21
TOUS DIGITALISÉS Et si votre futur avait commencé sans vous ? Manuel Diaz Préface de Stéphane Bazin

digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

TOUS digiTaliSéS

Et si votre futur avait commencé sans vous ?

Manuel Diaz

Préface de Stéphane Bazin

Page 2: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de I’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue-rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le pictogramme qui figure ci-contre mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour I’avenir de I’écrit, particulièrement dans le domaine de I’édition technique et universi-taire, le développement massif du photocopillage.Le Code de la propriété intellec-tuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photoco-pie à usage collectif sans autori - sation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements

d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point que la possibilité même pour

les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer cor-rectement est aujourd’hui menacée.Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de I’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du

droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de I’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue-rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le pictogramme qui figure ci-contre mérite une explication. Son objet est d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour I’avenir de I’écrit, particulièrement dans le domaine de I’édition technique et universi-taire, le développement massif du photocopillage.Le Code de la propriété intellec-tuelle du 1er juillet 1992 interdit en effet expressément la photoco-pie à usage collectif sans autori - sation des ayants droit. Or, cette pratique s’est généralisée dans les établissements

d’enseignement supérieur, provoquant une baisse brutale des achats de livres et de revues, au point que la possibilité même pour

les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer cor-rectement est aujourd’hui menacée.Nous rappelons donc que toute reproduction, partielle ou totale, de la présente publication est interdite sans autorisation de I’auteur, de son éditeur ou du Centre français d’exploitation du

droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris).

© Dunod, Paris, 2015

5 rue Laromiguière, 75005 Pariswww.dunod.com

ISBN : 978-2-10-073842-7

Couverture : Cédric Aubry

Page 3: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

5

Le collaborateur digital fait exploser la structure

du travail

Page 4: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus
Page 5: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

97

Notre vie au travail n’est jamais déconnectée de notre vie en dehors. D’abord parce que nous ne pouvons faire abstraction de ce que nous sommes

une fois que nous franchissons la porte du bureau. Ensuite parce ce que, en tant que clients, internautes, humains, citoyens, nous obligeons l’entreprise à se réinventer. Je sais que ces mots vont en faire sourire plus d’un. On parle de réinventer l’entreprise, le management, le travail depuis que l’entreprise existe et depuis que le manage-ment existe en tant que discipline mais, en dehors de rares exceptions et sur la scène des conférences dédiées au sujet où se succèdent les gourous, on n’a pas vu le quart d’un début de révolution.

Le réveil des entreprises

Construite pour un monde stable et prévisible, l’entre-prise telle qu’elle existe aujourd’hui génère elle- même les anticorps qui la protègent du changement venu de l’extérieur. Un constat ironique s’impose d’ailleurs à l’heure où les dirigeants s’inquiètent du retard digital de leurs collaborateurs, qui est un frein réel à la transfor-mation des organisations… Ce n’est pas tant le colla-borateur qui souffre d’un déficit d’ADN digital que l’organisation qui empêche cet ADN de s’exprimer au travers d’un certain nombre de garde- fous. Un mode de management orienté « control and command », des

Page 6: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

98

Tous digitalisés

process RH qui mènent au recrutement de clones qui se fondront dans le moule actuel, des process tout court conçus par des sachants et destinés à être exécutés par des personnes incapables d’apporter une quelconque valeur ajoutée individuelle. Cette situation est intenable dans un monde instable où le salut ne passe que par une connexion renforcée avec l’externe, avec le client et la mise à profit du potentiel collaboratif et innovant du collaborateur.

Et ce changement est en train d’arriver. Bien sûr pas assez vite, mais plus vite que jamais. La raison ? Après avoir utilisé tous les moyens possibles et imagi-nables pour se protéger du changement, les entre-prises comprennent qu’elles ne peuvent plus soutenir la pression qui s’exerce sur elles. Soit elles seront en phase avec leur écosystème soit elles disparaîtront. Il n’est pas ici question de phénomènes de mode mais de réalité économique, celle qui s’impose à tous, chiffres à l’appui.

Dès 2010, le Shift Index de Deloitte fait apparaître un chiffre qui ne peut qu’interpeller les dirigeants : le ROA (retour sur actifs – return on assets) des entreprises américaines est tombé à 25 % de son niveau de 1965. Ce n’est pas un déclin, c’est un effondrement ! Et cela même alors que, parallèlement, la productivité des salariés ne cesse d’augmenter. Qu’est- ce que cela signifie ? Que si le salarié pédale sans cesse plus vite, l’entreprise, elle, avance de moins en moins vite. Jusqu’à reculer. Autre

Page 7: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

99

enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus aucune position n’est acquise et que les challengers qui adoptent de nouveaux business models et de nouvelles manières de travailler peuvent bouleverser un secteur d’activité en peu de temps.

Qu’étaient Google, Amazon, Apple et Facebook en 2000 ? Deux étaient encore dans l’enfance, l’une se remettait d’une quasi- faillite et la dernière n’existait pas. Qu’en est- il aujourd’hui ? Combien de secteurs d’activités ces quatre- là – pour ne citer qu’eux – ont- ils transformé, sortant du jeu les leaders d’hier ? Et Deloitte de conclure que cette situation pour le moins inquié-tante a une cause principale : l’incapacité des entre-prises à s’approprier les infrastructures digitales et tout ce qu’elles impliquent.

Après des années de déni, il n’est plus aujourd’hui une entreprise, un secteur d’activité qui puisse se prétendre protégé de la vague digitale. Banques, maisons de disque, presse, tourisme, taxis… les exemples s’étalent chaque jour dans la presse avec des conséquences parfois drama-tiques pour les entreprises concernées et leurs colla-borateurs. Le mal a un nom : le « darwinisme digital » qui désigne l’incapacité de l’entreprise à s’approprier le sujet aussi vite que la société et les clients autour d’elle.

L’entreprise digitale sera donc infiniment plus colla-borative et moins en silos. Lorsqu’Apple annonce l’iPod

Page 8: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

100

Tous digitalisés

et iTunes, puis l’iTunes Music Store, qu’a la firme à la pomme que n’ont pas ses concurrents ? Alors que Sony, inventeur du walkman puis du discman détient, en plus, une maison de disques ! Que Microsoft détient la techno-logie et a des partenariats stratégiques dans les médias. Pourquoi n’ont- ils rien fait ? Pourquoi sont- ils restés sans réponse ? Parce qu’ils fonctionnent en silos, isolant les compétences et les métiers alors qu’Apple pense conjointement le matériel, le logiciel et les services. Savoir faire des baladeurs mp3 et avoir la main sur un prestigieux catalogue de disques ne suffit pas à réinven-ter l’industrie musicale : encore faut- il que les personnes concernées se parlent, se comprennent et tirent dans la même direction.

On parle de la collaboration comme le Graal de l’entre prise mais on cantonne souvent le sujet à la dimen-sion exécution, alors que cela joue un rôle prépondérant au niveau de la stratégie et de la conception des produits. Beaucoup d’entreprises excellent dans un ou plusieurs domaines, mais les business models digitaux demandent de le faire conjointement. Aucune personne ne peut avoir une connaissance profonde de tous les domaines, donc le seul et unique salut réside dans la collaboration. L’entreprise digitale sera donc collaborative en réponse au digital mais, heureusement, grâce au digital égale-ment.

Loin est l’époque où nous ne disposions pour travail-ler ensemble, pour communiquer, que du courrier et du

Page 9: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

101

téléphone. Les choses ont- elles changé pour autant ? Pas tant que cela, alors que la technologie à notre disposi-tion permet des choses incroyables. Réseaux sociaux d’entreprise, visioconférence, messagerie instantanée, suites bureautiques en ligne permettant la co- édition de documents… Les catalogues des éditeurs débordent de produits incarnant une nouvelle manière de voir l’entre-prise et de travailler ensemble. Pour autant, le cabinet Gartner nous dit que 80 % des initiatives visant à déployer de tels outils vont échouer. Preuve, une fois de plus, que le digital – dans toutes ces composantes – n’est pas un problème de technologie mais une question humaine. On parle ici de management, d’organisation et, in fine, de culture. Le digital signifie la fin ou tout au moins la réin-vention de certaines vaches sacrées dans l’entreprise et cela ne va pas se faire sans douleur.

La première de ces vaches sacrées est bien la hiérarchie. Souvenons- nous qu’avant que le terme mana-gement ne traverse l’Atlantique, on parlait d’« art du commandement ». Tout un programme ! Une vision issue d’une époque où l’on séparait les sachants des exécu-tants, ces derniers n’ayant aucune valeur ajoutée propre à donner à l’entreprise autre que leur capacité d’exécution. Aujourd’hui, le niveau de formation des collaborateurs est tel qu’il n’est plus le problème. Le problème est ce que l’entreprise en fait, et force est de reconnaître qu’elle bride leur utilisation optimale. Même s’ils sont encore trop rares, les exemples d’entreprises ayant réinventé

Page 10: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

102

Tous digitalisés

les modèles hiérarchiques sont nombreux. De start ups comme Zappos à des entreprises plus traditionnelles comme WL Gore, les équipes s’auto- organisent voire s’auto- affectent en fonction de ce qui doit être fait, de la valeur délivrée au client, et où la responsabilité n’a pas pour autant disparu : elle est simplement distribuée entre des collaborateurs « intrapreneurs », responsables de leurs décisions et de leur impact. Des intrapreneurs qui collaborent davantage dans la prise de décision dès lors qu’elle impacte le groupe et ne peut plus être le fait du Prince.

Cette tendance s’incarne dans un mouvement qui a un nom : l’entreprise libérée. Elle interroge, séduit, suscite la controverse mais ne laisse pas indifférent, ce qui est tout de même révélateur d’une prise de conscience. En fait de libérer l’entreprise, il s’agit surtout de libé-rer ses collaborateurs de logiques totalement contre- productives, du poids de la structure et du management, qui ont aujourd’hui l’effet inverse de leur objectif initial : ils compliquent le travail au lieu de l’accélérer et le faciliter.

Jusqu’à présent, l’entreprise a répondu au change-ment et à la complexité externe par de la complication interne : une nouvelle division, une nouvelle couche managériale, une nouvelle dimension dans la matrice. Aujourd’hui, on en est arrivé à un point où la réactivité et la capacité d’adaptation de l’entreprise sont entravées par ce qu’elle a elle- même mis en place ; où réunions,

Page 11: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

103

cycles de décision et reporting ont rendu pataudes des organisations qui, au contraire, ne s’en sortiront que par l’agilité. À l’heure du digital, l’entreprise s’organisera et vivra comme un organisme vivant, autour de projets et autour du client.

Le manager deviendra alors davantage un facilitateur, un leader, au service de ses équipes. C’est d’ailleurs le modèle mis en place chez HCL, une importante société indienne de services. Selon les mots mêmes de Vineet Nayar, son PDG, ceux qui créent de la valeur sont ceux qui sont en face du client et personne ne sait mieux qu’eux quels nouveaux services leur proposer. Le rôle de la ligne managériale est de les aider à agir, pas de leur dire quoi faire. Là encore, cela demande une forte volonté managériale mais la technologie aide : en rendant l’entreprise plus transparente, collabo-rative, elle favorise la coopération entre le manager et ses équipes et l’aide à passer à une posture de « servant leader » en le rapprochant de ses équipes, peu importe leur localisation.

Un espace de travail revisité

Seconde vache sacrée : le bureau ou poste de travail. La mobilité transforme notre relation au lieu de travail. Le  travail n’est plus un endroit mais une attitude, un besoin, un contexte. Aujourd’hui, non seulement les

Page 12: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

104

Tous digitalisés

équipes sont de plus en plus éclatées (on ne travaille pas avec ceux qui nous côtoient physiquement), mais on doit être en mesure de travailler à des endroits les plus divers. Transports en commun, site client, tiers lieu de travail, que ce soit sur un ordinateur, un smartphone ou une tablette : l’image du MAC posé sur un bureau comme seul endroit pour travailler disparaîtra avec notre génération.

La mobilité est une réalité, pourvu que l’entre-prise n’oblige pas son collaborateur à devoir revenir au bureau pour accomplir une action critique. Elle est également un impératif économique : ce qui doit être fait doit être fait, peu importe l’endroit où se trouve la personne concernée. Elle est enfin un enjeu sociétal : à l’heure de la transition énergétique et de la réduction de l’impact des transports sur l’environnement, peut- on sérieusement penser que des centaines de milliers de personnes vont continuer à passer plus de deux heures par jour dans les transports en commun (pour ne prendre que l’exemple de Paris) ou dans leur voiture pour aller travailler ? Beaucoup d’entreprises réfléchissent au télé-travail, à la mise en place de tiers lieux de travail plus proches des domiciles, et vous vous doutez bien que cette réflexion n’est pas que technique. La technolo-gie existe, elle est là, et elle permet à certains pionniers de fonctionner comme des entreprises quasi- virtuelles, sans bureaux ou dont les bureaux ne sont qu’un espace de rencontre.

Page 13: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

105

De l’engagement à l’expérience employé

Cette révolution de l’espace de travail passe par deux aspects. Une fois encore, un renouvellement du mana-gement pour sortir d’une culture du présentisme et aller vers une culture de l’efficacité : l’important n’est pas le temps passé sur son siège mais ce que l’on produit effectivement. Ensuite, un travail sur l’engagement des collaborateurs : mobilité et travail à distance demandent, pour ne pas être contre- productifs, un engagement fort des collaborateurs. Contrairement à certains raccourcis rapides et rassurants, ce n’est pas le collaborateur qui décide de s’engager ou non mais l’entreprise qui, pour une large partie, est « engageante » ou ne l’est pas.

J’irai même beaucoup plus loin que l’engagement, concept à la mode ces dernières années, pour parler de ce que j’appelle l’expérience employé. J’ai beaucoup utilisé le mot expérience dans les pages qui précèdent et pour cause : l’expérience client est au cœur des busi-ness models digitaux. Transformer son entreprise, c’est créer de nouvelles expériences, mais croire que l’on peut exclure les collaborateurs du dispositif serait une erreur dramatique. Comme le disait le CEO de Mercedes Benz USA à l’été 2014 : « Ma marque c’est mon expérience client. Et l’expérience client suit l’expérience employé ». Un concept déjà longuement travaillé en France par l’Académie des Services sous le terme de symétrie des attentions : vos collaborateurs ne

Page 14: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

106

Tous digitalisés

donneront pas au client ce qu’ils n’ont pas reçu de leur entreprise. Rendez leur vie compliquée et peu agréable et vous saurez exactement ce qu’ils feront de la vie de vos clients. La performance des collaborateurs, leur enga-gement, passe par une expérience employé digne de ce nom et cohérente avec la promesse d’expérience client. Si on prend en compte tous les points de contacts entre l’entreprise et ses collaborateurs, les axes d’améliora-tion sont quasiment infinis. Expérience avec les autres (collaboration), avec son manager, avec les process productifs et administratifs, avec les outils de travail, avec l’environnement de travail… autant de paramètres qui vont améliorer l’engagement et la productivité des salariés.

Mais il ne faut pas commettre l’erreur de croire qu’on ne parle que de qualitatif, de ravalement de façade et de remplacer des visages fermés par des sourires. L’expérience employé consiste, très simplement, à rendre simple des activités qui étaient douloureuses, pénibles et chronophages : de la réservation d’une salle de réunion à la recherche d’information, en passant par un management qui doit aider à accomplir les tâches et non les ralentir et les compliquer. Peter Drucker nous disait que « l’essentiel de ce qu’on appelle le manage-ment consiste à rendre le travail difficile » ; l’expérience employé c’est au contraire, rendre les salariés engagés, efficaces, productifs en travaillant sur la simplicité de l’organisation.

Page 15: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

107

De nouveaux acteurs dans le processus de décision

Rendre l’organisation et le travail plus simple, c’est aussi faciliter la prise de décision. Davantage de colla-boration et d’intelligence collective permet de prendre de meilleures décisions et, de plus, d’obtenir une plus grande mobilisation des acteurs dans la mise en œuvre d’une décision qu’ils ont contribué à prendre. C’est aussi utiliser davantage les données pour permettre une prise de décision rapide et informée. Aujourd’hui malgré tous les dispositifs, tous les process et le recours inces-sant à un reporting lourd et fastidieux, 80 % des déci-sions sont prises sur le seul fondement de l’intuition de la personne la plus haut placée autour de la table. Peu importe sa connaissance réelle des conséquences sur le terrain. Aujourd’hui, des agents intelligents aident déci-deurs et collaborateurs à mieux évaluer l’impact de leurs décisions, en étant capables de corréler un nombre quasi-illimité de données. Au final, la décision sera prise par un homme mais qui sera pleinement informé des consé-quences futures, avec un niveau de certitudes quantifié.

Qui peut prétendre être capable de prendre en compte des dizaines de feuilles Excel pour faire un choix et le faire de manière exhaustive, dans les délais requis ? Personne. Mais une machine, oui. Plutôt que perdre temps et éner-gie à accumuler, mettre en forme et tenter de donner du sens à l’information pour au final, finir dans 80 %

Page 16: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

108

Tous digitalisés

des cas avec une décision biaisée, nous avons la possi-bilité de laisser des machines analyser toute l’informa-tion disponible dans et hors de l’entreprise, et proposer des scénarios en fonction du degré de certitude évalué. Gain de temps et confort pour le décideur final, qui peut se concentrer sur ce dans quoi il surpassera toujours la machine : être innovant et créatif dans le choix des options.

Le champ des possibles est illimité ! Aujourd’hui, en fonction du profil d’un candidat on est capable de prédire sa performance à un poste donné et ce, même s’il a un profil atypique. Toujours au rayon RH, les cinémas AMC ont pu identifier les postes clés dans la performance de l’entreprise, postes qui n’étaient pas nécessairement ceux auxquels on pensait a priori, ce qui a permis de mettre en place des programmes spécifiques à destination de ces salariés. C’est ainsi que l’on a pu se rendre compte que les plus gros contributeurs à la marge de l’entreprise étaient les salariés en charge de la vente de snacks et de boissons aux clients. Ailleurs, on projette d’utiliser IBM Watson pour répondre aux questions des dirigeants lors de réunions stratégiques : quelle entreprise acheter, quelle décision critique prendre, le tout en interrogeant l’ordi-nateur en langage naturel et en échangeant avec lui pour améliorer la réponse. Quant au fond d’investissement hong- kongais Deep Knowledge Ventures, c’est à son conseil d’administration qu’il fait siéger une machine afin de proposer et valider des stratégies d’investissement.

Page 17: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

109

À propos de Watson… Vous l’avez peut- être vu battre à plate couture les meilleurs candidats (humains) à l’émission Jeopardy,1 très populaire aux États- Unis. Il faut bien comprendre que Watson est l’avenir de la tâche la plus chronophage et la plus fastidieuse du travail : la recherche d’information.

Il y a deux manières de collaborer dans l’entre-prise, l’une productive, l’autre non. La collaboration productive, c’est unir les intelligences, les savoirs et les talents pour innover, réaliser, produire. La collaboration improductive, c’est partir à la chasse aux informations en mobilisant ses collègues, en prenant le temps de tous, pour mettre la main sur des informations qui existent quelque part mais sans que personne ne sache vraiment où les trouver. La « bouteille  à la mer » est le dévoie-ment des outils collaboratifs pour pallier à l’ineffica-cité des solutions de recherche mises à disposition des collaborateurs. Une pratique bientôt rendue obsolète par les techno logies. Un collaborateur pourra formu-ler une question en langage naturel comme « quel est le taux de remise habituel sur… », « qui est notre expert dans la supply chain pour un projet chez un constructeur automobile, idéalement quelqu’un à l’aise dans un envi-ronnement multiculturel », et recevoir non pas un lien vers un document, mais une réponse en toutes lettres,

1. Jeu télévisé populaire aux États- Unis depuis 1965. Le principe : à partir de réponses, trois candidats doivent trouver la question correspondante.

Page 18: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

110

Tous digitalisés

ou une série de réponses avec le degré de certitude relatif à chacune. C’est la machine qui s’occupera du travail de recherche à travers le patrimoine information-nel de l’entreprise, corrélera des données, comprendra de quoi il s’agit et apportera une réponse formalisée et intelligible.

Donner du sens à son travail

Le travail à l’ère digitale sera donc construit sur trois piliers : le leadership et l’expérience, les données, et un sens nouveau dans la vie de chacun.

Leadership et expérience, nous l’avons vu, parce que le contrat de travail n’est plus suffisant pour garantir l’enga-gement de collaborateurs en recherche de sens. Notamment pour ce qui est des nouvelles générations, souvent désa-busées par ce qu’elles ont vu du monde de l’entreprise et qui conditionnent leur engagement à des challenges nouveaux, à des logiques de développement personnel et à l’existence de valeurs réellement mises en œuvre.

Les entreprises qui surprennent aujourd’hui par leurs résultats et leurs modes d’organisation novateurs ont un dénominateur commun : leurs collaborateurs croient en quelque chose de supérieur. Des Google, des Apple mais également des entreprises plus traditionnelles comme WL Gore ou SEMCO au Brésil, reposent sur l’adhésion

Page 19: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

111

sans faille des collaborateurs à un modèle. Ces entreprises sont construites comme des églises, sur la rencontre d’une vision d’entreprise et de l’aspiration de leurs collabo-rateurs. Leurs employés ne se lèvent pas le matin pour travailler mais pour accomplir une mission, pour chan-ger les choses, avoir un impact non seulement sur leur entreprise mais sur le client et parfois sur la société. La compétence individuelle ne vaudra que par sa capacité à s’exprimer au sein d’un collectif soudé par des valeurs.

Les données parce qu’elles vont changer radicale-ment la manière dont on travaille et dont on prend des décisions mais, surtout, la notion même de travail et de nombreux métiers. Vous n’avez pas pu manquer les nombreux débats qui portent sur la place des machines dans le monde du travail : des chauffeurs de taxis aux « cols blancs » dédiés à des opérations de recherche ou de maniement d’information en passant par les centres d’appels, ce sont de nombreux métiers qui deviendront obsolètes demain. Seuls les métiers créatifs sont encore dans une relative sécurité, peu importe que l’on parle de cols bleus ou blancs. Bien sûr, la révolution digitale va créer de nouveaux métiers et il importe de bien gérer la transition entre les deux époques. Nous sommes face à un enjeu d’éducation et de formation sans précédent dans notre histoire.

Mais je voudrais aller encore plus loin et parler du sens du travail dans nos vies. Ne sommes- nous pas à l’aube

Page 20: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

112

Tous digitalisés

d’un monde nouveau où la place du travail dans nos vies ne sera plus jamais la même ? La prophétie de Rifkin selon laquelle nous n’aurons plus besoin, demain, que de travailler 20 heures par semaine pour produire tout ce dont l’humanité a besoin est- elle en passe de se réaliser ? Qu’il s’agisse du milliardaire mexicain Carlos Slim, de Larry Page (fondateur de Google) ou de Richard Branson (Virgin), certains grands entrepreneurs se demandent si entre l’émergence de l’économie du partage et l’arrivée en force des machines intelligentes, nous ne serons pas amenés à moins travailler dans un futur assez proche, et si toute la frénésie que nous connaissons autour du travail aura encore un sens. Si le travail se réinvente à l’ère digi-tale, la vraie révolution sera peut- être de nous permettre de ne faire que ce pour quoi les Hommes sont supérieurs à la machine, c’est- à- dire créer, innover et redonner du temps pour apprendre, pour se développer, pour faire ce que nous aimons. Va- t-on passer de la notion d’emploi à celle d’activité ?

Une chose est sûre, le travail ressemblera davantage au reste de notre vie. On y réussira parce qu’on pourra y exprimer notre singularité, s’y épanouir et s’y transfor-mer. Et, idéalement, il nous permettra de mieux profiter de nos vies. Cela va arriver vite, donc nous devons d’ores et déjà nous poser la question du futur que nous voulons et comment nous voulons le construire. La révolution est à nos portes et les machines ont commencé à prendre les emplois des travailleurs du savoir après avoir pris

Page 21: digiTaliSéS - WordPress.com · enseignement, la vitesse à laquelle les entreprises perdent leur position de leader a doublé ces dernières années, preuve s’il en est que plus

Le collaborateur digital fait exploser la structure …

© D

unod

– T

oute

rep

rod

ucti

on n

on a

utor

isée

est

un

dél

it.

113

ceux des travailleurs manuels. Il nous appartient donc de prendre les choses à bras- le- corps et de ne pas fermer les yeux devant la réalité si nous voulons tirer le meilleur des révolutions en cours et non pas subir leurs aspects les plus sombres.