118
DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche en réponse à l'appel d'offre du Comité National de Coordination de la Recherche en Éducation sous la direction de Joël LEBEAUME équipe de recherche : Alain CRINDAL, Olivier FOLLAIN, Jean LAMOURE, Jean-Luc LAURENT, Joël LEBEAUME, Guy MANNEUX, Jean-Louis MARTINAND, Ignace RAK, Ghislaine SORNIN-MONTET avec la collaboration de : Olivier GRUGIER, Catherine LANDE, Christophe LASSON 1999 Groupe de Didactique des Sciences et des Techniques (G.D.S.T.C. - L.I.R.E.S.T.) École Normale Supérieure de Cachan

DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

  • Upload
    others

  • View
    2

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

DISCIPLINE SCOLAIREET

PRISE EN CHARGEDE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ

Pratiques enseignantesen technologie au collège

Rapport de recherche en réponse à l'appel d'offredu Comité National de Coordination de la Recherche en Éducation

sous la direction de Joël LEBEAUME

équipe de recherche :Alain CRINDAL, Olivier FOLLAIN, Jean LAMOURE,

Jean-Luc LAURENT, Joël LEBEAUME, Guy MANNEUX,Jean-Louis MARTINAND, Ignace RAK, Ghislaine SORNIN-MONTET

avec la collaboration de :Olivier GRUGIER, Catherine LANDE, Christophe LASSON

1999

Groupe de Didactique des Sciences et des Techniques(G.D.S.T.C. - L.I.R.E.S.T.)

École Normale Supérieure de Cachan

Page 2: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

Les membres de l'équipe de rechercheet leurs collaborateurs remercient

les enseignantsqui ont accepté de faire part de leurs

pratiques avec leurs élèves.

Leurs remerciements s’adressent aussiaux chefs d’établissement

pour leur accueil etaux inspecteurs d’académie,

inspecteurs pédagogiques régionauxpour leurs contributions.

Page 3: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

3

DISCIPLINE SCOLAIREET

PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ

SOMMAIRE

1. INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2. PROBLÉMATIQUE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

I. CONTEXTE ET ENJEUX .................................................. 13a) l'école moyenne et le collège pour tous .............................. 13b) diversité et hétérogénéité des élèves ................................. 14c) des dispositifs de régulation .......................................... 14d) l'identité disciplinaire .................................................. 15e) des adaptations contrôlées ............................................ 16f) scolarité, curriculum disciplinaire et programme ................... 16

II. LA TECHNOLOGIE COMME MODÈLE D’ÉTUDE ................... 17a) une reconfiguration de la discipline .................................. 17b) de nouvelles pratiques enseignantes ................................. 18c) variabilité de la technologie enseignée ............................... 19d) hypothèses de travail .................................................. 20

3. MÉTHODOLOGIE ET RECUEIL DE DONNÉES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

I. ENQUÊTES SUR LES PRATIQUES ..................................... 21a) chronologie des enquêtes ............................................. 21b) des praticiens formateurs ............................................. 22c) articulations d'ensemble ............................................... 22

II. ENQUÊTE PRINCIPALE .................................................. 22a) des entretiens structurés ............................................... 23b) population étudiée ..................................................... 23c) professeurs-formateurs interrogés ................................... 24d) modalités d'entretien .................................................. 24e) guides d'entretien ...................................................... 24

* orientation du premier entretien ........................... 24* orientation du second entretien ........................... 26

f) analyse des données ................................................... 28

III. ENQUÊTES CONNEXES ................................................ 28a) la consultation sur les projets de programme ....................... 28b) deux études sur les programmes et l'hétérogénéité ................ 29

* professeurs interrogés ..................................... 29* guide d'entretien ............................................ 29

c) une enquête auprès de professeurs exerçant en ZEP .............. 31* professeurs interrogés ..................................... 31* guide d'entretien ............................................ 31

IV. ANALYSE DES DONNÉES ............................................. 32

Page 4: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

4

4. LES PROFESSEURS, LES NOUVEAUX PROGRAMMES ET LES ÉLÈVES

I. DISCOURS SUR LA TECHNOLOGIE ................................... 35a) une appréhension partielle de la structure de la discipline ......... 35b) le primat des compétences ............................................ 36c) un changement peu identifié .......................................... 36

II. PROPOS SUR LES PROJETS DE PROGRAMME ..................... 37a) un taux de réponse relativement faible ............................... 37b) des réponses revendicatrices .......................................... 37c) les professeurs, les élèves et les programmes ...................... 38d) des différences ......................................................... 38

* par rapport à l’orientation scolaire et professionnelle ....... 39* par rapport aux élèves socialement défavorisés .............. 39* par rapport aux élèves qui exigent un soutien scolaire ...... 39* par rapport aux élèves démotivés .............................. 39* par rapport à leur niveau ........................................ 40

e) les professeurs et les programmes .................................... 40f) les professeurs et l’hétérogénéité ..................................... 41g) des réserves ............................................................. 41

III. COMMENTAIRES SUR L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ...................... 42a) à propos de la technologie ............................................ 42b) l'hétérogénéité ......................................................... 42

* une question qui surprend ..................................... 42* un terme peu utilisé spontanément ............................ 43* l’hétérogénéité entre les classes et parmi les classes ........ 43

c) diversité des individus et hétérogénéité scolaire ................... 44* hétérogénéité scolaire ........................................... 44* diversité des individus .......................................... 46

d) un état, un défaut ou une richesse ................................... 47

IV. LES PROFESSEURS PARLENT DE LEURS DIFFÉRENTS ÉLÈVESa) des distinctions ........................................................ 47b) des prédicats opposés ................................................ 48c) des catégories d'attributs ............................................. 49d) des manifestations majeures ......................................... 49e) des interprétations dominantes ....................................... 50f) de nombreuses nuances ............................................... 50g) des facteurs particuliers à la technologie ............................ 50h) des mentions et des silences .......................................... 51i) des critères d'homogénéité ............................................ 51j) des profils d'élèves différemment fondés ........................... 51

5. PRATIQUES ENSEIGNANTES : MODALITÉS D’ADAPTATION

I. LES PROFESSEURS TÉMOIGNENT DE LEURS PRATIQUES ... 53a) registre pédagogique et registre didactique ......................... 53b) des classes et des activités contrastées ............................. 54

Page 5: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

5

II. OPINIONS ET PRINCIPES PÉDAGOGIQUES ....................... 55a) des jugements sur la technologie .................................... 55b) une logique de classe ................................................. 56c) un refus de discrimination des élèves ............................... 57d) des cas "lourds" ....................................................... 58e) selon les proportions .................................................. 58f) des classes qui se succèdent .......................................... 59

III. MODALITÉS DU REGISTRE PÉDAGOGIQUE ...................... 59a) avec les élèves lents ................................................... 59b) avec les élèves doués .................................................. 62c) avec des élèves exceptionnels ........................................ 62d) pour des élèves moyens .............................................. 63e) pour des élèves motivés .............................................. 64f) pour des élèves semblables ........................................... 64g) un professeur ressource .............................................. 65h) un professeur attentif .................................................. 66i) des accessoires pour le professeur, des outils pour le collégien 66j) des tâches différenciées, guidées, graduées, individualisées ..... 68k) des tâches adaptées au rythme de chacun ........................... 69l) par répétition, avec des tâtonnements, sous contrat ................ 69m) des activités plus concrètes, plus pratiques ........................ 70n) des évaluations et des notes .......................................... 71o) des modalités diverses et hétérogènes ............................... 72

IV. MODALITÉS DU REGISTRE DIDACTIQUE ......................... 73a) appliquer les programmes ............................................ 73b) aménager les volumes horaires ...................................... 75c) choisir parmi les scénarios ............................................ 76

V. HÉTÉROGÉNÉITÉS ....................................................... 78a) des variations selon les académies ................................... 78b) des variations individuelles ........................................... 78c) pratiques réelles, pratiques potentielles ............................. 78

6. L’HÉTÉROGÉNÉITÉ CONSTATÉE MAIS DES OBSTACLES

I. DES CONTRAINTES ORGANISATIONNELLES FORTES .......... 79a) les contraintes de l'établissement ..................................... 80b) les contraintes de l'équipe de professeurs .......................... 80c) des aspects financiers .................................................. 80d) des travaux de groupe mais… ................................. 81

II. LES CONTRADICTIONS D'UN ENSEIGNEMENT DE MASSE ... 82a) sélection et massification .............................................. 82b) culture scolaire ......................................................... 82c) publics scolaires ........................................................ 83

III. LA TECHNOLOGIE ET SES CARACTÉRISTIQUES ............... 84

a) les références .......................................................... 84b) la norme des programmes ........................................... 84c) une programmabilité induite ......................................... 85

IV. OBSTACLES EXTERNES ET INTERNES ............................ 85

Page 6: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

6

7. HÉTÉROGÉNÉITÉ(S), PROFESSEUR(S), DISCIPLINE(S) 87

I. DES POSTURES DISTINCTES ........................................... 88a) les programmes ou les élèves ........................................ 88b) l’individu ou la classe ................................................. 88c) quatre postures ......................................................... 89d) trois discours différents ............................................... 90

II. DES ACTIONS COHÉRENTES .......................................... 90a) des ateliers tournants .................................................. 90b) des groupes de travail ................................................. 90c) des groupes d'aide ..................................................... 91d) des équipes ............................................................. 91e) des éléments déterminants de la cohérence des actions ............ 91f) des nuances ............................................................. 93

III. DES PRATIQUES CONTRASTÉES ..................................... 93a) des actions légitimées .................................................. 93b) des conceptions de l'enseignement distinctes ...................... 93c) des modalités différentes selon les classes .......................... 95d) des actions différentes selon les élèves .............................. 96e) des modalités différentes selon les activités ......................... 96

IV. DES PROFESSEURS DIFFÉRENTS ................................... 97a) vingt professeurs-formateurs ......................................... 97b) un panorama des pratiques ............................................ 100c) des enseignants de technologie ....................................... 101

V. DES "TECHNOLOGIES" DIFFÉRENTES .............................. 102a) essai de caractérisation des "technologies enseignées" ............ 102b) à la limite de la technologie ........................................... 103c) les "technologies" des professeurs ................................... 105d) flexibilité de la technologie ............................................ 106e) des incompatibilités .................................................... 107

VI. POUR DES ADAPTATIONS CONTRÔLÉES ......................... 108a) des conditions .......................................................... 108b) repérer la flexibilité de la discipline .................................. 109c) ne pas "appliquer" les programmes .................................. 109d) rendre publiques les décisions ....................................... 110e) contrôler les décisions sur la discipline ............................. 110f) intégrer l'hétérogénéité des élèves et la diversité des contextes ... 110

8. CONCLUSION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111 9. RÉFÉRENCES ET BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

Page 7: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

7

«Jamais, il ne viendra à l'idéed'un éleveur d'atteler un pur sangà un tombereau, ni à celle d'undirecteur de cirque d'exercer uneoie au trapèze : l'un et l'autreexploitent la bête selon l'aptitudela plus conforme à sa nature.»4

L. Augé (1924)

«Les programmes officiels sontétablis pour toutes les écoles pri-maires de France. Ils sont desti-nés à toutes, et, en réalité, neconviennent à aucune en particu-lier. Vouloir les appliquer partoutd'une manière uniforme est choseirréalisable.»5

Ch. Charrier (1918)

Mardi 8 juin 1999. Dans la salle B2 du collège Jules Ferry, Béatrice et Matthias percentles boîtiers sur la machine à commande numérique ; Junior, Guillaume et Karima assem-blent les composants de l'amplificateur de baladeur ; Nicolas, Shazaïd et Emmanuelle re-cherchent sur "la toile" des informations concernant les risques auditifs ; Aurore, Julie etMahmoud étudient l'injection industrielle des matières plastiques à partir du visionnementd'un vidéogramme ; Marine, Melissa et Dorian contrôlent le signal de sortie sur un oscil-loscope ; Bani, Wilfried et Vanessa conçoivent et réalisent le mode d'emploi. Dorian,Chloé, Abija, Stéphanie, Julie, François et Steven, chacun devant un ordinateur, com-mandent les déplacements de maquettes d’ascenseurs, de feux de croisement et de pontstransporteurs. Dans la salle voisine, une autre classe est en technologie. Julien, Frédéric,Lucile, Ombeline, Amina et Abdoul réalisent les plans du porte-CD qu'ils vont bientôtprésenter à la classe ; Samuel, Jeanne, Laïla, Thomas, Pierre et Charly terminent leur ma-quette ; Mickaël, Maritzu, Axelle, Sanae, Benoit et Emmanuelle confrontent leur proposi- 4 AUGE, L. (1924). Pédagogie générale. Paris, Delagrave. p. 43.5 CHARRIER, CH. (1918). Pédagogie vécue. Cours complet et pratique. Paris, Nathan. p. 78.

Page 8: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

8

tion de solution aux conclusions de l'enquête qu'ils avaient précédemment faite ; Lucile,Natacha, Jordan, Nadia, Clémence et Tarik cisaillent, percent et assemblent les élémentsdu prototype. Tels pourraient être les clichés d'un après-midi ordinaire dans un collège dela fin du XXè siècle. Ces images contemporaines montrent des élèves, garçons et fillesréunis dans une classe. La première est une classe de quatrième, anglais première langue.Nicolas le plus âgé aura seize ans cet été alors que Amina vient juste de fêter son dou-zième anniversaire. La seconde est une classe de cinquième. Seuls Axelle et Sanae sontinscrits dans l'option latin. Une partie d'entre eux est demi-pensionnaire car ils habitentdans une petite commune à plus de dix kilomètres du collège.

Ces instantanés presque communs, font oublier les transformations du collège et plus gé-néralement de l’École, depuis sa généralisation et sa massification. Ainsi les sweet- jeans-baskett-Nike sont-ils admis sans réserve et se sont-ils substitués aux blouses en Nylonbleu ou en Vichy rose depuis la fin des années 1960. Désormais la calculette Casio fxCollège est dans toutes les trousses avec l'effaceur et les Post-it, comme témoins etsignes de la modernité et de la consommation. Les téléphones portables deviennent pro-gressivement les compagnons des collégiens, après les éphémères Tamagotchis, les Ta-too ou les Tam-Tam des tribus symboliques. Chaque semaine, le même jour et à la mêmeheure, ils vont en technologie, cette discipline scolaire née aussi avec la modernité maisobligatoire pour tous seulement depuis un peu moins de quinze ans. Les paillasses dessalles de cuisine, la cisaille à carton, les étaux des ateliers complémentaires, une machineà coudre livrant ses bielles et manivelles, et parfois quelques bottes de rotin enfouies dansla réserve sont les seules traces des travaux manuels éducatifs et de l'éducation manuelleet technique ayant façonné les générations précédentes. La distinction des travaux desgarçons et des filles et la préfiguration des rôles sociaux qu'ils entretenaient ont ainsi dé-finitivement disparu, excepté dans la mémoire des professeurs les plus anciens.

Malgré ces changements et la modification récente de l'organisation des cycles, les collé-giens sont toujours repérés par la classe qui les regroupe. Quelle qu'elle soit, l'emploi dutemps propose une répartition des disciplines scolaires dont les contenus sont définis pardes programmes nationaux. Ils partagent ainsi les mêmes salles sauf pour les quelquesenseignements proposés au choix ou en option et sélectionnés généralement par les pa-rents plus ou moins informés de leurs enjeux. Les divisions ne sont plus inscrites dansles trois voies distinguant initialement les élèves des classes modernes, classiques ou detransition et tous les élèves peuvent croire à leur accès en seconde bien que certains dé-couvrent à leur adolescence, souvent avec violence, leurs différences ou leurs handicapssociaux, familiaux, scolaires, financiers, intellectuels… , leurs impossibilités et leurs re-fus.

L'une des évolutions majeures du collège réside dans le classement des élèves qui neprend plus en compte ni le genre, ni toute prédestination sociale. Seul le nombre desélèves détermine le nombre de classes selon des grilles numériques. Ce règlement quanti-tatif de la répartition des élèves conduit à des regroupements d'élèves différents.Simultanément il relègue au rang des espoirs perdus, l'idéal des classes homogènes, telque Ferdinand Buisson l'exprimait déjà :

«L'idéal, ce serait aussi que chaque classe ou division fût suffisamment homogène, c'est à dire secomposât d'élèves qui, tous ou presque tous, pourraient marcher du même pas, participer auxmêmes exercices et atteindre ensemble le même but. Malheureusement, il n'en peut être ainsi.»6

Héritière des congrégations religieuses, l'organisation pédagogique en classes auxquellescorrespondent une réunion d'élèves et un enseignant, s'accompagne néanmoins d'unsouhait de regroupement qualitatif. L'âge mais aussi le niveau d'instruction permettent larépartition des élèves. Lorsque l'effectif impose des classes parallèles, s'opposent deux

6 BUISSON, F. (dir.). (1911). Nouveau dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire. Paris,

Hachette. (article : classement des élèves).

Page 9: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

9

conceptions que signale l'arrêté organique du 18 janvier 1887 : «chaque cours pourracompter plusieurs classes, soit simplement nuancées, soit parfaitement parallèles». Pourles uns, le regroupement quelconque favorise l'émulation, pour les autres, le regroupe-ment par niveaux permet la constitution de divisions intermédiaires.

La question du classement qualitatif des élèves amène au début du XXè siècle diversestypologies d'élèves selon leur caractère et leur esprit. A titre d'exemple un ouvrage de pé-dagogie des années 1920 présente et discute les types moraux et intellectuels7. Aux caté-gorisations qualifiées de simplistes qui distinguent les observateurs et les réfléchis, lesmanuels et les intellectuels, les pratiques et les spéculatifs, les positifs et les rêveurs,les actifs et les passifs, les rapides et les lents, et qui nuancent les intuitifs, les imagi-natifs, les critiques et les logiques, s'opposent les distinctions fondées sur les mesuresde l'intelligence. Ainsi les instables, les arriérés, les arriérés pédagogiques et lesanormaux transitoires sont-ils des enfants dont l'attention présente des anomalies. Enrevanche, parmi les enfants à l'attention normale, il y a les distraits, les turbulents, lesrêveurs ou imaginatifs parfois proches des raisonneurs, les intuitifs plutôt sensoriels,les attentifs volontaires pour lesquels soit l'imagination, soit la raison domine. Est aussiproposée une classification "dont le mérite est d'établir des divisions bien nettes" en op-posant les rationnels, les conventionnels, les sensoriels et les intuitifs. Le même ou-vrage présente les différents caractères. Aux distinctions approximatives qui repèrent lessanguins, les bilieux, les mélancoliques et les flegmatiques ou bien les unis , décidés,persévérants opposés aux inquiets, scrupuleux et indécis mais qui ne classent pas lesapathiques, les impulsifs, les entêtés ou les contemplatifs, est préférée une catégorisa-tion plus rigoureuse qui certes écarte les amorphes et les instables mais rassemble tousles autres en sensitifs, actifs ou apathiques. Aux sensitifs sont associées les humbles,les contemplatifs et les émotionnels, aux actifs, les médiocres et les grands, aux apa-thiques, les purs et les intellectuels plutôt spéculatifs ou davantage pratiques. Pour lesclassements scolaires la finesse de ces distinctions est signalée comme inutile et est plussimplement suggéré de séparer les élèves sensitifs qui selon leur intelligence médiocre ouaiguisée sont les timides et les craintifs, les rêveurs et les indécis mais aussi les im-pressionnables à l'excès. Il est important de repérer les actifs et parmi eux ceux qui dis-posent d'une intelligence vive et bien équilibrée car c'est le "type du bon écolier, au ju-gement lucide et à l'optimisme souriant". Les autres actifs ne sont que les "bons garçonsde la classe", turbulents, serviables, empressés et toujours gais et débrouillards maisquelquefois gênants. Les apathiques sont les endormis, les mous, les insouciants ou lesparesseux. Il existe aussi les raisonnables , laborieux, dociles et très malléables ainsique les calculateurs plus astucieux et plus habiles.

Une telle liste à la Prévert que l'esprit du temps ne permettrait plus d'afficher aujourd'hui,met en exergue selon les termes de l'auteur "la plus grande diversité d'intelligence et decaractère". Ces nuances et ces contrastes comme ces distinctions et ces oppositions quiservaient jusqu'au milieu des années 1960 à identifier les qualités des élèves en vue d'uneorientation scolaire et professionnelle fidèle à leurs aptitudes ou capacités8, interrogent larelation entre les enseignements définis par des programmes uniformes et cette diversitédes élèves.

7 AUGE, L. (1924). op. cit. (chap. Diversité des types intellectuels et des caractères. 33-42)8 voir par exemple :

BALUTEAU, F. (1998). "L'orientation scolaire en perspective - L'«empilement» de l’État, de l'usageret du local". Revue française de pédagogie. Paris, INRP. 124, 13-27.OUVRIER-BONNAZ, R. (1999). "Orientation et technologie. Histoire d’un rapprochement".Éducation technologique. Paris, Delagrave & Versailles, CRDP. 3, 66-69.PAIR, C. (1998). "L'orientation dans un monde incertain". L'enseignement technique. Paris,AFDET. 177, 3-10.

Page 10: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

10

«Les auteurs des programmes et des instructions, aussi bien que ceux qui en contrôlent la mise enapplication, ne semblent avoir en vue que ce type schématique et abstrait : l'élève "moyen". Ils nese préoccupent guère des esprits originaux, des natures au-dessus de la moyenne ; ils ne songentpoint, non plus, à accorder la marche de l'enseignement avec les divers tempéraments : ils se bor-nent à des règles tout à fait générales et d'application uniforme dans l'application des caractères. Ence sens, l'école est l'héritière de jadis, du temps où l'unique préoccupation était le nivellement desesprits et des cœurs sous la règle religieuse et politique.»9

En filigrane du problème ainsi posé, deux solutions apparaissent. La première consiste àregrouper les élèves selon des critères particuliers tout en différenciant les programmes,les contenus et les méthodes d'enseignement. C'est le sens de la citation posée en épi-graphe. Elle préfère la solution discriminative des voies et des filières qui fixent prématu-rément les élèves dans un itinéraire déterminé. A ce règlement qualitatif du classement desélèves, correspondent alors les modifications de scolarité suggérées par le même auteur.

«Au groupe des élèves les plus faibles ou les moins bien doués, on attribuerait des programmespermettant une marche plus lente, mais sûre, étudiés selon des méthodes appropriées : activité ma-nuelle, exercices sensoriels, procédés intuitifs, etc. On s'efforcerait de restreindre l'étendue de cegroupe, afin qu'on puisse davantage s'occuper de chaque élève.»10

Cette proposition peu distante de nombreux propos d'enseignants aujourd'hui est égale-ment très voisine des modalités repérées par M. Duru-Bellat et A. Mingat (1997)11 dansles dispositifs de différenciation pédagogique par groupes de niveaux qui opposent pourles bons - au sens de plus avancés comme le précisait F. Buisson - et les mauvais, l'en-seignement abstrait et concret, plutôt centré sur la discipline ou sur les relations maître-élèves, sur les démonstrations abstraites ou les exercices supplémentaires et avec des dif-férences qualitatives et quantitatives d'aide, d'informations et de sollicitations.

Or l'évolution conjointe de l'école et de la société ne permet plus d'admettre ces compar-timentations et ces distinctions qui s'avèrent renforcer les déterminations sociales. Il fautalors envisager la seconde solution qui consiste à maintenir la diversité des élèves dans lesclasses parallèles tout en disposant de disciplines scolaires dont la flexibilité leur confèreune variabilité suffisante pour permettre des adaptations.

Pas plus que la diversité des publics scolaires n’est une réalité nouvelle, l'uniformité desprogrammes ne l'est, ce que souligne la seconde citation en entête. En effet, la fréquenta-tion scolaire, le degré de développement intellectuel des élèves mais aussi la nature del'école et les besoins du milieu sont cités comme les oppositions les plus fortes à uneconception uniforme des enseignements et des matières.

«Ces deux catégories d'élèves (les enfants des campagnes et les enfants des villes) ont des facultésréceptives inégales, et l’on conçoit aisément qu'il ne serait pas possible de suivre, avec elles, desprogrammes absolument identiques. (…)Il va de soi que les programmes des écoles de filles ne sauraient être exactement les mêmes queceux des écoles de garçons (…) De même, l'enseignement de l'agriculture est indispensable à l'écolerurale, tandis qu'il est moins à sa place à l'école urbaine ; dans cette dernière école, les notionsagricoles seront avantageusement remplacées par des notions industrielles et commerciales. Et en-fin, le plan d'études des écoles du littoral différera quelque peu de celui des écoles de la plaine ou dela montagne (…).»12

L'époque justifie ces critères d'utilité choisis pour les aménagements de la répartition descontenus. Toutefois le commentaire précise les adaptations des programmes aux contexteslocaux et aux élèves.

9 AUGE, L. (1924). op. cit. p. 4310 AUGE, L. (1924). op. cit. p. 4511 DURU-BELLAT, M. & MINGAT, A. (1997). "La gestion de l'hétérogénéité des publics d'élèves au

collège". Les Cahiers de l'irédu. Dijon, IREDU. 59. p. 1812 cf. CHARRIER, Ch. (1918). op. cit. 78-80.

Page 11: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

11

L'actualisation des problématiques de différenciation de l'enseignement conduit à de nou-velles suggestions qui ne peuvent être fondées sur des critères aussi nets. Même s'il s'agitde questions qui concernent aujourd'hui comme hier la scolarité obligatoire, l'adaptationdes enseignements répond à l'exigence nouvelle de l'adhésion des élèves au projetéducatif et culturel de l'école. Rigides, les disciplines fixant l'ordre par leurs contenussont susceptibles de générer le désordre. Plus souples, elles peuvent répondre à la variété,à la diversité tout en proposant une unité. Les programmes de technologie proposentaujourd'hui une telle structure de discipline et offrent ainsi un modèle d'étude des modali-tés d'adaptation à la diversité des publics et des contextes dans les pratiques de sonenseignement.

Un des enjeux scientifiques de cette recherche est de contribuer à l'intelligibilité des dis-ciplines scolaires dans les différentes formes réelles que leur donnent les pratiquesd'enseignement. Cette connaissance des curriculums disciplinaires, de leur matrice et deleurs principes de mise en œuvre propose simultanément des perspectives pour l'inter-vention dans la conception des programmes et l'organisation des contenus de formationdes maîtres. Telles sont les contributions présentées dans ce rapport. Après l'explicitationde la problématique et des orientations méthodologiques de la recherche, quatre partiesorganisent la présentation des résultats. La première décrit et analyse les relations entre lesprofesseurs, les élèves et les programmes ; la deuxième s'attache à décrire et à classer lesmodalités mises en œuvre ; la troisième repère les obstacles identifiés par les enseignants ;la quatrième reconstitue les cohérences des actions individuelles des professeurs, analyseles "technologies enseignées", repère leurs limites en découvrant la zone de flexibilité dela discipline et suggère les propositions susceptibles de faciliter les adaptations contrôléespar les enseignants, de la technologie.

Page 12: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

12

Page 13: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

13

2. PROBLÉMATIQUE

Quelles sont les possibilités et les modalités des pratiques d'enseignement adaptées à ladiversité des élèves et des contextes au collège ? Tel est le problème étudié dans le cadred'une discipline, la technologie.

En effet, la technologie est en cours de "re-configuration", entraînant ses enseignants àrecomposer leurs conceptions et leurs pratiques ; et sa nouvelle "figure" offre une palettetrès large d'activités possibles, prenant leur sens dans l'école et dans le monde écono-mique. La complexité pédagogique et didactique de la technologie permet de "jouer" avecdes tâches, des rôles, des exigences variées qui peuvent être ajustées à chaque élève dansdes programmations individuelles ou collectives. Est ainsi faite l'hypothèse que la miseen œuvre de toutes les potentialités de la technologie permet d'adapter la gestion desactivités et des apprentissages aux disponibilités des contextes et aux disparités desélèves. La technologie est ainsi prise comme modèle d'étude des pratiques enseignantesface à l'hétérogénéité au collège.

I. CONTEXTE ET ENJEUX

a) l'école moyenne et le collège pour tous

Depuis 1959, l'obligation scolaire jusqu'à seize ans a progressivement fait du collège lelieu d'accueil de tous les élèves. Au plan des structures, les ambitions démocratiques dela politique éducative se sont traduites par l'organisation de l'école moyenne en "collègeunique"13 gommant les distinctions que pouvaient être les classes de fin d'études, lescours complémentaires, les collèges d'enseignement technique, les CES ou les CEG.Mais ce collège pour tous n'est unique que dans ses principes fondateurs et organisa-tionnels et ne peut ni faire disparaître ni ignorer la variété des établissements, des acteurs,des contextes, des environnements… A. Bouchez (1994) souligne les différences de ce"collège de la diversité".

13 réforme Haby, 1977. voir BALUTEAU, F. (1999). Les savoirs au collège. Paris, PUF.

Page 14: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

14

« (…) nous avons bien non pas un collège unique, mais des collèges où la diversité est la règlecommune.Tout dans nos établissements est différent : élèves, professeurs, équipes de direction et d'encadre-ment, locaux, structures, environnement, aussi bien que les heures d'ouverture, de pause, la qualitéde la nourriture servie, le nombre de bourses attribuées, le nombre de cas sociaux, le nombre delangues enseignées, le nombre de projets ou la motivation des uns et des autres. Le collège est lelieu de la diversité et de l'hétérogénéité : seuls les programmes demeurent les instruments d'homo-généité, de régulation, garants de l'égalité de tous devant le service public d'enseignement.»14

b) diversité et hétérogénéité des élèves

Dans ce segment du système éducatif, les parcours des collégiens nuancent la durée deleur scolarité, leur âge d'entrée et de sortie, leur orientation en cours et après l'écolemoyenne, leurs performances scolaires et leurs progrès, mais aussi leurs réussites etleurs difficultés. Aux intentions régulièrement affirmées par les slogans que sont "l'éga-lité des chances" et "l'école de la réussite", la réalité renvoie un écho souvent plus disso-nant et une image plus sombre que traduisent les expressions "échec scolaire", "classeshétérogènes" ou "élèves en difficulté". Dans les discours de l'école, "hétérogénéité"s'oppose généralement à "cohésion, harmonie, unité" que recouvre l'étymologie duterme "homogénéité"15. La dysharmonie exprimée en filigrane de l'usage du substantif"hétérogène" souligne aussi le sens ancien du terme qui qualifie les classes ou les élèves"d'un autre genre, d'une autre espèce" et qui se dit pour désigner "ce qui est composéd'éléments de nature différente, dissemblables". Au collège, "hétérogénéité" exprimeainsi dans un registre plutôt négatif ce que "diversité" exprime dans un registre plusneutre.

L'hétérogénéité des élèves et la diversité des publics scolaires s'associent pour qualifier ladisparité inter-individuelle ou inter-classes. Celle-ci est plus particulièrement associée auxniveaux scolaires et aux comportements (A. Bouchez, 1994 ; P. Perier, 1994). Dans uneperspective psychosociale, les études sur les déterminants de la réussite scolaire dans lesZEP concluent à l'incidence des variables individuelles telles que le sens desapprentissages, le travail, l'image de soi ou la projection dans l'avenir (C. Moisan & J.Simon, 1997)16, inscrites dans des histoires scolaires contrastées. Dans l'analyse du rap-port au savoir (B. Charlot, 1997)17, celles-ci se construisent dans des dialectiques com-plexes, entre l'expérience scolaire et la socialisation familiale, entre l'élève et l'enfant oul'adolescent (B. Charlot, E. Bautier, J.-Y. Rochex, 1993)18. Ainsi les élèves se distin-guent-ils selon qu'ils satisfont plus ou moins aux exigences scolaires, c'est à dire selonleurs réponses contrastées aux sollicitations et aux attentes de l'école.

c) des dispositifs de régulation

Pour L. Legrand (1986) : "La réforme Haby, en créant des classes «hétérogènes» desixième et de cinquième, poussant ainsi à son terme une évolution amorcée en 1959, amis au jour des tensions latentes jusque là (…)"19. Les réponses apportées ont été d'une

14 BOUCHEZ, A. (1994). Livre Blanc des collèges. Rapport du président de la commission "Un

Nouveau Collège Pour Tous" à l'attention de M. F. Bayrou, ministre de l'Education nationale.Paris, MEN. 25 p. et annexes.

15 REY, A. (dir) (1998). Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française. (articles : hétérogène,homogène).

16 MOISAN, C. & SIMON, J. (1997). Les déterminants de la réussite scolaire en zone d'éducationprioritaire. Paris, INRP. p. 79-80

17 CHARLOT, B. (1997). Du rapport au savoir. Paris, Economica.18 CHARLOT, B. ; BAUTIER, E. ; ROCHEX, J.-Y. (1993). Ecole et savoir dans les banlieues… et

ailleurs. Paris, Armand Colin.voir aussi ROCHEX, J.-Y. (1994). "Pourquoi certains élèves défavorisés réussissent-ils ?" Scienceshumaines. 44, 10-13.

19 LEGRAND, L. (1986). La différenciation de la pédagogie. Paris, Scarabée. p.7

Page 15: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

15

part des mesures de pré-orientation ou de remédiation (options technologiques, classesd'insertion…), d'autre part différentes innovations pédagogiques. A ce titre, les propo-sitions de différenciation pédagogique (parcours diversifiés) ou de compensation(soutien, études dirigées) comme les suggestions relatives au travail coordonné sur lescompétences transversales ou sur les apprentissages méthodologiques, ont été et sont en-couragées.

L'analyse des effets des modalités pédagogiques censées permettre à des élèves différentsde réussir de manière identique tend à montrer qu'elles vont à l'inverse des objectifs affi-chés. Dans leur revue de question, M. Duru-Bellat et A. Mingat (1997)20 notent égale-ment que "les effets des groupes de niveau sur les acquisitions des élèves s'expliqueraientpar le fait qu'ils amènent les maîtres à moduler la quantité, le rythme ou encore la qualitédes activités d'instruction". Ces effets "instructionnels" apparaissent plus déterminantsque ceux de nature psychosociale (effets institutionnels, effets d'attente, normes degroupe) dans la gestion de l'hétérogénéité des publics scolaires au collège.

d) l'identité disciplinaire

Toutefois la généralisation de pratiques nouvelles s’avère limitée comme le mentionne lerapport de l'inspection générale (199721) qui remarque les écarts entre les collèges "en-gagés" et les collèges "embarqués"22. "La résistance" et "les résistances" au changementsont dénoncées23 en tant que limites internes au traitement de l'hétérogénéité. Commedans l'analyse des difficultés de la mise en place de la réforme Haby (L. Legrand,199524), les raisons invoquées portent sur "le repli frileux sur les disciplines", "l'alibides programmes"25 et sur l'attachement des enseignants à la discipline enseignée. C'estainsi leur spécialisation disciplinaire qui est mise en question alors que leur mode de re-crutement, leur rattachement à une inspection pédagogique régionale, elle-même liée àune inspection générale, leur promotion… sont résolument disciplinaires.

Ignorer l'identité disciplinaire des professeurs exerçant au collège revient à supposer ou àsouhaiter que leur rapport à la discipline et à l'instruction est faible au regard de leurrapport à l'éducation et aux élèves. Or, les études relatives aux enseignants du seconddegré (P. Perier, 199426, 199627) révèlent que près de trois sur quatre se déclarent "trèsattachés" à leur discipline et que près d'un sur quatre y est "assez attaché", ce qui rendtrès marginaux ceux qui affichent leur détachement par rapport à l'identité disciplinaire28.Dans le même sens, l'étude des nouveaux enseignants du second degré montre que leprincipal motif de satisfaction au cours des premières années d'exercice est "d'enseignerla discipline que j'aime"29 tout en signalant que la difficulté majeure est de "s'adapter auniveau des élèves et des classes". L'approche différentielle des nouveaux professeurs desécoles et des nouveaux professeurs des lycées et collèges révèle enfin, qu'à la différence

20 DURU-BELLAT, M. & MINGAT, A. (1997). "La gestion de l'hétérogénéité des publics d'élèves au

collège". Les Cahiers de l'irédu. Dijon, IREDU. 59.21 IGEN. (1997). Rapport de l'inspection générale de l'Education nationale. Paris, La documentation

française. 71-150.22 p. 7323 op. cit. p. 76-7824 LEGRAND, L. (1995). Les différenciations de la pédagogie. Paris, PUF. 125 p.25 rapport IGEN p. 77-7826 PERIER, P. (1994). "Enseigner dans les collèges et les lycées - Enquête sur le métier d'enseignant".

Dossiers d'éducation et formations. DEP. 48.27 PERIER, P. (1996). "Enseigner dans les collèges et les lycées". Dossiers d'éducation et formations.

DEP. 61.28 voir MARESCA, B. (1997). "Les professeurs du second degré parlent de leur discipline". Dossiers

d'éducation et formations. DEP. 83. 59 p.29 PERIER, P. (1996). "Les nouveaux enseignants du second degré sortis des IUFM en 1993". Dossiers

d'éducation et formations. DEP. 71. 152 p.

Page 16: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

16

des premiers qui sont très attachés aux élèves, les seconds entretiennent un rapport fort àla discipline qu'ils enseignent (DEP, 199530).

Par ailleurs, nier l'identité disciplinaire des professeurs revient à nier les disciplines en-seignées et à considérer que les programmes nationaux ne sont que des versionsluxueuses pour des élèves virtuels, en somme à faire admettre que le traitement de l'hété-rogénéité conduit inéluctablement à ne pas assurer les enseignements obligatoires. Or,laisser de côté les contenus met en cause les missions du collège, plus particulièrementcelle d'instruction qui en demeure un fondement. A cet égard A. Bouchez (1994)constate "que le grand absent de la plupart des projets d'établissement est bien ce qui re-lève directement de la pédagogie et des disciplines, au bénéfice de ce qui est complémen-taire et périphérique"31. A. Boissinot (1996) dénonce la même dérive qu'il attribue à laconfusion des discours plaçant l'élève au centre de l'école32.

La question de l'hétérogénéité révèle ainsi une opposition fondamentale, présente dans ledébat latent sur l'organisation pédagogique du collège et la nature de la spécialisation desenseignants exerçant dans l'école moyenne. Se heurtent, d'une part le désir d'une poly-valence des enseignants dans une forme de primarisation du secondaire et d'autre part laréalité d'une identité disciplinaire forte.

e) des adaptations contrôlées

Dans le contexte du Nouveau contrat pour l'école (1994), et compte tenu des limitesconstatées du traitement de l'hétérogénéité hors disciplines scolaires, il semble alors pluspertinent de poser la question dans une perspective admettant que les enseignants sontdes spécialistes d'une discipline scolaire et que la prise en charge de l'hétérogénéité doits'appuyer sur cette caractéristique professionnelle. Il ne s’agit pas essentiellement d’unchoix optimisé de méthodes d’enseignement, tel que le propose L. Not (1992)33. Tenircompte de ce rapport étroit à la discipline enseignée, implique alors de rechercher,d'analyser et de comprendre les pratiques d'enseignement fondées sur l'adaptation vo-lontaire de la discipline aux contextes et aux élèves.

Mais les enseignants utilisent-ils les potentialités de la discipline pour moduler la gestiondes activités et des apprentissages selon les disponibilités des contextes et les disposi-tions des élèves ? Quelles sont les modalités différentes envisageables ? Existe-t-il despratiques qui correspondent vraiment à des adaptations contrôlées de la discipline à l'hé-térogénéité des situations d'enseignement ?

L'existence de pratiques très diverses dans le cadre d'un programme national ainsi queles différences déjà connues entre curriculum prescrit et curriculum réel, y compris dansses aspects de curriculum caché (P. Perrenoud, 199434) accréditent cette perspective.

f) scolarité, curriculum disciplinaire et programme

La prise en charge de l'hétérogénéité au collège est ainsi proposée selon une orientationoriginale qui s'inscrit dans le cadre institutionnel de définition du curriculum par desprogrammes nationaux. En souhaitant maintenir sa relation aux contenus des curriculums 30 MEN-DEP. (1995). "Les nouveaux professeurs des écoles sortis des IUFM en 1994." Note

d'information. 95-50.31 BOUCHEZ, A. (1994). op. cit. p. 6.32 BOISSINOT, A. ; BORNE, D. ; FERRY, L. ; MERLAUD, C. ; SAFRA, M. ; VIALA, A. (1996).

"A quoi servent les programmes ?". Revue internationale d'éducation. CIEP, Sèvres. 12. (table rondeorganisée le 6 juin 1996).

33 NOT, L. (1992). Diversité des approches scolaires des savoirs. Toulouse, Editions Universitaires duSud.

34 PERRENOUD, P. (1994). La formation des enseignants entre théorie et pratique. Paris,L'Harmattan. 250 p.

Page 17: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

17

disciplinaires, elle postule l'ambition des apprentissages dans les différentes présenta-tions du monde qu'offre chacun d'entre eux. En ce sens, elle s'oppose partiellement auxconceptions pédagogiques qui placent les disciplines scolaires au service d'un projetéducatif exclusivement défini par des compétences transversales ou des capacités géné-rales, transférables, cognitives et sociales. Elle s'oppose partiellement aussi aux modali-tés de projets locaux distants des prescriptions réglementaires nationales. En effet, enFrance, les programmes nationaux répondent aux enjeux du maintien de l'unité nationale,régulièrement réaffirmé, comme le faisait par exemple Ch. Charrier en 1918 :

«Et de bons esprits considèrent que l'établissement de programmes locaux trop spécialisés seraitune réforme fâcheuse, qui tendrait à rompre "l'unité de formation de la jeunesse française".»35

Il s'agit donc d'une perspective qui souhaite examiner les conditions de conciliation del'impératif d'instruction, du maintien des spécificités des contenus disciplinaires et lesexigences des caractéristiques des élèves dans leur diversité.

II. LA TECHNOLOGIE COMME MODÈLE D’ÉTUDE

La prise en charge de l'hétérogénéité suppose des adaptations qui ne se réduisent pas àdes ajustements mineurs. L'étude des pratiques d'enseignement adaptées à la diversitédes élèves et des contextes au collège, de leurs modalités et de leurs possibilités, ne peuts'effectuer que sur une discipline qui d'une part présente une relative flexibilité pour desadaptations variées et d'autre part dont les pratiques d'enseignement ne sont pas figéespar les rites scolaires.

a) une reconfiguration de la discipline

En ce sens, la technologie présente des caractéristiques singulières. Ses nouveaux pro-grammes proposent en effet une nouvelle configuration de la discipline scolaire après sesdix premières années d'existence et de définition au collège. Désormais, la technologieest structurée d’une façon forte qui lui assure son unité, mais sans rigidité. En effet, sacohérence interne est dépendante des relations entre ses missions, ses principes de pro-gressivité et ses possibilités de programmabilité (J.-L. Martinand, 199736). Elle offre unepalette étendue d'activités possibles, prenant référence dans l'école et hors de l'école etune complexité pédagogique et organisationnelle qui permettent de "composer" les rôles,les tâches et les exigences afin de convenir à des contextes et des publics contrastés, auniveau collectif ou individuel. Les auteurs du programme ont souhaité à la fois permettreson adaptation à la variabilité des conditions d'enseignement (matériel, environnement,enseignants) et d'autre part fixer un cadre cohérent sans surcharges de contraintes ou in-jonctions, évitant sa dénaturation lors des adaptations locales37.

Ainsi la nouvelle organisation de la technologie propose-t-elle une architecture intégrantdes possibilités de variation tout en lui fixant un cadre normatif fort. Avec cette flexibilité(J. Lebeaume, 1999)38 la technologie présente une complexité structurelle : deux typesd'activités, trois composantes de l'évaluation, des domaines techniques variés, des réfé-rences industrielles et tertiaires, des principes de progression. Elle se distingue de ses 35 CHARRIER, CH. (1918). Pédagogie vécue. Cours complet et pratique. Paris, Nathan. p.80. (préface

de F. Buisson)36 MARTINAND, J.-L. (1997). “Familiarisation technique et connaissance technologique - la

technologie au collège. in A. Durey et al. (Eds). Actes du séminaire de didactique des disciplinestechnologiques. ENS Cachan, LIREST-GDSTC. 17-27.

37 programmes de technologie : CNDPvoir aussi : LEBEAUME, J. & MARTINAND, J.-L. (dir) (1998). "Enseigner la technologie aucollège". Paris, Hachette.

38 LEBEAUME, J. (1999). Perspectives curriculaires en éducation technologique. Mémoire joint audossier d'habilitation à diriger les recherches. Université Paris-Sud. 129 p.

Page 18: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

18

versions précédentes dont les matrices curriculaires (J. Lebeaume, 1999)39 beaucoupplus floues généraient une très grande "malléabilité" comme en témoignent lesnombreuses hésitations de contenus, de formes et de missions (W. Hörner, 198740 ; L.Géminard, 199241 ; J. Lebeaume, 199642). Cette malléabilité, déjà observée dans l'étudedes évolutions du travail manuel (J. Lebeaume, 199343), permettait certes de considérerla discipline comme un instrument de différenciation pédagogique mais au prix d'unedénaturation. En effet, les activités technologiques sont alors utilisées pour les processusqu'elles favorisent et qui s'opposent aux processus habituels, verbaux, abstraits,déductifs et solitaires. L. Legrand (1986) considère que ceux-ci ne sont sans doute pasles plus "nobles" mais certainement les plus efficaces pour le plus grand nombre44. Maisdans cette utilisation de la technologie dans le curriculum, la maîtrise même minimale duchamp disciplinaire n'est pas vraiment envisagée.

b) de nouvelles pratiques enseignantes

En raison de la jeunesse de la discipline "technologie", les conceptions et les pratiquesd'enseignement ne sont pas définitivement stabilisées. En témoignent les orientationsouvertes à propos du "projet" (G. Amarnier, 199445 ; M. Sellier, 199446 ; A. Corriol &A. Gonnet, 199447 ; A. Crindal, 199748). Les nouveaux programmes et la nouvelle or-ganisation de la discipline amènent aujourd'hui les enseignants à recomposer leurs con-ceptions et leurs pratiques (J.-L. Laurent, 199649 ; O. Follain, 199750). Tout en s'ap-propriant cette reconfiguration de la discipline, les professeurs de technologie sontconduits à l'adapter aux exigences et aux spécificités locales de l'enseignement, donc à ladiversité et à l'hétérogénéité des contextes et des élèves. Les pratiques des enseignantssont ainsi considérées comme l'expression de l'accommodation des programmes auxcontraintes de leur mise en œuvre donnant différentes figures à la technologie, la disci-pline enseignée. Il conviendra alors d'identifier les limites de ces adaptations pour repérerl'espace des décisions potentielles des professeurs sur la technologie pour que sonenseignement réponde à la double exigence d’assurer ses intentions instructives pour desélèves différents dans des contextes divers. C'est l'enjeu du maintien de l'unité de latechnologie parmi la diversité de ses présentations scolaires.

39 ibid.40 HÖRNER, W. (1987). Ecole et culture technique, Expériences européennes. Paris, INRP.41 GEMINARD, L. (1992). "Préface". Textes de références, Technologie. Paris, CIEP, III-X.42 LEBEAUME, J. (1996). "Trente ans de technologie en France 1960-1990. Une discipline à la

recherche d'elle-même". Aster. Paris, INRP. 23, 3-36.43 LEBEAUME, J. (1993). Cent ans de travail manuel pour l'école élémentaire - Aspects

didactiques. Thèse de l'université Paris Sud, centre d'Orsay, 995 p.44 LEGRAND, L. (1986). p. 68.45 AMARNIER, G. (dir) (1994). Technologie, vers une culture technologique. Clermont Ferrand,

CRDP. (2 volumes)46 SELLIER, M. (1994). "La technologie, discipline nouvelle". in Actes du colloque La technologie au

collège, bilan et perspectives. Montpellier, 15-53.47 CORRIOL, A. & GONNET, A. (1994). Le projet pédagogique en technologie. Marseille, CRDP.

135 p.48 CRINDAL, A. (1997). Bilan de la recherche action 1994-1997 : "Elargir le champ des possibles à

propos de la démarche de projet." INRP-CNM. 326 p.49 LAURENT, J.-L. (1996). Etude des pratiques des enseignants dans des démarches d'investigation

technologique et de réalisation de projet. Mémoire de DEA. LIREST-GDSTC. 30 p. et annexes50 FOLLAIN, O. (1997). Panorama des pratiques au collège. Mémoire de DEA. LIREST-GDSTC.

37p.

Page 19: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

19

Potentialitésde la

Technologie

Diversité et Hétérogénéité

des Elèves et des Contextes

Pratiquesd'enseignement

adaptées

fig. 1 : Modalités des pratiques enseignantes de technologieadaptées à la diversité et à l'hétérogénéité des élèves et des contextes

Ainsi les caractéristiques et les particularités actuelles de la technologie sont une oppor-tunité pour examiner les pratiques enseignantes d'adaptation de la discipline qu'ils ensei-gnent dans la perspective de la prise en charge de l'hétérogénéité.

c) variabilité de la technologie enseignée

Les modalités contrôlées d'adaptation de la technologie correspondant à la prise encharge de l'hétérogénéité dans la mise en œuvre de l'enseignement disciplinaire sont liéesaux différentes variables susceptibles d'être prises en compte par les enseignants. Peu-vent être distinguées les variables sur la discipline, c'est à dire celles sur lesquelles lesprofesseurs peuvent intervenir ainsi que les variables sur l'enseignement, davantage con-sidérées comme des contraintes externes. Les pratiques scolaires sont ainsi susceptiblesde varier selon :

- les variables sur la discipline* technicité des activités

- rôles (nature, distribution sociale)- engins (machines, instruments, objets, systèmes…)- tâches (ouverture, ressources, contraintes, solutions…)

* exigences pour les élèves (critères, niveau, registre)* compétences notionnelles (du programme ou hors programme)* compétences instrumentales (du programme ou hors programme)* durées (temps alloué aux tâches)* choix des références sociotechniques (familières, rencontrées…)* choix des scénarios (parmi les six des programmes)* progressivité des activités (articulation entre les tâches)* programmation des activités (planification, ordonnancement)* évaluation (trois rubriques, modalités)* nature des approches (réalisation, investigation, présentation)* équilibre unités d'enseignement / scénarios* guidage, aide (moyens pédagogiques)* supports techniques (choix des produits ou des projets développés)* itinéraires d'apprentissage

- ordre dans les apprentissages- méthodes pédagogiques- durée, rythme- supports d'aide- rôle du professeur, des élèves

- variables sur l'enseignement* ressources (matérielles, financières, milieu technique)* dispositifs

Page 20: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

20

* ressources humaines, équipes pédagogiques, collègues* politique locale d'établissement* population scolaire* temps

Les pratiques d'enseignement en technologie sont ainsi susceptibles de résulter de laconjugaison, l'opposition ou l'association de cette variabilité de la discipline et des para-mètres locaux des situations d'enseignement-apprentissage.

d) hypothèses de travail

Souhaitant mettre au jour les modalités d'adaptation de la technologie à l'hétérogénéité despublics scolaires et à la diversité des contextes, l'objet de la recherche est essentiellementconstitué par les pratiques d'enseignement de cette discipline dans les classes "ordinaires"du collège, plus particulièrement des premiers cycles. La multiplicité de ces pratiques estainsi supposée en relation avec les éléments de la matrice curriculaire de la technologie,qu'il s'agit de repérer dans les pratiques réelles et potentielles.

Le cadre problématique n'est pas structuré par l'intention d’analyser les relations entrenature de l'hétérogénéité des élèves et pratiques adaptées d'enseignement de la tech-nologie. La caractérisation des adaptations réelles et potentielles des pratiquesd’enseignement permet de préciser cette hétérogénéité telle qu’elle est identifiée par lesenseignants de technologie.

Cette orientation de la recherche implique des choix méthodologiques présentés dans lespages suivantes.

Page 21: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

21

3. MÉTHODOLOGIEET RECUEIL DE DONNÉES

La recherche centrée sur les pratiques fait appel à quatre enquêtes dont les données sontrassemblées et confrontées pour l'analyse. L'une repose sur les avis exprimés par les en-seignants de technologie lors de la consultation nationale. Les trois autres sont construitessur des entretiens avec des enseignants de technologie, les uns intervenant également dansles actions de formation initiale ou continue, les autres enseignant dans des collèges deZ.E.P.

I. ENQUETES SUR LES PRATIQUES

a) chronologie des enquêtes

Le chronogramme ci-dessous rend compte du déroulement temporel des enquêtes.

sept. 97

nov. 97

jan. 98

mars. 98

mai 98

juil. 98

sept. 98

nov. 98

jan. 99

mars 99

mai 99

juil. 99

entretiensd'essai guide

Ent. 1guideEnt. 2

Ent.1 Ent.2

analyse des donnéesrapport

guideent.

Ent. analyse

guideent.

Ent. analyseENQUÊTE 2.a & 2b

ENQUÊTE 2c

ENQUÊTE 1

ConsultationNationale

fig. 2 : Trois enquêtes auprès des enseignants de technologie

Page 22: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

22

L'enquête repérée n°1 est l'enquête principale conduite auprès de 20 professeurs-forma-teurs des académies de Créteil, de Lille, de Poitiers, d'Orléans-Tours, de Nancy-Metz etde Lyon. Deux entretiens successifs sont menés.

Les enquêtes repérées 2a, 2b et 2c, conduites au cours des années 1997-1998 et 1998-1999 auprès de dix professeurs-formateurs respectivement des académies de Lille (C.Lasson, 1998) et de Créteil (C. Lande, 1998) ainsi qu’auprès de dix professeurs de tech-nologie enseignant dans les collèges ZEP de l’académie de Versailles (O. Grugier, 1999),identifient les conceptions qu'ont ces enseignants des programmes et de la technologie51

ainsi que des modalités d'adaptation à la diversité des publics scolaires.

b) des praticiens formateurs

Adapter des pratiques d’enseignement grâce à des modalités avec leurs appuis dans la“technologie” et le contexte, suppose une conception distanciée et inventive de la disci-pline par les enseignants. Aussi, les enquêtes privilégient-elles les “praticiens-formateurs”supposés plus à même de conceptualiser leurs projets, en raison de la nécessaire mise àdistance inhérente à leurs activités de formation.

Les trois enquêtes 1, 2a et 2b s’intéressent exclusivement aux idées et aux actes de prati-ciens-formateurs. L’enquête 2c porte sur des enseignants qui ne conduisent pas une ac-tivité de formation essentiellement afin de repérer les éventuelles modifications des dis-cours selon la ou les activités des enseignants interrogés. Outre sa contribution au recueilde données dans les établissements inscrits en ZEP, cette enquête a ainsi une fonction dedistinction éventuelle de la nature des discours des professeurs-formateurs considéréscomme des “praticiens réflexifs”.

c) articulations d'ensemble

Chacune des séries d'entretiens est préparée par deux à trois entretiens d'essai afin de va-lider et d'améliorer les guides d'entretiens semi-directifs. Les tendances exprimées dansles entretiens sont également prises en compte dans les entretiens suivants. Ainsi les pre-mières rencontres qui ont montré la relative faiblesse du discours des professeurs surl'hétérogénéité ont impliqué le forçage des questions dans l'enquête principale. De même,le souci des enseignants d'exprimer les difficultés des situations d'enseignement a-t-ilimposé une première question de l'enquête principale ayant pour fonction d'aborder di-rectement ce problème pour ne pas distraire l'ensemble des réponses. Aussi l'enquête 2cest-elle induite par les enquêtes précédentes afin de contrôler l'effet du choix du publicinterrogé.

II. ENQUETE PRINCIPALE

Le choix d'une enquête par entretiens se justifie à la fois par la nature des données re-cueillies et par les contraintes inhérentes au recueil d'informations sur les pratiques. Larecherche portant sur les pratiques enseignantes, ne souhaite se réduire à l'identificationdu mode d'appropriation des nouveaux programmes et des problèmes de modificationd'identité professionnelle liée au changement (A. Gonnin-Bolo, C. Griffaton, J. Le-

51 LASSON, C. (1998). Les formateurs de technologie et les nouveaux programmes - Étude

circonscrite à l'Académie de Lille. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan, LIREST-GDSTC. 30 p+ annexes.LANDE, C. (1998). Les formateurs de technologie et les nouveaux programmes - Étude réalisée surl'académie de Créteil. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan, LIREST-GDSTC. 40 p + annexes.GRUGIER, O. (1999). Les professeurs de technologie en ZEP et l'hétérogénéité des élèves et ladiversité des contextes. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan, LIREST-GDSTC. 29 p + annexes.

Page 23: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

23

beaume, 198952). L'étude vise à déterminer et à caractériser les modalités des pratiquesadaptées de technologie. Elle ne souhaite pas seulement identifier, et le cas échéant re-grouper, les pratiques réellement mises en œuvre, ce qui en limiterait la portée. Elle viseà déceler les modalités potentielles, celles qui pourraient être mises en œuvre notammentdans le cadre de dispositifs éducatifs en réponse à des demandes de partenaires ou enapplication de politiques éducatives.

a) des entretiens structurés

Si ces modalités surgissaient spontanément, le traitement de l'hétérogénéité ne demeure-rait pas un problème. En effet, elles requièrent un minimum d'inventivité qui exige uneconceptualisation de la discipline et une prise de distance critique. Les praticiens-forma-teurs sont indéniablement les enseignants les plus à même pour rendre compte de leursfaçons de faire. Leurs rôles et leurs fonctions les amènent à interroger leur discipline afind'en fournir une lecture et d'élaborer des cadres d'action qu'ils testent, analysent et dif-fusent. Ils sont conduits par ailleurs à inscrire leurs propositions dans un processus derégulation au sein des réseaux qu'ils animent.

Une enquête par questionnaire ne permet pas la mise au jour des idées qui structurent lesconceptions de la discipline pour des actions de formation et des pratiques de classe quireprésente l'enjeu majeur de cette enquête auprès des professeurs-formateurs. En outre,saisir les pratiques des enseignants à l'aide de questionnaires conduit pour les ensei-gnants de technologie, à un taux de réponse négligeable53. Des observations de classepermettraient de répondre aux questions posées mais exigeraient des moyens incompa-tibles avec les ressources de l'équipe de recherche, le temps imparti et la diversité souhai-tée. Les modalités de recueil des données sont donc d'une part des entretiens structurés etd'autre part un recueil de traces des actions et des conceptions : objets supports d'ensei-gnement, documents de travail, cahiers de texte, "carnets de bord"…

Le recueil des données s'effectue en deux temps, la période intermédiaire étant nécessairepour l'appropriation par les interrogés du questionnement qui leur est soumis, pour desexplorations et des essais en classe.

Les entretiens portent plus particulièrement sur les pratiques développées d'une part dansle cycle d'adaptation, d'autre part dans le cycle central, en raison des orientations dis-tinctes des programmes de technologie dans ces deux premiers cycles du collège : pers-pective de consolidation pour le premier et perspective de différenciation-extension pourle second. Le cycle d'orientation dont les nouveaux programmes ne seront mis en œuvrequ'à la rentrée 1999, n'apparaît pas comme un niveau particulièrement révélateur desmodalités recherchées.

b) population étudiée

La population interrogée est constituée de 20 praticiens-formateurs exerçant dans desétablissements engagés dans la mise en place de la rénovation. Elle est partiellement ras-semblée à partir de deux groupes de praticiens-formateurs, l'un réuni dans une réflexion

52 GONNIN-BOLO, A. ; GRIFFATON, C. ; LEBEAUME, J. (1989). Sensibiliser les enseignants

d'EMT à la technologie - Quelques problèmes psychosociologiques. Paris, INRP & Universitéd'Orléans, SUFMF. 65 p.

53 remarque : des études précédentes ont montré la difficulté de recueillir des informations sur lespratiques des enseignants de technologie : cf. LAURENT, J.-L. (1996). Étude des pratiques desenseignants dans des démarches d'investigation technologique et de réalisation de projet. Mémoirede DEA. LIREST-GDSTC. 30 p. et annexesFOLLAIN, O. (1997). Panorama des pratiques au collège. Mémoire de DEA. LIREST-GDSTC. 37p. et annexes

Page 24: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

24

nationale sur le travail autonome des élèves (A. Crindal, 199454) et l'autre participant àune étude nationale sur l'élargissement des possibilités de la démarche de projet (A.Crindal, 1997). Ils représentent une population disponible dont les conceptions etorientations pratiques sont très contrastées. Ces praticiens-formateurs appartiennent à desacadémies dans lesquelles certaines orientations générales ont pu être développées : lesacadémies de Versailles, Lille, Poitiers, Orléans-Tours, Nancy-Metz, Paris et Lyon.

Cette sélection des professeurs-formateurs est négociée avec les inspecteurs pédago-giques régionaux qui sont informés du cadre institutionnel de l'enquête et des "profils"des personnes recherchées, notamment hommes et femmes d'âge divers, d'origine pro-fessionnelle différente et exerçant dans les milieux contrastés.

c) professeurs-formateurs interrogés

Les vingt enseignants-formateurs interrogés exercent dans les académies de Paris (2),Versailles (3), Orléans-Tours (3), Nancy-Metz (3), Lille (3), Lyon (3) et Poitiers (3).S'agissant de professeurs sollicités en qualité de formateur, ils ont tous plus de 35 ans : 4entre 35 et 39 ans, 1 entre 40 et 44 ans, 6 entre 45 et 49 ans, 5 entre 50 et 54 ans, 1 entre55 et 59 ans et 1 de plus de 60 ans.

La moyenne de leur ancienneté professionnelle est d'une vingtaine d'années. En raisondes parcours professionnels distincts, cette ancienneté varie de plus de 30 ans à moins de10 ans. Les professeurs interrogés sont professeurs de technologie avec des itinérairesdivers liés à l'histoire de la discipline scolaire. La moitié d’entre eux ont été instituteurs etinstituteurs de classes pratiques puis PEGC voie XIII et sont devenus certifiés de techno-logie ; un quart d'entre eux est issu du centre national de formation des professeurs detravaux manuels éducatifs et d'enseignement ménager (centre Bessières) ; le dernier quartest représenté par des enseignants ayant eu une activité professionnelle dans l'industrie,puis en qualité de maître auxiliaire dans l'enseignement technique et titularisés dans lecorps des certifiés de technologie.

La majorité des professeurs interrogés sont des hommes (14) ce qui reflète la répartitionactuelle des formateurs de technologie dans les académies.

d) modalités d'entretien

Après un échange de courriers entre les membres de l'équipe de recherche et les profes-seurs-formateurs, les rendez-vous ont été fixés. Ces courriers ne précisaient que l’intérêtpour la connaissance des pratiques d'enseignement de la technologie. Entre mars et juin1998, chacun des professeurs-formateurs a été rencontré au cours de deux entretiensd'une heure environ, généralement dans un collège, lieu de regroupement des professeursinterrogés d'une académie. Les deux entretiens, conduits par le même membre de l'équipesont enregistrés et intégralement transcrits pour l'analyse des données. Deux professeursn'ont été interrogés qu'une seule fois en raison pour l'un d'un refus après le premierentretien, pour l'autre d'un congé de maladie.

e) guides d'entretien

* orientations du premier entretien

Le guide d'entretien est structuré en trois parties : une partie introductive permettant desaisir les thématiques éventuellement importantes pour l'interrogé ; une partie relative auxpratiques d'enseignement et aux dispositifs pédagogiques mis en place ; une partie sur lesaménagements selon les élèves ou les classes. Pour cette dernière partie, des questions

54 CRINDAL, A. (1994) Rapport du stage national PNF JCDL 22A Pratiques de l'autonomie en

technologie. CNM. 77 p.

Page 25: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

25

souhaitent forcer les réponses en raison de la faiblesse des réponses recueillies lors del'enquête préalable (classes de surdoués55, classes particulièrement difficiles, élèves con-trastés à l'intérieur d'une même section).

Nous faisons une enquête sur l'enseignement de la technologie au collège pour mieux connaître lespratiques enseignantes.

Informations signalétiques :- Académie :- Établissement :- Caractéristiques de l'établissement :- Sexe :- Age :- Ancienneté professionnelle :- Formation initiale :

1. Comment vois-tu l'enseignement de la technologie dans ton académie ?

2. Et dans ton établissement ?

3. Tu as dit …………… (l'un des thèmes suivants), quel sens tu donnes, comme professeur detechnologie à ce terme ?

Cette question vise à cerner le sens attribué aux mots cités précédemment et en particulier.S'ils n'apparaissent pas demander ces précisions au cours de l'entretien

- 3.1 : autonomie- 3.2 : remédiation- 3.3 : travail de groupe- 3.4 : fabrication- (3.5 : hétérogénéité : seulement si le mot est prononcé par l'interrogé : la questionsera posée systématiquement au cours du second entretien)

4. Cette question vise à identifier les pratiques de classe et à les catégoriser, puis à préciserchaque dispositif pédagogique

4.1 : Dans ce que tu mets en place dans l'enseignement de la technologie, quels sont les genresd'organisation de la classe ?

4.2 : Peux-tu décrire ce que tu appelles ……… (en reprenant les termes de l'interrogé : TP, ate-liers tournants, ateliers multiples, classe entière…)Pour la conduite de l'entretien, il est possible de remplir un tableau avec l'interrogé au fil de sesréponses.

4.3 : Relance sur les aspects éventuellement non décrits (les points suivants visent à repérerla perception de l'interrogé de l'adaptabilité de la technologie ; il est possible d'aller au delà despoints suivants selon la teneur des discours)

4.3.1 : Que font les élèves ? et le prof ?4.3.2 : Quel est leur rôle ? (bien distinguer dans le discours rôle et tâche)4.3.3 : Tournent-ils ?4.3.4 : Comment sont les consignes ?4.3.5 : Y a-t-il des aides pédagogiques particulières ?4.3.6 : Y a-t-il un rapport avec une réalité que tu connais ?4.3.7 : Cette organisation est-elle mise en place toute l'année ?4.3.8 : Cette organisation est-elle mise en place sur tous les niveaux ?

4.4 : Parmi les genres d'organisation de la classe, tu as dit aussi ………… (autre organisationsignalée dans la question 4.2), peux-tu décrire ce que c'est ?

4.4.n : reprendre les relances 4.3.n dans la même visée.

55 remarque : cette proposition est inspirée de LEWIN, R.-H. (1994). "Craft, design and technology and

the gifted child." in F. Banks (Ed.). Teaching technology. London, Open University. 191-196.

Page 26: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

26

4.5 : idem pour les autres genres d'organisation éventuellement mentionnés

4.6 : Ces organisations dont tu as parlé, comment les as-tu connues ?

Selon les réponses de l'interrogé, poser les questions dans l'ordre 5 puis 6, ou 6 puis 5.

5. J'imagine que tu as des classes qui ne sont pas pareilles, pas identiques, pas comparables, peux-tu préciser les aménagements que tu fais dans ton enseignement de la technologie ?Il faut éviter de tomber dans les discours généraux ; à cet égard, relancer en précisant "par rap-port à ta discipline à toi" ; et dans les deux registres suivants 5.1 et 5.2

5.1 : dans l'organisation pédagogique de l'enseignement de la technologie

5.2 : dans l'aménagement des programmes de technologie

Puis forcer les questions :5.3 : Et si tu avais une classe d'enfants surdoués, que ferais-tu ?

5.4 : Et si tu avais une classe d'enfants en très grande difficulté, que ferais-tu ?

6. J'imagine aussi que dans une classe, tu as des élèves qui sont différents, peux-tu préciser lesaménagements que tu fais dans ton enseignement de la technologie ?

6.1 : dans l'organisation pédagogique de l'enseignement

6.2 : dans l'aménagement des programmes de technologie

Puis forcer la question :6.3 : Et si dans cette classe, tu avais quelques élèves surdoués et quelques élèves en grande diffi-

culté, que ferais-tu ?

7. Alors d'après toi, qu'est ce que tu considères comme invariable dans le programme de technolo-gie d'aujourd'hui, quelle que soit la classe ou quels que soient les élèves ?

8. A l'inverse, qu'est-ce que tu considères comme pouvant être modulé, transformé, adapté en fonc-tion des élèves ?

Éventuellement reprise des mots clés de la question 3 pour en préciser le sens.

9. Comme tu le sais, nous nous rencontrerons une nouvelle fois dans un mois et demi environ.Peux-tu pour ce prochain entretien apporter des traces de tes activités qui seraient d'après toi enrapport avec l'hétérogénéité. Nous entendons, par traces, des supports d'activité, l'explication de tesdispositifs, des éléments de tes préparations ou des commentaires après une séance, des momentsfilmés (si tu as cette habitude), des travaux d'élèves, des notes sur les progrès des élèves…Nous souhaiterions que tu apportes ces documents qui selon toi sont liés à l'hétérogénéité au mo-ment de ton travail.

10. Formule finale

* orientations du second entretien

Le second entretien est construit en trois parties essentielles. La première est relative aucommentaire par les professeurs-formateurs interrogés des traces qu'ils sont invités àprésenter afin d'identifier les variables prises en compte pour les adaptations des pratiquesà l'hétérogénéité. La deuxième partie porte sur les opinions des enseignants surl'hétérogénéité en veillant toutefois à rester dans les classes repérées comme ordinaires.La troisième partie souhaite permettre un approfondissement et une mise à distance en in-terrogeant l'intégration de cette question dans leurs actions de formation.

Le guide d'entretien est organisé en trois parties A, B et C. Il se termine par l’annonce d’un pro-longement éventuel, D.Les parties A et B peuvent être inversées selon l'engagement de l'entretien.

Page 27: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

27

A. Questions portant sur les traces apportées par le professeur. Il s'agit de mettre en évidence leséléments sur lesquels les adaptations sont éventuellement effectuées. Dans un premier temps lesquestions (1.1 et 1.2) portent sur une demande d'explicitation des adaptations présentées(adaptations réelles et potentielles) ; dans un second temps les questions (2.n) portent sur les va-riables qui n'ont pas été mentionnées ou évoquées (adaptations éventuellement potentielles).

1. Pour chaque trace présentée, deux questions :1.1 : Qu'est-ce qui a été fait pour traiter l'hétérogénéité ?1.2 : Qu'est-ce qui pourrait être fait pour traiter l'hétérogénéité ?

éventuellement reprendre pour cette question- que ferais-tu pour un élève surdoué ?- que ferais-tu pour un élève en très grande difficulté ?

2. Selon les réponses fournies, les questions de ce second temps portent sur les variables qui n'ontpas été mentionnées ou évoquées. Il s'agit notamment de savoir d'une part si celles-ci apparaissentlorsqu'elles sont sollicitées et d'autre part les raisons de leur prise en compte éventuelle ou non. Eneffet, pour explorer la potentialité des adaptations, il faut connaître aussi les obstacles qui, le caséchéant, interdisent certaines d'entre elles.

Pour l'entretien, ces variables (cf. annexe) sont regroupées selon 6 thématiques :- les tâches individualisées des élèves- les compétences- les équilibres (au niveau global ou au niveau local)- l'accompagnement pédagogique (en particulier le rôle du prof)- le ou les supports techniques (complexité)- l'évaluation

Les questions seront à adapter au discours engagé. A titre d'exemple :

2.1 : Tu as mentionné dans le commentaire de tes traces que tu modulais les compétences pourcertains élèves, est-ce que parfois tu proposes des tâches différentes selon les élèves ?

2.2 : Si oui, comment ? pourquoi ?2.3 : Si non, pourquoi ?

2.n : Reprendre les questions 2.1 à 2.3 pour les autres thématiques en essayant de repérerl'ensemble des variables (cf. annexe).

B. Questions relatives aux opinions des professeurs sur le sens qu'ils donnent à "hétérogénéité" et àla relation "hétérogénéité et technologie".

3.1 : Qu'est-ce que c'est l'hétérogénéité pour toi ?

3.2 : Qu'est-ce que tu en fais dans ta classe, dans tes classes ? (attention : cadrer la question pour rester dans le tronc commun, hors SEGPA, 4T…)

3.3 : Qu'est-ce que tu en fais en tant que professeur de technologie ?

C. Cette troisième partie doit permettre d'approfondir et de mettre à distance en interrogeant parrapport aux pratiques de formation.

4.1 : En tant que formateur, avec tes stagiaires comment tu abordes, comment tu interviens,qu'est-ce que tu fais sur hétérogénéité des classes et technologie ?

D. Cette dernière partie a pour intention d'entretenir nos relations avec les professeurs interrogésque nous serons éventuellement conduits à revoir. Nous leur annonçons qu'ils seront destinatairesd'un courrier à la rentrée prochaine qui les invitera à réagir à un certain nombre de "petites phrases".

annexe : Thématiques des variables

- les tâches individualisées des élèves

Page 28: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

28

- technicité des activités- rôle (nature, distribution sociale)- engins- tâches- les compétences- exigences pour les élèves- compétences notionnelles (<> programme, hors programme)- compétences instrumentales (<> programme, hors programme)- les équilibres (au niveau global ou au niveau local)- équilibre unités/scénarios- choix des PSR- choix des scénarios- progressivité- programmabilité- l'accompagnement pédagogique (en particulier le rôle du prof)- nature des approches : réalisation, investigation, présentation- durées- guidage, aide (moyens pédagogiques)- itinéraires d'apprentissage : ordre dans les apprentissages, méthodes pédagogiques,

durée, rythme, supports d'aide, rôle du professeur, des élèves- le ou les supports techniques (complexité : à faire préciser)- l'évaluation (rubriques, modalités)

Les variables sur l'enseignement, paramètres d'hétérogénéité, contraintes externes peuventégalement apparaître comme argument ou comme obstacle

- ressources (matérielles, financières, milieu technique)- dispositifs- "hommes"- politique locale d'établissement- population- temps

f) analyse des données

L'analyse qualitative des entretiens et son exploitation a pour but de reconstituer les con-ceptions et les pratiques dans leur diversité. Au delà, il s'agit de déterminer des grandstypes de modalités d'adaptation possibles, avec leurs appuis dans la discipline et le con-texte, et leurs difficultés (problème de cohérence de la discipline, obstacles dus aux ca-ractéristiques des publics, des établissements, des autres disciplines et acteurs…). Cetteanalyse est développée dans le chapitre suivant.

III. ENQUETES CONNEXES

L'enquête principale est enrichie de trois sources de données : la consultation sur les pro-jets de programmes et trois enquêtes par entretien.

a) la consultation sur les projets de programmes

La consultation sur les projets de programmes pour les classes de 3ème organisée en mars1998 complète le recueil des discours des enseignants de technologie. Cette consultationpropose des rubriques guidant la réflexion des professeurs : cohérence verticale,cohérence horizontale, socle commun, intérêt et faisabilité, allégement des contenus,amélioration de la lisibilité et suggestions. Ainsi sont exprimés les avis, les opinions et lescommentaires de l’ensemble des professeurs sollicités par l’institution via leurs inspec-teurs56.

56 cf. B.O. hors série n° 16 du 11 déc. 1997.

Page 29: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

29

Les réponses à cette consultation constituent un corpus indirect car les rubriques du guidene suggèrent pas directement de questions relatives aux publics scolaires. En raison durecueil de ces informations confidentielles, essentiellement grâce aux relations indivi-duelles des membres de l’équipe de recherche, l’analyse porte uniquement sur cinq aca-démies, soit un peu moins du 1/5 d’entre elles, majoritairement de la moitié Nord de laFrance.

Le corpus représente 362 réponses communiquées aux inspections pédagogiques régio-nales, respectivement : Lille (183) ; Orléans-Tours (92) ; Paris (46) ; Lyon (25) et Rennes(16). Chaque réponse représente un avis individuel mais plus généralement un avis col-lectif de groupes de 3 à 20 professeurs d’un collège, d'un réseau ou d'un bassin d'éta-blissements. Bien qu’il soit impossible de définir le nombre précis d’avis de professeursainsi exprimés, il peut être estimé à 1000 ou 1500 environ, ce qui représente sensiblement10 % du corps professoral.

b) deux études sur les programmes et l'hétérogénéité

Ces deux études conduites en 1997-1998 par deux étudiants de DEA dans le cadre dustage tutoré sont deux enquêtes menées auprès de dix professeurs-formateurs des aca-démies de Lille et de Créteil. Elles souhaitent identifier les idées qui structurent la disci-pline pour les professeurs. En effet le changement des programmes implique de nouveauxrepères dont les enquêtes souhaitent mettre au jour les limites entre lesquelles la structurede la technologie est identifiée.

* professeurs interrogés

Dans l'académie de Lille, ce sont 7 hommes et 3 femmes. Le groupe de professeurs inter-rogés est composé surtout de deux catégories d'enseignants : des jeunes ayant moins dedix ans d'ancienneté et une formation technique dans les secteurs industriels ou com-merciaux ainsi que des professeurs ayant environ 30 ans d'ancienneté professionnelle,auparavant normaliens, instituteurs ou maîtres auxiliaires dans les lycées techniques ouprofessionnels. Une enseignante est issue du centre Bessières.

Dans l'académie de Créteil, les enseignants ayant une ancienneté professionnelle de moinsde 10 ans sont 6, alors que les 4 autres ont plus de 10 ans. Ils ont des parcours pro-fessionnels différents : 7 d'entre eux ont été maîtres auxiliaires, l'un instituteur et les deuxautres recrutés plus récemment par le CAPET. Un seul des dix a été recruté par le CAPETexterne.

* guide d'entretien

Ces enquêtes conduites par entretiens semi-directifs sont organisées selon le guide sui-vant dont les grandes lignes s'inscrivent dans les orientations du premier entretien del'enquête principale.

1. Définition des objectifs de l'entretien, cadrage* idées à développer

- enquête à caractère exploratoire- contexte- auteurs

* relances possibles (pour contrôle)- est-ce que vous m'avez bien compris ?- est-ce que nous sommes d'accord ?- avez-vous des questions avant de commencer ?

2. Depuis 1996, les nouveaux programmes sont institués au collège (en septembre 1996 pour lecycle d'adaptation (6ème), en septembre 1997 pour les 5èmes (cycle central : 5è et 4è). Pouvez-

Page 30: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

30

vous en parler ? Quelles lignes de force en avez-vous perçues ? En résumé, quels sont les mots quivous viennent à l'esprit si l'on vous demande de décrire les nouveaux programmes ?

* idées à développer- structure de la discipline : unités, scénarios

* relances possibles- quelle(s) structure(s) repérez-vous dans les nouveaux programmes ?- qu'est-ce que la technologie de l'information ?- existe-t-il des liens entre les unités de technologie de l'information

et les scénarios ?

3. Quelles sont les articulations possibles entre les cycles ?* idées à développer

- progressivité. organisation sur l'année. sur les trois cycles

* relances possibles- distinguez-vous une progressivité sur l'ensemble des programmes de la Tech-nologie au collège ?- comment s'articulent les trois cycles ?- comment organisez-vous votre enseignement ?

4. Quels éléments prenez-vous obligatoirement en compte pour élaborer un scénario ?* idées à développer

- activités- compétences, compétences exigibles en fin de cycle- ressources- références- évaluation

* relances possibles- comment choisissez-vous un scénario ?- racontez-moi un scénario ;- comment préparez-vous un scénario ?- décrivez-moi la structure d'un scénario ;- précisez la notion de "pratiques sociales de références" ;- comment évaluez-vous ?

5. Quels éléments prenez-vous en compte pour l'enseignement des unités ?* idées à développer

- compétences- matériels

* relances possibles- comment évaluez-vous ?- choix des matériels ?

6. Vous intervenez comme formateur (trice) au titre de la MAFPEN et de l'IUFM. Pouvez-vous in-diquer ce qui constitue pour vous les noyaux durs de votre message sur ces nouveaux programmes ?

* idées à développer- cohérence : unités/scénarios- "prescriptions" en termes de matériels, de méthodes pédagogiques

7. Vous intervenez également en Collège. Quels aménagements faites-vous pour convenir à vosélèves (éviter les considérations relatives au contexte) ?

* idées à développer- recherche des adaptations programme/élèves- recherche des "potentialités" de la technologie- "variables" sur lesquelles on peut intervenir

* relances possibles- à quels moments disposez-vous d'espaces de liberté ?- ce qui peut varier en Technologie :

(rôles, tâches, exigences, durée, choix des scénarios, choix desréférences, positionnement unités/scénarios, progressivité,programmation)

Page 31: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

31

8. Informations signalétiquesformationsexeancienneté professionnelleparcours professionnel

9. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ? (vérifier les contradictions)

c) une enquête auprès de professeurs exerçant en ZEP

Cette étude menée en 1998-1999 est également conduite par un étudiant de DEA dans lecadre de son stage tutoré. Elle souhaite répondre aux mêmes questions tout en s'intéres-sant à une population particulière : des professeurs de technologie enseignant dans desétablissements de ZEP de l'académie de Versailles.

* professeurs interrogés

La population interrogée est composée de huit enseignants sollicités par courrier adresséaux chefs d'établissements. Ce sont tous les coordinateurs de leur discipline dans leurétablissement respectif.

Ces professeurs sont différents. Deux ont plus de 50 ans avec une expérience profes-sionnelle qui suit l'histoire de la discipline (instituteurs, classes pratiques, EMT). Deuxont 40 ans, l'un avec une ancienneté professionnelle de près de 20 ans tandis que l'autreest professeur depuis sa reconversion professionnelle il y a 5 ans. Plus jeune, l'un d'entreeux a 32 ans avec un parcours mêlant activité en entreprise et période de maître auxiliaire.Trois entament leur carrière. Âgés de moins de 30 ans, ils ont moins de 5 ansd'ancienneté professionnelle. Ce sont 6 hommes et 2 femmes ayant des formations ini-tiales contrastées, d'étudiants d'IUFM à des intégrations diverses avec des diplômes al-lant du bac au DESS en passant par les licences ou les BTS fabrication mécanique ou bâ-timent.

Les entretiens sont conduits dans leurs établissements et dans leurs salles de classe selonles libertés de leur emploi du temps.

* guide d'entretien

Le guide d'entretien de cette étude complémentaire vise à repérer d'une façon plus netteles pratiques en ZEP et les aménagements éventuels de la technologie à ces établissementsdésignés comme accueillant des publics particuliers bien que l'hétérogénéité parmi lesélèves ne soit pas obligatoirement nettement marquée. Ainsi sa structure est-elle proche duprécédent tout en intégrant des questions du guide du second entretien de l'enquêteprincipale.

1. Définition des objectifs de l'entretien, cadrage

2. Depuis 1996, les nouveaux programmes sont institués au collège (en septembre 1996 pour lecycle d'adaptation (6ème), en septembre 1997 pour les 5èmes et cette année pour les 4èmes (cyclecentral). Comment voyez-vous l'enseignement de la technologie avec les nouveaux programmes ?

* relances possibles- vous avez dit (l'un des termes suivants), quel sens en donnez-vous ? (fabrication, scénario, compétence attendue, ressource, CFAO…)

3. Comment organisez-vous votre enseignement dans la classe ?

* relances possibles

Page 32: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

32

- pouvez-vous décrire ce que vous appelez (l'un des termes suivants) ?(travail de groupes, atelier tournant…)

3. Quels éléments prenez-vous obligatoirement en compte pour mettre en place une séance ? (vouspouvez donner un exemple)

* relances possibles- vous avez parlé de (l'un des termes suivants) quel sens en donnez-vous ?(matériel, compétences attendues, compétences des élèves…)

4. Alors d'après vous, qu'est-ce que vous pourriez considérer comme invariable dans le programmede technologie d'aujourd'hui, quelle que soit la classe ou quels que soient les élèves ?

5. A l'inverse, qu'est-ce que vous considérez comme pouvant être modulé, transformé, adapté enfonction des élèves ?

6. J'imagine que vous avez des classes qui ne sont pas pareilles, pas identiques, pouvez-vous préci-ser les aménagements que vous faites dans votre enseignement de la technologie ?

* relances possibles- dans l'organisation pédagogique de l'enseignement de la technologie- dans l'aménagement des programmes de technologie

Et si vous aviez une classe d'élèves surdoués, que feriez-vous ?Et si vous aviez dans la classe des enfants de niveaux différents, que feriez-vous ?

7. Informations signalétiquesformationsexeancienneté professionnelleparcours professionnel

8. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

IV. ANALYSE DES DONNÉES

L'analyse des données recueillies dans des entretiens semi-directifs de l'enquête princi-pale et des enquêtes connexes est essentiellement qualitative bien que soient repérées destendances quantitatives liées à l'expression plus ou moins forte d'aspects particuliers.Cette analyse de contenu s'effectue à partir de la transcription intégrale anonymée des en-tretiens enregistrés. Elle prend en compte essentiellement les discours bien qu'elle repère,mais d'une façon non systématique, les comportements non verbaux. La grille d'analyserepère les unités de signification sur les thématiques anticipées mais aussi sur celles nonprévues mais qui semblent importantes pour les personnes interrogées.

L'analyse des entretiens de l'enquête principale a exigé quelques adaptations à la naturedes déclarations. En effet, la grille d'analyse initialement prévue à partir des différentséléments liés aux variables sur la discipline et sur le contexte s'est avérée insuffisante enraison du registre des discours des professeurs-formateurs. Afin d'extraire de cette qua-rantaine d'entretiens les données nécessaires à l'analyse, à l'interprétation et à son argu-mentation, une grille d'analyse est élaborée en quatre temps. Le premier est un repéragepar chacun des membres de l'équipe des thèmes significatifs par rapport aux questions dela recherche. Dans un deuxième temps, l'ensemble des entretiens est analysé par un seulmembre de l'équipe d'une part et chaque membre analyse les entretiens qu'il a conduitd'autre part. Il s'agit alors de repérer les discours relatifs à trois points : l'hétérogénéité,les modalités et les obstacles. Est aussi réalisée une note de synthèse caractérisant le pro-fesseur-formateur et soulignant la cohérence des pratiques décrites. Dans un troisièmetemps, la confrontation de ces analyses parallèles sur des tableaux d'analyse détailléepermet la discussion sur le sens affecté aux expressions des professeurs-formateurs.

Page 33: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

33

Cette confrontation conduit à une proposition de catégorisation qui est discutée au coursdu quatrième temps. Les tableaux finaux de cette analyse collective des données recueillisfigurent en annexe de ce rapport.

Cette analyse est présentée dans les pages suivantes selon deux parties. Elle fait égalementappel à l'analyse des données des enquêtes connexes dont les problématiques moinsouvertes n'ont exigé qu'une première mise à plat puis une catégorisation permettant uneprésentation des résultats et leur interprétation. Les trois premiers chapitres abordent ainsiles aspects dominants des pratiques évoquées et décrites au cours des entretiens. Ainsi lepremier examine les relations entre les professeurs, les nouveaux programmes et lesélèves, le deuxième décrit et analyse les modalités mises en œuvre pour s'adapter à la di-versité des contextes et des élèves, le troisième repère les obstacles signalés, mentionnésplus ou moins discrètement aux pratiques adaptées. Cette présentation des résultats estsuivie par une proposition d'interprétation des relations entre hétérogénéité, professeur etdiscipline, au cœur des pratiques enseignantes.

Page 34: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

34

Page 35: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

35

4. LES PROFESSEURSLES NOUVEAUX PROGRAMMES

ET LES ÉLÈVES

La rénovation des programmes engagée en 1996 en relation avec les changements structu-rels de l’organisation des cycles du collège correspond surtout à la structuration de ladiscipline scolaire après dix années d’implantation et d’évolution progressive dans lesétablissements scolaires.

I. DISCOURS SUR LA TECHNOLOGIE

Les enquêtes permettent de repérer la perception du changement par les professeurs detechnologie et d’identifier les conceptions de la structure de la discipline et les implicationséventuellement perçues pour aborder la diversité des élèves. Ces éléments mettent en évi-dence les relations d’ordre professionnel entre le curriculum prescrit et les professeurs.Sont présentés dans un premier temps les résultats des enquêtes auprès des formateurs,sur leur mode de conceptualisation de la technologie, c’est à dire sur leur façon de la pen-ser pour agir. Puis les résultats sont complétés avec les éléments extraits du corpusindirect concernant la consultation sur les programmes. Dans un deuxième temps sontanalysés les discours des professeurs sur l'hétérogénéité et la diversité de leurs élèves.

a) une appréhension partielle de la structure de la discipline

Les professeurs-formateurs identifient seulement d'une façon très grossière les élémentsde la discipline dans sa complexité. Pour l'ensemble d'entre eux la classe de 6è permetune découverte. Certains estiment qu'elle consolide les acquis antérieurs et d'autresqu'elle permet des élargissements ultérieurs.

«Moi, c'est comme ça que je le prends. Le programme de sixième, c'est un petit peu la boîte à ou-tils. J'apprends à utiliser les outils, ma petite boîte de sixième, euh, et puis je vais rentrer dansmes histoires de scénarios en cinquième et quatrième, dans des films.» (enquête 2)

Mais la structure de la technologie au travers des scénarios du cycle central est beaucoupplus partielle et ses articulations principales. Dans l'enquête dans l'académie de Lille, leterme "scénario" n'est cité que par 7 formateurs sur 10. Mais aucun d'entre eux n'enexplicite la structure complète "référence, ressources, activités, compétences en jeu etcompétences exigibles". Les professeurs-formateurs de l'académie de Créteil, comme les

Page 36: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

36

précédents, identifient majoritairement les compétences sollicitées ou mises à l'épreuve aucours des activités. Le même constat apparaît dans l'enquête auprès des enseignants descollèges de l'académie de Versailles. Là, les confusions sont parfois plus importantes carles programmes ne sont pas toujours bien connus. Ainsi le contenu de cette réponsemême incomplète est particulièrement rare dans les entretiens :

«On ne peut pas se détacher des compétences, des activités données, des ressources données, on nepeut pas ça.» (enquête 2)

b) le primat des compétences

Dans les réponses des enseignants, les compétences sont signalées d'une façon très im-portante. Mais si les professeurs retiennent ces intentions comme élément structurant leurspratiques, ils privilégient les compétences des scénarios en omettant plus souvent lescompétences exigibles en fin de cycle. Ainsi d'une façon nette, toutes les activités desélèves sont déterminées par les compétences à acquérir qui motivent, organisent et struc-turent les activités scolaires. Le travail en équipes et les compétences affectives socialesqui y sont associées apparaissent moins importantes.

Les professeurs-formateurs semblent ainsi concevoir leur action à partir des apprentis-sages visés même si ceux-ci ne s'inscrivent pas directement dans les compétences exi-gibles, essentielles et évaluables en fin de cycle. Comme le remarque C. Lasson, ilsemble exister une prégnance très forte de la pédagogie par objectifs et des repères qu'ellefixe pour l'enseignant57. L'enquête sur les causes de résistance à l'introduction desactivités à dominante manuelle et technique58 (1985) avait déjà montré le souci desenseignants d'appuyer leurs pratiques sur des apprentissages légitimes. Les compétencesdes scénarios peuvent alors répondre à ce vœu. Mais ne repérer que les compétencesimplique une transformation radicale de la technologie en substituant une pédagogie parobjectifs à la pédagogie de projet d'une part et en perdant de vue les visées éducativesd'autre part.

c) un changement peu identifié

En réalité, les professeurs-formateurs n'identifient pas le changement majeur que souhaiteporter le nouveau programme. L'écriture sans doute insuffisamment claire et la lecturepeut-être trop interprétative expliquent vraisemblablement ces écarts entre le curriculumprescrit et le curriculum lu59. Mais plus fondamentalement, ces différences mettent enévidence les nuances dans la conception des programmes et des disciplines. Le primat descompétences comme les discours sur les pré-requis montrent que la technologie est perçuecomme une discipline cumulative à structure linéaire. Cette représentation des pro-grammes et de la discipline fait obstacle à l'identification des éléments qui l'organisentcomme une matière scolaire particulière, distante des mathématiques ou de la grammairequi restent les grands modèles des disciplines scolaires.

57 remarque : La distinction entre compétences et objectifs ne souhaite pas ici suivre les fausses pistes

soulignées par PERRENOUD, P. (1997). Construire des compétences dès l'école. Paris, ESF.(chap. 1 : la notion de compétence, 23-42)

58 ABRIGHI. A. ; FABRE, M. ; SBAI, R. ; JOUVENET, J.-P. (1985). Les causes de résistance àl'introduction des activités à dominante manuelle et technologique à l'école et au collège , enquête1982-84. Rapport de recherche. Paris : INRP/Lyon : LPDE.

59 remarque : Les enquêtes sur la lecture des programmes de physique montrent aussi l’obstacle des“routines”.cf. COUCHOURON, M. ; VIENNOT, L. ; COURDILLE, J.-M. (1996). "Les habitudes desenseignants et les intentions des nouveaux programmes d'électricité en classe de quatrième."Didaskalia. 8, 81-96.HIRN, C. (1995). "Comment les enseignants de sciences physiques lisent-ils les intentions didactiquesdes nouveaux programmes d'optique de classe de quatrième ?" Didaskalia. 6, 39-54.

Page 37: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

37

II. PROPOS SUR LES PROJETS DE PROGRAMME

La consultation sur les projets de programmes pour les classes de 3ème organisée en mars1998 permet de compléter le recueil des discours des enseignants de technologie.

a) un taux de réponse relativement faible

Ces réponses sont marquées par le faible taux de participation des professeurs dans lesdifférentes académies, contrairement aux précédentes consultations. Presque tous les rap-ports communiqués pour la synthèse nationale le mentionnent60. A titre d’exemple, lerapport de l’académie de Créteil note “ces faibles pourcentages, nettement inférieurs à laconsultation précédente (…) ont des raisons diverses : le report de la consultation (…), ledésengagement et l’amertume des enseignants”. Les motifs évoqués signalent en particu-lier le découragement voire le désabusement des professeurs qui manifestent ainsi leurindifférence aux prescriptions de l’enseignement dont la cohérence avec les conditions demise en œuvre est perçue comme particulièrement fragile.

«…de la part de collègues à qui manquent les mots pour exprimer leur écœurement. En effet laDHG nous concocte 1h30 de technologie… en classes entières. Il semblerait que nombre de prin-cipaux de collèges se soient concertés quant à la récupération de moyens… au détriment de laTechnologie.» (CN61)

Cette forme de refus de participation est en partie liée à la concomitance des informationsreçues dans les établissements, relatives aux prévisions des moyens horaires pour la ren-trée suivante, qui imposent des conditions de travail incompatibles avec les prescriptions.En effet, la dotation horaire globale des établissements rend souvent caduques les dispo-sitions - parfois les avancées - antérieures concernant l’organisation pédagogique dessections (2 classes 3 groupes) selon les orientations de la circulaire de prérentrée 1997.

b) des réponses revendicatrices

Dans ce contexte, les réponses exprimées mettent très souvent l’accent sur les incohé-rences de faisabilité identifiées et à exacerber un discours revendicatif sur les conditionsd’enseignement. Ainsi d’une façon assez générale le projet de programme est-il jugé inté-ressant et d'une cohérence logique avec les cycles précédents. Mais en même temps, il estjugé impossible à mettre en œuvre compte tenu des conditions associées. Quelques ré-ponses exprimées résument l’ensemble des avis :

«Le contenu du programme est globalement intéressant dans la mesure où il approfondit des no-tions ébauchées dans les classes précédentes.» (CN)

«Nous contestons le côté ambitieux, voire utopique, du programme quand nous continuons à tra-vailler avec des effectifs de 27, 28 élèves par classe (…).» (CN)

Le ton de certaines réponses révèle à la fois les demandes des professeurs mais aussi leurdésarroi face à l'impossibilité d'assurer leur mission :

«Dans tous les collèges de France on enseigne les mêmes choses, on fait les mêmes exercices, onpeut faire passer les mêmes examens, dans toutes les matières sauf… en Technologie. Qu'un élèvechange d'établissement et on constate qu'il n'a pas les mêmes acquis. (…) Décidez-vous à normali-ser les outils de notre enseignement (…). Mettez à l'honneur la technologie. Faites la devenir unematière de base. (…) Arrêtez ça ! Et on entendra peut-être un jour les parents dire "Tu as révisé tatechno ?"» (CN)

60 cf. MENRT-DESCO. (1998). Projets de programme du cycle d’orientation du collège. Technologie.

Consultation nationale. Synthèses académiques. 45 p.61 remarque : les citations issues de la consultation nationale sont repérées (CN)

Page 38: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

38

En outre, ces réponses exprimées doivent être saisies, comme dans les enquêtes précé-dentes, comme des réactions à une obligation de modification voire de changement despratiques. A la date de ces réponses, il s’agit donc de la phase d’information sur ces pres-criptions (R. Vandenberghe, 1986)62 qui mettent en évidence les représentations que lesprofesseurs se font d’eux et de leurs pratiques, et le cas échéant, les résistances qu’ilsmanifestent face aux changements perçus ou imaginés.

c) les professeurs, les élèves et les programmes

Parmi l’ensemble des réponses exprimées et compte tenu à la fois du contexte institution-nel de la consultation et de ses modalités, les discours n'évoquent les élèves que d’unefaçon assez mineure. Ainsi 64 réponses sur les 362 exprimées s’y réfèrent explicitement.C’est un peu moins d’une réponse sur 6 qui mentionne les élèves alors que la quasi tota-lité exprime les conditions de l’enseignement (les équipements en particulier informa-tiques, l'effectif des classes ou des sections, l'horaire de l'enseignement et dans unemoindre mesure la formation des professeurs).

«Après lecture du programme de 3ème et étant données ses ambitions dans les trois parties propo-sées, nous avons été amenés à nous poser des questions d'ordre général à propos- des effectifs : les groupes allégés nous semblent indispensables pour une bonne application du

programme. Seront-ils respectés dans tous les collèges ?- de l'horaire : l'envergure du programme nécessite impérativement des séances de 2 heures.- de l'équipement : peut-on espérer un équipement complet pour la mise en route du programme et

comment sera assuré son financement ?- de la formation : la formation nous paraît indispensable pour une utilisation aisée des matériels

nouveaux. Comment sera-t-elle assurée ?» (CN)

Les commentaires évoquant les élèves font état des perceptions qu'ont les professeurs duprogramme dans ses relations aux élèves. En ce sens, la plupart des commentaires ex-prime les écarts entre l’élève idéal tel qu’il est perçu en filigrane des programmes et l’i-mage de l’élève que les professeurs qualifient de “moyen” ou d’élève “type”, construite àpartir de leur expérience professionnelle. Ainsi les enseignants décrivent-ils l’élève idéaltel qu’ils se le représentent à partir de leur perception du programme. Les réponses met-tent l’accent sur les inadaptations du projet de programme aux élèves en difficulté. Maisindirectement, en critiquant les programmes, ils expriment les caractéristiques qu’ils attri-buent aux élèves.

«Le programme présente un certain intérêt pour des élèves motivés, ayant les compétences et capa-cités requises ce qui est rarement le cas. Programme ambitieux qui ne répond pas aux spécificités del’élève type de collège.» (CN)

«En général, l’élève de 3ème n’est pas suffisamment mature intellectuellement pour réussir entechnologie avec un tel programme.» (CN)

d) des différences

L’analyse de ces réponses mentionnant les élèves permet de repérer des discours distinctsqui décrivent en creux cet élève idéalisé. En effet, elles comportent quelques indicationssur la qualification des élèves au travers des critiques du programme. Bien que l’analysequantitative de ces réponses ne soit pas pertinente, quelques tendances dans la fréquencedes occurrences sont précisées.

* par rapport à l’orientation scolaire et professionnelle (environ une réponse sur vingt)

62 VANDENBERGHE, R. (1986). "Le rôle de l'enseignant dans l'innovation pédagogique". Revue

Française de Pédagogie. Paris, INRP. 75, 17-26.

Page 39: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

39

Le programme est ainsi déclaré non adapté pour les élèves dont les perspectives d’orien-tation seront les voies professionnelles ou l’apprentissage. L’histoire des solutions à unproblème technique est alors considérée comme inutile.

«Cette partie du programme n’est pas utile pour les 30% des élèves qui vont vers les BEP, CAP etapprentissages.» (CN)

Une réponse critique la dominante industrielle des programmes ne permettant pas de ré-pondre aux intérêts des élèves qui choisissent une orientation vers les filières classéesdans le domaine tertiaire (comptabilité, hôtellerie…). Ces commentaires s’accompagnentde remarques complémentaires relatives à l’absence de contenus portant sur la connais-sance de l’entreprise ainsi que sur les stages, c’est à dire sur la découverte du milieu so-cio-technique.

* par rapport aux élèves socialement défavorisés (environ une réponse sur vingt)

Le programme est également considéré comme insatisfaisant pour les élèves socialementdéfavorisés, ce qui ne leur permet pas pleinement de participer aux activités d’enseigne-ment. Les motifs évoqués sont l'impossibilité financière d’acquérir les produits quiconstituent la base de l’enseignement ainsi que l’absence d’équipement informatique fa-milial.

«La multiplication des productions nous amène à nous interroger sur la réaction qu’auront lesélèves qui ne pourront pas financer les différentes productions. Ne vont-ils pas se sentir enmarge ?» (CN)

* par rapport aux élèves qui exigent un soutien scolaire (environ une réponse sur dix)

Le programme est jugé trop chargé pour les élèves en difficulté scolaire. Cette surchargeest estimée en termes essentiellement quantitatifs. Il ne permet pas d’une part aux élèvesde couvrir l’ensemble des activités prescrites et d’autre part aux professeurs d’apporter lenécessaire soutien individualisé que ces difficultés appellent. Les professeurs signalentalors que le temps imparti n’est pas suffisant.

«(…) pour les classes à effectif allégé ayant un profil spécifique, il faudrait avoir la possibilité depasser plus de temps sur la fabrication avec les élèves.» (CN)

«Le professeur dispersé entre des activités multiples est dans l’impossibilité de consacrer auxélèves en difficulté (ponctuelle ou non) le temps et l’attention qui seraient nécessaires.» (CN)

* par rapport aux élèves démotivés (environ une réponse sur dix)

L’intérêt des composantes du programme, même s’il est largement apprécié, est toutefoiscritiqué pour les élèves “qui refusent le système” et pour ceux dont l’intérêt risque d’êtreémoussé par les activités proposées, jugées trop intellectualisées et distantes de leur pré-occupations immédiates.

«La partie histoire des solutions techniques est intéressante intellectuellement mais nous semble denature à démotiver les élèves faibles.»«Il semble que le programme ne soit pas destiné à tous les élèves du collège. Comment réagira unélève en difficulté pour qui la réalisation était très valorisante ?» (CN)

Cette agrégation d’avis différents confortent le jugement de valeur relatif au niveau desélèves qui constitue l’essentiel des critiques formulées.

Page 40: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

40

* par rapport à leur niveau (environ 3 réponses sur 4)

Si une réponse sur six environ prétend sans autre commentaire que le programme ne cor-respond pas au niveau des élèves de collège, les autres réponses signalent deux argu-ments essentiels. Le premier se formule par l’incapacité intellectuelle présumée des élèvesà atteindre le seuil final proposé par les programmes. Les professeurs soulignent le plussouvent que les élèves ont besoin de plus d’activités pratiques et que les programmes in-tellectualisent la discipline en faisant une part essentielle à des travaux écrits. Sur ce re-gistre de critique, les enseignants signalent en particulier que les difficultés des élèvesdans les connaissances instrumentales et dans la maîtrise de l’écrit représentent les obs-tacles majeurs à la mise en œuvre du programme alors jugé “ambitieux”. Le second ar-gument signalé considère l’état initial supposé des élèves : “si tous les élèves n’ont pas lespré-requis nécessaires”. Ces pré-requis, pré-acquis… sont cités comme non disponiblespar les élèves pour engager les activités prescrites. En ce sens, les professeurs signalentque les collégiens ne sont pas en mesure de mobiliser les compétences des cycles précé-dents et d’effectuer les “transferts” entre les activités de synthèse ou d’extension propo-sées pour ce cycle. En d’autres termes les professeurs signalent ou bien que les élèvesn’ont pas “les bases nécessaires” ou bien qu’ils ne sont pas capables de suivre en raisonde leurs compétences scolaires ou intellectuelles.

Par ces deux arguments majeurs les enseignants considèrent que les projets de pro-gramme ne correspondent pas au niveau des élèves ou à leurs modalités de travail sco-laire. Le manque d’autonomie est ainsi maintes fois cité comme étant un obstacle à laconduite des activités par les élèves. Parfois ces commentaires sont plus directement as-sociés à l’usage de l’ordinateur.

«…le programme présenté nous paraît trop ambitieux et inadapté aux capacités d’un élève de3ème.» (CN)

«A la deuxième lecture, le consultant est sonné et se demande à quel niveau universitaire s’adressele programme !!… démentiel pour un élève de 3è, utopique matériellement (…) grave pour lesconcepteurs qui semblent ignorer ce qu’est l’élève de collège (rural de surcroît) !Le bipède que nous abritons a d’énormes problèmes de lecture, compréhension de texte, raisonne-ment, méthodologie, attention, etc.… dus sans doute aux situations familiales diverses, socialesdifficiles… et j’en passe. Ces difficultés sont sans doute également liées aux conditions de travaildans l’école primaire (classes surchargées, manque d’enseignants, de psychologues scolaires, desuivi médico-social sérieux…etc.… etc.…). Certains vont me dire, que justement la technologie,par son côté pratique, peut régler une partie de ces problèmes. Peut-être !» (CN)

L’ensemble des descriptions des élèves révèle les contrastes entre l’élève idéal et l’élèveréel. Ce dernier serait ainsi un collégien qui n’est pas capable de mobiliser et de réinvestirses acquis antérieurs, qui ne parvient pas à travailler en autonomie et qui éprouve des dif-ficultés scolaires souvent adjointes à des difficultés sociales et intellectuelles.

e) les professeurs et les programmes

Les critiques ainsi formulées mettent en évidence une position maximaliste par rapportaux programmes. Ceux-ci fixeraient une “borne” absolue représentant les compétencesexhaustives que tous les élèves devraient acquérir. Cette borne n’est pas alors perçuecomme correspondant à “élève moyen” ou “élève type”. Les professeurs révèlent ainsiqu’ils considèrent la variété des élèves comme se répartissant d’une façon normale autourde la moyenne. Ils expriment alors l’écart à la moyenne ressenti. Bien que certains d’entreeux affirment l’exigence de construire des “bases”, le programme est perçu essentielle-ment dans une perspective de maîtrise des compétences.

D’une façon très rare, quelques réponses mentionnent en revanche l’idée que la diversitédes programmes est une opportunité pour satisfaire la diversité des élèves.

Page 41: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

41

«Ce nouveau programme devrait mobiliser la plupart des élèves de troisième, car chacun peut ytrouver matière à motivation. En effet, la diversité des domaines abordés (gestion commerciale,dessin technique, conception électronique pour les “matheux” ; fabrication pour les “manuels” ; ré-daction de publicité, d’un emballage, de pages Web, de messages publicitaires papier ou vidéo pourles “artistes ; l’histoire des techniques pour les “historiens” et surtout informatique pour tous)permettra à chaque élève d’y trouver satisfaction à un moment ou à un autre.»

D’autres enfin jugent le programme comme une initiative nationale incompatible avec lescontextes locaux et souhaitent des possibilités d’aménagements locaux selon les contexteset les élèves. Ils suggèrent en ce sens une flexibilité :

«Les conditions de travail devenant de plus en plus différentes d’un collège à l’autre (ZEP :Sensible, collège classique, un allégement est souhaitable et recentré sur les acquis fondamentaux.Une certaine flexibilité est souhaitable.»

«Cette remarque suppose que chaque collège puisse avoir une plus grande autonomie suivant sonimplantation locale et sociale sans perdre de vue l’évaluation de la technologie et l’adaptation desélèves à leur vie future sachant que des options technologiques sont envisageables pour certainsélèves.»

Deux réponses souhaitent attribuer une fonction différente au programme en s’appuyantpour l'un sur le vieux précepte pédagogique “un programme est fait pour y puiser et nonpour être épuisé”, en citant pour l'autre une formule attribuée à C. Pair "les programmessont faits pour les élèves et pas l'inverse". Mais dans l’ensemble, c’est l’idée forte que leprofesseur doit appliquer le programme qui transparaît dans les discours. Puisqu’un pro-gramme s’applique, les transformations qu’opère l’enseignant ne sont pas déclarées, re-fusant la légitimité d’une adaptation de ces textes officiels faisant loi.

f) les professeurs et l’hétérogénéité

Les professeurs citent très rarement le mot “hétérogénéité” dans leurs réponses. Il ne fi-gure que 5 fois parmi les 362 réponses. Utilisé dans les expressions “niveau hétérogènedes classes” ou “classes hétérogènes”, le terme est surtout employé pour évoquer lesélèves en difficulté. Ainsi est-il fréquemment associé aux situations de ZEP signalant ainsique l’hétérogénéité signifie cet écart entre leurs élèves et l’élève idéalisé par les pro-grammes. Quelques précisions dans les réponses distinguent l’hétérogénéité entre lesclasses et l’hétérogénéité parmi les classes.

g) des réserves

Le faible nombre de réponses signalant spontanément les caractéristiques du public sco-laire suggère quelques interprétations de ce silence dans la communication vis à vis del’institution. La première hypothèse est que la préoccupation des élèves est mineure parrapport aux questions plus matérielles. La deuxième suppose que les réponses adressées àl’institution ne portent seulement que les sollicitations d’ordre structurel auxquelles le“ministère” est présumé susceptible de pouvoir répondre. La troisième peut être celled’une forme de pudeur pédagogique qui tendrait à ne pas évoquer publiquement cettequestion dont le traitement et la mise en œuvre de solutions sont du seul ressort de la pra-tique enseignante. On ne parlerait pas alors des problèmes que l’on rencontre et que l’onne parvient pas toujours à résoudre sans avoir les conditions de travail facilitant cette priseen charge. Les critiques sur les conditions matérielles masqueraient alors le discours surles élèves.

Page 42: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

42

III. COMMENTAIRES SUR L’HÉTÉROGÉNÉITÉ

Au cours du premier entretien, les professeurs-formateurs interrogés sont invités à décrirel'enseignement de la technologie dans leur académie et dans leur établissement. Au gré deces opinions, impressions et avis, les réponses évoquent “l’hétérogénéité” telle que lesprofesseurs-formateurs la perçoivent, l’identifient et la caractérisent. Lors du second en-tretien, cette “hétérogénéité” est en filigrane des échanges. Elle évoque la technologie en-seignée d'une part, les élèves d'autre part.

a) à propos de la technologie

Leur propos signale les difficultés qu'ils rencontrent dans la mise en œuvre de la techno-logie ainsi que la diversité de son enseignement dans les académies dans lesquelles ils in-terviennent.

«Alors dans l'académie, je vois des pratiques très disparates… euh dues soit à la formation initialedes gens qui peuvent soit venir justement des TME et il y a peut-être quelque nostalgie un petitpeu qui, qui, qui reste, on s'y attache un petit peu à ce genre d'activité un petit peu d'ordre domes-tique ou artisanal. On voit aussi par ailleurs des gens très enthousiastes… sur les nouvelles tech-nologies tout ce qui est du domaine de l'informatique, de la robotique ; ça ce serait les extrêmes.»(E163)

«Moi je vois une discipline un peu sinistrée au niveau de la technologie : par manque de moyens,manque d'heures, je pense, attribuées à la technologie, heures consacrées du moins à la technologiepar les chefs d'établissements qui font que l'enseignement n'est très souvent assuré qu'à 50% del'horaire normal ; et des conditions matérielles qui sont loin d'être celles prévues par les textes,c'est à dire des groupes allégés de moins de 20 élèves et puis un matériel conséquent.» (S1)

Ces propos sur la technologie soulignent la diversité et les contrastes de l'enseignement.Comme dans les réponses de la consultation nationale, sont mentionnés les conditionsmatérielles d'équipement, les horaires et les effectifs des sections.

b) l'hétérogénéité

En raison des choix méthodologiques explicités précédemment (cf. p. 21), les guidesd'entretien des vingt formateurs ne prévoient que la demande d'explicitation de "l'hétéro-généité" à la fin du second entretien, excepté dans les cas où les enseignants le signalentspontanément. Alors que les descriptions de la mise en œuvre de la technologie pouvaientlaisser penser que le thème de l'hétérogénéité des publics scolaires serait un thème spon-tanément abordé, il n'en est rien. Les discours des professeurs-formateurs mettent enévidence, comme dans les réponses à la consultation nationale, les questions de faisabilitéauxquelles la diversité ou l’hétérogénéité des publics scolaires n'est pas associée. Cettecaractéristique des publics n’est pas ainsi une contrainte dont ils font part. Et c’est mêmeune question qui surprend souvent.

* une question qui surprend

Ils font ainsi part de leur surprise de l'orientation de l'enquête. C'est ce qu'ils signalent enfin de premier entretien, ou en introduction lors du second.

«Ça a été la grosse question, parce que je m'attendais pas au début, quand on… la première fois.»(Q2)

«C'est pour ça que je, c'est vrai, que tu me poses un peu une colle !» (D1)

«Très bonne question ! Mais… ?» (G2)

63 remarque : les réponses des professeurs-formateurs sont repérées par une lettre et un chiffre indiquant le

premier ou le second entretien.

Page 43: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

43

La surprise est également manifeste lorsque l’entretien aborde leurs actions en qualité deformateur. Pour tous, c’est un thème absent des formations qu’ils encadrent ou qu’ils as-surent.

* un terme peu utilisé spontanément

Au cours du premier entretien qui prévoit de ne pas utiliser le terme "hétérogénéité" et sesdérivés, seulement environ un professeur-formateur sur deux l'emploie pour caractériserles classes.

«Je trouve qu'ici, on a des classes homogènes, par choix de l'établissement.» (A1)

«Les classes sont constituées d'une façon hétérogène au départ.» (E1)

«Nous avons des classes assez homogènes c'est à dire que nous avons, par exemple, j'ai une classede germanistes qui est à l'opposé d'une classe qui fait de l'espagnol ; on ne retrouve pas du tout lemême profil d'élèves dans ces classes là et c'est vrai que la conduite de la classe ne se fait pas dutout de la même façon (…).» (L1)

Lorsqu'au fil de l'échange les questions conduisent à faire préciser le sens attribué à ceterme et les modalités mises en œuvre, les professeurs engagent une réflexion. Ils préci-sent alors le sens.

«Euh, l'hétérogénéité c'est, on peut trouver un autre terme, des niveaux différents, mais des niveauxde quoi, je crois que c'est des capacités d'abstraction différentes.» (J1)

«Ben c'est le gros problème. Non mais l'hétérogénéité, si tu veux, c'est… C'est fou… Ça peut al-ler simplement quand tu mets par exemple sur une fiche un terme, la compréhension du terme.»(O1)

* l’hétérogénéité entre les classes et parmi les classes

L'hétérogénéité est surtout considérée du point de vue des classes, chacune d’entre ellesétant identifiée comme une entité particulière comparable à une autre. S’opposent ainsi lesclasses de “redoublants” aux “normales”, les classes de “latinistes-germanistes” aux“hispanisants-anglicistes” (K2), voire selon les désignations locales, les classes “AIS”aux classes “CAMIF”. Bien que le terme “hétérogénéité” ne soit pas souvent signalé, cesréponses signalent qu’ils ont rencontré ou qu’ils rencontrent ces situations d’enseigne-ment contrasté. Les professeurs distinguent cependant l’hétérogénéité entre les classes etl’hétérogénéité à l’intérieur des classes pour lesquelles les aménagements semblent moinsfaciles.

«Quand on a des classes homogènes mais hétérogènes entre elles, on peut toujours modifier sa fa-çon de procéder, en supprimant une partie du programme, en le simplifiant ou en modifiant sespratiques pédagogiques mais quand l’hétérogénéité est au sein de la classe, on ne peut pas faire uncours individuel pour chaque élève, moi en tout cas, je ne peux pas le faire. Je peux simplementrenforcer les explications pour certains que je sais être plus lents ou qui ont des problèmes de com-préhension du Français, montrer de façon plus concrète car je sais qu'ils ne comprennent pas for-cément ce que je dis.» (B1)

La diversité des élèves au sein d'une même classe est également mentionnée, mais d'unpoint de vue des pratiques de gestion de cet écart ou de ses implications sur l'organisationpédagogique.

«On gère l'hétérogénéité dans la même classe.» (J1)

«On a une hétérogénéité un peu grande. Quand on a un élève qui va avoir terminé très vite de faireun certain travail et qu'un autre sera très en retard (…).» (N1)

Page 44: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

44

«On a déjà essayé, on a essayé de mélanger les groupes, de faire des groupes très hétérogènes à l'in-térieur d'une classe très hétérogène et on se rend compte qu'il y a des éléments passifs, des élémentsqui au contraire s'ennuient un peu parce qu'ils sont toujours obligés de traîner les éléments passifs,alors on a laissé faire des choses ; c'est, dans notre établissement, ce qui semble être le plus porteurde richesse.» (T1)

Certaines réponses font état d'opinions nettement affirmées de refus de considérer la di-versité des publics comme une situation problématique pour l'enseignement.

«Est-ce qu'on veut combler l'hétérogénéité d'une classe… ou alors bon.» (Q1)«Homogénéité. Et bon, il est vrai que je parle pour les classes générales.» (Q1)

«On n'a pas de classes différentes.» (K1)

c) diversité des individus et hétérogénéité scolaire

Les réponses des professeurs à la question directe qui leur est posée au cours du secondentretien "Pour vous, c'est quoi l'hétérogénéité ?", permettent de préciser le sens qu'ilsassignent à ce terme dans leurs pratiques professionnelles. D'une façon nette, toutes lesréponses évoquent les élèves d'un point de vue individuel. Toutefois une réponse surdeux se limite aux caractéristiques scolaires alors que l'autre s'étend à la diversité "natu-relle" des enfants et des adolescents. Il convient ainsi sans doute de distinguer cette di-versité des individus et l'hétérogénéité scolaire.

* hétérogénéité scolaire

Les définitions de l'hétérogénéité exprimées en termes de différences de niveaux, decompétences ou de performances scolaires renvoient plus ou moins directement aux pra-tiques des enseignants et aux représentations qu'ils se font de leur professionnalité.Certaines réponses expriment les difficultés voire les carences des élèves. L'hétérogénéitéqualifie ainsi les élèves qui ne répondent pas à l'élève "normal" et dont les difficultés sontdes pathologies scolaires. Ce sont les distinctions les plus fréquemment signalées commele note A. Bouchez (1994) : “L’hétérogénéité semble pouvoir être répartie selon deux cri-tères : les élèves de niveau scolaire très différents dans les connaissances de base et sur-tout dans la capacité à maîtriser la langue dès la 6° et ceux dont le comportement pose desproblèmes de vie et d’intégration dans la classe ou l’établissement”.64

«C'est un groupe d'enfants qui t'est confié dans lequel l'institution, ou pour lequel l'institution tedemande d'atteindre ou de développer certaines compétences et que tu repères soit au départ des in-suffisances d'acquis ou des insuffisances de, disons de savoir et de savoir-faire ou vraiment descomportements qui ne sont pas compatibles avec un travail disons de groupe, puisqu'on travaille engroupes en technologie. Heu, donc dans le savoir-être et cette hétérogénéité de départ, tu dois tendrelà… au niveau individuel.» (O2)

«L'hétérogénéité pour moi c'est d'avoir dans une même classe des élèves qui n'ont pas du tout dutout les mêmes niveaux d'évolution de leur pensée ou de leurs acquis, de leurs compétences maisdans tous les domaines je dirais, donc il y en a certains qui peuvent avoir de gros problèmes avecl'expression orale, d'autres avec l'expression écrite, d'autres avec l'organisation de leur espace (…)mais c'est vrai que quand on a affaire à des niveaux très différents dans les domaines que je viens deciter c'est très difficile à gérer.» (A2)

«L’hétérogénéité qui est une chose naturelle, porte en fait sur des différences ou des nuances dansles capacités cognitives.» (J2)

64 BOUCHEZ, A. (1994). Livre Blanc des collèges. Rapport du président de la commission “Un

Nouveau Collège Pour Tous” à l’attention de M. F. Bayrou, ministre de l’Éducation nationale. Paris,MEN. 25 p. et annexes.

Page 45: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

45

Bien que certains enseignants considèrent l'hétérogénéité comme des écarts à une norme,ils portent plutôt un jugement positif et cherchent à apporter des solutions contribuant auxprogrès des élèves.

«C'est le traitement des… moins bons. (…) Donc ce que je veux dire par là, c'est que on peut avoirdes élèves… Il y a forcément des aptitudes chez tous les élèves et la difficulté, c'est d'arriver à les…déjà à les détecter, à les repérer et puis deuxièmement de faire en sorte de mettre à leur dispositionce qui permettrait justement de… Et peut-être que par là, on pourrait les raccrocher sur autrechose.» (P2)

«L'hétérogénéité d'une classe pour moi, ben c'est la prise en compte d'abord, non plus d'un groupe,mais d'un ensemble, enfin par rapport à un groupe élèves, non plus la prise en compte je dirais dugroupe mais de l'individu. Donc, ce qui implique… la prise en compte de l'individu fait que… si ona par exemple un groupe de dix-huit élèves, et c'est toute la difficulté d'ailleurs, parce que travaillerclasse entière, c'est plus possible, enfin, là, il y a un truc qui est une aberration par rapport à ça,heu, c'est la prise en compte de l'individu et essayer dans la mesure du possible de répondre à … àchaque élève par rapport à ce qu'il est, son niveau, heu, alors qui peut aller dans le sens du plusfaible (accompagnement d'élèves en difficulté) ou bon, ben, c'est ce qu'on avait essayé de mettre surla voie, c'est-à-dire l'élève à la limite qui a pas de problème, qui roule quoi.» (Q2)

D'autres signalent que cette hétérogénéité dans le sens défini est distincte de l'hétérogé-néité appréciée dans les autres disciplines.

«Et bien, je dirais les différences constatées de niveau, on en avait parlé un petit peu au début d'ail-leurs, de niveau des élèves. Mais qu'est-ce qu'on entend par niveau, comment est-ce qu'on leconstate, on, il n'y a pas de méthode vraiment, de méthode scientifique, c'est une méthode tout àfait subjective de la part du professeur et c'est ce qui me gêne, je ne sais pas si vous me donnez unesolution pour repérer… je vous ai dit tout à l'heure, il y a un enfant qui ne va pas suivre, bon : est-ce que c'est parce qu'il a des difficultés de compréhension ou est-ce que c'est des difficultés… jeveux dire on passe quand même par la lecture pour réaliser un travail, par la lecture, par la compré-hension de ce qu'ils lisent donc là on repère des difficultés qui vont se retrouver dans toutes les dis-ciplines, donc ce n'est pas forcément une hétérogénéité propre à la technologie.» (R2)

«Ça dépend des niveaux. En 6è je peux pas la caractériser en terme de connaissances diverses, ils ar-rivent avec peu de connaissances, à part les quelques gamins qui ont fait quelque chose dans le do-maine électronique -ils sont très peu nombreux dans le secteur- je leur demande de patienter en at-tendant que les autres les aient rattrapés. L'hétérogénéité en 6è je la vois surtout dans l'habileté, lasûreté du geste, l'assurance que les gamins peuvent avoir.. Ce qui est énorme, énorme. En 5è, celase voit un peu moins mais ça peut se sentir jusqu'en 3è parfois et je me sens un peu démuni. En6è il y a des gamins qui sont très hardis, cela ne les empêche pas de commettre des maladressespour ne pas dire plus mais il y a des gamins qui sont excessivement craintifs, réticents, etc.… Etje la vois beaucoup à ce niveau là l'hétérogénéité. (…) Je suis persuadé que dans les autres disci-plines ils ne la considèrent que sous l'angle des connaissances ou du niveau de compétences.» (G2)

Mais ces avis individuels se contrarient parfois, comme les propos tenus à propos dugeste, à la fois critère de différence ou signe d’équivalence. La technologie permet ainside révéler des domaines dans lesquels les élèves ne sont pas différents les uns des autres.

«(…) il y a très peu d'hétérogénéité au niveau du geste, (…) ils savent tous faire et par contre sitôtqu'on a une réflexion à mener, là, il y a blocage et il y a tout de suite problème.» (D2)

Enfin, un professeur-formateur oppose l'hétérogénéité des élèves à l'hétérogénéité desactivités technologiques, offrant ainsi une solution pédagogique pour concilier les deux.

«Il y a plusieurs hétérogénéités. Il y a l'hétérogénéité des élèves, là ce qui vient en premier. (…) Ily a l'hétérogénéité évidemment des activités que l'on propose. Et les deux entre elles ont matière àse rendre service. Mais ça dépend jusqu'où on veut pousser les compétences, disons jusqu'à quel ni-veau on veut atteindre pour les compétences, quelle maîtrise on veut pour les compétences. Onpartirait du travail posté et puis on arriverait au travail d'ingénieur quoi. Et puis dans mes objectifsce serait de proposer dans les exercices, ce serait de proposer dans les exercices une gradation pourque chacun puisse aller jusqu'où il veut.» (H2)

Page 46: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

46

* diversité des individus

Les professeurs définissent l'hétérogénéité comme un attribut des individus, évoquant à lafois des différences sociales, physiques… Cette extension de la notion d'hétérogénéité nelaisse pas entrevoir directement des pratiques professionnelles adaptées. Particulièrementgénéreux, ces points de vue tendent à reconnaître dans la diversité une richesse et àaffirmer l’intention de ne pas gommer cette diversité individuelle et plutôt de valorisercette différence (S1). Par nature les individus étant différents, les classes ne peuvent êtrequ'hétérogènes.

«Oh la la ! Je ne sais pas. Non l'hétérogénéité c'est qu'effectivement les gens sont tellement diffé-rents d'un individu à l'autre soit il faut résorber cette hétérogénéité soit il faut essayer de la nourrirou de l'enrichir. On peut tirer dans les deux sens.» (L2)

Les commentaires signalent aussi la complexité de l'état constaté de certains jeunes cumu-lant difficultés sociales et scolaires, affectives, conatives et cognitives…

«D'abord il y a hétérogénéité de beaucoup de choses, donc dans une même classe il y a hétérogé-néité au niveau scolaire, il y a hétérogénéité de capacité d'abstraction, il y a hétérogénéité de com-portement, il y a hétérogénéité de conditions de travail et puis ça peut se recouper mais c'est pasforcément euh on n'est pas forcément mauvais en abstraction, mauvais en comportement parce qu'ily a des problèmes à la maison, donc il y a hétérogénéité dans la classe et hétérogénéité dansl'hétérogénéité et puis il y a des hétérogénéités plus faciles à compenser et à gérer que d'autres.»(B2)

«Oh ! L'hétérogénéité c'est énormément de choses, je veux dire on, c'est, je vais dire c'est les diffé-rences sociales, c'est lié à l'environnement du collège, je veux dire d'un collège à l'autre, ça peutêtre encore très différent, c'est le niveau familial, c'est, on peut tout mettre finalement. (…) Pourmoi, c'est d'abord au collège c'est d'abord une différence de niveau scolaire, de niveau culturel, c'estlié, et c'est d'abord ça oui. (…) Non ce n'est pas en termes de niveaux scolaires, non.» (I2)

«Ben, l'hétérogénéité c'est quelque chose de tout à fait naturel dans le sens où il n'y a pas deux in-dividus qui sont identiques, donc tout est hétérogène moi je veux dire, il ne peut pas y avoir autrechose que des classes, puisque c'est des classes qu'on parle, il ne peut pas avoir autre chose que desclasses hétérogènes, chaque individu il est lui-même et il est pas pareil qu'un autre et il n'y a pasd'identification possible par rapport à un autre, pour moi.» (J2)

«Pour moi ce qu'est l'hétérogénéité, ben euh l'hétérogénéité existe dans la vie de tous les jours endehors du système scolaire hein. (…) L'hétérogénéité, ben c'est euh, c'est le quotidien, c'est lesélèves tout le temps, il n'y a jamais un élève identique aussi bien dans le comportement, dans lecomportement dans son potentiel, dans sa capacité à s'adapter à certains moments, parce que çaaussi ça joue énormément et tout dépend aussi de, je sais pas, moi je suis pas, je suis pas homo-gène, je suis hétérogène aussi, moi, moi personnellement, donc je veux dire, donc je pense que lesgamins c'est comme ça, j'en ai, qu'est-ce que c'est que l'hétérogénéité, c'est une différenciation, c'estdes facultés différentes, un potentiel différent, euh à un certain moment, à un certain moment.»(K2)

Parfois la diversité est jugée comme une richesse, offrant des travaux qui permettent deséchanges de compétences et du plaisir pour l’enseignant.

«L'hétérogénéité ce sont des élèves différents, par rapport à homogénéité, ce sont des élèves diffé-rents, il y a des petits, il y a des grands, quand tu les mets devant une machine, ne n'est déjà paspareil, il y a des petits il y a des grands, il y a des adroits il y a des moins adroits… il y en a quicausent, il y en a qui ne causent pas, il y en a qui posent des questions il y en a qui ne posent pasde questions, etc.… On pourrait prendre les caractères d'un individu prendre les adjectifs et soncontraire et trouver des adjectifs un petit peu nuancés donc effectivement il y a des oppositions etdes nuances, après tu as l'hétérogénéité dans la famille, enfin liée à des problèmes familiaux çac'est, ça me paraît être un des points terribles actuellement, c'est qu'il y a des carences affectivesimportantes dans les familles et que, effectivement, les gamins ils arrivent dans les collèges avecson souci qui est pas forcément de travailler et d'apprendre des choses mais de trouver un adulte

Page 47: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

47

avec qui il va pouvoir s'exprimer, alors l'activité scolaire n'est pas prioritaire pour ces gamins là.Donc il y a ça par rapport à la famille, par rapport à des problèmes sans doute anciens, de scolaritédifficile à l'école maternelle, à l'école primaire ce qui fait que nous au collège parfois on a déjà desécarts qui se sont crées et puis après effectivement il y a hétérogénéité par rapport à tous savoirs,savoir-faire, les niveaux de langage, l'écriture, les capacités à lire un texte à comprendre un texte, àmémoriser, à trouver des informations, à communiquer et tout un tas d'autres capacités qu'on pour-rait inventorier… Enfin le gros problème actuel, quand je vois… quand on essaie d'analyser, unpetit peu dans les classes quels sont les élèves qui sont en difficulté, ce sont souvent des carencesaffectives.» (E2)

«C'est la différence. (…) J'allais dire c'est le plaisir, dans le sens, c'est le plaisir d'enseigner. Parcequ'on a du temps pour s'intéresser à tous les gamins, parce qu'on n'a pas de programme, on a unprogramme mais sans exigence de le remplir forcément. Quand j'entends mes collègues d'histoire-géographie qui sont obnubilés par des examens, par le brevet des collèges ou par le programme demath parce en seconde ! On a cette chance d'être un petit peu libérés et je trouve qu'on a une rela-tion qui est quand même assez différente avec les gamins. L'hétérogénéité des élèves c'est ce quidonne de l'intérêt à la discipline. J'ai l'impression qu'on a moins de contraintes et puis on a surtoutdes moyens différents. Dans les outils moi, j'essaie de trouver des choses un petit peu variées…parce que on a du matériel, on a des ordinateurs, on a de la vidéo et on a la possibilité de travailleren groupe. Les autres collègues, ils pourraient l'avoir s'ils le voulaient. Même les collègues quiutilisent l'outil informatique chez nous je ne vois pas en quoi ils utilisent l'hétérogénéité.» (F2)

d) un état, un défaut ou une richesse

L'hétérogénéité, selon les définitions qu'en donnent les professeurs-formateurs est ainsiun état des élèves qui peut s'exprimer en termes de défaut ou de qualité. Le plus souventassimilée aux différents déficits scolaires dont les sources peuvent être individuelles, so-ciales ou scolaires, l'hétérogénéité représente un défaut que les enseignants constatent,admettent et repèrent afin pour les uns d'apporter un soutien particulier, et pour les autresde proposer alors une autre voie de réussite, grâce à la nature même des activités techno-logiques.

IV. LES PROFESSEURS PARLENT DE LEURS DIFFÉRENTS ÉLÈVES

Dans leurs réponses à la consultation nationale ou dans leurs réponses à la question dedéfinition de l'hétérogénéité, les enseignants de technologie désignent un état et jugent undéfaut ou une richesse liés à la diversité des élèves. Cette hétérogénéité des élèves ou ladistinction des élèves entre eux apparaît dans l'ensemble des entretiens avec les profes-seurs-formateurs. En effet, dans de multiples questions, ils mentionnent les caractéris-tiques qu'ils repèrent et qu'ils considèrent comme des critères de différences. Ces re-marques apparaissent notamment lors des questions du premier entretien évoquant lesélèves distincts dans les classes et plus nettement au cours du second entretien lorsqu'ilsprésentent les adaptations de leur enseignement.

a) des distinctions

Seulement trois professeurs-formateurs distinguent dans leurs commentaires les élèves enévoquant “des bons" ou “des mauvais" élèves (H2, P1-P2, Q1). Pour les enseignants, ladescription des élèves ne peut en effet se résumer en cette distinction sommaire dont P.Mannoni (1986) a analysé les multiples qualificatifs qu’elle recouvre à l’école65.

65 MANNONI, P. (1986). Des bons et des mauvais élèves. Paris : ESF. (voir en particulier tableaux pp.

72-73)remarque : cette distinction de qualificatif est pourtant utilisée dans certaines études. Elle suppose l’idéede moyenne comme par exemple dans STEFANOU, A. (1997). Les méthodes de travail descollégiens. Les dossiers d’Éducation et formation. Paris, DEP. 96. p. 15. (“On appellera dans ceparagraphe, bons élèves en français ceux qui ont obtenu en septembre un score en français, supérieur àla moyenne de l’échantillon…)

Page 48: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

48

Toutefois à cette distinction grossière se substitue une distinction voisine exprimée dansles termes que l’esprit du temps retient : ce sont d’une part les élèves qui réussissent etd’autre part les élèves qui rencontrent des difficultés voire des échecs dans le systèmescolaire.

«Et ces élèves sont… on va dire en difficulté scolaire. Ils sont pas motivés. Ils sont pas bêtes. Ilsont des capacités, mais heu il y a un manque de motivation, quoi. Et c'est pas des génies, hein, detoute façon, bon.» (P2)

«(…) des niveaux différents, des personnalités différentes. Des niveaux différents, qu'est-ce qu'onentend par niveau ? On peut avoir un enfant dont on a constaté qu'il était un peu lent. On peut es-sayer de connaître, de savoir pourquoi il est lent. Cela peut être parce que, eh bien la technologie nel'intéresse pas, ou un petit peu moins. Vous avez des enfants qui ont des, des niveaux, commentexpliquer, c'est complexe.» (R2)

La distinction est ainsi désignée par rapport aux attentes scolaires et à la norme présuméed’un collégien. En ce sens, la majorité des commentaires signale ce critère de diversitételle que l’exprime F. Orivel (1997)66 : “la différence entre les élèves qui réussissent à peuprès comme le système l'anticipe et les élèves qui ont des faibles résultats”.

«Ben, on a des élèves, on est en ZEP, donc c'est un secteur qui est un peu marqué par une popula-tion difficile. On a des élèves de milieux sociaux tout à fait heu, courants. Et puis on a des élèvesde milieux sociaux extrêmement défavorisés chez qui, il y a souvent bien entendu de grandes diffi-cultés scolaires. On a un public, heu, donc, qui en début de sixième, certains bon en fin d'année,qui en fin de troisième certains arriveront en seconde et suivront des études pour être ingénieurs.Puis il y en a d'autres qui finiront dans les classes de CLIPA, heu, qui est une classe d'insertionprofessionnelle avec des élèves en grande difficulté, etc., etc.» (N1)

Par ailleurs, les professeurs-formateurs ne mentionnent que très rarement la distinction"garçons-filles" (H1, L2), pas plus que les différences physiques entre les "grands et lespetits" (E2). Compte tenu des établissements d'exercice et des expériences profession-nelles, seulement deux professeurs mettent en avant la distinction liée à un handicap phy-sique (C1, K2). Dans le même sens, la distinction "francophones-non francophones"n'est que minoritairement signalée (A1, B1) bien qu’elle soit en filigrane des commen-taires concernant la maîtrise de la langue.

b) des prédicats opposés

Les qualificatifs employés concernent généralement plusieurs élèves définissant ainsi dessous-ensembles ayant des caractères communs. L'ensemble des indicateurs de la diversitédans les publics, mentionnés par les professeurs-formateurs au cours des deux entretienssous-entend des couples de prédicats, ce que l'un d’entre eux signale : «On pourraitprendre les caractères d'un individu, prendre les adjectifs et leur contraire» (E2). Ainsi lesdéfauts cités renvoient-ils aux qualités dont l'absence semble parfois regrettée et les quali-tés énumérées renvoient-elles aux difficultés sans doute plus pudiquement tues.

«(…) je vous l'ai dit, ce sont des élèves en difficulté au niveau français, c'est vrai que la lecture leurpose problème, qu'ils sont en rébellion, c'est à dire qu'ils sont agressifs, refusent l'autorité et pourcertains, ils ne sont déjà plus dans l'établissement scolaire. (…)

66 ORIVEL, F. & McANDREW, M. (1998). "Rapports généraux du colloque international d'éducation

comparée de l'AFEC tenu à Louvain-La-Neuve, du 21 au 23 mai 1997" in M. Frenay (Ed). "Lesmodalités de prise en compte de la diversité dans les institutions éducatives". Éducation comparée.Vol. 52, 281-291.remarque : dans sa synthèse F. Orivel distingue sept critères de diversité : la diversité de réussitescolaire, les différences linguistiques, la diversité sexuelle, la diversité ethno-culturelle, les diversitésdues aux statuts socio-économiques des individus, la diversité composite des publics, le statut ou l'âgedes étudiants, la diversité en matière physique et mentale des étudiants, les différences entre les élèvesqui restent à l'école et ceux qui la quittent.

Page 49: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

49

Il y a des élèves qui sont pétillants d'intelligence, qui trouvent des solutions et ainsi de suite (…) ;ils savent répondre en classe, ils savent gérer leurs réponses : ils lèvent la main.» (R1)

«(…) ils ont une grande facilité à lire, ils interprètent les documents facilement, on peut leur endonner plus, il n'y a pas de refus, il n'y a jamais de refus, au niveau de la lecture, de l'interprétationdes documents (…).» (I1)

«(…) ils sont vifs, ils ont un bon niveau de maturité, de réflexion, ils sont capables d'argumenterun petit peu.» (B2)

«(…) ceux qui sont agités, qui ont des problèmes de comportement, qui ne tiennent pas en place.»(B2)

En ce sens, peuvent être construits les couples hétéroclites qui rappellent les types intel-lectuels et moraux précédemment cités : rapide/lent, achète/n'achète pas, social/asocial,sait/ne sait pas, lecteur/non lecteur relativement à l'écrit ou aux graphismes, scripteur/nonscripteur/ milieu favorisé/milieu défavorisé, urbain/rural, intérêt/non intérêt, désir/nondésir, abstrait/concret, croit savoir/sait vraiment, bonne note/mauvaise note, élève mini-mal/élève maximal, exécutant/pilotant, équipé normalement/non équipé, sûr/pas assuré,visuel/auditif, réalisateur/concepteur, sage/perturbateur, habile/malhabile, projet devie/pas de projet de vie, matheux/non matheux, individualiste/coopératif, moteur/frein,ordinaire/extraordinaire, handicapé/normal, autonome/non autonome, bon/faible, com-prend/ne comprend pas, scolaire/a-scolaire, mûr/pas mûr, familiarisé/non familiarisé, in-hibé/non inhibé, peureux/hardi, itinéraire/itinéraires, manuel/intellectuel, francophone/nonfrancophone, pratiques domestiques/pas de pratiques. Ces couples employés au singulierou au pluriel désignent des élèves ou des groupes d'élèves que les professeurs-formateursidentifient dans leurs classes.

c) des catégories d’attributs

Les multiples et divers prédicats utilisés pour qualifier et remarquer les collégiens se dis-tinguent cependant selon qu’ils désignent les individus dans leur personne et les élèvesdans leurs comportement et performances scolaires. Ainsi est-il proposé un regroupementselon sept sous-ensembles d’indicateurs d’hétérogénéité : attributs personnels, relationssociales, comportement scolaire, acquis et performances scolaires, qualités ou défautsrelatifs à l'affectivité, qualités ou défauts intellectuels et qualités ou défauts relatifs à latechnologie (cf. annexes). Cette dernière catégorie identifie les caractères spécifiques à latechnologie dans le rapport des élèves à cette discipline, dans leur plus ou moins grandefamiliarité ainsi que dans leurs conditions sociales (équipé/non équipé, achète/n'achètepas). Le repérage en termes de défauts et de qualités n’est pas effectué explicitement parles professeurs-formateurs mais il permet ici de marquer les contrastes les plus nettementsignalés, généralement par les “problèmes” qu’ils induisent pour les professeurs.

«On se rend très bien compte que les germanistes comprennent très vite les consignes mais qu'ilsont en revanche des problèmes de relation, ils sont très individualistes (…).» (L1)

d) des manifestations majeures

Pour trois professeurs-formateurs sur quatre, la distinction et la diversité s'exprimententre les "lents" et les "rapides" leur imposant en particulier d’ajuster l’organisation péda-gogique de leurs interventions. La vitesse de réalisation des tâches est ainsi retenuecomme critère majeur de diversité et comme manifestation problématique des écarts entreles élèves.

«(…) certains que je sais être plus lents ou qui ont des problèmes de compréhension du français(…).» (B1)

Les problèmes posés par cette différence de vitesse des élèves exprime le rapport entretravail produit et temps, c’est à dire l'écart au rendement escompté ou prévu. Quatre pro-

Page 50: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

50

fesseurs sur cinq signalent alors les distinctions dans la maîtrise de la langue identifiéesurtout dans la difficulté de lecture et d’interprétation des consignes limitant le travail or-ganisé en groupes indépendants ou autonomes. En revanche, seulement deux professeurssignalent des déficits dans le domaine des mathématiques.

« (…) ils ne peuvent pas décrypter, donc ils sont pas autonomes.» (M1)

«(…) et là aussi, pas de problèmes d'hétérogénéité, sauf pour la rédaction des documents.» (T2)

«Je me rends compte qu'on a des élèves dont les mots n'évoquent rien du tout, on peut parler etparfois parler dans le vide, ça n'évoque aucune image (…).» (J1)

e) des interprétations dominantes

Un professeur-formateur sur deux signale des défauts intellectuels qu'il exprime entermes de difficulté de conceptualisation, d'analyse, de compréhension, de raisonnementvoire de mémorisation. Dans le même rapport, la moitié des professeurs oppose les élèves"abstraits" et "concrets". Au total deux professeurs sur trois attribuent ces distinctions quicatégorisent les élèves selon leurs capacités cognitives. On peut remarquer qu'en revancheseulement un professeur sur dix se réfère à des théories qui proposent la prise en comptedes variations individuelles dans l’élaboration des situations d’apprentissage67, parexemple en opposant les "visuels" et les "auditifs".

«On a des gosses qui n'ont pas la même capacité d'abstraction, il y en a qui ont déjà une certainecapacité, on va dire comme ça, donc qui peuvent raisonner sur des choses qu'ils n'ont pas encorevues, les autres en sont incapables.» (J1)

«On se rend bien compte que l'élève qui a l'esprit un peu concret arrive à mieux comprendre cequ'on attend de lui dès qu'il aura manipulé l'objet (…)» (T1)

«C'est qu'on fait appel à des pré-requis d'autres matières, en particulier mathématique et français, oùon voit tout de suite l'enfant qui est en difficulté, qui a des difficultés, qui va se cantonner ou qui vaaller plus spontanément parce qu’il s'y sent bien vers des tâches manipulatoires, fabricatoires, et onpourrait l'y cantonner.» (O2)

f) de nombreuses nuances

La diversité signalée à gros traits par ses manifestations majeures et ses interprétationsdominantes est décrite selon de nombreuses nuances pointant différents aspects de la viedu collégien. Les difficultés affectives sont à cet égard associées à la confiance des en-fants en eux et à leur statut d’élève.

«On peut dire qu'il y a des élèves plus vifs qui perçoivent mieux les réponses à fournir.» (H1)

«(…) des élèves qui n'étaient pas bons, un peu passifs et autres (…).» (N1)

«On constate souvent chez les élèves de sixième qu'ils ont peur de ne pas réussir.»«Dans une même classe, dans un même groupe on aura affaire à des élèves de niveaux scolaires dif-férents, niveaux de connaissance, etc., de comportements différents et, d'origines différentes, ori-gines sociales, géographiques, culturelles, etc..» (G2)

g) des facteurs particuliers à la technologie

La diversité s'exprime également en distinguant le rapport des élèves aux activités pra-tiques : les “hardis” et les “peureux”, les “adroits” et les “malhabiles”, les“débrouillards”, “astucieux” ou “bricoleurs” et les “non expérimentés”. Ce sont deux

67 CF. MEIRIEU, P. (1989, 1992). Enseigner, scénario pour un nouveau métier. Paris : ESF (p. 67 et

sui.)

Page 51: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

51

professeurs sur trois qui distinguent ainsi les élèves par rapport aux activités de réalisa-tions et à leur plus ou moins grande expérience dans ce domaine d'activités.

«(…) lorsqu'il y en a un qui l'a fait le premier, qui était le plus débrouillard, etc., les autres ont vuque ça avait l'air de marcher et font par mimétisme ; et je ne suis pas sûre qu'ils font l'effort pourapprendre et donc de comprendre.» (F1)

Relativement aux activités d'usage de l'ordinateur, cette distinction de familiarité avec lesengins est signalée en termes d'équipement familial.

«D'autres n'ont jamais vu un ordinateur, ne savent rien à rien et là les écarts sont monumentaux.»(L2)

h) des mentions et des silences

Contrairement aux propos répandus et médiatisés sur les élèves, la distinction relative àleurs comportements sociaux est très faiblement citée. Seulement un enseignant sur troissignale des problèmes de relation ou de discipline dans la classe ainsi que les attitudes in-terindividuelles lui posant problème. Les "agités" ne sont également signalés que par unenseignant sur dix. En revanche, les comportements non scolaires sont dénoncés par unpeu plus d'un enseignant sur deux, évoquant les élèves qui ne travaillent pas à la maison,ceux qui refusent de travailler en classe, ceux qui n'ont pas intériorisé les formes de tra-vail scolaire et qui n'ont pas les habitudes scolaires (matériel, cahier…). La notion d’ef-fort et la valeur morale qu’elle recouvre est alors signalée.

«Entre les élèves, la différence, c'est une différence de niveau et de vitesse de travail et d'attitude cer-tainement face au travail.» (S1)

«(…) des gens qui ne lisaient pas ou ne voulaient pas lire ou qui ne savaient pas bien lire.» (B2)

«Bien, ils peuvent être différents je pense de par d'abord des problèmes, je dirais, de pures, deconnaissances. C'est des élèves qui ont plus ou moins des difficultés à acquérir ou à atteindre autravail qu'on leur a demandé, parce qu'ils ont des difficultés de compréhension. Ça c'est le premierpoint. Là, l'autre différence, elle est, je dirais, de type comportemental. Bon, on a plus ou moinsdes emmerdeurs, des élèves qui bougent ou des élèves qui sont passifs, enfin bon, on a tous lestypes d'élèves et, bon, là aussi , c'est, c'est là, là, enfin, c'est là où est la différence. Je pense. Depar leur niveau, et de par la manière dont ils se comportent dans la classe.» (Q2)

L’adaptation aux normes scolaires tant du point de vue de la réalisation des tâches que ducomportement général est ainsi signalée d’une façon plus importante que les aspects nor-matifs liés aux relations humaines avec les professeurs et les autres élèves.

i) des critères d'homogénéité

Parfois les enseignants signalent l'homogénéité de leur public scolaire. Ce sont des élèves"multiculturels", des "élèves de banlieue", mais aussi des élèves qui sont identiques face àl'expression graphique et à l'usage des outils graphiques ainsi qu'au niveau des gestes.En ce sens sont aussi signalées des classes homogènes qui rassemblent les hispanisants-anglicistes ou les latinistes-germanistes ainsi que les classes de redoublants.

j) des profils d'élèves différemment fondés

Parmi les professeurs-formateurs, un seul d’entre eux cite au moins un caractère danschacun des sous-ensembles constitués affectant ainsi à la diversité des élèves, des aspectsmulticritériés. Les autres la définissent en mentionnant des caractères appartenant à 4, 5ou 6 catégories mais aucun enseignant ne se limite à un seul ensemble pour qualifier lesélèves. Ce sont les aspects relatifs aux relations sociales et à la discipline qui sont lesmoins cités, puis les qualités d'ordre affectif, enfin d'une façon plus variable les attributs

Page 52: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

52

personnels ou les qualités technologiques. On peut noter ainsi une vision plutôt centréesur les enfants ou plutôt sur les élèves en technologie.

«(…) un normal entre guillemets, à un niveau normal (…) pour moi niveau normal, il est normalpour tout le monde, parce que chacun fait selon ses possibilités, euh mais il faut voir le gamin quia bien compris le système scolaire, qui vit bien dans le système scolaire, qui vit bien à sa maison,le gamin ben qui vit bien à sa maison et qui vit bien dans le système scolaire et puis il y a le ga-min qui vit pas bien à sa maison et qui vit bien dans le système scolaire et avec ses difficultésquand même, donc euh, l'élève normal, c'est quand même l'élève qui a une vie normale, enfin quisait lire, qui sait parler, il y a pas de problème.» (K1)

«Patrick a de gros problèmes familiaux et sociaux ; Emmanuel c’est quelqu'un qui a beaucoup demal à se situer dans sa famille et qui est déstructuré, et puis Nicolas c'est le type d'adolescent si tuveux, qui est à la recherche de quelque chose, il ne sait pas trop, l'ado-type qui se cherche quoi.»(D2)

L'appréciation que porte chacun des professeurs sur les élèves selon les critères qu'ilsprivilégient en fonction de ses valeurs, de son histoire personnelle… infère sur les mo-dalités de prise en charge de la diversité, ce qu'exprime ce professeur-formateur :

«Il y a deux catégories d'élèves dans cette classe là, il y a ceux vraiment qui s'en foutent, alors detoute façon ils savent qu'ils sont dans une voie de garage, qui savent pas, qui vont partir en BEP,qui savent pas, ou qui vont partir dans la vie professionnelle - y'en a qui ont 17 ans -, alors ceux làc'est, et puis il y a ceux qui sont très attachants parce qu'ils sont conscients de leurs difficultés,alors là il y a une aide, une aide un peu individualisée.» (C1)

«J’ai eu des moments de plaisir comme ça où j’avais la classe qui fonctionnait bien avec des élèvesactifs, concentrés sur leur travail, mais cela n’arrive pas souvent.» (M1)

Les modalités mises en œuvre ne sont donc pas indépendantes des idées des professeursqui fondent leurs opinions discriminatives sur la diversité des élèves et leurs partitionsconstruites des publics scolaires. Ces positions personnelles apparaissent nettement dansle refus déclaré de certains d’entre eux de considérer l’hétérogénéité autrement quecomme un fait naturel.

Page 53: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

53

5. PRATIQUES ENSEIGNANTES :MODALITÉS D’ADAPTATION

La recherche propose d’identifier et de caractériser les pratiques d’adaptation des profes-seurs de technologie face à la diversité des contextes et à l’hétérogénéité des publics. Ellesouhaite d’une part mettre en évidence les pratiques réelles et d’autre part les pratiquespotentielles - potentiellement imaginables - c’est à dire celles qu’ils imaginent possiblescompte tenu de la structure et de l’organisation de la technologie.

I. LES PROFESSEURS TÉMOIGNENT DE LEURS PRATIQUES

a) registre pédagogique et registre didactique

Les deux entretiens conduits sollicitent des descriptions de pratiques et leurs explicitationspar les enseignants avec un souhait de commentaires des traces de leurs pratiques. Bienque l’orientation des entretiens privilégie un registre didactique, les réponses s’avèrentmajoritairement du registre pédagogique : organisation des groupes, relations professeur-élèves. Les enquêtes parallèles conduisent au même constat68. Les adaptations citées ouévoquées par les professeurs qui prennent fondamentalement appui sur les contenus et lastructure de la technologie sont en effet plus rares, ce qui ne rend pas compte deshypothèses de recherche. Toutefois, cette prédominance du registre pédagogique est enelle-même un résultat de la recherche permettant de saisir les ancrages professionnels dutraitement de l’hétérogénéité et par là les attracteurs éventuellement disponibles pourfonder de nouvelles pratiques professionnelles se référant plus nettement à la disciplineenseignée.

«C’est plus un problème de rythme que d’aménagement de… du programme par exemple.» (D1)

«Mais je pense qu'elle est, il y a un essai plutôt de gérer ça au niveau du collège par des actions,etc., qu'au niveau d'une matière.» (Q2)

«Il n'y a pas de réflexion de fond là dessus, il n'y a pas de propositions très claires là dessus, si cen'est effectivement de diversifier les supports, de diversifier les documents d'aide, de diversifier lesmoyens d'intervention…» (E2)

68 voir LASSON, C. (1998). p.21 ; LANDE, C. (1998). p. 36 ; GRUGIER, O. (1999). p. 22.

Page 54: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

54

La faiblesse des réponses dans le registre didactique n’est pas indépendante de la concep-tion qu’ont les professeurs à la fois de leur discipline redéfinie par les nouveaux pro-grammes et de l’hétérogénéité des élèves dont l’analyse présentée dans le chapitre précé-dent a mis en évidence à la fois la conceptualisation assez partielle de la structure de ladiscipline et de nombreuses nuances dans l’appréciation de la diversité des publics etparmi les publics scolaires. Il est aussi naturel que les professeurs choisissent d'une partles solutions qui leur sont familières et d'autre part les solutions dont la mise en œuvrereste possible dans la logique de l'économie de leurs pratiques. Ainsi peuvent-ils êtreconduits à feindre de l'ignorer ou bien à avoir un sentiment de culpabilité en ne mettantpas en œuvre des modalités plus efficaces.

« (…) il y a des enfants qui ne sont pas du tout, euh, qui sont en décalage les uns par rapport auxautres, chacun ne ressemble pas à son voisin et n'a pas les mêmes expériences, n'a pas les mêmesreprésentations, n'a pas la même allure de travail, n'a pas…, c'est vrai que ça on y est confronté enpermanence et au fond c'est difficile de… j'aurais envie, je dirais de gommer cette hétérogénéité.C'est à dire pour pouvoir fonctionner de façon confortable, j'aimerais bien que tout le mondesoit…, qu'il y ait une base commune qui nous permette de travailler. J'ai envie, c'est moche ce queje vais dire, elle me gène l'hétérogénéité pour travailler.» (L2)

Les réponses du registre pédagogique sont parfois argumentées sur le registre psycholo-gique. Ce sont généralement des enseignants ayant enseigné en école maternelle ou for-tement marqués par la pédagogie des activités manuelles soucieuse de développer les in-teractions entre pensée et action. Les discours prennent alors appui sur les capacités co-gnitives des élèves (J2) et visent leur développement par exemple en tentant de faireconcevoir les élèves (J1) ou en leur demandant "de s'expliquer" avec les langages dont ilsdisposent, parfois uniquement gestuels (D2). "Faire, dire, représenter" est alors la mé-thode pédagogique qu'ils privilégient.

« (…) je pars du principe qu’en technologie, les élèves doivent entrer physiquement dans l’acti-vité…» (D1)

b) des classes et des activités contrastées

Si assez généralement les questions posées à propos de ce traitement et de cette prise encharge de l’hétérogénéité surprennent, elles provoquent des réponses qui manifestentl’ouverture d’un questionnement véritablement nouveau et des réponses qui portentspontanément et plus directement sur les activités individuelles des élèves dans la partiedes programmes “technologie de l’information”. La généralisation des travaux de groupesou d’équipes dans les pratiques de réalisation s’oppose ainsi d’une façon nette aux exer-cices individuels d’apprentissage de l’usage de l’ordinateur au cours desquels les profes-seurs perçoivent davantage la diversité des élèves. Ces travaux collectifs constituent unemodalité pédagogique sans doute spécifique à la technologie qui permet d’apporter uneréponse pratique et organisationnelle au “problème” de l’hétérogénéité des élèves. Enoutre, les entretiens révèlent que plus spontanément les professeurs se réfèrent auxclasses désignées comme différentes (classes technologiques, AIS, SEGPA…) pour les-quelles le corps professoral conserve une tradition d’accueil des élèves réputés en diffi-culté et des modalités d’adaptation initiées dans les classes pratiques, les classes de transi-tion, les CPPN ou les CPA.

«Cela fait partie des trucs qu'on a eu … faut dire bon c'est des trucs qui restent d'avoir enseignédans les classes pratiques, les classes difficiles.» (N1)

Mais si la focalisation sur ces classes particulières signale la différence de leurs pratiques,elle est souvent fondée sur un refus de discrimination des élèves dans les classes considé-rées comme ordinaires.

Page 55: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

55

La présentation des résultats concernant les modalités d’adaptation souhaite mettre en évi-dence les différents éléments apportés par les témoignages dont les professeurs ont faitpart. Sont ainsi présentés les opinions et les principes pédagogiques qui sont formulés aucours des entretiens, puis les modalités du registre pédagogique et enfin celles du registredidactique.

II. OPINIONS ET PRINCIPES PÉDAGOGIQUES

a) des jugements sur la technologie

Les professeurs-formateurs accordent des vertus à leur discipline. De nombreux entre-tiens sont marqués par un discours signalant ses qualités spécifiques qui expriment sansdoute une revendication de l'originalité de la technologie et de ses critères d'identité. Latechnologie est ainsi désignée comme une discipline qui permet de réussir en particuliergrâce à ses relations privilégiées avec ce que les enseignants désignent par "le concret".

«Et je crois qu'en Techno, on peut encore leur permettre de réussir, je ne dirais pas convenablementmais de s'en sortir. (…) On arrive en techno à faire des choses incroyables, pas parce qu'on est unbon prof, mais parce qu'on leur propose des activités qui leur permettent de réussir un petit peu.»(A1)

« (…) par le travail sur machine, on arrive quand même à débloquer des choses.» (J1)

«En mathématiques, par exemple - et Dieu sait que c'est une discipline respectée et reconnue - leprofesseur de mathématiques renvoie systématiquement deux ou trois élèves à chaque début decours. Moi, cela ne m'est encore jamais arrivé d'en renvoyer ; cela peut arriver demain, c'est pos-sible, mais bon ; pourquoi ? Parce que je crois, il y a le passage par le concret, quand même, mal-gré tout.» (R1)

«J'ai l'impression (…) que globalement, ils sont heureux de venir en techno. C'est un jugement devaleur de ma part, c'est tout.» (F1)

Si certains enseignants tendent à identifier la technologie en tant que "technothérapie",d'autres revendiquent son caractère de discipline ayant les mêmes fonctions que lesautres.

«La technologie ne peut pas, à elle toute seule faire des miracles. J'ai souvent défendu le point devue suivant : c'est que la techno n'a pas plus la vocation que les autres disciplines à remédier auxproblèmes rencontrés par les élèves.» (G1)

D'autres enseignants sont plus réservés, doutant même de l'efficacité de toute tentative demise en œuvre de solutions.

«On a une vue d'ensemble de l'élève par rapport aux autres matières qui font apparaître déjà, à lalimite, que à un moment donné, principalement en 6è, on sait, si, à la limite, la remédiation, çavaut le coup de la faire ou pas.» (Q2)«Parce qu'il faut être honnête, si l'élève a des difficultés en technologie, il en a aussi ailleurs.» (Q2)

Si l'intérêt des activités sur ordinateur est souvent souligné comme élément de motivationdes élèves, un des professeurs signale qu'il peut être un outil de remédiation en particulierpar rapport aux handicaps de l'écrit.

« (…) au niveau des 4è aide et soutien (…) il faut voir ce que les gamins ont été capables d'écrire,de rechercher chez eux, de, au niveau de, et ce sont des gamins qui ne maîtrisent pas l'écrit, quin'osent pas parler avec certains profs (…) mais qui s'expriment maintenant grâce à l'informatiqueparce qu'ils n'ont plus le handicap de l'écriture (…) euh pas pour les fautes, mais pour la lisibilité,pour le comment, pour la communication (…).» (K2)

Page 56: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

56

«Dommage que cette conception assistée par ordinateur on n'en ait pas davantage, on sortirait decertains faux pas les élèves qui sont en échec scolaire.» (T1)

Des jugements de valeur sont également exprimés sur la technologie avec un point de vueutilitariste, ce qui dénote la difficulté de percevoir clairement les visées de l’éducationtechnologique ainsi que les écarts que les professeurs installent.

«L’informatique reste le noyau qui intéresse les élèves, c’est un outil qui leur servira à tous plustard, c’est un outil qui, s’ils ne l’ont pas, va les handicaper dans l’avenir. Alors que s’ils n’ont pasfait un porte-clés lumineux, je ne pense pas que ça les gêne beaucoup.» (B1)

«En électronique, il y a des choses qui ne serviront jamais aux enfants.» (A1)

«Et bien moi, je trouve que c'est vachement important que les gamins (…) maîtrisent entre guil-lemets ou du moins en partie cet outil, l'outil informatique parce qu'on est environné par l'informa-tique ; or même s’il ne sait pas souder un composant bon ça ne l'empêchera pas de vivre, par contresi il n'a pas quelques notions d'informatique, il sera handicapé dans la vie.» (P1)

Ainsi l'impact social des parties de la technologie est-il apprécié d'une façon nuancée dansune visée utilisatrice qui peut se résumer en une intention d'instrumentation pour les plusfaibles et éventuellement d'acculturation pour les plus forts.

b) une logique de classe

Les principes pédagogiques que les professeurs présentent au cours des descriptions deleurs pratiques mettent en évidence une “logique de classe”. En ce sens, leurs discourssur les pratiques adaptées se réfèrent plus spontanément aux classes désignées comme re-groupant des élèves en difficulté voire en grande difficulté (classes de redoublants, AISou technologiques). Dans ces classes identifiées, «on ne fait pas la même techno» (J1),mais on peut surtout le dire en raison de l'étiquette de ces classes qui admettent alors desmodalités originales pour faire réussir les élèves.

Considérant la classe comme une entité homogène avec des variations mineures, certainsenseignants estiment que la solution consiste à varier et à multiplier les techniques d’en-seignement afin de satisfaire chacun d'une façon presque aléatoire. Ou peut-être considè-rent-ils qu’en variant, on est plus sûr de convenir à tout le monde.

«Moi je n’ai pas l’impression de traiter spécialement l’hétérogénéité. Enfin bon, moi j’ai plusieursclasses de niveau et je fais la même chose. Ceci dit, il est évident donc peut-être inconsciemmentque je ne les explicite pas totalement de la même façon (…) Ceci dit, j’essaie d’avoir toujours desactivités variées au maximum, d’essayer de concrétiser un peu des choses et de travailler un peu surle visuel. Donc je pense que ça peut servir à tous, donc ça aide ceux qui ont des difficultés mais jetraite tout le monde à la même enseigne par la variété mais chacun essaie de trouver la variété desactivités comme les explications orales, les démonstrations, les trucs au rétroprojecteur, euh letravail sur le matériel pédagogique, le travail sur poste, bon des choses qui soient variées. Doncchaque élève, en fonction de ses difficultés ou en fonction de ses goûts peut trouver dans ces diffé-rentes activités quelque chose qui lui convienne mieux et ce n’est pas moi qui gère cela, on estbien d’accord.» (B2)

Cette conception de “la classe” souhaite sans doute masquer la diversité des élèves afind’organiser les activités pour cet ensemble homogène. A cet égard, certains enseignantsveillent à ne pas introduire des variables nouvelles, par exemple en équipant tous lespostes informatiques d’une version identique de traitement de texte même s’il ne s’agitpas de la plus récente et de la plus performante et pourtant dont ils disposent mais ennombre insuffisant (I2).

Page 57: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

57

Mais fondamentalement, cette logique de classe montre les limites de l’enseignant danscette organisation, telles que D. Paty (1981, 1996) l’a montré dans l’opposition entre“structure/classe” et “structure/collège”69.

c) un refus de discrimination des élèves

Pour les classes ordinaires - au sens de normales -, un professeur sur trois refuse explici-tement de discriminer ses élèves par des activités distinctes. Au refus déclaré d'une lo-gique de sélection, s'agrègent aussi des convictions plus idéologiques.

«A mon avis, ces trois ou quatre élèves par classe, ce serait un peu dommage de les marginaliserencore plus en leur donnant un document différent.» (A1)

«Il y a, on est quelquefois tenté de dire bon avec ces élèves là, moi je peux pas prendre le mêmeobjet support (…) et puis je me dis par ailleurs psychologiquement si je prends pas le même, ilsvont se sentir dévalorisés, parce qu'ils sont pas idiots pour tout, ils vont bien se rendre compte queils font moins que les autres.» (J1)

«Je suis totalement opposée à cela. C'est à dire que faire faire à l'élève ce pour quoi il est fait entreguillemets ou ce qu'il est capable de faire, je ne veux pas justement.» (B2)

«Non, non, non, justement, parce que justement quand tu fais des aménagements, que l'élève sepositionne comme différent et qu'il s'interdit d'aller voir ailleurs. Donc ça, je ne le fais pas et çasystématiquement, c'est même pour moi un parti pris, c'est à dire, c'est pas parce que tu es différentque tu dois faire autre chose que les autres et les élèves sont très sensibles à ça, très, très sensiblesà ça.» (D1)

« (…) je crois que notre rôle en technologie, ce n'est quand même pas de différencier les élèves dansla classe ou selon leur niveau. (…) On est dans un système qui peut être a plutôt tendance à déve-lopper la concurrence, alors que les élèves entre eux ne sont pas en concurrence. Donc si la classeréussit, si l'élève qui est faible améliore son niveau, cela sera bénéfique pour l'ensemble.» (N1)

Quelques professeurs argumentent aussi la non discrimination qu'ils revendiquent en jus-tifiant la nécessité d'une exigence élevée pour tous les élèves, parfois presque par force.

«J'ai déjà eu des élèves en grande difficulté et contrairement à ce qu'on croit c'est justement quandc'est difficile qu'ils s'accrochent.» (D1)

« (…) je me refuse de les laisser de côté comme certains le font ; c'est à dire ils ont difficulté maislà ils sont à l'école et ils y restent, donc je fais la même chose pour tout le monde quelle que soitla difficulté de l'élève. Au début, ça se passe mal, ils ont du mal à comprendre ça les élèves ; ilsont tellement l'habitude qu'on leur foute la paix, ils n'aiment pas trop qu'on vienne les chercherdans leur petit coin là, avec leur blouson qui attendent que l'heure se passe, ça ils n'aiment pas. Lapartie est gagnée quand ils ont enlevé le blouson.» (D2)

« (…) surtout pas, surtout pas de supprimer les documents écrits parce que c'est un peu l'idée de,l'élève sait pas lire, donc il n'a rien à lire ; il ne sait pas nager donc on l'emmène pas à la piscine.»(E1)

D'autres enseignants considèrent la classe comme un lieu privilégié pour l'élaborationcollective du savoir.

«Et bien, parce que c'est une sorte de pédagogie de la réussite. Évidemment le but, la réalisationconcrète c'est une chose qui n'a pas, a priori, une valeur en soi ; ce qui compte ce sont les compé-tences des élèves. Mais quand ils ont abouti quels que soient les moyens qu'ils ont utilisés, que cesoit une construction intellectuelle personnelle ou bien que ce soit un autre élève qui leur ait expli-qué, moi j'estime qu'il y a déjà quand même un aboutissement». (H2)

69 PATY, D. (1981, 1996). 12 Collèges en France, le fonctionnement réel des collèges publics. Paris,

La documentation Française. p. 227-239.

Page 58: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

58

« (…) à l'intérieur du groupe de gamins, il y avait échanges de compétences de gamins.» (F2)

«Quand j'utilise des groupes hétérogènes, c'est plutôt pour que chaque élément du groupe contribueà faire avancer le groupe, c'est à dire à l'élaboration du savoir.» (R2)

d) des cas "lourds"

L'évocation des pratiques fait appel à la mémoire des professeurs qui retiennent des cassinguliers et remarquables pour lesquels les modalités mises en œuvre se sont soldées pardes réussites qui restent pour eux exemplaires. Il s'agit le plus souvent de cas "lourds"selon leurs termes, d'élèves accumulant des difficultés de tous ordres et pour lesquels unesolution semble avoir déclenché et provoqué des modifications importantes. La générali-sation à partir de ces cas particuliers est alors tentante.

«Je prends l'exemple de cet élève là, il avait envie de fabriquer, je lui dit : ”maintenant écoute, tune peux pas faire des pièces n'importe comment, il faut qu'on fasse un plan (…)", il a accepté depasser à la planche à dessin (…) Donc, il faisait l'effort de mesurer avec précision les dimensions deson travail et petit à petit il s'est engagé dans un processus d'apprentissage. (…) Je pense que desélèves comme cela peuvent facilement sortir la tête de l'eau quand on leur propose des activités quipartent d'une compétence qu'ils ont déjà à l'état latent - il était minutieux, c'est un élève qui faisaitun travail soigné et je l'ai remarqué. Je lui ai dit : "si tu veux faire tout comme cela, tu seraiscertainement en tête de classe". Et là il s'est senti revalorisé par rapport à sa production ; il a sentiqu'il était capable de faire quelque chose que les adultes reconnaissaient et il appréciait. (…) ce qu'ila fait en technologie, cela l'a revalorisé ; on a eu besoin de son travail (…).» (T1).

« (…) le fait que ces élèves qui soient en difficultés, le fait de les avoir réunis et de leur donner lemême boulot que les autres, ça les a bien redynamisés.» (D2)

Très rarement, est déclarée la distribution sélective des tâches selon les élèves afin demaintenir le fonctionnement de la classe ou de l’équipe.

« (…) pour garantir la réussite de l'activité de l'équipe ou si le résultat de l'équipe risque d'être mé-diocre, je préfère confier à certains élèves autre chose, là il s'agit de tâches de production.» (G2)

Lorsque leur est demandé ce qu'ils feraient avec des élèves en plus grande difficulté, lesprofesseurs signalent le plus souvent trois axes : limiter le nombre d'élèves, simplifier lestâches, aménager le programme.

e) selon les proportions

La logique de la classe telle qu'elle s'exprime dans les entretiens tend à établir un rapportmoyen avec une faible dispersion. Les professeurs signalent ces cas particuliers qui nereprésentent qu'une petite fraction de la classe et admettent un traitement à la marge. Cesont des pratiques d'ajustement assurant une "régulation élémentaire" selon l'expressionde L. Legrand (1986)70.

«Quand on a des classes homogènes mais hétérogènes entre elles, on peut toujours modifier sa fa-çon de procéder, en supprimant une partie du programme, en le simplifiant ou en modifiant sespratiques pédagogiques mais quand l’hétérogénéité est au sein de la classe, on ne peut pas faire uncours individuel pour chaque élève, moi en tout cas, je ne peux pas le faire. Je peux simplementrenforcer les explications pour certains que je sais être plus lents ou qui ont des problèmes de com-préhension du français, montrer de façon plus concrète car je sais qu’ils ne comprennent pas forcé-ment ce que je dis.» (B1)

«S’il y a des élèves vraiment en difficulté dans les classes, ils sont au nombre de 2 ou 3 parclasse ; voyez ce que ça donne en demi-groupe ! C’est tout à fait gérable par l’enseignant.» (A1)

70 LEGRAND, L. (1986). La différenciation de la pédagogie. Paris, Scarabée. p. 98.

Page 59: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

59

Dans cette prise en compte mineure de l’hétérogénéité dans l'intervention pédagogique,un professeur signale que la perte est alors en quelque sorte admissible.

«Ça dépend du nombre d'élèves, si il y en a très peu, ça ne pose pas de problème, euh s'il y en aune forte majorité, ça veut dire que pour les autres il faut une activité tampon pendant une séancede façon à privilégier ça. (…) Généralement, il y en a très peu, généralement il y a un quart, untiers de classe. (…) On est aussi dans le cadre d'un enseignement collectif avec 28 élèves parclasses, si tu en as deux (…) je passe à la suite, je passe à la suite.» (E2)

f) des classes qui se succèdent

Sans développer les éléments que les professeurs signalent comme facteurs limitant leursadaptations qui seront examinés dans la partie suivante, il faut mentionner que le nombrede classes est une contrainte importante.

«J’avoue que j’ai trois classes qui se succèdent, j’avoue que… pfft, le dispositif il est en place engros, ils passent à la moulinette quoi. Mais la nuance quoi, c’est l’alternance d’une classe d’enfantstrès dynamiques à la limite quoi les bons quoi passionnés, en plus ils font eux en deux heures ceque la classe suivante va mettre trois fois plus de temps.» (C1)

Toutefois des innovations sont menées avec certaines d’entre elles au gré des collabora-tions dans l’équipe éducative. Ce sont des expériences singulières comme cette classedans laquelle trois professeurs mènent un projet collectif et où il s'agit de créer du sensnotamment en profitant d'un travail pluridisciplinaire de type thématique (L2) afin de"donner un peu plus de cohérence et de recoller un peu la mosaïque" (L2).

« (…) et notre idée là c'était d'arriver à niveler un peu les choses, c'est à dire que tout le monde ar-rive à peu près au même… avec les mêmes… enfin le même niveau et les mêmes connaissances,les mêmes expériences aussi et puis même vivre ensemble, essayer justement de regrouper tous cesindividus et de former un groupe classe assez fort, qu'ils puissent prendre appui les uns sur lesautres. Et puis justement, puisqu'on est un grand nombre d'adultes, pouvoir apporter à chaque élèveindividuellement, pouvoir l'encadrer de façon plus proche.» (L2)

III. MODALITÉS DU REGISTRE PÉDAGOGIQUE

P. Perier (1994) signale que "les difficultés les plus fréquemment rencontrées par les pro-fesseurs du secondaire pour atteindre les objectifs de leur enseignement sont de deuxordres : intéresser les élèves les moins motivés et faire travailler des élèves de niveau hé-térogène"71. En technologie, comme l'analyse précédente l'a montré, il s'agit surtout de ladifférence de rapidité qui pose les problèmes organisationnels les plus nettement souli-gnés. Les modalités se réfèrent cependant au constat nuancé des différences. Ainsi cespratiques adaptées sont-elles présentées ici selon les distinctions entre les élèves, selon lesrôles des professeurs puis selon les techniques de classe.

a) avec les élèves lents

Un seul enseignant mentionne que les plus lents terminent leur travail à la maison (B2).Le travail de, par, en groupe, assez fortement ancré dans le discours institutionnel et danscelui des professeurs-formateurs est la modalité signalée par tous les enseignants. Lesusages des groupes sont toutefois différents selon qu'ils constituent une solution pratiqueaux contraintes d'équipement, qu'ils favorisent le travail collectif dans de petites commu-nautés éducatives, qu'ils permettent la répartition des tâches dans des ateliers ou des res-ponsabilités dans des équipes72. Ce travail collectif est ainsi argumenté en tant qu'organi- 71 PERRIER, P. (1994). "Enseigner dans les collèges et les lycées". Dossier d'éducation et de

formation. MEN-DEP, 83.72 cf. MEIRIEU, P. (1987). Itinéraires des pédagogies de groupe - Apprendre en groupe ? Lyon,

Chronique sociale.

Page 60: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

60

sation favorisant la socialisation (F1) ou comme faisant perdre les repères scolaires habi-tuels des élèves en difficulté (H1).

«Même si j'avais 18 ou 20 ordinateurs, je les ferais quand même travailler par groupes (…) ça meparaît des choses qui sont, qui vont dans l'optique disons de la mode, de l'éducation à la citoyen-neté, disons socialisation.» (O1)

Cette organisation liée à l'équipement matériel des établissements qui ne permet pas unenseignement simultané, se révèle toutefois être une solution permettant de masquer l'hé-térogénéité.

«Disons que comme il y a beaucoup d'activités de groupe, je pense que, cette hétérogénéité, elle estun petit peu diminuée. Comme ils font des activités de groupe, qu'il y a un mélange, bien sûr, ilssont mélangés entre eux. S'il y a des élèves qui ont des difficultés au sein du groupe, il va être prisen charge par le groupe, par des éléments plus moteurs de ce groupe". (…) Et je ressens moins lesproblèmes des élèves qui ont des difficultés.» (enquête 2).

L'effectif souvent trop nombreux est ainsi divisé et réduit de trois à six unités qui s'avè-rent plus faciles à gérer dans des travaux autonomes qui se confondent parfois avec destravaux indépendants. Dans cette démultiplication par fractionnement, le tutorat, le moni-torat ou le parrainage sont cités par près d'un enseignant sur deux.

Si ces travaux en regroupement s'avèrent être une pratique généralisée dans l'échantilloninterrogé, chaque professeur constitue les groupes de façon très différente, selon seshabitudes professionnelles, ses intentions et ses conceptions de l'hétérogénéité et de lapédagogie de groupe. Ainsi ceux-ci sont-ils constitués en groupes de niveau favorisantl'entraide (F1), en groupes de bons (N1), en groupes constitués par affinité qui commel'indique le professeur correspondent souvent à des groupes de niveau (T1), en groupespermanents, en équipes changeantes (G1) ou "à géométrie variable" selon les activités(F1). En revanche certains enseignants optent pour des groupes plus mélangés (R2) pré-textant l'intégration des plus faibles dans un groupe stimulant (A1), constitués par le pro-fesseur en exigeant la mixité garçons-filles (N1), en fixant des rôles différents d'anima-teur, de rapporteur… (R2) afin de les valoriser (J1) ou des tâches nuancées (L1) maisaussi des spécialisations (O2) avec une rotation régulière des équipes (G1). Certains pré-fèrent une répartition arbitraire selon l'ordre alphabétique ce qui simplifie le travail de ré-colte des travaux ou bien avec des choix aléatoires justifiés par l’intérêt d'apprendre à tra-vailler avec des coéquipiers moins connus (R1). Aux groupes, certains professeurs préfè-rent les binômes (S1) constitués d'un observateur et d'un opérateur (K2) ou d'un bon etd'un moins bon (R2, F1, M2) afin d'assurer une autorégulation des écarts (K2). Les en-tretiens révèlent des pratiques très diverses fondées sur une expérience forte permettant detrouver les meilleurs équilibres pour l'enseignement et les meilleurs dosages pour lesélèves.

«Il n'y a pas de règle, certains ont besoin d'une aide, certains ont besoin d'être dans un groupe sti-mulant ; certains dans un groupe trop dynamique ne vont rien faire. Il faut essayer de régler ça aucas par cas.» (A1)

Peu d'enseignants signalent une différence entre groupes et équipes, bien que la distinc-tion apparaisse dans les discours : un groupe est un ensemble d'élèves qui font parfois lamême chose, une équipe sous-entend une organisation spécifique adaptée à une visée

voir aussi :POUSSIERE, P. (1993). "La gestion du groupe et les communications dans la classe". in J. Houssaye(dir.) La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd'hui. Paris, ESF. 151-164.HUBERT, R. (1946). Traité de pédagogie générale. Paris, P.U.F. (chap. Méthodes fondées sur lesmécanismes d'adaptation à la vie sociale. 528-532).

Page 61: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

61

commune et en particulier des complémentarités associées dans un travail partagé, no-tamment un projet73.

« (…) le groupe fonctionne, les gens deviennent complémentaires, entre guillemets par obliga-tion.» (O2)

«Donc cinq petites équipes qui avaient chacune à mettre au point un objet différent pour cette clien-tèle mais dont le travail était le même et j'avais donné comme consigne qu’ils se répartissent lesrôles au sein de chaque équipe, de ce que chacun se sentait capable de faire, de leur goût personnel etqu'ils s'entraident mutuellement. Ils faisaient entre eux la répartition des tâches et ils la négo-ciaient. C'était le canevas (…) il fallait que ça arrive à un travail abouti. Donc là justement, il mesemble que ça m'a permis de faire travailler tout le monde à son rythme en exploitant à la fois cesrichesses et ces lacunes.» (L2)

«Chaque groupe est responsable d'un mini-projet qui part d'un point A et qui va à un point B, etqui doit s'organiser, qui doit gérer son temps, qui doit gérer ses documents, euh, qui a à comprendrele travail qui leur est demandé, qui a à, heu, évaluer d'après des critères, bon, que je donne au départ,si l'objectif a été atteint. Bon alors, c'est un peu particulier, hein, ma pédagogie.» (O1)

Davantage dictée par des exigences matérielles que par des principes pédagogiques forts,cette organisation en groupes ou en équipes n'apparaît pas satisfaisante pour certains pro-fesseurs qui en perçoivent les limites. Ainsi sont exprimés des avis distincts qui minorentles vertus parfois affirmées.

«Alors, l'inconvénient, c'est que les gens fassent toujours les mêmes tâches : soient des tâches desecrétariat, soient les tâches de, de recherche d'informations, d'autres les tâches de prise de décisionet d'analyse. Bon, là, le danger, il est là. Mais ça, je sais pas bien le gérer.» (O2)

« (…) et c'est là où j'ai des doutes sur l'apprentissage ; je ne suis pas toujours sûre que chacunfasse l'effort d'apprendre par ce biais là. C'est à dire qu'à partir du moment où il y en a un qui a l'airde comprendre et que visiblement ça a l'air de passer, je me demande si les autres, par mimétismene font pas la même chose.» (F1)

« (…) mais souvent dans ces aides, je me fâche en leur disant "si vous aidez, vous avez les mainsdans le dos" parce que souvent ils font à la place.» (L1)

«Un gamin qui est en avance qui a fini et qui soit capable de ré expliquer les choses, de remontrer,je l’envoie auprès d’un élève en retard parce qu’il a été absent ou qui éprouve des difficultés et quilui explique avec ses mots, sui ne fasse pas le travail bien sûr et c’est toujours la grosse difficultéde surveiller cela. Ceci dit, on n’a pas 36 yeux, donc c’est parfois inévitable. Mais j’insiste biensur le fait qu’on montre mais qu’on ne fait pas le travail.» (B2)

«C’est pas leur façon de travailler et moi, j’ai pas envie de faire la révolution dans leurs petitestêtes. Moi j’ai envie de leur apprendre à travailler autrement, mais multiplier les groupes à ou-trance en 6è, ça a rarement marché.» (A1)

Toutefois la pédagogie des groupes restreints est signalée comme un moyen privilégiéd'observation des élèves afin de mieux les connaître et le cas échéant d’intervenir.

73 remarque : Le travail par ou en équipe est mis à l'honneur dans les programmes de 1945 pour les 6è

nouvelles. La distinction entre équipe et groupe est précisée par : FABRE, M. (1945). "Comptesrendus des conférences d'information faites à Sèvres à l'intention des maîtres des 6è nouvelles".Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale. 64, p.9 et suiv. (cité par H. Gossot et F. Brunot. (1948).De la théorie… à la pratique. Paris, Istra. 69-73.)«Équipe et groupe, il s'agit de deux choses extrêmement différentes. Il y a équipe à chaque fois qu'ungroupe d'hommes, d'enfants, etc.… unissent leurs efforts en vue d'un but commun ce qui entraînenécessairement une coordination en vue de ce but commun et une spécialisation des fonctions. (…) Lerésultat est tel que l'équipier reconnaît sa part dans le résultat final. (…) Dans le groupe il en est toutautrement. (…) Dans l'ensemble cette production (du groupe) dépasse les créations de chacun et elles'approche d'une perfection qu'aucun des trois (élèves) n'aurait pu réaliser séparément. Coopération, sil'on peut dire, pour le travail d'équipe, collaboration dans le travail de groupe. (…)»

Page 62: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

62

« (…) je pense que la pédagogie de groupe nous permet justement d'approcher plus ce qu'est l'élèvedans son individualité.» (Q2)

«un mini-groupe de cinq-six sujets favorise l'épanouissement de ces capacités.» (O1)

b) avec les élèves doués

Les élèves les plus rapides, parfois qualifiés de doués, ne gênent pas bien sûr les profes-seurs sauf “les bons qui sont en techno pour s’amuser” (Q2). Ce sont les écarts, exprimésprécédemment en termes de rendement, qui contraignent à mettre en œuvre des modalitéspermettant de limiter l’oisiveté des plus rapides. Trois modalités essentielles sontproposées par les professeurs interrogés : le monitorat, les travaux supplémentaires, lavariation de la nature des tâches. Le monitorat consiste à déléguer à ces élèves le rôled’assistant du professeur créant alors une forme d’enseignement mutuel où les “grands”assistent les plus “petits”. Cette modalité permet d'assurer ainsi une forme de soutien etd'aide individualisée (E2).

« Je demande aux élèves avancés de les aider. C’est une forme de tutorat.» (B1)

Les travaux supplémentaires sont désignés par “du plus”, c’est à dire des activités enmarge du développement des tâches en cours mais qui permettent aux élèves d’être occu-pés et de ne pas perdre leur temps. Ce sont parfois des moments où les élèves "s'entraî-nent à faire du soudage par exemple, des choses qu'ils aiment bien" (N1).

«Je prévois toujours plus. Je suis Mme Plus. C’est toujours pour ceux qui sont plus rapides maisce n’est pas un document différent. Ce qui peut varier, c’est la quantité ou la difficulté.» (A1)

« (…) j'essaie de développer des exercices qui, on va dire, qui vont plus loin pour celui qui est enavance.» (I1)

Enfin les professeurs sont parfois amenés à offrir aux élèves des activités qui sont cen-sées mieux répondre à leur niveau. Ce sont en particulier des tâches de conception géné-rant une implication plus grande tout en limitant l’intervention du professeur. Au delà durégime de confiance qui est nettement marqué, les professeurs ont une attitude différente"une attitude plus adulte" (L1) avec les meilleurs, ce qui joue toutefois un rôle de renfor-cement de la motivation des élèves et ce qui n’est pas exempt de renforcement d’unéventuel déterminisme social. Ainsi ces pratiques tendent-elles à faire jouer les rôles d’in-génieur aux meilleurs élèves sans avoir pleinement conscience du contraste qu’elles évo-quent dans les rôles sociaux mis en jeu ou en image dans la classe.

«Bon, je crois que ce type d'enfants, ça serait une erreur de ne pas leur donner des stimuli plus im-portants. Donc moi, si tu veux, j'ai des bacs avec des dossiers et des dossiers de compétences plusélevées. Ils choisissent.» (O1)

Le même professeur signale en ce sens qu'il répartit parfois les rôles pour faire jouer dif-férents rôles aux élèves (O2).

Un professeur, quant à lui, est plus sélectif en faisant des réalisations de fusées unique-ment réservées aux plus brillants d'entre eux (T1) ainsi que dans le domaine électroniqueoù les meilleurs utilisent des instruments et conduisent des activités plus sophistiquéestelles que mesure de bande passante, analyse du signal…(T1).

c) avec des élèves exceptionnels

Au cours du premier entretien, deux questions invitaient à imaginer des situations plusextrêmes avec des élèves qualifiés de "surdoués" et des élèves en très grande difficulté.Lorsque les professeurs ont accepté d'imaginer la première situation qu'ils avaient du mal

Page 63: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

63

à se représenter, les éléments signalés au point précédent sont nettement réaffirmés. Lesréponses font apparaître les contrastes les plus forts sur la nature des tâches des élèves quiopposent le travail posté au travail d'ingénieur (H2), la décision et l'exécution (O2), laconception et la réalisation (H1) ainsi que "régler des problèmes" et "répondre à des ques-tions" (Q1).

«Aménager le programme, non parce que en fait on peut aller peut être plus vite (…) le niveau decomplexité du projet serait sans doute plus important, mais il n'y aurait pas besoin à priori dechanger, changer les méthodes utilisées.» (E1)

« (…) je crois que j'irais plus loin, par exemple, j'irais plus loin en électronique.» (I1)

d) pour des élèves moyens

La logique de la classe conduit à une logique de la moyenne. A l’image du collège uniqueauquel correspondrait un élève unique, à la classe semble correspondre un élève moyensur lequel le professeur définit les activités qu’il met en œuvre. Cette logique d'unitéqu'impose l’organisation en classes, s'oppose à la logique de la diversité. G. Chabert-Ménager (1996) note en ce sens que le nombre d'élèves constitue le principal argument àl'encontre de la considération des individualités et qu'en quelque sorte, "l’École nesemble pas faite pour ça ; dans ses structures, dans son fonctionnement en l'état, ellen'offre pas les conditions de cette prise en charge individuelle des élèves"74.

« Je n’ai jamais de problème avec ceux-là. Simplement, ils comprennent vite, donc il faut prévoirplus de choses à faire. Ça ne me gêne pas. Je me cadre quand même sur la moyenne. Qu’est-ce queje pourrais faire ?» (B1)

« (…) je pense qu’il faut que ce soit modulé d’abord parce que les élèves arrivent pas avec lesmêmes acquis, alors je pense qu’il faudra en donner un peu plus à ceux qui ont pas d’ordinateurchez eux et un peu moins à ceux qui en ont moins besoin et qui maîtrisent bien ….» (D1)

« (…) et bien l'hétérogénéité, je me suis aperçu qu'on la prenait pas très en compte. On a plutôttendance, et il y a beaucoup de gens qui sont comme moi, on a plutôt tendance à travailler pour lesélèves moyens au départ.» (M2)

La répartition des tâches peut s'effectuer schématiquement selon une distribution deGauss.

«C'est à dire que, bon, l'élève moins doué, on va lui demander un peu moins, l'élève normal, il y aune procédure standard, et puis l'élève plus doué, il a, il a quelque chose de non prévu, quoi.» (O2)

«C'est le niveau de compétences que tu vas prévoir entre guillemets pour les élèves. Bon. Entreune classe brillante, il faut leur amener du grain à moudre, où le document si tu veux minimal neva pas suffire, parce que là tu pourrais amener plus. (…) Alors ça, ça se passe dans les classesfortes et si tu prévois trop, d'un niveau de compétences trop élevé avec quelqu'un de faible, tupasses pas.» (O1)

Ainsi certains documents de référence présentés aux élèves apparaissent-ils comme outild'homogénéisation à partir de l'hétérogénéité supposée des élèves.

« (…) c'est plutôt une mesure de décalage par rapport à une moyenne, j'aime pas dire le modèle.»(F2)

La difficulté est signalée par des enseignants qui savent toutefois que l'élève moyenn'existe pas vraiment.

«On a des grandes frustrations comme prof parce que on a un cours standard et il a de plus en plusde mal à s'adresser à l'ensemble de la classe. C'est à dire que les élèves en difficulté n'y ont pas ac-

74 CHABERT- MENAGER, G. (1996). Des élèves en difficulté. Paris, L'Harmattan. p. 30.

Page 64: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

64

cès et les élèves doués qui sont au delà de ce qu'on leur apporte sont un peu, comment dirais-je,euh, s'ennuient. (…) Voilà, c'est ça aussi l'hétérogénéité, il y a des élèves qui peuvent plus etd'autres qui ne peuvent pas arriver à cela. Au fond, quand je dis que notre travail s'adresse, vise unemoyenne, une classe moyenne, en fait bien souvent il n'y a personne dedans. Il y a beaucoup degens qui sont en dehors de ce truc moyen, il y a les très faibles qui n'y ont as accès et le très fortqui sont bien au delà de ça.» (L1)

e) pour des élèves motivés

Motiver les élèves est une préoccupation des professeurs bien qu’elle ne soit citée spécifi-quement que par un professeur sur 5. Cette motivation fait notamment appel à des tech-niques d’accroche que facilitent les machines, les activités de réalisation et la nature destâches des élèves.

« (…) ceux qui sont en difficulté, ils sont contents parce qu’ils fabriquent.» (D2)

«La première chose que je dirais c'est que si on fait référence aux élèves, à l'intérêt, je crois qu'onest condamné à toujours devoir les mettre en situation de faire, on est condamné parce que c'est lamotivation première.» (I2)

Pour certains d’entre eux, la recherche de motivation des élèves s’appuie sur un soucid’implication et d’engagement dans les réalisations en offrant aux élèves des espaces deliberté, des activités considérées comme plus créatives et plus inhabituelles à l’école. Laréalisation et la recherche de formes pour des pendules par exemple (S1) au cours de la-quelle des élèves en échec dans d'autres disciplines ont "impressionné leurs camarades"(S1). L’intérêt par des thèmes ayant une signification pour les élèves est également re-cherché.

« (…) bien choisir les supports techniques en se disant qu'il y a des plages de liberté, des espacesde création ; si on a des élèves qui n'y arrivent pas, ben on donnera une partie des solutions, sid'autres y arrivent mieux, ben on les laissera (…) concevoir c'est c'est peut-être un grand mot, ca-pables d'imaginer, ben je crois qu'ils faut leur laisser le maximum de choses à imaginer.» (J2)

Ainsi la séduction des élèves par les activités de réalisation, leur implication dans destâches où une part d’expression personnelle leur est laissée ainsi que leur intérêt grâce à lasignification des thèmes abordés sont trois modalités déclarées par les professeurs afind’intervenir sur les attitudes des élèves. Les professeurs utilisent ainsi les spécificités desactivités de réalisation dans une pédagogie attrayante où le plaisir risque néanmoins de ca-cher les compétences voire les incompétences.

Bien que les difficultés relatives à la discipline ne soient pas fréquemment signalées parles professeurs, lorsqu’elles le sont, elles sont associées à des modalités collectives d’é-quipes éducatives telles que les contrats de travail scolaire ou les permis de bonneconduite (K1). Deux enseignants mentionnent qu’ils fixent des règles particulières aufonctionnement de la classe, l’un évoquant la sévérité extrême, l’autre l’interdiction deparler.

i) pour des élèves semblables

L’ambition de ne pas discriminer les élèves, le souci de valoriser les plus faibles d'entreeux, l'intention de conduire une action éducative mais peut-être aussi l’intention de fairecoller la pratique à l’idée que la technologie assure la réussite de tous, amènent certainsprofesseurs-formateurs à masquer volontairement la diversité et les différences. Il s'agitalors de travailler dans des domaines peu valorisés à l'école. L'expression technique oul'éducation gestuelle sont ainsi citées comme n'ayant pas marqué scolairement les élèvesqui se trouvent donc au même niveau. Les intérêts concernant par exemple la structurationde l'espace argumentent ces orientations dans le registre psychologique (D2).

Page 65: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

65

De même, la volonté de ne pas distinguer les élèves sur les critères essentiellement sco-laires conduit l'enseignant à centrer son action d'une façon délibérément distincte : «Lapartie écrite en 6è, je ne m'en occupe pas.» (D2).

g) un professeur ressource

Dans leurs commentaires, les professeurs signalent très souvent leur souci de se rendredisponibles afin de réagir directement en fonction des activités ou des résultats des élèves.Ils se définissent alors comme étant des “professeurs-ressources” apportant l’aide qu’ilsperçoivent et le soutien qu’ils identifient. Ces descriptions évoquent les “épisodes adapta-teurs” (M. Altet, 1994) qui privilégient l’action de l’enseignant “prenant en compte lesbesoins mais aussi les initiatives de l’apprenant autant que les siennes, où il reconnaît quel’élève n’est pas à son image, n’a pas sa logique, mais a ses structures de pensée propres,ses représentations, ses goûts, ses profils d’apprentissage sur lesquels il doit s’ap-puyer”75. Ils signalent en ce sens leur intérêt de connaître les élèves afin d’ajuster in situleur intervention, la nécessité de les observer ou de discuter avec eux pour diagnostiquerplus précisément les obstacles ou les difficultés que les élèves rencontrent. Les profes-seurs considèrent qu'ils offrent ainsi une "aide individualisée" (M1).

«Bon, en technologie, ça va être facile, parce qu'on a l'habitude de travailler avec des petits groupesde gamins et puis de s'adapter un peu aux gens qu'on a.» (P2)

«Euh je passe beaucoup plus de temps avec ces élèves à essayer de construire comment je pourraisdire, des savoir-faire intelligents, (…) de faire en sorte que les connaissances associées aux procé-dures machines et bien, elles contribuent à faire un tout qui pour l'élève a un sens, je veux dire eten espérant que et bien quand ils arriveront en classes de 4è, au moins ils se poseront les bonnesquestions ou ils trouveront intelligemment ces problèmes-machines, c'est vrai qu'on essaie de lefaire dans toutes les classes, mais je pense qu'avec des classes difficiles, avec des classes euh, jevais dire, qui de toute manière, qui sont une approche, ils sont contents de manipuler ces gaminsde 6è, je veux pas non plus casser cette dynamique qui se crée face à la machine, mais je voudraisessayer de, je pense que j'y arrive d'ailleurs, faire en sorte ce que je dis, construire des savoirs intel-ligents, alors et donc je passerai plus de temps à venir les voir, à discuter avec eux, à échanger,c'est vrai que ça nécessite de mettre en place peut-être à côté des activités où je suis un petit peuplus libre, c'est vrai à ce moment là, mais euh, je crois que c'est au niveau de la discussion que çachange tout, au niveau de l'approche, euh je pense que je vais faire plus de formatif avec ces élèvesça, je pense que je vais plus essayer, de chercher à les aider à apprendre à apprendre, je crois quec'est à ce niveau là que ça change tout, et nécessairement ça me prend plus de temps. Alors que desélèves qui ont une facilité, plus de facilité à lire, à travers les documents que je leur donne, je leurlaisse plus de liberté à interpréter, alors là je vais chercher avec ces élèves à comprendre pourquoiça marche pas, où ça bloque, quel est le problème, pourquoi ils n'utilisent pas le document, enmême temps, ça m'aide aussi moi, si tu aimes mieux, il y a cette facette là, je veux les aider et jeveux comprendre comment ça marche, tu vois..» (I1)

«Les aménagements qu'on est amené à faire à certains moments sont plus peut être dans la forme,dans la présentation ou dans l'aide qu'on va faire aux élèves c'est à dire qu'il y a sans doute des aidesun peu individualisées qu'on peut mettre en place en classe dans la mesure ou ces équipes fonc-tionnent et on est libéré, je veux dire d'un certain nombre d'élèves qui fonctionnent en autonomie.»(E1)

Les limites de ces interventions sont ressenties par les professeurs. La division de laclasse en groupes conduit en effet à une division du professeur qui ne peut être disponiblepour tout le monde.

«Alors là, ce qui est en négatif (dans la répartition en groupes), c'est que ça permet d'éviter qu'il sedésintéresse, qu'il se déscolarise complètement et qu'ils deviennent des élèves un petit peu perturba-teurs dans la classe, donc ça c'est pour le confort du prof éventuellement (rires) c'est pas forcémentl'objectif que il y a certains apprentissages qui ne sont pas forcément acquis.» (E1)

75 ALTET, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris : P.U.F. p. 85.

Page 66: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

66

Toutefois l’intervention adaptatrice n’est pas systématique ; elle s’oppose à l’aide intégra-trice fondée sur une demande des élèves.

«Moi, j’aide s’ils ont envie d’être aidés, je ne veux pas faire de l’aide forcenée.» (D2)

«Je ne fais une médiation que pour ceux qui en ont besoin.» (E2)

h) un professeur attentif

Si la majorité des professeurs signalent qu’ils laissent plus de temps aux élèves qu’ilsperçoivent comme les plus lents, ils mentionnent aussi leur souci d’individualiser le suiviet l’aide qu’ils apportent. Mais cette individualisation n’apparaît pas fondée sur des pra-tiques d’individualisation anticipée qui distingueraient a priori des activités scolaires gra-duées.

« (…) c’est quand même dans une vision d’ensemble. Il n’y pas d’organisation préalable à cela,c’est au coup par coup.» (B2)

«Ici, quand il y a des élèves en difficulté, on est derrière eux, pas pour les surveiller mais pour lesaider. (…) C’est un travail de proximité dans ces cas là.» (A1)

«Je crois que je différencie en fonction de retours que j'ai quand je propose quelque chose et que lemets les élèves en activité et que je vois ce qu'ils font ou les difficultés qu'ils rencontrent, je vaisvoir, je reprends éventuellement (…).» (L1)

«Je pense que c'est du domaine du feeling de l'enseignant, ça, quoi.» (Q2)

«Alors peut-être que si l'on prenait cela au départ pour construire nos activités, déjà cela serait plusfacile à gérer plutôt que comme je disais tout à l'heure de le gérer dans un deuxième temps.» (M2)

Considérant que les difficultés reposent parfois sur les hésitations des élèves qui n’ontpas pleinement confiance en eux, ils considèrent aussi, mais dans un nombre d’occur-rence plus modeste, l’intérêt de leur présence exprimée en termes d’encouragement sur leplan des relations plus affectives.

« (…) parce qu'on essaie toujours de positiver, on ne met jamais de mots négatifs, on essaie deformuler de façon à encourager l'élève.» (K2)

«C’est à dire que les élèves en difficulté ont besoin de nous, j’ai vraiment l’impression qu’ils ontplus besoin de la personne que de la discipline car je vois avec les deux ou trois qu’on peut avoir,il y a quand même avant tout un problème affectif, de mise en confiance, de soutien et donc si déjàtu peux apporter ça c’est déjà énorme.» (A2)

Préparer les activités, permettre aux élèves de les vivre intégralement sont parfois desrêves de professeurs qui souhaiteraient s'effacer derrière leurs élèves, voire disparaître.Un tel professeur, observateur décentré, signale cette même intention qui lui demande unetrès grande anticipation "Moi, je passe mon temps à préparer" (O1).

«C'est ce que j'appelle le prof qui s'en va de la classe. Et on s'aperçoit que finalement il faudraitpresque partir par moment. Et j'ai envie de pouvoir partir pratiquement.» (F1)

i) des accessoires pour le professeur, des outils pour le collégien

Tous les professeurs-formateurs interrogés se déclarent particulièrement vigilants sur lesdocuments qu'ils mettent à disposition des élèves.

« Je crois que dans notre travail, l’important c’est la rédaction des documents, c’est à dire que c’estce qu’on leur donne comme ressources sur une fiche de travail. C’est tout notre travail. (…) on es-saie d’introduire des documents avec un vocabulaire très simple mais différent à chaque séance.»(A1)

Page 67: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

67

Cette attention est liée à l'exigence des travaux de groupe. La tendance est de construireprogressivement des "documents standard" (A2) accessibles à tous les élèves, "lisiblespar tout le monde" (K1) en particulier à "l'élève minimal" (F2) et ne sollicitant que desajustements mineurs en cours de séance.

« (…) c’est parce que on est parfois sollicité par d’autres ateliers ce qui oblige les élèves à se dé-brouiller sans le prof avec ces documents.» (A2)

« (…) au niveau de la présentation du document, je ne changerais pas le fond des choses, c'est plu-tôt au niveau de mon intervention que ça va évoluer. (…) c'est au niveau de la présence encore unefois, de la présence auprès des élèves en difficulté.» (I1)

«Je joue le jeu de ce qui est compréhensible par tout le monde.» (I2)

Cette conception des documents s'appuie généralement sur une sélection du vocabulaire,l'association du vocabulaire technique au vocabulaire usuel comme "porte-outils et man-drin" (D2), avec "un grand renfort d'images" (F2) et de couleurs.

«Donc dans les procédures, on a essayé systématiquement de, ça n'a rien de nouveau, d'intégrer desimages de façon à ce que les élèves qui ont des difficultés simplement en lisant, à voir ce qu'il yavait à faire, à avoir en plus l'image écran qui apparaît.» (E2)

« (…) une couleur pour chaque chose, une définition pour chaque chose avec la même couleur(…).» (B1)

Le soin apporté aux documents est aussi celui apporté à l'élaboration des consignes visantl'appropriation de la tâche en raison de "la difficulté de nos gamins, c'est donner du sensaux documents" (I1). Les consignes-critères, consignes-structures et consignes-procé-dures selon la distinction de P. Meirieu (1992)76 sont souvent réduites à "très très peu deconsignes" (K2). Elles détaillent les tâches des élèves et leur conduite. Ce détail qui guidesouvent excessivement l'élève est alors parfois critiqué car n'impliquant aucun tâtonne-ment (E2). Certains enseignants développent des stratégies différentes pour amener lesélèves à lire ces documents ou rendre actifs les lecteurs en difficulté, en glissant parfoisdes pièges dans les consignes entraînant par exemple l'effacement du texte en cours detraitement (H1). Dans les cas extrêmes, un professeur transmet ses consignes à l'aide dedictaphones (K1).

Les professeurs-formateurs signalent aussi leur utilisation de tous les outils disponiblescomme le rétroprojecteur, ou les différentes possibilités de l'ordinateur pour par exemple,faire apparaître en couleur les fautes à corriger sur le texte à traiter (G2).

«J’ai une façon de pratiquer assez visuelle, assez concrète ; je montre beaucoup au rétroprojecteurpour éviter les difficultés de compréhension écrites ou orales.» (B1)

Certains enseignants souhaitent ainsi tout mettre en œuvre pour ne pas ajouter de difficul-tés supplémentaires aux élèves, dans le détail de leurs actions comme par exemple préfé-rer l'usage du crayon à papier plutôt que le stylo avec lequel les élèves écrivent mal (K1).Le classeur s'inscrit aussi parmi les outils de l'élève et les professeurs lui portent égale-ment une attention toute particulière. Faute d'utilisation de manuels, le classeur constitueun repère essentiel et un moyen de structuration.

«Il faut qu'ils différencient bien ce qui est à conserver, ce qui est à savoir, et ça, ça permet un petitpeu de structurer les choses.» (E2)

Aux élèves ayant des difficultés scripturales est ainsi fournie une "trace écrite valide" quipointe ce que l'élève doit savoir (E2). L'utilisation d'un classeur de roulement permet 76 MEIRIEU, P. (1989, 1992). Enseigner, scénario pour un nouveau métier. Paris, ESF. p. 84 et suiv.

Page 68: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

68

aussi de répondre au suivi des élèves éventuellement absents qui peuvent ainsi plus faci-lement récupérer (E2).

«(…) je mets une note de classeur. Ça n’a l’air de rien, mais le fait d’avoir un classeur toujoursbien rangé avec toutes les feuilles… euh le gamin qui est en difficulté, à la fin de l’année, et qui ason classeur rangé, il n’est plus du tout le même.» (D2)

j) des tâches différenciées, guidées, graduées, individualisées

La proposition des activités est pensée dans un équilibre admirablement formulé par unprofesseur-formateur : "mettre les bons élèves dans une situation un peu facile et l'élèveen difficulté en situation de réussite" (H1). Les professeurs-formateurs signalent ainsi lesfacteurs sur lesquels ils interviennent dans la conception des tâches différenciées desélèves.

«Ça peut être différencié sur la nature mais aussi sur le niveau de difficulté. Dans un même grouped'élèves on peut fixer des paliers. On sait que certains atteindront le palier le plus haut maisd'autres le palier minimum restant quand même l'exigence définie par les textes. On peut penseraussi que, dans une même équipe, il y ait des responsabilités différentes et que chaque équipe puisseadapter son mode de fonctionnement.» (G1)

«Ben je pense qu'il y aurait peut-être moyen au niveau de, des documents, de faire des choses unpeu plus simples ou plus… de demander un petit peu moins, d'aller un peu moins loin heu et puispeut-être aussi être plus présent sur ces groupes, le prof plus présent sur les groupes, heu… réduirele nombre d'activités mises en parallèle.» (P1)

Toutefois, la modalité la plus prégnante pour l'accommodation des tâches à des publicsdivers consiste à simplifier et à fractionner l'enseignement, donnant aux élèves des“petites choses à faire”.

«C'est à dire que la différence là, c'est qu'il y en a un qui est guidé pas à pas.» (O2)

«Depuis qu'on a attaqué la fabrication, j'ai senti une motivation plus importante des élèves, ils sesentent rassurés de fabriquer, de suivre des consignes, des petites choses simples pour eux.» (S1)

«Je ne dis pas saucissonner, je mets en place des tout petits exercices, qui sont validés ou non va-lidés au bout de 20 minutes (…) si on n'arrive pas à faire ça, les gamins qui sont en difficulté sontlargués dès le début.» (K1)

« (…) c'est important que le gamin réussisse, qu'on ait une petite tâche, mais qu'il la réussissequoi.» (P2)

« (…) donc je fais répéter de tâches courtes et la techno par ses aspects pratiques permet de faire çaplus qu'une autre matière.» (L2)

« (à propos du traitement de texte) Pour certains élèves cela ne convenait pas car il y avait trop dechoses. Il semble qu'une phrase serait largement suffisante. Simplement travailler sur une phrase etenvisager différentes actions plutôt que travailler sur un texte qui possède plusieurs paragraphes.»(M2)

En effet, une des difficultés perçue par les professeurs est celle de la gestion de problèmescomplexes par les élèves, par exemple dans la recherche de solutions pour laquellecertains n'arrivent pas à intégrer des contraintes multiples et de nature différente (T2). Làencore les tâches précisent le découpage de la résolution.

«Ce que j'appellerai le degré minimal d'exigences en tant qu'exécutant, bon, ce qu'on demande entechnologie collège, tout gamin va pouvoir le faire. Par contre, avec une situation-problème où ildoit prendre une décision, tu t'aperçois déjà que, là, les gamins qui sont, comme tu disais, un peuplus doués, un peu plus actifs, qui ont un passé entre guillemets technologique, que ça soit au col-

Page 69: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

69

lège ou dans leur vie familiale, dans leur environnement, vont prendre une décision, vont pou-voir… Et tu as des gens qui sont complètement inhibés..» (O2)

L’intention de cet enseignement découpé est de valoriser la réussite des élèves en leur tra-çant la voie et en levant les obstacles qu’ils seraient susceptibles de rencontrer.

« (…) faire avancer lentement et mener d'un bout à l'autre quelque chose.» (L1)

« (…) bien leur expliquer au début ce qu'ils ont à faire.» (S1)

« (…) il y a trois étapes, bon, ben, trois étapes correspondant à des difficultés que je vais essayerde faire, de mettre en place, donc je sais qu'à un moment donné avant de passer à la deuxième étape,j'irai voir si l'élève a été capable de faire (…)» (I1)« (…) le travail est assez décomposé (…)» (I2)

Certains signalent toutefois la limite de ce découpage qui tend à faire perdre la significa-tion des activités dans le projet engagé. En effet, un tel découpage apparenté à une péda-gogie par objectifs-obstacles s'oppose fondamentalement à une pédagogie de projet.

« (…) on n'était plus du tout dans la technologie de démarche de projet.» (L1)

Cette organisation en exercices plus systématiques perd en effet son sens mais permet auxélèves les plus en difficulté d'avoir quelque chose à faire. Ce sont généralement destâches d'exécution dont la fonction est aussi surtout occupationnelle, peut-être pour nepas perturber les autres.

«Par exemple, j'avais à la limite des espèces de petits exercices, c'étaient des exercices, je ne peuxpas dire un autre mot et sur lesquels…, pratiques, c'est à dire que les élèves de cette classe poly-technologique qui étaient donc 12, je faisais un petit peu de principe de rotation sur tout ce quej'avais dans la classe, apprendre à se servir de l'ordinateur, apprendre à faire quelque chose avec, ap-prendre à souder, faire un objet électronique.» (L1)

k) des tâches adaptées au rythme de chacun

Pour les activités d'initiation aux logiciels, le fractionnement des tâches est égalementmentionné, reproduisant ainsi les fichiers de certaines méthodes de lecture permettant auxélèves de suivre la progression qui leur convient, tout en pouvant disposer des fiches res-sources éventuellement nécessaires (F2), de "memos" (G1) ou de "fiches mémoire" (I2).Cette forme d'enseignement gradué est souhaitée par les enseignants :

«Et puis dans mes objectifs, ce serait de proposer dans les exercices une gradation pour que chacunpuisse aller jusqu'où il veut.» (H2)

Certains enseignants graduent leurs activités en proposant des repères dans la progressionet des passages obligés permettant alors aux élèves de poursuivre leurs apprentissages(G2).

«L'idée, c'était pouvoir donner au moins trois chances à un élève de pouvoir se récupérer, de remé-diation, s'il avait un problème par rapport à une compétence. (…) c'est un peu l'optique de mettretrois niveaux, si tu veux, de trois possibilités d'évaluation (…) » (Q2)

l) par répétition, avec des tâtonnements, sous contrat

Les modalités d’intervention concernent également les itinéraires d’apprentissage desélèves ainsi que les façons d’apprendre. Selon les activités, les modalités sont distincte-ment proposées. Pour les compétences instrumentales dans les activités de réalisation etdans les utilisations de l’ordinateur, les professeurs-formateurs considèrent que l’entraî-nement est important et que la répétition des actions est nécessaire (A1).

Page 70: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

70

«C’est quand même le fait de l’informatique où on va faire refaire le même exercice plusieurs foisle même type d’exercice donc au bout de la troisième fois, ils ont quand même en général à peuprès compris.» (B2)

Parfois, ils signalent également des formes d’enseignement plus inductives, souhaitantfavoriser les tâtonnements ou les essais-erreurs. Il s’agit par exemple de rendre compte del’opération effectuée, à l'aide d'images séquentielles qui permettent de multiples essais(B2) et dont le nombre peut être varié pour convenir aux différents élèves (G2). Danscette orientation active des apprentissages, les manipulations papier avant manipulationssur machine sont utilisées (K2).

«En grammaire à l'école primaire, c'était comme ça. On prend un exemple, à partir de cet exempleon tire une règle et après on faisait une généralité avec des exercices d'application. Je fais çacomme ça pour les fonctions électroniques.» (H2)

«Donc, si je peux résumer en gros, je dirais qu'avec les élèves difficiles, c'est la réflexion à poste-riori, avec les élèves un peu plus faciles, c'est à priori.» (I2)

Les enseignants, en se référant aux classes typées, notent cependant que cette pédagogieexige du temps (Q1). Partir de ce que les élèves savent, construire à partir de cet état ini-tial, mettre en place des activités contribuant aux progrès des élèves sont des intentionsqui sont également signalées. Ainsi, le dessin technique par exemple n’inflige les règlesnormalisées que progressivement mais “surtout pas au début”(D2). Des repérages decompétences non acquises grâce à des "exercices un peu diagnostics" proposent aussi desmises à niveau (E2).

«Je m'adapte à leurs productions de départ qui représentent leurs situations de départ au niveau desreprésentations, je pars de ce qu'ils ont dans la tête, de ce qu'ils m'expriment en tout cas.» (J2)

Les formes de “pédagogie de contrat” apparaissent également dans les propos des profes-seurs. Elles sont associées aux définitions précises des tâches et des résultats souhaités(E2) ainsi qu’aux critères sur lequel le travail sera évalué (F2). Toutefois, le “contrat”prend souvent la forme d'une tâche à exécuter, plus rarement d’un projet à conduire.Ainsi les rôles d'exécutant sont-ils souvent plus présents dans la classe (Q1).

m) des activités plus concrètes, plus pratiques

Les différentes "pédagogies du concret" auxquelles les professeurs se réfèrent sont toute-fois conçues généralement d'une façon remédiatrice et motivante sans que soient toujoursexplicitées les structurations de connaissances qu'elles suggèrent.

«Tout à fait, moi je pense que si tu veux, on peut, on a la chance de pouvoir construire l'abstrac-tion à partir du concret.» (J2)

Il s'agit plutôt d'une opposition forte au travail sur documents ou à la "techno-papier". Lalimitation du travail écrit en est l'enjeu essentiel afin de ne pas creuser les écarts.

«Dans un premier temps, j'élimine au maximum le travail papier, puis progressivement j'amènedes documents d'exploitation (…) Si on leur balance des tonnes et des tonnes de papier pour faire dela fichite aiguë, heu.» (O1)

«Surtout qu’il ne faut pas trop d’activités “papier”. (…) Cette année, j’avais des non-franco-phones… un travail sur papier comment voulez-vous ?» (B1)

«Bon on se rend compte que le temps qu'on passe à parler, c'est pas un temps qui est tellementprofitable à l'élève.» (N1)

Page 71: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

71

« (à propos d’une classe de redoublants) ce projet nécessitait beaucoup de manipulations, d’utilisa-tion de matériels, beaucoup moins de travaux “papier” donc davantage de pratiques et d’activitésconcrètes.» (A1)

Il s’agit aussi de mettre l’accent sur le “faire” pour l’intérêt supposé de cette activité pourle ou les élèves.

« (…) je passe plus de temps sur les machines, sur tout ce qui est concret, sur la compréhensionintelligente d'une machine.» (I2)

n) des évaluations et des notes

Peut-être dans une sorte de discours convenu, les professeurs parlent bien évidemmentd'évaluation formative avec des aménagements particuliers comme par exemple des cor-rections et des exercices complémentaires qui ne s'adressent qu'aux élèves qui n'ont pascomplètement réussi dans la perspective "de les impliquer sur leur évaluation" (E1) ou deles responsabiliser.

«Alors moi, si tu veux, j'ai tout un tas de stratégies d'évaluation et, en fonction de ces évaluationslà, ben j'ai des, j’ai des, j'ai une remédiation qui va de l'exercice complémentaire donné, pioché dans, dans un bac, heu, jusqu'à… heu.» (O1)

De même des intentions sont signalées pour ne pas évaluer uniquement par des contrôlesde connaissance dont la forme écrite suffit à discriminer les élèves, mais par des activitéspratiques "soit petites fabrications, soit exercices sur les postes informatiques" avec les-quels "on arrive à une harmonisation un petit peu plus importante" (E1). Ainsi les modali-tés sont-elles très variées, parfois opposées, selon les enseignants.

«Je travaille surtout dans deux rubriques : les savoirs et l'implication, c'est à dire un aspect pluscomportemental.» (O2)

«Et c'est vrai que là, l'idée de l'implication, on est passé un peu à côté. Pour l'instant, là-dedans, onl'a pas prise en compte, l'évaluation de l'implication. Parce qu'on savait pas faire, on savait…, onsait pas. L'idée de départ, c'était plutôt d'abord le progrès et les compétences minimum.» (Q2)

Une tendance assez nette apparaît dans de nombreux entretiens. En effet, un enseignantsur cinq évoque plus ou moins explicitement l'idée d'un "service minimum" (O2) jugécomme incontournable au delà duquel certains élèves peuvent aller mais en deçà duquel iln'est pas permis de descendre.

« (…) c'est d'amener la quasi totalité des, faut pas être prétentieux, à un niveau de compétences ac-ceptable.» (G2)

« (…) je me suis aperçue que la grosse, grosse majorité avait quand même atteint un bon niveaudans les minimums à atteindre.» (B2)

« (…) mettons le niveau minimal que tu exiges pendant une heure et demie (…).» (O1)

Cette option minimaliste est définie essentiellement dans le champ des compétences ins-trumentales et est exprimée plus nettement dans les activités d'utilisation des machines in-formatiques.

«Bon, on va prendre quelque chose de très, de très minimum, bon être capable de saisir un texte(…).» (P2)

«A la limite ne pas faire le tableau c'est pas dramatique. L'essentiel c'est de faire des activités quipermettent de lancer la machine, aller ouvrir un ancien programme, ouvrir un fichier, sauvegarder.Il me semble que ce sont des choses de base.» (N1)

Page 72: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

72

«L’informatique de base me semble incontournable : traitement de texte et tableur. Le pilotaged’automatismes me semble moins gênant si on ne peut pas le faire. La CFAO me semble aussiincontournable pour passer de l’informatique qui reste théorique à l’application pratique qui permetde voir la continuité de la chaîne d’information. C’est incontournable.» (B1)

« (…) par exemple il y a six perçages à faire, si tu as su en faire deux, c'est bon, tu as donc atteintce que j'ai demandé ; ou un texte en informatique qui est à mettre en forme, s'il a réussi à mettre enforme quelques éléments, pas tous, je lui dis que je suis satisfaite.» (L1)

«Donc ici, le travail minimal à faire ici pour les 3è, c'était ça. Le travail maximal, c'est l'analysedes résultats et en faire une note de synthèse pour rédiger le cahier des charges.» (O2)

Néanmoins, les propos concernant l'évaluation et la notation s'entrecroisent. L'évaluationsommative avec ses fonctions institutionnelles conduit à des modalités discriminatives.

«Ce qui fait la différence, c’est l’évaluation, le bilan de la fin de l’activité par exemple pour lessystèmes automatisés, là tout le monde a le même temps et c’est une évaluation type.» (D2)

« (…) je vais faire des choses un peu plus poussées ou aller un peu plus loin pour des élèves quipeuvent le faire mais ça ne sera pas pour autant là-dessus que je vais les évaluer, pas sur ce plus.»(L1)

Aussi, les propos parfois généreux sur la diversité des élèves ne sont-ils pas sanscontradiction. L'offre de moyens de remédiation, d'itinéraires d'apprentissage, d'évalua-tion plus formative… ne se solde pas toujours par des jugements correspondants.

«Il y a une progression de quatre, par quatre étapes ; des élèves en difficulté ne dépasseront pasl'étape numéro deux alors que les autres dans le même temps iront jusqu’à l'étape quatre. Bien sûrau niveau de l'évaluation, l'élève qui ira jusqu'à l'étape deux se retrouvera avec une note maximalede 10/20 alors que les autres vont pouvoir aller jusqu'au maximum.» (T2)

La notation, très modestement évoquée dans les entretiens, est aussi parfois considéréecomme un moyen pédagogique pour provoquer des travaux sur des tâches de différentenature ou pour équilibrer les travaux (F2). Les notes sont également des sanctions pourles élèves, des jugements ou des admonestations.

« (…) quand ils ont des 3 ou 4 de moyenne, c’est parce qu’ils ne font strictement rien et c’est cer-tainement partout pareil.» (B2)

Mais quelques professeurs-formateurs font part de leur embarras sur la notation, rendantcompte des contradictions qu'elle peut recouvrir en technologie pour les élèves perçus endifficulté.

«Il y a des élèves qui ont de très très mauvaises notes, aux alentours de 6 mettons et en revanched'autres qui ont d'excellentes notes et dans la zone intermédiaire entre ce 6 et ce 15, il y a finale-ment assez peu de gens et je me rends compte que entre 6 et 15 c'est là que je voulais me situerdans ce que j'ai proposé aux élève et finalement, il n'y a personne pratiquement. Alors est-ce qu’ilfaut que je propose deux approches différentes pour satisfaire ceux qui sont à 6 et ceux qui sont à15 ?» (L2)

«Et tu sais, c'est délicat, parce que où s'arrête la barrière ? A partir de quel élève je vais établir unbarème différent.» (P1)

Équité et encouragement, aide et sélection, remède et détection, comme validation et éva-luation sont en tension dans les discours des enseignants.

o) des modalités diverses et hétérogènes

Les professeurs-formateurs décrivent de nombreuses modalités pédagogiques qu'ilsmettent en œuvre pour convenir à la diversité de leurs publics. Cette diversité dont le pa-

Page 73: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

73

norama est décrit et analysé dans les paragraphes précédents, si elle prend appui sur ladiscipline qu'ils enseignent, est davantage fondée sur les appréciations et les jugementsque les enseignants portent sur la nature des activités technologiques que sur la structurede la discipline. La professionnalité pédagogique est ainsi incontestable mais les décisionsqui sont mises en œuvre répondent surtout à des intentions éducatives plus qu'à desambitions instructives. Ces adaptations décrites par les professeurs apparaissent aussi dé-pendantes de styles différents dont un essai de typologie sera proposé dans la dernièrepartie de ce rapport.

Toutefois quelques modalités du registre didactique sont mentionnées ou évoquées aucours des échanges qui permettent aussi d'identifier le rapport que les professeurs établis-sent aux programmes, c'est à dire à la définition légale de la technologie.

IV. MODALITÉS DU REGISTRE DIDACTIQUE

Les modalités du registre didactique sont nettement moins nombreuses. Elles se caractéri-sent par leur relation fondamentale aux contenus, à la structure de la discipline et à samatrice. Modifier les équilibres horaires et choisir les scénarios sont les éléments essen-tiels pris en compte. La progressivité, les références, les composantes de la technicité quireprésentent des éléments fondamentaux ne sont pas en revanche, abordés. A l'échelle deces adaptations, les contenus ne sont pas non plus vraiment considérés comme deséléments sur lesquels des interventions sont possibles. Les compétences notionnelles etinstrumentales exigibles en fin de cycle ne sont pas examinées selon les éventuellesnuances de leur approche. Par exemple, l'esquisse de la notion de "poste de travail"pourrait donner lieu à une analyse de sa signification conceptuelle (fonction du poste dansle processus, nature des relations avec les autres postes, instrumentation…) afin dediversifier l'accès des élèves à cette élaboration conceptuelle.

a) appliquer les programmes

Dans leurs commentaires, les professeurs-formateurs considèrent généralement que leurdevoir est "d'appliquer le programme". Cette formule assez usuelle dans les salles de pro-fesseurs est signalée par un peu plus d'un enseignant sur deux dans des expressions quiaffirment le cadre légal que le programme définit et le rôle institutionnel que les profes-seurs jouent.

«Je crois qu'il est important que, quant à ce qu'il y a dans les programmes, au niveau des compé-tences, que tout soit abordé. (…) Il n'y a pas d'aménagement des programmes, pourquoi il y en au-rait ? (…) Les programmes sont définis par niveau de compétence. L'objectif c'est avant tout, je di-rais, en tant que fonctionnaire, de répondre aux programmes.» (Q1)

«On est des fonctionnaires. On a des activités, des compétences, par contre, ce qui va varier, c'est leniveau de compétences que tu vas exiger enfin, que tu vas demander entre un enfant qui est surdouéet un enfant qui a plus de difficulté.» (O1)

« (…) Mais il y a un cadre. Parce que jusqu'à maintenant c'était relativement flou. Il pouvait avoirdes interprétations différentes et cela pouvait nuire quand même un petit peu à un certain travaild'équipe (…). Là au moins il y a un cadre, je dirais qu'à la limite on n'a pas le choix. C'est lesprogrammes. Ils sont officiels, c'est une norme. donc c'est une force. Ceux qui le font, le font à lalimite à leurs risque et périls (…) de ne pas appliquer le programme.» (N1)

«Qu'elle soit consolidation ou ordinaire, je traite la même chose au niveau du projet parce qu'on ades élèves qui vont passer en classe de cinquième, la normale donc, il faut qu'on essaie de garder lamême politique, le même suivi (…).» (S1)

« (…) on essaie d’appliquer les nouveaux programmes dans la mesure du possible.» (B1)

« (…) je suis préoccupée par le fait d’appliquer le programme dans un premier temps.» (A2)

Page 74: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

74

«Moi, j'ai pour principe de ne pas changer le programme, c'est à dire que je souhaite que tous lesélèves puissent acquérir les mêmes choses.» (E1)

Lorsque les professeurs désignent le programme comme un cadre, une obligation, la loien quelque sorte, ils considèrent difficile d'aménager le programme au sein des classes(N1). La date des entretiens correspondant à la phase de diffusion de ces textes mais aussile statut des personnels interrogés, influencent sans doute ces réponses officielles.Certains hésitent à critiquer les programmes en raison de leur rôle de formateurs institu-tionnels77.

« (…) on est quand même tributaire des horaires qui nous ont été donnés, euh, que l'on diffuse àtous les professeurs de l'académie, donc je ne me sens pas trop le droit de jouer avec. (…) il y a deschoses qui me gênent, mais j'ai quand même un droit de réserve.» (I2)

Certains semblent aussi hésiter à intervenir sur les textes prescriptifs tant qu'ils n'ont pasmesuré leur compatibilité avec les classes.

«Jusqu’à présent, tant que je n’appliquais pas les nouveaux programmes, je pouvais le faire. Ne mesentant pas prise par un programme trop strict, je prenais le temps de ré expliquer, d’apporter desconnaissances sous d’autres formes si je voyais que ça n’était pas bien passé parce que je ne mesentais pas tenue de respecter le programme. (…) Tandis que maintenant, je me sens tenue de leurfaire aborder toutes les compétences et c’est l’enfer parce qu’on ne souffle pas cinq minutes.» (B1)

« Après tout, bon, on a un programme à appliquer, c'est vrai. Mais si le prof juge que le gamin…qu'un gamin va tirer plus de profit s'il passe un peu moins de temps sur la commercialisation et unpeu plus sur… sur une unité par exemple, heu, après tout, pourquoi pas.» (P1)

D'autres ont plus de distance par rapport à ces textes et perçoivent davantage les interven-tions possibles qu'ils attribuent éventuellement à leurs collègues.

« (…) le problème c'est qu'on peut avoir l'impression de ne pas boucler le programme. J'ai des col-lègues qui m'ont dit qu'ils n'arrivaient pas à boucler le programme de sixième. Pourquoi ? Parceque souvent les gens ont tendance à rajouter des choses aux programmes. (…) Et après, ils se plai-gnent qu'ils ne peuvent pas faire le programme. Donc, je pense que le programme, tel qu'il est ré-digé actuellement, on doit pouvoir le faire avec des élèves, quel que soit le niveau. Par contre, lesrésultats, heu, ben ne seront pas tous de même qualité.» (P1)

«Il m'arrive de faire l'impasse sur certaines activités au profit d'autres. Est-ce que mes choix sontbons ou pas, j'en sais rien. Mais je laisse du temps à certains élèves pour ce qui me paraît essen-tiel.» (G1)

Mais ces déclarations, compte tenu de la connaissance des programmes dont ils font partsont essentiellement des manifestations d’une confusion dans la nature des interventionsqu'ils effectuent. Toutes leurs descriptions précédemment examinées constituent autantd'interventions sur les programmes qu'ils semblent ne pas identifier comme telles et enayant à l'esprit qu'ils "appliquent" les textes prescrits. En d'autres termes la faiblesse dudiscours sur les modalités du registre didactique peut être interprétée soit par une mécon-naissance des programmes soit par une attitude de protection consistant à affirmer leurapplication tout en mettant en œuvre leur vision personnelle de la technologie. La disci-pline qu'ils enseignent et à l'enseignement de laquelle ils forment, n'est pas ainsi celledéfinie par les programmes. Les visées souvent focalisées sur des compétences instru-mentales immédiates ne sont pas identifiées. A cet égard un professeur exprime le vœu deprogrammes qui fixeraient clairement les intentions terminales sur lesquelles l'orientationdu travail des élèves pourrait être engagée (F2), ce que précisément le nouveau pro-gramme établit. Les tâches des élèves sont également distantes de celles définies par lesprogrammes : la plupart des formateurs confiant des tâches d'exécution à leurs élèves tout 77 cf. LANGLOIS, A. (1998). "Les enseignants-formateurs des MAFPEN, des acteurs sociaux".

Recherche et Formation. Paris, INRP. 27, 139-154.

Page 75: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

75

en croyant mener des projets. Enfin les références sont absentes des discours des profes-seurs-formateurs comme dans les réponses des enseignants lors de la consultation natio-nale. Les composantes de l'évaluation sont également partiellement absentes des descrip-tions développées privilégiant le plus souvent des savoir-faire limités. La progressivité etles éléments constructifs de la discipline ne sont que très rarement cités.

La méconnaissance des relations entre nature et fonction des programmes ne permet pasainsi de délibérer78 véritablement avec la matière enseignée. La croyance "d'appliquer" leprogramme ne permet pas de contrôler les décisions proposées, de les discuter et de lesargumenter. Un formateur, sous prétexte d'innovation pédagogique, mentionne même sespratiques délibérément déviantes.

«Je ne veux pas trop parler de ma pratique parce que j’veux dire elle est tellement, elle est un peumarginale, hein. (…) Je teste un truc euh, donc je mets en place une organisation sur une ou deuxséquences souvent c’est hors programme, c’est pas dans le programme institutionnel. (…) Je n’aipas le souci de couvrir le programme, quoi en gros.» (C1)

Ces faiblesses de la part de formateurs institutionnels sont sans doute préjudiciables à ladiscipline dont ils revendiquent souvent une existence forte. Mais l'analyse des discoursn'implique que des constats sans jugement de valeur. Elle met en évidence les différencesentre le curriculum prescrit et le curriculum réel (P. Perrenoud, 1993)79 ainsi que l'actiondécisive des professeurs-formateurs sur le développement d'une discipline.

Toutefois, les commentaires laissent entrevoir des décisions qui considèrent d'une façoncertes très approximative, les composantes et la structure de la discipline.

b) aménager les volumes horaires

Les professeurs-formateurs interviennent sur l'équilibre entre les unités de technologie del'information et les scénarios. Deux raisons motivent leurs choix. Il s'agit d'une partd'adapter l'enseignement aux aménagements horaires locaux exigés par le maintien desgroupes. L'horaire annuel est diminué voire plus simplement divisé par deux (B1). Lesobstacles à la mise en œuvre des programmes conduisent à des allégements contraints.

« C’est difficile d’équilibrer quand on doit supprimer une partie du programme. (…) Nous avonsdécidé de supprimer un scénario pour pouvoir garder les deux unités de traitement del’information.» (B1)

La seconde raison est liée à l'appréciation contrastée portée sur l'intérêt des différentesactivités. L'apprentissage de l'usage de l'ordinateur pour tous les élèves au regard de ce-lui du soudage induit une sélection parmi les activités de réalisation sur projet . Les pro-fesseurs tendent de ne retenir que celles qui ne sont pas des "activités papier". En ce sens,l'unité consacrée à l'approche de la commercialisation d'un produit en 6è est souvent citéecomme n'étant pas compatible avec les élèves en difficulté (B1, I1).

«Je m’aperçois dès que l’on commence à parler de choses un peu plus abstraites comme sur lacommercialisation par exemple, ce genre de choses bon c’est tout de suite beaucoup moins évi-dent.» (B2)

Mais les unités de technologie de l'information sont les activités qui exigent des modifi-cations les plus importantes. En ce sens, un professeur-formateur signale que les aména-gements lui apparaissent nécessaires dans les activités d'utilisation de logiciels pour les-quelles les pré-requis sont indispensables d'un cycle à l'autre.

78 voir en particulier : GAUTHIER, C. (Ed.) (1997). Pour une théorie de la pédagogie. Recherches

contemporaines sur le savoir des enseignants. Presses de l'Université de Laval. Bruxelles, De Boeck.79 PERRENOUD, P. (1993). "Curriculum : le formel, le réel, le caché". in J. Houssaye (dir). La

pédagogie ; une encyclopédie pour aujourd'hui. Paris, ESF. 61-76.

Page 76: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

76

«Donc, dès qu'il y a un peu de savoirs cumulatifs comme ça, je crois qu'il faudrait faire des aména-gements.» (E1)

Toutefois, l'argument qui fonde les propositions d'aménagement suggérées en termesd'allégement est davantage la pertinence des domaines abordés par rapport à l'utilisationsociale ou professionnelle des logiciels.

«Pourquoi rajouter des tas de choses, si on ne fait pas bien le minimum, ce qui servira. (…) Est-cenécessaire de travailler sur Charly Robot ? Je trouvais que les tables traçantes, c’était bien. Piloterd’autres périphériques, pourquoi pas ! Mais est-ce qu’on en fait pas trop au détriment de ce qui estnécessaire à “Monsieur Tout le Monde”.» (A1)

Indirectement, ce professeur questionne les principes d'élémentarisation et de progressi-vité des programmes, préférant la maîtrise d'un champ d'application plutôt que l'approchediversifiée et ouverte des multiples usages de l'ordinateur.

c) choisir parmi les scénarios

Le choix des scénarios est considéré comme une modalité d'adaptation aux publics di-vers.

«Non, moi je pense que c'est bien parce que dans cette hétérogénéité, donc on a une diversité depublic et on propose une diversité grâce aux scénarios.» (H2)

Mais compte tenu des principes pédagogiques dominants, la sélection s'opère essentiel-lement en fonction de ce qu’ils considèrent comme le caractère "concret" des activitésqu'ils proposent.

«”Étude et réalisation d’un prototype” en 5è, je trouve que c’est mal placé, ça irait mieux en 4è.C’est quand même de l’ordre de l’abstrait.» (B1)

« …) si on choisit un scénario "montage et emballage d'un produit", c'est un produit qu'on achèteen grande quantité, qu'on assemble et qu'on emballe. Donc là les élèves n'ont pas de choix. Ducoup l'hétérogénéité, à mon avis, il n'y en a pas à traiter puisqu'on donne une notice de montage,on donne (…).» (T2)

«Qu'on ne fabrique plus du tout de produit, par exemple seulement un prototype pour une classe,pour moi ça me semble difficile pour des élèves en difficulté.» (H1)

«Pour l'étude et la réalisation d'un prototype, moi, je dis que c'est pas à la portée de tout le monde.(…) la production sérielle, je crois que là c'est motivant, enfin, il y a de la fabrication» (P1)« (…) la réalisation d'un prototype, qui est quand même quelque chose qui demande conception etréalisation. Je crois que ça, c'est quand même pas à la portée de tous les élèves.» (P2)

La conception est ainsi minorée par les enseignants dont certains doutent de leurs compé-tences personnelles.

«A mon avis personnel, je suis incapable de concevoir un objet électronique alors que je suis ca-pable de le faire en mise en forme des matériaux. Il y a beaucoup plus de variétés dans les solu-tions techniques pour la mise en forme des matériaux, c’est plus riche. On fait plus appel à la créa-tion.» (B1)

«Alors je ne vois pas comment moduler… euh peut-être faire durer un petit peu certains scénarios,il y a des scénarios qui ne sont pas forcément - je pense à réalisation d’un prototype - bon c’estvrai qu’on pourrait diminuer un petit peu dans le temps.» (D1)

L'ordre de mise en œuvre des scénarios est parfois adapté aux élèves selon leurs caracté-ristiques.

Page 77: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

77

«Oui. Il me semble que la solution pour les élèves en difficulté, c'est vraiment de démarrer des scé-narios où l'on travaille avec les mains. (…) Plus que par exemple un scénario de "production d'unservice" ou autre où l'on aurait plus de mal dans ces classes difficiles que. Alors qu'il va bien passeravec d'autres élèves.» (N1)

D'autres voient dans les scénarios des possibilités de réels projets de classes qui permet-tent de décloisonner les disciplines, par exemple pour "étude et réalisation d'un prototype,essayer de répondre à un appel d'offre proposé par un autre enseignant, un dispositifpermettant de montrer la déformation des plaques tectoniques (L2) ou pour la "productionsérielle à partir d'un prototype", des supports pour les tubes à essai. Mais ces produits nesont pas toujours présentés comme les expériences de vie ou les projets des élèves.

La possibilité de choisir par le professeur, un produit à réaliser variable selon les classesn'est pratiquement jamais citée, excepté à propos de classes particulières. Lorsque lesquestions demandent l'avis des professeurs-formateurs sur les pratiques de certains en-seignants qui utilisent ce procédé, les réponses sont souvent l'étonnement et le désaccordcompte tenu de la volonté de ne pas discriminer les élèves. Les réponses qui évoquentcette possibilité ou cette éventualité sont alors exceptionnelles.

«Et je réalise en même temps que je le dis, je joue sur la complexité du support. (…) c'est quel'élève qui va faire son porte-clés lumineux, il va réussir à le faire alors que si je lui fais faire l'en-ceinte amplifiée, il ne va pas y arriver parce que c'est trop complexe, il va falloir qu'il repère tropde choses (…) il va échouer non pas sur la soudure mais sur la lecture du schéma et du plan d'im-plantation etc.» (L1)

« (…) il m'est arrivé de choisir des supports différents d'une classe à l'autre. Justement pour tenircompte de ça. Alors que les compétences sont "de même niveau" mais bon il y a quand même deschoix.» (N1)

Peu d'enseignants évoquent les références. Même si l'un exprime son souci d'intégrer cesréférences afin de conserver la cohérence des scénarios (I2) ou si un autre évoque sesdifficultés, les professeurs-formateurs n'imaginent pas qu'ils puissent modifier leurschoix selon les élèves.

« (…) dans production d'un service, il me semble pas qu'il y a matière à nourrir le travail d'uneclasse de 21 élèves, je n'y arrive pas ; si je voulais que les activités soient représentatives de ce quise passe dans la réalité, j'avais pas besoin de tout ce monde parce qu'en fait je trouve que l'effectifest nombreux. (…) on ne demande pas à chaque secrétaire de faire la même lettre, c'est ça le pro-blème…» (L1)

En réalité, l'intégration des “références socio-techniques” dans les pratiques de classess'avère particulièrement délicate. L'analyse des discours des enseignants et des profes-seurs-stagiaires sur leurs pratiques (J. Lebeaume, 1999)80 révèle qu’elles sont générale-ment absentes, parfois seulement implicitement présentes dans les activités présentées auxélèves.

80 LEBEAUME, J. (1999). "Pratiques socio-techniques de référence : un concept pour l'intervention

didactique. Diffusion et appropriation par les enseignants de technologie". Symposium Ingénierie etGénie didactique, usages et mesurages des théories de l'enseignement. Toulouse, REF. (26-28octobre 1998)

Page 78: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

78

V. HÉTÉROGÉNÉITÉS

L'analyse des modalités mises en œuvre ou suggérées indique une très grande diversitédes pratiques scolaires et des adaptations à la diversité des publics et parmi les publicsscolaires.

a) des variations selon les académies

Dans la diversité des discours, apparaissent néanmoins quelques tendances locales liées àla fois aux échanges entre les formateurs d’une même académie, à l’histoire pédagogiquedu groupe de formateurs et à l’existence d’orientations institutionnelles contrastées. Ainsiles discours d’une académie mettent-ils l’accent davantage sur le classeur des élèves, ceuxd’une autre visent l’application conforme des programmes, ceux d’une autre privilégientl’aide individualisée, ceux d’une autre soulignent l’intérêt de travaux d’équipes…

Mais ces discours dominants ne conduisent qu’à des adaptations mineures, essentielle-ment d’ordre pédagogique afin de répondre aux exigences d’une politique locale d’accueilde tous les élèves ou de réussite des élèves en difficulté.

b) des variations individuelles

Toutefois, chaque professeur se distingue des autres, révélant la diversité des pratiquesscolaires et l’hétérogénéité des enseignants. Leurs variations se manifestent à la fois dansles rapports qu’ils entretiennent avec la technologie mais aussi avec l’hétérogénéité don-nant des professionnalités plus ou moins nuancées. En outre, les pratiques ne sont pasindépendantes des appréciations individuelles sur le rôle des enseignants qui oscille d’unefaçon assez nette entre préoccupations éducatives et préoccupations plus instructives.

«moi ce qui m’intéresse, c’est qu’ils soient capables d’exprimer leur pensée par écrit, alors onpasse par l’écrit et puis voilà.» (D2)

Mais les entretiens ne permettent pas de mettre en évidence clairement si les enseignantsn’identifient que la diversité - la repèrent, la constatent - ou s’ils tentent de mettre enœuvre des dispositifs susceptibles d’y remédier. Les contraintes organisationnelles qu’ilsévoquent laissent penser qu’il s’agit d’abord d’un problème de contraintes logistiques etde gestion pédagogique de la classe avant d’être un problème de différenciation des ap-prentissages.

c) pratiques réelles et pratiques potentielles

Si les entretiens révèlent les pratiques que les professeurs mettent en œuvre pour aména-ger leur enseignement, ces discours sur les pratiques ne permettent pas vraiment d'exa-miner les pratiques potentielles tant le problème qui leur est posé leur semble nouveau, ouréglé car jugé inutile, sans raison, sans objet.

L'intérêt manifesté durant les deux entretiens par les professeurs, fait état de leur ouver-ture à ce questionnement nouveau. Mais les obstacles rencontrés, examinés dans le cha-pitre suivant, semblent limiter cette intégration.

Page 79: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

79

6. L’HÉTÉROGÉNÉITÉ CONSTATÉEMAIS DES OBSTACLES

Au cours des entretiens comme lors de la consultation nationale, les enseignants de tech-nologie soulignent les difficultés de leur métier et leurs mauvaises conditions de travail.Ces insatisfactions expriment aussi leurs vœux ou leurs rêves pour un enseignementmeilleur de la technologie.

Au travers des descriptions de ce qu'ils font et de ce qu'ils peuvent faire dans leur établis-sement, est rarement signalé ce qu'ils pourraient faire pour intervenir par rapport à l'hété-rogénéité et à la diversité des publics. Ils font part des contraintes de leur enseignement,plus particulièrement liées à son organisation, aux implications de l'enseignement demasse et plus modestement des caractéristiques de la technologie.

I. DES CONTRAINTES ORGANISATIONNELLES FORTES

L'ensemble des discours des enseignants de technologie dans les différentes enquêtesindique ces contraintes multiples liées à l'équipement et aux effectifs. D'autres obstaclessont signalés dans la mise en œuvre locale impliquant la diversité et la disparité des tech-nologies enseignées.

« (…) J'ai l'impression que l'enseignement de la techno, et bien, il est loin d'être mis en place.C'est à dire que, pour des raisons justement de prof, d'équipement, de contraintes matérielles maisaussi bien d'emploi du temps, de formation, tout ce qu'on veut, et bien, les programmes ne sontpas mis en place ou très mal mis en place. Non pas par mauvaise volonté, loin de là, mais parceque tout concourt à ça depuis la mise en place des programmes, et qu'en fait, la discipline, elle nevoit pas le jour. Et puis qu'on balbutie et, pendant ce temps là, on bousille un peu des générationsde gamins à qui on ne fait pas aimer la techno comme on voudrait.» (F1)

Les professeurs-formateurs interrogés ne cachent pas les perceptions duales et contrastéesde leurs collègues exerçant dans leur académie respective tout en citant les effortsconstants d'adaptation du corps professoral. Ainsi mentionnent-ils leur enthousiasme ouleur résistance comme ils évoquent les établissements très bien dotés et ceux qu'ils consi-dèrent "sinistrés".

Page 80: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

80

a) les contraintes de l'établissement

La politique de l'établissement et le rôle du chef d'établissement sont signalés comme desfacteurs déterminants pour le développement des pratiques régulatrices en technologie.Comme le note D. Paty (1981, 1996) : “le chef d’établissement exerce une action directesur la pédagogie”81.

« (…) on avait un chef d'établissement qui était favorable, on a eu un autre qui a repris le relais,qui a vu qu'on était des bosseurs aussi (…) et puis après on s'est encore battu mais on avait un chefd'établissement qui a laissé couler l'établissement et puis là on récupère quelqu'un qui croit à latechno (…).» (K1)

Tous les éléments organisationnels sont cités, de la dimension des salles qui n'offre au-cune possibilité de diversification des tâches (A1), à l'emploi du temps et à la comparti-mentation horaire.

«A deux heures, c'est simple, les élèves ont le temps de faire deux rotations, les élèves lents ont letemps de faire une rotation complète alors qu'en une heure c'est très difficile, ils ne finissent pasl'activité.» (T2)

b) les contraintes de l'équipe de professeurs

Les personnels interrogés mentionnent aussi des difficultés liées au "roulement del'équipe pédagogique" (B1) ou à son instabilité limitant les pratiques concertées et parta-gées dans l'établissement. Ce travail d'équipe des professeurs est cité par la plupart desinterrogés qui en voient les limites dues aux "mésententes" (A1) parfois induites par l'ab-sence d'affinité mais aussi par l'origine professionnelle contrastée des enseignants.

Le travail de l'équipe d'un établissement peut aussi engendrer des difficultés. Ainsi, l'or-ganisation de l'enseignement de la technologie afin de proposer à tous les élèves d'uncycle les mêmes activités conformes aux prescriptions réglementaires conduit parfois àune rigidité telle, qu'aucune souplesse n'est possible. Le souci d'homogénéisation del'enseignement sans prendre en compte la contrainte de la diversité des publics n'admetalors aucune initiative individuelle.

«Et on est obligé de suivre un peu le mouvement dans le sens où comme on travaille en parallèle àtrois, c'est vrai qu'on a cette rigidité qui nous permet difficilement de changer l'organisation d'uneclasse à l'autre avec cette volonté de vouloir couvrir justement pour toutes les classes de sixième,le même contrat. (…) On a une politique d'échange ce qui fait que, en fait, si on a cette politiqued’échange au niveau de la structure et tout, après, on est un peu coincé par rapport aux collègues.»(Q1)

Oscillent ainsi les pratiques, entre celles des établissements où chacun fait ce qu'il jugenécessaire et pertinent au gré de son appréciation personnelle et celles des établissementsdans lesquels une organisation rigoureuse ne peut admettre que des adaptations mineures.Mais dans les deux cas, les adaptations dépendent surtout des interventions de l'ensei-gnant au cours de la conduite de l'enseignement sans formalisation véritable.

c) des aspects financiers et juridiques

Les obstacles financiers, déjà signalés précédemment, représentent une limite forte auxpossibilités des professeurs. Les objets acquis par les élèves ne sont pas essentiellementdes produits pour l'enseignement mais sont aussi des produits commerciaux qui entrenten concurrence avec ceux du marché. Leur acquisition par les élèves dépend alors à la foisdes possibilités financières des familles mais souvent de l'intérêt perçu par chaqueadolescent pour un tel investissement, tout autant que des démarches de séduction entre- 81 PATY, D. (1981, 1996). 12 Collèges en France, le fonctionnement réel des collèges publics. Paris,

La documentation française. p. 137.

Page 81: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

81

prises par les professeurs. Comment faire de la technologie si les produits ne sont pasachetés alors que les crédits ne permettent pas de couvrir le fonctionnement même mini-mum ? Comment imaginer des situations de tâtonnement et d'essais avec des matériauxqui ne sont pas considérés comme des "fongibles" ?

d) des travaux de groupe mais…

La disponibilité des équipements, la maintenance et la sécurité imposent les formes del'enseignement et sont aussi un facteur déterminant pour la technologie enseignée. La di-vision que la référence ou que le nombre de machines exigent est considérée comme unobstacle à des situations d'apprentissage contrôlables, en raison de la superposition déli-cate des activités de réalisation et des situations d'enseignement-apprentissage.

«On se rend compte que pour des raisons de nombre d'élèves, sur les postes informatiques, on amis en place des documents d'aide ou des procédures qui permettent aux élèves d'assurer la tâchedemandée, et on se rend compte que finalement, euh, c'est que la procédure permet d'assurer la tâchemais permet pas de savoir si l'élève, il a une vision claire d'un mode de fonctionnement d'une pra-tique (…).» (E1)

Ces travaux de groupe ou d'équipe sont perçus comme une organisation impliquant descontraintes fortes en particulier dans la mise en œuvre de l'enseignement. La disponibilitésouhaitée par les enseignants pour intervenir "au coup par coup" s'avère parfois difficilecompte tenu des diverses exigences des élèves.

«Donc, le fait de diversifier un petit peu toutes les activités comme ça, le problème c'est la réparti-tion du matériel, la mise en place d'un certain nombre de postes c'est quand même euh (…). Quandil faut faire la répartition des tâches que ce soit en production sérielle ou dans la production d'unservice en 4ème, chaque groupe a des activités différentes et donc on ne peut pas forcément êtredisponible quand l'enfant a besoin de nous et ça ils le supportent pas toujours. Ce n'est pas que j'aienvie du cours magistral mais bien souvent les gamins ont l'impression d'être trop livrés à eux-mêmes parce que t'es pas trop disponible.» (A2)

«Mais tout à fait, l'idée est intéressante seulement il faut que le groupe marche bien, mais quandles gosses sont en difficulté, alors là c'est autre chose. C'est vrai que des gosses en difficulté sonttrès heureux de voir que tu leur confies des responsabilités dans une tâche, mais quand ils ont be-soin de toi c'est tout de suite et le problème c'est que tu ne l'es pas forcément, compte tenu de l'or-ganisation de ta séance.» (A2)

Le travail de groupe généralement mis en place dans l'enseignement implique un travail depréparation que tous les enseignants considèrent comme très important et souvent tropimportant.

«J'ai travaillé pendant les vacances plus d'une semaine pour essayer de mettre au point un projet.J'ai une collègue qui a fait la même chose pour mettre au point le scénario "production sérielle",c'est je ne sais pas combien d'heures de travail, plus de 50h.» (A1)

«Actuellement c’est trop de travail. En technologie, on est obligé de tout forger notre matériel pé-dagogique. C’est comme si le prof de français devait d’abord aller couper du bois pour faire son pa-pier, son texte, etc.» (enquête 2)

Même si les enseignants perçoivent des modalités de différenciation pédagogique perfec-tibles, ils considèrent qu'en technologie la préparation serait considérable et la gestionbien difficile.

« (…) c'est vrai qu'il faudrait sûrement mettre en place des activités de niveau différent, ça, c'est in-gérable.» (E2)

Page 82: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

82

II. LES CONTRADICTIONS D'UN ENSEIGNEMENT DE MASSE

La logique de la classe paraît en contradiction avec les ambitions, les enjeux et les tenta-tives de prise en compte de la diversité des publics. Certains professeurs préfèrent alorsrenvoyer la question de la prise en charge de la diversité des publics et de l'hétérogénéitédes élèves, à l'établissement scolaire et à sa politique82. Pour les mêmes raisons, d'autresconsidèrent que la technologie ne peut, à elle seule, résoudre les problèmes générés parles autres enseignements.

«Non, et franchement, je pense que quelqu'un qui a 18 heures de cours, qui a 300 élèves ; fautquand même pas se leurrer. Il faut être réaliste et je pense que du suivi individualisé ou dire celui-là,il a des difficultés, là alors je vais lui faire le truc comme ça, non faut pas délirer. Ça peut peut-êtrese faire sur des petits groupes ou sur une option ou encore comme en 3è et 4è techno comme il yavait, alors ça on peut arriver à affiner les choses, à apporter à chacun quelque chose d'un peutdifférent. Mais quand on a plus de 250 élèves sur l'année, ça me paraît vraiment …» (B2)

a) sélection et massification

La contradiction au sein de la demande institutionnelle de gestion de l'hétérogénéité entechnologie est identifiée par les professeurs par les contradictions de leur mission.L'organisation en classes dont les effectifs ne permettent aucun ajustement en est unpremier symptôme.

«(…) parce que plus tu as d'élèves, plus tu as un groupe en face de toi, et moins tu as des indivi-dus.» (enquête 2)

«Un élève standard, et chez nous c'est pas du tout le cas, pas du tout et heureusement, chaque indi-vidu est différent de son voisin et il faut peut être enrichir cette différence, cette hétérogénéité, maisc'est très difficile dans une classe de 24 élèves de pouvoir alimenter cette hétérogénéité, j'ai plutôtenvie de l'éteindre.» (L2)

A cet égard, l'écart à la norme est tolérable lorsqu'elle ne concerne que quelques élémentsdans la classe. En filigrane apparaît aussi l'intention de ne pas infliger aux "bons élèves"un rythme qui ne leur convient pas (Q2).

«Alors c'est un peu dommage, parce que parfois, tu les vois, bon, ben, ils se taisent quoi, parcequ'au bout d'un certain temps, ils ont presque plus envie de participer, parce que c'est trop facile.»(P2)

La contradiction est également perçue dans les dispositifs d'évaluation institutionnelle quiimpliquent une appréciation de chaque élève dans chaque discipline avec les repères quesont les moyennes, la note la plus élevée et la note la plus faible. Les décisions d'orienta-tion à la fin de la classe de 3è dépendent largement de ces appréciations normatives desperformances des élèves. Certains enseignants craignent alors de "décourager les meil-leurs" (P2) ou bien d'être en décalage par rapport aux avis des autres enseignants (B2).Prendre en compte l'hétérogénéité en technologie suppose alors un projet plus global del'institution ou de l'établissement pour assumer cette différence. Considérer que la tech-nologie puisse particulièrement la gérer est alors perçu comme un risque de distinction decette discipline ce qui irait à l'encontre de la revendication de son statut.

b) culture scolaire

La norme scolaire et la culture scolaire ne sont pas étrangères à la perception de lacontradiction du collège unique et des élèves multiples. En effet, les modalités mises enœuvre par certains des professeurs interrogés rencontrent parfois les réactions des col-lègues qui apprécient distinctement leurs rôles d'enseignants. 82 cf. structure/collège selon D. Paty.

Page 83: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

83

«Tu rigoles mais c'est vrai, j'ai eu je ne sais pas combien de fois "je ne suis pas psychologue"(…).» (D2)

L'ensemble de la communauté éducative porte la culture scolaire et normalise les pratiquesd'enseignement plus discriminatives qu'intégratives. La déviance n'est pas alorsencouragée selon les établissements et les milieux socio-professionnels qu'ils représen-tent.

«Moi, je travaille en poste de travail, uniquement lorsque c'est le matériel qui le demande, parce queen 6è, ils sont vite déroutés ; ici c'est un lycée extrêmement classique.» (A1)

c) publics scolaires

Les limites de l'innovation pédagogique pour la prise en compte de la diversité des élèvessont également perçues par les enseignants interrogés dans l'attitude des collégiens quitiennent à leurs habitudes scolaires. Les professeurs sont ainsi pris, selon les termes deD. Paty (1981, 1996) dans “un réseau serré et d’autant plus contraignant qu’il reste l’ob-jet d’un consensus fort d’usages et de traditions éducatives”83.

« (…) c'est que les gamins, dès qu'ils sont pas dans une euh, il faudrait que les autres matières tra-vaillent un peu comme nous quoi. Et bien, c'est à dire que du moment où on les oblige pas à resterassis, du moment qu'on manipule et bien ils se croient autorisés à discuter, à aller bavarder, à em-bêter le copain et pour eux ils ne sont pas en classe, pour eux ce n'est pas ce qu'ils appellent laclasse (…) dans leur esprit ce n'est pas la même chose.» (B2)

« (…) Mais pour qu'il y ait cohérence au niveau du collège, parce que, si d'un côté, t'as des gaminsqui travaillent plus souvent comme ça, et puis, en face, t'as des gamins qui sont assis en rang d'oi-gnons, heu en train d'écouter le prof qui fait son cours, il a… il peut pas tenir le coup pendantlongtemps. (…) Et ben, si tu veux, paradoxalement, ce type de choses, comme on est les seuls,presque les seuls à pratiquer, ça, c'est très facile pour un gamin, hein, tu sais, d'écouter un prof quibalance et puis qui fait des exercices-contrôles. Il est dans une structure donnée. Ils connaissentcette structure-là. Nous avec les profs d'EPS, en biologie aussi, ben, on leur demande d'avoir uneautre implication. Et ils aiment pas forcément.» (O1)

En outre, cette attitude scolaire est parfois dictée par les histoires personnelles et scolairesdes élèves qui ne sollicitent pas toujours l'attention particulière que les enseignants sontprêts à porter.

«Et bien, écoutez, j'ai presque eu ça, ça a été épouvantable parce que d'abord chacun est conscient dece qu'il est c'est à dire qu'il sait très bien qu'il est par rapport à quoi, d'autres et donc forcément lascission elle existe et on ne se mélange pas au sein de la même classe et ça au fond, on aurait beaufaire dire je vais faire exprès de mettre mettre ensemble c'est moi qui le décide de mettre ensembledes très bons avec des très très faibles, ça ne marche pas.» (L1)

«Ils m'ont dit "depuis l'année dernière on nous dit qu'on est comme ça" donc ils se sont enfermésdans une espèce de cocon et ils ne veulent pas sortir de l'image qu'on leur a donnée.» (R2)

L'implication des élèves dans le contrat pédagogique qui leur est plus ou moins implici-tement proposé est alors déterminant.

«Cette année j'ai trois, quatre 4ème, l'écart on l'a entre les classes. A savoir par exemple qu'un scé-nario, dans une classe cela se déroule si les élèves ont envie de jouer le jeu, cela se déroule, celamarche très très bien (…) ils jouent le jeu comme on dit.» (N1)

Mais ce contrat que certains enseignants voudraient clarifier avec leurs élèves se heurteaussi à l'image de la technologie que les jeunes assimilent parfois à des activités exclu-

83 PATY, D. (1981, 1996). op. cit. p. 228.

Page 84: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

84

sives de fabrication (T1) ce qui limite leur investissement dans les multiples autres fa-cettes des activités technologiques scolaires.

III. LA TECHNOLOGIE ET SES CARACTÉRISTIQUES

Les difficultés, les freins et les obstacles à la mise en place de modalités de diversificationde l'enseignement de la technologie sont majoritairement désignés dans le registre péda-gogique préférentiellement choisi par les enseignants dans tous les entretiens. Toutefoisquelques obstacles liés à la discipline elle-même, à sa configuration et à sa structure peu-vent être extraits de ces échanges.

a) les références

Les références des scénarios sont signalés par deux enseignants comme des obstacles à laprise en compte de l'hétérogénéité des publics. Pour un enseignant, les références acces-sibles aux élèves sont difficiles à trouver, "pour qu'elles ne soient pas que des mots"(N1).

«Par exemple, ce qui se fait dans la classe, c'est important maintenant, essayer absolument demettre en place une organisation dans la classe qui serait entre guillemets de singer ce qui est laréalité de l'entreprise. Je pense qu'à un certain moment, ça peut devenir artificiel. Donc c'est quel-quefois dangereux.» (Q2)

Mais il s'agit parfois d'une position idéologique par rapport au composantes du milieusocio-économique qui semble fonder les arguments invoqués.

«Oui, parce que je me rends compte que de plus en plus, alors la référence industrielle, la référencede l'entreprise elle est très difficile (…) dans mon milieu, l'entreprise on ne sait pas ce que c'est,euh, on ne sait pas ce que c'est parce qu'il n'y en a pas et parce que les parents quand on leur de-mande où est-ce qu'ils s'en vont le matin pour aller travailler, ils vont à l'ANPE, c'est la premièreentreprise qui est citée et donc ça fait euh (…).» (J1)

b) la norme des programmes

La volonté des enseignants de bien faire ne correspond pas toujours à leur perception duprogramme. Ils expriment alors leur sentiment d'émiettement ou de saupoudrage qui necorrespond pas à leur intention d'approfondissement.

« (…) On n'a pas le temps matériel parce que je crois les scénarios sont trop complets, il y a tropde choses si vraiment on veut le faire de façon correcte. Moi, je ne sais pas, je cours après letemps, je m'essouffle, je n'arrive pas à faire ce que je souhaite, parce qu'il y a "tableur-grapheur" enplus, et il y a "pilotage par ordinateur". Tout ça en 35 heures (…) Soit je saupoudre et comme jen’aime pas faire ça.» (R1)

«Alors, la conséquence de tout ça , c'est qu'on a un peu survolé tout et on s'aperçoit en 5è que lesenfants n'ont pas acquis certaines choses qu'ils ont pourtant vues.» (A1)

L'identification de la norme des programmes comme étant fondée sur les compétencescitées conduit alors à rencontrer des problèmes dans l'évaluation.

«Pour que la note soit un petit peu représentative et qu'il n'y ait pas de distorsion entre plusieursnotes successives. Que ce soit un petit peu représentatif. Comme l'élève qui a aujourd'hui 18 entechnologie et dans huit jours il vaut 02 ! Bien si, c'est un petit peu ça qu'on fait, si on fait desexercices qui portent sur des choses vraiment différentes et qui se trouvent être vraiment différents,c'est dur, hein. A l'intérieur d'une ligne d'exercices de mathématiques finalement on garde une cer-tains homogénéité entre exercice de l'un à l'autre, tandis qu'en technologie on fait des choses telle-ment diverses que l'on peut avoir de gros écarts sans que cet écart soit vraiment justifié. C'est diffi-cile à gérer. Il faut que l'on puisse voir la continuité entre les notes.» (H2)

Page 85: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

85

c) une programmabilité induite

Le choix des scénarios même s'il est perçu comme une variable potentielle de la mise enœuvre de la technologie s'avère limité par les équipements locaux. La programmabilité del'enseignant dépend partiellement du calendrier des contraintes de fonctionnement admi-nistratif des établissements.

« (…) ici on se rend compte que le choix des scénarios est lié à des problèmes bien matériels del'établissement, alors souvent en début de 5è, les profs choisissent, dans celui-ci, ils choisissent"fabrication sérielle à partir d'un prototype" parce que, on a des matériaux pour pouvoir faire ça, telplastique et autres. Alors ça, ça peut démarrer assez tôt dans l'année et généralement ça se continuepar "montage emballage" d'un produit parce que on arrive dans la période où on peut commanderdes composants électroniques (…).» (E2)

IV. OBSTACLES EXTERNES ET INTERNES

Les obstacles signalés par les professeurs ont des origines généralement externes à ladiscipline, inhérentes à l'ensemble des contraintes qui interviennent sur l'enseignement.

« (…) il y a les problèmes matériels et le problème du… du confort du prof peut-être (…).» (E1)

Les obstacles internes à la technologie dans sa structure de discipline apparaissent bienmineurs par rapport à la faisabilité de l'enseignement qui est la préoccupation centrale desprofesseurs-formateurs. Mais il faut souligner que les enseignants ne considèrent passpontanément qu'ils interviennent sur la discipline. Il faut aussi noter que les caractéris-tiques de la technologie qui en font une discipline particulière, ne sont pas fondamentale-ment mises en avant, peut-être en raison de la difficulté d'assumer au sein de la commu-nauté éducative cette spécificité qui s'écarte d'une norme implicite du fonctionnementscolaire, peut-être en raison de la liberté qu’elle offre ainsi pour conduire ses intentionspédagogiques. Mais si ces obstacles apparaissent aussi forts chez les professeurs-forma-teurs, il est assez facile de supposer qu’ils le sont d’autant plus pour les enseignants quisont moins sollicités à critiquer leurs pratiques professionnelles.

Page 86: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

86

Page 87: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

87

7. HÉTÉROGÉNÉITÉ(s),PROFESSEUR(s)

ET DISCIPLINE(s)

L'analyse et la description des diverses modalités mises en œuvre par les enseignants detechnologie ne rend pas compte des cohérences qui fondent les pratiques de chacun desprofesseurs. En effet l'hétérogénéité des pratiques apparaît très nettement dans les di-verses réponses recueillies au cours des entretiens. Les vingt professeurs-formateurs in-terrogés sont ainsi vingt professeurs de technologie qui conçoivent, organisent et condui-sent des activités pour les élèves en prenant des décisions nuancées quant aux modalitésde prise en charge de la diversité de leurs élèves.

Ces différents professeurs apparaissent alors avec des traits distincts, des gestes profes-sionnels particuliers, des styles pédagogiques personnels et des engagements contrastés.L'élève perturbateur d'autrefois est devenu l'éducateur attentif et exigeant ; l'ancien spé-cialiste d'énergie nucléaire souhaite encore faire partager le plaisir et la rigueur des expé-riences scientifiques à ses élèves ; l'instituteur remplaçant en classe enfantine observetoujours ses élèves avec un regard de psychologue, l'ex-animateur de centre aéré con-serve à l'esprit la motivation des enfants… De même le formateur engagé revendique unmeilleur statut pour la discipline à laquelle il s'identifie ; l'enseignant remarqué par soninspecteur prétend se conformer aux programmes ; le professeur militant dans son actionsociale sélectionne les contenus représentant des enjeux pour l'avenir professionnel desjeunes… L'histoire personnelle et professionnelle des enseignants est sans doute une hy-pothèse interprétative des pratiques pédagogiques distinctes et variées telles qu'elles appa-raissent dans les entretiens. De même, l’inscription de ces pratiques professionnelles dansdes systèmes complexes d’actions et de communications d’une profession (J.-F. Blin,1997)84 en est sans doute une autre de la variété décrite. Mais ces analyses psychosocio-logique et psychosociale restent à faire pour les professeurs de technologie et pour lecorps professoral particulièrement marqué par une hétérogénéité liée à la formation ini-tiale, aux différentes modalités de recrutement et aux expériences d'enseignement85. 84 BLIN, J.-F. (1997). Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan.85 remarque : ces études ont été partiellement conduites dans trois thèses dont il conviendrait d'actualiser

les résultats en raison de la modification du corps professoral.voir en particulier :ARCHER, C. (1989). Les activités manuelles et technologiques au collège de 1882 à 1986,recherche d'une identité. Thèse de doctorat du 3è cycle sous la direction de B. Duborgel, UniversitéLumière Lyon II.

Page 88: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

88

La recherche engagée ne peut ignorer ces facteurs éventuellement explicatifs mais sonobjet ne permet pas d’étudier ces relations. L'intention est ici de mettre en évidence lesmodalités de prise en charge de l'hétérogénéité, en appui sur la discipline. A cet égard unetentative de catégorisation de ces pratiques nuancées souhaite les rendre intelligibles. Sil'ensemble des propos est majoritairement du registre pédagogique, la cohérence dechacune des postures des professeurs-formateurs semble s'opposer selon des orientationsextrêmes. Le rapport à la fois à l'hétérogénéité et à l'enseignement permet alors dedistinguer les portraits de ces professeurs.

I. DES POSTURES DISTINCTES

Les discours des différents enseignants s'opposent selon deux traits particuliers sur les-quels sont centrées leurs actions. Le premier concerne l'intérêt signalé plus nettement auxélèves ou aux programmes, le second, l'intérêt souligné aux individus dans la classe.

a) les programmes ou les élèves

Les discours des professeurs-formateurs se distinguent dans leur centration déclarée surla norme que représente les programmes ou bien sur les élèves. Dans le premier cas, cetteconception envisage la nécessaire adaptation des élèves aux programmes considéréscomme une norme absolue. Dans le second, ce sont les programmes qui doivent se plieraux élèves. Sur ce premier axe, la priorité extrême aux programmes impliquerait unenseignement complètement indifférent aux sujets destinataires. L'image la plus caricatu-rale en est sans doute le cours magistral en amphithéâtre. A l'opposé, l'autre position ex-trême s’intéresse exclusivement aux collégiens, tels qu’ils sont perçus et qu'ils existentavec leurs caractéristiques scolaires et personnelles et pour lesquels l'enseignement dis-pensé pourrait n'être dicté par aucune exigence normative et encore moins un programme.

Sur cet axe, les actions des professeurs-formateurs dépendent du rapport plus ou moinsfort aux programmes (P) ou aux élèves (E). Tendanciellement l'enseignement centré surles élèves tend à majorer le rapport E/P ; alors que l'enseignement centré sur les pro-grammes tend à majorer le rapport P/E. Entre les deux, le rapport est équilibré avec uneimportance égale accordée aux programmes et aux élèves. La tension sur cette dimensiondes pratiques traduit l'opposition pédagogique que formule le précepte pédagogique de J.Dewey entre "ce que fait John au bois" et "ce que fait le bois à John". Cette oppositionentre le programme et le sujet ne revêt pas seulement la distinction inscrite dans l'histoirede l'éducation technologique en particulier dans le passage de l'éducation manuelle ettechnique à la technologie en 1985, telle que la formulait par exemple A. Joly (1994)86.Elle signale les différents rapports que les professeurs établissent au savoir et à l'élèvedans leurs conceptions de leur mission et de leur professionnalité.

b) l'individu ou la classe

Les discours des professeurs-formateurs s'opposent aussi selon leur attention nuancée àla collectivité à laquelle ils s'adressent. Certains se déclarent attentifs à la diversité desindividus, d'autres considèrent un "élève-type" représentatif de l'ensemble des individusde la classe ou du niveau. Cette opposition exprime le rapport contrasté au public scolaire.Dans un cas extrême, l'enseignant s'adresse à des élèves différents réunis dans une classe

RAMBOUR, S. (1982). Formation et pratique des professeurs d'EMT en collège. Thèse de doctoratde 3è cycle, Université Paris V, 352 p. (sous la direction de V. Isambert-Jamati)SORNIN-MONTET, G. (1996). Des travaux manuels éducatifs à la technologie. Histoire d'unediscipline scolaire, son évolution au collège de 1970 à 1990. Thèse de l'université Paris V. (sous ladirection de C. Lelièvre)

86 JOLY, A. (1994). Enseigner la technologie à l'enfant au collège. Caen, CRDP, 150 p.

Page 89: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

89

qui ne peut être qu'hétérogène. Dans l'autre, il enseigne à une classe homogène dont ilperçoit les différences par rapport aux autres regroupements. La diversité parmi la classelui échappe et n'est pas prise en charge. Comme dans la tension précédente, la positionmoyenne correspond à une attention égale aux individus et à la classe alors qu'auxextrêmes les rapports I/C ou C/I sont tendanciellement maximums.

c) quatre postures

Ces deux rapports structurent ainsi les discours des enseignants qui se situent préféren-tiellement dans un des quatre secteurs délimités par les positions extrêmes (fig. 3).

action centrée sur les individus

action centréesur la classe

E/P max P/E max

I/C max

C/I maxE/P = élèves / programmesP/E = programmes / élèves

I/C = individus / classeC/I = classe / individus

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

fig. 3 : Quatre postures des professeurs-formateurs de technologie

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

ACTIVITES DE REALISATION

TECHNOLOGIE DE L'INFORMATION

4è-3è T

fig.4 : Trois discours distincts des professeurs-formateurs

Page 90: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

90

d) trois discours différents

Ce double rapport professionnel à l'enseignement de la discipline et aux publics scolairesest en permanence associé dans les discours avec les variations associées aux classes ac-cueillies et aux activités mises en œuvre. Le réflexe de la référence aux classes particu-lières comme les 3è ou 4è technologiques tend à nourrir un discours s'appuyant sur ladouble centration sur les élèves dans leur diversité. Les évocations des pratiques de tech-nologie de l'information mettent l'accent sur les différences individuelles plus nettementvisibles. En revanche les activités de réalisation en classes "ordinaires" s'attachent plutôt àdécrire un élève type avec une vigilance affirmée sur le contrat du programme ou sur lesdiverses possibilités des élèves (fig. 4). C'est en ce sens que l'hétérogénéité s'avère unepréoccupation plus grande des enseignants dans les moments de travail individuel.

Selon la posture des professeurs, les modalités de prise en charge de la diversité desélèves dans l'enseignement de la technologie sont alors distinctes mais respectivementinscrites dans une logique d'action cohérente.

II. DES ACTIONS COHÉRENTES

Si l'on considère en effet que les pratiques des enseignants correspondent à des choixplus ou moins explicités mais cohérents par rapport à leur sensibilité, les témoignages etleurs commentaires révèlent les idées qui les fondent et qui les organisent. Les manifesta-tions les plus signalées sont les travaux collectifs, mais conçus et construits de façon dif-férente. La division du groupe-classe favoriserait alors la prise en compte des différentsélèves.

a) des ateliers tournants

Les ateliers tournants sont à la croisée d'une préoccupation sur les programmes et sur laclasse dans son homogénéité arbitraire. Ce sont des groupes considérés comme iden-tiques dont le but est de permettre la mise en œuvre des activités. Ces ateliers conçus pourun niveau fixé sont suivis par l'ensemble des élèves, à tour de rôle. Le traitement demasse est facilité par cette organisation qui anticipe l'ensemble des tâches que les élèvesdoivent faire afin d'atteindre les compétences prescrites en suivant une programmationintégralement prédéfinie par l'enseignant. Dans ces groupes, les élèves sont amenés à ef-fectuer les tâches parfois individuellement pour attester le niveau des compétences ac-quises. Les résultats des élèves doivent se répartir selon une distribution normale habi-tuellement constatée dans une classe. A ce groupe standard, correspond un élève moyenavec des écarts à la moyenne liés à la rapidité d'exécution. Pour les plus rapides, des ac-tivités complémentaires sont alors proposées car l'enjeu de ce dispositif pédagogique esten particulier de satisfaire les meilleurs avec le risque évident de creuser sensiblement lesécarts et d'augmenter l'hétérogénéité qu'on cherche à nier. Non contrôlée, cette organisa-tion peut entraîner une sélection des élèves. A l'inverse, une hypothèse minimaliste peutconduire au choix d'activités d'un niveau faible, accessibles à tous, sous estimant les ca-pacités des élèves et entraînant l’absence d’apprentissage et de progrès. Mais son fonc-tionnement est limité aux classes qui n'admettent qu'une faible dispersion des élèves sansproblèmes trop importants sur la frange minimale. Elle exige un ajustement à la majoritémoyenne des élèves.

b) des groupes de travail

Lorsque le professeur-formateur se déclare attentif aux élèves tout en restant centré sur laclasse, les groupes sont considérés comme des groupes de travail qui ont une fonction deremédiation partielle des différences grâce à sa prise en charge par le groupe. Il s'agitalors de constituer les groupes en mixant volontairement les élèves, avec une attentionplus particulière aux relations interindividuelles susceptibles de faciliter les aides mu-

Page 91: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

91

tuelles, les reformulations ou les conflits socio-cognitifs. Selon les préoccupations duprofesseur, la prise en compte des conditions d'apprentissage peut justifier des parcoursplus ou moins segmentés avec des étapes progressives, voire différents itinéraires.

L'idée de compétences minimales87 à atteindre par tous les élèves est alors une idée forte.Les élèves les plus rapides sont invités à être tuteurs ou moniteurs afin de contribuer à laprogression du groupe. L'enjeu de ces modalités est de limiter les écarts entre les élèvesen les maintenant tous dans la course. Le risque de cette organisation est alors signalé entermes de tendance à un alignement sur le niveau le plus faible, exprimée par “nivellementpar le bas”.

c) des groupes d’aide

Les groupes de niveau - ou de besoin selon la prévenance du langage - ou les dispositifspermettant l'aide individualisée traduisent la préoccupation majeure des enseignants portéesur les élèves avec la diversité de leurs caractéristiques individuelles. La position médianeest alors centrée sur le développement des capacités des élèves dans le registre psy-chologique qui fonde généralement les dispositifs d'aide individualisée. Cette différencia-tion pédagogique personnalise les tâches. Elle apparaît nettement dans les situations quedécrivent les enseignants dans les classes étiquetées, avec les dérives éventuelles quesouligne G. Chabert-Ménager (1996), dérive socio-éducative, dérive asilaire et dérivesymbiotique88. La technologie est parfois considérée comme un moyen thérapeutique deremédiation à l’échec d’une scolarité “ordinaire”. Les progrès individuels mais aussi lesévolutions comportementales des élèves représentent les enjeux essentiels de ces pratiquespédagogiques. Un des obstacles majeurs est l'attitude des élèves qui ne souhaitent, nedésirent ou ne sollicitent pas toujours l'attention qui leur est ainsi portée. En outre, cetteorganisation exige des faibles effectifs afin d'assurer ce soutien personnalisé.

d) des équipes

Lorsque les professeurs souhaitent composer leur enseignement en respectant la diversitédes individus tout en ayant le souci de respecter la norme des programmes, ils constituentdes groupes qui sont des équipes associant des élèves aux rôles et aux compétencescomplémentaires. L'enjeu d'une telle organisation pédagogique est de miser sur la réus-site de tous tout en valorisant les performances individuelles. Ces équipes mettent aussil'accent sur les objectifs affectifs de socialisation en responsabilisant les élèves sur lestâches à conduire. L'obstacle majeur de ces pratiques est leur déviance par rapport auxprincipes de discrimination scolaires ainsi que l'attitude des élèves qui ne s'impliquent pastoujours dans de telles activités. Mais les enseignants qui déclarent refuser toute spé-cialisation des tâches qu'ils assimilent à une prédétermination sociale estiment rarementavoir le droit d'une telle répartition.

e) des éléments déterminants de la cohérence des actions

L'analyse des diverses conceptions des travaux en groupes restreints met en évidence desdéterminants de la cohérence des pratiques selon les organisations pédagogiques : modali-tés de constitution des groupes, orientations pédagogiques, obstacles, enjeu pour l'élève,prise en charge de l'hétérogénéité, rôle du professeur. Ces ensembles cohérents de pra-tiques professionnelles, construits à partir des discours des enseignants peuvent être ras-semblés dans un tableau récapitulatif (tab. 1).

87 voir de LANDSHEERE, V. (1988). Faire réussir- faire échouer. La compétence minimale et son

évaluation. Paris, PUF.88 CHABERT-MENAGER, G. (1996). Des élèves en difficulté. Paris, L'Harmattan. p. 146 et suiv.

remarque : ces dérives sont aussi signalées par P. MEIRIEU (1987).

Page 92: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

92

organisationpédagogique

constitutiondes groupes

orientationspédagogiques

régulationpar

l'enseignant

obstacles enjeu pourl'élève

prise en chargede

l'hétérogénéitéatelierstournants

- regrou-pementsaléatoires,- sans enjeu

- respect de lanorme- exhaustivitédes compétences

- soutien ouaideindividualisé"au coup parcoup"

- risque decreuser lesécarts ou deles maintenir

- distributionnormale desélèves

- négation ououbli del'hétérogénéité

groupesdetravail

- groupeséquilibrés- mixtes

- compétencesminimalesexigibles- distinction del'essentiel del'accessoire

- soutienindividualisé- contrôle dutravailindividuel

- risque denivellementpar le bas

- niveauminimal- maintiendes écartssans lescreuser

- constatationou masquage del'hétérogénéité

groupesd'aide

- groupes deniveau ou debesoin

- capacités co-gnitives et af-fectives- compor-tements sociauxet scolaires- civilité

- (nonsignalé)

- risque dedérive del'enseigne-ment entechno-thérapie

- remédiationaux grandsécarts- soutienindividualisé

- diagnostic del'hétérogénéité- interventionremédiatrice

équipes - groupeséquilibrés,- complémen-taritédes élèves

- compétencessociales- implication

- propositionde rôlesdifférents

- risque derenforcementdesperformancespréférentielles

- implicationindispen-sable

- valorisation dela diversité- intégration del'hétérogénéité

tableau 1 : L'hétérogénéité prise en charge d'une façon contrastée

La prise en charge de l'hétérogénéité s'avère ainsi différente selon les organisations de laclasse. Elle est ainsi niée ou oubliée, constatée ou masquée, traitée ou diagnostiquée, ouau contraire valorisée et intégrée. Ces organisations imposent des interventions et descontrôles plus ou moins importants du professeur (fig. 3).

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

INTERVENTIONFORTE

DEL'ENSEIGNANT

INTERVENTIONFAIBLE

DEL'ENSEIGNANT

hétérogénéitétraitée

hétérogénéitéintégrée

hétérogénéitémasquée

hétérogénéiténiée, oubliée

fig. 5 : Des interventions différentes du professeurpour la prise en charge de l’hétérogénéité des élèves

Lorsque l'hétérogénéité est quelque peu masquée, écartée avec bonne conscience, déli-bérément niée ou plus simplement oubliée, l'organisation pédagogique délègue au groupesa gestion. Les groupes, par les associations mais aussi l'émulation qu'ils proposent, ré-gulent ainsi la disparité des élèves.

Protégés par le collectif, aidés par les autres ou bien effacés dans le sous-ensemble et dis-simulés dans le travail collectif ou au contraire, valorisés dans les rôles ou séduits par lestâches, les élèves dans leur diversité coexistent dans la classe et ses divisions. Les re-

Page 93: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

93

groupements régulent alors l'hétérogénéité sur laquelle l'enseignant intervient modeste-ment, en accompagnement à partir des observations en temps réel des élèves et de leurtravail.

Lorsque l'hétérogénéité est davantage reconnue et identifiée, l'organisation pédagogiquetraduit l'intervention plus forte du professeur dans une perspective de soutien voire de"soins" individualisés ou bien avec une intention de valorisation des compétences com-plémentaires des membres du regroupement, un peu à la façon du management des res-sources humaines dans une entreprise. Les interventions qui prétendent "traiter" ou "va-loriser" la diversité ne s'accordent pas cependant aux mêmes critères d'hétérogénéité.Sont ainsi distingués les élèves à problèmes, ceux qui en ont et qui n'en résolvent aucun,et les autres.

f) des nuances

Ces prises en charge distinctes rendent compte des modalités pédagogiques organisation-nelles que décrivent les discours des professeurs dans la présentation commentée de leursactions usuelles. Elles ne signalent pas intégralement des profils professionnels majeurs etdéterminés mais font état des pratiques que les professeurs mettent en œuvre dans lessituations d'enseignement qu'ils rencontrent. Ainsi chacun d'entre eux est susceptibleavec un groupe d'élèves réduit, de mettre en œuvre une pédagogie différenciée exigeantsa présence forte et ses interventions adaptées. Il peut aussi avec une classe plus nom-breuse dans laquelle les écarts sont perçus comme plus modestes, intervenir "au coup parcoup" et au gré des observations ou des constats effectués.

III. DES PRATIQUES CONTRASTÉES

Les modalités d'adaptation des pratiques pédagogiques à l'hétérogénéité des publics et àla diversité des contextes se traduisent par des actions qui recouvrent des discours de lé-gitimation fondés sur les conceptions respectives de chacun des professeurs-formateursde l'enseignement et de l'éducation.

a) des actions légitimées

Les réponses des professeurs-formateurs révèlent leurs conceptions de leur métier et deleur mission ainsi que les valeurs sur lesquelles ils fondent leurs actions d'éducation oud'enseignement. Ainsi les travaux de groupe sont-ils très fréquemment argumentés parune intention de socialisation alors que le respect des programmes est volontairementmaintenu pour répondre aux exigences d'instruction. Ces deux fondements de l'ensei-gnement contribuant à la socialisation des jeunes d'une part, à leur libération personnelled'autre part, apparaissent dans les modalités organisationnelles mises en œuvre.

Ainsi les groupes de travail et les équipes sont-ils légitimés par une intention forte de so-cialisation tandis que les ateliers tournants et les groupes d’aide le sont par un souci ma-jeur de libération personnelle.

L'intégration sociale et la reconnaissance individuelle s'équilibrent sur l'axe de socialisa-tion. Les capacités ou les compétences s'ajustent sur l'axe de libération personnelle. La"rose des pratiques" (fig. 6) récapitule ainsi les différentes modalités de prise en charge del'hétérogénéité des élèves avec leurs positions extrêmes.

b) des conceptions de l'enseignement distinctes

Cette distinction des fondements de l'action pédagogique est plus nettement lisible sur la"rose des pratiques" présentée avec comme axes majeurs les lignes définissant les orien-

Page 94: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

94

tations socialisatrices et libératrices. Apparaissent alors des modalités fortement contras-tées dans les principes d'intervention forte des enseignants. Pour les élèves en difficulté,l'aide individualisée fait l'hypothèse d'une remédiation par le soutien et la restructurationcognitive, comportementale et morale. Pour la même catégorie d'élèves, les équipes pour-raient aussi être une solution en suggérant simultanément leur réintégration dans ungroupe et la réhabilitation de leur image de soi.

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

performanceindividuelle

renforcementdes compétences

préférentielles

épanouissementindividuel

instructionmoyenne

compétencesnormales pour

la plupart

compétencesminimalespour tous

GROUPES DE TRAVAIL

ATELIERSTOURNANTS

GROUPESD'AIDE

EQUIPES

fig. 6 : Des positions extrêmes, sur une “rose des pratiques”

fig. 7 : Éducation et instruction, socialisation et libération personnelle

Page 95: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

95

c) des modalités différentes selon les classes

Sur ce réseau de pratiques, les discours des enseignants sont contrastés selon les aspectsqualitatifs de l'hétérogénéité de leurs élèves. Ainsi l'épanouissement personnel qui ac-compagne les dispositifs d'aide individualisée concerne spontanément les classes étique-tées comme en difficulté. C'est la pédagogie des classes technologiques par exemple pourlesquelles l'attention des professeurs est portée sur les compétences transversales, sur lescapacités scolaires ou sur les remédiations comportementales. Ce sont éventuellement desdispositifs mis en œuvre pour quelques élèves d'une classe qui présentent des caractéris-tiques déviantes et momentanément rédhibitoires pour des actions instructives. End'autres termes c'est la solution mise en œuvre quand les autres ne sont pas envisageablesavec les élèves. L'élève est ainsi placé au centre du dispositif mais avec la confusionéventuelle que dénonce A. Boissinot (1996) sur les dérives de l'expression de la loi de1989 : «La fameuse formule de la loi d'Orientation de 1989 sur l'élève au centre dusystème éducatif nous a souvent rendu bien des mauvais services de ce point de vue-là,parce que d'aucuns l'ont comprise trop hâtivement comme signifiant que c'était non pastant l'élève, mais l'enfant en tant que tel qu'il convenait de mettre au centre et de leprendre tel qu'il est, alors que le propre du projet éducatif est d'élever l'enfant et de letransformer.»89

Lorsque les élèves les plus "lents" ne risquent pas de contrarier, par leur comportement enparticulier, le fonctionnement de groupes, ils sont inclus dans des groupes de travail quiles absorbent mais qui permettent des ajustements dans l'accompagnement pédagogiquedu professeur attentif et du professeur-ressource.

S'il s'agit d'une classe avec peu de dispersion dans les résultats, les ateliers tournantscontribuent à un bon rendement scolaire avec une perte admissible de quelques éléments.Il y a ceux à qui des suppléments sont donnés, ceux qui ne suivent pas "comme partout"et une majorité moyenne qui fixe le rythme du travail.

Enfin, il semble que si la classe est bonne, il est possible de mettre en place des équipesavec notamment des travaux de conception qui permettent aux élèves d'exercer leur excel-lence scolaire. Le faible nombre de discours exprimant ce choix d'organisation peut êtreexpliqué selon deux hypothèses. La première repose sur le fait que les professeurs parlentplutôt des élèves en difficulté que de ceux qui ne leur posent pas problème. La seconderepose sur le fait qu'en technologie, les pratiques scolaires sont généralement fondées surdes tâches d'exécution prédéfinies par les enseignants et qu'elles sont rarement orientéesvers la conception. Mais c'est aussi parce qu'ils ne mettent pas en œuvre cette modalitéque les professeurs considèrent qu'avec les excellentes classes ils ont aussi des difficul-tés. En outre, peut-être afin de ne pas augmenter les différences, ils ne s'adaptent pas àces élèves avec lesquels ils ne partagent souvent ni l'expérience, ni les valeurs. La valori-sation de la diversité serait ainsi peu présente dans les pratiques scolaires avec les classesles plus difficiles en raison d'une part du souhait de ne pas marquer les enfants et d'autrepart en raison de la nature des tâches prédéfinies qui interdisent une telle répartition. Enoutre la conception exige des opérations cognitives supérieures (cf. J. d'Hainaut,1977)90, difficilement compatibles avec les élèves considérés comme les plus faibles.Seul un professeur-formateur témoigne du maintien de telles pratiques avec ses classestechnologiques mais avec la perspective de développement des capacités de représentationspatiale et temporelle de ses élèves (J).

89 BOISSINOT, A. ; BORNE, D. ; FERRY, L. ; MERLAUD, C. ; SAFRA, M. ; VIALA, A. (1996).

"A quoi servent les programmes ?". Revue internationale d'éducation. CIEP, Sèvres. 12. (table rondeorganisée le 6 juin 1996).remarque : le texte est publié dans DLC. (1997). La contribution de la formation continue audispositif des parcours diversifiés. annexe 6, 85-106.

90 d'HAINAUT, L. (1977, 1985). Des fins aux objectifs. Paris-Bruxelles, Nathan, Labor.

Page 96: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

96

d) des actions différentes selon les élèves

Les choix des professeurs sont néanmoins orientés par leur souci de proposer aux élèvesdes activités de réalisation, malgré un contexte de fortes contraintes. En effet, les profes-seurs mentionnent dans leurs réponses leurs actions qui consistent à simplifier les tâchesou les réduire, permettre des reprises ou des répétitions, utiliser l'assistance des tuteursou des moniteurs, évaluer les "passages obligés" ou laisser le temps nécessaire pour per-mettre la réussite des élèves. Ces déclarations montrent bien l'importance que les ensei-gnants attachent à circonscrire les activités des élèves pour qu'ils réussissent. Convaincusde l'intérêt de la technologie, ils utilisent ainsi les potentialités qu'offre l'action techniquepouvant être intrinsèquement graduée, de l'opération élémentaire au projet. Ces choixjouent alors le rôle de régulateur. Ils apparaissent en filigrane des organisations pédago-giques précédemment décrites. Les pratiques des enseignants peuvent alors être lues selonl'action proposée aux élèves. En effet, aux rapports élèves/programmes qui apparaissenten abscisse de la "rose des pratiques", correspondent des modalités d'actions dont lacomplexité et la prise en charge collective sont nuancées (fig. 8). "L'exécution de l'actionindividuellement" assure une réussite de l'élève fondée sur la confiance en soi étayée parl'enseignant. Elle permet le suivi de l'élève tout en visant l'acquisition de compétencesminimales. "La réalisation partagée de l'action au sein de l'équipe" favorise l'anticipationet la progression du groupe par les échanges. "L'exécution mutualisée de l'action" favo-rise les relations interindividuelles. L'atteinte du but représente un aspect essentiel duprocessus de formation valorisant la confiance en soi par le regard des autres. La pro-gression de l'élève s'appuie sur l'aide mutuelle. "La réalisation programmée" induit uneaction répétée qui peut être mise au service d'une production commune. Elle assurel'acquisition des compétences prescrites.

action centrée sur les élèves action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

opérations techniques projets techniques

Exécution de l'actionindividuellement

Exécution mutualiséede l'action

Réalisation partagée de l'actionau sein de l'équipe

Exécution programméede l'action par ateliers ou postes

fig. 8 : Des opérations techniques ou des projets techniques

Du point de vue de l'action technique proposée par les enseignants, les pratiques se ré-partissent ainsi selon quatre modalités d'adaptation pédagogique des activités de réalisa-tion. Selon la nature de la population scolaire, les actions réussies des élèves peuvent êtredes opérations élémentaires ou bien des projets de plus grande complexité.

e) des modalités différentes selon les activités scolaires

L'analyse des pratiques a mis en évidence la nuance perçue par les professeurs-forma-teurs et les professeurs, en particulier au sujet des activités de technologie d'informationpar rapport aux activités de réalisation. Les contrastes exprimés dans les tableaux précé-dents concernent essentiellement les activités de fabrication.

Page 97: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

97

Pour les exercices plus systématiques d'apprentissage des usages de l'ordinateur, pourlesquels l'hétérogénéité est perçue d'une façon plus nette en raison de l'obligation de tra-vaux individuels, majoritairement les pratiques des enseignants sont centrées sur laclasse. Les modalités mettent en avant les compétences du programme dans des disposi-tifs qui prédéterminent les activités des élèves c'est à dire dans le secteur Sud-Est. Oubien sont proposés aux élèves des exercices conçus pour un élève-type ou un élève-moyen avec la perspective de conduire la majorité d'entre eux à des performancesmoyennes, ou bien ces exercices sont conçus avec l'intention d'atteindre pour tous descompétences minimales avec une aide proposée sous la forme d'un découpage plus seg-menté contribuant à marquer la progressivité des apprentissages.

Or l'ensemble des discours met en évidence une contradiction majeure. En effet, les dé-clarations des enseignants sur ces pratiques sont plutôt centrées sur les individus (cf.fig. 4) alors que l'organisation pédagogique mise en œuvre s'avère centrée sur la classe.L'hétérogénéité devient alors, sans réelle surprise, une préoccupation car l'emploi de pro-cédures uniformes, de parcours uniques et d'exercices standard ne tient pas compte del'expérience individuelle contrastée selon qu'ils sont ou non "équipés", plus ou moinsmotivés… comme les professeurs le signalent.

IV. DES PROFESSEURS DIFFÉRENTS

a) vingt professeurs-formateurs91

Alain est un professeur qui est présent dans la classe. Il se réfère plus naturellement auxclasses de 6è pour lesquelles il souhaite apprendre aux élèves à travailler en autonomie àl'aide des documents qui sont conçus pour les aider. La technologie contribue plus queles autres disciplines à ces apprentissages méthodologiques. Certains des apprentissagessont plus utiles que d'autres. A cet égard, il met en œuvre avec plus de réserves les activi-tés du domaine de l'électronique alors que son action est construite et fondée sur les ac-quisitions minimales utiles. Il se définit comme un professeur animateur.

«Plus on avance dans le temps, dans le niveau de la classe, plus je les laisse travailler seuls, plusils ont des documents qui sont très très longs à rédiger, ça devient démentiel. Mais plus ça va, plusje les laisse autonomes. Après, on a plus un rôle d'animateur que d'enseignant. On a préparé untravail, ils doivent essayer de chercher pour atteindre un but.» (A1)

Pour cette animation, les documents sont établis pour un élève standard, convenant àtous. Les éventuels problèmes sont identifiés comme relevant de la sphère affective et unsoutien personnel ou une aide ponctuelle parviennent le plus souvent à réguler le travail dela classe.

Brice considère que les nouveaux programmes définissent un cadre précis. Il souhaitel'appliquer mais admet qu'il le transforme en particulier en sélectionnant ce qui lui paraîtle plus utile. Ce professeur "confort" privilégie ses conditions de travail et légitime lescoupes qu'impliquent la division par deux des horaires par le souci de rendre les élèvesautonomes et de leur faire apprendre les bases minimums.

«Ça peut peut-être se faire sur des petits groupes ou sur une option ou encore comme en 3è ou 4ètechno, comme il y avait, alors ça on peut arriver à affiner les choses, à apporter à chacun quelquechose d'un peu différent. Mais quand on a plus de 250 élèves sur l'année, ça me paraît vraiment…avec un programme qui est quand même lourd et des horaires qu'on n'a pas, ça me paraît pas pos-sible. Alors au coup par coup, si bien sûr, ça c'est le prof quand tu sais que tu as un élève qui a des

91 remarque : pour des raisons de présentation et afin de personnaliser les analyses, les professeurs-

formateurs interrogés sont cités avec un prénom dont l'initiale correspond aux repères précédents. Lechoix d'un prénom masculin permet de maintenir l'anonymat des interrogés.

Page 98: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

98

difficultés, qui est pas doué pour le traçage, qui a des difficultés à lire, bon bah, tu vas aller le voiret hop donner le petit truc qui va lui permettre de se débloquer. Évidemment on fait tous ça, maisdire que je prépare un cours pour tel élève, un autre pour tel autre, avec des entrées différentes, ça jepeux pas dire, ça c'est faux.» (B2)

Claude se définit comme un professeur innovant qui travaille en marge des programmesen privilégiant ses "dadas". Excepté les élèves handicapés que son collège accueille, il neconstate pas vraiment des différences dans les publics pour lesquels il définit sa techno-logie. De nombreuses contradictions marquent ses discours : volonté de normaliser lespratiques d'enseignement en formation alors qu'il enseigne autre chose, mise en œuvred'activités qui privilégient des apprentissages hors normes mais improvisation au gré dumoment, évaluation exclusivement sur des compétences alors que la structure des pro-grammes est à peu près comprise. Les nombreux "je" révèle le discours d'un professeurtrès égocentré et d'un professeur qui souffre dans son "métier difficile". Il refuse le se-cond entretien. C ne peut se situer sur l'ensemble des pratiques adaptées.

Dominique, d'abord instituteur, puis professeur d'EPS, milite au sein d'un mouvementpédagogique. Partir de ce que savent les élèves est un principe pédagogique fort des ac-tivités conçues comme des moments d'échanges de savoirs. Il se souvient de sa scolaritéet projette dans ses options pédagogiques les apprentissages qu'il considère de ce faitcomme des compétences fondamentales. Les élèves sont alors homogènes sur cette com-pétence.

«Moi en tant que personne, j'ai vécu ça, en tant qu'étudiante, devoir passer de l'écriture littéraire à lacommunication technique. J'ai eu beaucoup de mal, c'est pas du tout la même forme.» (D2)

Éric souhaite appliquer le programme pour tous les élèves. Son refus de distinguer lesélèves le conduit à définir des "groupes informels" et à admettre que quelques élèvespuissent ne pas suivre. Le tutorat et le monitorat sont les moyens choisis pour la régula-tion des écarts.

Fernand a l'ambition de rendre les élèves heureux et fait pleinement confiance à ses élèvesauprès desquels il souhaite disparaître. Il se définit comme un "gentil organisateur"préférant la communication entre les groupes.

«L'essentiel c'est la communication entre les groupes et ce prof se met au fond de la salle et n'in-tervient que pour faire passer l'ordre… c'est à dire qu'il intervient en tant que "gentil organisateur",il n'intervient pas en tant qu'expert, si ce n'est pour reformuler à un moment donné, pour reformu-ler des choses genre maîtrise de la langue, genre, etc., au sens plus éducatif que technologique.»(F1)

Particulièrement enthousiaste, il met l'accent sur la socialisation du groupe avec une rela-tion plus distante à la discipline. Les échanges de compétences sont importants pour lui.

Guillaume revendique le statut d'une véritable discipline pour la technologie et rejettel'idée d'une discipline de remédiation. Il n'est pas attaché à la réalisation individuelle desobjets mais considère que les tâches spécialisées contribuent à la même qualité. Faire etproduire sont pour lui des intentions fortes qui contribuent à la socialisation des élèves.

«Ils sont obligés de vivre ensemble au collège six heures par jour. Notre rôle à nous dans tout ça,c'est le rôle que nous a donné l'institution, à savoir leur faire acquérir un certain nombre de con-naissances, mais aussi la socialisation. J'ai pas envie de jouer à l'assistante sociale mais il y a desmoments où l'on doit être présent et agir à chacun de ces trois niveaux.» (G2)

Les compétences acceptables pour tous sont un minimum. Elles admettent cependant desdéveloppements particuliers selon les qualités de chacun.

Page 99: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

99

Henri, cet ancien instituteur de classe unique, n'est pas arrêté par la diversité des élèves.Il estime qu'il faut admettre des niveaux différents.

«Je crois que l'on se doit d'offrir à chaque élève un petit peu en fonction de ce qu'il peut, du niveaude compétences qu'il peut atteindre.» (H2)

La socialisation des élèves représente un enjeu important. Il regrette à cet égard l'école quiencourage l'individualisme et est prêt à confier son rôle "de chef" aux élèves.

Isidore connaît parfaitement les programmes et souhaite mettre en œuvre les scénariosselon leurs caractéristiques spécifiques. Il considère que les ateliers tournants ne répon-dent pas aux exigences de tous les scénarios et perçoit les travaux d'équipes comme l'or-ganisation la plus compatible avec la plupart d'entre eux. Son action est guidée par la re-cherche de signification des tâches pour les élèves. Il répète à plusieurs reprises qu'il neprend pas en compte l'hétérogénéité mais qu'il intervient selon les réactions des élèves àdes moments qu'il a anticipés et qu'il considère comme des temps forts d'apprentissage.Les apprentissages systématiques sont importants pour lui.

Jean a enseigné en classe maternelle et est très attentif aux conditions d'apprentissage desélèves dans le registre psychologique. Son discours spontané porte sur les classes techno-logiques, aux élèves desquelles il espère apporter un soutien individualisé à partir destrois stades qu'il identifie dans l'abstraction. La technologie n'est alors qu'un moyen pé-dagogique pour l'acquisition de ces compétences et le concret est une de ses caractéris-tiques essentielles.

Kevin se réfère spontanément aux élèves en grande difficulté pour lesquels il met en placeun soutien dans ses moindres détails : choix préférentiel du crayon à papier, dictaphones,utilisation de couleurs. La socialisation représente un enjeu important et les modalités detutorat, de monitorat s'associent aux modes d'aide individualisée qui souhaitent s'adapteraux "visuels" ou au "auditifs" pour l'acquisition des compétences transversales. Commele précédent, il considère la technologie comme un enseignement particulièrement adaptéau traitement des difficultés scolaires et personnelles des élèves par des activités qui lesimpliquent.

Louis souhaite gommer l'hétérogénéité. Binaire dans ses appréciations, il constate desbons et des mauvais élèves dans toutes les disciplines. Mais il existe surtout une trancheintermédiaire autour de laquelle est centré l'enseignement. Les adjectifs "pareil", "même","standard", "moyenne" sont majoritairement cités pour répondre aux intentions de couvrirles programmes.

Marc découvre au cours des entretiens le problème de l'hétérogénéité et considère qu'ilfaudrait intégrer cette contrainte dans la préparation des séances. Il se réfère essentielle-ment aux activités d'automatismes. Pour les classes, l'organisation privilégiée consiste enateliers multiples tournants. Mais il privilégie les travaux de groupe afin de faciliter lemaximum d'échanges et d'aides interindividuelles. De manière plus générale, l'atteinted'un minimum commun est visé dans le cadre des nouveaux programmes, bien que letutorat et le monitorat ne soient mis en place qu'occasionnellement.

Noël est satisfait du cadrage national des nouveaux programmes et se sent valorisé par cesprescriptions qu'il juge inconcevable de ne pas appliquer. Les compétences à acquérirsont une intention majeure et la responsabilité du professeur est engagée dans ce respect.Il pense plus à l'élève en avance qu'à l'élève en difficulté.

Olivier joue sur la complémentarité au niveau des groupes qu'il constitue et qui doiventmettre en œuvre un projet dont les contrats sont bien définis. Il revendique une véritablepédagogie de projet mais constate avec regret les impossibilités voire les incohérences desprogrammes qui ne permettent pas vraiment cette organisation pédagogique. La priorité

Page 100: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

100

est donnée au fonctionnement des équipes plus qu'aux apprentissages afin de respecterles projets mis en œuvre.

Philippe ne veut pas duper les élèves et souhaite contractualiser les apprentissages de cha-cun d'entre eux car l'évaluation conduit à leur classement. L'enseignement en technologien'est pas conçu comme un enseignement de masse et l'intégration sociale est un enjeuimportant. Dans son petit établissement, l'organisation s'effectue sur un mode artisanalavec des variations possibles selon les classes mais l'essentiel est le plaisir des élèves.

Quentin enseigne dans un gros établissement dans lequel la technologie est construite surun mode industriel avec une planification et une programmation prédéfinies que tous lesélèves et toutes les classes suivent. Quelques aménagements prévoient des adaptationspour la frange en retard qui peut profiter du découpage des compétences en trois niveauxprogressifs. Les ateliers tournants constituent la solution idéale pour le traitement demasse de tous les collégiens et pour leur faire acquérir les compétences listées du pro-gramme. Les contraintes organisationnelles sont telles que le choix des pratiques en dé-pend totalement à la différence de Philippe moins limité dans l'ajustement de ses actions.

Rémi est un professeur attentif aux élèves. Il observe et constate les différences mais sondiscours n'évoque pas la technologie en tant que discipline scolaire. Une organisation enbinôme tente de faire disparaître les écarts trop importants entre les élèves.

«Je vous disais que ce qui m'étonnait c'est que vraiment vous axiez tout votre travail sur l'hé-térogénéité. Et je trouve que c'est un sujet tellement vaste et qui pose tellement de problèmes demise en œuvre dans la classe. Donc, est-ce qu'on arrive vraiment à analyser l'hétérogénéité quand ona des élèves ? Bien sûr qu'on se pose le cas de l'hétérogénéité. Déjà, la décrire. Comment, à partirde quels critères ? Après il faut essayer de la traiter : comment est-ce qu'on va pouvoir effecti-vement répartir des élèves suivant leur niveau ? Et après comment évaluer les progrès qu'ils ont pufaire de par la façon dont on a conçu l'enseignement à partir de l'hétérogénéité constatée des élèves.»(R2)

Stanilas est un professeur qui se rend disponible pour aider ses élèves. Il tente de valori-ser les élèves par les activités de création en laissant des espaces de liberté leur permettantd'ajouter leur touche personnelle. Un peu aigri par les contradictions institutionnelles dela mise en œuvre matérielle de la technologie, il regrette aussi les évolutions du corps pro-fessoral dont il perçoit les ruptures par rapport au recrutement.

«Les gens qui étaient issus de BTS et d'IUT avaient peut-être rencontré à un moment de leur viequelque chose de différent et cela se ressent. La compréhension de certains échecs d'élèves, je dirais,est peut-être plus facilement cernée par des gens qui avaient un autre profil que ceux-là qui arriventavec diplôme très élevé. Je crois ; ils étaient plus proches de la réalité.» (S1)

Il s'agit de faire faire les mêmes choses afin de maintenir les exigences du passage dans laclasse supérieure.

Thierry est un professeur qui préfère travailler avec les très bons élèves et s'oppose auxdistinctions et aux modalités discriminatives et ségrégatives des classes technologiques.L'hétérogénéité est une richesse avec la possibilité de mener des travaux de haute techni-cité surtout dans son domaine d'intérêt qu'est l'électronique. Toutefois les résultats sco-laires des élèves ne peuvent gommer leurs distinctions. Il revendique une pédagogie dudétour plus pertinente selon lui qu'une pédagogie du soutien. Mais il préfère organiserdes groupes dans lesquels les meilleurs sont réunis afin de ne pas leur faire perdre ni leurtemps, ni leur niveau.

b) un panorama des pratiques

Ces professeurs peuvent être situés sur la "rose des pratiques pédagogiques". Sont repré-sentées les tendances que les discours sur les pratiques expriment selon leur posture

Page 101: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

101

qu'ils décrivent et selon la légitimité qui la fonde. Ainsi chaque enseignant est positionnépar un vecteur qui le situe et qui indique l’orientation singulière de son action.

C

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

performanceindividuelle

épanouissementindividuel

compétencesnormales pour

la plupart

compétencesminimalespour tous

GROUPES DE TRAVAIL

ATELIERSTOURNANTS

GROUPESD'AIDE

EQUIPES

J

K

D

H

O

T

N

AP

BS L

I

EMQ

F

RG

Orientationde son action

Professeur

fig. 9 : Des professeurs et leurs tendances

La localisation des professeurs-formateurs n'est qu'indicative. Elle les situe dans uneposition préférentielle telle que l'analyse la fait apparaître. Mais les axes n'étant pas gra-dués, cette représentation n'est que relative situant les professeurs les uns par rapport auxautres. Les orientations repérées confirment l'appréciation des discours précédente mon-trant une faible prise en compte de la diversité des élèves. Deux tiers des professeursprivilégient la classe et se répartissent d'une façon sensiblement égale selon l'importancequ'ils accordent aux programmes ou aux élèves. Trois affichent clairement leur intérêtpour les formes de soutien individualisé. Quatre d'entre eux considèrent les travauxd'équipe comme des moyens de prendre en charge l'hétérogénéité. Toutefois un seuld'entre eux affiche clairement cette possibilité offerte par la technologie (H) ; les discoursdes autres se réfèrent généralement aux activités de technologie de l'information. Enfin,l'un est en tous points décalé (C).

c) des enseignants de technologie

L'examen des pratiques des professeurs-formateurs révèle leurs contrastes les plus fortsbien qu'elles soient vraisemblablement très variables selon les classes. Si ces pratiques neprennent pas en compte toutes les potentialités que propose la discipline définie par sesprogrammes, il s'agit cependant d'enseignements de "technologie" assurés par desprofesseurs reconnus avec cette désignation. La diversité des pratiques rend ainsi comptede "technologies" différentes qu'il convient d'examiner, en particulier les matrices qui lesorganisent et les fondent.

Page 102: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

102

V. DES "TECHNOLOGIES" DIFFÉRENTES

Le programme dans sa fonction normative ne représente pas la "technologie" telle qu'elleexiste dans les collèges. Ce sont les pratiques des enseignants qui donnent vie et forme àun enseignement identifié dans la communauté éducative par l'étiquette "technologie". Lespratiques enseignantes révèlent ces "technologies", ces disciplines scolaires, ces momentsd'enseignement-apprentissage, ces tranches horaires… caractérisés par un lieu, unenseignant, des objets, des activités… et dont chacun s'accorde à dire, parfois avec desregrets, parfois avec des souhaits, qu'ils sont particulièrement différents. Derrièrel'intitulé générique de la discipline, de nombreuses formes scolaires coexistent. Quellessont les limites de ces formes scolaires ? Comment peut s'inscrire cette diversité dansl'unité affichée de la discipline ? Telles sont les questions induites par la variété constatéede cet enseignement par rapport à sa variabilité potentielle.

a) essai de caractérisation des "technologies enseignées"

Aux pratiques signalées correspondent des accommodations à la fois plurielles et singu-lières des programmes. Selon la diversité des publics et la variété des contextes, l'ensei-gnement mis en œuvre tel qu'il est décrit, prétendu ou représenté dans les propos et lestémoignages des enseignants est organisé plus particulièrement par des activités d'élèvesconçues en tant qu'activités scolaires et activités technologiques. Elles offrent aux élèvesdes tâches particulières et distinctes selon leur localisation sur la "rose des pratiques". Latâche de production en équipe d'une lampe du secteur Nord-Est (O) est par exempledistincte d'une tâche de production d'une page à l'aide de l'ordinateur du secteur Nord-Ouest (K), d'une production d'une série d'ampli-baladeurs organisée en ateliers tournantsdans le secteur Sud-Est ou en groupes de travail dans le secteur Sud-Ouest. Même si lestâches sont identiques à certains moments comme les opérations d'assemblage decomposants par exemple, elles peuvent être distinguées selon les "méthodes" danslesquelles elles s'intègrent. Pour l'éducation technologique, et à partir de l'examenhistorique des formes scolaires, J. Lebeaume (1999)92 définit ces méthodes comme desensembles de situations prototypiques d'enseignement-apprentissage dans lesquelles latâche, la visée éducative et la référence forment un ensemble cohérent93 (fig. 10).

Visée

Tâche Référence

V

T R

fig.10 : Situation d’enseignement-apprentissage prototypique

Cette cohérence induit la nature technique des tâches et leur inscription dans les intentionsd'une éducation technologique. En d'autres termes, la visée des tâches assure leur légi-timité, les références maintiennent leur signification. Or, selon les professeurs-formateursdont les actions sont inscrites à la fois dans une histoire personnelle, dans les pratiquesd’un corps professoral et dans un contexte éducatif et scolaire, ces tâches des élèves sontéventuellement fondées sur des cohérences différentes. L'essai de caractérisation proposede les mettre au jour à partir de l'identification des visées et des références dans les posi-tions limites repérables sur les deux axes médians de la "rose des pratiques".

92 LEBEAUME, J. (1999). Perspectives curriculaires en éducation technologique. Mémoire pour

l'habilitation à diriger des recherches. Paris XI - Orsay. 129 p.93 ibid. p. 19

Page 103: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

103

b) à la limite de la technologie

Afin de caractériser les tâches des élèves, il convient d'identifier la technicité de ces tâchesexprimée en termes d'engins, de rationalité et de rôle (M. Combarnous, 1984)94.Toutefois, pour les comparer, il semble plus pertinent de faire abstraction des engins quel'on peut considérer comme implicitement présents dans les dispositifs proposés auxélèves.

Les limites de la technologie ne peuvent se définir que par rapport à une "technologieidéale" c'est à dire organisée par des ensembles d'activités d’enseignement-apprentissagecontribuant à l'éducation technologique et mettant en relation chaque élève dans des situa-tions dans lesquelles les rapports aux tâches, aux visées et aux références sont clairementidentifiables. Cette image de la technologie "idéale" est représentée par la figure 11.

Elève

Visée

Tâche Référence

fig. 11 : "Technologie idéale"

A partir des commentaires présentés par les professeurs-formateurs mais aussi de leurextension dans des formes extrêmes, sont proposées quatre situations d'enseignement dela technologie. Ces cas extrêmes ne sont plus alors des contributions à l'éducation techno-logique. A chacune de ces situations est proposée une représentation par rapport à latechnologie idéale mettant en évidence les décalages de ces "méthodes".

* dispositif de groupes d’aide

Description de l'activité :Les élèves réalisent une page en PAO, "pour faire des lettres qui font bssss…" (K)

Intention :Remédiation à des obstacles à la pratique de l'écrit.

Tâche des élèves :Bien que les élèves utilisent les ordinateurs, leur tâche n'est pas de nature technique car elle est gui-dée par une visée externe à l'éducation technologique. La relation aux références socio-techniquesest inexistante.

Discipline :La technologie est considérée comme une discipline de service.

Elève

Visée

Tâche Référence

Elève

Visée

Tâche

RéférenceAutre Visée

fig. 12 : Dénaturation de la technologie par substitution de ses visées

94 COMBARNOUS, M. (1984). Les techniques et la technicité. Paris, Editions Sociales.

Page 104: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

104

* dispositif d'équipes

Description de l'activité :Les élèves réunis en équipes doivent concevoir et produire dans les meilleurs délais et au moindrecoût une lampe (O).

Intention :Acquisition de performances dans les activités de conception-production.

Tâche des élèves :Les élèves "jouent à l'entreprise" ou la "singent". Leurs rôles sont très spécialisés et la rationalitétechnique est poussée à l'extrême. La relation aux références socio-techniques est une relationd'identité. Mais leurs visées s’écartent de celles de l'éducation technologique.

Discipline :La technologie tend à se confondre avec un enseignement professionnel.

Elève

Visée

Tâche Référence

Elève

Référence

Tâche

Autre Visée

fig. 13 : Dénaturation de la technologiepar relation d’identité aux pratiques socio-techniques

* dispositif d'ateliers tournants

Description de l'activité :La classe produit des ampli-baladeurs. Chaque élève effectue les tâches préparées et programméespar le professeur.

Intention :Acquisition systématique des compétences présentées dans le scénario.

Tâche des élèves :La programmation des tâches permet à chaque élève individuellement d'effectuer chacune des activi-tés respectivement définie par un objectif. Mais les parcours nécessairement différents leur fontperdre toute signification avec les réalités socio-techniques.

Discipline :La technologie est considérée comme une discipline à structure cumulative. Les compétences sontenseignées isolément, mais sans leurs relations. Une logique d’exercices se substitue aux inten-tions de projet

Elève

Visée

Tâche Référence

Elève

Visée

Tâche

fig. 14 : Dénaturation de la technologiepar confusion de ses visées

Page 105: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

105

* dispositif de groupes de travail

Description de l'activité :Les groupes qui intègrent volontairement des élèves différents réalisent des "grooms" électroniques.Les élèves les plus rapides aident les plus lents mais font parfois leurs tâches.

Intention :Expérience de vie de groupe facilitant l’intégration sociale et la collaboration des élèves.

Tâche des élèves :Si les élèves sont occupés, leurs tâches se confondent avec celles qu'ils auraient dans des centres devacances, car il n'y a pas réellement d'intention d'apprentissage excepté dans la sphère socio-affec-tive. Les intentions éducatives parfois signalées par “citoyenneté” ne recouvrent pas vraiment lesvisées de l'éducation technologique. Les références des tâches ne sont pas celles des pratiques socio-techniques mais plus généralement des pratiques sociales.

Discipline :La technologie est considérée comme une discipline de service, voire comme un accessoire pédago-gique.

Elève

Visée

Tâche Référence

Elève

Activité

fig. 15 : Dénaturation de la technologie par confusion de références

Même si elles se justifient par les besoins nettement apparents des élèves ou de leur sco-larité, les formes scolaires de l'enseignement qui ne peuvent répondre à leur intitulé insti-tutionnel car ne contribuant pas à l'éducation technologique, correspondent à des dénatu-rations de la technologie.

c) les "technologies" des professeurs

Ces cas limites de situations scolaires mises en œuvre ou susceptibles de l'être par les en-seignants sous l'étiquette "technologie" représentent des dérives de l'enseignement pardéfaut ou par excès des tâches, et par absence ou déformation des contenus disciplinaires.En effet, pour chacun de ces cas limites, les élèves sont en relation forte avec des tâchesdont la cohérence est soit particulièrement confuse, soit radicalement structurée pard'autres intentions que celles de l'éducation technologique.

La logique d'accommodation qui préside aux ajustements nécessaires pour les élèves etselon les contextes, définit les formes scolaires de la technologie enseignée : les "techno-logies" des professeurs. Toutefois, pour que ces "disciplines" conservent leur identité,leur fonction et leur mission dans l'institution scolaire, les pratiques auxquelles elles ren-voient par les "méthodes", ne peuvent se situer au delà des frontières qui délimitent leurdénaturation. Si les tâches scolaires ne renvoient pas aux visées de l'éducation technolo-gique et prennent référence sur des pratiques décalées, leur légitimité et leur significationsont très ambiguës.

Il ne s'agit pas d'accréditer ou de contester la justification éventuelle de ces formes déna-turées pour les élèves. Il s'agit de repérer les conditions d'équilibre de la fonction ins-tructive de la technologie dans la polymorphie des "technologies", quels que soient lesélèves et quels que soient les contextes. Ce qui est en jeu c'est le maintien de la fonctioninstructive de l'éducation technologique au sein même de l'éducation, c'est à dire l'inté-gration de la découverte du monde de la technique et de l'acquisition d'outils intellectuels

Page 106: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

106

et pratiques pour le penser, l'interpréter, le comprendre… mais aussi agir sur lui. Il s'agitdonc non pas d'une contribution de la technologie à l'éducation des jeunes fondée sur descompétences qui seraient transversales et qui seraient susceptibles de favoriser le déve-loppement de capacités générales et non spécialisées mais de contribuer à l'acculturationtechnique des jeunes en considérant la définition de J.-P. Séris : "La culture technique,entendue comme ce que l'individu doit aux techniques auxquelles il s'est initié et ont litté-ralement fait de lui un autre homme"95.

d) flexibilité de la technologie

Entre ces limites, se situent alors des technologies nuancées, plus ou moins proches desréalités socio-techniques et plus ou moins distantes des visées de l'éducation technolo-gique. Mais ces variations si elles permettent l'adaptation aux diversités de l'enseigne-ment, s'inscrivent dans la zone de tolérance qu'admet la structure de la technologie. Ils'agit de la zone de flexibilité de la technologie dans laquelle la discipline s'accommodeaux circonstances.

Dans la zone périphérique de dénaturation de la discipline et donc de rupture du contratinstitutionnel que fixe la loi dans les programmes, les élèves sont susceptibles d'ap-prendre autre chose, de ne rien apprendre, d'apprendre des choses sans signification,d'apprendre des choses trop spécialisées. Le problème n'est donc pas seulement celui dela légitimité des apprentissages en jeu dans les différentes organisations pédagogiquesmais celui de leur pertinence par rapport à l'éducation technologique. En dehors de lazone grisée (fig. 16) les activités scolaires ne répondent plus aux enjeux et aux fonctionsinstitutionnellement définies et assignées à la technologie au collège.

action centrée sur les élèves

action centrée sur les programmes

action centréesur les individus

action centréesur la classe

GROUPES DE TRAVAIL

ATELIERSTOURNANTS

GROUPESD'AIDE

EQUIPES

fig. 16 : Zone de flexibilité de la technologie 95 SERIS, J.-P. (1994). La technique. Paris, PUF. p. 145.

Page 107: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

107

Dans cette zone de flexibilité, ce que les élèves font relève de situations de nature tech-nique et ce qu'ils apprennent contribue à leur éducation technologique. L'étendue de cettezone qu'il n'est pas possible par cette étude de définir précisément suppose toutefois desapprentissages différents. En effet, les élèves n'apprennent pas les mêmes choses selonleur implication plus ou moins sollicitée par l'organisation, selon les modalités plus oumoins systématiques d'apprentissage, selon la diversité plus ou moins importante destâches, des rôles, des références, des engins, des expériences de vie… qui leur sontoffertes. Mais il s'agit toujours de rencontres avec le monde de la technique.

Entre la technologie idéale et ses formes dénaturées, les "technologies" des professeurscorrespondent à des adaptations de la discipline selon les contraintes du contexte local, ladiversité des élèves mais aussi les représentations personnelles et professionnelles qu'ontles professeurs de leurs actions et de leurs missions ainsi que de celles de la technologie.

e) des incompatibilités

Le point de vue extrémiste, presque caricatural, pris sur les formes scolaires éventuellesde l'enseignement de la technologie met en évidence les incompatibilités majeures qui re-posent sur la perte de vue des visées et des références dans la construction des tâchespour les élèves. Cette dénaturation de la technologie hors de sa limite de déformationélastique peut être liée aux trois facteurs qui la contraignent : l'enseignant, le contexte etles élèves.

Les options personnelles des enseignants et les compétences professionnelles des profes-seurs définissent le double rapport à l'hétérogénéité et à la technologie. Or celui-ci estsusceptible de contribuer au maintien des tâches dans la zone de flexibilité de la disciplineou au contraire de s'opposer à cette double prise en charge. Parmi les professeurs-forma-teurs, un seul déclare faire n'importe quoi (C). Il représente sans doute les 15% d'ensei-gnants aux pratiques marginales que le rapport de l'inspection générale (1997) épingle :«…certains enseignants dispensent encore un discours sur la technologie, avec des pageset des pages d'écriture, des projets réalisés au tableau ou des activités de cartonnage pourles fêtes de fin d'année»96. Ces pratiques témoignent de leur déviance manifeste, de l'ab-sence ou de l'insuffisance de responsabilité dans le champ de la discipline enseignée maisattestent surtout des dérives potentielles que toute discipline est susceptible d'admettredans sa mise en œuvre. D'une façon moins marquée et sans intention affirmée de dé-viance, certains enseignants ne partagent pas les fondements de la technologie en particu-lier dans ses références aux réalités extérieures pour des raisons contextuelles voire idéo-logiques. Une réponse montre que l'enseignant interroge fondamentalement les visées etles références de l'enseignement mais qu'il ne se sent pas prêt à assumer la contradictionqu'il ressent entre les orientations de la technologie et les références des élèves :

« (…) ce n'est pas la peine sans arrêt de dire que c'est comme en entreprise car c'est une perte detemps (…) les références des élèves c'est pour 30% leur père au chômage.»

La grande majorité des enseignants mettent tout en œuvre pour faire réussir leurs élèves.Les limites identifiées au cours des entretiens sont d'une part la difficulté de percevoircette structure de la discipline et ses possibilités de flexibilité, d'autre part l'illégitimitéperçue de toute intervention sur les programmes. Connaître la matière pour la transfor-mer97 est susceptible de fournir aux professeurs-formateurs les outils indispensables pourle contrôle de leurs interventions.

96 I.G.E.N. (1997). Rapport de l'inspection générale de l’Éducation nationale. Paris, La documentation

française. (chap 2 : le collège, 71-150). p. 10297 remarque : l'allusion est nettement affirmée à MARTINAND, J.-L. (1986). Connaître et transformer

la matière. Paris-Berne, Peter Lang.

Page 108: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

108

Le contexte de l'enseignement présente de fortes contraintes qui infléchissent les formesscolaires de la technologie. Les contraintes matérielles et d'équipement, mais aussi lescontraintes de temps sont les plus nettement signalées. Celles-ci sont susceptibles de fa-voriser ou de promouvoir une organisation pédagogique privilégiée comme par exemplela taille de l'établissement qui implique une organisation plus industrielle ou artisanale (Pet Q). Toutefois la flexibilité de la technologie ne peut résister à des contraintes tropfortes. Sans les conditions normales de sa définition, la technologie est dénaturée et nepeut exister.

Les élèves enfin représentent sans doute des limites à l'intégration des pratiques dans lazone de flexibilité de la discipline. Les "cas lourds" ne s'intègrent pas facilement auxmultiples modalités offertes par la technologie. Pas plus que dans les autres disciplines,les "échecs scolaires" tels que le sens commun les désignent sont sans doute exclus decette zone. Selon la nature de l'hétérogénéité dont ils sont les victimes, leur intégrationscolaire est l'obstacle majeur éventuellement pris en charge par un traitement à la marge etdes pratiques volontairement orientées vers leur recentrage. A cet égard, les groupes detravail, par les situations de motivation, d'aide interindividuelle, de valorisation, departicipation… sont potentiellement candidats à ce maintien dans la zone de flexibilité.Mais pour les élèves exclus ou qui s'excluent, l'intégration des pratiques adaptées dans lazone de flexibilité est beaucoup plus délicate car la logique d'enseignement proposé aucollège, qu'elle que soit la discipline, leur résiste.

VI. POUR DES ADAPTATIONS CONTRÔLÉES

La problématique proposée suppose l'utilisation des diverses potentialités de la technolo-gie pour des adaptations ajustées à la variété, à la diversité et à l'hétérogénéité des mul-tiples situations d'enseignement-apprentissage scolaires. Il ne s'agit donc pas de s'en te-nir à une régulation élémentaire que mentionne par exemple L. Legrand (1986), où "l'en-seignant avisé proportionne l'importance quantitative de la tâche à ce qu'il a pu remarquerchez ses élèves"98. Il ne s'agit pas non plus d'utiliser exclusivement les qualités de latechnologie comme un moyen pédagogique de remédiation intellectuelle, comportementaleou psychomotrice la fixant au rayon des accessoires pédagogiques. Il ne s'agit pas enfinde n'en présenter qu'une partie lui faisant perdre son unité. Il s'agit essentiellement deproposer et de mettre en œuvre des adaptations qualitatives à partir des potentialitésqu'elle présente. Il ne s'agit donc pas de prétendre définir une pratique normalisée de cetenseignement en ignorant à la fois les actions des enseignants sur le curriculum prescrit etla diversité des pratiques qui constituent la richesse de l'enseignement. Mais il s'agit demettre au jour les conditions de contrôle par les enseignants des adaptations qu'ils mettenten œuvre, des actions qu'ils effectuent et des décisions qu'ils prennent sur la disciplineafin qu'elle demeure dans la zone de flexibilité que sa structure admet.

a) des conditions

L'ensemble des données recueillies tend à montrer la réserve, l'hésitation et peut-être ladifficulté d'explicitation des inflexions que les professeurs-formateurs donnent à leurdiscipline. Si ces praticiens pourtant les plus à même d'analyser les pratiques d'ensei-gnement en raison de leurs activités de formation, énoncent d'une façon aussi timide lesadaptations réelles et potentielles de la technologie, il est facile de supposer que pour lesenseignants de technologie plus rarement soumis à l'analyse réflexive de leurs pratiques,cette possibilité est encore plus ténue, plus difficile à concevoir et à imaginer.

Trois conditions majeures semblent pouvoir être proposées pour favoriser la maîtrise deces adaptations contrôlées. La première concerne la connaissance de la structure de ladiscipline. La deuxième est relative aux attitudes des enseignants par rapport aux pres-

98 LEGRAND, L. (1986). La différenciation de la pédagogie. Paris, Scarabée. p. 98.

Page 109: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

109

criptions réglementaires. La troisième s’associe à la communication de ces initiatives, àleur formalisation et à leur argumentation.

b) repérer la flexibilité de la discipline

De toute évidence, l'intervention contrôlée sur la discipline définie par ses programmessuppose la connaissance de sa structure. Les entretiens ont néanmoins révélé la connais-sance relativement partielle et parfois partiale de cette structure. En effet, les enseignantss'approprient les nouveaux programmes de technologie en en réduisant la complexitécompte tenu de leur conceptualisation initiale des programmes, par exemple sur le modede la pédagogie par objectifs. Or la technologie n'est pas aujourd'hui définie d'une façonessentiellement "technique" selon la distinction proposée par K.-F. Zuga (1989)99 à partirde l'analyse comparée des programmes de "industrial arts/technology" aux États Unis.Comme le suggère cet auteur, il est nécessaire que la formation des enseignants assure laconnaissance de l'option qui préside à la rédaction des programmes qu'ils ont à dévelop-per. Mais réciproquement, il est souhaitable que les prescriptions anticipent l'appropria-tion par les enseignants de ces programmes en précisant, au delà des modifications éven-tuelles d'option, les espaces de décision et leurs limites. C'est sans doute la fonction desinstructions pédagogiques qui peuvent repérer, identifier et expliquer les points détermi-nants de la structure de la discipline et illustrer la flexibilité qu'elle admet et qu'elle tolère.

c) ne pas "appliquer" les programmes

L'une des résistances majeures à l'explicitation des adaptations du programme est l'ab-sence apparente de légitimité de telles actions que signalent parfois des sentiments de cul-pabilité associés à ces curriculums cachés.

«J'essaye d'appliquer les programmes. Je ne les applique pas sûrement à la lettre !» (enquête 2)

La fonction et la nature des programmes apparaissent ainsi imprécises. Or la questionn'est pas nouvelle comme en témoigne le cours de pédagogie de Ch. Charrier (1918) :

«Il faut respecter les programmes, sans doute ; mais ce respect ne doit pas être poussé trop loin.Les programmes sont de précieux guides ; ils empêchent les maîtres de s'égarer ou de trop s'attardersur des enseignements qui auraient leurs préférences ; mais ils ne tendent nullement à supprimer eneux toute initiative. A la fois précis et souples, ils indiquent les grandes questions à enseigner, etlaissent à chacun la faculté de donner au développement de ces questions l'ampleur qu'il juge néces-saire. Ils représentent un maximum de connaissances à faire acquérir, un maximum dont il y a lieu,sans doute, de se rapprocher le plus possible, mais qui ne peut être atteint dans la très grande majo-rité des écoles.»100

Les initiatives des enseignants qui ne peuvent être qu'encouragées supposent l'engage-ment de leur responsabilité dans les adaptations opérées. A la différence des programmesauxquels se réfère Ch. Charrier, la définition actuelle de la technologie précise les limitesentre lesquelles les compétences peuvent être développées : quelques compétences exi-gibles pour tous les élèves et une liste plus importante de compétences susceptibles de ré-pondre aux intérêts et aux possibilités des publics scolaires dans leur diversité.

99 ZUGA, K.-F. (1989). "Relating technology education goals to curriculum planning". Journal of

technology education. Vol 1, n° 1. (version électronique).remarque : cet auteur identifie cinq principes de définition de cet enseignement : "académique" centréesur les savoirs ; "technique" centrée sur les performances ; "psychologique" centrée sur les processusintellectuels ; "sociale" centrée sur les réalités ; "personnelle" centrée sur les attitudes.

100 CHARRIER, Ph. (1918). Pédagogie vécue. Cours complet et pratique. Paris, Nathan. 77-78.

Page 110: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

110

d) rendre publiques les décisions

Oser intervenir sur la discipline et oser le dire ou l'avouer sont des conditions associéesau contrôle des adaptations. L'enjeu de la communication de ces décisions est en particu-lier d'en modifier leur statut, de la sphère privée à la sphère publique. Outre l'exigence deverbalisation donc de formalisation, l'intérêt réside aussi dans la confrontation que cettedémarche induit et qui assure, conforte et dynamise l'argumentation qui l'accompagne.

Élément de la professionnalité des enseignants101, cette communication contribue aussi àconsolider le caractère professionnel de ces pratiques, c'est à dire à la fois privées et so-cialement discutées ou partagées par le corps professoral.

e) contrôler les décisions sur la discipline

POSSIBLE PRESCRIT

PERTINENT

Organisation pédagogique

Normes et prescriptions réglementaires

Significationdes activités

fig. 17 : Contrôle de la flexibilité de la technologie

Adapter la technologie auxcontextes locaux et à leurscontraintes revient pour chaqueprofesseur à définir une"technologie particulière", unetechnologie parmi la foultitude desformes possibles. Le contrôle decelle-ci dans la zone de flexibilitéde la discipline exige desdécisions argumentées selon lestrois didactiques proposées par J.-L. Martinand (1993)102. Il s'agitde maintenir en somme les tâchesentre le possible, le prescrit et lepertinent103 (fig. 17).

f) intégrer l'hétérogénéité des élèves et la diversité des contextes

Pour les professeurs de technologie qui dans l'ensemble sont surpris par le questionne-ment proposé au cours des entretiens et pour qui l'hétérogénéité des élèves n'est pasvraiment déclarée comme étant une préoccupation majeure, cette intégration est ainsi enpartie assurée. En effet, si elle ne l'était pas, l'enseignement serait décrit dans le registrede l'insupportable, de l'incontrôlable et de l'impossible compte tenu des machines, desmatériaux, de l'organisation en ateliers, en groupes ou en équipes.

Comme le signale un des professeurs-formateurs, la prise en compte de la diversité descontextes scolaires et de l'hétérogénéité des élèves revient à la considérer comme unecontrainte dans la conception des activités scolaires et des tâches. Il s'agit donc d'anticiperla variabilité possible de la discipline pour que les actions dépassent les régulations "aucoup par coup". Cette anticipation semble dépendre des conditions examinées dans lesparagraphes précédents, relatives à la mise en œuvre de toutes les potentialités de ladiscipline. 101 remarques : les éléments de cette professionnalité sont proches de ceux précisés dans la Circulaire n°

97-123 du 23 mai 1997 : "Mission du professeur exerçant en collège, en lycée d'enseignement généralet technologique ou en lycée professionnel". B.O. n°22 du 29 mai 1997, 1571-1576.En revanche, ces éléments liés à la connaissance de l'épistémologie des disciplines scolairesn'apparaissent pas nettement dans les suggestions récentes qui soulignent seulement les possibilités devariation "des modes et des moyens d'enseignement" ; cf. MENRT-DES. (1998). Table ronde sur lesIUFM. Pour une formation plus professionnelle des enseignants. Rapport au ministre. p. 5.

102 MARTINAND, J.-L. (1993). "Organisation et mise en œuvre des contenus d'enseignement. Esquisseproblématique". Recherches en didactiques : contribution à la formation des maîtres. Paris, INRP.135-143. (colloque fev. 1992)

103 LEBEAUME, J. (1998). "Qu'est-ce qu'un professeur de technologie ? Quelques questions posées pourleur formation". Clés à venir. Nancy, CRDP. 16, 49-57.

Page 111: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

111

«Je ne sers à rien, dit Bruno avec rési-gnation. Je suis incapable d'élèver desporcs. Je n'ai aucune notion sur la fabri-cation des saucisses, des fourchettes oudes téléphones portables. Tous ces objetsqui m'entourent, que j'utilise et que jedévore, je suis incapable de les produire ;je ne suis même pas capable de com-prendre leur processus de production. Sil'industrie devait s'arrêter, si les ingé-nieurs et techniciens spécialisés venaientà disparaître, je serais incapabled'assurer le moindre redémarrage. Placéen dehors du complexe économique-in-dustriel, je ne serais même pas en mesured'assurer ma propre survie : je ne sauraiscomment me nourrir, me vêtir, meprotéger des intempéries ; mes compé-tences techniques personnelles sont lar-gement inférieures à celles de l'hommede Néanderthal. Totalement dépendantde la société qui m'entoure, je lui suispour ma part à peu près inutile (…)»104

Michel Houellebecq (1998)

Aveux ou regrets d'une incapacité à vivre dans le monde technicisé de cette fin de siècle,questions plus existentielles sur la possibilité d'intervention sur ce monde, interrogationsplus morales sur le rôle d'un citoyen, telles sont les confidences de Bruno, ce personnaged'un roman contemporain. Pourtant la fiction décrit une réalité courante où les hommes etles femmes s'avèrent bien démunis face à une technique au développement jugé ou perçucomme apparemment autonome et où l'imaginaire se substitue à toute tentative de la pen-ser105. Ce sont les enjeux de l'éducation technologique dans la scolarité obligatoire etceux de la technologie au collège. Ce sont des enjeux très récents, car la question de laculture technique n'est vraiment posée que depuis un peu plus de deux décennies, alorsqu'auparavant il s'agissait d'apporter des compléments de culture générale dans les

104 HOUELLEBECQ, M. (1998). Les particules élémentaires. Paris, Flammarion. p. 250.105 cf ROQUEPLO, P. (1973). Penser la techniqe. Paris, Seuil.

Page 112: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

112

enseignements techniques106. C'est aussi un défi pour l'Ecole, régulièrement réaffirmédepuis le tout début des années 1960, lorsque l'accueil indifférencié de tous les élèvesjusqu'à seize ans a été déclaré légalement. Après plus de trente ans d'aménagementsstructurels, d'élaboration de plans d'études et de construction des disciplines scolaires, unsecond défi consiste, au delà de leur accueil, d'instruire, d'éduquer et d'élever tous lesjeunes.

Pour le collège du XXIè siècle, le souhait, la volonté et la réaffirmation d'une organisa-tion pédagogique non discriminative107 imposent de disposer d'outils pour penser les dé-cisions sur les curriculums disciplinaires en y intégrant la contrainte de la prise en chargede la diversité des individus ou de l'hétérogénéité des élèves. En effet, il ne s'agit passimplement de promouvoir "les cultures techniques et professionnelles"108 au collège quiauraient pour fonction de rééquilibrer la culture de ce segment scolaire inspirée de celle dulycée, tout en attribuant une nouvelle fois à des publics distincts, la découverte ou l'initia-tion à des parties du monde différenciées. Le défi actuel est à la fois organisationnel, pé-dagogique et didactique. Omettre l'un de ces paramètres ne pourrait correspondre qu'à unnouvel aménagement éphémère.

Les résultats présentés dans ce rapport de recherche contribuent à la problématisation dece défi. Les descriptions et les analyses des pratiques enseignantes en technologie révèlentleurs forces et leurs faiblesses mais surtout ouvrent des perspectives pour cette inté-gration. L'orientation didactique de ces propositions est susceptible de compenser les in-suffisances constatées de tous les dispositifs pédagogiques d'individualisation, de diffé-renciation ou de compensation mis en œuvre jusqu'alors. Il ne s'agit pas de contester leurintérêt et leur intention ni de prétendre sous la forme d'une alternative, résoudre mi-raculeusement un problème particulièrement complexe qui prend ses racines à l'extérieurdes établissements scolaires et des classes. Mais il s'agit de contribuer au maintien dufragile équilibre entre intégration sociale et connaissance du monde et entre développe-ment personnel et action à la fois raisonnée et responsable sur le monde. En ce sens, lapossibilité de flexibilité de la technologie définit la variabilité potentielle des pratiquesenseignantes tout en assurant l’existence éventuelle des socles de compétences et deconnaissances. En effet, la technologie intègre dans sa matrice curriculaire la progressivitéet les seuils qui assurent en particulier les poursuites d'études. Ceux-ci sont précisémentinscrits dans la zone de flexibilité de la discipline. Mais les entretiens ont révélé que lesenseignants tendent à définir plus spontanément ces compétences dans le domaine descompétences instrumentales. Il conviendrait alors de préciser celles contribuant auxpremières élaborations conceptuelles afin de conserver les fondements de cette disciplinede raisonnement et d’action.

La technologie, par sa construction, présente de nombreuses potentialités qui, dans cettepériode d'appropriation des programmes, n'apparaissent que faiblement prises en compte

106 cf. MARTINAND, J.-L. (1998). "Éducation technologique pour tous : finalités et modalités". in P.

Boutan & E. Sorel. (dir). Le plan Langevin-Wallon. Une utopie vivante. Paris, PUF. 90-95.107 cf. DUBET, F. ; BERGOUNIOUX, A. ; DURU-BELLAT, M. ; GAUTHIER, R.-F. (1999). Le

collège de l'an 2000. Débat national sur le collège : résultats et analyse. Rapport remis à SégolèneRoyal, Ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. Paris, MENRT. 150 p.

108 DUBET, F. et al. (1999). op. cit. p. 130.remarque : Les propositions pour le collège des années 2000 reprennent ce thème."Enfin il faut que le collège cesse d'opposer, comme c'est encore la tendance dominante, culturesavante et culture technique ou professionnelle, savoirs abstraits et capacités de faire, de fabriquer.Pierre-Gilles de Gennes a bien rappelé de quelles affinités entre la main et le cerveau procède tout ledéveloppement intellectuel de l'humanité. Il est temps, en effet, de mieux montrer aux collégiens queles cultures techniques et professionnelles ne sont pas des pis-aller mais une dimension essentielle denotre époque et de l'équilibre des savoir-faire."ROYAL, S. (1999). "La mutation des collèges : un collège pour tous et pour chacun". B.O. 23, 8.(supplément)

Page 113: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

113

dans les pratiques enseignantes à la fois en raison des incompréhensions, des obstablesorganisationnels de l'enseignement mais aussi des réserves qu'expriment les professeursà discriminer les élèves et à intervenir sur la discipline. Les pratiques dont ils ont fait partrépondent néanmoins à leur souci manifeste et déclaré des progrès et de la réussite de tousleurs élèves. L'étude des pratiques enseignantes dans une autre discipline permettrait sansdoute de constater dans leurs grandes lignes, les mêmes modalités bien que lesenseignants soient moins familiers avec l'organisation de groupes, d'ateliers ou d'équipeset que les contenus de leurs moments d'enseignement-apprentissage soient parfois plusdistants de toute signification sociale et avec des visées plus diffuses.

Toutefois le modèle d'analyse proposé dans cette recherche en particulier avec la notionde “méthode” qui permet de caractériser les limites d'un enseignement et sa zone deflexibilité, est sans doute un outil qu'il conviendrait d'affiner et d'ajuster aux autres dis-ciplines afin de permettre aux enseignants de penser leurs interventions sur les contenusqu'ils enseignent. La méthodologie de recueil de données mise en œuvre dans les en-quêtes conduites n'a pas complètement permis de distinguer les modalités des enseignantsselon les deux parties de la discipline - réalisations sur projet et technologie de l'informa-tion - auxquelles correspondent deux modes d'enseignement contrastés, l'un à dominantecollective, l'autre essentiellement individuel. Cette faiblesse de la recherche pourrait êtrecompensée par une nouvelle analyse du corpus en différenciant les pratiques de classes deces deux parties ou bien par des enquêtes complémentaires ciblées sur les activitésd'apprentissage de l'usage de l'ordinateur. Ces travaux permettraient sans doute derepérer et de catégoriser les modalités d'adaptation d'un contenu plus linéaire et cumulatif,disponible ou mobilisable pour d'autres activités et représentatif de nombreuxenseignements au collège. Ce sont les prolongements proposés pour la connaissance descurriculums disciplinaires réels dans leur interaction dynamique au sein du collègeunique, du collège de la diversité et du nouveau collège pour tous et pour chacun.

Page 114: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

114

Page 115: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

115

RÉFÉRENCESet

BIBLIOGRAPHIE

ABRIGHI. A. ; FABRE, M. ; SBAI, R. ; JOUVENET, J.-P. (1985). Les causes derésistance à l'introduction des activités à dominante manuelle et technologique àl'école et au collège , enquête 1982-84. Rapport de recherche. Paris : INRP/Lyon :LPDE.

ALTET, M. (1994). La formation professionnelle des enseignants. Paris : P.U.F.AMARNIER, G. (dir) (1994). Technologie, vers une culture technologique. Clermont

Ferrand, CRDP. (2 volumes)ARCHER, C. (1989). Les activités manuelles et technologiques au collège de 1882 à

1986, recherche d'une identité. Thèse de doctorat du 3è cycle sous la direction de B.Duborgel, Université Lumière Lyon II.

AUGE, L. (1924). Pédagogie générale. Paris, Delagrave.BALUTEAU, F. (1999). Les savoirs au collège. Paris, PUF.BALUTEAU, F. (1998). "L'orientation scolaire en perspective - L'«empilement» de

l’État, de l'usager et du local". Revue française de pédagogie. Paris, INRP. 124, 13-27.

BLIN, J.-F. (1997). Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris,L’Harmattan.

BOISSINOT, A. ; BORNE, D. ; FERRY, L. ; MERLAUD, C. ; SAFRA, M. ; VIALA,A. (1996). "A quoi servent les programmes ?". Revue internationale d'éducation.CIEP, Sèvres. 12. (table ronde organisée le 6 juin 1996).

BOUCHEZ, A. (1994). Livre Blanc des collèges. Rapport du président de lacommission “Un Nouveau Collège Pour Tous” à l’attention de M. F. Bayrou,ministre de l’Éducation nationale. Paris, MEN. 25 p. et annexes.

BUISSON, F. (dir.). (1911). Nouveau dictionnaire de pédagogie et d'instructionprimaire. Paris, Hachette. (article : classement des élèves).

CHABERT-MENAGER, G. (1996). Des élèves en difficulté. Paris, L'Harmattan.CHARLOT, B. (1997). Du rapport au savoir. Paris, Economica.CHARLOT, B. ; BAUTIER, E. ; ROCHEX, J.-Y. (1993). Ecole et savoir dans les

banlieues… et ailleurs. Paris, Armand Colin.CHARRIER, Ch. (1918). Pédagogie vécue. Cours complet et pratique. Paris, Nathan.CRINDAL, A. (1997). Bilan de la recherche action 1994-1997 : "Elargir le champ

des possibles à propos de la démarche de projet." INRP-CNM. 326 p.CRINDAL, A. (1994) Rapport du stage national PNF JCDL 22A Pratiques de

l'autonomie en technologie. CNM. 77 p.COMBARNOUS, M. (1984). Les techniques et la technicité. Paris, Editions Sociales.CORRIOL, A. & GONNET, A. (1994). Le projet pédagogique en technologie. Mar-

seille, CRDP. 135 p.

Page 116: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

116

COUCHOURON, M. ; VIENNOT, L. ; COURDILLE, J.-M. (1996). "Les habitudesdes enseignants et les intentions des nouveaux programmes d'électricité en classe dequatrième." Didaskalia. 8, 81-96.

d'HAINAUT, L. (1977, 1985). Des fins aux objectifs. Paris-Bruxelles, Nathan,Labor.

DUBET, F. ; BERGOUNIOUX, A. ; DURU-BELLAT, M. ; GAUTHIER, R.-F.(1999). Le collège de l'an 2000. Débat national sur le collège : résultats et analyse.Rapport remis à Ségolène Royal, Ministre déléguée chargée de l'enseignementscolaire. Paris, MENRT. 150 p.

DURU-BELLAT, M. & MINGAT, A. (1997). "La gestion de l'hétérogénéité des publicsd'élèves au collège". Les Cahiers de l'irédu. Dijon, IREDU. 59.

FABRE, M. (1945). "Comptes rendus des conférences d'information faites à Sèvres àl'intention des maîtres des 6è nouvelles". Bulletin Officiel de l’Éducation Nationale.64, p.9 et suiv. (cité par H. Gossot et F. Brunot. (1948). De la théorie… à lapratique. Paris, Istra. 69-73.)

FOLLAIN, O. (1997). Panorama des pratiques au collège. Mémoire de DEA.LIREST-GDSTC. 37p.

GAUTHIER, C. (Ed.) (1997). Pour une théorie de la pédagogie. Recherchescontemporaines sur le savoir des enseignants. Presses de l'Université de Laval.Bruxelles, De Boeck.

GEMINARD, L. (1992). "Préface". Textes de références, Technologie. Paris, CIEP,III-X.

GONNIN-BOLO, A. ; GRIFFATON, C. ; LEBEAUME, J. (1989). Sensibiliser lesenseignants d'EMT à la technologie - Quelques problèmes psychosociologiques.Paris, INRP & Université d'Orléans, SUFMF. 65 p.

GRUGIER, O. (1999). Les professeurs de technologie en ZEP et l'hétérogénéité desélèves et la diversité des contextes. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan,LIREST-GDSTC. 29 p + annexes.

HIRN, C. (1995). "Comment les enseignants de sciences physiques lisent-ils lesintentions didactiques des nouveaux programmes d'optique de classe de quatrième ?"Didaskalia. 6, 39-54.

HÖRNER, W. (1987). Ecole et culture technique, Expériences européennes. Paris,INRP.

HOUELLEBECQ, M. (1998). Les particules élémentaires. Paris, Flammarion. p. 250.(élu meilleur livre de l'année 1998 par la revue LIRE)

HUBERT, R. (1946). Traité de pédagogie générale. Paris, P.U.F. (chap. Méthodesfondées sur les mécanismes d'adaptation à la vie sociale. 528-532).

IGEN. (1997). Rapport de l'inspection générale de l'Education nationale. Paris, Ladocumentation française. (chap 2 : le collège, 71-150).

JOLY, A. (1994). Enseigner la technologie à l'enfant au collège. Caen, CRDP, 150 p.LANDE, C. (1998). Les formateurs de technologie et les nouveaux programmes -

Étude réalisée sur l'académie de Créteil. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan,LIREST-GDSTC. 40 p + annexes.

de LANDSHEERE, V. (1988). Faire réussir- faire échouer. La compétence minimaleet son évaluation. Paris, PUF.

LANGLOIS, A. (1998). "Les enseignants-formateurs des MAFPEN, des acteurssociaux". Recherche et Formation. Paris, INRP. 27, 139-154.

LASSON, C. (1998). Les formateurs de technologie et les nouveaux programmes -Étude circonscrite à l'Académie de Lille. Mémoire de stage tutoré. DEA. Cachan,LIREST-GDSTC. 30 p + annexes.

LAURENT, J.-L. (1996). Etude des pratiques des enseignants dans des démarchesd'investigation technologique et de réalisation de projet. Mémoire de DEA.LIREST-GDSTC. 30 p. et annexes

LEBEAUME, J. (1999). "Pratiques socio-techniques de référence : un concept pourl'intervention didactique. Diffusion et appropriation par les enseignants de

Page 117: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

117

technologie". Symposium Ingénierie et Génie didactique, usages et mesurages desthéories de l'enseignement. Toulouse, REF. (26-28 octobre 1998)

LEBEAUME, J. (1999). Perspectives curriculaires en éducation technologique.Mémoire joint au dossier d'habilitation à diriger les recherches. Université Paris-Sud.129 p.

LEBEAUME, J. & MARTINAND, J.-L. (dir) (1998). "Enseigner la technologie aucollège". Paris, Hachette.

LEBEAUME, J. (1998). "Qu'est-ce qu'un professeur de technologie ? Quelquesquestions posées pour leur formation". Clés à venir. Nancy, CRDP. 16, 49-57.

LEBEAUME, J. (1996). "Trente ans de technologie en France 1960-1990. Une dis-cipline à la recherche d'elle-même". Aster. Paris, INRP. 23, 3-36.

LEBEAUME, J. (1993). Cent ans de travail manuel pour l'école élémentaire -Aspects didactiques. Thèse de l'université Paris Sud, centre d'Orsay, 995 p.

LEGRAND, L. (1986). La différenciation de la pédagogie. Paris, Scarabée.LEGRAND, L. (1995). Les différenciations de la pédagogie. Paris, PUF. 125 p.LEWIN, R.-H. (1994). "Craft, design and technology and the gifted child." in F. Banks

(Ed.). Teaching technology. London, Open University. 191-196.MANNONI, P. (1986). Des bons et des mauvais élèves. Paris : ESF.MARESCA, B. (1997). "Les professeurs du second degré parlent de leur discipline".

Dossiers d'éducation et formations. DEP. 83. 59 p.MARESCA, B. (1997). "Les enseignants du second degré et leur discipline".

Education & Formations. Paris, MENRT-DEPED. 52, 83-93.MARTINAND, J.-L. (1998). "Éducation technologique pour tous : finalités et

modalités". in P. Boutan & E. Sorel. (dir). Le plan Langevin-Wallon. Une utopievivante. Paris, PUF. 90-95.

MARTINAND, J.-L. (1997). “Familiarisation technique et connaissance technologique- la technologie au collège. in A. Durey et al. (Eds). Actes du séminaire dedidactique des disciplines technologiques. ENS Cachan, LIREST-GDSTC. 17-27..

MARTINAND, J.-L. (1995). "Eléments d'épistémologie appliquée pour une disciplinenouvelle : la technologie". in M. Develay. (dir) Savoirs scolaires et didactiques desdisciplines. Paris, ESF, 339-352.

MARTINAND, J.-L. (1994). "La didactique des sciences et de la technologie et laformation des enseignants." Aster. Paris, INRP. 19, 61-76.

MARTINAND, J.-L. (1993). "Organisation et mise en œuvre des contenusd'enseignement. Esquisse problématique". Recherches en didactiques : contributionà la formation des maîtres. Paris, INRP. 135-143. (colloque fev. 1992)

MARTINAND, J.-L. (1986). Connaître et transformer la matière. Paris-Berne, PeterLang.

MEIRIEU, P. (1989, 1992). Enseigner, scénario pour un nouveau métier. Paris, ESF.MEIRIEU, P. (1987). Itinéraires des pédagogies de groupe - Apprendre en groupe ?

Lyon, Chronique sociale.MENRT-DES. (1998). Table ronde sur les IUFM. Pour une formation plus

professionnelle des enseignants. Rapport au ministre. p. 5.MENRT-DESCO. (1998). Projets de programme du cycle d’orientation du collège.

Technologie. Consultation nationale. Synthèses académiques. 45 p.MEN-DEP. (1995). "Les nouveaux professeurs des écoles sortis des IUFM en 1994."

Note d'information. 95-50.MOISAN, C. & SIMON, J. (1997). Les déterminants de la réussite scolaire en zone

d'éducation prioritaire. Paris, INRP.NOT, L. (1992). Diversité des approches scolaires des savoirs. Toulouse, Editions

Universitaires du Sud.ORIVEL, F. & McANDREW, M. (1998). "Rapports généraux du colloque international

d'éducation comparée d l'AFEC tenu à Louvain-La-Neuve, du 21 au 23 mai 1997" in

Page 118: DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE …DISCIPLINE SCOLAIRE ET PRISE EN CHARGE DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ Pratiques enseignantes en technologie au collège Rapport de recherche

118

M. Frenay (Ed). "Les modalités de prise en compte de la diversité dans les institutionséducatives". Éducation comparée. Vol. 52, 281-291.

OUVRIER-BONNAZ, R. (1999). "Orientation et technologie. Histoire d’unrapprochement". Éducation technologique. Paris, Delagrave & Versailles, CRDP. 3,66-69.

PAIR, C. (1998). "L'orientation dans un monde incertain". L'enseignement technique.Paris, AFDET. 177, 3-10.

PATY, D. (1981, 1996). 12 Collèges en France, le fonctionnement réel des collègespublics. Paris, La documentation Française.

PERIER, P. (1994). "Enseigner dans les collèges et les lycées". Dossier d'éducation etde formation. MEN-DEP, 83.

PERIER, P. (1994). "Enseigner dans les collèges et les lycées - Enquête sur le métierd'enseignant". Dossiers d'éducation et formations. DEP. 48.

PERIER, P. (1996). "Enseigner dans les collèges et les lycées". Dossiers d'éducationet formations. DEP. 61.

PERIER, P. (1996). "Les nouveaux enseignants du second degré sortis des IUFM en1993". Dossiers d'éducation et formations. DEP. 71. 152 p.

PERRENOUD, P. (1997). Construire des compétences dès l'école. Paris, ESF.PERRENOUD, P. (1993). "Curriculum : le formel, le réel, le caché". in J. Houssaye

(dir). La pédagogie ; une encyclopédie pour aujourd'hui. Paris, ESF. 61-76.PERRENOUD, P. (1994). La formation des enseignants entre théorie et pratique.

Paris, L'Harmattan. 250 p.POUSSIERE, P. (1993). "La gestion du groupe et les communications dans la classe".

in J. Houssaye (dir.) La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd'hui. Paris,ESF. 151-164.

RAMBOUR, S. (1982). Formation et pratique des professeurs d'EMT en collège.Thèse de doctorat de 3è cycle, Université Paris V, 352 p. (sous la direction de V.Isambert-Jamati)

REY, A. (dir) (1998). Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française. (articles: hétérogène, homogène).

ROCHEX, J.-Y. (1994). "Pourquoi certains élèves défavorisés réussissent-ils ?"Sciences humaines. 44, 10-13.

ROQUEPLO, P. (1973). Penser la techniqe. Paris, Seuil.ROYAL, S. (1999). "La mutation des collèges : un collège pour tous et pour chacun".

B.O. 23. (supplément, 10 juin 1999)SELLIER, M. (1994). "La technologie, discipline nouvelle". in Actes du colloque La

technologie au collège, bilan et perspectives. Montpellier, 15-53.SERIS, J.-P. (1994). La technique. Paris, PUF.STEFANOU, A. (1997). Les méthodes de travail des collégiens. Les dossiers

d’Éducation et formation. Paris, DEP. 96.SORNIN-MONTET, G. (1996). Des travaux manuels éducatifs à la technologie.

Histoire d'une discipline scolaire, son évolution au collège de 1970 à 1990. Thèsede l'université Paris V.

VANDENBERGHE, R. (1986). "Le rôle de l'enseignant dans l'innovationpédagogique". Revue Française de Pédagogie. Paris, INRP. 75, 17-26.

ZUGA, K.-F. (1989). "Relating technology education goals to curriculum planning".Journal of technology education. Vol 1, n° 1. (version électronique).

Programmes de technologie : CNDPB.O. hors série n° 16 du 11 déc. 1997. (consultation natinale)Circulaire n° 97-123 du 23 mai 1997 : "Mission du professeur exerçant en collège, en ly-

cée d'enseignement général et technologique ou en lycée professionnel". B.O. n°22 du29 mai 1997, 1571-1576.