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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 1 Diderot, la raison, la croyance. Une visite philosophique de la Maison des Lumières Denis Diderot

Diderot, la raison, la croyance. · Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 6 Les années consacrées à l’Encyclopédie (salle 7) Vitrine: La Lettre sur les aveugles

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 1

Diderot,

la raison, la

croyance.

Une visite philosophique de la

Maison des Lumières Denis

Diderot

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Une visite philosophique de la Maison des Lumières :

Diderot, la raison, la croyance

« Qu’est-ce que Dieu ? Question qu’on fait aux enfants, et à laquelle les philosophes ont bien de la peine à répondre.»

Denis Diderot, Pensées philosophiques, 1746

Denis Diderot voit le jour le 5 octobre 1713 à Langres. C’est donc dans la ville même où il grandit et

reçut ses premières années de formation que fut inaugurée en 2013, année du tricentenaire de sa

naissance, la Maison des Lumières Denis Diderot. Ce musée consacré à la vie et à l’œuvre du

philosophe a aussi pour mission d’évoquer le mouvement des Lumières, les débats et les avancées de

la pensée qui le caractérisent.

En lien avec les autres philosophes de son temps, les intellectuels et les savants, Diderot participe

pleinement à l’émancipation de la pensée. Il est aussi le grand artisan de la diffusion des idées des

Lumières grâce à l’immense travail qu’il fournit pour l’Encyclopédie. Ouvert à tout, auteur de

nombreux ouvrages tant philosophiques que romanesques, sensible aux arts, traducteur d’auteurs

anglais, passionné de sciences, Diderot définit son rôle de philosophe dans l’article « éclectisme » de

l’Encyclopédie :

« L’éclectique est un philosophe qui, foulant aux pieds le préjugé, la tradition, l’ancienneté, le consentement universel, l’autorité, en un mot tout ce qui subjugue la foule des esprits, ose penser de lui-même, remonter aux principes généraux les plus clairs, les examiner, les discuter, n’admettre rien que sur le témoignage de son expérience et de sa raison.»

On comprend alors combien pour Diderot la croyance, et notamment la croyance en dieu, peut-être

contradictoire avec l’exercice de la raison. Diderot pose la question du fondé de cette croyance et

cherche des preuves de l’existence de Dieu. Il veut trouver des preuves données par la raison.

Cette visite au sein de la Maison des Lumières Denis Diderot s’appuie sur les travaux publiés par

Jean-Paul Jouary dans Diderot, la vie sans Dieu (2013). Elle permet de suivre le cheminement

personnel de Diderot sur cette question de la croyance, mais aussi sur les rapports, les échanges et

les contradictions qu’elle entretient avec la raison.

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Diderot et Langres : les jeunes années (salle 2)

Langres au XVIIIè siècle est une ville épiscopale émaillée de nombreuses congrégations religieuses.

Religion et religieux sont omniprésents à l’intérieur des remparts. Fervents catholiques, les parents

de Diderot fréquentent assidûment la paroisse de Saint-Martin. Les enfants du couple sont tout

naturellement élevés dans la tradition chrétienne. Ce n’est pourtant pas par piété que l’on destine le

jeune Denis, fils aîné, à la prêtrise. La famille espère le voir succéder à son oncle, le chanoine Didier

Vigneron. Mais, avant de devenir chanoine, Denis doit se former et faire ses classes au collège des

Jésuites. A douze ans, il reçoit la tonsure de l’évêque de Langres. A 15 ans, Diderot quitte Langres

pour Paris afin de préparer un diplôme de théologie lui permettant d’accéder à de hautes fonctions

cléricales.

La vie parisienne et les 1ers écrits personnels de Diderot (salle4)

Panneau mural : La vie parisienne

Après cinq ans de formation à Langres, Diderot quitte sa famille et arrive à Paris, en compagnie de

son père, en 1729. Le lieu où il étudie reste sujet à discussion. Il aurait entamé des études au collège

des jésuites Louis-le-Grand. Parallèlement, il s’inscrit au collège d’Harcourt, aux méthodes plus

modernes. Au fil des ans, Diderot forge les fondements de sa pensée philosophique grâce à des

professeurs qui l’encouragent à penser par lui-même et à ne rien admettre sans réfléchir. Il apprend

la rhétorique, la philosophie (logique, métaphysique, physique et morale) et les mathématiques

auprès de Dominique-François Rivard (1697-1778). L’influence de Rivard sur le jeune Diderot est

prépondérante. Entre 1731 et 1732, Diderot suit les cours de Pierre Le Monnier (1675-1757) qui initie

ses élèves à la méthode scientifique.

En septembre 1732, il obtient une Maitrise es arts délivrée par l’Université. Il peut alors poursuivre

ses études de théologie à la Sorbonne. Il obtient son diplôme en août 1735. Toujours convaincu que

son fils suivra une voie religieuse, Didier Diderot demande à l’évêque de Langres un bénéfice qui

accorderait une rente à vie au jeune diplômé. Placé sur la liste des « gradués nommés », Diderot

abandonne cependant la recherche d’un bénéfice. Sa candidature n’est pas retenue ; dès lors, il se

détourne définitivement de la vocation religieuse.

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 4

Diderot connait alors une vie de bohème où il fréquente les intellectuels marginaux. Il aime se

promener et les rencontrer dans les jardins du Palais-Royal, du Luxembourg, au jardin des Plantes et

sur le Cours la Reine. C’est dans ce cadre qu’il rencontre Rousseau en 1742, puis Condillac en 1745.

Il vit de petits travaux dont des traductions d’auteurs anglais et rencontre les libraires qui lui

confieront un projet d’Encyclopédie.

Vitrine centrale : Les précurseurs des Lumières : Newton, Locke, Bacon

Diderot se forme à la pensée empiriste qui lui offre une nouvelle approche de la

connaissance. Si l’empirisme s’est défini au XVIè siècle en Angleterre, il s’épanouit aux XVIIè et XVIIIè

siècles dans l’Europe des Lumières. Cette nouvelle approche de la connaissance est portée entre

autres par Francis Bacon (1561-1626), Thomas Hobbes (1588-1679), John Locke (1632-1704) dont les

écrits nourrissent les cercles intellectuels parisiens. L’empirisme fonde la connaissance sur

l’expérimentation, sur l’interprétation raisonnée et sur la lutte contre les préjugés scientifiques.

L'apport de Newton à la science s'inscrit dans ce contexte intellectuel empiriste.

« L'empirique, semblable à la fourmi, se contente d'amasser et de consommer ensuite ses

provisions. Le dogmatique, telle l'araignée ourdit des toiles dont la matière est extraite de

sa propre substance. L'abeille garde le milieu ; elle tire la matière première des fleurs des

champs, puis, par un art qui lui est propre, elle la travaille et la digère. (...) Notre plus

grande ressource, celle dont nous devons tout espérer, c'est l'étroite alliance de ces deux

facultés : l'expérimentale et la rationnelle, union qui n’à point encore été formée. »

Francis Bacon, Novum Organum (1620), I, 95

Nous savons que Bacon a influencé la

pensée de Diderot. Ce dernier s’est

d’ailleurs directement inspiré de lui pour

construire le Système figuré des

connaissances humaines placé en

introduction de l’Encyclopédie (voir p.8).

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Vitrine : Les 1ers écrits de Diderot.

Diderot déiste et violemment anticlérical.

Les Pensées philosophiques sont le point de départ de la pensée de Diderot, puisqu’elles sont sa 1ère

œuvre en tant qu’auteur et non en tant que traducteur.

Dans ce texte, il apparaît comme un philosophe déiste et rationaliste. Il est en effet convaincu qu’on

ne peut expliquer l’apparition de la vie sans une intervention de Dieu. Pour cela, Diderot s’appuie sur

des expériences scientifiques de Francesco Redi (1668).

Ces expériences ont consisté à placer de la matière organique dans 2 fioles et de la laisser se

putréfier. Le temps de l’expérience, l’une des fioles est fermée et l’autre est laissée ouverte. Dans

cette dernière, de petits vers se développent… à cause des mouches. Cette expérience fait tomber

aux yeux de Diderot tous les principes admis jusqu’alors sur la génération spontanée, puisqu’elle

montre que la vie n’est apparue que par l’action des germes apportés par d’autres êtres vivants, les

mouches. La génération spontanée étant impossible, il faut alors admettre que la naissance des 1ers

germes et des 1ers êtres est due à l’intervention de Dieu.

« […] C’est à la connaissance de la nature qu’il était réservé de faire de vrais déistes. La seule découverte des germes a dissipé une des plus puissantes objections de l’athéisme »

D. Diderot, Pensées philosophiques, paragraphes 18,19 et 20.

Ainsi, Diderot est déiste grâce à la science et à l’exercice de la raison. Il est aussi convaincu que seule

la raison peut construire une foi solide.

« Comment la raison pourrait-elle conduire à croire, elle qui ordonne que l’on démontre et que l’on

expérimente ? C’est une contradiction qui est un moteur de la pensée de Diderot. » (J-P Jouary).

Ainsi, dans les Pensées philosophiques Diderot se montre déjà très anticlérical. Le livre est d’ailleurs

publié anonymement et condamné.

« Qu’est-ce que Dieu ? Question qu’on fait aux enfants, et à laquelle les philosophes ont bien de la peine à répondre. On sait à quel âge un enfant doit apprendre à lire, à chanter, à danser, le latin, la géométrie. Ce n’est qu’en matière de religion qu’on ne consulte point sa portée ; à peine entend-il, qu’on lui demande : Qu’est-ce que Dieu ? C’est dans le même instant, c’est de la même bouche qu’il apprend qu’il y a des esprits follets, des revenants, des loups-garous, et un Dieu. On lui inculque une des plus importantes vérités d’une manière capable de la décrier un jour au tribunal de sa raison. En effet, qu’y aura-t-il de surprenant, si, trouvant à l’âge de vingt ans l’existence de Dieu confondue dans sa tête avec une foule de préjugés ridicules, il vient à la méconnaître et à la traiter ainsi que nos juges traitent un honnête homme qui se trouve engagé par accident dans une troupe de coquins. »

Diderot, Pensées philosophiques. Œuvres complètes, éd. Assézat

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Les années consacrées à l’Encyclopédie (salle 7)

Vitrine : La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, 1749. La Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient est le motif de l’emprisonnement de Diderot

au château de Vincennes du 24 juillet au 3 novembre 1749. Les positions prises par Diderot dans cet

ouvrage alertent la censure et le lieutenant général de police René Nicolas Berryer, dont vous pouvez

voir un portrait dans cette salle, le fiche comme un individu dangereux. Il a fallu que les éditeurs

parisiens, qui l’ont déjà recruté pour le projet de l’Encyclopédie, usent de leur influence pour que cet

emprisonnement ne dure que quelques mois. Cependant, cette détention traumatise Diderot et

l’amène, après sa libération, à une extrême prudence en matière de publication. Il préfère ainsi ne

publier certaines œuvres que de façon posthume.

Quelles nouvelles positions Diderot énonce-t-il dans cet ouvrage ?

Toujours en quête d’une réponse raisonnée à la question de l’existence de Dieu, Diderot suit de près

les expériences menées en 1747 par un Anglais du nom de John Turberville Needham. Ce dernier

reproduit l’expérience de Francesco Redi sur la génération spontanée. Cette fois, le scientifique fait

chauffer les fioles où il a déposé du jus de mouton et les conclusions sont différentes car des

« animalcules » vivants se forment dans les deux récipients, ouvert comme fermé. Diderot y voit là la

preuve que l’on peut expliquer la vie sans Dieu : la vie peut apparaitre à partir de matière inerte dans

une fiole ; cela démontre à ses yeux que les choses ont pu se produire ainsi dans la nature et être à

l’origine de la vie. Dieu n’est plus à l’origine de tout. « Dieu ne sert à rien puisque tout peut-être

expliqué sans lui » (J-P Jouary).

« Un phénomène est-il, à notre avis, au dessus de l’homme ? Nous disons

aussitôt : « c’est l’ouvrage d’un dieu » ; notre vanité ne se contente pas à

moins. Ne pourrions-nous pas mettre dans nos discours un peu moins

d’orgueil et un peu plus de philosophie ? »

Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, 1749.

Extrait de la planche « Laboratoire et table des raports (sic) », Encyclopédie.

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 7

Diderot devient alors matérialiste et athée. « Pour lui, la nature est le résultat accidentel et passager

(il y aura des évolutions) de combinaisons multiples et l’homme n’est qu’un hasard de cette nature

en évolution » (J-P Jouary).

Cependant, en devenant matérialiste, Diderot ne définit aucune doctrine, aucun système. Ce

matérialisme est plutôt pour lui une méthode, une façon d’aborder le monde.

« Lorsqu’il fut sur le point de mourir, on appela auprès de lui un ministre fort habile, M. Gervaise Holmes ; ils eurent ensemble un entretien sur l’existence de Dieu, dont il nous reste quelques fragments que je vous traduirai de mon mieux car ils en valent bien la peine. Le ministre commença par lui objecter les merveilles de la nature : « Eh, monsieur ! lui disait le philosophe aveugle, laissez là tout ce beau spectacle qui n’a jamais été fait pour moi ! J’ai été condamné à passer ma vie dans les ténèbres ; et vous me citez des prodiges que je n’entends point, et qui ne prouvent que pour vous et que pour ceux qui voient comme vous. Si vous voulez que je croie en Dieu, il faut que vous me le fassiez toucher.

— Monsieur, reprit habilement le ministre, portez les mains sur vous-même, et vous rencontrerez la divinité dans le mécanisme admirable de vos organes.

— Monsieur Holmes, reprit Saunderson, je vous le répète, tout cela n’est pas aussi beau pour moi que pour vous. Mais le mécanisme animal fût-il aussi parfait que vous le prétendez, et que je veux bien le croire, car vous êtes un honnête homme très incapable de m’en imposer, qu’a-t-il de commun avec un être souverainement intelligent ? S’il vous étonne, c’est peut-être parce que vous êtes dans l’habitude de traiter de prodige tout ce qui vous paraît au-dessus de vos forces. J’ai été si souvent un objet d’admiration pour vous, que j’ai bien mauvaise opinion de ce qui vous surprend. J’ai attiré du fond de l’Angleterre des gens qui ne pouvaient concevoir comment je faisais de la géométrie : il faut que vous conveniez que ces gens-là n’avaient pas de notions bien exactes de la possibilité des choses. Un phénomène est-il, à notre avis, au-dessus de l’homme ? Nous disons aussitôt : c’est l’ouvrage d’un Dieu ; notre vanité ne se contente pas à moins. Ne pourrions-nous pas mettre dans nos discours un peu moins d’orgueil, et un peu plus de philosophie ? Si la nature nous offre un nœud difficile à délier laissons-le pour ce qu’il est et n’employons pas à le couper la main d’un être qui devient ensuite pour nous un nouveau nœud plus indissoluble que le premier. Demandez à un Indien pourquoi le monde reste suspendu dans les airs, il vous répondra qu’il est porté sur le dos d’un éléphant et l’éléphant sur quoi l’appuiera-t-il ? Sur une tortue ; et la tortue, qui la soutiendra ?… Cet Indien vous fait pitié et l’on pourrait vous dire comme à lui : Monsieur Holmes mon ami, confessez d’abord votre ignorance, et faites-moi grâce de l’éléphant et de la tortue. »

Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, 1749

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 8

L’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers

Dans l’article Encyclopédie,

Diderot résume son projet

éditorial : « le but d'une

Encyclopédie est de rassembler

les connaissances éparses sur

la surface de la terre; d'en

exposer le système général aux

hommes avec qui nous vivons,

et de le transmettre aux

hommes qui viendront après

nous; afin que les travaux des

siècles passés n'aient pas été

des travaux inutiles pour les

siècles qui succéderont; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus

vertueux et plus heureux, et que nous ne

mourions pas sans avoir bien mérité du

genre humain. »

L’Encyclopédie est particulièrement

novatrice sur trois aspects : sa consultation

est plus aisée que les dictionnaires

antérieurs, elle réunit les savoirs de

nombreux spécialistes et met fin au mythe

du savant omniscient de la Renaissance,

elle recourt largement à l’image pour

compléter l’information fournie par les

articles. L’objectif est aussi de changer la

« façon commune de penser » en diffusant

les principes d’une nouvelle philosophie.

En luttant contre les préjugés,

l’Encyclopédie s’oppose de fait à certains

pouvoirs religieux et au pouvoir royal.

La parution de l’Encyclopédie se fera sur

plus de plus de vingt ans : les dix-sept

volumes de textes s’échelonnent de 1751 à

1765 et les onze volumes de planches

paraissent de 1762 à 1772.

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 9

La rédaction de l'Encyclopédie répond à un idéal politique et philosophique mais aussi pédagogique.

Diderot et D’Alembert veulent faire de cet ouvrage un outil de diffusions des savoirs. Cette volonté

influence la structure de l’ouvrage et les choix opérés dans sa présentation. Il est conçu comme une

mise en ordre raisonnée des connaissances. L’esprit de l’ouvrage s'appuie sur la classification des

facultés et des sciences établie au début du XVIIe siècle par le philosophe anglais Francis Bacon.

Cette classification est présentée au début du premier volume sous la forme d’un tableau intitulé

« Système figuré des connaissances humaines ». Placé au sommet de ce tableau se trouve

l’Entendement. Il se divise ensuite en trois grandes branches, Mémoire, Raison et Imagination, au

sein desquelles les disciplines du savoir sont réparties en nombreuses catégories et sous-catégories.

Les auteurs invitent le lecteur à se référer à cette hiérarchie comme à une carte qui doit l’aider à

s’orienter.

La place des illustrations est très importante dans l’Encyclopédie. Diderot a conscience que l’image

est compréhensible d’un simple coup d’œil et permet donc de transmettre simplement les

connaissances. Ainsi, l’Encyclopédie compte onze volumes de planches, qui viennent compléter les

dix-sept volumes de textes

«Il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu»

Diderot, lettre adressée à Voltaire, le 11 juin 1749.

* CROIRE, v. act. & neut. (Métaphysique.) C’est être persuadé de la vérité d’un fait ou d’une proposition, ou parce qu’on ne s’est pas donné la peine de l’examen, ou parce qu’on a mal examiné, ou parce qu’on a bien examiné. Il n’y a guère que le dernier cas dans lequel l’assentiment puisse être ferme & satisfaisant. Il est aussi rare que difficile d’être content de soi, lorsqu’on n’a fait aucun usage de sa raison, ou lorsque l’usage qu’on en a fait est mauvais. Celui qui croit, sans avoir aucune raison de croire, eût-il rencontré la vérité, se sent toujours coupable d’avoir négligé la prérogative la plus importante de sa nature, & il n’est pas possible qu’il imagine qu’un heureux hasard pallie l’irrégularité de sa conduite. Celui qui se trompe, après avoir employé les facultés de son âme dans toute leur étendue, se rend à lui-même le témoignage d’avoir rempli son devoir de créature raisonnable ; & il serait aussi condamnable de croire sans examen, qu’il le serait de ne pas croire une vérité évidente ou clairement prouvée. On aura donc bien réglé son assentiment, & on l’aura placé comme on doit, lorsqu’en quelque cas & sur quelque matière que ce soit, on aura écouté la voix de sa conscience & de sa raison. Si on eût agi autrement, on eût péché contre ses propres lumières, & abusé de facultés qui ne nous ont été données pour aucune autre fin, que pour suivre la plus grande évidence & la plus grande probabilité : on ne peut contester ces principes, sans détruire la raison & jeter l’homme dans des perplexités fâcheuses. V. Crédulité, Foi.

Diderot, Encyclopédie

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 10

Les Lumières : un triomphe de la raison sur la croyance ? (salle 9)

Le planétaire d’après de système de Copernic

Le système solaire est ici représenté tel qu’il est connu au

XVIIIe siècle. En effet, Uranus et Neptune manquent

puisqu’elles ne seront découvertes respectivement qu’en

1781 et 1846.

Les planétaires sont des maquettes permettant d’illustrer

la rotation des planètes autour du soleil, c’est-à-dire le

système solaire tel qu’il a été défini par Nicolas Copernic :

cet astronome polonais avait décrit la rotation des

planètes autour du Soleil en 1543, dans son ouvrage intitulé Revolutionibus orbium coelestium.

Rompant avec le système géocentrique, ce nouveau système a entraîné une révolution intellectuelle,

la « révolution copernicienne », qui, au-delà de l’astronomie, a eu des conséquences sur le plan

philosophique et religieux.

Cette conception héliocentrique ne fut acceptée dans la société savante qu’à la fin du XVIIe siècle, notamment grâce à Newton (1643-1727) dont les théories se propagèrent lentement dans la première moitié du XVIIIe siècle. Voltaire puis Mme du Châtelet, qui traduisit en français les Philosophiae Naturalis principia mathematica en 1756, les ont rendues accessibles au public français. L’Eglise, quant à elle, reconnaît officiellement l’héliocentrisme sous l’autorité du pape Benoît XIV (1675-1758).

Diderot, Buffon et la réflexion sur le vivant La philosophie matérialiste de Diderot l’amène à partir de 1749 à consacrer une partie de ses réflexions à l’étude du vivant. Il se passionne pour les sciences naturelles, sciences qui se développent au XVIIIè siècle, notamment sous l’autorité de Buffon, dont l’Histoire naturelle, générale et particulière parait la même année. Nous savons que Diderot a lu cet ouvrage pendant son emprisonnement à Vincennes, et qu’il l’a commenté dans des cahiers qui sont malheureusement perdus aujourd’hui.

Buffon y définit l’espèce comme unité de base, formée de la réunion d’individus semblables et pouvant se reproduire entre eux. S’il s’écarte du modèle biblique et pense que la Terre a une très longue histoire, il conserve l’idée que chaque espèce a été définie une fois pour toutes par Dieu.

Planétaire d’après de système de Copernic, atelier Fortin, vers

1775.

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Charlotte Martinot, professeur relais, MLDD-2016 Page 11

C’est sur ce point que la pensée de Diderot s’émancipe des travaux de Buffon. En effet, pour le philosophe matérialiste, l’homme est purement physique car il n’existe que la matière dans la nature. Pour expliquer l’apparition et l’évolution des êtres vivants sans l’intervention de Dieu, Diderot s’appuie sur l’étude du fonctionnement interne de la matière. La matière n’est pas inerte : elle est régie par des forces (reprise du principe de l’attraction à distance de Newton) et des qualités qui peuvent expliquer ses transformations et son évolution. En évoquant l’instabilité de la matière, Diderot induit l’émergence possible d’autres formes de la vie et d’autres espèces.

Ce n’est que bien plus tard, notamment grâce aux théories darwiniennes du XIXè siècle qui prônent l’évolution des organismes vivants par la sélection naturelle, puis aux progrès scientifiques du XXème siècle dans le domaine de la génétique et de la biologie moléculaire qu’ont été décelés les mécanismes de fonctionnement des cellules. Ainsi, Diderot a posé des questions pour lesquelles il n’a pu obtenir de réponse de son vivant. Ses réflexions et son intuition ont pleinement contribué aux progrès de la pensée.

Maison des Lumières Denis Diderot-2016

Lien avec les programmes de philosophie en classe de terminale des séries générales : La raison et le réel. Lien avec les programmes de philosophie en classe de terminale des séries technologiques : La

vérité : la raison et la croyance.

Informations pratiques:

Maison des Lumières Denis Diderot

1 place Pierre Burelle 52 200 Langres

03 25 86 86 40

[email protected]

www.musees-langres.fr

« [Diderot] a la conviction philosophique que tout, y compris l’homme, résulte d’une évolution de la matière »

Diderot, la vie sans Dieu, J-P Jouary, 2013.

Tarifs des activités pour les scolaires :

- Visite guidée : 2 € par élève. Gratuit pour les accompagnateurs.

- Atelier : 3 € par élève. Gratuit pour les accompagnateurs.

- Visite guidée + un atelier : 4 € par élève. Gratuit pour les accompagnateurs.

Les contenus de ce dossier sont la propriété intellectuelle des Musées de la Ville de Langres. Crédits

photographiques : Sylvain Riandet / Ville de Langres

Bibliographie - Jean-Paul Jouary, Diderot, la vie sans

Dieu : introduction à sa philosophie matérialiste, Le livre de poche, 2013

- Dictionnaire de Diderot, sous la direction de Roland Mortier et Raymond Trousson, ed. Honoré Champion, Paris, 1999.

Webographie - expositions.bnf.fr/lumieres/arret/03.h

tm - utpictura18.univ-

montp3.fr/GenerateurNotice.php ?numnotice=A1007

http://portail.atilf.fr/encyclopedie/images/V2

0/plate_20_5_1.jpeg

Renseignements et réservations auprès des chargés des publics Laetitia MIGUERES et Thomas MENDUNI et professeurs-relais Charlotte MARTINOT et Christine LECOMTE-GILLOT : [email protected]