. A noter : au début des années 80 (et même à la fin...), cette orientation sémiolangagière n'est guère, encore, explorée par les cher­cheurs en D.F.L.M.

Le Groupe "Evaluation" lui, part de 17 projets d'équipe sur la pédagogie de la lec­ture/écriture, qu 'U va progressivement focaliser en fonction d'une autre série de demandes de recherche centrée sur l'évahjation des progrès des élèves, etjugée àjuste titre comme un "trou noir" de la recherche en D.F.L.M (en 1982). Apparaît d'abord la nécessité de cen­trer la recherche sur l'apprentissage des processus d'écriturepar opposition aux probléma­tiques de recherche antérieures, centrées davantage sur la lecture d'une part, et les textes d'autre part. Les pratiques de lecture demeurent dans la recherche, mais avec un statut se­cond, comme modalités d'approche d'une évaluation formative des écrits produits en classe. En fin de compte, d'une centrationglobale surlespratiques d'écriture, le Groupe

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Cadre théorique

(dominantes)

j

Objet d'étude

Objectif d'action didactique

(dominante)

Problème didactique

Sociolinguistique

Didactique du Français

Traitement didactique de la va­

riation langagière :

4—•> Relation des maîtres et

des élèves aux normes socio-

linguistiques .

Maîtrise des variations des

usages sociaux (scolaires et

non-scolaires) des discours

<-— construction de normes

évaluatives fondées sur

les normes objectives et

les normes fonctionnelles

- M odes de traitement didactique

de la variation des pratiques

langagières.

Groupe VARIATIONS

I

voir "Repères" n° 61 (1983)

n° 6? (1985)

Sémiolinguistique

Didactique du Français

Traitement didactique des mes­

sages pluricodés présents dans

la classe (manuels, cartes...),

et présents dans l'environne­

ment (T.V., plans, jeu dramati­

que, publicité...)

Maîtrise de la lecture/produc­

tion des messages pluricodés,

et notamment dans leurs aspects

langagiers :

développement des capacités

de transcodage.

- Pratiques langagières, pra­

tiques sémiotiques. Leurs

relations à l'école.

Groupe SEMIOTIQUES

j

voir "Repères" n° 64, (1984)

n° 68, (1986)

Linguistique textuelle

Psychopédagogie de

l'évaluation.

Didactique du Français

Critères, procédures et outils

d'évaluation des écrits en

classe (maîtres et élèves)

Procédures et outils d'appren­

tissage de l'évaluation des

écrits.

Apprentissage des critères et

des procédures d'une évaluation

formative des écrits (dans

l'écriture même, par des exerci­

ces, par la lecture, et par le

travail sur les textes produits)

- Pratiques d'évaluation des

écrits des élèves en classe.

Groupe EVALUATION

I

voir "Repères" n° 63, (1984)

n° 66, (1985) j

Psychologie de l'ap­

prentissage.

Pyscholinguistique

Didactique du Français i

Traitement didactique des pro­

blèmes que rencontrent les en­

fants au niveau des situations

de communication, des stratégies

discursives, des faits de lan­

gue.

Développement des capacités

"épi" et "méta-"langagières,

métalinguistiques, dans la com­

munication et en situation

d'objectivation des pratiques,

comme facteur de cohérence des

activités de Français, du Fran-

_ ça is et des autres activités. ..

- Stratégies de résolutions de

problèmes ayant trait à des

faits de communication, de

I

discours, de langue.

I Groupe PROBLEMES

OO 0 0 O ) O) T H THJ

O ) O ] m r^ o o c c s A OT H ro <* fH 0 0

<Q) O ) C X T H

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CVJ] fH CO

• H O o > C

16

va passer à une centration sur l'évaluation des écrits en classe spécifiée sous Tangle de l'é-laboration de critères, de l'essai de procédures et de la production d'outik d'évaluation. Centration apparue comme un mode particuHèrement efficace d'approche des stratégies d'enseignement et des processus d'apprentissage de la production d'écrits en classe. Ce qui est nouveau là, c'est -du moins en matière d'enseignement du Français -l'accent mis sur les problèmes d'évaluation, traités plutôt en sciences de l'éducation.

Le Groupe "Résolutions de problèmes" a dû, lui aussi, conjoindre plusieurs types de demandes de recherche, mais il lui a faUu, à partir de là, dépasser résolument le cadre de ces demandes pour leur donner un contenu scientifique (tout comme le Groupe "Sémio-tiques"). Refusant à la fois, comme bon nombre des enquêtés de 1982, l'impériaHsme de latrilogie grammaire-orthographe-vocabulaire comme le mythe de la communication suf­fisant à tout, le Groupe reprend des demandes (plus ou moins minoritaires) de recherche portant sur l'analyse de la langue en tant qu'"activites d'éveil scientifique à l'objet-lan-gue", et son extension à des unités linguistiques super-phrastiques de type grammaire de textes. La perspective, métahnguistique, entend dépasser les cloisonnements traditionnete (syntaxe, lexique...), comme la distinction du Plan de Rénovation flsJRP des années 70 en­tre activités de communication et activités d'apprentissage (aspects jugés indissociables). C'est la notion de "problèmes de français" (relatifs à des faits de textes, de discours, de communication) qui, constituée à partir d'acquis de recherche antérieurs réaMsés par les Groupes H^RP des années 75 "Analyse de la langue" (Nique, 1980) et "Françaisy^Eveil Scientifique" (Ducancel, 1980), va permettre de fédérer des approches divergentes et de construire l'objet de la recherche. A noter : ce que cette recherche est susceptible d'appor­ter de nouveau, a priori, serait non pas tant dans l'ordre des contenus d'enseignement, que dans celui des stratégies d'apprentissage. Mais, comme on le verra (chap. V et VI), ce sont là deux faces d'une même réafité didactique, contenus et modes d'appropriation étant de fait, fortement Ués.

3 - FDVALOES ET OBJECTH1S DES RECHERCHES

Au départ, la cohérence des 4 recherches présentées tient d'abord (mais pas seule­ment) à des choix de valeur : tout projet de recherche en éducation implique de tek choix, qu'il nous paraît nécessaire d'expUciter, dans la mesure où les optioas scientifiques leur sont ^ n partie -hées.

EHe tient, non moins, aux objectifs spécifiques dans l'ordre didactique. Ces finali­tés, ces objectifs sont, très largement la résultante d'acquis coUectifs antérieurs, actuatisés, mais non profondément modifiés.

3.1 - FINALITES DES RECHERCHES

Ces finalités se situent à la fois dans l'ordre de Taction et de la connaissance : ex­périmenter et définir des contenus d'enseignement, des stratégies du changement didacti­que susceptibles de fonder une effective hberté de parole pour tous les enfants, tous les maîtres (Best, 1978) ; étudierla nature et le rôle des facteurs didactiques de la réussite pour tous en Français (Romian et coll., 1983).

De teUes finahtés impliquent des enjeux sociaux, individuels d'une importance ca­pitale. Au plan pohtique, elles renvoient -entre autres -à l'éducation de citoyens, d'indivi­dus maîtres et possesseurs de la communication sociale sous toutes ses fomies, à la prévention de l'illettrisme, àl'intégration par tous des richesses régionales. Au plan socio­culturel, elles renvoient -entre autres -à l'éducation aux médias, aux évolutions accélérées des formes de la communication sociale. Au plan scientifique enfin, ü s'agit de faire du

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travail didactique un objet de connaissance, en vue de libérer/rationaliser les choix didac­tiques actuellement marqués par un pragmatisme, un éclectisme sans principes. Modifier l'enseignement de la langue maternelle pour modifier les rapports coUectifs, individuels au pouvoir, au savoir en tant que ceux-ci passent et sont formés en partie par le langage : postulat sans aucun doute ambitieux. Mais n'y-a-t'il pas là un passage obligé vers l'éléva­tion du niveau culturel, scientifique de la population, qui est l'un des objectifs du EXéme Plan?

3.2 - DES OBJECnFS D'ACTION ET DE CONNAKSANCE

Comme les finalités évoquées, les objectifs des recherches se situent à la fois dans l'ordre de l'activité didactique et de la connaissance de ses fonctionnements. Hs s'appU-quent à la fois aux classes materneUes, élémentaires et à la formation des maîUes.

3.2.1 - Objectifs d'action : moderniser renseignement du français Les recherches visent à mettre en oeuvre, et décrire des contenus et une démarche

d'enseignement, des stratégies d'apprentissage propres à favoriser la réussite de tous en Français, puis à en évaluer les effets. Concrètement, elles tendent à construire une problé­matique didactique qui assure d'une part la connexion des pratiques scolaires de la com­munication orale et écrite avec l'expérience langagière des élèves en particuker et les pratiques sociales de la communication en général, et d'autre part la connexion des prati­ques scolaires d'étude de la communication orale, écrite avec les pratiques, les savoirs scientifiques correspondants. End'autres termes, les recherches visent à mettre l'enseigne­ment du français à l'heure sociale, comme à l'heure scientifique.

Les objets langagiers sur lesquels portent le travail scolaire sont donc l'ensemble des pratiques langagières susceptibles d'être pratiquées/observées : ceUes de la classe, de l'école, de l'environnement d'abord. Les objectifs d'apprentissage intègrent à la fois non seulement le "code commun" (caractéristiques linguistiques de la langue française), mais aussi les différents codes sociaux à l'oeuvre dans la communication sociale, scolaire et non scolaire (presse, T.V...., énoncés de problèmes..., affiches des campagnes civiques, de la publicité...). Apprentissage par le développement de pratiques diversifiées de la commu­nication et par l'observation de leurs fonctionnements y sont fortement articulés.

Nous sommes ici dans le droit fil des principes duPlan de Rénovation WRP des années 70, mais la perspective s'est amplifiée, approfondie. Ainsi les apprentissages de type métalangagier sont supposés favoriser les apprentissages langagiers et surtout, plus nettement qu'en 1970, contribuer à une approche scientifique du réel.

3.2.2 - OBJECTOS DE CONNAKSANCE : LES FACTEURS DE LA VAWATION DES ACTES DIDACTIQUES

De ce point de vue, les recherches tendent à l'étude, l'observation des variations si­gnificatives des contenus d'enseignement, des modes de travail didactique des maîtres (nous reviendrons sur ces notions). Les contenus d'enseignement nouveaux, les pratiques innovantes des classes en recherche ont às'opposer à d'autres -existants - de manière ex­plicite, selon des principes définis et les indicateurs (les observables) qui les actuahsent. L'étude et l'observation des effets produits sur les comportements langagiers, les attitudes, les productions orales, écrites des élèves, n'ont de sens que s'ils sont rapportés à des faits didactiquesdûmentcernés.

L'enjeu de connaissance est de comprendre, en matière de D.F.L.M., la nature et les effets d'innovations touchant à la fois aux contenus et à la démarche d'enseignement, posés comme indissociables. Existe-t-il des seuUs, des critères pour cerner l'innovation ?

18

La modernisation des contenus sociaux, scientifiques de l'enseignement du français est-eUe bien constitutive des facteurs de réussite en français ?

Les orientations méthodologiques que nous allons présenter maintenant sont le co-roUaire de ces fînaktés et objectifs de recherche.

4. OPTIONS METHODOLOGIQUES -UNE CONCEPTION DE LA RECHERCHE- ACTION

Il n'existe pas, c'est connu, de modèle canonique de la recherche-action, mais des pratiques fort diverses : De Landsheere (1976), Barbier (1977), Thirion (1979-80), AUaI (1982),Delorme(1982)...

Ceci dit, nos recherches, en 1982, ne partent pas de rien : Romian (1979), Romian et coU. (1983). Et aussi bien, l'enquête de 1982 a-t-eUe fait apparaître une nette demande de recherche-action, manifestement induite par les recherches des années 1970. Quoi qu'il en soit des divergences entre recherches-action, nous avons pratiqué comme d'autres, des recherches coUectives en équipes interdiscipünaires, intercatégorielles. Comme d'autres, nous avons travaiUé la difficile et vitale question des articulations entre "action" "impk-quée" et "recherche" "distanciée".

Mais notre spécificité première tient au champ que nous travaillons, celui d'une di­dactique et non pas, comme il est plus courant, celui de la psychosociologie, du "travail social" (au sens étroit de ce terme : enseigner, n'est-ce pas un travail social ?). Une autre spécificité tient au fait que nous ne nous inscrivons ni dans la perspective, de type cUni-que, d'une situation particukère à transformer, ni dans l'expérimentation large de nouvelles instructions officieUes : nous tendons à constituer un dispositifpermanent de recherche en D.F.L.M. articulé à la fois sur l'innovation, la formation, la recherche en général (Romian 1979). Nous y reviendrons, à la fin de ce chapitre.

4.1 -PREVCIPES EPISTEMOLOGIQUES

La nature même de notre champ de recherche, la D.F.L.M., appelait des options de cet ordre. La logique de l'activité didactique est en effet une logique du vivant, du com­plexe, du pluridimensionnel, de l'interactif, de l'évolutif, comme celle de tout travail so­cial. La signification des faits observés ne peut donc pas se construire à partir de variables isolées en laboratoire : elle procède de constellations de variables à définir à partir de si­tuations concrètes qu'on s'est donné les moyens de traiter comme teUes.Pour connaî­tre/construire cette logique, la transformation contrôlée des contenus, de la démarche d'enseignement, des stratégies d'apprentissage constitue une approche priviliégiée. C'est dans les processus de transformation que peuvent s'observer des caractéristiques signifi­catives de l'activité didactique, et à partir de là qu'on peut définir les facteurs constitutifs de cette activité.

La transformation permet ainsi de cerner des invariants, des variations significa­tives, d'intérêt général, des modulations relevant de l'équation personnelle des enseignants. Les invariants seraient constitutifs de l'activité didactique en DFLM. Les variations signi­ficatives relèveraient de "styles didactiques" (quej'appelais "schéma théoriques" en 1979) manifestés par des préférences stables, des attitudes et stratégies habituelles qui, chez un groupe de maîtres caractérisent leurs représentations et leurs modes d'intervention en re­lation avec leur conception de leur activité et des processus d'apprentissage (définition li­brement adaptée de celle que G.de Landsheere donne des styles cognitifs). Selon M. Godeher, l'anthropologie a fait des progrès décisifs à partir du moment où eUea dépassé le stade de l'inventaire des formes de parenté (600 environ) pour les classer en fonction de

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4 types donnés. Si de teUes catégorisations avaient quelques pertinence en D.F.L.M., on devrait pouvoir relativiser certains résultats d'enquête : ce qui est vrai, touchant au style didactique dominant, l'est-il de la même façon dans des classes relevant de styles didacti­ques autres ? (Romian, 1979,1983).

Des agents impkqués professionneUement dans l'activité didactique-notamment dans ses aspects de formation des maîtres -sont, compte tenu de ce qui précède, particuhè-rement bien placés pour participer à la transformation/observation des contenus et des formes de cette activité, de par la connaissance experiencielle,reflexive qu'ils ont de classes nombreuses, diversifiées. A noter : la connaissance qu'ont acquise les enseignants dans leurpropre classe, au fil des années, comme les savoirs du chercheurextérieur au pro­cessus d'enseignement ne sont aucunement disquafifiés, au contraire. Ces trois types de pratiques, de mise à distance importent également à l'action, à la recherche et surtout à leur articulation, nécessaire au travaild'objectivation, de problématisation inhérent à la re­cherche (Mendel, 1982)

Nous sommes là dans une perspective piagétienne (parmi les référents possibles) : transformer l'activité didactique pour la connaître, la connaître pour la transformer. C'est pourquoi, méthodologiquement, nos recherches comportent trois aspects interdépendants, répondant à deux types de questions :

- que veut-on, que peut-on, que faut-il changer aux contenus et pratiques de classe pour qu'il y ait innovation signifiante et selon queUes hypothèses d'action, de recherche ? (recherche-innovation)

- qu'a-t-on effectivement changé en recherche-innovation, en quoi les contenus, les pratiques d'innovation se différencient-iLs fondamentalement, effectivement des autres ? (recherche-description) ; quels en sont les effets différenciateurs sur les compétences, les performances des élèves ? (recherche-évaluation).

Ces trois aspects de la recherche sont distincts, mais interdépendants. Première, la recherche-innovation se poursuit tout au long du processus de recherche, selon des foca­lisations successives : eUe constitue à la fois le moteur et l'un des référents des observa­tions qui fondent la recherche-description et la recherche-évaluation. On peut représenter les fonctions respectives des trois aspects de notre conception de la recherche-action par un schéma (voir plus loin).

L'ensemble procède d'une hypothèse centrale. Etant donné le rôle, connu, des fac­teurs socio-culturels, celui del'origine nationale des élèves pour expliquer l'inégahté des résultats scolaires, subsistent des différences inter- classes (toutes choses étant égales par aiUeurs). Nous posons que ces différences ne devraient pas relever fondamentalement de circonstances aléatoires telles que l'équation personneUe des maîtres, des élèves. Elles peu­vent certes relever de facteurs pédagogiques tete que l'organisation du travail, de la vie scolaires, ou la relation maître-élèves. Selon nous, elles relèvent aussi de facteurs didacti­ques, pédagogiques Ués à l'enseignement du Français. La question de savoir dans queUes proportions une modernisation des contenus d'enseignement aurait plus ou moins d'effets sur la réussite des élèves qu'une modernisation de l'organisation de la vie scolaire ne nous paraît pas susceptible d'être traitée en l'état des connaissances : personne n'ajamais rien démontré dans ce domaine. Il n'est pas sûr d'ailleurs que la question, posée de cette ma­nière, soit pertinente. Que signifierait une "rénovation" des structures d'enseignement conservant par ailleurs des contenus d'enseignementobsolètes ? Et inversement.

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4.2 CONSTRUCTION/DEFTOrriON DES BESOINS ET DE LA PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE

Ce processus s'est inscrit essentieUement dans la phase I des recherches,en re­cherche-innovation, (de 1982 à 1984) mais s'est poursuivi partiellement dans la phase H lorsqu'il s'agissait de problèmes particuherement difficiles à cerner : ainsi, notamment pour le Groupe "Variations" (chap H) Nous avons considéré que les besoins de recherche, à savoirl'expression des problèmes sociaux, scientifiques pour lesquels la recherche constitue une réponse adéquate, n'existent pas tout armés en quelque heu que ce soit : üs sont à définir/construire. D'où l'étude de la conjoncture pofitique , pédagogique, scienti­fique opérée en 1982 par voie d'entretiens, d'enquête (Romian, Ducancel, 1985), de sémi­naires ('Repères" n°60,1983). EUe nous a permis (voir plus haut), d'identifier/construire des demandes sociales de formation, de recherche, et de drainer un ensemble d'équipes, de chercheurs virtuels. A partir de là, les Groupes constitués ont pu construire des problé­matiques de recherche par des procédures qui relèvent de la recherche-innovation, essais d'innovation en classe et travail théorique y étant étroitement interdépendants.

C'est à dire que les Programmes de Recherche (n.p) qui sont à la base du travail des Groupes résultent, non d'une réflexion "en chambre" mais d'un travail de recherche, utilisant des procédures de recherche expticites, et ayant àla fois des finahtés d'action et de connaissance. A noter : les effets importants de formation à la recherche dans/par ces procédures de recherche.

Très classiquement, des programmes de Recherche impUquent un travail de construction du champ de recherche, d'expkcitation des problèmes à traiter en fonction de l'état des questions et des connaissances disponibles. Nous avons vu plus haut comment chaque Groupe a retraité la thématique de recherche issue de l'enquête par focaksations ou extension, et surtout par explicitation, théorisation. Certains y ont ajouté des enquêtes complémentaires, par exemple le Groupe "Evaluation", qui a pu dans un département ru­ral, observer les tendances dominantes des pratiques des maîtres dans ce domaine. De même, le repérage des problèmes didactiques, leur hiérarchisation -qui n'avaient rien non plus d'évident-apermis d'orienter les reformulations successives d'hypothèses.

La problématique présentée par chacun des Groupes àl'initiale (chap II, flI, IV, V) est donc, en fait, la résultante d'une phase I des recherches, à dominante exploratoire. Dans des champs didactiques mieux bahsés que la D.F.L.M., des procédures moins coûteuses sont possibles : ce n'est pas le cas du nôtre, en l'état des connaissances, et des pratiques de recherche.

4.3 CONSTRUCTION DE L'OBJET DE RECHERCHE

Cette construction s'inscrit dans une phase II des recherches (de 1984 à 1986), en recherche-innovation, qui fait l'objet du présent rapport. Mais il nous importait de l'ins­crire dans une problématique d'ensemble, dans l'espace et la durée de recherche. D'où ce chap I. Cette phase est décisive, du fait même qu'elle permet de passer d'une problémati­que d'action à une problématique de recherche impUquant un cadre théorique et des va­riables, des hypothèses de recherche, construits précisément dans/par le travail de recherche.

II importe de notre point de vue de distinguer la recherche- innovation de l'innova­tion dont eUe procède et qu'eUe induit. L'innovation implique des changements d'ordre pragmatique, plus ou moins globaux et/ou ponctuels, d'intérêt particulier ou général, le plus souvent non explicités, non théorisés, multiformes ; eUe peut être menée par des in­dividus, des équipes pédagogiques, à échelles variables : une classe, une circonscription, un département; elle donne heu ou non à diffusion, pubtication.

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UNE CONCEPTION DE LA RECHERCHE-ACTION

PHASE I. RI

Analyse ^ des demandes sociales

de la conjoncture scientifique .

Essais d'innovation

Programmes de recherche

PHASE I I . - - R l -

Mise en place de contenus, d'une démarche d'enseigne­ment/apprentissage inno­vants.

¿ t Mise au point d'un cadre 4r théorique, d'hypothèses d'action didactique.

* f Regulation de l'action der niveau d'évaluation).

RD

^ Repérage de facteurs 4 | > didactiques constitutifs de l'innovation (variables didactiques).

RE.

Repérage des effets produits sur les élèves (2eme niveau d'éva­luation).

T PHASE III

T" Rl

Poursuite de la R.l., focalisée sur les pro­blèmes apparus comme cruciaux dans la phase précédente.

<rf>

PHASE IV.-*

R l -

~T RD-

Observation et description contrastive des classes en recherche par rapport à d'autres : actualisations effectives dcs variables dans les pratiques (3eme niveau d'évaluation).

Poursuite de la R.I. focalisée sur les pro­blèmes apparus comme cruciaux dans la phase précédente.

^T -RE-

Caractérisation des classes en recherche (variables didactiques signifiantes).

RE-

C | > Observation et description contras­tive des effets des variables didactiques sur les comportements langagiers des élèves (4eme niveau d'évalua­tion).

H.R.

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La recherche-innovation, eUe, procède de problèmes didactiques d'intérêt général qu'eUe tend à exphciter, conceptuahser pour explorer les solutions, nouveUes, qu'on peut y apporter(faisabüité), vers des changements fondamentauxprogressifs, durables, contrô­lés, susceptibles d'être décrits, évalués (opérationalisation) ; elle appeUe une focalisation progressive du champ, et la problématisation des finahtés, objectifs, contenus et des prin­cipes théoriques, pratiques de ladémarche d'enseignement ; elle ne peut se menerque sur un nombre limité de classes, en équipes pluri-disciplinaires de didactique ; elle donne lieu nécessairement à diffusion, à pubhcation (communication).

Par problématisation, nous entendons d'abord le repérage de ce qui, précisément, dans le champ, "fait" problème, c'est- à-dire, selon la définition classique, un ensemble de données teUes qu'il n'existe aucune solution dans le répertoire des solutions existantes, et qu'il faut en construire d'autres. Construire ces solutions suppose qu'on puisse cerner des variables-didactiques -(nous y reviendrons) enjeu, et poser entre Variables Maîtres (V.M) et Variables Elèves (V.E) une hypothèse de relation du type : VM^-VE. Si l'on prend l'exemple du Groupe Evaluation, on est amené à poserd'abord qu 'une évaluation des écrits des élèves impliquant des aspects de contenus/démarche d'enseignement x, y, z, (V.M) a des effets x', y', z' sur des aspects donnés des apprentissages, des comportements langa­giers, des productions écrites des élèves (V.E). L'opérationalisation d'une hypothèse de ce type exige un gros travail d'essais pratiques en classe et la construction d'un cadre théo­rique.

On verra que, pour chacun des Groupes, la question du cadre théorique s'est posée dans les mêmes termes : compte-tenu du caractère pluridimensionnel des problèmes à trai­ter, aucun n'a pu se référer à un cadre tout élaboré, et chacun a dû construire son propre cadrage par "traitements" appropriés de données empruntées à des champs de connais­sance différents. Ainsi le Groupe "Evaluation", s'est trouvé dans la nécessité d'emprunter aux sciences de l'éducation, (notion d'évaluation formative), aux travaux théoriques sur l'écriture (le "travaU"d'ecriture), à la hnguistique générale (niveaux d'analyse des énon­cés) à la hnguistique textuelle (unités d'analyse), à la psycholinguistique textuelle (conduites d'acquisition du récit)... La question de la cohérence théorique d'un cadre plu­ridimensionnel de cette nature est tout aussi complexe que ceUe de sa pertinence didacti­que, et ne peut se résoudre que par un travail interdisciplinaire qui exige - entre autres -du temps devant soi. On a affaire, là, à une phase de détour par rapport aux problèmes posés, apparemment très coûteuse : comme la phase I, eUe est exploratoire, mais une exploration beaucoup plus dirigée, systématique. Ce coût élevé est la garantie de la pertinence prati­que des solutions apportées aux problèmes à traiter, et de l'intérêt scientifique de l'objet de recherche construit. Pour reprendre l'exemple du Groupe "Evaluation" le fait de se don­ner pour objet de recherche les critères d'évaluation des écrits utihsés en classe, de leurs niveaux et modalitésd'élaboration, d'exphcitation, d'utilisation est, comme on le verra, la résultante -non évidente -de cette phase II de recherche-innovation dont nous traçons ici les grandes hgnes. A noter : les phases suivantes qu'elle prépare, derecherche-description et de recherche-évaluation porteront sur une activité didactique signifiante et des aspects signifiants des comportements, des productions des élèves, décrits selon des Variables Maî­tres et des Variables Elèves expUcités. Les hypothèses peuvent, de ce fait, être suffisam­ment complexes pour ne pas réduire les faits didactiques à des constats superficiels, et suffisamment armées pour que la recherche soit faisable et aboutisse à des résultats inter­prétables. Cette phase U de recherche- innovation, outre son intérêt pratique : construire

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des solutions aux problèmes posés, a donc pour fonction de définir des objets de recherche signifiants, et pour la pratique -notamment en matière de formation des maîtres -et pour la connaissance-notamment de ce qui (se) passe exactement en classe quand on "enseigne le Français".

4.4 OBSERVATTONtoESCRIPTION DES PRATIQUES DE CLASSE

Le processus de recherche-description sur lequel est centré la phase HI des re­cherches (1986 -1988) s'enracine en fait dans la phase précédente qui a permis entre au­tres, la construction de Variables Didactiques qui seront au coeur de robservation/description des pratiques des classes en recherche et d'autres classes dont eUe sont supposées se différencier selon ces Variables, et des modalités concrètes données de ces Variables. Les Groupes ont dû, pour ce faire, se donner des méthodologies d'obser­vation participante qui garantissent la fiabilité des Variables construites. Parallèlement à la recherche-description, la recherche-innovation, focafisée sur des problèmes donnés, se poursuit : les chap. II, UI, IV, et V montrent, pour chaque Groupe, à la fin de leur rapport, cette double perspective de recherche.

Les problèmes méthodologiques qui se posent à ce niveau de recherche-description sont non moins complexes que ceux de la recherche-innovation : d'une part le champ de la DFLM n'est pratiquement pas conceptualisé, d'autre part les outite descriptifs existants ont, pour la plupart, été construits pour traiter d'autres objets de recherche-qui nous im­portent cependant, notamment la langue des enfants ou les interactions verbales, étudiées en situation scolaire ou non. Nous ne présentons ici que quelques aspects d'une probléma­tique que nous comptons développer plus avant dans notre rapport de recherche-descrip­tion, le moment venu, à l'issue de laphase III des recherches.

La conceptuaksation du champ de la DFLM appeUe, entre autres, la construction d'analyseurs des contenus d'enseignement, des pratiques de classe. C'est dans ce cadre que se situe la notion de "Variables Didactiques", qui nous est propre, et qui est issue des travaux des années 70, comme on l'a vu plus haut ; nous disions alors "Variables Pédago­giques" dans la mesure où l'accent était mis alors sur la nécessaire articulation entre conte­nus et démarche d'enseignement. Le Questionnaire d'Identification des Pédagogies du Français (Romian, Lafont, 1981) dont l'objectif, à des fins d'évaluation des pratiquesde classe induites par le Plan de Rénovation (Romian et coU, 1983), était de différencier les maîtres effectivement "P.R" de maîtres référant à une pédagogie normative et dogmati­que, qu'ils se déclarent ou non PR, sur les 48 classes observées, a été construit selon des "schémas théoriques" I, n, IH. L'outil repose sur les postulats suivants : il n'existe pas une conception et une seule des contenus, de la démarche de l'enseignement du Français ; il estpossible, à travers la multiplicité foisonnante des "arts de faire"individueLs des ensei­gnants de français, de repérerdes variables significatives d'ordre idéologique, scientifique qui correspondent à des conceptions opposables, généralement implicites, du rôle de l'é­cole dans la poktique de la langue, des langages et de la langue, des apprentissages langa­giers. Les schémas I, II, HI de l'enseignement du français expriment -théoriquement -trois ensembles organisés de choix entre ces conceptions : ih se situent respectivement dans l'ordre d'une norme unique de correction à inculquer par référence au modèle des bons auteurs, dans l'ordre de la fibre expression individueUe et coUective , née d'une organisa­tion coopérative de la vie de la classe, dans l'ordre des interactions provoquées entre des pratiques langagières orales, écrites diversifiées selon les fonctions du langage et l'appren­tissage systématique de la langue par structuration progressive des savoirs en référence au système-langue. L'ensemble"de ces schémas constitue un modèle d'analyse des pratiques

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effectives des classes : ii n'y a donc pas d'isomorphie entre teUe classe concrète et tel sché­ma, même si un certain nombre de classes, probablement en nombre umité, peuvent ré­pondre à une dominante de style I, U, HI. D permet de repérer, situer les choix, les présupposés des maîtres, et par là d'évaluer leur cohérence didactique.

Le traitement des données recueiUies à partir du QIPF a été effectué selon 9 dimen­sions, ou variables pédagogiques, plus ou moins différenciatrices des maîtres observés, les plus différenciatrices étant, comme nous l'avons signalé plus haut : des référents, situés dans l'ordre linguistique ou celui de la norme de correction, la diversification (ou non) des fonctions du langage impkquées dans les activités de communication orale, écrite, la prise en compte ou le refus de la variation langagière (posés à ce moment-là en termes de regis­tres de langue).

En tout état de cause, nous avions là la confirmation d'intuitions pédagogiques concernant l'importance de l'articulation contenus/démarche d'enseignement : les varia­bles didactiques sont à construire non pas au niveau de choix conceptuels, techniques ponc­tuels, fussent-ils opérés à propos de la grammaire, mais au niveau des options d'ordre idéologique, linguistique, psychologique, sociologique et, bienentendu didactique suscep­tibles de déterminer des "styles" de référence. On peut, à partir de là se demander si les ré­sultats peu probants ou contradictoires obtenus lors de l'évaluation des effets de méthodes de lecture données ne sont pas dues au fait que la "Variable Pédagogique" prise en compte est soit trop globale (type : pédagogie rénovée), soit trop ponctuelle.

Le travail entrepris sur les "variables didactiques" a permis, par ailleurs, dans les années 1975, de construire des outils de conceptuahsation de champs donnés de l'ensei­gnement du français : descriptifs théoriques des pédagogies de la lecture/écriture au CP. (Romian et coil, "Recherches Pédagogiques" n°116, 1983), des pédagogies de l'écrit au CM ("Cahiers du CRELEF' n°12, 1981). S'y ajoute le descriptif théorique (Ducancel, 1980, a,b) et l'étude des différentes conceptions des maîtres quant à la relationFran-çais^Bveil (Ducancel, 1980, c, d). Ce travail de modélisation avait pour fonction de poser les fondements théoriques de la construction d'outUs d'observation des classes, et de ser-vird'outil de formation des maîtres. Dans les mêmes années, M.Lesne, au CNAM (Lesne, 1977) coastruisait des modèles d'analyse des relations des enseignants au savoir, au pou­voir. Dans les mêmes années, M.Postic (Postic, 1977) posait qu'il importe de se donner les moyens d'observer, non pas des comportement ponctueLs difficilement interprétables, mais l'articulation des conduites pédagogiques. Pour comprendre ce qui se passe en classe, il importe de "découvrir les modèles imphcites, les normes introduites, les processus d'in­fluence et d'étudier la fonction des représentations dansl'orientation des comportements". Il pose ainsi que la représentation qu'il (enseignant) a de sa profession, de sa fonction de la matière qu'il enseigne, la représentation qu'il a de l'école, de l'élève, l'amène à opter et à agir selon une certaine intention.

En ce qui nous concerne, si l'arrêt de nos recherches en 1980 devait empêcher le passage prévu du descriptifthéorique aux outils et opérations d'observation des classes, le démarrage de nouvelles recherches en 1982 offrait un terrain possible d'utifisation des ac­quis.

L'acquis fondamental, à souhgner ici, que nous reprendrons en allant au delà, dans la phase IU de la recherche, concerne donc la nature des Variables Didactiques. Nous les situons du côté des représentations, des opinions, des attitudes des maîtres, des informa­tions, des conceptions théoriques dont ils disposent à l'égard de la pohtique de la langue et de l'école, de la communication sociale en général et verbale enparticuuer, des appren­tissages langagiers. EUes ont à rendre compte des caractéristiques et des propriétés de l'ac­tivité didactique.

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Tout le travail sur les Variables Didactiques, à poursuivre, confirme s'il en était be­soin, l'inadéquation des outUs d'observation existants à nos objets d'étude : qu'il s'agisse de griUes d'observation (type Flanders, Bayer) ou d'analyse de discours scolaires (type Sinclairet Coulthard), d'analyse de conversation (type Roulet), ou même d'analyse d'in­teractions verbales en classe (type Bouchard), elles ne peuvent apporterde réponses qu'aux questions d'ordre psycho-pédagogique ou psycho-social, d'ordre linguistique qu'elles po­sent. Nous pouvons nous en inspirer, non les utihser telles queUes. Des outUs spécifiques seront à construire.

Donnons ici pour terminer ce point, une conclusion provisoire sans préjuger de la phase III de la recherche. La recherche-description de l'activité didactique, aspect souvent escamoté des recherches menées en milieu scolaire, comme si l'activité des enfants était seule à étudier, devrait constituer une dimension à part entière des recherches en D.F.L.M. L'observation participante en situation de recherche-innovation, comme l'observation à distance à l'aide d'outils d'observation y ont leur place. De même le travail de modéüsa-tion du champ, qui fonde l'observation des classes, et qui en découle, sans lequel l'inter­prétation des observations opérées demeure, le plus souvent, problématique. Le fait que nous ayons insisté ici sur cet aspect n'indique aucunement que nous considérions qu'il est le seul (Romian, 1984). De toute façon, comme on le verra dans les chapitres suivants où les Groupes évoquent les processus de construction des Variables Maîtres pour ce qui les concerne chacun, ce travail de conceptuahsation/modélisation de l'activité didactique est impensable sans l'observation directe de classes nombreuses et diverses. Notre insistance ici est fonction de l'importance de la notion de Variables Didactiques dans la phase U des recherches sur laquelle ce rapport est centré : c'est dans/par le travail de cette phase II que ces Variables, pour l'essentiel, sont construites.

4.5. EVALUATION DES EFFETS DES CONTENUS, DEMARCHES D'ENSEIGNEMENT/APPRENTISSAGE SUR LES COMPORTEMENTS, LES PRODUCTIONS DES ELEVES

Cet aspect de l'évaluation, qui dominera dans la phase IV (1988-1990), n'est pas le tout d'une évaluation qui se veut avant tout formative donc continue (Romian, 1984) Les modaUtés d'évaluation continue des recherches sont très diverses, compte-tenu de la polysémie du terme, et des critères d'évaluation considérés.

Nous citerons ici pour mémoire des modalités longuement décrites aiUeurs (Ro-mian, 1979) : modatités d'évaluation continue internes aux recherches, par le canal de la pluridicipunarité des équipes, des Groupes, de leur caractère intercatégoriel (voir leur com­position en Annexe des chapitres II, IH, IV, V), par le canal des séminaires, des réseaux locaux, régionaux ou nationaux qui permettent l'échange, le débat scientifiques ; modaU­tés d'évaluation continue externes aux recherches, par le canal des interventions, des com­munications dans des instances de formation des maîtres, des instances de recherche (sessions de formation ou coUoques, séminaires locaux, départementaux, régionaux, na­tionaux, internationaux), par le canal des publications (revue des Groupes de Recherche "Repères", pubfications DSTRP de type "Recherches Pédagogiques", "RencontresPédago-giques", contributions à des revues ou publications autres...).

Une dimension, importante, de l'évaluation des recherches, existe d'une certaine manière, dans la recherche- description, du fait que celle-ci tend, entre autres, à voir dans queUe mesure les options didactiques définies passent effectivement dans les contenus en­seignés, dans la démarche d'enseignement/apprentissage. Parallèlement, on ne peut pas ne pas chercher à repérer, dans la recherche-innovation,les effets produits sur les élèves : on trouvera des aspects de ce type d'évaluation dans les chapitres suivants.

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Cela impüque d'avoir, avant que la phase IV des recherches centrée sur l'évalua­tion systématique de ces effets ne soit mise en place, un certain nombre d'options, en pers­pective, qui sont le moment venu, remises en question, modifiées, complétées. L'option majeure, nous l'avons vu plus haut, va dans le sens d'une évaluation continue permettant des rétroactions sur la recherche-innovation. Dans cet ensemble, la phase d'évaluation sys­tématique, à distance, n'est pas plus et pas moins qu'une approche parmi d'autres, qui se­rait d'aiUeurs plus sommative que formative. Cette phase est d'ailleurs d'une redoutable difficulté : si nous pensons qu'une évaluation selon une(des) variables isolé(es) et des in­dicateurs simples, quantifiables, dans un champ ponctuahsé, n'aurait pas grande pertinence pratique, scientifique, personne n'a beaucoup avancé, en DFLM, sur les problèmes posés par l'évaluation des effets d'ensembles significatifs, donc complexes, d'innovationstou-chant aux contenus, à la démarche d'enseignement/apprentissage.

De ce point de vue, nous en restons globalement aux positions issues de l'essai d'é­valuation des années 72 (Romian et coll., 1983). Il s'agit essentieUement de confronter les hypothèses à des jugements de réatité : les objectifs d'apprentissage sont, ounon, ou par­tiellement atteints, en relation avec teUe et/ou telle Variable Didactique. L'important n'est pas de démontrer l'exceUence de tel style didactique, mais decomprendre la signification des contenus, des pratiques d'enseignement dans l'optique des apprentissages réalisés par les élèves, des savoirs effectivement intégrés, des différenciations constatées ou non par rapport à d'autres classes référant à d'autres styles didactiques. Des résultats négatifs ou peu probants ne seraient pas nécessairement, en l'état des problèmes d'évaluation, de na­ture à infirmer les hypothèses. On peut mettre en cause les modalités d'évaluation adop­tées au moins tout autant, sinon plus, que les hypothèses.

Ce que nous savons, d'expérience, c'est l'importance du facteur-temps : 18 mois après la mise en place de la recherche-innovation autour du Plan de Rénovation, 1/3 seu­lement des maîtres des classes expérimentalesmanifestaient une forte intégration des op­tions de ce Plan. Il importe de se donner letemps et les moyens scientifiques de savoir ce qu'on va, exactement, évaluer : quete effets ? de quoi ? sur quoi ? Ce qui est vrai des maî­tres l'est, tout autant, des élèves. De ce point de vue, nos options didactiques impkquent un travail en profondeur, tourné davantage vers les compétences constitutives de la com­pétence de communication que vers des performances ponctuelles de type syntaxique, or­thographique. CeIa n'exclut pas ces dernières, mais invite à les situer dans un ensemble, à construire là aussi un modèle d'analyse (qui n'existe pas, tel quel). Ceci étant, le dévelop­pement des travaux de linguistique textuelle, de psychohnguistique, de sociolinguistique évoqué plus haut, l'avancée des travaux sur la compétence de communication ou le déve­loppement des capacités métatinguistiques, vont nous apporter une aide considérable dans l'élaboration de ce modèle, en nous aidant à dépasserle niveau des énoncés phrastiques pour aller aux niveaux des textes, des discours, des situations de communication, et pour les aborder dans une perspective d'acquisition sans doute transposable à des problèmes d'apprentissages en situation scolaire.

Resterait un dernier mode d'évaluation de nos recherches : l'évaluation des effets sociaux produits, dans le cadre du dispositif même de recherche, àl'extérieur du disposi­tif. De nombreuses questionsse posent : quels sont les effets locaux, départementaux, ré­gionaux, nationaux du travail des équipes, des Groupes de Recherche ? comment sont-ik perçus, utilisés par les instances institutionneUes (Ecoles Normales, circonscriptions, ins­pections académiques, missions académiques à la formation, rectorats, ministère de l'Education Nationale...) ? comment sont perçues, utiksées les productions de recherche ? quete sont les effets de formation, de transformation des pratiques professionneUes qui se produisent dans le cadre du dispositif de recherche, et qui diffusent à partir de là et par

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quete canaux ? en particulier queUes relations se construisent, dans le travail des forma­teurs de maîtres, entre formation et recherche, et inversement ? quels sont les types de pro­duction et les modes de diffusion des produits de la recherche qui répondent le mieux aux besoins de la formation ? Autant de questions d'importance qui justifieraient largement une recherche socio^Udactique qui porterait sur les relations existantes/susceptibles d'ê­tre construites entre recherche et formation.

En somme, l'exigence d'une évaluation formative des recherches, organisatrice de la recherche-évaluation devrait se traduire par des aspects pluriels, dansl'ordre de l'utili­té sociale et de la scientificité. En l'état des connaissances dans le champ, comme la re­cherche-innovation et la recherche-description, elle revêt un intérêt nettement exploratoire, heuristique.

Dans le chapitre VI, nous nous attacherons à montrer sur quete points, à partir de ces bases, nous avons particutièrement avancé.

5. LE D I S P O S m F DE RECHERCHE

Nous y avons touché déjà, dans la mesure où le dispositifde recherche tel que nous l'avons conçu constitue à la fois le moyen de réakser les optioas de recherche évoquées et une finalité d'action. Nous voudrions en faire, pour terminer ce chapitre, une présentation synthétique.

Le dispositif, avons-nous dit, a été constitué par un large appel d'offres (l'enquête de 1982 sur les besoins de recherche) : y ont été intégrées, les personnes, les équipes dont les projets ont permis de définirla thématique issue de l'enquête. Soit une quarantaine d'é­quipes d' Ecole Normale, de circonscriptions, et une dizaine d'universitaires. Une bonne partie d'entre eux n'avaient pas ou peu d'expérience en matière de recherche en didacti­que, certains avaient une expérience de recherche dans d'autres disciplines (sociotinguis-tique, sémiotique...) Une teUe situation -voulue^st à la fois source de problèmes, de par l'hétérogénéité des attentes, des expériences, et de richesse : cette diversité est, sans doute l'une des conditions favorables à la formation dans/par la recherche sur les fieux mêmes du travail didactique qui est l'un des objectifs. U y faut du temps, c'est certain. D'où une programmation dans le temps nettement plus longue que les programmations habitueUes dans le monde de la recherche. Le fait que la plupart des agents concernés soient des for­mateurs de maîtres -ou le soient devenus -tient aux choix qui avaient orienté l'enquête de 1982, et qui en ressortaient. L'objectifd'action est, en effet de constituer un dispositifper-manent, évolutifde recherche- action en DFLM dont la fonction serait d'actuaUser l'en­seignement du français dans les classes materneUes, élémentaires et la formation des maîtres ; en relation, bien évidemment, avec les instances institutionneUes qui ont cette ac­tualisation en charge, notamment l'tospection Générale de la Formation des Maîtres, la DirectiondesEcolesduMinistèredel'EducationNationale.

Un tel dispositifrépond, selon nous, aux caractéristiques suivantes : - il tend à inclure une masse critique d'équipes de terrain, de chercheurs, suffisante

pour répondre à la complexité de la D.F.L.M., et hmitée cependant pour répondre à des exigencesd'efficacité;

- ils'inscrit dans les réseaux de formation initiale, continue des formateurs de maî­tres, en relation avec ces réseaux : l'apport des formateurs à la recherche est irremplaça-bledepar leur connaissance distanciée de classes nombreuses, diverses,et de par les problématiques qu'ils ont à construire pour les besoins de la formation ; l'apport de la re­cherche aux formateurs est précieux, tendant à transformer leurs attitudespédagogiques : d'une attitude prescriptive axée sur une norme de la "bonne" manière d'enseigner, à une

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attitude descriptive axée sur la caractérisation des choix didactiques, l'expücitation, la ra-tionaüsation de ces choix.

- il s'articule aux équipes derecherche en sciences du langage, sciences de l'édu-cation susceptibles de constituer des lieux de débat scientifique, de critique constructive ; ainsi notre "Comité Scientifique" comprend des chercheurs dont les travaux nous concer­nent au premier chefet dont l'ouverture à la D.F.L.M. est attestée : Michel Brossard et Mi­chel Fayol (psycholinguistique), Frédéric François (psycho, sociolinguistique), Jean-Baptiste Marcellesi (sociolinguistique), Louis Legrand et Viviane lsambert-Jamati (philosophie et sociologie de l'éducation), Jean Peytard (Unguistique)

L'expérience a montré l'efficacité d'un dispositif de recherche de ce type : - au plan scientifique, d'une part il suscite des interactions positives entre les re­

cherches en DFLM et les recherches menées dans des champs théoriques comme les sciences du langage, les sciences de l'éducation ; d'autre part, il inclut des Ueux de débat, de contrôle pluriels, qui soient à la fois suffisamment empathiques et suffisamment à distance pour permettre une réelle évaluation continue

- au plan pratique, il offte, entre autres, un fieu de formation permanente à l'inno­vation, un mode d'intégration d'universitaires à des équipes de formateurs de maîtres et, inversement de formateurs de maîtres à des équipes d'universitaires, un Heu de formation continue des formateurs de maîtres, tout à fait irremplaçables.

En somme, un dispositifde recherche ainsi conçu offre un lieu de "mediation"ne-cessaire entre le terrain des pratiques enseignantes et celui des pratiques de recherche. Il constitue par là un "mode d'embrayage" de la recherche sur la pratique des classes -par le canal d'équipes de formateurs-chercheurs -particuhèrement efficace.

Làréside sa raison d'être : véritable "laboratoire social", il s'inscrit à la fois dans le court et le moyen terme. Dans le court terme, il travaiUe dans le tissu social même, à la transformation des contenus, des pratiques de classe : d'une part dans le cadre du disposi­tifde recherche, d'autre part hors de ce cadre par divers canaux de diffusion : la formation des maîtres, les publications notamment. Dans le moyen terme, il peut constituer un outil de prospective et par là même d'évaluation (formative) des contenus sociaux et scientifi­ques des pratiques d'enseignement. Le fait qu'un tel outil soit plus ou moins bien utihsé dépend, c'est certain, de la politique d'éducation en général, de la pohtique de la langue en particulier, des conceptions dominantes en matière d'enseignement du français...

BIBLIOGRAPHDE REFERENTBELLE SELECTIVE

Cette bibliographie regroupe des référents qui, d'une manière ou d'une autre, éclai­rent la problématique didactique, les options de recherche présentés dans le chapitre I, et elaboreesentrel982etl984.

Soit qu'ils les aient partieUement induits, par opposition, intégration ou "retraite­ment". Soit qu'ils aientpu, aposteriori, les rencontrer.

Nous n'avons pas, dans ce chapitre, dissocié nos propres productions des autres : à partir du moment où eUes sont pubtiées, eUes constituent l'une des sources de référencia-tion possibles des recherches dont eUes sont issues, à une phase antérieure du processus.

Les notes bibtiographiques du chapitre VI, qui conclut nos rapports, montrent à la fois, des enracinements constantset des évolutions, historiquement datés, parrapport à la bibliographie qui suit.

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II. VERS UN TRAITEMENT DIDACTIQUE DE LA VARIATION LANGAGIERE

Jacques TREIGNIER

I -DE LA PRKE EN COMPTE DES DttTERENCES ENTRE EN­FANTS AU TRAITEMENT DmACTIQUE DE LA VARIATION LANGAGffiRE

1.1 - L'AMONT DU PROGRAMME DE RECHERCHE

(J. Treignier)

1.1.1 - Les propositions du Plan de Rénovation Le Plan de Rénovation (IPN, 1970) est imprégné des acquis scientifiques disponi­

bles pour la recherche pédagogique que sont les acquis de la Unguistique saussurienne et post saussurienne, ceux de la socio-linguistique bernsteinienne, ou du moins la lecture qui en est faite à l'époque. Puis, sous l'influence des résultats de l'expérimentation mais aus­si grâce à la diffusion des apports continus et renouvelés des sciences humaines qui sont connexes au champ de la recherche pédagogique, les hypothèses de travail et les référents théoriques du Plan de Rénovation vont évoluer. Déjà, dès 1970, celui-ci mentionne, (IPN, 1970, page 6) que la "communication est toujours un acte complexe dans lequel interfè­rent sans cesse des composantes linguistiques, sociologiques ". Ce brefrappel qui, dans le Plan, ne fonde explicitement aucune pratique de classe décrite, trouvera dans les travaux et pubkcations ultérieurs matière exemplification.

Ainsi l'ouvrage coUectif(Francoise Sublet et autres, 1982, page 20), "Poésie pour tous" , met en évidence que le langage est investi par l'imaginaire social et individuel : un miroir de l'homme s'exprimant dans ses pouvoirs sur la nature, un moyen de connais­sance par lequel la langue prend corps et traverse les territoires réunis du réel et de l'ima­ginaire, cet autre réel.

En 1978, on peut percevoir dans le livre "Vers la liberté de parole" (Francine Best,1978), une évolution des référents : des niveaux de langue vers des registres de lan­gue, organisés fonctionneUement et socialement. Cette évolution amorce la problématique actueUe du groupe en interrogeant la Norme ; c'est ainsi que Francine Best, (1978, page 33), écrit : " Le maître crée, organise les situations de communication et n'intervient pas ici au nom d'exigences normatives . Si contrainte il y a, il s'agit de contraintes institu-tionneUes... (On ne parle pas à une marchande, dans le jeu-situation du même nom, comme on parle en cour de récréation ; on ne discute pas de la télévision à table avec le même re­gistre de langue que celui dont on se sert pour décrire des arbres et des papiUons e tc ." .

II s'agit là d'un effort pour distinguer dans la situation de communication le social hiérarchique, au sens où l'entend Hagège, ( 1982), des autres contraintes autour desqueUes il y a foc2disation. Cette évolution est confirmée dès la pubkcation de "Et l'oral alors ?" qui se réfère expficitement aux acquis de la sociohnguistique ainsi qu 'en témoigne le som­maire de l'ouvrage : (Claude Brunneretautres, 1985) : "La sodohnguistique de Labov", "EveiUer aux parlers régionaux", "Parler Occitan". Tels étaient les acquis de la précédente période de recherche. La présente recherche a pris en compte ces acquis, mais eUe a éga­lement intégré à sa réflexion, les grandes hgnes des résultats de l'enquête effectuée en 1982.

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1.1.2. - L'échec encore : l'enquête de 1982 Du Plan de Rénovation des années 1970 à l'enquête de 1982 sur les besoins de re­

cherche en matière de didactique du français langue materneUe, une même option finaUse l'enseignement du français : la réduction de l'échec scolaire. Pour certains des enquêtés, il s'agit d'un abord différentiel, présenté comme une tentative pour remédier à l'hétérogé­néité du public, identifiée comme la cause principale du malaise enseignant et de l'échec scolaire. Les hens entre formation linguistique, psychoUnguistique, et didactique du fran­çais sont fort peu évoqués. En revanche, pour d'autres qui se réfèrent aux conceptions bernsteiniennes ou laboviennes de la variation sociolinguistique, il s'agit de définir des pratiques didactiques qui prennent en compte une réflexion sur la variation et sur la Norme.

l.L3. - De nouvelles orientations La problématique du Groupe a évolué d'une optique différentielle de prise en

"compte positive des différences" entre enfants (INRP, 1982) à une centration sur la va­riation en tant qu'élément constitutif et moteur du fonctionnement du langage, (INRP, 1984).

Cette évolution a permis de résoudre tout ce que les premières rédactions du pro­gramme du Groupe pouvaient avoir de contradictoire et de flou. Comment articuler un abord psychohnguistique des différences conçues comme écart à la moyenne, (Norme ?), et leconcept socioUnguistique de variation ? Après l'abandon d'une "recherche pédago­gique sur la prise en compte positive des différences cultureUes et langagières de tous or­dres" (intitulé de la première version du programme), le Groupe a centré sa problématique sur les thèses de la linguistique sociale. Il a ainsi abouti à la dernière version du programme, qui a bâti son opérativité sur l'innovation contrôlée de pratiques didactiques prenant en compte la variation langagière d'ordre social, ethnique et régional, (INRP, 1984).

La genèse du programme s'est donc opérée à travers une suite de mises en cohé­rence théorique, de recentrations didactiques, de focalisations heuristiques. La didactisa-tion croissante de la problématique se marque par l'abandon du terme "pédagogique" trop polysémique et trop large, et une réflexion sur la variation en tant qu'objet d'enseigne­ment/apprentissage. La sélection dans les théories socio-psycho-linguistiques s'est opérée au profit d'une socioUnguistique fonctionnaliste (Vargas, 1987).

Ces deux mouvements ont eu des conséquences heuristiques sur la définition de l'objet de recherche en termes de faisabilité, de cohérence intrinsèque et extrinsèque. Hs ont abouti à ne retenir des besoins de recherche que ce qui avait trait :

- aux problèmes de variation fonctionnelle : maîtrise par les enfants des discours autres que littéraires et narratifs : par exemple mathématiques, technologiques, scientifi­ques;

- aux problèmes de diglossie socioethnique et sociorégionale : maîtrise et connais­sance par les enfants de la variation langagière. Cette sélection a eu des effets visibles sur l'évolution des champs théoriques de référence, sur les synthèses nécessaires.

1.2 - L'EVOLUTION DES REFERENTS THEORIQUES

(Claude Vargas)

1.2.1 - Une problématique évolutive Dès les années 1970, le "Plan de Rénovation de l'Enseignement du Français à l'E­

cole Elémentaire" flPN, 1970), bienqu'imprégné des théories structuraüstes de l'époque (H1N, 1970, p. 10), des théories fonctionnaüstes élaborées autourde la notion de commu-

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nication aPN, 1970, P. 6) et de situation (F. Best, 1978, chap. 1.4), laissait déjà apparaître que le langage n'étant pas uniquement régi par les composantes linguistiques, les autres composantes devaient être prises en compte : "Sans entrer dans un débat théorique, rap­pelons cependant... que ki communication est toujours un acte complexe dans lequel in­terfèrent sans cesse des composantes linguistiques,psychologiques, sociologiques. " (U>N, 1970,p.6).

En ce sens, la présente recherche se situe dans la continuité du Plan deRénova-tion : la première version du programme de recherche du Groupe GNRP, 1982) désignait déjà comme objet d'enseignement/apprentissage, le langage en tant qu'il est soumis à des déterminations d 'ordre situationnel, social, régional, psychologique, physiologique.

Ceci explique que le Groupe se soit d'abord dénommé : " Différences". Ce concept renvoyait à la fois à la méthodologie de la psychologie différentieUe utiüsée en psycholin­guistique (analyse différentielle inter-individus) et à la méthodologie de la sociologie uti­lisée en socioknguistique (analyse contrastive inter-groupes).

Le champ trop vaste de la recherche, ainsi que la trop grande complexité de l'objet d'apprentissage/enseignement, a nécessité un recentrage. Recentrage pédagogique dans la mesure où la recherche s'est focafisée sur les pratiques pédagogiques liées à la fois à la re­définition du langage en tant qu'objet d'enseignemen^apprentissage et à la réahté des pra­tiques, attitudes et acquis langagiers des enfants à leur entrée à l'école.

Cette focalisation s'est opérée à partir de l'analyse critique des concepts de la Un-guistique sociale du GRESCO de Rouen (J.B. Marcellesi, 1976-1986, MarceUesi et Gar-din, 1974), de la knguistique scolaire (CH. Marcellesi, 1976- 1986 : Gardin et al. 1980 ; F. François, 1980 a, etc.) et de la linguistique fonctionnelle (en particulier, F. François, 1980 b), analyse empruntée en grande partie aux travaux de C. Vargas pour sa thèse d'E­tat (Vargas, 1987 b). Au cours de cette phase, le Groupe s'est appelé "SOCIO" avant de se dénommer définitivement "VARlA". "VARLV comme variation : la variété est consti­tutive du langage où se reflètent et s'affrontent les diversités sociales, régionales, ethni­ques ; les différences de génération ; où s'expriment les tensions, les conflits (MarceUesi et Gardin, 1974, p 147), les désirs de paraître des groupes et des individus (W. Labov, 1976, p. 189 sq.). La variété est un fait empirique. La construction de relations, toujours com­plexes, partielles et évolutives entre les variables linguistiques et les données extra-hnguis-tiques transforme la variété en variation. La variation linguistique est une construction du finguiste, destinée à rendre compte scientifiquement des phénomènes empiriques.

Le nouveau changement d'intitulé de la recherche a correspondu à un souci de conti­nuer à se référer aux problématiques et méthodologies de la sociolinguistique, mais aussi à un souci de centrer davantage encore la recherche sur les savoirs langagiers à enseigner, les savoirs enseignés et les acquis des enfants. De la "Prise en compte positive des diffé­rences socio-cultureUes en relation avec la variationdes pratiques langagières" au " Mode de gestion pédagogique, plurinormahste de la variation des pratiques langagières", puis à une "Didactique de la variation", la genèse du programme s'est opérée par focaksations successives tant au plan des outUs conceptuels empruntés à la socioUnguistique qu'à celui de la problématique didactique de la recherche.

En choisissant comme thème de recherche la mise en oeuvre et la définition d'une didactique de la variation, le Groupe " VARLV était conscient de s'aventurer dans un champ encore largement en friche, où il rencontrerait des difficultés nombreuses et com­plexes. Les évolutions, tâtonnements, inhérents à toute recherche ont abouti aux choix et aux avancées qui sont présentés ici. Ils ont été retenuspar le Groupeparce qu'ite apparais­saient les plus significatifs tant au plan sociolinguistique que didactique.

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1.2.2 - Le cadre théorique du programme Ainsi que nous l'avons dit, le cadre théorique du Groupe est une construction qui

procède pourressentiel du cadre théorique de la thèse d'Etat de C. Vargas (Vargas, 1987b). Nous retiendrons quatre points principaux.

A - La conception de la langue Selon les conceptions traditionneUes, le langage est soit un simple moyend'expres-

sion de la pensée, dans la tradition de la Grammaire Générale héritée de Port-Royal, soit un moyen d'analyse de la pensée, les langues étant alors considérées comme des "mé­thodes", dans la tradition de la grammaire philosophique héritée de Condillac (C. Harnois, 1929) et, au-delà, de Bacon et Locke. Les fostructions OfficieUes de 1923 (B.A., 1923) et de 1938 (J.O., 1938), en particuUer, reposaient sur ces conceptions qui, en inscrivant l'ac­tivité langagière dans le ciel de la logique universeUe, l'excluaient -du moins en apparence -du champ des relations et des enjeux sociaux.

Le Plan de Rénovation (I.P.N., 1970) rompait avec cette tradition en adoptant le point de vue de la Unguistique, et faisait de la communication la fonction fondamentale du langage, tout en donnant à cette fonction un ancrage social avec les notions de situation de communication et de registres de langue Ués aux situations. La notion de registre a depuis fait l'objet de critiques de la part des Unguistes (en particulier, D. François, 1976).

Le programme du Groupe Variations, rédigé en 1984, se plaçait, avons-nous dit dans la lignée du Plan de Rénovation, mais en intégrant les avancées de la recherche lin­guistique. Centré sur la variation langagière, il substituait à la notion de registres le concept de normes (Labov, 1976 ; A. Rey,, 1972), prenant en compte des manifestations et des ef­fets (représentationsJugements de valeurs, comportements langagiers), dans une concep­tion de la langue qui substituait au système unificateur structuraliste, la distinction entre un code commun assurant l'unité (qui n'est pas le discours de Monsieur Tout-le- Monde), mais une réatité structurale, composée aux différents niveaux de structuration linguistique des éléments hnguistiques communs aux membres d'une communauté : oppositions pho­nologiques teUes que /i/-/y/, règles syntagmatiques telles que la place de l'article,... (F. François, 1980a ) et un code dominant, apanage des couches cultureUement hégémoni­ques, selon la définition de J.B. MarceUesi, 1976, mais aussi d'autres codes dominés ou opposés, fondant la variété Unguistique. Un pas de plus était fait pour intégrer la dimen­sion sociale du langage.

B - La conception interactionnelle de la communication La prise en compte effective au cours de la dernièredécennie des travaux de Aus­

tin et Searle, de Bakhtine et Volochinov, de Hymes, etc. a développé au sein de la linguis­tique le courant de la pragmatique et a modifié la conception linguistique de la comunication : non plus simple échange d'informations entre des individus interchangea­bles hors situation, mais interaction entre des êtres sociaux, au cours de laqueUe on se pro­tège (Gofman, 1982), onménagel'autre, onchercheàle seduire,ale convaincre,al'abuser, à le dominer, on l'agresse, on se soumet, etc.

La.mise en mots d'un message ne se réalise pas par la simple apptication des règles - chomskyennes ou non - de la langue, mais largement par la reprise, la modification, le rejet de codages déjà-là (F. François, 1980 a), énoncés ou fragments d'énoncés qui circu­lent dans la société et peuvent être surdéterminés politiquement, idéologiquement, symbo­liquement, etc. et jouer ainsi un rôle important dans l'interaction.

Le rapport entre la variation Hnguistique et les données extra-linguistiques n'est pas mécaniste. La situation, par exemple, n'étant plus conçue comme une donnée entièrement objective, mais pour une part, comme une construction des participants, pose l'interroga-

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tion nouveUe de sa fonctionnaüté tinguistique : quels éléments reconnus- construits parles protagonistes sont pertinents poureux dansl'interaction communicationneUe ? Pour un té­moin ? A partir de là, quels effets sur les maniements Unguistiques ? Ou, inversement, queUes situations les maniements linguistiques observés permettent-Us de (re) construire? Ce qui nous conduit au point suivant.

C. La notion de fonction sociolinguLstique (C. Vargas, 1987 b, pp. 53-75)

Martinet a construit une description fonctionnelle du langage fondée sur le rôle cen­tral de la fonction de communication situationnellement autonome (Martinet, 1970). Dans ce cadre, Frédéric François oppose la norme fonctionnelle : ex. l'opposition morpholo­gique singulier/pluriel) et la surnorme (non fonctionnelle du point de vue de la commu­nication linguistique et ne servant que de marque de reconnaissance sociale : ex. "D eût faUu que tu vinsses") (F. François, 1975). A partir de quoi, on peut considérer que le code commun constitue la base -mais non la totalité -de la norme Unguistique fonctionneUe, et on peut corréler largement la surnorme au code dominant.

Dans le cadre d'une conception interactionneUe de la communication, il ne s'agit plus seulement par l'opération de sémantisation, de construire le sens (à partir de ses seules connaissances du monde et de la langue) d'un énoncé (une suite de phrases), mais d'articuler cet énoncé sur la situation pourl'ériger en discours et, par l'opération d'inter­prétation , d'en construire la signification ( rapport entre le sens linguistique et les don­nées situationnelles : Qui parle ? Pourquoi dit-il cela ? etc.).

Les éléments constitutifs de la surnorme ayant fondamentalement une valeur so­ciale, ils ont un rôle àjouer dans l'interprétation d'un discours : leur fonction est non seu­lement sociale mais sociotinguistique. Face à la norme linguistique fonctionnelle existe la norme socioUnguistíque fonctionnelle. De ce point de vue, on ne parlera pas de Code dominant, dominé ou opposé, mais de Norme dominante, dominée ou opposée (ou contre-norme).

D - L'analyse textuelle L'analyse textueUe doit viser la(les) fonction(s) des discours et des codages, oraux

et écrits, en prenant en compte les différentes composantes situationnelles : les relations intertextueUes, les relations interlocutoires et les conditions de communication, pour re­prendre la typologie de C. Vargas 1987 b :

" Les phénomènes interactifs à l'oeuvre dans une communication constituent la si­tuation de communication, que l'on peut tenter d'analyser en trois composantes fondamen­tales :

- l'intertexte, constitué par la masse des énoncés déjà- là et les différents cadres de mise en mots (explication, définition, instructions, etc.) ;

- l'interlocution, qui concerne le projet du locuteur et l'attente de l'interlocuteur, leur vision de l'autre et de leur rapports ;

- les conditions de communication, qui regroupent les autres composantes de la si­tuation, teUes que les interlocuteurs les perçoivent, les construisent ou les subissent incons­ciemment dans la reproduction spontanée d'attitudes cultureUes. / . . / ' (p. 32).

Cetteanalyse consiste, àpartir d'un premierrepérage de la fonctiondominante d'un discours (fonction dominante référentielle ou pragmatique, éventueUement poétique, mé-taknguistique, ludique, etc.), à déterminer la fonctionnalité des codages linguistiques, paralinguistiques et)ou sémioUnguistiques mis en oeuvre : sont-Us fonctionnels, c'est-à-dire contribuent-ils à réaliser la fonction dominante du message -éventueUement, manifes­tent-Us d'autres fonctions (par ex., codages dont la fonctionnalité se détermine au plan

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pragmatique dans des textes à dominante référentieUe, tels que les encyclopédies pour en­fants ; usages de termes régionaux dans un discours didactique, etc.)-. Ensuite seront cher­chées les fonctions plus précises des codages dans le champ de leur fonctionnante (opérer des masquages, postuler des évidences, étabür des relations polémiques ou symboliques avec d'autres discours, des relations de connivence ou d'exclusion avec l'inteiiocuteur ou le témoin, etc.)

L'analyse contrastive des textes conduite sur ces bases doit permettre de fonction­naliser la variation tinguistique, saisie à travers la régularité-diversité des codages de la mise en mots (régularité, par ex., pour un genre donné, tel que l'énoncé de problème ma­thématique pour lequel on observe une large reprise à travers les manuels de certaines or­ganisations textuelles (pseudo-histoire + question(s), de certains choix morphologiques (usage quasi exclusifdu présent), etc. On parlera dans ce cas de codages récurrents inter-textuellement. Hs peuvent constituerdes pré-codes du genre si, comme dans l'exemple ci-dessus, ils présentent un caractère relativement stable. Diversité liée à la diversité des genres, des objectifs communicationneLs, etc.

E - Remarques a) Le problème linguistique de la variation peut se poser à plusieurs niveaux :

- sur le plan le plus général, distinction entre le code commun, qui constitue l'invariant, et les normes (dominantes, dominées ^lont font partie les contre-normes-) qui constituent la variation d'ordre sociohnguistique ;

- au plan des sous-ensembles constitués par les genres (conte, lettre admi­nistrative, récit historique, énoncé de problème, etc.), les usages juridique, économique, etc. ; usages locaux, ethnolectes, etc.). Au-delà du code commun, différents types de co­dage plus ou moins fortement récurrents intertextuellement fonctionnent aux différents niveaux de structuration tinguistique : phonème, morphène, monème, syntagme, phrase, texte, intertexte. Ce qui, d'un point de vue linguistique, permet de repérer les phénomènes:

- phonologiques (ex : prononciation régionale ) ; - lexicaux (le vocabulaire des sciences et des techniques ) ; - syntaxiques (les structures phrastiques des énoncés matiié-matiques) ; - textuels (le chapitre du manuel d'histoire ; l'énoncé de problème) - intertextuels (reprises conformes, reprises- modification, innovations).

Et d'un point de vue pragmatique, les phénomènes qui relèvent des stratégies de mise en mots :

- énonciation (repères morphologiques, monématiques, syntaxiques des op­positions récit/discours/mélange des deux/absence de catégorisation possible : texte-liste ou titredejournal de forme nominale),

- discursivité (présupposés, implicites, sous-entendus ; atténuations, em­phases, masquages ; emprunts à des usages différents), et qui concernent selon les cas, et de façon inégale, les différents niveaux de structuration linguistique.

b) On peut relever, par exemple pour un genre donné, des formes de codage iden­tiques à travers une masse de documents considérés, qui apparaissent comme caractéristi­ques du genre. On parlera de code très fortement récurrent intertextuellement. Le fait de commencer une lettre par un vocatif ( "Cher ami", "Mr le Président"...) est caractéris­tique du genre lettre, mais il est toujours possible d'en faire l'économie, sans que le texte cesse d'être une lettre : les contraintes textuelles ne présentent pas la même force que les contraintes phonologiques ou syntaxiques. U faut se garder de donner une vision rigidifiée - et donc réductrice et scientifiquement erronée - des réalités langagières.

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c) La fonctionnatisation des codes (i.e. leur transformation en normes sociolinguis-tiques fonctionnelles) doit éviter l'écueil de la co-variance mécaniste :

- La relation entre le fortement précodé et le situationnel est complexe dans la mesure où la situation est largement une construction des participants, qu'eUe est mo­difiable par leur interaction et que le langage est l'un des outUs de respect-modification-rejet des situations socialement prédéfinies, en particulier par le fonctionnement des normes subjectives et évaluatives (i.e. les représentations des maniements Hnguistiques des autres et de soi-même, et lesjugements de valeur qu'on porte sur ces maniements teLs qu'onlesperçoit).

- La relation entre le fortement précodé et les genres, les usages et les fonc­tions est également plastique. Tout genre, par exemple, possède ses variations inhérentes, au moins au niveau de ses sous-codes ; de plus, i1 est toujhours possible de transgresserles normes d'un genre, d'emprunter à un autre genre.

- La relation entre Codes fortement récurrents et Situation, Genre, Usage ou Fonction doit être considérée comme un repère à partir duquel s'apprécie et se fonction-nakse la variation, étant bien entendu que doit être dégagée la fonctionnahté des codes for­tement réccurents pour une situation, un genre, un usage donnés, contrastivement avec les codes dominants d'autres situations, genres, etc. La variation n'est pas constituée que par les codages faiblement récurrents intertextuellement, eUe concerne aussi le fortement ré­current. D s'agit d'un modèle probabiUste.

- La relation entre le fortement précodé et les différents types de groupes so­ciaux est également à saisir dans la même perspective, prenant en compte la dynamique des interactions entre les groupes, qui déplace constamment la ligne de front linguistique.

1.3 - L'EVOLUnON DE LA PROBLEMATIQUE DIDACTIQUE

(J. Treignier) Dès la conception et la rédaction du programme de recherche, (INRP, 1984), il a

méthodologiquement été nécessaire de définir un modèle d'analyse des pratiques didacti­ques innovantes. Ce modèle avait pour fonction à la fois d'aider à la définition et à l'éva­luation de la cohérence de l'innovation des équipes mais également de préciser en quoi celle-ci se différenciait des pratiques courantes et d'autres pratiques innovantes des maî­tres, des maîtres formateurs, des mouvements pédagogiques. C'est donc dans une dé­marche contrastive référant à des travaux théoriques et à la connaissance des classes que ce modèle a été construit. Ce construct, instrument de repérage n'est point figé mais sus­ceptible d'évoluer ainsi que nous le verrons selon la dynamique de la recherche-innova­tion.

De prime abord, le niveau d'analyse qui a paru réahser l'intérêt heuristique le plus fort et le maximum de contrastivité entre les modes de traitement didactique existant au sein du modèle était celui du rapport à la Norme. Selon que la Norme était unique et in­culquée, qu'eüe étaitniée et négÛgée, ou resituée dans la plurahté des normes et objetd'ap-prentissage, les modes de traitement didactique de la variation étaient respectivement définis comme normatif, a-normatif, pluri-normatif.

Ces trois modes articulés au sein d'un modèle d'analyse étaient à la fois le fruit des réflexions du Groupe sur la Norme et des précédentes recherches. En effet, les besoins d'é­valuation, description, innovation des années et programmes antérieurs avaient suscité la construction et l'utifisation d'un modèle ternaire : un style pédagogique de type I référant auxInstructions OfficieUes de 1923-1938, un style pédagogique de type II référant au Mou­vement Freinet, un style pédagogique de type UI référant au Plan de Rénovation (Hélène Romian, 1979,1981). Ce modèle conforté par d'autres travaux tels ceux de Marcel Lesne

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(1977), de GiUes Ferry (1983), de Gübert Ducancel (1980) ainsi que par l'expérience, a servi de base à la présente recherche. D a bénéficié des apports de la réflexion du Groupe sur la Norme.

A l'origine, il a été postulé l'existence de trois modes de traitement didactique de la variation langagière :

- normatifen tant que référant à la norme du bon usage, - anormatif en tant que référant à un refus de toute norme autre que ceUe du sujet

parlant individuel, - plurinormatifen tant que référant à une plurafité de normes finguistiques et socio-

linguistiques. Ce modèle ternaire a été rapidement remis en cause sous l'influence, au plan théo­

rique, de la différenciation entre sens d'un énoncé et signification d'un discours et, au plan pratique des essais d'innovation en classe.

fl est en effet apparu que les enseignants qui avaient recours à une plurafité de normes pouvaient adopter deux démarches différentes. Pour les premiers, le sens de l'é­noncé résultait d'une mise en relation mécaniste des normes fonctionneUes et linguistiques et des caractéristiques de la situation d'interaction. Ce que nous avons dénommé un mode plurinormaTlF. Cette désinence correspond à une absence de prise en compte des fonc­tions sociales du langage qui fondent les oppositions sens/signification, énoncé/discours. Pour les seconds, la signification du discours résultait d'une interprétation des relations entre normes fonctionnelles finguistiques et normes socio-linguistiques, et des caractéris­tiques matérieUes, sociales de la situation d'interaction. Ce que nous avons nommé un mode plurinormaLlSTE.

La reformulation s'est donc opérée autour de l'opposition TU7AJSTE qui corre­spondait aux oppositions théoriques ci- dessus mentionnées et à des différences de prati­ques didactiques dont il sera rendu compte. L'exploration des modalités potentieUes : NORMA/ANORMLVPLURLNORMA TOVLISTE a conduit à l'élaboration d'un modèle quaternaire Normatif, Anormatif, Plurinormatif, Plurinormafiste par exclusion des modes potentiels Anormaliste, Normafiste. En effet, on ne peut envisager la signification d'un discours comme résultante d'une interprétation des relations entre normes linguistiques, normes socio-linguistiques et des caractéristiques matérieUes, sociales de la situation quand on a recours à une norme unique socialement sélectionnée et conçue comme fonc-tionneUe, quand on refuse toute norme autre que ceUe du sujet parlant. Les modes anor­maliste et normaliste n'ont donc pas été retenus.

Les modes Anormatif, Normatif, Plurinormatif et Plurinormafiste réafisent donc une double opposition :

- opposition dans le rapport à la Norme : unicité/refiis/pluricité, (NORMA-ANOR-MA-PLURINORMA),

- opposition dans la démarche de construction de la signification (cfsupra 1.2.C) ; sémantisation de l'énoncé/interprétation du discours, (TIF - LISTE).

Néanmoins, certains points restent en suspens, que la poursuite de la recherche-in­novation et le début de la recherche-description permettront de préciser. Le mode Anor-matifse caractérise-t-ü par le refus de la Nonne, le refus de toute norme autre que celledu sujet parlant ? Est- ü plus Aléanormatifque Anormatif ?

Le couple plurinormatif/plurinormafiste fait l'objetactuellement de l'essentiel des travaux du Groupe. Les enseignants en innovation osciUent entre les deux modes. Le pre-mierprivilégie lapratique et l'analyse des textes, ceUes des codages récurrents, la construc­tion d'invariants dans une démarche où la situation n'est pas prise en compte et où le texte

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est traité comme un énoncé. Il s'agit là d'une phase formeUe qui peut mettre le sens entre parenthèses et déraper vers la biunivocité situation-codages, la transparence. Le second s'appuie sur la pratique et l'analyse des discours, ceUes des codages récurrents et occu-rents, celles des normes et contrenormes, ceUes des invariants et de la variation dans une démarche où la construction de la signification s'appuie sur une prise en compte des cor-rélations-discorrélations, situation-codages- normes dont on trouvera trace dans les quatre numéros de "Repères" pris en charge parle Groupe : les numéros 61, 67, 71 et 76.

La poursuite de la recherche dans ses phases d'innovation et de description devrait permettre de mettre en évidence les différenciations qui s'opèrent dans les pratiques di­dactiques : attention portée ou non aux interactions discours/situationnel (matériel et so­cial) mode de construction du sens/ou de la signification. Elle devrait également se repérer, s'opérer au niveau des pratiques et savoirs mis en oeuvre/acquis par les élèves : grammaire de texte/analyse de discours, modèles textuels/régularités discursives...

La double opposition déjà relevée entre les quatre modes de traitement didactique du rapport à la Norme (norma-anorma- plurinorma) et de la démarche d'interprétation des discours (Tif-Liste) a fondé pour la première le travail des deux équipes de Chartres et Nîmes, pour la seconde celui des deux équipes de Toulouse et Aix.

Les compte-rendus qui suivent présentent donc dans l'ordre : - les résultats des essais d'innovation des équipes de Chartres et Nîmes qui ont cher­

ché à introduire à l'école un autre rapport à la Norme et à la variation pour l'une dans l'or-dre du socio^thnique, pour l'autre dans l'ordre du socio-régional,

- les résultats d'essais d'innovation des équipes d'Aix et de Toulouse qui ont cher­ché à mettre en oeuvre à l'école un autre mode de traitement des discours scientifiques pour l'une, des discours relatifs à l'éducation civique au sens large pour l'autre.

2 -TRATTEMENT DEDACTIQUE DES PROBLEMES DE DIGLOS-Sffi

2.1 - PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUE D'ENSEMBLE

(J.Treignier,S.Fabre) Alors que de nombreux travaux de socio-linguistique ont mis en évidence l'impor­

tance des variétés sociales et régionales d'une langue donnée, la prise en compte de cette dimension n'est pratiquementjamais effectuée à l'Ecole. La plupart des enseignants agis­sent comme si ce phénomène n'existait pas. Cette position occulte bien des aspects essen­tiels de cet objet particulier d'apprentissage/enseignement qu'est la langue ou pour mieux dire les pratiques langagières. EUe provoque également des effets néfastes chez les enfants dont les réaksations langagières sont ignorées, écartées ou minorées par référence à la va­riété reconnue et instaurée comme norme. C'est pourquoi, il nous a paru important de tra­vailler sur la variation des pratiques langagières d'ordre regional,d'ordre socio-ethnique et, partant, sur le traitement didactique des problèmes liées à la diglossie, qui concementà la fois les rapports de domination entre langues et entre variétés d'une même langue.

Il existe au sein de l'Ecole des enfants qui vivent deux pour ne pas dire trois types de pratiques langagières. Pour les uns, à Nîmes par exemple, il s'agit en l'occurencedu " francitan" régional etdu français de l'Ecole. Pour les autres, à Chartres, par exemple du français et/ou, de la langue parléede leurs parents migrants et du français de l'école. Ces deux types de pratiques ont chacun leur cohérence, leur espace, mais l'un est socialement et scolairement en situation de domination par rapport àl'autre, aux autres, ce qui est pro-preàladiglossieinterouintra-linguistique.

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La plupart du temps, les enfants vivent cette situation dans une grande confusion tant au plan psychoaffectif, (honte, culpabifisation), qu'au plan cognitif, (incapacité àdé-fimiter chacun des domaines hnguistiques) ainsi qu'en rendent compte des travaux de W. Labov (1976) et de R. Lafont, (1979,1981,1982). En outre, cette confiisionentraîne une insécurité permanente au niveau des réaHsations langagières, des performances scolaires, voire des blocages au niveau de l'expression, fosécurité et hypercorrection, blocage et ma­niement de contre-normes voici les caractéristiques des enfants en situation de diglossie, teUes qu'elles sont définies par W. Labov (1976) et C. Vargas (1983).

Nous avons donc postulé que la prise en compte didactique, telle que nous l'envi­sageons, de la variation et des variétés présentes dans les pratiques langagières des enfants peut éviter ces phénomènes d'insécurité et de blocage, permettre d'autres représentations et une autre connaissance de la langue, favoriser le développement des capacités langa­gières.

Un des aspects essentiels de notre problème était, pour modifier les attitudes, les représentations, les stratégies langagières des enfants,d'opererle traitement didactique des connaissances en socioUnguistique dans le champ des études sur la diglossie socio-ethni­que et socio-régionale. D s'agissait de définir en quoi et comment la variation et les varié­tés langagières pouvaient devenir des objets d'apprentissage/enseignement.

Nos objectifs étaient les suivants : - au niveau psychoaffectif : sensibUiserles enfants aux phénomènes de variation au

sein des langues et des cultures présentes dans leur richesse et leur spécificité, afin de re­situer par là-même à leurs yeux la dignité de leur langue et de leur culture dans leur es­pace.

- au niveau cognitif : développer et structurer la connaissance de cette variation et de ces variétés afin de développer, de ce fait, la capacité des enfants à les reconnaître, les identifier, les situer, et d'assurer par là l'améhoration de leurs capacités de communica­tion orale et écrite.

-au niveau didactique, de traiter les problèmes de diglossie socio-régionale (Nîmes) et les problèmes de diglossie socio-ethnique (Chartres).

2.2 - TRAITEMENT DIDACTIQUE DE LA VARIATION REGIO-NALE

(Sylvette Fabre, équipe de Nîmes) Les manifestations de la langue régionale sont à divers degrés présentes dans les

pratiques langagières des enfants de la région de Nîmes en fonction de leur origine sociale, géographique. Ainsi les travauxde R. Lafont (1979,1981,1982)sur ladiglossie régionale ont montré que, même pour les locuteurs qui ne sont pas directement en contact avec l'oc­citan, celui-ci demeure présent dans la langue qu'ils entendent parler autour d'eux sous la forme du "francitan'',produit des interférences entre le français et l'occitan aux niveaux phonologique, lexical, syntaxique. Cette " francisation/occitanisation" estd'ailleurs diffi­cile à maîtriser par l'enfant qui, croyant parler français, voit refuser par l'école ce qui y est considéré comme une méconnaissance de la langue française, ou un manquement aux normes du français.

2.2.1 - Pour une meiUeure connaissance des représentations des enfants à l'égard de la variation régionale

Notre première préoccupation a donc été de trouver des terrains de recherche per­tinents qui nous permettentde cerner ce genre de problème. D'où le choix de terrains so-ciologiquement contrastés en fonction de leurplus ou moins grande rurahté, (qui imphque

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un lien plus ou moins étroit à la langue régionale) et de l'origine de leurpeuplement. Nous avons ainsi choisi de travaiUer avec :

a) une classe rurale à population endogène -petit viUage loin des nationales à une trentaine de km de Nîmes. Une classe unique y accueille 14 élèves dont les familles (exploitants agricoles) sont enracinées dans le viUage. Le maître lui-même y est très inté­gré : il y a construit sa maison et n'envisage pas d'en partir (Cannes).

b) un viUage situé sur la Nationale Nîmes-Alès comportant une population de maraîchers fortement üés à cette terre mais, de par leur métier et leur situation, large­ment reliés aux deux viUes : Boucoiran (population endogène).

c) Manduel, véritable vülage-dortoir à la périphérie de Nîmes où cohabitent deux communautés, le vieux viUage aux structures traditionneUes et les lotissements à peu­plement exogène.

Ces trois classes devaient nous permettre de couvrir une variété de situations au ni­veau du rapport à la langue régionale. Elles avaient en commun de recevoir toutes un en­seignement de type traditionnel ne prenant pas du tout en compte l'enseignement de la langue et de la culture régionale.

Par ailleurs, nous avions travaiUé dans une classe de quartiers "masetiers" périphé-riquesde Nîmes pour y menerune recherche-innovation prenant en compte la langue et la culture régionales (Fabre Sylvette, Chabbert Marie-Henriette, 1979).

Il s'agissait pour nous, tout d'abord, d'évaluer la famüiarité de ces enfants avec la langue régionale à travers leur connaissance du "francitan" : dans la mesure où üs connais­saient le vocabulaire, les tournures de phrases venus de l'occitan, ceux-ci vont interférer avec le français et leur poser des problèmes importants d'expression orale et écrite.

Faut-il dire : "il ressemble son père" ou "il ressemble à son père ?", "il est rabiné" ou"ilestbrule?".

Comment savoirquand l'un etl'autre vous sont également famüiers par les apports divers de l'environnement famiUal et des médias ? L'équipe de Nîmes a donc travaiUé sur une enquête/sondage dont la méthodologie détaiïlée, le déroulement et les résultats ont été publiés en intégralité (Fabre Sylvette, 1985,1986a ). De cette enquête en terrains sociolo­giques contrastés, ü résultait que le vocabulaire occitan francisé demeure largement connu, voire employé (l'emploi étant beaucoup moins facile à cerner que la compréhension) par une très large proportion des 120 enfants enquêtés avec des différences qui recoupent l'op­position des terrains : à 73% à Cannes, 65% à Boucoiran, 54% à Manduel. Le plus inté­ressant étant le fort pourcentage d'enfants à l'aise dans ce vocabulaire même à Manduel, viUage-dortoir qui accueiUe bien des familles qui ne sont souvent pas originaires de la ré­gion. L'expUcation en est simple : quand les Ueux de vie du viUage (marché, jeux de boules) et les petits camarades vous les font entendre sans cesse, il devient également vôtre -le cas le plus typique étant celui d'une petite algérienne accueiUie chez un couple de vieux pay­sans et pour qui ces mots étaient aussi famiUers que pour un enfant de souche occitane. La situation plus ou moins diglossique d'interpénétration des deux langues dont l'une est do­minante n'est donc pas un mythe mais une réalité quotidienne dans le discours des enfants: bon nombre de mots du vocabulaire enquêté appartiennent au vocabulaire de pratiquement tous les enfants (voir ci-après)

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Cannes Boucoi ran Manduel

"ensuquer" (assommer) 11/11 21/22 26/28 "péguer" (co l le r ) 11/11 21/22 26/28 "escamper" ( j e te r ) 11/11 18/22 24/28 "qu i l l e r " (percher) 11/11 22/22 26/28

Le lexique francitan demeure particubèrement vivant dans le domaine de la vie quo­tidienne : vécu famiüal, jeux et violence verbale, ou saisie pittoresque de l'évènement. Ce premier travail a été bénéfique dans la mesure où il a permis de mieux connaître les acquis des enfants, de faire émerger leurs représentations (première étape d'éveil scientifique). 11 s'agissait ensuite de cerner et d'aider les enfants à préciser la représentation qu'ils se font de ces faits de langue, et plus précisément les jugements qu'ils portent sur eux : réaMsa-tions prestigieuses ou dépréciées, valorisées ou dévalorisées, rehéesàquel groupe ou sous-groupe social -bref, queUes normes évaluatives de cette varitété régionate ? Pour cela, quatre questions étaient posées, concernant les gens qui " disent", les lieux où l'on entend dire les mots enquêtés, la langue à laqueUe iïs appartiennent.

Les réponses des enfants dégagent deux grandes catégories de locuteurs : la famüle, les amis et les "gens du Midi" - souUgnant par là à la fois le sentiment de la réalité quoti­dienne de ces emplois et celui de leur appartenance à un sous-groupe social bien précis. D 'aiUeurs, la quasi- totalité des enfants affirme que ces mots "tout le monde ne les dit pas". Par aiUeurs, les enfants font preuve d'une très grande clairvoyance en ce qui concerne les "Ueux de vie" du francitan : ils citent prioritairement le milieu socio-famiUal, mais égale­ment le quartier, le village, la région ou plus précisément, la rue, le marché et des circon­stances précises : les fêtes, le loto, le tiercé, la pétanque.

Mais cette variété régionale si présente, tous ne sont pas capables d'en déterminer l'origine ni la nature. Beaucoup d'enfants pensent qu'il s'agit de mots venant d'une lan­gue étrangère : Espagnol, Itahen, voire Anglais (5 enfants î) prouvant par là qu'à leurs yeux parler d'un "bluejean", d'un "tee shirt" ou d'un "pétas", d'une "braiUe", relève du même système d'emprunt, n semble également que la norme evaluative soit largement marquée socialement. Il est expressément dit que c'est la langue "des paysans" ( "ceux qui travaülent en vigne"), des bergers - et ce n'est pas par hasard que l'on retrouve la trilogie EspagnolAtafierVPortugais comme système de référence : ce sont les langues des ouvriers agricoles immigrés par vagues successives dans le Midi. D'aiUeurs, il est dit également que ce sont "les malpohs" qui parlent ainsi, etmaintes réflexions d'enfants vont dans ce sens "moi je le dis pas parce que c'est pas joli !", "ça veut dire "courir" mais il faut pas le dire !". Ü est évident que les normes scolaires et sociales pèsentd'un grand poids dans cette évaluation.

En conclusion : une variété régionale pratiquée par les enfants, ressentie comme partout présente chez leurs proches et dans leurs lieux de vie, mais fortement dévalorisée et dépréciée - et que l'on ne sait pas clairement ni reconnaître ni identifier.

2.2.2 - Vers une didactique plurinormatiste de la variation régio­nale

La mise en place de pratiques innovantes a été effectuée dans la classe de Georges Gros devenue ensuite ceUe de Lucile Beissier, à l'école de la Planette, Nîmes : classe ur­baine, située au coeur de la garrigue de la Banheue Nord, où les enfants vivent au contact

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d'une population de " masetiers", largement porteuse de traditions locales avec laqueUe nous travaiUons depuis une dizaine d'années.

Il s'agissait pour nous d'intégrer aux activités habituelles de la classe, la langue et la culture régionales sans que cela soit "une matière de plus". Pour cela, il faUait partir des savoirs et des curiosités des enfants concernant leur vie, leur environnement et leur faire, à chaque étape de la construction de leurs savoirs, découvrir, explorer, utibser les richesses de la langue et de la culture locales.

C'est ainsi que, selon des intefbctions plus ou moins clairement perceptibles, l'é­tude de l'environnement a fait découvrir la culture et la langue locales. Ces activités ont nourri le travail d'apprentissage de la langue au cours des activités de français (grammaire, activités de vocabulaire, intégrant la comparaison des systèmes en présence). Elles ont éga­lement fourni ample matière à la lecture et à l'expression écrite.

Ce type de démarche permet par ailleurs de confronter les enfants aux variations du français régional et de construire une didactique de la langue articulant les savoirs sco­laire et non scolaires.

Ainsi, dans un CE2, l'écoute de l'enregistrement d'un masétierqui parle de "la kè-vre", "cette coquine de hèvre" provoque-t-eUe des réactions variées : faut-il dire "la Uè-vre", "mon voisin dit comme ça !". Mais La Fontaine dit " le lièvre et la tortue" : c'est une référence ! Le dictionnaire tranche le débat -mais pas le problème. Aussi le maître apporte-t-il le lendemain des extraits en occitan de la fable de Bigot "la lebre e la tortuga". Voilà l'explication ! On recherche d'autres exemples :

la platana /(le) platane, la cagaraula fi 'escargot, una escoba /un balai etc. On découvre la relativité de la classification en "genres grammaticaux". On étend

la réflexion à la grammaire française : pourquoi "la" table et "le" guéridon, "la" guitare et "le" violon ?...

L'initiation à la langue régionale, même modeste, fait expérimenter concrètement aux enfants les problèmes de passage d'une structure linguistique à une autre - et leur per­met par là-même de découvrir le fonctionnement de leur langue maternelle, faisant affleu­rer au niveau de la conscience raisonnéeles difficultés ou les pratiques jusqu'alors occultées par l'habitude.

Nous proposons comme exemple un bref extrait d'une séquence au cours de la­queUe les enfants essaient de traduire, àl'intention decorrespondants de Loire-Atlantique, un conte occitan qui leur a plu (voir le document plus loin). Leurs tâtonnements, pour es­sayer de passer sans erreur du système linguistique de l'occitan qu'ihs comprennent, à ce­lui du français, leur permet de découvrir, à la charnière des deux pratiques, le "francitan" de leur parler quotidien.

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En conclusion, à partir de ce type de pratiques, ces enfants disposent de repères précis dans le domaine hnguistique, là où pour la plupart des autres élèves règne la plus grande confusion. Ds jouissent de ce fait d'une sécurité accrue au niveau de leurs perfor­mances linguistiques, notamment scolaires, puisqu'ite ont mis en place des normes plus précises et plus sûres.

Le travail d'exphcitation des représentations constitue également une procédure di­dactique dans la mise en place d'une didactique de la langue se construisant :

- à partir de la pratique langagière effective des enfants et donc intégrant les pro­blèmes posés par la variation régionale,

- sur le principe d'un réseau d'oppositions contrastives occitan/français, qui per­mette à chaque enfant une prise de conscience de plus en plus clairement approchée de la notion de variation à travers des réseaux de références et de réflexions de plus en plus riches, la pratique de l'opposition contrastive permettant à chacun de prendre ses propres repères par rapport à sa pratique et à la norme linguistique des langues en présence.

2.3 - TRAITEMENT DIDACTIQUE DE LA VARIATION SOCIO-ETHNIQUE

(J. TREIGNIER, équipe de Chartres) Il est courant de dénoncer le rôle de l'école et des enseignants dans le rejet des en­

fants dont la pratique langagière ou celles de leurs parents ne sont pas conformes à la Norme. L'observation des classes montre, en effet, que dès la plus petite section de la ma-temeUe, les instituteurs portent divers types de jugement sur les réalisations des enfants : condamnation : "ça ne se dit pas", reformulation personnelle, demande de reformulation : " fais-moi une johe phrase", jugements moraux : "c'est pas bien", esthétique : "c'est pas beau". Qaudine Dannequin (1976) l'avait montré.

L'équipe de Chartres a donc essayé d'innover en substituant à des remarques pro-scriptives des explications. Les remarques proscriptives sont en général fondées sur une norme unique, socialement sélectionnée et présentée comme linguistiquement légitime. Il s'agit en fait de la Sumorme au sens où l'entend Frédéric François (1980, page 29) : "il y a surnorme lorsque les tendances unificatrices - inévitables - aboutissent à dénier toute existence aux tendances diversificatrices - elles aussi inévitables". Mais les explications -d'ordre scientifique ou protoscientifique - sont^Ues étayées par la description des prati­ques langagières des enfants et des adultes ? Dès le plusjeune âge. lesjugements de valeur instillés instaurent chez les enfants dont les réalisations et ceUes de leurs parents sont mi­norées :

- des attitudes négatives à l'égard de la langue, de la prise de parole, de l'école, - des représentations normatives de la langue, dévalorisantes pour leurs pratiques

et ceUes des leurs. L'hypothèse de recherche-innovation était que la description, l'explication sont de

nature : - à créer des attitudes énonciatives plus propres à assurer la sécurité langagière des

enfants,leurprisedeparole,leurreussitescolaire, - à structurer différemment - scientifiquement -malgré le rôle de la société - leurs

représentations, leurs normes évaluatives. 2,3.1 - Représentations/savoirs et pratiques des enfants d'école ma­ternelle àrégard des normes socialement dépréciées

Cematin, dans une classe de grands,Alexandre dit, crie,s'ecrie un quart d'heure durant : "J'ai des patates, è sont belles les patates, on va manzerdes patates" sans que l'en-

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seignanteintervienne. Doit-on penser que "patate" est famüier et que "pomme de tene" doit être privilégié ? Doit-on supposer qu'Alexandre adore ce mets ?

L'enseignante a, quant à elle, perçu dans le choix du mot, dans l'appui fort sur les "a" postérieurs etdont la vélarisation est accentuée, qu'Alexandre manie la provocation en jouant sur des contrenormes. Le problème était de faire comprendre à de jeunes enfants que les choix de mises en mots ne se font pas entre le soutenu, le courant, le familier, mais selon une analyse de la situation : on est à l'école où règnent un certain nombre d'habi­tudes sociales et langagières que l'on choisit de respecter ou de transgresser selon l'effet que l'on veut avoir sur son interlocuteur. On peut objecter qu'il ne s'agit pas là de choix surtout chez de jeunes enfants. Pourtant, les extraits d'enregistrements qui suivent mon­trent le contraire.Dans une classe de grands, suite à la lecture de "La beUe hsse poire du Prince de Mo-tordu" de PEF (Benjamin Folio), les enfants décident de discuter des gros mots : qu'est-ce qu'un gros mot /où ? quand ? en entend-on ?.

1 Morgane : "... Eh bien quand on parle euh quand on dit ça/par exemple on dirait euh un chevau/et que c'est un chameau.

2 Stéphanie : Chevau/chameau... (inaudible)... j'crois que c'est pareil 3 Stéphanie (en appuyant fortement surles déterminants) :... Les chevaux et le cha­

meau 3 bis enfant :... un cheval 4 Morgane :... ça veut dire qu'on s'est/ça veut dire qu'on s'est trompé 4 bis Stéphanie avec haussement d'épaules :... N'importe quoi ! 5 Maîtresse :... Est-ce qu'on peut dire des gros mots partout ? 5 bis Morgane :... Non pas dans les écoles 6 Morgane :... Parce qu'aprèsAes autres/les autres/ils le répètent chez eux/et il se

font gronder 7 David :... Chez ma tata, j'en disjamais, mais chez moi,j'en dis." Manifestement, les enfants ont des savoirs sur les pratiques langagières. Mais sous

le vocable "gros mots" ils regroupent : - les normes sociales : pas de "gros mots" dans les écoles (5 bis)

etchezlesfamiUes(6), - les normes individuelles qui varient selon l'adulte présent : "chez ma tata/chez

moi"(7), - le maniement des contres-normes dans une intention provocatrice (exemple d'A­

lexandre), - les erreurs de choix de mots provoqués par la proximité : " chevau/chameau", ( 1

et 2) - les problèmes de morphosyntaxe, (3 et 3 bis). On peut supposer que les enfants regroupent ainsi sous le même vocable "gros mots"

des phénomènes aussi hétérogènes en se fondant sur une identité de réaction des interlo­cuteurs adultes : sanction, correction, reformulation, rejet aussi bienàl'école qu'ailleurs. Pourtant, certaines erreurs relèvent des règles morphosyntaxiques qui régissent le code commun, d'autres relèvent des normes sociales et des tabous lexicaux.

Si l'on souhaite que les enfants sortent de cette indifférenciation, il faut que l'en­seignant module, exphque ses réactions mais aussi qu'il demande à l'enfant d'éclairer ses choix. Stéphane (4 bis) est fort capable de dire à Morgane que le choix d'un gros mot ne relève pas d'une erreur mais d'une intention.

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Pour revenir à l'exemple de "patates", s'agit-il d'une habitude familiale que l'en­fant conserve en croyant que l'école est un prolongement de la famille ? H convient alors de faire comprendre sansjugement péjoratifque les normes scolaires peuvent différer des normes familiales. On réalise ainsi, non une inculcation dévalorisante de la Norme, mais un apprentissage de la Norme dans les situations et les tíeux où eUe est socialement re­quise.

S'agit-il d'un recours aux contre-normes pour attirer l'attention de l'enseignante ? Auquel cas celle-ci est hbre de réagir ou non à la valeur perlocutoire du discours. S'agit-il d'une activité lexicale ludique ? Celle-ci peut alors se dérouler kbrement jusqu'à son terme.

Mais cela ne va pas sans de nombreuses difficultés que l'équipe de Chartres a en­trepris de cerner. Ce travail d'explicitation des problèmes demande à être poursuivi :

- quelles formulations sont accessibles aux enfants de cet âge sans tomber dans le schématisme ?

- quel est l'effet à long terme des stratégies expUcatives sur les attitudes énoncia-tives, les normes évaluatives et les capacités langagières des élèves ?

- quelle est la latitude laissée à l'école de varier par rapport aux usages sociaux do­minants?

- quel degré de "conceptuahsation", (catégorisation, coUection, dénomination) de faits langagiers est possible en fonction de l'âge des enfants ?

2.3.2 - Vers une didactique plurinormaliste de la variation socio-ethnique

L'explicitation ne nous paraît devoir être profitable que si eUe s'articule sur des si­tuations favorables où la variation langagière se présente comme intérêt ou problème au sein de la vie de la classe. H s'agit alors pour l'enseignant de saisir l'occasion. Ce peut être une discussion sur les gros mots, sur la manière dont parlent les présentateurs à la télévi­sion ou un conflit de normes évaluatives entre enfants (Treignier, Meray, 1985). Cepeut être également une réflexion sur les stratégies langagières des adultes lorsqu'Us rencon­trent un interlocuteur dont le statut social est plus élevé que le leur.

Ainsi, la discussion sur les gros mots a permis aux enfants de mentionner des types d'inter-action où s'expriment fortement les normes dominantes :

- les habitudes langagières des présentateurs des journaux télévisés, - les relations employeurs - employés, - les relations hiérarchiques au sein de l'école. Les enfants sont, en effet, très sensibles - alors qu 'eux- mêmes tutoient tout le monde

- aux finesses sociales qui régissent le choix du tutoiement, ou du vouvoiement. Hs ont ain­si remarqué que l'enseignante vouvoie les visiteurs, dont l'inspecteur qui vient régulière­ment dans la classe, alors qu'au sein de l'école tous les adultes se tutoient. Hs en ont tiré des conclusions :

" Stéphanie : Tu lui parlais un truc important". De même, ils ont noté dans les formules de salutation des présentateurs dejournaux

télévisés des spécificités qui n'existent pas dans les autres émissions ou en d'autres lieux: non amuissement de 1' "e" caduque, non éhsion de portions de mots. Hs s'amusent ainsi à imiterlesprésentateurs:

- "Stéphanie : Bonjour mesdames et messieurs - Enfant (saluant comme à l'entrée d'un magasin) : Bonjour m'sieurs dames

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- Stéphanie (corrigeant et insistant lourdement sur le mes ) : Bonjour mesdames et gmesssieurs,

- David : Bonjour madame, bonjour monsieur". De même, lors de jeux de rôles, où ik sont amenés à imiter les inter-actions em­

ployeur-employé, ils décrivent le discours d'autorité dans toutes les formes qu'il peut pren­dre : faire attendre le subordonné, le tutoiement imposé de façon asymétrique : Enfant : "Tu n'peux pas travailler autrement", le maniement des contre-normes en position domi­nante : Morgane : *Tu peux pas faire moins de cochonneries ?", N'Semona : "Foutez l'camp".

Hs débattent également des modes de salutation aUant jusqu'à la provocation consciente qui fait rire toute cette classe de Grande Section :

- "Enfant : Salut patron, - Youssef (iasistant sur bonjour) - Bonjour patron, - Anthony : Bonjour, monsieur, - Morgane en riant : Bonjour, camarade alors". Leurs dialogues improvisés incluent des stratégies non verbales : - Stéphanie toussote discrètement pour signaler sa présence devant un employeur

qui affecte de ne pas la voir, - N'Semona ouantl'employeur affairé après une longue attente) : - "Attendez deux

minutes", - Enfant ^ouant également l'employeur affairé) après une longue attente : -"Atten­

dez, monsieur, je suis en train de téléphoner". Les enfants, dès la MaterneUe -et pour les exemples qui précèdent, ce sont pour par­

tie des enfants de migrants -ont donc une expérience sociale et langagière qu'ils doivent à ce qu'ils enregistrent des émissions télévisées, des discussions entre leurs parents,des in­ter-actions sociales dans et hors de l'école, auxquelles ils assistent. Ces acquis leur per­mettent d'identifier les rapports sociaux en présence lors d'une inter-action, mais ce sont là des connaissances éparses fortement hées auxsituations teUes qu'eUes sont vécues par les enfants ou telles qu'elles leur sont rapportées. Ce sont là des connaissances expérien-cielles à partir desqueUes pourront se construire ultérieurement par une action didactique de recensement des faits, de différenciation, de confrontation, d'explicitation, les notions de locuteur social, d'enjeu social de l'inter-action (Vargas, 1983).

De ce point de vue nos observations confirment nos hypothèses premières. Dans une classe composée d'enfants de milieu socio- économique défavorisé et

d'enfants de migrants, un enfant,Sebastien, lors d'une pause, s'écrie "I'parlent pas bien français, les Arabes". (Treignier, Meray, 1985 a). Agressés, les enfants se taisent, et le conflit se règle via la médiation de l'enseignante entre certains enfants de parents français de miheu socio-économique défavorisé et les enfants de parents migrants non arabisants non maghrébins.

Sébastien, l'agresseur maintient son point de vue : "Les français i' parlent bien", assimile tous les migrants : " aussi i'(le danseur du Burkina Fasso qui était venu quelques jours auparavant) parlait arabe", manie l'amalgame polémique : "portugais, arabe, portu­gais, arabe".

Mais, à la suite de contre-exemples donnés par l'easeignante : quand un français apprend l'arabe, il connaît lui aussi des difficultés, quand un français vaau Portugal, il est linguistiquement désemparé, les enfants portugais se mettent à donner leur point de vue, les enfants de parents maghrébins arabisants se remettent à prendre la parole. Hs osent

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même dire ce qu'ils apprennent avec le maître du Consulat, et évoquer comment ih par­lent avec leurs parents et avec leurs grands-parents restés au pays:

- "Hanane : J'sais écrire arabe - "Mariam : Mon papa, i parle arabe - "Sabah : Et pis en Algérie, aussi, elle nous apprend à parlerarabe, y'a une vieiUe

dame..." Ce qui devait être tenu caché, par sentiment confus de culpabihté auparavant de­

vient dicible et le Heu d'affrontement des statuts langagiers devient lieu d'expression de soüdarité : Sabah le dit bien en si peu de mots : "Je sais parler arabe, nous ".

Mais il ne s'agit pas seulement de permettre aux enfants dont les acquis langagiers sont dévalorisés :

- d'être plus à l'aise dans les interactions et d'y construire des normes évaluatives moins dévalorisantes,

- d'y prendre plus facilement la parole, de vivre en moins grande insécurité linguis­tique

- d'y effectuer de plus amples apprentissages, d'amékorer leurs stratégies langa­gières.

Il s'agit également d'acquérir des savoirs plus objectifs sur la langue. Pour revenir au débat entre enfants dont on vient de parler (Treignier, Meray, 1982 a) ils ont appris :

- que 1 ' accent n 'est pas une tare génétique mais un phénomène dû aux interférences entre deux langues,

- que tous les étrangers - dont les Noirs du Burkina Fasso - ne parlent pas arabe mais d'autres langues,

- que Cremilda et Jean, enfants de la classe parlent le portugais avec leurs parents, - que Mohamed apprend l'arabe et qu'Aïcha, contrairement à ce qu'ils croyaient

n'est pas maghrébine mais turque et que les deux langues ne se ressemblent pas. Aïcha elle-même ne savait pas nommer sa langue materneUe.

Aider ainsi les enfants à se repérer dans la diversité langagière, à dépasser les conflits de normes évaluatives de façon à ce que chacun soit valorisé selon ses acquis, fa­voriser l'acceptation de la différence, refiiserl'inculcation de la Norme unique pour déve­lopper l'apprentissage et la maîtrise d'une norme tínguistique résituée dans la pluraUté des normes, lorqu'elle est socialement et scolairement requise, tek sont les objectifs que peut se fixer àl'école maternelle une didactique plurinormaHste de la variation langagière pre­nant en compte les phénomènes socio-ethniques.

2.4VERSUNAUTRERAPPORTALANORME

(J.Treignier) Un premier bilan des résultats de la recherche-innovation montre une grande simi­

litude d'objectife dans les pratiques didactiques qui prennent en compte la diglossie intra-langagière, (français, francitan, occitan) et la diglossie interlangagière, (français, arabe). En effet, il s'agit d'abord de modifier les normes évaluatives de l'institution scolaire et des enfants. Que ceUes des maîtres s'appuient sur la description de la pluraUté des normes et de leurs usages, de leurs fonctions sociales, et non sur la prescription d'une norme unique. Que ceUes des enfants évoluent vers une approche scientifique de la variation langagière excluant de ce fait une hiérarchie de valeurs par essence dévalorisante pour la majorité d'entreeux.

U s'agit également d'aiderles enfants à se repérer entre deux langues ou deux va­riétés d'une même langue, à différencier leurs aires spatiales, temporeUes, sociales. D s'a-

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git enfin, à partir de leurs pratiques langagières voire si l'âge des enfants s'y prête de leurs capacités métaHnguistiques, de sortir de l'ombre culpabiüsatrice tout ce qui ne relève pas de la surnorme, de la recherche d'un statut dominant, c'est-à-dire la connivence, la solida­rité ethnique, sociale, régionale, professionnelle, familiale. La variation peut être, à l'é­cole, objet de reconnaissance, de respect, d'étude et de savoir. Néanmoins les problèmes didactiques ne sont pas d'identique nature. L'enfant "occitaniste ou francitaniste" n'est pas sujet, à cause de son accent, aux mêmesjugements que l'enfant maghrebin. En revanche il lui est plus difficile de séparerl'occitan, le francitan, le français "standard" et leurs aires respectives que le petit arabisant parlant arabe à la maison et un français appris auprès des enseignants et des voisins à l'école.

En outre les problèmes de ce dernier : genres des mots, utilisations des détermi­nants, systèmes temporels, sens de l'écriture, systèmes phonologiques dissemblables en­tre le français et l'arabe ne sont pas ceux du petit occitan qui connaît des variations d'ordre phonético-phonologique, quelques variantes syntaxiques, beaucoup de différenciation lexicale. ParaUèlement, les problèmes du pédagogue qui accueiUe des enfants de parents migrants ne sont pas de même nature que ceux de son coUègue enseignant en Occitanie. L'un aide l'enfant à repérer le vocabulaire occitan propre à certains lieux ou propre à af­ficher son identité, propre à créer un sentiment de soUdarité chez l'interlocuteur, propre à donner au récit la saveur du terroir, et le vocabulaire national requis en d'autres situations. L'autre constate par exemple que les enfants maghrebins manient mal le futur, confondent les genres, raccourcissent leur prénoms en écrivant, ont des difficultés à caUigraphier.

Cette phase de recherche a donc posé bon nombre de problèmes de nature à faire évoluer les pratiques didactiques vers une approche mieux ancrée sur les problèmes concrets auxquek sont confrontés les élèves et leurs maîtres. L'objectifn'est plus l'incul-cation d'une norme sociale et hiérarchisante mais un repérage des phénomènes sociolan-gagiers hés à la variation. A tout le moins une didactique variationniste devrait permettre d'éviter la minoration des réahsations d'une grande partie de la population adulte et en­fantine, etpartant, le désinvestissement et l'échec scolaires, l'aliénation Unguistique.

3 -TRAITEMENT DO)ACTIQUE DE LA PLURALrTE DES NORMESETCODAGES

3.1 - PRESENTATION DE LA PROBLEMATIQUED'ENSEMBLE

(ClaudeVargas) Les activités scolaires traditionnelles de lecture et d'écriture reposent sur une

conception de la langue héritée de lagrammaire philosophique du XVÏÏte siècle : la lan­gue est l'outil de l'élaboration et de l'expression de la pensée. D'où il découle d'une part que tous les usages de la languene peuvent pas servir de rapport à une pensée complexe, finement élaborée : ainsi sejustifie le Bon Usage et l'imposition scolaire d'une norme uni­que et d'autre part que tout écrit peut être considéré comme transparence à une pensée : ainsi se justifie l'idée du sens déposé dans le texte et la pratique scolaire d'expUcation de texte.

La conception de la langue telle que nous l'avons définie ne nie pas l'existence de rapports étroits entre le langage et la pensée ; mais en se plaçant sur le plan de la commu­nication interactionnelle, elle accorde la primauté à la fonction socio-pragmatique du lan­gage. D'où découlent d'une part la prise en compte d'une plurahté de normes et de sous-normes sociolinguistiquement fonctionneUes, pluraHté liée à ladiversité sociale et si-tuationneUe ; et d'autre part la reconnaissance de l'opacité de tout écrit : ainsi se justifie le projet de construire au-delà du sens littéral d'un texte induit par la combinaison des struc-

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tures syntaxiques et des choix lexicaux, sa signification, en prenant en compte les données relatives à l'intertextuahté, à l'interlocution et aux conditions de production. En d'autres termes de fonctionnaliser les formes de codage de la mise en mots d'un point de vue so-ciopragmatique.

Ainsi sejustifie également l'élargissement du panthéon textuel scolaire tradition­nel à l'ensemble des écrits sociaux scolaires et non scolaires. La réalisation d'un tel élar­gissement se heurte évidemment àâes limites : il a donc faUu choisirdans le vaste domaine des types d'écrits sociaux non retenus par la tradition scolaire.

A Aix^n-Provence, les équipes ont retenu les textes mathématiques, scientifiques et technologiques, qui fonctionnent traditionneUement àl'école primaire comme médiums et non comme écrits spécifiques impliquant une lecture et donc un apprentissage de lec­ture -spécifique. Ce qui peut constituer un élément d'explication à l'échec dans ces disci­plines, constaté au collège.

A Toulouse, ce sont les écrits sociaux relatifs à la vie civique, de tout type et de toute époque, qui ont été retenus, et ce dès l'école maternelle, en prenant là encore comme objets l'étude des écrits souvent présents dans les écoles sans pour autant être intégrés à une activité didactique de lecture.

L'objectifcommun réside dans la construction d'un autre rapport à l'écrit (et plus généralement au langage et à la langue), dépassant le rapport naïfd'adhésion à un texte transparent ou l'expression plus ou moins spontanée d'idées ou de sentiments sans enjeux interactionnels.

Ainsi, par une didactique plurinormabste fondée sur des pratiques de mise en rela­tion et de recherche de fonctionnalités, peut se construire la notion de variation sociolin-guistiquement fonctionnelle et sa progressive maîtrise.

3.2 -TRArrEMENT DIDACTIQUE DES NORMES MATHEMATI­QUES, SCffiNTOTQUES ET TECHNOLOGIQUES

(Claude Vargas, équipe d'Aix)

3.2.1 -Détermination de la recherche L'équipe d'Aix-MarseiUe s'est centrée sur les discours mathématiques, scientifi­

ques et technologiques. La déUmitation de ce domaine résulte d'un processus de recentrages successifs

conditionnés par la nécessité du faisable scientifique lié à la composition de l'équipe, à partir du champ initial qui intégrait toutes les disciplines au programme de l'école mater-neUe et élémentaire dans lesqueUes le maniement de la langue joue un rôle important.

Cette recherche s'est donc donné pour thème le traitement de la variation dans les discours mathématiques, scientifiques et technologiques et les effets produits sur les repré­sentations des maîtres et des élèves à l'égard de cesdiscours sociaux, scolaires et non-sco­laires, ainsi que sur les apprentissages correspondants. Elle repose sur l'hypothèse que des pratiques didactiques qui aUient une conception plurinormaliste du langage et une concep­tion de l'apprentissage de type constructiviste (pédagogie dite du projet, démarche d'éveil) sont de nature à :

- favoriser la constitution et/ou l'évolution positive des normes évaluatives des en­fants à l'égard des discours mathématiques, scientifiques et technologiques ;

- favoriserla construction progressive par les enfants d'une maîtrise des variations fonctionneUes dans le maniement des textes écrits sociaux, scolaires et non- scolaires.

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La Recherche-Innovation a impliqué la mise en oeuvre de procédures de transfor­mation et d'observation des pratiques de classe. Les objectifs de transformation des prati­ques de classe étaient les suivants :

- mise en place de situations correspondant à la fonctionnalité des textes (saufex-ception, cf. infra) ;

- mise en place de procédures de découverte des codages et de leur fonctionnakté, aussi bien dans le domaine référentiel que pragmatique ;

- mise en place de procédures favorisant l'objectivation des variations et la construc­tion progressive de la notion de variation sur les plans extrahnguistique (situation) et lin­guistique, aux différents niveaux évoqués ci-dessus (cf § 2.1 - ) ;

- mise en oeuvre des acquis aux différentes étapes par des productions fonction-neUes de messages similaires, avec modification éventueUe de certains paramètres situa-tionnete.

Nous avons conduit le travail sur des terrains contrastés : ZEP materneUe et élé­mentaire à MarseiUe, avec une population scolaire presque entièrement constituée d'en­fants de migrants d'origine maghrébine/groupe scolaire avec Ecole d'Application et enfants de milieu socio-culturel favorisé à Aix-en-Provence. Nous avons ainsi fait le choix du contraste maximal, permettant d'évaluer les effets d'une innovation " aux extrêmes", et d'éviter les dispersions sur un trop grand nombre de terrains. En outre, depuis plusieurs années déjà, les Z.E.P. étaient au centre des préoccupations de l'école élémentaire, et il n'était pas concevable pour ce type de recherche d'ignorer ce secteur.

Nous avons procédé àl'analyse des différents types de textes fonctionnant dans les classes pour le champ retenu afin de dégager la fonctionnahté - et éventuellement l'ab­sence de fonctionnaüté - des choix codiques aux différents niveaux textuel, discursif, énon-ciatif,syntaxiqueetlexical.

3.2.2 - Les points sensibles de notre recherche La situation

D s'agit là d'une donnée fondamentale pour une didactique plurinormaliste de la langue : si l'enfant ne retrouve pas les données pertinentes de la situation, la fonctionnali­té et les fonctions des discours et des codages ne peuvent être rétabUes, ou alors de façon relativement aléatoire. Le problème se complique du fait qu'il est difficüe de maîtriser les constructions réeUement réaksées par les enfants. Ainsi, en Grande Section de materneUe (Z.E.P.), la maîtresse, au cours d'une séquence de mathématique, fait procéder à toute une série de manipulations destinées à faire fonctionner la formule "il y a autant de... que de..." (mise en relation des garçons et des fiHes de la classe qui, ce jour-là, étaient en nombre égal, puis de leur signe au tableau, puis d'objets de séries différentes sur les tables). La for­mule est donnée et répétée par la maîtresse. Mais les enfants continuent à produire spon­tanément la formule connue d'eux : "c'est pareil" ou "y en a pareil", à l'exception d'une fillette qui répète à toute occasion la formule introduite par la maîtresse et se tient toujours prête à servir de modèle sur soUicitation de la maîtresse. On peut avancer, sans grand ris­que d'erreur, que cette fillette a perçu une attente de la maîtresse et a utilisé la formule comme outil de création d'une situation affective privilégiée. La formule mathématique était devenue formule magique et l'enfant avait créé une nouveUe fonctionnalité qui n'a­vait rien à voir avec la mathématique. A la Umite, l'exercice le plus rebutant peut toujours être fonctionnalisé par l'enfant dans la dimension affective de sa relation au maître. (C. Vargas,1985,p56.).

Mais il est possible aussi de jouer sur la situation. Dans un C.M.1 (Z.E.P.), le maî­tre entame une séquence, non définie auprès des élèves, en tenant ostensiblement à la main

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un livre de poche ouvert "Poil de Carotte", et il se met à lire : "La maman de Denis ap­porte un certificat médical. Denis doit garder la chambre pendant quinze jours complets, jusqu'au vingt-deux septembre inclus". Puis il demande qu'on lui pose des questioas. Pra­tiquement toutes les questions portent sur le contenu événementiel : les enfants recourent à leur savoir expérienciel scolaire pour voir là l'amorce d'une séquence de français et pro­duire le type de réponses conformes au genre de support textuel exhibé et au type de sé­quence supposé. Le maître demande ensuite de définir la nature du texte Iu. Réponses : un morceau de hvre, un couplet, un morceau de lecture, un paragraphe de lecture, un chapi­tre, etc. Le maître tire alors du hvre une feuiUe de papier (sur laqueUe il avait recopié te partie narrative d'un énoncé de problème mathématique) à la stupeur des enfants (certains pensent qu'il s'agit du certificat) et les renvoie à la page adéquate de leur manuel de ma­thématique (cris d'étonnement, exclamations, rires). Les enfants ont vécu une erreurd'in-terprétation situationnelle très fortement induite. A partir de quoi il est devenu plus facile, pour essayer de comprendre comment une partie d'énoncé de problème avait pu être pré­sentée comme un extrait romanesque et piéger toute la classe, d'amener les enfants à contraster les deux types de textes et à dégager la fonction de la confusion partielle des genres à l'oeuvre dans les énoncés mathématiques. (C. Vargas, 1987a, pp. 14-18).

Plurinormativité /Plurinormatisme La distinction nécessaire de ces deux concepts n'apas été immédiate. Lorsqu'eUe

a été opérée, il est apparu qu'on pouvait concevoir deux types de didactiques différentes, plurinormative ou plurinormaHste. Une didactique plurinornüiste pouvait (devait ?) être conçue comme l'intégration et le dépassement vers la recherche des fonctions sociolin-guistiques des données plurinormatives, ceci correspondant à deux phases essentieUes dans l'étude d'un discours. Reprenons l'exemple de l'énoncé mathématique évoqué ci-dessus.

Cette séance ne visait pas à faire hre des textes différents de ceux qu'on lit habi­tuellement en classe, mais à faire Ure différemment des textes scolairement famihers. A passer de la lecture-adhésion, induite par l'iUusion de la transparence du texte qui em­pêche toute prise de distance, à la lecture distanciée , qui prend en compte l'existence d'obstacles à une lecture transparente et se caractérise par une attitude critique à l'égard de l'auteur du texte et du texte lui-même (Qui a écrit ce texte ? Pour qui ? Quels étaient ses objectifs envisageables ? De quel type de texte s'agit-il ? Quelles sont ses lois de fonc­tionnement ? etc.) (cfL. Guespin, 1980). C'est là une donnée fondamentale pour notre re­cherche.

L'enfant a souvent des difficultés en mathématique -il ne comprend pas le problème - parce qu'il pratique une lecture- adhésion romanesque que favorisent certains types de problèmes (nous n'évoquerons pas ici l'autre cas également très fréquent de blocages lexi­caux non mathématiques en Z.E.P. qui rendent les énoncés incompréhensibles et le pro­blème infaisable). D'où l'objectif : faire découvrir en quoi le codage de ce type de problèmes est fortement inducteurd'une lecture-adhésion romanesque - mais aussi en quoi il se distingue du codage romanesque - et pourquoi on joue sur cette ambiguïté codique.

La démarche didactique s'est réalisée en deux temps. Dans un premier temps, le maître s'est appuyé sur les connaissances expériencielles des enfants : ils savent ce qu'est une histoire, un conte, qu'on y trouve peu d'indications chiffrées, qu'ils sont écritsau pas­sé. Us connaissent d'autre part les différents temps de l'indicatif. Hs ont pu ainsi mobiliser leurs connaissances pour contraster les deux types de textes, pratique nouvelle pour eux en début d'année. Pour ce faire, üs ont d'abord sélectionné sur les pages du manuel qui contenaient l'énoncé-piège les problèmes construits comme celui-ci afin de pouvoir ob­jectiver cette forme de codage. Ds ont ensuite pu dégagerce qui distinguait l'énoncé ma-

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thématique de l'énoncé romanesque en mettant en oeuvre leurs savoirs acquis : l'énoncé mathématique contient de nombreuses indications chiffrées et est écrit au présent (ceci n'é­puise pas les marques de spécificité codique du texte mathématique, mais il s'agissaitd'une première approche). Ds ont en outre découvert que toutes les informations fournies dans la partie narrative n'étaient pas utiles au traitement du problème. Ce premier temps cor­respond à une approche plurinormative des phénomènes langagiers.

Dans un deuxième temps ont été recherchées les fonctions de ces pratiques de co­dage à partir de la prise de conscience que ces textes n'existaient pas par génération spon­tanée, et qu'ils étaient le centre d'un réseau de relations pragmatiques. Le fait que la première partie des énoncés de problèmes pouvait ressembler à des histoires et contenir des informations non pertinentes mathématiquement a donné Heu à des interprétations spontanées hétérogènes :

- "C'est pour nous apprendre. - C'est une petite farce. - C'est pour nous apprendre à ne pas tomber dans les pièges. - C'est pour mieux expliquer.", où l'on voit fonctionner des représentations stéréotypées du rôle de l'école et des

outils pédagogiques. La discussion permit d'arriver progressivement à un rapprochement avec les histoires pohcières (la série télévisée "Colombo" : la partie narrative du problème est plus intéressante, mais eUe brouiUe les pistes. Il y a des indices cachés, et de faux in­dices destinés à désorienter. D faut faire le détective, ne pas se laisser prendre aux pièges que le rédacteur des énoncés a tendus aux élèves. On est passé de la transparence de la forme à son épaisseur pragmatique, de la lecture d'un énoncé à la lecture d'un discours.

Cette démarche présente deux inconvénients : la recherche des fonctions apparaît comme appendice du travail formel ; la phase plurinormative peut être très consommatrice de temps, particulièrement en ZEP, et réduire en fin de parcours la réflexion sur la fonc-tionnahté à la portion congrue, et par là-même la construction de la notion de variation fonctionneUe se trouve freinée.

Une première solution a été envisagée et mise en oeuvre, consistant à proposer des activités de sensibüisation à la FORME le plus tôt possible, dès la grande section de ma-terneUe, particulièrement en ZEP où le problème est réeUement crucial : avecl'importance et la diversité des pratiques de lecture et les représentations de ces pratiques, la distancia­tion par rapport à la fonction référentieUe du langage constitue l'un des traits distinctifs caractéristiques des deux groupes de notre population scolaire dans leurs rapports àl'écrit.

En outre, dans la phase actuelle de notre travail, nous avons décidé de modifier la démarche didactique : d'abord, recherche des fonctions du texte (mise en oeuvre des sa­voirs expérienciels de l'enfant : émergence des représentations, des pratiques connues dans les discours en situation) ; ensuite, étude des codages et de leur contribution aux fonctions du texte (développement des savoirs opératoires) ; enfin, généralisation et conceptuaksa-tion par le dégagement des formes intertextuellement récurrentes et de leurs fonctions sta­bles dans les situations déterminées. De la sorte, la didactique plurinormaliste n'entretiendrait plus avec la plurinormativité un rapport séquentiel et pourrait mieux correspondre aux principes didactiques présentés plus haut (cf § 3.1.1.1 -).

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3.3 - TRATTEMENT DIDACTIQUE DE LA PLURAUTE DES NORMES ET DES CODAGES

(Evehne Charmeux, équipe de Toulouse)

3.3.1 - Présentation du travail de l'équipe L'équipe de Toulouse-ENG, qui travaiUe depuis de nombreuses années sur les pro­

blèmes d'apprentissages premiers et seconds de l'écrit, en lecture comme en écriture, s'est donné pour tâche, dans la présente recherche, d'explorer, à la lumière des données de la socio4inguistique, ainsi que des théories récentes sur l'apprentissage, les contenus et les modalités d'une fonctionnalisation des messages en classe de manière à voir notamment si cette approche est de nature à favoriser l'apprentissage de la lecture en tant que construc­tion de significations de discours et la maîtrise de la production de textes.

Ayant choisi de focaUser son travail de recherche sur les écrits sociaux, scolaires ou non, relatifs à la vie civique, présente ou passée, notre équipe a d'abord cherché à uti-hser de tels écrits comme objets de lecture, aussi bien en maternelle, qu'au CP et CEl, pour les apprentissages premiers, et bien entendu, comme objets de travail sur la lecture dans les classes du second cycle de l'élémentaire. Mais notre objectifinitial a surtout été de provoquer chez les enfants un autre comportement de lecture, une lecture qui ne se borne pas à la recherche du sens des mots, ni même à la seule "compréhension" des messages, -savoirs opératoires - mais qui intègre la dimension fonctionnelle, c'est-à-dire la reconnais­sance des projets d'écriture qui ont induit leur production et du fonctionnement social de ces messages. Notre hypothèse majeure étant ici que la construction de la notion de varia­tion permet le développement d'un sentiment de sécurité face à ces variations.

Cette recherche répond à trois objectifs didactiques : - par la mise enjeu de connaissances expériencieUes "déjà- là" chez les enfants, et

en travaülant sur des messages sociaux, permettre la découverte explicite de différences entre les textes lus et/ou produits, et l'ébauche de données explicatives de ces différences;

- par des activités d'analyse contrastive, permettre la découverte de variétés intra-textueUes, de codages hétérogènes, c'est-à-dire, ouvrir la voie à la fonctionnalisation des choix discursifs, tant en lecture qu'en écriture ;

- accéder enfin à la notion de variation, par des analyses constrastives intertex­tuelles, faisant apparaître les enjeux et les fonctions auxqueUes correspondent les écrits, les choix d'organisation textueUe, les choix de codages ; ü s'agit alors de mettre en place des savoirs/connaissances conceptueLs, dont il importe de définir quelles notions, queLs concepts, quelles règles de fonctionnement, ils présupposent et impliquent.

3.3.2 - Percevoir et interpréter des DH^FERENCES entre les textes 3.3.2.1 - QueUes différences et sur quels textes ?

Dans chacune des classes de l'équipe, de la maternelle au CM2, la diversité des textes proposés à la lecture des élèves vise d'abord deux objectifs :

- permettre le recours aux savoirs "déjà-là" des enfants, en faisant appel aux repères construits dans la vie de l'école, ou dans l'expérience famiUale : textes appartenant à l'en-vironnementscolaire, consignes d'incendie, notes administratives, prospectus des cam­pagnes d'hygiène, lutte anti-poux, etc.. mais aussi affiches publicitaires,journaux, textes rencontrés et utüisés dans les autres activités scolaires, courrier etc..

- favoriser le repérage de constantes et de différences au sein de cette diversité, no­tamment au niveau des indices de la périphérie du texte, indices para-hnguistiques ou non, permettant de repérer des genres, des usages, des fonctions (cf. 3.1 - ).

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3.2.2.2 - Un exemple auCM2 : classe de J. de Peco, école P. Dot-tin, Toulouse

Dans cette classe, les divers projets des élèves avaient provoqué de nombreuses si­tuations de correspondance : correspondance inter-classes, courrierenvoyé auxparents du­rant la classe de neige, lettres envoyées auxpartenaires sociaux, maire, directeurde musée, directeur d'usine, rédacteur du journal local, etc... Le maître propose aux enfants une com­paraison de toutes ces formes de courrier, en recherchant ce qui paraît semblable ou diffé­rent. Les élèves ont ainsi défini des lettres reçues etproduites comme un ensemble, caractérisé par des marques formeUes et Unguistiques, l'opposant aux récits et aux contes lus par aiUeurs. Puis, à l'intérieur de cet ensemble, ils ont distingué des sortes de "sous-classes", repérables par les en-tête, la mise en page, et surtout les formules de poütesse. Un genre fortement précodé a été reconnu : celui des lettres administratives, aux codages nettementrécurrents, tant dans la gestion de la page que dans le recours à des choix lexi­caux et syntaxiques très caractéristiques, par opposition au courrier personnel, lettres aux parents et amis, dont les choix de codages sont beaucoup moins prégnants.

Pour ces enfants de müieux très défavorisés, ce travail a montré deux choses : - la première, c'est que, spontanément, ils n'accordent aucune fonction particulière

à ces différences. - la seconde, c'est que ces différences, une fois constatées, ne sont attribuées par

eux qu'à des efforts d'élégance : les formules utilisées dans les lettres administratives leur paraissant "plus joües", et écrites " en bon Français", par opposition aux lettres familières, " moins bien écrites" ; c'est seulement le travail de confrontation et la recherche d'une ca-ractérisation des différences constatées qui leur a permis dedépasser ce stade et de pres­sentir la notion de fonction : en fait, d'une conception très normative du courrier, ce travail leur a permis d ' accéder à la noti' on de normes sociales, plus ou moins fortement prégnantes.

Notre recherche-innovation nous a permis de définir ainsi une première étape, pas­sage qui semble bien obligé, vers la variation, la perception de différences, et la décou­verte que ces différences peuvent être fonctionnalisées.

3.3.3 - Vers la fonctionnaUsation des choix discursifs : découverte de variétés à l'intérieur d'un genre donné

3.3.3.1 - Que peut-on entendre par variétés internes à un genre?

C'est parla découverte que les choix de mises en nlots ne sont ni figés, ni homo­gènes à l'intérieur d'un même texte, que les enfants vont progresser daas l'appropriation du fonctionnement de l'écriture, et de la production de textes en général, qu 'ils soient oraux ou écrits.

Toutes sortes de situations ont permis de faire apparaître ce caractère hétérogène des mises en mots de textes. Aiasi, le travail précédemment cité en CM2 sur les diverses formes de courrier, a-t-il débouché sur une productionde lettres en situation simulée, por­tant sur le même événement (obtenir lelot gagné à une loterie imaginaire), mais adressés à des partenairesdifférents. Le caractère imaginaire de la situation a rendu possible toutes sortes de libertés et l'analyse des résultats apermis de découvrir le droit quasi infini de jouer avec les normes et la rareré effective des codages "purs".

Un autre exemple, pris dans une classe de CEl, permet de repérer un autre aspect de la variété intratextueile.

3.33.2 - Classe de D. Sirven, Ecole de Grenade s/Garonne CEl Il s'agit du travail effectué, daas cette classe, sur le livre de Janosch "Le Petit

Homme à la Pomme". Au cours de ce travail, la maîtresse, qui avait retrouvé, dans un ma­nuel ancien destiné au CE2 ( " Et Voici d'Autres Histoires" par L. Vérel et A. Jolly, Edi-

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tions Delagrave) une présentation de cette histoire, partieUement réécrite et divisée en six " leçons", a eu l'idée de proposer aux enfants ces deux versions de la même histoire, afin de provoquer, à la fois, une dissociation de l'histoire et de l'écriture, mais aussi par la dé­couverte de la possibilité de réécritures différentes d'un même texte, faire émerger les no­tions de variétés intratextuelles, et, par la suite, de codages hétérogènes, dans la mesure où ces réécritures sont rattachées à des projets différents et donc, ont des fonctions différentes.

EUe distribue un exemplaire du manuel aux enfants réunis par groupes de travail, et invite les groupes à faire toutes les remarques que leur inspire ce texte.

Mohamed : - "On dirait que c'est l'histoire du Petit Homme à la Pomme, mais ils ont changé les mots en voulant que les mots disent la même chose.

Magali : - Moi,j'ai remarqué qu'il y avait des mots souhgnés. Lucile : - ça, moi, je sais, c'est pour faire les haisons. Mais moi les kaisons, je les

fais quandje veux :j'ai pas besoin des traits ! Frédéric : - A chaque paragraphe, il y a des numéros et puis il y a une page avec

des devoirs, avec encore des numéros. Franck : - C'est un livre de CE2, alors, je crois que quand ilsl'emmènent à la mai­

son, ils font les devoirs. Cédric : - L'histoire racontée comme ça, ça fait penser à des devoirs. Juüen : - Dans un vrai üvre, on n'expkque pas comme ça ! La maîtresse : QueUes différences voyez-vous encore avec le livre du Petit Homme? LuciUe : - C'est peut-être pas écrit par Janosch, c'est un üvre d'école. Cédric : - C'est pas découpé pareil. La maîtresse : - Dans le Uvre, le roman n'est pas découpé : c'est vous qui décidez

de l'endroit où vous voulez vous arrêter. Vincent : - Ici, on a décidé pour nous : il y a 1 2 3 4 et c'est fini, après, il y a les devoirs."

La maîtresse, alors, a demandé aux enfants, toujours réunis par groupes, de procé­der à une comparaison très précise des deux versions du texte : chaque groupe a reçu la photocopie d'un paragraphe du manuel, qu'il avait à confronter au passage correspondant du livre, dont il avait également un exemplaire photocopié. Selon un code décidé ensem­ble auparavant, ils ont noté ce qui est exactement semblable dans les deux versions, les idées proches, mais formulées autrement, les idées différentes, et ce qui n'appartient qu'à l'un des deux textes. Un tel travail a suscité bien des discussions et soulevé pour les en­fants bien des difficultés. Comment distinguer si l'idée est la même sous les formulations différentes, par exemple : "n'avait pas une seule fleur"/"ne fleurissait toujours pas" ou en­core : "une corbeiUe"/"un panier". Ici, après bien des discussions, une petite fiUe a faitva-loir la différence en affirmant : " une corbeiUe, ça se porte sur le dos, comme lemontre le dessin de Janosch, tandis qu'un panier, ça se tient à la main".L'interet d'un tel travail, qui a tenu les enfants en haleine durant deux semaines, est multiple. D'une part, il les aaidés à appréhender le texte, non mot à mot, ce qui est encore souvent le cas au CEl, maisdans une approche beaucoup plus textueUe. La comparaison mot à mot ne fonctionnait pas, il faUait appréhender au moins les groupes fonctionnels, voire les phrases tout entières ; il faUait repérer des organisations textuellespour déterminer si "l'idée" étaitbien la même ou non. On a pu observer un réel progrès en ce sens dans le tâtonnement des enfants : d'un travail très intuitif au début, les enfants ont construit petit à petit des stratégies beaucoup plus précises, repérant les marques d'énonciation, les confrontant de façon de plus en plus rigoureuse.

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Mais surtout il a permis de faire un certain nombre de remarques sur le fonctionne­ment de la langue. Par exemple, iLs se sont trouvés confrontés à des tournures de double négation, qui n'avaient pas été comprises d'abord ( "ils n'étaient pas peu fiers"), compris à la première lecture comme "iLs n'étaient pas fiers") et c'est le travail de comparaison qui les a aidés à intégrer véritablement la signification quand iLs ont eu à confronter : "les huits policiers n'étaient pas peu fiers de leur succès" (textede Janosch)^'les agents secrets fi­rent fièrement le cercle autour du dragon mort"/(texte du manuel) et à se demander si c'était ou non la même idée. Ds ont été sensibles au phénomène de simplification, ou plu­tôt de pseudo-simpUfication qui caractérise cette réécriture destinée à transformer le texte en texte scolaire.

Onpeut même dire que, au terme de cette analyse, l'aspect " didactique" de la ver­sion du manuel est largement cerné par les enfants, en opposition au caractère "Httéraire" du texte de Janosch. Les effets des choix de codages ont été perçus sinon totalement com­pris. Une articulation apparaît ici entre la fonctionnahté des codages et le point de vue de la fonctionnaüsation. Cette démarche de différenciation, qui permet de pointer les consé­quences effectives des projets de réécriture, constitue un plus par rapport au travail effec­tué sur le courrier : l'ouverture à la notion de variation est ici bien engagée.

3.3.4 - Vers l'appropriation de la notion devariation Comme cela a été dit en 1.2.1 -, c 'est par la construction de relations, toujours com­

plexes, entre les variables finguistiques et les données extraünguistiques que la variété se transforme en variation. C'est ce travail de mise en relations qu'une didactique plurinor-maliste de la langue s'efforce de mettre en place.

Deux exemples, parmi d'autres, permettent de saisir ce travail de mise en relations, le premier effectué dans une classe de maternelle, le second, au CEl.

3.3.4.1 - Classe de Martine Brethes, GS, Ecole MaterneUe Picar­die-Toulouse

Depuis plusieurs années, la classe de Martine Brethes travaüle sur les affiches de l'environnement des enfants, qu'il s'agisse des campagnes nationales de prévention et d'hygiène, ou des campagnes de puMicité commerciale. En 1986 et 1987, la rencontre en­tre les habituelles campagnes scolaires sur l'hygiène et la propreté, et une campagne mu­nicipale sur la propreté dans la viUe de Toulouse, a permis un travail beaucoup plus approfondi que les habitueUes lectures d'affiches, notamment les affiches d'information et les affiches à caractère pubUcitaire ou commercial.

La mise en relation de ces affiches avec ceUes qui sont apparues alors dans toute la viUe de Toulouse, sur la propreté en viUe, a conduit les enfants à découvrir que leurs si­gnifications ne vont pas de soi, qu'elles dépassent de loin le simple sens des mots, et sur­tout que les deuxièmes n'ont pas les mêmes fonctions que les premières. La campagne sur l'hygiène dentaire vise de façon évidente deux buts très clairs : informer sur les dangers que présente un manque d'hygiène dentaire, et convaincre les enfants de se laver les dents deux fois parjour tous les jours. Une exploration attentive des indices à repérer sur les af­fiches a conduit les enfants à cette conviction sans difficulté.

La campagne municipale est apparue d'emblée plus complexe. Le caractère assez sophistiqué des slogans ( "balayons nos habitudes","c'est propre" /"c'est du propre") qui leur a posé de gros problèmes de compréhension, les a menés à penser que "ça cachait quelque chose" :

La maîtresse : - "A quoi ça a servi de coUer ces affiches, à votre avis ? Plusieursenfants: - Pourque ça soit plus propre à Toulouse,

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- Pour qu'on fasse attention, - Pour qu'on change nos habitudes. La maîtresse : - Qui a écrit ces affiches, on l'a dit, vous vous rappelez ? Les enfants : - C'est les gens de la mairie : c'est écrit surl'affiche !" Notons ici que les enfants avaient eu beaucoup de mal à comprendre la mention

"Mairie de Toulouse" comme désignant l'auteur de l'affiche. Comment un monument peut-il écrire une affiche ? D a faUu tout un travail de réflexion pour qu'ils arrivent à com­prendre que ce terme peut désigner également les gens qui travaillent à la mairie ; mais cette explication était encore insuffisante. En fait, le terme " Mairie de Toulouse" ne dé­signe pas tous ceux qui y travaiUent ; seulement ce qu'on appeUe "le Conseil Municipal". S'est trouvée ainsi abordée une notion essentieUe vers ceUe de variation des discours so­ciaux, la notion de locuteur social.

La maîtresse : - "Mais la manière de le dire, comment était-elle ? Un enfant : - C'était amusant, c'était pour faire rire. Un autre enfant : - C'est peut-être pour que le maire on l'aime bien ! La maîtresse : - Et les affiches sur les dents ? Est-ce qu'on sait qui les a écrites ? Un enfant : - Non, c'est des gens qu'on connaît pas. La maîtresse : - Alors pourquoi ont-ite écrit l'affiche ? Un enfant : - Seulement pour qu'on se lave les dents ; pas pour qu'on les aime î La maîtresse : - Est-ce que des affiches c'est toujours pareil ? Un enfant : - Non, ça dépend. U y en a pour dire seulement des choses, comme le

cirque ou la forêt qu'il ne faut pas brûler, et puis d'autres pour qu'on aime bien celui qui aécrit..."

Ce qui est à souligner ici, c'est, d'une part que l'on assiste ici véritablement à une évolution des connaissances expériencielles des enfants, issues de la vie quotidienne : sa­voirs transformés, enrichis par le travail scolaire vers une maîtrise plus grande des res­sources du langage. Mais d'autre part, qu'il ne s'agit pas seulement d'une découverte de différences, mais de l'amorce d'une explication des différences constatées : les enfants ont repéré des projets différents répondant à des fonctions différentes ; mais il ne s'agis­sait pas ici de précodages à fonction sociale mais bien de projets d'écriture. L'accès à une teUe notion, ceUe de projet d'écriture constitue un pas décisif vers la fonctionnafisar tion d'un message et donc vers la notion de variation langagière. Mais il faut bien admet­tre que si c'est une amorce de généralisation, ce n'est pas encore une conceptualisation. Il faudra multiplier des amorces de ce genre pour que les enfants accèdent à la notion pro­prement dite qui nécessite un lent travail de construction et la notion de projet d'écriture n'est encore qu'en füigrane. On assiste là à l'enracinement de la notion, pas encore à son appropriation.

3.3.4.2 - Classe de D. Sirven, Ecole de Grenade s/Garonne CEl La classe, qui est engagée dans un projet surle Moyen-Age et les Bastides, s'est

lancée à l'approche de Noël, dans une recherche sur les jouets et les jeux de cette époque. Ce jour-là, afin de permettre aux enfants de rencontrer un type nouveau de variété langa­gière et pour voirs'ils pourront avancer dans larecherche d'une fonctionnaUsation de cette variété, eUe apporte un texte tiré du üvre de Danièle Alexandre-Bidon et Monique Clos-son : "L'Enfant àl'Ombre des Cathédrales" (PUF, Lyon). Il s'agissait d'un extrait sans il­lustrations, nuUement écrit pour des enfants et comportant deux petits passages en ancien français, l'un de R. LuUe, tiré du Uvre de Biaquerne, l'autre de GuiUebert, tiré de sa "Des­cription de Paris" (1434).

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Le texte est distribué avec la consigne de travail suivante : "Relevez tous les jeux que Ton peut trouver dans ce texte ; notez-les pourqu'on puisse les classer après/' Aucune remarque ni sur ladensité du texte ni sur les passages en ancien français. Au bout d'un mo­ment, un enfant dit à haute voix : "je me demande ce que ça veut dire : fouloient". La classe réagit par des "moi aussi ! !". Les enfants sont alors invités par la maîtresse à chercher des indices dans le texte leurpermettant de formuler des hypothèses sur le sens de ces for­mules, n faut souligner ici tout le passé méthodologique de ces enfants, habitués à cher­cher des indices pertinents, à mettre ces indices en relation entre eux et à formuler des hypothèses, non dans une attitude de " devinette", mais par un travail de raisonnement ri­goureux donnant à ces hypothèses une assise logique sohde. Depuislongtemps, lire n'est pas traité dans cette classe comme un mécanisme, mais comme un travail deconstruction à partir de connaissances expériencielles et de raisonnement.

Les premiers détails repérés par les enfants ont été les guillemets, le nom de l'au­teur, le terme : "décrite", "On, dirait de la poésie" dit un enfant. Un autre remarque le "il vit" et affirme : "Je crois que ça veut dire : il voit, et puis "les fleurettes", ça veut dire des petites fleurs !" ; un troisième renchérit alors : "s'envoloient, ça doit vouloir dire s'envo­laient".

Cette remarque suscite un véritable enthousiasme et donne la clé des difficultés des enfants. Suit un jeu de traductions : "s'efforçoient", ça doit vouloir dire "s'efforçaient" et " fouloient"c'est "foulaient". Un enfant conclut alors : "A chaque fois qu'ils mettaient "oient", nous on met "aient" maintenant. Peut^tre que le son /e/s'écrivait -oi-.... Nous, on a changé !".

Un tel jeu a déclenché comme un décHc vers la recherche de toutes les autres dif­férences. Et lorsqu'un enfant a dit : " Moi, je ne comprends pas ce que veut dire "s'esle-voient", toute la classe en choeur lui a répondu : "ça veut dire " s'élevaient" !" et un enfant a ajouté: "Peut-être que le son /e/s'écrivaitparfois es, au Moyen-Age".

L'absence de t à "enfans" a été remarquée, et l'hypothèses qu'il s'agit peut-être d'une erreur a été rejetée vigoureusement par toute la classe, montrant ainsi que l'idée de "variation historique" était en bonne voie de construction par toute la classe. "Mais alors, ont dit les enfants, les mots ne se sont pas écrits toujours pareil ?". Et la maîtresse a expli­qué que non, que les mots ne se prononçaient pas comme aujourd'hui, qu'il n'y avait pas beaucoup de gens qui savaient lire et écrire et qu'il n'y avait pas vraiment de règles d'or­thographe... Les enfants ont été à la fois très surpris et très intéressés d'apprendre tout ce­la. Cette brusque irruption du temps dans quelque chose qui semble à l'école si stable et si intangible nous a semblé avoir été un puissant facteur de dédramatisation et même de sé­curisation : d'eux-mêmes ils ont demandé à essayer de réécrire ce texte comme on l'écri-raitaujourd'hui.

Certes, ce n'est pas là un travail sur l'apprentissage de la variation au seas socio-linguistique du terme, mais on peut dire que dans la mesure où il s'agit de la découverte de la dimeasion historique de la variation langagière, c'est une entrée intéressante vers l'appropriation du fonctionnement du langage, vers la construction du concept de varia­tion. En fait, ce qui a été ici l'objet d'une découverte par les enfants, c'est un aspect de la fonctionnalité linguistique, à savoir que le code commun est un système complexe évolu­tif, gouverné selon des dimensions à la fois sociales et historiques. Ainsi apparaît le fait que la notion d'invariant, liée à celle de variation est elle-même une notion ouverte, dyna­mique, qu'il importera de situer avec précision mais que l'on peut d'ores et déja placer en dehors de tout dogme prescriptif. La notion fonctionneUe de normes se trouve dès lors des racines...

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L'équipe ENG de Toulouse aboutit au double constat suivant : d'une part, il est pos­sible de mettre en place dès le plus jeune âge un travail d'interprétation des différences constatées, d'autre part, s'il est vrai que l'accès à la notion de variation langagière reste difficile et lent, la notion de plurahté des normes et des codages semble bien accessible très tôt aux enfants. On peut dire que notre contribution à la recherche d'une didactique de la variation langagière consiste en deux directions de travail importantes :

- l'appropriation de la variation situationnelle et la construction de la notion de "lo­cuteur social";

- la prise en compte de la variation sociale et de la variation diachronique. Le travail dans les classes a permis de clarifier un certain nombre de caractéristi­

ques de la démarche plurinormaliste : partant des enjeux pragmatiques qui éclairent la fonc-tion de l'énoncé, conduire les enfants vers l'étude de la mise en mots, de l'homogénéïtéAiétérogénéïté des codages hnguistiques, pourexpliciterles fonctions de la mise en mots, et partant, fonctionnakser le message. Mais il reste à approfondir d'autres aspects du travail didactique de fonctionnatisation.

3.4 -CONCLUSION : FONCTIONNALKATION/DffFERENCIA-TION

(Eveline Charmeux) A la suite de nos premiers essais d'innovation contrôlée, il apparaît que le traite­

ment didactique des problèmes de fonctionnalisation implique, pour favoriser l'accès à la variation langagière, un travail sur les écrits lus et produits présentant certaines caractéris­tiques :

- en premier tieu, être inséré dans des situations de communication interactionnelles, où l'enfant doit pouvoir retrouver des données pertinentes pour que la fonctionnahsation puisse s'opérer : des projets sociaux, présentant des enjeux repérables par les enfants. La fonctionnaüsation des messages constitue d'aiUeurs une approche essentieUe pour déve­lopper une démarche plurinormaliste : la dimension sociopragmatique est la première à prendre en compte.

- d'autre part, conduire un travail sur la différenciation des codages en vue de la construction de leur fonctionnalité tinguistique et sociohnguistique, autant au plan diachro­nique que synchronique. Nous avons vu l'importance didactique d'un travail sur la dimen­sion socio-historique. D semble d'aiUeurs souhaitable d'envisager des prolongements vers la diversification socio-géographique des codages, par exemple à l'écheUe de la Franco­phonie.

4 - QUELLES VARIABLES Dtt>ACTIQUES ?

(Eveline Charmeux)

FONCTIONS DE LA GRILLE DE VARIABLES DANS LA RE­CHERCHE-INNOVATION

La griUe de variables qui suit est le résultat d'un travail du Groupe qui a analysé des séquences de classe. Cette analyse a eu pour premiereffetd'abord d'orienter, puis de réorienter le travail de recherche-innovation, notamment dans certaines dimensions non exploitées ou non perçues dans le projet initial de la recherche.

L'entrée de notre travail, il n'est pas inutile de le rappeler ici, avait été une entrée socio-linguistique ; le problème de la didactisation n'a été traité que dans un second temps. C'est la construction de la grille qui a clarifié les problèmes didactiques,et conduit ensuite la mise en place du travail dans lesclasses. TeI a été, par exemple, l'itinéraire de l'oppo-

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sition "pluri- normatif7'pluri-normahste''. Le travaild'innovation portait initialement sur­tout sur la prise en compte d'une plurahté de normes, par opposition à la conception d'une norme unique. C'est l'approfondissement de la notion de normes qui a conduit à déplacer l'éclairage sur les implications didactiques de cette analyse et à rechercher une conception pluri-normaUste de l'enseignement du français, par opposition à une conceptionpluri-nor-mative de cet enseignement (cf. supra : 3.1 ).

Cette recherche didactique a permis en retour de clarifier certains référents théori­ques, pour les didactiser à leur tour : nous avons été ainsi conduits à affiner la distinction entre les codages, données tinguistiques, et les normes, données sociolinguistiques. .Mais c'est surtout la détermination des modahtés didactiques qui a été guidée, puis rema­niée par ce travail d'expkcitation des variables. La grüle a été construite sur neuf "fais­ceaux" de variables :

- la conception des fonctions dominantes du langage ; - la conception de la langue ; - la conception de la norme ; - le type d'objets langagiers proposés aux enfants ; - le type d'objets langagiers produits par les enfants ; - le type de référents théoriques, de leur traitement didactique ; - les lieux et niveaux d'intervention didactique ; - les stratégies d'apprentissage des enfants ; - les critères-clés d'évaluation et normes évaluatives. Ces faisceaux de variables sont éclairés par les mots-clés qui constituent un des in­

dicateurs de reconnaissance et qui résument certains ensembles de faisceaux : - la conception de la langue, et la caractérisation des modahtés ; - la conception de la norme ; - les types d'objets proposés, produits, et les référents théoriques ; - les lieux d'intervention et les stratégies d'apprentissage. Deux remarques semblent utiles à propos de cette griUe de variables. D'une part le

caractère heuristique du processus, le travail effectué pour la construire, la remettre en question, la déconstruire, et la reconstruire surd'autres bases, et ceci, dans une dialectique constante entre le travail dans les classes, l'analyse des référents théoriques et leur didac-tisation. D'autre part, le fait que la démarche de construction de la griUe a été en tous points parallèle à la démarche définie en Modahté 4 :

- mise en commun des connaissances sur la classe, que certains membres du Groupe avaient acquises dans un travail antérieur, notamment lors des recherches des Groupes "Langue Orale" et "Langue Ecrite" (l.N.R.P. "Repères" n°19, p.72 : " Thèmes d'innova­tion et de recherche") et lors de la recherche codée A 75.01.2.05 : "Description et Evalua­tion des Pédagogies du Français à l'Ecole Elémentaire" (cf. Programme de recherches 1977y78 I.N.R.P.).

- repérage comparatif des codages récurrents et définition contrastive des inva-riants/variationsde ce travail dans les classes, vers l'affinement des hypothèses de re­cherche. C'est ainsi que le caractère "pluri", des situations, des textes, des normes, qui paraissait tout d'abord le trait le pluspertinent de notre travail d'innovation nous a paru tout aussi pertinent que celui de la fonctionnahsation des discours tant en lecture qu'en écriture. De même, la conception des fonctions dominantes du langage est passée d'une représentation structuraliste de la communication à une conception interactionnelle, à la fois référentieUe etpragmatique, des situations de communication. Enfin, c'est un travail d'approfondissement des variablesqui a permis l'évolution du cadrage théorique, depuis

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une socio- linguistique de la co-variance, vers une socio-linguistique fonctionnelle. L'ex-plicitatìon théorique de la grüle, c'est-à-dire : comment les quatre modalités ont été défi­nies par le Groupe, et queLs sont les principes essentiels par lesquels elles s'opposent, est donneeenl.3-.

(voirgriUe : quelles variables didactiques)

5. D'UNE DO)ACTIQUE PLURBVORMATIVE A UNE DH)ACTI. QUE PLURDVORMALKTE

(Jacques Treignier) Les pratiques innovantes des équipes du Groupe National " Variations" se caracté­

risent par un renouveUement du rapport à la Norme ; pour Chartres et Nîmes, par la mo­dification des normes évaluatives concernant les maniements oraux de la langue ; pour Aix et Toulouse, par la modification du rapport des enfants aux discours écrits.

5.1 - VERS DE NOUVEAUX RAPPORTS A LA NORME : MODDPI-CATION DES NORMES EVALUATrVES

Le renouveUement du rapport à la Norme s'opère par un abandon des procédures didactiques habituelles d'inculcation de la Norme : jugements dévalorisants, correction surnormative... D s'appuie d'abord sur l'analyse par les enfants de leurs pratiques langa­gières ou de celles de leurs proches lorsque celles-ci provoquent un intérêt, (comment pa­pa parle-t-il à son employeur ?), ou constituent un problème ( "pourquoi tu vouvoies ce monsieur" ?), lors des interactions verbales en classe.

EHe se nourrit d'expUcations différenciatrices soit sur les fonctionnements socio-langagiers, soit sur les fonctionnements knguistiques. Par exemple : le genre dans la lan­gue de tes parents ne fonctionne pas comme en français. Par exemple également "Ce mot sera compris par ton " papé", pas par ton correspondant qui habite Lille."

Ainsi progressivement l'enfant situe par exemple la Norme socialement requise à l'école parmi la multiplicité des Normes présentes dans la société. Ceci ne veut pas dire que l'enfant assimile les normes et lessituations (heux, temps, statuts), sachant que la va­riation est toujours possible, qui permet l'effet sur le locuteur. On peut sciemment em­ployer un mot occitan/francitan que l'on sait inconnu de son interlocuteur pour affirmer son identité, pour le pousser à poser des questions, pour ouvrir un espace où l'on vivra son vécu et ses convictions. On peut sciemment manier les contre-normes pour attirerl'atten-tion, affectiver son discours, viser l'effet -choc.

En ce sens les objets de savoir, les savoirs enseignés à l'école relèvent plus d'inter­relations entre le situationnel et le linguistique que des seuLs niveaux phonético-phonolo-gique, morphosyntaxique et lexical. D s'agit donc dans un premier tempsd'un changement de rapport à la Norme et aux normes, de stratégies différenciatrices et expücatives, de constitution de nouveaux objets d'enseignement/apprentissagecentréssur les inter-rela-tions évoquées ci-dessus.

5.2 -MArTRISER LA DDVIENSION SOCIOPRAGMATIQUE DU LANGAGE

Cette nouvelle démarche de construction de la signification refuse la transparence du sens du texte quiest souventprésupposée par la lecture de textes isolés non replacés dans leurs situations de production et de réception et dont le modèle courant est l'expkca-tion de texte. EUe s'attache, en revanche, à mettre en évidence, que les précodes caracté­ristiques d'un genre, (lettres administratives, discours mathématiques, textesjuridiques...) sont souventprésents de façon hétérogène dans les discours. Cette hétérogénéité n'appa-

72

GRILLE DE VARIABLES. Du bon usage à des normes fonctionnelles

QUELLES VARIABLES ?

Modalités des variables

VARIABLES

I Conception des I fonctions I dominantes de I la langue

I Conception de I la langue

j Cautérisation I de la modalité I didactique

I mots clés

I Conception I de la norme

I mots clés

Types d'objets I langagiers I

proposés aux I enfants I

I L

I Mi I normative

Elaboration et expression de la pensée

Le français est l'objectif : c'est la langue belle et bonne que pra­tiquent les milieux cultivés parisiens et que révèlent les textes littéraires ; la langue est régie uniquement par les

exceptions

Unicité

Langue = norme unique ; beau, bon langage

Norme unique définie par le code commun ; normativité

Correct : I correction ; I beau, bien, bon ; I en opposition avec "argotique" I "incorrect" I "patoisant" I

Des phrases, des textes I d'auteurs, issus de la I tradition scolaire I

T M2 1 I aléa-normative

I Expression de la personnalité I et du ressenti

I II n'existe pas de modèle a inté- I I grer mais autant de "langues" quel I d'individus ; la langue est régie I

à la fois par les contraintes du I système et par les variations in- I

I dividuelles dues à l'originalité de I I l'expression de chacun I

Variance ; I aléatoire I

Expression : I liberté ; I personnalité ; I différences I individuelles et 1 interindividuelles I

Normes aussi variables que les I individus ; norme confondue avec le style, expression de la personnalité I

Affectif ; motivation personnelle ; I expression j

Des phrases et textes I produits par des enfants de I la classe ou d'une autre I (correspondance interscolaire, I journal de classe, textes libres) I

__ I

73

Modalités des variables

I M3 pluri-normative

Fonction de communication au sens structuraliste

La production de discours est régie à la fois par les contraintes du système et et par les situations de communication ; il y a adéquation relative entre le type de texte et la situation de communica­tion, conçue comme une réalité objec­tive : le travail de lecture vise le sens de l'énoncé

Co-variance situationnelle : sociolinguistique variationniste

Codages récurrents énoncés ; typologies de textes ; sens ; variation linguistique et sociolinguistique I

codages récurrents

Code commun et différences ; diversité des codages, déterminée par les types de situations et de textes.

Niveaux et/ou registres de langue : types de textes

I Tous textes de la vie sociale. I scolaires ou non. dont on étudie les I structures textuelles et linguistiques, j I et les codages récurrents et non I I récurrents

L 1

I M4 1 J pluri-normaliste I

I Fonction de communication I I et pragmatique I

La production de discours est régie par I deux séries de données : les contraintes I du système, les situations de ccrrmunicat ion] conçues comme ensembles de représentations! et non comme des réalités entièrement J objectives (les enjeux sociaux des interac- I tions, avec les fonctions des discours I produits) ; le travail de lecture I vise la signification des discours I

Fonctionnalisme ; I probabilisme : socio-linguistique fonctionnelle

Discours ; normes & contrenormes ; I sens et signification ; I fonctionnaiisation ; I variation d'ordre sociolinguistique et d'ordre linguistique ; I codages récurrents et occurrents I

Normes plurielles d'ordre sociolinguistique, I dominantes, dominées, différem- I ment fonctionnalisées suivant les I enjeux des interactions sociales ; variétés et variations sont à interpréter I normes subjectives et évaluatives I

Variété et variation normes dominantes, dominées, contrenormes ; codages linguistiques ; précodé, recodé, néocodé

Tous discours sociaux, scolaires ou non scolaires, dont on étudie les interrelations entre la situation de communication, les enjeux de l'interaction sociale et les codages '•••'

74

QUELLES VARIABLES ? (suite) Modalités des variables

VARIABLES

Types d'objets langagiers produits par les enfants

Types de référents de traitement didactique de ceux-ci

mots clés

Lieux & niveaux d'in­tervention didactique privilégiés

Stratégies d'apprentissage des enfants

mots clés

(Critères clés I d'évaluation j et normes I évaluâmes I

I I

[ M1 ~~~~ i normative

I Rédactions ; I réponses écrites I aux questions en diverses I disciplines ;

I Savoirs enseignés = I calques simplifiés I du savoir savant passé ; I référence implicite aux I savoirs savants des siècles I passés ; rupture entre les I pratiques scolaires et les I pratiques sociales : I pratiques sociales conçues I comme des obstacles à

l'apprentissage des pratiques scolaires. rejet de la variété

Tradition

Syntaxe de la phrase

La norme des adultes cultivés est le modèle à imiter

Belle phrase I

Bon usage des bons I auteurs : I normes normatives I

—L

] M2 I aléa-normative I

I Textes libres : I I correspondance : I I journal scolaire ; I

f Rejet de la tradition 1 I scolaire en tant que modèle I adulte imposé, entravant les 1

conquêtes de l'enfant ; I outils d'analyse des productions

d'enfants forgés en ateliers I coopératifs ; valorisation de la

1 variété

f Travail en ateliers coopératifs

Enoncés globaux : syntaxe de la phrase

Tâtonnement par essais et erreurs, référence privi­légiée aux productions des pairs

Authenticité sincérité

Expressivité : normes de la classe en tant que groupe social :

75

Modalités des variables

M3 I pluri-normative

Toutes productions orales ou écrites

I liées à des I projets de communication ;

I Savoirs enseignés I dérivés de savoirs savants récents :

I distance à 'égard de la tradition I scolaire ; I pratiques scolaires modelées sur les I pratiques sociales, analysées à l'aide j d'outils textuels récents ; I construction de la notion de variation ; 1 récents

Typologie de textes : fonctions des situations de communication ; grammaires textuelles : morphologie du conte

Textuel et intertextuel ; phrases, syntagmes. situations : visée formelle

I et sémantique

J Stratégies de comparaison : repérage I comparatif des codages récurrents :

caractérisation contrastive des textes & des situations

Adaptation à la situation de I I communication : I I cohérence textuelle : I I codages plus ou moins I I fortement récurrents I

Récurrences des I codages : I normes dominantes éventuellement : I adéquation des codages à la situation I de communication : I

L — 1.

, 1 y '• ' ' 1

M 4

I pluri-normaliste

I Toutes productions orales I ou écrites liées à des I I projets de communication I I interactionnelle ; I

I Détermination des savoirs enseignés, I par traitement didactique des traditions I scolaires articulées avec des pratiques I sociales et des savoirs sociolinguistiques et I linguistiques ; I analyse par les maîtres et les enfants de I la tradition scolaire en tant que pratique j sociale ; spécificité du discours I didactique.

Pratiques sociales scolaires et non scolaires ; discours didactiques ; pragmatique et sociolinguistique fonctionnelle ;

Situations, textes, intertexte, phrases, syntagmes ; visée pragmatique et sémantique

Recherche de la fonction ou des fonctions des écrits, d'après leur nature et leur fonctionnement social ; mise en oeuvre de connaissances expériencielles et opératoires : fonctionnalisation de ia variation ? fonctionnalité des codages récurrents et occurents (savoirs opératoires et conceptuels). I

Interactif : I piuri-dimensionnel fonctionnel : macro/micro structures : I codages plus ou moins fortement I récurrents : fonctionnalisation I

Fonctionnalité des codages I par référence aux objectifs de l'interaction, compte-tenu des données de 1'interlocution, des conditions de communication et du,genre d'écrit

76

raîl qu'à l'étude contrastive. EUe peut être conduite sur un corpus de textes relevant du même genre, flettres), ou de genres différents, (récit et énoncé mathématique). Cette hété­rogénéité n'est pas à sémantiser mais à interpréter au regard des variables langagières et non langagières de la situation de communication : pourquoi teUe ou teUe formule de po­litesse sur la lettre, pourquoi raconter une histoire pour poser un problème de mathémati­que, pourquoi cette affiche est-eUe signée, etc... En ce sens les pratiques plurinormaHstes réalisent une synthèse -dépassement des pratiques plurinormatives ancrées sur les genres et récurrences textuels et sur le procès de sémantisation. EUes visent à faire maîtriser par les enfants la dimension sociopragmatique du langage.

5.3. -MATTMSER LES INTERACTIONS ENTRE VARIATIONS ET REGULARITES OBSERVABLES

Historiquement l'école a toujours essayé plus ou moins d'intégrer l'état des connaissances sur la langue dans son enseignement. Cette didactisation continue repose sur des aspects ponctuels : la lettre, le mot, la syUabe, la phrase, plus récemment les uni­tés textuelles. Les açquis de la présente recherchejustifient que l'on redéfinisse les objets d'apprentissage/enseignement non en termes d'unités mais en termes d'inter-relations en­tre unités, non en termes de fonctionnements linguistiques mais en termes langagiers d'ar­ticulation entre le Unguistique et le situationnel.

Il faut en ce sens renoncer à la référence rassurante à la Norme et envisager l'uni­vers probabiliste des contraintes du déjà-dit, de ce qui est à dire, des statuts sociaux, des projets de locuteurs, des renégociations interactionnelles des conditions de communica­tion qui font entrer chaque lecture, chaque écriture, chaque écoute, chaque parole à la fois dans le cadre de régularités observables de tous ordres et dans celui de la variation où s'ins­crit tout acte de parole.

6 -ANNEXES

6.1-COMPOSmONDUGROUPE"VARLVnON"

Responsables du Groupe Christiane MARCELLESI, maître de conférence en Linguistique, Université de Haute Normandie, Rouen. Jacques TRElGMER, iïispecteur départemental de l'Education Nationale, Chartres.

Composition du groupe Evelyne CHARMEUX, ENG de Toulouse et l'équipe de Toulouse. Sylvette FABRE, ENM de Nîmes et l'équipe de Nîmes. Jacques TREIGMER, I.D.E.N. (DEA de linguistique) et l'équipe de Chartres. Claude VARGAS, (Docteur és lettres et sciences humaines socioHnguistique) E.N.M. d'Aix et l'é­quipe d'Aix.

Equipe universitaire associée Régine LEGRAND-GELBER, Université de Haute Normandie, Rouen, G.R.E.CS.O. Christiane MARCELLES^ Université de Haute Normandie, Rouen, G.R.E.CS.O.

Consultants scientifiques Frédéric FRANCOK, Professeur d'Université en Unguistique, Université de Paris V. Jean-Baptiste MARCELLES^ Professeur d'Université en Unguistique, Université de Haute Norman-die,Rouen.

77

6.2 - ELEMENTS BIBLlOGRAPfflQUES : OUVRAGES DE REFE­RENCE

ARMENGAUD Françoise (1985) "La pragmatique" , Paris, PUF. AUSTOJ John Langshaw (1970) "Quand dire c'est faire" , Paris, Seuil. BAKKHNE Mikhail (1970) "La poétique de Dostoïewski", Paris, SeuiL BAKHTTNE Mikhaü, (VOLOCfflNOV) (1977) "Le marxisme et la phüosophie du langage" , Pa­ris, Editions de Minuit.

BAKKHNE Mikhail (1978) "Esthétique et théorie du roman", Paris, Gaüimard. BEST Francine (1978) "Vers la hberté de parole" , Paris, Nathan. Bulletin administratif du Ministère de TListruction pubUque, (1923) Ministère de TListruction pu­blique, Listructions relatives au nouveau plan d'étude des écoles primaires élémentaires , tome OOV,pages75-137.

CHEVALLARD Yves (1985) "La transposition didactique. Du savoir savant au savoir enseigné" . Grenoble, La Pensée Sauvage. COLLECHF (1971) 'Tlan de rénovation de l'enseignement du français à l'école primaire dit "PRO­JET ROUCHETTE" , dans " La réforme de l'enseignement du français vue par ceux qui l'ensei­gnent", "L'enseignement pubUc", supplément au n° 5, 3eme édition, janvier ly74, pages 87-103. DANNEQUE* Qaudine (1976) "Les enfants baîUonnés", CEDIC, Paris. DUCANCEL Gilbert (1980) "Comprendre ce que disent les maîtres, une clé de lecture en trois mo­dèles" , dans " Repères " n°58, pages 73-93. FERRY GiUes ( 1983) "Le trajet de la formation, les enseignants entre la théorie et la pratique", Pa­ris, Dunod. FRANCOES Denise (1976) "Sur la variété des usages Unguistiques chez les adultes", dans "La Pen­sée" n° 190, décembre, pages 63-73. FRANCOIS Frédéric (1975) "Fonctions et normes de la langue écrite" , dans "Le Pouvoir de hre", Paris, Castermann. FRANCOK Frédéric, sous la direction de (1980 a) " Conduites langagières et sociohnguistique sco­laire" , " Langages", n° 59, Paris, Larousse. FRANCOLS Frédéric, sousIadirection de(1980b), "Linguistique", Paris,PUF. FRANCOK Frédéric ( 1980 c) **Linguistique et analyse de textes", dans "Linguistique", Paris, PUF. GARDttJ Bernard, MARCELLESI Jean-Bapstiste, et le G.R.E.C.S.O. (1980) '*Sc>cio-imguistique et école", dans "Sociolinguistique. Approches. Théories. Pratiques", tome O, section V, Paris, PUF. GOFFMAN Ervin(1982) "Les rites d'interaction", Paris, Editions de Minuit. HAGEGE Qaude ( 1982) "La structure des langues" , Paris, PUF. HARNOK Guy (1929) "Les théories du langage en France de 1660 à 1821", Paris, Belles Lettres. HYMES D.H. (1984) "Vers la compétence de communication", Paris, Hatier-CREDff. D*N (1970) Plan de rénovation de l'enseignement du français à l'école élémentaire , document ro­néoté, Paris, JPN. JEAN Georges et autres (1982) "Poésie pour tous" , Paris, Nathan. Journal Officiel (1938) 24 septembre, Listructions relatives aux arrêtés du 23 mars 1938 . LABOVWiUiam(1976) "Sociounguistique",Paris,EditionsdeMinuit. LAFONT Robert (1979) "Productivité cultureUe etdomination linguistique" dans "Lengas" n° 6, pagesl-21. LAFONT Robert, GARDY Philippe (1981) g"La diglossie comme conflit, l'exemple occitan", dans "Langages"n°61,pages75-91. LAFONT Robert(1982) "Espace et norme tinguistique, ou l'occitan en question de langage" dans "AMDtA.S^epères"n°3,pages3-ll. LESNE Marcel (1977) "Travail pédagogique et formation d'adultes" ., Paris, PUF.

78

MARCELLESI Christiane, sous la direction de (1976) " Aspects socioculturels de Fenseignement du français" , " Langue Française", n° 32, Paris, Larousse. MARCELLESI Christiane, sous la direction de (1986) "Ecole ici... là-bas" , dans les "Cahiers de Linguistique Sociale", n°8, Rouen, Université de Rouen. MARCELLESI Jean-Baptiste ( 1976) "Norme et hégémonie hnguistique" dans les "Cahiers de Lin­guistique Sociale", n° 1, Rouen, Université de Rouen. MARCELLESI Jean-Baptiste, GARDïïN Bernard (1974) " Litroduction à la sociohnguistique. La linguistique sociale", Paris, Larousse. MARCELLESI Jean-Baptiste (1986) "Langages" , n° 83, Paris, Larousse. MARTuNET André (1970) "Eléments de linguistique générale " , Paris, Armand CoHn. " Recherches Pédagogiques" (1969), "L'enseignement du français à l'école élémentaire : compte-rendudescriptifd'uneexperience.l967-1968"n"38,Paris,n*N. " Recherches Pédagogiques" (1973) "L'enseignement du français à l'école élémentaire, Plan de ré­novation, hypothèses d'action pédagogique n° 61, Paris, HviRDP, pages. ROMMN Hélène ( 1979), "Pour une pédagogie scientifique du français" , Paris, PUF. ROMDVN Hélène, LAFOND Annette (1981) "Vers l'observation de variablespédagogiques. Un Questionnaire d'Identification des Pédagogies du Français au CMI" , Paris, ñNRP. RCWnANHélène,coordonnépar(1987) "Construireune didactique","Repères",n°71,Paris,D^RP. SEARLE John R. (1972) "Les actes de langage" , Paris, Hermann. SEARLE John R. (1982) "Sens et expression" , Paris, Editions de Minuit.

6.3 - PUBLICATIONS DES MEMBRES DU GROUPE (DANS LE CHAMP DE LA RECHERCHE)

CHARMEUX EveHne (1987) "Construire la notion de variation dès les premiers apprentissages" , dans " Repères", n° 71, "Construire une didactique", Paris, iNRP, pages 19-26. FABRE Sylvette, CHABBERT Marie-Henriette (1979) " L'occitan à l'école, éveil aux parlers ré­gionaux" , dans " Repères", n° 53, ñNRP, Paris, pages 28-87. FABRE Sylvette (1985) "Approche de la représentation que les enfants se font de la langue régio­nale" , dans " Repères", N° 67, "Us parlent autrement. Pour une pédagogie de la variation langa-giere",uNRP,Paris,pages59-70. FABRE Sylvette (1986a) "La famiharitéavec la languerégionale et la représentation que s'en font les enfants", dans "Cahiers de Linguistique sociale", n° 8, "Ecole ici...la-bas", Université de Rouen, F76130MontSaintAignan,pages29-56. FABRE Sylvette(1986 b) "Savoirs de l'Ecole, savoirs de la vie", dans "Rencontres Pédagogiques", n° 11, "Communiquer ça s'apprend," ñNRP, Paris, pages 13-29. I.N.R.P. (1982) "Recherche de stratégies de prise en compte comme facteurs de réussite des diffé­rences sociocultureUes et des variations des pratiques langagières dans une pédagogie de la commu­nication". Document ronéoté, Paris, LNRP. I.N.R.P. (1984) "Modes de gestion pédagogique de lavariation des pratiques langagières en relation avec la variation des pratiques sociocultureUes", Programme de recherche Cl, Groupe "Variations", dans Programme de recherche O64-84-90, Unité de Recherche Français, Paris, HNRP, document ro­néoté, 55pages, n.p. TREIGNDER Jacques, MERAY Agnès ( 1985) "I' parlent pas bien français les arabes", Normes éva-luatives des enfants et des enseignants à l'école materneUe" ,dans "Repères", n° 67, "fls parlent au­trement, pour une pédagogie de la variation langagière" , Paris, I.N.R.P., pages 33-50. TREIGMER Jacques, PAUCHET Françoise (1987) "Quels savoirs mobibsés et construits par l'ac­tion didactique à l'école materneUe ?", dans "Repères", n° 71, "Construire une didactique ", Paris, I.N.R.P.,pages6-13. TREIGNffiR Jacques (1988) "Tiens on parle comme ça !... Normes évaluatives d'enseignantes d'é­cole materneUe", dans "Cahiers de Unguistique sociale", Université de Rouen, F 76130 Mont Saint Aignan.

79

VARGAS Claude (1983) "Nonne et contre-norme. A la recherche de contre-normes à Fécole ma­ternelle et élémentaire" , dans "Repères", n° 61, "Ds sont différents" , Paris, I.N.R.P., pages 77-86.

VARGAS Claude (1985) "Autour des discours mathématiques et techniques : niveaux-registres, si­tuations, norme et pédagogie", dans, " Repères" n° 67, "Ds parlent autrement", Paris, LN.R.P.,pages 51-58.

VARGAS Claude ( 1987 a) "fl était une fois une date et une durée... Lectures d'un énoncé de mathé­matique" , dans " Repères", n° 71, "Construire une didactique", Paris, LNRP, pages 14-18.

VARGAS Claude (1987b) "Langage et norme (s) à l'école primaire. Analyse sociolinguistique des textes officiels de la Révolution a nos jours" , Thèse d'Etat ronéotée, Aix en Provence, Université de Provence, juin 1987,4 tomes, 1390 p. + Annexe, 2 tomes, 655 p. + supplément à l'Annexe, 37 p.

80

HI - PRATIQUES LANGAGIERES ET PRATIQUES SEMIOTIQUES

Monique YZIQUEL

BVTRODUCTION

La recherche "SEMIOTIQUES" tient son originalité du champ auquel elle s'appli­que, les Messages Pluricodiques (MPC), etde son objet :

- la construction du MPC en tant qu'objet d'enseignement ; - les modes de production de la signification à travers le MPC ; - les stratégies d'apprentissage qu'à partir de là eUe développe et étudie. En insérant l'oral et l'écrit dans un ensemble de pratiques sémiotiques, eUe élabore

une didactique qui appréhende la langue par combinaison et par opposition à d'autres codes, à d'autres fonctionnements.

Au cours de la première phase de l'hmovation, la Recherche s'est donné trois ob­jectifs :

- en vue de la connaissance du faire didactique : expérimenter, décrire des conte­nus et des stratégies d'enseignement et d'apprentissage sémiolangagiers ;

- repérer les savoirs enseignés par ces pratiques ; - définir des facteurs susceptibles de constituer des variables pour la recherche-des­

cription et préparer les bases de l'évaluation. Ce rapport se propose de rendre compte des avancées scientifiques de la recherche

selon ces buts et d'expliciter la démarche du Groupe SEMIOTIQUES dans la diversité et la complémentarité des travaux des équipes qui s'y sont consacrées.

1. PROBLEMATIQUE D'UNE RECHERCHE SUR LES RELA-TIONS ENTRE LES PRATIQUES LANGAGffiRES ET LES PRATIQUES SEMIOTIQUES.

1.1. CHOK DU THEME

Le thème, "Pratiques langagières et pratiques sémiotiques : stratégies des enfants, objectifs et démarches des maîtres à l'école", a été choisi pour répondre aux problèmes d'apprentissage et d'enseignement que posent les formes actuelles de la communication sociale.

1.1.1. Un fait de société que l'école doit et peut mieux prendre en compte.

Les messages pluricodiques abondent dans notre environnement. Hs utilisent conjointement plusieurs codes, dont la langue écrite ou orale. Ces codes se trouvent dans les photos, les schémas, les organigrammes, les fiïms, etc.. Dans sa vie sociale et cultu-reUe, l'homme d'aujourd'hui leur est sans arrêt confronté quand il lit les journaux, maga­zines, albums, affiches,... : la communication sociale contemporaine étant largement pluricodée.

Le monde scolaire n'intègre qu'en partie ce type de messages. Si les manuels de toutes disciplines utilisent de nombreux éléments codiques non-linguistiques, si les prati­ques scolaires intègrent diapositives, fQms, émissions télévisueUes, savoir kre/écrire au-

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jourd'hui à l'école suppose, au^telà de la maîtrise de la langue, ceUes de divers codes en­trant en relation avec eUe. Or, dans l'école traditionneUe, et plus spécialement dans les ac­tivités de Français, les MPC sont surtout utilisés comme des auxikaires d'enseignemt ; iLs sont beaucoup plus rarement reconnus comme objets d'enseignement nouveaux, à construire en tant que tels, donnant Heu à une approche sémiotique. Et pourtant, lorsque les enfants üsent des bandes dessinées ou lorsqu'üs regardent la télévision, ils pratiquent en partie cette activité que l'école n'aide pas à approfondir. Certes, il existe des maîtres, de plus en plus nombreux, qui tententd'innoverdans ce domaine, sans trouver les éléments théoriques, notamment didactiques, en réponse aux problèmes qu'ils ont à résoudre. Il est donc essentiel de mettre en place et d'étudier la prise en compte par l'école de cette évo­lution des communications contemporaines et des nouveaux usages de la langue qu'eUes ont entraînés : ce qui remet en cause les contenus de l'enseignement de la langue.

1.1.2. Problèmes didactiques à résoudre Le problème central est de traiter les MPC comme des objets d'enseignement nou­

veaux, pour apprendre à construire la signification et non comme de simples auxüiaires d'enseignement. Cela implique notamment :

- de constniire cet objet en considérant la démarche d'enseignement dans son en­semble ;

- d'élaborer des contenus d'enseignement qui rendent les enfants capables . d'améfiorer leurs stratégies de réceptìon et de production par l'apprentis­

sage d'opérations sémiotiques fondamentales, quel que soit l'objet d'enseignement ; . d'améUorer leur maîtrise de l'oral et de l'écrit, lorsque la langue entre en

interaction avec d'autres codes.

1.13. Orientations de la recherche A) Définition du thème

La recherche vise à étudier les relations entre les pratiques langagières et sémioti­ques mises en oeuvre dans le traitement didactique des messages pluricodés àl'école, dans l'ensemble des activités.

On entend par : - pratiques langagières : les actes de communication qui impliquent majoritaire­

ment le système linguistique ; - pratiques sémiotiques : les actes de communication qui engagent des procé-

duresd'encodage et de décodage de messages pluricodés, c'est-à-dire des messages mixtes scolaires et non-scolaires, dans lesquek la signification est véhiculée par des systèmes de représentation à canaux multiples, finguistiques et/ou non- linguistiques, qui se combinent entre eux selon des programmes à variantes nombreuses et alternatives ;

- traitement des messages pluricodés : l'ensemble des actes d'enseignement et d'apprentissage , en tant qu'üs permettent de construire, àpartirdes MPC, des stratégies de réception-production, des contenus (connaissances et savoirs).

Lespratiques sémiotiques et langagières sont étudiéessous l'angle des interactions entre les processus d'apprentissage des enfants, et les contenus et stratégies d'enseigne­ment que les maîtres mettent en oeuvre, dans l'ensemble des activités de la classe.

B) Objectifs Les objectifs de la recherche innovation ont été : - des objectifs d'enseignement :expérimenter et décrire des contenus et des straté­

gies d'enseignement mettant en interaction les apprentissages sémiotiques et langagiers des enfants dans Fensembles des activités à l'école, et ainsi commencer à résoudre les pro-

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blèmes didactiques qui se posent. Il s'agit de définir les indicateurs de réussite pour les ap­prentissages et de commencer à élaborer des outils pour la conception, l'observation et l'a­nalyse des activités correspondantes.

- des objectife d'apprentissage : rendre les enfants capables d'utifiser (réception et production finafisées) des MPC, de reconnaître et de distinguer les codes et leurs unités ou éléments constitutifs, d'analyser et d'énoncer des règles de fonctionnement des codes et particuUèrement de lalangue et de leurs combinatoires.

Les transcodages permettent de repérer et d'expficiter les analogies, différences, complémentarités et spécificités des différents codes, et la pertinence des messages, leur adaptation à la situation de communication.

1.1.4. Diversité des domaines et des points de vue. La diversité des domaines appréhendés par cette recherche peut dépendre des codes

(iconiques, graphiques, verbaux, gestuels, kinésiques...) et des messages qui en résultent ; eUe peut dépendre des situations de communication, des modes de transmission, des stra­tégies de traitement didactique. De même, la diversité des points de vue adoptés à l'égard des MPC- objets d'apprentissage et d'enseignement- peut apparaître dans le choix des ni­veaux d'étude de l'objet et dans la démarche d'appropriation.

L'un des buts de la recherche a été d'organiser cette complexité ; d'unepart, en identifiant et en classant les pratiques et les objets d'étude : focaUsation sur le code et ses composants ; focaHsation sur le texte ; focaUsation sur le discours, lui-même dépendant des situations de réception-production ; d'autre part, en caractérisant les points de vue et la démarche ; enfin, en déterminant un cadre théorique propre au thème de la recherche, dans sa triple dimension : sociale, sémiohnguistique, et didactique.

1.2. CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE

1.2.1. Aspects sémiotiques A) Des sémiotiques

L'étude des pratiques sémiotiques et langagières relève de plusieurs courants théo­riques. Rappelons ici les principaux référents de la recherche (cf. M. MASSELOT, in "Re­pères" 60,1983, pp. 29-36; "Repères" 64,1984, pp. 11-18)

a) L'approche didactique des discours sociaux s'appuie sur les re­cherches en socio-sémiotique GREEvLAS (1975), DEVALLON (1982) qui ont orienté certains de nos choix :

- la conception des MPC comme objet construit, à la fois modèle et matrice régulatrice de la réception et de la production

- le recours aux transcodages en tant qu 'activités opérant sur des formes dis­cursives analysables et comparablespuisqu'eUes manifestent un seul et même univers si­gnifiant,

- ledéveloppement d'activités métasémiotiques. b) L'observation des performancessémiotiques des enfants réière

aux études de psychosémiotique PLAX3ET (1946); DOUTRELOUX(1983);SALOMON (1977), (1981);MERUsfGOFF(1978) pour l'exercice de la fonction symboHque dans des actes de communication variés, et les effets de ceux-ci sur le développement cognitifet in-teUectuel (perspective constructiviste et démarche réflexive, cf. § 1.2.2)

83

c)La sémiolinguistique était la majeure partie de notre recherche. Les apports principaux proviennent des trois grands secteurs auxquels se rattache le tra­vail des équipes. Notons en particuker :

- en sémiotique iconlque et visuelle : . l'analyse des effets de sens, issue des théories greimassiennes, et qui ren­

voie au rapport établi par Hjeknslev entre la forme du contenu et la forme de l'expression, relation créatrice de sens, instaurée, comme le précise U.ECO (1978), par "une conven­tion queUe qu'eUe soit".

. l'analyse des trajets de lecture en relation avec les conditions psychophy­siologiques et/ou sociales de la réception émanant de la sémiotique graphique (J. BERTttJ, R GttŒNO), de la sémiotique des langages planaires (J.M. FLOCH), de l'image (U.ECO, R. LINDEKENS), de lapeinture (E. PANOFSKY, J.M. FLOCH, M. SCHAPIRO, L. MA­RIN, F. THURLEMANN, J.L SCHEFER)

. l'apport méthodologique et théorique sur le fonctionnement des codes cul­turels et des codages théoriques mis en oeuvre dans les modes de production (ECO)

. les relations codiques et les statuts et fonctions des codes imbriqués dans les systèmes fUmiques (C. METZ) ;

- en sémiotique narrative ou textuelle : . les notions de sèmes, d'isotopie, d'axiologie, . l'organisation des figures du dicours, . les niveaux d'analyse du texte, et les relations qu'iïs entretiennent entre

eux. Dans ce domaine complexe, le Groupe réfère de façon globale aux écrits de GREI-

MAS, de COURTES, et plus précisément aux études assorties d'indications méthodologi­ques, telles que ceUes d'A. HENAULT, (1979), de GKOUD et PANffiR (1985)

- en kinésique, proxémique, et sémiotique de la représentation : . nombre d'informations sur la constitution de la signification par le geste,

sur les réseaux de relations informant l'espace BKDWHISTELL, (1954) Actes du CoUo-que d'Albi, (1980) et pour le théâtre, A. UBERSFELD, (1981).

B) Concepts clés de la recherche Pour étudier les stratégies de construction de la signification dans des MPC rele­

vant de plusieurs ordres sémiotiques, notre recherche a dû constituer son propre cadre théo­rique. Trois concepts ont servi de base à cette entreprise. Us ont été retenus par le Groupe selon des acceptionsjustifiées par des sources théoriques et motivées par sa démarche pé­dagogique.

a)Lecode : Il est une forme qui permet la transmission du message. Selon l'opposition

code/message distinguée par JAKOBSON, on entend par code à la fois un ensemble de signes ou d'unités établis par convention et un ensemble de règles de combinaison qui as­sure une fonction ordonnatrice en limitant les possibitités de codage. Par extension, on en­tend aussi par code une combinatoire de traits pertinents minimaux, relevant du plan du contenu et/ou du plan de l'expression ; combinatoire sous-tendue par une organisation taxi-nomique et discursive, qui permet de construire la signification d'un message fondée sur l'établissement d'isotopies (ou classes de grandeurs réitérées, identiques ou comparables, au même niveau d'analyse, sur l'axe syntagmatique du message).

(cf. Dictionnaire de Linguistique DUBOIS, Larousse et GREDdAS et COURTES 1.1 et 2, (1979), (1986) "Sémiotiques", Hachette).

84

b)Lestranscodages : De façon générale, le transcodage est un acte de transfert d'un code à un autre. On

peut distinguer deux niveaux : - les transcodages de premier niveau (du perçu au codé), ECO, METZ, met­

tent enjeu des codes dereconnaissance fondés sur la sélection de traits différentiels perti­nents, non seulement vus mais sus, qui sont transposés en langue, ou en tout autre code.

- les transcodages de second niveau (du codé au transcodé) nécessitent une prise de conscience des distances intercodiques et requièrent une adaptation des règles de fonctionnement selon un projet globalde transmission de la signification. Ik mettent ain­si enjeu une attitude métacodique. "La relation intercodique unit deux codes situés sur le même paher, c'est-à-dire que chacun peut fonctionner à l'occasion comme "interprétant" de l'autre mais toujours à titre réversible" (METZ)

c)L'interaction : EUe est envisagée entre formes et substances codiques véhiculées par l'acte de com-

municationplus qu'entre rôles communicationnels. Ge choix, entre autres, différencie la perspecüvedu Groupe SEMIOTlQUESde celle du Groupe VARLVnONS.

1.2.2. Pédagogies et didactiques des MPC De façon empirique, le Groupe a pu constater, dans les classes primaires, l'émer­

gence de diverses pédagogies et didactiques des MPC. Leur différenciation évoquée dès le début de la recherche, en diachronie (Repères, n°64, F. SUBLET, "Le point sur les re­cherches", III) est reprise ici dans une perspective synchronique

Les MPC, moyens et/ou objets d'ensiegnement, sont considérés selon l'utüisation et la présentation de l'école, de façons diverses, et en fonction de certains paramètres.

A) Ouverture ou fermeture à d'autres institutions éducatives. L'enseignant peut choisir de proposer le plus souvent aux élèves des MPC de type

didactique, fabriqués généralement par/pour l'école, et destinés à motiver ou iUustrer un discours que lui-même doit transmettre. Le "documentaire" sera le genre privilégié. Mais on peut faire un autre type de choix et proposer toutes sortes de MPC, d'origine scolaire ou non scolaire, acceptant ainsi de reconnaître les apprentissages faits hors de l'école, et les performances réelles des enfants.

B) Centration sur les MPC comme moyens/objets d'enseigne­ment.

N'utihser les MPC que comme moyen d'enseignement, suppose de les poser comme supports d'un contenu "évident", voire transparent, surtout lorsque leur lecture est "dirigée- digérée" par le maître.

On peut aussi considérer que les MPC, même lorsqu'ils sont abordés comme moyens d'enseignement, peuvent être traités comme objets à part entière, dans la mesure où leur forme même contribue à créer du sens.

C) Prise en compte ou non des phénomènes de production/ré­ception.

Les MPCpeuvent être abordés comme des produits "hors du temps", et être ainsi coupés de leurs conditions de production-réception. Ou inversement, on peut s'interroger sur ces mêmes conditions et repérer leurs traces dans le message lui-même.

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Crayon

85

D) Développer des capacités cognitives et/ou affectives. Tout ce qui précède permet aussi de comprendre qu 'on peut choisir de privilégier :

- les capacités cognitives : et ici encore des choix sont possibles qui vont dé­velopper des comportements de niveaux différents (de rephcation, d'application, ou de création) ;

- les capacités affectives : privilégier les attitudes (savoir réagir, manifester de Fintérêt, poser, des questions, émettre des jugements de valeur) ;

- l'articulation de ces deux types de capacités.

E) Positions relatives du sujet apprenant et de l'objet d'ap­prentissage.

En reprenant la typologie de Louis Not ("Les pédagogies de la connaissance", Pri­vat, 1982), on pourra distinguer trois types de conduites pédagogiques :

- rhétérostructuration : le sujet apprenant n'a d'existence qu'en fonction de l'objet d'apprentissage et la situation pédagogique eUe-même est soumise à cet objet ;

- l'autostructuration : le sujet est ici au centre de la situation éducative, les MPC étant à la libre disposition des enfants ;

- l'interstructuration du sujet et de l'objet : les élèves sont incités à s'appro­prier un objet qui a ses structures propres, appréhendées, élaborées àl'intérieurde certaines approches théoriques. Mais, pour avoir accès à ces structures, les enfants eux-mêmes doi­vent agir surl'objet, le traiter en fonction des acquis antérieurs (assimilation/accommoda­tion et/ou ruptures).

C'est à partir de ce cadre très général que nous avons élaboré avec une précision croissante les différentes modahtés pédagogiques et didactiques corespondant aux varia­bles de la recherche SEMlOTlQUES.

1.3. PRWCIPES METHODOLOGIQUES

1.3.1. Hypothèses et variables Pour expérimenter, observer et décrire les stratégies des enfants et des maîtres, lors

des apprentissages sémiolangagiers, le Groupe s'est donné des hypothèses de travail qui mettent en relation les pratiques et les développements attendus des capacités. Ces hypo­thèses figurent au programme du Groupe sous la forme suivante :

Hl : La prise en compte des manifestations de stratégies lectureUes et scripturaires des enfants dans les situations d'utibsation et d'investigation des MPC produit des chan­gements qualitatifs et quantitatifs (par facilitation et incitation) sur leurs comportements sémio-tinguistiques.

H2 : Les pratiques sémio-langagières systématiquement renforcées et contrôlées permettent aux enfants :

H2.1. d'améhorer, d'une part leurs stratégies lectureUes et scripturaires (adé­quation à la situation de communication) et, d'autre part, leurs stratégies d'investigation (adéquation de Foutil codique à l'objet du transcodage en tant que praxis) ;

H2.2. de construire progressivement la notionde variabilité des fonctionne­ments de la langue selon la nature du "canal", ceUe du MPC et ceUe des autres codes mis enjeu.

H3 : La mise à distance et l'objectivation de pratiques sémio-langagières permet­tent de développer les capacités métacodiques des enfants :

H3.1. les opérations de transcodage améliorent les capacités d'identification et de discrimination, par comparaison différentieUe, des traitspertinents et analogies repé­rés;

86

H3.2. l'observation réflexive des pratiques sémio- langagières développe la capacité d'expHcitation et de prise en compte des paramètres des situations de réception-production.

La Recherche-tanovation a permis de déUmiter dans cet ensemble des hypothèses de recherche plus pointues, portant sur des Variables-Maîtres et Elèves. Construites tout au long de la recherche, ces variables, étaMies au cours de la première phase d'innovation seront présentées plus loin dans la troisième partie de ce rapport.

1.3.2. Situations d'enseignement, d'apprentissage. Chaque hypothèse exige que le maître exploite ou crée des situations de plusieurs

types : - situations d'exploration de MPC, intégrées à la réahsation d'un projet. Elle peu-

ventjalonner de façon intermittente ou continue l'ensemble du projet : eUes sont alors oc­casionnelles et nécessaires à la poursuite de celui- ci. EUes peuvent aussi intervenir en sous-projets d'un projet intial dont la réaHsation suppose un approfondissement.

- situations de renforcement contrôlé, s'ouvrant à une analyse expHcite progressive des MPC et donnant Ueu parfois à un entraînement systématique (cf. par exemple, l'éla­boration de traits différenciateurspermettant d'opposer des figures d'animaux en § 2.1.2.).

- situations de transcodage, qui conduisent à apprécier et à expliciter a possibilité (ou l'impossibüité), la facüité (ou la difficulté) d'emploi de tel ou tel code, la pertinence des choix effectués, en particvdier pour opérer des transpositions entre le verbal et le non-verbal ;

Ces trois types de situations sont par définition toujours hées aux données de la communication.

1.33. Des démarches à théoriser Il appartenait à la première phase de la recherche de caractériser des démarches en

analysant les rapports pouvant exister, dans la réalité des classes, entre les objectifs, les hypothèses, les situations et les modes de travail didactique. Ceci afin de repéreret de clas­ser les savoirs nouveaux mis enjeu, savoirs définissant le schéma didactique d'un ensei­gnement/apprentissage sémiolangagier tel que le Groupe l'a conçu, et pouvant entrer par la suite dans une description contrastive des actes didactiques.

Les points 2 et 3 de ce rapport rendront compte des avancées effectuées par la re­cherche du Groupe.

1.4. MKE EN OEUVRE DES PRATIQUES EMNOVANTES

1.4.1. Le terrain. La recherche-innovation s'est effectuée à tous les niveaux scolaires, de la petite sec­

tion de materneUe au CM2. Certaines équipes travaülent aussi en innovation au niveau de la formation des maîtres. Le nombre de classes à chaque niveau scolaire était, en 1985-86:

maternelle élémentaire

PS MS GS CP CEl CE2 CMl CM2

3 3 4 5 1 3 4 5 Les classes sont toutes situées en zone urbaine. Elles ont pour origine géographi­

que : CHARTRES, UMOGES, LIVRY-GARGAN, PAU, QUIMPER, SAINT-GER-MAD^-EN-LAYE, TOULOUSE. Un premier tiers est constitué de classesdont les élèves sont d'origine sociocultureUe majoritairement défavorisée dont 2 CP et 1 CM! à plus de 50% d'enfants d'immigrés ; un second tiers comprend des classes de niveau intermédiaire

87

mixte ; un dernier tiers correspond à une origine sociocultureUe moyennement favorisée à favorisée.

28 instituteurs sont engagés dans la recherche, dont 23 maîtres-formateurs (CPEN).

1.4.2. La répartition des tâches Elle s'est effectuée en fonction de plusieurs paramètres, dont :

- les conditions de fonctionnement de l'équipe (ressources, compétences scientifiques, niveaux scolaires disponibles...) ;

- les types de messages et de supports ; - les relations entre le knguistique et le non- Unguistique ; (dans un MPC/en­

tre deux MPC ; en parallèle/en correspondance) ; - les trancodages de réception ou de production ; - les niveaux d'analyse des messages (codique-textuel- discursif) - les hypothèses prises en charge, et les situations d'apprentissage,...

La combinaison de ces choix et leur évolution apparaîtront dans les analyses de sé­quences (cf §2 et 3). Nous ne retenons ici que les éléments stables de la répartition des tâches, c'est-à-dire :

A) Les niveaux scolaires et les domaines appréhendés Peut en rendre compte le tableau suivant (les caractéristiques des do­maines étant d'ordre sociomédiatique et technique).

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B) Les hypothèses de travail privilégiées par les équipe

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2. SCHEMA DroACTIQUE

Pour rendre compte du traitement didactique des MPC, à la fois dans la variété des contextes et des problèmes qui ont été posés dans l'avancée coUective de la recherche du Groupe, nous nous appuierons sur des travaux de classes. Ces documents auront pour fonc­tion de montrer la conjonction de trois facteurs prépondérants :

- les pratiques de transcodage ; - l'exploitation et le repérage des savoirs (expériencieLs, opératoires, conceptuels)

enjeu ; -laplaceetlerôledel'explicitation. Chaque extrait analysé apportera un éclairage sur ces trois points, en les traitant

concurremment mais à des degrés divers selon les objectifs des séquences.

2.1. TRAJETS DE LECTURE ET DE PRODUCTION DE M.P.C Outre la fonction qu 'on leur a précédemment attribuée, les travaux des équipes sou-

tignent la distance existant entre le MPC, objet théorique analysable en niveaux codique, textuel, discursif, métadiscursif, et le MPC, objet d'enseignement qui se définit en termes de didactique, qui s'actualise en problèmes contextuahsés par les situations d'enseigne­ment et d'apprentissage, par les stratégies, par les finahtés des transcodages, et par la spé­cificité des domaines abordés, des connaissances et savoirs construits.

L'ordre d'exposition de ces analyses est fondé sur des fieuxde problématisation di­dactique : il est indépendant de toute progression suivie ou préconisable. D ne suit pas non plus le déroulement chronologique de la recherche.

2.1.1. Mise enpIace d'une situation de transcodage et d'explora-tiondeMPC.

Le recours aux transcodages en tant que choix didactique repose sur un postulat se­lon lequel les transpositions effectuées par lesenfants révèlent des connaissances acquises parl'expérience et favorisent le rôle actifdu sujet dans l'acquisition de nouveUes connais­sances. Et ceci, dès la maternelle. C'est ce que montre, ici, l'analyse faite par M.PROUILHAC d'untravail de l'équipe de Limoges :

"L'introduction de nouveaux messages à l'école, considérés comme moyens et non plus comme simples auxüiaires d'enseignement, ne va pas sans résistances, surtout quand il s'agit de spots pubficitaires (la culpabUité à l'égard de la télévision, outil de distraction, dans l'école, lieu d'enseignement, est redoublée à l'égard du message puMicitaire entaché de mercantilisme) et enfin, quand il s'agit d'enfants d'école materneUe, lesquels cepen­dant font de constantes références à leur "consommation" de spots (mimiques, slogans, airs musicaux,... dénomination de produits ou de leur représentation iconique grâce à h. "télé".

L'équipe de Limoges, au cours du travail de recherche- innovation, a repéré puis répertorié les comportements et discours attestant que les enfants, hors de l'école, avaient acquis des connaissances expérienáeUes quelquefois étonnament précises, souvent floues, parfois analogiques : ainsi le slogan chanté "Maggi, Maggi" était compris "Magie, magie" renvoyant à l'imaginaire plutôt qu'au potage ! L'introductiondu spotcomme objet d'en­seignement, dans une classe de Grands, dans laquelle lespratiques pédagogiques de la maî­tresse relèvent habitueUement de la pédagogie du projet et de la démarche d'éveil, ne pouvait se faire de manière provoquée, avec une progression préétaMie. Le point de dé­part ne pouvant être que fortuit -comme souvent lorsque le maître est prêt par sa propre sensibitisation-: c'est en entendant la lecture faite par la maîtresse, de l'album de

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James STEVENSON, "Le lendemain de Noël", (Ecole des Loisirs, 1981), que des enfants proposent :

"On fera la télé, comme Nounours ; on fera des publicités". La maîtresse va s'ap­puyer sur les connaissances acquises dans l'expérience socio-familiale des enfants et les laisser les manifester en savoir-faire au cours de jeux dramatiques spontanés, ayant comme support inducteurlapage de l'album, sans autre consigne que ceUe que les enfants se sont donnée.

Au cours de cette opération de transcodage, les connaissances expériencieUes tra­duites en action sont activées en interrogations qui les rendent expkcites :

- A quoi sert la puMicité ? - L'interpeUation, l'impératif, voire la menace du type "X, fais cela, sinon..."

présents dans les messages produits amènent à préciser que la publicité sert à faire ache­ter.

- Avec qui sont produits les spots ? - "C'est pas toujours des enfants comme nous. Y' a des messieurs et des

dames. Et puis y' en a qu'on voit pas, qui fiknent." - Comment interfèrent les différents codes ?

- "Nous, on n'a pas de musique quand on parle pas" Pour tenter d'objectiver ces connaissances expériencieUes repérées par des savoir-

faire et quelque peu expticitées, les jeux dramatiques sont fümés en vidéo, par un maître, et montrés aux enfants.

Le visionnement de leur propre "spot", au^telà de la satisfaction narcissique immé­diate, bien compréhensible chez de jeunes enfants, a entraîné le visonnement de "vrais" spots, habitueUement reçus hors de l'école, pour parvenir à une observation par confron­tation des spots produits en classe et des spots commerciaux.

A ce stade du travail, un début de métadiscours prend appui sur l'expérience : - ainsi la rupture d'un spot à l'autre, saisie, grâce à des indices lumineux, est insé­

rée dans le temps vécu : "Et puis, quand la pub est finie... -ça fait, dans la vraie (celle de la pubHcité

télévisueUe) ça fait bleu ou vert. Comme ça ça coupe. Et comme, comme ça on peut plus la revoir".

- certains propos laissent à penser que ces ruptures sont peut-être perçues comme des ruptures de la narrativité :

"Ds changent" la page ; ils changent de bonhommes. Nous, on nous voyait tout le temps. On changeait pas la page quand on changeait de publicité".

C'est alors que le recours aux savoirs théoriques que les maîtres ont commencé à se donner devient opérant et qu'iLs expriment des demandes de formation complémen­taire."

2.1.2. Mise en paraUèle d'unités de signification issues de codes di­versifiés.

A) Etabtissement de différents niveaux de signification?. Contrairement aux apparences, l'image n'est pas "transparente" : eUe ne livre pas

directement ses significations. Aussi les maîtres se sentent-ik parfois démunis en face des difficultés que rencontrent les enfants, entre autres lorsqu'il s'agit de reconnaître une fi­gure censée référer au monde "naturel", comme le montrent des extraits d'analyse que fait F. SUBLET de la séquence "La Pimpa", analyse qui esquisse des éléments de réponse : la constitution d'unités par opposition et par corrélation de traits, (voir également dans "Re-pères"n°64).

90

a) Etabhssement de relations de référence et de signification. "Cette activité qui se déroule au CP était conçue au départ comme une utüisaüon

des connaissances non explicitées des enfants (connaissances relatives à leurs pratiques de réception de récits télévisuek) pour constituer un savoir- faire nouveau (savoir écrire un récit pour réaliser un kvre). Mais en fait, la situation d'investigation du récit télévisuel qui a précédé a fait apparaître des difficultés d'élaboration du sens, entraînant une séquence d'approfondissement : le MPC devient en tant que tel objet d'enseignement. Par aiUeurs, les connaissances expériencieUes s'avèrent sur certainspoints mises en difficulté, on vise à terme l'acquisition de savoirs conceptuels (identification d'unités de signification) en sollicitant l'objectivation (exphcitations orales, écrites, schématisation) en particulier dans les moments de conflit entre enfants." (...)

"Les enfants viennent de regarder un dessin animé qui raconte l'histoire de Pimpa, une petite chienne : eUe a chaud ; un hippopotame lui propose de jouer avec lui dans la ri­vière. En remerciement de ce bon moment passé au frais, Pimpa donne à l'hippopotame son casque colonial.

Voici une reproduction d'un photogramme du dessin animé qui permet de se ren­dre compte de la représentation iconique de cet animal :

Pian2: P lan3: Pimpavaatterrir Pimpa a chaud : elie tire la langueet

s'évente avec un mouchoir.

Le problème est de savoir si les enfants ont pu : - identifier le bloc de signifiés "chienne". - repérer les sèmes nucléaires ou contextuete qui le constituent, lestraits qui per­

mettent de les construire, et les formes d'expression correspondantes. Dans l'entretien qui a suivi le visionnement plusieurs difficultés sont observées : - confusion d'une unité de signification avec une autre ; à propos de Pimpa, cer­

tains enfants disent par exemple : "C'est un petit chien'TNon, c'est un lapin" - non-reconnaissance complète de l'unité : Exemple 1 : "C'est unpetit chien", au­

cun enfant ne reconnaît la petite chienne. Exemple 2 : "C'est un chapeau, une casquette, un casque de pompier, de policier" (pour casque colomal)

- incapacité d'énoncer les traits qui ont permis de reconnaître une unité de signifi­cation. Ex. certains enfants ont reconnu l'hippopotame, alors que d'autres ont cru voir un rhinocéros ou même un ours. Les premiers sont incapables d'exphquer aux seconds ce qui leurapermisd'identifierunhippopotame.

- incapacité à nommer l'unité de signification : ex. un enfant dit à propos du cas­que colonial : "Le chapeau, il était de quelqu'unqui le met dans lajungle". Manifestement,

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il a reconnu le type de chapeau (casque colonial, utitisé par les explorateurs) mais il ne sait pas lui attribuer un nom.

Pourquoi ces difficultés ? . Problème de référence : Us n'ont peut-être pas reconnu le casque colonial

parce qu'ils n'en ontjamais vu dans leurenvironnement naturel ou culturel. D leurest donc difficile de recpnnaître la représentation d'un objet inconnu.

. Problème de signifiance à un premier niveau : la nomination D est aussi possible qu'üs en aient vu (cfles casques des explorateurs dans les films

de la série "Tarzan", qu'ils aient compris à qui servait ce casque, mais qu'ils n'aientja-mais entendu le nom (à la TV ou au cinéma, on montre l'objet, sans avoir besoin de le nommer). Dernière difficulté : dans un dialogue de fikn, on pourrait entendre, Donne-moi mon casque", mais on trouvera peu de situations où on aura besoin de préciser "casque co­lonial", tout simplement parce qu'il n'y a pas, dans ce contexte, d'autre casque dont il fau­drait le distinguer.

. Problème de signification : le cas le plus fréquent est la confusion entre une unité de signification et une autre, proche (petit chien/petite chienne ; chapeau/cas­quette/casque ;...). Or, une unité de signification est constituée elle-même d'une ensemble d'éléments de signification minimaux constants, les sèmes, dont l'association permet de constituer "un bloc de signifiés". L'unité "petite chienne" est constituée de cinq sèmes :

51 animé (opposé (vs) à inanimé)

52 anijna! vs humain

53 carrm vs félin

54 jeune vs adulte

55 femelle vs male

Un sème ne pouvant être identifié que par rapport à un autre entre dans une double relation :

- relation de conjonction ou de simUitude ("jeune et adulte" ont en commun de ren­voyer à "canin",

- relation de disjonction ou de dissimüitude ("Jeune" nie "adulte" par rapport à la quaUté "âge"

Tous enfants ont établi les sèmes Sl et S2. Certains ont distingué S3, d'autres sont aUésjusqu'à S5 ("petite chienne". U est vrai que dans le dessinanimé "petite chienne" ne s'opposait pas à "petit chien". D en aurait sans doute été autrement dans les "101 Dalma­tiens", qui raconte l'histoire de chiens mâles et femeUes, jeunes et adultes, où la distinc­tion des sexes et des âges est essentieUepour comprendre l'intrigue.

Enfin, dernière difficulté des enfants : incapacité à énoncer les traits qui leur ont permis d'étaMir

teloutelsème. EX. 1 : le sème/jeune/pouvait être élaboré à partir de certains traits de l'expres­

sion: - à l'image : formes arrondies ; petites dimensions - au son : voix aigüe

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EX. 2 : le sème/femelle/était beaucoup plus difficile à élaborer, car les mêmes traits précédents pouvaient permettre de le faire. En fait, le nom de "Pimpa" en était un indice dans ce contexte-là, de même que l'attitude séductrice de la chienne, appelant l'hippopo­tame : "mon bel hippopotame". Certains traits et sèmes sont donc liés au contexte particu­lier où apparaît l'unité de signification (contextualisatìon des sèmes).

Dans la réahté de cette classe-là, il paraissait donc utile de revenir sur des confu­sions d'animaux : l'hippopotame aété confondu avec un ours, un rhinocéros. Lamaîtresse a proposé unjeu de devinette qui incitait des enfants à poser des questions pour deviner le nom de certains animaux ^eu du portrait). Elle a ensuite demandé à chacun de choisir un des trois animaux, de le dessiner, de le montrer aux autres sans dire son nom. Les autres devaient dire les traits qui leur permettaient de reconnaître tel ou tel animal. Un tableau a pu alors être constitué, qui a permis aux enfants de mieux cemer pourquoi il y avait eu confusion initiale entre les trois animaux. OreiUes rondes pour les trois, museau court pour l'ours, long pourl'hippopotame et le rhinocéros, qui est le seul à avoir une corne. Par ail­leurs, l'espace de vie des animaux est différent, (ours et rhinocéros : plutôt sur terre, hip­popotame : dans l'eau).

Ce travail a permis à la maîtresse d'observer que, pour ces enfants, l'ours est l'ani­mal de peluche, aux oreiUes rondes, et que beaucoup ne savent pas renvoyer à l'animal sauvage, à tel point qu'ils n'ont pas su identifier un ours sur une photo. Or le graphisme du dessin animé représentait les animaux à la fois humanisés et ayant des traits d'animaux en peluche".

b) Etablissement des relations de référence ancrées dans les usages culturels. "L'équipe de Saint-Germain-en-Laye, écrit Hélène VIGNE, dont le thème est : "Les

récits fictionnels parallèles" ou multimédias, rencontre, pour un certain type de fictions,le problème du REFERENT IMAGINALRE : le conte traditionnel, le mythe et ses incarna­tions contemporaine dans les fictions de masse, voire la publicité, mettent en scène des

créatures à proprement parler fictives : celles qu'on appelaitjadis de "la Fable" : Géants, Monstres di­vers, Sorcières et Nains, relayés par les Robots et les Extraterrestres. Ces "êtres de langage", puisque produits par la fonction dite symbokque, se situent dans les zones du langage relativement les plus éloi­gnées des expressions linguistiques."

L'image, en relation d'interprétance avec l'écrit, fait parfois obstacle à la compréhension du texte. Ainsi l'opposition mascuUn/féminin, saisie en langue, peut être pertubée par une transposition iconique mettant en jeu des codes esthétiques da­tés. A propos de l'illustration, datant du XIXème siècle, d'un conte des MiUes et une Nuits, "Histoire de Nourredine et des deux Vizirs", Hélène VIGNE expücite l'originedes difficultés rencontrées par les élèves de CMl, difficultés, dit-elle, liées aux "codes perceptifs et sémantiques de représentation des corps de femmes ou d'hommes (qui) ne sont

« irompous la veu«eauco Ou sulUü dÊgypte. * (Page >"<9> coi. 1.) plus les nôtres". "Le Génie (mâle) et la Génia (femeUe), assez semblables à des Anges par leurs ailes,

sont de surcroît vêtus à l'orientate. L'image du corps mascukn, cambré, la taiUe fine de

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l'époque post-romantique déroute les enfants, tout autant que les bras très galbés de la Dame, qui paraissent trop volumineux pour une femme. Le costume était tout aussi dérou­tant : pantalon bouffant pour la dame, coiffe style Sphinx de Gizeh pour le "monsieur", sans parler des bracelets et de l'aigrette frontale.

Les enfants déroutés, devaient, guidés par la maîtresse recherche des SEMES dé­signant le sexe : comme la petitesse des mains et des pieds, SEMES qu'ils ne possédaient pas eux- mêmes et qu'ils discutaient et contestaient âprement ; or c'étaient les seuLs traits distinctifs dans l'image considérée, avec des indices dans les postures, encore moins repé-rables.

Cet exemple iUustre bien qu'on a affaire à des blocs de signifiés acquis dans une culture donnée et non pas d'un reflet du réel, alors qu'il s'agit d'une distinction, ceUe des sexes, déjà bien instaUée à l'âge des enfants de ce CMl".

L'image, en relation de complémentarité avec l'écrit, lorsqu'eUe réfère à un uni­vers culturel inconnu des élèves, n'assure pas non plus toujours sa fonction : dans d'autres illustrations du conte précédemment cité, des indices du monde islamique -le Croissant, le visage voilé des femmes, parexemple -ne sont pas perçus comme tels.

Ces deux exemples appeUent quelques commentaires concernant les connaissances issues des pratiques sémiolangagières lorsqu'eUes soUicitent des connaissances d'ordre culturel :

- les symboles et les emblêmes propres à une culture se déduisent rarement du contexte dans lequel on les rencontre : ils font partie des savoirs à transmettre, qu 'ils soient exprimés en langue ou par l'image

- quant aux codes esthétiques qui, malgré les difficultés qu'il soulèvent, se prêtent à l'analyse, ils peuvent entrer en relation avec les notions de genre ou de style ("Repères" n° 68, Hélène VIGNE, "Didactique de la télévision et didactique de la littérature. Peut-on caractériser les récits fictionnels à la télévision en termes de genres ?" et initier ainsi à un mode d'approche des textes littéraires, surtout lorsqu'on compare des ülustrations d'un même texte marquées par des époques différentes, ou des transpositions utiksant des sup­port différents.

B) Apprendre des relations intercodiques par contextuahsation (Extrait d'un travail de l'équipe de LBrfOGES analysé par M. PROWLHAC). "Les pages de magazines présentant des pubkcités sont proposées aux enfants des

classes de maternelles de Grande et Moyenne Sections non comme un moyen, pour les faire parler mais comme objet d'enseignement : la verbafisation sert, dans un premier temps, d'interprétant au code iconique ; puis dans un deuxième temps, dejustification de l'interprétation par prélèvement des indices qui ont permis l'élaboration de teUe ou teUe signification.

Dans une situation de jeu, un enfant remarque sur une page pubficitaire pour Lus-tucru : "Avec la bouche, eUe fait "Oh !", immédiatement commenté par un autre enfant : "Elle dit Oh ! parce qu'elle a la bouche ouverte, eUe peut dire "chauds, oh !". De la remar­que est née l'idée de faire imaginer aux enfants des dialogues entre les personnages pré­sents sur des pages pubkcitaires en partant d'un corpus de pages n'ayant pas été préalablementtravaiUées.

. La première tâche des enfants va donc être une investigation de ces pages pour savoir quelles sont ceUes où l'on peut faire parler les personnages. D'emblée, un des en­fants énonce une règle de fonctionnement pour tout le groupe : "Faut chercher des hommes", règle qui se révèle trés vite trop restrictive: Devant Lotus : "Les bébés c'est un

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p'tit peu pareil..." ; à propos de la page puMicitaire de Gourmet, sur laqueUe on voit un chatassis:"fldit"Miaou"..".

On retient donc la catégorie /anime/,plus large que ceUe d'Aiumain/. Apparaissent alors des problèmes :

. Devant la cuiUère Lesieur "qui tient toute seule", les enfants réagissenten disant: "Peut-être qu'il y a quelqu'un", "ça parle parce qu'il doit y avoir quelqu'un qui doit tenir la cuillère". De même devant les pages publicitaires de Whisky : U y a quelqu'un qui tient la bouteiUe, sinon ça ne pourrait pas couler tout seul".

Le trait /non animé/de la cuiUère ou de la bouteille semble clairement étabU dans la mesure où pourjustifier ce qui est su (les cuillères ne tiennent pas toutes seules, les bou­teilles ne se vident pas toutes seules) les enfants créent un contexte, en faisant l'hypothèse d'un personnage hors-champ qui agit et à qui ils prêtent une voix off, réinvestissant par là-même, semble-t-il, des connaissances discursives puisées dans les fUms.

. Quant aux voitures de course de la page "Malboro", eUes donnent lieu au com­mentaire suivant : "Là, on peut faire parler parce que les roues ça fait 'brrr'". La transpo­sition du bruit en onomatopée inclut ainsi les voitures dans la catégorie /animé/.

Devant la difficulté, on aalors recours à un trait iconique, proposé par les enfants : - bouche ouverte = on peut faire parler - bouche fermée = on ne peut pas

Cette opposition entraîne une découverte des manifestations du discours dans l'i­mage et des relations intercodiques. Une certaine intuition de ce qu'est la communication amène les enfants (seuls les Grands de MaterneUe le font) à contester ce critère :

(à propos de Mir Laine) : - "Lavé avec Mir Laine", elle peut dire /.../Y'a des buUes là. Y a écrit. Alors

elles parlent toutes les deux parce qu'il y a deux buUes /Mais la bouche est fermée, alors elle a peut-être parlé avant".

Ici s'opère une première distinction : parler/écouter qui va être suivie d'une deuxième : parler/penser, puis d'une troisième : dire/écrire (à partir des pubUcités de Cas-segrain et de Jockey) /.../

A partir de là, une systématisation des remaques pourra conduire à examiner le sys­tème de mise en relation texte/image dans la bande dessinée qui n'est pas non plus étran­gère aux connaissances expériencieUes des enfants :

- buUes différentes pour qui parle et qui pense, - intégration de l'écrit dans l'image pour qui écrit vs rejet du texte hors image pour

voixoff, - traduction graphique des onomatopées. En faisant l'hypothèse, d'un point de vue didactique, que la relation image/texte

écrit est plus observable que la relation image/texte oral, parce qu'eUe s'étabUt entre deux objets visuels et permanents, on mettra nettement en évidence la relation intercodique dans unedistanceplusobjectivable."

C)Differenciationscodiques Avec des enfants plus âgés et une fois étabUe la signification globale, l'exploration

d'une image peut faire porter laréflexion sur les unités signifianteset sur la comparaison descodesmisenprésence.

L'activité que nous évoquons ici correspond à une situation d'explorationprovo-quée, prélude à une suite de séquences réalisées dans un CMl del'équipe de QUIMPER. La maîtresse propose un transcodage conçu comme un jeu -expérimental-qui a pour but

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de conduire les élèves à s'interroger sur la possibilitéd'un paraUélisme entre des unités de l'écrit et des figures de l'image (diapositive).

La première phase du travail consiste à élaborer un corpus de phrases susceptibles de traduire tout ou partie de l'image. Pour cela la diapositive est projetée par intermittences et, à chaque flash, les élèves proposent une phrase en légende. Puis ite en sélectionnent deux, censées être selon eux plus adéquates :

- "le bateau avance sur la mer" - "le vent gonfle les voiles"

Dans une seconde phase, les élèves tentent de segmenter l'image en se servant du matériau verbal des deux phrases, pour tester le parafléhsme présupposé. L'image étant projetée sur un écran de papier, les enfants écrivent les mots en surimpression sur les uni­tés qu'ils délimitent.

Le découpage de l'image n'est pas des plus simples. Les élèves éprouvent des difficultés à chercher, selon leur propre projet, des unités qui correspondraient au découpage lin­guistique, tant lexical que morpholo­gique : "Est-ce qu'il faut mettre "la mer" ou "mer" ?", parexemple. Hs dé­cident d'inscrire "mer", et par cohé­rence "voile", sans s'étaler -pensent-ils sur l'image des voiles, mais il ne peut le faire sans passer aus­si sur le mât. Un problème identique se pose pour "bateau" qui réfère ici à un voiUer : "Dans bateau (=l'image du bateau), il y a les voiles aussi". Or le mot "bateau" n'est d'abord écrit que sur la coque.

Enfin, "On ne sait pas où mettre le vent !", et "Comment faire pour "avance" et pour "gonflé" ?". Les enfants prélèvent des indices de mouvement comme les lignes d'é-cartement de l'eau à la proue, et s'interrogent sur l'adéquation de leur transcodage : pour­quoi ne pas dire "fend les vagues" plutôt que "avance sur la mer" ?

Quant à la préposition "sur", ils pensent d'abord que la disposition suffit pour la traduire puisque "bateau" est plusieurs fois inscrit "au-dessus" de "mer", mais ils consta-tentque des mots "mer" peuvent aussi se retrouver au- dessus de "bateau", quand, à l'ar­rêt de la projection, les mots se Uvrent seuls, sans image, dispersés sur la feuiUe- écran.

La troisième phase du travail organise certaines observations. On propose, entre au­tres :

- la phrase et ses segments, qui sont classables en catégories, en fonctions, aux , "portions, morceaux d'image" qu'on isole, qu'on nomme enayantrecours uniquement à des substantifs, et que pour l'instant on ne sait pas classer tout en relevant l'importance de la disposition (rendue flagrante à l'arrêt de la projection)

- la linéarité de la langue et l'espace de l'image qui ne se laisse pas tíre cependant d'un seul coup d'oeil :

M - "Est-ce qu'on voit tout ce qu'il y a sur l'image, en même temps ? E. - ça dépend de ce qu'on regarde/on voit surtout le bateau, c'est le princi­

pal"

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- l'ordre des mots dans la phrase et les contraintes qui en résultent sur le déroule­ment de la lecture par opposition aux trajet de lectures possibles, même si "l'entrée" par la figure du bateau semble la plus fréquente. La variété des trajets est saisie en se repor­tant aux 18phrases légendant l'image.

Le jeu des inscriptions est certes un artifice pédagogique, mais il a provoqué un nouveau regard, et sur la langue et sur l'image : le graphème "s" est apparu aux élèves moins "dépendant des choses que de la langue" ; l'image "moins vraie" qu'ils ne le croyaient, entre autres. Pour l'enseignant, les débats, les choix, ont apporté des indices sur les connaissances des élèves et ont permis d'organiser la suite des séquences et de conti­nuer à travailler quelques aspects de morpho-syntaxe et de lexique en opposant la langue et l'image et sans avoir recours au truchement des inscriptions.

Ce type d'activité, dissociant les codes prend une place particulière dans les trajets didactiques : c'est un "exercice-seuil", soit préliminaire à une lecture de MPC par les ques­tions qu'il suscite chez les élèves, soit temps d'approfondissement à un moment quelcon­que du travail de la classe,motive par un problème d'ordre conceptuel, lors de relations pluricodiques.

2.1.3. Transcodages et activités réflexives Au début de la recherche-innovation, les analyses réflexives n'apparaissent pas sys­

tématiquement. EUes ne sont pas non plus inscrites dans une progression. Moments de mise à distance, elles s'insèrent dansl'exploration d'un message. Puis, progressivement, eUes se développent en fonction d'objectifs spécifiques, selon les niveaux scolaires, donnant Ueu à des séquences entières, se constituant en suites, en particuUer dans les classes de CM qui sont famiHariséesd'une part avec lapratique de messages pluricodiques, et d'autre part avec une démarche d'analyse de la langue, des textes, ou du réel, en termes de structure, de mise en relation, de système. Plusieurs travaux d'équipes peuvent en témoigner (cf. les numéros 64, 68,71 de "Repères". Nous évoquerons ici deux exemples :

A) Relations pluricodiques à l'intérieur d'un MPC L'équipe de PAU travaille à la production d'exposition murales. EUe étudie plus

particulièrement les moments de "maquettage" (cf. "Repères" 68,71), c'est-à^fire les mo-mentsd'élaboration de représentations schématiques effectuées par des classes de CM, avant la réalisation des panneaux proprement dits.

L'élaboration de panneaux est une activité réflexive de mise en texte et en discours d'informations sélectionnées par les élèves. R. BRETHOME définit ainsi le panneau mu­rai:

- "Message tabulaire, de forme et de dimensions données, il donne à voir et lire des informations qui peuvent être traitées grâce à différents systèmes codiques : de la photo au "texte" en passant par le croquis, le schéma de principe, l'organigramme, la carte, le ta-bleaucartesien,etc.

- Il est texte parce que : - structuré en grandes parties, entretenant entre eUes des rapports ou re-

lationssurtoutdel'ordredes"contenus"; - chaque partie met elle-même en relation divers éléments : carte/pho­

tos et/ou éléments finguistiques : les formesjouent alors autant ou plus que les "contenus" par la combinatoire de paramètres codiques et intercodiques selon une véritable organisa-tiontextueUe.

- Il est discours parce que donné à lire dans une situation de communication particulière : le récepteur est en situation dedécouverte-information, debout, à une cer­taine distance, pendant un temps assez bref... Le panneau doit donc être de de type pré-

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sentatif/explicatif, suffisamment synthétique et suffisamment explicite , et répondre ainsi à certains paramètres pragmatiques, énonciatifs."

Le maquettage, précise-t-ü, "obhge àmieux définir et délimiter les masses infor­matives (titres, sous-titres, encadrement au trait...) ; il oblige aussi à choisir de façon per­tinente les éléments codiques de chaque masse, à étabür leurs relations" en fonction du sujet traité et de la situation de communication.

La maquette, le plus souvent, s'élabore en trois phases successives : - "dans chaque groupe, élaboration de maquettes individueUes, tous les enfants dis­

posant théoriquement des mêmes matériaux, - confrontation dans le groupe et avec la collaboration active du maître, des dif­

férentes maquettes. L'essentiel de la discussion porte surl'évaluation de la pertinence des différents choix réalisés ou possibles. C'est évidemment le moment le plus réflexif où tous les aspects des fonctionnements textuel et discursif sont explicités, mis en ques­tion, justifiés . Au terme de cette phase est élaborée LA maquette du groupe, après ac­cords, synthèses, suppressions,...

- dans la troisième phase, chaque groupe soumet sa maquette au reste de la classe:: nouvelles expUcitations et modifications éventueUes grâce à la mise à Tépreuve et aux réactions des premiers récepteurs réels."

Notons enfin le rôle de ces activités : - "Les apprentissages/enseignements des caractéristiques textueUes et discursives

de tels M.P.C. sont analogues à ceux des textes proprement dits. C'estl'une des façons de faire interagir, dans un cadre de production, les apprentissages sémiotiques et les apprentissages langagiers."

B) tastitution de code dans un MPC (Voir l'article de M.YZIQUEL, "Repères", 71 pp. 33-37, présentant la lec­

ture de l'affiche "La ruée vers l'art" , dans un CM2 de QUUViPER). En s'efforçant de répondre à la question "Sur quoi peut-on s'appuyer dans le mes­

sage pour soutenir votre interprétation ?", les élèves abordent le problème des articulations iconiques au sujet duquel U.ECO écrit "(Communications" 29,1978). "En dehors de leur contexte, les unités iconiques n'ont pas de statut et n'appartiennent donc pas à un code ; /.../Et pourtant elles signifient. Ü nous reste donc à penser qu'un texte iconique, plutôt que de dépendre d'un code, est un processus d'institution de code." C'est en ce sens de code institué que nous comprenons la correspondance étabtie par les CM2 entre des pro­priétés de contenu (l'art "moderne" et des propriétés de l'expression (des formes "droites" prélevées dans l'ensemble iconique

- figures et lettres. "L'écriture aussi, c'est de l'écriture comme le dessin. A part le ventre du

cheval, il n'y a aucune courbe, c'est plutôt des traits droits. Avec l'écriture c'est pareil, c 'est pas arrondi, c 'est représentatif.

Dans le premier propos, il apparaît que l'adjectif "représentatif ne renvoie pas à des codes de reconnaissance mais à des catégories non-figuratives. L'opposition "droit" "courbe"engendre ceUe de "figuratif "plastique".

L'analyse effectuée par les élèves ported'abord sur les catégories plastiques qu'Us caractérisent constamment par opposition aux conventions qui, selon eux, sont ceUes de l'art "traditionnel" : couleurs primaires vs couleurs nuancées ; aplat des figures vs reUef ; éléments de "décoration" (comme les ronds jaunes dans le corps bleu du cheval) vs "pré­cision" du dessin.

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C 'est sur ce rapport constant que se fonde la modernité manifestée par le MPC qu 'Us considèrent :

- "Je dirais plutôt de l'art moderne que sur l'affiche c'est plutôt de la peinture mo­derne, symétrique, plutôt carrée, des traits noirs, droits".

- "Normalement, il y a le relief, la précision, alors que là, il y a des traits verticaux". L'établissement de ce paradigme a pour effet de faire prendre dela distance à l'é­

gard du figuratif, comme le révèle la restriction qu'apporte une élève à la dénomination du"cheval".

"Le cheval, ou ce qu'on appelle le cheval". L'analyse conduit aussi à met­tre en connexion des éléments relevant de dimensions différentes : Hnguistique (le mot "ruée", par exemple), chromatique Oa couleur rouge), morphologique (les bouches ou­vertes montrant les dents, lesjambes levées du cheval), topologique (les touches vertes ex­térieures au contour des figures), pour constituer une unité de contenu nommée /vitesse/ou hâte/.

Finalement, elle articule la lecture sur quatre thèmes donnés dès le début de la sé­quence, par une élève, en ces termes :

- "Avec de l'art, on dit qu'il faut aUer vers l'art". Si l'injonction et la dyna­mique du déplacement sont perçues assez tôt (par la fonction du message pubhcitaire et par l'élaboration de l'isotopie /vitesse^ la distinction entre l'art dans sa singularité pré­sente, et l'art au sens générique et dans la diversité de ses réahsations, n'apparaît qu'avec l'isotopie /richesse/construite à partir de la paronomase "or-art" et sa double valorisation économique ("en louis d'or c'était beaucoup, un tableau c'est beaucoup aussi" et cultu-reUe qui intègre à la fois le contenu et l'expression des éléments "musées et arts plasti­ques" (conversation et présentation des oeuvres ; pluralité).

La progression de la séquence de classe qui, analysée a- posteriori, montre trois ar­ticulations très nettes, suit en fait les méandres de l'observation. Le discours des enfants organise le MPC -objet de lecture-et lui donne du sens par un va-et-vient entre recherche de différences (entre l'objet et ce que les élèves savent par ailleurs) et recherche de constantes homologues (à l'intérieurde l'objet) entre niveaux d'ordres différents. En face d'une teUe démarche, on ne peut s'empêcher de penser à ce qu'écrit F. THURLEMANN "Paul Klee", Ed. L'Age d'homme, 1982, p. 12) : "Qu'est-ce qui assure la hsibihté d'un ta­bleau ? /.../la redondance interne semble assurer ce rôle. /../L'analyse du tableau dans no­tre cas ressemblera à un travail de cryptanalyse : la saisie du procès et du système, qui le soutient,coihcideront".

C) Activités métadiscursives : le langage théâtral Les équipes de UVRY-GARGAN et de CHARTRES, qui travaillent sur le jeu dra­

matique, sont parties du principe qu'il y a isomorphisme entre les situations de formation des maîtres et celles des apprentissages des enfants. L'étude d'un moment de jeu présen­tée par Claude VIGIER, de l'équipe de CHARTRES, soutigne ce rapport.

"L'équipe de CHARTRES s'attache à proposer à un groupe d'instituteurs en for­mation des situations qui permettent de définir en actes ce qu'est le langage théâtral. La séquence analysée concerne l'agencement des éléments du code kinésique/gestuel et des éléments textuels dans la construction d'un moment de jeu.

Dans un premier temps, des savoirs opératoires sont visés : faire fonctionner le rap­port kinésique/textuel dans une production. Dans un second temps, on procède à l'analyse desproductions afind'avancerdanslacompréhensiondu foncuonnementdulangagethéâ-tral.

Les participants, organisés en couples, se voient chargés de travaiUer une scène de Michel VWAVER, "Dissident, il va sans dire" (L'Arche, 1978). Us doivent d'abord choi-

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sir les deux répliques qu'üsjugent les plus violentes. Puis constituer, en utiüsant un exer­cice d'entraînement d'acteurs, un réservoir de gestes violents à partir duquel ils contrui-ront un enchaînement bref, maîtrisé et répétitif appelé "module gestuel". C'est seulement après ce détour qu'iLs seront invités à montrer aux autres le module gestuel répété sans in­terruption en même temps que seront dites les répliques répétées elles aussi "en boucle".

La situation proposée obhge les acteurs à faire fonctionner les gestes et le texte comme deux discours autonomes et à observer la manière dont Us entrent cependant en re­lation. D'abord d'un point de vue global, parce que le geste est globalement le signifiant de l'état du personnage. Mais aussi parce que, pendant leur déroulement indépendant, des rencontres atéatoires des éléments de ces discours sont utilisées par les acteurs et prennent sens pour le spectateur.

C'est ce que montre l'étape suivante de la séquence. Les productions ont été enre­gistrées, puis visonnées par les acteurs-spectateurs. Dans la discussion qui suit, on veiUe à interroger les participants de ces deux points de vue :

- A propos du code prédominant : "Nous ne nous sommespas concertés... la gestuelle est prédominante. Quand

on parlait c'était à l'appui du geste". Ainsi se trouve inversé le processus habituel qui part du texte et de sa signification pour aller au geste

- A propos de l'indépendance des deux discours dans le temps : "On avait du mal à faire correspondre la réplique et l'enchaînement des

gestes à cause du souffle". - "On voulait que cela ne corresponde pas"

- Pour un autre groupe : Ainsi le geste ponctue, "dérange", "accentue" "rendplus violent", "se décale". Une

gamme d'oppositions se crée. (...) Le groupe formule ce qui constitue le travail de l'acteur : il se produit des sur­

prises qui obligent à improviser. Ce qui est construit artificiellement dans la consigne est repris d'une manière intentionneUe par l'acteur qui pousse plus loin la concordance ou la discordance entre les deux discours."

2.2. LES TRAJETS DIDACTIQUES SEMIOLANGAGIERS: place et rôle des activités dans la démarche

Quel que soit le niveau scolaire, les expériences des équipes ont montré que l'on peut dégager trois étapes dans l'acheminement des enfants vers la maîtrised'un problème sémiolangagier, soit :

degré 1 : reconnaissance d'un problème de transcodage par les enfants ; degré 2 : capacités à :

-effectuerdestranspositions, - manifester des conduites réflexives ;

degré 3 : acquisition de savoirs -opératoires ou conceptuels -pourtraiter le pro­blème.

Ces trois degrés peuvent exister dans toutes les situations scolairesrépertoriées au début de la Recherche-tanovation, y compris dans le situations exploratoires, qu'eUes soientoccasionneUesouprovoquées.

Les séquences qui ont été réalisées en suites ont aussi montré que les situations pro­voquées pouvaient dépendre soit d'uneprogression minimale conçue par le maître, en fonc­tion d'objectifs d'apprentissage, soit de situations occasionnelles. Dans les deux cas, il est apparu nécessaire au Groupe SEMIOTIQUES de se donner pour tâche d'étaMir une pro-

100

gression minimale qui puisse servir de cadre aux interventions organisées ou ponctueUes des maîtres, faute de quoi les classes risqueraient de s'immobiliser au premier degré des situations d'apprentissage.

On peut représenter les trajets didactiques sémiolangiers, en isolant les trois degrés, par le schéma suivant qui, en tant qu'abstraction des pratiques, découpe des situations et des catégories de contenus didactiques utiles au repérage de l'action, sans se donner pour une programmation..

TRAJETS DIDACTIQUES SEMIOLANGAGIERS

Reconnaissance d'un problème

Situation occasionnelle

Situation provoquée * • 1

Situation exploratoire de MPC

Repérage d'un problème sémlotlque/didactlque dans des activités de réception/production

Intervention régulatrice

du mailre

- 2 -

Capacités à

- effectuer des transpositions

• manifester des conduites réfiexives

Transcodages

Situation de mise à distance dans la praxis

-y Situation de renforcement]

Intervention régulatrice et/ou organisatrice du maflre

Acquisition d'une

maftrise pour traiter le problème

Insertion du problème dans un ensemble

Situation de structuration des conduites réfiexives

'-> Situation de renforcement i systématique

INRP-DPl-EFRl-SEMIO

intervention régulatrice

et organisatrice du maftre

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3. LES VARLVBLES DE LA RECHERCHE

La construction des variablesjaIonne la Recherche- fonovation du Groupe. Parmi les modifications successives, on peut distinguer deux étapes significatives,

- par leur rôle : - l'établissement des premières variables ( 1984-85) ouvre un champ d'étude

complexe et conduit le Groupe à resserrerl'analyse didactique sur les aspects codiques du MPC(cf.§3.1.),

- alors que dans un second temps ( 1985-86) l'étabUssement des variables ré­pond à la complexité du thème en même temps qu'aux exigences d'une mise en cohérence de la recherche SEMIOTlQUES avec l'ensemble de l'Unité de Recherche (cf. § 3.2.),

- par les procédures utüisées : dans la première étape, les variables sont établies en séminaire par le Groupe à partir de l'expérience des équipes, alors que dans la seconde, l'élaboration des variables se fait par apports croisés des équipes :

- une équipe établit une griUe à partir de l'analyse des difficultés des élèves; - une autre analyse une de ses séquences en se servant de cette griUe : eUe

en vérifie et précise les critères, eUe apporte des modifications, si besoin ; - la griUe, et ses remerciements éventuels, sont soumis au Groupe, et discu­

tés en séminaire ; - enfin, l'équipe initiale l'essaie à nouveau et en assure la mise en forme.

(un extrait iUustrant le début de cette procédure est donné en § 3.3. ; la démarche d'ensemble est expucitée par la présentation de la variable 3 (cf. § 3.2.3).

3.1. ETABLKSEMENT DES VARIABLES : 1ère étape

3.1.1. Difficultés rencontrées au cours de la première étape : sérier des ordres d'analyse dans un champ très vaste.

Dans les premiers temps, la mise en place des pratiques innovantes et l'analyse des séquences de classe tendent à couvrir l'ensemble des objectifs postulés par les hypothèses d'action de la recherche. Le Groupe, en séminaire, recense alors 7 variables pédagogiques et didactiques :

V1 : Types de MPC présents dans la classe V2 : Modes d'utUisation des MPC V3 : Modes d'investigation des composants d'un MPC V4 : Adéquation du MPC à la situation de communication V5 : Adéquation de l'outil codique au transcodage V6 : VariabUité des fonctionnements de la langue V7 : Capacités métacodiques concernant les situations de réception-production Compte-tenu des essais d'innovation, l'étude se ramifie selon trois orientations do­

minantes : - la première, commandée par la diversité des domaines appréhendés, conduit à la

description de supports plus que des messages, même si les indicateurs renseignent sur un type de pédagogie : la variable 1, "Types de MPC présents dans la classe" développe sept indicateurs (scolaires et/ou non scolaires ; triés et/ou non triés ; isolés et/ou non isolés du flux ;...)

- la seconde, commandée par le souci de contraster les pédagogies, amorce une des­cription de choix didactiques : la variable 2, "Modes d'utilisation des MPC", distingue :

. les MPC auxitiaires et/ou objets d'enseignement

. les MPC auxilaires pour l'acquisition de savoirs constitués et/ou à consti­tuer

102

-la troisième enfin, commandée par la pratique des transcodages, conduit à une ca-ractérisation codique en relation avec des savoirs opératoires et en intégrant des traits pé­dagogiques : la variable 3, "Modes d'investigation des composants d'un MPC" indique :

. des modes d'investigation : sporadique/aléatoire/cohérente

. se combinant avec quatre critères : - opérations d'exploration, - identification des indices, donc repérage des éléments codiquesen

leur assignant une fonction, -étabhssement des unités de signification par opposition à l'intérieur

d'unMPC, -opérations d'analyse : prélèvement dans la masse signifiante des

unités de signification par dénotation, monstration, nomination, connotation. Il est évident que ces premières variables sont hétérogènes. Mais leurs distorsions

autant que leur complémentarité ont amené le Groupe à reconsidérer le nombre de varia­bles et à les reformuler.

3.1.2. Reformulation des variables et recherche des modalités di­dactiques

La reformulation des variables se fait, ici encore en séminaire, en distinguant la construction de l'objet MPC en tant qu'objet théorique et culturel d'une part, et en tant qu 'objetd'enseignement d'autre part. Cette distinction, dont nous avons souhgné l'impor­tance au § 2 de ce rapport, amène le Groupe à retenir quatre variables fondamentales :

- Vl : Types de MPC présents et/ou utiïisés dans la classe -V2 : Modes d'utüisation des MPC (fonctions pédagogiques et/ou didactiques) - V3 : Modes d'investigation des MPC - V4 : Variables externes relatives aux théories de référence des Maîtres, et à la re­

présentation qu'ils se font du statut des MPC A partir de là, les griUes élaborées par les membres du groupe, en fonction de leurs

domaines spécifiques (schémas, messages tabulaires, images et textes fixes ou en flux, jeu dramatique,...) ont développé tout ou partie de ces variables. L'une des variables ne com­porte que la seule modakté 3, les autres décrivent trois modaHtés.

3.2. ETABLKSEMENT DES VARIABLES : 2eme étape

Pour simplifier l'exposé, nous présenterons les variablesdans leur ordre numéri­que, et pouréclairer leur genèse, nouspréciserons les conditions d'élaboration de certaines d'entre eUes ainsi que la répartition des tâches au sein du groupe.

103

3.2.1. La Variable 1 Le développement des modatítés de cette première variable, assuré par Françoise

SUBLET, a été discuté et retenu par le Groupe au Séminaire de janvier 86.

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104

3.2.2. La Variable 2 Emanant des travaux de Toulouse, la Variable 2 a été élaborée par Françoise SU­

BLET et travaUlée par le Groupe au séminaire de Janvier 86.

VARIABLE 2 : FONCTIONS DES MPC PAR RAPPORT AUX ACTIVITES D'ENSEIGNEMENT

Modalitc i

fonction dominante : auxiliai­re d'enseignement potir l'ac­quisition de savoirs constitués, qu'ils servent à motiver, illus­trer, contrôler.

agissent au niveau du ration­nel : travail sur fonctionne­ment dénotatif essentielle­ment.

fonction mineure : objet d'enseignement relevant d'un programme constitué par le martre.

ET PLUS PARTICULIEREMENT

auxiliaire : incitation à des activités d'expression, d'élocution...

--> juxtaposition des pratiques sémotiques et langagières.

objet : la langue a pour fonc­tion de traduire des éléments du contenu et de l'expression.

INDICATEURS.

présentation des MPC surtout comme : a) Lieux d'activités d'expres­

sion b) Supports d'activités néces­

sitant le recours à des documents , parfois traités comme analogous du réel (l l is., Geo...)pour concré­tisation, illustration

centration sur contenu (dénotation)

approches plus systématiques des MPC selon progression prévue par le Maître, explo­ration "dirigée" par le M.

- - ) juxtaposition dc situations d'explorations dirigées.

Modalité 2

- fonction dominante : auxi -liaire d'enseignement, maté­riaux auxquels les élèves peuvent accéder selon leurs intérêts. Forment un contre­poids aux documents écrits.

- agissent au niveau de l ' in­conscient et de l ' i rrat ionnel: travail sur le fonctionnement connotatif et dénotatif.

fonction mineure : objet d'enseignement aléa­toire-événementiel

Modalité 3

les deux fonctions auxiliaire et objet d'enseignement, sont reconnues dans la perspecti­ve d'une élaboration progres­sive des savoirs (au niveau des contenus et des langages).

constituent à la fois : i) des documents parmi d'autres 2) des documents originaux

(MPC) à traiter cn tant que tels aux niveaux dénotatif et connotatif.

'AR RAPPORT AUX ACTIVITES LANGAGIERES

_ auxiliaire occasions d'activités d'ex­pression.

- - - } juxtaposition des prat i ­ques sémiotiqucs ct langa­gières.

- objet : la langue a pour fonction de traduire des élé mcnts du contenu et dc l'expression.

- recours aléatoire et événe­mentiel : selon les act ivi­tés en cours, les intérêts des enfants, recours aux MPC pour des activités réflexives pas de centration définie sur les contenus ou l'expression, sur le fonctionnement déno­tat i f connotatif exploration libre

les MPC relèvent des apprentissages des phéno­mènes communicationnels et linguistiques.

- - } interaction des pratiques sémiolangagières.

objet : la langue a pour fonc­tion de traduire les relations entre éléments du contenu et dc l'expression, ct de les expliciter.

- recours systématique aux MPC dans le cadre de projet collec­tifs ou d'explorations provo­quées par le Maftre

- attention portée sur les formes/sens du message

- le M ayant explicité ou créé des situations d'utilisation dcs MPC suscite ensuite des situa­tions :

. d'exploration libres ou scmi-dirigées

. de renforcement contrôlé

. de transcodage destinées à rendre les enfants capables d'utiliser de manière pertinente les divers modes de représentation du réel dans di­verses situations de communica­tion.

105

3.23. La Variable 3 Comme nous l'avons souhgné précédemment, Tune des difficultés de la recherche

SEMlOTlQUES réside dans le caractère mmultidimensionnel des problèmes appréhen­dés. Toutefois, passés les premiers tâtonnements, cette complexité devient un avantage : ainsi toute grille élaborée par une équipe est expérimentée par une autre et donc appliquée non seulement à une autre situation pédagogique et didactique mais aussi à un autre do­maine sémiotique. La mise en cohérence des analyses soulève des problèmes théoriques qu 'il convient de dépasser pour étaMir la sélection des indicateurs et permettre ainsi d'ex-plorerl'objet MPC qui est au centre de la recherche du Groupe.

Pour éclairer la démarche, nous suivrons la genèse de la Variable 3, dans ses prin­cipales étapes (avril 85 -mai 86). Variable centrale, qui décrit l'objet d'enseignement, et par rapport à laqueUe les autres s'organisent.

A) De l'expérimentation, à la formulation de la Variable. En 84-85,l'équipe de QUÎMPER, travaiUant sur la schématisation, étabht une griUe

correspondant à l'hypothèse 3 du programme : "objectiverles pratiques sémiolangagières en vue de développer les capacités métacodiques des élèves". Cette griUe présentée en qua­tre colonnes classe les objectifsd'enseignement, les objectifs d'apprentissage, et donne les indicateurs-Maître et Elèves correspondants, ainsi que des exemples.

La griUe comprend deux objectifs généraux : (I) Amener les élèves à effectuer des opérations de transcodage réflexives ; (II) hitégrer les paramètres des situations de réception-production aux acti­

vités sémiolangagières. Le premier se subdivise en cinq objectifs d'enseignement relatifs au thème de l'é­

quipe : a. frwentorier les signes d'un MPC b. Transcoder : schématiserun MPC c. Schématiser : étabHr un système de signes en fonctionnement d. Etabhr la vafidité d'un schéma e. Comparer des systèmes de signes

Les divers points de l'objectif (I)a, "hrventorier les signes d'un MPC", étantsup-posés convenir à n'importe quel message sont examinées en Séminaire du Groupe et confrontés à plusieurs expériences d'équipes. ILs donnent lieu à des mises au point théori­ques et contribuent à la première formulation de la Variable 3 (cf. supra, § 3.1.1.) "Modes d'investigation des composants d'un MPC".

Cette Variable est reprise à nouveau par l'équipe de QLOMPER. Monique YZI-QUEL en propose alors une troisième version (avril 86), "Niveaux d'investigation d'un MPC", élargie au texte et au discours (voir tableau)

106

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VARIABLE 3 : NIVEAUX D'INVESTIGATION D'UN MPC

'INVESTIGATION DES COMPOSANTS D'UN MPC

ÇrUères de la Modalité 3

Operat ions d 'exp lo ra t ion

Repérages d'éléments codiques en leur assignant une fonction

Etablissement des uni tés de

signification par opposition à l'in­térieur d'u?» MPC

Opérations d'analyse :

prélèvement dans la masse signifiante des unités de signification par inonstration

nomination denotation connotation

Indicateurs - MaTtre

Le maître propose l'investigation de messages diversifiés selon le support, le canal, la situation,..

- il relève les codes repérés par les élèves, selon leur tiature (visuel/non-visuel ; sonore/tion-sonore; linguistique/non-linguistique,..

-il relève les types de fonctionnement établis par les élèves (digital/aialogique; arbitraire/motivé; conventionnel/naturel)

- il observe les stratégies de repérage des élèves. Cette phase de préévaluation permet au maître d'organiser par la suite une étude systématique.

Le maître soutient la mise en place de fonctions sémiotiques (= relevés d'ensembles de traits, insertions de ces traits ^*ns un système, et, selon le système, prise en charged'un contenusémiquo, d'où production d'nnp fonction sémiotique). a/Le maître aide les élèves à : - opérer des décompositions sémiques - distinguer noyau sémique et contexte - sélectionner les traits et sèmes pertinents - établir des relations entre les sélections opérées - mettre en concordance les indices correspondants erttre deux codes

b/Le maître aide les élèves à classer les valeurs codiques, ou fonctions sémiotiques, selon de grandes catégories, relatives: - au repérage du mode d'interprétation, les éléments prélevés, les élé­ments prélevés pouvant renseigner de façon :

. qualitative ou descriptive (être)

. pragmatique (faire)

. explicative ou logique (connaître) - au repérage du niveau codique, les éléments prélevés pouvant être

de 1'ordre de : . l'expression (substance/forme) . du contenu (substance/forme)

- à l'établissement de liens référentiels, les éléments de contenu pouvant renvoyer à :

. une possibilité

. un fait

. une convention ou une nécessité c/Le maître aide à établir la distinction entre : - valeurs d'usage, ou fonctions de communication - valeurs codiques, ou fonctions de signification

Les choix méthodologiques du maître sont en cohérence avec ceux qui sous-t.endent. les oratiques d'analyse de la langue mise en place dans la classe, en Français, a/Le maître favorise la découverte de différences et de complémentarités - à l'intérieur d'un même code - entre codes, à l'intérieur du MPC

b/ L e maître fait rechercher si ces différences et ces complémentarités sont inhérentes aux codes ( linguistique et iconique, en particulier) ou sont dépendantes du fonctionnement du message (cf. Texte) ou de la situation de communication (cf. Discours).

L'objectif du maître est de faire découvrir qu'il n'existe pas de signes (figés) mais des fonctions sémiotiques, quels que soient les codes.

a/Le maitre propose des messages variés permettant de constater qu'un même mode de production sémiotique peut se trouver en langue et dans un autre code. ex. la signification par monstration peut être établie en langue par ! citation, suprasegmentaux,coiiHiientaires, déictiques, référenciation interne,, determination,..; en image, par ostension. (cf. Discours)

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107

Critères de la I Modalité 3

Le MPC est traité en tant que

Texte

Critères de la Modalité 3

Le MPC est traité en tant que

Discours auquel s'ajoute un métadiscours

b / L e maître guide la réflexion dos élèves vers rrl'!>lis:.nmont: do caractéristiques des modes de production sémiotiques :

Monstration et nomination : - reconnaissance d'une unité comme appartenant à une classe d'éléments

( relation type occurrence) ex. "c'est un cheval"(a partir d'un dessin occurrence du cheval)distinction pouvant apparaître dans le discours des élèves par ajustement, ex. "le cheval, enfin ce qu'on appelle un cheval"

- reconnaissance d'un objet unique, de sa réplique, ou de son icône ex. Marc Dupont en plan moyen/"voici marc"

- interprétation fondée sur des qualités, sur une convention établie de fait, ex. l'Ogre = ventru, couteau à la main

Dénotation : - interprétation fondée sur une convention "nécessaire" - valeur intensive : analyse des traits de plus en plus complexe, ou de

plus en plus fine Connotation :

- interprétation fondée sur un habitus - valeur extensive : insertion dans un contexte

c/Le maître fait, établir une dynamique dos siqnos (opérations do transfor­mation) : une même unité pouvant produire tour à tour, ou conjointement, Tun ou Tautre mode de signification. Ex. un titre d'affiche "la ruée vers l'art" valant en tant que titre et en tant que figure de rhétorique (or/ar= paronomase) avec dans ce cas un retentissement sur la signification de "ruée (cf. Discours)

INVESTIGATION DU SENS D'UN MPC

Indicateurs - Maître

a/Le maître aide les élèves à concevoir le MPC comme un ensemble organisé - il guide la recherche de relations intercodiques dans le champ de la

forme de l'expression (cohésion textuelle) : . construction d'enchaînements (par succession, transformation) organisation des formes narratives, structuration d'une représen­tation visuel le...

. établissement de dépendances (vertori$ation, hiérarchisation), dans les schémas par ex.

. établissement d'équivalences (anaphores, parallélismes,..) entre formes relevant d'un même code, de codes différents

- il guide la recherche de relations intercodiques dans la forme du contenu (cohérence textuelle) par :

. isotopie (reconnaissance d'une permanence de traits dans plusieurs réseaux de figures, de leur équivalence)

. axiologie (reconnaissance de relations d'opposition, de différences organisation de ces différences

b / L e maître aide les élèves à concevoir le message comme un ensemble organisé, en interaction avec un tout.

- il fait établir les caractéristiques de fonctionnement d?s principaux types textuels : descriptifs/narratifs/poétiques/argumontatifs/explicatifs.

- il aide à percevoir 1e fonctionnement d'un MPC comme étant le résultat de contraintes textuelles et d'interprétations du récepteur, de mises en relation avec des éléments extra-textuels

- il aide à repérer des formes récurrentes suceptibles d'étayer desjuge ments de style, de genre.

L'objectif d'enseignement est ici de faire dégager l'organisation formelle d'un type de texte (et donc de dégager des procédures d'analyse) et la spécificité des modes de réalisation. Le texte est un agencement de sélec­tions possibles.

INVESTIGATION DE LA SIGNIFICATION D'UN MPC

Indicateurs - Maître

a/Lo maître aide à percevoir les marques d'énonciation dans l'énoncé du message : il guide la recherche des élèves en particulier vers :

- la déixis - les modalités - la rhétorique

b/Le maître aide les élèves à maitriser leur métadiscours de réception-production :

- détermination de la situation de communication - modes de transcodage utilisés - justification et référenciation des opérations pratiquées

c/Le maître aide les élèves à aborder l'efficacité sociale du MPC - fonctions attribuées aumessage (informative, injonctive,...) - variabilité de ces fonctions

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108

B) Mise à Fépreuve de la Variable 3 et nouveaux apports La Variable 3 recense des aspects sémioüques fondés sur les référents théoriques

du Groupe, observés et observables dans les activités de classe, et se présente comme un classement où Tordre des parties-unités, texte, discours-est indépendant de toute progres­sion didactique. Utile au repérage des savoirs conceptuels,eUe permet aussi de situer des Ueux d'intervention du maître mais sans en spécifierles modaHtés didactiques. C'est pour­quoi au Séminaire de mai 86, le Groupe décide de mettre à l'épreuve les indicateurs éta­blis, d'une part en fonction des niveaux scolaires et d'autre part en les croisant avec des indicateurs didactiques.

Les équipes de LIMOGES et de SAUSTT-GERMAJN-EN-LAYE repèrent des conte­nus accessibles à la MaterneUe et au CM, qui serviront à ébaucher les outils pour les maî-tres que le Groupe s'est proposé de mettre au point (2eme phase de la recherche-innovation), cependant que l'équipe de LlVRY- GARGAN éclaire et étend les indicateurs de la rubrique "hrvestigation de la signification d'un MPC" de la variable, en fonction de l'étude du jeu dramatique.

Le travail de TOULOUSE, cité au § 1.1.2., apportant des précisions sur la pédago­gie du maître face aux difficultés rencontrées par les enfants lors de l'élaboration de la si­gnification, F. SUBLET propose un complément aux rubriques "Opérations d'exploration" et "Repérages d'éléments codiques..." de la Variable 3, sous le titre "Modes d'investiga­tion d'un MPC" qui s'articule surles fonctions pédagogiques de M. POSTlC(1977). Cette griUe, qui se Umite àl'étude des situations d'exploration, donne au groupe un modèle trans­posable à d'autres situations d'apprentissage, (cf. tableau, pages suivantes).

Les équipes de PAU et QU^PER, plus orientées à ce moment-là vers l'étude du MPC en tant que texte, expUcitent les rubriques "hivestigation des composants" et "Inves­tigation du sens d'un MPC" de la Variable 3, ens'attachant à préciser les interventions du maître dans des situations réflexives, ce qui les conduit à travailler la 7eme Variable issue des hypothèses du Groupe, "Capacités métacodiques concernant les situations de récep­tion-production".

Des extraits de ce travail sont présentés ci-après (cf. § 3.3.).

109

INRP - Groupes Sémiotiques F- SUBLET

MODES D1INVESTIGATION D'UN MPC

Opérations d'exploration (cf. Variable 3 "Niveaux..." 1.1.) Variable didactique : M3

1. Types de situations d'enseignement

- dans le cadre d'une progression minimale adaptée à chaque niveau scolaire... (Problème : laquelle ?)

- et/ou dans le cadre de situations occasionnelles, en fonction de questions, problèmes rencontrés par Ics enfants (dans d'autres activités oîi une démarche exploratoire a déjà été annoncée) (Problème : quelles situations occasionnelles ? Quels types dc questions sollicitant quels niveaux d'analyse du MPC. cf. grille de la variable 3).

2. Interventions de l'enseignant

2.1. Types de messages proposés 2.2. Mode deTFansmission de ces messages ou supports

ex. variations possibles sur un ïivre : - regardé "directement" - projeté à l'épiscope, avec diapos... etc. variations possibles sur une émission de TV - regardée en diffusion directe - regardée au magnétoscope

NB. Ces deux aspects ne permettront peut-être pas d'opposer Mi, M2, M3. Elles sont cependant utiles à cerner dans la mesure où elle peuvent procéder d'intentions didactiques explicites, et où elles peuvent modifier Ics stratégies des élèves.

2.3. Fonction d'organisation (vise à organiser le travail, à le contrôler et à l'apprécier).

a) Consignes initiales . centration par rapport aux opérations exploratoires

- très ouvertes : "donnez vos réactions". Silence. - centrées sur l'élaboration de significations :

"que dit cette affiche ?", "que comprenez-vous ?" - centrées sur les éléments d'expression des MPC :

"que voyez-vous ?", "qu'entendez-vous ?" - centrées sur une exploration parallèle des significations et de l'expression :

"que comprenez-vous et qu'est-ce qui vous a permis dans tel MPC de comprendre cela ?" (—> SENS); ou, "qu'est-ce qui vous a conduit à penser cela ? (—> SENS/SIGNIFICATION)

. Centration par rapport aux destinataires de cette exploration - Les destinataires peuvent être les enfants présents ou d'autres enfants/adultcs

absents. . Types de codes proposés pour ces premiers décodages/transcodages

(cf. circuits préférentiels utilisés par les enfants) - verbal (oral/écrit) - iconique (types d'images) - kinésique...

/.../

110

b) Régulation des activités exploratoires des enfants (cf. aussi Fonction d'Eveil)

. prise en compte des propositions des enfants par : - rappel, reformulations, explicitations - demande de précision, sollicitation de réponses, réactions...

. dans l'élaboration de la signification, le maître favorise l'émission de "traces", dont écrites, correspondant à des synthèses partielles, à la formulation d'un problème (afin de mieux cerner les points d'accord, désaccord, doutes, problèmes en suspens, ou les moments "pivôts"...)

c) Evaluation de ces activités

. en dehors de la mise au point de "traces" du travail, mise cn place d'une évalution individuelle pour cerner Ics acquis dc cette première exploration :

- type de messages de transcodage produits (genres : raconter, décrire..., codes) - objet de l'évaluation (cf. grille des divers niveaux : composantes du MPC),

ensemble du message/unités de signification, etc.

2.4. Fonction d'information (transmission de savoir choisi, élaboré, réorganisé en fonction des connaissances antérieures des enfants).

NB : on peut supposer que cette fonction, dans des situations exploratoires, est mineure. Elle peut cependant ctre sollicitée.

à) quelles informations délivrées par le Maítre, ou sollicitées chez les en-fants ? (cf. gnluFcfes composantes d'un MPC

b) quels objectifspour ces informations ? - rappel ? présentation d'une information nouvelle en réponse à un problème soulevé

par un enfant ? Pointage d'un secteur d'information à approfondir plus tard ? c) en find'activités (avec les enfants ou cn dehors de la classe)

1Uentif^ati0n du"domaine dans lequel serait nécessaire un approfondissement

2.5. Fonction d'éveil (déclanche la découverte active, la curiosité)

a) Le Maître sollicite la diversification des stratégies exploratoires des enfants.

- approche syncrétiques, analytiques, synthétiques (cf. importance du mode de présentation du MPC), permises, sollicitées, reconnues.

- modalités des réactions acceptées dans leur diversité : affirmations, négations, questions...; réactions gestuelles ; autres...

- utilisation de codes différents pour solliciter les réactions - acceptation, reconnaissance des diverses "entrées" dans le message

(cf. grille des niveaux d'investigation)

b) Régulationdes activitées exploratoires (cf. 2.3.b/) c) incitation à faire le point, ccrner une question, élaborer un problème

W. TJTB7T ~~

111

3.2.4. La Variable 4 Cette Variable a été étaMie pour le Groupe par J.L. CABET et J.C.LALLJAS

(équipe de Livry-Gargan) à partir d'activités de jeux dramatiques. Elle reste très globale et devrait être spécifiée au cours de la seconde phase de Recherche- huiovation, en fonc­tion des emprunts théoriques du Groupe (cf. § 1.2., "Cadre théorique de la Recherche".

Groupe "Semiot iques3, J .C. LALLIAS et J . L . CABET

VARIABLE 4 : REFERENTS ET REPRESENTATIONS DES MAfTRES

THEORIES DE REFERENCE SEMIOTIQUES ET LINGUISTIQUES

A. - Theories sémiotiques de référence

Modalité 1 | Modalité 2 | Modalité 3

UNIVOCITE DlI SENS

L'image est TRANSPARENTE

Le MPC est dans un simple rap­port d'analogie avec l'objet réel ou imaginaire représenté.

dominante implicite nomination des référents

Centration sur le contenu de surface

Marqueur : c'est

GLOBALITE ET SELECTION SUBJEC­TIVE DES SIGNIFICATIONS L'image est PROJECTION

Le MPC est saisi dans un rapport essentiellement subjectif

dominante implicite acceptation des interprétations personnel les

centration sur l'expression du récepteur

Marqueur : Je (comme filtre)

PLURALITE DU SENS ET DE LA SIGNIFICATION L'image est CONSTRUCTION ET ORGANISATION Le MPC est saisi au double ni­veau de la forme et du contenu: mise à jour des relations.

dominante explicite prise en compte des éléments d'énonciation et des éléments pragmatiques.

centration sur l'analyse de la construction, les niveaux d'in­teraction et les significations

Marqueur: ils disent a...pour

B. - Théories linguistiques de référence

Modalité 1

NORMATIVE, PREDOMINANCE DU

LINGUISTIQUE

Linguistique analysé comme code indépendant et dominant "survalorisé".

Modalité 2

ACCEPTATION DE LA DIFFERENCE *

paroles et usages linguistiques pris en compte

Modalité 3

C0MMUNICATI0N,D1SC0URS ET CODES| SONT ANALYSABLES COMME SYSTEMES COMPLEXES ET IMBRIQUES

interdépendance des signes, analyse codique. Variabilité.*

HbW¿SENTATlCN3 PES MAITRES SUR LE STATUT DES

Modalité 1

DEVALORISATION

Non acceptation des messages sociaux perçus comme "déculturants"

survalorisation culturelle des formes littéraires (récit, roman, nouvelles illustrés)

spéciricité du scolaire, éviction de 1 événementiel au profit d'un savoir épuré

Coupure scolaire/social

filtrage maximum

Marqueurs : Discours négatits sur les efrets des media et des MPC en général

Le contenu et le savoir institués priment

Modalité 2

ACCEPIATION

prolifération des messages de toute origine

valorisation du social et des messages jugés proches des entants

discrédit du scolaire jugé "austère" et "artificiel"

Ouverture et non-séparation entre scolaire et social

filtrage minimum

Discours négatifs sur les messages purement scolaires (livres, outils)

l'intérêt de l'enfant prime sur toute autre considération

MP£

Modalité 3

DISTANCIATION CRIlIQUE

acceptation des MPC afin de prélever des éléments caracté­ristiques.

valorisation des messages com­plexes dont on préjuge qu'ils sont représentatifs

nécessaire articulation du scolaire et du social dans des temps reliés.

le scolaire désaliène le social

filtrage méthodologique

Discours critique sur le rôle négatif d'une école qui ne prépare pas à une lecture active du social.

Taccent est mis sur la rupture| le bond, le dépassement des apparences.

112

3.3. PROCEDURES D'ETABLKSEMENT DES VARIABLES : EXEMPLE D'APPORTS GROKES DE DEUX EQUIPES

3.3.1.UnegriUed'anafyseelaboreeparuneequipe. Cette grUle porte sur l'une des hypothèses du Groupe concernant l'objectivation

des pratiques sémiolangagières en vue de développer les capacités métacodiques.

GRILLE D'ANALYSE DES DIFFICULTES DE LA SCHEMATISATION, établie à partir de pratiques didactiques relevant de la Modalité 3.

( M. YZIQUEL, Equipe de Quimper)

I. E f f e c t u e r d e s o p é r a t i o n s d e t r a n s c o d a g e r é f 1 e x i v es

l_A_. Inventorier et analyser les composants du_j^c_hema : cf. V3.1.

l_ 2_. SchematVser_un _MPC_

1.2.1. Effectuer des opérations de réduction

- réduction de 1'iconicite> - réduction quantitative des éléments,

- établissement de classes d'éléments-

1.2.2. Etablir un système de signes en fonctionnement

- relations entre classes d'éléments> - représentation des relations établies> - repérage de types de relations-

1.2.3. Etablir la validité du schéma

- estimation de la perte d'information issue des réductions, - compensation de cette perte par l'affinement du codage,

par le recours à la pluricodicité, - appréciation de l'homogénéité du schéma, de sa cohérence.

1.2.4. Evaluer la puissance du schéma

- par rapport au problème posé, - par rapport au point de vue adopté^

. structural,

. chronologique >

. systémique-

i_,3_^ Comparer des systèmes n m en correspondance

(transcodage de second niveau : système source -dessin, texte,...-et schéma)

1.3.1. Déterminer le mode opératoire de chaque système 1.3.2. Déterminer le domaine de validité de chaque système 1.3.3. Différencier les codes 1.3.4. Différencier les types de fonctionnement 1.3.5. Repérer les difficultés de transcodage liées aux contraintes

stylistiques et thématiques des systèmesrnis en correspondance

| . . . |

113

11. I n tég r e r 1 e s p a r a m è t r e s des s i t u a t i o n s de r é c e p t i o n -'p r o fl u c 11 o n " "a iïx a cTT v i T"e s" s eniTbTa ñ g a gTer e s

2.1. Schématiser en tenantcomp_te:

2.1.1. des compétences de l'émetteur

a / - savoirs codiques /savoirs opératoires» - savoirs acquis /savoirs en cours d'acquisition, - savoirs à acquérir ;

b/compétences idéologiques et culturelles, valeurs éthiques /valeurs esthétiques:

2.1.2. des compétences estimées du récepteur

- relatives aux codes» - idéologiques et culturelles;

2.1.3. de l'univers du discours

a/déterminer le rôle du schéma en fonction d'objectifs pragmatiques :

- modèle descriptif ou classificatoire, - modèle heuristique et modèle cognitif, - modèle prévisionnel, - modèle décisionnel , - modèle normatif ;

b/déterminer les principales caractéristiques du modèle retenu ;

c/déceler les rôles secondaires que le schéma est susceptible d'assumer.

2.2. Développer des capac_i_tes metadiscurs[yes laj^agièrejL

2.2.1.Commentor les opérations effectuées 2.2.2. .)ustifier les choix effectués 2.2.3. Acquérir une maîtrise progressive du métalangage

- explicatif oral (commentaire du transcodage) écrit (complémentaire, dans le transcodage.

Point d'interaction avec la Recherche du Groupe'Evaluation des Ecrits").

- argumentatif, oral.

114

3.3.2. UtUlsatíon de la griUe par une autre équipe LES TRANSCODAGES ET LES OPERATIONS METASEMlOTIQUES ET

METALANGAGIERES, EN STTUATION DE PRODUCTION: vers la determina­tion d'un "mode opératoire" et du "domaine de vatidité" des différents systèmes co-diques.

a (Roger BRETHOME, Equipe de PAU) "La phase de "maquettage" constitue un moment réflexif essentiel dans la pro­

duction de panneaux pour exposition murale que nous avons choisie comme thème de recherche. Nous en avons présenté les principes et les différents aspects dans "Repères" 68et"Reperes"71.

Après le recueil et les premiers traitements des informations qui seront présentées dans l'exposition, les enfants dessinent des maquettes du panneau qu'Us vont réaUser (cf. reproduction ci-dessous : format réel = 17X21 cm).

Y apparaissent : - les masses informatives : "Tarife et réductions", "classes", etc. - les systèmes mono ou pluricodiques envisagés pour leur traitement L'étude réflexive de cette maquette guidée par la Maîtresse va permettre d'abou­

tir à une double adéquation des systèmes retenus : - adéquation à la "nature" des informations, ou "mode opératoire" - adéquation à la situation de communication, ou "domaine de vahdité"

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115

La classe de CMl où s'est déroulé notre travail étudiait les transports dans le dé­partement, un groupe étant chargé des trains. La brève description qui suit concerne la dé­finition du "texte" figurant sur la maquette pour la masse informative : "tarifs et réductions".

Les réphques sont numérotées dans leur ordre chronologique d'ensemble. Certaines "digressions" ont été supprimées et sont représentées par (...). Nous n'avons noté que quel­ques monstrations et manipulations qui accompagnent les échanges verbaux. Enfin, le "li­vre" dont il sera question est une brochure SNCF utilisée comme source de renseignements.

À) Extraits de la séquence d'analyse de la maquette - Ml. "ILs l'ont quand même mis là : "tarifs et réductions". - E2. Là, "tarifs et réductions". C'est ici,

- EveUne. - E3. C'est les horaires ! C'étaitjaune (...) - E4, (feuületant la brochure) : Les trains... Les enfants et les trains... - M5. Est-ce que vous en parlez, là ? - E6. Non - M7. Vous n'avez marqué... - E8. Est-ce que je voulais mettre, cette... - E9. Cette... - ElO. Euh, oui. Titre pour... Euh... - EI l . Prix vermeil. Après y'a les enfants et le train. - E12. (choeur des enfants feuUletant) : Prix famüle... prixjeunes... prix vermeil...

prix groupe... les enfants et le train... C'est tout. - E13. Des prix et des réductions - M14. Bon, C'est ceci, ici, hein : tarifet réductions ... Bon d'accord"

(...) : L'échange bifurque vers 1ère et 2eme classes, puis on revient aux tarifications.

- M15. "Tarifs et réductions, c'est quoi ? C'est un texte aussi ? - E16. Oui, avec des p'tits titres - M17. Parce queje regarde celui-là, c'est presque...(Silence). Hélène, à quoi ça te

fait penser, ceci ? - E18. Un texte, et puis plein de sous-titres - M19. ça a l'air d'être bien... - E20. J'ai pas compris ce que tu as dit - E21. Un titre, avec comme... - E22. Ah ! oui... Séparé... euh... une ligne qui dit une chose, l'autre qui... - E23. C'est les différents prix - E24. Qu'est-ce qu'eUe a dit Hélène ? - M25. On dirait presque un... - E26. Un tableau - M27. Oui, on dirait presque un tableau - E28. On pourrait faire un tableau, alors. - E29. Tableau, alors" (et Hélène inscrit le mot sur la maquette, avec un point d'in­

terrogation).

116

B) Le transcodage et les opérations métasémlotiques et méta-langagières.

D s'agit d'un transcodage de deuxième niveau : d'une restitution codée à sa trans­position dans un autre code (tableau). Les enfants s'inspirent en effet des textes de divers types qui figurent dans la brochure (parex. : "le biUet congé annuel, vous êtes salarié, vous bénéficez de 30% de réduction en 1ère comme en 2eme classe, en toutes périodes", etc. ou : "La tarification enfant : les enfants de moins de 4 ans voyagent gratuitement. Pour les enfants de 4 à moins de 12 ans, réduction de 50%", etc.) Ds vont les transposer en "tableau" dontle principe est peu à peu découvert dans cette séquence, et qui sera élaboré ultérieu­rement.

a) La maquette et les répHques permettent de saisir plusieurs aspects delagenèsedutranscodage :

- les enfants avaient d'abord pensé à un "texte" et leurs brouiUons étaient effetive-ment des contractions de la brochure ;

- leur début de sériation apparaît aux réptiques 10, 11 et 12 : à partir de "Titre pour...", en se référant à la brochure, des enfants extraient et énumèrent en choeur des ca­tégories : "Prix Jeunes, Prix Vermeil", etc ;

- à partir de l'intervention 15 de la Maîtresse, qui reste ouverte : "C'est un texte aussi ?" , l'idée d'aUnéas - le mot n'est évidemment pas prononcé, mais on pourra l'abor­der en phase de structuration-information se précise peu à peu : réphques 16 à 23 : une "ligne" par "chose" et les "choses" = les "prix" ;

- parallèlement (dès la réphque 17) par des suggestions plus fermées (c'est pres­que..." et l'interpellation plus directe d'une élève, Hélène, la maîtresse provoque (répli­ques 26 à 29) Fénonciation du mot "tableau" (à double entrée) qui est l'un des systèmes possibles et probablement le plus pertinent pour transmettre ce type d'informations aux vi­siteurs d'une exposition qui n'auront pas forcément des attentes orientées vers ces ques­tions et qui devront en prendre connaissance à distance et rapidement.

b) Etapes ultérieures et résultats du transcodage : Par la comparaison des textes de la brochure et avec l'aide de la Maitresse,les en­

fants affineront les sériations commencées dans cette séquence (cf. répliques 10 à 13 puis 21 à 23). Us dégageront les éléments constants dans les différents textes et les différences pertinentes, ils les nominahseront et les disposeront en colonnes et en Ugnes.Nous esquis­sons seulement ici une partie de ce "tableau":

gensconcernés conditions réduction cumuls etc.

congé annuel salariés AR+ de 200 km 30% enfants 4 à 12 ans 50% avec

adultes

etc

Il peut être considéré, faut-ü le souügner, comme un avatar de véritable "griUe sé-mique".

c) Explicitation des règles d'élaboration et de fonctionnement des systèmes codiques lors des transcodages

- Rôles de la maîtresse : eUe provoque et accueille l'émergence de savoirs anté­rieurs qui ne sont pas obhgatoirement exploités (cf. les "ahnéas" par exemple) ; elle pro­voque et oriente aussi des exphcitations (répUque 15 "C'est un texte aussi ?" ; elle suggère fortement des solutions : determination du "tableau". Dans cette séquence ses interven-

117

tions relèvent donc essentiellement des fonctions "d'encadrement" et "d'éveil" selon M. Postic. Dans les séquences ultérieures elle assurera danvantage la fonction d'information (et de structuration) nécessaire à la réaksation finale du transcodage.

- Rôles de la langue : .dans les messages A (textes de brochure), elle est le code unique ; dans le

message B (tableau), eUe fournit la plupart des éléments (nominahsations à côté de chif­fres) ; eUe est évidemment le véhicule des explications métasémiotiques et langagières (code interprétant). EUe a donc un rôle fondamental et son fonctionnement est fortement questionné.

. l'analyse des messages A conduit à différencier des types de textes (cf. les extraits cités précédemment), et l'élaboration du message B réinvestit grâce à une trans­formation particuuère, la nominaUsation, les constantes et les différences précédemment dégagées.

Les savoirs qui résultent de tek apprentissages sémio- langagiers en interaction ex­plicite devraient permettre une meiUeure maîtrise des usages Unguistiques eux-mêmes.

C) Mode opératoire et domaine de validité des systèmes codi-ques, en situation de production.

Le mode opératoire pourrait être défini comme l'adéquation du système mono ou pluri-codique aux informations traitées.

Souvent, U est possible -dans Fabsolu-pourrait-on directe traiter les mêmes infor­mations grâce à différents systèmes, en ne se préoccupant que de la finaUté et/ou de la fa-cüité plus ou moins grande de prendre en compte toutes les données ou leurs aspects, ou de ce sur quoi on veut mettre l'accent. Ainsi des itinéraires peuvent être communiqués par des textes (lettres ou récits par exemple), par des tableaux (guides de voyage, dépUants SNCR, ou encore par des cartes, plans ou croquis. Mais si la lettre ou le récit permettent d'évoquer les keux en les décrivant, voire de communiquer les impressions qu'Us produi­sent, le tableau, saufs'U est accompagné de photos, ne le pourra pas ; U restituera plus net­tement, en revanche, les points de départ et d'arrivée, les arrêts, les correspondances, les horaires... Quant à la carte, eUe montrera mieux par exemple la complexité d'un réseau. En d'autres termes, même en ne se préoccupant que des informations à transmettre, l'é­metteur doit choisir parmi des systèmes possibles un système plus adéquat que d'autres.

/...r 4. A C Q U B ET PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE

La première phase de l'Innovation a eu pour rôle de didactiser la complexité du champ de la recherche. Nous présenterons ici l'évolution de trois aspects principaux de la problématique du Groupe en situant les acquis de la recherche dans ses perspectives im­médiates et plus lointaines.

4.1. LES ACQUK DE LA RECHERCHE-INNOVATION

Us concernent plus particulièrement l'évolution de la conception des transcodages et du statut des MPC, qui a fait progresser parallèlement les pratiques et les savoirs théo­riques du Groupe, la classification des trajets didactiques et des savoirs enseignés, étabhe en vue de la Recherche-Description et les Modes de TravaU Didactique à prendre en compte.

118

4.1.1. Evolution de la conception des transcodages et du statut de MPC.

A) Primitivement, les transcodages sont une transpositionparjeu de formes entre discours perçus, et un moyen d'améüorer les pratiques langagières. Les re­formulations orales et écrites d'un MPC, ou l'élaboration d'un MPC à partir d'une verba-tisation, rélèvent alors plutôt de ce qu'on peut appeler une mise en paraUèle de présentations.

Progressivement, la mise en parallèle conduisant à la distinction du plan du conte­nu et du plan de l'expression, les relations intercodiques éclairent le fonctionnement des codes mis enjeu et font apparaître leur non-équivalence ainsi que les caractéristique pro­pres aux uns et aux autres. La mise en paraUèle des messages est suivie d'une mise en cor­respondance qui requiert une transposition des effets de sens produits par la forme de l'expression.

B) Les activités de classe, effectuées dans cette perspective, ouvrent la recherche aux premières explorations des formes d'expression esthétique, qui ont une importance toute particulière pour les équipes étudiant les discours dramatiques, httéraires, artistiques, cependant que dans toutes les équipes se posent des problèmes de découpage, de sélection et d'organisation d'éléments et d'unités à construire. L'intérêt se déplace des produits issus des transcodages aux effets structurants des transcodages qui constituent les MPC en objets d'étude tant à la réception qu'à la production.

Ainsi apparaît, dans l'évolution chronologique de la recherche, un second temps fort qui est marqué par la complexification de l'objet d'étude ; le MPC est désormais ana­lysé à trois niveaux : codique, textuel, discursif.

A ce stade, les transcodages sont des opérations qui se définissent par leurs fonc­tions. Selon les travaux de classe, les objectifs didactiques peuvent être d'ordre sémanti­que, pragmatique, structural, ou systémique :

- sémantique, dans la mesure où sans chercher une synonymie, la mise en relation de deux discours a pour finalité de maintenir une même signification : les transferts codi-ques s'articulant autour de noyaux sémiques ;

- pragmatique, en ce sens que la signification globale est transposée selon les contraintes de la communication et en particuHer de ceUes des situations de réception : l'at-tention est centrée sur le message transcodé.

- structural (ou syntaxique) lorsque l'essentiel du travail effectué en classe porte sur l'analyse de chacun des messages en niveaux correspondants, regroupés en catégories. Les relations établies sont alors de dépendance ;

- systémique, lorsque les analyses intercodiques àl'intérieur d'un même MPC met­tent en évidence la dynamique des codes les uns par rapport aux autres (sonore, kinésique, linguistique, à l'intérieur du dessin animé, du message d'une affiche, d'un tableau synop­tique, du jeu théâtral,...). La recherche porte alors sur les trajets de lecture (à la réception et à la production) instaurés dans le MPC par les transcodages.

De nouveaux problèmes apparaissent : quels sont les points d'appui dans les trajets de lecture ? Quels sont les pivots organisateurs -didactiquement- qui font que le MPC de­vient objet d'enseignement et d'apprentissage ? Quelles sont les entrées des élèves dans le message ?

Ces questions soulevées en 1986 constituent l'une des nouvelles orientations de la problématique de la recherche et donc l'un des aspects à traiter en recherche-innovation.

C) Enfin les transcodages sont devenus de plus en plus réflexifs dans toutes les équipes (cf. travaux cités en 2.1.). Ce qui amorce une autre direction de travail : de l'expficitation des transcodages on s'achemine , dans certains cas, vers l'exphcitation

119

du métadiscours des maîtres et des élèves. En germe dans les derniers travaux, cette di­mension sera à étudier de façon plus précise en Recherche-ùmovation et dans la Recherche-Description.

Dès à présent, cependant, les transcodages sont reconnus comme des acticités mé-tacodiques et métadiscursives. Dans les travaux les plus récents des équipes ce rôle des transcodages s'ajoute aux précédents. Cela montre que les aspects que nous avons distin­gués dans l'évolution de la conception des transcodages sont difficilement isolables dans la pratique des classes. Ds scandent l'histoire de la recherche du Groupe mais ils coexis­tent dans la réatité des activités scolaires. Ce qui nous autorise à penser qu'us ne consti­tuent pas les paliers d'une progression hnéaire, mais des strates progressivement renforcés par retours et avancées dans une progression quasi spiralaire.

4.1.2. Trajets didactiques et savoirs enseignés A) Globalement, l'acquis sur ces deux axes peut se résumer de la fa­

çon suivante : En ce qui concerne les trajets didactiques, qui ont été présentés au § 2.2., la Re-

cherche-tanovation a pu décrire les deux premiers degrés et relever une partie des savoirs à développer ou à faire acquérir. Ce dernier point mérite encore d'être approfondi ; aussi l'étude se poursuit-eUe.

Le troisième degré, dépendant moins des stratégies heuristiques et des pratiques des enfants que du traitement des activités reflexives par le maître, n'a pu encore être réeUe-ment étudié. Les exemples que nous avons cités en 222 ont souligné des attitudes métasé-miotiques mais non un enseignement construit les exploitant. Cette direction du travail sera celle de la Recherche-Description qui, en s'appuyant sur l'évolution de la conception des transcodages, sur le besoin de définir une didactique des activités réflexives et sur celui de concevoir une progression minimale des savoirs enseignés, a pris pour thème "Approches métasémiotiques des MPC, dans et par les transcodages".

En ce qui concerne savoirs enseignés , l'acquis essentiel de la recherche se situe actuellement dans l'analyse des principaux facteurs influant sur les savoirs sémiolanga-giers des élèves et dans le dispositif mis en place pour y parvenir. Ces facteurs, habituel­lement classés selon leur rôle (cf. WaUiser B., "Systèmes et modèles", Seuil, 1977, pp. 110-115), relèvent soit de l'information (pratiques de référence sociales, idéologiques, cul­turelles ; ces demiers incluant des savoirs conceptuels plus ou moins proches des emprunts théoriques qui les ont induits) ; soit de la décision (choix de l'institution, du maître, des élèves) ; soit de la prospective (apprentissages attendus, souhaitables) ; soit enfin de l'exé­cution (activités effectivement réalisées en classe). Décomposés en sous- ensembles, mieux adaptés selon nous à la construction théorico-pratique qu'est une didactique, üs ont donné lieu àl'établissement de Variables dont la présentation a fait l'objet de la troisième partie de ce rapport.

B ) Plus précisément, et dans la perspective de la Recherche-Descrip­tion, le Groupe a classé les relations sémiolangagières appréhendées par les élèves, en deux catégories (relation sémiotique et relations intercodiques) et en trois types de connaissances et de savoirs (expérienciels, opératoires et conceptuels).

Les relations . La relation sémiotique, ou sémiosis, qui se définit à la fois comme re­

lation entre éléments signifiants et éléments perçus, ou conçus, et comme relation d'en-gendrement de formes signifiantes, est alors caractérisée par trois traits distinctifs :

-1'analogie, qui est en rapport avec le principe de référenciation (ana­logie vs arbitraire) ;

120

- l'univocité, qui est orientée onomasiologiquement (univoque vs plurivoque)

- l'intégrativité, qui est orientée sémasiologiquement (prélèvement d'indices isolés vs mise en réseau d'indices)

. Les relations intercodiques qui se répartissent en relations de combinai­son intracodiques (à l'intérieur d'un MPC) et en interrelations (entre codes) de complé-mentarite,deredondance,etd'opposition.

. Les savoirs enseignés ,selon la classification commune à l'Unité de Re­cherche, sont repérés en fonction des critères précédents et en fonction des niveaux d'ana-lysedesMPC

. Notons enfin,que des classification de codes auxquelles les équipes ont fait tour à tour référence dans leurs travaux, le Groupen'a retenu pour décrire les compé­tences des élèves, que des critères de différenciation par opposition à la langue et par ca-ractérisation des canaux de transmission.

Les premiers, parce qu'Us sont au centre de la problématique ; les seconds, dans la mesure où üs influent sur la signification des discours. Les critères d'autres ordres, tels que codes perceptifs, esthétiques, culturek, peuvent être intégrés soit aux traits définissant les relations, soit aux types de savoirs, fl reste toutefois à les préciser. Cela fera partie dutra-vail de la Recherche- Description.

4.13. Les Modes de Travail Didactique Les variables de la Recherche-mnovation ont fait apparaître que les trois modali­

tés calquées sur le modèle des "styles pédagogiques" ¢1. ROML^ï, 1979) ne sont pas tou­jours pertinentes teUes queUes pour l'étude que nous menons, comme l'attestent, par exemple, les modaUtés de la Variable 1, en son état actuel. Mais ce simple constat ne suf­fit pas à déterminer un choix. C'est l'orientation de la recherche vers l'étude d'activités ré-flexives qui exclut la Modauté 2. La caractérisation de ceUe-ci aura du moins permis de souligner son inadéquation. Nous retenons désormais la contrastivité de deuxModes de Travail Didactique : MTD 1, caractérisant les maîtres "classiques" et MTD2, caractérisant les maîtres de nos équipes (en principe).

La Recherche-Description devrait permettre de préciser les étapes d'élaboration des métadiscours qui ont été repérées par la Recherche-Innovation, en fonction de la dialecti­que qui s'instaure entre les interventions du maître et celles des enfants. Les moments les plus probants semblent être ceux où les enfants passent du repérage d'un élément signi­fiant, contingent, à son insertion dans une forme d'expression sociale et culturelle dont il relève.

4.2. PERSPECTIVES DE LARECHERCHE Ce rapport a montré la mise en place d'une didatique sémiolangagière articulée sur

les transcodages et évoluant versl'étuded'approches métasémiotiques. Les connaissances acquises par le Groupe pour améhorer les stratégies d'élaboration de la signification et de structuration des messages, quels que soient les codes et les formes de discours (teUes qu'eUes viennent d'être présentée) esquissent déjà les perspectives de la recherche et sou­lignent la nécessité d'essais et d'observations complémentaires.

4.2.1. Poursuite de la Recherche-huiovation La Recherche-huiovation sera focalisée désormais sur la constitution de savoirs

conceptuels d'ordre sémioUnguistique mis enjeu dans et parles transcodages de messages pluricodés.

121

EUe aura pour Variables d'Etude : - Un ensemble de 5 Variables indépendante -Maîtres issues de la première

phase d'innovation : . types de MPC . representations äes maîtres sur le statut des MPC, . théories de référence, . démarches d'investigation des MPC ;

- trois Variables dépendantes -Elèves définissant les capacités : . à dépasser une perception syncrétique des MPC pour accéder à une

appréhension construite, fondée sur des opérations d'analyse et de synthèse . à élaborer des signification et les expliciter à trois niveaux (codi-

que, textuel, discursif) . à développer les capacités langagières : utüisation et reconnaissance de la

langue dans sa fonction interprétante ; appréhension de la spécificité de la langue ; trans­formation de la langue dans ses réaUsations au contact avec les autres codes.

4.2.2. Recherche-Description La Recherche-Description sera centrée surl'étude des "approches métasémiotiques

des MPC, dans et par les transcodages". EUe traitera plus particuhèrement : - les trajets de transcodage (trajets sémiotiques des enfants, trajets didactiques des

maîtres, interactions entre les deux), - l'établissement des significations - les niveaux d'analyse du MPC et du message interprétant, par l'étude contrastive

de deux Modes de Travail Didactiques. Ainsi la didactique sémiolangagière promue par le Groupe est- eUe orientée vers la

maîtrise de l'élève-interprétant, constituant l'axe central des trois phases de la Recherche SEMIOTIQUES que l'on peut représenter par un schéma pyramidal (voir ci-après).

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A N N E X E S I. COMPOSrriON DU GROUPE DE RECHERCHE

1. Responsables BRKTHOME Roger ^usqu'en sept. 85), professeur à l'Ecole Normale de PAU YZIQUEL Monique (depuis sept. 85), professeur à l'Ecole Normale de QUIMPER SUBLET Françoise, Section des Sciences de l'Education, Université de TOULOUSE-LE-MAAn.

2. Membres du Groupe BOUTAN Pierre, VIGNE Hélène, CHABLLEY Maggy, professeurs d'Ecole Normale et l'équipe de l'EN de SAWT-GERMAD^-EN-LAYE BRETHOME Roger, BRISSON P., REBuNGUET F., et l'équipe de IEN de PAU LAUJAS Jean-Qaude, CABET J.L., professeurs d'Ecole Normale et l'équipe de l'EN de LIVRY-GARGAN PROUEJ4AC Micheline, professeur d'Ecole Normale etl'équipe de l'Ecole Normale de L^iOGES SUBLET Françoise, et une équipe d'instituteurs de TOULOUSE VIGffiR Qaude, professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'EN de CHARTRES YZIQUEL Monique, et l'équipe de l'Ecole Normale de QULMPER

3. Consultant scientifique MASSELOT-GKARD Maryvonne, UER des Sciences du Langage et de Didactique, Université de BESANCON, en relation avec Jean PEYTARD

II. PUBLICATIONS DES MEMBRES DU GROUPE DE RE-CHERCHE EN RAPPORT AVEC LE THEME DE LA RECHERCHE

.BETHOME Roger 1984 - **Langagier et sémiotique", **Repères" n° 64, JNRP 1984 - **Apprentissages langagiers et apprentissages sémiotiques : quels rapports en 1984 ?", **Repères'* n° 64, MRP 1986 - **Le maquettage, un moment important dans laproduction d'une exposition murale", **Repères" 68, ÍNRP 1987 - **Transcodages et construction du sens", **Repères" n°71, JNRP

LALUAS Jean-Qaude et CABET Jean-Louis 1984 - **Pratiques Théâtrales et apprentissages des Langages", **Repères" n° 64, HNRP 1986 - **Alice entre en scène àl'école materneUe ou comment des éléments d'analyse sémio­tique peuvent révéler les points forts à faire jouer", **Repères" n° 68, JNRP 1987 - **Le transcodage comme activité métadiscursive", **Repères" n° 71, HNRP

PROUn,HACMicheline 1986 - **Quand les images pubHcitaires parlent... à l'école matemeUe", **Repères", n° 68, JNRP

MASSELOT-GmARD Maryvonne 1983 - "Sémiologie/Sémiotique, Pédagogie^Didactique du Français", **Repères" n° 60, JNRP

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"COMMUMCATTON ET LANGAGE" Retz, 1976, Paris n° 29, 1976 n° 54, 1982

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"LANGUE FRANCABE", Larousse, Paris dont : n° 61, "Sémiotique et enseignement du Français", 1984 n° 70, "Communication et enseignement", 1986 n° 73, "La reformulation du sens dans le discours", 1987 n° 74, "La typologie des discours", 1987 n° 42, "La pragmatique", 1979 n° 38, "Enseignement du récit et cohérence du texte", 1978

"POETIQUE", Seuil, Paris dont : n° 19, "Les genres de la uttérature populaire", 1974

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"DRLAV",ParisVffl dont : n° 32, "Métalangue, métadiscours, métacommunication", 1985

"SCHEMA ET SCHEMATISATION", SBS, Paris n° 12,1980 n° 20, 1984

"ESTUDIS SEMKmQESTUDIOS SEMIOTICOS", Barcelone n° 6-7,1986, sur Peirce.

128

IV - DES CRITERES POUR UNE EVALUATION FORMATIVE DES ECRITS DES ELEVES

DETERMINATION - ELABORATION - UTILISATION

Claudine GAROA-DEBANC Maurice MAS

Ce rapport vise à exphciter la démarche et les acquis de la recherche (1), en foca­lisant le regard sur les dominantes autour desqueües s'est organisé le travail du Groupe "Pratiques d'évaluation des écrits":

- la construction de la problématique pour une recherche sur l'évaluation formative des écrits des élèves (cf.l).

- la détermination des critères d'évaluation (cf.2). - l'élaboration et l'utilisation de critères avec les élèves (cf.3). - l'exphcitation de variables didactiques (cf.4). - la synthèse des résultats et la préparation des suites de la recherche (cf.5).

1 - CONSTRUCTION DE LA PROBLEMATIQUE POUR UNE RE-CHERCHE SUR L'EVALUATION FORMATIVE DES ECRrTS DES ELEVES

L'enquête sur les besoins de recherche (2), menée en en 1982 auprès de 600 per­sonnes, a témoigné de besoins sociaux particuhèrement cruciaux en matière de didactique de l'écrit

1.1 - CHOK DU THEME DE RECHERCHE

Dans ce champ, le thème de recherche "Pratiques d'évaluation des écrits des élèves. Critères, outUs, procédures" a été choisi parce que la maîtrise de la production écrite et son évahmtion sont au coeur d'un ensemble de problèmes.

1.1.1 - Un problème primordial pour l'école d'aujourd'hui Les techniques modernes de communication transforment le statut des écrits dans

la société actueUe. Multipliant les possibiHtés d'échanges entre individus, le téléphone, la radio, la télévision, l'ordinateur, le minitel..., loin d'anéantir le rôle de l'écrit, font appa­raître sa spécificité et rendent nécessaire la maîtrise d'écrits diversifiés.

Si l'école d'aujourd'hui, veut lutter contre l'échec des élèves et préparer leur inser­tion sociale, eUe doit avoir pour objectif de développer leurs capacités à s'approprier, en situation de réception et de production, le plus grand nombre de formes d'écrits. Face à ces enjeux, les pratiques traditionneUes se révèlent insuffisantes et la didactique de l'écrit, en particuher l'évaluation des écrits des élèves, pose aux maîtres et aux formateurs de maî­tres des problèmes majeurs.

1.1.2 - Un malaise pour les maîtres L'observation des pratiques courantes dans le domaine de l'évaluation des écrits

des élèves apporte un certain nombre d'enseignements. Une enquête, conduite en Ardèche (1983-84) parl'équipe WRP de Privas auprès

de 250 maîtres sur leurs comportements évahjatifs en matière d'écrit, a reçu 40 réponses, dont l'analyse fait émerger quelques constantes (3).

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Les représentations des maîtres sont floues : à "évaluer un écrit d'élève", 42 % des réponses associent un terme vague : "apprécier", "estimer". Elles sont accompagnées de connotations normatives et sommatives (cf. 1.2.4) : 42 % des réponses reprennent "éva­luer" par "critiquer", "juger", "noter", et marquées par la subjectivité (22 % des réponses le souügnent).

Les pratiques d'évaluation apparaissent dans l'ensemble peu cohérentes. Les maîtres, en les évoquant, se montrent sensibles aux aspects de surface des écrits : morpho­syntaxe, graphie, présentation ; mais lorsqu'ils classent, selon l'importance accordée, di­vers aspects de l'écrit, ik privilégient au contraire des aspects, a priori moins objectivables, comme : quatité des idées, personnahté de l'enfant... Et quand il s'agit d'expliciter ce sur quoi ils fondent l'évaluation de ces aspects auxquels Us se disent particuUèrement sensi­bles, on constate plus de 50 % de non réponses ; dans les réponses données, le nombre de critères objectivables est très faible : beaucoup de formulations sont des tautologies (par exemple, critère de la personnaUté : l'originalité).

D'autres observations (cf. 2.1.1 -) corroborent ce type d'approche et montrent que les pratiques courantes d'évaluation des écrits sont sommatives : les erreurs sont constatées, sans traitement didactique ; partieUes : hmitées à des problèmes abordés au ni­veau de la phrase (orthographe, syntaxe, vocabulaire, ponctuation...) avec, en dominante ou en complément, la prise en compte d'aspects aux contours plus flous et subjectifs (ori­ginalité, imagination, personnalité...) ; normatives : en référence aux productions du groupe, ou à un modèle culturel du "bon texte", non exphcité ; standardisées : utUisant les mêmes critères quels que soient les écrits.

De teUes pratiques d'évaluation sont liées à des activités d'écriture non diversi­fiées ; rédaction ou texte hbre privilégient la production d'écrits quis'apparentent plus ou moins au type narratif. La consigne peut dérouter comme dans le sujet suivant ; "hnagi-nez que, comme Mowgh, vous vivez au miHeu des animaux sauvages", accompagné des conseils : "introduction : les circonstances - comment vous êtes arrivé à vivre avec les ani­maux ; développement : votre vie - comment eUe se déroule, les découvertes, vos rapports avec les animaux ; conclusion".

Ainsi tel élève, pour "faire une introduction", a redoublé l'état initial de son récit. La présence formeUe d'une conclusion peut masquer l'absence de développement des conséquences de l'action, d'état final et de moraHté qui étaient sans doute attendus. Les conseils portent sur un "quelque chose à dire" et non sur un "quelque chose à faire" : peu-vent-üs aider l'élève à planifier son activité quand il raconte une histoire ?

Cet échec relatif de l'école dans l'apprentissage de l'écrit semble hé à une double distorsion : d'une part entre la diversification des fonctions sociales de l'écrit et la non-diversification des situations d'écriture et des pratiques d'évaluation des écrits àTécole ; d'autre part entre les éclairages des travaux théoriques sur le texte, la production d'écrits, l'évaluation, et les représentations des maîtres en ces domaines. Faute de formation appro­priée, les enseignants recourent à des situations d'écriture peu variéeset à des pratiques d'évaluation caractérisées par l'absence de critères expUcites et/ou la gestion syncrétique de critères relevant de niveaux d'analyse différents (mot, phrase, texte) et/ou la centration exclusive sur des critères de surface. Us en arrivent parfois à une désaffection pour les ac­tivités de production écrite.

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1.13-Unerecherchenécessaire A notre connaissance, aucune réponse satisfaisante n'est apportée aux problèmes

que nous venons de poser. Le Programme de notre recherche, qui utiMse les travaux ré­cents dans les sciences d'appui (hnguistique et psychoHnguistique textueUes, évaluation) et met en jeu, dans un contexte renouvelé, les acquis des recherches didactiques dans ce domaine,luiattribuait unedoubleutilité :

- au plan théorique : faire avancer les connaissances sur divers aspects des ap­prentissages de la production écrite chez l'enfant et sur les variables didactiques en jeu dansl'évahrationdesécritsàl'école.

- au plan pratique : apporter aux chercheurs en didactique du français, aux maî­tres et aux formateurs de maîtres, des connaissances et des outils pour répondre aux pro­blèmes de la didactique de la production écrite.

1.2-CADRETHEORIQUEDELARECHERCHE La production d'écrits diversifiés met en jeu des facteurs qui relèvent de champs

scientifiques différents, à partir desqueLs nos équipes ont construit un cadre de références théoriques qui a guidé et aidé à exphciterIeurs pratiques innovantes. Ce cadre, évolutif, se caractérise par un souci de mise en relation cohérente et dynamique d'emprunts à diffé­rents champs théoriques qui concernent :

1.2.1-L'activitéd'écriture Dans la plupart des classes, la production d'écrits, s'appuie sur une théorie imph-

cite qui considère l'écriture comme Représentation" d'une pensée préexistante et somme d'apprentissages distincts (lecture, grammaire, orthographe..).

Notre recherche s'appuie sur des approches actueUes qui traitent l'écriture d'une part comme un acte (Searle, 1972), mis en jeu par un ou des destinateurs à l'intention d'un ou de destinataires et dont les caractéristiques dépendent des conditions de la situa­tion de production ; d'autre part comme " un travail de transformation appliqué à un ma­tériau, les mots et le langage" (Oriol- Boyer, 1980), en vue de le rendre de plus en plus adéquat à la finafité pragmatique assignée par le scripteur. Le texte est envisagé comme unproduit qui porte dans son organisation (cohérence textueUe, marques d'énonciation...) des traces observables de ses conditions de production OBronckart, 1985).

Dans cette conception, la lecture joue un rôle nouveau et primordial : appkquée à ce que le scripteur vient d'écrire, elle a pour but, par son effet de "feed- back", de lui per­mettre la prise en comptedes potentiahtés de sonécrit, de prépareret de provoquer une re­lance de l'activité d'ecriture(Ricardou, l97a).La réécriture s'apparente ainsi au travail de l'écrivain, celui qui "travaiUe sa parole (fût-il inspiré) et s'absorbe fonctionneUement dans ce travail" (Barthes, 1964). Ainsi conçue, eUe entre parfaitement dans le processus d'une évaluation formative.

1.2.2 - Le fonctionnement des textes Les pratiques courantes en matière de didactique de l'écrit sont dominées par une

conception de l'analyse du fonctionnement des textesfimitée aux aspects morpho- syn­taxiques (cf. 1.2 -). Certains développements actuels de la hnguistique textueUe proposent des analyses que nous avons utüisées, par exemple pour la détermination de critères d'é­valuation (cf. 2 - et 5.1.1 -) et ouvrent des perspectives d'innovation que nous avons ex­plorées, par exemple pour la construction d'outüs d'évaluation (cf. 3.3.3 -).

La distinction : texte/discours permet de considérer à la fois le fonctionnement in­terne de l'objet "texte" et la mise en oeuvre discursive de l'acte d'écriture dans une situa­tion d'interaction sociale.

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La typologie des textes repose sur la compétence des sujets, qui "savent reconnaî­tre intuitivement un texte comme "narratif', "argumentatif' ou "descriptif" (J.M. Adam, 1985). Corroborée par l'analyse des différences de fonctionnement entre textes, eUe conduit à classer les textes selon des critères divers, expUcités.

L'analyse des niveaux de fonctionnement des textes permet de poser différem­ment les problèmes de structure selon que l'on considère :

-les macro-structures, qui sont appréhendées au niveau du texte entier et mettent en oeuvre des séquences, décrites en particuUer à propos du texte narratif (Kintsch et Van Dijk, 1975 ; Adam, 1978 ; Petitjean, 1982) ;

-les micro-structures : rapports de cohérence qui s'étabüssent entre les phrases à un niveau local, sur des portions de texte Hmitées, avec des moyens comme la référence textuelle ; emplois de pronoms, d'articles définis, de substituts lexicaux qui permettent de rappelerun substantifd'une phrase àune autre (Combettes, 1975 ; CharoUes, 1978 ; Com-bettes, 1983), laprogression thématique (Slakta, 1975 ; Adam, 1977 ; Martin, 1981), l'in-férence, la présupposition (Ducrot, 1972 ; Ducrot, 1978), qui assurent la cohésion sémantique entre les phrases.

1.23 - L'acquisition de la compétence textueUe Les études sur les aspects psycho-génétiques des apprentissages linguistiques

sont peu développées en France et récentes en matière d'apprentisage de l'écrit (cf. Fayol, 1984). Notre recherche a pu cependant s'appuyer, au début, sur des travaux concernant :

-la production écrite chez le scripteur expert (Bereiter, 1980), -l'acquisition de la compétence textueUe narrative pardes enfants (Denhière, 1979;

Ehriich et Florin, 1981 ; Fayol, 1981). - l'analyse de l'impact d'interventions didactiques sur la production écrite d'enfants

(Bereiter et ScardamaUa, 1982), qui montre que la charge de travail, très lourde lors des productions écrites, rend difficile sa maîtrise tant que certaines procédures ne sont pas in­tégrées.

Des travaux comme ceux de Hayes et Flower ( 1980), portant sur l'analyse des opé­rations enjeu dans la production d'un texte, paraissent susceptibles d'inspirer des critères concernant le processus d'écriture, alors que le Groupe a surtout travaiUé sur des critères relatifs au fonctionnement des textes (cf. infra 5.1 -).

1.2.4-Lévaluation A une conception du "savoir écrire" considéré comme la somme d'apprentissages

complémentaires, correspondent des pratiques d'évaluation centrées sur chacune des "dis-ciptines" du Français (orthographe, grammaire, vocabulaire...). Ce type d' évaluation "sommative" a pour role de "fournir un bilan et de permettre une décision" (Noizet et Caverni, 1978) ; il est insuffisant pour entraîner des progrès chezl'élève.

Les pratiques d'innovation mises en oeuvre par notre recherche s'inscrivent dans le cadre de 1'" évaluation formative " , développée en particuUer dans AHaI, Cardinet, Perrenoud(1979), Amigues & Bonniol (1981)et Cardinet (1983). Ses fonctions sont d'é-taMir un constat des effets d'un apprentissage à un moment donné, puis, à partir des élé­ments d'analyse dégagés, un diagnostic, une prise de décision en matière d'intervention sur les écrits , d'aide à apporter auxélèves , de programmation d'actions pédagogiques . EUe fait partie intégrante du processus d'apprentissage, permettant au maître et à l'élève d'apprécier les effets de la situation mise en place et de réguler les objectifs d'apprentis­sage et la gestion du processus d'écriture. EUe implique le recours aux concepts de "cri­tère", défini comme "caractère ou propriété d'un objet d'après lequel on porte sur lui un jugement d'appréciation" (De Landsheere, 1979) et d'"indicateur", quenous définissons

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comme un fait observable par lequel se manifeste le caractère ou lapropriété constitutive ducritère.

On verra plus loin (cf. 5.1 -) comment le déroulement des essais d'innovation etla diffusion de nouveaux appuis théoriques ont provoqué l'émergence de nouveaux pro­blèmes et l'évolution de ce cadre théorique initial.

1.3 - PRDiCBPES METHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

1.3.1 - Objectifs de la recherche Dans le cadre de la mise en place de pratiques d'évaluation formative des écrits des

élèves, par les maîtres et les élèves, les objectifs sont les suivants : -élaboreretutiliserdes critèresd'évaluation (assortisd'indicateursetmisenre-

lation avec des objectifs d'apprentissage visant à favoriser l'appropriation par les élèves des règles de fonctionnement des divers types d'écrits) et des outils d'évaluation, objets matériels facihtant la production ou l'amélioration d'un texte et permettant aux maîtres et aux élèves d'évaluer les écrits produits et d'objectiver les progrès.

-rechercheretexpérimenterdes procédures (interactionlecture-ecriture,lectures mutueUes entre pairs, réécriture...) propres à rendre les élèves capables de s'approprier, en fonction d'étapes à définir, les critères et les indicateurs de fonctionnement de divers types d'écrits, afin de les utiüser sur leurs écrits et ceux de leurs pairs.

- observer et analyser ces pratiques en vue de définir des variables didactiques pour les phases ultérieures de la recherche.

1.3.2 - Hypothèses et variables didactiques L'hypothèse générale qui sous-tend les essais d'innovation est ainsi formulée : une

évaluation formative des écrits des élèves (cf. 1.3.1 - ) produit des effets observables sur les productions écrites et les comportements de scripteur des élèves (cf. 5.2 - ). Les varia­bles en jeu sont à construire par la Recherche-hmovation de manière à opérationnahser l'hypothese(cf.4.3-).

1.4 - MKE EN OEUVRE DE PRATIQUES E^NOVANTES

1.4.1 - Terrain et répartition des tâches La recherche-innovation prise en charge par 13 équipes (cf. Annexe), se déroule

dans 83 classes qui constituent un ensemble diversifié, à divers points de vue ; - scolaire : 8 classes materneUes, 13 CP, 26 CE, 34 CM, 2 CE-CM. - pédagogique : certaines équipes travaiUent essentieUement dans des classes de

maîtres-formateurs : Agen, Bonneuil, BonneviUe, Qermont-Ferrand, Poitiers, Privas, Saint-Quentin, Rennes (soit 50 classes) ; d'autres travaillent dans des classes de circon­scription : Albert, Alençon, Fontenay-le-Comte, Ham, Mende (soit 33 classes).

- géographique : les classes situées dans diverses régions de France, peuvent se répartir en 3 zones : urbaines (59 classes), semi-rurales (12 classes), rurales (2 classes).

-sociologique : les classes où nous travaillons sont relativement hétérogènes. Si­gnalons que deux équipes (Alençon, Ham) travaiUent exclusivement avec des classes de Z.U.P.oudeZ.E.P.

La répartitiondestâches s'esteffectuéeentreleséquipesenfonctiondespara-mètres suivants :

- type d'écrit concerné par l'évaluation : fictionnel, non- fictionnel, comparaison entre plusieurs types,

- niveau de scolarité : cycle des apprentissages/cycle moyen* - détermination des critères par les maîtres/élaboration par les élèves.

133

TYPESD'ECR!TS

fictionnels !nonfkAiomete i

comparaJsondetypes

CYCLE MaL CP.

APPR. CE1

CYCLE CE.2 ! C M I !

MOYENCM.2!

BONNEYILLE ! CLERMONT-FD!

! i

-ALENÇON

HAM

!ALBERT !BONNEUIL !FONTENAY !

!A3EN !MENDE !POn*IERS i

PRIVAS RENNES

ST<5UENTN

(situation en juin 1986)

1.4.2 - Procédures de travail Compte-tenu de la complexité des problèmes didactiques traités, les équipes du

Groupe ont mis tout particuUèrement l'accent sur divers types d' actions d'(auto)-forma-tion des maîtres en recherche, portant notamment sur les points suivants :

- au plan théorique, une réflexion surl'écriture, une connaissance du fonctionne­ment des divers types de textes, prenant en compte les principes de l'évaluation formative, et les apports de la psycho-Unguistique textuelle.

- au plan pratique, l'entraînement à la production d'outUs d'évaluation, utUisa-bles par les maîtres et les élèves pour la lecture critique des écrits des élèves et le travail sur ces écrits et l'entraînement à la production d'outUs d'observation pour décrire les pro­grès des élèves dans la maîtrise des écrits.

Nous pouvons observer que cette formation des maîtres de nos équipes a pour ef­fet de modifier le statut de l'écrit dans la classe, notamment par la mise en place de pro­jets d'écriture et de socialisation des écrits, leur circulation et leur analyse par les élèves, la confrontation entre écrits d'élèves et écrits sociaux non scolaires. Cette modification en­traîne, en coroUaire, une évolution du statut de l'élève dans la classe, en particuUer en ce qui concerne sa relation à l'écrit et sa participation à son propre apprentissage.

Dans les classes, la recherche s'est réalisée au moyen d'interactions constantes en­tre la mise en place de pratiques innovantes, en direction des maîtres et dans les classes, puisl'analyse de ces pratiques, surtrois plans interdépendants et intriqués, que nous pré­sentons séparément :

- un plan théorique : la détermination des critères, en vue de définir et de classer des critères d'évaluation des écrits (cf. 2 -),

- un plan pratique : l'élaboration de critères d'évaluation pour/par les élèves et leur utilisation pour intervenir sur les écrits (cf. 3 -).

- un plan heuristique :l'expUcitation de variables didactiques permettant de ca­ractériser les innovations par rapport à d'autres pratiques (cf. 4 -).

134

2. DETERMBVATION DES CRrTERES D'EVALUATION DES ECRrrs Notre recherche s'est donné pour objet les "pratiques d'évaluation des écrits des

élèves en classe. Critères, outils, procédures". Dès les premières innovations dans les classes, il est apparu que le travail surles outils et les procédures d'évaluation estdépen-dant des problèmes de la détermination des critères au niveau des maîtres, que le Groupe a alors privilégiée, sans la dissocier de l'élaboration des critères par/avec les élèves (cf. 3 -). Nous entendons par là l'ensemble des procédures utihsées pour élaborer, exphci-ter, inventorier, classer des critères d'évaluation.

NousaUonsexph'citerles enjeuxdecechoix (cf.2.1-),puisnousdevelopperons les aspects didactiques de la détermination des critères (cf.2.2 - et 2.3 - ).

2.1. ENJEUX DE LA DETERMINATION DES CRTTERES

2.1.1. La comptabUisation des erreurs L'équipe de Rennes a conduit une expérience (cf. "Repères" n°66) qui exphcite la

nature et le rôle des critères spontanément mobUisés par des enseignants dans l'évaluation des écrits. Les deux textes suivants ont été écrits par des élèves de CEl à partir de la consigne : "J'observe les trois dessins qui suivent et je raconte ensuite l'histoire ; j'écris une phrase pour chaque image" (qui accompagne trois vignettes représentant deux enfants en train de construire un château de sable) :

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135

Selon la maîtresse de la classe, le texte A est le meilleur et le texte B le moins bon d'un ensemble de 5 textes. Hs ont été proposés à l'évaluation de maîtres d'un groupe sco­laire, qui désignent le texte A comme le meiUeur : il est clair, comporte peu de fautes et répond bien à la consigne. Le texte B est reconnu presque unanimement comme le plus faible : jugé ilUsible, son écriture rebute, "on comprend à peine ce qu'il veut dire", "c'est n'importe quoi, l'élève n'a même pas la maîtrise élémentaire de ce qu'est un texte", "com­ment peut-on corriger un texte comme celui- là, il n'y aurait que du rouge !".

Ces textes sont ensuite présentés à deux groupes d'élèves- instituteurs : - les uns ont des photocopies : ils citent souvent le texte A parmi les deux meil­

leurs, voire le meiUeur. Le texte B apparaît une fois en tête ("l'élève n'a pas surmonté toutes les difficultés, mais son texte est de loin le plus riche"), iI est souvent dernier ou avant-demier.

-les autres ont des textes dactylographiés , bien ponctués et sans fautes d'ortho­graphe : les divergences sont moins importantes. Le texte B est souvent classé premier ou second ; le texte A, malgré une pauvreté souvent signalée, est considéré comme un bon devoir, parfois le meiUeur.

Dans les éléments pris en compte pour revaluation , l'orthographe est presque toujours citée en tête et détermine en grande part l'appréciation.

Le texte A est généralement tenu pour assez bon, correspondant à ce qu'on est en droitd'attendre d'un élève de CEl. Cependant les erreurs ne sont pas néghgeables (confu­sion entre "a" et "à", entre infinitf et participe, absence de pluriel pour le pronom de re­prise, orhographe d'usage...).

Le texte B est considéré comme un désastre orthographique. Certes à propos de texte écrit, on ne peut pas ignorer l'orthographe. Mais ici, les évaluateurs ne prennent pas en compte la capacité des élèves à maîtriser des problèmes d'écriture. Ils comptabiUsent les erreurs, queUe que soit leur nature, en déduction du capital de départ. Le texte idéal est le "texte scolaire" de l'élève qui ne prend pas de risques : vocabulaire hmité, syntaxe sim­ple, et le moins d'apport personnel possible. Le texte A n'est pas loin de correspondre à ce modèle.

Dans ces pratiques évaluatives, sans critères explicites, l'évaluation est sommative et sa fonction est essentiellement d'inculquer une norme linguistique : à partir des constats faits, les maîtres prévoient le plus souvent des activités visant à l'acquisition des normes non acquises. EUe ne peutjouer qu'un rôle didactique limité dans l'organisation de l'en­seignement du maître et dans le processus d'apprentissage de l'élève.

Pour qu'une évaluation soit formative et guide les apprentissages des élèves, une condition nécessaire - mais non suffisante - est qu'elle repose sur des critères objectivés (cf. 1.2.3 -). L'expHcitation de critères aide le maître à discerner, dans la masse des infor­mations fournies simultanément par un écrit d'élève, les éléments pertinents pour orienter les apprentissages. EUe peut aider les élèves à contrôler la mise en texte.

2.1.2 - Critères d'évaluation et didactique de récrit Raisonner en termes de critères conduit à poser des problèmes de didactique de l'é­

crit, comme par exemple : - Quete contenus d'enseignement en matière de production d'écrits ? La production d'écrits est une activité complexe qui met enjeu des facteurs divers

(cf. 2.2.2 -). La détermination de critères caractérisant les divers types de textes àproduire implique une analyse de ces facteurs et leur traduction en contenus d'enseignement, qui permettrait une meUleure définition des objectifs d'enseignement/apprentissage en ce do­maine.

136

- Quete seuils d'exigence aux divers niveaux de la scolarité élémentaire ? Les pratiques courantes ont recours à une "progression" étaMie sur le critère de la

longueur des productions : au CP-CEl, des textes courts, qui peuvent s'aUonger au fil des années. Des observations, lors des essais d'innovation, montrent que des élèves de CP écri­vent des textes de plusieurs Ugnes et qu'une progression devrait plutôt être étaMie par rap­port à des objectifsd'apprentissage comme : la diversité des types d'écrits, le nombre et la nature des critères d'évaluation privilégiés, la diversité et la nature des indicateurs rete­nus...

- QueUes interventions didactiques sur les écrits des élèves ? Si l'on veut compléter ces pratiques d'évaluation sommative, qui permettent de

faire ponctueUement un bilan des acquis, par une évaluation formative, qui prépare des in­terventions sur les écrits des élèves, il faut pouvoir au préalable prendre des informations sur leurs écrits et sur leurs procédures rédactionneUes et ensuite analyser les effets de ces interventions à court terme et dans des activités de transfert.

Des réponses à ces problèmes supposent la détermination de critères exphcites, as­sortis d'indicateurs repérables dans les écrits des élèves. Et ceUe-ci d'une part est subor­donnée à Fexpticitation de contenus didactiques (cf. 2.2 -), d'autre part impUque le traitement didactique des travaux théoriques de référence (cf.2.3 -).

2.2 - CONTENUS DffiACTIQUES DE LA DETERMBSATION DE CRTTERES

Le premier problème à résoudre pour déterminer des critères d'évaluation des écrits des élèves est celui de la définition de contenus d'enseignement/apprentissage en matière de production écrite. Sur ce point, l'une des hypothèses de notre recherche (cf.l.3.3 -) est que la prise en compte de la spécificité des écrits et des divers aspects de l'organisation textueUe a des effets observables sur les productions et les réécritures des élèves.

2.2.1 - La spécificité des divers types d'écrits

Le texte suivant est le "premierjet" d'un élève de CE2 (équipe de Lozère) (4) : "Lavoitured'or La voiture qui voulait guagner, à la course de voiture. Le jour de la course, la voi­

ture était la meUleure. La voiture est très très contente, eUe avait des écus d'or, elle en n'a­vait assez pour recouvrir sa voiture. EUe sera beUe et rapide et eUe parlait, ü y avait une autre course, un bandi enleva la voiture il enlève la bougit. Jaque arrive ü n'à pas vu la voi­ture, U regarde dans un garage est la voiture était là. U remit une bougie, et ü ala à la course. Le jour de la course. Pierre a était très étauné. EtIe premier fut la voiture d'or et Jaque fut tres content et tous les deux son content".

Face à un tel écrit, l'enseignant ne sait pas par où commencer. L'orthographe est si défaiUante qu'eUe bloque parfois la compréhension etjoue souvent le rôle de leurre, em­pêchant de considérer les autres aspects. Une fois rétabUes une orthographe, une ponctua­tion et une syntaxe correctes, le texte reste encore difficUement acceptable et l'actionn'est pas facüe à comprendre. L'ordre de présentation des informations rend déUcate l'identifi­cation des personnages et des événements ; d'où une impression globale de confusion dif­ficile à expUciter. Une correction ponctueUe des erreurs syntaxiques ne permettrait pas de traiter ce problème, qui concerne l'organisation du récit dans son ensemble.

Nous présentons (page suivante) un autre écrit du même élève, expUquant à des correspondants comment réaUser unepoupée en laine. Qfous avons normaUsé l'ortho­graphe et nous ne reproduisons pas id lesschémas qui accompagnent le texte).

137

"Pourfabriquer unepoupée U faut un ciseau de la laine à tricoter et à canevas. Pour faire la tête il faut faire une boule de laine. U faut couper 30 bouts de laine de 30 cm et les attacher au müieu, les attacher à la

tête, compter 10 brins de par côté, les attacher un peu plus loin que la tête et ça fait une fiUe et pour un homme on l'attache à la taiUe et partager ce qui reste et les comme les bras."

L'élève, influencé par les connaissances qu'il a des consignes de fabrication, a mo-bUisé ici une autre conduite de discours que dans le cas précédent : indication préalable du matériel ("il faut"), tiste chronologique d'instructions, précision des indications (30 brins, 30 cm).

La question qui se pose ici au maître - et à travers lui au chercheur - est de savoir comment évaluer ces deux écrits, perçus comme inégalement réussis, et surtout corr>ment, pour aider l'élève à progresser, identifier le heu et la nature des interventions didactiques.

Une première réponse est de faire l'hypothèse de travail que ces deux écrits, ne pré­sentent pas les mêmes difficultés et ne peuvent être évalués de la même manière. Le re­cours à une typologie (cf. 1.2.2 -) permet d'étayer cette hypothèse par des données théoriques. Les propositions de J.M. Adam (1985) qui réorganisent des typologies exi­stantes (cf. 2.2.2 -) permettent de distinguer ces deux écrits en tant qu'actes de langage (cf.l.2.1 -) : l'un est un "énoncé de faire" (de type narratif), qui s'inscrit "dans un dérou­lement à la fois temporel et causal (chrono-logique)", l'autre "incite à faire faire" (type in-jonctif). Ds ne répondent pas aux mêmes enjeux et les éléments à prendre en compte pour une évaluation formative sont différents : l'exactitude et l'exhaustivité des renseignements sont importants dans l'évaluation des textes expUcatifs ; eUes n'interviennent pas dans un texte narratif.

Dans cette démarche, le recours à une typologie nous a permis, dans un premier temps, d'expficiter une hypothèse de travail et de lui donner un début d'opérationnalisa-tion. Il restait, dans un deuxième temps à explorer le cadre d'analyse proposé par les typo­logies, en vue de le transformer en outil pour l'évaluation des divers types d'écrits.

2.2.2 - Les divers niveaux de Forganisation d'un texte Les typologies existantes se réfèrent à des critères de classement divers qui abou­

tissent à des regroupements différents, selon qu'on prend en considération le référent (et on arrive à des oppositions du type : texte narratif/texte descriptif, cf. "Pratiques" n° 32, 1982), la dimension pragmatique (texte argumentatif/didactique... cf. Adam, 1985), l'an­crage discursif (qui permet par exemple à Bronckart (1985) de distinguer discours en si­tuation/récit en situationAtiscours théorique/narration).

Pour aller plus loin dans la détermination de critères spécifiques à chaque type de texte, il devient nécessaire d'entreprendre un classement des problèmes posés par les écrits des élèves. L'hypothèse de travail, appuyée sur des observations d'écrits, étant que, selon le type de texte, les problèmes importants ne concernent pas les mêmes aspects des écrits. C'est donc par combinaison d'emprunts aux points de vue théoriques ci-dessus que les équipes ont essayé de "déglobaliser" l'évaluation des écrits des élèves en construisant, dans un premier temps, un cadre permettant de classer les problèmes posés par un écrit d'é­lève selon les aspects qu'üs concernent :

- les aspects pragmatiques regroupent les problèmes d'écriture en relation avec l'intention de communication. Les deux textes s'opposent par leur visée : le premier est conçu pour provoquer le plaisir du lecteur en lui racontant une histoire inventée, alors que le second est destiné à faire comprendre la fabrication de la poupée.

138

- les aspects textuels concernent la construction du texte dans son ensemble : "La voiture d'or" est unconte et, à ce titre, répond àun schéma de récit particuHèrement codi­fié (état initial, force perturbatrice, dynamique transformationneUe, force équitibrante, état final). Les règles d'organisation des textes explicatifs ont été moins bien décritesjusqu'à présent, mais on peut dire rapidement qu'ils procèdent par qualification et mise en relation des objets dont ils parlent (cf. "Pratiques" n°51,1985).

-les aspectslinguistiques concernentlescaractéristiqueslexicalesetgrammati-cales des textes produits : temps verbaux, nature du lexique, emploi des pronoms et autres substituts, correctionorthographique. Parmi ces éléments, certains, comme l'orthographe et la morphologie verbale, se rapportent à l'usage de la langue comme code, mais la plu­part apparaissent en grande partie comme dépendants des deux précédents. Ainsi, le texte injonctifest rédigé le plus souvent aux temps du discours (présent, passé composé), tan­dis que le récit privilégie le système passé simpleAmparfait ; un vocabulaire technique est exigible dans le texte explicatif, il n'est pas nécessaire dans un récit ; le temps verbal est choisi en fonction de l'intention du texte (aspect pragmatique) et de son type (aspect tex­tuel).

2.3 - ASPECTS DE LA DU>ACTKATION DE LA NOTION DE CRTTERE

La détermination de critères est une opération complexe, qui met enjeu des fonde­ments théoriques divers dont notre bibliographie (cf. Annexe) signale les plus utilisés par nos équipes. Elle a été sous-tendue par la recherche de la définition du concept de critère (cf. 5) et eUe est passée d'abord par la construction de grilles de critères (cf. 2.3.1 -), à la-queUe s'est ensuite superposée ceUe d'un outil de classification des critères (cf. 2.3.2 -). Le premier exemple cherche à exphciter un travail orienté par le souci de répondre à des problèmes didactiques ; le second insiste davantage sur le traitement didactique des appuis théoriques.

2.3.1 - Construction d'une griUe de critères (ex : les récits) Dans les équipes, des essais de repérage et de formulation de critères ont été effec­

tués à propos de divers écrits : le compte-rendu (équipe de Bonneuil), la règle de jeux (équipe de Lozère), le portrait (équipe de Privas), le récit (équipe de Clermont-Ferrand), la lettre (équipe de Ham), l'écrit exphcatif(equipe de Fontenay-le-Comte), etc...(5). Nous présentons ici les étapes de la construction d'une griUe concernant les écrits narratifs. Nous avons retenu cet exemple pour plusieurs raisons :

- ce type est très pratiqué à l'école élémentaire, - les points d'appui théoriques pour étabtir des critères sont multiples et parfois di­

vergents (cf. 2.2.2 -), - le risque de normahsation par surgénéraksation des critères a paru particutière-

ment sensible à propos de ce type textuel multiforme. Bienqu'intitulee"griUedecriteres",la premièreversion (équipedeLozère)est

une tentative de mise à plat, par les maîtres de l'équipe, pour leur usage et pour contribuer à la réflexion du Groupe "Pratiques d'évaluation", d'indicateurs de réussite pour la pro­duction d'un récit. C'est une liste étaMie à partir des problèmes le plus souvent constatés dans les productions d'élèves, mis en ordre dans une adaptation du cadre d'analyse construit précédemment (cf.2.2.2 -) et qui distingue :

- un niveau interactionnel, se rapportant aux réactions des lecteurs, teUes qu'eUes peuvent apparaître dans un échange entre pairs (cf. Bachmann, Lindenfeld, Simonin, 1981). De ce point de vue, il ne peut s'agirde critères mais de moyens empiriques pour ai­der à repérer des critères ;

139

- un niveau pragmatique, concernant l'inscription dans le texte de ses caractéris­tiques en tant qu'acte de langage (régime énonciatif, intention de communication...),

- un niveau discursif, se rapportant à l'agencement sémantique des éléments conformément aux caractéristiques d'un type textuel donné,

- un niveau ttnguistique (caractéristiques lexicales et morpho-syntaxiques). Cet état de la grüle (voir plus loin un extrait avec, en regard, un extrait correspon­

dant d'un état plus récent) appeUe plusieurs remarques : - son contenu correspond, plus qu'à des critères, à des (faisceaux d') indicateurs de

réussite, susceptibles d'être mis en rapport avec des critères (qui, à ce stade-là, ne sont pas encore construits),

- eUe donne l'impression d'une énumération extensible à l'infini, sans classement ni hiérarchisation des dimensions retenues,

- eUejuxtapose des "indices" issus de théories diverses : énonciation (Benveniste, 1966), morphologie du conte (Propp, 1970), structure du récit (Brémont, 1973 ; Larivaille, 1974) schéma actanciel (Greimas, 1966,1970), théories adaptées pour servir à l'anatyse, la désignation et le classement des "propriétés" que l'on rencontre dans un récit et/ou que l'on peut attendre d'un écrit d'élève. C'est pourquoi l'emploi d'une teUe griUe peut faire courir le risque d'une normalisation des productions sur laquelle l'équipe d'Aknçon attire l'attention (documents internes, 1986) en se demandant "comment passer de critères d'é­valuation généraux à des indicateurs de maîtrise spécifiques", et qu'elle essaie et propose d'éviter en travaillant sur des sous-typologies (cf.5.1.2 -), ce qui permet de "constituer des critères et indicateurs de fonctionnement eux-mêmes sous-catégorisés".

Ce document, soumis à l'expérimentation des équipes du Groupe, est critiqué, du point de vue de son fonctionnement didactique, par l'équipe d'Alençon, et transformé par l'équipe de Ctermont-Ferrand, qui propose :

- une modulation des critèresjugés trop normatifs, par exemple : "Dire " les lieux sont décrits" sans dire de queUe manière, sur quelle longueur, systématiquement ou non, peut conduire à une application mécanique et non stratégique et pour finir à une boursou­flure du texte".

- un filtrage des critères en fonction du niveau scolaire. Par exemple : . au sujet de l'organisation du texte en paragraphes, "ce critère ne peut pas

être utihsé à propos de productions de CP/CE1, ce qui n'empêche pas un travail sur des écrits sociaux non scolaires".

. par contre, des indicateurs comme "le récit présente au moins un événe­ment (ou complication)", "Cet événement trouve solution dans l'état final". La fin peut être mise en relation avec le début" apparaissent comme essentiek au CP/CE1 où les écrits produits relèvent plutôt de la chronique ou de l'annonce de nouvelle que du récit.

Ces remarques permettent une troisième version que nous ne présentons pas ici, par l'équipe de Lozère.

Un nouveau retour critique de la part de l'équipe de Clermont-Ferrand permet la mise au point d'un quatrième état. On peut noter des transformations par rapport à la pre­mière version (dont certaines ne sont pas visibles dans les extraits présentés) :

- les indicateurs sont regroupés sous des rubriques (par ex : clôture narrative, ac-tants,...) constituant des critères, ce qui permet un classement et une hiérarchisation des di­mensions à prendre en compte dans l'évaluation du récit ;

- le niveau interactionnel, introduit parce qu'il permettait de repérer, à partir des réactions du destinataire, des heux problématiques dans un écrit, a été abandonné après avoir permis de révéler des aspects du fonctionnement des écrits qui ont été transformés (quand c'était possible) en indicateurs Unguistiques, et intégrés dans les autres aspects ;

140

- le filtrage des critères par niveau scolaire tient compte des résultats de recherches psychoUnguistiques sur les étapes de la construction de la compétence textueUe(Fayol, 1981 ), auxquelles sont également empruntés les termes désignant certains critères (clôture textueUe, expansion narrative...) ;

- les formulations essaient d'éviter le risque d'entraîner une normaUsation des pro­ductions : au keu de "les rôles fonctionnels des personnages sont permanents" (troisième version), la formulation retenue est ; "les changements de rôle actanciel, quand üs exis-tent,sontjustifies".

Dans son état actuel, la griUe demande encore à être affinée, en particufier dans le sens d'une cohérence des indicateurs de réussite selon les divers niveaux scolaires, ce qui fera l'objet de l'une des pistes des suites de la recherche- innovation.

EXTRAIT DE DEUX ETAT S DUNE LlSTEDE CRIT ERES Premieretat Demieretat

Niveaudiscursif

Macrostructure - Un problème est posé au départ 1 e héros est défini

- Les épreuves interviennent succes­sivement

- Elles ont un rôle dans la structure - Elles'enchajhent logiquement - L>es opposants, desaides interviennent - Les caractéristiques des personnages

Aspectsèmentique

Cloturenanative - Le récit a un plan d'actionconforroe au

schémadurecit -Les informations de l'état initial sont

suffisantes -Lerécitaaumoins un événement en reletionavecléteJinitieJ

-Les données de l'état inital ont une résolutionàlafin

ont un rÔle fonctionnel dans l'histoire - Les actions s'enchaînent logiquement - L es rSlesfonctionnels des personnages - Le récit comporte plusieure sont permanents

-Les lieux de l'action sont indiqués - Lachronologie est facile àconstruire - Le problème posé au départ trouve sa

solution dans létal final - Lesséquencesnarmtivessonten

ennombresuffisent - Ellessont complètes.

Développement delamacro-structure - L'état initiaJ est développé et fournit des indications suffisantes

- Les personnages sont décrits - L es é pre uves s ont d ével 0 p p é es L es scri pts dacti on s ont explicit és

- Les descriptions sont intégrées - EII es ont un e f oncti on dans l' hist oire -Des disJoguesfont progresser l'action -Hs sont signalés (guillemets...) -Les verbes de communication sont variés - Les aiticulal.ions chronologiques sont

sequencescompletes.

Actants - Le héros est défini,stable -flyaassezd'actents -Lescaractéristiques des actants ont

un role fonctionnel dans le récit -Les changements de rôle actanciels sontjustifiés

- Un actant ne disparaft pas sans avoir accomplisonrôle.

E.xpan3ionnarrative - Les actions sont développées -Les descripti0n3app0rtent de3inf0nTia-tions qui dewendront fonctionnelles

- Les dialoguesfont progresserraction et renseignent surles personnages.

-L'etslfina] est développé.

141

2.3.2 - De la classification des critères au repérage de tieux d'inter­vention didactique

Bien qu'élaborée en référence à un inventaire des problèmes rencontrés dans les écrits des élèves, mis en ordre dans un cadre construit à partir d'emprunts théoriques, ces Listes, énumérant et classant des critères d'évaluation, présentaient un risque de normah-sation tié à des appUcations dogmatiques. U faUait donc, à partir de références théoriques, construire avec les maîtres un outil pour transformer leur façon d'entrer dans les écrits des élèves. La réflexion, amorcée au sein du Groupe National, a abouti à une proposition de l'équipe de Rennes que nous présentons ci-dessous (6).

L'origine de l'outil remonte à un projet de fichier (cf. 5.3.1 -) destiné à aider les maîtres en leurproposant un cheminement individuel dans les problèmes de la didactique de l'écrit. Le travaÛ sur ce produit, qui a dès le début mobüisé toutes les équipes, a permis au Groupe des avancées dans l'expÛcitation et la classification des critères.

Les tentatives d'inventaire et d'élucidation des problèmes ont d'abord porté sur les textes narratifs : le premier problème pointé est celui de la cohérence textueUe, en réfé­rence à CharoUes (1978). Un premier outil nidimentaire (équipes de Privas et de Saint-Quentin) isole deux unités d'observation : la "macro-structure" (cf.2.3.1) et la "micro-structure"danslaqueUe onpeutdistinguerlaprogressionthématique (Slakta, 1975; Combettes, 1978,1983) et les relations interphrastiques (CharoUes, 1978).

A ce stade, le désir d'étendre l'usage de l'outil à d'autres discours en montre les lacunes. Apparaît la nécessité d'une réflexion sur les typologies, conduite en relation avec le travail d'élaboration des griUes de critères (cf. 3.1 -) et destinée à mieux cerner la spécificité des problèmes de chaque type de texte. Une analyse des aspects du fonctionne­ment des textes, entraîne des transformations dans la façon d'appréhender les problèmes de la cohérence ; à la "cohésion" interne (au niveau local : microstructures et au niveau global : macrostructures), s'ajoute la prise en compte de phénomènes relevant de la "co­hérence" externe : un nouveau heu de fonctionnement apparaît, celui des aspects pragma­tiques, avec la notion d'acte de langage (Austin, 1970 ; Searle, 1982) et celle de cadre énonciatif (Benveniste, 1966) qui concernent des problèmes hés à l'ancrage du texte dans la situation d'interaction sociale.

La classification des critères fait alors apparaître 3 niveaux : Unguistique/tex-tuel/pragmatique. Mais la vaUdité de cette tripartition est remise en cause : eUe manque d'homogénéité car eUe emprunte des éléments à des paradigmes relevant d'approches dif­férentes : les niveaux d'analyse sémiotique d'une part, les unités concernées d'autre part. Undétourthéoriqueamèneàdistinguer3entrées(Morris 1974,Hagege, 1985):"morpho-syntaxique", "sémantique", "pragmatique" et 2 unités d'étude : la "phrase" et le "texte". Sous cette forme, la griîle de classification des critères apparaît aux maîtres comme un ou­til qui, par son caractère topographique, désigne des heuxd'intervention didactique sur les écrits.

Par la suite, le va-et-vient entre l'expérimentation sur le terrain et la confron­tation avec les informations théoriques permet d'affiner le tableau et de lui donner son caractère opérationnel, (cf. plus loin) :

- il apparaît que de nombreux faits observés dans les écrits des élèves ne relèvent ni de la phrase, ni du texte dans son entier (gestion des relations phrase à phrase : ana-phores, concordance des temps...). La référence à T.Van Dijk (1984) et L. Spenger-Cha-rolles (1980) permet d'introduire, entre la phrase et le texte, une colonne supplémentaire consacrée à tout ce qui relève de l'"interphrastique", lequel entraîne l'apparition de "phras-tique". Dans le même temps, "discursif' remplace "textuel", dont l'acception, plus res­treinte, ne correspond pas à tous les faits regroupés dans cette colonne.

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143

- pour manifester la priorité à accorder à la perspective "pragmatique/discursif, qui permet seule de résoudre de nombreux problèmes de cohérence, de cohésion, de connexion, le tableau est renversé pour que ce domaine apparaisse "en haut et à gauche" et qu'ainsi il soit perçu comme plus immédiatement opérationnel.

- enfin, à la demande des maîtres qui en perçoivent le caractère opératoire, sont re­groupés dans unenouvelle entrée "graphique", des éléments relevant de la pragmatique et qui ont trait à la matérialité du texte.

Les exemples de problèmes d'écriture mentionnés dans les différentes cases n'ont aucune prétention d'exhaustivité. Le tableau vise essentieUement à mettre en évidence 1 'as­pect multidimentionnel de tout problème d'écriture. Il invite l'enseignant à dépasser son premier réflexe et l'aide à dégager les aspects sémantiques et pragmatiques de problèmes qu'il a l'habitude de traiter au niveau exclusivement morpho-syntaxique. L'enjeu est aus­si de désigner aux maîtres de nouveaux lieux d'enseignement/apprentissage afin que l'é­lève, dans l'écriture de ses textes, soit en mesure de faire les choix que suppose une réeUe maîtrise de l'activité rédactionnelle.

3 - VERS L'ELABORATION ET L'UTHJSATION DES CRI­TERES PAR LES ELEVES

Nous désignons, sous le termed'élaborationdes critères, l'ensemble des opérations psychohnguistiques par lesqueUes les élèves construisent peu à peu en critères d'évalua­tion des faisceaux de traits de reconnaissance des divers types de discours qu'ils ont à lire/produire. Pour cela, ils sont conduits à exphciter, inventorier, définiret classer des in­dicateurs.

3.1 - ENJEUX DE L'ELABORATION DES CRITERES 3.1.1 - Rôle de l'élaboration des critères dans une évaluation for­mative

Les critères peuvent être définis comme les dimensions sélectionnées comme per­tinentes par l'évaluateur. Un modèle d'apprentissage behaviouriste se satisfait d'une dé­termination des critères par l'enseignant avec mise en place d'actions de remédiation en fonction de l'analyse des résultats des élèves. Un modèle cognitiviste, s'intéressant aux processus, donne pour tâche à l'évatoation formative d'"aider l'élève à découvrir les ca­ractéristiques de sa propre activité et à réorienter sa démarche lorsque des problèmes sur­gissent." (Allai, 1979). Cela suppose qu 'il ait été amené à dégager lui-même les dimensions pertinentes des tâches à réahser. En effet, comme le souligne Bonniol (1984) "la forma­tion comporte une phase d'appropriation des critères de réussite relatifs au produit, mais la phase opérationnelle, c'est à l'évidence ceUe qui permet de maîtriser les autres critères, les outils à utiliser directement au cours de la construction de la réaUsation du produit".

Pour les tâches d'écriture, l'élève doit être attentif à la fois aux caratéristiques du produit textuel, à réaliser : "critères de réussite" (Bonniol, 1984) ou "critères textuels", et aux opérations requises pour la réalisation de cette tâche ou "critères de réalisation" (Bon­niol, 1984). (Sur l'évolution du concept de critère dans notre recherche, cf. 5.1 -).

L'élaboration des critères correspond à une analyse de plus en plus précise de la tâche. La référence à des critères progressivement élaborés permet à l'élève de repérer les réussites et les insuffisances d'un texte avant d'en engager la révision. En phase de pro­duction, elle l'aide à être vigilant sur certaines dimensions du fonctionnement des textes qui font problème, donc à réguler son activité.

144

3.1.2 - Rôle des critères dans le processus rédactionnel A quels moments, sous queUes formes, avec quels objectifs, quels effets s'opère,

en coursd'écriture, le recours à des critèresd'évafuation ? Le schéma suivant essaie d'en rendrecompte.

L'aspect systémique du processus de production de texte est mis en évidence par les nombreuses flèches. On remarquera qu'eUes rayonnent autour de la case des critères, qui interviennent en effet selon diverses visées didactiques.

Les critères servent tout d'abord à lancer l'écriture : à la différence d'autres re­cherches ( par ex. : Nunziati, 1984), nos innovations utilisent peu une analyse préalable des exigences de la tâche ; cependant les enfants peuvent étabkr un avant-projet d'écriture en référence à des critèrespréalablement élaborés. Ainsi des élèves de CM (équipe de Lo­zère) pour réahser un kvre-jeu, définissent des règles d'écriture en référence àune produc­tion antérieure : il faut "choisir un temps", se mettre d'accord sur "qui raconte l'histoire", "bien construire les phrases"... Ces règles s'affineront au cours de la production.

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ACTlVITES | DECROCHEES I

I 1 Grammaire j Vocabulaire Orthographe I

Les critères servent également à reUre et critiquer les textes produits dans la classe, en vue d'une éventueUe réécriture. C'est l'utilisation la plus courante des critères d'évaluation qui, ainsi, relancent l'écriture. Dans un CE (équipe de Bonneville), les en­fants ont pour tâche de kre et de réécrire le texte narratifd'un pair, qui ne propose qu'une situation initiale et l'amorce d'une compkcation :

"Le chien et le chat U était une fois dans une maison un chien et un chat qui s'aimaient beaucoup. Un

jour, iLs partirent dans la forêt. La nuit tombait, toutàcoup üs entendirentun bruit, une bête leur sauta dessus".

145

Dans un premier temps, les enfants lisent individueUement ce texte et écrivent li­brement une suite sans qu'il y ait un échange sur les critères d'évaluation à mobüiser. La séance suivante consiste à analyser le texte proposé et à élaborer un outil : à partird'un re­levé de "ce qu 'on sait" et "ce qu 'on ne sait pas", les enfants dégagent les deux eUipses prin­cipales du récit initial : ce qui se passe avec la bête et comment ça finit.

Ils recensent ensuite tous les possibles narratifs (Brémond, 1968) : - ce qui se passe avec la bête : il peut y avoir BATALLLE ou NON-BATAILLE.

Mais dans ce cas il faut que le texte exphque pourquoi : échec de la bête, esquive, ruse, in­tervention extérieure...

- comment ça finit : pour achever l'histoire, il faut préciser le sort des différents per­sonnages et ce qu'ils éprouvent selon les fins imaginées.

L'outil d'analyse se construit progressivement sous forme d'un tableau :

I Est-ce qu'on sa&? j j Ce qui se passe avec la"bete... ""

Bataille ! On sait pourquoi

O ! + / -

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Comment case finiL.

Ce que sont devenus Chien ! Chat ! Bête + / - ! + / - ! * / -

+ / - ! + / - ! + / -

Amitié

Le maître ht trois textes caractéristiques pour lesquels les élèves font fonctionner le tableau. Ensuite quelques uns Usent leur texte aux autres et remplissent le tableau enjus-tifiant leurs réponses. Enfin chacun utilise le tableau pour son texte, ce qui amorce de la réécriture, beaucoup ayant spontanément modifié leur texte dès le constat des éléments el-hptiques.

Enfin, les critères servent à vérifier l'adéquation de la production écrite au type de texte correspondant et à engager la réécriture comme systématisation d'un fonctionne­ment latent dans son premierétat. La référence à des critères objectivés concernant la ma­crostructure du texte narratifpermet ici aux élèves d'améhorer eux-mêmes sensiblement la première version.

Intervenant à tous les moments du processus d'écriture, les critères en assurent la régulation. Cette référence consciente n'est pas synonyme de maîtrise ; en effet certaines opérations sont automatisées au point de ne pas être conscientes ; de même, la prise de conscience de la nécessité d'une opération ne signifie pas pour autant son exécution.

3.2 - PROCEDURES D'ELABORATION DES CRITERES PAR LES ELEVES

On postule que l'observation et l'analyse des traits caratéristiques du produit tex­tuel auquel s'apparente l'écrit à réaliser favorisent un guidage de l'élève dans sa produc­tion. Diverses activités, fondées sur l'interaction lecture/écriture contribuent à cette élaboration des critères. Celle-ci part des représentations des enfants et les fait évoluer grâce à la discussion et l'argumentation entre des positions divergentes : elle fait interve­nir le conflit socio-cognitif entre les élèves sous la forme d'alternance travail indivi-dueVdiscussion en groupes restreints/discussion coUective.

146

Nous avons recours essentieUement aux types de procédures suivantes :

3.2.1 - Observation d'écrits sociaux non scolaires L'observation systématique d'exemplaires diversd'un même type d'écrit diffusé

socialement permet d'en dégager des régularités. Dans l'exemple suivant (CEl, équipe de Ham), les marques textueUes relevées sont des indices des paramètres des situations de production de textes : un projet d'aménagement de la cour de récréation rend nécessaire une lettre au Maire de la commune. Les élèves de ce CEl, habitués à des correspondances scolaires, vont désigner et utiHser les marques textueUes, essentieUement graphiques, de lalettreofficieUe.

1ère séance : une mobilisation implicite de critères intégrés. Par groupes de cinq, les enfants produisent des ébauches de lettre au Maire. Des

critères, tirés des pratiques antérieures (savoirs d'ordre expérienciel) sont mobiHsés dans cette tâchede production sans que les exigences de la tâche aient été expüátées préalable­ment.

2eme séance : référence à des critères antérieurement élaborés. Les essais des différents groupes sont affichés et confrontés pour l'élaboration

d'une lettre commune. Première difficulté : la plupart des remarques des enfants concernent la graphie du

brouillon : "c'est trop petit", "c'est barre"...Les critères mobiUsés ne se rapportent pas à la situation de communication dans laqueUe s'inscrit le texte produit ; les élèves négHgent donc l'entrée pragmatico-discursive (cf. 2.3.2 -). Grâce à un jeu de rôles sur la réception de la lettre par le Maire, l'enseignante les amène à distinguer le brouülon, de format pan­neau mural pour permettre un travail coUectif, et la forme définitive de la lettre. C'est donc le critère de format qui aide les enfants à resituer la fonction de communication de la let­tre. L'élaboration en reste à la désignation d'indicateurs.

Dans la phase d*organisation de la lettre commune, sont mobilisés des indicateurs déjà relevés : présence de la date "du jour où on écrira vraiment", formule de salutation au début de la lettre ("Bonjour Monsieur le Maire de Ham") et à la fin ("Au revoir, Monsieur le Maire"), mise en page, nécessité d'une signature. Surgit alors le problème de la place de la signature, qui va permettre d'affinerl'élaboration des critères en référence au niveau pragmatique. Un élève a signé en haut et à gauche ; les autres protestent. Loin de trancher, l'enseignante aide à la formulation du problème et demande aux enfants de rechercher chez eux des lettres dont la signature serait en haut et à gauche. EUe convoque donc un savoir expérienciel extérieur à l'école, par le biais d'observations de lettres administratives, type d'écrit très représenté dans les famiUes.

Dans de teUes conditions, l'élaboration des critères s'articule surl'émergence d'un problème d'écriture et constitue une recherche organisée de solutions.

3eme séance : observation d'écrits sociaux non scolaires, en vue de la désignation d'indicateurs pertinents. Par groupes de deux, les enfants observent les lettres apportées pour tenter de répondre au problème initialement posé. La confrontation des remarques permet de coUecter des indicateurs pertinents se rapportant à la nature et à l'emplacement de certains renseignements sur des lettres officieUes, donc concernant l'en­trée graphique (cf.2.3.2 - ).

4eme séance : référence à ces indicateurs pour la rédaction de la lettre. Les élèves réinvestissent immédiatement les indicateurs dégagés au cours de l'ana­lyse précédente. Bis s'y réfèrent et les convertissent en opérations : "il faut prendre une pe­tite feuille", "il faut pas prendre des feutres de toutes les couleurs comme d'habitude. Il faut écrire en noir parce que, ce matin, les lettres eUes étaient en noir". Us commencent

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alors à rapporter les indicateurs à une certaine fonctionnahté et à distinguer lettre aux cor­respondants et lettre officielle.

5eme séance : une amorce de formalisation des critères relevés. Le lendemain, dans le cadre d'un autre projet, les enfants ont à écrire à un père d'é­

lève. L'un propose d'écrire en haut à gauche : "Les élèves du CEl" parce que "mainte­nant, on sait". Un autre rétorque que ce n'est pas nécessaire parce que "lui, on le connaît". Ces remarques montrent qu 'ils n'ont pas perçu la relation entre indicateurs de mise en page et paramètres des situations de communication et que les indicateurs relevés risquent tou­jours d'être surgénérahsés et érigés en norme non rapportée aux situations fonctionneUes.

Est décidée alors la fabrication de deux affiches, récapitulant les indicateurs rele­vés. Lorsque les élèves auront une lettre à faire, "iLs chercheront bien à qui eUe s'adresse et ils suivront ce qui aura été décidé sur l'une ou l'autre des deux affiches". Voici les do­cuments réahsés :

i Pour faire «rie lettre auxcorrespondants, à d'autres élèves, à une maîtresse de la materneBe et k$e^ élèves, on écrit : - sur une grande feuille - grand

-la date

les élèves -Bonjour les correspondants

les amis - nos idées -au revoir, à bientôt - íes CE 1 de Madame Grenon

j-nos prénoms

Pour faire une lettre au maire ou à quelqu'un qu'on ne connaît pas, on écrit :

-sur une petite feuille -petit -en haut à gauche: les élèves de Madame Grenon j Ecole Plaine Saint-Martin 80400 H^M,le...

-la date :Ham, le... - à qui lalettre est adressée : a Monsieurle maire de Ham

- Bonjourmonsieurle maire -nosidées - au revoir monsieur le mare -les CE 1 de Madame Grenon -nos prénoms

On écrt 3 fois madame ou monsieur

L'élaboration des critères conduit à la construction d'un outil qui récapitule et met en forme des observations réaksées : il sert à la fois de mémoire des observations effec­tuées et de guidage pour les productions futures. Son intérêt réside moins dans la liste des indicateurs retenus que dans la présence des deux colonnes, qui obüge les élèves à s'inter­roger sur les paramètres de la situation de communication dans laqueUe s'inscrit le texte à produire. D aide ainsi à formuler et à résoudre certains des problèmes rencontrés dans l'é­criture de lettres, fréquente dans cette classe ; il aUège la charge cognitive de l'élève (cf. Fayol, 1984) en objectivant un certain nombre des indicateurs utiles pour produire le texte et le réviser. Cependant, cette üste d'indicateurs est très partielle et concerne essentielle­ment le niveau graphique : choix du support, format, formule d'adresse et de signature. EUe reflète l'état des représentations objectivables des enfants quant au fonctionnement de ce type d'écrit.

148

3.2.2-Tridetextes Sont proposés simultanément des écrits de provenances diverses, dans leur présen­

tation originale, avec pour consigne de trouver des modes de regroupement et de les jus­tifier. La tâche peut recevoir des solutions diverses ; chacune suppose la sélection et la mise en relation d'indicateurs se rapportant aux traits caractéristiques du fonctionnement destextes.

Dans cette classe de 19 élèves (7 CE2, 7 CMl, 5 CM2, équipe de Lozère) est lan­cé un cycle d'apprentissage sur les textes explicatifs, motivé pédagogiquement à la fois par les projets d'écriture en cours (échange de fiches de travail manuel et de sciences avec d'autres classes) et l'importance stratégique de la pratique des textes expticatifs dans les diverses disciphnes au coUège (cf. "Pratiques" n°51 ).

Après quelques productions d'écrits, le maître propose 15 textes sur les châteaux forts : extraits de documentations destinées aux enfants, de "Que sais-je ?" ou d'encyclo­pédies, documents d'archives et dépliants touristiques, pages de romans pour enfants ou oeuvres fittéraires. La consigne est de regrouper ces textes en ensembles etdejustifier leur classement. Le travail est d'abord individuel ; puis une confrontation par groupes de trois aboutit à une affiche récapitulant les classements :

JaI mfe ensemble Nomdecettecategor1e PourquQijeFaimi$dans cettecatégorie

La colonne de gaucheconcerne la simple reconnaissance des principaux types tex­tuels. La colonne centrale recueille les notions utilisées par les enfants pourexpliciter ces différences ; les réponses des enfants doivent permettre d'analyser leurs représentations des divers types textuels ou genres : qu'appeUent-ils "histoires", "textes", "livres"... La co­lonne de droite doit contenir une première fiste d'indicateurs, sous une forme encore inor­ganisée et incomplète, qui pourront être organisés en critères pour la production et la révision de textes. La tâche de catégorisation oblige à désigner des indicateurs spécifiques; les désaccords entre les enfants pour la mise au point d'un document commun entraîne une exploration plus affinée des textes.

3.2.3 - Lectures mutuelles de textes d'enfants en cours d'élabora­tion

L'échange des textes en cours d'élaboration permet aux élèves d'énoncer un cer­tain nombre des opérations sur lesqueUes être vigilant pour la production ou la révision d'un texte. En effet les écrits fautifs mettent en évidence la nécessité d'opérations qui peu­vent avoir été teUement automatisées par le scripteur expert qu'eUes ne sont pas expHcita-bles. Les dimensions ainsi sélectionnées permettent d'engager une réécriture.

Dans un CE2 en début d'année (équipe de Privas), le maître choisit de focafiser le travail d'élaboration des critères sur deux types de problèmes en relation avec le thème de recherche de l'équipe (la cohésion interphrastique) : les "répétitions" dans la désignation des personnagesd'unrécit et l'emploi des tempsverbaux. Pour cela, les élèves échangent les premières versions de leurs textes et hsent la production d'un camarade avec pour tâche de relever les diverses désignations des personnages et d'observer les temps des verbes en vue de faire un classement : textes au présent, textes au passé, autres. Une mise en com-

149

mun aboutit à la rédaction collective d'une fiche de "conseüs", kste d'actions à réabser pour réécrire son texte. A l'aide de cette fiche, chaque enfant réécrit son texte. Le schéma suivant peut représenter les étapes de ce travail : l'élaboration des critères sélectionnés par l'enseignant en fonction des difficultés observées dans le premierétat du texte des enfants s'est opéré grâce à une analyse de production des pairs proposée par le maître : ceUe-ci conduit les enfants à formuler des principes d'action, objectivés sous la forme d'un outil qui guide la réécriture sur certains réseaux de fonctionnement des textes jugés cruciaux à ce moment de l'apprentissage.

Ces diverses procédures présentent un certain nombre de traits communs : - ellessont déclenchées par le surgissement d'un problème d'écriture, - eUes consistent en une observation d'écrits sociaux, qui permet le relevé et l'ob-

jectivation d'indicateurs de fonctionnement de ces textes, - eUes aboutissent à la construction d'un outil facilitant une régulation consciente

de la production d'écriture. A chacune des phases de ce processus correspond grossièrement un degré de l'é-

laboration des critères (cf. schéma en 3.3.1 -).

(voir tabteau ci-après)

3.3. DEGRES D'ELABORATION DES CRITERES

3.3.1. Quelques définitions générales Compte-tenu de nos observations, nous distinguons cinq degrés possibles d'élaboration des critères, qui peuvent se définir par la capacitéà :

- reconnaître intuitivement la présence/absence d'un trait caractéristique, indica­teur potentiel d'un critère à construire, sans pouvoir le localiser. Ces opérations de recon­naissance s'appuient sur des savoirs d'ordre expérienciel et se manifestent dans des jugements comme : "on comprend pas bien", "cette histoire, elle est pas bien", à propos de textes présentant des problèmes de cohérence. A ce degré, lejugement est global, sans amorce de solution pour la révision de textes jugés défaiUants.

Dearés d'élaboration

Reconnaître •

Désigner •

Expliciter •

I Se référera •

I Intégrer •

Phases de la démarche (f élaboration j

• Problème €éctfture rencontré en j situation de production

• Observation d'écrits

• Analyse d'écrits pourl'objectivation de leurs indicateurs de fonctionnement spécifiques

• Construction d'un outil facilitant une régulation consciente de la production d'écriture

• Utilisation des outils pourlarévision ou ia production de textes

• Intégration des elfteres rendant caduc l'ouM précédemment construit. |

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-désigner des indicateurs pertinents, c'est-à-dire localiser l'origine d'un effet de compréhension dans un cas particuher. Par exemple, "c 'est un conte parce qu 'il y a : il était une fois" ou "ce n'est pas une histoire, c'est des phrases". La désignation comporte un pre-mierdegré dejustification. EUe procède d'une discrimination analytique partielle, propose une solution et une seule pourles difficultés rencontrées dans l'élaboration des textes. EUe implique des savoirs opératoires. A ce degré, des indicateurs sont relevés mais ne sont pas encore organisés en critères.

- expliciter, c'est organiser un ensemble d'indicateurs en critères. Ces opérations de critériation proprement dites impUquent des savoirs conceptuels. EUes s'expriment dans des jugements comme "c'est une histoire, parce qu'il y a un titre, un début, une fin et les temps du récit".

- se référer à des critères préalablement explicités, c'est-à-dire identifier les para­mètres d'une situation de production de texte et les rapporter à des cas antérieurement ren­contrés. Par exemple "j'en suis à développer la troisième épreuve".

- le degré supérieur de maîtrise est obtenu lorsque les élèves ont intégré les cri­tères, c'est-à-dire les utiUsent de façon plus ou moins automatisée. Dans ce cas, de nou­veaux critèresdevront être formulés.

3.3.2. Les difficultés dans l'élaboration des critères Les élèves peuvent rencontrer des difficultés dans l'analyse des marques typologi­

ques (cf. FAYOL, à paraître). Nous en donnons un exemple à propos de la procédure de tri de textes décrite en 3.2.2. Un examen des classements réahsés individueUement par les enfants fait en effet apparaître :

- des résultats sensiblement analogues en CE2 et en CM2, - une absence d'homogénéité du principe de classification : certaines rubriques

se fondent sur une classification par genres littéraires ("contes", "chansons")tandis que la plupart des autres sont plutôt thématiques "la catégorie soldats", "cheval", "la bataüle et le tournoi".

- le faible nombre des indicateurs relevés : un indicateur suffit à l'identification d'une catégorie ("Il était une fois" pour le conte, les notes de musique pour la chanson, le titre pour le roman de la Table Ronde). La plupart des justifications restent circulaires (ce sont des poésies parce que ce sont des poésies) : les élèves ne peuvent dépasser le stade de la reconnaissance globale pour s'engager dans une analyse. Certaines sont même inappro­priées : "c'est une chanson parce que ça parle d'un homme".

- l'absence de référence à la provenance ou à la fonction des textes - le caractère souvent inadéquat des concepts utitisés dans la colonne centrale.

Ainsi par exemple le terme de "livre" est appüqué aux extraits d'ouvrages de petits for­mats dont la tranche est visible sur la photocopie, alors que la quasi totaUté des documents proposés sont extraits de Uvres.

La comparaison des productions individueUes des enfants et de celles de leur groupe fait apparaître une avancée très timide dans l'élaboration des critères. Contrairement aux effets attendus, les enfants se mettent rapidement d'accord sur un classement, malgré les différences importantes entre leurs classements initiaux. Hs évitent les conflits dans les groupes, de sorte que les indicateurs mis en évidence sont très nombreux.

A l'issue de ces deux séances, les enfants en sont à une reconnaissance incomplète et à un début de désignation de certains types d'écrits. La séance suivante est consacrée au recensement systématique des indicateurs rapportés à leur fonctionnalité. En effet, l'ensei­gnant a construit un questionnaire induisant des interrogations sur la fonction de chacun des écrits et leur provenance (Dans quel fivre pourrait-on trouver ce texte ? A quoi peut

152

servir ce texte ?), et à relever ensuite certaines de leurs marques caractéristiques en com­parant deux textesjugés très différents quant aux réponses aux deux précédentes questions.

Les hésitations et non-réponses des élèves sont nombreuses. Les fonctions des écrits sont souvent mal différenciées : ainsi Véronique indique qu'un texte sert à "lire", Natha­lie identifie la poésie comme servant à "réciter" ; de même les romans "apportent des in­formations" ou "apprennent quelque chose". Les ternies du métalangage de la typologie des textes ont un sens flou : pour GuiUaume, les textes documentaires servent à "expliquer les châteaux", c 'est-à-dire à décrire les châteaux ou exphquer leur fonction ?Pour Raphaël, la Chanson du Roi Renaud "exphque la vie du Roi Renaud", c'est-à^iire la raconte. Par contre Laetitia, différencie nettement les supports et leurs fonctions spécifiques : un texte documentaire "provient d'un livre d'histoire" et sert à "savoir la vie des gens du Moyen-Age", un extrait de livre de poésie sert "à se distraire".

A ce stade du travail, l'élaboration des critères est amorcée : la recherche d'indica­teurs est plus systématique, la référence de ces indicateursà des paramètres contextuels est engagée. Pour renforcer ces opérations, l'enseignant propose un tri de livres du coin-bibliothèque pour constituer un corpus d'observation de textes exphcatifs. Avecdes diffi­cultés importantes pour les CE2, les élèves distinguent grossièrement textes documentaires et fictions et sélectionnent des textes expUcatifs.

La séance suivante est consacrée au relevé systématique des indicateurs de fonc­tionnement des textes expUcatifs. Par groupe de deux, disposant chacun de deux docu­ments, les élèves relèvent les traits caractéristiques de ces écrits. Hs sont ainsi conduits à relever des traits communs (mise en page, lexique, contenu notionnel) et des variations se­lon le support (les manuels scolaires utilisent volontiers l'encadré coloré pour mettre en évidence une information, là où les encyclopédies recourent aux caractères gras) ou le do­maine interdisciplinaire (du point de vue des temps verbaux, le passésimple ou le discours rapporté sont utihsés en histoire, iLs sont plus rares dans les autres disciplines). Les indi­cateurs relevés sont consignés sous la forme d'un tableau à quatre colonnes affiché dans la classe et présentant ce que l'on trouve : toujours/souvent/parfois/jamais.

La critériation n'est pas encore réalisée, dans la mesure où le tableau récapitule une liste d'indicateurs non encore organisés en critères. Cependant ce degré de l'élaboration des critères est préparé par la mise en page du tableau qui met en regard les indicateurs correspondant aux réaksations d'un même critère suivant les types d'écrits.

3.33. Les outils : nature et fonctions La formalisation des critères et des indicateurs aboutit le plus souvent à la construc­

tion d'outils que nous définissons comme des "objets matériels facilitant la production ou l'amélioration d'un texte, résultant d'une mise en cohérence d'observations dispersées voire incidentes".

Hs sont fabriqués dans la classe,le temps de construction de l'outil paraissant plus déterminant dans l'apprentissage que son utilisation. Us sont provisoires et seront aban­donnés dès que les élèves auront automatisé les exigences qu'üs objectivent ou lorsqu'iïs risqueront d'entraîner une standardisation des productions. Hs évoluent au fur et à mesure des nouvelles observations. Pour ces raisons, iîs ne sont directement utilisables que par la classe qui les a élaborés. Leur utilisation hors de celle-ci suppose donc une expficitation des principes de construction de ce type d'outUs didactiques.

D'après les synthèses de nos équipes, les outils peuvent se distinguer selon : - leurs formes : affiche récapitulant les indicateurs à respecter pour la production

d'une lettre officielle (cf. supra, document de Ham), questionnaire pourl'amélioration de la macrostructure d'un récit (cf. supra, document de Bonneville), procédé de schématisa-

153

tion de la progression thématique d'un texte descriptif(cf document de Privas, "Repères" n°66)...

- leur degré de génératité : certains, comme par exemple ceux qui concernent la progression thématique, peuvent s'appliquer à tous les types de textes, tandis que d'autres, comme celui de l'équipe de Bonneville cité plus haut en 3.1.2 s'appliquent à un seul type de texte, ici le texte narratif.

- le niveau de critères concerné : pragmatique/discursifet graphique/discursifdans le cas de la lettre, sémantique/discursifpour l'outil se rapportant à la macrostructure du texte narratif, sémantique/interphrastique pour l'outil de Privas.

- Ieur fonction : aide-mémoire des observations coUectées, récapituIatifdes opé­rations à effectuer...

L'une des capacités visées chez l'élève est l'identification et l'utilisation de plus en plus autonome des outils appropriés à la situation. En effet plusieurs outils sont utilisés si­multanément dans une même classe. Par exemple, en milieu d'année scolaire dans une classe de CE2 (équipe de Lozère), sont utilisés dans les situations de production de textes une liste de critères de réussite des textes narratifs en cours de constitution, un schéma de la structure narrative établi à partir de la lecture de plusieurs récits, une liste de formes ver­bales d'emploi fréquent, ainsi que les affichages orthographiques correspondant aux no­tions travaiUées.

4. EXPLICrrATION DES VARIABLES DU>ACTIQUES

Cet aspect de la recherche, a pour objectifd'analyser les pratiques innovantes afin de dégager des variables pour préparer et mettre en place la recherche-description et la re-cherche-evaluation(voirchapitre 1).

4.1. VARIABLES ENONCEES DANS LES HYPOTHESES D'AC­TION PEDAGOGIQUE

Dans notre Programme de recherche, nous postuhons l'existence de certains fac­teurs susceptibles de constituer des variables didactiques en relation avec les pratiques d'é-valuation.

Ces facteurs observables (indicateurs de variables dépendantes) qui résultaient d'observations de classes et des éclairages théoriques disponibles, pouvaient être mis en relation avec des variables de référence (ou variables indépendantes) (voir tableau en 4.2).

4.2. CONSTRUCTION DE VARIABLES PAR LA RECHERCHE

Facteurs observables -moment, de revaluation -fonctions assignées al* évaluation - ag ent s d e I" é va] uati on - cfitères et indicai.eurs habituels - relation : pratiques d'évaluation/

objectifs d'apprentissage - dénomination et modalités des

interventions pédagogiques sur les écrits

-statutaccordéàlécrit délève : objet élire ? matière &corriger ?

- place accordée au tâtonnement, à l'erreur, àlaréécriture

j -socialisation des écrits ...

Variables de référence | -Concernant les maîtres : j

. "style pédagogique"

. information sur l'évaluation, l'écriture, les textes

-Concernant les élèves : .niveau de scolarité moment de l'année

.milieu socio-culturel

. localisation de Iaclas3e -Concernant les écrits:

type de texte .destination de l'écrit...

154

La recherche a permis de compléter, adapter, affiner ce premier inventair et repé­rer des indicateurs pour chacune des variables à définir et à formuler (cf. 4.2.1), puis, en relation avec un modèle d'analyse (cf. 4.2.2), d'organiser de manière opératoire, l'ensem­ble des variables retenues (cf. 4.2.3).

4.2.1. Première formulation de variables Des observations dans les classes en recherche ont fourni des listes d'indicateurs,

mis en ordre à l'aide de principes de classement tirés de nos référents dans le domaine de l'évaluation (nature des critères, exphcitation, élaboratioa..) Voici deux moments de cette démarche :

Un premier état de l'inventaire et de la formulation de variables, entrepris dès no­vembre 1984, est mis en forme en 1985. Ce document étant pubhé dans "Repères" n°66, nous ne présentons ci-dessous que la kste des 7 variables retenues :

- Vl : Nature des critères - V2 : Exphcitation des critères - V3 : Elaboration des critères - V4 : Interaction lecture/écriture - V5 : Traitement des erreurs des élèves - V6 : Nature de la correction des textes - V7 : Fonctions de l'évaluation des écrits Nous écrivions alors : "(Les variables) se rapportent ici au mode de concrétisation

dans les classes expérimentales des hypothèses d'action pédagogique qui constituent le programme d'innovation commun aux équipes ; ces caractéristiques sont définies par op­position aux autres pratiques pédagogiques repérables. Les variables de la recherche^tes-cription sont (...) en cours d'élaboration. Aussi n'en seront pas spécifiées exhaustivement toutes les modaktés de réaksation. Nous en indiquons seulement la kste provisoire. L'or­dre dans lequel eUes ont présentées n'a pas de signification particukère".

Un deuxième état résulte d'un travail théorique mené en 86, dont l'objectifétait de rendre la kste précédente plus pertinente, plus cohérente et d'associer à chaque variable plusieurs modaktés, assorties d'indicateurs, susceptibles de caractériser contrastivement les pratiques innovantes et les pratiques courantes. C'est, par exemple, en ce sens que :

- la variable 2 : "Exphcitation des critères" a paru, dans sa formulation et dans son contenu, peu pertinente par rapport aux variables 1 et 3 : l'expkcitation recouvre à la fois un caractère de la "nature" des critères et un état de l'"elaboration" des critères.

- la variable 4 : "krteraction lecture/écriture" a disparu dans la mesure où eUe consti­tue une modakté de la variable 3 : "Elaboration des critères".

- la variable 6 : "Nature de la correction des textes" disparaît car ses modaktés re­coupent ceUes de la modakté "Nature des critères".

Le tableau (voirplus loin) représente un état, provisoire, d'une réflexion toujours appuyée sur un travail d'expérimentation.

4.2.2. Choix d'un modèle d'analyse La plupart des modèles d'analyse des faits didactiques opposent trois schémas, par

exemple les "modes de travail pédagogique" de M.LESNE (1977), les "styles pédagogi­ques" (H. ROMLAN, 1979). fl se dégage cependant de nos observations que, par rapport à nos objectifs, les variables dégagées fonctionnent selon un système d'opposition, plus binaire que ternaire.

debeaupu
Crayon

155

Nous opposons donc : - des pratiques d'évaluation courantes, quaIifiables de sommatives, normatives,

partielles et standardisées, et que l'on rencontre chez des maîtres relevant aussi bien d'une pédagogie dite traditíonneUe que d'une pédagogie de l'expressivité,

- et des pratiques issues de nos innovations ou semblables à eUes, que l'on peut quaUfier de formatives, critériées, sélectives (au sens de "qui portent sur des aspects déli­bérément choisis") et diversifiées.

I VARiABLES POUR LOBSERYATION DES PRATKaUESD1EVALUATKWDES ECRITS

Modalité 1

1.NATURE DES CRITERES -implicites -identiques pour tous les écrits - en relation avec des objectifs

I d'apprentissage plastique - en rapport avec la grammaire de

laphrase i - dégagés à partir de l'écrit en

situation scolare I - dégagés à partir du modèle des ! "bons auteurs"

Modale 2 I

-explicites -diversïiés selon les écrits - en relation avec des objectifs

d'apprentissage discursif - en rapport avec lalinguistique

textuelle - dégagés à partir de laf onctiormaSté

des écrits - dégagés à partir d'une description

des regies de fonctionnement

2.M0DALITES D'ELABORATION DES CRITERES ET DES INDICATEURS | -critères imposés aux élèves - écrits lus comme point de départ,

modèle pourf écriture - erreurs pointées parle maître seul

-indicateurs en relation avec une j norme 1 - pas df élaboration de critères

- participation des élèves - écrits sociauxlus dans la perspective

d'élaboration de critères - erreurs repérées parles élèves sur leurs

textes, ceux de leurs pairs - indicateurs en relation avec un projet

d'apprentissage - des faisceaux d'indicateurs sont

constitués en critères

3. TRAITEMENT DES ERREURS DESELEVES I I - objet de corrections ponctuelles

(individuelles ou collectives) - à partir des annotations du maire et avec des outils standards

4. FONCTIONS DE L'EVALUATION -se situe après récriture - mettre au point le produit

i - évaluer les effets d'apprentissages antérieurs (progression rigide)

- objet de réécritures (en groupes ou individuelles)

-aide d'outils adaptés au projet d'écriture

-se situe en cours d'écriture -améliorerlacompétence duscripteur - programmer des objectifs d'apprentis­

sage (progression souple)

156

Al'appui de ce choix, d'ordre méthodologique, voici un extrait d'une séquence ob­servée dans une classe dont le maître déclare se référer aux principes d'une pédagogie de l'expressivité (document fourni parl'équipe de Fontenay-le Comte). Un groupe de 9eleves écrit, pour des correspondants, une lettre pour accompagner l'envoi d'une brochure d'in­formation sur le hamster. Au début de la séquence, ils rappeUent ce qu'ils ont projeté de dire puis se mettent à rédiger la lettre avec la coUaboration du maître. Voici un extrait des échanges . QA = Maître, F = Frédéric, J = Jérôme, S = Samuel, O = OHvier,) :

J - "A "correspondants", sur le "e", il y a un accent. C'est "é". S-C'est"e". M - Ohvier. 0 - "Correspondants", c'est juste, on peut peut-être écrire : "On vous envoie cette

lettre"... 1 - Pas d'accord, je pense qu'il faudrait une majuscule à "chers", parce qu'on com-

menceunephrase. J - Au début. M - Et quand on a fini, on met un point, ne pas oubher. Sylvie ne sait pas faire les

majuscules, est-ce que quelqu'un veut bien aller l'aider ? OJn élève va consulter le tableau des majuscules) Une petite chose, il n'y a pas d'accent sur "chers", c'est le son ER. Fré­déric, ton enquête ? Tu viens donnerla solution... Je ne suis pas tout à fait d'accord (F. a écrit S au tableau, le maître corrige C). On continue ? (...)

M - "On vous envoiedes renseignements sur le hamster". Il faut l'écrire. (Un élève écrit au tableau).

X - Tu as fait unefaute. M - Je rappelle, nous écrivonsd'abord surnotre cahierd'essai. On ne dit pas : "Syl­

vie tu as fait une faute", on la laisse travailler. Nous, nous écrivons ce que nousavons à dire sur le cahier d'essai et ensuite on compare. "On vous envoie des renseignements"..., on a dit que c'était un livre, après tout, c'est peut êtreplus facile à écrire. Correction !"

Cet extrait, représentatifde la séquence, suggère quelques remarquesqui rappel­lent ceUes que nous faisions à propos des résultats de l'enquête sur les pratiques d'évalua­tion des maîtres que nous avons interrogés, avant le démarrage des innovations (cf.-1.1.2) En se référant à la griUe de classement des critères présentée plus haut(cf. 2.3.2.), on constate que les critères d'évaluation que maître et élèves prennent en compte pour écrire relèvent essentieUement de la morpho-syntaxe (niveau d'entrée dans le texte), de la phrase (unité d'analyse). En outre les élèves ne sont à aucun moment associés aux modahtés d'é­laboration des critères ; Us s'y reportent occasionneUement, sur incitation du maître et, à l'exception du tableau de majuscules que va consulter Frédéric, il n'y a pas d'outil spéci­fique, utUisé pendant l'activité d'écriture.

4.23.TravaUd'explicitation Les équipes ont conduit et décrit des séquences de classe dans le but de repérer et

de définir des indicateurs pour chacune des modaUtés retenues. En voici deux exemples.

4.23.1. Variable : "Nature des critères" (explicites/impticites) Dans ce travail, l'équipe de Clermont-Ferrand postule que la référence des enfants

à certains critères reflète la nature des critères utUisés par le maître. Les élèves de deux classes de CEl ont écrit des textes à partir d'une amorce : "Hy avait une fois une toute pe­tite, petite bonne femme qui avait une toute petite, petite poule. Et la toute petite, petite

157

bonne femme se demandait ce qu'eUe aUait faire pour son déjeûner. EUe se dit : Tiens ! U fait beau aujourd'hui".

La classe A participe à la recherche, la classe B n'y participe pas. Le maître de la classe A a choisi 6 des textes produits et les a proposés, dactylographiés, àl'évaluation de la classe B, et vice versa. La lecture s'est faite par petits groupes, dont les remarques orales ont été transmises par écrit aux auteurs.

Texte d'un élève de la classe A : "Je vais me préparer une toute petite, petite omelette. EUe aUa voir dans le Ut de sa

toute petite, petite poule et maUieureusement eUe n'y trouva rien du tout. Alors eUe se mit à pleurer de toutes petites, petites larmes. Mais un tout petit, petit bonhomme, charmant d'aiUeurs, arriva, et lui donna un tout petit, petit coq qui plut beaucoup à la toute petite, petite poule. Et la toute petite, petite poule eut de touts petits, petits oeufs. Et eUe put faire une toute petite, petite omelette".

Un élève de la classe B remarque : "Pouvoir", ça ne va pas. Je n'aime pas bien. "Lit", ça ne va pas, parce que les poules ne dorment pas dans un Ut ; ça ne va pas "deman­dait", on pourrait mettre "demande". "Tiens", je n'aime pas bien. "Petite", je n'aime pas bien parce qu'on entend toujours "petite". "Charmant", ça ne va pas, U faudrait mettre au­tre chose, "qui plut", ça ne va pas, il faudrait mettre autre chose".

Alors que l'auteur a parfaitement intégré toutes les données premières et construit un récit cohérent, clos et astucieux, ce lecteur :

- a des réactions négatives sans les justifier ("ça ne va pas", "U faudrait mettre au­tre chose", mais quoi ?) ;

- propose des corrections à contre-temps : répétition de "petite" (pour la "répéti­tion") , mise en cause du mot "charmant", transformation inacceptable d'un imparfait en présent ; et ne se place qu'au niveau du mot (correction pointiUiste) sans regarder le texte dans son ensemble.

Texte d'un élève de la classe B "Je vais aUer faire mes commissions se dit-elle. EUe ferma à clé la porte et eUe part

faire ses commissions. EUe acheta du beurre et des oeufs". Un élève de la classe A remarque : "La toute petite bonne femme n'a pas besoin

d'acheter des oeufs puisqu'eUe a une poule. "U fait beau aujourd'hui. Je vais aller faire mes commissions". C'est inutile de parler du temps. On ne sait pas ce qu'eUe va manger".

Il relève une contradiction par rapport au posé OPetite bonne femme a une poule) et au présupposé (une poule pond en principe des oeufs, rien n'indique que ceUe-ci ne le fait pas) ; une absence de clôture véritable par rapport au problème posé dans la situation ini­tiale.

Dans l'ensemble, les élèves de la classe A s'intéressent avant tout au fonctionne­ment du texte, qu'Us analysent au moyen d'une connaissance impUcite de la structure du récit, sur le plan tant de la macro-structure que des micro- structures ; tandis que ceux de la classe B s'intéressent surtout aux mots dans le cadre de la phrase.

4.23.2. Variable : "Statut accordé aux écrits des élèves" Ce deuxième exemple (fourni par l'équipe d'Agen) porte sur un autre type de va­

riable qui concerne non le produit mais la situation de production : le statut accordé aux écrits des élèves dans la classe. Se prépare ainsi une différenciation, qui sera expUcitée pour la préparation de la recherche-description (cf.5.3.2), entre variables pour une micro­analyse, comme la précédente, et variables pour une macro-analyse, comme ceUe-ci.

158

Deux moments d'évaluation ont été mis en place dans les classes expérimentales (CE2), de façon à isoler la variableétudiée : le texte A ("La boussole") a une destination scolaire (le classeur desciences), le texte B ("L'horloge à eau") est écrit pour un destina­taire (classe d'une autre école quien a fait la demande). Le dispositifvise à neutraüserles autres variables : écrits documentaires produits après une séquence d'activités scientifi­ques à partir des mêmes consignes :

- A : "Ecrire ce qui vous semble important sur la boussole ; ce texte est destiné au classeur de sciences".

- B : "Ecrire ce qui vous semble important surl'horioge à eau ; ce texte seraenvoyé à la classe de CMl de l'école Sembel". (Pour éviter que le texte B ne soit une fiche de fa­brication, il a été précisé qu'il y avait une demande d'information sur l'horloge à eau).

Deshrtationscoteire

-souci de restituer lessavoirsappris : "Nousavonsretenule plus dechoses sur iahoussoIe... Qnapresquetout dit..."

-lacompréhension est évaluée du point de vue du scripteur : "Lete>ie est bien expiqué."

-la présentation est évaJuée parrapport à des normes extérieures, sous forme d'inventaire : 1 ya des majuscules, des points... Ii ya queJquesratures, des fautes d'orthographe..."

-surleschéma. des remarques pure­ment formeHes : 1 ya du noir, du bleu aussi ...C'e3tmicroscopigue." -les modifications pr0p03ees concer­nent essentieBement l'orthographe, iesratures,tadate.

Destination non scoteire

- importanceaccordéeàtefunction de reo*:Cestlesens dutexte qui est important..."

- lacompréhension est évaluée du point de vue du lecteur : MNous on le vo& dansnotretête, tandis qu"euxL."

- la présentation est considérée dans sa fonction : "Pas mettre les majuscules n'importeoù".)

-àpropos du schéma, discussion sur son r$e et lanécessité de représenter fidèlement ounoncertakis détaite.

-lesmodificationssont destinéesàfacffi-terlacompréhension du document : ^outerdesWormations,mettre une lègende explicitanttesi0fication d'un trait duschema("niveau d'eau").

Les deux séquences ont été conduites selon les mêmes modaUltés : rappel des consignes d'écriture et réponse au questionnaire :

- Le texte a-t-il respecté les consignes ? Pourquoi ? - Le texte est-il facile à comprendre ? Pourquoi ? - Le texte est-il assez précis ? N'oubUe-t-il rien d'important ? -Letexteest-ilbienprésenté? -Qu'est-cequ'ilfautmodifier?

159

Les élèves ont travaillé par petits groupes de quatre et leurs réponses aux questions ont été notées. Le plus important ici étant les comportements des élèves, nous ne présen­tons pas les textes produits, mais seulement une analyse, accompagnée de quelques cita­tions, des réponses des élèves aux questions, de manière à dégager des indicateurs correspondant à deux modaHtés de la variable étudiée : destinataire scolaire/destinataire non scolaire (voir tableau ci-dessus).

4.3. VARLiBLES CONSTRUITES PAR LA RECHERCHE Nous en présentoas ici le dernier état, en les classant selon que, dans la recherche-

description, eUes concerneront les aspects contextuete (cf.4.3.1) les aspects spécifiques de l'objetd'etude(cf.4.3.2).

4.3.1. Variables contextueUes Situationsd'écriture : - fréquence et nature des situations d'écriture : situations de production de textes

rares/rédaction hebdomadaire/texte übre /projets d'écriture - types d'écrits àproduire : genres scolaires (rédaction, portrait...)/journaux ou cor­

respondance/écrits fictionnels longs (nouveUes, romans...) ou écrits non fictionnek longs (plaquette scientifique, Uvrets, brochures...)

- réécriture : . non pratiquée/pratiquée . pratiquée aprés/en cours d'écriture

avec/sans consignes précises avec/sans outiLs

- interaction lecture/écriture : . non pratiquée/pratiquée . pratiquée sans/avec objectifs précis . statut des écrits lus : modèles à imiter/objets d'imprégnation/objets d'ob­

servation/objets de transformations (pastiches) . types d'écrits lus : morceaux choisis/textes d'enfants/écrits sociaux non

scolaires. ModaUtés d'évaluation - agent de l'évaluation :

. maître/autoévaluation

. hétéroévaluation/coévaluation - moment de l'évaluation : terminale/intermédiaire - fonctions de l'évaluation : constat/régulation - nature des outils :

^N

. standards/spécifiques

. importés/fabriqués dans la classe Information du maître sur : - l'évaluation (formes et fonctions) : absence/présence de formation - l'écriture, considérée comme : représentation d'une pensée préexistante/expres­

sion de soi/travail sur un matériau "langue" - la linguistique : absence de formation/connaissances en linguistique de la

phrase/sur les typologies et la grammaire de textes/autres

160

- l'apprentissage : séparation des opérations de production et de réception/articula­tion didactique entre opérations de production et deréception dans l'apprentissage de la langue écrite.

4.3.2. Variables concernant les aspects spécifiques. Nature des critères :

- référents théoriques sous-jacents : théorie du style/Unguistique de la phrase/psy-choUnguistique textueUe

- niveau d'entrée Unguistique et unité de texte concernée (cf.tableau en 2.3.2) - norme de référence : bons auteurs/écrits sociaux diversifiés -domaine d'appücation : généraVspécifique à un type de textes -zone d'observation concernée : critères se rapportant exclusivement aux caracté­

ristiques du produit terminal /critères prenant en compte les processus rédactionnels -nature des objectifs d'apprentissage correspondants : imphcites/expUcites, ponc­

tuels/organisés. Explicitation des critères : -degré :

. impUcites/expUcités par le maître/élaborés par les élèves

. expUcités seuk/expticités avec des indicateurs - modaUtés :

. par le maître seul/par les élèvesseuk/par le maître et les élèves conjointe­ment

. à propos de ses propres écrits (autoévaluation) fà propos des écrits d'un pair (évaluation mutueUe)

- mode de référence aux critères : . oralement/avec formulation écrite . occasionneUement/régutièrement, sous forme d'un outil

- nature des outils : sans relation/en relation avec les critères.

5. SYNTHESE DES RESULTATS DE LA RECHERCHE Nous ferons tout d'abord le point des avancées théoriques de la recherche-innova­

tion, en particuher en ce qui concerne le concept de critère (cf.5.1), puis, après avoir ana­lysé certains effets pratiques de la recherche (cf.5.2), nous en exposerons brièvement les perspectives en matière de recherche^lescription et de recherche-évaluation (cf.5.3).

5.1. AVANCEES THEORIQUES : LE CONCEPT DE CRFTERE 5.1.1. Le concept de critère d'évaluation des écrits des élèves

La détermination de critères pour l'évaluation des écrits des élèves met en jeu des fondements théoriques divers (cf. 1.2), mais ces critères ne peuvent pas se réduire à une ap­plication directe des résultats de ces différents types de travaux. Nous avons, au sein du Groupe, essayé d'expUciter lesmécanismes d'élaboration des critères, demanière à diffé­rencier ce concept de concepts voisins ou connexes comme "règles de fonctionnement" des textes, "représentations" (des élèves et/ou des maîtres)... D importe doncde distinguer (cf.tableausuivant):

- un champ linguistique : les descriptions des hnguistiques dégagent des "règles de fonctionnement" des différents types de textes, concernant leurs divers aspects (prag-matique,semantique, morphosyntaxique), manifestées, sous forme de "marques for-

161

meUes", par des traits caractéristiques (système des temps verbaux, lexique, connec­teurs...).

- un champ psycholinguistique : dans le cadre des représentations qu'ils élabo­rent progressivement à l'occasion des processus d'acquisition des conduites langagières (pratiques d'écriture, activités de lecture et d'observationd'écrits), les enfants ont des "re­présentations" tíées aux textes, qui se manifestent par des faisceaux d'"indices de recon­naissance" des divers types de textes et de leur fonctionnement. Ds mettent en oeuvre des connaissances (d'ordre expérienciel) des divers écrits sociaux, des opérations d'écriture plus ou moins conscientes ; ils élaborent progressivement des notions, des concepts déri­vés de leurs observations plus ou moins poussées de ces écrits et de ces opérations.

- un champ didactique : il concerne la définition des "compétences d'écriture" qui sont repérables, dans lesproductions écrites, sous forme d'indicateurs de maîtrise. C'est à ce niveau que se réalise et se manifeste ce que nous appelons "critères d'évaluation".

CHAMP

LINGUISTIQUE

CHAMP

PSYCHO­

LINGUISTIQUE

REGLES DE

FONCTIONNtNENT

ejudyee du Yr fonctionnement •

dee textes

REPRESETfTATIONS

CHEZ L'ENFANT*

DES CONDUITES

LANGAGIERES

CHAMP

DIDACTIQUE

COMPETENCES

D» ECRITURE

A AC$JERIR

TRAITS

CARACTERISTIQUES

' fcK--

' 5 " * f O

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/ s---/ < * ^~tà l Kr

mise en oeuvre_ dea critères

INDICES DE

RECONNAISSANCE

DES DIVERS

TYPES DE TE)CTES

¿

f

INDICATEURS

DE MAITRISE

La détermination de critères d'évaluation utilisables avec/par des élèves, peut être perçue comme le fruit d'une élaboration spiralaire et interactive. EUe résulte d'une construction progressive, régulée par des interventions du maître et les propositions des élèves. Elle intègre, en relation avec des problèmes d'écriture rencontrés et la visée de com­pétences d'écriture à acquérir, des éléments acquis au contact des écrits lus (par imprégna­tion, manipulation, observation, analyse, imitation...).

Ainsi conçu, le critère apparaît, non comme la projection normative d'une règle de fonctionnement linguistique, mais comme le résultat, à un moment donné, de la mise en relation par un individu entre les caractéristiques d'un produit à réaHser, l'image qu'il est capable de s'en faire en fonction de son expérience des écrits et la maîtrise qu'il peut, à son âge, en acquérir (cf. FAYOL, 1986). Cette perspective nous paraît tout à fait Uée aux

162

exigences d'une évaluation fomiative, puisque l'élaboration des critères par lesélèves de-vientpartieintégrantedel'apprentissage.

5.1.2. Perspectives d'évolution de la recherche. Les premiers essais d'innovation, en référence aux principes de l'évaluation forma­

tive et de la ünguistiquetextueUe, étaient orientés vers la recherche de critères concernant les "produits" de l'écriture (les textes). L'un des résultats en est l'étabHssement de listes de critères spécifiques selon le type de texte (cf.2.2.1 et 2.3.1 ). Mais ces Ustes de "critères de réussite" (ainsi désignés parce qu'ils permettent d'apprécier l'adéquation de la pro­duction écrite au type de texte correspondant), même élaborées avecles élèves, (cf.3) s'a­vèrent en partie insuffisantes par rapport aux exigencesfondamentales de l'évaluation formative. Si eUes aident le maître et/ou l'élève à analyser les caractéristiques hnguisti-ques concernant les aspects du fonctionnement des écrits produits, (et en ce sens il convien­drait de les appeler des "critères textuels"), elles ne permettent pas au maître de "comprendre le fonctionnement cognitifde l'élève face à la tâche proposée", ne le rensei­gnent pas "sur les représentations de la tâche formulées par l'élève et les stratégies ou pro­cédures qu'il utilise pour arriver à un résultat" (ALLAL, 1979).

ParaUèlement à l'émergence de ces problèmes, le Groupe a trouvé dans des travaux de psycholinguistes avec qui, comme l'écrit FAYOL(1984), l'intérêt se déplace du "pro­duit -le texte écrit -vers les processus : la composition", des ressources qui ont fait évoluer son cadre de référence théorique (cf.5.3.1). Une connaissance des opérations mises en jeu pour produire un écrit (HAYES et FLOWER, 1980) peut permettre au scripteur de mieux gérer sa production et àl'enseignant de définir de nouveaux heux et de nouveUes modah-tés d'interventiondidactique (BERETTER et SCARDAMALLV, 1982).

Ces éclairages nous poussent à poursuivre la recherche pour déterminer des critères que nous appelons, pour les distinguer des autres, "critères de réaUsation". Les formu­lations des élèves lors des activités d'élaboration de critères montrent qu'üs ne différen­cient pas toujours ce que, sur un plan théorique nous venons de distinguer en "critères de réussite" et "critères de réalisation". Par exemple, en situation de comparaison entre di­vers résultats de prises de notes (équipe de Lozère) (7), un élève de CMl entreprend la hste de "ce qui est valable" ("je mettais des parenthèses, je mettais un tiret, je soulignais les mots importants"...). Les critères d'ordre formel, repérables dans le produit, sont plus fa­cilement maîtrisés que ceux qui concernent la manière de réahser la tâche ("je ne note pas de détails", "je sais ajouter une information à sa place"). A ce stade de notre recherche, nous pouvons dire que :

- une évaluation formative des écrits exige, à côté de critères "textuete" concer­nant les caractéristiques des écrits à produire, des critères "opératoires" relatifs à l'ex-pUcitation des processus rédactionnek ;

- les élèves paraissent sensibles aux premiers avant de l'être auxseconds, mais il ne semble pas impossible de les aider à passer d'une Uste de critères textuek à un outil de travail qui leur permette d'évaluer le produit en cours de production et à régulerainsi leur propre apprentissage. (N'avons-nous pas, d'aiUeurs, induit certaines attitudes ?).

Pour enrichir cette réflexion sur le concept de critère, il faudra en outre explorer : - la piste des "sous-typologies", ouverte par l'équipe d'Alençon qui, pour éviter

le risque de normahsation des hstes de critères pour un type de texte, a "restreint fortement le champ" et, par exemple, est passée "du texte documentaire au documentaire de vulga­risation, et du dépkant pubíicitaire au dépkant pour la vente de kvres par correspondance".

- les problèmes (abordésen particukerparleséquipes de Clermont-Ferrand,de Pri­vas et de Saint-Quentin) posés par la détermination et l'élaboration de critères concernant

163

la cohésion interphrastique : à partir de quel âge les élèves sont-ils sensibles à cette forme de cohésion du texte, quelle place lui accorder dans la maîtrise de l'écrit,... ?

Ces perspectives de recherche ont conduit le Groupe à se donner, grâce à une meil­leure connaissance des processus d'acquisition de la compétence textueUe des divers types d'écrits, teUe que peuvent l'apporter les travaux actuels des psycholinguistes, des outiLs pour analyser les innovations et faire avancer sa conceptuahsation des critères pour une évaluation fomiative des écrits des élèves.

5.2. EFFETS DANS LES CLASSES EN RECHERCHE

Nous avons procédé à une première analyse de quelques effets pratiques de la re­cherche tant sur le comportement évaluatifdes maîtres que le comportement de scripteur des élèves (première amorce de l'évaluation prévue).

5.2.1. Comportement évaluatif des maîtres. Voici un extrait(propose par l'équipe de Bonneuil) d'un entretien entre deux maî­

tres (Ml ne participe pas à la recherche, M2 y participe) à propos de l'évaluation d'un compte-rendu d'activité sportive par un élève :

"Ml - C'est laborieux, mais on sent que le gamin s'est accroché, qu'il est aUé cher­cher des idées, qu'il a fait beaucoup d'efforts. On est confronté à ses hmites, on a quand même envie d'aborder un texte comme celui-là à travers ce qu'il a de bien : l'effort, ce qu'il y a de positif etpuis de dire après, il y a teLs problèmes. Comment faire pour les ai­der à les dépasser ?

M2 - En fait, on ne peut pas évaluer un texte comme ça, sauf si on s'est mis d'ac­cord avec les enfants sur ce qu'est un compte-rendu ; s'ite savent que " aller à l'école, se déshabiUer, s'habiUer"ca ne fait pas partie de leur activité sportive, ils n'en parleront plus et on n'aura pas besoin de leur faire de la peine, ils sauront...

Ml - ça suppose qu'on a travaülé déjà sur le compte-rendu... M2 - Ou qu'on part d'un texte comme ça, justement pour mettre en place un sys­

tème d'évaluation avec des enfants, pour leur faire comprendre ce qu'on attend d'eux". Derrière ces échanges, apparaissent quelques caractéristiques de deux attitudes

par rapport à Pévaluation des écrits des élèves : - les réactions de Ml restent globales : eUes concernent, sans explicitation, "les

idées", "les efforts", les "limites", "ce qu'il y a de positif et aboutissent à une interroga­tion : "Comment faire pour aider à les dépasser ?"

-le travail d'innovation fait dans le cadre de la recherche semble permettre au M2 d'envisager certaines des conditions d'une évaluation formative : exphciter des critères avec les élèves (se mettre "d'accord avec les enfants sur ce qu'est un compte -rendu" ), in-tégrerpratiques d'évaluation et pratiques d'écriture (cf.dernière intervention ).

Cette modification dans le comportement évaluatif des maîtres sera expHcitée par la Recherche-Description (cf.5. 3.2).

5.2.2. Comportement de scripteur des élèves Corrélativement à la transformation des attitudes évaluatives des maîtres, on note

une modification des attitudes des élèves face aux tâches de production écrite. En voi­ci un exemple , à partir d'un document de l'équipe de Poitiers, qui décrit un ateher d'écri­ture dans un CM2 en recherche.

Le but de cet ateher est de faire produire un texte (conte ourécit à partir de mots inducteurs (SOUN le sorcier, Gaké, la houe), extraits d'un album pourenfants. Les objec­tifs du travail sont exphcités (écrire un texte, réutihser les schémas narratifs disponibles),

164

ainsi que les conditions d'exploitation (relecture et analyse des textes, etc.)- Les24 élèves constituent des groupes(de 2 à 4)paraffinites : Thomas (Tho), Thibault (Thi) etBenoît (Be)constituentlegroupeiciobservé.

Le discours de ces élèves en train d'écrire montre qu 'iLs prennent de la distance par rapport à l'activité qu'ils effectuent, par exemple :

- üs réinvestissent des savoirs acquis (titre, mise en page) : . "Be -D'accord, aUons-y pour lerécit... Tu mets un beau titre... Alorsat-

tends... tu laisses la place pasque... tu laisses trois lignes..." - üs se posent rapidement des problèmes de planification :

.'Be -Oui, ça pourrait se passer en Afrique...

. Tho - Vas-y... Oh mais attends ! Avant de se lancer...

. Thi - Oui, il faudrait mettre un peu au point...

.Be-Unthème..." - puis ils discutent du type de texte (récit ou conte merveiUeux ?) :

.'Tho (en réponse à une question de la maîtresse) : Ds veulent faire un récit, mais... Pasque j'avais tout pensé... Galzé c'est unjeune garçon qui trouve une houe magi­que avec Soun le sorcier... ça coUait... mais pour un recit...j'sais pas..."

-ils se mettent d'accord pour un récit merveiUeux, pour lequel il faut choisir l'ob­jet magique. Tho évalue la cohérence sémantique des propositionsde scénario, en oppo­sant ceUe de Thi à la sienne :

. "Tho -C'est une houe magique... Alors moij'ai pensé quec'était Galzé qui trouvait la houe magique et que, là quelqu'un mourait et moi c'était quelqu'un... heu... ce­lui qui possédait cette houe et après Galzé va voir Soun le sorcier pour voir c'que... cette houe... Et il lui répond que c'est une houe pour faire... une houe magiquequi sert à quel­que chose... en fait... on ne sait pas encore à quoi... (...) Et Thibault, c'est pas du tout la même chose... GaLzé trouve la houe et il faitdu bien partout et il sait déjà s'en servir... C'est ça qui est un peuincohérent... Et Soun veut lui prendre..."

5.3. PERSPECTTVES DE LA RECHERCHE

5.3.1. Poursuite de la recherche-innovation Cette première phase de recherche-innovation a produit des avancées et a soulevé

des problèmes didactiques qui nécessitent des essais d'innovation et des observations com­plémentaires, en particuiier sur des problèmes concernant les critères, par exemple :

- conditions et modahtés de l'élaboration des critères avec/par les élèves, c'est-à-dire les opérations psycho-Unguistiques par lesquelles ils construisent peu à peu en cri­tères des (faisceaux de) traits de reconnaissance et/ou de fonctionnement et/ou de production des différents types d'écrits, de textes, de discours ;

- conditions et modaktés de l'utitisation des critères d'évaluation par les élèves au cours du processus d'écriture ;

- rôle, intérêt et ümites de l'explidtation des critères, pour les maîtres et pour les élèves. Nous entendons par là l'état de la représentation qu'Us se font d'un critère et qui peut se manifester à différents degrés ;

- contenus d'enseignement et objectifs d'apprentissage impliqués. Au coeur de tous ces problèmes, se trouve celui de la nature même des critères d'é­

valuation formative, sur lequel il s'avère nécessaire de focaUser la recherche-innovation, pour affiner nos observations, élaborer des outUs plus précis pour les maîtres et les forma­teurs de maîtres et soutenir ou préparer les autres phases de la recherche.

165

L'objectifmajeur de cette nouveUe phase de recherche- innovation est de définir et mettre en cohérence, d'un point de vue didactique, des critères et des indicateurs de maî­trise de la production écrite à différents niveaux de la scolarité élémentaire.

Cette recherche s'appuiera sur les acquis de la phase précédente et sur un cadre théorique enrichi d'apports que nous avons encore peu exploités, en particuUer dansle do­maine de la psychohnguistique textueUe : les études disponibles sont essentieUement consacreesaurecit(ESPERET, 1985,FAYOL, 1985)maispeuventêtretransposéesàd'au-tres types d'écrits ("BuUetin de Psychologie", 1985).

Outre les productions destinées à stimuler et aider ponctueUement les maîtres et les formateurs de maîtres dans leur action quotidienne ("Repères", "Rencontres Pédagogi­ques", publications diverses...), le Groupe se focaüsera sur la production, déjà amorcée, d'un Fichier (cf.2.3.3) qui proposera un trajet pour aider les maîtres à identifier et analy­ser les difficultés des élèves en matière de production d'écrits, des éclaircissements théo­riques, et des outils et procédures expérimentés dans les classes.

5.3.2. Mise en place de la recherche-description L'objectif de la recherche^tescription est de décrire les pratiques des maîtres en

matière d'évaluation des écrits, en ce qui concerne particuHèrement les critères d'évalua­tion.

Ce thème a été choisi, non seulement en raison de l'importance des critères dans l'évaluation des écrits, mais surtout parce que nous postulons qu'ils sont très différencia-teurs des pratiques d'évaluation des maîtres. L'objet d'étude sera la nature des critères, en relation avec le degré et les modafités de leur expUcitation. Nous formulons l'hypothèse que, sur ce point, nos pratiques d'évaluation se distinguent des autres pratiques courantes dans les classes.

Nous procéderons de façon contrastive, en recueiUant et en analysant dans les classes en recherche et dans des classes autres :

- des discours de maîtres à propos de "textes problématiques" (8) soumis à leur éva­luation et des réponses à un questionnaire sur les pratiques évaluatives,

- une séquence de classe consacrée à l'évaluationd'un (ou de plusieurs) ecrit(s)d'e-lève(s).

Si la différenciation didactique évoquée peut être effectivement constatée et décrite, nous pourrons alors engager la dernière phase de la recherche destinée à en évaluer les ef­fets sur les productions et les comportements de scripteur des élèves.

NOTES 1. La problématique de la recherche "Pratiquesd'évaluation des écrits des élèves en classe. Critères, ou­tils, procédures" a été exposée dans le n*6j(1984) et le n*66 ( 1985) de "Repères", qui ont en outre pré­senté des résultats partiels. Le n*73 est consacré à des "Critères pour écrire *. ( 1987) 2. Cf. H. ROMLW et G. DUCANCEL : "Une enquête sur les besoins de recherche en didactique et pé­dagogie du français". "Repères" n* 62(1884) et le chapitre I du présent ouvrage. 3. Cf. M. MAS : "Quandj'entends évaluer, je sors mon crayon rouge". "Repères" n*63 (1984). 4. Documents analysés par C. GAROA-DEBANC : "Comment évaluer les productions écrites des élèves" in "Rencontres Pédagogiques" : "Communiquer ça s'apprend", ïïiRP (1986). 5. Cf. "Repères" n°66 (1985). 6. Cf. G. TURCO : "Elaboration et utilisation d'un outil d'évaluation formative des écrits des élèves, classer/agir","Repères"n°71(1986). 7. Cf. C. GARQA-DEBANC : chapitre de "Rencontres Pédagogiques" cité ci^fessus (note 4) et "Pro­positions pour une initiation méthodique à la prise de notes" in "Pratiques" n° 48 (1985). 8. Deux séries de 4 textes ont été constituées, l'une pour les maîtres du cycle d'apprentissage, l'autre pour ceux du cycle moyen. Chacun comporte deux textes fictionnels etdeux textes non-fictionnels, choi­sis pourles probfèmes d'écriture et d'évaluation qu'ils peuvent poser.

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ANNEXES

I - COMPOSrriON DV GROUPE DE RECHERCHE

1. Responsables : GARCLV-DEBANC Qaudine, 3eme Cycle (Unguistique), professeur à l'Ecole Normale de Mende.

LEBRUN Bernard, directeur d'Ecole d'Apphcation, Saint- Quentin.

MASMaurice,professeural 'EcoleNormatedePrivas .

2. Membres du Groupe : BAÜJLY Fadette, professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. de Bonneville.

DEVANNE Bernard, DEA (Sciences de l'éducation), professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l 'E.N. d'Alençon.

FOURDRAJN Michèle, C.P.A.I.D.E.N. et l'équipe du secteur d'Albert, circonscription de DouUens (80).

GADEAU Josette, I.D.E.N. et l'équipe de la circonscription de Fontenay-le-Conte.

G A R C ^ - D E B A N C Qaudine et l'équipe de Lozère.

LASSALAS Paulette, directrice d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. de Poitiers.

LEBRUN Bemard et l'équipe de l'Ecole Eugène Corette à Saint-Quentin.

MAS Maurice et l'équipe de l 'E.N. de Privas.

RECOURCE Janine, professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. de Bonneuil.

RD^GOT Colette, C.P.A.I.D.E.N. et l'équipe de la ZEP de Ham, circonscription de Péronne (80).

SEGUY André, professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. d*Agen.

TAUVERON Catherine, professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. de Clermont-Ferrand.

TURCO Gilbert, 3eme Cycle (stylistique), professeur d'Ecole Normale et l'équipe de l'E.N. de Rennes.

3. Consultant scientifique : FAYOL Michel, professeur de psychologie à l'U.E.R. de Sciences Humaines, Laboratoire de Psy­chologie de l'Université de Dijon.

I I - P U B L I C A T I O N S D E S M E M B R E S D U G R O U P E D E R E -C H E R C H E

Nous donnons ici une hste de pubhcations scientifiques én relation avec le thème de la re­cherche :

B A E X Y F. (1987) "Y'a des écritures... ü faut hre", "Repères" n°73, INRP

BEAUTE J. (1987) "Vers un essai de typologie", "Repères" n°73, ttïRP

DELAGE F., FLEURY P., GADEAU J. (1987) "Des critères, des outils... une gestion tâtonnante", "Repères"n°73,n^RP GADEAU J. et DELAGE F. (1985). "Evaluer des écrits informatifs dans un CM parconfrontation avec les attentes du destinataire", "Repères" n°66, D^RP

GARCDV C , LEBRUN B., MAS M. (1984). "Une autre évaluation des écrits des élèves, pour une autre pédagogie deTécriture", "Repères" n°63, JNRP

GARCIA-DEBANC C. (1984). "Une évaluation formative en pédagogie de l'écriture", "Pratiques" n°44. GARCL^DEBANC C. (1985) "Propositions pour une initiation méthodique à la prise de notes", "Pratiques" n°48

GAROA-DEBANC C. (1986) "Processus rédactionnels et pédagogie de l'écriture", "Pratiques" n°49 GARCL\-DEBANC C. e tMAS M. (1985) "Où en est la recherche- innovation ?","Repères" n°66, ttJRP

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GAROA-DEBANC C. et ROGER C. (1986) "Apprendre à rédiger des textes exphcatifs", "Prati-ques"n'51 GARCHA-DEBANC C. (1985) "Voulez-vous jouer avec nous ? ou quand la communication de rè­gles de jeux motive la réécriture", "Repères" n°66, JNRP GAROA-DEBANC C. (1986) "Comment évaluer lesproductions écrites des élèves ?", "Rencon­tres Pédagogiques" n° 11 : "Communiquer ça s'apprena', Paris, JNRP. GAROA-DEBANC C. et MAS M. (1988) "Evaluation des productions écrites", dans "Appren­dre/enseigner à produire des textes écrits", BruxeUes, De Boeck. GAROA-DEBANCC. et MAS M.(1987) "Evaluation desproductionsdesélèves", "Enjeux"n°ll. CEDOCEF, Facultés Universitaires de Namur, Belgique. LASSALAS P. (1982) "La poésie dans la vie de la classe", in G.Jean et al. "Poésie pour tous", Pa­ris, ETOP-Nathan. LASSALAS P. et CHAUVtti P. (1980) "Ecrire : le geste et le sens", Paris, Nathan. LASSALAS P. (1985) "Le temps de Tévaluation", "Repères" n°66, JNRP LASSALAS P. (1987) "Engrenages... Engrenages", "Repères" n°73, DSRP LEBRUN B. (1979) "Fonctionnement de la coordination dans le langage écrit des enfants". "Re­pères" n°52, JNRP LEBRUN B. (1979) "Progression thématique et mise au point de texte", in "Repères" n°55, DSRP LEBRUN B. ( 1981) "Enquête sur le fonctionnement de la coordination dans les productions écrites des enfants", in "Biían de cinq années de recherche (1975-1980)", Paris : frJRP. LEBRUN B. (1984) "Reflets d'évaluation dans le miroir d'un texte", in "Repères" n°63, EvIRP MAS M. (1979) "Enseignants, qu'attendons-nous des textes des enfants ?" in "Repères" n"52, JNRP MAS M. ( 1981) "Savoir écrire au CM", in "Pour une description des pédagogies de Fécrit à Fécole élémentaire", "Cahiers du CRELEF' n° 12, Université de Besançon. MAS M. (1984) "Quand j'entends "évaluer", je sors mon crayon rouge", "Repères" n°63, JNRP MAS M. (1985) "L'évaluation de la cohésion interphrastique. De laprogression thématique à l'éla­boration d'outils", "Repères" n°66, D*JRP MAS M. (1987) "Hors des critères, point de salut", "Repères" n°73, DSRP RECOURCE J. ( 1987) "Mise en place et évolution du concept d'information du CP. au C.M.", "Re-peres"n73,DSRP RECOURCE J. et SLAMA P. (1985) "Le compte-rendu : des outils d'apprentissage", "Repères" n°66, JNRP RBSGOT C. (1966) "Bonjour les correspondants", "Repères" n°66, JNRP RENGOT C. et GAROA-DEBANC C. (1987) "Du besoin de critères à l'observation d'écrits so­ciaux", "Repères" n°73, DSRP SEGUY A. (1966) "Deux moments d'échanges classe à classe", "Repères" n°66, D îRP SEGUY A., SORTI J., MONDER F. ( 1987) "Utüisation des critères. Les moments se suivent et ne se ressemblent pas", "Repères", n°73, JNRP TAUVERON C. ( 1987) "Une histoire à problèmes", "Repères", n°73, JNRP TAUVERON C. (1986) "Entrée dans les possibles narratifs au CEl", "Repères" n°66, JNRP TAUVERON C. (1987) "Elaboration et utüisation d'un outil d'évaluation formative des écrits d'é­lèves : produire/réguler", "Repères" n°71, JNRP TAUVERON C. (1987) "On ne sait pas de quituparles", "Reperes",n"73, JNRP TURCO G. (1986) "Le château ou comment construire un texte de sable avec une peUe et un seau", "Repères"n°66,ttiRP TURCO G. (1987) "Elaboration et utüisation d'unoutil d'évaluation formative des écrits d'élèves : classer/ag^r""Repères"n°71,D^RP.

168

ffl - BIBLIOGRAPHIE SOMMASRE DE LA RECHERCHE

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REVUES

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"LANGUE FRANCAKE" : - "Enseignement du récit et coherence du texte", n°38. Paris, Larousse (1978). - "La pragmatique", n°42. Paris, Larousse (1979). - "La typologie des discours", n°74. Paris, Larousse (1987).

"PRATIQUES": - "La rédaction", n°29 (1981). - "L'évaluation", n°44 (1984). - "Les écrits non fictionnels", n°48 ( 1985). - "Les activités rédactionneUes", n°49 ( 1985). -"LestextesexpUcatifs",n"51(1985).

"RENCONTRES PEDAGOGIQUES" E^RP : -"Communiquer,cas'apprend"(1986). - "Problèmes d'écriture" ( 1988)

"REPERES", ttTCP : - "fls écrivent... comment évaluer ?", n°63 (1984). - "Des pratiques langagières aux savoirs", n°65 (1985). - "Des outils et des procédures pour évaluer les écrits", n°66 ( 1985). - "Problèmes langagiers", n°70 (1986). - "Construire une didactique", n°71 (1987). - "Des critères pour écrire", n°73 (1987).

V -APPRENDRE EN RESOLVANT DES PROBLEMES A l'école materneUe et élémentaire, résolutions de problèmes concernant

les faits de langue, de discours, et les situations de communication : stratégies des élèves et démarches des maîtres.

GübertDUCANCEL

1 - PROBLEMATIQUE BVITIALE

L'ordre d'exposition ici adopté est celui de la construction collective de la problé­matique du Groupe.

1.1 - CONSTATS : DES ACTIVITES METALINGUISTIQUES COUPEES DE LA COMMUNICATION ; GUERE D'ENSEIGNE­MENT VKANT LES APPRENTESSAGES LANGAGIERS

La recherche du Groupe "Résolutions de problèmes de français" est partie d'un double constat. Les activités métalinguistiques coupées des activités de communication continuent d'occuper la première place dans l'enseignement du français. Les activités de communication, quant à elles, ne donnent pas lieu à des interventions magistrales cohé­rentes et favorisant au mieux les apprentissages langagiers visés.

Les activités métalinguistiques sont le plus souvent menées pour elles-mêmes, sans lien avec les difficultés ni les différents savoirs des élèves. EUes s'organisent et se succè­dent à partir d'une analyse et d'une segmentation a priori de l'objet d'étude. Celui-ci est borné, pour l'essentiel, à la syntaxe et à l'orthographe. Le niveau des discours (énoncia-tion, parexemple), des textes (cohérence, cohésion,...), celui des situations de communi­cation (caractéristiques, visées, ...) ne sont pas pris en compte. Les activités métalinguistiques donnent le plus souvent lieu à une explication-démonstration du maître, pendant laquelle les élèves ont surtout à "suivre" son discours, ses mises en relation, ses déductions, puis à faire des exercices d'appUcation, ce qui est censé leur apporter à la fois des connaissances sur la langue, la méthode d'analyse de celle- ci, et des savoir-faire lan­gagiers.

La question des apprentissages langagiers est généralement évacuée. Dans la plu­part des cas, le maître construit des situations d'oral et d'écrit (raconter teUe sortie ; ima­giner sa vie d'adulte ; ...) qui sont censées permettre le réinvestissement de ce qui a été enseigné dans les leçons de grammaire et d'orthographe et la correction magistrale des fautes. D'autres maîtres, moins nombreux, s'efforcent de pratiquer une pédagogie de pro­jets qui permet des activités de communication fonctionneUes et variées. Mais, dans tous les cas, le silence est fait sur le processus des apprentissages langagiers. Même quand on dit, àjuste titre, qu'on apprend à parler en parlant, à écrire en écrivant, on ne dit pas com­ment cela se passe, ni queUes attitudes et comportements magistraux aident ces apprentis­sages.

1.2 - APPRENDRE EN RESOLVANT DES PROBLEMES, EN PRA-TIQUANT ET EN OBJECTIVANT LES PRATIQUES

A partir de ces constats, le Groupe s'est proposé d'abord d'éclairer cette "boîte noire". De nombreux travaux de psychologie de l'apprentissage et des recherches en di­dactique dans des champs voisins du nôtre l'ont conduit à penser que les élèves appren­nent àparier, à Ure et à écrire, en résolvant les problèmes que leur posent leurs activités à

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l'école. D y a problème quand la réponse à une consigne, l'exécution d'une tâche, ne vont pas de soi, ne s'effectuent pas de routine. Il s'est donc proposé d'expérimenter et d'analy­ser un ensemble de modalités de traitement didactique des difficultés des élèves visant l'é­mergence et la résolution coUectives des problèmes sous- jacents. Le dénominateur commun de ces modaütés lui a paru de plus en plus clairement au cours de la recherche être la dialectique entre pratiqueset objectivation des pratiques : on apprend en faisant et en se décentrant, en analysant, en objectivant, en évaluant ce qu'on fait. U s'est efforcé, en conséquence, d'expérimenteret d'analyserdifférents types de résolutions de problèmes de français en relation avec les différents types de savoirs visés en français et, plus largement, dans l'ensemble des activités à l'école. Le Groupe ne disposait pas d'une typologie des problèmes de français ; son élaboration était un des objectifs de la recherche.

1.3 -SITUATIONS D'EMERGENCE ET DE RESOLUTION DES PROBLEMES DE FRANCAK : EN STTUATION DE COMMUNI-CATION FONCTIONNELLE ; HORS SITUATION DE COMMU-NICATIONFONCTIONNELLE

Les premiers essais de mise en oeuvre d'un enseignement du français par résolu­tion de problèmes et l'analyse de ces essais ont conduit le Groupe à distinguer activités fonctionneUes de communication et résolutions de problèmes différées.

1.3.1 - Les activités de communication fonctionnelles EUes répondent aux besoins, aux désirs, aux attentes, aux intérêts des élèves, indi-

vidueUement ou collectivement, engagés dans la réaHsation de leurs projets. Du point de vue des élèves, eUes ne visent pas d'abord l'acquisition de savoirs langagiers et linguisti­ques, eUes se suffisent à eUes-mêmes, ont leur fin en eUes-mêmes. Cependant, ce sont bien elles avant tout qui assurent l'acquisition de savoirs pratiques, expérienciels, qui sont le fondement sur lequel se construisent les savoirs opératoires et les savoirs conceptuels.

Ces activités ne surgissent pas spontanément. EUes naissent du projet pédagogique du maître qui prend en compte le groupe en tant que tel et favorise ses échanges avec toutes les composantes de l'environnement, et qui, surtout, prend en compte les savoirs langa­giers, l'expérience langagière des élèves en fonction des objectifs qu'il poursuit et des in-teractionsentrecesdifférentsfacteurs.

Au premier rang figure l'objectif de "Ubération de la parole", qui repose sur l'af­firmation que "le langage ne se crée qu'en fonctionnant ; il se module et se diversifie en fonction des différentes situations de communication et d'expression dans lesqueUes il est engendre".(F.Best-1978).

Dans les activités fonctionneUes, la mise en problèmes des difficultés et leur réso­lution passent par leur prise de conscience, leur analyse et l'inventaire des savoirs perti­nents et des solutions possibles. La résolution en situation est rapide, car ce qui importe, c'est la poursuite et la réussite de l'activité entreprise. EUe n'est pas entièrement expUcite. EUe est ponctueUe dans la mesure où eUe est attachée à ce fait de langue ( par exemple : homophonie^étérographie), de discours (par ex : décodage des marques enonciatives),de communication (qui dit quoi à qui...).

D faut d'emblée souUgnerque les activités fonctionneUes de communication ne sont pas seulement le Ueu de résolutions locales et ponctueUes de problèmes langagiers. Nom­bre d'entre eUes confrontent les élèvesà des situations et àdes tâches qui sont tout entières, ou en grande partie, problématiques. U ne s'agit plus seulement de résoudre tel outel pro­blème circonscrit. L'activité ne peut réussir que si l'on prend conscience du nombre de problèmes complexes qu'eUe pose et des niveaux linguistiques où Us se posent. C'est le cas des activités de lecture et d'écriture : la réussite de la tâche passe par la résolution de

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problèmes souvent interdépendants ayant trait à la situation de communication, au discours et au texte , à la langue. Ces activités nécessitent un transfert plus ou moins grand des sa­voirs acquis. Le transfert est partiel quand on écrit une lettre "administrative" alors qu'on n'a pratiqué jusqu 'alors que la correspondance scolaire. Plus éloignée des savoirs anté­rieurs, l'écriture d'un compte-rendu d'observation scientifique alors qu'on n'enajamais fait... D faudra élucider la situation, se démarquer d'autres types de textes qu'on a déjà pra­tiqués (le récit, par exemple), et écrire, évaluer, réécrire...

1.3.2 - Dans les résolutions de problèmes différées par rapport aux activités de communication fonctionnelles

Un sort est fait à un problème, soitparce qu'il ne peut se résoudre complètement et expücitement en situation, soit parce qu'il est commun à beaucoup d'élèves, soit parce qu'il a suscité un fort étonnement, un fort intérêt, soit, enfin, parce qu'il correspond à un objectifmajeur du maftre.(Un exemple parmi d'autres : la gestion des signes de ponctua­tion ayant posé problème dans les précédentes activités d'écriture). Ce problème ne vient pas nécessairement de l'activité fonctionnelle immédiatement précédente, mais s'il n'a au­cun lien avec les activités fonctionnelles de communication passées et/ou projetées, il court le risque d'être dépourvu de signification pour la plupart des élèves.

Ces résolutions de problèmes sont aussi explicites et complètes que possible. EUes sont menées selon la démarche expérimentale des activités scientifiques. EUes donnent lieu à expression, communication et mise en cause des savoirs et représentations antérieurs, à coUecte de données, observation et opérations sur ceUes-ci, mises en relation de faits, re­cherche de régularités. Les progrès de ces résolutions sont marqués par des formulations successives et rectifiées d'hypothèses et de solutions. On aboutit à la formulation d'inva­riants (catégories, propriétés, relations...) dépassant la singularité et la diversité des occur­rences prises en compte, et qui ne sont pas seulement de l'ordre des codages finguistiques, mais aussi de ceux des textes, des discours et de la communication.

Il est apparu au cours de la recherche (voir en particulier 3.1 et 3.5 ^u' i l convenait de distinguer, de plus, des activités décrochées , dont la dynamique est, cette fois, avant tout ceUe de l'objet d'étude lui-même.

1.4 - CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE ET ETAT DE LA QUESTION EN DIDACTIQUE

Le cadre théorique et l'état de la question sont constitués par les recherches en psy­chologie, en linguistique et en didactique qui permettent de cerner la notion de problème et de problème de langage, d'en avoir une première typologie, d'interpréter les résolutions de problèmes, de préciser les apprentissages langagiers réaHsés et, enfin, de situer la pré­sente recherche par rapport aux autres recherches en didactique afin d'en soufigner les points de rencontre majeurs. Nous n'évoquons ici que les travaux, les notions et concepts qui ont effectivement été utilisés et didactisés dans la recherche.

1.4.1 - Notion de problème D s'agit d'un thème fréquenten psychologie cognitive. Les définitions y sont

convergentes. Retenons ici ceUe de RicheUe et Droz (1976) :"U y a problème lorsque le sujet ne dispose pas immédiatement d'une réponse de routine applicable à la situation " .

Les concepts de conflit cognitif, de conduites d'assimilationet d'accommodation formulés par Piaget, ou à partir de ses travaux, permettent de comprendre qu'U y a pro-blèmequand des difficultés, des obstacles ne peuvent être surmontés parl'assimUation des données aux structures cognitives existantes. La résolution est celle d'un conflit entre as-simUation au connu, à l'acquis, et accommodation de ceux-ci à l'inédit, au nouveau, à l'in-

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connu. Ce conflit et sa résolution sont donc les moteurs des apprentissages qui résultent de l'équiHbration réalisée (J. Piaget, 1936 ; Tran-Thong, 1967).

Les psychologues ont étudié et décrit, dans une perspective génétique ou non, les résolutions de problèmes en général (S. Eriich, 1975), appliquées à l'apprentissage d'ob­jets techniques (P. Mouloud, 1970) ou même aux "savoirs et savoir-faire psychologi-ques"(P. Oléron et coU., 1981). Certains d'entre eux ont pris comme objet d'étude le langage.

1.4.2 - Problèmes de langage Les travaux tant anglo-saxons que francophones sur l'apprentissage de la mémoire

(S. Erlich, 1975 ; Bulletin de Psychologie, 1976) ont surtout renouvelé le cadre théorique d'analyse des résolutions de problèmes (1.4.4-ci-dessous). Hs ont cependant attiré l'atten­tion sur les conflits entre connaissances verbales et sémantiques des sujets et variables si-tuationneUes, sur la part respective des compétences syntaxiques et des compétences sémantiques dans la compréhension, sur la distinction entre structures cognitivo-Unguisti-ques permanentes et structures circonstancieUes liées à chaque situation, sur la construc­tion et l'évolution de prototypes et de "formes" prototypiques, matrices et opérateurs des systèmes de structures mobilisés dans l'effectuation d'une tâche.

D'autres recherches se sont efforcées de mettre au point et d'expérimenter des mo­dèles du locuteur et de la locution (G. Noizet, 1981), ou encore de l'émission et de la ré­ception (J. Beaudichon, 1981). Noizet comme Beaudichon proposent des modèlesen boucles. Chaque unité de traitement de l'information, tant en réception qu'en production, comporte des sous-systèmes qui gèrent les conflits éventuels entre les informations reçues ou mobuisëes, et les connaissances et les catégories du sujet stockées en mémoire, entre les inférences et les hypothèses présidant à la production d'un acte verbal de réception (compréhension) ou d'émission, entre structures Unguistiques formeUes et structures sé­mantiques des représentations, entre l'énoncé compris ou produit et celui qui est soumis au sujet ou projeté par lui. J. Beaudichon insiste sur le caractère interactifde l'émission et de la réception, sur les difficultés et les problèmes qui peuvent naître, non seulement de la maîtrise du référent, de l'identification des caractéristiques de la situation et des compé­tences de chaque sujet, mais encore des décalages entre partenaires de la communication verbale sur ces trois plans. EUe insiste également sur le fait que, par exemple, c'est non seulement la comparaison entre l'énoncé produit et l'énoncé projeté en fonction de l'ana­lyse de la situation, des effets visés, etc ... qui provoque une auto^valuation pouvant en­clencher un nouveau cycle de base d'émission (ou l'arrêt de l'interaction), mais que ce sont aussi les feed-backs verbaux et non-verbaux du partenaire qui entrent en compte, et qu 'üs dépendent des mêmes variables.

Des tinguistes travaülent eux aussi sur la dimension fondamentalement interactive et dialogique de la réception comme de l'émission. Cela les conduit, comme M. CharoUes (1981 ; 1983) à se préoccuper des procédures et stratégies des sujets parlant, Usant, écri­vant, et à en souUgner la complexité. En particuUer, des problèmes naissent (et sont à ré­soudre) de la coexistence nécessaire d'informations et d'indices prélevés au niveau discursif, d'autres au niveau de la cohérence d'ensemble des textes, d'autres encore aux niveaux interphrastique et phrastique. F. François et son équipe (1982 ; 1983) analysent desdialogues,enparticuUerd'enfants. Ch. Hudelot(1985)souUgnequ'ilya"miseenmots relativement à un discours antécédent, qu'ü soit manifeste dans le dialogue en train de se produire, ou impUcite au regard des discours habituellement tenus ou de ce qu'on peut convenir d'appeler le discours intérieur" (après les psychologues soviétiques Luria et Vy-gotsky). On imagine toutes les distorsions, tous les dysfonctionnements qui peuvent en

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provenir. La compréhension dépend de la prise de conscience et de la résolution des pro­blèmes correspondants. Ch. Hudelot étudie de près ce que J.S. Bruner (1983) appeUe les "étayages langagiers" des adultes dans les dialogues enfants-adultes en vue de la réussite de ces dialogues et de la compréhension des enfants. La réussite dépend de la capacité de l'adulte à rester dans la "zone proximale de compétence verbale de l'enfant". C'est-à-dire que, pour que les problèmes de compréhension et de progression du dialogue soient réso­lus par l'enfant, il faut qu'il puisse suffisamment s'appuyer sur ses propres compétences. Ceci dit, les moyens de l'étayage sont variés, discursifs (place discursive de l'adulte : ré­ponse, relance, poursuite, e tc . ) , thématiques (reprise de thèmes de l'enfant, introduction de thèmes voisins, e tc .) , syntaxiques (reprises en écho, reformulations, etc.)...

1.43 - Types de problèmes Le Groupe s'est efforcé, dès le début de la recherche, d'expüciter deux principes

typologiques, l'un d'ordre linguistique, l'autre d'ordre procédural. Les problèmes de français très variés que les élèves peuvent rencontrer renvoient à

différentes entrées linguistiques : ceUe de la langue comme système, celle des discours et des textes, ceUe des situations et des enjeux de la communication. Mais souvent, dans une activité donnée, il y a interférence entre ces entrées.

Du point de vue des procédures, les problèmes de communication, de discours et de textes sont des "problèmes mal définis", selon la terminologie de Minsky (Rouquette, 1973). Ik ne peuvent en effet se résoudre selon une procédure algorithmique, unique et en­tièrement prévisible, et la solution ne peut être dite correcte ni incorrecte. Par exemple, il n'y a pas un seul "bon" récit ni même "bon" type de récit répondant à un projet d'écriture narrative. Par contre, les problèmes de langue sont mieux définis. Cependant, on ne peut allerjusqu'à dire qu'ils sont "bien définis", la recherche l'a montré. Certes, il y a assez souvent une solution et une seule. Mais résoudre, par exemple, des problèmes d'ortho­graphe, c'est d'abord situerjudicieusement la difficulté rencontrée dans le pluri- système graphique, repérer et activer les principes graphiques adéquats, choisir la ou les procédures adéquates, énoncer les règles opératoires (et toujours provisoires) auxqueUes on a abouti.

1.4.4 - Résolutions de problèmes La psychologie cognitive propose trois interprétations des comportements de réso­

lution de problèmes. La première est dite par "essais et erreurs". Le tâtonnement y est largement aléa­

toire. Cependant, il peut aussi être dirigé, même chez les animaux, par les apprentissages antérieurs. Au niveau des conduites "raisonnables",la direction des essais implique le pro­cessus même de l'hypothèse quant à la valeur d'un objet oud'un acte comme moyen de résolution (G. de MontpeUier, 1949).

La seconde est dite par "découverte soudaine de la solution". Certains auteurs pen­sent que le sujet procède à une exploration intériorisée de la situation. D'autres supposent que la réflexion conduit à une soudaineréorganisation cognitive qui permet de saisir la so­lution, cachée jusqu'alors (P. Greco, 1963,1975-76).

La troisième s'efforce d'englober les deux autres en reformulant la résolution de problèmes à la lumière des travaux sur la mémoire et l'apprentissage. (S. Ehrlich, 1975). Elle a été particuHèrement féconde pour notre recherche. Le sujet doit, àpartir du contexte de la tâche, des caractéristiques de ceUe-ci et des objets concernés, chercher en mémoire des informations, des concepts, des règles utiles et les composer correctement. La struc­ture ainsi composée sert de base opératoire à la recherche de la solution : le sujet peut anti-

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ciper les résultats, passer à l'exécution de la tâche et en contrôler le déroulement.Quand la solution est correcte, la structure est renforcée, et sera plus disponible à l'avenir. Quand eUenel'estpas,eUeestrectifiee.

On voit que le sujet doit élaborer une stratégie. En particulier, il fait des prévisions, des hypothèses, des calculs qui dépendent, entre autres, des expériences et des apprentis­sages antérieurs, de la familiarité de la tâche, des structures mobilisées en mémoire, de l'estimation des "coûts" et des "gains".

Cette troisième interprétation a paru au Groupe présenter un grand intérêt pédago­gique mais aussi didactique. En particuüer, elle souligne l'intérêt qu'il y a à ce que les tâches à accomplir aient pour contexte des activités de communication fonctionnelles si­gnifiantes et clairement analysables, et qu'eUes soient coUectives afin que la mobiksation, la comparaison, l'essai, la critique et la modification des propositions individueUes soient favorisées.

Cela confirme notre option initiale selon laqueUe les objectifs d'enseignement du français visent à la fois les contenus sous-jacents aux types de problèmes pris en compte et la stratégie de prise de conscience, de formulation et de résolution de ces problèmes.

1.4.5 - Nature des apprentissages Le propre des résolutionsde problèmes est de lier apprentissages de savoir-faire et

apprentissages "sur" ces savoir-faire et ces résolutions de problèmes. Cela existe, dès le plus jeune âge, chez les enfants, en matière d'apprentissages verbaux (S. Bredard et J.A. Rondal, 1982).

Il est devenu classique de distinguer les comportements et les savoirs épi-langagiers et épi-linguistiques, qui ne sont pas verbalisés, qui ne donnent pas lieu à un discours dont le référent soit eux-mêmes, et les comportements et savoirs méta-langagiers et méta-lin-guistiques qui donnent heu à un tel discours (A. CulioU, 1975-76).

La distinction posait cependant auGroupe une double question. Les savoirs "épi", surlesquels se fondent les savoirs "méta", sont, pardéfinition, moins facilement appréhen-dables. Comment les mobifiser et les observer, afin d'ancrer les résolutions de problèmes dans les savoirs langagiers ? Et comment conduire les élèves à en prendre conscience et à les verbaliser ? Ce passage au niveau "méta" paraissait, en effet, nécessaire à l'apprentis­sage de savoirs opératoires, voire conceptuels. Rappelons, enfin, que le Groupe posait que les apprentissages "méta" ont leur dynamique propre, qui sous-tend en partie les résolu­tions de problèmes différées par rapport à la communication fonctionneUe, et complètent les résolutions décrochées de ceUe-ci. Les référents théoriques confirmaient par ailleurs que les savoirs acquis par les résolutions de problèmes sont de l'ordre des pratiques lan­gagières, de celui des procédures et méthodes de résolutions de problèmes, de celui des connaissances de la langue, des textes et des discours, des situations et des enjeux de la communication.

1.4.6 - Résolutions de problèmes et recherches en didactique : état de la question en 1982

Les travaux des psychologues et des linguistes offrent des cadres théoriques et des approches méthodologiques indispensables. Mais, en général, ite ne choisissent pas la salle de classe comme terrain et ne posent pas la question de variables pédagogiques et didac­tiques déterminant les résolutions de problèmes. Le Groupe s'est donc tourné vers les re-cherchesendidactiqueexistantes.

Les équipesWRP de recherche en didactique des Mathématiques insistent sur l'im­portance qu'üy a àanalyser soigneusement la tâche à laqueUe sont confrontés les élèves

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et les stratégies de résolution qu'Us mettent en oeuvre, EUes montrent aussi comment dif­férents savoirs y interfèrent positivement et négativement. Cependant, leur acception du terme de problème se timite à ceUe d'une construction discursive comprenant des éléments tinguistiques, arithmétiques et de "connaissance du monde". (GiHis et Vauday, 1982).

D y a longtemps que les équipes INRP de recherche sur l'enseignement des Sciences expérimentales se préoccupent des résolutions de problèmes scientifiques (Esciex, 1973). Elles s'intéressent "au point de départ, au tâtonnement individuel, au rôle de la communi­cation, aux démarches scientifiques, à l'intégration et à l'apphcation de l'acquis". EUes distinguent activités fonctionneUes, activités heuristiques ou de résolution de problèmes scientifiques, activités systématiques ou de structuration. EUes distinguent aussi appren­tissages incidents, apprentissages de démarches et de savoirs scientifiques en spécifiant leurs Uaisons (Esciex, 1976 ; 1980 -Esciex et Unité Français, 1983).

Leur approche des résolutions de problèmes paraissait particuhèrement pertinente et stimulante pour le Groupe. U restait, bien sûr, à souHgner la spécificité des problèmes et des résolutions de problème de français à l'école.

Sur ce plan, la recherche en didactique du français ne partait pas de rien. De 1976 à 1980, un Groupe de l'Unité de recherche français de l'INRP avait pour thème de re­cherche "Analyse de la langue : activité d'éveU scientifique" (C. Nique, 1979). Il s'agis­sait de conduire l'analyse des faits de langue selon la démarche expérimentale (Unité Français, "Repères". n° 47, 1977 -n° 55,1979). Les apprentissages visés concernaient la "maîtrise du fonctionnement" de la langue, les attitudes et démarches scientifiques, et les connaissances sur la langue comme système. Mais ce Groupe ne travaiUait que sur des ré­solutions de problèmes hors des activités de communication fonctionnelles. D'autre part, ils'en tenait aux problèmes de langue (syntaxe, morpho-syntaxe et orthographe, essentiel­lement). Cette centration était commune à toutes les recherches en didactique du français de la même époque, les travaux de linguistique textueUe n'ayant pas encore eu beaucoup de retombées en la matière.

Tout en s'inscrivant dans la continuité de cette recherche, le Groupe rappelait qu'il voulait élargir son investigation aux problèmes de textes, de discours et de communica­tion. Il notait, en particutier, que les apprentissages qui s'y construisent et qui développent les compétences à communiquer verbalement et à tenir discours sont les matériaux avec lesquels on peut construire les apprentissages de méthode et de connaissance dans les ré­solutions des problèmes "différées" et "décrochées".

1.5. HYPOTHESES D'ACTION POUR LES CLASSES ENGAGEES DANS LA RECHERCHE-F4NOVATION DU GROUPE

Le Groupe a énoncé quatre hypothèses d'action, qui ne pouvaient qu'être globales au départ, et que la recherche devait et a permis de préciser et de spécifier.

Une première hypothèse concernait les situations d'émergence et de résolution des problèmes langagiers, la nature de ceux-ci et les objectifs d'apprentissage visés : "une pédagogie des projets suscite des activités de communication, de discours et de langue, dont la résolution coUective accroît les savoir-faire langagiers et les savoirs méta-langa-giers correspondants".

Une seconde hypothèse concernait le tien de ces situations et de ces résolutions avec les résolutions différées, la spécificité de celles-ci et les apprentissages visés : "ces mêmes activités peuvent susciter, directement ou indirectement, des activités de résolution de problèmes différées, qui développent de surcroît des attitudes, méthodes et savoirs heu­ristiques, par une approche semblable à celle des activités d'éveU scientifiques".

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Une troisième hypothèse concernait le rôle du maître : pourl'émergence et la ré­solution de problèmes "le maître (...)enparticuher, favorise la prise de conscience des don­nées, des alternatives, des possibles, dans les activités fonctionnelles, apporte des informations, suscite la mise au point de stratégies, aide aux mises en relation et aux for­mulations dans les résolutions différées".

Une quatrième hypothèse concernait la structuration des apprentissages des élèves : "ces deux types de résolution de problèmes de français structurent, avec d'autres activités de français menées de manière cohérente avec eUes, les différents apprentissages. Cette structuration se manifeste par des indices comme la mobilisation, en situation de communication, d'ensembles de savoirs de différente nature, leurtransfert à des situations inédites...".

2 -DYNAMIQUE DE LA RECHERCHE : des hypothèses d'action aux hypothèses de recherche ; de la démarche aux contenus d'ensei­gnement

L ' analyse de la dynamique qui a été ceUe de la recherche "Résolutions de problèmes de français", depuis la mise au point du programme, eUe-même issue d'une phase d'infor­mation, de problématisation, d'explicitation qui constitue une (pré) recherche en soi, jus­qu'à la rédaction du rapport concluant les premières années de sa mise en oeuvre, vient soutenir le principe méthodologique générai formulé dans l'introduction aux programmes de 1' Unité de Recherche Français (H. Romian, 1984).

Lepropre d'une recherche-innovation en didactique du français est de se constituer comme recherche "en marchant", à partir de projets et de pratiques initiaux relevant d'a­bord d'une logique de l'innovation, et comme recherche en didactique, à partir d'une pro­blématique d'abord centrée surla démarche d'enseignement/apprentissage.

Ces deux centrations initiales sont attestées, dans le programme de recherche, par l'analyse critique et la prise de distance par rapport aux conceptions et aux pratiques d'en­seignement dominantes, et par l'énoncé des hypothèses d'action pour les classes en re­cherche. Cependant, la formulation de cette analyse et de ces hypothèses, le choix et l'opérationnahsation d'un cadre théorique pertinent, l'examen de l'état de la question en didactique montrent que l'élaboration de ce programme a conduit à projeter d'emblée plus qu'une "innovation pure et simple", à se donnerd'emblée l'objectifet les moyens d'une recherche. L'analyse de l'évolution de ceUe-ci confirme qu'eUe s'est construite, au fil des premières années qui sont ici rapportées, par un va-et-vient permanent entre les essais in­novants, leur theorisation,leur refonte et leur "réécriture". EUe montre l'approfondisse­ment et l 'élargissement des référents théoriques initiaux, mais aussi leur opérationnalisation didactique. Elle montre, enfin, le rôle dynamique fondamental des échanges, des comparaisons, voire des confrontations, entre les équipes du Groupe, entre les équipes et le Groupe réunis en séminaire, entre le Groupe et d'autres Groupes de l'U­nité de recherche, tout particuhèrement le Groupe "Evaluation formative des écrits des élèves".

L'analyse de la dynamique de la recherche permet de cerner des phases où tous ces principes actifs sont à l'oeuvre, mais où l'un ou l'autre pèse plus ou moins sur les autres, détermineplusoumoinslesautres.

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2.1 - PREMUBRE PHASE : MKE EN PLACE DES ACTIVITES DE RESOLUTIONS DE PROBLEMES DE FRANCAIS

Il est significatif que les deux premiers articles du premier numéro de "Repères" réahsé par le Groupe rendent compte de résolutions différées de problèmes de langue (or­thographe) (G. Ducancel, Amiens ; A. Angoujard, Saint- Brieuc, dans "Repères" n° 62, 1984). Ce type de résolution et de situation est celui que les équipes connaissent et maîtri­sent le mieux, parce qu'il a déjà été exploré par le Groupe "Anaìyse de la langue : activi­té d'éveil scientifique" de 1976 à 1980, et parce qu'il s'agit de problèmes "assez bien définis".

Cependant, dans l'article d'introduction, G. Ducancel focahse son propos sur les différentes situations d'émergenceet les différents types de résolutions de problèmes, sur l'articulation des savoirs visés/enseignés, et sur l'unité d'ensemble de la démarche.

" La notion de problème nous conduit donc à nous intéresserd'abord aux situations de communication, aux problèmes que les enfants y rencontrent, et aux apprentissages lan­gagiers et métalangagiers qui résultent de leur résolution. L'opposition entre ces deux types d'apprentissage n'est alorsplus aussiévidente qu'ilpouvaitparaître (...). Nous faisons tou­jours leur place aux analyses de faits de langue, de discours et de situations de communi­cation. Mais nous soulignons notre ambition de les mener à partir des problèmes formulés dans ou à propos des activités de communication vécues en classe, comme des résolutions différées de ces problèmes, afin d'affirmer l'unité d'ensemble de la démarche pédagogi­que et de la stratégie de résolution de problèmes par les enfants, en situation et hors situa­tion de communication".

Dans ce même numéro, il s'efforce d'approfondir la notion de problèmes de fran­çais, en les distinguant des difficultés et des obstacles langagiers et Unguistiques, puis il précise quelques conditions de l'émergence et de la résolution des problèmes. En particu­lier, "l'attitude du maître est primordiale pour que tout cela se produise, et non autre chose ou rien. Sans activités de communication authentiquement fonctionneUes, pas d'é­mergence de problèmes. Sans création de situations adéquates aux différentes étapes de la résolution, pas de sélection et de mobitisation des savoirs pertinents à partir de la "lecture" par les élèves de ces situations. Sans confrontation soigneusement renouvelée des élèves avec le réel et avec leurs divergences, pas d'émergence ni de résolution coUectives du pro­blème".

D. Brassart et C. Gruwez (équipe de Lille) approfondissent la réflexion sur diffé­rentes situations-problèmes, leur rôle dans la construction de la compétence de comunica-tion, et proposent d'articuler des "pratiques provoquées de communication" aux situations de communication fonctionneUes :

"D apparaît téméraire d'imaginer que c'est seulement à travers une pratique plus ou moins réitérée des situations fonctionneUes de communication qu'on en assoiera réeUe-ment la compétence. D paraît donc nécessaire de concevoir un second temps en relation explicite avec cette pédagogie globale et les situations langagières- problèmes qui s'y rencontrent, d' "exercisation- objectivation" de la compétence de communication dans ces divers aspects, afin de favoriserune prise de distance par rapport à ces situations, de di­versifier et donc de désinférioriser le rapport au langage (des enfants des mUieux popu­laires) par la prise de conscience d'un pouvoir sur le langage et du langage comme pouvoir."

Un autre article (B. Bled, équipe deSaint-Lô) montre,lui aussi, que se mettent en place des essais de situations- problèmes différentes, qu'on caractérise et qu'on articule aussi expkcitement que possible.

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Enfin, J.P. Jaffré (équipedes Deux-Sèvres) commence, dans cette même publica­tion, à formuler des hypothèses pédagogiques et didactiques fondées sur la mise en rap­port d'un modèle Unguistique (en l'occurrence, celui du pluri- système graphique du français élaboré par l'équipe HESO-CNRS dirigée par Nina Catach) et de la théorie de l'a-prentissage sous-tendant la recherche-innovation :

"Nous pensons que la compétence orthographique, ni aucune compétence d'ail­leurs, n'est de type sommatif : eUe ne peut seramener à une juxtaposition de micro-sa-voirs.Au contraire, nous pensons qu'eUe s'organise à partir d'un savoir partiel (mais représentatif) permettant de faire des hypothèses macro et micro-structureUes. C'est dans ce sens que nous parlons de processus "projectif'.

D découle d'une teUe option une démarche pédagogique qui favorise une interac­tion cohérente entre modèle linguistique et modèle cognitif. En effet, la description de l'é­crit teUe que le modèle Heso permet de l'envisager aide à la mise en place d'objectifs didactiques relatifs qui sérient les approches possibles et, de ce fait, les organisent.

Prenons le cas des phonogrammes. L'essentiel pour nous, d'un point de vue co­gnitif, c'est de permettre une investigation de plus en plus fine à l'intérieur d'un même do­maine fondamental. Le principe de base (ici, la relation graphème-phonème) doit demeurer stable. Ensuite, tout n'estqu'une question de catégorisations relatives et successives. (...)

Ainsi, ce n'est pas laconnaissance spécifique de teUe ou teUe unité phonogrammi-que qui importe d'abord mais bien la mise en place d'une démarche qui rende possible unaffinementprogressifduprincipe."

2.2 - SECONDE PHASE : MULTIPLICATION DES ESSAK ET ANALYSE CRmQUEDANS LES EQUDPES

On peut, dès lors, déceler une seconde phase marquée par des essais de plus en plus nombreux et déhbérés dans les classes en recherche, s'appuyant de mieux en mieux et de plus en plus expUcitement sur les référents théoriques initiaux et surde nouveaux référents convoqués par les besoins nés des essais (par exemple, référents ayant trait àl'activité dis­cursive, aux types de textes et de discours. Voir 3.4. ci-dessous) observés selon une pro­cédure commune d'observation participante, mise au point par le Groupe (document interne non pubUé), décrits, analysés, critiquésparl'équipe, repris, modifiés, transformés...

Un des progrès fondamentaux de la recherche accompU dans cette phase a été la centration de plus en plus nette des équipes sur les objectifs proprement didactiques des pratiques des maîtres et sur les apprentissages visés par eux. Ainsi S. Djebbour et R. Lar-tigue (équipe de Melun) analysent la rédaction d'une lettre de demande de visite à un conservateur de musée (1986). Après que les caractéristiques principales de la situation aient été expUcitées par le groupe, et le brouiUon rédigé, le maître conduit les élèves à cri­tiquer ce brouiUon selon trois points de vue :

- la fonction du texte -lescaractéristiquessocialesdutexte - les problèmes de langue et les auteurs cernent alors les apprentissages visés : - pertinence des questions compte-tenu de la fonction sociale du récepteur, de la re­présentation de ses connaissances, des besoins du groupe. - respect des constantes du genre lettre et des spécificités de ce type de lettre, -etc.. L'article se termine parun ensemble de propositions surles projets d'apprentissage

que le maître peut mettre en place à partir des résolutions des problèmesen situation de

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communication, thème de recherche qui se développera ultérieurement dans toutes les équipes :

" Il se peut que les critiques émises suffisent à suggérer les remaniements néces­saires à la réécriture. D se peut aussi qu'une phase d'apprentissage systématique soit utile pour comblerles lacunes révélées parlaproduction. Ainsi, dans la situation d'écriture d'un conte, nous avons vu qu'il faUait ménager un temps de lecture et d'anatyse de contes, pour en dégager la ou les structures. Voici donc qu'un projet d'apprentissage naît à l'inté­rieur du projet des enfants : apprendre comment est fait un conte. Il va comporter plusieurs phases : lectures individueUes de contes, analyse coUective de la structure de ces contes, recherche de contes obéissant aux mêmes règles de construction... Munis de ce nouveau savoir, les élèves pourront reprendre leurprojet d'écriture et le mieux maîtriser."

2.3 - TROKIEME PHASE : ANALYSE SYSTEMATIQUE DES ESSAK ; FORMULATION DES VARL^BLES ET DES HYPOTHESES DE RECHERCHE

Ces essais de plus en plus nombreux, décrits et analysés empiriquement par chaque équipe, étaient issus de la mise en oeuvre des hypothèses d'action initiales. Mais on consta­tait que les principes, les options inférables à partir des pratiques effectives des équipes, allaient au-delà de ces hypothèses. Cependant, üs restaient, le plus souvent imphcites, ou, en tout cas, non théorisés. Il était donc possible, et il était temps, de les formuler autant que possible comme hypothèses de recherche.

Cela s'est fait par un va-et-vient entre des essais de certaines équipes (Bourges, Deux-Sèvres, Amiens), leur discussion par le Groupe, leur rejet ou leur refonte. Cette dif­ficile élaboration a servi de point de départ et d'appui méthodologique aux autres Groupes de l'Unité de Recherche confrontés à la même tâche d'analyse des essais réalisés et de for­mulation des variables et des hypothèses de recherche.

G. Ducancel a présenté à l'ensemble de l'Unité de Recherche une communication ("Variables pédagogiques et didactiques : métaphore ou réalité ?" -Document non pubüé) dans laquelle il montrait la nécessité d'énoncer des ensembles de variables et leurs moda-fités, à partir de l'analyse des pratiques des maîtres des équipes, des pratiques observables hors des équipes, et d'une théorisation de ces pratiques. Cela aboutit à une modéUsation de l'ensemble du champ de la recherche de chacun des Groupes Nationaux (Chapitre VI).

A Tissue de cette troisième phase, le Groupe "Résolutions de problèmes de fran­çais" a pu élaborer un modèle structurant les variables didactiques et pédagogiques en trois modalités opposées (Document non pubhé). On y distingue des variables-élèves et des va­riables-maîtres. En ce qui concerne ces dernières, le modèle distingue un macro- niveau d'analyse, celui des représentations, attitudes et principes généraux de démarche des maî­tres et un micro- niveau d'analyse, celui des fonctions au sensde M. Postic (1977) c'est-à-dire des ensembles d'actes concourant à l'émergence et à la résolution des problèmes. Les indicateurs en sont les comportements des maîtres observables en classe. Les varia-bles"micro"sontici:

1. Création, choix, acceptation de situations/difficultés propices à l'émergence et auxrésolutionsdeproblèmes. 2.Transformationdesdifficultesenproblemes. 3. Entrées linguistiques du traitement des difficultés et des problèmes. 4.Pointsd'appuipourlesresolutions. 5. Résolutions : lapart du maître. 6. Résolutions : la part des élèves. 7. Résolutions : la mise en place de stratégies cognitivo-linguistiques.

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Nous donnons, à titre d'exemple, les modaütés des variables 3 et 4 : V 3 : Entrées linguistiques du traitement des difficultés des élèves. -Mod. 1.: le M réfère les difficultés des élèves :

. avant tout au niveau de la langue

. pour ce qui n'est pas de la langue, à des modèles scolaires (types d'écrits scolaires,conseilquantaustyle,...) .sansUaisonentrecesentrees.

- Mod. 2 : pas de choix décelable chez le M, ni des entrées, ni des relations entre les problèmes soulevés ; fait avant tout en sorte que chaque E. choisisse l'entrée qui luiconvient,l'explore,etc... - Mod. 3 : le M. réfère les difficultés à différentes entrées, sans exclusive : situa­tions de communication, discours,textes, langue comme système. Il privilégie les entrées pragmatiques, discursives et textueUes et leurs inter­actions, tout en traitant en eux-mêmes ceux des faits de langue qui en sont indé­pendants. V.4 : Points d'appui du M. pour les résolutions de problèmes -Mod. l :leM.s'appuiesur:

. ce qu'il a déjà enseigné, montré...

. des "autorités", des recueilsde règles, depréceptes (un bon E., le manuel, unbontexte,etc.) .

- Mod. 2 : le M. s'appuie sur : , avant tout, l'expression individueUe authentique, affectivement investie. . toutes autres références qui peuvent aider chacun, sans hiérarchie (autres E., manuels, fichiers, écrits de toustypes, e tc . ) .

- Mod. 3 : le M. s'appuie sur : . la diversité des productions des E., lerepérage coUectifdes réussites et des dysfonctionnements différents dans le groupe. . les connaissances des E. et leur méta discours . les discours et écritssociaux, scolaires ou non, repérés collectivement com-mepertinents,etdesoutusevolutifs construitsparlegroupe.

Les modaütés 3 des variables permettent d'opérationnahser les hypothèses d'ac­tion initiales du Groupe et d'en faire des hypothèses de recherche. Ainsi, pour les varia­bles "micro" 3 et 4 ci-dessus :

V 3 : pour traiter les difficultés des élèves de façon à faire émerger les problèmes sous-jacentsetàlesconduireàlesrésoudre,

. le maître réfère ces difficultés... ,ilprivilégie...

V.4 :pourcela,ils'appuiesur: . la diversité des productions des E,... .lesconnaissancesdesE... . les discours et écrits sociaux...

2.4 - QUATRffiME PHASE : LES "CONTENUS D'ENSEIGNEMENT" AU PREMffiRPLAN

Le Groupe et ses équipes étaient donc, àl'issue de la troisième phase, parvenus à énoncer les variables pertinentes maîtres et élèves, tant au niveau des conceptions, prin­cipes, modes de travail généraux, qu'à celui des comportements observabIesen classe, et

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les hypothèses correspondantes. Le travail de chaque équipe consiste alors à mettre à Té-preuve ces hypothèses pour un ensemble de problèmes (lecture, orthographe,...). U s'agit clairement maintenant de recherche innovante.

La mise à l'épreuve en classe des hypothèses de recherche conduit alors les équipes et le Groupe à mettre au premier plan de leurs préoccupations et de leurs débats les "conte­nus d'enseignement", c'est-à^ure la question des savoirs de différente nature que visent les maîtres et qu'acquièrent les élèves en français.

Cette question était, bien sûr, présente dès le début de la recherche, mais eUe était formulée en termes généraux : savoir-faire, attitudes et méthodes, connaissances, plus ou moins explicites, donnant plus ou moins heu à métadiscours, plus ou moins structurées, quant à la communication verbale, les discours, les textes et la langue. A l'issue de la troi­sième phase, la formulation s'était affinée, en particuüer en ce qui concerne les relations entre ces types de savoirs, et les relations entre ceux qui relèvent des différentes entrées Unguistiques. Mais, au plan du Groupe, eUe restait encore globale, en deça de certaines équipes qui avaient déjà commencé à préciser les savoirs visés et atteints dans leur do­maine de recherche : lecture d'écrits fictionnels (Arras), discours argumentatifs (Lille), ap­prentissages l inguistiques et apprentissages pragmatiques (Melun), homophonie^rétérographie (Deux-Sèvres), etc...

Cette tâche de spécification et d'expficitation des savoirs enseignés/construits par les élèves est donc devenue dominante dans le Groupe et les équipes. Le présent rapport est centré sur ces savoirs construits par les élèves en résolvant des problèmes de français. Il illustre, approfondit et analyse les acquis de cette quatrième phase, qu'on peut résumer ainsi. La recherche met en place et analyse " une double didactisation " (G. Ducancel -" Construire des savoirs en résolvant des problèmes " dans " Repères " n° 71- 1987). " La première consiste dans le choix des référents théoriques linguistiques, le choix des "savoirs savants" (...). Cette première opération transforme des notions, des concepts, des savoirs des hnguistes en contenus à enseigner . Les résolutions de problèmes ayant trait à ce contenu opèrent, en classe, une seconde didactisation : le maître fait en sorte que les élèves (...) construisent des pratiques et savoirs nouveaux pour eux. Nous en sommes alors aux savoirseffectivementsenseignés " .

La première didactisation distribue les contenus à enseigner selon les entrées lin­guistiques pertinentes pour le traitement des difficultés des élèves en classe, pour les réso­lutions de problèmes : situations, discours, textes, langue. EUe les distribue plus finement à l'intérieur de chaque entrée : paramètres physiques des situations (...) et paramètres so­ciaux (...) ; zones et principes du système graphique du français ; etc... EUe trace aussi les fimites et les interactions hypothétiques entre les différents types de savoirs ainsi spécifiés.

La seconde didactisation permet d'abord de caractériser les invariants construits en classe. Ik ont, evidemment,a voiravec les "savoirs savants" de référence, mais sont le fruit d'une interaction entre les savoirs visés par le maître et les compétences, les connaissances etlesstratégiesdesélèves.

Cette phase clôt les premières années de la recherche- innovation en même temps qu'eUe inaugure les suivantes. Ce rapport présente les résultats auxquels la recherche est parvenue, en particuUer en ce qui concerne les contenus d'enseignement et d'apprentis­sage, fl dessine en creux ce qui reste à travaüler, à rechercher, et l'énonce en conclusion.

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3. APPRENDRE EN RESOLVANTDES PROBLEMES DE FRANCAIS : MODALITES DE TRAVADL DES MATTRES, SAVOIRS V B E S ET SAVOIRS CONSTRUTTS

Nous présentons d'abord les grands traits de l'organisation générale de l'enseigne­ment en résolutions de problèmes (des types de situations d'émergence et de résolutions de problèmes de français à la mise en place de projets d'enseignement et d'apprentissage à moyen et court terme) avant d'analyser les acquis de la recherche quant aux problèmes de lecture, d'écriture et d'orthographe.

3.1 - TYPES DE STTUATIONS D'EMERGENCE ET DE RESOLUTIONS DE PROBLEMES DE FRANCAK

Dès la phase initiale de la recherche, nous distinguions des résolutions de problèmes en situation de communication et des résolutions hors situation (cf. 1.3 - cMessus). En ce qui concerne les premières, à côté des résolutions rapides, ponctueUes, largement imph-cites de problèmes occasionnek (G. DUCANCEL dans "Repères" n° 62, nous soulignions l'intérêt didactique de situationsentièrement (ou en grande partie) problématiques. C'est le cas des situations- problèmes de lecture et d'écriture que nous analyserons (3.3 et 4 ci-dessous).

En ce qui concerne les secondes, nous envisagions des situations "différées" : le problème naît de la communication, et il y retourne. La recherche a conduit à distinguer résolutions "différées" et "décrochées". Certes, ces dernières sont issues des problèmes rencontrés en situation, mais de manière moins directe. Ellespeuvent - et c'est plus fré­quent - découler d'une série de résolutions différées. Cette fois, c'est l'étude d'un fait ou d'un ensemble de faits de langue ou de discours,c'est l'analyse hnguistique qui est le mo­teur de l'enseignement etde l'apprentissage.

Unexemple de résolution différée de problème orthographique est fourni par un CEl-CE2 de l'équipe de Saint-Brieuc (André Angoujard dans " Repères n° 62), en début d'année scolaire. On a constaté collectivement :

- au CEl, des erreurs de lecture orale sur des mots contenant les syilabes écrites ce et cl prononcéesAa/etAi/. - dans les textes des CEl, et parfois des CE2, des erreurs de graphie du phonème /s/transcrit très généralement s . Ecrivant un texte, des élèves de CEl butent sur la graphie de " ceinture". Un élève

propose sinture. D'autres ne sont pas d'accord, car dans un texte précédent, la maîtresse a corrigé cinturon en ceinturon. fls rétabUssent ein, et s'interrogent sur la première let­tre.

Onpourraitrésoudreleproblèmeparanalogieavec ceinturon (cequ'onfait,d'ail-leurs, sur le moment), et en rester là.Mais les élèves ont en mémoire l'ensemble de leurs difficultés avec les graphies de /s/et flsj. La maîtresse les conduit à les rappeler et propose d'essayer de surmonter l'ensemble de ces difficultés. EUe incite les élèves à formuler le problème. La première formulation est : " On fait souvent des fautes quand on écrit le son /s/. On ne sait pas bien kre la lettre C . C'est parfois le son /s/. " Le proMème naît et est tourné vers la lecture et l'ecriture,mais, en même temps,on vise unfonctionnement dé­passant la difficulté présente, concernant un secteur de la zone phonogrammique du sys­tème, celui des graphies de /s/.

Des classes de CEl et de CE2 de l'équipe de Niort fournissent un exemple de résolution décrochée (J.P. Jaffré : " Pourquoi ça s'écrit pas pareil ? " dans " Repères " n° 65). D s'agit du problème de l'homophonie. Mais quel est exactement le problème pour

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les élèves ? il ne s'agit pas d'un problème de compréhension à l'oral : les (rares) ambiguï­tés possibles sont immédiatement ou vite dissipées par le contexte.

U ne s'agit pas non plus, et à peu près pour les mêmes raisons, de problèmes de compréhension de l'écrit. Par contre, c'est un problème d'écriture, ou, plus exactement, de respect de la norme linguistique, et le maître et les récepteurs de ce qu'il écrit signifient à l'élève qu'il s'est trompé (et non pas, en général, qu'ils n'ont pas compris). Cela devient vite un problème de fonctionnement du système graphique. Comme le disent les élèves : " Pourquoi ça s'écrit pas pareil ? " . La résolution d'un tel problème se fera largement hors contexte, "en langue". En effet, si le contexte actuel permet des distinctions sémantiques, ces distinctions abandonnent vite ce contexte pour fonctionner lexicalement, comme un des faits à prendre en compte parmi d'autres dans la recherche des fonctionnements gra­phiques. Ce qui est visé, c'est l'établissement d'un faisceau de relations régufières aussi étendues que possible et rendant compte aussi complètement que possible de ce phéno­mène troublant, l'homophonie.

La recherche a non seulement abouti à distinguer résolutions différées et décrochées des situations de communication, mais aussi, dans les unes comme dans les autres, à ex­périmenter, à côté des résolutions menées selon la démarche expérimentale, comme ci-dessus, des résolutions épousant une démarche plus inductive.

Il s'agit de la construction et de la mise en place par le maître de tâches-problèmes visant des objectifs déümités, définis à partir de l'analyse des difficultés des élèves en si­tuation ou hors situation de communication. Les élèves ont donc d'abord à agir. L'analyse des problèmes rencontrés et des solutions adoptées n'intervient que dans un second temps. L'équipe de Lille aparticufièrement travaiUé de teUes tâches-problèmes en matière de dis­cours. EUe présente ce qu'elle appeUe des "Pratiques provoquées de communication " (P.P.C.):("Repères"n°62).

" Caractéristiques pédagogiques des PPC. Ce sont des exercices fimités dans le temps, en rapport expficite direct ou indirect, avec des situations fonctionneUes vécues, qui tout en permettant l'éclosion de structures et de stratégies langagières spontanées, sont conçus de manière à stimuler plus particufièrement certains types de parole et à les pro­duire en quantité plus dense ( par ex. discours argumentatifs).

EUes se déroulent en deux temps : . temps de production effective de langage fiée à une consigne donnée, à un contexte "simulé". . temps d'évaluation - objectivation, de prise de distance plus ou moins ex-pficite où l'enfant est amené à apprécier la pertinence des stratégies retenues en fonction de l'enjeu.

Ces deux temps constituent un système ouvert : rares sont les situations qui ne font appel qu'à une réponse unique - et déjà connue du maître - la créativité langagière de l'en­fant y trouve sa place. La nécessité de faire des choix et de les justifier impUque les élèves et les engage, dans ces temps qui restent "scolaires" dans des processus d'argumentation, premierssignesdelamodificationdeleurrapportaulangage."

3.2 - DES RESOLUTIONS DE PROBLEMES DE FRANCAK AUX PROJETS D'ENSEIGNEMENT/APRRENTKSAGE

La mise en oeuvre et l'analyse critique des différents types de situations et de réso­lutions de problèmes ont conduit les équipes à se poser la question de l'articulation de ces résolutions entre eUes et avec les autres activités de français, de son économie, de son ef­ficacité. Cette réflexion a rencontré la centration de plus en plus marquée des équipes et du Groupe sur les contenus d'enseignement/apprentissage. Ont commencé alors às'énon-

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cer de véritablesprojets d'enseignement des équipes, qui ont été mis en oeuvre, puis ana­lysés. Comme ü a été dit (2.4 cUdessus), la généraüsation de teLs projets est devenue un des objectifs du Groupe de recherche au terme des quatre premières années.

Rendant compte et analysant une longue séquence d'activités (mai-juin) s'inscri-vant, au CE2, dans un projet à long terme d'apprentissage des discours narratifs, G. et M. Ducancel en résument les étapes ( "Repères" n° 70).

- bilan coUectif des compétences en matière de récits. Ecriture individueUe. Eva­luation coUective : "le personnage principal n'est pas assez principal " .

. étude du personnage principal dans des récits non- scolaires.

. exercice individuel des acquis.

. utihsation des savoirs pour analyser un autre type de discours (saynettes de spectacles de marionnettes traditionnelles).

- projet de spectacle de marionnettes - Essais - Evaluations. Nouveaux essais. Emer-genced'un nouveau problème : la transfiguration du discours du narrateur. - résolution du problème. -"Silence,onjoue!" Hs écrivent : " La prise de conscience et la résolution en situation d'écriture de problèmes tiés à

la production de récits, ne peuvent, selon nous, suffire à doter les élèves des compétences visées dans le projet d'apprentissage. En effet, les savoir-faire ainsi construits sont large­ment dépendants des situations et de la lectureque lesélèves en ont faite. En général, les résolutions de problèmes en situation ne sont pas assez expficites pour que les compétences pratiques qui en résultent se structurent de manière réflexive avec les savoir-faire anté­rieurs, ni pour qu'eUes s'accompagnent de la formulation de méta-connaissances discur­sives et textueUes propres à guider les conduites d'écriture ultérieures. C'est pourquoi le maître se fixe des objectifs d'apprentissage systématiques, c'est-à-dire méthodiques, aus­si explicites que possible, et exhaustifs pour le problème posé.

La détermination de ces objectifs s'appuie sur l'observation, l'analyse et l'évalua­tion des productions des élèves, mais aussi sur l'analyse Linguistique du type de texte "ré­cit" et sur ce qu'eUe permet de considérer comme fondamental dans la construction de la compétence des élèves à en produire. (...)

La structuration, l'intégration, l'extension des savoir- faire et des méta-connais­sances discursives et textueUes requièrent des transferts. Les uns s'exervent dans des si­tuations largementsemblables aux situations d'apprentissage, en particulier dans les activités conçues exphcitement comme servant à les exercer. Dans d'autres cas, les situa­tions sont en partie semblables et en partie différentes des situations d'apprentissage et d'exercice. Lemaître qui les choisit vise à la fois l'adaptation des savoirs àun nouveau contexte et l'acquisition de nouveaux savoirs par la confrontation et la résolution de pro­blèmes inédits. (C'est le cas de l'écriture de la saynette)."

3.3 - SrrUATIONS-PROBLEMES DE LECTURE

fi s'agit maintenant de présenter la mise en oeuvre, dans les classes en recherche, des résolutions de problèmes de communication, de discours et de langue, la mise à l'é­preuve des hypothèses de recherche, l'analyse des principaux résultats obtenus, quant aux modatités de ce traitement, et quant aux apprentissagesrepérables commeayant été effec-tivementréaUsés.

Ces situations s'analysent en référenceaux entrées knguistiques pourlesqueUes nous avons opté : situations et enjeux ; écrits, discours et textes ; langue. Si toutesles si-

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tuations de lecture sont problématiques (il n'y a pas une opération et une seule à faire, ni même une procédure et une seule à adopter, et encore moins un sens et un seul à "décou­vrir"), eUes le sont d'autant plus, et sont d'autant plus productrices d'apprentissages, que s'y rencontrent, et parfois entrent en conflit, des problèmes relevant de ces différentes Un-guistiques.

3.3.1 - Repérage de la situation et du type de discours ; orientation stratégique

Un premier niveau de problématisation est celui de l'analyse de la situation de lec­ture elle-même et du type de discours ayant produit ce texte à lire. Pour qu'il en soit ain­si, le maître fait en sorte que les situations et les types de textes soient variés.

Le rôle du maître, au-delà de ces mises en situation, est à la fois d'inciter au repé­rage de la situation, de l'écrit et du type de discours présents, et de favoriser une orienta­tion stratégique adaptée.

On aperçoit bien ce premier niveau de problématisation en comparant deux séances de lecture dans le CP de C. Bailleux (équipe d'Amiens). (Document non pubUé).

Lecture d'une lettre des correspondants janvier) La maîtresse a apporté une feuille roulée. Aussitôt, les élèves disent : " C'est une

lettre " - "De la classe de Mme C. " (ceUe de leurs correspondants). Ds ont le ton de l'évi­dence. C'est la maîtresse qui conduit à vérifier : " Comment peut-on le savoir ?" . Sans même dérouler la feuüle, les élèves disent : " D y a la date" ; "C'est de nos amis". Leur stratégie est donc nettement hypothético- déductive. On retrouve cette stratégie en ortho­graphe, en activité d'écriture. EUe manifeste des savoirs intégrés, ici sur un type d'écrit et une maîtrise naissante des démarches d'investigation concernant l'identification des écrits.

Les élèves réclament, en effet, que la maîtresse déroule la feuiUe, ce qu'eUe fait. Ik l'observent pour vérifier leurs hypothèses. Et c'est le désarroi : il n'y a pas de date. L'in­dice attendu, essentieUement topographique semble-t-il, fait défaut. Ce manque met en cause l'orientation stratégique, et fait problème quant à l'identification du type d'écrit. Il faut regarder de plus près. Hs üsent " Bonjour les petits amis " . Un élève commente : " Ds nous appeUent toujours comme ça " . Un autre observe :

"fi y a une signature " . Un autre : " Faut voir s'il y a des noms " . Et ik Usent la si­gnature. Hs concluent que, bien qu'il n'y ait pas la date, c'est bien une lettre, et de leurs correspondants. Leur recherche, qui articule des indices pragmatiques et topographiques (marques des émetteurs, de l'énonciation... et disposition spatiale de ces marques) résoud le problème de l'identification de l'écrit présent et vaUde l'orientation stratégique.

La suite de lalecture montre que cette identification gouveme la quête du sens. En effet, après la lecture silencieuse individueUe, la récapitulation de ce que l'on a compris montre que les élèves ne se sont guère, dans un premier temps, préoccupés de formules comme " Bonne et heureuse année à tous ! " ou, en fin de lettre " Au revoir ! " , mais ont surtout "travaiUé" les phrases où ils repéraient "nous" et "vous" c'est-à^fire celles qui étaient indiquées par là comme dialogiques. Ik les paraphrasent à la 3eme personne, met­tant ainsi le discours des émetteurs à distance, l'analysant et comblant ses lacunes de ma­nière coopérante, à partir de leur connaissance des correspondants et des activités habituelles des classes élémentaires à la date supposée de la rédaction dela lettre :

" - Ik ont fait deux tartes. - Il faut fêter quelque chose. - Il y adeux fèves dans chaque tarte - ça pourrait être la galette des rok " . (dans le texte, U est écrit "épiphanie"...).

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NouveUe répartition des responsabilités dans la classe, janvier) Depuis le début de l'annee,ilexiste, dans la classe, une répartition des responsabi-

ktés entre les élèves (qui les appeUent d'aiUeursavec délectation, "corvées")- Mais, de­puis septembre, la classe s'est enrichie notablement (nouveUes plantes, cochon d'Inde, poisson rouge, escargots, journaux...)- Dans un entretien coUectif, on a décidé d'une nou-veUe répartition des services,ala charge de la maltresse.

Ce jour, elle distribue donc à chaque table de deux enfants un texte intitulé "Les re-sponsabüités", et composé d'une énumération sur le modèle " C'est Cédrine qui rangera les livres de la bibliothèque, Romain aussi " . Les élèves, à partir du titre et de leur souve-nirdu projet de réorganisation, identifient très vite le type d'écrit et sa fonction. L'obser­vation montre qu'aucun ne se lance dans une lecture exhaustive. Chacun oriente sa lecture vers la découverte de ce qu'il aura à faire. Leur point de repère est leur prénom.

- Benoît très vite : " Je m'occupe du poisson rou- ge" - M . : " T u e s s u r ? " - Benoît (montre son prénom) : " Oui " - M. : " Oui, mais quand ? Quand est-ce que tu t'en occupes ? " - Benoît (sans guère se reporter au texte) : " Aujourd'hui. " - M . : " T u e s s u r ? " Cette fois il observe attentivement la phrase qui le concerne : "C'est EmmanueUe

qui donnera à manger au poisson rouge le mardi, et Benoît le samedi", n dit : - " Samedi. Mardi, c'est Emmanuelle " . Si la résolution des problèmes posés parl'identification de la situation, du discours

et du type de texte aboutit au choix, par les élèves, d'une stratégie de lecture adaptée, choix qui, à son tour, oriente les anticipations et les vérifications sémantiques, il est évident que cela ne suffit pas à la compréhension. Nous venons de le voir pour Benoît, qui se satisfai­sait du repérage de son prénom et de "poisson rouge " . Le rôle de la maîtresse a été de relancerl'observation de la phrase. Dans la même séance, Alexandre n'est pas aUé jusque là. Dansla phrase, que nous disposons comme sur l'original :

"C'est Carotine qui ramassera les cahiers, Alexandre aussi " , il n'a repéré que son prénom (peut-être "aussi", mais est-on un

"Alexandre aussi" ?). D dit ne pas savoir ce qu 'il aura à faire. Ce qui est, ici, en cause, c'est, nous semble-t-il, à la fois une ignorance métaUnguistique (l'unité signifiantede base est une phrase) ; la méconnaissance des indices signalant les frontières de phrase, et, en consé­quence, une stratégie étriquée :

- E : " Faut lire les mots ensemble " . - E : " Toute la ügne " (pour "phrase", confusion fréquente encore enjanvier î) - E : " Ce mot-là et celui-là" ("Alexandre" et " Carofine " ). - E : " Alexandre, faut quetu hses le mot au-dessus " -E : "Ledebu t ,u fau th re" . - M : " Comment on sait où est le début ? ". -E:"Y'aunemajuscule."etc... Ces interventions des autres élèves vont permettre à Alexandre de dépasser l'obs­

tacle et de comprendre. Il mettra correctement unprénom à côtéde celui de Caroline dans la case cahiers sur le nouveau tableau des services de la classe . Ce qui est utitisé et mo-bUisé ici, ce ne sont plus des indices (et des savoirs) d'ordre pragmatique et discursif, mais d'ordre sémantique et linguistique, qui viennentrelayer quand nécessaireles premiers, qui les étayent, les valident ou les infirment. Cependant la résolution du problème de l'identi­fication de la situation, du type de discours et de texte paraît, dans beaucoup de cas, être

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une condition nécessaire, sinon suffisante, àl'émergence et à la résolution des autres pro­blèmes de lecture d'un écrit quel qu'il soit.

Des élèves de CP de l'équipe d'AbbevUle (dans "Repères" n°62 - G. Ducancel. " Problèmes et résolutions de problèmes en situation de communication " ) sont confron­tés à la lecture d'une affiche de la Prévention routière. On y voit un hérisson guiUeret tra­versant une route au moment où survient une voiture. Le texte est en deux énoncés : "Ce hérisson périra écrasé. Et toi aussi si tu traverses sans regarder". Les élèves, faute de connaî­tre ce qu'est une affiche, ou plutôt le réseau de communication qu'instaure et dans lequel s'inscritl'affiche, "lisent bien" tous les mots (sauf"perira", qu'il faut leurexpliquer), mais ne comprennent pas que "toi aussi", et " tu" s'adressent à eux, réfèrent à chacun d'eux. Dans leur volonté de cohérence, ils inventent d'autresdiscours, après tout pasabsurdes, mais irrecevables : ce sont les gens dans la voiture, qui le "disputent" ; il dit dit ça à ses enfants qui sont derrière lui, mais qu'on ne voit pas ; etc ...

Ne pas croire que de teHes erreurs sont propres auxjeunes élèves de CP. Des élèves de CM. de l'équipe de LiUe,sont invités à hre et réécrire éventueUement un dépüant pu-blicitaire de la SNCF intitulé "Prenez le train". (Dans "Reperes"n0 65, Francine Darras et Dominique Brassart : "C'est moi qui vous le dis : prenez le train !"). Mis en situation de lecture critique de ce qui est présenté comme "un brouülon de texte qui veut pousser les gens à prendre le train" et qui a été confectionné à partir du texte SNCF dans lequel on a introduit deux phrases "parasites", certains élèves ont, disent les auteurs, "difficulté à as­sumer tout au long du texte, de manière constante, l'intention de communication (qui est de) montrer qu'il n'y riende mieux que le train, et, donc, qu'il faut prendre le train". Le mauvais repérage (ou le repérage fugace) de la nature argumentative du discours tient, se­lon les auteurs, au problème qui naît, dans la lecture, du fait que les arguments sont jugés selon un critère non pas dialogique ("effet de sens calculé sur le lecteur potentiel") mais monologique : jugement en termes de vrai ou faux. Cela les conduit à proposer des réécri­tures comme :

- " avec le train, on est sûr d'arriver à l'heure" ^ " presque toujours àl'heure" (et ils argumentent : lesgrèves, les pannes, les

accidents...). - " le train est également moins cher " .

^ " le train est un peu cher, mais ça ne fait rien car il y a des réductions " . Le traitement des phrases parasites introduit, quant à lui, à un autre niveau du pro­

blème, celui de la cohérence textuelle.

3.3.2 - Problèmes de recherche de cohérence textuelle Quand les élèves ont identifié, plus ou moins bien, le type de discours ayant pro­

duit l'écrit à Ure (ils ont, en tout cas, identifié un discours comme tel), on relève dans leurs comportements et parfois, dans leurs interventions verbales, l'hypothèse que cet écrit est un texte, c'est-à-dire un ensemble cohérent et structuré d'unités Hnguistiques constitutives. On peut appréhenderl'activité de recherche de cette cohérence dans lalecture "ordinaire" de textes. Mais on peut faire en sorte qu'eUe apparaisse mieux en mettant sciemment les élèves devant des incohérences.

C'est ce qu'a fait l'équipe de LuIe en introduisant des phrases parasites dans le texte soumis aux élèves : " Le train, c'est bien plus rapide que la voiture : pas de risque de bou­chons, d'embouteülages... D'aiUeurs, avec la bicyclette, on est en contact avec le grand air..." ; "le train est également moins cher : il y a des réductions pour les voyages en fa-miUe, pourles personnes âgées... La voiture donne plus de liberté ; on peut s'arrêter quand on veut et on choisit un itinéraire " . Etc... On le voit, ces phrases parasites sont des contre-

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arguments, mais leur connexion avec celle qui les précède ("D'aiUeurs" de simple juxta­position) ne les signale pas comme teUes, bien que, dans le second cas, le comparatifsoit plus expUcite sur ce plan.

Parmi les élèves qui ont repéré que le texte était argumentatif, on relève bien une recherche de cohérence qui se signale d'abord par le fait qu'ils butent sur les phrases pa­rasites. Le problème se dessine, pour l'équipe qui l'analyse, dans toute sa complexité et sa pluridimensionnatité. En effet, trois entrées sont requises :

- du point de vue de la progression et de la cohérence thématique (par ex. faut-il parler de bicyclette quant on parle de train tout du long ?). - du point de vue de la cohérence du discours (ce qu'on dit de la bicyclette, de la voitureestuncontre-discours). - et dupoint de vue de la gestion du discours argumentatifcomme fondamentale­ment dialogique (anticiper ou annuler un contre-argument,ou encore y répliquer). L'explicitation par les enfants des problèmes que leurposent ces phrases n'est, évi­

demment, pas si claire, ne va, évidemment, pas si loin. Mais les solutions montrent que ces composantes sont, au moins intuitivement, prises en compte. Certains élèves maintiennent tous les thèmes, voire en ajoutent ("avion"), et les dérivent tous d'un hyperthème "moyens de transports", dans une sorte de présentation comparative de ceux-ci, affectant à ce qui n'est pas "train" une valeur négative et à toutes les prédications de "train" une valeur po­sitive.

D'autres élèves suppriment les thèmes "bicyclette" et "voiture", mais un d'entre eux, sensible à la valeur du contre-argument "voiture = liberté", écrit " Le train peut s'ar­rêter aussi en appuyant sur une manette " .11 répond donc à un contre-argument non énon­cé, puisqu'il l'a supprimé. De la difficulté de résoudre un problème discursif complexe.

D'autres élèves, enfin, maintiennent les thèmes "bicyclette" et "voiture" mais trans­forment les prédications en leur contraire. Ds ne prennent pas en compte directement la di­mension dialogique. Ds transforment les contre-arguments en arguments. Le discours du contradicteur est retourné, au profit d'un renforcement de la cohérence du discours louan­geur:

" Avec la bicyclette, on se fatigue très vite... on est en contact avec la poUution..."; " la voiture donne moins de sécurité et de confort... " . Le problème n'est donc pas éludé. D est pris en compte dans sa complexité. U n'y a pas qu'une solution et une seule... Au­cune n'est aberrante. Aucune non plus n'est entièrement satisfaisante pour un adulte : ces apprentissages des discours et des textes argumentatifs ont à être poursuivis.

3.33 - Connaissance du monde et connaissance de la langue L'équipe de Valence a travaiUé en lecture sur la recherche de la cohérence dans des

textes narratifs en confrontant les élèves à des tâches-problèmes : remettre en ordre un texte mis en morceaux (dans "Repères" n°70 - Marie-Paule Duboeuf). Au CEl, il s'agit d'un ré­cit à la première personne d'une fiUette : " Chez moi, à Ouessant, il y a trois écoles. Je vais...(...)Marianne".

"Onatousungrosappétit. Je dévore une baguette à moi toute seule ! OnestonzedanslaclassedeMonsieurMornant enCEl,CMletCM2. Amidi,onmangealacantine. Chez moi, à Ouessant, il y a trois écoles. Jevaisàl'écolepuMique.

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D'aiUeurs quandje rentre chez moi, à cinq heures, Faut dire que je vais à l'école à vélo : deux kilomètres, alors ça creuse ! Marianne" Le référent est famiher aux élèves : une fillette à peu près de leur âge parle de sa

journée d'écohère, de son trajet à bicyclette, des repas à la cantine, etc.. Le problème des lecteurs (remettre le texte en ordre) se spécifie, à partir de la re­

connaissance du type de texte : trouver le début, enchaîner "de manière logique", trouver lafin.

L'analyse des tentatives des élèves montrequ'ils utilisent deux stratégies, non pas concurremment, mais complémentairement. La première s'appuie sur leur connaissance du monde, ici de l'univers familier auquel réfère le récit de la fiUette. Cela les conduit à proposer les enchaînements :

" A midi, on mange à la cantine. Je dévore une baguette à moi toute seule. " "On a tous un gros appétit. A midi, on... (id.)" La recherche de cohérence à partir de leur connaissance du monde ne règle pas le

problème du début du récit, au contraire. Les élèves, à ce plan, recherchent la chronologie complète d'une journée d'écohère. Elle ne peut commencer " A midi " (sauf pour deux élèves...).

Les connaissances linguistiques sont le second appui stratégique des élèves. Les auteurs écrivent : " D'aiUeurs marque une rupture sémantique et une progression dans le texte qui rend impossible (certaines) associations. (...). Alors annonce une conséquence (qui en rend impossibles d'autres)."

" Quand, (qui) est un des premiers introducteurs de complexités signalés par Lau­rence Lentin dans le langage de l'enfant, (met en) dépendance syntaxique la phrase 5 et la phrase 6 " . On le voit, c'est essentieUement la connaissance de la valeur cohésive d'élé­ments linguistiques qui est mobüisée. Ajoutons que les élèves s'efforcent de repéreret d'u-titiser une répartition, dans le texte, de "moi...je" et de "on" renvoyant, lui, un groupe d'élèves dont fait partie Marianne. C'est en combinant cette stratégie avec celle qui s'ap­puie sur leur connaissance du monde qu'ils résolvent à peu près tous de manière satisfai­sante et non univoque le problème de recherche de cohérence textuelle qui leur était posé.

3.3.4 - Anticipations locales, textuelles et discursives 3.3.4.1 - Notion de bases de connaissances ayant trait à un type de texte

S'agissant d'un type de texte fortement codé, le conte merveilleux, par exemple, la recherche de cohérence est orientée et guidée par âes "bases de connaissances" ayant trait à la macro-structure de ce type de texte.

Michel Charofles OJniversité de Rennes) a publié dans le n°62 de "Repères" (Cha-roUes - 1984) une étude psycho- linguistique sur ce sujet, réalisée à partir d'une épreuve de complètement de texte (boucher les trous, puis proposer une suite), fl s'agissait d'un ré­cit légendaire de l'ethnie- Toba, "La fiUe folle de miel", soumis à des élèves de 12 à 15 ans.

L'étude montre que, si la recherche de cohérence dans la lecture de textes forte­ment codés est fondamentalement gouvemée par la base de connaissances des élèves quant au type de texte, eUe n'intervient jamais seule, mais entre en interaction avec d'autres connaissances, comme les représentations des mentatités et des habitus des personnages

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du monde réel ou fictifreprésenté, et la recherche de cohérence discursive (enchaînement des propositions du narrateur, des personnages...)- Cette interaction semble pouvoir s'in­fléchir dans le sens d'une prééminence de cette dernière recherche de cohérence sur ceUe de l'anticipation de la cohérence textueUe d'ensemble, au moins quand celle-là est forte-mentproblématique.

3.3.4.2 - Bases de connaissances et anticipations Dans la situation construite par M. CharoUes, les élèves n'avaient pas de difficulté

à identifier le type dediscours et de texte qui leur était soumis (une des questions le nom-maitd'aiUeurs).

L'objectifdidactique peut, au contraire, inclure une teUe reconnaissance, et on peut alors se demander si les comportements des lecteurs seront semblables. Ne peut-on pas s'attendre à ce que la recherche de cohésion (haisons inter-phrastiques par exemple) soit prééminente quand la recherche de la cohérence textueUe d'ensemble se heurte à une dif­ficulté d'identification du type de discours présent ? L'analyse des solutions d'une tâche-problème de lecture, posée à des adultes (instituteurs en formation) par l'équipe de LiUe permet d'apercevoir des éléments de réponse (dans "Repères" n° 71 - Francine Darras, Do­minique Brassard, IsabeUe Delcambre : " Cinéma, Whisky... " ). Il s'agit de "mettre en or­dre, proposer un titre et des hypothèses surl'origineet la fonction du texte ainsi réalisé" à partir de huit vignettes obtenues par découpage d'un texte pubUcitaire sur le whisky Glenn Turner, où l'on compare celui-ci aux stars hoUywoodiennes, en particuUer Clark Gable.

S'Uyajamaiseu, à Hollywood, une incarnation de la virihté, c'est bien à Clark Gable, figure mythique de l'Amérique qu'on la doit.

H

Un roi dont le charme l'élégance, le regard ironique etjusqu'à l'irrésistible moustache, règnenttoujours sur nos imaginations.

Cet homme nouveau qu'incarne Clark Gable, à la fois canaille et A chevaleresque, insolentet séduisant, débrouülard et désinvolte, lui vaut d'être élu, en 1938, devantGary Cooper, Spencer Tracy ou Humphrey Bogart, "roi du cinéma".

Sa fascinante présence physique, son magnétisme personnel provoquent un véritable culte Gable. U est celui que tous les Américainsaimeraient être. G

U abandonne vite les personnages de beaux ténébreuxséducteurs

D etfaitnaîtreunnouveau type de héros : l'homme d'aventure, viril, partout à son aise, dans les salons comme sur les champs de bataiUe.

B Maisplusqu'un roi, plus que la personnification de la viriHté, Clark Gableest une star.

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Glen Turner, qui brUle des miUe feux E Dès ses débuts, de sa couleur dorée et Clark Gable impose sedistingueparsongoût F sapersonnalité. unique, est aussi une star.

Il apparaît bien, en effet, que le repérage et la connexion d'éléments fortement co-hésifs (traitement de l'information par "donnees")jouent un rôle important (tant chez ces adultes que chez des élèves de CM2 à la 3eme à qui le même problème a été posé). Ainsi, la reprise de "roi", le jeu des déterminants et la présence de "mais" commandent la mise en séquence de :

. " Cet homme nouveau qu'incarne Clark Gable,...lui vaut d'être élu, en 1938,..."roiducinema". . "Un roi dont le charme..." . "Mais plus qu'un roi,... Clark Gable est une star".

De la même façon, on enchaîne souvent, grâce à la reprise de "star" et à la présence du comparatif"aussi", avec :

." Glenn Turner, qui...est aussi une star". Mais ce dernier enchaînement, fondé sur une anticipation s'appuyant sur le repé­

rage d'indices de cohésion locaux soulève un problème d'incohérence sémantique. En ef­fet, il est dit de Glenn Turner qu 'il " brUle des mille feux de sa couleur dorée et se distingue par son goût unique" ...Autant de traits appartenant à un champ sémantique difficilement acceptable pour la classe animé/être humain. (...) Mais ces mêmes traits sont repris au bé­néfice de la cohérence macro-structurelle assignée au texte : il est alors question d'habit de lumière, des feux de la rampe, de l'excentricité des miüeux du cinéma..."

C'est donc, ici, l'anticipation textuelle qui l'emporte dans son conflit avec les anti­cipations locales. EUe gouverne aussi le choix de l'ouverture et de la clôture du texte. Ce choix est sous-entendu, encore une fois, par l'hypothèse de cohérence macro-structurelle. "Si on fait le choix de placer en tête "Dès ses débuts, Clark Gable", l'ensemble du texte, à fonction informative, s'oriente autour du thème central "Clark Gable", construit selon un schéma narratif nettement chronologique, de genre biographique. (...) Mais si l'on fait le choix de placer en tête "S'il y ajamais eu à Hollywood", l'hyperthème devient alors "HoUywood", incluant le thème Clark Gable et, pourquoi pas, d'autres thèmes possibles comme l'acteur "Glenn Turner". Et l'ensemble du thème prendl'aUure d'un écrit docu­mentaire".

3.3.5 - Mondes textuels possibles, schémas canoniques et prototypiques, variétés des textes

La reconnaissance, la lecture (et la production) de textes procèdent (et, en même temps, développent) de la connaissance des schémas canoniques des types de textes et de la reconnaissance de la déviance éventueUe de tel texte proposé par rapport à un tel sché­ma. Au cours de leurdéveloppement et au fil des années d'école, les enfants se construi­sent et font évoluer des "schémas prototypiques" des différents types de texte (Bracewell et Frederiksen -1982). Michel Fayol a étudié cette genèse en ce qui concerne le récit ( 1985). Mais aucun texte ne correspond exactement, ni au schéma canonique du type auquel il ap­partient, ni au schéma actuel disponible chez les élèves. Ces discordances sont source de problèmes de compréhension, en particuher, comme c'est le cas dans les écrits üttéraires, quand l'auteurenfreint sciemment les "loisdu genre".

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F. Marcoin écrit : " Le texte littéraire tend à déjouer les réflexes, à contrer le rai­sonnement anticipateur et à exiger une relecture, ou du moins une interprétation de ce qui a déjà été Iu " (dans "Repères" n°70 -F. Marcoin : " Problèmes de lecture : mondes possi-bles,textespossibles").

F. Marcoin et l'équipe d'Arras ont confronté des élèves de CEl, CE2 et CM2 au début du récit de T. Haugen " Les oiseaux de nuit " (Bordas).

" Ne pas faire de bruit dans l'escafier. Eviter la grande tache marron sur la qua­trième marche. Murmurer : " ça y est, je suis hbre". Retenir son souffle jusqu'au premier paker, là où l'escalier tourne. A partir de là, la tache perd son pouvoir. Se faire tout petit devant la porte menaçante au menaçantjudas,

Un oeil. Qui regarde et regarde. Nuit etjour. Qui regarde tous ceux qui passent. Un oeil de sorcière. Unjour, la porte s'ouvrira brusquement et il ne passera plus. Une voix criera : "ça

y est, cette fois je t'ai eu !" La sorcière, Mme Andersen, l'attrapera, le tirerajusque dans son entrée et l'enfer­

mera dans une cage. Une cage étroite où il devra resterjusqu'à ce qu'il devienne très vieux avecdes cheveux blancs, une barbe, une canne et des rhumatismes comme ceux de son grand-père.

C 'est ce que dit Sara. Vite, monter l'escaker, prendre le tournant. Ne pas faire de bruit. Au premier, sou­

pirer de soulagement." Comme on le voit ce début diffère notablement du début le plus fréquent des récits

merveilleux (merveilleux puisqu'il y a une sorcière). Les problèmes rencontrés par les élèves ont été nombreux, et tous n'ont pas été résolus, loin de là :

- Identification du type de texte : . "C'est un conte ; il y a une sorcière." ."Ce n'est pas un conte, ça ne commence pas par "fl était une fois". . "Mme Andersen, c'est un nom de maintenant ; ce n'est pas une sorcière." . "On dirait un plan." . "C'est comme une recette." . "C'est de la poésie."

- Qui parle ? Qui est le héros ? . " C'est l'histoire d'une sorcière" (hypothèse qui ne résiste pas longtemps à l'épreuve des faits) . "C'est l'histoire de Sara"

Maisondit"vieuxavecdescheveuxblancs,unebarbe..." . "On dit au petit garçon ce qu'il faut faire".

Mais les élèves ont du mal à interpréter l'infinitifen rapport avec le personnage, et sont troublés par le vous ("un grand oeil brûlant qui vous fixe").

Qui dit tout celaau petit garçon ? "L'avancée optimale dans la compréhension est effectuée au CEl par une élève qui découvre que "Sara fait peur au petit garçon en lui ra­contant des histoires."

La question de savoir si une femme qui fait des brioches et qui est grand-mère peut-être une sorcière nous introduit à un autre type de problème posé par les textes de fiction, celui du vrai et du faux, du possible et de l'impossible, mais dans le domaine textuel et, souvent httéraire. Se pose alors le problème, redoutable pour de jeunes enfants, des

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"mondes textuels possibles" après, nous l'avons vu, celui des structures textuelles possi­bles.

Mis en présence du début du "Gentil petit diable" de P. Gripari (Folio), les élèves n'ont aucun des problèmes de compréhension qu'ik ont eu face à l'autre début de récit. C'est que ce texte est proche du schéma canonique du conte merveiUeux et de la représen­tation qu'en ont les élèves. Le seul écart est que le héros, un petit diable, est le fils indigne d'un grand diable vert et d'une diablesse noire : il est gentil, "ce qui faisait le désespoir de sa famiUe". Il va régulièrement àl'école, ne martyrise pas son maître, etc...Cela amuse les jeunes lecteurs, mais quand üs imaginent la suite, iLs ne parviennent pas à maintenir le ca­ractère méchant des parents diables :

" - As-tu bien travaülé ? -Oui. - C'est très bien. " Devant un autre début de récit merveiUeux ("Le roi des lapins"), non seulement les

élèves ont du mal à imaginer une construction "en tiroir" qui fasse que le texte n'ait pas de fin, car cela entre en conflit avec leur schéma du conte, mais, de plus, ils se heurtent à "un problème de convention (qu 'est-ce qui peut^tre personnifié dans un récit ?), lui- même dépendant d'une distinction entre éléments (soleil, vent, nuage) et événements (raz de ma­rée, explosion)" qui, eux, n'ont pas de permanence. Mais pour les élèves, la distinction n'est pas si claire :

-" : Rappelez-vous l'histoire. Qu'est-ce qu'on cherche ? - E : Un mari. - M : Alors, la bombe atomique, ça convient ? - E : Oui. - M : Le vent, oui, mais une bombe ? - E : Ben alors, t'as déjà vu un lapin roi ? "

3.3.6 - Conclusions Les problèmes de lecture, de construction du sens et de la signification des textes

soumis aux élèves relèvent donc de différentes entrées linguistiques : situations, écrits, dis­cours et textes, langue enfin. L'action du maître consiste alors à les y référer de manière pertinente. Ce faisant, il lui faut prendre en compte l'interdépendance des problèmes de lecture relevant de ces entrées. Cette interdépendance n'est pas une détermination descen­dante simple, des situations au type de discours, etc... Un problème d'ordre Linguistique (connecteurs) est aussi d'ordre textuel (connection interphrastique et cohésion textuelle) et détermine des choix de traitement de l'information (traitement par données/traitement par concepts).

Les élèves ont des savoirs, mobiksent des invariants relevant de ces entrées Linguis­tiques, mais aussi des modes de traitement de l'information et des stratégies de lecture. Leurs expériences antérieures de lecture et leurs expériences actuelles ouvrent sur la struc­turation de savoirs conceptuels : concept de la lettre, schéma canonique du récit merveil­leux, etc.. Mais ces savoirs ne sont pas, en situation de lecture, mobiïisés tels quete et pour eux- mêmes. Ce sont les savoirs opératoires correspondants qui le sont : une lettre se re­connaît à..., un récit merveilleux à... Les problèmes naissent de la mise en oeuvre de ces savoirs et se résolvent en s'appuyant sur eux. Les apprentissages réahsés consistent en un ajustement, un affinement des invariants convoqués, ou en une refonte, une reformulation de ceux-ci. L'utiUsation et l'extension de méta-invariants semblent jouer un rôle particu-fièrement important. C'est, d'une certaine façon, une confirmation de l'importance de la "clarté cognitive" dans la réussite en lecture. (J. Downing et J. FijaUcow -1984).

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3.4 - SITUATIONS-PROBLEMES D'ECRITURE

Comme enlecture, les situations et les activités d'écriture sont pareUes-mêmes pro­blématiques (même si tout, dans les tâches à réahser, ne fait, heureusement, pas problème aux élèves). L'élaboration et la réahsation de projets d'écriture se confondent avec la for­mulation et la résolution de problèmes extrêmement variés etcomplexes, imbriqués et in­teragissant continuement. Ces problèmes concernent :

- les situations et les enjeux des actes d'écriture. - les types de discours et les types d'écritset de textesen lesqueLs üs se réaUsent. - les marques Unguistiques dans la "mise en texte". Bien que les problèmes relevant de chacune de ces "entrées", de chacun de ces

"lieux linguistiques" interagissent avec ceux des autres, l'exposé gagnera en clarté à les distinguer. Toutefois, l'analyse des activités d'écriture dans les classes expérimentales conduira à montrer que cette interaction dessine des relations partieUement de dépendance et partieUement de liberté entre les composantes de la tâche, les exigences, les difficultés relevant de ces différents lieux linguistiques. Les problèmes d'écriture nous paraissent fon­damentalement sous- tendus par une dialectique liberte(s)-contraintes(s) à l'oeuvre dans les processus rédactionneLs, à quelque niveau finguistique qu'on se situe. Les métaconnais-sances dont la mobUisation est nécessaire à la réussite de la tâche nous paraissent eUes aus­si avoir d'abord trait à cette dialectique.

3.4.1 - Problèmes d'identification et d'analyse des situations et des enjeuxdesactesd'écriture

Ce que les psychoünguistes appeUent la "planification" dans le processus rédac­tionnel (par exemple Hayes et Flower - 1980, repris entre autres par M. Fayol - 1985, et J.P. Bronckart) suppose la mobüisation, la reconnaissance et l'élaboration de représenta­tions ayant trait aux situations et aux enjeux des actes d'écriture. Ces représentations, à la fois individuelles et sociales, à la fois pratiques (apparentées aux habitus sociaux permet­tant identificationset classifications) et conceptueUes, permettent ce que Bronckart appeUe la contextuatisation des actes de discours, et dont il dit que c'est la "pierre angulaire" de laproductiondiscursive.

La contextuahsation nécessite à coup sûr l'identification de la situation et de ses enjeux. EUe comporte éventueUement une analyse plus ou moins explicite, plus ou moins complète de leurs paramètres. Avec Bronckart encore, nous distinguons les paramètres physiques, matériels (quel individu, de quel sexe, de quel âge, écrivanten quel heu, sur quel support matériel, à quelle heure, etc..) et les paramètres sociaux de la situation. Si les premiers paramètres sont déterminants pour ce qui est de la réalisation matérielle de la tâche d'écriture en classe, les seconds sont fondamentaux pour nous dans la mesure où nous considérons récriture comme un acte socialement situé et valorisé et où nous visons des apprentissages discursifs, donc du domaine de l'interaction sociale. C'est pourquoi, dans nos classes, le lieu de l'énonciation et celui de la réception sont avant tout des lieux sociaux, des heux d'échange, d'interaction entre des énonciateurs (individu ou groupe ayant un projet, engagés dans des actions, et ayant une certaine représentation d'eux-mêmes, de ce projet et de ces actions) et un public de récepteurs définis par la connais­sance et la représentation qu 'en ont les énonciateurs.

Les paramètres sociaux incluent le but de l'acte d'éçriture. D s'agit avant tout de la modification des actes, de l'attitude, des représentations du destinataire social, mais il s'a­git aussi, puisque l'écriture tisse un heu (tien...) social énonciateur-destinataire, d'une mo­dification semblable, plus ou moins explicitement visée, de l'énonciateur. Par aüleurs, les actes d'écriture et les discours produits, du fait de leur inscription sociale, acquièrent, quoi

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qu'on en ait, une valeur. La représentation, la visée plus ou moins consciente et claire de cette valeur, constituent au premier chef l'enjeu social de l'acte d'écriture, que nous dis­tinguons, quant à nous, du simple but visé.

Le premier lieu de mise en problème de l'activité d'écriture par le maître, dans les classes expérimentales, est donc celui de l'identification et de l'analyse des situations ma-térieUes et sociales, et des enjeux de l'écriture. Cela nécessite d'abord que les situations retenues, créées, soient effectivement des situations sociales d'actes de discours. Mais ce­la n'est pas suffisant. L'enseignant doit faire en sorte que les élèves se décentrent et tra-vaillent sur les situations.

3.4.1.1 - Paramètres matériete Une classe de CE2-CM1 de l'équipe de Saint-Lô (dans "Repères" n°62, B. Bled :

"Où est le problème ?") s'apprête à partir en classe de mer. La veille du départ, elle écrit à un éleveur de moutons et à une agricultrice pour leur demander à visiter leur exploita­tion et prendre rendez-vous. Les réponses ne pourront faire prendre conscience aux élèves des problèmes Ués aux paramètres matériels de la situation (la lettre arrivera après l'arri­vée surplace de la classe ; la lettre n'indique pas le lieu d'hébergement des élèves, e tc . ) , puisque les récepteurs ne pourront répondre. C'est donc immédiatement que l'évaluation du premier état de la lettre doit conduire à l'analyse de la situation de communication.

Dans un CP de l'équipe de Melun (R. Lartigue dans "Problèmes d'écriture", 1988), les enfants ont décidé, pour préparer le concours des "Ecoles fleuries" (OCCE), de faire deux parterres dans deux coins disponibles de la cour. Il est décidé d'écrire une lettre au grand-père de Bruno, qui peut fournir la terre nécessaire. Un groupe écrit :

"Cher papi de Bruno, nous vous demandons si vous pouvez nous donner de la terre, si ça ne vous dérange pas, parce que nous aUons faire le concours des écoles fleuries."

Lors de l'évaluation collective, la maîtresse demande : "Comment ce monsieur saura-t-il où il faut déposer la terre ?" . Un élève répond,

geste à l'appui : "fl faut lui dire : là-bas". Il y a là confiision évidente de l'énonciation in presentia et in absentia. Mais les élèves ne s'en rendent pas compte. La maîtresse ajoute donc au texte "Il faudra déposer la terre là-bas" . Relisant la lettre ainsi complétée, cette fois les élèves réagissent carl'énoncé "là-bas" est inclus maintenant dans un écrit dont iLs connaissent le caractère de communication différé et à distance. Cependant, les premières propositions de solution ne concernent pas la lettre : coller un papier sur la grille de l'é­cole pour expliquer où mettre la terre. Un véritable débat s'engage.

En effet, la pluie, le vent... Finalement, réinvestissant la fonction du plan auquel üs ont été récemment confrontés comme récepteurs, les élèves adjoignent à la lettre un plan de la cour indiquant où déposer la terre.

Dans un CM2 de l'école de Chépy (Equipe d'Abbeville-Vimeu (R. Lartigue dans "Problèmes d'écriture"- Ouvrage cité), un contrat a été passé avec unjournal local. Il pré­voit une série de sept articles intitulée "Balade en Somme avec les écoliers chépois du CM2". Les contraintes matérielles sont fortes : photo et texte, nombre de signes, pério­dicité... Le premier texte ("Le château de Rambures") se révèle être trop long. Que peut-onremplacer ? Le problème matériel conduit à une analyse critique des informations. Il apparaît alors que certaines sont superflues (l'épaisseur des murs, le nom de l'actuel occu­pant, etc..) mais que d'autres manquent : jours et heures d'ouverture, prix de la visite. Il faut réécrire.

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3.4.1.2 - Paramètres sociaux Le dernier exemple que nous avons pris montre que ce n'est que pour l'analyse que

l'on sépare paramètres matérielset paramètres sociaux. En effet, ce qui est fondamental dans le projet d'écriture des sept articles de journal, c'est de donner aux lecteurs l'envie de sortir de chez eux, de connaître le patrimoine de leur région, leur environnement proche. Ces lecteurs, ce sont tous les lecteurs du journal, et non plus seulement les parents, les amis. Comment les intéresser, les persuader ?

L'exphcitation coUective des paramètres sociaux conduit à la formulation d'un cer­tain nombre de problèmes dont la résolution permettra les premières écritures et réécri­tures :

- Le pubkc n'est pas, a priori bienveülant, à la différence des parents ; d'autre part, il connaît ou croit connaître les lieux qui vont être évoqués. En coaséquence, il faut à la fois écrire des articles dignes d'un vrai journal, et intéresser les lecteurs à un référent qu'ils croient familier. Dans quelle mesure pourra-t-on s'inspirer de lapro-duction, l'année précédente, d'un magazine, pour un public plus large que celui des parents, et centré sur la VaUée de la Tarentaise après une classe de neige ? - Le contenu, en conséquence, peut dépendre des intérêts ou des activités scolaires. U doit dépendre de l'estimation, de la représentation qu'on a des intérêts et des at­tentes du public. Mais comment les estimer ? On ne peut faire une enquête, n faut, à partir de la connaissance des heux que l'on a ou que l'on aura, utiliser celle qu'on a et qu'on croit avoir des lecteursdu journal (on en connait certains, dont des pa­rents, des amis, des voisins...). - Le statut des rédacteurs : en conséquence aussi, les rédacteurs ne doivent pas s'af­ficher comme tels. Us devront s'effacer du texte, tout en étant présents dans le titre de la série "Balade en Somme avec les écoliers chépois du CM2".

Ce dernierproblème révèle, mieux encore que les autres, laprise en compte de l'en­jeu de cette activité d'écriture. D faut se manifester comme capables d'écrire de vrais ar­ticles, bien qu'on ne soit que des enfants, et, pour cela ne pas se manifester puérilement dans les écrits ("Signé Valérie... Phikppe... " )tout en s'inscrivant coUectivement dans le titre de la série, car cela donnera plus de valeur à l'œuvre réahsée.

L'identification et l'analyse des paramètres sociaux de la situation de communica­tion ne se fait pas toujours en une fois et d'emblée, comme une conception application-niste de la didactique le laisserait penser. Certes, en général, le maître et les élèves gagnent à identifier aussi nettement que possible les paramètres de la situation avant de s'atteler à une première écriture. Mais, en fait, l'enseignant fait en sorte que des cycles renouvelés : projet d'écriture-écriture-évaluation se mettent en place, et, dans chacun de ces cycles, les paramètres, en particuher sociaux, de la situation sont examinés, discutés, approfondis, re­formulés. C'est-à-dire que les problèmes situationnels se reformulent, s'exphcitent, et se résolvent de manière graduée et de plus en plus complexe. Paradoxalement, les problèmes ne se résolvent pas en se simpkfiant,mais en se compkquant.

Dans le CEl de F. Péchon (équipe d'Amiens -Document non pubke),les élèves, après avoir visité une exposition intitulée "le üvre-objet" au Centre culturel, ont commen­cé eux-mêmes à fabriquer des hvres-objets. Leur projet est d'en faire une exposition et d'y inviter les élèves et le personnel de l'école materneUe voisine. L'exphcitation coUective de la situation (en particuher, du but poursuivi), les conduit, dansun premier temps, à en­visager, pour informer et convaincre le public visé, de produire des affiches et des tracts (sic). Us choisissent donc de manière pertinente des productions adaptées au but visé. Tra-

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vaülant d'abord sur leurs affiches, une première formulation du problème d'adaptation aux caractéristiques du public émerge :

- E : "CeUe-là... c'est pas rigolo" - M : "C'est vrai. L'autre était plus amusante." - E : "Oui, mais pas trop..." - E : "Pas trop : s'il y a un homme sérieux... fier... ( = distant, hautain, en Picardie)... je ne sais pas, moi... un directeur... " -M : "Donc, vous n'êtes pas non plus d'accord sur le côté amusant de l'image. Mais vous pensez qu'il ne faut pas exagérer. Un peu amusante seulement, peut-être..." Elle écrit au tableau : "une image un peu amusante, ou non ?" et laisse la question où eUe en est. EHe resurgira quand les élèves en viendront à leurprojet de tracts. Très clairement,

Us distinguent les fonctions des tracts par rapport aux affiches. U s'agit toujours d'infor­mer et de convaincre de venir à leur exposition. Mais les tracts toucheront chaque élève et chaque adulte de la materneUe, individueUement. Us ont étudié des tracts qu'ils avaient coUectés. Us distinguent, parmi eux, "les tracts d'invitation". Parmi ces derniers, ils dis­tinguent :

- les "normaux" qui sont imprimés sur un papier "normal", "épais", "pas beau". " C'est pour des gens qu'on connaît pas. C'est pour tout le monde." - les autres (il s'agit des cartons d'invitation) : " C'est surdu beau papier. Du can-soa Du papier briUant. Le fond est (parfois) en couleur. Des fois, c'est pfié comme ça ou comme ça; ça s'adresse seulement à certaines gens. Des gens qu'on connaît un peu."

C'est au moment de la première écriture des tracts et de l'évaluation collective qui suit que le problème se reformule, en opposant les deux types de tracts et les caractéristi­ques opposées des publics :

- "tout le monde ; on les connaît pas". - "certaines personnes ; on les connaît un peu ; gens sérieux." Le problème de l'adaptation de chaque écrit-tract à sonpuMic est de plus en plus

clairement explicité : - "E : EUe a fait le contraire. - E : Ici, eUe n'insiste pas. - E : T'as mélangé les deux. - E : U faut échanger les deux. - M : Vous avez dit que ce groupe avait melange..Je n'ai pas bien compris, moi... - E : Pour les gens sérieux, Us ont mis comme pour les gens pas sérieux ! - M : Lequel est pour les gens sérieux ? Je ne comprends pas bien. - E : Cfclui-là (montre le carton d'invitation). C'est comme un petit fivre ; ça s'ou­vre. - E : Et celui-là (l'autre), c'est moins sérieux. - E : C'est pour tous les gens. - E : On insiste. - M : Oui, je vois, mais pourquoi on insiste dans ceux- là ? - E : Quand on a regardé les tracts, on a vu qu 'Us insistent. - M : Oui, on l'a vu. Mais pourquoi, à votre avis ? - E : Ben... les gens, Us sont occupés.

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- M : Ah, bon. Oui, d'accord. Et celui-là, le carton, c'est pour qui ? - E : Pour des gens sérieux. -E:Desdirecteurs,parexemple. - E : Pour les maîtres. - M : Et pour eux, vous n'insistez pas ? -E:Non. - M : Et pourquoi ? - E : Ben, si on dit "Tu viens !", elle va dire "EUe est pas bien, ceUe-là !" -E:"EUeestfolle!" - E : C'est des directeurs, hein !" Le problème sera concrètement réglé dans la réécriture. Reste posé, et non résolu

exphcitement, le problème que les maîtres et les directeurs sont certainement au moins aussi "occupés" que "les gens", et qu'on tient par dessus tout à ce qu'üs viennent à l'ex­position...

3.4.1.3 - foteractions entre les problèmes ayant trait aux situations et des problèmes d'autres niveaux

Chacun des exemples analysés ici montre que l'identification et l'analyse des si­tuations des actes d'écriture, la formulation et la résolution des problèmes qui s'y posent impliquent des choix discursifs et textuels et suscitent, à ce plan, d'autres problèmes. Ce sera l'objet du 4.2 -. Mais nous voudrions illustrer dès maintenant les interactions entre les problèmes relevant de différents niveaux d'analyse linguistique et pointant trois problèmes de langue posés dans les documents dont nous disposons par l'explicitation des paramè­tres des situations d'écriture.

A Saint-Lô, dans l'évaluation et la réécriture des lettres à l'éleveur de moutons et à la mytilicultrice, un ensemble de problèmes linguistiques se pose qui relève de l'inscrip­tion textuelle de la situation d'énonciation. Ainsi, un premierjet mêle les premières per­sonnes : "Nous sommes très intéressés par votre métier. Parce que le frère de mon père est aussi mytificulteur à Paris, et aussi parce que moi j'aime bien les poissons et j'espère (...). La classe de Madame Berthelot." Le texte est critiqué :

" - Lui, il écrit pour lui. - D écrit qu 'il connaît quelqu 'un à Paris, etc... - Le texte ne peut pas être signé "la classe". Une situation émerge : " - D faudrait qu'il dise : y' a un tonton d'un garçon qui est de notre classe qui est mytihculteur...". Le garçon qui disait "je" étant le scripteur du groupe, la transformation qui est re­

tenue en fait celui d'un énonciateur coUectif, la classe, et le conduit à parler de lui-même à la troisième personne et à rapporter ses propres paroles comme celles d'un autre et d'un parmi d'autres. La transformation, linguistique en surface, est, en profondeur, discursive et situationnelle.

Dans la même séquence, un autre problème se pose. Un petit groupe a contesté les questions qui figuraient dans les textes ("avez-vous beaucoupde poissons ?" ; "qu'est-ce que mangent vos poissons ?" etc . ) . La critique est fondée sur l'analyse de la situation de communication : les élèves craignent que le récepteur répondepar lettre et ne comprenne pas que ce sont les questions auxquelles les élèves souhaitent qu'il réponde chez lui, lors de leur visite. Les transformations sont ici aussi linguistiques : "Nous voudrions vous po­ser des questions sur..." ; "Nous vous poserons des questions sur...", mais eUes répondent au problème du changement de discours.

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Des problèmes linguistiques, enfin, peuvent naître de la prise en compte plus ou moins exptìcite des enjeux de l'acte de l'écriture et de la représentation des compétences et des attentes des récepteurs. Des élèves de CP de l'équipe d'AbbeviUe (P. Leclerc et V. Courbois : "Ecrire au CP : les problèmes ne sont pas toujours ceux qu'on croit..." dans "Repères" n°70) préparent une exposition pour les parents et le pubhc sur le pain et sa fa­brication après une visite chez le boulanger du viUage. Dans les états successifs des textes accompagnant les photos exposées etde la lettre (antérieure) au boulangerpour lui deman­der de les recevoir, on note des réécritures locales, essentìeUement d'ordre lexical, qui ré­pondent à des problèmes, plus ou moins bien formulés, d'adéquation aux compétences du public et à la représentation qu'on en a :

- "On n'a pas parlé du pétrin. - D y a le mot pétrin. -Moi, ma maman pétrit la pâte sans pétrin. Pour faire des gâteaux..." D'autres reformulations spontanées semblent correspondre à une représentation des

attentes des récepteurs et de l'enjeu de la communication écrite : des élèves (même du CP) doivent "bien" écrire, montrer qu'ils savent le faire, qu'ils peuvent employer les mots des adultes,etc...

Par exemple : "Qu'on vienne chez vous pour vous voir faire du pain" - "Qu'on vienne dans votre boulangerie pour voir comment vous fabriquez le pain".

Les auteurs de l'article soulignent que ces reformulations ont un destinataire ambi­gu : "Est-ce le boulanger ? La maîtresse ? Ou l'observateur de la séquence ? Nous ne pou­vons échapper à de teUes ambiguïtés. Les situations décrites sont à la fois fonctionnneUes et scolaires, ont à la fois une fonction de communication pour les enfants et une significa­tion scolaire. Ceci dit, si la situation n'était pas d'abord fonctionneUe, et si la demande pé­dagogique de la maîtresse n'était pas de résolution de problèmes, est-on sûr que ces représentations de l'autre - le lecteurpotentiel - seraient prises en compte ?".

3.4.1.4 - Connaissance des situations et discours sur les situations ; habitus et métaconnaissances

(voir aussi G. Ducancel "Métaconnaissances et processus redactionnels",1988 ; H. Romian -ch. VI du présent rapport).

Les problèmes ayant trait aux situations que nous venons de présenter ne peuvent d'évidence se formuler et se résoudre que si les élèves mobilisent, manifestent et confron­tent leurs connaissanceset leurs lectures de ces situations. Mais queUe est la nature de ces connaissances ? Nous avons vu qu'ilne pouvait y avoir problème à moins d'une identifi­cation des situations. Mais nous avons vu aussi que souvent laproblématisation s'appuyait sur et conduisait à une analyse, plus ou moins poussée, des situations. Cela nous conduit à poser qu'en la matière une variété de connaissances sont potentieUement concernées : des connaissances pratiques, expériencieUes, pas ou peu réflexives, pas ou peu verbalisées (ou verbatisables) et qui renvoient aux habitus sociaux, au sens de Bourdieu, y compris (ou surtout), scolaires ; à l'opposé des savoirs conceptuels, largement schématisés et ré-flexifs, s'énonçant clairement en discours suivi sur, en métadiscours ; entre les deux (faute de pouvoir préciser davantage à partir de nos observations), des savoirs de l'ordre des opé­rations linguistiques et discursives, s'ancrant surl'expérience, mais appréhendant des prin­cipes concrets d'action. La nature de ces connaissances détermine pour une très large part le degré d'explicitation, de formulation des problèmes, leur extension et leur compréhen-sion,lacompletudedesresolutions.

Dans le CP de l'équipe de Melun (4.1.1- ci-dessus), les élèves refusent la phrase écrite "D faudra déposer la terre là-bas" sur la base de leur connaissance d'expérience du

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caractère différé et à distance de k communication épistolaire. Ds résolvent le problème à partir d'une autre connaissance pratique, celle du plan et de sa fonction. Est- ce à dire qu'ils ignorent les opérations linguistiques qui permettraient, dans la lettre, d'indiquer clairement le keu ? Vraisemblablement pas, mais la solution du plan leur paraît peut-être plus écono­mique ou plus sûre. Quant à la connaissance métalinguistique des marques üriguistiques des tíeux dans l'énonciation écrite, eUe reste évidemment à construire.

Les savoirs construits et mobüisés dans le CEl de l'équipe d'Amiens rédigeant des tracts d'invitaüonparaissent être avant tout des savoirs opératoires. Mais Us s'appuient sur des connaissances issues de l'expérience des élèves ("les gens sérieux", "les directeurs... les gendarmes"...Si on dit 'Tu viens !", eUe va dire "EUe est pas bien ceUe-là ! EUe est folle !"). En même temps, Us ébauchent des savoirs conceptuels sur les types de tracts et, plus largement, sur les écrits argumentaüfs et incitatifs.

Quand ü s'agit d'élèves d'école maternelle et qu'ils sont confrontés à une situation discursive inédite pour eux, il ne peut être question d'attendre ni d'obtenir un métadis-cours, ni même guère une objectivation de critères de performance. Il s'agit alors essen­tiellement de créer et varier les situations de façon à ce que les élèves soient face à des contraintes et des paramètres différents, qu'ils s'y adaptent et y adaptent leur discours. U s'agit donc, alors, d'étendre etdiversifier leur expérience discursive afin de favoriser la construction des connaissances expériencieUes et l'ébauche d'un savoir sur les opérations Unguistiques pratiques adéquates.

C'est ainsi que la Section de Grands de S. ThuiUier (Equipe d'Amiens -Document non publié) a fabriqué en groupes des mikados avec divers matériaux, parce que ceux de l'an dernier ont été cassés ou perdus. Certains savent qu'il y a différentes catégories de ba­guettes, ayant différentes valeurs. On marque certaines (avec de la peinture, de la laine, etc..) et les élèves lancent des chiffres au hasard (0 pt, 8 pts, etc.). Cela suffit aux élèves. Ds jouent sans se préoccuper de la succession des prises, de la façon de prendre, de la va­leur ce qu'on a pris.

Dans un second temps, la maîtresse introduit dans chaque groupe un adulte préten­dument ignorant dujeu, mais qui aimeraitjouer. Les élèves lui exphquent donc les règles. U ne comprend pas du tout. U s'autorise des hbertés. D prétend avoir gagné alors que c'est lui qui a le plus petit nombre de baguettes. Ceci conduit les élèves à préciser peu à peu, et à résumer en fin de séance, le "tour de rôle", la bonne et la mauvaise façon de prendre. La question de la valeur des baguettes, et de savoir qui a gagné, n'est pas tranchée.

Dans un troisième temps, concours inter-groupes. Les élèves sont alors conduits à prendre conscience de la nécessité d'unifier les règles (tour de rôle, prises) et d'expliciter la valeur des baguettes et le comptage des points. Cependant, ceci continue de varier d'un groupeàl'autre.

C'est pourquoi, dans un dernier temps, un des adultes qui étaient venusjouer, écrit en annonçant qu'ü est instituteur, que lui aussi a une section de grands et que ses élèves, à qui il en a parlé, réclament "la règle du jeu de mikado". La classe dicte facUement à la maîtresse ce qui concerne le tour de rôle et les prises. Pour les points, il faut se mettre d'ac­cord. On y parvient tant bien que mal et on l'expüque dans la lettre.

On voit donc que c'est l'identification des caractéristiques des situations succes­sives, et, en particuher ceUe des besoins d'explication des destinataires successife, qui conduisent ici à des reformulations de plus en pluscomplètes et expUcites des règles du jeu. U n'y a pas ici analyse expUcite des situations ni métadiscours sur les expUcations an­térieures. Mais les hésitations, les reformulations locales, les reprises et les compléments d'information dans le tour de parole indiquent une activité épUangagière. De la même fa-

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çon, les versions successives des règles dénotent un choix, non commenté, d'opérations linguistiques pertinentes.

3.4.2 - Choix des types de discours et problèmes textuels L'identification et éventuellement l'analyse des caractéristiques des situations, de

leurs paramètres matérieLs et sociaux nécessitent et rendent possible le choix du type de discours qu'on va tenir. Les problèmes se situent ici environ à deux niveaux : choix entre types concurrents et choix dans le type.

En effet, s'il est vrai que tenirdiscours est un acte individuel, il est non moins vrai, et nous essayons d'en tirer les conséquences didactiques, que cet acte est largement déter­miné socialement. Il l'est, on l'a vu, parl'importance cruciale des paramètres sociaux des situations. Ill'est aussi parce que les choix descriptifs s'appuient sur, réfèrent à des "types" (ou "configurations" ou "formations") de discours historiquement constitués et sociale­ment déterminés. Dans les vingt dernières années, Michel Foucault a été un des premiers à définir ces "formations" comme "un ensemble de règles anonymes, historiques, toujours déterminées dans le temps et l'espace, qui ont défini, à une époque donnée, et pour une aire sociale, économique, géographique ou knguistique donnée, les conditions d'exercice de la fonction énonciatrice" (M. Foucault -1%9). Mais poser ainsi l'existence de types de discours, c'est, corrélativement, poser ceUe d'un interdiscours et, donc, ceUe d'un réseau de libertés et de contraintes dans l'activité de discours : "La clôture d'une formation dis­cursive est fondamentalement instable, elle ne consiste pas en une limite tracée une fois pour toutes séparant un intérieur et un extérieur, mais s'inscrit entre diverses formations discursives comme une frontière qui se déplace (...). L'interdiscours consiste en un pro­cessus de reconfiguration incessante dans lequel une formation discursive est conduite (...) à incorporer des éléments préconstruits produits à l'extérieur d'elle-même, à en pro­duire la redéfinition et le retournement... etc..." (JJ. Courtine -1981).

De la même façon si l'on se place du point de vue du texte, c'est-à-dire de la forme linguistique réahsant le discours, on peut identifier des types de textes, à la fois par réfé­rence audiscours qui les produit et par repérage d'éléments, d'unités linguistiques récur­rentes. Si les typologies différent d'un auteur à l'autre, par exemple de J.P. Bronckart (1985) à J.M. Adam (1984), nombreux sont ceux qui souUgnent que les textes réalisés ne présentent pas purement les types. Ainsi, après avoir analysé des textes "archétypiques", Bronckart étudie des textes "intermédiaires". Par ailleurs, Adam nuance sa typologie en identifiant dans les textes des "séquences textueUes" hétérogènes. A la notion d'interdis-cours répond ceUe d'intertexte. Ainsi J. Kristeva souhgne que le texte "redistribue l'ordre de la langue en mettant en relation une parole communicative (...) avec différents énoncés antérieurs ou synchroniques (1969). R. Barthes écrit du texte que "d'autres textes sont pré­sents en lui (...), les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante. Tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. Passent dans le texte, redistribués en lui, des morceaux de code, des formules, des modèles rythmiques, des fragments de langages sociaux, etc.. car il y a toujours du langage avant le texte et autour de lui". (Article 'Texte" de l'EncyclopaediaUniversahs).

3.4.2.1 - Choix discursifs et textuek L'identification des situations conduit donc à un ensemble de problèmes très large­

ment ouvert qui concerne les choix des configurations discursives et des types de textes. Contraintes et choix Les choix initiaux s'appuient sur la position que prend l'énonáateurpar rapport à

son énoncé (ancrage énonciatif : "Je vais vous montrer...'7'Nous avons vu...")"(Autrefois) on labourait. Deux chevaux tiraient..." ; sur la connaissance des discours ainsi dessinés et

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la compétenceà les tenirjusqu'au bout. Les problèmes en classe émergent, sè formulent et se résolvent à partir de la diversité des choix individuels ou des petits groupes, mais aus­si à partir d'un retour à l'analyse de la situation, d'une évaluation des textes produits, des réécritures partielles, voire d'une refonte totale. (S. Djebbour et R. Lartigue : "Des situa­tions de communication aux textes : contraintes et choix" - Equipe de Melun dans "Re­pères" n°70).

"Dans le cadre d'un travail d'histoire, les enfants (Œ2) visitent, à Paris, le Musée des Arts et Traditions populaires. Chaque petit groupe est chargé de prendre des notes à propos d'un sujet (unevitrine ou un petit ensemble de vitrines), pour pouvoir en rendre compte ensuite. Deretour à l'école, chaque enfant écrit un texte pour expliqueraux autres ce qu'il a vu. Pour un même sujet (et une même vitrine) on trouve, par exemple, les deux textes suivants :

Tl - "Du blé au pain. En premier on labourait le champ avec une charrue. Deux chevaux tiraient et un

homme poussait avec un bout de bois rond pour faire les siUons. Après un monsieur ou une dame passait derrière et jetait les graines. Ensuite pour enlever les graines des épis on prenait un fléau. Ensuite on coupe le blé avec une faucille ou une faux. On le ramassait avec un rateau. Ensuite on le transportait à la ferme. Pour conserver les graines on les met­tait dans des sacs ou des paniers en paüle. Pour écraser le blé on utilisait deux pierres une fixe et 1 ' autre tournait."

T2 - "Nous avons vu une charrette qui labourait la terre. Le tablier de la semeuse. Le rouleau pour forcer les siUons, la faux. Pour séparer le

grain de la baUe qui 1' enveloppait on a exposé au vent dès longtemps le contenu d'une corbeille. On a vu une meule de mouün à vent. Le pétrissage s'effectue dans le pétrin (...)".

NB : au dessus du texte, un dessin représentant le soc d'une charrue.

Un troisième enfant écrit : T3 - "Du blé au pain : Enpremier,jevousvousmontrer lesoutils..." ... et entreprend de réaUserun ensemble decroquis légendés. La diversité des choix est évidente (stratégie narrative avec emploi spécifique de

l'imparfait/énumération d'opérations et d'outils correspondants/recours au schéma...), mais on voit aussi les difficultés auxquelles se sont heurtés les enfants : celui qui a voulu faire un schéma n'est pas aUé au bout de son projet : l'auteur du deuxième texte a amorcé différentes stratégies, sans aucune cohérence d'ensemble. Dans d'autres cas la stratégie choisie n'est pas pertinente par rapport à la visée du texte - ainsi dans cet exemple :

T4 - "Les instruments de cuisine autrefois. J'ai vu comment on faisait le beurre. J'ai aussi vu les instruments de cuisine. On a aussi vu comment on faisait le pain et dansquoi onmettaitlepain(...)."

Dans cette situation "ouverte" - à la charnière du pragmatique et du textuel - il faut aider l'enfant à repérer les données du problème - contraintes pragmatiques et stratégie(s) pertinente(s) et du même coup à le résoudre, fl faut l'aider aussi à mettre en texte de façon cohérenteetcescontraintesetlastratégiechoisie.

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Dans d'autres situations d'écriture, c'est la difficulté - voire l'impossibiüté à me-nerjusqu'au bout la stratégie adoptée qui fait émerger un problème qu'on sera ainsi ame­né à formuler etrésoudre en termes d'organisation du texte. Ainsi lorsque des enfants de CEl, confrontés à l'écriture de la règle d'unjeu, choisissent de "raconter" lejeu en don­nant au fur et à mesure les indications nécessaires : si le jeu est un peu complexe, on ne parviendra pas à énoncer tout ce que doivent savoir les destinataires pour pouvoirjouer, et une correction par ajouts n'aboutirait qu'à un "monstre"... La solution du problème, et la réécriture, passent par un éclatement et une réorganisation du texte : on voit apparaître des regroupements en rubriques (matériel/déroulement du jeu/règles, etc.) avec l'emploi nécessaire de termes génériques ("matériels", "interdictions"...)et le recours au schéma du terrain et de l'emplacement des joueurs. On s'approche ainsi, plus ou moins selon les cas, d'un modèle "adulte" ; mais on ne cherche pas la reproduction d'une règle du jeu "type" qu'on aurait pu proposer, dès le départ, comme une matrice."

De la superposition des modèles textuels à leur association. L'équipe de Mâcon (J.M. Sandon : "Réécriture : vers un nouveau dynamisme ?"

dans "Repères" n°70) expérimente des cycles d'écriture-évaluation-réécritxire visant à faire passer les élèves de la production de textes "à modèles superposés" à celle de textes "à mo­dèles associés", en passant par une phase où les modèles sont "distingués". C'est-à-dire que les résolutions des problèmes discursifs et textuete construisent des invariants à ces ni­veaux (caractéristiques récurrentes permettant une typologisation plus ou moins élaborée) qui fondent, à leurtour, les réécritures.

Un élève de CM2 a déposé dans la "boîte à textes libres" un texte intitulé "Mousse au chocolat", écrit de mémoire après qu'il ait réaUsé la mousse avec sa mère qui avait à côté d'elle un livre de recettes.

"Mousse au chocolat Quandj'ai décidé d'inviter des copains. Je décide de faire une mousse au chocolat

ma maman me dit mets : 100 grammes de chocolat et puis 50 grammes de sucre, quatre oeufs et 30 grammes

de beurre dans un bol ; fais ramoUir au bain-marie le beurre et le chocolat. Toumerjusqu'à obtenir une pâte hsse et soufflée. Ajouter un à unjaunes d'oeufs dans le mélange tiède.

Ajoute du sucre dit maman et travaüle à nouveau jusqu'à ce qu'il soit parfaitement fondu. Monter les blancs en neige. Tournez-les à leur tour cuiller par cuiller. Laissez re­poser trois heures au frigo et après trois heure je la sortis, elle était succulente et molle".

Le texte est Iu et analysé. Les remarques ont été, on s'en doute, nombreuses et va­riées, mais ceUes qui ont été les plus fécondes pour la réécriture portaient sur l'incohérence discursive : "Celui qui a écrit ça, on dirait qu'il recopie un livre, mais pas tout le temps". Il y a aussi la maman qui parle". "U change d'avis" etc..

Pour faire disparaître ce dysfonctionnement, il est décidé de réécrire le texte en choisissant "un point de vue", "un avis dont on ne changera pas". C'est la phase que l'é­quipe appelle "à modèles distingués". Les choix des élèves ont été variés et ont abouti à des textes différents que l'on pourrait distribuer sur un axe dont une extrémité serait peut-être un texte du type "100 grammes de chocolat; 50 grammes de sucre (...). Faites ramol­lir... Tournez... Ajoutez..." et l'autre "Un matinj'ai décidé d'inviter des copains(...). J'ai pris...j'ai fait... j 'a i tourné...(...) EUe était succulente et molle". Entre les deux, des textes qui, par exemple, enchâssent de différentes façons la séquence explicative dans le récit à la première personne : "J'avais invité des copains (...). Ma maman me dit : "Mets : 100 grammes de chocolat (...)" ou encore "J'ai reçu des copains (...). Voici la recette : il faut (...)". Sans compter un texte tout entier au futur : "Quandje déciderai... Je ferai... Je met-

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trai...". On voit qu'il s'agit moitié d'un exercice, moitié d'unjeu. Mais cette étape permet la mobihsation des savoirs sur les modèles discursifs et textuete pertinents et des opéra­tions linguistiques de textuaüsation correspondantes.

L'équipe de Mâcon souligne que, d'une part, cette seconde étape n'a pas produit que des textes "typologiquement purs", mais que, surtout, elle n'estqu'une étape vers la production personnelle autonome et mieux maîtrisée, de textes associant plusieurs mo­dèles. Mois, "comme dans le premier cas, plusieurs modèles coexistent. Mais (...) leurjeu est cette fois-ci réglé, conscient, et il ne doit pasfaire l'objet d'une critique normative au nom d'un modèle pur".

3.4.2.2 - Problèmes dans les textes Les deux exemples que nous avons présentés montrent l'interaction entre les pro­

blèmes naissant au niveau du choix des types de discours et de textes, et de ceux qui, à l'in­térieur même des textes, en découlent ou bien les influencent en retour (enchaînement d'une séquence expUcative dans le récit, gestion des pronoms personnels, des terminai­sons verbales en er / e z , e tc . ) .

Les choix discursifs et textuels étant faits (ou bien ne se posant pas), il n'en reste pas moins que les élèves sont confrontés à des problèmes en quelque sorte "intérieurs" aux textes, dont nous présentons maintenant deux exemples ayant trait au récit

Schéma du récit et personnage principal La classe de CE2 de l'équipe d'Amiens dont nous analysons maintenant les activi­

tés est engagée dans un projet exphcite et à long terme d'apprentissage de discours narra­tifs (Gilbert et Michel Ducancel : "Apprendre à écrire ; changement de discours, changement de problèmes" dans "Repères" n° 70). Dans le but de fairele bilandes com­pétences acquises, les élèves critiquent coUectivement les récits qu'üs ont écrits récem­ment, individueUement ou en groupes. Il apparaît alors que "le personnage principal n'est pas assez principal". On regarde d'abord dans des récits non scolaires à quel moment fi­gure le personnage principal, ce qu'il fait, etc..

On travaiUe en groupes sur un corpus de récits de formes diverses : bandes dessi­nées, contes, récits historiques, etc.. L'analyse des observations des élèves montre que, plus ou moins expücitement, ils s'efforcent, pourapporter solution à leur problème, de trouver réponse à deux questions. La première, chronologiquement, est en quelque sorte ceUe de savoir comment on repère, dans un récit, le personnage principal, comment l'au­teur l'inscrit linguistiquement dans le texte. Les élèves notent :

" - Le personnage principal est presque toujours dans le titre. - Il est presque toujours dans les dernières phrases. - Son nom est souvent écrit. - Son nom est souvent placé en début de phrase" etc.. Ces repérages linguistiques ouvrent à la deuxième question qui est de savoir com­

ment ce personnage, en tant qu'actant, est effectivement principal. En effet, pointe déjà le fait qu'il ouvre et clôt l'histoire, qu'il en est le thème dominant et constant Poursuivant dans ce sens, les élèves notent :

-" Il n'est pas au début de l'histoire, il arrive vite quand même à commander aux autres. - G'est lui qui pose des questions aux autres. - C'est toujours lui qui fait des choses intéressantes." etc.. L'élaboration de ces savoirs et leur formulation en un métadiscours écrit collectif

qu'on va garder ne garantissent pas, cependant, que les élèves pourront effectuer les opé­rations linguistiques requises pour produire des récits ayant un véritable personnage prin-

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cipaI. C'est pourquoi il est décidé de s'y essayer en écrivant individueUement un récit li­bre.

L'analyse coUective de ces récits montre qu'effectivement laplupart des élèves ont bien mis en scène un véritable personnage principal, encore que tous n'aient pas respecté tous les critères, ce qui relativise les savoirs opératoires acquis, mais aussi les critères eux-mêmes : queLs critères nécessaires et suffisants ? QueLs critères subsidiaires ?

L'analyse montre aussi que l'écriture a abouti chez certains élèves à des savoirs plus étendus sur le récit. En effet, discutant la place et la fonction du personnage princi­pal, des élèves distinguent les phases du récit et le rôle du héros dans chacune.

Cependant, cela reste flou, ou même ignoré de certains. C'est pourquoi le maître saisit l'occasion de la future fête de fin d'année et favorise le projet de réaUsation d'un spectacle de marionnettes. En effet, la classe va devoir construire un scénario et une intri­gue clairs et complets. Cette fois, le schéma canonique situation initiale/complication/ré­solution apparaîtra bien et il sera maîtrisé. Cependant, la saynette est un autre discours narratif. Les élèves l'ont compris et ils ont résolu le problème de "donner à voir" aux spec­tateurs : à l'intérieur du schéma canonique, ils ont distendu les scènes les plus spectacu­laires (hold-up, pousuite...) même quand eUes ne faisaient pas notablement progresser l'intrigue. Le changement de discours narratif favorise donc le transfert et l'extension des savoirs antérieurs sur le schéma du récit, en même temps qu'il nuance et relativise l'inva­riant narratifconstruit.

Le discours du narrateur et sa transfiguration Le changement du discours narratifrépondait aussi à un autre objectifd'enseigne-

ment. En effet, dans leurs premiers et leurs seconds récits, les élèves avaient montré qu'iLs distinguaient et maîtrisaient opérationnellement la distinction entre discours du narrateur et discours des personnages. En particuher, ils savent effacer dans le récit, l'instance énon-ciative ou, au contraire, la souügner : "Hs achetèrent des frites et du fromage. Deux jours après, Alain partit se promener au carnaval. U rencontra une fée..."/"Unjour, il aperçut un homme très riche. Savez-vous comment il avait fait pour faire fortune ? Il volait des ban­ques !". On remarque également que le discours du narrateurjoue bien son rôle de liaison et d'explication des péripéties, des actions des personnages, d'introduction au discours de ceux-ci :

- "Mon mari va me taper !". Par chance, il dormait déjà. D'un seul coup, une lu­mière apparaît. C'est la fée Aurore (...). - "Demain, quandtu iras au marché, tu auras une surprise...".Lejoursuivant, etc.".

Le passage à la saynette va permettre d'approfondir ces savoirs en confrontant les élèves à un nouveau problème : comment transmettre auxspectateurs les informations dé­volues, dans leurs récits précédents, au discours du narrateur ? Après analyse des premiers dialogues, quatre solutions sont envisagées :

- rajouter une marionnette-narrateur. - faire de loin en loin apparaître des pancartes qui informent les spectateurs. - utüiser le procédé de la voix-off. - pas de narrateur : réécrire les dialogues en y intégrant les informations nécessaires. On remarquera que les quatre solutions sontjudicieuses et qu'on pourrait même les

combiner. Cependant, c'est la plus intéressante linguistiquement, la derniére, qui est rete­nue, à la fois par fidélité à une première décision antérieure, et par commodité (!) : rajou­ter une marionnette, faire des pancartes, cela prendrait du temps.

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Les élèves vont donc très précisément faire la hste des informations nécessaires à ajouter, débattre des moyens à employer, essayer, critiquer leurs essais. Les solutions fi­nalement adoptées sont variées et toutes satisfaisantes :

-adressed'unpersonnageauxspectateurs. - informations sur les actions, les heux, les sentiments des personnages inscrits dans le dialogue. - "faux dialogues" : narration d'action par un personnage à un autre qui les voit tout aussi bien que lui. - par contre, scène 4, le changement de Heu n'est compréhensible que par le mono­logue du personnage. - préparation d'une péripérie par uncommentaire d'un personnage. - rappel du fil principal de l'intrigue après plusieurs scènes centrées sur les bandits, et annonce des événements suivants : - morale énoncée par un personnage.

3.4.23 - Conclusion D'autres problèmes d'écriture "dans les textes" se posent évidemment aux élèves

et sont travaillés par les équipes de recherche. Des constantes didactiques se dégagent. La première est que les problèmes discursifs et textuels interagissent avec ceux qui se posent au niveau de l'analyse des situations et au niveau de la gestion des marques ünguistiques de surface. La dernière interaction est particuHèrement nette en ce qui concerne le fonc­tionnement anaphorique des déictiques une fois choisi le mode d'énonciaüon du "discours" au sens de Benveniste, ou encore la mise en espace de l'écrit distinguant hste et texte, écrit de type documentaire et conte, etc..

D'autre part, les problèmes discursifs et textuels sont nombreux, variés, et inter­agissent entre eux. Par exemple, le maintien d'une cohérence d'ensemble narrative rend impossible ou improbable la mise en séquence de telle et teUe phrase, et inversement. La conséquence est que le maître des classes en recherchedoit à la fois conduire les élèves à cerner le problème précis auquel Us achoppent et rendre possibles les interactions et les solutions dépendant d'autres problèmes ou d'autres heux linguistiques de problématisa-tiondel'écriture.

La prise de conscience, la formulation et la résolution des problèmes discursifs et textuels passent par uncertain nombre de prises d'appui, parmi lesqueUes nous voudrions souhgner la dialectique évaluation-lecture-réécriture. En effet, c'est l'évaluation coUec-tive des productions écrites qui fait souvent émerger exphcitement les problèmes ou les noeuds de problèmes. La lecture et l'analyse d'autres écrits jugés pertinents, qu'iLs soient scolaires ou non, débouchesur des savoirs conceptuek qui peuvent fonder les opérations ünguistiques requises dans la réécriture. Ce sont ces savoirs opératoires qui, en dernier res­sort, permettent ou non la résolution des problèmes. La dialectique entre évaluation-lec­ture-réécriture en installe donc une autre, d'ordre cognitivo-Unguistique, entre types de savoirs, et entre actes d'écriture et méta-connaissances, méta-discours sur l'écriture et les écrits.

Nous reviendrons enfin sur ce par quoi nous avions commencé, les hbertés et les contraintes. L'apprentissage discursifet textuel le plus fécond et le plus heuristique est ce­lui des relations réguhères et déterminées entre analyse des situations, choix discursif, type d'écrit projeté, entre choix et modalités discursives et réahsations textuelles et linguisti­ques. Mais en même temps, c'est l'essai d'une plurahté de relations, la critique et la rela-tivisation de ceUes qu'on a mises en oeuvre ou qu'on a observées. Lesinvariants ainsi réahsés, analysés, formulés, schématisés sont toujours en partie locaux et provisoires, tou-

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jours fondamentalement relatifs et évolutifs. En est-il de même en matière de marques lin­guistiques de surface ?

3.43 - La gestion des marques Unguistiques de surface Un discours n'est pas réafisé, un texte n'existe pas, tant qu'ils ne sont pas mis en

espace et en mots. Et l'on conçoit que ceci soit particuhérement important et difficile pour les élèves de nos classes qui, pour certains, n'en sont qu'aux premiers apprentissages de la langue écrite, et qui ont tous à parachever ceux-ci.

Le regroupement ici des problèmes concernant spécifiquement les marques linguis­tiques, "c'est-à-dire l'ensemble des signes Linguistiques dont la mise en oeuvre va donner au texte son apparence perceptible (...) ne doit pas, cependant, faire oubfier que l'utilisa-tiondes marques Unguistiques commence dès le début de la production écrite" (J.P. Jaffré dans "Problèmes d'écriture" -ouvrage cité), et que les problèmes qu'eUe pose interagis­sent continuement avec ceux des autres niveaux linguistiques.

Nous ne considérerons ici que les problèmes posés et résolus en situation d'écri­ture, ou hors situation mais très directement pourpermettre la réussite de l'activité d'écri­ture où l'on est engagé.

Les marqueshnguistiques ne se réduisent pas au domaine traditionneUement appe­lé orthographe. EUes couvrent un champ beaucoup plus étendu et complexe (ou compo­site). En font partie, les blancs graphiques, qui sont comptabüisés à juste titre comme des signes par les typographes : on sait l'importance, pour la compréhension textuelle, de la disposition spatiale de l'écrit, de la distribution des blancs dans la page, du respect des frontières de mots, de phrases... En font partie la gestion et le fonctionnement des marques de l'énonciation. En font partie ceux des coréférences des noms propres, des noms com­muns, des pronoms personnels, des adjectifs et pronoms possessifs... En font partie toutes les questions, toutes les difficultés de syntaxe, de lexique. La liste ne se veut pas exhaus­tive. En fait partie, évidemment, et au premier chef, l'orthographe. Encore vaut-il mieux dire les problèmes relevant des différentes zones du pluri-système graphique du français (phonogrammique, morphogrammique, logogrammique) (Nina Catach -1980), et, de plus, étendre le champ de l'orthographe "à des secteurs tek que les majuscules, la ponctuation ou les blancs graphiques". (J.P. Jaffré dans "Problèmes d'écriture").

Nous ne présenterons ici que quelques résolutions de problèmes ayant trait aux mar­ques Unguistiques. S'agissant de problèmes d'écriture, les équipes de recherche ont été conduites à les catégoriser de manière inédite, en fonction d'une part de leur plus ou moins forte implication textueUe, et, d'autre part, en fonction de leur plus ou moins grande indé­pendance par rapport aux actes du discours.

3.43.1 - Marques Unguistiques et actes de discours La gestion des marques énonciatives

U ne s'agit pas ici des problèmes rencontrés par les élèves dans l'identification et l'analyse de situations d'énonciation (4.1 - ci-dessus) ni dans le choix ou le maintien d'un mode d'énonciation (4.2 - ci<tessus). Maisil est évident que quand un problème de ges­tion des marques énonciatives se pose, c'est-à-dire quand elle n'est pas de routine, l'expli-citation et la résolution du problème imphquent que le maître fasse en sorte que les élèves ne travaillent pas seulement "en langue", mais réfèrent au discours, ou, plus exactement, réfèrent au discours pour régler les problèmes de l'inscription Unguistique de l'énoncia­tion.

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Un élève de CE2-CM1 de Saint-Lô propose la lettre suivante pourdemander un rendez-vousàune mytilieultrice (B. Bled dans " Repères " n°62 -Art. cité ) :

" Chère Madame Lapie Nous sommes très intéressés par votre métier. Par ce que le frère de mon père et

aussi mytiliculteur à Paris et aussi par ce quemoi j'aime bien les poissons et j'espère que vos poissons ne se mange pas entre eux. avait vousbeaucoup de poissons On viendras le lOoctobrechervous.

laclassedeMadameBerthelot. " Au moment de la présentation des textes, les élèves ont dit que des mots comme

"mon", "moi", "je", "nous", "on","la classe", n'aUaient pas ensemble. C'est un retour à la situation d'énonciation qui a permis de formuler le problème Unguistique : " lui, U écrit pour lui, parce qu'il écrit qu'ilconnaît quelqu'un à Paris qui est mytiUculteur... mais les autres de son groupe, de sa classe, ils le savent pas ! C'est pour lui, le texte... il ne peut pas être signé : la classe. " Et les élèves ont entrepris une opération de transformation des mar­ques énonciatives : " H faudrait qu'il dise : y'a un tonton d'un garçon de notre classe qui est mytiüculteur, e tc ." .

Discourscitantetdiscourscité ReUsant le texte d'un article pour le journal de la classe, les élèves de CMl de l'é­

quipe d'AbbeviUe-Vimeu (A. Nicaise et D. Verecque dans " Repères " n°70) achoppent à la phrase : " Madame Verecque lui demande pourquoi pleure-t-elle ? " . L'adulte sait qu'il s'agit du problème Unguistique de la citation d'un discours, celui de Mme V., dans un au­tre discours, celui des auteurs de l'article, et qu'il y aplusieurs solutions. Mais, pour les élèves, les choses ne sont pas si simples, bien qu'ils aient étudié, en grammaire, les diffé­rents types de questions. Au début, trois problèmes s'entrechoquent et interfèrent : présent ou passé ? "lui" ou "nous" ? "elle" ou "tu" ?

-"E : ça ne va pas. Moi, j'mettrais "Mme V. lui demande pourquoi pleures-tu." (sans arrêtniintonationinterrogativemarquée). - E : Oui, mais on n'a pas écrit le texte au présent. - M : Non, on l'a écrit au passé, il faut donc continuer au passé ! - E : Moi, je trouve que ça ne va pas parce qu'on a mis "Mme V. lui demanda" ; on devrait mettre "nous demanda" ; alors ça irait." La question du temps étant réglée, ceUe du choix entre "lui" et "nous" l'est aussi bientôt, par renvoi à la réaüté rapportée ici : - "Nous", ben non, parce qu'alors on le demande à tout le monde. (...) - On ne pouvait pas le demander à toutle monde : y'a que moi qui le savais."(C'est-a-dire,quisavaispourquoijepleurais). La question du choix entre "tu" et "eUe", par contre, met du temps à s'éclairer, parce

que, bien que "nous" ait été écarté, "eUe" est refusé par beaucoup, sans justification( "Le elle , ça ne va pas dans laphrase ."). Enfait ce n'est que peu à peu que les élèves relient le problème du choix "eUe'7'tu" à celui de la citation des paroles de MmeV. Plusieurs élèves proposent successivement "Pourquoi pleures-tu", mais laproposition interfèreavec la question du maintien des temps du passé :

-"Onnepourraitpasmettre"pourquoipleurais-tu"? - "Non, parce que ça voudraitdire qu'eUe pleurait avant." C'est pourtant en propo­sant une solution à "eUe" ou "tu" et, en même temps, au choix des temps, que les élèves produisent de fait une citation directe et une citation indirecte du discours de

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Mme V., qu'un élève parachève avec les deux points et les guiUements du discours direct. Il y a donc d'abord production de deux solutions correctes, avec les moyens Unguistiques adéquats (déplacement à gauche de eUe et assujetissement du temps du discours cité à ce­lui du discours citant, dans le cas du discours indirect), puis reconnaissance et analyse :

-"M : On va essayerd'écrire les différentes solutions que vous proposez. - E : Oh ! J'ai une idée ! Il faut écrire "Mme V. lui demande pourquoi eUe pleure". - M : On a dit qu'il fallait du passé. CO - E : On peut mettre "Mme V. lui demanda pourquoi eUe pleurait." (...) Un E. écrit au tableau sous la dictée successive de ses deux camarades : - Mme V. lui demanda : pourquoi eUe pleurait. - Mme V. lui demanda : pourquoi pleures-tu, Un autre E. lui fait rajouter les guiUemets et le point d'interrogation : "pourquoi pleures-tu ?" - "E : Moi je suis d'accord avec sa phrase, maintenant. - E : Oui, mais tu as changé ta phrase avec les deux points et les guiUemets. (...) - E : Ben oui, parce que là, on fait parler quelqu'un."

Orthographe et discours S'U est évident que la plupart des problèmes d'orthographe ne se résolvent pas par

référence aux actes de discours, U en est cependant - et la fréquence de leurs occurrences est élevée - qui gagnent à cette référence ou, même, ne peuvent se formuler et se résoudre que par cette référence.

Dans un CEl de l'école Elbeufd'Amiens (cité par J.P. Jaffré dans " Problèmes d'é­criture " ) on a, en écrivant, souvent buté sur la question de l'emploi des points de suspen­sion. On en rencontre également fréquemment dans les textes de lecture. L'analyse de quelques uns de ceux-ci aboutit à l'affirmation que les "trois points" servent à remplacer un ou plusieurs mots. La fonction de suspension émerge : "C'est pour faire attendre... pour arrêter un peu la lecture", mais les choses ne sont pas encore tout à fait claires. Des élèves pensent qu'avec trois points on ne peut remplacer que des "petits mots". D'autres consta­tent que, parfois, ü y a trois points à la fin d'un texte, mais n'avancent pas qu'Us annon­cent ou laissent imaginer une suite. L'utUisation de ces trois points dans les activités d'écriture ultérieures permettra d'affiner et de compléter.

Dans un CP de l'équipe d'AbbeviUe 1 (P. Leclerc et V. Courbois dans " Repères " n°70), le début d'une lettre au boulanger se présente ainsi :

"Cher messie seque vous voulez bien gno veinne chez vous pour venire: vous vare faire du pain."

Un premier élève Ut à haute voix "Est-ce que". Un second, réprobateur, "Ce que". La maî­tresse demande alors ce que les auteurs ont voulu dire dans cette phrase. Ceux-ci et l'en­semble des élèves manifestent qu'il s'agit de demander "si le monsieur veut bien qu'on aiUe le voir faire du pain" . Très vite, les auteurs disent "On a voulu écrire "est-ce que" . L'orthographe en est trouvée dans des écrits antérieurs conservés dans la classe, et le point d'interrogation est ajouté. Les deux points disparaîtront quand on se rendra compte qu'on n'en a pas besoin pour expliquer ce qu'on veut. Les autres problèmes, eux, seront résolus évidemment sans référence aux actes de discours.

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3.4.3.2 - Marques linguistiques àforte impücation textuelle S ' agissant des problèmes de marques hnguistiques dans l'écriture de textes, on est

conduit à distinguer (J.P. Jaffré, dans "Problèmes d'écriture") ceUes qui n'ont pas ou n'ont guère d'imphcation sur la mise en espace et en mots de discours, qui ne gênent guère la comprehension, qui renvoient essentiellement à des normes dusystème-langue, et ceUes qui, au contraire, influencent pour leur partla textuahsation et la compréhension de l'écrit produit.

Les problèmes d'écriture que nous avons analysés en 4.3.1 -, et qui ne peuvent se résoudre que par référence aux actes de discours, concernent évidemment des marques Un-guistiques à impücation textuelle forte. Mais celles-ci ne se Umitent pas aux marques dont la gestion dépend de la dimension discursive de l'écriture. J.P. Jaffré donne quelques exem­ples. Celui de la distribution des noms propres et communsetdes pronoms : si le lecteur potentiel ne peut référer par exemple un il au nom de référence dans le texte, la compré­hension en sera gênée ou bloquée. Celui de la ponctuation également, encore que tous les signes n'aient pas la même impücation : certaines virgules n'en ont guère ; les points en ont beaucoup. J.P. Jaffré et l'équipe des Deux-Sèvres (dans "Reperes"n0 71) confrontent les élèves d'une classe de CEl-CE2 au texte de l'un d'entreeux :

"L'accident" Un lundi soir en été après l'école les jumeaux damien et mathieu qui ont sept ans

jouent sur le trottoir ( 1 ) tout en aUant voir leur grande soeur en se lançant la balle près du mur de leur maison en banlieue à côté de la route de galets (2) damien passe un peu sur la route de galets qui est en descente (3) leur grand copain d'école qui a dix ans et qui a eu un vélo rouge (4) et qui aUait chez sa maman (5) il essaie de freiner mais les freins sont trop durs pour lui et il y arrive pas et il fonce dans Mathieu Il pleure le jeune garçon dit qu'il va aller prévenir samaman (6) qu'eUe téléphone à l'hôpital car il a très mal au bras mais c'était Mathieu qui était en tort."

Après avoir constaté que "y' a pas un point dans ton texte" , les élèves proposent 89 signes de ponctuation ayantune convergence importante vers les 6 tieux notés entre pa­renthèses. Sil'on relève une certaine concurrence entre les points et les virgules, on relève surtout que les propositions ont quasiment toutes une fonction de segmentation. L'unité linguistique servant de base à la segmentation est la phrase : trois des heux choisis majo­ritairement sont interphrastiques (2,3,5) ; les trois autres sont intraphrastiques, mais inter-propositionneLs. frrterrogés sur leurs critères, les enfants manifestent clairement qu'ils ont pris en compte "des éléments qui concernent très directement le texte, tant du côté dela production que de la réception" : phrases trop longues ou trop petites, intonation dans la lecture à voix haute, risques d'ambigu~ités ou de confusions sémantiques.

3.433 - Marques linguistiques à faibleimplication textuelle Les dysfonctionnements concernant ces marques n'affectent pas directement la

compréhension du texte et peuvent même passer inaperçus. Sont à ranger dans cette caté­gorie une grande partie des marques orthographiques. C'est le cas, par exemple, des consonnes doubles ("* atraper" ou "* atrapper" pour "attrapper" ; "* tranquilité" pour "tranquiUité" ; etc.), du trait d'union ("* compte-rendu"pour "compte rendu"), de l'accent grave "* celà" pour "cela"), des accords de nombre ou de genre pris dans une chaîne re­dondante ("* les petite fiUes" ou "les petites fiUes") ou encore des désinences verbales (* il résoud" pour "il résout"). U semble queles marques de ce type ne gêne pas les lec­teurs au même titre que les marques à implication forte. Ainsil'oubli volontaire du "nt" à laligneprécédente.

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Cependant, pour ces marques comme pour les autres, la graphie terminale doit res­pecter la norme Linguistique, qui n'est pas toujours aussi forte qu'on peut le croire :

grand'mère/grand-mère/grand mère ? Les élèves en sont d'autant plus conscients que leurs écrits seront communiqués,

lus. Ds y sont également, semble-t-il, d'autant plus attachés qu'ils sont engagés dans les apprentissages premiers (SG - CP - CEl) de la langue écrite, car alors üs prennent peu à peu conscience de l'existence d'un pluri-système graphique et des normes qui le sous- ten­dent.

Les problèmes de marques linguistiques de cette nature sont résolus en situation d'écriture essentieUement selon une démarche analogique, par référence à des savoirs an­térieurs, à des graphies disponibles auxqueUes on se reporte, à des outils coUectifs élabo­rés ou non par la classe (fichiers, affiches, dictionnaires, logiciels, e tc . ) . Les procédures des élèves montrent qu'üs procèdent à une analyse du problème dénotant un savoir déjà bien réel sur le caractère pluriel du système graphique et sur ses trois composantes, pho-nogrammique, morphogrammique, logogrammique.

Reprenons l'exemple du début de la lettre au boulanger écrite par un CP de l'équipe d'AbbeviUe 1 (4.3.1 - ci- dessus). L'écriture messié pour monsieur est, si l'on peut dire une "bonne erreur". En effet, elle procède d'un effort de mise en correspondance de la gra­phie etde laphonie, d'une hypothèse phonographique. Il fautl'intervention de la maîtresse pour que les élèves ne s'enfoncent pas dans ce qu'ils ne peuvent savoir être une impasse, et cherchent la graphie dans des écrits où le mot doit figurer (par ex., lettres administra­tives).

Par contre, l'hypothèse phonogrammique est pertinente dans le cas de vare pour voir. Un élève dit : "ça ne fait pas "voir" ; il n'y a pas de /wa/." Pressé d'expliquer à ses camarades par la maîtresse, il passe au tableau, exphque qu 'il n' y a pas /wa/comme dans roi, et écrit ce mot, déjà rencontré - on écrit voir, et la maîtresse confirme qu'il n'y a pas dee terminal.

Dans d'autres cas, les élèves utilisent l'hypothèse phonogrammique, en repèrent plus ou moins nettement les limites, et y adjoignent une hypothèses morphogrammique qu'ils éprouvent. Dans la même classe, écrivant des commentaires de photos prises chez le boulanger, les élèves doivent écrire "D faut de la farine". Hs se demandent "quel /o/il faut pour "faut"." Ik consultent la fiche récapitulative des mots en /o/, où ne figurent pas il faut, mais fléau et faux . Ds en concluent que c'est au . Un élève écrit faut. Un autre veut imposer faux qu'il montre du doigt. Rottement : on met x , on le barre, on met t , on le barre. Un élève propose, sans exphciter la raison, de rechercher dans le texte d'une recette. Les élèves y trouvent il faut etc.. et écrivent donc U faut de la farine.

On voit qu'il s'agit là, en situation d'écriture, de véritables résolutions de pro­blèmes, mais on voit aussi qu'elles sont nécessairement rapides, peu expücites, et qu'eUes ne concernant que des difficultés locales, survenant incidemment, et même souvent de ma­nière aléatoire. La construction de compétences et de savoirs linguistiques (syntaxiques, lexicaux, graphiques...) étendus, structurés et ayant une plus grande puissance opératoire, nécessite des séquences spécifiques de résolutions de problèmes de langue. Nous allons présenter les acquis de notre recherche en la matière, en nous cantonnant aux problèmes (ortho)graphiques.

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3.5-PROBLEMES(ORTHO)GRAPHIQUES

3.5.1 - Références théoriques et conduite des résolutions de pro-blèmesparlemaître

3.5.1.1-Modèletinguistique Dans un domaine aussi diffìcile et controversé que celui de l'enseignement de l'or­

thographe, les équipes de recherche ont été conduites à expérimenter et expüciter le rôle du modèle Hnguistique dans la conduite des résolutions de prohlèmes par le maître.

Nous l'avons dit, le modèle de référence des équipes est celui du pluri-système graphique du français de Nina Catach et de l'équipe Heso du CNRS (Nina Catach, 1980). J.P. Jaffréet l'équipe des Deux-Sèvresjustifient cechoix (J.P. Jaffré, *Théorie de l'écrit et cohérence pédagogique" dans "Repères" n°62). (Cette) "théorie linguistique met en évi­dence la superstructure des faits graphiques en délimitant des domaines : celui des mor­phogrammes (correspondance graphème/morphème) et celui des logogrammes (lettres distinctives dans la relation d'homophonie). Elle distingue, en outre,principe alphabéti­que et complément idéographique, (sur ce thème, Revue "Liaisons -HESO n°3- CNRS, et Revue "Pratiques" n°25). La nature de cette superstructure, telle que le modèle la construit, produitdes effets enpedagogie."Pourillustrerceseffets,J.P. Jaffréprendd'abordrexem-ple de la relation oral- écrit.

Postulerune interdépendance de l'écrit à l'égarddel'oral, c'est construire une com­pétence hnguistique optimale pour le locuteur (lecteur, scripteur, mais aussi parleur et au­diteur). Lesdonnées contemporaines de lapsycholinguistique vont d'aiUeurs dans ce sens." Il prend également l'exemple de 1' agencement interne des mots comme un ensemble organisé de tracés stables. Le repérage de cet agencement étabht lui aussi un lien entre lec­ture et orthographe, puisqu'il peut fonder la découverte des valeurs de position des gra­phèmes.

Analyse des problèmes Concrètement, en classe, le modèle linguistique aide d'abord le maître à choisiret

analyser les problèmes orthographiques traités par les élèves. Nous revenons à l'exemple du CEl - CE2 de l'équipe de Saint-Brieuc confronté au problème des graphies de /s/. Pour analyser les erreurs des élèves, la maîtresse a besoin de recourir au modèle Unguistique. En même temps, ce modèle est mis à l'épreuve : sa vahdité dépend de sa capacité à ren­dre compte des phénomènes observés. (...) Il va permettre :

- de reher des difficultés qui se manifestent au cours d'activités différentes. - de formuler à leur sujet une hypothèse explicative. - de déterminer des objectifs et la stratégie à mettre en oeuvre pour les atteindre." L'analyse des difficultés des élèves conduit à cerner le point qui les relie : U s'agit,

dans la zone phonogrammique du système, de la question des graphies du phonème /s/. "Celui-ci peut, en effet, être transcrit par différents graphèmes (notamment s , c , t ) , dont ce n'est pas la seule fonction. (...) Toutefois, ces graphiesn'apparaissent pas de façon aléa­toire : entrent enjeu les "lois de position" (...) : s et c sont ainsi seuls possibles en début de mot." En ce qui concerne les élèves, "tout se passe comme s'ils avaient intégre le fonc­tionnement essentieUement phonogrammique de la langue écrite, mais en le simplifiant (...) : le graphème s y transcrit seul le phonème /s/, (...) et le graphème c le phonème fa|. (...) Ce savoir coexiste, d'une manière pour l'instant rigoureusement étanche, avec des sa­voir-faire qui le contredisent : des mots bien connus des enfants, par exemple ciel ou ci-t ronnesont jamaisprononcés/kjfcl / o u / k » b o /,niorthographiéssielou sitron ." La prise de conscience de cette contradiction et la confrontation du savoir des

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élèves avec des graphies qui le mettent en question vont permettre au problème de s'ex-phciter et de se formuler de plus en plus clairement.

Constitution et analyse du corpus Le modèle Unguistique aide aussi le maître et/ou les élèves à constituer le (ou les)

corpus de données sur lequel vont porter l'observation et la recherche des élèves, et d'en contrôler la représentativité, c'est-à-dire, à Saint- Brieuc, "qu'on y trouve bien toutes les graphies de /s/dans tous les environnements possibles", et, si nécessaire de le compléter. Dans les résolutions de problèmes décrochées, la constitution du corpus peut être entière­ment l'oeuvre du maître, dans la mesure où ces résolutions viennent compléter, prolonger les découvertes précédentes, dans la mesure où ce pas ne peut être franchi que grâce au maître, et dans la mesure où tout cela est clair pour les élèves. Par contre, dans les résolu­tions différées, en prise indirecte sur les problèmes rencontrés en situation de lecture ou d'écriture, le corpus est constitué par les élèves, en général en groupes, qui recherchent dans une variété d'écrits les "exemples" qui leur paraissent "pareiLs" (ou "pas pareiïs"). Pourempirique qu'elle soit, une telle constitution de corpus n'estpas aléatoire, elle est gui­dée par la formulation du problème là ou eDe en est, et par les hypothèses implicites des élèves. C'est ainsi que des élèves de CE2 de l'équipe d'Amiens (G. Ducancel : "Monsieur, on n'est pas d'accord !" dans "Repères" n°62) essaient de savoir pourquoi les mots suivant les ne prennent pas toujours les marques du pluriel. "Le maître demande ce qu'on notera précisément" - On peut faire deux tableaux, ceux qui vont pas, ceux qui vont bien" - "Ce qu'il y a autour du mot, parce que c'est peut^tre ça qui va nous donner la solution", etc..

De l'observation des groupes, le maître constate qu'un d'entre eux n'a relevé que des occurrences "où ça marche", un autre "où ça marche pas", un autre les deux, mais qu'il a mis de côté, sur sa feuille, des cas qu'il ne parvient pas à classer, comme les rendre féé-riques, lesseptbandits, lesvoUà. C'estauniveaudelaclasseentièrequ'ilveilleraà ce que le corpus soit complet et représentatif.

Le modèle aide encore le maître à guiderl'analyse des corpus. Dans l'exemple pré­cédent, la première observation du corpus aboutit aux constats suivants :

- quand il y a les devant un nom pluriel,il y a s . - quand il y a les devant un verbe, il n'y a pas d's . Sauf comme tu les attrapes . Tu commandelaterminaisoa

Les élèves ne sont pas assurés que cela soit suffisant : "ce qu'on a dit, c'est bon pourle moment." Ik veulent allerplus loindansl'explication, d'autantque restent ce qu'ils appellent "les exceptions" (les voilà , les sept bandits , ...). Us rappeUent qu'ils savent "faire des choses sur des phrases." Le maître leur demande alors de rappeler lesqueUes (et il complétera, si nécessaire) et fait exphciteret noter :

déplacer retirer desmots dansdes ajouter desgroupes phrases mettre à la de mots place (changer)

C'est l'exercice de ces opérations linguistiques sur le corpus qui permettra d'aUer plus loin et d'approcher les pronominalisations.

216

Contrôledesrésultats Le modèle Unguistique permet enfin au maître de contrôlerles résultats auxqueLs

parviennent les élèves. J.P. Jaffré précise : "le modèle linguistique permet enfin au maître de contrôler les résultats auxquels parviennent les élèves... Le modèle va notamment ser­vir aux enseignants à apprécier la vaUdité des résultats issus de la recherche des enfants. Et "contrôle" doit s'entendre à la fois comme un moyen d'évaluer un écart entre invariants (découverts) et unités Unguistiques, et comme élément de décision quant aux actions d'en­seignement" (J.P. Jaffré dans "Repères" n°75 -1988).

L'exercice, sur le corpus, des opérations Unguistiques prévues dans le CE2d'A-miens aboutit à des résultats, dont la valeur et les Umites sont informées par la connais­sance du modèle linguistique qu'a le maître :

"On passe ensuite de la même façon à l'opération "retirer". Les élèves expUquent qu'on ne peut pas retirer les : "La petite poule hausse les épaules." "ça n'a pas de sens." "On les met sur le navire." "ça a du sens mais il faut qu'on rajoute quelquechose..." "... les bagages." "ça aurait du sens." "On met les bagages sur le navire." Hs découvrent donc la nécessité de deux opérations conjointes : "retirer" et "ajouter". C'est du moins ce qu'un adulte peut penser.

Or, il n'en est rien. Un élève objecte : "Monsieur, ça va pas. EUe a ajouté un les î (celui de " les bagages"). Un autre : "EUe l'a enlevé et elle l'a rajouté après." Pour eux, il y a eu déplacement. Le maître attire leur attention sur la place des deux les. Us parient de plus beUe du déplacement du les . Pour eux, c'est toujours le même. Il est passé à droite du verbe avec ajout d'un nom. ILs ne distinguent pas deuxles à partir de leurs propriétés syntaxiques différentes parce qu'ils ne mettent pas en relation celles de chacun (par ex. que le pronom ne peut être remplacé par mes , tes , nos ... et qu'il peut être retiré si on met après le verbe les + Nom).

Le maître va donc reprendrel'ensemble du problème afin que les élèves comparent les deux "comportements" syntaxiques. Hs reprennent sans difficulté la première opéra­tion et inscrivent au tableaule schéma :

jfcS...V...s impossible

Us passent à la seconde. "U y avait les devant un verbe. On le retire et on le met devant un nom...", "...derrière le verbe". Au tableau, üs inscrivent le schéma :

Jé£..V...les...N...s. ajouté

La comparaison aboutit donc à deux schémas justes et opératoires. Mais pour les élèves il s'agit toujours du même les. On peut pénser qu'on a atteint, avec des enfants de début de CE2, la Umite de ce qu'ils peuvent conceptualiser à propos de cette question."

Dans les CEl et CE2 des Deux-Sèvres travaiUant sur les homophones, c'est égale­ment la connaissance du modèle linguistique qui permet d'évaluer les expUcations que les élèves apportent à la différence visuo-graphique.

Une première explication morphologique, implicite, recourt à la communication : "Au heu de là, on peut dire ici ". "C'est de loin, cette première opération quidomine, sans doute parce qu'eUe est la plus concrète, ceUe qui fonctionne le plus directement (a/avait, son/ses). EUe connaît cependant des Umites que les enfants constatent (à fi, dès (que)/?)."

Une seconde expUcation morphologique, explicite, passe par la fonction ("ça indi­que le pluriel"). "(Cela) semble présenter, pour des enfants de 7-8 ans, un ordre de diffi-

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culté supérieur (...). Le fait de dire "ça marque le pluriel" est le résultat de l'appréciation d' effets produits par une marque linguistique et non plus seulement la mise en oeuvre d'une commutation entre faits "compatibles". La troisième se réfère au sens ("ça veut pas dire la même chose"). "(EUe) est à la fois plus approximative et, au bout du compte, en­core plus complexe, quand ils'agitd'homophones grammaticaux, c'est-à-dire de mots dont 1 'expUcation sémantique nécessite, plus encore qu'à l'habitude, le recours au contexte. Dès que le sens est enjeu, le système de contrôle mis en place par les enfants est plus flou. (...) Le sens demeure un recours beaucoup moins fiable, quand on travaiUe sur la langue, que des critères plus formels."

3.5.1.2 - Psycholinguistique et construction des savoirs graphiques et métagrapniques en classe

La seconde référence théorique concerne le développement, chez les enfants des savoirs graphiques et métagraphiques, dans le cadre d'une conception constructiviste de l'apprentissage qui n'est pas propre à ces apprentissages.

Les travaux de psychohnguistique sur ce thème ne sont pas anciens. On dispose de recherches et de pubhcations depuis au moins un demi-siècle, et sans interruption depuis, surla genèse du graphisme et du geste graphique (Piaget -1948, WaUon -1952, J. de Aju-riaguerra - 1964,1. Lurçat - 1974, Auzias - 1966), en relation avec la motivation neuro-psycho- motrice, la structuration de l'espace, la prise de conscience de soi et des autres, etc... Il n'en va pas de même en matière d'apprentissage du système graphique et des sa­voirs sur ce système. Ainsi la revue de questions de Bredard et Rondal sur les activités mé-taUnguistiques des enfants (1982) est signifîcativement muette sur ce sujet. Jean Simon fait véritablement figure de précurseur (J. Simon -1954), prolongeant des recherches des­criptives suisses (R. Dottrens -1930), multiphant les études en Belgique et en France. Cer­tains de ses articles, ont, il y a deux décennies, des thèmes qui sont prémonitoires de nos préoccupations actueUes : "La ponctuation dans l'expression écrite" (1966).

Les travaux sur les savoir-faire et les métaconnaissances concernant le système gra­phique chez l'enfant se sont développés depuis, dans la francophonie et hors d'eUe. Les travaux les plus connus en France sont certainement ceux d'EmUia Ferreiro (1977 -1980 -1982). Ik sont aussi les plus stimulants. EUe montre que "l'écrit est un objet de connais­sance pour l'enfant" et que la connaissance que les jeunes enfants en construisent va de l'indifférenciation entre dessin et graphisme en tant que modes de représentation du monde à la reconnaissance du système alphabétique, et la recherche de sa cohérence interne. Cette évolution estjalonnée parl'étabüssement d'invariants successifs, qui sont mis à l'épreuve, remodelés, étendus, par exemple : chaque lettre du prénom contient en entier ce prénom ; chaque lettre contient une syllabe orale du prénom ; etc... La construction -déconstruction -reconstruction des invariants successifs épouse l'itinéraire des résolutions de problèmes successives, que rencontrent les enfants à l'école et hors de l'école dans la confrontation de leurs savoir- faire et de leurs savoirs sur l'écrit et surl'oral : "fl formule des hypothèses et les met àl'épreuve (...). Au bout d'une période complexe de conflits entre ses propres hypothèses et la réahté de l'écriture proposée par le miHeu d'autre part, certains enfants arrivent à comprendre pourquoi il est nécessaire de faire une analyse qui dépasse la syl­labe. Le pas vers le système alphabétique a été franchi."

De telles recherches constituent notre seconde référence théorique, à côté du mo­dèle linguistique, non seulement parce qu'elles fondent la pertinence de l'apprentissage par les résolutions de problèmes graphiques, mais parce qu 'eUes permettent de hre et d'in­terpréter les savoirs des élèves, leur construction et leur évolution. L'équipe des Deux- Sè­vres a observé 150 élèves de l'école élémentaire confrontés d'une part, à des productions

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écrites Ubres, et, d'autre part, à des textes graphiques (par ex. dictée de motsinconnus et de mots inventés par l'adulte). (J.P. Jaffré dans "Repères" n°70).

EHe avance que l'analyse des comportements et des productionsdes plus jeunes permet de cerner "une stratégie de base que l'on pourrait nommer " alphabétique " ou "phonogrammique " dans la mesure où tout se passe comme si les enfants cherchaient le plus souvent à étaMir une relation (...)" biunivoque " ou "archigraphémique " (...) en­tre un phonème et une lettre ou un digramme (...). Ainsi Carole qui a longtemps et systé­matiquement noté /¢/par ai ( crocaite pour "croquette", petraitr pour "peu^être", etc. (...) Déjà un palier est franchi par rapport à la phase d'"hypothese syUabique" (d'E. Fer­reiro) : (...) Les lettres tracées par les enfants ont bien pour but de noter des phonèmes et non plus des syllabes (...), et cela même quand le système normé fait de nombreuses en­torses à une relation terme àterme entre graphèmes et phonèmes".

A cette stratégie de base, etàpartird'eUe, s'adjoignent des stratégies complémen­taires . "La mixité de notre système d'écriture entraîne, en quelque sorte, la "déstabihsa-tion" de la stratégie biunivoque. (...) C'est le cas de Mathieu par exemple, élève de CEl, qui, dans les neuftextes écrits pendant le mois de mai, note systématiquement le M à l'aide de c (parsece, bocou,etc...),maisecritque enisoleselonlanorme.(...)Lesenfants ont (en effet) constamment sous les yeuxdes contre^xemples. Us sont donc dans l'obH-gation de chercher de nouveUes cohérences, et, donc, de créer d'autres stratégies."

L'une d'eUes relève d'"une compétence distributionnelle qui les conduit à faire des choix graphiques dépendants du contexte (par ex. consonne en finale ; ss pour /s/in-tervocalique ;... (...) De la mêmemanière, il existe très tôt une compétence morphologi­que , (mais) ses manifestations sont plus épisodiques (ex : surtrois occurrences successives, "les fleurs" écrit deux fois les fleur et une fois les fleurs , chez un élève de CEl). (...) Nous avons également noté la présence d'une stratégie un peu différente des précédentes dans la mesure où, cette fois, eUe conduit au réemploi d'unités plus grandes par le gra­phème. Nous avons provisoirement nommé analogique cette stratégie. (...)Elle met à contribution toutes les homophonies partieUes de la langue, et semble s'appuyer aussi sur une certaine compétence lexicale par ex. "hypomérie" écrit par référence à la graphie des élèves du mot (ipopotam) ; le pseudo-mot / f t l s m /écrit au CM avec um final ; etc...)".

Les références aux travaux de lapsychofinguistique, conjuguées au modèle linguis­tique, permettent de comprendre ce que des élèves ne comprennent pas, pourquoi, et de prendre des décisions pour y remédier. L'équipe de Saint- Brieuc fait le point des savoirs des élèves d'une classe de CMl (A. Angoujard dans "Repères" n° 65). Le recours au mo­dèle linguistique permet de situer les erreurs les plus fréquentes dans la partie traditionnel­lement appelée "orthographe grammaticale", dont, surtout, les terminaisons verbales. Mais ce recours ne suffit pas pour comprendre le véritable dialogue de sourds qui s'instaure par­fois entre maîtresse et élèves. Nous isolons quelques moments des échanges entre Gwé-nola et la maîtresse à propos de j ' étais dans "Je suis aUée une semaine au VaI André avec une voisine. J'étais dans une petite maison avecun jardin."

- "Gw : J'ai une difficulté à "j'étais". Je ne savais pas s'il failait mettre s ou t . - M : Viens au tableau. Essaie d'écrire. -J'aiétais -M:Lisahautevoixcequetuasecrit . - Gw : / j e> t £ | (^E/note un phonème intermédiaire entre /£ /et /e/, fré-quentdanslarégiondeSaint-Brieuc). - M : S ' u f a U a i t e c r i r e / z e ^ t e - / ?

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-Gwécrit :j'aiété. La maîtresse a donc des raisons de penser, à partir de ses connaissances tinguisti-

ques, qu'il y a un double problème, d'ordre morpho-syntaxique (confusion passé compo­sé/imparfait) et d'ordre phonogrammique (AV discriminant mal étais et été ). EiIe provoque donc d'abord un rappel de "la loi de formation du passé composé", qu 'effectuent sans difficulté les élèves. Elle pense à partir de là, aider Gwénola en prononçant de ma­nière soubgnée / £ ¢, t £. A Gwénola n'écrit pas.

-"M : C'est quel temps ? Gw ne répond pas. - M : E c r i s / z e t & f e l a , m f e 2 o ' / Gw écrit : j'ai été à la maison. (...) - M : C'est quel temps ? - Gw : Le passé - M : Mieux... - Gw : L'imparfait

-M.-Bon.Ecris/s^mddijetfcmaUöl /Gw écrit : samedi,j'ai...

- M : Maisje te demande l'imparfait !" etc.. Analysant cet échec, l'équipe constate que "le recours à l'oral échoue parce qu'il

plaque du "théorique" sur du vivant : le "théorique" c'est la distinction / / - / £ / , en fait très peu perceptible et rarement réahsée par Gwénola comme par beaucoup d'habitants de no-treregion(...).Lesformesoralesdej'etais etde J'aiété nediffèrentqueparlaprésence d'un PEJ supplémentaire pour j'ai été ; Gwénola les perçoit comme homophones". Le re­cours au savoir morpho -syntaxique ne réussit pas mieux (produit même de nouveUes formes aberrantes !) parce que le problème de Gwénola n'était pas d'abord : "comment écrire cette forme de Timparfait ?" mais, en l'absence de discrimination orale manifeste, "quelle forme verbale produire ici ?" (...)Tout semble s'être passé comme si Gwénola avait finalement produit une forme graphique amalgamant passé composé et imparfait."

A partir de ce type d'analyse, l'équipe de Saint-Brieuc décide d'orienter l'ensei­gnement sur l'emploi et l'étude des temps verbaux et de leurs formes, dans et à partir des situations d'écriture de textes, et, en particuüer, de travailler les correspondances phono-grammiques en s'appuyant sur les pratiques et l'observation de l'écrit, et non "d'un oral dont on recherche ensuite les correspondances écrites".

Ce sont aussi les références psycho-knguistiques qui, pour leurpart, sous-tendent le déroulement et l'évaluation par la maîtresse de la résolution de problème différée por­tant sur les graphies de /s/, dans la même équipe (cf. 4.2.1 - ci-dessus). (A. Angoujard dans "Repères" n°62). On a décidé de se centrer sur les graphies de /s/à l'initiale. Les élèves étabtissent un corpus en deux colonnes, selon "la première lettre de chaque mot".

le soir un singe la santé un ski il est sourd il est sympa etc..

cinq un cerf une cerise le cirque cent etc..

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(Le ç sera ultérieurement très vite repéré, à cause de son originalité). L'observation ducorpus permet aux analyses de s'affiner. Elles aboutissent à une

première formulation qui mêle constats purs et simples, quantifications etmises en rela­tion :

-"On a des mots qui commencent tous par le son /s/ - (11) nes'écrit pas de la même manière : (...) s ou c . -(...)apres s onpeuttrouvertouteslesvoyeUes/etdesconsonnes. - U y a beaucoup plus de mots qui commencent par la lettre s que par la lettre c . - (...) Après c , on ne peut trouver que les voyeUes e , et i (et y ).

Après vérification sur un corpus plus étendu (textes de lecture), les élèves rédigent desrèglesopératoires :

- Pour lire . Quand on voit la lettre s au début d'un mot, on dit le son /s/. quand....

- Pour écrire .Quand on veut écrire un mot qui commence par le son /s/, on utikse obli­gatoirement la lettre s devant a , o , u et des consonnes. . Quand... . Si on ne sait pas laqueUe il faut choisir, on peut regarder dans le diction­naire ou on peut demander à la maîtresse."

3.5.2 - Types d'approches métalinguistiqueset types d'invariants 3.5.2.1 - Approches métalinguistiques : des approches classifîca-toires à Tapproche hypotheBco - déductive

En situations différées ou décrochées de la communication écrite, les résolutions de problèmes dénotent des approches métahnguistiques variées du pluri-système graphi­que, que l'on peut catégoriser à partir des principes méthodologiques qui les sous-tendent. Elles évoluent et se transforment à la fois en fonction de l'avance en âge des enfants et du développement des apprentissages scolaires.

Les plus jeunes enfants en sont exclusivement à des approches classifîcatoires : "on met ensemble", on regroupe selon des critères qu'on explicite autant qu'on peut, sans être encore capable de formulertoujours des exphcations à la co-occurrence des faits qu'on regroupe. Dans une section de Grands de l'école Elbeufd'Amiens (document inédit), on travaiUe beaucoup sur les menus de la cantine : on les Ut, on les discute, on en propose, on en écrit. De ces diverses activités naît le besoin d'outils coUectifs (grands cahiers, affiches) qui conduisent à classer les mots rencontrés ou dont on a besoin. Un classement est séman­tique : un cahierVL*VNDE, un cahierPOISSON, un cahierLEGUMES, etc... Un autreclas-sement est fondé sur la première lettre des mots, et, les enfants sachant tous peu à peu "la chanson de l'alphabet", il sera alphabétique. Concurremment, un autre classement est pho­nologique : tous les mots commençant "par le même son"que les noms de Candy et Chris­tophe ( concombre , camembert...), par celui de Céhne ( céleri , mais aussi cerise ), etc... Un dernier classement, morphologique celui-la,regroupe les "un-mot", les "deux-mots" (chou-fleur...) et les "trois-mots" (pomme- de-terre...). On notôra que ces classe­ments indiquent une conscience, mais non exphcitée, du caractère pluriel du système graphique. Des remarques incidentes montrent même que des élèves font des comparai­sons par exemple entre le classement alphabétique et le classement phonologique (dans l'uncamembert etcerise sontensemble,maispasdansl'autre...).

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Les élèves plus avancés, de CoursElémentaire parexemple, gardent une approche suñout (ou d'abord) classificatoire, mais s'appuient sur eUe pour essayer de formuier des expkcations, selon une démarche inductive. Ainsi le CEl de la même école Elbeufd'A-miens, travaülant sur les trois points (3.3.1 -ci-dessus), classe les occurrences qu 'il rencon­tre et aboutit à une formulation de leur fonction de remplacement et de ceUe de suspension. Ainsi encore le CE2 d'Amiens travaiUant sur les mots qui après les , ne prennent pas les marques du pluriel (3.4.2.1 -ci- dessus) après avoir classé les occurrences, propose une ex­plication : "Quand il y a "les" devant un nom pluriel, il y a "s". Quand il y a "les" de­vant un verbe, il n'y a pas d9 "s". Saufcomme "tu les attrapes". "Tu" commande la terminaison."

Les élèves les plus avancés, de Cours Moyen par exemple, maîtrisent et générali­sent l'approche inductive et commencentd'employer une démarche hypothético-déduc-tive s'appuyant sur une connaissance de plus en plus étendue du système en tant que tel, seule capable de permettre l'émission puis l'épreuve de véritables hypothèses. Précisons que cette démarche peut, évidemment, affleurerbien avant le CM, et aussi qu'une première séance de type inductif aboutissant à des explications comme ci-dessus en CE2 peut se prolongerpar une seconde séance dominée par l'approche hypothético-déductive ; les ré­sultats formulés à la fin de la première acquièrent alors, dans la seconde, le statut d'hypo­thèse. Cela a effectivement eu heu dans cette classe. Comme nous l'avons dit, les élèves ont voulu éprouverla "règle" énoncée et ont appliqué au corpus un certain nombre d'opé­rations (substitution, commutation, etc..) pour la tester. Ds ont abouti à de nouvelles for­mulations de relations.

3.5.2.2 - Les types d'invariants : nature et fonction des marques ; principes du système graphique

Les résolutions de problèmes en situations de communication et en situations de ré­solution différées ou décrochées aboutissent à la construction et à la formulation, plus ou moins explicite, d'invariants toujours provisoires et toujours relatifs.Ces invariants dont nous avons donné beaucoup d'exemples, se constituent selon des démarches d'observa­tion et d'analyse classificatoires, inductives, ou hypothético-déductives. Au-delà du fait qu'iLs renvoient aux trois zones, phonogrammique, morphogrammique, logogrammique, du système graphique et les mettent, quand c'est nécessaire en relation, ces invariants, -et c'est d'une importance capitale pour la structuration des apprentissages (ortho) graphi­ques -,correspondent à la structure et aux entrées pertinentes dans la description du sys­tème.

On peut ainsi distinguer des invariants ayant trait (ou prenant en compte pour une part) la nature des marques graphiques. C'est le cas des élèves de Grande Section qui clas­sent les mots selon la première lettre, selon le premier phonème, selon qu'ils sont compo­sés ou non. La nature des éléments pris en compte sert de principe à leur classement, et leur classement indique leur connaissance de ces éléments, leur capacité à les reconnaître, les distinguer, etc.. Ajoutons que la constitution de ces invariants fondés sur la nature des éléments graphiques dote les élèves, à terme, d'un lexique métalinguistique dont l'impor­tance est grande pour les apprentissages, y compris en lecture (p. ex. J. Downing et J. Fi-jaUcow, 1984).

Cependant, J.P. Jaffré remarque (dans "Repères" n°75,1988) que ces invariants ne sont pas les plus opératoires pour la construction des compétences graphiques, ni les plus heuristiques pour ceUe des savoirs sur le système : "Si l'on se place du seul point de vue de la nature des éléments dégagés par le modèle linguistique, la vahdité des constantes mé-taUnguistiques est hautement problématique. En revanche, si l'on se situe à un niveau plus englobant, plus "basique", il en va tout autrement. C'est le cas pour tout ce qui tourne au-

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tour des fonctions graphiques des lettres (et aussi des accents, de la ponctuation, e t c . ) " Nous avons rapporté le travail d'élèves de CE sur les graphies de /S/. Dans ce qu'ils ont trouvé, ondénote à la fois la reconnaissance, à Tinitiale, de la vateur phonique identique de s etde c , mais en fonction de l'environnement vocaUque, c'est-à-dire que la fonction ne peut se déterminer sans recours à la position. La suite du travail peut conduire à élargir l'étude à d'autres graphies de /s/, à l'initiale et aUleurs ( t , ss ,...), et aux fonctions des s et des c en toutes positions. La fonction morphogrammique de s (marque du pluriel des noms, de la 2eme personne verbale de nombre de verbes...), la fonction distinctive de c dans certains cas (sceau, vainc...), etc... pourront être appréhendées.

C'est-à-dire que les invariantsde fonctions ouvrent directement sur les invariants de principes, parce qu'ils y sont, en quelque sorte, déjà contenus. Il faudra, cependant, les en abstraire : principe phonogrammique se croisant avec des lois de position ; distinction entre graphèmes concurrents àpartirdecritères lexicaux (dérivations, parexemple) ; prin­cipe de marquage du genre, du nombre, de la personne verbale ; etc... "Au-delà des unités, il existe des axes (les principes graphiques) qui traversent l'écrit, et c'est à travers cesprin-cipes que devrait d'abord se mesurer la construction des invariants Unguistiques."

(J.P. Jaffré -id.).

3.5.2.3 - Príncipes de choix des invariants par l'enseignant et príncipes de leur évolution

Il n'est pas possible ni même souhaitable de se donner comme objectifmétalinguis-tique le repérage et l'analyse de toutes les unités du système. Le problème du choix des in­variants visés se pose donc à l'enseignant. Nous venons d'en présenter un critère hiérarchisé : les invariants de principes sont les plus heuristiques. Mais on ne peut les formuler qu'à partir de l'analyse des invariants de fonctions et de nature. Un autre prin­cipe est leur représentativité : "les invariants construits doivent être représentatifs de la totalité des principes de l'écrit : alphabétique, morphologique, distinctif, textuel... Chaque principe doit ensuite faire l'objet d'une approche spécifique, en mettant toujours au pre­mier plan les relations d'invariants." (J.P. Jaffré, id.). Ceci revient à remettre au premier plan, pour l'enseignant, la connaissance et la référence au modèle linguistique.

C'est, par contre, les recherches en psychohnguistique et en didactique qui peuvent indiquer comment évoluent les invariants. J.P. Jaffré, à partir des activités réaìisées dans les classes, propose de distinguer évolution par ajustement et évolution par scission . Exemple de la première : élèves de CEl partantde l'opposition fUle/garcon,pour parve­nir à l'opposition mascuUn/féminin. Exemple de la seconde : élèves de CE2 découvrantà côté du les entraînant le pluriel au mot suivant, un les qui ne l'entraîne pas, et conduit ain­si à étudier ces fonctionnements et dénommer différemment ces deux les . Ajustement et scission rappeUent en écho (avec les écarts qui s'imposent) les deux modes de progrès des sciences : par la "connaissance approchée" et par la "rupture épistémologique" décrits par Bachelard (1973 -1977). Mais dans tous les cas, l'évolution dépend du conflit entre inva­riants et caractéristiques de l'écrit actuel et entre invariants des uns et invariants des au­tres, c'est-à-dire de l'émergence, de la formulation et de la résolution des problèmes graphiques et métagraphiques.

223

4 - CONCLUSION GENERALE : SYNTHESE DES ACQUIS DE LA RECHERCHE ET PROSPECTIVE

L'analyse des types de problèmes de lecture, d'écriture et d'orthographe, de leur émergence, de leur formulation et de leur résolution montre en premier lieu leur caractère pluridimensionnel. Ce caractère les distingue, en partie ou complètement, des autres pro­blèmes que les élèves ont à résoudre dansl'enseignement qui leur est dispensé (mathéma­tiques, sciences expérimentales, sciences humaines, e tc . ) .

Le traitement didactique de ces problèmes relève de différentes entrées Unguisti-ques et s'appuie sur elles : enjeux et paramètres matériels et sociaux des situations de com­munication ; reconnaissance ou choix dés configurations discursives, de l'ancrage et du mode d'énonciation ; reconnaissance de ces choix, du type de texte et de l'agencement des séquences textueUes ; problèmes intratextueLs : cohérence, progression, cohésion, rapports auteur/narrateuryjpersonnages, etc ; gestion et utihsation des marques linguistiques en fonc­tion du discours, de l'incidence textuelle, et de la norme Unguistique ; problèmes concer­nant la langue comme système, en particuher le pluri-système graphique du français.

Les problèmes et les résolutions relevant de ces différents Ueux ne sont ni indépen­dants, ni clairement hiérarchisés. Certes, l'entrée situationneUe et discursive commande pour une part les résolutions de problèmes textuels et graphiques, mais ceUes-ci peuvent aussi, en retour, déterminer pour une part les problèmes et les termes des problèmes ayant trait aux actes de discours et aux situations. Si certains problèmes sont indépendants (par exemple ceux des problèmes orthographiques qui relèvent exclusivement de la norme), la plupart interagissent avec d'autres, du même heu Unguistique ou d'un autre, sans que cette interaction soit entièrement prévisible.

Les mises en problèmes et les résolutions, qu'elles soient en situation, ou différées, ou bien décrochées, impliquent, mobihsent et développent des connaissances sur les dif­férents savoirs requis ou visés. Quand ces savoirs sont seulement expériencieLs, le traite­ment didactique vise des comportements épi-langagiers sous-tendus par des connaissances ayant trait àl'expérience passée, adhérentes aux situations d'apprentissage rencontrées, et pertinentes dans la mesure où elles peuvent être transférées aux situations actueUes. Quand ces savoirs concernent des opérations cognitivo-linguistiques, le traitement didactique vise des comportements épi-langagiers et des discours exphcitement méta-linguistiques sous-tendus par des connaissances d'ordre cognitifet linguistique, mais aussi, s'agissant de la communication et des discours, des connaissances sociales stables relevant d'habitus. Quand ces savoirs concernent des notions et des concepts, le traitement didactique vise à mobUiserdes méta- connaissances abstraites ou abstrayantes surles objets d'enseignement.

Toutefois, et parce que les problèmes de français sont pluri-dimensionnels, dans la plupart des cas, ces différents types d'épi et de méta-connaissances sont présents en même temps, et interagissent. On peut seulement parler de dominantes différentes selon les si­tuations.

D'autre part, le traitement didactique des problèmes de français peut s'appuyer sur différents modes d'approche "épi" et "méta". Le plus élémentaire est classificatoire et re­pose surl'analogie. Mais la mise en relation d'une analogie et d'un autre donné, d'unau-tre savoir, conduit à une approche inductive. Enfin, le mode le plus élaboré est hypothético-déductif, à partir de l'ulüisation explicite des différentes bases de connais­sance des élèves. Le traitement didactique doit donc à la fois tenir compte de l'âge des élèves et des types de problèmes et des savoirs antérieurs, sachant que, dans la plupart des cas aussi, différents modes d'approche "épi" et "méta" coexistent et interagissent.

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Si l'enseignant peut se fixer comme objectif de développer pour des enfants d'un âge et d'un niveau scolaire donnés, grâce aux résolutions de problèmes, les savoirs les plus élaborés, les métaconnaissances les plusexplicitesetles plus structurées, les modes d'ap­proche les plus heuristiques, la recherche montre que ce ne sont pas les savoirs concep­tuels et les méta-discours qui, seuLs, permettent de résoudre les problèmes de français que les élèves rencontrent.Ce qui est déterminant en la matière ce sont les savoirs cognitivo-hnguistiquesopératoires etles épi et méta-connaissances correspondantes. La raison peut en être que ce niveau intermédiaire entre l'expérienciel et le conceptuel tire pour une part son efficience des apports, des emprunts et des interactions avec lesdeux autres. Les ré­solutions de problèmes aboutissent à la construction et la formulation, plus ou moins opé­ratoires ou abstraites, d'invariants. D s'agit de propriétés, de relations, de modes de fonctionnement fixes, qui se conservent et se retrouvent quand les situations, les discours, lescontextesUnguistiqueschangent.

Ces invariants concernent les différentes entrées Unguistiques pertinentes pourla formulation et la résolution des problèmes (invariants situationnels, discursifs, textuels, linguistiques). Ik sont les points nodaux et tissent la structure des différents types de sa­voirs, d'expérience, opératoires, conceptuels. Enfin, leur construction requiert et déve­loppe ceUe de méta-invariants, ayant trait aux différents savoirs et aux entrées Unguistiques pertinentes pour les résolutioas de problèmes et ayant trait aux stratégies de ces résolu­tions et aux modes d'approche "épi" et "méta" requis et possibles.

Paradoxalement en apparence, les invariants... varient. En effet le développement, la dynamique et la variation des situations et des activitésde communication, des tâches que les élèves ont à accomplir, des études et des analyses qu'ils ont à y mener, ou à effec­tuer à partir d'elles ou à côté d'elles, éprouvent les invariants construits antérieurement et conduisent le plus souvent à les reformuler. Hs sont donc toujours provisoires et relatifs. Hs évoluent par ajustement, quand iLs ne peuvent, teLs qu'iLs sont, permettre aux élèves de résoudre complètement les problèmes qu'iLs rencontrent, ou par scission quand leur ina­déquation, leur insuffisance opératoire conduit à les critiquer, les analyser, les déconstruire et en bâtird'autres mieux adaptés à la complexité, des problèmes rencontrés, aux interac­tions entre les entrées unguistiques qui sous-tendent le traitement de ceux-ci. C'est-à-dire que les résolutions de problèmes construisent et reformulent des invariants langagiers et linguistiques successifs, nouveaux ou mieux ajustés, et, en même temps, des invariants méta- stratégiques, ayant trait à la mobiUsation, l'analyse, Iarectification, voire la refonte destratégiescognitivo-Unguistiquesjusqu'alorséprouvées.

Un autre principe d'évolution des invariants, qui se conjugue avec le precedent,est fourni aux maîtres par les référents et les modèles linguistiques. Qu'il s'agisse des descrip­tions systématiques et des modèles des discours, des textes, de l'énonciation, de la prédi­cation..., ou du pluri-système graphique du français, tous mettent en un ordre hiérarchique et structuré des invariants de différents niveaux et des "invariants de la variation", c'est-à-dire les principes qui permettent de prédire celle-ci, de rendre compte de la variété et des limites des invariants proprement dits. La recherche a mené de front la construction de ces deux types d'invariants aussi bien en lecture et enécriture, qu'en orthographe, bien que les modèles linguistiques pertinents pour celles-là soient moins structurés et plus variés qu'en ce qui concerne le système graphique. C'est pour cela que la recherche concernant les problèmes (ortho)graphiques a produit des résultats plus clairs. C'est pour cela aussi qu'il nous semble qu'eUe peut, dece point de vue, nous servir maintenant d'heuristique pour l'ensemble des résolutions de problèmes.

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La recherche peut/doit se prolonger dans trois directions. Du point de vue de la re­cherche-innovation dans les classes des équipes, il s'agit d'approfondir la construction et l'analyse des invariants relevant des différentes entrées Unguistiques et des différents types de savoir.

-En particulier, il s'agit de formuler les invariants qu'on se fixera comme objectifs pour un niveau scolaire donné, à partir des modèles Unguistiques, et compte-tenu des instructions officielles, des traditions scolaires, mais aussi des pratiques et des savoirs sociaux non scolaires en matière de communication, d'écrits et de discours, de langue enfin. C'est une première didactisation. -La seconde didactisation que les équipes doivent opérer et analyser, c'est la construction effective en classe des invariants, leur nature, leurs fimites, leur évo­lution ; cette seconde didactisation interroge les démarches et les pratiques des maî­tres. Mais elle interroge aussi les objectifsd'enseignement visés, et, par là-même, les pratiques et savoirs sociaux, les prescriptions de l'institution scolaire et les mo­dèles Unguistiques. - Cette seconde didactisation permet seule aux maîtres d'élaborer des projets d'en­seignement à moyen et long terme. Fondés sur l'analyse coUective en classe des in­variants construits, des difficultés non résolues, des obstacles non levés, des questions restées en suspens ou non encore abordées, ces projets sont aussi expli­cites que possible selon l'âge des élèves et donnent lieu autant que possible à des contrats d'apprentissage entre élèves et maître. Ces projets ont à être régulés, ajus­tés, reformuÎés, paritairement et dans leur durée, par retour analytique aux activi­tés accomplies et aux invariants construits, donc à la didactisation du projet. Ces activités d'enseignement doivent être évaluées plus systématiquement qu'il

n'est possible dans chaque équipe. Une première évaluation, centrée sur les maîtres, leurs démarches et leurs pratiques prendra la forme d'une description et d'une expUcitation de ces démarches et pratiques par opposition à ceUes de maîtres ne faisant pas partie des équipes et enseignant selon d'autres principes et avec d'autres objectifs. Une seconde éva­luation sera centrée sur les élèves, fl s'agira d'évaluer les apprentissages réalisés dans les classes des équipes, en les comparant d'une part aux apprentissages visés, d'autre part aux apprentissages de même ordre réaUsés dans d'autres classes.

ANNEXES

COMPOSITION DU GROUPE DE RECHERCHE "RESOLU­TIONS DE PROBLEMES DE FRANCAIS

Responsable : Gilbert DUCANCEL -Professeur à FEcole Nonnale d'Amiens - Chargé de cours en Sciences de l'E­ducation (Universités Paris V, Paris VO.

Consultant scientifique : Michel BROSSARD -Professeur de Psychologie -Université de Bordeaux H.

Membres et équipes : André ANGOUJARD et l'équipe de l'Ecole Normale de Saint-Brieuc. Bernard BLED et l'équipe de l'Ecole Normale de Saint-Lô. Michel CHAROLLES - Linguistique - Université de Rennes (1). Francine DARRAS et Dominique BRASSART, équipe de l'Ecole Normale de Lille et du CEFtSEM académique(l). Suzanne DJEBBOUR et Rosine LARTIGUE, équipe de l'Ecole Normale de Melun. Maryvonne DHERS et l'équipe de l'Ecole Normale de HUes de Toulouse.

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Gübert DUCANCEL et l'équipe de FEcole Normale d'Amiens. Marie-PauleDUBOEUFetréquipederEcoleNormaledeValence. Michel GROSGUWN et l'équipe de l'Ecole Nomiale de Bourges (1). Claudine GRUWEZ, Conseiuère pédagogique départementale - Cobnar - Lille(l). Christian HUDELOT - Linguistique - CNRS et Université Paris V, en relation avec l'équipe de Fré­déric François ( 1). Jean-Pierre JAFFRE et l'équipe des Deux-Sèvres, en relation avec le groupe HESO du CNRS (Ni-naCatach). Pierre LECLERC et l'équipe de la Circonscription d*AbbeviUe I. Francis MARCTMN et l'équipe de l'Ecole Normale de Garçons d'Arras. Alain NICAISE et l'équipe de la circonscription d'AbbevUle ïï -Vimeu. Jean-Michel SANDON et Jacques RDJLJARD, équipe de l'Ecole Normale de Mâcon.

(1) N'ont pu, pour diverses raisons, poursuivre leur participation.

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PUBLICATIONS DES MEMBRES DU GROUPE CITEES DANS LERAPPORT

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VI - ELEMENTS POUR CONSTRUIRE UNE DIDACTIQUE DU FRANCAIS LANGUE MATERNELLE

Hélène RONflAN La diversité des problèmes et des pistes de recherche présentés parles quatre

Groupes "Variations", "Sémiotiques", "Evaluation", "Résolutions de problèmes" té­moigne s'il en était besoin de la complexité d'un champ de recherche encore en émer­gence : la "D.F.L.M." (didactique du français langue materneUe). Des lignes de cohérence n'en existent pas moins. Cette cohérence n'a pas été posée a priori, eUe s'est construite dans et par le travail, le débat scientifiques dans les Groupes et entre Groupes. EUe ne pou­vait donc être définie qu'a posteriori, comme résultante de la recherche.

A ce moment de leur itinéraire, queLs savoirs ont produit les recherches ? Où se si­tuent leurs avancées les plus significatives ? A l'image de la recherche-action, ces savoirs sont pluriels : ce sont d'une part des savoirs pour l'action, tendant à définir en pratique et en théorie un nouveau schéma didactique, et d'autre part des savoirs sur l'action, tendant à une conceptualisation du champ de la D.F.L.M. Enfin, la production de tels savoirs dans une recherche-action ne va pas sans une évaluation de leur degré de pertinence en fonc­tion de ce que nous appellerons, d'après une expression de P. Ricoeur "la sémantique" de la recherche-innovation. Sémantique qui donne un sens aux autres phases à venir, de la re­cherche-action telle que nous la concevons : la description des pratiques innovantes et l'é­valuation de leurs effets.

1 - DES SAVOmS POUR L'ACTION. VERS UN NOUVEAU SCHEMA Dtt>ACTIQUE

Nous entendons par "Schéma didactique" un ensemble de finalités éducatives, de référents d'ordre pratique et théorique, de contenus d'enseignement/apprentissage et de principes d'action selon lesqueLs ces contenus se réahsent (s'"actuaUsent") en "actes di­dactiques" (le "mode de travail didactique"). Fondant la cohérence des pratiques inno­vantes mises en oeuvre dans des classes, il se structure selon des Ugnes de force, des principes organisateurs donnés, en opposition à d'autres impUquant d'autres consteUations de contenus, de référents, de finaUtés, d'autres modes de travail didactique. D expUcite donc des choix donnés de valeurs, d'objets et de modalités d'enseignement.

1.1 - DES FlNAUTES EDUCATIVES : VERS LA UBERTE DE PA-ROLEPOURTOUS

Aucune politique moderne ne peut ignorer l'importance d'une effective liberté (1) c'est-à^ure d'une effective maîtrise de la parole orate, écrite pour tous, à inscrire parmi les droits de l'homme les plus fondamentaux. La réduction de l'échec scolaire, la moder­nisation des contenus de l'enseignement représentant, de ce pointde vue, une exigence so­ciale incontournable. Le développement de nouveaux modes de communication,, loin de remettre ce principe en question, en souligne le caractère plus crucial que jamais. Ainsi, il est exclu de conduire aujourd'hui 80 % d'une classe d'âge au Baccalauréat sans assurerla maîtrise des "oraux", des écrits et, d'une façon générale des "images" qui sont au coeur de la vie sociale, personneUe. Une teUe option, posée fortement par le Plan de Rénovation ttflRP dans les années 70, doit être actuaMsée.

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1.1.1 - Maîtriser la variation des pratiques langagières Dans cetteperspective,nos Groupes de Recherche mettent aujourd'huil'accent tout

particuhèrement sur les imptications didactiques d'une poUtique de la langue, liée notam­ment à la décentrahsation cultureUe, à la prévention de l'ülettrisme. Le dogme de l'unici­té de la langue française en référence à unmodèle du "bon usage" incarné par les "bons auteurs" se trouve désormais remis enquestion, en référence aux sciences du langage. L'en­seignement du français s'ouvre à une plurahté d'usages de l'oral, de l'écrit dans une plu­ralité de pratiques sociales de la communication, impliquant à la fois des normes sociolinguistìques variables et un code linguistique commun à tous les locuteurs franco­phones. Ce "code commun" qui fonde Unguistiquement la communication est à distinguer, selonF. François, du "code dominant" quiérige en "surnorme" de correction ce qui, en fait,releved'usagessociauxdonnesparmid'autres.

C'est par làmême ouvrir la classe à un objet d'enseignement de type nouveau, à part entière : la variation des pratiques langagières dans la communication sociale, selon des paramètres divers ; selon les pays, et la présence dans nos classes d'enfants pratiquant d'autres langues que le français est à prendre d'abord comme une donnée de fait particu­lièrement favorable à une formation linguistique fondamentale, sur la nature et la diversi­fication des langues,deleurs usages et de leurs principes d'organisation ; variation des pratiques langagières selon les régions, non pour apprendre teUe langue régionale à qui n'en aurait ni l'utiHté ni le désir, mais pour sensibüiser les élèves au fait régional, telqu'il est présent dans leur environnement culturel, dans celui d'autres régions ; variation selon les canaux de la communication sociale, tek que latélévision, la B.D., l'affiche, lapresse, les enregistrements (cassettes, compact disques...), le mini-ordinateur..., dont on sait la place qu'il tiennent dans la vie et les apprentissages des enfants. Nous n'omettrons pas la variation selon les champs du savoir d'ordre professionnel, technique, scientifique : hau­tement présente dans le miUeu scolaire, ne serait-ce que par les langages disciphnaires, eUe pourrait constituer à eUe seule un thème de recherche tant en sociohnguistiquescolaire qu'enD.F.L.M.

La notion de variation des pratiques langagières dans la communication sociale nous paraît, aujourd'hui, constituer l'une des notions-clés d'un enseignement du français actuel, ouvert aux évolutions sociales présentes, prévisibles ou non, dans les décennies à venir (2). Les Groupes "Variations"et "Semiotiques"s'inscrivent d'abord dans cette fina-lisation centrée surl'inscription des faits de langue dans la variation des pratiques sociales de la communication, selon des paramètres donnés. Mais ce thème traverse en fait les au­tres Groupes, "Evaluation" et "Résolutions de Problèmes" (centrés sur d'autres objets de recherche).

1.1.2 - L'enseignement du français : un enseignement scientifique Ü s'agit là d'une option concernant les activités de type métalangagier où la langue

(dans tous les sens de ce terme) est objet d'étude. Le rôle de l'école est ici d'amener les élèves à connaître, observer l'ensemble des pratiques de la communication dans l'ensem­ble de leurs dimensions (l'accent étant mis surla langue orale, écrite), lesameneràen com­prendre les significations, le fonctionnement. En ce sens, l'enseignement du français serait partie intégrante de l'éducation scientifique, tout comme les sciences sociales : il tendrait à faire construire des cadres conceptuels, des méthodologies donnant prise à une compré­hension de l'environnement et une action sociale plus rationaMsées. D procéderait d'op­tions épistémologiques analogues. Les Groupes "Evaluation" et "Résolutions de problèmes" relèvent d'abord d'une finaMsation de cet ordre. Mais ces options sont prises en compte aussipar les Groupes "Variation" et "Sémiotiques" dans des perspectives au­tres.

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Le point de départ des apprentissages scolaires c'est, en Français, Fexpérience des enfants telle qu'eUe est, diverse mais syncrétique, parcellaire, voire entachée d'erreurs. Elargir, diversifier cette expérience, l'ouvrir à des pratiques sociales plus ou moins igno­rées du mUieu comme le théâtre, lapoésie est une finaiité généralement admise. Il est moins admis que l'école puisse s'ouvrir à l'ensemble des pratiques de la communication sociale, moins encore que cette variation même devienne objet d'étude en classe, au même titre que les "analyses prenant la langue pour objet" (3). Ce serait assigner à l'enseignement du français une finalité d'objectivation, de conceptualisation des pratiques langagières non seulement d'un point de vue Unguistique mais aussi du point de vue des paramètres so­ciaux et psychologiques qui en gouvernent les fonctionnements, montrant à la fois la di­versité des usages sociaux et les régularités observables dans les codages Unguistiques. Variation et invariants étant également considérés comme constitutifs du langage, des actes deparole.

La hberté de parole serait donc la résultante d'une double inscription des appren­tissages en classe : dans la vie, les pratiques langagières de l'environnement, et dans l'é­tude à distance, des fonctionnements langagiers (le langage comme activité sociale, psychologique) et des fonctionnements Unguistiques (la langue comme ensemble de rè­gles de codage). Cette double inscription est commune aux quatre Groupes, bien qu'Us se soient centrés de plus en plus sur la construction d'invariants par les élèves : notion de va­riation, "fonctions sémiotiques", critères d'évaluation ou règles et notions induites par les résolutions de problèmes de français.

D en découle une double référenciation didactique, d'une part auxpratiques sociales de la communication orale, écrite, aux écrits sociaux (scolaires et non scolaires) qui en sont les produits, ce qui n'exclut aucunement les textes littéraires, mais les situe dans leur spé­cificité journal, affiche, correspondance, énoncés de problème...) ; d'autre part aux sciences du langage, aux sciences de l'éducation, selon une plurafité de points de vue. D'une part à l'expérience des locuteurs, maîtres et élèves ; d'autre part à des savoirs construits par un travail scientifique.

1.13 - Des conceptions du langage, des apprentissages langagiers (4)

Des finaktés comme ceUes que nous venons d'exposer renvoient à des conceptions théoriques du langage et des apprentissages langagiers. L'étude de l'évolution des réfé-rents théoriques de la D.F.L.M. serait de ce point de vue, significative : de Saussure, Wal­lon et Piaget, Jakobson ou Martinet et Chomsky dans les années 70, à Austin et Searle, Benveniste, puis, dans les années 80, Bruner et Vygotski, Bronckart...

Quand dire c'est faire. Et inversement. Toute connaissance passe par la construction d'un langage. La D.F.L.M. ne peut

pas faire l'économie d'une réflexion épistémologique, philosophique sur le langage : comme activité de communication inscrite dans des interactions sociales données, premiè­rement, et comme activité de représentation du réel hée à la fonction symbohque et consti­tutive de la connaissance. Et nous posons les apprentissages langagiers comme activité de construction induite en durée àla fois par l'expérience sociale et par l'observation des énoncés, des situations d'énonciation, de communication.

U est à noter que ces postulats, üés à l'évolution des sciences du langage n'ont pas été, sous cette forme, posés dans la problématique intiale commune aux recherches : l'ex-pUcitation des conceptions théoriques sous-jacentes aux options didactiques -qui sont pre­mières -est l'une des fonctions de la recherche-innovation.

232

1.2-UNCADRETHEORIQUECOMMUN: LIBERTES/CONTRAWTESLANGAGIERES

Nous avons pu, de même, construire a posteriori, des lignes de cohérence, des dé­nominateurs théoriques communs aux quatre recherches. Lefait qu'ils n'aient pas été po­sés a priori ne leur donne que plusde sens. Cela ne signifie pas que ces recherches n'aient pas chacune, leur propre cadre théorique : leur objet de recherche n'est pas le même/et partant les champs de référence diffèrent. Cela ne signifie pas non plus que ces dénomina­teurs communs sont nés de rien : tel concept, central pourTun des Groupes (variation/ré­solutions de problèmes...), s'intègre à la problématique des autres. TeI autre (liberté/contraintes) est issu de recherches antérieures. Cela nesignifie pas enfin qu'il n'existe pas de zones de discordance : tous les problèmes sont loin d'être résolus. En ma­tière de D.F.L.M., tout cadrage théorique ne peut être que provisoire, évolutif. Encore faut-il l'exphciter pour donner prise à la discussion. On pourra constater que les notions évoquées le sont en un sens très général et qu'eUes réfèrent, non pas à telle théorie scien­tifique mais à des orientations, des perspectives actuellement communes à plusieurs d'en­tre elles (ce qui n'est pas le cas des acceptions nécessairement plusrestreintes, plus spécifiques auxqueUes réfèrent lesproblématiques des Groupes).

L'idée centrale est que le langage oral, écrit relève d'un principe double de liber­tés/contraintes. Déjà présentdans le Plan de Rénovation INRP des années 70, comme prin­cipe fondateur de la démarche de libération de la parole/structuration de la langue, ce principe n'a rien perdu de ses propriétés heuristiques. Ainsi Claude Hagège propose un modèle linguistique "reflétant la dialectique de contraintes et de liberté qui relie la langue à l'énonceur "dans une double perspective: inscrite dans des pratiques données de la com­munication sociale, l'énonciation orale, écrite se réalise en discours sur la base d'"opera-tions" de construction du sens effectuées par les sujets (5). Il est à noter que ce modèle linguistique rejoint tout à fait le modèle psycholinguistique de production des discours de J.P.Bronckart(6).

Relèvent notamment des contraintes à intégrer : le système de la langue (ce que nous avons appelé plus haut le code commun) qui renvoie auxpropriétés linguistiques de la langue française ; les exigences sociales liées auxparamètres d'ordre culturel, matériel des situations de communication. Relèvent notamment des initiatives des locuteurs leur mode de gestion des paramètres situationnels, les stratégies discursives, voire même des choix Linguistiques. Toute activité langagière conjuge ces deux types d'"operations" de manière indissociable, en interférences constantes.

Si l'on se place dans une perspective socio et psycholinguistique, toute prise de parole intervient à propos d'une activité, d'un projet donnés qui comportent des aspects d'action au sens large (préparer une enquête...) et des aspects langagiers (Ure des docu­ments, rédiger un questionnaire...) ; elle se construit dans et par une interaction sociale, un dialogue entre des locuteurs donnés, qui se définissent à la fois selon des caractéristiques sociales, (statut, rôle, projets...), individuelles (histoire, projetspersonneLs...), individueUes et sociales (représentations dela situation, rapport à la langue orale ou écrite...) ; elle met enjeu des actes de langage réahsés en stratégies discursives impliquant des opérations don­nées (identifier les paramètres de la situation, mobiliser les informations pertinentes...). On se trouve là dans l'ordre des processus de production de l'activité langagière orale, écrite. Le point de vue premier pour faire comprendre aux élèves la signification de ce qu'ils font ou de ce qu'ils observent dans une situation donnée est donc "pragmatico^uscursif' en ce qu'il tend à prendre pour objet d'étude d'abord l'activité discursive orale, écrite et à l'a­nalyser sous l'angle pragmatique selon ses tenants et aboutissants situationnels (qui écrit

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à qui, pourquoi et pour quoi faire ? avec quels enjeux ?...), les choix d'énonciation qui la gouvernent, les normes sociolangagières qu'eUe met enjeu.

Trois notions-clés interviennent dans cette perspective : - la notion de fonction, de finalisation des actes de parole en situation dans la

communication flettre administrative "pourinformer, demanderune subvention...") ; eUe imptique des éléments donnésjouant un rôledonné dans un ensemble d'éléments.

- la notion de variation des usages de la langue selon des paramètres historiques, géographiques, sociaux, situationnels, de variation des supports matériels, des normes so-ciotinguistiques correspondantes.

- la notion de normes fonctionneUes désignant les marques de l'adaptation des stratégies discursives aux visées pragmatiques des types d'écrits ou d'"oraux" à réaHser (interview, reportage, communication scientifique...), teUes qu'elles sont socialement et Ùnguistiquement requises (7).

Si l'on se place dans une perspective tinguistique, sémiolinguistique , on va considérer non pas des activités discursives et leurs conditions de production mais les pro­duits oraux et écrits de ces activités et leurs caractéristiques, leurs propriétés. Les analyses sont ici à mener du point de vue du fonctionnement des codages sémiotiques, Unguistiques enjeu, des règles et des notions qui peuvent servir à les décrire, des marges de choix qu'eUes acceptent.

Nous passerons plus rapidement sur cette perspective dans la mesure où eUe a été privilégiéejusqu'ici, il est vrai surtout en ce qui concerne les faits de langue (syntaxe, lexi­que, orthographe... etplus récemment phonologie àl'oral). Cette perspective, qui demeure, est largement renouvelée par l'introduction d'un nouvel objet d'étude, plus large : l'orga­nisation textueUe selon les types de textes considérés (travaux sur le conte notamment). EUe ne l'est pas moins par la prise en compte des messages pluricodés en tant que textes relevant de codages sémiolinguistiques complexes faisant intervenir des signifiants oraux, visuels de types divers (versions iUustrées ou télévisées, filmées des contes traditionnels, affiches, B.D...).

Trois notions-clés interviennent ici, en opposition à celles qui ont été présentées plus haut :

- la notion de fonctionnaUté des codages, considérant le rôle de chaque compo­sante ou élément dans l'ensemble des faits sémiotiques, des faits de langue dont üs relè­vent, selon les "types de textes" dont l'organisation a fait l'objet d'études.

- les notions de faits "récurrents" (lexique du Groupe "Variations"), d"inva-riants" (lexique du Groupe "Résolutions de problèmes"), qui impliquent la recherche d'oc­currences ou de régularités observables, expUcitées par des règles de fonctionnement de tel type de textes, de tel fait syntaxique ou orthographique.

- la notion de codages impUquant des formes différenciées susceptibles de traduire en signifiants des signifiés donnés soit isolément soit le plus souvent en "pluricodages" ; ces formes comportent des répertoires d'éléments, de composantes organisables selon des relations, des combinatoires données, plus ou moins stables, systématiques, expUcites.

234

Notrecadrage théorique implique donc un ensemble de paradigmes en opposition - dans Tordre des activités discursives :

. fonction des messages en situation de communication.

. variation des usages sociaux.

.normesfonctionneUes. - dans l'ordre de l'observation du fonctionnement interne des textes, produits de

l'activité : . fonctionnaüté des codages . régularités sémiotiques, invariants tinguistiques. . codages, pluricodages organisés.

La perspective socio et psychoünguistique appeUe une centration sur la significa­tion des discours, teUe qu'eUe s'élabore dans l'activité de parole des sujets, les interactions qui se produisent, les stratégies choisies, plus ou moins kbres selon les normes requises. La perspective sémiotique, Unguistique appeUe, eUe, une centration sur le sens des textes, tel qu'il peut être construit par l'observation de leur organisation formelle et des règles plus ou moins générales et contraignantes qui expticitent le fonctionnement des textes.

1.3-UN"MODEDETRAVAILDD>ACTIQUE"(M.T.D.): PRATCQUER^BJECTTVER

Le terme M.T.D., dérivé des "Modes de Travail Pédagogique" de Marcel Lesne (8) et des "schémas théoriques" d'Hélène Romian (9) renvoie à des modélisations de l'activi­té enseignante : il s'agit d'expHciter les principes organisateurs de l'activité (la démarche d'enseignement/apprentissage disions-nous), de caractériser, classer les actes didactiques spécifiques de chaque M.T.D. par opposition à d'autres, pour comprendre la signification propre à chacun d'eux et le sens global des choix à opérer. De ce point de vue, le M.T.D. actuel est nettement plus complexe que le schéma de 1970 : "libération de la parole" dans des situations de communication répondant à des fonctions diverses du langage/"structu-ration de la langue" dans des situations d'apprentissage du système-langue. Ce M.T.D. s ' organise en effet selon trois pôles : pratiquer les discours en situation/observer leurs fonc­tionnements/formuler des notions, des règles générales. fi impkque trois types d'activités, en interaction :

- des activités de communication orale, écrite visant à développer, diversifierles pratiques acquises de reception^>roduction de messages, les savoir-faire langagiers mis en jeu, les connaissancesexpériencieUes imphcites issues des pratiques ; à la base detout ap­prentissage langagier, comme le soufignent J.S. Bruneret Vygotski (10), celles-cin'en sont pas moins étroitement contextuafisées, fiées aux circonstances où elles se sont construites, parceUaires, lacunaires, voire erronées, ce sont des connaissances d'action ; elles portent par exemple sur les paramètres sociaux de la prise de parole (qui parie à qui ? avec quel projet ? quete enjeux ?...) ou les stratégies discursives (raconter, argumen-ter,exphquerparunschema...).

-dans les activités mêmes de communication, ou en différé, existent des temps d'ar­rêt, de mise à distance pour évaluer la pertinence pragmatique des discours, leur effica­cité ; la mise à distance appeUe l'émergence de connaissances expériencielles dans l'ordre des savoir- faire, mais aussi des connaissances opératoires, dans l'ordre des "opé­rations" psycholinguistiques sous-jacentes ; ces opérations s'apprennent de manière large­ment intuitive, plus ou moins implicite (par exemple, en lecture, prélever des indices de signification, formuler une hypothèse e t c . , ou sélectionner, organiser, synthétiser l'infor­mation pour un article de journal...) ; c'est dans des situations de ce type que peuvent naî-

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tre des projets d'apprentissage qui vont permettre la construction de savoirs de portée gé­nérale, décontextuaUsés, en interaction avec le projet d'enseignement du maître.

- les activités métalangagières enfin, ne répondent pas à des projets de commu­nication mais de connaissance ; "décrochées" de la communication, à distance, eUes font appel à l'observation raisonnée des écrits, des "oraux" sociaux et de leurs conditions de production ; eUes tendent à faire construire des savoirs d'ordre général : savoirs opéra­toires dans l'ordre des stratégies discursives, de l'organisation textueUe en même temps que des procédures d'analyse de ces stratégies, de cette organisation ; savoirs concep­tuels dans l'ordre des règles de fonctionnement, des notions (par exemple, les règles de la combinatoire grapho-phonétique, des notions teUes que : lettre, syUabe, mot, phrase...).

QueUe est la signification didactique des savoirs "méta" ? Tendent-ils à améliorer la compétence de communication et/ou contribuent-ils à la formation scientifique des élèves ? Vaste question, non tranchée, à laqueUe des recherches en cours apporteront sans doute des éléments de réponse.

A noter : l'importance première du faire, de l'expérienciel comme enracinement des connaissances, des savoirs ; l'importance fondamentale de la conceptualisation, comme résultante d'une construction progressive où interviennent d'abord des connais­sances du faire, des connaissances opératoires. Les Groupes "Evaluation" et "Résolutions de Problèmes" en sont venus à considérer le travail sur les "opérations" psychohnguisti-ques sous-jacentes aux discours comme essentiel. De ce point de vue, l'évolution du Groupe "Evaluation" est très significative : parti de critères textuels (conceptuels), le Groupe a posé de plus en plus fortement la nécessité du maillon intermédiaire entre expé-renciel et conceptuel : des critères de réaksation opératoires. Notre paradigme Expéren-ciel/Opératoire/Conceptuel n'est, à l'évidence, pas le seul possible : ainsi le Groupe "Résolutions de Problèmes" en pose d'autres, il tend à rendre compte des modes de construction des savoirs dans notre champ. TeI quel, c'est un analyseur, discutable et pro­visoire comme tout outil de cette nature (nous ctirons plus loin ses sources).

Un MTD qui repose sur un tel paradigme met en jeu des interactions complexes : - au plan de la démarche d'enseignement, entre expérience langagière des en­

fants et codes sociaux à intégrer, entre projets d'activités, d'apprentissage des uns et pro­jet d'enseignement du maître, entre savoirs élaborés et savoirs en élaboration, entre auto-évaluation et évaluation externe, entre utüisationd'outite de travail existants (diction­naires, documentaires, manueLs...^t outils de travail élaborés par la classe (questionaires, relevés d'observation...)...;

- au plan des contenus, entre apprentissages sémiotiques en général et apprentis­sages langagiers au sens restreint, entre oraVécrit/image/gestuelle, entre lecture/écriture, réception/production de messages et explicitation/objectivation des faits de communica­tion, de discours ou de textes, de langue...;

- au plan des objectifs didactiques, entre d'une part une diversification fonction-neUe maximale des situations et pratiques de communication orale, écrite selon les fonc­tions du langage, des types de discours et de textes donnés, et d'autre part la construction décontextuahsée d'invariants linguistiques (règles, notions)

- au plan des stratégies langagières , entre l'activité langagière et le regard "mé­ta" langagier porté sur eUe dans et par la résolution de problèmes langagiers ou l'évalua­tion critériée des productions qui en sont issues.

Ce MTD, pluridimensionnel, appeUe la mise en oeuvre, la construction de connais­sances, de savoirs d'ordres divers portant sur des objets d'étude divers : activités et opéra­tions discursives saisies dans des situations contingentes, imphquantes et produisant donc des connaissances fortement contextuafisées ; faits sémiotiques, tinguistiques construits à

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distance, dans une perspective non d'action mais de connaissance parl'observation, la ma­nipulation des énoncés, et produisant donc des savoirs de plus en plus décontextualisés. Du "langage en action" au langage objet d'étude et donnant forme à l'étude, et inverse­ment. Une telle complexité nous paraît constitutive de la D.F.L.M.

1.4 - LES AVANCEES SIGNBFICATWES DES GROUPES

Les dénominateurs communs aux Groupes n'excluent pas des avancées plus ou moins convergentes, selon les points de vue théoriques adoptés.

Le Groupe "Variations" s'est centré sur le traitement didactique pluriel des normes, par opposition à des conceptions didactiques qui considèrent la langue dans son unicité selon une norme globale de correction, de respect du bon usage, ou d'expressivité. Le schéma didactique défini repose sur la notion première de fonctionnalisation des mes­sages en situation, qui permet l'élaboration de la signification en référence aux jeux d'in­teractions sociales, langagières entre locuteurs et à leurs normes, sociolinguistiques, de référence. Il appeUe, conjointement, une analyse de la fonctionnaüté des codages knguis-tiques correspondants, des normes Unguistiques sous-jacentes aux faits récurrents ob­servables. La construction de la notion de variation s'opère dans cette double perspective qui définit une didactique plurinormaliste. Le Groupe oppose ceUe-ci à une didactique plu-rinormative procédantd'une observation de la fonctionnante des codages hnguistiques, qu'il a lui-même pratiquée dans un premier temps. On pourrait cerner dans cette opposi­tion deux conceptions du traitement didactique des sciences du langage : la seconde visant essentieUement un renouveUement de l'étude des faits de langue (la grammaire...), et la première inscrivant celui-ci dans un schéma plus large où la pratique et l'étude de l'acti­vité discursive en situation, et de ses produits, sont déterminants.

Le Groupe "Sémiotiques" s'inscrit lui aussi dans le traitement didactique de la plurakté mais en se centrant sur les codages sémiofinguistiques. Dans un aspect premier de la recherche, l'accent est mis sur le traitement des messages pluricodés, leur organisa­tion textuelle, la construction de la signification en tantqu'eUe met enjeu des "trajets" de lecture des codages sémiotiques et Unguistiques. On éclaire ainsi à la fois les relations en­tre codes pour exprimer des signifiés donnés et leur spécificité. Dans un aspect second, l'accent est mis sur le traitement didactique des transcodages, les opérations enjeu dans les analyses intercodiques à l'intérieur d'un "M.P.C.", les "transferts codiques" sémanti-quement possibles à partir des "noyaux sémiques" communs à plusieurs messages, les transpositions d'ordre pragmatique, de code interprété à "code interprétant". Le Groupe a été ainsi amené à se centrer sur les transcodages, en tant qu'ils impliquent des activités de type métacodique et métadiscursifportant sur des "fonctions" sémiotiques, c'est-à-dire les rapports étaMis entre "éléments de la forme de l'expression" et "éléments de la forme du contenu".

Lecheminementdu Groupe"Evaluation" danslaproblématiqueplurieilequiest constitutive de notre schéma didactique va dans un sens différent : des produits finLs (les textes) aux opérations de production (ce qui n'exclut pas, et au contraire appeUe des acti­vités de type "métacodique" et métadiscursif. FocaHsant le traitement didactique de la no­tion d'évaluation formative sur les critères à faire expticiter/construire par les élèves, il met d'abord l'accent sur des critères textuek de réussite impliquant des savoirs conceptuek dé­rivés de l'analyse linguistique des règles d'organisation textueUes spécifiques de types de textes donnés, et de leurs "marques" dans les écrits lus/produits. L'accent est mis égale­ment de plus en plus sur des critères "opératoires" de "réaüsation" d'ordre psycholinguis­tique impliquant des savoirs Ués aux représentations que les enfants ont des types de textes et aux opérations enjeudans l'écriture : planification d'ordre discursif, en fonction des projets, "mise en texte" en fonction de l'organisation propre au type de texte à produire,

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"révision" en fonction des codages knguistiques pertinents. D'où l'importance croissante des "outils" de travail construits en classe pour aider les élèves de manière précise à maî-triser/analyser ces opérations complexes.

Enfin, le Groupe "Résolutions de Problèmes" a montré le caractère heuristique de la notion de problèmes de français et l'intérêt de son traitement didactique. Elle sup­pose en effet l'expücitation, la mise à distance, la résolution des conflits d'ordre socio-co-gnitifentre des états de représentations, de connaissance hés à la diversité des expériences des élèves, les exigences d'une tâche de production ou d'analyse, la nature et les caracté­ristiques des discours àproduire^ire, ou des savoirs hnguistiques à construire. Compte-te­nu du caractère complexe, pluridimensionnel des faits langagiers (nous y reviendrons), la plupart des problèmes en français font intervenir des opérations de niveaux différents et admettent souvent plusieurs solutions, non hiérarchisables. Le Groupe a mis fortement l'accent sur l'importance des savoirs opératoires et savoirs sur le faire en situation "décro­chée" par rapport aux situations de communication pour résoudre des problèmes donnés. U en est venu à travailler sur la construction d'ordre métaünguistique, d'"invariants" conceptuels (règles de fonctionnement, notions).

On peut donc observer en gros deux types de cheminement dans la focahsation des Groupes : des discours en situation aux codages, du langagier au métacodique pour les Groupes "Résolutions" et "Sémiotiques", et inversement des codages textuels aux opéra­tions discursives pour les Groupes "Evaluation" et "Variation". Mais ces cheminements s'inscrivent dans un même schéma, une même conceptualisation didactiques.

2. DES SAVOIRS SUR L'ACTION - VERS UNE CONCEPTUALI­SATION DES ACTES DU)ACTIQUES

Les pages qui suivent sont à considérer comme une tentative de conceptuaUsation de nos pratiques de recherche dans un champ encore "en émergence", où les travaux "mé-ta- didactiques" sont encore très rares. Intervenant a posteriori, la réflexion théorique tend à une mise en perspective des avancées communes aux quatre Groupes sur les problèmes que l'on peut coasidérer comme constitutifs de la D.F.L.M. Par là même, les analyseurs proposés devraient permettre, dans et par la poursuite de la recherche, de nouvelles avan­cées, confirmant ou non la pertinence de ces analyseurs, permettant d'en proposer d'au­tres.

ExpHcitant le "schéma didactique" construit par nos quatre recherches, nous avons proposé, en outre, les notions de "modes de travail didactique", et un paradigme désignant des modes de construction des savoirs : "expériencietyopératoire/conceptuel". Nous n'y revenons pas. Nous en présenterons ici d'autres, relatives à ladéfinition des contenus d'en­seignement : "heux d'intervention didactique", et au "traitement didactique" de leurs "ré-férents", ou d'ordre métadidactique : "variables didactiques".

Notons d'entrée de jeu que nous n'aboutissons pas, et pour cause, à une modéHsa-tion en bonne et due forme, mais à des éléments de modélisation. L'ensemble tend à met­tre en évidence le caractère complexe, pluridimensionnel du champ de la D.F.L.M.

2.1 - DES LffiUX PLURIELS D'WTERVENTTON DIDACTIQUE

L'un des problèmes majeurs, constitutifs du champ de la D.F.L.M. serait, selon nous, celui d'une modélisation des contenus d'enseignement susceptible de différencier des schémas didactiques relevant d'options données, et explicitant donc les choix didacti­ques des enseignants, leur nature, leur hiérarchisation.

238

On a pu voir dans le rapport du Groupe "Evaluation" comment celui-ci, cherchant à répondre à des besoins d'ordre pratiquedes maîtres des équipes et à des besoins d'ordre théorique, a été amené à construire successivement une grille de classification des critères d'évaluation des écrits des élèves puis un tableau qui situe à la fois les choix et les contraintes devant lesquels se trouve le scripteur et les Heux possibles de l'intervention di-dactiquesurcesécrits.

On trouvera plus loin un tableau dérivédu précédent de manière à y inclure la pro­blématique des trois autres Groupes, utilisant donc celui-ci comme "code interprétant" -terme emprunté au Groupe "Semiotiques".La notionde "heuxd'interventiondidactique", étendue à l'ensemble du champ, nous paraît de nature à "déglobatiser" l'enseignement du français en situant explicitement, pour les maîtres comme pour les élèves les problèmes à traiter : tout "lieu" d'intervention se trouve à l'intersection d'un type d'objets d'étude et d'un"niveau"d'étudedonnés(deuxentréessouventconfondues).

TeI quel -outil manifestement provisoire -le tableau met en évidence un certain nombre d'avancées pratiques et théoriques communes aux quatre Groupes (outre la dis-tinctionqui vientd'êtreévoquée). C'estpourquoilaterminologie, "marquee"linguistique-ment du Groupe "Eva" a été remplacée par une autre qui renvoie plusexpUcitement aux contenus de l'activité didactique en fonction des options théoriques majeures évoquées plus haut, dont ce tableau est le coroUaire. Sont ainsi repérés quatre types d' objets d'en-seignement/apprentissage:

. les normes d'ordre sociolinguistique et sociosémiotique Hées aux divers paramètres des situations de communication à prendre en compte, au contexte social.

. les normes sociolinguistiques et sociosémiotiques liées aux stratégies dis­cursives choisies : décrire, argumenter, exptiquer..., compte-tenu des visées d'action et du type de discours.

. les codages Unguistiques, sémiotiques permettant l'organisation du mes­sage en "texte", compte-tenu des visées et de la stratégie, et du type de texte.

. les codages requis Hnguistiquement, sémiotiquement compte-tenu des trois aspects précédents et des propriétés des "codes" en jeu.

A noter : ce tableau ajoute aux objets d'enseignement pris en compte par le Groupe "Evaluation" les situations de communication travaiUées plutôt en tant que teUes par les Groupes "Variation" et "Résolutions de problèmes"; il inclut l'interphrastique dans l'or­ganisation textueUe, et transpose le phrastique en codique par référence au traitement des messages pluricodés par le Groupe "Sémiotiques".

Les objets d'enseignement/apprentissage peuvent être traités en classe de divers points de vue, déterminant divers types de problèmes didactiques :

. d'un point de vue pragmatique, l'ensemble des problèmes de fonctionna-lisation, de contextuaUsation des énoncés, de gestion de l'interaction sociale (le langage commeactivitedecommunication,commeHeudevariation...).

. d'un point de vue sémantique, lesproblèmes de référenciation tiés aux opé­rations de construction et d'interprétation du sens (le langage comme représentation de ré-férents donnés, comme tieu de dénotation/connotations).

. d'un point de vue morphosyntaxique, les problèmes de grammaticaUté, d'acceptabitité, tiés à la connaissance des combinatoires codiques (la langue comme sys­tème, comme tieu de régularités formeUes).

J.P. Bronckart(ll), considérant les "opérations langagières" de mise en relation du textuel et du contextuel distingue : la contextuatisation, la structuration (ancrage, repérage, planification discursifs), la textuatisation (connexité, cohésion, modélisation). Cfette caté-

239

CTi ieux d'intervention didactique D

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Objets d'enseignement/ apprentissage

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Faits d'interaction sociale langagière (la variation).

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Opérations de cons­truction du sens, d' interprétation

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Comfeijiatoires formelles, syntaxiques] lexicales^ phonologi­ques (formes récur­rentes) . x

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aémiotiques sémiotiques Normes socio Codages^

^linguistiques ^ linguistiques

Situations de communication Enjeux et repré sentations so­ciales

Problèmes de ré­gulation de l'interaction, de contextuali-sation. Visées pragma­tiques de l'ac­tivité

. Prise en compte du con­texte (social, matériel, cultuI rei).

Problèmes de présuppositions d'interprétabi-lité, de calcul des effets de sens

stratégies I organisation |ftements du j discursives Discours et actes de discours

textuelle. Textes et textualisa-tion

(des) code (s) Encodage/dé­codage I

Mise en page Choix (typo) graphiques I

. Hiérarchi­sation de l'information: choix théma­tiques

. Prise en compte des normes socia­lement requi­ses.

. Types de discours

Problèmes de référencia-tion, de lo­gique discur­sive, de co­hérence

Choix des formes d'as­sertion, né­gation, ques­tionnement , des marques énonciatives

. Gestion de la progression thématique

. Réseau des modalisateurs

. Types de textes

Problèmes de sequenciali-sation, d'or­ganisation de l'espace du texte

Repérage, utilisation de formes ré currentes du système énon ciatif, tem­porel, prono­minal.

. Indexation (sexe, âge statut social,] région ou I ethnie).

Problèmes de repérage ou choix d'indi-] ces (sèmes, isotopies inter-codi-ques),d'à- I déquation deq formes. I

Problèmes del grammatica]i I té, d'utili-I sation des I règles de I fonctionne- I ment des co-I des (ortho- I graphe).

240

gorisation psycholinguistique recoupe en partie la nôtre : la contextuaksation peut renvoyer au situationnel envisagé d'un point de vue pragmatique et sémantique, la structuration au discursifenvisagé d'un point de vue pragmatique, et la textualisation àl'organisation tex-tueUe envisagée d'un point de vue syntaxique.

Un tableau de ce type visuakse le caractère pluridimensionnel des problèmes didactiques en baksant un espace relativement nouveau dans ce champ : traditionneUe-ment y sont surtout traités les problèmes "en bas à droite" : orthographe, syntaxe, vocabu­laire ; l'arbre syntaxique a longtemps caché la forêt du textuel, du discursif, du situationnel... Les problèmes de grammaire ne sont aucunement évacués mais situés dans un ensemble. Ü apparaît d'aiUeurs qu'ils seront d'autant mieuxtraités qu'ils seront inscrits dans une stratégie didactique qui procède d'abord de la résolution des problèmes "en haut à gauche", d'ordre pragmatico-discursif. Les rapports des Groupes en donnent bien des exemples.

D ne s'agit pas pour autant d'un itinéraire obligé : d'une part, parce qu'il advient que la stratégie d'investigation soit inverse, des éléments du (des) codes aux discours en situation, d'autre part parce que les codages ont aussi leur logique propre susceptible d'é­tudes décontextuatisées, en situation didactique "décrochée", selon le terme du Groupe "Résolutions de Problèmes" où le projet de la classe est centré sur un ensemble d'appren­tissages métalinguistiques (problèmes d'orthographe...).

A noter également : la relation de ce tableau avec l'esquisse de classement des ap­prentissages présentée plus haut. L'ancrage pragmatico-discursifrépond aussi à la néces­sité de prendre appui sur l'"experencieI" qui domine à ce niveau. Si les choix discursifs sont à dominante "opératoire", l'organisation textueUe requiert à la fois de F"operatoire" et du "conceptuel". Quant à la construction progressive des combinatoires formelles (par exemple celle des relations grapho-phonétiques en lecture-orthographe), eUe relève en do­minante d'une conceptualisation qui, selon notre perspective, devrait intervenir à terme sur la base d'apprentissages expérenciels et opératoires. Ceci dit, chacun des Ueux d'inter­vention didactique définis peut induire des apprentissages des trois types.

2.2 - TRATTEMENT DBDACTIQUE DES REFERENTS D'ORDRE PRATIQUE, THEORIQUE

Parmi les problèmes constitutifs du champ de la D.F.L.M. est souvent posé celui de la pertinence et des Umites de la tinguistique apphquée. Cette question, centrale dans les années 1970,l'est beaucoup moins, teUe queUe aujourd'hui : elle renvoie en effet àl'un des cas de figure d'un problème plus généralr celui de la référenciation ^xpHcite ou im-phcite -des contenus d'enseignement et du mode de traitement didactique, de didactisa-tion des référents.

D'une part, il est désormais admis que la référenciation théorique des contenus est plurieUe et évolutive : la linguistique certes, et d'une façon plus générale les sciences du langage pour ce qui concerne les objets d'enseignement, lés sciences de l'apprentissage, de l'éducation pour ce qui concerne les stratégies des "apprenants", les facteurs de frei­nage ou de stimulation des apprentissages repérables dans l'environnement scolaire, fami-lial, social.

D'autre part, nous posons que la référenciation n'est pas seulement d'ordre théori­que mais aussi pratique : un certain nombre de pratiques langagières en classe renvoient à des traditions scolaires (la dictée, la syllabation en lecture), à des innovations pédagogi­ques (le texte libre...), à des pratiques données de la communication sociale (le journal...). Le plus souvent, cette référenciation, d'ordre expérienciel, n'est pas théorisée, mais eUe

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pourrait l'être. De ce point de vue, les pratiques de genres scolaires comme le texte tíbre, la correspondance entre classes, lejournal..., mériteraient l'anafyse.

Aucune de ces pratiques, aucun référent théorique n'est repris tel quel, tous sont plus ou moins "retraités" de manière à s'intégrer dans le schéma didactique, didactisés, quitte à infléchir ou modifier celui-ci. Comment s'opère cette didactisation ? Nous vou­drions esquisser ici quelques- unes des analyses à faire ( 12).

2.2.1 - Traitement didactique des traditions et innovations sco­laires

Tendre à définir des contenus d'enseignement/apprentissagee nouveaux, c'est par là-même se situeren rupture parrapport aux traditions scolaires. Notre schéma didactique se définit d'abord en creux, comme expression d'un certain nombre de refus, évoqués dé­jà : notamment le refus de la centration première surl'acquisition de savoirs notionnek re­latifs à des éléments abstraits, décontextuahsés, les codages Unguistiques, savoirs organisés en suites Unéaires, du "simple" au "complexe" : lettres/sons, syUabes dites artificielles, mots et phrases ; refus d'un enseignement syncrétique de savoir-faire langagiers : tire/écrire, procédant sans progression repérable (les progressions ne portent pas sur l'ac­tivité de lecture mais sur la combinatoire codique qui fonde l'un de ses modes de repérage d'indices). La rupture s'opère par la mise en question de pratiques langagières dont la fonc­tion est purement scolaire et qui portent sur une langue scolarisée sans rapport avec les écrits sociaux connus des élèves (manueLs d'apprentissage de la lecture, dictée de textes d'auteur...).

Pour autant, toute tradition scolaire n'est pas à rejeter. Les apprentissages relatifs par exemple à la combinatoire grapho-phonétique ne sont nuUement exclus, mais situés et finalisés autrement : Us résultent de pratiques de lecture (et non l'inverse), de pratiques d'analyse des fonctionnements des écrits d'un point de vue "morpho- syntaxique". Ap­prentissages d'ordre métaUnguistique, ils portent sur des objets d'enseignement/apprentis­sage à construire progressivement : les codages tinguistiques. Si l'on prend l'exemple de l'orthographe, travaillé par le Groupe "Résolutions de problèmes", son enseignement n'est pas contesté en soi; ce qui fait...probleme, ce sont ses contenus, sa démarche, sa place et sa fonction dans le schéma didactique traditionnel. Le traitement didactique des traditions scolaires comporte donc deux aspects indissociables de négation/intégration : il les exclut et/ou les reconstruit selon des significations autres.

Le problème de la didactisation des innovations scolaires se pose dans les mêmes termes. On pourrait montrer comment le texte tíbre par exemple a été à la fois, dans les an­nées 70, contesté comme privilégiant la seule fonction expressive du langage et intégré comme type d'écrit à fonction donnée, parmi d'autres, également nécessaires, impUquant d'autres normes fonctionnelles.

2.2.2 - Traitement didactique des pratiques sociales de la commu­nication orale, écrite

Le problème ne se pose pas dans une conception normative de l'enseignement du français qui fonctionne sur une langue définie en soi, hors contexte. Il est au contraire cen­tral dans une didactique de la communication dont l'ancrage procède des connaissances expériencieUes que les élèves ont des usages sociaux et des formes de l'oral, de l'écrit. C'est par là-même faire entrer en classe des objets matériels complexes, porteurs de pra­tiques langagières, de normes sociales, sémiotiques, de codages linguistiques traditionnel­lement exclus ou survalorisés. Certains sont famihers aux élèves mais non maîtrisés : presse, TV, BD, publicité, minitel, mais aussi manueLs scolaires ; d'autres le sont moins : jeu dramatique, textes poétiques... Les voies de la didactisation par lesquels ces objets de-

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viennent producteurs d'apprentissages expficites, organisés, finaUsés font intervenir deux principes de base : la lecture/production de messages et l'étude de leur fonctionnement.

Prenons l'exemple des Groupes "Variation" et "Sémiotiques". La didacüsation de l'ensemble des "écrits sociaux", des "messages pluricodés" présuppose le refus des hié­rarchies cultureUes traditionneUement admises. Ainsi les textesUttéraires ne sont ni exclus ni survalorisés mais caractérisés par rapport à d'autres. Le point de vue adopté est celui d'une didactique de la pluralité qui tend à la construction d'un ensemble de savoirs articu­lés sur une série de notions susceptibles de faire comprendre la pluralité des usages et des formes : variation des normes socioUnguistiques/régularités repérables des codages Hn-guistiques (Groupe "Variations"), différenciation des codes sémiotiques et des itinéraires de construction des significationsAsotopies sémantiques entre codes et mise en oeuvre d'o­pérations cognitives de même ordre (Groupe "Sémiotiques"). La démarche d'enseigne­ment repose donc sur un principe double de contextuatisation/décontextualisation des apprentissages : la fonctionnaHsation des énoncés lus/produits en classe permet de les ins­crire en contexte dans des projets, des enjeux discursife, des conditions de production don­nés dont l'ensemble est porteur de significations ; la découverte progressive, hors contexte, de la fonctionnalité des codages permet de les inscrire dans un(des) ensemble(s) de faits sémiotiques, Hnguistiques donné(s), porteurs de sens.

Le traitement didactique des pratiques de la communication sociale impkque donc, entre autres, une expficitation des notions organisatrices des contenus d'enseignement/ap­prentissage que celles-ci peuvent induire en classe, concernant à la fois des attitudes et des savoirs métaîinguistiques donnés. A l'évidence, les élèves ne peuvent pas exprimer ces no­tions sous la forme où nous le faisons : les reformulations successives qui marquent les iti­néraires d'apprentissage sont, précisément, l'un des aspects importants de la didactisation, et comme tels, des recherches en didactique.

Se pose ici le problème des relations entre pratiques sociales en général et pratiques scolaires en particuUer. Si l'on prend l'exemple du journal, on s'aperçoit d'une sérieuse distance entre les productions scolaires et les productions médiatiques, ceUes-ci s'appa-rentant à des pratiques moins coûteuses teUes qu 'elles existent dans le mikeu associatif, et d'une distance non moindre entre les conceptions pluraüstes développées ici et la norma-tivité de bon nombre des professionnels de la presse (publicité exceptée, nettement plura­liste). Le (re)traitement didactique des pratiques de 1 'oral, de l'écrit dans la communication sociale, ceUes des professionnels de la parole, par exemple, impkquerait à la fois : une di­versification maximale et une sélection d'aspects jugés enseignables en fonction de cri­tères didactiques (âge des élèves, projets d'apprentissage accessibles...), pédagogiques (projets de vie en classe...), éthiques (choix de vaìeurs...) ; Fintégrationet la mise à distance critique (imiter le modèle des bons auteurs oucelui des journafistes, relève d'une même conception didactique) ; le pragmatisme assumé (maîtres et élèves référant à leurs connais­sances experencieUes)et l'expficitation, la conceptuafisation progressives (en l'état des analyses disponibles).

2.23 - Traitement didactique des référents théoriques Dans tout ce qui précède, la didactisation des référents d'ordre pratique interfère

fortement, ne serait-ce qu'en raison des notions qu'eUe utifise, avec ceUes des référents théoriques qu'eUe se donne. Les voies de (re)traitement n'en sont pas moins complexes, excluant l'appUcation de "Savoirs savants" donnés : comme le montrent les chapitres pré­cédents, chaque Groupe a dû, pour résoudre le problème didactique posé, construire son propre cadre théorique ; aucun n'a pu, et pour cause, trouver un cadre théorique tout éla­boré qu'U suffirait d'appHquer, ou de transposer aux situations de classe. Comme le sou-tigne J.P. Bronckart, "il n'existe pas en Unguistique de modèle général et satisfaisant auquel

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on puisse se référer avec une confiance de la nature de ceUe qu'inspirent -àjuste titre -les théories mathématiques". D en résulte une relation de fait à l'inverse de ceUe que présup­posait la Unguistique appliquée. "Parmi l'éventail des propositions théoriques acceptables par les sciences du langage contemporaines, le pédagogue choisit en fonction de ses ob­jectifs et en fonction de ce qu'il connaît du développement langagier des élèves ; au be­soin, il crée ou adapte, de sa propre initiative, les instruments conceptuels ou méthodologiques dont il a besoin". (13)

La cohérence des cadres théoriques pluriréférencés construits par les Groupes n'est donc pas à chercher du côté de leurs sources, mais du côté de leur problématique di­dactique. Ainsi, le Groupe "Evaluation" emprunte à plusieurs champs de connaissance : outre la didactique, les travaux théoriques sur l'écriture (à défaut d'une théorie de l'écri­ture et de son apprentissage), la linguistique générale et la linguistique textueUe, la psy-choUnguistique, l'évaluation.

A l'intérieur même d'un champ donné, comme la sociolinguistique, travaiUé par-ticuUèrement par le Groupe "Variations", sont opérées des synthèses entre courants diffé­rents : les courants dits "variationniste" et "fonctionnaHste". Se posent donc, outre le problème de la pertinence didactique des référents choisis, celui de leur compatibUité. Compatibilité improbable s'il s'agissait de juxtaposer tels quels des corps de concepts "im­portés" relevant de problématiques hétérogènes. Ce qui rend possible la mise en compati-biUté, c'est le type de notions retenues et l'utihsation qui en est faite. On a pu noter que sont retenues essentieUement des notions génériques relevant de théories générales (com­munication, fonction, contraintes^ibertés, construction des apprentissages...) qui contri­buent à fonder les contenus et les principes d'action du M.T.D. (communication fonctionnahsée/observation des jeux de Hbertés/contraintes qui s'y opèrent...).

L'utilisation de descriptions linguistiques données (travaux sur la cohérence tex­tuelle ou le plurisystèmeorthographique français...) est, de toute façon, Hmitée aux opéra­tions, aux formulations dont les enfants sont capables. L'une des fonctions scientifiques de la recherche-innovation est, précisément, selon une expression du Groupe "Résolutions de Problèmes", d'"eprouver didactiquement" opérations et notions , de les "didacti-ser" en termes d'enseignement d'une part, d'apprentissages d'autre part. Didactiquement, ce qui compte, c'est que maîtres et élèves puissent entrer dans une réeUe démarche de ré­solution de problèmes en tant que ceUe-ci est constitutive de savoirs méthodologiques, conceptuels. Plutôt qu'une simplification, une réduction, il s'agit d'une intégration par un processus progressifde construction dont le cheminement est aussi formateur que le pro­duit final.

Autre point commun aux quatre Groupes, le fait que leurs cadres théoriques soient évolutifs : ainsi le Groupe "Evaluation" qui, parti d'une problématique linguistique por­tant le regard sur les propriétés des produits finis, parvient à une perspective plus synthé­tique englobant critères textuels d'évaluation et critères opératoires d'ordre psychoUnguistique relatifs aux opérations de production. Comme le montrent les rapports des Groupes, le moteur de leur évolution est le va-et-vient, constitutifde la recherche-in­novation entre essais pratiques en classe et travail d'expUcitation théorique, d'évaluation empirique de ces essais.

On a pu constater dans les chapitres précédents que, de ce fait, le traitement didac­tique des référents théoriques s'opère dans un double mouvement d'opérationnahsation de ces référents/conceptuafisation des pratiques innovantes.

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L'opérationnatisation des référents théoriques , c'est- à-dire leur actualisation, leur traduction en actes, en classe, va bien au-delà d'une appUcation, voire d'une transpo­sition terme à terme qui se ferait par réduction, demanière linéaire. Parti de la notion non didactique a priori d'"evaluation formative", le Groupe "Evaluation" en détermine les as­pects les plus cruciaux didactiquement : les critères d'évaluation, leur nature par référence aux objets d'étude et aux niveaux d'analyse impfiqués ; les conditions didactiques et les procédures de leur élaboration et de leur utilisation par les élèves ; les "outils" de travail construits en classe pour fixer la trace des acquis coUectifs et guider les évaluations, les réécritures ultérieures, outils provisoires et révisables par construction. Le produit du "trai­tement" estdonc à la fois un ensemble de pratiques concrètes et un schéma didactique in­cluant des contenus et une démarche d'enseignement/apprentissage donnés dans une problématique d'action. Selon le Groupe "Résolutions de Problèmes", seraient à distin­guer deux niveaux de didactisation (comme pour Y. Chevallard) : des référents théoriques aux savoirs à enseigner, des savoirs enseignés aux savoirs intégrés par les élèves.

La conceptualisation des pratiques de classe tend à "traiter" les référents théo­riques non pas seulement dans un processus classique de citatiorVlégitimation, de point d'appui, mais comme analyseurs, ou selon l'expression du Groupe "Sémiotiques" comme "code interprétant". Ce quine signifie pas que les référents théoriques choisis soient utili­sés tels quels. On en adeux exemples dans ce chapitre avec le paradigme savoirs expérien-ciels/opératoires/conceptuels et le tableau des Ueux d'intervention didactique.

Ainsi ce paradigme a été construit par intégration critique d'une distinction faite par Y. ChevaUard (14) entre notions protomathematiques(mobiUsees implicitement par l'activité mathématique) et notioas paramathématiques (outiLs de l'activité mathématique comme la démonstration), et notionsproprement mathématiques (l'addition, le cercle), constitutives des programmes de mathématiques et seules enseignables. A été reprise l'i­dée d'une différenciation des savoirs mobilisés, construits par l'activité didactique. Mais l'inadéquation d'une catégorisation conçue pour la didactique des mathématiques au champ de la didactique du français axé sur l'acquisition de savoir-faire et de savoirs a en­traîné à la fois une extrapolation, une reformulation et un changement de perspective. Se­lon Y. ChevaUard, n'est enseignable que le notionnel. Mais l'enseignable en français ne peut se réduire au notionnel qui, lui-même est à inclure dans une catégorie plus générale, le conceptuel, qui inclut également les règles de fonctionnement des faits sémiótiques, Un-guistiques. La catégorie centrale, l'opératoire, refère aux intuitions des années 70 qui met­taient l'accent sur les "manipulations syntaxiques" des phrases, les "opérations Unguistiques" à la base de toute analyse de la langue (dans l'esprit général de Piaget ou Chomsky). Les travaux actuels de psychoUnguistique lui donnent un statut plus soUde, des contenus plus précis : nous évoquions plus haut, par exemple, les opérations langagières définies parJ.P. Bronckart comme constitutives des relationsentre le domaine textuel et le domaine contextuel.

De même, le tableau des Ueux d'intervention didactique présenté plus haut reprend, entre autres, la théorie des "trois points de vue" (morphosyntaxique, sémantique, pragma­tique) qui, selon C. Hagège (15) fonde l'étude des langues dans leurs manifestations dis­cursives. Mais c'est l'entrée pragmatique qui est première : la logique d'apprentissage de la production d'écrits diversifiés procède des actes de communication vers leur analyse, à l'inverse du Unguiste qui, lui, part des faits de langue. C'est d'abord une logique d'action et, dans un second temps seulement une logique de connaissance. L'extrapolation porte sur l'objet d'étude : si l'objet du linguiste est la phrase, le tableau, comme celui du Groupe "Evaluation" dont il est dérivé, considère, dans une perspective didactique, des unités d'ob-

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servation, des objets d'étude plus timités ou plus larges : des éléments des codes aux pa­ramètres des situations de communication, compte-tenu de la complexité et de la diversi­té des problèmes que les élèves ont à résoudre et qu'il s'agit de sérier.

La notion de "traitement didactique des référents d'ordre pratique et théorique" pro­cède également d'une intégration critique de la notion de "transposition didactique", des "savoirs savants" aux "savoirs enseignés" (16). Dans notre champ, ceUe-ci a des connota­tions qui renvoient au débat sur la Unguistique apptiquée qu'il convient aujourd'hui de dé­passer. Nous avons extrapolé, de "savoirs savants" à des champs de pratiques, de savoirs pluriréférencés, et la reformulation traduit un changement de perspective : eUe renvoie, comme le traitement de l'information, à des opérations complexes, dans l'ordre d'une construction didactique d'objets d'enseignement nouveaux (ce qui n'est pas du tout la pers­pective, descriptive, d'Y. ChevaUard). C'est dire qu'eUe est largement discutable, ouverte, et qu'eUe devra probablement évoluer.

TeUe queUe, la notion de "traitement didactique" ou de "didactisation" ouvre des pistes de travaU utiles qui devraient induire une expUcitation des processus de référencia-tion dans notre champ, d'ordre théorique et pratique, mais aussi diachronique etsynchro-nique.

2.3 - VAMABLES DK)ACTIQUES

Comme nous l'avons dit au chapitre I, nous touchons ici àl'un des problèmes-clés de la recherche-innovation : selon queUes variables didactiques et queUes modahtés de ces variables les pratiques innovantes se différencient-eUes fondamentalement d'autres prati­ques ? Question cruciale tant pour comprendre la signification des séquences de classe ob­servées que pour évaluer les effets des interventions didactiques. La fonction scientifique de la recherche- innovation est, très précisément, de repérer les variables didactiques en jeu et leurs modahtés pertinentes. La notion de variables didactiques, rappelons-le, ren­voie, à un modèle d'analyse des options majeures sous-jacentes à l'enseignement du fran­çais, constitutives de conceptions radicalement différentes de cet enseignement, de schémas didactiques donnés, à dominante normative, expressive, ou faisant interagir com­munication et objectivation (sachant que dans la pratique des classes, on trouve rarement une seule dominante, et plus souvent des choix éclectiques). Les variables sont les facteurs par lesquels les schémas didactiques se différencient les uns des autres, selon diverses mo­dahtés correspondant à l'éventail des choix théoriquement possibles. Elles sont d'ordre in­terprétatif : eUes devraient permettre de comprendre la signification d'actes didactiques donnés en exphcitant les choix sous- jacents.

La nature des variables didactiques dans notre champ est un problème très peu abordé encore et qui demeure largement ouvert. Dans l'état actuel des recherches, il nous paraît possible d'avancer quelques propositions. Notons tout d'abord qu'aucun des Groupes n'a retenu ni une Variable globale type "pédagogie rénovée" ni des variables ponctueUes. Tous considèrent à la fois des aspects Ués aux contenus d'enseignement et au Mode de Travail Didactique (la démarche) :

- les objets langagiers (au sens matériel) présents, utiksés, produits en classe (ex : écrits scolaires de type manuels, rédactions^'écrits sociaux diversifiés, scolaires et non scolaires" selon le Groupe "Variation";

- la fonction didactique de ces objets (ex : porteurs de la norme des "bons au­teurs" à enseigner/porteurs de "normes fonctionneUes" d'ordre socio-hnguistique selon le Groupe "Variations");

- les lieux d'intervention didactique considérés comme décisifs (ex : codages morphosyntaxiquesAieux pluriek selon des objets d'étude, des "niveaux d'investigation"

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(pour le Groupe "Sémiotiques") des "entrées Hnguistiques" donnés (Groupe "Résolutions deProblèmes");

- les situations significatives (ex : situations d'exercice d'apptication/situations d'émergenceet de formulation des problèmes (pour le Groupe "Résolutions de Pro­blèmes");

- les stratégies de résolutions des problèmes, et la "tiaison entre les résolutions" (ex : Groupe "Résolutions de Problèmes");

- lesmodatitésd'mterventiondidactique (agent,moment,fonctiondel'inter-vention, nature des "outüs" utiüsés, produits pour le Groupe "Evaluation");

- les processus d'apprentissage, mis en oeuvre (nature et traitement des difficul­tés des élèves, des problèmes rencontrés, nature et rôle de l'expticitation métatinguisti-que... modatités de construction des$avoirs pourle Groupe "Résolutions de Problèmes");

- et, en fin de compte le problème de l'évaluation, la nature des savoirs effective­ment intégrés par les élèves (expérienciek, opératoires, conceptuels).

D'autres variables se situeraient plutôt dans l'ordre de l'interprétatif : - la nature de la référenciation des pratiques d'enseignement (scolaire, linguis-

trique, socio-culturelle), et des référents (explicites ou non): la nature du traitement didac­tique de ces référents justification, appUcation, transposition, (re) traitement comme principes d'action ou analyseurs des pratiques...).

- les conceptions du langage, de la langue, des apprentissages langagiers (en cohérence ou non avec les référents) et, notamment le rapport à la(les) norme(s) socioUn-guistique(s), linguistique, le rapport à la pluralité des usages sociaux de l'oral, de l'écrit.

Nous aurions peut-être là l'esquisse d'une définition de la D.F.L.M., à partir des problèmes jugés constitutifs de ce champ, et qu'il importerait de travaiUer, de manière à y repérer, et des variables dont la nature est en soi un problème à traiter, comme leurs modaiités d'actualisation, et des invariants. On a pu voir, selon les recherches, des varia­bles didactiques fonctionnant selon 2,3 (ou x) modaHtés renvoyant à 2,3 (ou x) schémas didactiques : ainsi l'évaluation formative se définit par opposition à une évaluation nor­mative mais en résolution de problèmes on envisage plusieurs attitudes possibles dans le traitement des difficultés des élèves.

Le modèle d'analyse n'a pas de pertinence dans l'absolu : il vaut par rapport àl'ob-jet derecherche considéré. Il devra probablement évoluer. Ainsi l'observation des essais de recherche-innovation montre qu'aucun martre ne réalise entièrement un schéma didac­tique donné : on repère pour une variable donnée, des consteUations relevant de modaUtés diverses (ce qui avait pu être observé aussi lors de l'essai d'évaluation des années 1972 évoqué au chap. I). Nous avons été amenésainsi à distinguer la notion de "schéma didac­tique" qui définit théoriquement un pôle de dominance des options (exphcites ou non)de la notion de "style didactique" qui renvoie aux types de "consteUations" effectivement ob­servées en classe, repérées par rapport aux schémas. La recherche-description, de ce point de vue, devrait certainement faire "bouger" le modèle d'analyse dont eUe procède : en af­finant, voire en reformulant, en modifiant les variables didactiques.

L'intérêt scientifique majeur de la recherche-innovation se situe peut-être là : non seulement eUe permet mais eUe appelle un travaU de modéUsation des actes didactiques, qui induit la construction d'analyseurs dont la pertinence est éprouvée tant par rapport aux pratiques d'enseignement que par rapport aux travaux théoriques potentieUement ques-tionnables. Un tel travail est nécessairement relatif, évolutif : ü dépend à la fois des objets de recherche cemés et de l'état des connaissances. D devrait permettre à terme, de mieux

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comprendre la signification des pratiques d'enseignement du français : leur "code com­mun" comme leurs "variations", les passages oMigés comme les choix.

3. VERS UNE "SEMANTIQUE" DE LA RECHERCHE-DWOVA-TION

Ce qui apparaît comme le plus problématique, du fait même de sa double finalité de transformation des pratiques d'enseignement et de production de savoirs pour/sur l'ac­tion dans l'action même, c'est précisément la recherche- innovation ; en quoi relève-t-eUe d'un travail de recherche ? Et en quel sens l'entend-on ? Interroger la recherche- innova­tion de ce point de vue, notons-le, constitue une mode d'évaluation, tout comme la des­cription des pratiques de classe et l'évaluation de leurs effets, mais d'ordre différent : queües règles d'interprétation, quelles clés de lecture de la recherche se donne-t-on, quels critères d'évaluation ? Quelle "sémantique" (17) ? Le questionnement qui suit s'insrit dans cette perpective d'une sémantique de la recherche-innovation. Nous ne reprendrons pas ici les principes généraux exposés au chap. I. Mais en partant de là, nous présenterons les théo-risations élaborées progressivement dans le cours des recherches.

3.1 - LES SAVOIRS PRODUTTS SONT-ILS FLVBLES ?

Compte-tenu de la double finalisation de la recherche- innovation, les problèmes de fiabiUté se posent à la fois au plan social et scientifique, et peut-être plus en termes de pertinence, d'adéquation aux problèmes didactiques à résoudre qu'en termes de fiabiUté impliquant des produits dont les fonctionnements sont garantis dans des conditions et pour une période déterminés, ou des résultats assurés. Rappelons-le, nos recherches se situent dans un domaine en pleine mouvance : un enseignement en crise (en tout cas perçu comme tel) ; un champ de recherche, la D.F.L.M. en "émergence", dont la conceptuaUsation est à faire, dont les relations avec des pratiques de l'oral, de l'écrit dans la communication so­ciale et avec des sciences du langage, de l'apprentissage, de l'éducation eUes-mêmes en mouvement sont problématiques. La construction d'objets d'enseignement nouveaux, in­cluant la pluraHté et la variation des pratiques langagières et appelant la problématisation des apprentissages, une évaluation formative des progrès réaüsés revêt donc un caractère largement exploratoire.

Et plus encore les questions scientifiques posées. Le constat des causes d' échec scolaire ne fournit pas directement les solutions didactiques : la mise en cause des mé­thodes traditionneUes d'apprentissage de la lecture par exemple ne suffit pas pour en infé­rer des facteurs deréussite. Selon queUesvariables didactiques les définir ? Quel modèle d'analyse des pratiques peut aider à expUciter les constantes comme tes variations signi­fiantes des actes didactiques, à en comprendre par là-même la signification, les modes de fonctionnement ? La fiabilité de la recherche-innovation tient donc d'abord à des formes diversifiées de contrôle de la pertinence de la problématique.

3.1.1 - Contrôles d'amont et d'aval Comme nous l'avons signalé au chapitre L, l'amont de nos recherches tendait à les

inscrire en réponse à des demandes sociales : la thématique initiale est dérivée d'une tri­ple analyse de la conjoncture en 1982, d'un point de vue poUtique, scientifique, pédago­gique qui a permis d'exphciter/construire des demandes sociales de recherche et de rassembler/constituer des équipes, des Groupes porteurs de projets de recherche.

En aval, ou plus exactement en fin de phase, intervient une forme de contrôle clas­sique, le présent "rapport de recherche" dont la discussion, l'écriture, ont induit un travail de théorisation, voire de modélisation (production d'analyseurs, tableaux des heux d'in­tervention didactique...). Notons cependant quelques éléments de différenciation par rap-

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port à l'acception laplus courante dece type de rapport : d'une part il s'adresse à la com­munauté scientifique (mais en matière dedidactique du français langue maternelle, nous ne saurions trop le souhgner, ceUe-ci n'est guère encore cernée), aux didacticiens de fran­çais -chercheurs et formateurs demaîtresselon une double logique de connaissance etd'ac-tion ; d'autre part s'il marque le bilan d'une phase du travail, il oriente la phase suivante d'une recherche- innovation qui se poursuit et d'une recherche -description qui s'engage sur des problèmes didactiques apparus commecruciaux, et avec des analyseurs nouveaux, comme le montrent les conclusions des rapports desGroupes.Enfin, ce rapport s'est dou­blé de deux pubücations de vulgarisation destinées au grand public enseignant, que nous définirons comme des outils d'incitationà l'innovation : "Communiquer ça s'apprend" et "Problemesd'ecriture".(18).

3.1.2 - Contrôlesen cours de recherche Si nous considérons les modafités de contrôle de la fiabilité en cours même de re­

cherche, ceUes-ci sont non moins diverses. Elles tiennent tout d'abord à la conception même du dispositif de recherche, en tant que "laboratoire social" fonctionnant selon des réseaux coordonnés de chercheurs coUectifs : équipes de formateurs-chercheurs de "ter­rain" organisées en groupes de recherche dont chacun entretient des relations privilégiées avec un(des) consultant(s) scientifique(s) et qui tend à rassembler sur le problème qu'il traite une masse critiquede compétences d'ordre pratique, scientifique ou didactique, en socio, sémio ou psychohnguistique selon les points de vue adoptés.

Un premier aspectest décisifpour cerner le "laboratoire social". Comme nous l'a­vons dit au chapitre I., les savoirs que nous avons construits ne procèdent pas d'expériences ponctueUes conduites dans des conditions expérimentales très différentes des pratiques quotidiennes de la classe, la fiabiHtéscientifique y étant considérée comme garantie, mais au détriment de la fiabikté sociale, didactique. TravaiUerprécisément ces pratiques quoti­diennes dans des classes diversifiées , se donner les moyens d'identifier des ensembles significatifs de variables didactiques -ce qui est, nous l'avons souligné, la fonction scien­tifique majeure dela recherche-innovation-dans la complexité, la durée d'un processus de transformation qui porte à la fois sur les objets et la démarche d'enseignement/apprentis­sage, c'est au moins tendre à conjuguer fiabiüté didactique et fiabifité scientifique.

Un second aspect important du "laboratoire social"tient aux produits très diver-sifìés de la recherche-innovation dont l'ensemble tend à évaluer sa fiabilitéde manière continue du triplepoint de vue quinous importe. Equipes et Groupes sont autant de lieux de problématisation du "vécu", de débats internes, de distanciation, de theorisation,mais aussi de production, d'interventionen vue de la nécessaire confrontation, du nécessaire débat dans d'autres instances de formation, derecherche. Mentionnons ici tout particuuè-rement deux types de produits de recherche : les publications locales, brochures de vulga­risation réalisées avec l'Ecole Normale, le Centre Départemental ou Régional de Documentation Pédagogique parplusieurs équipes ; la revue "Repères" éditée parl'WRP et destinée aux didacticiens (au sens précisé plus haut) dont chaque numéro, pris en charge par 1 'un des Groupes, rend compte 3 fois par an de l'état des recherches en cours, des pro­blèmes de recherche, résolus ounon. SiIe travaild'écriturepermetuncontrôle interne de la recherche dans la production même, l'existence de produits sociaksés permetet appeUe un contrôle "externe" d'ordre social et/ou scientifique.Une autre mention particulière est à faire des interventions, communications faites à des coUoques (académiques, nationaux) en France, ou à l'étranger et notamment aux H° et HT Colloques Internationaux de Didac­tique du Français Langue MatemeUe organisés à notre initiative puis à ceUe d'une équipe internationale dont nous sommes partie prenante (19). Par ce canal d'une communauté

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scientifique qui se cherche encore, s'opère un contrôle par les pairs dont la nécessité n'est plusàdémontrer.

Nous ne pouvons pas enfin ne pas faire mention du rôle décisifdes équipes de for­mateurs-chercheurs surlesqueUes notre recherche repose comme analyseurspermanents des besoins, des problèmes du "terrain" social de la formation, et comme utUisateurs pre­miers des problématiques produites par la recherche. Toutes nos équipes sont natureUe-ment impüquées dans des actions de formation initiale et continue, dans leur département, leur Académie, l'Université ; un certain nombre d'entre eUes sont appelées également à intervenirdans d'autres Départements ou Académies dans le cadre d'actions conduites par la Mission à la Formation ou l'Université, ou encore dans le cadre de la formation des for­mateurs au plan national.

U y a là sans aucun doute l'une des modaktés du contrôle continu de la fiabilité des recherches les plus intéressantes dans la mesure où, précisément, celui-ci s'exerce de ma­nière constante, et de manière interactive : si la formation peut contribuer à garantir la per­tinence sociale, didactique de la recherche, ceUe-ci en retour peut contribuer à garantir la pertinence scientifique de la formation.

3.2 - LES SAVOBRS PRODUITS SONT-UJS COMMUNICABLES, TRANSFERABLES?

L'utitisation de savoirs d'action tels que ceux qui sont produits dans la recherche-innovation par d'autres que leurs producteurs, à des fins de formation, d'innovation ou de recherche exclut la reproduction, l'apptication pures et simples. Posant des contenus, des principes d'action, notre schéma didactique appelle diverses réatisations concrètes, ne se­rait-ce qu'en raison de l'équation personneUe des maîtres, des élèves. D'où l'importance d'une expücitation des problématiques didactiques, des choix méthodologiques, de certains cheminements significatifs dans la formulation, la résolution des problèmes traités, des procédures de travail. En somme, un "mode de production" qui permet aux utilisateurs d'entrer dans des cheminements analogues et de construire leur "mode d'em­ploi" de la recherche. Les "Résultats" d'une recherche-innovation se trouvent tout autant dans les savoirs d'action produits que dans leurs modes de production.

Se pose ici, cependant, le problème du seuil des variations admissibles par rapport au schéma didactique, qui ferait basculer le style des maîtres vers un autre schéma, et in­duirait des effets significativement différents des effets prédictibles sur les comportements, les productions verbales des élèves. La recherche-évaluation pourrait apporter quelques éléments de réponse, mais d'une manière générale, nous n'en sommes pas là en D.F.L.M. Raison de plus pour interroger le critère de reproductibilité en matière de recherche-inno­vation. Mais celui-ci ne présuppose-t-il pas la communicabiUté, la transférabifité ?

3.2.1 -Problèmes de communicabiHté La communicabitité d'un schéma didactique comme outil de recherche ou de for­

mation des maîtres tient à l'explicitation de la problématique de recherche qui a per­mis de le produire. Et c'est par les divers aspects de cette problématique, notamment la construction du cadre théorique, ceUe des hypothèses que la recherche-innovation peut être distinguée de l'innovation. Prenons-en pour exemple le rapport du Groupe "Evaluation". La formulation du problème didactique traité : l'évaluation formative des écrits des élèves (critères, procédures, outils), est la résultante de diverses procédures d'expticitation des demandes sociales. A l'origine, une enquête sur les besoins de recherche (voir chap. I) qui met au premier plan la pédagogie de la lecture/écriture selon des aspects hétérogènes, plus ou moins globaux, et secondairement l'évaluation des progrès des élèves en expression écrite. La centration du Groupe de recherche constitué sur le thème retenu se construit aJlors

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par diverses voies : uneélucidation des enjeux sociaux de la maîtrise d'écrits diversifiés, une synthèse d'observations quotidiennes des formateurs sur les activités de production écrite, une enquête en Ardèche sur les pratiques d'évaluation des écrits en classe, un état de la question montrant que ceUe- ci constitue un "trou noir" dans lesrecherches, la constructiond'un cadre théorique pluridisciplinaire référantàdesrecherches sur récriture, sur le fonctionnement des textes, sur l'évaluation en général et, bien entendu, en didacti­que.

La construction de ce cadre théorique pluridisciplinaire constitue l'un des as­pects fondamentaux de la recherche- innovation. Ainsi, chaque Groupe se donne-t-il un lexique de base, compte-tenu du problème didactique qu'il traite, comportant un concept organisateur et des concepts seconds. Par exemple, le Groupe "Variations" sedonne comme concept organisateur celui de "plurinormes" socioUnguistiques et ünguistiques au­quel se rattachent les concepts de "variation", de "fonctionnahsation" des énoncés, qui ren­voie aux "situations d'interaction" sociales et à "l'interdiscours", l'"intertexte" auxquels réfère la construction des significations. Autre exemple : le Groupe "Sémiotiques" se donne pour concept organisateur celui de "fonction sémiotique" qu 'U. Eco définit comme le rap­port étabU entre un élément de la forme de l'expression et un élément de la forme du conte­nu et, à partir de là définit le "texte" en tant que "contenu de signification" qui peut recourir à divers langages, et en tant qu'objet construit dans et par des "trajets" complexes, parmi lesquels les "transcodages" peuventjouer un rôle privilégié.

Ce cadre théorique joue un rôle déterminant : il guide et aide à exphciterles prati­ques innovantes ("Evaluation"), à choisir et analyserles problèmes traités comme à ren­dre compte des faits observés ("Résolutions de problèmes") et,plus précisément à "cibler" les objectifs didactiques,les stratégies de mise en oeuvre et, par conséquent le contrôle, l'évaluation des effets produits. Les chapitres précédents en témoignent : le cadre théori­que infléchit lesessais d'innovation en classe, et inversement. D est, par construction, évo­lutif. L'évolution peut être plus ou moins sensible : parti d'une psychopédagogie des différences entre enfants, le Groupe"Variations" aboutit à une sociodidactique de la va­riation langagière ; le Groupe "Evaluation" lui, élargit ses bases théoriques, de la linguis­tique à lapsychotinguistique textueUes.

Chaque Groupe se donne ainsi les moyens de construire son objet de recherche enformulant, à partir des principes d'action plus ou moins globaux posés au départ, des hypothèses d'action du type suivant : pour reprendre l'exemple du Groupe "Evaluation", une évaluation formative des écrits des élèves (définie selon des variables didactiques à construire par la recherche-innovation et la description systématique des pratiques) a des effets observables sur les productions écrites des élèves, leurs comportements de scripteur, la nature de leurs représentations, de leurs connaissances, de leurs savoirs sur l'écrit, leur rapport à l'écrit... (définis selon des variables à construire parla recherche-innovation et l'évaluation de ses effets).

Les essais contrôlésd'innovation en classe, les confrontations entre équipes dans le Groupe, la sociahsation des recherches en cours par la publication ou la communication à des coUoques scientifiques vont induire des reformulations de l'hypothèse première vers une hypothèse de recherche impliquant notamment un ciblage progressifsurdes variables didactiques apparues comme cruciales : les critères d'évaluation, leur nature, leur forme d'expressionen relation avec leur construction et leur utilisation par les élèves, les degrés d'explicitation possibles. Chemin faisant, ces reformulations ont appelé un "traitement di­dactique" de la notion générale de critères d'évaluation : les problèmes didactiques qu'eUe permettrait de traiter (contenus d'enseignement/apprentissage, seuüs d'exigence aux dif­férents niveaux scolaires, interventions d'enseignement/apprentissage).

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Une première centration sur les contenus va permettre de "dégtobafiser" la ques­tion en spécifiant, dans des griUes de critères progressivement reformulées des "niveaux" de traitement des écrits (pragmatique, sémantique, morphosyntaxique) et des objets de tra­vail, d'étude : phrastique, interphrastique, textuel, discursif... amenant un renversement de perspective d'intérêt général : de la syntaxe de la phrase comme entrée majeure de l'en­seignement du français au "pragmatico-discursif'. Le Groupe introduit alors la notion de "fieu d'intervention didactique", de portée générale, bien au-delà de la notion de critère, chaque heu étant défini à l'intersection d'une unité d'étudeet d'un niveau d'analyse, dans un cadre pluridimensionnel.

Le rapport du Groupe expücite par aiUeurs comment l'utitisation et la critique des griUes de critères successives par les équipes ont permis, à partir d'une première collecte de traits de reconnaissance des types d'écrits par les élèves, de procéder à des filtrages en fonction du niveau scolaire (critères essentiels, critères inaccessibles), de classer les indi­cateurs retenus selon des critères, reformulant ceux-ci en termes de tâches-élèves, et non plus de caractéristiques textueUes. Le Groupe est ainsi amené à complexifier son ancrage linguistique et sa perspective didactique : outre l'ancrage de "critères de réussite" en lin­guistique textueUe (critères de type conceptuel), il considère de plus en plus des "critères de réaUsation" ancrés en psycholinguistique textueUe (critères de type opératoire). C'est ce qui va amener le Groupe à travaiUer sur le rôle des critères d'évaluation dans les pro­cessus rédactionnels, leurs procédures d'élaboration et leurs degrés d'expücitation par les élèves, les outils de travail à construire avec eux pour permettre à la fois une capitalisation et un dépassement, une évolution des acquis.

On peut noter ici une évolution tout à fait parallèle du Groupe "Résolutions de pro­blèmes", qui va le conduire à mettre fortement l'accent sur l'importance des savoirs opé­ratoires, à la charnière de Fexpérienciel et du conceptuel. Si cette piste de travail, des plus prometteuses, se confirmait dans la recherche-description et la recherche-évaluation, nous pourrions poser comme facteurs de maîtrise de l'écrit : l'enracinement des apprentissages dans l'expérienciel, le "passage oblige"par des savoirs opératoires spécifiés et des savoirs conceptuels progressivement formulés et exphcités.

On ne saurait trop souhgner ici l'intérêt heuristique de la recherche-innovation qui permet de déboucher sur des problèmes d'intérêt pratique mieux cernés, et des problèmes de recherche d'intérêt fondamental. A l'évidence, de ce point de vue, ceux que nous po­sons ici sont fort complexes et devraient sans aucun doute être mieux ciblés encoredans les étapes ultérieures dela recherche.

3.2.2 - Problèmes de transférabUité du schéma didactique hors des équipes productrices

La transférabifité du schéma didactique tiendrait,eUe, plutôt à l'explicitation des procédures de travail des équipes de recherche productrices de ce schéma. Les rapports des Groupes évoquent les interactions constantes entre essais d'innovation en classe et tra­vail théorique, permettant l'élucidation des points-problèmes puis une didactisation plus poussée de la problématique initiale (notions de message pluricodé en tant que texte, de critère d'évaluation des écrits, de problèmes de français...)

Deux types de procédures jouent ici un rôle essentiel, dans le passage des signifi­cations singuUères d'ordre individuel à des significations de portée plus générale. D'une part le recueil, la transcription et l'analyse de séquences de classe permettent aux équipes qui composent chaque Groupe de Recherche de se donnerdes référents communs, des bases de confrontation. Ds posent les problèmes classiques de choix, de questionnement, de problématisation des données hors de leur contexte de production. C'est un premier ni­veau de décontextuafisation. D'autre part les essais de modéfisation (tableaux visuaUsant

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le schéma didactique, grilles de critères ou de variables...) permettent d'avancer dans la conœptualisation du champ de recherche. On est là à un niveau de construction des actes didactiquesfortementdécontextuatisé.

Interviennent également d'autres procédures, plus ou moins décontextualisées. Comme le souUgnent les Groupes, les actions deformation des maîtres des équipes de re­cherche, la productiond'articles pour "Repères" ou la vulgarisation des travaux dans "Ren­contres Pédagogiques", le cas échéant, les outils pour la classe en chantier (fichier Evaluation...) contribuent également aux élucidations d'ordre pratique et aux processus de schématisation inhérents à la formation comme au discours didactique.

La méthodologie de construction progressive des grilles de variables iUustre tout particulièrement le va-et-vient entre essais d'innovation et travail théorique qui est consti-tutifde la recherche-innovation. L'exposé des aspects méthodologiques de la formulation des variables et de leurs modaUtés estindispensable à l'utiüsation de ces grilles hors de leurs auteurs. Nous citerons ici un document (non pubtié) de Gilbert Ducancel, élaboré pour l'un de nos séminaires nationaux comme base de travail commune aux 4 Groupes : "Variables pédagogiques : métaphore ou réaUté ?"

"Après avoir rappelé qu'une variable est "un caractère auquel on peut attribuer des valeurs différentes" (DE LANDSHEERE), que ces valeurs doiventavoir des indicateurs fiables, et qu'énoncer des hypothèses et choisir des variables sont intimement Ués, il sou-tigne que, dans des recherches comme cellesde l'Unité Français, si l'on n'énonce pas des hypothèses, si l'on ne choisit pas des variables et leurs indicateurs, on n'a encore affaire qu'à des innovations à partir de principes et d'objectife généraux, on ne satisfait pas en­core aux critères de scientificité des recherches en éducation (...)

D montre que certaines variables nonexpticitées, non spécifiées, sous-tendaient les hypothèses d'action initiales. La dynamique même de la recherche-innovation a conduit le Groupe "Résolutions de problèmes de français" à :

- énoncer des modalités pertinentes des variables implicites initiales - enrichir la formulation et la spécification de certaines modaUtés - construire des variables et des indicateurs non inférés de renonciation initiale. Cela n'a été possible que parce que l'analyse des essais et la théorisation des traits

caractéristiques opposent, plus ou moins expUcitement, tel trait, tel acte pédagogique, di­dactique à d'autres, selon des modaUtés expUcitables. Mais on ne peut s'en tenir à des op­positions isolées entre modaUtés de quelques variables. En effet, ce sont les ensembles de variables qui ont une signification, qui permettent d'opposer les pratiques. C'est pourquoi l'analyse oppositive conduit à une modétisation de l'ensemble du champ. On rappeUe que le modèle d'analyse est constitué par l'ensemble des variables pertinentes dont les moda­Utés s'opposent. Cette modélisation résulte, selon nous, de quatre opérations (qui ne se dé­roulent pas nécessairement dans l'ordre où nous les présentons).

D faut faire un inventaire des variables pertinentes pour le problème pédagogique considéré. Le modèle qu'on vise est une totaUté. D doit répondre de toutes les données per­tinentes. Cet inventaire résulte à la fois de l'analyse des essais réalisés et d'une analyse théorique du champ.

U faut également que l'on structure des variables en un système qui énonce leurs relations. Le but est d'aboutiràplusieurs paradigmes regroupant des variables, par exem­ple de même niveau d'analyse, et de préciser les relations entre ces paradigmes. Il est aus­si de préciser les relations entre les variables d'un même paradigme. Ainsi, nous avons distingué des variables pertinentes au macro et au micro- niveau d'analyse. Au macro-ni­veau, nous avons articulé des variables de procédures, de référence tinguistique, de type

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de problèmes, de représentation des rôles et capacités (...) Pour que les variables soient des variables, il faut en formuler les variations, les modalités. fl semble que cela n'est possi­ble, tout au moins si Ton veut exécuter aussi les deux opérations précédentes, qu'en énon­çant des modalités en opposition. Donc, il en faut au moins deux. Nous pouvons formuler les modatités de nos variables a priori, à partir d'une analyse théorique collective. Formu­lation a priori ne signifie pas pour autant spéculation arbitraire. Tout d'abord, nous nous appuyons sur les essais d'innovation réatisés. Ces essais ne relèvent pas purement et com­plètement d'un même ensemble de modatités de travail pédagogique. Us nous fournissent des exemples. D'autre part, formateurs et hommes de terrain, nous connaissons bien laplu-ratité des pratiques des maîtres. Surtout, nous nous efforçons d'analyser et de théoriser cette pluralité à partir de dimensions qui nous sont proposées par des recherches et des études (voir les modèles d'analyse évoqués au chap. I) (...)

Ainsi nous pouvons énoncer les modalités de l'ensemble des variables à partir de dimensions qui les sous-tendent toutes de manière cohérente. L'ensemble des trois opéra­tions décrites aboutit à un modèle d'analyse complet et structuré qui réunit, situe les va­riables pédagogiques, didactiques, et leur donne sens.

Cependant les variables ne sont pas observables et la mise à l'épreuve de leurs va­riations par l'analyse des essais en classe nécessite une quatrième opération qui consiste à énoncer les données qui en seront les indicateurs. Cela peut se faire en partie a priori, à partir des essais antérieurs et d'une réflexion coUective référant à l'expérience des classes des membres des Groupes. Mais il est sûr que les essais postérieurs enrichiront la tiste des indicateurs, liste qui est ouverte".

C'est dire que la mise au point des grilles de variables de chaque Groupe, large­ment amorcée parla recherche-innovation constitueun aspect important de la recherche-description (variables maîtres) et de la recherche-évaluation (variables élèves) sur lesquelles débouche la recherche- innovation.

3.3 - COMPRENDRE LE SENS DES ACTES DIDACTIQUES : BVl-PLICATION^)KTANCIATION

On a pu noter dans ce qui précède une double orientation, constitutive de la re­cherche-innovation.

3.3.1 - Action impliquée Action impliquée visant à la transformation des pratiques d'enseignement, elle re­

pose sur une expticitation des connaissances expériencielles des agents de formation qui permet la formulation des problèmes didactiques et sur la production de connaissances d'action nouveUes dans et par l'innovation contrôlée. Mais l'implication n'est productive de savoirs nouveaux que si eUe appeUe une observation des actes didactiques et de leurs effets, et par conséquent une conceptuatisation permettant de cerner des variables didacti­ques, en somme une mise à distance de l'expérienciel, de ses significations particutières, qui donnera prise à une description et une évaluation.

Les questions majeures qui se posent sont fort loin, rappelons-le (voir chap. I), d'ê­tre simples : dans queUe mesure les pratiques effectives des classes correspondent- eUes au schémadidactique ? atteignent-elles les objectifs d'apprentissage visés ?que signifient les variations observées ? sont-eUes d'ordre individuel ou bien ont-eUes une portée plus large ? queUes correspondances peut-on légitimement poser entre des actes d'enseigne­ment donnés et des compétencesacquises données ?

L'action impUquée prend sens dans la mesure où eUe donne prise à la description des pratiques qu'eUe met enjeu et l'évaluation de leurs effets.

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3.3.2-Actíondistanciée Action distanciée visant à la connaissance des actes didactiques, elle repose sur une

expUcitation des principes opératoires, conceptuels qui fondent les choix des enseignants et la production de savoirs conceptuels concernant ces choix. Mais ladistanciation n'est productive de savoirs utilisables que si eUe procède par décontextuahsations/recontextua-iisations successives des connaissances expériencielles, et si eUe peutrenvoyer à des pra­tiques concrètes pour en éclairer la signification ou les mettre en question. Le schéma didactiquequi donne à la description ses pôles de référence n'est pas intangible.

Les Groupes l'ont fortement souhgné : il est évolutif, compte-tenu des problèmes rencontrés dans la mise en oeuvre par les maîtres, les élèves, et des rencontres avec des théories de l'activité discursive, de l'apprentissage plus pertinentes pour résoudre cespro-blèmes que des analyses textueUes centrées surles produits et non sur l'activité de produc­tion.

L'action distanciée prend sens dans la mesure où eUe permet de construire desou-tUs conceptuels qui donnent prise sur l'activité didactique et les choix qu'elle présuppose.

3.33-ImpUcation/Distanciation La recherche-innovation intègre donc à la fois des aspects d'action impliquée vi­

sant à la transformation des pratiques de classe et des aspects d'observation, de concep­tualisation distanciées visant à les connaître, à en expliciter le sens. De même les phases de recherche-description et de recherche-évaluation évoquées au chap. I induiront des re­centrages, voire des réorientations partieUes de la recherche-innovation qui se poursuit : sinon, que décrirait- on ? qu'évaluerait-on ? On ne saurait donc iamener la recherche-in­novation à l'innovation pure et simple, et la recherche-action à l'implication des chercheurs dans l'action éducative ou la participation des enseignants à l'observation de leurs modes de travail. C'estl'interaction implication/distanciation qui est constitutive de la recherche-action en général, comme de la recherche- innovation en particuUer.

Cette approche convient tout à fait à la didactique du français, si l'on considère celle-ci comme un "art de faire" analysable. Ainsi, Michel de Certeau (20) étudiant des arts de faire culturels qui ont bien à voir avec les pratiques langagières ^eux, contes, arts de dire...) tend non seulement à "décrire des coups et des trucs singukers" évoqués d'un point de vue empathique, mais aussi à en expUciter le sens, à les interpréter en fonction d'une "logique des jeux d'action" (il dit encore : "schémas d'action", "styles de pensée et d'action") construits par projection paradigmatique des choix d'action possibles dans un contexte social donné. On a affaire, avec des "théories de l'action" de cette nature, à un "langage d'opérations sociales" qui rencontre très fortement les notions de styles, de sché-madidactiquesdefinies,plushaut.

C'est situer la recherche-action en didactique du français dans un courant hermé­neutique. La visée essentieUe est ici de rendre inteUigibles donc communicables, discuta­bles, faLsifiables des pratiques sociales qui, pour certains relèveraient d'unart indicible ou de conduites individuelles.

Une approche impkquée/distanciée rencontrerait donc et les significations particu-Uères et le sens général des actes didactiques. EUe les rencontre d'autant mieux qu'elle se trouve correspondre à une caractéristique fondamentale de l'enseignement du français : ü s'appuie à la fois sur des pratiques et des savoirs existantsA construire. EUe se trouve aus­si correspondre à une caractéristique fondamentale de la didactique du français dans la me­sure où ceUe-ci met enjeu à la fois, et de manière également nécessaire, des connaissances, des savoirs "langagiers" d'ordre expérienciel, opératoire, conceptuel difficilement disso­ciables, si tant est qu'on puisse parler d'un "langage" didactique. C'est dans cet esprit, en

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tous cas, que tes chapitres précédents évoquent des aspects de la recherche- innovation qui seraient dans l'ordre pragmatique, sémantique ou syntaxique, si l'on veut bien reprendre ces trois "points de vue" surl'"objet" didactique. Comme nous aUons le voir, à chacun de ces trois niveaux d'analyse, (conditions de production de la recherche, construction de sa signification et combinatoire des unités considérées), on retrouverait l'interaction impli­cation/distanciation.

Ainsi, il nous a paru important pour cerner le sens de nos recherches et des savoirs didactiques construits d'en préciser la pragmatique : dans quel contexte général, situa-tionnel sont-üs produits ? dans queUes conditions ? quek agents font quoi, pourquoi, et selon queUes finaUtés, quels enjeux scientifiques, et quel degré d'impUcation, de distan­ciation ? queUes stratégies d'action, de recherche s'est-on donné pour les construire ? Nos "résultats" n'ont de sens que si on les inscrit dans leur contexte.

Les questions de "sémantique" didactique ne sont pas moins importantes : quek sont les contenus d'enseignement, expUcites et implicites et les principes de cohérence qui fondent les actes didactiques ? quels sont leurs référents, d'ordre pratique et théorique ? quek objectifs et stratégies d'apprentissage appellent-ils ? On retrouve ici les composantes de ce que nous avons appelé le schéma didactique.

Seposentenfindesquestionsde "morphosyntaxe" didactique:peut-ondetemvi-ner un (des) code(s) didactique(s), et qui plus est déterminer la combinatoire de ces élé­ments constitutifs du champ ? A l'évidence, nous n'en sommes pas là. Tout au plus, pouvons-nous formuler des problèmes qui nous paraissent spécifiques (notions de "traite­ment didactique des référents", de "variables didactiques"...). Tout au plus pouvons-nous esqukser des critères de pertinence des recherches menées dans le champ : pertinence so-ciaie et scientifique, communicabUité et transférabüité, contribution à la compréhension des actes didactiques en matière de "DFLM".

La recherche-innovation teUe que nous la concevons inscrit cette compréhension dans un "tressage" de données plurieUes, d'ordre expérienciel (essais d'innovation en classe), opératoire (observation des essak), conceptuel (expUcitation, modéUsation). De par cette inscription plurieUe, la recherche-innovation contribue tout autant à résoudre concrètement des problèmes didactiques, à les reformuler, qu ' à en poser de nouveaux, sans doute mieux cernés et à poser des problèmes de recherche. EUe ne se suffit donc pas à eUe-même : eUe débouche sur une recherche-innovation focaUsée et une description rationaü-sée des pratiques des maîtres. C'est pourquoi, à la fin de leur rapport, les Groupes évoquent une double perspective de recherche : la poursuite de la recherche- innovation, et la mise en oeuvre de la recherche- description.

3.3.4 - Innovation/Description D est à noter que la thématique d'action initiale s'est sensiblement resserrée sur des

problèmes didactiques circonscrits : la construction de savoirs métasémiotiques dans/par les transcodages, la construction et le degré d'expficitation des critères d'évaluation des écrits, la construction d'"invariants" dans/par la résolution de problèmes. L'accent est mk sur la construction, par les élèves, de savoirs opératoires et de savoirs conceptuels qui nient, dépassent et intègrent leurs savoirs expérienciek. La formulation de problèmes didacti­ques délimités est l'un des résultats majeurs de la recherche-innovation, et ce n'était pas possible a priori dans un champ dont la caractéristique est précisément la non déUmitation.

Par là même, comme Us l'indiquent dans leurs perspectives de recherche, les Groupes ont pu s'engager dans la recherche-description. Chacun procède à l'analyse fine de séquences de classe en fonction du problème et des variables didactiques sur lesquek est centré l'objet d'étude. ParaUèlement ü recueiUe par interviews des maîtres des données

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"macroscopiques" concernant les variables contextueUes retenues : principes de la dé­marche d'enseignement/apprentissage, référents theoriques...,de manière àpouvoirinter-préterles données ponctuelles recueiHies en classe. On peut noter, d'ores et déjà, un effet de la mise en oeuvre d'une phasede recherche- description : les premières confrontations font apparaître l'intérêt pratique et scientifique d'une doubleanalysedes données : une analyse "empathique" par l'équipe productrice des séquences étudiées et uneanalyse "à distance" par les membres du Groupe qui ont pris la recherche-description en charge (et quisont donc extérieurs à la production des séquences analysées sans y être totalement étrangers). L'analyse empathique ne devraitpasêtre moins exigeante que l'analyse àdi-stance, dans la mesure oùelle appelle des observations expUcitées, comportant des traces objectives des interprétations opérées. On retrouvedonc, en recherche- description l'inte­raction entre imphcation/distanciation, mais la dominante vadansle sens de l'objectiva-tiondespratiques.

La recherche-description devrait en effet, selon nous, permettre d'expliciter la si­gnification des pratiques innovantes effectivement mises en oeuvre par les maîtres de nos équipes, et par rapport au schéma didactique de référence, et par rapport àd'autres prati­ques relevant de schémas autres. Ce qui constituera une première évaluation de la perti­nence du schéma et des problèmes que pose sa mise en oeuvre dans des classes. QueLs choix didactiques font effectivement la "différence" ? Si les pratiques effectives s'écartent du schéma didactique de référence, s'agit-il de variations individueUes ou d'écarts régu­lièrement observables ? De teUes questions importent tout autant à la recherche qu'à la for­mation des maîtres.

D deviendra alors possible d'évaluer les effets d'actes didactiques impliquant des variables didactiques données, et partant signifiants, sur les apprentissages, les produc­tions, les comportements langagiers des élèves, voire sur leur rapport à l'écrit, formulés eux-aussi en termes de variables données. Nos recherches pourraient ainsi contribuer à une déglobalisation, une conceptuaUsation nécessaires de l'enseignement du français et des ap­prentissages qu'il induit,des connaissances et des savoirs qu'il mobUise, qu'il construit. Ce serait là un objectifmajeur des recherches en D.F.L.M., et une condition première de la constitution de la D.F.L.M. en champde recherche à part entière (21).

NOTES (1) F. Best, "Vers la Uberté de parole",Coll. DSTRP, Nathan (1978) (2) Ministère de l'Education Nationale, "Ecole Elémentaire- Programmes et mstractions", CNDP, Livre de Poche ( 1985) p. 21 (3) "Ecole Elémentaire", op. cit. p. 82 (4) Cette présentation succincte renvoie à la fois à des sources classiques, et à des sources relative­ment plus récentes, et notamment : F. de Saussure, "Cours de Unguistique générale*', Payot (1955) (5e éd.) H. WaUon, "Les origines de la pensée chez l'enfant", P.U.F., (1963) (3e éd.) J. Piaget, "Psychologie et pédagogie", Editions Denoël, (1969) R. Jakobson, "Essais de Unguistique générale,", Editions de Minuit, (1963) A. Martinet, "Eléments de linguistique générale", A. CoHn, ( 1967) (2e éd.) N. Chomsky, "Structures syntaxiques", Seuil, (1969) J.L. Austin, "Quand dire c'est faire", Seuil, (1970) J.R. Searle, "Les actes de langage : essai de philosophie du langage", Hermann, (1972) E. Benveniste, "Problèmes de Unguistique générale" I et H - GaUimard, (1966) J.S. Bruner, "Savoir faire Savoir dire - Le développement de l*enfant", P.U.F., (1983) L.S. Vygotski, "Pensée et langage", Editions Sociales - CNRS, (1985)

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J.P. Bronckart, "Théories du langage - Une introduction critique", P. Mardaga, BruxeUes, (1977) R. Jakobson, "Essais de iïnguistique générale*', Editions de Minuit, (1963) (5) C. Hagège, "L'homme de pan>les", Fayard(1986) p. 240 et suiv. (6) J.P. Bronckart, "Le fonctionnement des discours - Un modèle psychologique et une méthode d'a­nalyse", Delachaux et Niestlé, (1985) (7) Types d'écrits, types de discours, types de textes... Ces classifications protifèrent actueUement. Etabhes selon despomts de vue théoriques, des critères divergents, chacune a son intérêt et ses U-mites (voir le n° 74 de "Langue Française", "La typologie des discours", dir. J.L. Chiss, J. FLUiolet, Larousse, mai 1987). La terminologie adoptée dans ce chapitre reprend ceUe du Groupe "Evalua­tion", inspirée de J.M. Adam, "Le récit", Que sais-je ? (1984) (8) M. Lesne, "Travail pédagogique et formation d'adultes", P.U.F., (1977) (9) H. Romian, "Pour une pédagogie scientifique du français", P.U.F., (1979) (10) J.S. Bruner, Vygotski, op. cit. (11) J.P. Bronckart, "Le fonctionnement des discours", op. cit. (12) Voir également H. Romian, "Aux sources des savoirs à enseigner : traditions scolaires, prati-

?ues sociales, référents théoriques", "Repères" n° 71, "Construire une didactique", I.N.R.P. (février 987)

(13) J.P. Bronckart, "Les sciences du langage : un défi pour l'enseignement ?", UNESCO - Dela­chaux et Niestlé, Lausanne, (1985) p. 109 ( 14) Y. ChevaUard, "La transposition didactique - Du savoir savant au savoir enseigné", La Pensée Sauvage Ed. Recherches en didactique des mathématiques (1985) (15) C. Hagège, "L'homme de paroles", op. cit. (16) Y. Chevallard, op. cit. (17) Par analoeie avec la notion de "sémantique de l'action" (P. Ricoeur et le Centre de Phénomé­nologie, "La sémantique de l'action", Editions du C.N.R.S., 1977) (18) C. Gruwez, H. Romian et coU., "Communiquer ça s'apprend", "Rencontres Pédagogiques", I.N.R.P.(1986)-G. Ducancel et coU., "Problèmes d'écriture", "Rencontres Pédagogiques", I.N.R.P. (1988) (19) A. Petitjean, H. Romian, "Recherches actueUes sur l'enseignement du français - Belgique, France, Québec, Suisse", 2 tomes, I.N.R.P. - C.N.R.S. (1985) A. Petitjean, H. Romian, "Enseigner le français - Recherches et perspectives", A. De Boeck-Ducu-lot, Bruxelles-Paris-Gembloux (1986) J.L. Chiss, J.P. Laurent, J.C. Meyer, H. Romian, B. Schneuwly, "Apprendre/enseigner à produire des textes écrits", Ed. De Boeck - Université, BruxeUes et Editions Universitaires, Paris (1988) (20) M. de Certeau, "Arts de faire - L'invention du quotidien", U.E.E., 10/18, n° 1363 (21) A. Petitjean, H. Romian, "La didactique du français (langue matemeUe), un champ de recherches en émergence", in "A. Petitjean, H. Romian, " Enseigner le français..." op. cit.

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