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Distributions Alain Yger Institut de Math´ ematiques, Universit´ e Bordeaux 1, Talence 33405, France E-mail address : [email protected]

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Distributions

Alain Yger

Institut de Mathematiques, Universite Bordeaux 1, Talence 33405,France

E-mail address: [email protected]

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Resume. Ce cours, a l’interface des mathematiques fondamentales et appli-

quees, correspond a l’enseignement dispense en 2010-2011 dans l’UE option-nelle MHT836Distributions. Les prerequis sont les cours de master d’Ana-

lyse Complexe (MHT734, [Charp]) et d’Analyse fonctionnelle (MHT733),

les cours de Licence deTheorie de l’Integration (MHT512, [Y1]) et d’Ana-lyse de Fourier et Espaces de Hilbert (MHT613, [Y2]). Les aspects geo-

metriques (sous-varietes de RN , espaces de formes differentielles) sont em-

pruntes au bagage de la Geometrie differentielle (MHT612, MHT615). Latrame de l’ouvrage [Y0] (pour sa partie distributions , Chapitre 3) a ega-

lement servi a l’elaboration de ce cours. Les divers points relatifs a la theoriedes distributions et figurant depuis 2011 dans le programme de l’agregation

de mathematiques ont naturellement ete integres dans son contenu. Le cours

redige a Lyon par Cedric Villani [Vil], ainsi que celui redige pour cette UE parEric Amar, m’ont aussi ete d’une aide precieuse. Le cours de C. Villani presente

egalement un panorama de l’approche historique (en meme temps que des

approches paralleles, abouties ou non) a la theorie des distributions.

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Table des matieres

Chapitre 1. Espaces de fonctions-test et notion de distribution 11.1. L’evaluation ponctuelle des fonctions mesurables 11.2. Chocs, impulsions, mesures 31.3. L’espace D(Ω) et la souplesse du cadre C∞ 51.4. Distributions dans Ω ⊂ Rn : definition, critere, premiers exemples 101.5. Courants sur une sous-variete differentiable de RN 18

Chapitre 2. Suites de distributions, regularisation, differentiation 212.1. Convergence faible dans D′(Ω,K) ou D′q(Ω,K) 212.2. La regularisation des distributions 252.3. La multiplication des distributions par des fonctions C∞ 282.4. Differentiation des distributions et des courants 292.5. La formule des sauts 34

Chapitre 3. Support et convolution 373.1. Support et support singulier d’une distribution ou d’un courant 373.2. Distributions (courants) a support compact, distributions causales 393.3. Produit tensoriel de distributions ou de courants 423.4. Le theoreme des noyaux 473.5. Convolution de deux distributions dans Rn ou (S1)n 483.6. Les algebres de convolution E ′(Rn,K) et D′+(K) 53

Chapitre 4. Distributions et transformation de Fourier 554.1. L’espace S(Rn,K) (K = R ou C) et les distributions temperees 554.2. Transformation de Fourier des distributions temperees 654.3. Solutions fondamentales d’operateurs differentiels 78

Bibliographie 91

Index 93

v

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CHAPITRE 1

Espaces de fonctions-test et notion de distribution

Le concept de distribution puise ses origines dans la modelisation des pheno-menes physiques (en particulier des chocs et impulsions) initiee par des physi-ciens tels les anglais Oliver Heaviside (1850-1925) (equations de Maxwell) puisPaul Dirac (1902-1984) dans la premiere moitie du XX-ieme siecle. La formali-sation mathematique de ce concept s’est ensuite elaboree tout au long du siecle,au travers des travaux de l’ecole sovietique et en particulier de Serguei Sobolev(1908-1989), ainsi que du mathematicien francais Laurent Schwartz (1915-2002).Laurent Schwartz, membre du groupe Bourbaki, fut, precisement pour ses sestravaux en relation avec la theorie des distributions (on disait aussi fonctionsgeneralisees dans l’ecole de Saint Petersbourg), le premier mathematicien francaisen 1950 a recevoir la medaille Fields 1. La notion de distribution, en prise avec l’im-portant concept mathematique de dualite, puis celle de courant, son pendant dansle contexte geometrique, seront introduites dans ce premier chapitre.

1.1. L’evaluation ponctuelle des fonctions mesurables

Soit Ω un ouvert de Rn, ou, plus generalement, un ouvert d’une sous-varietedifferentiable X de dimension n de RN .

Si x0 est un point fixe dans Ω et si f est une fonction Ω −→ K (K = R ou C)mesurable (par rapport a la tribu de Lebesgue a la source et au but), il est clair quela notion d’ evaluation de f au point x0 (i.e. f(x0) ) ne saurait avoir de signi-fication pratique. Il est en effet impossible d’apprehender avec exactitude le pointx0 car ceci presuppose connaitre dans leur totalite les developpements decimauxdes nombres reels x0j , j = 1, ..., n (coordonnees de ce point dans Rn ou RN ), cequi est en general hors de portee, car on ne peut connaitre ces developpementsque jusqu’a un seuil fini. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un phenomenephysique modelisable comme une fonction mesurable f : Ω → K (K = Rou C) est souvent pense du point de vue mathematique, lorsqu’il est quantifiable(en termes de masse locale, d’energie locale, etc.), comme un element de l’espaceLploc(Ω,B(Ω), dx) 2 defini comme le quotient du R-espace vectoriel Lploc(Ω,B(Ω), dx)

1. Pour une presentation de l’historique du concept de fonction generalisee qui allait

devenir celui de distribution (et des roles et influences des ecoles sovietique et francaise), onpourra se reporter a l’article de Jean-Michel Kantor dans la Gazette des Mathematiciens [Kant].Il faut noter l’influence importante des idees de Jacques Hadamard (1865-1963) dans ce long

cheminement scientifique fait d’echanges croises.2. Dans le cas ou Ω designe un ouvert d’une sous-variete X de dimension n de RN , dx =

dXX est la mesure induite sur X par la mesure de Lebesgue usuelle sur l’espace ambiant RN(correspondant a la metrique euclidienne sur cet espace, i.e. a la forme volume canonique dx1∧· · ·∧dxN ) ; par mesure induite dXX , on entend donc ici la mesure euclidienne definie dans l’Annexe B1

(Definition B.1.1) du cours de MHT734 [Charp]. La forme volume ±ωX sur X correspondante estl’unique n-forme differentielle sur X telle qu’en tout point x ∈ X , ωX (ξ1, ..., ξn) = 1 si (ξ1, ..., ξn)

1

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2 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

des fonctions mesurables f : Ω→ Rm telles que∫K

|f(x)|p dx <∞ ∀ K compact ⊂⊂ Ω

par la relation d’equivalence fRg ⇔ f = g dx p.p. Le premier reflexe du physicienconsistera a interpreter f(x0) comme

(1.1) f(x0) ' limε→0

∫Ω

f(y)ϕε(y − x0) dy,

ou

ϕε(x) :=χBRn (0,1)(x/ε)

εnVn,

BRn(0, 1) designant la boule unite de Rn, Vn = πn/2/Γ(n/2) son volume. Dans lecontexte geometrique ou X est parametree de maniere C∞ au voisinage de x0 ∈ Ωpar θx0 : 0 ∈ Bx0 ⊂ Rn → X , avec θx0(0) = x0, l’evaluation f(x0) devient (parexemple)

(1.2) f(x0) ' limε→0

∫θx0 (Bx0 )

f(y)χBRn (0,ε)(θ−1x0

(y)) dyX∫θx0 (Bx0 )

χBRn (0,ε)(θ−1x0 (y)) dyX

,

dyX correspondant a la mesure de Lebesgue euclidienne sur X (voir la note en basde page precedente). Pour eviter que la discontinuite de la fonction χBRn (0,ε) ne creedes artefacts (ce qui est de nature a induire un biais dans le rendu de f , ce d’autantplus que f est irreguliere 3), on prefere dans (1.1) a la fonction ϕε la fonction cettefois beaucoup plus lisse

(1.3) ψε : x ∈ Rn 7−→ 1

εnχBRn (0,1)(x/ε) exp

(− 1/(1− ‖x/ε‖2)

)∫BRn (0,1)

exp(− 1/(1− ‖y‖2)

)dy

,

qui a le merite (par rapport a la fonction ϕε) d’etre une fonction C∞ a support com-

pact dans Rn (de support la boule fermee BRn(0, ε)), radiale, positive et d’integraleegale a 1 (voir Exercice 1.1). On interprete alors f(x0) comme

(1.4) f(x0) ' limε→0

∫Ω

f(y)ψε(y − x0) dy,

ou, dans le contexte geometrique, comme (par exemple)(1.5)

f(x0) ' limε→0

∫θx0 (Bx0 )

f(y)χBRn (0,ε)(θ−1x0

(y)) exp(−1/(1− ‖θ−1x0

(y)/ε‖2) dyX∫θx0 (Bx0 )

χBRn (0,ε)(θ−1x0 (y)) exp(−1/(1− ‖θ−1

x0 (y)/ε‖2) dyX,

en reprenant les notations utilisees dans (1.2).

est un systeme orthonorme direct (pour le produit scalaire usuel dans RN ) de l’espace tangent

TxX (a X au point x), une fois choisie une orientation sur X (il y a deux orientations possibles).Le cas p = 1 correspond a la quantification en termes de masse, le cas p = 2 (plus frequent) estparticulierement important car correspondant a la quantification en termes du concept physique

d’energie. On rappelle que les espaces de Minkowski Lploc(Ω,B(Ω), dx) sont emboites en

L∞loc(Ω,B(Ω), dx) ⊂ · · · ⊂ Lploc(Ω,B(Ω), dx) ⊂ · · · ⊂ L2loc(Ω,B(Ω), dx) ⊂ · · · ⊂ L1

loc(Ω,B(Ω), dx)

pour les p ∈ [1,∞].3. Voir par exemple le probleme lie au phenomene de Gibbs en analyse de Fourier, i.e. l’ap-

parition de phenomenes d’aliasing lorsque l’on coupe brutalement les hautes frequences d’unsignal ou d’une image analogique (cf. cours de MHT613 [Y2], section 2.3.3).

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1.2. CHOCS, IMPULSIONS, MESURES 3

Exercice 1.1. Verifier que la fonction θ : R→ [0,+∞[ definie par

θ(t) = χ]−1,1[(t) exp(− 1

1− t2)

est une fonction paire, positive, C∞ sur R, puis que la fonction ψε : Rn → [0,∞[definie en (1.3) est une fonction radiale, positive, d’integrale 1, de support la bouleBRn(0, ε).

1.2. Chocs, impulsions, mesures

Dans les phenomenes de choc ou d’impulsion ponctuelle, le principe physiquede conservation de masse (ici supposee egale a 1, entierement concentree en un

point x0) est une contrainte majeure. Etant donnee une impulsion ponctuelle(normalisee a 1 en terme de masse), localisee en x0 ∈ Rn, la fonction δx0

censeela modeliser etant positive, de support x0 et d’integrale 1, il est impossible,puisque la mesure de Lebesgue de x0 est egale a 0 et que la regle 0 × ∞ = 0prime en theorie de l’integration, que δx0 corresponde a une fonction mesurable f .On constate donc que l’idee d’ evaluation approchee d’une fonction mesurablef : Ω −→ K (K = R ou C) en un point x0 de Ω (en la testant, comme dans (1.1)ou (1.4), contre des fonctions ϕ localisees pres ce point) nous invite a depasser lecadre des fonctions. Mais plutot que de ne retenir que les limites (lorsque ε tend vers0) dans (1.1) ou (1.4) pour tous les points x0, on enregistre l’information fourniepar la liste de tous les tests 〈f, ϕ〉 lorsque ϕ est une fonction-test ajustee a la zoned’interet ou vit le phenomene physique etudie f , ces fonctions-test etant assujettiesa etre prises au moins continues, voire meme C∞, sur le modele des fonctions ψε. Cenouveau cadre (ou l’on peut rendre compte des chocs et des impulsions ponctuelles)est celui de la theorie de la mesure, vue sous l’angle fonctionnel 4.

Definition 1.2. Soit Ω un ouvert de Rn ou d’une sous-variete X de dimensionn de RN . On note K(Ω,R) (resp. K(Ω,C)) le R (resp. C) -espace vectoriel desfonctions continues sur Ω, a valeurs reelles (resp. complexes), et a support compactdans Ω (i.e. l’ensemble des points x ∈ Ω ou ϕ(x) 6= 0 est relativement compact 5

dans Ω). On note KK(Ω,R) (resp. KK(Ω,C)) l’ensemble des fonctions continuesdans Ω, a valeurs reelles (resp. complexes) et a support compact inclus dans K.On equipe ce sous-espace de la norme uniforme ‖ϕ‖K = supx∈K |ϕ(x)|. On appellemesure de Radon reelle (resp. complexe) sur Ω toute application lineaire µ deK(Ω,R) dans R (resp. de K(Ω,C) dans C) continue au sens suivant : si (ϕk)k≥0

est une suite d’elements de K(Ω,R) (resp. K(Ω,C)) dont les supports sont, pour kassez grand, tous dans le meme compact K0, alors(

limk→+∞

‖ϕk‖K0 = 0)

=⇒ limk→+∞

〈µ, ϕk〉 = 0.

Le critere quantitatif suivant permet de caracteriser les mesures de Radon reellesou complexes.

Proposition 1.1. Une application K-lineaire µ : K(Ω,R) → R (resp. uneapplication K-lineaire µ : K(Ω,C) → C) est une mesure de Radon reelle (resp.

4. Et non plus ensembliste, comme vous l’avez approche dans les cours de Licence, en theorie

de l’integration (MHT512) ou en probabilites (MHT601).5. L’adherence de cet ensemble dans Ω est appele support de ϕ relativement a Ω.

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4 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

complexe) si et seulement si, pour chaque compact K ⊂⊂ Ω, il existe une constantepositive C(K) telle que

∀ϕ ∈ KK(Ω,R ou C), |〈µ, ϕ〉| ≤ C(K) ‖ϕ‖K

Le pont entre les points de vue ensembliste et fonctionnel concernant la theoriede l’integration est assure par le theoreme tres important suivant.

Theoreme 1.3 (Theoreme de representation de F. Riesz [Rud]). Soit Ω unouvert de Rn et µ une mesure de Radon reelle sur Ω ayant la propriete de positivitesuivante :

(1.6) ∀ϕ ∈ K(Ω,R),(ϕ(x) ≥ 0 ∀x ∈ Ω

)=⇒ 〈µ, ϕ〉 ≥ 0

(on dit que µ est une mesure de Radon positive sur Ω). Il existe une tribu Mcontenant la tribu B(Ω) et une unique mesure positive (notee aussi µ par souci desimplification) sur (Ω,M) telle que

— pour tout K compact ⊂⊂ Ω, µ(K) < +∞ ;— pour tout ϕ ∈ K(Ω,R), 〈µ, ϕ〉 =

∫Ωϕdµ ;

— pour tout E ∈M, on ait

µ(E) = inf µ(U) ; U ouvert, E ⊂ U ;

— pour tout E ∈M tel que µ(E) < +∞, on ait

µ(E) = sup µ(K) ; K compact, K ⊂⊂ E.

Inversement, si µ : B(Ω) → [0,∞] est une mesure positive telle que µ(K) < ∞pour tout compact K ⊂⊂ Ω,

ϕ ∈ K(Ω,R) 7−→ 〈µ, ϕ〉 :=

∫K

ϕdµ

definit une mesure de Radon positive sur Ω.

Remarque 1.4. Ce qu’implique le theoreme de representation de F. Rieszest que, si K est un compact de Ω, le R-espace M(K,R) des differences de deuxmesures positives sur la tribu borelienne et de masse finie sur les compacts 6 s’iden-tifie au dual du R-espace de Banach (C(K,R), ‖ ‖K) des fonctions continues de Kdans R. Le C-espace M(K,C) des combinaisons complexes µ+ − µ− + i (ν+ − ν−)de quatre telles mesures positives s’identifie, lui, au dual du C-espace de Banach(C(K,C), ‖ ‖K). Une mesure de Radon reelle (resp. une mesure de Radon complexe)est la difference µ+ − µ− (resp. la combinaison lineaire µ+ − µ− + i (ν+ − ν−)) dedeux (resp. quatre) mesures positives sur la tribu borelienne de masse finie surtout compact. L’espace M(Ω,R) des combinaisons µ+ − µ− de mesures de Borelsur Ω telles que µ+(Ω) + µ−(Ω) < +∞ s’identifie au dual de l’espace de BanachC0(Ω,R) des fonctions continues de Ω dans R tendant vers 0 a l’infini dans Ω(considere dans X ⊂ RN ), equipe de la norme uniforme. L’espace M(Ω,C) descombinaisons µ+−µ−+ i (ν+−ν−) de mesures de Borel sur Ω telles que la massetotale µ+(Ω) + µ−(Ω) + ν+(Ω) + ν−(Ω) soit finie s’identifie au dual de l’espacede Banach C0(Ω,C) des fonctions continues de Ω dans C tendant vers 0 a l’infinidans Ω, equipe de la norme uniforme.

6. Pour une telle mesure positive, il se trouve que la propriete de regularite, correspondantaux items 3 et 4 dans la proposition, est automatiquement verifiee.

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1.3. L’ESPACE D(Ω) ET LA SOUPLESSE DU CADRE C∞ 5

Demonstration. On admettra ici ce theoreme en indiquant juste une tramede preuve. C’est la partie directe qui est la plus difficile (le volet reciproque enonceen fin de theoreme etant immediat). Pour construire la tribu M, voici commentproceder. Le principe est calque sur celui guidant la construction des mesuresexterieure et interieure dans le schema ensembliste (schema de construction ins-pire du theoreme de Caratheodory, voir par exemple [Marc], chapitre 12, SectionIII.1). Pour tout ouvert U ⊂ Ω, on pose d’abord

µ(U) := sup〈µ, ϕ〉 ; ϕ ∈ K(Ω,R) , Suppϕ ⊂ U.On definit ensuite la mesure exterieure µ∗(E) d’une partie E de Ω en posant

µ∗(E) := infµ(U) ; U ouvert, E ⊂ U.La tribu M est alors definie comme la famille des parties E de Ω telles que, pourtout compact K ⊂⊂ Ω,

µ∗(E ∩K) = supµ∗(K ′) ; K ′ compact, K ′ ⊂⊂ E ∩K.Il reste a verifier que M est une tribu, contenant la tribu borelienne, et que larestriction µ∗|M de µ∗ a M est bien une mesure positive (au sens ensembliste) sur

cette tribu.

1.3. L’espace D(Ω) et la souplesse du cadre C∞

Les etres qui ont ete introduits dans le cours d’Analyse Complexe (MHT734)partagent tous en commun une extreme rigidite : polynomes, fonctions ho-lomorphes, fonctions harmoniques,... Le principe des zeros isoles, le principe duprolongement analytique, le principe du maximum, etc., sont autant d’indicateursde cette rigidite 7.

A l’oppose, le fait que l’on puisse construire dans Rn des fonctions C∞ a supportcompact de support arbitrairement petit localisees n’importe ou (sur le modelede la fonction x 7→ ψε(x − x0), ou ψε est definie en (1.4) lorsque ε > 0 est ar-bitrairement petit et x0 est un point quelconque de Rn), implique une extremesouplesse du cadre C∞, souplesse dont on n’aura de cesse de profiter tout au longde ce cours. Puisque le leitmotiv de ce cours sera de tester les phenomenes irregulierscontre des etres aussi reguliers que possible, le fait de disposer de pareille souplessesera pour nous essentiel.

Le lemme de partition de l’unite a ete vu dans le cours d’Analyse complexe [Charp],section IV.2. Nous le reformulons ici (dans un cadre un peu plus geometrique) eten rappelons sa preuve.

Lemme 1.5 (partitionnement de l’unite). Soit Ω un ouvert d’une sous-varieteX de RN de dimension n et (Ωι)ι une collection d’ouverts de cette sous-variete telleque

(1.7) Ω ⊂⋃ι

Ωι.

Il existe une famille denombrable (ψk)k∈N de fonctions C∞ a support compact 8

dans Ω, a valeurs dans [0, 1], telle que :

7. Le principe de moindre action soutend le fait que les transformations de nature physique

soient souvent modelisables par de tels etres mathematiques.8. Dire qu’une fonction ψ definie au voisinage d’un point x0 d’une sous-variete X de dimension

n de RN est C∞ au voisinage de ce point signifie que la fonction ψ θx0 , ou θx0 : (t1, ..., tn) ∈

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6 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

— pour tout k ∈ N, il existe un indice ι(k) tel que Suppψk ⊂ Ωι(k) ;— pour tout compact K ⊂⊂ Ω, l’ensemble k ∈ N ; Suppψk ∩K 6= ∅ est fini

et l’on a

(1.8) ∀x ∈ Ω,∑k∈N

ψk(x) = 1.

Demonstration. Pour tout x ∈ Ω (au voisinage duquel la sous-variete X estparametree par (t1, ..., tn) ∈ Bx 7→ θx(t), Bx etant une boule n-dimensionnelle derayon r(x) autour de l’origine dans Rn, avec θx(0) = x), il existe (du fait de (1.7))un indice ιx et un rayon ρ(x) ∈]0, 1[ tel que, pour tout ρ < ρ(x), θx(ρBx) ⊂ Ωιx .

On dispose d’autre part d’une exhaustion de Ω par des compacts Kl de Ω (i.e. des

fermes bornes de Ω), l ∈ N (il suffit par exemple de choisir Kl = Ω∩BRN (0, l + 1),l = 0, 1, ...). On a, avec cette exhaustion,

Ω =⋃l∈N

Kl

avec Kl ⊂ Kl+1 pour tout l ∈ N. Pour tout l ∈ Z avec l ≥ −1, on introduit l’ouvert

Vl = Kl+2 \Kl−1

avec la convention que Kl = ∅ si l < 0, ainsi que le compact Cl = Kl+1 \Kl . Onnote que, pour tout l ≥ −1, Vl est un voisinage ouvert du compact Cl. Chaquecompact Cl (pour l ≥ −1) peut donc etre recouvert (propriete du recouvrementfini) par un nombre fini d’ensembles de la forme θxl,j (ρl,jBxl,j ) avec ρl,j < ρ(xl,j),tels que, pour chaque l, j, θxl,j (ρl,jBxl,j ) ⊂ Vl. Comme chaque compact de Ω nerencontre qu’au plus un nombre fini d’ouverts Vl, l ≥ −1, la collection de tous lesouverts θxl,j (ρl,jBxl,j ) ainsi introduits est une famille denombrable. A chacun deces ouverts de X ainsi indexes par l et j (par exemple Ux = θx(ρBx)), on associeune fonction C∞ dans Ω et a support compact dans Ux, a savoir la fonction

ϕx : y ∈ Ω 7→ χUx(y)ψρr(x)(θ−1x (y)),

ou la fonction ψε, pour ε > 0, est definie en (1.4). On dispose ainsi d’une collectiondenombrable (ϕk)k∈N de fonctions C∞ a support compact dans Ω, telle que toutcompact ne puisse rencontrer qu’un nombre fini de supports de telles fonctions ϕk(puisqu’un compact ne rencontre qu’au plus un nombre fini d’ouverts Vl). Il ne resteplus qu’a poser

ψk(x) :=ϕk(x)∑

k∈Nϕk(x)

(on note que la somme au denominateur est finie pour x fixe et ne s’annule jamais).On realise ainsi la partition de l’unite demandee.

Un corollaire important de ce lemme est celui assurant l’existence de fonctionsplateau subordonnees a un compact K donne, dans un ouvert Ω precise.

Corollaire 1.6. Soit K ⊂⊂ Ω un compact et un ouvert d’une sous-variete Xde dimension n de RN . Il existe une fonction ϕ ∈ C∞(Ω, [0, 1]), a support compactinclus dans Ω, identiquement egale a 1 dans un voisinage ouvert de K dans Ω.

Bx0 ⊂ Rn 7→ θx0 (t) est un parametrage C∞ de X au voisinage de x0, est C∞ dans l’ouvert

Bx0 ⊂ Rn homeomorphe a un voisinage x0 ∈ Ux0 ⊂ Ω (Ux0 est dit ouvert de carte ) via θx0 .

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1.3. L’ESPACE D(Ω) ET LA SOUPLESSE DU CADRE C∞ 7

Demonstration. On choisit ε tel que, pour tout point x0 du compact K,BRN (x0, 2ε) ∩ X ⊂ Ω. On recouvre alors Ω avec les deux ouverts

Ω1 =⋃x∈K

(BRN (x, ε) ∩ X ) Ω2 = Ω \⋃x∈K

(BRN (x, ε) ∩ X ).

On introduit la partition (ψk)k de l’unite attachee a ce recouvrement de Ω par lelemme 1.5 (on en adopte les notations). On pose

ϕ(x) :=∑

k ; ι(k)=0

ψk(x)

(on note que cette somme est bien definie car, pour chaque x, il y a au plus unnombre fini de ψk(x) non nuls). La fonction ϕ ainsi construite convient.

Exercice 1.7. Soit Ω un ouvert de Rn et µ une application R-lineaire deK(Ω,R) dans R, positive au sens suivant :

∀ϕ ∈ K(Ω,R),(ϕ(x) ≥ 0 ∀x ∈ Ω

)=⇒ 〈µ, ϕ〉 ≥ 0.

Alors µ est une mesure de Radon positive.

Exercice 1.8. Montrer (en utilisant le corollaire 1.6) qu’il existe une fonctionϕ : R 7→ [0, 1], de support inclus dans [−1/3, 4/3], identiquement egale a 1 sur[1/3, 2/3] et telle que

∀ t ∈ R ,∑k∈Z

ϕ(t− k) = 1.

Exercice 1.9. Soit A un sous-ensemble mesurable de Rn et ε > 0. Pour toutη > 0, on note Aη le compact

Aη :=⋃x∈A

B(x, η).

Si ψη est la fonction definie en (1.4), montrer que, pour tout ε > 0, la fonction

ψε/3 ∗ χA2ε/3: x 7→

∫A2ε/3

ψε/3(x− y) dy

est identiquement egale a 1 sur Aε/3 et de support inclus dans Aε. Deduire de cetteconstruction l’existence d’une suite (ϕk)k∈N∗ de fonctions de classe C∞ a supportcompact, telles que Suppϕk ⊂ A1/k pour tout k ∈ N∗, que ϕk vaille identiquement 1au voisinage de A, et que, pour tout k ∈ N∗, pour tout multi-indice (l1, ..., ln) ∈ Nn,

supRn

∣∣∣( n∏j=1

∂lj

∂xlj

)[ϕk]

)∣∣∣ ≤ ∫Rn

∣∣∣( n∏j=1

∂lj

∂ylj

)[ψ1]

)(y)∣∣∣ dy × (3k)l1+···+ln .

Le lemme 1.5 de partitionnement de l’unite induit la construction de R ou C-espaces de fonctions suffisamment riches pour etre consideres comme espaces defonctions-test ; ce sera contre cet eventail d’objets test que nous seront amenesa tester les phenomenes physiques T , ce qui nous conduira naturellement ala possibilite d’elargir le champ des phenomenes representables par un element deLploc(Ω,B(Ω), dx) (les fonctions) ou par une mesure de Radon reelle ou complexe(les mesures ).

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8 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

Definition 1.10 (fonctions-test). Soit K = R ou C et Ω un ouvert d’une sousvariete differentiable X de dimension n de RN . Le K-espace D(Ω,K) des fonctions-test 9 a valeurs dans le corps K est le K-espace vectoriel des fonctions C∞ a supportcompact dans Ω. Si K ⊂⊂ Ω est un compact precise de Ω, on note

DK(Ω,K) = ϕ ∈ D(Ω,K) ; Suppϕ ⊂ K.

On a donc D(Ω,K) =⋃K⊂⊂ΩDK(Ω,K).

Etant donne un compact K de Ω, il est utile d’introduire sur chaque K-espacevectoriel DK(Ω,K) une collection denombrable de semi-normes 10 (sur DK(Ω,K), ils’agit en fait de normes car NK,0 = ‖ ‖K ≤ NK,p pour tout p ∈ N). Pour simplifier,on se place dans un premier temps dans le cadre d’un ouvert Ω de Rn et l’on pose,pour tout K ⊂⊂ Ω, pour tout p ∈ N,

(1.9) NK,p(ϕ) := supl∈Nn

l1+···+ln≤p

supx∈K

∣∣∣( n∏j=1

∂lj

∂xlj

)[ϕ](x)

∣∣∣ .Lorsque Ω est un ouvert d’une sous-variete X de dimension n de RN , la situationest plus delicate a cause du fait que l’on ne puisse donner de sens (autrement qu’enutilisant des cartes locales) aux fonctions derivees partielles

x 7→( n∏j=1

∂lj

∂xlj

)[ϕ](x)

lorsque ϕ ∈ DK(Ω,K). Pour pallier a ce probleme, on introduit un recouvrementRK de K par un nombre fini de cartes locales (Bxι , θxι(Bxι)), ou Bxι est une boulede centre l’origine et de rayon rxι > 0 dans Rn et

θxι : (t1, ..., tn) ∈ Bxι 7→ θxι(t) ∈ Ω ⊂ X ⊂ RN

est une application C∞ telle que θxι(0) = xι realisant un homeomorphisme entreBxι et son image (la carte locale Uxι correspondante) ; on pose alors

(1.10) NK,p,RK (ϕ) := supι

[supl∈Nn

l1+···+ln≤p

supt∈Bxι

∣∣∣( n∏j=1

∂lj

∂tlj

)[ϕ θxι ](t)

∣∣∣] < +∞

(c’est le fait que Suppϕ ⊂ K et que K soit compact qui impose au second membred’etre fini). Cette definition (1.10) depend evidemment du choix des cartes locales(Bxι , θxι(Bxι)) utilisees pour recouvrir K, mais il est aise de constater (en utilisantles changements de carte et la regle de Leibniz) que deux semi-normes ainsi definies

(pour K et p fixes) a partir de deux recouvrements differents RK et RK de Ksont equivalentes en temps que semi-normes 11. Le choix du recouvrement etantindifferent (rapport a l’equivalence des semi-normes), on ne le fait plus apparaitrepar la suite.

9. Cette terminologie fonction-test vient du fait que ce sera contre ces etres que seront testees ulterieurement les distributions (via le crochet de dualite 〈 , 〉).

10. On rappelle qu’une semi-norme N sur un K-espace vectoriel E est une application N :E → [0,∞[ telle que N(λϕ) = |λ|N(ϕ) et N(ϕ1 +ϕ2) ≤ N(ϕ1) +N(ϕ2) pour tout ϕ,ϕ1, ϕ2 ∈ E,

pour tout λ ∈ K.11. Deux semi-normes N1 et N2 sur un K-espace vectoriel E sont dites equivalentes si et

seulement si il existe deux constantes strictement positives κ1 et κ2 telles que κ1N1 ≤ N2 ≤ κ2N1.

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1.3. L’ESPACE D(Ω) ET LA SOUPLESSE DU CADRE C∞ 9

Chaque K-espace DK(Ω,K), K ⊂⊂ Ω herite d’une topologie ainsi definie. CommeDK(Ω,K) est un K-espace vectoriel, se donner une topologie sur cet espace revienta se donner un systeme fondamental VK,K(0) de voisinages de la fonction identique-ment nulle ; un systeme fondamental de voisinages VK,K(ϕ0) de ϕ0 ∈ DK(Ω,K) s’endeduit par translation (de ϕ0). Les ouverts pour la topologie sont les sous-ensemblesU ⊂ DK(Ω,K) tels que

∀ϕ0 ∈ U, ∃V ∈ VK,K(ϕ0), ϕ0 ∈ V ⊂ U.

On pose ici

(1.11) VK,K(0) :=ϕ ∈ DK(Ω,K) ; NK,p(ϕ) < ε, p ∈ N , ε > 0

.

Equipe de cette topologie (definie par une famille denombrable de semi-normes, icien fait de normes), DK(Ω,K) est un espace metrisable : on peut par exemple choisircomme distance

(1.12) δK(ϕ,ψ) =

∞∑p=0

1

2pNK,p(ϕ− ψ)

1 +NK,p(ϕ− ψ).

De plus (voir l’Exercice 1.12), il s’agit d’un espace metrique complet. Un tel K-espace vectoriel topologique dont la topologie est definie par une famille denombrablede semi-normes et qui est de plus metrisable complet est dit espace de Frechet.

Puisque chaque DK(Ω,K), K ⊂⊂ Ω, est equipe d’une topologie, il reste a equiperd’une topologie le K-espace vectoriel union

D(Ω,K) =⋃

K⊂⊂Ω

DK(Ω,K).

La topologie que l’on definit est dite topologie limite inductive sur l’union des to-pologies definies sur chacun des sous-espaces DK(Ω,K). Nous ne definirons pas icicette topologie 12, mais nous contenterons de faire comme si elle etait metrisable(ce n’est malheureusement pas le cas, nous l’admettrons ici, voir l’exercice 1.12 plusloin) et non nous contenterons, aux fins de l’exploiter, d’enoncer un principe deconvergence des suites dans D(Ω,K). Ce principe est le suivant :

Definition 1.11 (principe de convergence des suites dans D(Ω,K)). Soit Ω unouvert de Rn ou d’une sous-variete differentiable X de dimension n de RN , K = Rou C. Une suite (ϕk)k≥0 d’elements de D(Ω,K) est dite converger vers la fonctionnulle dans D(Ω,K) si et seulement si :

— il existe k0 ∈ N tel que toutes les fonctions ϕk pour k ≥ k0 ont leur supportinclus dans un meme compact K0 ⊂⊂ Ω ;

12. On se contente d’indiquer qu’il s’agit de la plus fine (i.e celle pour laquelle la collection

d’ouverts est la plus riche) pour laquelle toutes les injections ιK : DK(Ω,K) → D(Ω,K) sont

continues. Pour plus de details concernant cette topologie (et en particulier le pourquoi du principede convergence des suites), on pourra se reporter a la section 5.2 du cours de C. Villani [Vil],Theoreme III.16. Une des proprietes essentielles du K-espace vectoriel topologique D(Ω,K) est que

toute partie bornee de cet espace (i.e incluse, a homothetie pres, dans n’importe quel voisinage dela fonction identiquement nulle) doit necessairement etre incluse dans un R-sous-espace DK(Ω,K)

pour un certain compact K de Ω ; ainsi en particulier, toute suite de Cauchy de D(Ω,K) doit avoir

tous ses termes dans un meme DK(Ω,K) ; tous ces sous-espaces etant complets (voir l’exercice1.12), il en est de meme de D(Ω,K).

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10 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

— la suite (ϕk)k≥k0 , consideree comme une suite d’elements de DK0(Ω,K),converge vers la fonction nulle dans cet espace, i.e

(1.13) ∀ p ∈ N, limk→∞

NK0,p(ϕk) = 0.

Exercice 1.12 (pourquoi D(Ω,K) ne saurait etre metrisable). En utilisant leprincipe de convergence des suites de la Definition 1.11, montrer que D(Ω,K) estun espace topologique complet (toute suite de Cauchy est convergente). Montrerque si K est un compact de Ω, DK(Ω,K) est un R-sous-espace ferme de D(Ω,K).En approchant tout element ϕ ∈ DK(Ω,K) dans D(Ω,K) par la suite (ϕk)k∈N∗ , ouϕk = ϕ+ψ/k, ψ ∈ D(Ω,K) \DK(Ω,K), montrer que DK(Ω,K) est d’interieur videdans D(Ω,K). En utilisant enfin le fait qu’un espace metrique complet possede lapropriete de Baire (l’union d’une famille denombrable de fermes sans point interieurest sans point interieur), conclure que D(Ω,K) ne saurait etre muni d’une metriquecompatible avec la topologie dont on l’a equipe.

1.4. Distributions dans Ω ⊂ Rn : definition, critere, premiers exemples

Dans cette section, on se restreint au cadre ou Ω est un ouvert de Rn. Commeprecedemment, dans toute cette section, le corps K est R ou C.

Definition 1.13 (notion de distribution). On appelle distribution sur Ω, avaleurs dans K toute application K-lineaire ϕ 7→ 〈T, ϕ〉 13 de D(Ω,K) dans K, telleque, si (ϕk)k≥0 est une suite quelconque d’elements de D(Ω,K) tendant vers la fonc-tion nulle au sens du principe de convergence des suites dans D(Ω,K) (Definition1.11), on a

limk→+∞

〈T, ϕk〉 = 0.

Dire qu’une application K-lineaire T : D(Ω,K) → K est une distribution sur Ωrevient a dire que sa restriction T|DK(Ω,K) a tout sous-espace DK(Ω,K), K ⊂⊂ Ω,est une application K-lineaire continue de DK(Ω,K) dans K, la topologie du K-espace vectoriel DK(Ω,K) ayant ete definie par la donnee du systeme fondamentalVK,K(0) (voir (1.11) dans la section precedente). On peut donc enoncer le criterequantitatif suivant caracterisant le fait qu’une application K-lineaire de D(Ω,K)dans K soit une distribution.

Proposition 1.2 (critere quantitatif caracterisant les distributions). Soit T :D(Ω,K) → K une application K-lineaire. Dire que T est une distribution equivauta dire que, pour tout compact K de Ω, il existe un entier p(K) ∈ N et une constantepositive C(K) telles que

(1.14) ∀ϕ ∈ DK(Ω,K), |〈T, ϕ〉| ≤ C(K)NK,p(K)(ϕ).

Demonstration. Soit T une application K-lineaire sur le K-espace D(Ω,K).Si T est continue sur DK(Ω,K) (K etant un compact de Ω), l’image reciproque parT|DK(Ω,K) de la boule unite de K (pour la valeur absolue usuelle) est un voisinageouvert de 0, donc contient un sous-ensemble appartenant a VK,K(0). D’apres (1.11),il existe donc ε > 0 et p(K) ∈ N tels que(

NK,p(K)(ϕ) < ε)

=⇒(|〈T, ϕ〉| < 1

)∀ϕ ∈ DK(Ω,K).

13. On convient d’utiliser dans la notation le crochet de dualite car le principe mathematiquede dualite est le principe clef en theorie des distributions.

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1.4. DISTRIBUTIONS DANS Ω ⊂ Rn : DEFINITION, CRITERE, PREMIERS EXEMPLES 11

Ceci implique (1.14) en prenant C(K) = 1/ε(K). Reciproquement, si une conditiondu type (1.14) est remplie pour chaque K, la restriction de T a DK(Ω,K) estbien continue (pour la topologie definie a la section precedente sur DK(Ω,K)) pourchaque compact K de Ω et T est donc une distribution.

Exercice 1.14. Soient 1/2 < α < β < 1 et ϕ : R → [0, 1] une fonctionplateau identiquement egale a 1 au voisinage de [0, 1], avec Suppϕ ⊂]1/2, 1[. SoitT : D(]0,∞[,R)→ R la distribution reelle sur ]0,∞[ definie par

∀ϕ ∈ D(]0,∞[,R), 〈T, ϕ〉 :=

∫]0,∞[

exp(1/t)ϕ(t) dt.

Si ϕk : t ∈ R 7→ ϕ(kt) (k ∈ N∗), verifier que l’on a 〈T, ϕk〉 ≥ (β−α) exp(k/β) pourtout k ∈ N∗. Deduire de la Proposition 1.2 qu’il ne peut exister de distribution

reelle T sur R telle que T|]0,∞[ = T , i.e

∀ϕ ∈ D(]0,∞[,R), 〈T , ϕ〉 = 〈T, ϕ〉.

Le critere donne par la Proposition 1.2 s’accompagne d’une definition, celle de lanotion d’ordre d’une distribution sur un ouvert Ω.

Definition 1.15. Soit T une distribution a valeurs reelles ou complexes surun ouvert Ω de Rn et p ∈ N. On dit que la distribution T est d’ordre fini, inferieurou egal a p sur Ω, si l’entier p(K) dans (1.14) peut, pour chaque compact K ⊂⊂ Ω,etre pris inferieur ou egal a p. Dans ce cas, le plus petit entier naturel ayant cettepropriete est appele ordre de la distribution T sur l’ouvert Ω.

Exercice 1.16. Soit T : D(R,R)→ R l’application lineaire definie par

T : ϕ ∈ D(R,R) 7−→∞∑k=0

kdk

dtk[ϕ](k).

Montrer que T est une distribution reelle sur R. Est-elle d’ordre fini ? Meme questionpour l’application Tp (p ∈ N) de D(R,R) dans R definie par

Tp : ϕ ∈ D(R,R) 7−→∞∑k=0

kdp

dtp[ϕ](k).

Exercice 1.17. Soit (ck)k∈Z une suite de nombres complexes telle que l’onait |ck| = O(|k|p) pour un certain entier p ∈ N lorsque |k| tend vers l’infini. Soitϕ ∈ D(]0, 2π[,R). Deduire de la formule de Plancherel l’existence de la limite,lorsque N → +∞

〈T, ϕ〉 := limN→+∞

∫]0,2π[

ϕ(θ)( N∑k=−N

ck eikθ)dθ

et prouver l’existence d’une constante C telle que |〈T, ϕ〉| ≤ CN[0,2π],p+2(ϕ). En uti-lisant le lemme de partition de l’unite (Lemme 1.5, adapter par exemple la construc-tion de l’exercice 1.8), montrer que l’on definit une distribution complexe T d’ordreau plus p+ 2 sur R en posant

∀ϕ ∈ D(R,C), 〈T, ϕ〉 := limN→+∞

∫Rϕ(t)

( N∑k=−N

ck eikt)dt.

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12 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

Le K-espace vectoriel des distributions a valeurs dans K (K = R ou C) sur l’ouvertΩ sera note par la suite D′(Ω,K).

Si Ω′ ⊂ Ω et si T est une distribution (reelle ou complexe) dans Ω, on definit larestriction de T a l’ouvert Ω′ comme l’application K-lineaire :

ϕ ∈ D(Ω′,K) ⊂ D(Ω,K) 7−→ 〈T, ϕ〉 ∈ K.

C’est le fait que tout element de D(Ω′,K) puisse etre (une fois prolonge par 0 surΩ \ Ω′) considere comme un element de D(Ω,K) qui justifie cette operation derestriction.

1.4.1. Les classes de fonctions localement integrables s’interpretentcomme des distributions. Soit f ∈ L1

K,loc(Ω,B(Ω), dx) une classe de fonction

localement integrable (a valeurs dans K) sur Ω (par rapport a la mesure de Lebesguedx sur la tribu de Lebesgue). L’application

Tf : ϕ ∈ D(Ω,K)→∫

Ω

f(y)ϕ(y) dµ(y)

est une distribution (a valeurs dans K) d’ordre p = 0 sur Ω, puisque l’on a, pourtout compact K ⊂⊂ Ω,∣∣∣ ∫

Ω

f(y)ϕ(y) dy∣∣∣ ≤ NK,0(ϕ)×

∫K

|f(y)| dy

et que le representant f de f est integrable sur K puisque localement integrablesur Ω. Par souci de commodite, la distribution Tf est notee f ou f (mais il faut se

souvenir que f ou son representant f sont ici interpretes au sens des distributions).

Exemple 1.18. La classe de la fonction d’Heaviside H : R→ [0, 1] definie parH(t) = 0 si t < 0 et H(t) = 1 si t ≥ 0 definit l’une des distributions les plus impor-

tantes sur la droite reelle. Cette classe de fonction H (avec la fonction de Dirac,qui d’ailleurs est une mesure et non une fonction, voir l’exemple 1.19) constitue undes modeles de reference.

1.4.2. Les mesures de Radon (reelles ou complexes) sur Ω s’inter-pretent comme des distributions. Si µ = µ+ − µ− est une mesure de Radonreelle sur Ω (s’exprimant donc, d’apres le theoreme 1.3 de representation de F.Riesz, comme difference de deux mesures positives regulieres et de masse finie surtout compact), on peut associer a µ la distribution reelle Tµ sur Ω definie par

∀ϕ ∈ D(Ω,R), 〈Tµ, ϕ〉 := 〈µ, ϕ〉 =

∫Ω

ϕ(y) dµ(y)

=

∫Ω

ϕ(y) dµ+(y)−∫

Ω

ϕ(y) dµ−(y).

Comme DK(Ω,R) ⊂ KK(Ω,R) pour tout compact K ⊂⊂ Ω, on a bien, etant donneun tel compact K, pour tout ϕ ∈ DK(Ω,R), l’inegalite

|〈Tµ, ϕ〉| ≤ ‖µ‖K∗K(Ω,R)NK,0(ϕ) = (µ+(K) + µ−(K))NK,0(ϕ)

et la distribution reelle Tµ ainsi associee a la mesure de Radon reelle µ est unedistribution reelle d’ordre 0 sur Ω. Par souci de commodite, la distribution Tµ estnotee µ (mais il faut se souvenir que µ est ici interpretee non comme une applicationK-lineaire continue sur K(Ω,R), mais au sens des distributions, c’est-a-dire comme

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1.4. DISTRIBUTIONS DANS Ω ⊂ Rn : DEFINITION, CRITERE, PREMIERS EXEMPLES 13

une forme lineaire continue cette fois sur le sous-espace D(Ω,R), avec la nouvelletopologie dont on vient de l’equiper).

Exemple 1.19. L’exemple de distribution-mesure le plus celebre, a la genesememe de l’invention du concept de distribution, est celui de la distribution δx0

introduite par le physicien Paul Dirac au debut du XX-ieme siecle :

δx0 : ϕ ∈ D(Ω,R) 7→ ϕ(x0), x0 ∈ Ω.

Si $ = µ+ − µ− + i(ν+ − ν−) est une mesure de Radon complexe sur Ω(s’exprimant donc comme indique, d’apres le theoreme 1.3 de representation de F.Riesz, comme combinaison lineaire complexe de quatre mesures positives reguliereset de masse finie sur tout compact), on peut associer a $ la distribution complexeT$ sur Ω definie par

∀ϕ ∈ D(Ω,R), 〈T$, ϕ〉 := 〈$,ϕ〉 =

∫Ω

ϕ(y) d$(y)

=

∫Ω

ϕ(y) dµ+(y)−∫

Ω

ϕ(y) dµ−(y) + i(∫

Ω

ϕ(y)dν+(y)−∫

Ω

ϕ(y) dν−(y)).

Comme DK(Ω,C) ⊂ KK(Ω,C) pour tout compact K ⊂⊂ Ω, on a bien, etant donneun tel compact K, pour tout ϕ ∈ DK(Ω,C), l’inegalite

|〈T$, ϕ〉| ≤ ‖$‖K∗K(Ω,C)NK,0(ϕ) = (µ+(K) + µ−(K) + ν+(K) + ν−(K))NK,0(ϕ)

et la distribution complexe T$ ainsi associee a la mesure de Radon complexe $est une distribution complexe d’ordre 0 sur Ω. Comme dans le cas reel, on note T$sous la forme $ avec les memes precautions d’usage que precedemment.

Remarque 1.20. Les distributions-mesure dans un ouvert Ω de Rn sont d’ordre0 dans cet ouvert. Reciproquement, etant donne un compact K de Ω, on peut, siT est une distribution d’ordre 0 dans Ω, definir une action de T sur KK(Ω,K) quiprolonge la restriction de T a DK(Ω,K). Il suffit d’introduire un voisinage compactK ′ de K et d’utiliser le fait que tout element de KK(Ω,K) s’approche uniformementsur tout compact de Ω, donc en particulier K ′, par une suite d’elements (ϕk)k deDK′(Ω,K) 14. La suite (〈T, ϕk〉)k est de Cauchy dans K si T est d’ordre 0 et convergedonc vers un element du corps complet K. Apres avoir prouve l’independance decet element vis a vis du choix de la suite approximante (ϕk)k, on definit ainsi 〈T, ϕ〉comme cet element, ce qui permet de prolonger T a KK(Ω,K) en une applicationK-lineaire continue (pour la norme uniforme ‖ ‖K sur cet espace). La distributionT est ainsi prolongee en une mesure de Radon. Les distributions d’ordre 0 dans unouvert de Rn sont donc exactement les distributions-mesure dans cet ouvert.

1.4.3. La distribution VP[1/x] sur R et les distributions afferentes. Lafonction x ∈ R 7→ 1/x n’est pas localement integrable sur R (elle ne l’est pas auvoisinage de x = 0 si l’on invoque le critere de Riemann). Il est donc impossible dedonner un sens (meme le sens distribution) a x 7→ 1/x. Nous pouvons cependantcontourner ce probleme et definir une distribution sur R, que nous noterons VP[ 1

x ].La formule de Taylor avec reste integral (ecrite a l’ordre 0 au voisinage de 0) nousassure que, pour toute fonction ϕ ∈ C∞(R,C), on a

ϕ(x) = ϕ(0) + x

∫[0,1]

ϕ′(τx) dτ = ϕ(0) + xθ1[ϕ](x),

14. Par exemple ϕ ∗ ψ1/k → ϕ, voir le cours de MHT512, Section 4.7.

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14 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

ou la fonction θ[ϕ] est une fonction C∞ sur R du fait du theoreme elementaire desintegrales dependant d’un parametre. On remarque que, pour tout ε > 0, l’integrale equilibree

∫|x|>ε ϕ(y)/y dy s’ecrit, si supp (ϕ) ⊂ [−R,R],∫

|x|>ε

ϕ(y)

ydy =

∫R>|x|>ε

ϕ(0)dy

y+

∫R>|y|>ε

θ1[ϕ](y) dy =

∫R>|y|>ε

θ1[ϕ](y) dy

et converge donc, lorsque ε tend vers 0, vers

limε→0

∫R>|y|>ε

ϕ(y)

ydy =

∫[−R,R]

θ1[ϕ](y) dy

d’apres le theoreme de convergence dominee de Lebesgue. L’application(1.15)

ϕ ∈ D(R,C) 7−→ limε→0

∫|y|>ε

ϕ(y)

ydy =

∫[−R,R]

θ1[ϕ](y) dy , suppϕ ⊂ [−R,R],

definit une distribution d’ordre 1 15 sur R, dite Valeur Principale VP[1/x].

Si maintenant on ecrit la formule de Taylor a l’ordre N − 1 ≥ 1 au voisinage de 0pour une fonction ϕ ∈ D(R,C) (de support par exemple dans [−R,R]), on obtient

∀x ∈ R, ϕ(x) =

N−1∑k=0

dk

dxk[ϕ](0)

k!xk +

xN

(N − 1)!

∫[0,1]

(1− τ)N−1 dN

dxN[ϕ](τx) dτ

=

N−1∑k=0

dk

dxk[ϕ](0)

k!xk + xNθN [ϕ](x),(1.16)

ou la fonction

θN [ϕ] : x ∈ R 7−→ 1

(N − 1)!

∫[0,1]

(1− τ)N−1 dN

dxN[ϕ](τx) dτ

est une fonction C∞ sur R (toujours en appliquant le theoreme elementaire deLicence 2 sur la differentiabilite des integrales dependant d’un parametre) qui n’estplus, cette fois, a support compact. Si 0 < ε < R, on a∫

ε<|y|<R

ϕ(y)

yNdy =

∑k≤N−2

dk

dxk[ϕ](0)

k!

([ yk−N+1

k −N + 1

]−ε−R

+[ yk−N+1

k −N + 1

]Rε

)

+dN−1

dxN−1 [ϕ](0)

(N − 1)!

([log |y|

]Rε

+[

log |y|]−ε−R

)+

∫ε<|y|<R

θN [ϕ](y) dy.

Il en resulte donc que la limite, lorsque ε tend vers 0, de∫|y|>ε

ϕ(y)

yNdy −

∑k<N−1

k≡N (mod 2)

2 dk

dxk[ϕ](0)

(N − k − 1)k!

1

εN−k−1

15. Que l’ordre soit exactement 1 resulte du fait que cette distribution ne saurait etre unemesure (cf. la remarque 1.20) puisque dt/|t| n’est pas de masse finie au voisinage de l’origine.

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1.4. DISTRIBUTIONS DANS Ω ⊂ Rn : DEFINITION, CRITERE, PREMIERS EXEMPLES 15

existe et que

ϕ ∈ D(R,C) 7−→ limε→0

(∫|y|>ε

ϕ(y)

yNdy −

∑k<N−1

k≡N (mod 2)

2 dk

dxk[ϕ](0)

(N − k − 1)k!

1

εN−k−1

)

definit une distribution d’ordre au plus N sur R (en fait, il s’avere que l’ordreest exactement N , mais c’est a ce stade un peu plus difficile a montrer, nous yreviendrons). Les distributions ainsi definies et correspondant a N = 2M pairsont appelees Partie Finie PF[1/x2M ], M = 1, 2, .... . Lorsque N est impair (N =2M + 1), on appelle cette distribution VP[1/x2M+1], comme dans le cas N = 1.

Si α < 1, la fonction t ∈ R 7→ H(t)t−α est localement integrable sur R, doncdefinit une distribution-fonction que l’on note t−α+ . Si α ≥ 1, de partie entiere N(α ∈ [N,N + 1[) et si ϕ ∈ D(R,C), la formule de Taylor avec reste integral (1.16)implique, pour 0 < ε < R < +∞,∫ε<t<R

ϕ(t)

tαdt =

N−1∑k=0

dk

dxk[ϕ](0)

k!

∫ R

ε

tk−α dt+

∫ε<t<R

tN−α θN [ϕ](t) dt

=

N−1∑k=0

dk

dxk[ϕ](0)

(α− k − 1)k!

[tk+1−α

]εR

+

∫ε<t<R

tN−α θN [ϕ](t) dt si α ∈]N,N + 1[

=∑

k<N−1

dk

dxk[ϕ](0)

(α− k − 1)k!

[tk+1−α

]εR

+

+dN−1

dxN−1 [ϕ](0)

(N − 1)!

[log t

]Rε

+

∫ε<t<R

tN−α θN [ϕ](t) dt si α = N.

On definit ainsi une distribution t−α+ sur R (d’ordre inferieur 16 ou egal a N , partieentiere de α, lorsque α ≥ 1) en posant

〈t−α+ , ϕ〉 := limε→0

(∫t>ε

ϕ(t)

tαdt−

∑k≤N−1

dk

dxk[ϕ](0)

(α− k − 1)k!

1

εα−k−1

)si α ∈]N,N + 1[ et

〈t−N+ , ϕ〉 := limε→0

(∫t>ε

ϕ(t)

tαdt−

∑k<N−1

dk

dxk[ϕ](0)

(N − k − 1)k!

1

εN−k−1+

dN−1

dxN−1 [ϕ](0)

(N − 1)!log ε

)pour toute fonction ϕ ∈ D(R,C). On remarque que 〈t−α+ , ϕ〉 = 0 si Suppϕ ⊂]−∞, 0[(d’ou l’indice + utilise dans la notation).

Les distributions t−α+ , α ∈ R, comme la distribution VP[1/x] et la distributionPF[1/x2], jouent un role important en mathematiques appliquees et en sciences del’ingenieur.

16. La encore, l’ordre est exactement N = E[α], nous y reviendrons.

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16 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

1.4.4. La distribution VP[1/f ] dans le champ complexe. Le champ com-plexe, de par la notion de positivite qui lui est inherente (et que materialise lecouplage de l’identite avec la conjugaison complexe, c.f. la relation zz = |z|2 ≥ 0)fournit un cadre propice a la construction de distributions qui ne soient ni desdistributions-fonction, ni des distributions-mesure, mais plutot des distributions dutype VP[1/x], PF[1/x2], t−α+ , envisagees a la sous-section precedente. Le modelede construction VP[1/x] via l’integrale equilibree (sans correction de termecomme cela etait necessaire dans le champ reel pour les singularites d’ordre stric-tement superieur a 1) s’adapte facilement dans le champ complexe.

Proposition 1.3. Soit Ω est un ouvert connexe de C et f une fonction ho-lomorphe non identiquement nulle dans Ω. Pour toute fonction ϕ ∈ D(Ω,C), lalimite, lorsque ε > 0 tend vers 0, de

(1.17) ε 7−→∫ζ∈Ω ; |f(ζ)|>ε

ϕ(ξ, η)

f(ξ + iη)dξdη,

existe et l’on definit une distribution VP[1/f ] sur Ω en posant

(1.18) ∀ϕ ∈ D(Ω,C), 〈VP[1/f ], ϕ〉 := limε→0

(∫ζ∈Ω ; |f(ζ)|>ε

ϕ(ξ, η)

f(ξ + iη)dξdη

).

L’ordre de cette distribution au voisinage d’un zero z0 de f de multiplicite ν(z0) estinferieur ou egal a ν(z0) − 1. Si ν(z0) = 1, la distribution VP[1/f ] coincide avecla distribution-fonction 1/f dans tout voisinage de z0 ou z0 est le seul zero de lafonction holomorphe f .

Demonstration. Grace au lemme 1.5 de partitionnement de l’unite, on peutse limiter au cas ou Ω = D(0, R) et f(z) = zνh(z), avec ν ∈ N∗, h holomorphe et nes’annulant pas dans D(0, R) ; la fonction h s’ecrit dans D(0, R) sous la forme h =exp(g), ou g est holomorphe dans D(0, R) et l’on a donc f(z) = (z exp(g(z)/ν))ν

dans ce disque. En effectuant le changement de variable w = z exp(g(z)/ν) (quirealise une transformation biholomorphe entre un voisinage de 0 dans Dz(0, R)et un voisinage de 0 dans Cw), on voit que l’on peut se ramener a supposer enfait que Ω = D(0, r) et f(z) = zν . On peut se limiter a supposer ν ≥ 2 puisquela fonction 1/z est localement integrable dans C et definit donc une distributionfonction (coincidant bien dans ce cas avec VP [1/z] telle qu’elle est definie dans(1.18)). Pour ε > 0 fixe, l’integrale figurant en (1.17) devient, une fois exprimee encoordonnees polaires(1.19)∫

ζ∈Ω ; |f(ζ)|>ε

ϕ(ξ, η)

f(ξ + iη)dξdη =

∫ r

ε1/ν

(∫ 2π

0

ϕ(ρ cos θ, ρ sin θ) e−iνθ dθ) dρ

ρν−1.

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1.4. DISTRIBUTIONS DANS Ω ⊂ Rn : DEFINITION, CRITERE, PREMIERS EXEMPLES 17

On utilise la formule de Taylor avec reste integral pour la fonction ϕ, cette foisfonction de deux variables, au voisinage de (0, 0). Ceci donne

ϕ(ρ cos θ, ρ sin θ) =∑

k1+k2≤ν−2

1

k1!k2!

( ∂k1+k2

∂ζk1∂ζk2

)[ϕ](0, 0) (ρeiθ)k1(ρe−iθ)k2 +

+(ν − 1)ρν−1∑

k1+k2=ν−1

1

k1!k2!

(∫[0,1]

(1− τ)ν−2( ∑k1+k2=ν−1

1

k1!k2!×

×( ∂k1+k2

∂ζk1∂ζk2

)[ϕ](τ cos θ, τ sin θ)

)dτ)ei(k1−k2)θ

=∑

k1+k2≤ν−2

1

k1!k2!

( ∂k1+k2

∂ζk1∂ζk2

)[ϕ](0, 0) ρk1+k2ei(k1−k2)θ +

+ρν−1Θ[ϕ](ρ cos θ, ρ sin θ).

En substituant dans (1.19) et en utilisant le fait que, si k1 + k2 ≤ ν − 2, k1, k2 ≥ 0,∫ 2π

0

ei(k1−k2−ν+1) θ dθ = 0,

on voit que∫ζ∈Ω ; |f(ζ)|>ε

ϕ(ξ, η)

f(ξ + iη)dξdη =

∫ r

ε1/ν

(∫ 2π

0

Θ[ϕ](ρ cos θ, ρ sin θ)e−iνθ dθ)dρ.

La limite lorsque ε tend vers 0 de l’integrale (1.19) existe bien est vaut

limε→0

∫ζ∈Ω ; |f(ζ)|>ε

ϕ(ξ, η)

f(ξ + iη)dξdη =

∫ r

0

(∫ 2π

0

Θ[ϕ](ρ cos θ, ρ sin θ)e−iνθ dθ)dρ

grace au theoreme de convergence dominee. On definit ainsi une distribution com-plexe dont on voit que l’ordre est inferieur ou egal a ν − 1 (ce sont les derivationsde ϕ jusqu’a un ordre total egal a ν − 1 qui sont impliquees dans l’expression deΘ[ϕ]).

1.4.5. Les distributions PF(‖x‖−α) dans Rn. Soit α ∈ R. Si α < n, lafonction x ∈ Rn 7→ ‖x‖−α (definie dans Rn \ 0, donc dx-presque partout, lanorme etant ici la norme euclidienne) est localement integrable d’apres le criterede Riemann, donc definit une distribution-fonction. Ce n’est plus le cas si α ≥ N .C’est a nouveau la formule de Taylor avec reste integral (dans Rn cette fois) quenous invoquons pour definir un substitut distribution a x 7→ ‖x‖−α dans ce cas, ladistribution Partie Finie PF[‖x‖−α].

Soit α ≥ n et N la partie reelle de α− (n− 1) ≥ 1 (i.e α ∈ [n+N − 1, n+N [). Si

ϕ ∈ D(Rn,C) (avec Suppϕ ⊂ Bn(0, R)), considerons sa radialisee ϕrad :

ϕrad : ρ ∈ [0,∞] 7→∫Sn−1

ϕ(ρ ~θ) dσn−1(~θ),

ou dσn−1 designe la mesure surfacique sur la sphere unite Sn−1 de Rn (c’est-a-diredx = ρn−1dσn−1dρ). La fonction ρ ∈ [0,∞] 7→ ϕrad(ρ), prolongee par parite a Rtout entier, est une fonction paire de D(R,C) (avec Suppϕrad ⊂ [−R,R]) dont

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18 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

on peut ecrire (voir (1.16)) le developpement de Taylor (avec reste integral) auvoisinage de 0 a l’ordre N − 1 :

∀ ρ ∈ [0,∞[, ϕrad(ρ) =

N−1∑k=0

dk

dρk[ϕrad](0)

k!ρk +

+ρN

(N − 1)!

∫[0,1]

(1− τ)N−1 dN

dρN[ϕrad](τρ) dτ

=

N−1∑k=0

dk

dρk[ϕrad](0)

k!ρk + ρNθN [ϕrad](ρ).(1.20)

En passant aux coordonnees spheriques dans Rn, on a, pour tout ε > 0,∫‖x‖>ε

ϕ(x)

‖x‖αdx =

∫ ∞ε

∫~θ∈Sn−1

ϕ(ρ ~θ)

ραρn−1 dρ dσn−1

=

∫ ∞ε

ρn−1ϕrad(ρ)

ραdρ

=

N−1∑k=0

dk

dρk[ϕrad](0)

k!

∫ R

ε

ρk+n−1−α dρ+

∫ ∞0

θN [ϕrad](ρ)

ρα−n−N+1dρ.

On constate alors que l’on definit sur Rn une distribution d’ordre au plus 17 N enposant

〈PF(‖x‖−α), ϕ〉 = limε→0

(∫‖x‖>ε

ϕ(x)

‖x‖αdx−

∑k≤N−1

dk

dρk[ϕrad](0)

(α− k − n)k!

1

εα−k−n

)si α ∈]n+N − 1, n+N [

〈PF(‖x‖−(n+N−1)), ϕ〉 =

= limε→0

(∫‖x‖>ε

ϕ(x)

‖x‖αdx

−∑

k<N−1

dk

dρk[ϕrad](0)

(N − k − 1)k!

1

εN−k−1+

dN−1

dρN−1 [ϕrad](0)

(N − 1)!log ε

).(1.21)

Ces distributions sont les distributions Parties Finies, ou encore Parties Finies deHadamard, ainsi denomees en reference au mathematicien francais Jacques Hada-mard (1863-1965), d’ailleurs grand oncle de Laurent Schwartz, dont nous avons dejamentionne le role dans la genese du concept de distribution.

1.5. Courants sur une sous-variete differentiable de RN

Dans cette section, K = R ou C et Ω designe un ouvert d’une sous-variete differen-tiable X de RN . Le cas particulier N = n et X = Rn correspond au cas (deja traite)ou Ω est un ouvert de Rn.

17. Ici encore,l’ordre de cette distribution est exactement N , c’est-a-dire la partie entiere de

α − (n − 1) lorsque ce nombre est superieur ou egal a 1 (sinon, l’ordre est 0 car il s’agit d’unedistribution-fonction).

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1.5. COURANTS SUR UNE SOUS-VARIETE DIFFERENTIABLE DE RN 19

Dans ce contexte maintenant geometrique, il est important, outre d’introduire leK-espace vectoriel D(Ω,K) des fonctions C∞ a support compact dans Ω 18, d’intro-duire aussi, pour chaque valeur de q = 0, ..., n, le K-espace Dq(Ω,K) des q-formesdifferentielles C∞ et a support compact dans Ω. On convient naturellement de ceque Dn+1(Ω,K) = 0. On a aussi D0(Ω,K) = D(Ω,K).

On rappelle que l’on dispose de l’operateur differentiel R-lineaire de de Rham :

d : ϕ ∈ Dq(Ω,K) 7−→ dϕ ∈ Dq+1(Ω,K), q = 0, ..., n.

Cet operateur verifie (du fait du lemme de Schwarz) d d ≡ 0.

Exactement comme nous avons defini une topologie sur chaque K-espace vectorielDK(Ω,K) = D0

K(Ω,K) un systeme fondamental de voisinages de la fonction nulle(1.11), on definit une topologie sur chaque DqK(Ω,K) (K-espace vectoriel des q-formes differentielles a support dans K ⊂⊂ Ω). Dire qu’une suite (ϕk)k d’elementsde DqK(Ω,K) converge (pour cette topologie) vers la forme nulle dans DqK(Ω,K)signifie que, pour tout p ∈ N,

(1.22) limk→∞

max[NK,p(coeff.(ϕk))] = 0,

les coefficients des formes differentielles etant ici exprimes en coordonnees locales(notons que la clause (1.22) ne depend pas du recouvrement R de K utilise pour cartographier la sous-variete X au voisinage de K). On munit Dq(Ω,K) de latopologie limite inductive des topologies introduites sur les DqK(Ω,K), ce qui revienta adopter un principe de convergence des suites dans Dq(Ω,K) calque mot pour motsur celui de la Definition 1.11.

Definition 1.21 (principe de convergence des suites dans Dq(Ω,K)). Soit Ωun ouvert d’une sous-variete differentiable de dimension n de RN , K = R ou C.Soit 0 ≤ q ≤ n. Une suite (ϕk)k≥0 d’elements de Dq(Ω,K) est dite converger versla q-forme differentielle identiquement nulle dans Dq(Ω,K) si et seulement si :

— il existe k0 ∈ N tel que toutes les q-formes differentielles ϕk pour k ≥ k0 ontleur support inclus dans un meme compact K0 ⊂⊂ Ω ;

— la suite (ϕk)k≥k0 , consideree comme une suite d’elements de DqK0(Ω,K),

converge vers la q-forme differentielle identiquement nulle dans cet espace,i.e

(1.23) ∀ p ∈ N, limk→∞

max[NK0,p(coeff.(ϕk))] = 0,

les coefficients des formes differentielles etant exprimes en coordonnees lo-cales.

Definition 1.22 (notion de courant). Soit Ω un ouvert d’une sous-varietedifferentiable de dimension n de RN , K = R ou C. Soit 0 ≤ q ≤ n. Un q-courant (avaleurs dans K) sur Ω est une application K-lineaire

T : ϕ ∈ Dn−q(Ω,K) 7−→ 〈T, ϕ〉

telle que, pour toute suite (ϕk)k d’elements de Dn−q(Ω,K) tendant vers la (n− q)-forme identiquement nulle au sens du principe de convergence des suites enonce

18. Ici, Ω est considere comme ouvert de la sous-variete differentiable X , il s’agit donc defonctions C∞ definies sur la sous-variete X via les cartes locales d’un atlas.

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20 1. ESPACES DE FONCTIONS-TEST ET NOTION DE DISTRIBUTION

dans la Definition 1.21, on ait

limk→+∞

〈T, ϕk〉 = 0.

Le K-espace vectoriel des q-courants sur Ω et a valeurs dans K est note D′q(Ω,K).

Remarque 1.23. Le fait que X soit une sous-variete differentiable de RN im-plique que l’on dispose sur X d’une n-forme differentielle volume canonique. Cetteforme volume volX (couplee donc avec une orientation) correspond a la metriqueeuclidienne dxX sur X (voir par exemple l’annexe 1, Definition B.1.1 de [Charp]).Il y a un isomorphisme topologique naturel entre D(X ,K) et Dn(X ,K), a savoirl’isomorphisme qui a la n-forme φ ∈ Dn(Ω,K) associe l’unique fonction ϕ ∈ D(Ω,K)

telle que φ ≡ ϕ volX . Le K-espace vectoriel D′0(Ω,K), dual du K-espace Dn(Ω,K),s’identifie donc a l’espace des applications K-lineaires T : D(Ω,K)→ K continuesau sens du principe de convergence des suites dans D(Ω,K). Le K-espace vecto-

riel D′0(Ω,K) est appele K-espace vectoriel des distributions sur Ω et l’on retrouveainsi la coherence avec la notion de distribution dans un ouvert de Rn introduiteprecedemment (D′0(Ω,K) ' D′(Ω,K)).

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CHAPITRE 2

Suites de distributions, regularisation,differentiation

2.1. Convergence faible dans D′(Ω,K) ou D′q(Ω,K)

Dans cette section, Ω designe dans un premier temps un ouvert de Rn. Le corpsdes scalaires K est, comme d’habitude, R ou C.

Plutot que d’introduire une topologie sur le K-espace D′(Ω,K), nous allons nouscontenter d’enoncer un principe de convergence pour les suites de distributions. Latopologie sur D′(Ω,K) (dual de D(Ω,K)) dont l’enonce d’un tel principe de conver-gence des suites escamote la definition est dite topologie faible sur D′(Ω,K). Cettetopologie faible, la encore, n’est pas metrisable, mais le principe de convergence dessuites enonce ci-dessous suffira a nos besoins.

Definition 2.1 (principe de convergence pour les suites de distributions). Unesuite de distributions (Tk)k∈N, avec Tk ∈ D′(Ω,K), est dite converger vers la dis-tribution nulle si et seulement si

(2.1) ∀ϕ ∈ D(Ω,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 = 0.

La suite de distributions (Tk)k∈N est dite converger vers la distribution T ∈ D′(Ω,K)si et seulement si la suite (Tk − T )k∈N converge vers la distribution nulle, i.e

(2.2) ∀ϕ ∈ D(Ω,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 = 〈T, ϕ〉.

En fait, le theoreme de Banach-Steinhaus 1 s’adapte dans un tel contexte et nousavons la :

Proposition 2.1 (D′(Ω,K) est sequentiellement complet ). Si une suite(Tk)k∈N de distributions de D′(Ω,K) est telle que

(2.3) ∀ϕ ∈ D(Ω,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 existe,

alors (ϕ ∈ D(Ω,K) 7−→ lim

k→+∞〈Tk, ϕ〉

)∈ D′(Ω,K).

Demonstration. La preuve de cette proposition repose sur le lemme suivant.

Lemme 2.2. Soit (Tk)k∈N une suite d’elements dans D′(Ω,K) telle que

(2.4) ∀ϕ ∈ D(Ω,K), supk∈N|〈Tk, ϕ〉| < +∞.

1. Si E est un espace de Banach et F un espace vectoriel norme, toute famille (Lι)ι d’ap-plications lineaires continues de E dans F telle que, pour chaque ~v ∈ E, supι |Lι(~v)| < +∞, est

telle que supι ‖Lι‖L(E,F ) < +∞. Ce theoreme important (surtout en analyse fonctionnelle) est

un avatar de la propriete de Baire (que partagent les espaces de Banach comme ici E).

21

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22 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

Alors, si (ϕk)k est une suite d’elements dans D(Ω,K) tendant vers 0 dans D(Ω,K)au sens du principe de convergence des suites de la Definition 1.11, on a

limk→+∞

〈Tk, ϕk〉 = 0.

Admettons pour l’instant ce lemme et deduisons en la preuve de la Proposition 2.1.Il est clair que (2.3) implique (2.4). Posons, pour tout ϕ ∈ D(Ω,K),

〈T, ϕ〉 := limk→+∞

〈Tk, ϕ〉.

Pour prouver la proposition, il faut montrer que T (qui est deja evidemment uneforme K-lineaire) satisfait

limk→+∞

〈T, ϕk〉 = 0

pour toute suite (ϕk)k≥0 d’elements de D(Ω,K) tendant vers la fonction nulle ausens du principe de convergence des suites de la Definition 1.11. Si ce n’etait pas lecas, on pourrait trouver une sous-suite strictement croissante d’entiers (kl)l≥0 telleque, pour un certain η > 0,

(2.5) ∀ l ∈ N , |〈T, ϕkl〉| ≥ η.Pour chaque l ∈ N, il existe Nl ∈ N tel que

(2.6) ∀ k ≥ Nl, |〈T, ϕkl〉 − 〈Tk, ϕkl〉| ≤ η/2par definition de T . En combinant (2.5) et (2.6), il vient

(2.7) ∀ l ∈ N, |〈TNl , ϕkl〉| ≥ η/2.En remplacant dans le lemme la suite (Tk)k par sa sous-suite (TNl)l et la suite (ϕk)kpar sa sous-suite (ϕkl)l, on constate que l’on devrait avoir (d’apres ce lemme)

liml→+∞

〈TNl , ϕkl〉 = 0,

ce qui est contradictoire avec (2.7). La proposition 2.1 est bien demontree.

preuve du lemme 2.2. On suppose la conclusion du lemme en defaut, ce quisignifie, quitte a extraire des sous-suites de (Tk)k et (ϕk)k que, pour un certainη > 0, on a

(2.8) |〈Tk, ϕk〉| ≥ η.Dire que la suite (ϕk)k tend vers 0 revient a dire que toutes fonctions ϕk vivent, pourk assez grand, dans le meme compact K0 et, pour tout p ∈ N, lim

k→∞NK0,p(ϕk) = 0.

Pour tout p ∈ N, il existe donc kp ∈ N tel que NK0,p(ϕkp) < 4−p. La suite (2pϕkp)ptend toujours vers 0 dans D(Ω,K) et, quitte a remplacer dans (2.8) Tk par Tkp etϕk par 2pϕkp , la clause (2.8) devient

(2.9) |〈Tp, ψp〉| ≥ η2p,

tandis que la suite (ψp)p continue a converger vers 0 dansD(Ω,K) et que la condition

(2.4) reste valable (mais avec la suite (Tp)p au lieu de la suite (Tk)k cette fois).

Nous allons maintenant construire par recurrence une suite d’entiers (pl)l∈N∗ telleque pour tout l ∈ N∗,

— pour tout λ = 1, ..., l − 1,

(2.10) |〈Tpλ , ψpl〉| ≤1

2l−λ;

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2.1. CONVERGENCE FAIBLE DANS D′(Ω,K) OU D′q(Ω,K) 23

— on a

(2.11) |〈Tpl , ψpl〉| ≥l−1∑λ=1

supk|〈Tk, ψpλ〉|+ l + 1 ≥

l−1∑λ=1

|〈Tkl , ψpλ〉|+ l + 1.

Pour l = 1, il suffit d’assurer la clause (2.11), soit |〈fp1 , ψp1〉| ≥ 2, ce qui est assure(du fait de (2.9)) des que η2p1−1 ≥ 1, donc pour p1 choisi assez grand. Une fois quep1, ..., pl−1 ont ete construits, il existe un entier N = N(p1, ..., pl−1) tel que

(p ≥ N) =⇒(∀λ = 1, ..., l − 1, |〈Tpλ , ψp〉| ≤

1

2l−λ

)puisque, pour chaque λ = 1, ..., l − 1, la suite (〈Tpλ , ψp〉)p tend vers 0 lorsqu ptend vers l’infini (la suite (ψp)p tend en effet vers 0 dans D(Ω,K) et chaque Tpλ ,λ = 1, ..., l − 1, est une distribution sur Ω a valeurs dans K). La condition (2.11)est assuree pour pl ≥ N assez grand des que

2pl ≥l−1∑λ=1

supk|〈Tk, ψpλ〉|+ l + 1

(en vertu de (2.9)). Il est possible de choisir un tel pl. La suite (pl)l∈N∗ realisanta la fois les clauses (2.10) et (2.11) est ainsi construite inductivement. CommeNK0,p(ψp) ≤ 2−p pour tout p ∈ N∗, la serie

∑plψpl converge dans DK0

(Ω,K) et lafonction

ψ :=

∞∑l=1

ψpl

definit un element de DK0(Ω,K) ⊂ D(Ω,K). On a, pour l ∈ N∗,

|〈Tpl , ψ〉| =∣∣∣〈Tpl , ψpl〉+

∑λ 6=l

〈Tpl , ψpλ〉∣∣∣

≥ |〈Tpl , ψpl〉| −∑λ<l

|〈Tpl , ψpλ〉| −∑λ>l

|〈Tpl , ψpλ〉|

≥ l + 1−∑λ>l

|〈Tpl , ψpλ〉| ≥ l + 1−∑λ>l

1

2λ−l≥ l

si l’on utilise (2.11) pour obtenir la seconde inegalite et (2.10) pour obtenir latroisieme. La suite (|〈Tk, ψ〉|)k ne serait donc pas bornee, ce qui est en contradictionavec l’hypothese (2.4). Le lemme 2.2 est ainsi demontre par l’absurde.

Exercice 2.3. Soit (εk)k une suite de nombres strictement positifs tendantvers 0. Determiner les limites au sens des distributions (i.e dans D(R,C)) :

limk→+∞

(log |t+iεk|+i arg]−π,π[(t+i εk)

)& lim

k→+∞

(log |t+iεk|+i arg]−π,π[(t−i εk)

).

Exercice 2.4. Determiner la limite dans D′(R,R) de la suite de distributions-fonction (Tk), ou

∀ϕ ∈ D(R,R), 〈Tk, ϕ〉 =1

π

∫R

sin(kt)

tϕ(t) dt.

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24 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

Exercice 2.5 (peigne de Dirac). Montrer que la suite de distributions (Tk)kde D′(R,R), ou

∀ϕ ∈ D(R,R), 〈Tk, ϕ〉 =1

π

∫R

(1

2+

k∑l=1

cos(lt))ϕ(t) dt

converge vers le peigne de Dirac, i.e la distribution reelle sur R

ϕ ∈ D(R,R) 7−→ 〈δ2πZ, ϕ〉 =∑l∈Z

ϕ(2πl).

On utilisera la formule donnant l’expression concatenee du noyau de Dirichlet :

1

k∑l=−k

eilθ =1

sin(k + 1

2

sin θ2

∀ θ ∈ [0, 2π].

Exercice 2.6. Soit N ∈ N∗ et (εk)k∈N une suite de nombres reels positifstendant vers 0. Soit (fk)k la suite de fonctions de C dans lui-meme, ou

fk : z ∈ C 7−→ zN

ε2Nkχ|ζ|≤εk(z) +

χ|ζ|>εk(z)

zN, ∀ k ∈ N.

Montrer que la suite de distributions-fonction (fk)k∈N converge dans D′(C,C) versla distribution VP[1/zN ] introduite dans la Proposition 1.3 comme (1.18) lorsquef(z) = zN .

Exercice 2.7. Soit (εk)k∈N une suite de nombres reels strictement positifstendant vers 0. En utilisant comme fonction-test Φ = ϕ⊗ ϕ, ou ϕ : R→ [0, 1] estune fonction de D(R,R), paire, identiquement egale a 1 sur [−1, 1], decroissante sur[1,+∞[, montrer que la suite de distributions complexes (Tk)k∈N sur R2 :

Φ ∈ D(R2,C) 7−→ 〈Tk,Φ〉 :=

∫R2

Φ(x, y)

xy + i εkdxdy

ne converge pas dans D′(R2,C) (utiliser le theoreme de convergence monotone deBeppo Levi pour montrer la non convergence dans D′(R2,R) de la suite (ImTk)k∈N).

Exercice 2.8. Montrer que toute fonction Φ ∈ D(R2,C) s’ecrit de maniereunique sous la forme

Φ(x, y) = Φ00(x, y) + xΦ10(x, y) + yΦ01(x, y) + xyΦ11(x, y),

ou les quatre fonctions Φ00,Φ10,Φ01,Φ11 sont des fonctions C∞ a support compact,paires en x et y. Exprimer Φ11 comme une integrale fonction des parametres (x, y)s’exprimant a l’aide de la derivee partielle seconde (∂2/∂x∂y)[Φ]. En deduire quela suite de distributions complexes (Tk)k∈N sur R2, ou

Tk : Φ ∈ D(R2,C) 7−→ 〈Tk,Φ〉 :=

∫|xy|>εk

Φ(x, y)

xydxdy

et (εk)k∈N une suite de nombres reels strictement positifs tendant vers 0, convergevers la distribution

T : Φ ∈ D(R2,C) 7−→ 〈T,Φ〉 : =

∫R2

Φ11(x, y) dxdy

=1

4

∫R2

(∫[−1,1]2

( ∂2

∂x∂y

)[Φ](τx, σy) dσdτ

)dxdy.

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2.2. LA REGULARISATION DES DISTRIBUTIONS 25

Montrer que si ϕ,ψ ∈ D(R,C), on a

〈T, ϕ⊗ ψ〉 = 〈VP[1/x], ϕ〉 × 〈VP[1/x], ψ〉,ou ϕ⊗ ψ : (x, y) 7→ ϕ(x)ψ(y) et VP[1/x] est la distribution introduite en (1.15).

Dans le contexte geometrique ou Ω designe un ouvert d’une sous-variete differen-tiable de dimension n de RN , le principe de convergence des suites de distributionsse transpose mot pour mot en un principe de convergence pour les suites de courants.

Definition 2.9 (principe de convergence pour les suites de courants). Soit Ωun ouvert d’une sous-variete differentiable de dimension n de RN et 0 ≤ q ≤ n.Une suite de q-courants (Tk)k∈N, avec Tk ∈ D

′q(Ω,K), est dite converger vers leq-courant nul si et seulement si

(2.12) ∀ϕ ∈ Dn−q(Ω,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 = 0.

La suite de q-courants (Tk)k∈N est dite converger vers le courant T ∈ D′q(Ω,K) siet seulement si la suite (Tk − T )k∈N converge vers le q-courant nul, i.e

(2.13) ∀ϕ ∈ Dn−q(Ω,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 = 〈T, ϕ〉.

Comme dans le cadre de la theorie des distributions (Proposition 2.1), le R-espace

vectoriel D′q(Ω,K) des q-courants sur un ouvert Ω d’une sous-variete differentiablede dimension n de RN est sequentiellement complet.

2.2. La regularisation des distributions

Les phenomenes physiques sont entaches d’irregularites. Les structures fractales ouchaotiques (trajectoires du mouvement brownien, courbes fractales sur le modeledu flocon de Von Koch ou de la frontiere des ensembles de Mandelbrojt ou de Juliadans les problemes de dynamique, etc.) en sont autant d’exemples familiers, a l’op-pose des etres reguliers (tels les courbes analytiques ou algebriques) auxquelssont attaches les concepts rigides d’holomorphie, d’analyticite (au sens reel oucomplexe), etc., ou souples , mais reguliers (C0, Lipschitz, C1, ..., Cp, ..., C∞).Pouvoir approcher des phenomemes irreguliers par des distributions-fonctioncorrespondant a des fonctions aussi regulieres que l’on veut (que l’on entende ri-gide ou souple ) s’avere essentiel. C’est ce que nous nous proposons de fairedans cette section.

Proposition 2.2 (regularisation d’une distribution par convolution). SoientΩ,Ω′ deux ouverts de Rn tels que Ω′ ⊂ Ω′ ⊂ Ω et dist(Ω′, ∂Ω) = η ∈]0,∞]. SoitT ∈ D′(Ω,K) (K = R ou C). La suite de fonctions

x ∈ Ω′ 7→ 〈Ty, ψ1/k(x− y)〉, k ≥ max(1, 1/η),

est une suite de fonctions C∞ dans Ω′ qui converge au sens des distributions dansD′(Ω′,K) vers la restriction T|Ω′ de T a l’ouvert Ω′.

Demonstration. Pour k ≥ max(1, 1/η) et x ∈ Ω′, la fonction

y ∈ Rn 7→ ψ1/k(x− y) = ψ1/k(y − x)

est de support BRn(x, 1/k) ⊂ Ω et est C∞. C’est une fonction-test dans D(Ω,R)et l’action de T dessus, soit 〈Ty, ψ1/k(x − y)〉, est donc bien definie. Nous allonsmontrer par recurrence sur p que, pour tout k ≥ max(1, 1/η), la fonction

(2.14) x ∈ Ω′ 7→ 〈Ty, ψ1/k(x− y)〉

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26 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

est de classe Cp sur Ω′ et que, pour l1 + · · ·+ ln ≤ p, on a(2.15)

∀x ∈ Ω′,( n∏j=1

∂lj

∂xljj

) [〈Ty, ψ1/k(x− y)〉

](x) =

⟨Ty,( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ψ1/k(x− y)]

⟩.

Prouver ceci se ramene de fait (par induction en remplacant la fonction ϕ par unede ses derivees partielles a l’ordre p − 1) au cas p = 1, l1 = 1, l2 = · · · = ln = 0.On remarque que, si (ελ)λ∈N est une suite de nombres reels tendant vers 0 et six = (x1, x

′) est fixe dans Ω′, la suite de fonctions-test(y = (y1, y

′) 7→ψ1/k(x1 + ελ − y1, x

′ − y′)− ψ1/k(x− y)

ελ

)λ∈N

converge dans D(Ω,R) vers la fonction-test

y 7−→( ∂

∂x1

)[ψ1/k(x− y)].

Comme T est une distribution sur Ω, on a donc

limλ→+∞

〈Ty, ψ1/k(x1 + ελ − y1, x′ − y′)〉 − 〈Ty, ψ1/k(x− y)〉ελ

=

=⟨Ty,( ∂

∂x1

)[ψ1/k(x− y)]

⟩.

En repetant ce raisonnement inductivement, on voit que la fonction (2.14) est C∞

dans Ω′ et que ses derivees partielles se calculent en derivant sous le symbole deprise de Ty i.e comme (2.15). Il reste a prouver que, si ϕ ∈ D(Ω′,K), on a

(2.16) 〈Tx, ϕx〉 = limk→+∞

∫Ω′〈Ty, ψ1/k(x− y)〉ϕ(x) dx.

En approchant l’integrale de la fonction continue∫Ω′ϕ(x)ψ1/k(x− y) dx

par des sommes de Riemann, puis en utilisant la linearite et la continuite de T surD(Ω,K), on voit que⟨

Ty ,

∫Ω′ϕ(x)ψ1/k(x− y) dx

⟩=

∫Ω′〈Ty, ψ1/k(x− y)〉ϕ(x) dx.

Prouver (2.16) revient donc a prouver

〈Tx, ϕx〉 = limk→+∞

⟨Ty ,

∫Ω′ϕ(x)ψ1/k(x− y) dx

⟩= lim

k→+∞

⟨Ty ,

∫BRn (0,1/k)

ϕ(y − x)ψ1/k(x) dx⟩.(2.17)

Or (si ϕ est prolongee par 0 dans Rn \Ω′ en une fonction de D(Rn,K)), la fonction

y ∈ Rn 7→∫BRn (0,1/k)

ϕ(y − x)ψ1/k(x) dx

est une fonction-test dans Rn, a support compact dans⋃x∈SuppϕBRn(x, η) ⊂ Ω,

et l’on a (d’apres le theoreme usuel de differentiation des integrales dependant de

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2.2. LA REGULARISATION DES DISTRIBUTIONS 27

plusieurs parametres) que pour chaque p ∈ N, pour chaque multi-indice (l1, ..., ln)avec l1 + · · ·+ ln ≤ p,( n∏

l=1

∂lj

∂yljj

)[ ∫BRn (0,1/k)

ϕ(y − x)ψ1/k(x) dx](y) =

=

∫BRn (0,1/k)

( n∏l=1

∂lj

∂yljj

)[ϕ(y − x)]ψ1/k(x) dx.

D’autre part, pour tout compact K de Ω, on a

limk→+∞

supy∈K

∣∣∣( n∏l=1

∂lj

∂yljj

)[ϕ](y)−

∫BRn (0,1/k)

( n∏l=1

∂lj

∂yljj

)[ϕ(y − x)]ψ1/k(x) dx

∣∣∣= lim

k→+∞supy∈K

∣∣∣ ∫BRn (0,1/k)

( n∏l=1

∂lj

∂yljj

)[ϕ(y)− ϕ(y − x)

]ψ1/k(x) dx

∣∣∣≤ lim

k→+∞supy∈K

∫BRn (0,1/k)

∣∣∣( n∏l=1

∂lj

∂yljj

)[ϕ(y)− ϕ(y − x)

]∣∣∣ψ1/k(x) dx = 0

du fait de l’uniforme continuite de toutes les derivees partielles de ϕ sur le compactKη = x ∈ Rn ; d(x,K) ≤ η (voir le cours de MHT512, Section 4.7). La suite defonctions (

y ∈ Ω′ 7−→∫BRn (0,1/k)

ϕ(y − x)ψ1/k(x) dx)k≥max(1,1/η)

est donc une suite de D(Ω,K) convergent (au sens de la convergence des suites defonctions-test dans Ω) vers la fonction ϕ (consideree comme fonction-test dans Ω).Le fait que T soit une distribution dans Ω implique donc bien (2.17), donc (2.16).La proposition est demontree.

Exercice 2.10. Soit Ω un ouvert de R et T ∈ D(Ω,C). Soit K un compact deΩ et ρK ∈ D(Ω,R) une fonction plateau identiquement egale a 1 au voisinage deK. Soit k ∈ N∗. Montrer que la fonction

x ∈ R 7−→ k√2π

⟨Ty, ρK(y) exp

(− k2

2(x− y)2

)⟩est la restriction a R d’une fontion entiere Fk[T ;K] de la variable complexe z, avec

∀ z ∈ C, Fk[T ;K](z) =k√2π

exp(− k

2z2

2

) ∞∑l=0

k2l

l!

⟨Ty, ρK(y)yl exp

(− k

2y2

2

)⟩zl.

Montrer que

∀ϕ ∈ DK(Ω,C), 〈T, ϕ〉 = limk→+∞

∫K

ϕ(x)Fk[T ;K](x) dx

(on s’inspirera de la preuve de la Proposition 2.2). En deduire qu’il existe une suitede fonctions polynomiales (Pk[T ;K])k∈N∗ telle que

∀ϕ ∈ DK(Ω,C), 〈T, ϕ〉 = limk→+∞

∫K

ϕ(x)Pk[T ;K](x) dx.

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28 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

2.3. La multiplication des distributions par des fonctions C∞

Dans cette section, nous allons nous placer d’emblee dans le contexte geome-trique ou Ω est un ouvert d’une sous-variete differentiable X de dimension n de RN(le cas N = n et X = Rn etant bien sur un cas particulier majeur). Le corps desscalaires K est toujours R ou C.

Proposition 2.3. Soit 0 ≤ q ≤ n et T ∈ D′q(Ω,K) un q courant sur Ω. Si ωest une q′-forme differentielle C∞ sur Ω (avec q + q′ ≤ n), la forme lineaire

ϕ ∈ Dn−q−q′(Ω,K) 7−→ (−1)qq

′〈T, ω ∧ ϕ〉

est un (q + q′)-courant sur Ω (a valeurs dans K) note ω ∧ T . En particulier, si Test une distribution sur Ω et f une fonction C∞, la forme lineaire fT definie par

fT : ϕ ∈ D(Ω,K) 7−→ 〈T, fϕ〉est une distribution sur Ω.

Demonstration. La preuve est immediate et repose sur la regle de Leibnizqui permet d’affirmer que si K est un compact de Ω et p ∈ N,

max[NK,p(coeff.(ω ∧ ϕ))] ≤ C(ω) max[NK,p(coeff. (ϕ))] ∀ϕ ∈ Dn−q−q′(Ω,K)

(les formes differentielles en jeu etant exprimees en coordonnes locales dans lesouverts de carte).

Une consequence tres importante de cette proposition est de pouvoir ramenerl’etude globale d’une distribution ou d’un courant a une etude locale. Si en effet(Ωι)ι est un recouvrement de Ω et (ψk)k∈N un partitionnement de l’unite subor-donne a ce recouvrement (cf. le Lemme 1.5), on peut decomposer tout q-courant

T ∈ D′q(Ω,K) sous la forme

T =∑k∈N

ψk T,

au sens ou, pour tout K ⊂⊂ Ω, pour toute forme ϕ ∈ Dn−qK (Ω,K),

〈T, ϕ〉 =∑k∈N〈T, ψkϕ〉,

la somme ci-dessus etant finie puisque le compact K n’intersecte qu’au plus unnombre fini de supports des ψk, k ∈ N (on rappelle

∑k ψk ≡ 1, ce qui est ici

fondamental).

En particulier, si l’on utilise un recouvrement de l’ouvert Ω par des cartes locales(Uι, θι), ou Uι = θι(Bxι) ⊂ Ω ⊂ X ⊂ RN , Bxι etant une boule autour de l’originedans Rn et θι : (t1, ..., tn) 7−→ θι(t) ∈ RN , θι(0) = xι, un parametrage de X auvoisinage de xι, on peut regulariser le courant T en se contentant de regulariserchaque ψkT , ce que l’on peut faire en utilisant la Proposition 2.2 une fois quel’on s’est ramene, via le parametrage θι(k), au probleme de la regularisation d’unq-courant dans un ouvert de Rn (en l’occurence Bxι(k)). On peut alors enoncerle resultat suivant, completant ainsi la Proposition 2.2 en l’adaptant au contextegeometrique :

Proposition 2.4 (regularisation des courants). Soit Ω un ouvert d’une sous-

variete differentiable de dimension n de RN . Tout q-courant T ∈ D′q(Ω,K) s’ap-

proche dans D′q(Ω,K) (au sens du principe de convergence donne dans la Definition

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2.4. DIFFERENTIATION DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS 29

2.9) par une suite de q-courants (Tk)k, ou chaque chaque Tk est represente par uneq-forme differentielle C∞ ωk, i.e.

∀ϕ ∈ Dn−q(Ω,K), 〈Tk, ϕ〉 =

∫Xωk(x) ∧ ϕ(x),

l’integration sur X d’une n-forme differentielle θ(x) volX (x), ou θ est une fonctionC∞ sur X et volX la forme volume induite par la forme dx1 ∧ · · · ∧ dxN dans RN ,etant definie par ∫

Xθ(x) volX (x) :=

∫Xθ(x)dxX ,

ou dxX est la mesure de Lebesgue euclidienne sur X (voir l’annexe B1, DefinitionB.1.1 dans [Charp]).

Le fait de pouvoir definir la multiplication fT d’un q-courant par une fonction C∞

et de disposer de fonctions plateau (cf. le Corollaire 1.6) nous permet de reformulerla definition d’ordre d’un courant (ou d’une distribution).

Definition 2.11 (la notion d’ordre reformulee). L’ordre d’un q-courant T surΩ est la borne superieure de tous les ordres (finis) des q-courants ρT , ou ρ decritl’ensemble des fonctions-plateau ρ ∈ D(Ω, [0, 1]) subordonnees aux compacts Kinclus dans Ω.

Exercice 2.12. Soit f une fonction holomorphe non identiquement nulle dansun ouvert connexe Ω de C. Soit T ∈ D′(Ω,C) une distribution sur Ω, d’ordrestrictement inferieur au minimum des multiplicites des zeros de f dans Ω. Montrerque, si 〈T, ϕ〉 = 0 pour toute fonction-test ϕ telle que Suppϕ ∩ f = 0 = ∅, on af(z)T = 0.

2.4. Differentiation des distributions et des courants

La raison majeure pour laquelle le concept de fonction generalisee (ou de dis-tribution) a germe dans l’esprit des physiciens tels Heaviside ou Dirac tient au faitqu’il s’averait necessaire, tout au moins de maniere formelle, de deriver desphenomenes physiques qui echappaient a la modelisation en termes de fonction(comme la masse de Dirac δx0 de l’exemple 1.19) ou qui, meme s’il s’agissait defonctions, presentaient des irregularites manifestes (comme la fonction H d’Heavi-side, cf. exemple 1.18).

Le principe de differentiation des distributions (ou d’ailleurs, dans le contextegeometrique, des courants) repose sur la formule de Stokes, transcription dans lecadre geometrique du theoreme fondamental de l’analyse de la dimension 1 a ladimension n. Nous enoncons ici le cas particulier de cette formule qui pour nousjouera un role majeur.

Theoreme 2.13 (un cas particulier de la formule de Stokes). Soit Ω un ouvertd’une sous-variete differentiable de dimension n de RN et ϕ ∈ Dn−1(Ω,C). Alors∫

Ω

dϕ = 0.

En particulier, si ω est une q-forme differentielle (0 ≤ q ≤ n − 1) de classe C∞

dans Ω et ϕ ∈ Dn−q−1(Ω,C),

0 =

∫Ω

d[ω ∧ ϕ] =

∫Ω

dω ∧ ϕ+ (−1)q∫

Ω

ω ∧ dϕ,

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30 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

ou encore

(2.18)

∫Ω

dω ∧ ϕ = (−1)q+1

∫Ω

ω ∧ dϕ.

La formule (2.18) et le fait que tout q-courant s’approche par des q-courants reguliers(donc representables par des q-formes differentielles) nous aiguille naturellementvers la Proposition (et Definition) suivantes.

Proposition 2.5 (differentiation d’une distribution ou d’un courant). Soit Ωun ouvert d’une sous-variete differentiable de dimension n de RN , 0 ≤ q ≤ n − 1,et T ∈ D′q(Ω,K) (K = R ou C). La K-forme lineaire

dT : ϕ ∈ Dn−q−1(Ω,K) 7−→ (−1)q+1 〈T, dϕ〉est un (q+1)-courant sur Ω, a valeurs dans K. De plus, si (Tk)k converge vers T ausens du principe de convergence des suites de courants de la Definition 2.9, la suite(dTk)k converge vers dT suivant le meme principe, ce qui signifie que l’operateur

lineaire T 7−→ dT est continu de D′q(Ω,K) dans D′q+1(Ω,K), equipes des topologiesfaibles.

Remarque 2.14. Si T est le courant correspondant a la q-forme differentielleC∞ ω, le courant dT est, du fait de (2.18), le courant correspondant a la (q + 1)-forme differentielle dω.

Dans le cas particulier ou Ω est un ouvert de Rn et ou T ∈ D′(Ω,K), on notenaturellement le courant dT sous la forme

dT =

n∑j=1

∂T

∂xjdxj ,

ou les ∂T/∂xj , j = 1, ..., n, sont des distributions dans Ω. En testant ce courantcontre la (n− 1) forme ϕdx2 ∧ · · · ∧ dxn, ou ϕ ∈ D(Ω,K), on trouve

〈dT, ϕ dx2 ∧ · · · ∧ dxn〉 =⟨dx1

∂T

∂x1, ϕ dx2 ∧ · · · ∧ dxn

⟩=⟨ ∂T∂x1

, ϕ⟩

= −⟨T,

∂ ϕ

∂x1dx1 ∧ · · · ∧ dxn

⟩= −

⟨T,

∂ ϕ

∂x1

⟩.

Pour tout j = 1, ..., n, on voit ainsi que⟨ ∂T∂xj

, ϕ⟩

= −⟨T ,

∂ϕ

∂xj

⟩, ∀ϕ ∈ D(Ω,K).

Cela nous conduit a la definition suivante :

Definition 2.15 (derivees partielles d’une distribution dans un ouvert de Rn).Si T ∈ D′(Ω,K) est une distribution dans un ouvert Ω de Rn, les n derivees partiellesde T dans Ω sont les distributions sur Ω definies par

(2.19)⟨ ∂T∂xj

, ϕ⟩

= −⟨T ,

∂ϕ

∂xj

⟩, ∀ϕ ∈ D(Ω,K).

Exemple 2.16 (derivees de la masse de Dirac). Si x0 est un point de Rn etl = (l1, ..., ln) ∈ Nn un multi-indice, la distribution sur Rn( n∏

j=1

∂lj

∂xljj

)[δx0

]

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2.4. DIFFERENTIATION DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS 31

est la distribution

ϕ ∈ D(Rn,K) 7−→⟨( n∏

j=1

∂lj

∂xljj

)[δx0

] , ϕ⟩

= (−1)l1+···+ln( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](x0).

Exemple 2.17 (derivee de la fonction d’Heaviside). C’est l’exemple histo-rique , celui qui a motive l’introduction des fonctions generalisees. On a,

∀ϕ ∈ D(R,K),⟨dHdt

, ϕ⟩

= −〈H,ϕ′〉 = −∫

[0,∞[

ϕ′(t) dt

= −[ϕ(t)

]∞0

= ϕ(0) = 〈δ0, ϕ〉,

d’ou la formule importante

(2.20)dH

dt= δ0.

Exemple 2.18 (la formule de Cauchy-Pompeiu revisitee). Il resulte de la for-mule de Cauchy-Pompeiu (Proposition 1.2.1 du cours MHT734 [Charp]) que

∀ϕ ∈ D(R2,C), ϕ(0) = − 1

π

∫R2

∂ϕ

∂ζ(ξ, η)

dξdη

ξ + iη.

Cette formule peut etre relue dans le langage des distributions en la formule deCauchy en termes de distributions

(2.21)∂

∂z

[1

z

]= π δ0

(ici 1/z designe la distribution-fonction dans R2 ' C associee a la fonction locale-ment inegrable z = x+ iy 7→ 1/z).

Exemple 2.19 (la formule de la divergence revisitee). Soit U un ouvert bornede Rn, de frontiere C1 par morceaux. La formule de Stokes dans Rn assure que,si ϕ est une n − 1-forme differentielle de classe C1 a valeurs complexes dans unvoisinage de U , i.e

Φ :=

n∑j=1

(−1)j−1ϕj∧l 6=j

dxl, ϕj ∈ C1(U,C),

on a

(2.22)

∫U

dΦ =

∫∂U

Φ,

le bord ∂U etant oriente par le fait que la normale pointe vers l’exterieur 2 (regle du bonhomme d’Ampere ). Avec l’orientation choisie, on verifie en parametrant lebord au voisinage d’un point regulier courant 3 que∫

∂U

n∑j=1

(−1)j−1ϕj∧l 6=j

dxl =

∫∂U

〈~ϕ(y), ~next(y)〉 dσ∂U (y),

2. Un repere (ξ1, ..., ξn) sur l’espace tangent Ty(∂U) au point y est direct si et seulement si

(ξ1, ..., ξn, ~next(y)) est un repere direct de Rn, l’orientation sur Rn etant l’orientation canonique.3. Pour s’en convaincre, on pourra se ramener localement a un parametrage local de ∂U

au voisinage d’un point regulier y ∈ (∂U)reg sous forme de graphe : (t1, ..., tn−1) 7→ θ(t) =

(t1, ..., tn−1, θn(t1, ..., tn−1)).

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32 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

ou dσ∂U designe la mesure de Lebesgue eucldienne sur ∂U (notee aussi dx∂U (cf.Annexe B1, Definition B.1.1 dans [Charp]) et ~next(y) = (ν1(y), ..., νn(y)) est levecteur unitaire normal a ∂U en y et pointant vers l’exterieur de U . En calculant

dΦ =( n∑j=1

∂ϕj∂xj

)dx1 ∧ · · · ∧ dxn,

on voit que (2.22) se ramene a la formule de la divergence 4 :(2.23)∫U

( n∑j=1

∂ϕj∂xj

)dx =

∫∂U

〈~ϕ(y), ~next(y)〉 dσ∂U (y) =

∫∂U

( n∑j=1

ϕj(y)νj(y))dσ∂U (y).

Si l’on prend ϕj ∈ D(Rn,C) pour j fixe dans 1, ..., n et que l’on fixe les autres ϕl,l 6= j, identiquement nulles, on voit que cette formule (2.23) s’interprete en termesde distributions sur Rn comme la liste des formules

(2.24)∂

∂xj[χU ] = −νj σ∂U , j = 1, ..., n.

Exemple 2.20 (la premiere formule de Green revisitee). Si U est un ouvertborne de Rn et a frontiere de classe C1, il resulte de la premiere formule de Green(cf. la Proposition III.1.1 du cours MHT734 5) que

∀ϕ ∈ D(Rn,C),

∫U

∆[ϕ](x) dx =

∫∂U

∂~next[ϕ] dσ∂U ,

ou dσ∂U designe la mesure de Lebesgue euclidienne sur le bord de U (sous-varietedifferentiable de dimension n− 1 de Rn). Cette formule se re-interprete au sens desdistributions en la formule

(2.25) ∆[χU ] = − ∂

∂~next[σ∂U ].

Au travers de cette formule, on comprend par exemple pourquoi, en dimension 2,calculer le laplacien d’une image discrete aide a mettre en evidence les lignes decontour, par exemple le bord des objets, figurant sur cette image.

Exemple 2.21 (la seconde formule de Green et le laplacien). Dans le coursde MHT734 (section III.2 de ce cours, voir en particulier le Lemme utilise dansla preuve du Theoreme III.2.1, [Charp]), ont ete etablies (a partir de la secondeformule de Green) les formules

∀ϕ ∈ D(R2,C),

∫R2

log ‖x‖∆[ϕ](x) dx = 2πϕ(0)

(en dimension 2) et, si n > 2 et ωn designe la surface euclidienne de la sphere uniteSn−1,

∀ϕ ∈ D(Rn,C),

∫Rn

∆[ϕ](x)

‖x‖n−2dx = n(2− n)ωn ϕ(0) =

n(2− n)Γ(n/2)

πn/2ϕ(0).

4. Voir aussi la section III.1 dans [Charp].5. Il suffit d’appliquer la formule de la divergence (2.23) lorsque (ϕ1, ..., ϕn) = ∇[ϕ], ∇

designant la prise de gradient.

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2.4. DIFFERENTIATION DES DISTRIBUTIONS ET DES COURANTS 33

Ces deux formules se lisent en termes de distributions respectivement

∆[

log√x2 + y2

]= 2πδ0 dans D′(R2,C)

∆[ 1

‖x‖n−2

]=

n(2− n)Γ(n/2)

πn/2δ0 dans D′(Rn,C).(2.26)

Exercice 2.22. Montrer, dans D′(R,R), les formules

d log |x|dx

= VP [1/x] &d

dx[VP[1/x]] = −PF[1/x2].

Exprimer la derivee dp

dxp [log |x|], p ∈ N∗ en termes des distributions Valeur Princi-pale ou Partie Finie de Hadamard introduites dans la sous-section 1.4.3.

Exercice 2.23. Soit N ∈ N et T ∈ D′(C,C) la distribution VP[1/zN ] intro-duite dans la sous-section 1.4.4. Verifier la formule

∂T

∂z=π(−1)N−1

(N − 1)!

∂N

∂zN−1[δ(0,0)].

Exercice 2.24 (formule de Lelong-Poincare). Montrer que, si f est une fonc-tion meromorphe non identiquement nulle dans un ouvert connexe de C, on a, entermes de 2-courants dans C, la formule de Lelong-Poincare :

∂∂[

log |f |2]

= π( ∑α zero de f

mult. (α) δα −∑

β pole de f

ordre(β) δβ

)dx ∧ dy

Exercice 2.25 (distributions de support l’origine). Soit T ∈ D′(Rn,K) unedistribution telle que 〈T , ϕ〉 = 0 si 0 /∈ Suppϕ. Montrer que T est d’ordre fini m etque si P est une fonction monomiale de degre au moins egal a m+1, la distributionP · T est la distribution nulle. En deduire que T s’exprime sous la forme

T =∑

l1+···+ln≤m

αl

( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[δ0]

ou les αl sont des scalaires du corps K.

Exercice 2.26. Soit T ∈ D′(R2,C) telle que zm+1 T = 0 pour m ∈ N. Montrer(en utilisant le resultat etabli a l’exercice 2.25) qu’il existe M ∈ N et des coefficientscomplexes αl1,l2 , 0 ≤ l1 ≤ m, 0 ≤ l2 ≤M , tels que la distribution T s’exprime

T =

m∑l1=0

M∑l2=0

αl1,l2∂l1+l2

∂zl1∂zl2[δ(0,0)].

Exercice 2.27 (distributions homogenes). Soit κ ∈ R. Une distribution T ∈D′(Rn,K) est dite homogene de degre κ si elle verifie dans D′(Rn,K) l’identited’Euler

(2.27)

n∑j=1

xj∂T

∂xj= κT.

Montrer que δ0 est homogene en precisant son degre d’homogeneite. Si n = 1,montrer que VP[1/x] est homogene de degre −1 et (en utilisant le resultat del’exercice 2.25) determiner toutes les distributions homogenes de degre −1 sur R.Montrer que, si T est une distribution sur Rn telle que

(2.28) ∀ϕ ∈ D(Rn,K), ∀λ > 0, Fϕ(λ) :=⟨T, x 7→ ϕ(λx)

⟩= 〈T, ϕ〉

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34 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

(on dit que T est invariante par homothetie), alors T est homogene de degre −n(on differenciera par rapport a λ les fonctions Fϕ). Montrer, reciproquement, quetoute distribution homogene de degre −n sur Rn est invariante par homothetie.

2.5. La formule des sauts

2.5.1. Le cas de la dimension 1.

Definition 2.28 (sauts de discontinuite jusqu’a un ordre prescrit). Soit m ∈ N.Une fonction (a valeurs reelles ou complexes) de classe Cm+1 dans un voisinageepointe Ω =] − ε, ε[\0 de l’origine est dite presenter des sauts de discontinuitejusqu’a l’ordre m ∈ N a l’origine si et seulement si

— pour tout l = 0, ...,m, les limites

limx→0−

dkf

dxk(x) =

dkf

dxk(0−) & lim

x→0+

dkf

dxk(x) =

dkf

dxk(0+)

existent dans C ;— dm+1f/dxm+1 represente un element de L1

loc(]− ε, ε[,B(]− ε, ε[, dx).On appelle alors saut de discontinuite de f en 0 a l’ordre l, l = 0, ...,m, le nombrecomplexe

σl[f ; 0] =dkf

dxk(0+)− dkf

dxk(0−).

La formule des sauts relie ces sauts de discontinuite, les derivees successives dela distribution-fonction f ∈ D′(] − ε, ε[,C) et les distributions-fonction [dlf/dxl],l = 0, ...,m + 1, correspondant aux derives dlf/dxl, l = 0, ...,m + 1, considereescomme des repesentants d’elements de L1

loc(]− ε, ε[,B(]− ε, ε[, dx).

Proposition 2.6 (formule des sauts en dimension 1). Soit m ∈ N et f unefonction a valeurs complexes de classe Cm+1 dans un voisinage epointe ]− ε, ε[\0de l’origine et presentant des sauts de discontinuite jusqu’a l’ordre m en 0. Pourtout l = 1, ...,m+ 1, on a

(2.29)dl

dxl[f ] =

[dlfdxl

]+

l−1∑λ=0

σλ[f, 0]dl−1−λ

dxl−1−λ [δ0].

Demonstration. On voit immediatement que prouver les relations (2.29) re-vient a prouver la relation au premier cran (l = 1) ; il suffit ensuite d’iterer ceresultat en remplacant f par ses derivees successives. On a, si ϕ ∈ D(]− ε, ε[,C),

(2.30)⟨ d

dx[f ], ϕ

⟩= −

∫f(x)ϕ′(x) dx = − lim

ε→0+

∫|x|>ε

f(x)ϕ′(x) dx

par le theoreme de convergence dominee (f est localement integrable sur ] − ε, ε[puisque les limites a gauche et a droite en 0 existent et que f est au moins C1 dans]− ε, ε[\0). Or, par integration par parties,∫

x<−εf(x)ϕ′(x) dx = f(−ε)ϕ(−ε)−

∫x<−ε

f ′(x)ϕ(x) dx∫x>ε

f(x)ϕ′(x) dx = −f(ε)ϕ(ε)−∫x>ε

f ′(x)ϕ(x) dx.

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2.5. LA FORMULE DES SAUTS 35

En reportant dans (2.30), puis en faisant tendre ε vers 0, il vient⟨ d

dx[f ], ϕ

⟩= σ0[f ; 0]ϕ(0) + lim

ε→0+

∫|x|>ε

f ′(x)ϕ(x) dx

= σ0[f ; 0]ϕ(0) +⟨[ dfdx

], ϕ⟩

(comme df/dx est localement integrable sur ] − ε, ε[, on peut encore appliquer letheoreme de convergence dominee de Lebesgue). C’est la formule demandee.

Remarque 2.29. Si la fonction f est de classe C1 sur un intervalle ouvert Ide R prive d’un ensemble de points isoles Sing(f) en lesquels elle admet un sautde discontinuite a l’ordre 0, on a, au sens des distributions, la formule des sautsglobale

(2.31)d

dx[f ] =

[ dfdx

]+

∑α∈Sing (f)

σ0[f ;α] δα.

2.5.2. La brique de base du calcul symbolique. Une famille de distri-butions sur R jouant un role important dans les sciences de l’ingenieur (en rela-tion avec la transformee de Laplace 6, on le verra ulterieurement) est la famille dedistributions-fonction Lp0,α, p0, α ∈ C, Reα > 0, ou

(2.32) Lp0,α(t) =1

Γ(α)ep0t tα−1H(t), t ∈ R∗.

Comme Reα > 0, cette fonction (prolongee par 0 en 0) est bien localement integrablesur R et definit donc une distribution-fonction que nous noterons aussi Lp0,α.Comme la variable reelle sous-jacente ici est le temps, il est naturel de la notert plutot que x. Notons que la restriction de toutes ces distributions a ]−∞, 0[ estla distribution nulle sur cet intervalle. La proposition suivante est une applicationimmediate de la formule des sauts (2.29).

Proposition 2.7 (la brique de base du calcul symbolique). Si α = k ∈ N∗(alors Γ(α) = (k − 1)!), on a, pour tout p0 ∈ C,

(2.33)( ddt− p0 Id

)k[Lp0,k] = δ0 dans D′(R,C).

Demonstration. Si nous notons pour simplifier D = d/dt, la formule dessauts ((2.29), l = 1) donne

D[Lp0,1] = p0ep0tH + δ0 ⇐⇒ (D − p0Id) [Lp0,1] = 0.

En reappliquant (2.29) (l = 1 et l = 2) a Lp0,2 : t 7→ tep0tH(t), on obtient

D[Lp0,2] = p0Lp0,2 + Lp0,1 & D2[Lp0,2] = 2p0Lp0,1 + p20Lp0,2 + δ0,

soit, par combinaison lineaire,

(D − p0Id)2[Lp0,2] = 0.

On continue ainsi de proche en proche, en exploitant le fait que pour k ≥ 2,

(D − p0Id)[Lp0,k] = [L′p0,k]− p0Lp0,k−1 = Lp0,k−1.

6. C’est la brique de base de ce que l’on appelera le calcul symbolique , on y reviendra .

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36 2. SUITES DE DISTRIBUTIONS, REGULARISATION, DIFFERENTIATION

2.5.3. La formule des sauts dans l’espace. Nous allons etendre au cadrede l’espace la formule des sauts (2.29) au moins au cran l = 1.

Proposition 2.8 (formule des sauts dans l’espace). Soit U ⊂ Ω deux ouvertsde Rn tels que U ⊂ Ω et que la frontiere de U soit une sous-variete differentiablede dimension n − 1 de Ω. Soit f : Ω \ ∂U → C une fonction de classe C1 dontles restrictions f|U et fΩ\U se prolongent en des fonctions continues au voisinage

de ∂U (on note fint et fext ces prolongements). On suppose aussi que toutes lesderivees partielles ∂f/∂xj : Ω \ ∂U → C definissent des fonctions localementintegrables dans Ω. On a, pour tout j = 1, ..., n, les formules suivantes (au sens desdistributions dans D′(Ω,C)) :

(2.34)∂

∂xj[f ] =

[ ∂f∂xj

]+ (fext − fint) νj dσ∂U ,

ou ~next(y) = (ν1(y), ..., νn(y)), y ∈ ∂U , designe le vecteur normal unitaire a ∂U eny pointant vers l’exterieur de U .

Demonstration. Le resultat est local et nous pouvons remplacer Ω par unvoisinage relativement compact dans Ω d’un point y0 de ∂U (dans Ω \ ∂U , lesformules (2.34) sont immediates). Nous supposerons dans un premier temps que lesrestrictions de f a U et Ω \ U se prolongent de maniere C1 (et non plus seulementcontinuement) a un voisinage de ∂U . La preuve des relations (2.34) repose alorssur la formule de la divergence (2.23) rappelee (et transcrite dans le langage desdistributions) dans l’exemple 2.19. Grace a cette formule, on obtient (en raisonnanta l’interieur de U , puis a l’exterieur, avec la fonction fϕ), pour toute fonction-testϕ ∈ D(Ω,C),

−∫U

f(x)∂ϕ

∂xj(x) dx =

∫U

∂f

∂xj(x)ϕ(x) dx−

∫∂U

fint(y)ϕ(y)νj(y) dσ∂U (y)

−∫

Ω\Uf(x)

∂ϕ

∂xj(x) dx =

∫Ω\U

∂f

∂xj(x)ϕ(x) dx+

∫∂U

fext(y)ϕ(y)νj(y) dσ∂U (y) .

(2.35)

En ajoutant les deux identites (2.35), on obtient bien la formule (2.34) voulue.

Si l’on fait simplement l’hypothese que les restrictions de f a U et Ω\U se prolongentcontinuement (et non plus C1) a un voisinage de ∂U , la premiere des identites (2.34)

reste valable lorsque U est remplace par un ouvert retracte (sur lui-meme) U .

En prenant une suite de tels retractes Uk tels que la suite (χUk)k tende vers χU etla suite (σ∂Uk)k vers σ∂U au sens des mesures 7 (ce qu’il est possible de faire), onvoit que cette formule reste valable pour U (par passage a la limite en k). On faitla meme chose pour la seconde formule en retractant cette fois Ω \U sur lui-meme,puis en l’approchant avec une suite de tels retractes. Les formules (2.35) restentdonc valables lorsque les restrictions de f a U et Ω \U se prolongent continuementa un voisinage de ∂U et la proposition 2.8 est aussi demontree dans ce cas.

Remarque 2.30. Le cas particulier ou Ω = Rn+1x1,...,xn,t et U est le demi-espace

(x, t) ; t > 0 est particulierement important pour les applications lorsque l’ontravaille en espace-temps.

7. Une suite (µk)k de mesures de Radon sur Ω converge vers une mesure µ si la suite (〈µk, ϕ〉)kconverge vers 〈µ, ϕ〉 pour tout ϕ ∈ K(Ω,C).

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CHAPITRE 3

Support et convolution

3.1. Support et support singulier d’une distribution ou d’un courant

Aux fins de localiser les distributions ou tout au moins leur regularite, on intro-duit les notions de support et de support singulier. La definition de ces deux notionsrepose sur la proposition suivante, consequence du lemme de partition de l’unite1.5.

Proposition 3.1. Soit Ω un ouvert d’une sous-variete differentiable de dimen-sion n de RN , K = R ou C. Soit T ∈ D′(Ω,K) une distribution dans Ω, a valeurs

dans K (resp. T ∈ D′q(Ω,K) un q-courant dans Ω a valeurs dans K, 0 ≤ q ≤ n).— L’union de tous les sous-ensembles ouverts Ωι ⊂ Ω tels que la restriction

T|Ωι soit la distribution nulle (resp. le q-courant nul) dans Ωι est encore unouvert Ω′T ⊂ Ω tel que T|Ω′ ≡ 0. L’ouvert Ω′T est le plus grand ouvert de Ωayant cette propriete.

— L’union de tous les sous-ensembles ouverts Ωι ⊂ Ω tels que la restriction

T|Ωι coincide en tant que distribution (resp. en tant que q-courant) dans Ωιavec la distribution-fonction fι, ou fι ∈ C∞(Ω,K) (resp. avec le q-courant-forme differentielle associe a la q-forme differentielle C∞ ωι), est un ouvertΩ′′T ⊂ Ω tel que la restriction T|Ω′′ coincide en tant que distribution (resp. entant que q-courant) avec la distribution-fonction f , ou f ∈ C∞(Ω,K) (resp.avec le q-courant-forme differentielle ω, ou ω est une q-forme differentielleC∞ dans Ω). L’ouvert Ω′′T est le plus grand ouvert de Ω ayant cette propriete.

Demonstration. La preuve dans la cadre geometrique de la theorie des cou-rants englobe celle dans le cadre distributions ; on donne donc la preuve dans lecadre plus general ou T ∈ D′q(Ω,K). On introduit (cf. Lemme 1.5) une partitionde l’unite (ψk)k∈N subordonnee au recouvrement de Ω′T par les Ωι (resp. de Ω′′Tpar les Ωι). Dans le premier cas, on voit que, pour toute (n − q)-forme-test dansD(Ω′T ,K),

〈T, ϕ〉 =∑k∈N

Suppψk ∩ Suppϕ6=∅

〈T, ψkϕ〉 = 0

car Supp (ψkϕ) ⊂ Ωι(k) et que T|Ωι(k) = 0. Dans le second cas, on constate que,

pour toute (n− q)-forme-test dans D(Ω′′T ,K),

〈T, ϕ〉 =∑k∈N

Suppψk ∩ Suppϕ6=∅

〈T, ψkϕ〉 =∑k∈N

Suppψk ∩ Suppϕ6=∅

∫Ωι(k)

ωι(k) ∧ ψk ϕ

=

∫Ω′′T

( ∑k∈N

Suppψk ∩ Suppϕ6=∅

ψkωι(k)

)∧ ϕ =

∫Ω′′T

(∑k∈N

ψkωι(k)

)∧ ϕ.

(3.1)

37

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38 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

On definit bien une q-forme C∞ dans Ω′′T en posant

ω =∑k∈N

ψk ωι(k),

et le q-courant T coincide dans Ω′′T (d’apres (3.1)) avec le q-courant forme differen-tielle correspondant a cette q-forme C∞ ω.

Cette proposition nous conduit naturellement aux definitions suivantes.

Definition 3.1. Soit Ω un ouvert d’une sous-variete differentiable de dimen-sion n de RN , K = R ou C. Soit T ∈ D′(Ω,K) une distribution dans Ω, a valeurs

dans K (resp. T ∈ D′q(Ω,K) un q-courant dans Ω a valeurs dans K, 0 ≤ q ≤ n).Soient Ω′T ⊂ Ω′′T les deux ouverts definis dans la Proposition 3.1.

— Le support de Ω est le sous-ensemble ferme de Ω defini comme

SuppT = Ω \ Ω′T .

Le support de T est donc le plus petit ferme de Ω dans lequel vit ladistribution ou le courant T .

— Le support singulier de Ω est le sous-ensemble ferme de Ω defini comme

SS (T ) = Ω \ Ω′′T .

Le support singulier de T est donc le plus petit ferme de Ω dans lequel vivent toutes les irregularites de la distribution ou du courant T .

Remarque 3.2. Le support singulier d’une distribution ou d’un courant esttoujours inclus dans le support de cette distribution ou ce courant.

Exemple 3.3. Si T est une distribution-fonction f , f ∈ L1loc(Ω,B(Ω), dx), le

support de T = f est le complementaire du plus grand ouvert de Ω sur lequel fadmet un un representant identiquement nul dx-presque partout. Ceci vaut aussisi T est un q-courant sur Ω ⊂ X ⊂ RN , representable par une classe ω de q-formedifferentielle dont les coefficients (exprimes dans les cartes locales sur X dans Ω)sont des elements de L1

loc(Ω,B(Ω), dx) : le support de T est le complementairedu plus grand ouvert de Ω sur lequel ω admet un representant dont les coefficients(exprimes dans les cartes locales sur X dans Ω) sont identiquement nuls dxX presque

partout. Lorsque f ou ω ont des representants continus, la definition du supportde f ou ω (penses comme distribution ou courant) est donc coherente avec celle dusupport des memes objets, penses cette fois comme fonction ou forme differentielle.

Exemple 3.4. Le support (comme le support singulier) de la masse de Diracδx0

en un point x0 ∈ Ω est x0. Le support (comme le support singulier) de ladistribution δΛ ∈ D(Rn,K) associee a un reseau Λ ⊂ Rn (i.e. un sous-groupe librede rang n de Rn) :

δΛ : ϕ ∈ D(Rn,K) 7−→∑λ∈Λ

ϕ(λ)

(dite peigne de Dirac associe au reseau Λ) est exactement le reseau Λ.

Exemple 3.5. Le support de la distribution VP[1/x] ∈ D′(R,R) (voir (1.15))est egal a R, tandis que son support singulier est egal a 0. Support et supportsingulier sont ici deux fermes bien differents. Il en est de meme pour la distributionVP(1/f) ∈ D′(Ω,C), ou f est une fonction holomorphe dans un ouvert connexe deC ' R2 (en particulier Ω = C et f(z) = z) : le support de cette distribution est

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3.2. DISTRIBUTIONS (COURANTS) A SUPPORT COMPACT, DISTRIBUTIONS CAUSALES39

egal a Ω tout entier, tandis que le support singulier est α ∈ Ω ; f(α) = 0. Lesdistributions-fonction

log√x2 + y2

2π∈ D′(R2,R) &

‖x‖2−n πn/2

n(2− n)Γ(n/2)∈ D′(Rn,R)

introduites en (2.26) dans l’Exemple 2.21 sont aussi de support R2 ou Rn et desupport singulier l’origine (dans R2 ou Rn).

On verra plus loin que l’operation de multiplication (ou resp. multiplication exte-rieure des distributions (resp. des courants) est une operation posant en generalde tres gros problemes la rendant souvent en pratique impossible (au moins dansl’absolu). Il est cependant un cas particulier bien utile ou cette operation prend sonsens.

Proposition 3.2. Soit Ω un ouvert d’une sous-variete differentiable X de di-mension n de RN , K = R ou C. Soient T1 et T2 respectivement un q1-courant etun q2-courant sur Ω (a valeurs dans K), tels que 0 ≤ q1 + q2 ≤ n. Si la conditionSS (T1) ∩ SS (T2) = ∅ est remplie, la definition du (q1 + q2)-courant T1 ∧ T2 (noteT1×T2 ou T1 ·T2 si q1 = q2 = 0, i.e. si les courants T1 et T2 sont des distributions)est licite.

Demonstration. Soit (ψk)k∈N une partition de l’unite subbordonnee au re-couvrement de Ω par les deux ouverts Ω1 := Ω \ SS (T1) et Ω2 := Ω \ SS (T2) (cf. leLemme 1.5). On pose

(3.2) Ψj :=∑

k∈N ; ι(k)=j

ψk j = 1, 2.

On note ωj la qj-forme differentielle C∞ sur Ωj (a valeurs dans K), telle que(Tj)|Ωj = ωj (cette forme existe bien du fait de la Proposition 3.1, item 2). On definit

un (q1 + q2)-courant T1 ∧ T2 en posant, pour toute forme-test ϕ ∈ Dn−q1−q2(Ω,K),

〈T1 ∧ T2, ϕ〉 = 〈T1 ∧ T2,Ψ1ϕ+ Ψ2ϕ〉= (−1)q1q2〈T2 , ω1 ∧Ψ1ϕ〉+ 〈T1 , ω2 ∧Ψ2ϕ〉.

La construction de ce courant est robuste , i.e. ne depend pas de la partition(ψk)k∈N subordonnee au recouvrement Ω = Ω1 ∪ Ω2 utilisee.

Remarque 3.6. Dans le cas ou T1 et T2 sont des distributions, f1 et f2

designant les fonctions C∞ correspondant aux restrictions de T1 et T2 respecti-vement aux ouverts Ω1 = Ω \ SS (T1) et Ω2 = Ω \ SS (T2), la distribution T1 · T2 estdefinie (lorsque la condition SS (T1) ∩ SS (T2) = ∅ est satisfaite) par

(3.3) 〈T1 · T2 , ϕ〉 = 〈T2 , f1Ψ1ϕ〉+ 〈T1 , f2Ψ2ϕ〉,

ou les fonctions C∞ Ψj , j = 1, 2, ont ete definies en (3.2).

3.2. Distributions (courants) a support compact, distributions causales

3.2.1. Distributions ou courants a support compact. Une classe impor-tante de distributions ou de courants sera appelee a jouer ulterieurement un roleimportant.

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40 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

Definition 3.7 (distributions ou courants a support compact). Soit Ω un ou-vert de Rn (resp. un ouvert d’une sous-variete differentiable X de RN de dimension

n). Une distribution T ∈ D′(Ω,K) (resp. un q-courant T ∈ D′q(Ω,K)), ou K = Rou C, est dite a support compact (resp. est dit a support compact) si K = SuppTest un sous-ensemble compact (i.e ferme borne de Rn, resp. ferme borne de RN )inclus dans Ω.

Remarque 3.8. Si T est un q-courant sur Ω ⊂ X ⊂ RN a support compact etsi ρ ∈ D(X , [0, 1]), avec Supp ρ ⊂ Ω, est une fonction-plateau (cf. le Corollaire 1.6),on a

∀ϕ ∈ Dn−q(Ω,K), 〈T , ϕ〉 = 〈T , ρϕ〉car la (n−q)-forme (1−ρ)ϕ est identiquement nulle au voisinage de K = SuppT . Lecourant T coincide donc avec ρT et se prolonge ainsi naturellement a un q-courant

T ∈ D′q(X ,K),

T : ϕ ∈ Dn−q(X ,K) 7−→ 〈T , ρϕ〉,ce prolongement etant independant du choix de la fonction-plateau ρ. On pourradonc ensuite toujours envisager les distributions (resp. courants) a support compactdans un ouvert Ω de Rn (resp. d’une sous-variete differentiable X de dimension nde RN ) comme definis sur Rn tout entier (resp. sur la sous-variete X ⊂ Rn touteentiere).

Le critere quantitatif suivant (herite de la Proposition 1.2) permet de caracterisercette classe de distributions ou de courants. Nous donnons ici ce critere dans saformulation la plus large, c’est-a-dire geometrique, englobant ainsi le cadre desdistributions et celui des courants.

Proposition 3.3 (caracterisation des distributions ou courants a support com-pact). Soit X une sous-variete differentiable de dimension n de RN et K un com-

pact de X , i.e. un compact de RN inclus dans X . Un q-courant T ∈ D′q(X ,K)(0 ≤ q ≤ n, K = R ou C) est a support compact, de support inclus dans K, si etseulement si il est d’ordre fini ordre(T ) et si, pour tout η > 0, il existe une constanteCη > 0 telle que, si Kη := x ∈ X ; distRN (x,K) ≤ η, on ait

(3.4) ∀ϕ ∈ D(X ,K), |〈T, ϕ〉| ≤ Cη NKη, ordre(T )(ϕ).

Il faut ici entendre que NKη, ordre(T )(ϕ) est calcule en utilisant un recouvrement deKη par des ouverts de carte Uι et le recours au parametrages locaux θxι : Bxι → Uι ;la constante Cη est ici tributaire du choix du recouvrement.

Demonstration. Soit T un q-courant sur X , de support compact K ⊂⊂ X .D’apres la definition 2.11 et le fait que T = ρT des que ρ est une fonction plateaude support dans X identiquement egale a 1 au voisinage de K = SuppT (cf. laRemarque 3.8), T est d’ordre fini, l’ordre de T etant celui de ρT quelque soitla fonction plateau ρ choisie, pourvue qu’elle vaille identiquement 1 au voisinagede K. On note cet ordre ordre (T ). Soit η > 0 et ρη ∈ D(X , [0, 1]) une fonctionplateau identiquement egale a 1 au voisinage de K et de support inclus dans l’ouvert⋃x∈K(X ∩BRN (x, η)). D’apres la Remarque 3.8, le critere de la Proposition 1.2 et

la regle de Leibniz , on a

∀ϕ ∈ Dn−q(X ,K), |〈T, ϕ〉| = |〈T, ρη ϕ〉| ≤ C(Kη)NKη, p(Kη)(ρηϕ)

≤ Cη NKη, ordre(T )(ϕ),

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3.2. DISTRIBUTIONS (COURANTS) A SUPPORT COMPACT, DISTRIBUTIONS CAUSALES41

ce qui donne bien (3.4). Reciproquement, si T est d’ordre fini et verifie les estima-tions (3.4), on voit que la restriction de T a tout ouvert X \Kη, pour tout η > 0, estidentiquement nulle. La restriction de T au complementaire de K est identiquementnulle, ce qui prouve que T est de support compact, inclus dans K.

3.2.2. Distributions et courants a support ponctuel. Le cas particulierou K = x0 est a etudier a part. Son etude repose sur la proposition suivante.

Proposition 3.4 (distributions a support l’origine dans Rn). Soit K = R ou Cet T ∈ D′(Rn,K) une distribution dans Rn, a valeurs dans K, de support l’origine0 = (0, ..., 0) et d’ordre M . Il existe une collection de scalaires al[T ] ∈ K,l = (l1, ..., ln) avec l1 + · · ·+ ln ≤M tels que

(3.5) ∀ϕ ∈ D(Rn,K) , 〈T, ϕ〉 =∑l∈Nn

l1+···+ln≤M

al[T ]( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](0).

Demonstration. On remarque dans un premier temps que si ϕ ∈ D(Rn,K)est telle que ϕ(x) = o(‖x‖M ) au voisinage de l’origine, alors 〈T, ϕ〉 = 0. Il suffit,pour voir cela, de considerer une fonction plateau ρ ∈ D(Rn, [0, 1]) identiquementegale a 1 au voisinage de l’origine (de support par exemple dans B(0, 1)) et deremarquer que, pour tout ε > 0,(3.6)|〈T, ϕ〉| = |〈T, ρ(·/ε)ϕ〉| ≤ C N

BRn (0,1),M(ϕρ(·/ε)) = C N

BRn (0,ε),M(ϕρ(·/ε))

d’apres (3.4) (Proposition 3.3). Il resulte du fait qe ϕ(x) = o(‖x‖M ) et de la reglede Leibniz que

limε→0

NBRn (0,ε),M

(ϕρ(·/ε)) = 0,

et l’on en deduit donc, en faisant tendre ε vers 0 dans (3.6), qu’alors 〈T, ϕ〉 = 0 siϕ(x) = o(‖x‖M ) au voisinage de l’origine.

Soit maintenant une fonction-test quelconque ϕ ∈ D(Rn,K). D’apres la formule de

Taylor avec reste integral l’ordre M , on a

ϕ(x) =∑l∈Nn

l1+···+ln≤M

1

l1! · · · ln!

( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](0)xl11 · · ·xlnn

+1

M !

∫ 1

0

(1− τ)MDM+1τx [ϕ](x, ..., x) dτ

ou DM+1τx [ϕ] designe (M+1)-differentielle de ϕ au point τx, i.e. l’application (M+1)-

lineaire symetrique sur (Rn)M+1 agissant sur (x, ..., x) (M + 1-fois)

DM+1τx [ϕ](x, ..., x) =

( n∑j=1

xj∂

∂xj

)M+1

[ϕ](τx).

Compte-tenu de ce que∣∣∣ 1

M !

∫ 1

0

(1− τ)MDM+1τx [ϕ](x, ..., x) dτ

∣∣∣ = o(‖x‖M )

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42 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

au voisinage de l’origine, on a

〈T, ϕ〉 = 〈T, ρϕ〉

=⟨T , ρ

( ∑l∈Nn

l1+···+ln≤M

1

l1! · · · ln!

( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](0)xl11 · · ·xlnn

)⟩

=∑l∈Nn

l1+···+ln≤M

⟨T , ρ(x)xl11 · · ·xlnn

⟩l1! · · · ln!

( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](0).

On obtient bien ainsi la formule de representation (3.5) voulue.

Ce resultat se transpose immediatement au cadre geometrique. Si X est une sous-variete differentiable de dimension n de RN et si T est un q-courant sur X d’ordreM et de support x0, avec x0 ∈ X , l’action de T sur une (n−q)- forme differentielletest ϕ s’exprimant en coordonnees locales autour de x0 (via θx0 : t ∈ Bx0 7→ θx0(t)avec θx0

(0) = x0) comme

ϕ(t) =∑

1≤i1<···<in−q≤n

ϕI(t) dti1 ∧ · · · ∧ dtin−q

se decrit sous la forme⟨T ,

∑1≤i1<···<in−q≤n

ϕI(t) dti1 ∧ · · · ∧ dtin−q⟩

=∑

1≤i1<···<in−q≤n

∑l∈Nn

l1+···+ln≤M

aI,l[T ]( n∏j=1

∂lj

∂tljj

)[ϕI ] (0),

(3.7)

ou les aI,l[T ], I = i1, ..., in−q avec 1 ≤ i1 < · · · < in−q ≤ n, l = (l1, ..., ln)avec l1 + · · · + ln ≤ M , sont des scalaires du corps de base K independants de la(n− q)-forme test ϕ.

3.2.3. Distributions causales sur R. Sur la droite reelle, ou frequemmentdans les applications pratiques le parametre t figure le parametre temporel, uneclasse de distributions sera appelee a jouer aussi un role important dans les appli-cations pratiques.

Definition 3.9 (distribution causale). Une distribution T ∈ D′(R,K) est ditecausale si et seulement si SuppT ⊂ [0,∞[.

Exemple 3.10. Les distributions-fonction Lp0,α, p0, α ∈ C, Reα > 0 intro-duites dans la Section 2.5.2 (voir (2.32)) sont des exemples typiques de distributions

causales. Il en est de meme des distributions t−β+ , β ≥ 1, introduites dans la Section1.4.3.

3.3. Produit tensoriel de distributions ou de courants

Nous nous placons dans un premier temps dans le contexte des distributions sur lesouverts de Rn. Nous elargirons plus loin ce contexte au cadre geometrique.

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3.3. PRODUIT TENSORIEL DE DISTRIBUTIONS OU DE COURANTS 43

Soient Ω1 ⊂ Rn1 et Ω2 ⊂ Rn2 deux ouverts. Alors Ω = Ω1 × Ω2 est un ouvert deRn1+n2 . Si K = R ou C, un K-sous-espace particulier du K-espace vectoriel D(Ω,K)est le sous-espace engendre par les fonctions du type

Φ = ϕ⊗ ψ : (x, y) ∈ Ω1 × Ω2 7−→ ϕ(x)ψ(y) , ϕ ∈ D(Ω1,K) , ψ ∈ D(Ω2,K).

On note ce K-sous-espace D(Ω1,K)⊗D(Ω2,K).

Proposition 3.5 (definition du produit tensoriel de deux distributions). SoientK, Ω1 ⊂ Rn1 , Ω2 ⊂ Rn2 comme precedemment. Soient deux distributions (a valeursdans K) T1 ∈ D′(Ω1,K) et T2 ∈ D′(Ω2,K). Il existe une unique distribution T =T1 ⊗ T2 ∈ D′(Ω1 × Ω2,K) telle que

(3.8) ∀ϕ ∈ D(Ω1,K), ∀ψ ∈ D(Ω2,K), 〈T1 ⊗ T2 , ϕ⊗ ψ〉 = 〈T1 , ϕ〉 × 〈T2 , ψ〉.

La distribution T1⊗T2 ainsi definie est dite produit tensoriel des deux distributionsT1 et T2.

Demonstration. Soit Φ ∈ D(Ω1 × Ω2,K). Pour tout x0 ∈ Ω1, la fonction

y ∈ Ω2 7→ Φ(x0, y)

est un element de D(Ω2,K), element sur lequel on peut faire agir la distributionT2 ∈ D′(Ω2,K). Ceci nous permet de definir la fonction

(3.9) x ∈ Ω1 7−→⟨T2, Φ(x, ·)

⟩.

Il resulte du fait que T2 est une distribution sur Ω2 que 1 la fonction (3.9) estune fonction C∞ sur Ω1, a valeurs dans K, et que l’on a, pour tout multi-indice(l1, ..., ln1

) ∈ Nn1 , les relations( n1∏j=1

∂lj

∂xljj

)[x 7→ 〈T2 , Φ(x, ·)〉

]=⟨T2(y) , x 7→

( n1∏j=1

∂lj

∂xljj

)[Φ(x, y)]

⟩, ∀x ∈ Ω1.

Comme Φ est a support compact dans Ω1 × Ω2, la fonction (3.9) est a supportcompact dans Ω1 ; c’est donc une fonction-test element de D(Ω1,K), a laquelle onpeut appliquer la distribution T1. On est donc en droit de poser :

(3.10) 〈T1 ⊗ T2 , Φ〉 :=⟨T1 , x 7→ 〈T2 , Φ(x, ·)〉

⟩.

Soit (Φk)k∈N est une suite tendant vers la fonction identiquement nulle dans leK-espace vectoriel D(Ω1 × Ω2,K), ce qui implique (entre autre) que toutes lesfonctions Φk sont supportees par un compact K0. Soit K ′0 = prΩ1

(K0) et K ′′0 =prΩ2

(K0). Les projections sur Ω1 et Ω2 etant continues,K ′0 etK ′′0 sont des compacts,respectivement de Ω1 et Ω2. En utilisant les inegalites

∣∣∣⟨T2(y) , x 7→( n1∏j=1

∂lj

∂xljj

)[Φk(x, y)]

⟩∣∣∣ =∣∣∣( n1∏

j=1

∂lj

∂xljj

)[x 7→ 〈T2 , Φk(x, ·)〉

]∣∣∣≤ C2(K ′′0 )NK′′0 ,p(K′′0 )

[y 7→

( n1∏j=1

∂lj

∂xljj

)[Φk(x, y)]

]∀ (l1, ..., ln1) ∈ Nn1 ∀x ∈ K ′0

(3.11)

1. Reprendre par exemple pour voir ceci la preuve de la Proposition 2.2, cf. la maniere donton prouve que la fonction (2.14) est C∞.

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44 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

(clause (1.14) de la Proposition 1.2 pour T2), on constate que la suite de fonctions-test (de D(Ω1,K))

x 7→ 〈T2 , Φk(x, ·)〉, k ∈ Nconverge au sens du principe de convergence des suites dans D(Ω1,K) vers la fonc-tion nulle (pour k assez grand, ces fonctions sont toutes supportees par le compactK ′0 de Ω1). Comme T1 est une distribution sur Ω1, on a donc

limk→+∞

〈T1 ⊗ T2 , Φk〉 = limk→+∞

⟨T1(x) , 〈T2(y) , Φk(x, y)〉

⟩= 0.

L’application

Φ ∈ D(Ω1 × Ω2,K) 7−→ 〈T1 ⊗ T2 , Φ〉definie en (3.10) est donc bien une distribution a valeurs dans K sur l’ouvert Ω1×Ω2

de Rn1 × Rn2 . Cette distribution T1 ⊗ T2 verifie la condition (3.8) car, pour toutx ∈ Ω1, on a

〈T2 , (ϕ⊗ ψ)(x, ·)〉 = ϕ(x) 〈T2, ψ〉 ∀ϕ ∈ D(Ω1,K), ∀ψ ∈ D(Ω2,K).

L’existence d’une distribution sur Ω1 × Ω2 et a valeurs dans K se pliant a la regle(3.8) est donc prouvee. L’unicite d’une telle distribution resulte du lemme importantsuivant.

Lemme 3.11. Soient Ω1 et Ω2 des ouverts respectifs de Rn1 et Rn2 , K = R ouC. Le K-sous-espace vectoriel D(Ω1,K)⊗D(Ω2,K) de D(Ω1×Ω2,K) est dense dansce K-espace vectoriel (relativement au principe de convergence des suites introduitdans la Definition 1.11).

Demonstration. L’ouvert Ω1 ×Ω2 admet un recouvrement par des produitsde boules euclidiennes Bxι × Byι (respectivement n1 et n2 dimensionnelles) avec

Bxι ⊂ Ω1 et Byι ⊂ Ω2 pour tout indice ι. Si (ρk)k∈N realise une partition del’unite dans Ω1, subordonnee au recouvrement de Ω1 par les Bxι et (θl)l∈N realiseune partition de l’unite dans Ω2, subordonnee au recouvrement de Ω2 par les Byι ,la famille denombrable (ρk ⊗ θl)k,l∈N realise une partition de l’unite dans Ω1 ×Ω2, subordonnee au recouvrement de Ω1 × Ω2 par les ouverts produits de bouleseuclidiennes Bxι × Byι . Pour montrer qu’une fonction-test Φ ∈ D(Ω1 × Ω2,K)s’approche dans cet espace par des elements du sous-espace D(Ω1,K) ⊗ D(Ω2,K)(stable par multiplication), on peut donc se ramener a remplacer Φ par Φ×(ρk⊗θl),pour k, l fixes dans N. On notera ρk = ρ, θl = θ. Soit g la gaussienne (centree etnormalisee) dans Rn1+n2 :

g : (x, y) 7−→ 1

(2π)(n1+n2)/2

n1∏j=1

exp(−x2j/2)×

n2∏l=1

exp(−y2l /2)

et, pour tout ε > 0, gε(x, y) = ε−ng(x/ε, y/ε). Pour tout k ∈ N∗, on introduit lafonction

(x, y) 7−→ [Φ ∗ g1/k](x, y) =

∫Rn1+n2

Φ(ξ, η)g1/k(x− ξ, y − η) dξ dη

=

∫Rn1+n2

Φ(x− ξ, y − η) g1/k(ξ, η) dξ dη.

D’apres le theoreme de derivation des integrales dependant de parametres, il s’agitd’une fonction C∞ et l’on a, pour tout (x, y) ∈ Rn1+n2 , pour tous multi-indices

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3.3. PRODUIT TENSORIEL DE DISTRIBUTIONS OU DE COURANTS 45

(l1, ..., ln1) ∈ Nn1 et (l′1, ..., l′n2

) ∈ Nn2 ,( n1∏λ=1

∂lλ

∂xlλλ

)( n2∏µ=1

∂l′µ

∂yl′µµ

)[Φ ∗ g1/k](x, y)

=

∫Rn1+n2

( n1∏λ=1

∂lλ

∂xlλλ

)( n2∏µ=1

∂l′µ

∂yl′µµ

)[Φ(x− ξ, y − η] g1/k(ξ, η) dξ dη.

(3.12)

La suite (Φ ∗ g1/k)k∈N∗ approche la fonction Φ uniformement sur tout compact de

Rn1+n2 du fait de l’uniforme continuite de Φ sur tout compact K de Rn1+n2 et de ceque (g1/k)k∈N∗ realise une approximation de l’unite 2. Il suffit en effet de remarquer

supK|Φ− Φ ∗ g1/k| ≤ sup

(x,y)∈K‖(ξ,η)‖≤ δk

|Φ(x, y)− Φ(x− ξ, y − η)|

×∫‖(ξ,η)‖≤ δk

g1/k(ξ, η) dξ dη

+2‖Φ‖∞∫‖(ξ,η)‖≥ δk

g1/k(ξ, η) dξ dη

≤ sup(x,y)∈K‖(ξ,η)‖≤ δk

|Φ(x, y)− Φ(x− ξ, y − η)|

+2‖Φ‖∞∫‖(ξ,η)‖≥δ

g(ξ, η) dξ dη(3.13)

et de choisir δ assez grand, puis, une fois δ fixe, k suffisamment grand pour que lasomme des deux termes figurant dans le membre de droite de (3.13) soit majoreepar ε > 0 arbitraire. En remplacant dans (3.13) Φ par n’importe laquelle de sesderivees partielles a un ordre arbitraire et en utilisant (3.12), on constate que lasuite ((Φ ∗ g1/k)× (ρ⊗ θ))k∈N∗ converge vers Φ× (ρ⊗ σ) dans D(Ω1 × Ω2,K). Endeveloppant, pour k = k0 fixe, en serie entiere

exp(−X2/2k20) =

∞∑λ=0

(−1)λ

2λk2λ0 λ!

X2λ = liml→+∞

( l∑λ=0

(−1)λ

2λk2λ0 λ!

X2λ),

puis en reportant ce developpement dans l’expression de

g1/k0(x− ξ, y − η) =kn1+n2

0

(2π)n1+n2

2

exp(− 1

2k20

( n1∑λ=1

(xλ − ξλ)2 +

n2∑µ=1

(yµ − ηµ)2))

sous l’integrale∫Rn1+n2

Φ(ξ, η) g1/k0(x− ξ, y − η) dξ dη = [Φ ∗ g1/k0 ](x, y),

on constate que Φ ∗ ρ1/k0 s’approche uniformement sur tout compact (pour laconvergence uniforme au sens des fonctions et de leurs derivees partielles a unordre arbitraire) par une suite de fonctions polynomiales (Pk0,l[Φ])l∈N. Les fonctionsPk0,l[Φ]× (ρ⊗ θ) appartiennent a D(Ω1,K)⊗D(Ω2,K). On deduit de tout cela lapossibilite d’approcher Φ× (ρ⊗θ) dans D(Ω1×Ω2,K) par la suite de fonctions-test(Pk0,k0 [Φ]× (ρ⊗ θ))k0∈N∗ appartenant toutes a D(Ω1,K)⊗D(Ω2,K). Le lemme estainsi demontre.

2. Voir l’exemple 4.2 dans le cours de Theorie de l’Integration MHT512 [Y1].

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46 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

L’unicite qui restait a prouver pour conclure la preuve de la Proposition 3.5 resulteimmediatement du Lemme 3.11. Cette proposition est donc ainsi prouvee.

Placons nous maintenant dans un cadre geometrique, ou Ω1 (resp. Ω2) designe unouvert d’une sous-varite differentiable X1 (resp. X2) de dimension n1 (resp. n2) deRN1 (resp. RN2). Alors X1 × X2 est une sous-variete differentiable de dimensionn1 + n2 de RN1+N2 dont Ω1 × Ω2 est un ouvert.

Proposition 3.6 (definition du produit tensoriel de deux courants). SoientΩj ⊂ Xj ⊂ RNj , j = 1, 2, comme ci-dessus. Soit q1 ∈ 0, ..., n1, q2 ∈ 0, ..., n2,T1 ∈ D

′q1(Ω1,K), T2 ∈ D′q2(Ω2,K) (avec K = R ou C). Il existe un unique (q1+q2)-

courant T = T1⊗T2 sur Ω1×Ω2 ⊂ X1×X2 ⊂ RN1+N2 tel que, pour toute (n1−q1)-forme differentielle test ϕ dans Dn1−q1(Ω1,K), pour toute (n2 − q2)-forme test ψdans Dn2−q2(Ω2,K), on ait

〈T1 ⊗ T2 , ϕ⊗ ψ〉 = 〈T1, ϕ〉 × 〈T2, ψ〉,

ou ϕ ⊗ ψ designe la (n1 − q1) + (n2 − q2)-forme differentielle sur Ω1 × Ω2 definie(en coordonnees locales t sur X1 et s sur X2) par

(3.14) (ϕ⊗ ψ)(t, s) := ϕ(t) ∧ ψ(s).

Demonstration. La preuve est calquee sur celle de la Proposition 3.5. SiΦ est une (n1 + n2) − (q1 + q2)-forme differentielle-test appartenant au K-espacevectoriel Dn1+n2−q1−q2(Ω1 × Ω2,K), l’application

(3.15) x ∈ Ω1 7−→ 〈T2 , Φ(x, ·)〉

definit une forme-test de Dn1−q1(Ω1,K). Dans une carte locale U × V sur la sous-variete X1 × X2, il convient de remplacer Φ|U×V dans (3.15) par sa composante(exprimee en coordonnees locales, t dans U , s dans V ) :

(Φ|U×V )n1−q1,n2−q2 =

=∑

1≤i1<···<in1−q1≤n1

∑1≤j1<···<jn2−q2≤n2

(Φ|U×V )IJ(t, s)

n1−q1∧λ=1

dtiλ ∧n2−q2∧µ=1

dsjµ ,

(3.16)

ou les (Φ|U×V )IJ sont des fonctions C∞ dans U × V . On definit ainsi 3

〈T1 ⊗ T2,Φ〉 :=⟨T1 , x 7→ 〈T2 , Φ(x, ·)〉

⟩.

On verifie que cette definition induit celle d’un (q1+q2)-courant sur Ω1×Ω2 verifiantla clause (3.14). L’unicite resulte du fait qu’etant donne un produit d’ouverts decarte U × V sur Ω1 × Ω2, Dn1−q1(U,K) ⊗ Dn2−q2(V,K) (K-sous-espace engendrepar les ϕ⊗ ψ, ϕ ∈ Dn1−q1(U,K), ψ ∈ Dn2−q2(V,K)) est un K-sous-espace vectorieldense dans le K-espace vectoriel des (n1 − q1) + (n2 − q2)-formes differentielles Φdans U ×V qui s’expriment en coordonnees locales (t, s) (t dans U , s dans V ) sousla forme (3.16).

3. Une fois introduite une partition de l’unite (ρk⊗ψl)k,l associee au recouvrement de l’ouvert

Ω1 × Ω2 par des produits Uι × Vι de cartes locales respectivement sur X1 et X2 et Φ remplacee

par Φ×∑k,l

(ρk ⊗ σl).

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3.4. LE THEOREME DES NOYAUX 47

3.4. Le theoreme des noyaux

La theorie des distributions (ou des courants) ne permet pas seulement lamodelisation des phenomenes physiques, elles permet aussi celle des systemes (con-cretement des appareils ) agissant de maniere lineaire et (en un sens a preciser)de maniere continue sur ces memes phenomenes physiques. En voici un exemple,avec le theoreme des noyaux de Laurent Schwartz, qui nous servira de motivationpour introduire dans la section suivante l’importante operation de convolution entredistributions (pourvu bien sur qu’elle s’avere possible).

Theoreme 3.12 (theoreme des noyaux de Laurent Schwartz). Soit Ω un ouvertde Rn, K = R ou C, et L un operateur lineaire de D(Ω,K) dans D′(Ω,K) continu ausens suivant : si (ϕk)k∈N est une suite de fonctions-test convergeant vers la fonctionnulle dans D(Ω,K) au sens du principe de convergence des suites de la Definition1.11, la suite (L[ϕk])k∈N est une suite d’elements de D′(Ω,K) convergeant vers ladistribution nulle dans D′(Ω,K) au sens du principe de convergence des suites dedistributions (Definition 2.1). Il existe alors une unique distribution KL sur Ω×Ωtelle que,

(3.17) ∀ϕ ∈ D(Ω,K), ∀ψ ∈ D(Ω,K), 〈L[ϕ] , ψ〉 = 〈KL , ϕ⊗ ψ〉.

Remarque 3.13. Ce theoreme se transpose immediatement au cadre geome-trique, ou Ω designe cette fois un ouvert d’une sous-variete differentiable X de di-mension n de RN et L un operateur lineaire continu de Dn−q1(Ω,K) dans D′q2(Ω,K)(0 ≤ q1, q2 ≤ n). Il existe alors un unique (q1 + q2)-courant KL sur Ω× Ω tel que

(3.18) ∀ϕ ∈ Dn−q1(Ω,K), ∀ψ ∈ Dn−q2(Ω,K), 〈L[ϕ] , ψ〉 = 〈KL , ϕ⊗ ψ〉.

Demonstration. Nous donnons uniquement ici une esquisse de preuve, lesquelques points clef en etant pour l’essentiel admis 4. Une fonction test Φ ∈ D(Ω×Ω,K) de support compact inclus dans K × K, ou K est un compact de Ω, serepresente (il suffit d’adapter la fin de la preuve de la Proposition 2.2) comme lalimite dans D(Ω× Ω,K) de la suite de fonctions(

(x, y) 7→∫

Ω×Ω

Φ(ξ, η)ψ1/k(x− ξ)ψ1/k(y − η) dξ dη

)k>1/(dist(K,∂Ω)

.

Pour (x, y) ∈ Ω× Ω et k > 1/min(dist(x, ∂Ω),dist(y, ∂Ω)), on pose

KL,k(x, y) =⟨L[ψ1/k(x− ·)] , ψ1/k(y − ·)

⟩.

Or la forme bilineaire

(3.19) (ϕ,ψ) ∈ DK(Ω,K)×DK(Ω,K) 7−→ 〈L[ϕ], ψ〉est sequentiellement continue. Le theoreme de Banach-Steinhaus se transpose eneffet (on l’admet ici 5) du cadre des espaces de Banach au cadre des espaces deFrechet : si (Tk)k∈N est une suite de distributions convergeant vers T dans D′(Ω,K)(par exemple la suite (L[ϕk])k∈N convergeant vers L[ϕ] lorsque (ϕk)k∈N est une suitede D(Ω,K) convergeant vers ϕ) et si (ψk)k∈N est une suite d’elements de D(Ω,K)convergeant vers ψ, la suite (Tk(ψk))k∈N (ici par exemple (〈L[ϕk], ψk〉)k∈N) converge

4. Pour une preuve complete du theoreme de noyaux, qui valut la medaille Fields a Laurent

Schwartz en 1950, voir par exemple [Horm], section 5.2.5. La Proposition 2.1 en etait deja un premier indice.

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48 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

vers T (ψ) (ici 〈L[ϕ], ψ〉). Le critere quantitatif (1.14) de la Proposition 1.2 impliquealors pour tout k > 1/dist(K, ∂Ω), on a

sup(x,y)∈K×K

|KL,k(x, y)| ≤ C(K) k−p(K)

pour une certaine constante positive C(K) et un certain entier positif p(K) ≥ 2n.La fonction KL,k est donc localement integrable (car bornee) sur K ×K (pourvuque k > 1/dist(K, ∂Ω), i.e que cette fonction soit bien definie sur K × K). Onpeut donc considerer la suite (KL,k)k>>1 comme une suite de distributions-fonctiondans Ω × Ω, en convenant du fait qu’il faille, etant donne un ouvert Ω′ arbitrairerelativement compact dans Ω, choisir k > k(Ω′) = dist(Ω′, ∂Ω) pour que la suitedes restrictions ((KL,k)|Ω′)k>k(Ω′) soit bien definie.

On verifie aisement (en approchant les integrales par des sommes de Riemann) que,si ϕ et ψ sont deux elements de D(Ω,K), on a

〈KL,k , ϕ⊗ ψ〉 =⟨L[ϕ ∗ ψ1/k] , ψ ∗ ψ1/k

⟩.

D’apres la continuite de la forme bilineaire (3.19) et le resultat de regularisationmentionne en fin de la preuve de la Proposition 2.2, on a

(3.20) limk→+∞

〈KL,k , ϕ⊗ ψ〉 = 〈L[ϕ], ψ〉.

L’existence de KL satisfaisant (3.17) resulte alors du fait que, pour tout compactK ⊂⊂ Ω, pour toute fonction test Φ ∈ DK×K(Ω× Ω,K), la suite(

〈KL,k , Φ〉)k>1/dist(K,∂Ω)

est une suite de Cauchy, donc convergente, dans le corps complet K. Nous admet-trons ici ce resultat (cf. [Horm], Section 5.2, pour les details de ce point technique).Il resulte alors de la Proposition 2.1 que la suite (KL,k)k>>1 converge au sens desdistributions vers une distribution KL ∈ D′(Ω × Ω,K). La distribution KL ainsiconstruite se plie d’apres (3.20) a la clause (3.17). L’unicite d’une telle distributionKL satisfaisant (3.17) resulte du Lemme 3.11.

3.5. Convolution de deux distributions dans Rn ou (S1)n

Le concept de boite noire designe en ingenierie un appareil (ou un ensembled’appareils resultant par exemple de montages en serie ou en parallele) agissant demaniere lineaire sur les entrees et dont les parametres soient assujettis a resterimmuables (soit dans le temps, si l’on se place en dimension 1, soit dans l’espace sil’on se place en dimension superieure). Par exemple, une cellule electrique (commeun circuit RC ou RLC 6, un montage en serie de cellules electriques, un systememecanique (montages avec resistances, ressorts, ...), sont des modeles de boitesnoires. En revanche, un instrument de musique, l’orgue constitue du conduit vocald’un individu, etc., n’en sont pas car les parametres sont ici appeles a se deformer aucours du temps. Outre la linearite et l’invariance des parametres par translation, onajoute comme exigence le fait que l’appareil reponde de maniere continue (en unsens a preciser) aux entrees qu’on lui soumet. On comprend aisement l’importancede tels modeles dans le domaine de l’ingenierie ou de la modelisation mathematique.

6. Resistance-Condensateur, Resistance-Bobine-Condensateur.

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3.5. CONVOLUTION DE DEUX DISTRIBUTIONS DANS Rn OU (S1)n 49

Vu les exigences de linearite et de continuite, il est naturel de modeliser le conceptde boite noire du point de vue mathematique comme un operateur lineaire L :D(Rn,K)→ D′(Rn,K) continu au sens ou on l’entend dans l’enonce du Theoreme3.12. D’apres ce theoreme, cet operateur L se represente par un noyau-distributionKL et l’invariance par translation (i.e le fait que les parametres de l’appareil puissentetre consideres immuables dans le temps ou l’espace) se traduit par la condition

∀ϕ,ψ ∈ D(Rn,K), ∀u ∈ Rn,〈L[ϕ](y − u) , ψ(y)〉 = 〈KL(x, y − u) , ϕ(x)⊗ ψ(y)〉 = 〈L[ϕ(· − u)] , ψ〉= 〈KL(x+ u, y) , ϕ(x)⊗ ψ(y)〉.

(3.21)

On a alors (du fait du Lemme 3.11) :

(3.22) ∀u ∈ Rn, KL(x, y − u) = KL(x+ u, y)

(au sens des distributions sur Rn ×Rn). En differentiant cette identite (3.22) entredistributions par rapport aux variables reelles uj , j = 1, ..., n, il vient( ∂

∂xj+

∂yj

)[KL] ≡ 0, j = 1, ..., n,

au sens des distributions sur Rn×Rn. Ceci se traduit formellement par le fait qu’ilexiste une distribution hL ∈ D′(Rn,K) telle que

KL(x, y) = hL(x− y).

Il en resulte que l’action de L se trouve modelisee sous la forme

(3.23) ∀ϕ,ψ ∈ D(Rn,K), 〈L[ϕ] , ψ〉 = 〈hL(x)⊗ ϕ(y) , ψ(x+ y)〉.

En termes d’ingenierie, on ecrira la relation (3.23) formellement sous la forme abregee :

(3.24) L[ϕ](y) =

∫RdhL(y − x)ϕ(x) dx,

forme ou l’on reconnait l’operation mathematique de convolution deja rencontreedans le cadre des fonctions ou des suites (suivant que l’on adopte le point devue continu ou le point de vue discret), cf. le chapitre 4 du cours de Theorie del’Integration [Y1], et notee alors, au lieu de (3.24), L[ϕ] = hL∗ϕ. Ceci nous conduitnaturellement a l’introduction d’une operation entre distributions, la convolution.Toute boite noire L agira donc, comme on vient de le voir, comme un operateur deconvolution par une certaine distribution hL.

La convolution est une operation intimement liee a une structure algebrique degroupe commutatif. Ceci nous privera de definir en general cette operation commeune operation interne de D′(Ω,K) lorsque Ω sera un ouvert quelconque de Rn ou unouvert quelconque d’une sous-variete de dimension n de RN (il n’y a en general pasde structure de groupe commutatif sur Ω !). Nous nous placerons donc uniquementdans deux cas importants (au niveau des applications pratiques) :

(1) le cas (le plus important) Ω = Rn (avec sa structure de groupe additifusuel), qui sera celui de la convolution usuelle ;

(2) le cas Ω = S1 × S1 · · · × S1 ⊂ (R2)n, ou S1 est le cercle unite dans Rn (avecsa structure de groupe multiplicatif usuel), qui sera celui de la convolutionperiodique.

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50 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

Definition 3.14 (convolution usuelle de deux distributions sur Rn). SoientS et T deux distributions sur Rn, a valeurs dans le corps K = R ou C. Les deuxdistributions S et T sont dites convolables si elles verifient la condition des supports :

(3.25) ∀K ⊂⊂ Rn, K :=

(x, y) ∈ SuppS × SuppT ; x+ y ∈ K⊂⊂ R2n.

Lorsque la condition des supports (3.25) est remplie, on definit une distribution surRn (a valeurs dans K), appelee convolee des distributions S et T et notee S ∗ T ,par :

∀K ⊂⊂ Rn, ∀ϕ ∈ DK(Rn,K),

〈S ∗ T, ϕ〉 :=⟨S(x)⊗ T (y) , ϕ(x+ y)

⟩=⟨S(x)⊗ T (y) , ρK(x, y)ϕ(x+ y)

⟩,

(3.26)

ou ρK ∈ D(Rn, [0, 1]) designe une fonction plateau arbitraire identiquement egale

a 1 au voisinage du compact K associe a K via la condition des supports (3.25).

Remarque 3.15 (commutativite de la convolution). Si S et T sont convolables,il en est de meme (par symetrie de (3.25)) de T et S et l’on a T ∗S = S∗T , autrementdit l’operation de convolution entre distributions sur Rn est, pourvu qu’elle s’averepossible, une operation commutative.

Comme S1 × · · · × S1 est un compact dans (R2)n, la definition de l’operation deconvolution entre deux distributions S et T de D′((S1)n,K) est en revanche toujourspossible (la condition des supports (3.25) est alors irrelevante du fait de la compacitede (S1)n) et on a la :

Definition 3.16 (convolution de deux distributions periodiques). Soient S etT deux distributions sur S1 × · · · × S1 (n fois), a valeurs dans K = R ou C. Onappelle convolee periodique de S et T et on note S ∗per T la distribution sur (S1)n,a valeurs dans K, qui, a toute fonction

ϕ : (θ1, ..., θn) ∈ Rn 7−→ ϕ(θ1, ..., θn) ∈ K

C∞ et 2π-periodique par rapport a θ1, ..., θn7, associe

(3.27) 〈S ∗per T , ϕ〉 :=1

(2π)n

⟨S(eiθ1 , ..., eiθn)⊗ T (eiθ

′1 , ..., eiθ

′n) , ϕ(θ + θ′)

⟩.

La condition des supports (3.25) dans la Definition 3.14 (pour deux distributionsS et T de D′(Rn,K)) est remplie dans deux cas importants.

Proposition 3.7 (convolabitite de deux distributions sur Rn dont l’une aumoins est a support compact). Si S et T sont deux elements de D′(Rn,K) tellesqu’au moins l’une des deux distributions S ou T soit a support compact (SuppS ⊂⊂Rn ou SuppT ⊂⊂ Rn). Les deux distributions S et T sont alors convolables.

Demonstration. Supposons par exemple SuppT ⊂⊂ Rn. Si K ⊂⊂ Rn, on a((x, y) ∈ SuppS × SuppT & (x+ y ∈ K)

)⇐⇒

((x ∈ SuppS ∩ (K − SuppT )

)& (y ∈ SuppT )

),

7. Donc consideree comme une fonction C∞ de (S1)n dans K via la correspondance naturelle

eiθ ↔ (θ mod 2π) entre le cercle unite S1 de R2 et le groupe quotient R/(2πZ).

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3.5. CONVOLUTION DE DEUX DISTRIBUTIONS DANS Rn OU (S1)n 51

ou K−SuppT est le compact image du compact K×SuppT (ce produit est compactcar produit de deux compacts) par l’application continue (x, y) 7→ x−y. L’ensemble

K defini par (3.25) est donc compact comme produit de deux compacts. Les deuxdistributions S et T sont donc convolables.

Proposition 3.8 (convolabilite de deux distributions sur R a capacite dememoire finie). Soit S et T deux distributions sur R, a valeurs dans K = R ouC, telles qu’il existe M ∈ [0,∞[ avec

SuppS ∪ SuppT ⊂ [−M,+∞[

(les deux distributions S et T sont dites a capacite de memoire finie ). Les deuxdistributions S et T sont convolables.

Demonstration. Le fait que la condition (3.25) soit verifiee resulte du faitque, si K ⊂⊂ R, l’ensemble

(x, y) ∈ R2 ; x+ y ∈ K, x ≥ −M, y ≥ −M

est un compact de R2 ; comme K est un ferme de R2 inclus dans ce compact, Kest un compact de R2. La condition (3.25) est donc remplie dans ce cas et lesdistributions S et T sont convolables.

Exemple 3.17 (convolution avec une distribution a support ponctuel). Si Test un element de D′(Rn,K) et

S = P( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)[δ0] , P ∈ K[X1, ..., Xn],

est une distribution sur Rn, a valeurs dans K, et de support l’origine (0, ..., 0) (cf.la Proposition 3.4), les distributions S et T sont convolables d’apres la Proposition3.7 et on a

(3.28) P( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)[δ0] ∗ T = P

( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)[T ].

Exemple 3.18 (convolution d’une distribution fonction C∞ et d’une distribu-tion a support compact). Soit T = f une fonction C∞ et S une distribution asupport compact dans Rn. Les deux distributions S et f sont convolables d’apresla Proposition 3.7 et la convolee S ∗ f est la fonction de classe C∞ sur Rn :

y ∈ Rn 7−→ 〈S(x) , ρ(x) f(x− y)〉,

ou ρ ∈ D(Rn, [0, 1]) est une fonction-plateau arbitraire identiquement egale a 1 auvoisinage de SuppS. On a en effet, pour ϕ ∈ D(Rn,K), en utilisant l’invariance partranslation de la mesure de Lebesgue, puis la continuite de S de D(Rn,K) dans K,

〈S ∗ f , ϕ〉 = 〈S(x)⊗ f(y) , ρ(x)ϕ(x+ y)〉

=⟨S(x) , ρ(x)

∫Rnf(y − x)ϕ(y) dy

⟩=

∫Rn

⟨S(x) , ρ(x) f(x− y)

⟩ϕ(y) dy.

Lorsque S et T sont deux distributions fonction sur Rn, il n’y a a priori aucuneraison pour laquelle les distributions S et T soient convolables. Neanmoins, on sait

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52 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

depuis le cours de Theorie de l’Integration (ce sont les inegalites de Young, voir[Y1], Theoreme 4.2) que si p, q, r sont trois elements de [1,∞] tels que

1

p+

1

q= 1 +

1

r

(l’existence de r, lorsque p ∈ [1,∞] et q ∈ [1,∞] sont donnes, est assurees des que

1 ≤ 1/p + 1/q ≤ 2) et si f ∈ LpK(Rn,B(Rn), dx), g ∈ LqK(Rn,B(Rn), dx), alors,

lorsque f et g sont des representants mesurables respectivement de f et g a valeursdans le corps K, la fonction mesurable

y 7→ f(x− y)g(y)

est integrable pour dx-presque tout x et que la fonction dx-presque partout definie

f ∗ g : x ∈ Rn 7−→∫Rnf(x− y) g(y) dy

represente un element de LrK(Rn,B(Rn), dx) note f ∗ g, avec

(3.29) ‖f ∗ g‖r ≤ ‖f‖p × ‖g‖q .Nous traduisons ceci en termes de distributions avec la proposition suivante :

Proposition 3.9 (convolution des distributions fonction). Soient p, q ∈ [1,∞]avec 1 ≤ 1/p + 1/q ≤ 2. Soit (Kl)l≥0 une suite de compacts emboites en crois-

sant et exhaustant Rn. Si f ∈ LpK(Rn,B(Rn), dx) et g ∈ LqK(Rn,B(Rn), dx), lesdistributions-fonction f et g χKl sont convolables pour tout l. De plus, pour tout

l ∈ N, la distribution f ∗ gχKl est la distribution-fonction associee a f ∗ ˙gχKl ,element de Lr(Rn,B(Rn), dx), ou 1/r = 1/p+ 1/q − 1. Enfin, la suite de distribu-tions (f ∗ gχKl)l∈N converge dans D′(Rn,K) vers la distribution-fonction associee

a f ∗ g, element de LrK(Rn,B(Rn), dx) d’apres l’inegalite de Young (3.29).

Toute distribution T sur Rn est convolable avec la distribution a support compactδ(0,...,0) et l’on a toujours T ∗ δ = δ ∗ T = T , ce qui traduit le fait que T joue le roled’element neutre pour l’operation de convolution.

Il faut prendre garde au fait que lorsque l’on itere, si cela s’avere possible, lesoperations de convolution, la regle d’associativite se revele en defaut. Nous en don-nons ici deux exemples :

Exemple 3.19 (non associativite du produit de convolution ; un premier exem-ple). Les distributions [1] (distribution-fonction correspondant a la fonction presquepartout constante egale a 1) et D[δ] = δ′ sont des elements de D′(R,R) puisqueδ′ est a support compact. D’apres l’exemple (3.17), on a [1] ∗ δ′= [1] ∗ D[δ] =D[[1] ∗ δ] = D[1] = 0. On a donc ([1] ∗ δ′) ∗H = [0] ∗H = [0] (distribution fonctioncorrespondant a la fonction nulle presque partout). Or δ′ ∗H = D[δ] ∗H = H ′ = δd’apres l’exemple 3.17. On remarque donc que ([1] ∗ δ′) ∗ H = [0] ∗ H = [0] 6=[1] ∗ (δ′ ∗H) = [1] ∗D[H] = [1] ∗ δ = [1].

Exemple 3.20 (non associativite du produit de convolution : un second exem-ple). Soit T1 = P [δ] = P (D) ∗ δ ∈ D(R,C) (avec P ∈ C[X], cf. (3.28)). Si l’ondecompose 1/P (X) en elements simples

(3.30)1

P (X)=

m∑j=1

νj∑l=1

γjl(X − αj)νj

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3.6. LES ALGEBRES DE CONVOLUTION E′(Rn,K) ET D′+(K) 53

(les αj , j = 1, ...,m, etant les racines de P et les νj leurs multiplicites) et que l’onnote

(3.31) T2 =

m∑j=1

νj∑l=1

γjlLαj ,l

(voir (2.32)), on remarque (Proposition 2.7, (2.33)) que T1 ∗ T2 = P (D)[δ] ∗ S = δ.Quelque soit la distribution T , on peut donc definir (T1 ∗T2) ∗T = δ ∗T = T . Maisen general T2 n’est pas convolable avec T et l’on voit donc que (T1 ∗ T2) ∗ T peutparfaitement etre definie (suivant cette regle) sans que T1 ∗ (T2 ∗ T ) n’ait de sens !

3.6. Les algebres de convolution E ′(Rn,K) et D′+(K)

Il est toutefois deux situations ou les pathologies decrites dans les exemples3.19 et 3.20 n’ont plus cours : le cadre des distributions a support compact dansRn et celui des distributions causales sur R.

Proposition 3.10 (algebre des distributions a support compact dans Rn). SiK = R ou C, le K-espace vectoriel des distributions a support compact dans Rn,note E ′(Rn,K) est equipe avec sa structure de K-espace vectoriel et l’operation com-mutative de convolution d’une structure de K-algebre commutative unitaire conte-nant comme sous-algebre l’algebre K(∂/∂x1, ..., ∂/∂xn) isomorphe a l’algebre despolynomes K[X1, ..., Xn]. L’element neutre de cette K-algebre est la mesure de Di-rac δ(0,...,0).

Demonstration. Elle est immediate : un point important est de remarquerque si T1, T2, T3 sont trois distributions sur Rn dont au moins deux sont a supportcompact, la regle d’associativite du produit de convolution est satisfaite, i.e on a(T1 ∗ T2) ∗ T3 = T1 ∗ (T2 ∗ T3). Ceci est une consequence de la definition du produitde convolution des distributions (lorsque les distributions sont convolables, ce quiest le cas ici) au travers du produit tensoriel (qui, lui, est bien associatif).

Remarque 3.21. Avec cette importante Proposition 3.10, le cadre algebriquede l’algebre K[X] se trouve etendu a un cadre transcendant cette fois, mais pluslarge, a savoir E ′(Rn,K). Cette extension trouvera de nombreuses applications, ycompris dans l’etude de problemes relevant de la geometrie algebrique et de l’algebrecommutative. On dispose en effet avec E ′(Rn,K) d’un cadre moins rigide que lecadre algebrique tout en l’englobant (on y retrouve cette fois la souplesse del’analyse), cadre tout a fait adapte au maniement des concepts algebriques (encontribuant a en gommer la rigidite ).

Proposition 3.11 (algebre des distributions causales sur R). Si K = R ou C, leK-espace vectoriel des distributions sur R, a valeurs dans K et de support dans [0,∞[(dites distributions causales), note D′+(K), est equipe avec sa structure de K-espacevectoriel et l’operation commutative de convolution d’une structure de K-algebrecommutative unitaire (d’element neutre δ) dans laquelle toutes les distributionsP (D)[δ] sont inversibles. Cette K-algebre D′+(K) contient donc, avec la sous-algebredes distributions R(D)[δ] = (P (D)[δ])−1[Q(D)[δ]] si R(X) = P (X)/Q(X) ∈ K(X),une sous-algebre isomorphe a K(X).

Demonstration. L’associativite du produit de convolution entre elements deD′+(K) resulte de l’associativite du produit tensoriel. Le fait que P (D)[δ] ait uninverse a ete demontre a l’occasion de l’exemple 3.20 et repose sur la decomposition

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54 3. SUPPORT ET CONVOLUTION

(3.30) de la fraction rationnelle 1/P en elements simples. L’inverse (P (D)[δ])−1 estalors donne par (3.31).

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CHAPITRE 4

Distributions et transformation de Fourier

4.1. L’espace S(Rn,K) (K = R ou C) et les distributions temperees

4.1.1. Rappels sur la transformation de Fourier. La transformation deFourier joue un role fondamental tant dans l’analyse des phenomenes physiques (elleest materialisee optiquement par le mecanisme de diffraction) que dans le traitementoperationnel des transformations (telles l’action par convolution) agissant sur cesmemes phenomenes physiques ; c’est, dans ce second role, le fait que l’exponentiellerealise un homomorphisme iθ 7→ exp(−iθ) de (iR,+) dans (S1,×) qui ici joue unrole clef.

La difficulte majeure soulevee par la transformation de Fourier se trouve concretiseepar le principe d’incertitude de Heisenberg : cette transformation ne respecte pasla localisation des objets ; au contraire, comme le met en evidence l’incarnationde cette transformation en optique (diffraction au travers d’une lentille), ce quiest localise se trouve etre apres transformation de Fourier diffus 1, tandis que cequi se trouve etre diffus se retrouve, apres transformation de Fourier, parfaitementlocalise 2.

On rappelle (voir le cours de MHT613 [Y2]) que la transformation de Fourier

f → f realise (a un facteur pres) une isometrie entre l’espace L2C(Rnx ,B(Rn), dx)

(correspondant du point de vue physique au R-espace vectoriel des phenomenesphysiques d’energie finie dans le monde spatial ou temporel Rnx , l’energie de f etantpar definition ‖f‖22 :=

∫Rn |f(x)|2 dx) et le C-espace L2

C(Rnω,B(Rn), dω) qui en estson doublon (Rnω etant l’univers des frequences, on y reviendra). On a(4.1)

∀ f ∈ L2C(Rn,B(Rn), dx), f = lim

N→+∞L2

C(Rn,B(Rn),dω)

[ω 7−→

∫[−N,N ]n

f(x)e−i〈ω,x〉 dx],

la transformation inverse etant l’application(4.2)

g ∈ L2C(Rn,B(Rn), dω), 7−→ 1

(2π)nlim

N→+∞L2

C(Rn,B(Rn),dx)

[x 7−→

∫[−N,N ]n

g(ω)ei〈ω,x〉 dω].

1. Penser par exemple a une etoile et a son spectre, apres passage du rayonnement au travers

de la lentille du telescope.2. Penser aux signaux acoustiques oscillants dans l’espace temporel transformes en combinai-

sons de mesures de Dirac dans le champ frequentiel.

55

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56 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Le fait que cette transformation soit une isometrie (a la constantemultiplicative(2π)n/2 pres) materialise par la relation

∀ f1, f2 ∈ L2C(Rn,B(Rn), dx), 〈f1, f2〉 =

∫Rnxf1f2 dx

=1

(2π)n〈f1, f2〉 =

1

(2π)n

∫Rnωf1f2 dω.

(4.3)

La transformation de Fourier ne preserve pas le C-espace vectoriel D(Rn,C), commececi se voit par exemple lorsque n = 1. Si ϕ ∈ D(R,C), la fonction

Φ : z ∈ C 7→∫Rϕ(t)e−izt dt =

∞∑k=0

(−i)k∫R ϕ(t) tk dt

k!zk

est une fonction entiere se pliant donc (voir le cours de MT734 [Charp]) au principedes zeros isoles ; si l’on suppose ∫

Rϕ(t) dt > 0

(par exemple ϕ ≥ 0 et ϕ ≡ 1 au voisinage de l’origine, ce qui est possible si ϕest une fonction plateau subordonnee a un voisinage compact K de l’origine), lafonction Φ, non nulle en ω = 0, n’est pas identiquement nulle. Comme Φ|R est un

representant (continu, en fait C∞) de ϕ (element de L2C(R,B(R), dω)), et qu’il est

impossible (d’apres le principe des zeros isoles) que Φ|R soit identiquement nulle surR \ [−R,R] pour un certain R > 0, la fonction ϕ, consideree ici comme un elementde L2

C(R,B(R), dω) ne saurait avoir de representant dans D(R,C).

La seule chose que l’on puisse assurer est la rapide decroissance vers 0 de toutes lesderivees partielles de la transformee d’une fonction-test. Nous allons preciser cettenotion dans la section suivante.

4.1.2. L’espace des fonctions a decroissance rapide ainsi que toutesleurs derivees. Ici K = R ou K = C, mais nous nous proposons surtout icide construire un K-espace vectoriel qui contienne, lorsque K = C, a la fois le C-espace des fonctions-test D(Rn,C) et son image par transformation de Fourier. Enrestant pour l’instant dans le cas general K = R ou K = C, nous introduisonssur le K-espace des fonctions C∞ de Rn dans K une famille d’applications Np :C∞(Rn,K) → [0,∞] satisfaisant aux axiomes de norme, hormis le fait qu’ellespuissent prendre la valeur +∞.

Definition 4.1 (l’espace S(Rn,K)). Pour ϕ ∈ C∞(Rn,K) et p ∈ N, on pose

(4.4) Np(ϕ) = supl1+l2+···+ln≤p

supRn

[(1 + ‖x‖)p

∣∣∣( ∂l1+···+ln

∂xl11 · · · ∂xlnn

)[ϕ](x)

∣∣∣ ].

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4.1. L’ESPACE S(Rn,K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 57

On note 3 S(Rn,K) le K-espace vectoriel des fonctions C∞ sur R telles que l’on aitNp(ϕ) < +∞ pour tout p ∈ N.

Remarque 4.2. Le K-espace vectoriel S(Rn,K) contient D(Rn,K) et n’estdonc pas reduit a 0.

Pour tout p ≥ 0, pour tout ϕ ∈ S(Rn,K), on a N0(ϕ) = ‖ϕ‖∞ ≤ Np(ϕ) < +∞.Ceci implique que

ϕ ∈ S(Rn,K) 7→ Np(ϕ)

definit une norme sur le K-espace vectoriel S(Rn,K). Ce K-espace peut etre munid’une distance, definie par

d(ϕ,ψ) :=

∞∑p=0

1

2pinf(Np(ϕ− ψ), 1).

Muni de cette distance, le K-espace S(Rn,K) est ainsi muni d’une topologie d’espacemetrisable. Comme il s’agit d’une topologie d’espace metrisable, cette topologiepeut etre definie par un principe de convergence des suites : une suite (ϕk)k≥0

tend vers 0 dans S(Rn,K) si et seulement si, pour tout p ∈ N, limk→+∞

Np(ϕk) = 0.

D’autres distances sur S(Rn,K) definissent la meme topologie, par exemple

d(ϕ,ψ) =∑p≥0

1

2pNp(ϕ− ψ)

1 +Np(ϕ− ψ).

Un systeme fondamental de voisinages ouverts de la fonction nulle dans S(Rn,K)est donne par

(4.5) W(0) =ϕ ∈ S(Rn,K) ;Np(ϕ) < ε, p ∈ N, ε > 0

.

Le K-espace vectoriel D(Rn,K) est dense dans S(Rn,K) equipe de cette topolo-gie metrisable. Il suffit en effet de remarquer que si ρ ∈ D(Rn, [0, 1]) designe unefonction-plateau identiquement egale a 1 au voisinage de BRn(0, 1) et de supportinclus dans BRn(0, 2), alors, pour un element quelconque ϕ ∈ S(Rn,K), la suite(ϕk)k≥1, ou

ϕk(x) := ϕ(x)× ρ(x/k)

converge vers ϕ au sens de la topologie de S(Rn,K) : il suffit en effet de calculerles derivees successives de ϕ × (1 − ρ(·/k)) en invoquant la regle de Leibniz etd’utiliser le fait que l’action de tout operateur differentiel d’ordre q > 0 portant surx 7→ ϕ(x/k) fait apparaitre un facteur 1/kq assurant la convergence uniforme vers0 de toutes les suites du type(

xλ11 · · ·xλnn Dl[ϕ− ϕk]

)k≥1

, λ, l ∈ Nn,

ce qui montre limk→+∞

Np(ϕ− ϕk) = 0 pour tout p ∈ N.

3. Cette notation a ete introduite par Laurent Schwartz. Comme il l’affirme lui-meme, il nes’agissait pas de conforter son ego. Le qualificatif S vaut en fait pour spherique. Nous verrons

en effet plus loin (c’etait precisement une remarque de L. Schwartz, voir [Sch]) que les elementsdu dual de cet espace (que l’on appellera distributions temperees) sont les distributions sur Rnqui, une fois remontees sur la sphere unite Sn de Rn+1 par projection stereographique inverse

depuis le pole Nord, se prolongent en des distributions sur cette sphere (sous variete compacte dedimension n de Rn+1).

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58 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

On a aussi l’importante proposition suivante.

Proposition 4.1 (completude de S(Rn,K)). Le K-espace vectoriel topologiqueS(Rn,K) est complet pour toute metrique definissant sa topologie.

Demonstration. Comme

Np(f) ≥∑

l1+···+ln≤p

supx∈Rn

∣∣∣( ∂l1+···+ln

∂xl11 · · · ∂xlnn

)[ϕ](x)

∣∣∣pour tout p ∈ N, toute suite de Cauchy (ϕk)k≥0 dans S(Rn,K) est necessairementde Cauchy dans tous les espaces Cp(Rn,K), Cp(Rn,K) designant l’espace vectorieldes fonctions ϕ de classe Cp sur Rn, telles que∑

l1+···+ln≤p

supx∈Rn

∣∣∣( ∂l1+···+ln

∂xl11 · · · ∂xlnn

)[ϕ](x)

∣∣∣ = ‖ϕ‖(p)∞ < +∞,

equipe precisement de la norme ‖ ‖(p)∞ . Or le K-espace norme (Cp(Rn,K), ‖ ‖p∞) estun espace de Banach (on laisse ce point en principe connu en exercice). Pour chaque

p ∈ N, la suite (ϕk)k≥0 converge donc dans Cp(Rn,K) (pour la norme ‖ ‖(p)∞ ) vers

un element ϕ[p]. Toutes ces fonctions ϕ[p] se recollent bien sur en une fonction ϕ declasse C∞. Soit ε > 0. On a, pour p ∈ N fixe,

(4.6) ∀ k, l ≥M(ε, p), Np(ϕk − ϕl) < ε.

Si l’on fixe k et que l’on laisse courir l vers +∞ dans (4.6) (on raisonne a x ∈ Rnfixe, puis on prend le sup pour tout x), on constate que ϕ ∈ S(Rn,K) et que

∀ k ≥M(ε, p), Np(ϕk − ϕ) < ε.

La suite (ϕk)k≥0 converge donc vers ϕ dans S(Rn,K) car limk→+∞Np(ϕk−ϕ) = 0pour tout p ∈ N. Le K-espace S(Rn,K) est donc bien complet.

On prend maintenant plus specifiquement K = C. Sur cet espace S(Rn,C), la trans-formation de Fourier agit de maniere que l’on pouvait souhaiter. Notons que c’esten pensant a faire agir cette transformation de Fourier (qui est une transformationde nature complexe et non reelle) que nous nous sommes cantonnes a n’introduireici que le C-espace vectoriel S(Rn,C) et non le R-espace vectoriel S(Rn,R), ce quenous avions fait jusque la (et reprendrons, apres cet intermede complexe, dans lasous-section suivante).

Proposition 4.2 (transformation de Fourier et fonctions elements de S(Rn,C)).La transformation de Fourier restreinte a S(Rn,C) (considere comme un sous-espace de L1

C(Rn,B(Rn), dx) ∩ L2C(Rn,B(Rn), dx)) definit un isomorphisme bicon-

tinu de S(Rnx ,C) dans S(Rnω,C) 4. Cette transformation agit ainsi :

(4.7) ϕ ∈ S(Rnx ,C) 7−→[ϕ : ω ∈ Rnω 7−→

∫Rnϕ(x) e−i〈x,ω〉 dx

].

4. C’est volontairement que nous avons distingue ici les deux copies de Rn qu’echange la

transformation de Fourier : le monde temporel (ou spatial si n > 1) Rnx et le monde frequentiel

Rnω , jouant le role d’univers dual du premier. La realisation optique de la transformation de Fouriervia le mecanisme optique de diffraction au travers d’une lentille rend compte de cette dualite.

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4.1. L’ESPACE S(Rn,K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 59

Cette transformation realise une isometrie en termes de normes L2 (i.e. en termesd’energie), plus precisement

(4.8)

∫Rn|s(x)|2 dx =

1

(2π)n

∫Rn|s(ω)|2 dω.

On a de plus les relations( ∂l1+···+ln

∂ωl11 · · · ∂ωlnn

)[ϕ(ω)] =

( n∏j=1

(−ixj)lj ϕ)

(ω), ∀ω ∈ Rn,

( ∂l1+···+ln

∂xl11 · · · ∂xlnn

[ϕ])

[ω] =( n∏j=1

(iωj)lj)ϕ(ω), ∀ω ∈ Rn,

(4.9)

pour toute fonction ϕ ∈ S(Rn,C). La transformation de Fourier inverse est l’appli-cation

(4.10) ϕ ∈ S(Rnω,C) 7−→[F−1[ϕ] : x ∈ Rnx 7−→

1

(2π)n

∫Rnϕ(ω) ei〈x,ω〉 dω

]Demonstration. Les elements de S(Rn,C) sont les fonctions integrables et

leur transformee de Fourier se calcule comme la transformee de Fourier d’unefonction integrable, c’est a dire suivant (4.7). C’est le theoreme de Lebesgue dederivation des integrales a parametres qui permet d’assurer la validite de la premieredes deux batteries de formules (4.9). La seconde de ces deux batteries de formuless’obtient via des integrations par parties iterees suivant les variables. La formule 4.8resulte du fait que S(Rn,C) est un C-sous-espace vectoriel de L1

C(Rn,B(Rn), dx)∩L2C(Rn,B(Rn), dx), couple avec le fait que la transformation de Fourier realise une

isometrie entre L2C(Rnx ,B(Rn), dx) et L2

C(Rnω,B(Rn), dω) (voir [Y2], Proposition

2.11), au coefficient multiplicatif (2π)n/2 pres.

Les formules (4.9) assurent que si (l1, ..., ln) et (l′1, ..., l′n) sont deux multi-indices,

on a, pour tout ω ∈ Rn, en notant pour simplifier

|ω|l =

n∏j=1

|ωj |lj , Dl =( n∏j=1

∂lj

∂xljj

), (−ix)l =

n∏j=1

(−ixj)ll ,

|ω|l |Dl′ [ϕ](ω)| = |ω|l∣∣∣ (−ix)l

′ϕ(ω)

∣∣∣=

∣∣∣F[Dl[(−ix)l

′ϕ]]

(ω)∣∣∣

≤∫Rn

∣∣∣Dl[(−ix)l

′ϕ](x)∣∣∣ dx

≤ supRn

[(1 + ‖x‖

)n+1 ∣∣∣Dl[(−ix)l

′ϕ](x)∣∣∣]×

×∫Rn

dx

(1 + ‖x‖)n+1<∞.(4.11)

Il en resulte que la transformation de Fourier preserve globalement le C-espace vec-toriel S(Rn,C). On constate aussi que les inegalites (4.11) que l’on vient d’etablir as-surent que la transformation de Fourier realise une application continue de S(Rn,C)dans lui-meme. En particulier, la transformee de Fourier d’un element de S(Rn,C)est, comme l’element lui-meme, une fonction continue et integrable sur R. On est

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60 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

dans dans les conditions d’application de la formule d’inversion de Fourier ([Y2],Theoreme 2.4). La transformation (4.10) se traite exactement comme la transfoma-tion de Fourier (on a juste change dans le facteur exponentiel sous l’integrale −i en−i et multiplie par le facteur (2π)−n) et realise un operateur continu de S(Rn,C)dans lui-meme qui, d’apres precisement la formule d’inversion, realise bien l’inversede la transformation de Fourier.

La proposition 4.2 offre un moyen interessant de quantifier le principe d’incer-titude d’Heisenberg (c’est la un joli exercice, bien pour une illustration de lecond’Agregation par exemple). Si ϕ ∈ S(R,C) est normalisee de maniere a ce que∫

R|ϕ(t)|2 dt = 1,

le produit des moments d’inertie par rapport a l’origine des distributions corres-pondant a ϕ et a son spectre 5 est minore par la constante absolue π/2, i.e

(4.12)

∫R|ϕ(t)|2 |t|2 dt×

∫R|ϕ(ω)|2 |ω|2 dω ≥ π

2.

Pour le voir, il suffit d’une part d’integrer par parties

Re(∫ N

−Ntϕ(t)ϕ′(t) dt

)=

1

2

[t|ϕ(t)|2

]N−N− 1

2

∫ N

−N|ϕ(t)|2 dt

et de faire tendre N vers +∞, ce qui donne

Re(∫ v

−utϕ(t)ϕ′(t) dt

)= −1

2

compte tenu des hypotheses (ϕ est dans S(R,C) et d’energie 1), d’autre part d’ap-pliquer l’inegalite de Cauchy-Schwarz pour majorer∣∣∣Re

(∫ v

−utϕ(t)ϕ′(t) dt

)∣∣∣2 ≤ ‖tϕ‖22 × ‖ϕ′‖22

≤ ‖tϕ‖22 ×1

∫R|ω|2 |ϕ(ω)|2 dω(4.13)

(on utilise la Proposition 4.2 pour passer a la derniere inegalite). On peut remarquerau passage que l’egalite dans (4.12) n’a lieu que si l’on a egalite dans l’inegalite deCauchy-Schwarz utilisee en (4.13), c’est-a-dire quand ϕ′ et tϕ sont proportionnelles,ce qui correspond au fait que ϕ soit une gaussienne (l’equation differentielle dupremier ordre y′(t) = λ t y(t) est immediate a resoudre).

4.1.3. Le K-espace des distributions temperees a valeurs reelles oucomplexes.

Definition 4.3 (distribution temperee). Les elements du K-dual topologiquedu K-espace metrisable S(Rn,K), note S ′(Rn,K), sont appelees distributions tempe-rees a valeurs dans K (K = R ou K = C).

Clairement D(Rn,K) ⊂ S(Rn,K) et l’injection

ι : D(Rn,K) −→ S(Rn,K)

est une application continue : si en effet une suite de fonctions test (ϕk)k≥0 convergevers ϕ ∈ D(Rn,K) au sens du principe de convergence des suites de la Definition

5. C’est le terme physique pour qualifier ce qui pour nous est la transformee de Fourier.

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4.1. L’ESPACE S(Rn,K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 61

1.11, cette suite d’elements, consideree cette fois, ainsi que sa limite, comme unesuite d’elements de S(Rn,K), converge vers ϕ dans S(Rn,K). Il en resulte que la res-triction d’une distribution temperee a D(Rn,K) definit un element de D′(Rn,K).Par contre, toutes les distributions a valeurs complexes sur Rn ne peuvent etreconsiderees comme les restrictions a D(Rn,K) de distributions temperees. La Pro-position 4.3 clarifiera precisement cet etat de fait.

Le K-espace vectoriel S ′(Rn,K) est equipe naturellement d’une topologie, dite ∗faible. On se contentera d’y enoncer (ce qui suffira a nos besoins) un principe deconvergence des suites. Pour etre en phase avec le fait que l’on souhaite considerer leK-espace topologique S ′(Rn,K) comme un sous-espace de D′(Rn,K), il est naturelque ce principe de convergence des suites soit coherent avec celui que l’on a introduitpour les suites de distributions dans la Definition 2.1. Une suite (Tk)k≥0 d’elementsde S ′(Rn,K) converge donc vers un element T ∈ S ′(Rn,K) si et seulement si

(4.14) ∀ϕ ∈ S(Rn,K), limk→+∞

〈Tk, ϕ〉 = 〈T, ϕ〉.

Proposition 4.3 (deux caracterisations des distributions temperees). Une dis-tribution T ∈ D(Rn,K) est temperee (i.e. peut etre consideree comme la restrictiona D(Rn,K) d’une distribution temperee) si et seulement si l’une des proprietessuivantes (equivalentes) est satisfaite 6 :

(1) Il existe un entier p ∈ N et une constante C ≥ 0 telles que

(4.15) |〈T, ϕ〉| ≤ C Np(ϕ) ∀ϕ ∈ D(Rn,K) ;

(2) la distribution T sur Sn \ (0, ..., 0, 1) ⊂ Rn+1 deduite de T par projectionstereographique inverse (depuis le pole Nord (0, .., 0, 1)) se prolonge en unedistribution sur Sn (consideree comme sous-variete compacte de dimensionn de Rn+1), a valeurs dans K.

Demonstration. Prouvons d’abord l’equivalence avec le premier point. Leselements du dual topologique du K-espace vectoriel metrisable S(Rn,K) sont les

applications lineaires T de S(Rn,K) qui sont continues en ϕ = 0, i.e telle quel’image reciproque de la boule unite ouverte du corps K contienne un element dusysteme fondamental (4.5). Ceci signifie donc qu’il existe p ∈ N et ε > 0 tel que

∀ϕ ∈ S(Rn,K),(Np(ϕ) < ε

)=⇒ |〈T , ϕ〉| < 1.

Ceci equivaut a dire qu’il existe une constante positive C = 1/ε telle que la condition(4.15) soit remplie pour tout element de S(Rn,K), donc en particulier pour toutfonction-test ϕ ∈ D(Rn,K). Si une distribution T est temperee, elle se prolonge

comme un tel T en une forme lineaire continue sur S(Rn,K) et T = T|D(Rn,K)

satisfait donc (4.15). Reciproquement, si T verifie (4.15), on peut prolonger T aS(Rn,K) de la maniere suivante : on approche dans S(Rn,K) (ce qui est possible)un element quelconque ϕ de S(Rn,K) par une suite de fonctions-test (ϕk)k≥0 ; lasuite de scalaires (〈T, ϕk〉)k≥0 est de Cauchy dans K car

|〈T, ϕk〉 − 〈T, ϕl〉| ≤ C Np(ϕk − ϕl)

6. La premiere constitue un critere quantitatif bien utile. La seconde fournit l’explication dela notation S pour spherique et non, comme on le pense souvent, pour Schwartz .

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62 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

et converge vers une limite l dans K, laquelle limite ne depend que de ϕ et non de

la suite d’approche (ϕk)k≥0. En posant 〈T , ϕ〉 = l = l(ϕ), on prolonge bien T enune forme lineaire continue sur S(Rn,K).

Prouvons maintenant l’equivalence avec le second item. La projection stereographiquedepuis le pole Nord ((0, ..., 0, 1)) sur le plan xn+1 = 0 induit (d’apres le theoremede Thales) la correspondance

(X1, ..., Xn, t) ∈ Sn \ (0, ..., 0, 1) ←→( X1

1− t, ...,

Xn

1− t

)∈ Rn.

On verifie que la transformation inverse est(4.16)

(x1, ..., xn) ∈ Rn −→( 2x1

1 + ‖x‖2, ...,

2xn1 + ‖x‖2

,‖x‖2 − 1

‖x‖2 + 1

)∈ Sn \ (0, ..., 0, 1).

Dire qu’une distribution T sur Rn se prolonge, une fois remontee sur la sphereSn via la transformation (4.16), en une distribution sur cette sphere (pole Nord cette

fois inclus) revient a dire qu’elle se prolonge en une distribution T dans un voisinageU du pole Nord (par exemple l’image reciproque par projection stereographiqueinverse de U = ‖x‖ > R pour R >> 1, a laquelle on adjoint le pole Nord).

A) Prouvons d’abord que si T peut se prolonger en une distribution sur Sn alorsT verifie le critere (4.15). D’apres le critere quantitatif donne dans la Proposition1.2 (on note que Sn est une sous-variete compacte), qu’il convient ici d’adapter ducadre des ouverts de Rn au cadre des ouverts d’une sous-variete de dimension nde Rn+1 (voir la Section 1.5), on voit que le fait que T puisse ainsi se prolongerequivaut au fait qu’il existe un entier p = p(U) et une constante C ≥ 0 telles que,pour toute fonction-test ϕ de support dans ‖x‖ > R, on ait

(4.17) |〈T, ϕ〉| ≤ C NU , p(U)

[(X, t) ∈ Sn 7→ ϕ

( X1

1− t, ...,

Xn

1− t

)],

la norme NU , p(U) etant exprimee a partir de calculs de derives conduits cette fois

sur des fonctions sur la sphere, parametree au voisinage de U par (X1, ..., Xn−1, t) =(X ′, t), sachant que

Xn =√

1−X21 − · · · −X2

n−1 − t2 = ρ(X ′, t)

sur Sn. On remarque que si (X, t) et x sont echanges par projection stereographique,on a (voir (4.16))

(4.18)1

1− t=

1 + ‖x‖2

2.

Une derivation a l’ordre k en (X ′, t) de la fonction

(X1, ..., Xn−1, t) 7→ ϕ( X1

1− t, ...,

ρ(X ′, t)

1− t

)fait surgir le facteur (1 − t)−k, correspondant d’apres (4.18) a (1 + ‖x‖2)k/2k. Onconstate ainsi, en utilisant la regle de Leibniz, que l’inegalite (4.17) implique qu’il

existe une constante C et un entier p ∈ N tels que, pour toute fonction-test desupport dans ‖x‖ > R dans Rn, on ait

|〈T, ϕ〉| ≤ C Np(U)(ϕ).

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4.1. L’ESPACE S(Rn,K) (K = R OU C) ET LES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 63

On retrouve bien la condition necessaire et suffisante du premier item (en ecrivantT = ρT + (1 − ρ)T , ou ρ est une fonction plateau subordonnee a BRn(0, R) et enutilisant le fait que ρT est a support compact et la Proposition 3.3 et son critere(3.4)).

B) Supposons maintenant que T soit temperee (et donc verifie le critere (4.15) pourun certain entier p ∈ N). Si Φ est une fonction C∞ sur Sn, la restriction de Φ al’ouvert Sn \ (0, ..., 0, 1) induit par projection stereographique depuis le pole nordune fonction ϕ de classe C∞ dans Rn (mais non a support compact). Cette fonctionϕ s’exprime en termes de Φ par

∀x ∈ Rn, ϕ(x) = Φ( 2x1

1 + ‖x‖2, ...,

2xn1 + ‖x‖2

,‖x‖2 − 1

‖x‖2 + 1

).

En appliquant la regle de Leibniz et en remarquant que la fonction Φ est indefinimentderivable au voisinage du pole nord (correspondant a l’infini dans Rn), on constateque pour tout multi-indice l = (l1, ..., ln) ∈ Nn et pour tout x ∈ Rn,

(4.19)( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[ϕ](x) ≤

Cl(Φ)

(1 + ‖x‖)2(l1+···+ln)

pour une certaine constante positive Cl(Φ) : en effet

∂xj

[ xk1 + ‖x‖2

]= O(1/‖x‖2) &

∂xj

[‖x‖2 − 1

1 + ‖x‖2]

= O(1/‖x‖3)

lorsque ‖x‖ tend vers l’infini. Considerons une fonction plateau subordonnee a laboule unite fermee de Rn et posons, pour k ≥ 1, ρk(x) = ρ(x/k). Il resulte de (4.19)et du fait que T est temperee (et verifie donc le critere (4.15) pour un certain p ∈ N)que la suite (〈T, ρkϕ〉)k≥1 est une suite de Cauchy convergent dans le corps complet

K vers une limite l(Φ). On verifie d’ailleurs de Φ 7→ l(Φ) est une distribution T surSn (d’ailleurs independante du choix de la fonction plateau ρ) d’ordre au plus p.On a ainsi prolonge T (distribution sur Rn) en une distribution sur la sphere uniteSn.

Il resulte de la Proposition 4.3 que la classe des distributions temperees est preserveepar derivation. Tout operateur differentiel realise d’ailleurs un operateur continu deS ′(Rn,C) dans lui-meme.

Exemple 4.4 (E ′(Rn,K) ⊂ S ′(Rn,K)). Toute distribution a support compactsur Rn est temperee. En effet, ceci resulte de la Proposition 3.3 (le critere (3.4)implique que la clause (4.15) soit satisfaite).

Exemple 4.5 (distributions periodiques suivant un reseau de rang n). Montrerque toute distribution T periodique par rapport a un reseau Λ de rang n de Rn(sous-groupe libre de Rn de rang n), i.e

〈T, ϕ〉 = 〈T, ϕ(λ+ ·)〉 ∀λ ∈ Λ

est temperee.

Exemple 4.6 (mesures a croissance lente et representation des distributionstemperees en ces termes). Une mesure de Radon µ : K(Rn,K)→ K (µ = µ+−µ−si K = R ou µ = (µ+−µ−) + i(ν+− ν−) d’apres le Theoreme 1.3 de representation

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64 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

de Riesz) est dite a croissance lente (on dit aussi temperee , comme cela serajustifie plus loin) si et seulement si il existe un entier positif p tel que

(4.20)

∫Rn

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)p< +∞.

Si de plus la mesure µ est une mesure a densite f(x) dx avec f localement integrable,on dit, si (4.20) est remplie, que f est une fonction a croissance moderee 7 . Le faitque µ soit a croissance lente est aussi equivalent au fait qu’il existe un entier p′ ∈ Ntel que

(4.21) ∀R > 0, |µ|([−R,R]n) ≤ C(1 +R)p′.

En effet, si (4.20) est remplie, on a bien

|µ| ([−R,R]n) =

∫Rnχ[−R,R]n(x)d|µ|(x) ≤

∫Rn

( 1 +R

1 + ‖x‖

)pd|µ|(x)

≤ (1 +R)p∫Rn

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)p= C(1 +R)p,

d’ou la validite de (4.21) avec p′ = p. Reciproquement, si (4.21) est remplie, on a,pour tout multi-indice k = (k1, ..., kn) ∈ Zn,

|µ(k + [−1, 1]n)| ≤ C(

1 +

n∏j=1

(1 + |kj |))p′

.

On en deduit∫Rn

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)np′+n+1=

∑k∈Zn

∫k+[−1,1]n

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)np′+n+1

≤∑k∈Zn

|µ|(k + [−1, 1]n)

mink+[−1,1]n(1 + ‖x‖)np′+n+1

≤ C∑k∈Zn

(1 +

∏nj=1(1 + |kj |)

)p′(∏n

j=1(1 + |kj |))p′+1+1/n

< +∞

puisque∑k∈Z(1 + |k|)−1−ε < +∞ pour ε > 0. Les mesures a croissance lente

constituent des exemples de distributions temperees (d’ordre 0), d’ou le fait qu’onles appelle aussi mesures temperees . En effet, si la mesure µ verifie (4.20) et siϕ ∈ D(Rn,K), on a∣∣∣ ∫

Rnϕ(x) dµ(x)

∣∣∣ ≤ supRn

∣∣∣(1 + ‖x‖)pϕ(x)∣∣∣ ∫

Rn

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)p

≤∫Rn

d|µ|(x)

(1 + ‖x‖)p×Np(ϕ),

ce qui prouve que le critere quantitatif (4.15) est bien rempli avec ce p. Grace autheoreme de representation de Riesz (Theoreme 1.3), il resulte de ce meme critereque si T est une distribution temperee (a valeurs dans K) verifiant donc le critere

7. A ne pas confondre avec la notion de fonction a croissance lente . Une fonction a

croissance lente sur Rn est une fonction C∞ sur Rn (a valeurs dans K = R ou C) dont toutes les

derivees sont a croissance moderee. Toute fonction a croissance lente definit bien sur une fonctiona croissance moderee.

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 65

(4.15) avec p ∈ N, il existe une collection µT,l ; l ∈ Nn, l1 + · · · + ln ≤ p demesures a croissance lente a valeurs dans K telle que

(4.22) T =∑l∈Nn

l1+···+ln≤p

( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[µT,l]

au sens des distributions.

Exemple 4.7 (multiplication d’une distribution temperee par une fonction acroissance lente). Si T est une distribution temperee a valeurs dans K et f est unefonction C∞ de Rn dans K a croissance lente (i.e toutes les derivees de f sont acroissance moderee, voir l’exemple 4.6), la distribution fT definie par 〈fT, ϕ〉 =〈T, fϕ〉 est aussi temperee. On verifie ceci immediatement en utilisant le critere(4.15) (faire l’exercice). De plus l’operateur T → fT est continu de S ′(Rn,K) danslui-meme.

Exemple 4.8 (convolution d’une distribution temperee avec une distributiona support compact). Si S ∈ S ′(Rn,K) et T ∈ E ′(Rn,K), on peut definir S ∗ T(Proposition 3.7). On a par definition, pour toute fonction-test ϕ ∈ D(Rn,C),

〈S ∗ T, ϕ〉 =⟨Sx, 〈Ty, ϕ(x+ y)〉

⟩(on note que x 7→ 〈Ty, ϕ(x + y)〉 est bien une fonction test, voir l’exemple 3.18).En combinant le critere (4.15) pour S et le critere (3.4) de la Proposition 3.3 (Test a support compact), on constate que S ∗ T se plit aussi au critere (4.15), avecp = p(S) + ordre(T ), ce qui implique que S ∗ T est aussi temperee.

Exercice 4.9. Les distributions-fonction [et] et [et2

] sont-elles temperees surR ? Pour quels choix de p ∈ C et α > 0 la distribution Lp,α = [H(t)tα−1ept/Γ(α)](voir la Section 2.5.2, (2.32)) est-elle temperee comme distribution sur R ?

Exercice 4.10 (distributions du type Valeur Principale ou Partie Finie). Mon-trer que la distributions VP[1/x] sur R et les distributions afferentes du typePF[1/x2M ] ou VP[1/x2M+1] introduites dans la Section 1.4.3 sont toutes des distri-butions temperees (on utilisera le fait que [log |x|] definit une distribution-fonctiontemperee et le fait que toutes les distributions mentionnees se deduisent de celle cipar action d’un operateur differentiel). Verifier que l’on a

(4.23) ∀ϕ ∈ S(R,K), 〈VP[1/x], ϕ〉 =1

2

∫R

ϕ(x)− ϕ(−x)

xdx.

4.2. Transformation de Fourier des distributions temperees

Le fait que la transformation de Fourier realise un isomorphisme topologique deS(Rn,C) (Proposition 4.2) induit la possibilite de definir par dualite la transformeede Fourier (ou spectre pour les physiciens) .

Definition 4.11 (spectre d’une distribution temperee). La transformation qui

a T ∈ S ′(Rnx ,C) associe la distribution T ∈ S ′(Rnω,C) definie par

(4.24) ∀ϕ ∈ S(Rn,C) , 〈T , ϕ〉 = 〈T, ϕ〉est appelee transformation de Fourier des distributions temperees ou encore prisede spectre (des distributions temperees). Il s’agit d’un isomorphisme topologiqueentre S ′(Rnx ,C) et S ′(Rnω,C).

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66 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Nous donnerons beaucoup d’exemples dans les sous-sections suivantes. L’exemple4.12 ci-dessous fournit le pretexte a un exercice d’application de la formule dedualite (4.24).

Exemple 4.12 (transformation de Fourier de Valeur Principale). La distribu-tion VP[1/x] sur R est une distribution temperee (voir l’exercice 4.10). On peutcalculer sa transformee de Fourier (au sens des distributions temperees) en utili-sant la formule (4.23), le theoreme de Fubini, et enfin le theoreme de convergencedominee de Lebesgue, que, pour, toute fonction-test ϕ ∈ D(R,C) :

〈VP[1/x], ϕ〉 = 〈VP[1/x], ϕ〉 =1

2

∫R

ϕ(ω)− ϕ(−ω)

ωdω

= limΩ→+∞

(1

2

∫[−Ω,Ω]

(∫Rϕ(x)

(e−iωx − eiωxω

)dx)dω)

= limΩ→+∞

(1

2

∫R

(∫[−Ω,Ω]

(e−iωx − eiωxω

)dω)ϕ(x) dx

)= i

∫R

(lim

Ω→+∞

∫[−Ω,Ω]

sin(ωx)

ωdω)ϕ(x) dx

= iπ(∫

[0,+∞[

ϕ(x) dx−∫

]−∞,0]

ϕ(x) dx).

On a donc ainsi (en utilisant aussi la formule d’inversion) les formules

(4.25) VP[1/x] = iπ × signe (ω) & signe (x) = − iπ

VP[1/x].

4.2.1. Le cas particulier des distributions a support compact. Les dis-tributions a support compact sont des distributions temperees (voir l’exemple 4.4).On peut donc definir leur transformation de Fourier au sens des distributions. Avantde traiter le cas general, arretons nous un instant sur un cas particulier, celui desdistributions de support un point donne x0 ∈ Rn. Cela nous aidera a eclairer le casgeneral.

Proposition 4.4 (transformee de Fourier des distributions a support ponc-tuel). Les transformees de Fourier des distributions a support le point x0 de Rnsont les distributions-fonction correspondant aux fonctions F de la forme F (ω) =P (ω) e−i〈ω,x0〉, ou P ∈ C[X1, ..., Xn].

Demonstration. Toute distribution T de support x0 est de la forme

T = Q( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)[δx0 ],

ou Q ∈ C[X1, ..., Xn] (d’apres la Proposition 3.4). Si ϕ est un element de S(Rn,C),on a (par definition de la derivee des distributions et en utilisant la premiere desbatteries de formules (4.9))

〈T, ϕ〉 = Q(− ∂

∂x1, ...,− ∂

∂xn

)[ϕ](x0) =

∫RnQ(ix1, ..., ixn)e−i〈x,x0〉 ϕ(x) dx

=

∫RnQ(iω1, ..., iωn)e−i〈ω,x0〉 ϕ(ω) dω

=

∫RnP (ω1, ..., ωn)e−i〈ω,x0〉 ϕ(ω) dω =

⟨[P (ω)e−i〈ω,x0〉

], ϕ⟩

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 67

si P (X1, ..., Xn) := Q(iX1, ..., iXn). La proposition est ainsi demontree.

Exercice 4.13. Montrer que si ω1, ..., ωN sont N points de RN et a1, ..., aNN fonctions polynomiales a coefficients complexes en n variables, la distributionfonction [f ], ou

f(x) =

N∑j=1

aj(x) cos〈ωj , x〉,

est temperee et calculer son spectre.

Le tres important theoreme de Paley-Wiener 8 caracterise les transformees de Fou-rier des distributions a support dans un compact convexe donne K de Rn. Avantd’enoncer ce theoreme (Theoreme 4.16), nous devons preciser quelques definitions.

Si K designe un compact de Rn, sa fonction support est la fonction convexe :

(4.26) HK : ω ∈ Rn 7−→ supx∈K〈ω, x〉.

Exemple 4.14 (exemples de fonction support). La fonction support de la boule

BRn(0, R), est ω 7→ R‖ω‖, ou ‖ω‖ designe la norme euclidienne sur Rn. Celle dupave K = [−R,R]n est ω 7→

∑nj=1 |ωj |.

Nous aurons aussi besoin de la definition suivante, completant dans le cadre deplusieurs variables le cours d’Analyse Complexe [Charp].

Definition 4.15. Une fonction F : Cn → C est dite entiere (en les n variablesz1, ..., zn) si elle est continue et si, pour chaque j = 1, ..., n, pour chaque (z1, ..., zn)dans Cn, la fonction

ζ 7−→ F (z1, ..., zj−1, ζ, zj+1, ..., zn)

est une fonction entiere de la variable complexe ζ.

Armes de ces definitions, nous pouvons enoncer le resultat suivant.

Theoreme 4.16 (theoreme de Paley-Wiener, version distributions). Nous avonsle resultat en deux volets suivant.

— Soit T une distribution a support inclus dans le convexe compact K de Rn.

La distribution T est une distribution-fonction F , ou F est une fonctiona croissance lente (voir l’exemple 4.7) qui est la restriction a Rn d’unefonction entiere de n variables (notee aussi F ) telle que

∃M ∈ N tel que

∀ ε > 0, ∃Cε > 0, ∀ z ∈ Cn , |F (z)| ≤ Cε(1 + ‖z‖)M eHK(Im z)+ε‖Im z‖.(4.27)

— Reciproquement, si F est une fonction entiere de n variables verifiant (4.27),alors la restriction F|Rn de F a Rn definit une distribution-fonction temperee[F|Rn ] qui est image par la transformation de Fourier (au sens des distribu-tions temperees) d’une distribution T ∈ E ′(Rn,C), de support inclus dansle convexe compact K ; cette restriction F|Rn est donc necessairement unefonction C∞ a croissance lente sur Rn.

8. Emporte par une avalanche a l’age de 26 ans alors qu’il skiait dans les Montagnes Rocheuses

pres de Banff (Alberta), le jeune mathematicien anglais Raymond Edward Paley (1907-1933) n’eut

pas le temps de connaitre la reputation qu’il merite. Norbert Wiener (1894-1964) fut l’un despionniers de la theorie du signal moderne.

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68 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Demonstration. Prouvons tout d’abord le premier volet (le plus facile). Onremarque que si T est une distribution a support dans le convexe compact K et siρ ∈ D(Rn, [0, 1]) designe une fonction plateau identiquement egale a 1 au voisinagede K,

〈Tω, ϕ〉 =⟨Tω , ρ(ω)

∫Rnϕ(x) e−i〈ω,x〉 dx

⟩=

∫Rn〈Tω, ρ(ω) e−i〈ω,x〉〉ϕ(x) dx

=

∫Rn〈Tx, e−i〈ω,x〉〉ϕ(ω) dω

du fait de la linearite et continuite de T (qui explique ici le fait que prise d’integraleet action de T commutent, ce qui se voit par exemple si on approche l’integraledefinissant ϕ(ω) par des sommes de Riemann 9. Ceci montre que la transformee deFourier de T au sens des distributions temperee est la distribution-fonction [F ] ou

F : ω ∈ Rn 7−→ 〈Tx , e−i〈ω,x〉〉.

Cette fonction est une fonction C∞ dans Rn (on le montre comme dans l’exemple3.18, voir aussi l’argument utilise dans la preuve de la Proposition 2.2) et, pourtout multi-indice l ∈ Nn, on a

(4.28)( n∏j=1

∂lj

∂xljj

)[F ](ω) =

⟨Tx , (−ix1)l1 . . . (−ixn)ln e−i〈ω,x〉

⟩.

Pour tout z ∈ Cn, on pose

F (z) =⟨Tx , e

−i(z1x1+···+znxn)⟩

=⟨Tx , ρ(x) e−i(z1x1+···+znxn)

⟩.

La fonction F est continue sur Cn (du fait que Tx est une distribution) et le theoremede Morera (voir [Charp]), couple avec le theoreme de Fubini, implique aussi queF est une fonction entiere en les n variables z1, ..., zn. En utilisant le critere (3.4)de la Proposition 3.3 et le fait que pour x tel que d(x,K) ≤ ε et z ∈ C, on ait

| exp(−i(z1x1 + · · ·+ znxn))| = exp( n∑j=1

xj Im zj

)≤ exp(HK(Im z) + ε‖Im z‖),

on montre que les estimations (4.27) sont satisfaites (l’entier M qu’il convient deprendre est ici l’ordre de T ). En appliquant le meme critere (3.4), mais cette foisau second membre de (4.28), on constate que la fonction de ω figurant precisementdans ce second membre est aussi en O(‖ω‖M ) au voisinage de l’infini. Ceci montreque F est bien une fonction a croissance lente.

On ne donnera dans ce cours une preuve de la reciproque que dans le cas n = 1 etK = [−R,R] (en fait, dans le cas n = 1, on ramene aisement le cas ou K est unsegment [a, b] de R a ce cas). On se donne une fonction entiere F en n variables

9. On retrouve ici l’argument utilise plusieurs fois dans ce cours, par exemple lors de la preuvede la Proposition 2.2.

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 69

complexes satisfaisant aux estimations (4.27) (ici HK(Im z) est donc a remplacerpar R |Im z|) puisqu’on se place en dimension un. Du fait que

∀ω ∈ Rn, |F (ω)| ≤ C1(1 + |ω|)M

(prendre ε = 1 et z = ω ∈ Rn dans (4.27)), on constate (il suffit d’invoquer lesbatteries de formules (4.9)) que l’on definit une distribution temperee T sur Rn enposant

∀ϕ ∈ S(Rn,C), 〈T, ϕ〉 =1

∫RnF (−ω)ϕ(ω) dω.

On a en particulier

∀ϕ ∈ S(Rn,C), 〈T, ϕ〉 =1

∫RnF (−ω) ϕ(ω) dω =

∫RnF (ω)ϕ(ω) dω

d’apres l’expression (4.10) de la transformation de Fourier inverse au niveau desfonctions-test, et par voie de consequences, au niveau des distributions par dualite.

On a donc bien T = F|Rn au sens des distributions temperees. Il reste a prouverque le support de T est bien inclus dans [−R,R]. Pour cela, nous montrons que siSuppϕ ⊂ [R+ ε0,+∞[ pour un certain ε0 > 0, alors 〈T, ϕ〉 = 0 (de maniere tout afait symetrique, on prouverait qu’il en est de meme si Suppϕ ⊂] −∞,−R − ε0]).Prenons donc une fonction-test ϕ de support dans [R + ε0,+∞[ pour un certainε0 > 0. On a donc, compte-tenu du choix de ϕ,

ϕ(ω) =

∫[R+ε0[

ϕ(t) e−iωt dt.

Pour tout z ∈ C, on pose

ϕ(z) =

∫[R+ε0[

ϕ(t)e−izt dt.

Cette integrale converge du fait que ϕ ∈ D(R,C). De plus, on peut utiliser letheoreme de Morera [Charp], toujours couple avec celui de Fubini, pour montrerque z 7−→ ϕ(z) est une fonction entiere. En utilisant des integrations par parties(comme pour la seconde des batteries de formules 4.9), on constate que pour toutentier k ∈ N, pour tout z ∈ C,

(iz)kϕ(z) =

∫[R+ε0,+∞[

dk

dtk[ϕ](t) e−izt dt

et donc qu’il existe une constante γ telle que

(4.29) ∀ z = x+ iy avec y < 0, |ϕ(z)| ≤ γ

(1 + |z|)M+2e−(R+ε0)|Im z|.

Soit, pour T > 0 et y > 0, ΓT,y la lacet de C correspondant au bord du rectangle[−y, 0]× [−T, T ] oriente dans trigonometrique. La formule de Cauchy (voir le coursd’analyse complexe [Charp]) implique∫

ΓT,y

F (−ζ) ϕ(ζ) dζ = 0.

Du fait des estimations (4.27) et (4.29), les deux integrales∫[−T−iy,−T ]

F (−ζ) ϕ(ζ) dζ &

∫[T−iy,T ]

F (−ζ) ϕ(ζ) dζ

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70 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

(sur les segment verticaux du contour ΓT,y) sont toutes deux majorees en module

par y γ C1 (1 + T )−2e(R+1)y et tendent donc vers 0 lorsque y > 0 est fixe et Ttend vers +∞. Il en resulte l’egalite des deux integrales (toutes deux absolumentconvergentes en vertu des estimations (4.27) et (4.29)) :

(4.30)

∫RF (−ω) ϕ(ω) dω =

∫RF (−ω + iy) ϕ(ω − iy) dω.

Or les estimations (4.27) et (4.29) impliquent∣∣∣ ∫RF (−ω + iy) ϕ(ω − iy) dω

∣∣∣ ≤ ∫R|F (−ω + iy)| |ϕ(ω − iy)| dω

≤ γ Cε0/2∫R

e(R+ε0/2)y−(R+ε0)y

(1 + |ω|)2dω ≤ γ Cε0/2 e

−ε0y/2∫R

(1 + |ω|)2.

(4.31)

En faisant tendre y vers l’infini dans (4.31) et en utilisant (4.30), il vient bien(Suppϕ ⊂ [R+ ε0,+∞[

)=⇒ 〈T, ϕ〉 =

1

∫RF (−ω) ϕ(ω) dω = 0.

Le meme raisonnement vaut si Suppϕ ⊂]−∞,−R− ε0]. Ceci etant vrai pour toutε0 > 0, il en resulte bien que SuppT ⊂ [−R,R]. La distribution-fonction F|Rnest donc bien transformee de Fourier d’une distribution a support dans [−R,R]. Lesecond volet du theoreme de Paley-Wiener est bien demontre dans ce cas particulier(n = 1, K = [−R,R]). La preuve dans le cas general suivrait les memes lignes,mais exige une plus grande familiarite avec les fonctions de plusieurs variablesreelles ou complexes (il faut aussi exploiter le fait qu’un convexe compact de Rnest intersection de tous les demi-espaces fermes de Rn qui le contiennent).

A l’occasion de la preuve du second volet du theoreme de Paley-Wiener (Theoreme4.16), nous avons en fait utilise (dans sa version directe) le critere donnant lacaracterisation des transformees de Fourier des fonctions-test ϕ ∈ DK(Rn,C), ouK est un convexe compact K ⊂ Rn donne. Ce critere constitue un second theoremede Paley-Wiener, plus facile que le Theoreme 4.16 (pour nous ici, il s’en deduira enfait), mais tout aussi utile.

Theoreme 4.17 (theoreme de Paley-Wiener, version fonctions-test). Nousavons le resultat en deux volets suivant.

— Soit ϕ ∈ DK(Rn,C), ou K est un convexe compact de Rn. La transformeede Fourier ϕ ∈ S(Rn,C) de ϕ est la restriction a Rn d’une fonction entierede n variables (notee aussi ϕ) telle que

(4.32) ∀ p ∈ N, ∃ γp > 0, ∀ z ∈ Cn , |ϕ(z)| ≤ γpeHK(Im z)

(1 + ‖z‖)p.

— Reciproquement, si Φ est une fonction entiere de n variables verifiant (4.32),alors la restriction Φ|Rn de Φ a Rn definit une fonction de l’espace S(Rn,C)qui est la transformee de Fourier d’un element ϕ ∈ DK(Rn,C).

Demonstration. Le premier volet se prouve aisement. Si ϕ ∈ DK(Rn,C),le theoreme de Morera (couple avec Fubini, voir le cours d’Analyse Complexe

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 71

[Charp]), permet de montrer que

z ∈ Cn 7−→∫Rnϕ(x) exp(−i(z1x1 + · · ·+ znxn)) dx =

=

∫K

ϕ(x) exp(−i(z1x1 + · · ·+ znxn)) dx

(4.33)

est une fonction entiere (en n variables). Les estimations (4.32) s’obtiennent (commecelles de la seconde batterie de formules (4.9)) par integrations par parties succes-sives.

Pour ce qui est du second volet (volet reciproque), on peut appliquer le Theoreme4.16 (volet reciproque aussi) qui assure que Φ|Rn est la transformee de Fourierd’une distribution T a support compact (inclus dans K). Comme Φ est entiere,la formule de Cauchy (voir [Charp], chapitre II) assure (c’est un resultat connucomme theoreme de Weierstrass, consequence en fait des inegalites de Cauchy)que les derivees a tout ordre de Φ|Rn sont controlees de la meme maniere que

Φ|Rn , c’est-a-dire en O((1 + ‖ω‖)−p) pour tout p ∈ N lorsque ‖ω‖ tend vers l’infini(estimations (4.32) lorsque Im z = 0). La restriction Φ|Rn de Φ a Rn est donc unelement de S(Rn,C), donc T en est un aussi (d’apres le Theoreme 4.2). Comme Test a support compact inclus dans K, T = [ϕ], ou ϕ ∈ DK(Rn,C). Le second voletdu Theoreme 4.17 est ainsi demontre.

Exercice 4.18 (transformation de Fourier et fonctions de Bessel). Montrer

que la transformee de Fourier de la fonction caracteristique du disque ferme D(0, 1)du plan est la fonction

(ω1, ω2) 7−→ πJ1(√ω2

1 + ω22)√

ω21 + ω2

2

,

ou J1 est la fonction de Bessel d’indice 1 :

J1(z) =1

π

∫ π

0

cos(z sin θ − θ) dθ =z

2

∞∑k=max(0,−1)

(−1)k

k!(k + 1)!

(z2

)2k

, z ∈ C.

Montrer que la transformee de Fourier de la distribution dσ|z|=1/2π (mesure uni-forme de masse totale 1 sur le cercle de centre 0 et de rayon 1) est la fonction

(ω1, ω2) 7−→ J0(√ω2

1 + ω22),

ou J0 est la fonction de Bessel d’indice 0 :

J0(z) =1

π

∫ π

0

cos(z sin θ) dθ =

∞∑k=0

(−1)k

(k!)2

(z2

)2k

, z ∈ C.

Le fait que les fonctions de Bessel J0 et J1 interviennent dans ce cadre expliqueleur importance en optique.

Exercice 4.19 (fonctions moyenne-periodiques). Soit T une distribution a

support compact dans R et z0 un zero complexe du prolongement de T en unefonction entiere. Montrer que la fonction t 7→ eiz0t est solution de l’equation de

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72 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

convolution T ∗ f ≡ 0 10. Montrer que si z est un nombre complexe, la fonctiont 7→ eizt est vecteur propre de l’operateur

f ∈ C∞(R,C) −→ T ∗ f ∈ C∞(R,C)

(voir l’exemple 3.18) ; quelle est la valeur propre correspondante ?

4.2.2. Transformation de Fourier et convolution. La transformation deFourier (lorsqu’il est possible de la definir) presente l’interet d’echanger les ope-rations de convolution et de multiplication. Comme aucune de ces deux operationsn’est bien definie (c’est-a-dire sans restriction) dans le cadre des distributions, memetemperees, il faut prendre garde au fosse existant entre ce qui releve de l’heuris-tique et ce qui releve de la rigueur mathematique. Compte tenu de l’omnipresencede l’operation de convolution (boites noires, filtres, etc.) et de la simplicite del’operation de multiplication par rapport a la complexite que presente l’operation deconvolution, on comprendra cependant l’importance que revet, lorsque cela s’averepossible, la possibilite de profiter de la transformation de Fourier.

Les fonctions entieres F : Cn → C verifiant la condition

(4.34) ∃M ∈ N, ∃C > 0, ∃R > 0, |F (z)| ≤ C(1 + ‖z‖)M eR‖Im(z)‖

constituent une sous-algebre de l’algebre des fonctions entieres (les operations etantl’addition, la multiplication, et la multiplication externe par un scalaire), appeleealgebre de Paley-Wiener. L’algebre de Paley-Wiener PW(Cn) contient les fonc-tions polynomiales en n variables complexes. D’apres le theoreme de Paley-Wiener(Theoreme 4.16), les restrictions a Rn des elements de PW(Cn) sont exactementles transformees de Fourier au sens des distributions temperees des elements del’algebre de convolution E ′(Rn,C). De plus, on a la proposition suivante :

Proposition 4.5 (transformee de Fourier des distributions et convolution). SiS ∈ S ′(Rn,C) et T ∈ E ′(Rn,C), on a S∗T ∈ S ′(Rn,C) et la transformee de Fourierde S ∗ T au sens des distributions temperees est donnee par

(4.35) S ∗ T = T · S

ou le produit a droite dans (4.35) est le produit de la fonction F = T (a croissance

lente sur Rn) par la distribution temperee S. En particulier, la transformation deFourier realise un isomorphisme de C-algebres entre l’algebre E ′(Rn,C) et l’algebredes restrictions a Rn de l’algebre de Paley-Wiener PW (Cn).

Demonstration. La premiere assertion a deja ete mentionnee (exemple 4.8).Le calcul de la transformee de Fourier de S ∗ T donne :

(4.36) 〈S ∗ T , ϕ〉 =⟨Sξ,⟨Tη, ϕ(ξ + η)

⟩⟩.

Or ⟨Tη, ϕ(ξ + η)

⟩=⟨T (η − ξ), ϕ(ξ)

⟩=⟨

T ∗ δη−ξ, ϕ⟩

= 〈[FT (·), e−iξ(·)], ϕ〉,

ou FT designe la fonction correspondant a la distribution fonction T . On a donc⟨S ∗ T , ϕ

⟩=⟨Sξ,⟨[FT (·) e−iξ(·)], ϕ

⟩⟩= 〈S, FTϕ〉 = 〈FT · S, ϕ〉,

d’ou la formule (4.35) si l’on utilise l’abus de notation (licite) FT = [FT ] = T .

10. Les solutions d’une telle equation de convolution (T ∈ E ′(Rn,C)) ou d’un systeme de tellesequations sont dites moyenne-periodiques.

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 73

Exercice 4.20 (operateur de Riesz, transformation de Hilbert). Montrer quel’operateur

ϕ ∈ D(R,C) 7−→ VP[1/x] ∗ ϕ ∈ D′(R,C)

se prolonge en une isometrie H de L2C(Rx,B(Rx), dx) dans L2

C(Rω,B(Rω), dω).L’operateur H ainsi defini est le prototype d’une classe importante d’operateurs, lesoperateurs de Riesz. On utilisera pour cela la transformation de Fourier des distri-butions temperees et le resultat etabli dans l’exemple 4.12, ainsi que la Proposition4.5. L’operateur Id +H s’appelle transformation de Hilbert et est d’un usage trescourant en ingenierie. Comment agit justement la transformee de Hilbert dans ledomaine frequentiel (c’est la tout son interet pratique) ?

Exercice 4.21. Soit T une distribution temperee sur Rnx dont la transformeede Fourier est la distribution-fonction correspondant a une fonction mesurable es-sentiellement bornee sur Rnω. Montrer que l’operateur

ϕ ∈ D(Rn,C) 7−→ T ∗ ϕ ∈ D′(Rn,C)

se prolonge en un operateur lineaire continu de l’espace de Hilbert L2C(Rnx ,B(Rnx), dx)

dans l’espace de Hilbert L2C(Rnω,B(Rnω), dω).

4.2.3. Transformation de Fourier et distributions periodiques. Lesdistributions periodiques relativement a un reseau 11 Λ de Rn sont des distributionstemperees (exemple 4.5). Il est d’autant plus interessant d’en etudier le spectre quel’on sait qu’il existe une operation de convolution (voir la Definition 3.16 dans lecas ou Λ = (2πZ)n) entre distributions periodiques.

L’une des plus interessantes (parmi les distributions periodiques relativement a unreseau Λ de Rn) est le peigne de Dirac relatif a ce reseau Λ. Cette distribution a dejaete introduite dans le cas particulier n = 1, Λ = 2πZ, dans l’exercice 2.5. Elle joueun role important dans nombre de situations concretes : cristallographie, optique,cryptographie, empilements et reseaux, etc. C’est la distribution Λ-periodique (donctemperee) δΛ definie par

〈δΛ, ϕ〉 =∑λ∈Λ

ϕ(λ).

Avant d’enoncer le resultat majeur de cette section, a savoir la formule sommatoirede Poisson, nous devons preciser une definition algebrique, celle de reseau dual.

Definition 4.22 (reseau dual). Soit Λ un reseau de Rn, Λ = Z e1⊕ · · · ⊕Z en,ou (e1, ..., en) designe une base de Rn. On appelle reseau dual de Λ le reseau de(Rn)∗ defini par

Λ∗ = Z e∗1 ⊕ · · · ⊕ Z e∗n,ou (e∗1, ..., e

∗n) designe la base duale de la base (e1, ..., en).

Remarque 4.23. On rappelle que si A designe la matrice des coordonnees(en colonne) des vecteurs ej exprimes dans la base canonique de Rn, celle descoordonnees (en colonne) des vecteurs e∗j exprimes dans la base canonique de (Rn)∗

(i.e. la base duale de la base canonique de Rn) est la matrice t[A−1] = [tA]−1.

11. Un reseau de Rn est par definition un sous-groupe libre de Rn de rang n, donc de la formeΛ = Z e1 ⊕ · · · ⊕ Z en, ou (e1, ..., en) designe une base de Rn.

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74 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Theoreme 4.24 (formule sommatoire de Poisson 12). Soit Λ un reseau de Rnx.Si l’on assimile l’espace Rnω a l’espace (Rnx)∗, le spectre du peigne de Dirac δΛ relatifau reseau Λ = Z e1 ⊕ · · · ⊕ Z en est donne par

(4.37) δΛ =(2π)n

|det Λ|δ2πΛ∗ ,

ou Λ∗ = Z e∗1 ⊕ · · · ⊕ Z e∗n designe le reseau dual de Λ et det Λ := det(e1, ..., en).

Remarque 4.25. En cristallographie, cette formule sommatoire de Poisson seconcretise physiquement : l’image d’un reseau cristallin apres diffraction au traversd’un prisme correspond (aux constantes d’echelle pres) au reseau cristallin dual. Onretrouve bien ici le fait que la transformation de Fourier (materialisee optiquementpar la diffraction) echange les objets localises et les objets diffus (et correspond dupoint de vue mathematique a la dualite en algebre lineaire).

Demonstration. On remarque que, si ϕ ∈ S(Rn,C) et si A est une matrice(n, n) reelle inversible (correspondant a un isomorphisme du R-espace Rnx), on a,par changement de variables dans l’integrale de Lebesgue, pour tout ω ∈ Rnω,

ϕ(ω) =

∫Rnϕ(x) e−i〈ω,x〉 dx =

1

detA

∫Rnϕ(A−1 · y) e−i〈ω ,A

−1·y〉 dy

=1

detA

∫Rnϕ(A−1 · y) e−i

⟨t[A−1]·ω , y

⟩dy.

(4.38)

Comme le spectre de δΛ est donne par

(4.39) 〈δΛ, ϕ〉 = 〈δΛ, ϕ〉,

prouver la formule sommatoire de Poisson (4.37) pour un reseau Λ quelconquerevient (apres changement lineaire de variable x 7→ A · x dans Rnx transformantla base canonique en la base (e1, ..., en)) a prouver cette formule dans le cas ouΛ = Zn. Comme

δZn = δZ ⊗ · · · ⊗ δZ (n fois)

et que l’on observe immediatement (en utilisant (4.39)) que l’on a

δZn = δZ ⊗ · · · ⊗ δZ,

il suffit de prouver la formule (4.37) dans le cas n = 1, Λ = Z, ce que nous ferons.

On se place donc en dimension n = 1 avec Λ = Z. Si ϕ ∈ D(R,C), on a

〈δZ, ϕ〉 =∑λ∈Z

ϕ(λ)∑λ=−N

∫Rϕ(x) e−iλt dt

)

= limN→+∞

(∫Rϕ(t)

( N∑λ=−N

e−iλt)dt)

= limN→+∞

(∫Rϕ(t)

( sin(N + 1/2)t

sin(t/2)

)dt)

(4.40)

12. Mathematicien francais, Simeon-Denis Poisson (1781-1840), fut l’un des pionniers de la

theorie des series et des integrales de Fourier. Ses contributions a la theorie naissante des proba-bilites (loi de Poisson, processus de Poisson) sont aussi tres significatives.

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 75

en utilisant l’expression du noyau de Dirichlet (voir [Y2], section 2.3.3). Pour Ndans N, on a, si Suppϕ ⊂ [−(2M + 1)π, (2M + 1)π],∫

Rϕ(t)

( sin(N + 1/2)t

sin(t/2)

)dt = 2π

M∑k=−M

∫ (2k+1)π

(2k−1)π

ϕ(t)( sin(N + 1/2)t

2π sin(t/2)

)dt.

Pour k entier fixe entre −M et M , il resulte du theoreme de Jordan-Dirichlet (voir[Y2], Theoreme 2.1) que

limN→+∞

∫ (2k+1)π

(2k−1)π

ϕ(t)( sin(N + 1/2)t

2π sin(t/2)

)dt = ϕ(2kπ).

En reportant dans (4.40), on obtient bien

〈δZ, ϕ〉 = 2π

M∑k=−M

ϕ(2kπ) = 2π∑k∈Z

ϕ(2kπ),

ce qui traduit le fait que δZ = 2πδZ∗ . La formule sommatoire de Poisson estdemontree.

La formule sommatoire de Poisson se lit aussi, non en termes de distributions, maisen termes de fonctions-test (ou de S(Rn,C)). On a ainsi :

(4.41) ∀ϕ ∈ S(Rn,C),∑λ∈Λ

ϕ(λ) =(2π)n

det Λ

∑λ∗∈Λ∗

ϕ(2πλ∗).

En dimension 1, pour tout τ > 0,

(4.42) ∀ϕ ∈ S(R,C),∑k∈Z

ϕ(kτ) =2π

τ

∑k∈Z

ϕ(2kπ/τ).

Sous cette forme (4.42), la formule sommatoire de Poisson peut apparaitre commeune formule de resommation permettant d’exprimer la somme d’une serie conver-geant lentement comme la somme d’une serie convergeant tres rapidement : c’estpar exemple le cas si ϕ(t) = exp(−t2/2) (cette fonction est fonction propre de la

transformation de Fourier, correspondant a la valeur propre√

2π) et τ est tres petit ;la serie de gauche dans (4.42) converge tres lentement, tandis que la serie de droiteconverge excessivement rapidement, au point que les premiers termes permettentimmediatement de calculer numeriquement sa somme. C’est la l’un des interets ma-jeurs de la formule sommatoire de Poisson en mathematiques fondamentales, parexemple en theorie analytique des nombres. On profite ici, avantageusement cettefois, du principe d’incertitude d’Heisenberg (plus ϕ est localise, plus son spectre estdiffus).

Exercice 4.26. Montrer que la formule sommatoire de Poisson (4.42) s’ap-plique pour la fonction t 7→ exp(−|t|) (qui n’est pas C∞ au voisinage de 0, mais quisinon satisfait les proprietes de decroissance a l’infini partagees par les elements deS(Rn,C)). Montrer que l’on obtient alors, pour τ > 0,

(4.43)∑k∈Z

e−τ |k| = 2τ∑k∈Z

1

τ2 + 4π2k2.

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76 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

Exercice 4.27. Soit

(4.44) f : t ∈]0,∞[ 7−→ 1

t

(1

2− 1

t− 1

et − 1

).

En utilisant les developpements limites a droite de 0, montrer que f se prolongecontinuement sur [0,+∞[, avec f(0) = 1/12. En utilisant la formule (4.43) etabliea l’exercice 4.26, montrer que

∀ t ≥ 0, f(t) = 2

∞∑k=1

1

t2 + 4π2k2.

En deduire que f est decroissante sur [0,+∞[ (ceci peut-il se voir directement surl’expression (4.44) de f ?) et retrouver le fait que ζ(2) = π2/6.

Une application importante de la formule sommatoire de Poisson est liee a l’im-portante question de l’echantillonnage en ingenierie mathematique. Cette questionconditionne le passage du digital a l’analogique et vice-versa. Il est facile de seconvaincre intuitivement que si une fonction continue F : R → R definissant unedistribution temperee [F ] presente des oscillations trop rapides, il est impossiblede restituer cette fonction F a partir de la suite de ses echantillons (F (kτ))k∈Z, τetant un pas d’echantillonnage a priori fixe. En revanche, si les frequences presentesdans la decomposition spectrale de F restent en module en dessous d’un seuil Ωdonne (le spectre de [F ], considere comme distribution temperee sur Rω, est nulhors de [−Ω,Ω]), on peut esperer que la restitution de F soit possible a partir dela suite des valeurs echantillonnees (F (kτ))k∈Z pourvu que le pas τ soit assez petit(en fonction bien sur de Ω). C’est dans ce sens que va precisement le theoreme deShannon-Nyquist 13 que nous enoncons ci-dessous, dans sa version distributions.

Theoreme 4.28 (theoreme d’echantillonnage de Shannon-Nyquist, version dis-tributions). Soit F une fonction C∞ a croissance lente (voir exemple 4.7) sur Rtelle que la transformee de Fourier de la distribution [F ] soit une distribution asupport compact, inclus dans [−Ω,Ω]. Si τ < π/Ω, la connaissance de la liste desechantillons (F (kτ))k∈Z suffit a la restitution complete de la fonction F .

Demonstration. Soit T la distribution (de support inclus dans [−Ω,Ω]) definiepar

〈T, ϕ〉 =1

2π〈[F ], ϕ(−t)〉.

D’apres la Proposition 4.5 et la formule sommatoire de Poisson (Theoreme 4.24) latransformee de Fourier (au sens des distributions temperees) de la distribution

T ∗ δ2π/τ Z =∑k∈Z

T (·+ 2kπ/τ)

estT ∗ δ2π/τZ = 2πT · δτZ.

13. Ingenieur electrique americain, Claude Elwood Shannon (1916-2001) fut un des pionniers de

la theorie de l’information ; on lui doit l’introduction de la notion d’entropie et la mise en evidencede son role majeur dans les problemes de gain ou de compression d’information, les bases de la

theorie du codage, etc.. Le resultat que nous citons ici, attribue a Shannon et a Harry Nyquist

(1889-1976), physicien suedois collaborateur de Shannon aux Bell Labs, est un principe majeuren theorie de la communication et dans le traitement des signaux ou des images.

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4.2. TRANSFORMATION DE FOURIER DES DISTRIBUTIONS TEMPEREES 77

D’apres la formule d’inversion de Fourier (voir la formule 4.10 au niveau des fonctions-

test, donc aussi des distributions temperees par dualite), on a T = [F ]. La trans-formee de Fourier inverse de la distribution

T · δτZ =∑k∈Z

F (kτ) δkτ

est donc la distribution ∑k∈Z

T (·+ 2kπ/τ).

Si τ < π/Ω, on remarque que, si ρ est une fonction plateau de support dans l’ouvert]− π/τ, π/τ [ identiquement egale a 1 au voisinage de [−Ω,Ω], on a

ρ ·(∑k∈Z

T (·+ 2kπ/τ))

= T ;

en effet les divers translates de [−Ω,Ω] (contenant SuppT ) par les multiples de2π/τ ne se chevauchent pas dans ce cas. La determination de F se fait alors au sens

des distributions par [F ] = T . La distribution T , puis la distribution-fonction [F ],se calculent donc directement via les operations suivantes :

(1) on calcule la transformee de Fourier inverse S de la distribution tempereeF · δτZ ;

(2) on restreint S a l’ouvert ]−π/τ, π/τ [, par exemple en multipliant cettedistribution par une fonction plateau ρ de support dans l’ouvert ]−π/τ, π/τ [identiquement egale a 1 au voisinage de [−Ω,Ω] ;

(3) on calcule enfin le spectre de la distribution S ainsi construite en tron-quant S.

Remarque 4.29. Lorsque le spectre de [F ] est dans L2C(Rω,B(Rω), dω) et que

de plus Supp [F ] ⊂ [−Ω,Ω], la restitution de F a partir de ses echantillons estdonnee (lorsque τ ≤ π/Ω) par

(4.45) F (t) =∑k∈Z

F (kτ) sinc(π(t− kτ)

τ

),

ou la fonction t 7→ sinc (πt) est la fonction

t 7→ sin(πt)

πtcorrespondant a la transformee de Fourier inverse de la fonction caracteristiquede l’intervalle frequentiel [−π, π]. De plus, la serie au second membre de (4.45)converge uniformement sur R. Ce resultat se demontre a partir de la formule dePlancherel du cours de L3 (voir [Y2], Theoreme 2.8). Dans le cas ou F est toujoursdans L2

C(Rt,B(Rt), dt), mais verifie seulement∫|ω|≥Ω

|F (ω)| dω ≤ π ε(

au lieu de

∫|ω|≥Ω

|F (ω)| dω = 0)

pour un certain ε > 0, l’erreur uniforme que l’on commet en remplacant F par lemembre de droite de (4.45) lorsque τ ≤ π/Ω est majoree en module par ε. Ce seuilπ/Ω au dela duquel apparait le probleme du sous-echantillonnage est dit seuil deNyquist.

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78 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

4.3. Solutions fondamentales d’operateurs differentiels

4.3.1. Le theoreme de B. Malgrange et L. Ehrenpreis. Les distribu-tions temperees fournissent un cadre pour l’inversion (relativement a l’operation deconvolution) des operateurs differentiels a coefficients constants. Commencons icipar introduire une definition.

Definition 4.30 (solution fondamentale d’un operateur de convolution parun element de E ′(Rn,K)). Soit T une distribution a support compact dans Rn, avaleurs dans le corps K = R ou C. Une distribution S ∈ D′(Rn,K) est dite solutionfondamentale de l’operateur de convolution 14

(4.46) Φ ∈ D′(Rn,K)→ Φ ∗ T ∈ D′(Rn,K)

si S ∗ T = T ∗ S = δ0 au sens des distributions sur Rn.

Le resultat majeur de cette section est le tres important theoreme prouveindependamment par Bernard Malgrange et Leon Ehrenpreis 15 s’enoncant ainsi.

Theoreme 4.31 (theoreme de Malgrange-Ehrenpreis, 1954-1955). Tout ope-rateur de convolution avec une distribution de support l’origine a valeurs dans K =R ou C (i.e. de la forme P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn)[δ0], ou P ∈ K[X1, ..., Xn] d’apres laProposition 3.4) admet une solution fondamentale (a valeurs dans K) temperee. Ouencore, etant donne un polynome quelconque P ∈ K[X1, ..., Xn], il existe toujoursune distribution S ∈ S ′(Rn,K) telle que

(4.47) P( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)[S] = δ0.

Demonstration. Ce resultat repose sur un theoreme d’algebre du au mathe-maticien russe Joseph Bernstein (1945, –) que nous admettrons (ce theoreme estune consequence assez directe, mais subtile, de la nœtheriannite de l’anneau despolynomes K[X1, ..., Xn]).

Theoreme 4.32 (theoreme de Bernstein, 1971). Soit K un corps de caracte-ristique zero et P ∈ K[X1, ..., Xn]. Il existe un polynome non identiquement nulp ∈ K[T ], un polynome Q [X1, ..., Xn, Y1, ..., Yn, T ] tel que l’on ait (formellement)la relation (dite equation fonctionnelle de Bernstein ou relation de Bernstein)(4.48)

p(λ)×Pλ(X1, ..., Xn) = Q(X1, ..., Xn,

∂X1, ...,

∂Xn, λ) [Pλ+1(X1, ..., Xn)

].

Admettons ici ce resultat d’obedience algebrique. Pour prouver que l’operateurdifferentiel P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn) admet une solution fondamentale temperee, il suf-fit, si l’on utilise la transformation de Fourier des distributions temperees et la

14. Cet operateur est bien defini du fait de la Proposition 3.7.15. Bernard Malgrange (1928,–) mathematicien francais contemporain, fut, dans le sillage de

Laurent Schwartz, l’un des pionniers de l’etude des equations de convolution (1950-1960). On

doit surtout au mathematicien americain Leon Ehrenpreis (1930-2010), avec le mathematicienrusse contemporain Victor Palamodov, le Principe Fondamental, extension au cadre des systemesd’equations aux derivees partielles a coefficients constants du celebre principe d’Euler suivantlequel, en une variable, toute solution C∞ sur un intervalle de R d’une equation differentielle a

coefficients constants est combinaison lineaire des fonctions du type x 7→ xkeλx, k ∈ N, λ ∈ C, quien sont solutions.

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 79

Proposition 4.5, de montrer qu’il existe une distribution temperee Ψ ∈ S ′(Rnω,C)telle que

P (iω1, ..., iωn) ·Ψ = 1

au sens des distributions temperees dans Rnω ; en effet la transformee de Fourier dela distribution P (∂/∂x1, ..., ∂/∂xn) [δ0] est la distribution fonction [P (iω1, ..., iωn)](Proposition 4.4). On posera alors S = F−1(Ψ) (F designant la transformation deFourier, isomorphisme entre S ′(Rnx ,C) et S ′(Rnω,C)) pour avoir la solution fonda-mentale temperee voulue (si K = R, on prendra la partie reelle de cette distributionS).

Voici comment on procede pour construire Ψ. On introduit sur Rnω la fonctionpolynomiale positive ou nulle

ω ∈ Rn 7−→ P(ω) = |P (iω1, ..., iωn)|2.Soit ϕ ∈ D(Rnω,C). La fonction

(4.49) λ ∈ Reλ > 1 7−→∫Rnω

Pλ−1(ω)P (iω)ϕ(ω) dω

est une fonction holomorphe dans le demi-plan ouvert Reλ > 1 (cela resulte dutheoreme de Morera, voir [Charp], combine avec le theoreme de Fubini). Du faitde la relation de Bernstein (4.48) et de la formule d’integration par parties (en faitla formule de Stokes a plusieurs variables) appliquee de maniere repetitive en lesvariables x1, ..., xn les unes apres les autres, on voit que, si Reλ >> 1, on a larelation ∫

RnPλ−1(ω)P (iω)ϕ(ω) dω =

=1

p(λ− 1)

∫Rnω

Pλ(ω) Q(ω1, ..., ωn,−

∂ω1, ...− ∂

∂ωn, λ)

[P (i ·)ϕ] dω.(4.50)

La relation (4.50) permet de prolonger la fonction (4.49) en une fonction mero-morphe (notee λ 7→ 〈Ψλ, ϕ〉) dans tout le plan complexe 16. Il n’y a aucune raisona priori pour que λ = 0 ne soit pas un pole 1 de ce prolongement ; cependant, lafonction meromorphe λ 7→ 〈Ψλ, ϕ〉 se developpe en serie de Laurent au voisinagede λ = 0 (l’ordre de ce pole est fini) et l’on convient de noter 〈Ψ, ϕ〉 le coefficientde λ0 dans ce developpement. Comme

Pλ(ω) = exp(λ log(P(ω))

)=

∞∑k=0

(log(P (ω)))k

k!λk

et que toutes les distributions fonction [ωl11 . . . ωlnn (log(P (ω)))k] sont temperees pourtout multi-indice l, pour tout k ∈ N, on voit que

ϕ 7−→ 〈Ψ, ϕ〉definit une distribution temperee. Mais il resulte de la relation (4.50) que

〈P (iω) ·Ψ, ϕ〉 =[ ∫

RnPλ−1(ω)P (iω)P (iω)ϕ(ω) dω

]λ=0

= 〈[1], ϕ〉.

16. Pensez par exemple a la maniere dont on prolonge la fonction λ → Γ(λ) (holomorphe a

priori dans le demi-plan Reλ > 0 du plan complexe en une fonction λ 7→ 〈Ψλ, ϕ〉 meromorphe

dans C, ce en exploitant la relation fonctionnelle Γ(λ+1) = λΓ(λ) sous la forme Γ(λ) = Γ(λ+1)/λ.C’est un peu plus complique ici car la relation fonctionnelle (4.50) est plus complexe, mais l’idee

est essentiellement la meme.

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80 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

On a donc bien trouve la distribution temperee Ψ cherchee, donc aussi par Fourierinverse la solution fondamentale S.

Des exemples importants emaillent les cours precedents (en particulier le coursd’Analyse Complexe [Charp]). En voici une liste des plus importants.

Exemple 4.33 (solution fondamentale du laplacien). Une solution fondamen-tale temperee de l’operateur de Laplace (ou encore laplacien)

∆ :=

n∑j=1

∂2

∂x2j

est donnee lorsque n = 2 par

S(x, y) :=1

[log√x2 + y2

]=

1

2π[log |x+ iy|]

et lorsque n > 2 par

S(x1, ..., xn) = − Γ(n/2)

2πn/2 (n− 2)[‖x‖2−n]

(ceci resulte de la formule de Green, voir [Charp], chapitre 3). On note que comme2− n > −n, x 7→ ‖x‖2−n est bien une fonction localement integrable. La norme iciest la norme euclidienne.

Exemple 4.34 (solution fondamentale de l’operateur de Cauchy-Riemann).Lorsque n = 2, une solution fondamentale de l’operateur de Cauchy-Riemann

∂z=

1

2

( ∂∂x

+ i∂

∂y

)est la distribution fonction

S =1

π

[ 1

x+ iy

]=

1

π

[1

z

].

Ceci resulte de la formule de Cauchy-Pompeiu (voir [Charp]) qui assure que siϕ ∈ D(R2,C) (en fait C1 a support compact suffit),

ϕ(z) = − 1

2iπ

∫ ∫C

∂ϕ

∂ζ

dxdy

ζ − z, ∀ z ∈ C.

Exemple 4.35 (Le cas de la dimension 1). Attention ! Si P (d/dx) est unoperateur differentiel tel que

1

P (X)=

m∑j=1

νj∑l=1

γjl(X − αj)νj

(les αj , j = 1, ...,m, etant les racines de P et les νj leurs multiplicites) et que l’onnote

S =

m∑j=1

νj∑l=1

γjlLαj ,l,

la distribution causale S verifie P (d/dx)[S] = δ0 (voir la Proposition 3.11) maiselle n’est pas en general temperee (sauf si les αj sont tous de partie reelle negativeou nulle). L’operateur P (d/dx) admet bien une solution fondamentale temperee 17

17. On pourra en calculer une en exercice.

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 81

d’apres le Theoreme 4.31, mais elle n’est pas en general causale ! On pourra encalculer une en exercice.

4.3.2. L’equation de la chaleur. Si Ω ⊂ Rn est un ouvert de Rn et

(t, x) 7→ Θ(x, t)

un champ de temperature dans ce domaine (t designant ici le temps), le premierprincipe de la thermodynamique, couple avec l’equation de Green (qui affirme 18

que le flux du gradient de Θ sortant d’un volume ferme est egal a l’integrale dansee volume de la divergence de ce champ de gradient, c’est-a-dire du Laplacien ∆Θ),assure que Θ obeit (en les variables (t, x), t > 0, x ∈ Ω), a l’equation de la chaleur(on dit aussi equation de Fourier)

(4.51)( ∂∂t− γ∆x

)[Θ] =

PT

ρc,

ou γ designe le coefficient de diffusivite thermique, PT la productivite thermique,ρ la masse volumique du materiau dans lequel s’effectue la propagation, et c lachaleur specifique de ce meme materiau. Au coefficient pres, l’operateur differentielen jeu ici est l’operateur de la chaleur

(4.52)∂

∂t−

n∑j=1

∂2

∂x2j

=∂

∂t−∆x.

Il est important de disposer d’une solution fondamentale temperee pour cet ope-rateur. Il est possible dans ce cas particulier de calculer pareille solution, ce quenous allons faire ici en exercice.

Si S est une telle distribution temperee sur Rt × Rnx , on definit une distributiontemperee Fx[S] sur Rt × Rnω en utilisant la regle de dualite :

(4.53) 〈Fx[S], ϕ(t, x)〉 :=⟨S , (t, x) 7→

∫Rnϕ(t, ω) e−i〈ω,x〉 dω

⟩.

La distribution Fx[S] definie par (4.53) est appelee transformee de Fourier partiellede S suivant les variables x (de variables duales ω).. Dans le cas particulier etudie ici,exiger que ∈ D′(Rt×Rnx ,C) soit une solution fondamentale temperee de l’operateur(4.52) equivaut (d’apres les Propositions 4.5 et 4.4) a dire que Fx[S] est solution de( ∂

∂t+ ω2 Id

)[Fx[S]] = Fx[δ0(t)⊗ δ0(x)] = δ0(t)⊗ [1] (ω).

En utilisant la formule des sauts dans le cadre multi-D (Proposition 2.8), U etantl’ouvert t > 0 ⊂ Rt×Rnx , combinee ici avec la Proposition 2.7, on constate qu’unedistribution (d’ailleurs temperee) sur Rt × Rnω solution de( ∂

∂t+ ω2 Id

)[Ψ] = δ0(t)⊗ [1] (ω)

est la distribution

Ψ : ϕ ∈ D(Rt × Rnω,R) 7−→⟨H(t) exp(−t‖ω‖2) , ϕ(t, ω)

⟩.

18. C’est la formule de Green-Ostrogradski, voir par exemple [Charp].

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82 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

En utilisant la transformation de Fourier inverse F−1ω (toujours partielle suivant les

variables ω, de variables duales x) :

F−1ω [Ψ] : ϕ ∈ D(Rt × Rnx ,C) 7−→

⟨Ψ , (t, ω) 7→ 1

(2π)n

∫Rnϕ(t, x) ei〈ω,x〉 dx

⟩=⟨H(t) exp(−t‖ω‖2) , (t, ω) 7→ 1

(2π)n

∫Rnϕ(t, x) ei〈ω,x〉 dx

⟩,

(4.54)

on construit avec S = F−1ω [Ψ] une solution fondamentale temperee de support dans

t ≥ 0 de l’operateur de la chaleur (4.52). Or pour t > 0 fixe, la gaussienne

ω 7→ exp(−t‖ω‖2)

se transforme via la transformee de Fourier inverse en la gaussienne

x 7→ 1

(2π)n

∫Rne−t‖ω‖

2

ei〈ω,x〉 dω =1

(2π)n

∫Rne−‖ω

′‖2/2 ei〈ω′,x/√

2t〉 dω′

(2t)n/2

=1

(4πt)n/2e−‖x‖

2/4t.

Ceci implique, si on le reporte dans (4.54), qu’une solution fondamentale tempereereelle de l’operateur de la chaleur (4.52) est la distribution temperee (causale en t) :

(4.55) S : ϕ ∈ D(Rt × Rnx ,R) 7−→ 1

(4πt)n/2

⟨H(t) e−‖x‖

2/4t , ϕ(t, x)⟩.

Voici comment on peut exploiter la connaissance d’une telle solution fondamentale.Considerons une distribution T ∈ E ′(Rnx ,R) et la distribution T = δ0(t) ⊗ T (x)dans Rt × Rnx . On peut convoler les distributions S et T (puisque T est a supportcompact) et construire ainsi une solution distribution S ∗T de( ∂

∂t−∆x

)[S ∗T] =

[( ∂∂t−∆x

)[S]]∗T = T = δ0(t)⊗ T (x).

La distribution ainsi construite est solution de l’equation de la chaleur

(4.56)( ∂∂t−∆x

)[Θ] ≡ 0

dans l’ouvert t > 0 puisque la restriction de la distribution T a cet ouvert estla distribution nulle. D’autre part, si (tk)k≥0 est une suite de nombres strictementpositifs tendant vers 0+, on constate que la suite des distributions fonction( 1

(4πtk)n/2

[exp(−‖x‖2/4tk)

])k≥0

converge vers la masse de Dirac δ0(x) dans Rn. Ainsi 19, lorsque T = [g], ou g estune fonction continue a support compact dans Rn, la distribution

S ∗Tg = S ∗ (δ0(t)⊗ [g](x))

correspond dans t > 0 a la solution de l’equation de la chaleur (4.56) dont la valeur au bord (c’est-a-dire la valeur initiale sur l’hyperplan t = 0, i.e. al’instant t = 0) est la distribution fonction x 7→ g(x) sur Rnx . Cette distribution

19. Pour justifier proprement ceci, ce que l’on pourra faire en exercice, il faut dans un premier

temps supposer que T = [ϕ], ou ϕ ∈ D(Rnx ,R), puis utiliser la Proposition 2.2 qui permet laregularisation de [g].

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 83

S ∗Tg rend donc compte (dans l’ouvert t > 0) du phenomene de propagation dela chaleur genere par la donnee initiale [g] ∈ E ′(Rn,R) a l’instant t = 0.

4.3.3. L’equation des ondes. Dans un milieu homogene et isotrope, la pro-pagation des ondes est regie dans l’espace temps Rt × Rnx (x = (x1, ..., xn)) parl’equation de propagation

(4.57)( ∂2

∂t2− c2

n∑j=1

∂2

∂x2j

)[E] = 0,

ou c designe la vitesse de propagation dans le milieu (ce peut-etre celle du son 20,celle de la lumiere, etc.). Cette equation est appelee equation des ondes. Dans le casn = 1, on l’appelle equation des cordes vibrantes ; dans le cas n = 2, c’est l’equationdes membranes vibrantes.

L’operateur differentiel

(4.58)∂2

∂t2− c2 ∆x

est appele d’alembertien et note c ou simplement s’il est normalise avec c = 1.Le cone ferme de Rt × Rnx defini par

Γ := (t, x) ∈ Rt × Rnx ; t ≥ ‖x‖/cest appele (pensez a la theorie de la relativite lorsque c est interprete comme lavitesse de la lumiere) cone du futur.

a) Le cas n = 1 ( cordes vibrantes )

Lorsque n = 1, l’equation (4.57) (dans Rt × Rnx) se resout en effectuant le change-ment de variables (x, y) ↔ (X,Y ), ou X = ct + x, Y = ct − x. Elle se ramene eneffet dans ce cas a

∂2

∂X∂Y[E] = 0,

ce qui s’integre, si l’on suppose que l’on cherche les solutions E ∈ D′(Rt × Rx,K),en disant que

E(t, x) = Φ(ct+ x)−Ψ(ct− x),

ou Φ et Ψ sont deux distributions quelconques sur R, a valeurs dans K. On notequ’il existe (dans ce cas n = 1) une solution fondamentale temperee de supportinclus dans le cone du futur, a savoir la distribution E1,c definie par

E1,c = H(ct− x)⊗H(ct+ x).

Remarque 4.36 (cordes vibrantes). L’etude de l’equation des ondes en di-mension n = 1 peut aussi etre envisagee sous un angle tout a fait different (c’estprecisement le point de vue des cordes vibrantes ) lorsque Rt × Rx est rem-place par Rt×]0, L[. On etudie cette fois les vibrations d’une corde de longueur L,soumise a une tension T a ces deux extremites (fixes). La recherche de solutionsstationnaires (c’est-a-dire du type E(x, t) = f(x)× g(t), correspondant au fait quela corde vibre en fuseaux ) de l’equation des ondes( ∂2

∂t2− c2 ∂2

∂x2

)[E](t, x) ≡ 0 , t ∈ R, x ∈]0, L[,

20. En l’occurrence, 343 metres par seconde dans l’air.

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84 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

conduit a la resolution de

f(x)× g′′(t) = c2f ′′(x)× g(t)⇐⇒ c2f ′′(x)

f(x)=g′′(t)

g(t)= −ω2 ∈ C,

ou ω2 est une constante. Le systeme a resoudre est donc

g′′(t) + ω2 g(t) = 0 & f ′′(x) +ω2

c2f(x) = 0.

Ceci conduit a

f(x) = A cos((ω/c)x) +B sin((ω/c)x) & g(t) = α cosωt+ β sinωt.

Nous n’approfondirons pas ici cet aspect, relevant plus de l’analyse harmonique quede la theorie des distributions.

b) Le cas n = 3.

Lorsque n = 3 et c = 1, verifions qu’une solution fondamentale temperee del’operateur des ondes, i.e. une solution temperee de

[Et,X ] ≡ δ0(t,X) (ici X := (x, y, z))

de support inclus dans le cone du futur t ≥ ‖X‖ (en fait ici plus precisementdans la frontiere de ce cone) est donnee par

(4.59) 〈E3, ϕ(t,X)〉 =

∫]0,∞[

t( 1

∫S2ϕ(t, t~θ) dσ2(θ)

)dt,

ou dσ2 designe la mesure de Lebesgue sur la sphere unite S2X de R3

X .

Verifions le en exercice. On note que, dans l’expression proposee en (4.59) pourdecrire l’action de E3, l’integrale

1

∫S2ϕ(t, t~θ) dσ2(~θ) = MtS2 [X → ϕ(t,X)].

represente la moyenne de la fonction X 7→ ϕ(t,X) sur la sphere de centre l’origineet de rayon t. On note que pour τ > 0, par derivation par rapport au parametresous l’integrale,

(4.60)∂2

∂t2

[MτS2 [X → ϕ(t,X)]

]= MτS2

[X 7→ ∂2

∂t2[ϕ(t,X)]

].

D’autre part

(4.61) MτS2[x 7→ ∆X [ϕ(t,X)]

]=( ∂2

∂τ2+

2

τ

∂τ

) [MτS2 [X 7→ ϕ(τ, t)]

]puisque le Laplacien d’une fonction radiale r 7→ θ(r), r = ‖X‖, s’exprime en di-mension 3 dans R3 \ (0, 0, 0) par

∆X [θ(‖X‖)] = θ′′(‖X‖) +2

‖X‖θ′(‖X‖).

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 85

On a donc, en reportant dans (4.59) :⟨E3, ϕ

⟩=

⟨E3,ϕ

⟩=

∫]0,∞[

[τ MτS2 [X 7→ ϕ(t,X)]

]τ=t

dt

=

∫]0,∞[

[τ( ∂2

∂t2− ∂2

∂τ2− 2

τ

∂τ

) [MτS2

[X 7→ ϕ(t,X)

]]]τ=t

dt

=

∫]0,∞[

[( ∂2

∂t2− ∂2

∂τ2

) [τ MτS2

[X 7→ ϕ(t,X)

]]]τ=t

dt

=

∫]0,∞[

d

dt

[( ∂∂t− ∂

∂τ

)[τ MτS2

[X 7→ ϕ(t,X)

]]τ=t

]dt

=

[( ∂∂t− ∂

∂τ

)[τ MτS2

[X 7→ ϕ(t,X)

]]τ=t

]∞0

= −

[( ∂∂t− ∂

∂τ

)[τ MτS2

[X 7→ ϕ(t,X)

]]τ=t

]t=0

= limτ→0+

MτS2 [X 7→ ϕ(0, X)] = ϕ(0, 0).

On a bien ainsi verifie que la distribution E3 ∈ S ′(Rt × R3X ,R) definie par (4.59)

verifie au sens des distributions dans Rt × R3X l’equation

E3 = δ0(t,X).

c) Le cas n = 2 ( membranes vibrantes )

On prend ici encore c = 1. On rapporte le plan aux coordonnees (x, y) (z = x+ iy).Le fait de disposer d’une solution fondamentale temperee E3 de support inclus dansle cone du futur t ≥ ‖(x, y, z)‖ (donnee par (4.59)) pour l’operateur des ondesdans Rt × R3

x,y,z induit la construction d’une solution fondamentale temperee E2

pour l’operateur des ondes dans Rt × R2x,y (supportee aussi par le cone du futur

dans cet espace). Il suffit en effet de poser, si ϕ ∈ D(Rt × R2x,y,K),

(4.62) 〈E2(t, x, y), ϕ(t, x, y)〉 = 〈E3(t, x, y, z) , ϕ(t, x, y)⊗ 1(z)〉 ;

le fait que E3 soit supportee dans Rt × R3x,y,z par le cone du futur justifie en effet

la definition (4.62) ci-dessus, meme si la fonction

(t, x, y, z) 7−→ ϕ(t, x, y)⊗ 1(z)

n’est plus a support compact. On verifie en effet que si ϕ ∈ D(Rt × R2x,y,K),⟨

E2(t, x, y),t,x,yϕ⟩

=⟨E3(t, x, y, z) , t,x,y ϕ⊗ 1(z)

⟩=

⟨E3(t, x, y, z) , t,x,y,z

[ϕ(t, x, y)⊗ 1(z)

]⟩=

[ϕ(t, x, y)⊗ 1(z)

]t=x=y=z=0

= ϕ(0, 0, 0).

Le calcul de E2 a partir de la definition (4.59) de E3 se conduit ainsi. En utilisantles coordonnees spheriques dans R3

x,y,z, puis le changement de variables consistant

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86 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

a poser ρ := τ sin ξ, on a

τMτS2[X 7→ ϕ(t, x, y)⊗ 1(z)

]=

∫ 2π

0

∫ π/2

0

ϕ(t, τ cos θ sin ξ, τ sin θ sin ξ) sin ξ dθ dξ

=

∫ 2π

0

∫ τ

0

ϕ(t, τ cos θ, τ sin θ)ρ dρ dθ√τ2 − ρ2

.

(4.63)

En reportant (4.63) dans (4.60) (via l’expression de l’action de E3 donnee par(4.59)) on trouve que la solution fondamentale temperee E2 pour dans Rt×R2

x,y

est donnee par

(4.64)⟨E2(t, x, y), ϕ(t, x, y)

⟩=

1

∫ ∫ ∫t≥|z|

ϕ(t, x, y)√t2 − |z|2

dx dy dt.

Il s’agit d’une distribution fonction temperee et de support inclus dans le cone dufutur (mais non plus cette fois portee par la frontiere de ce cone comme c’etait lecas pour E3 dans Rt×R3

x,y,z). La distribution (t, x, y) 7→ E2(t, x, y) dans Rt×R2t,x,y

est solution fondamentale de l’operateur des ondes dans Rt × R2x,y.

Exercice 4.37 (propagation d’onde a partir de conditions initiales donnees).Soient T1 et T2 deux distributions dans D′(R2

x,y,R). En utilisant la distributionE2 introduite en (4.64), montrer qu’il existe une unique distribution reelle E surRt × R2

x,y, de support dans t ≥ 0, telle que

E = δ0(t)⊗ T1(x, y) + δ′0(t)⊗ T2(x, y).

Si T1 = [g1] et T2 = [g2], ou g1 et g2 sont des fonctions C∞ sur R2, montrer que Eest la distribution fonction C∞ dans [0,∞[×R2

x,y correspondant a la fonction

(t, x, y) 7−→ u(t, x, y) = L[g1](t, x, y) +∂

∂t

[L[g2

]],

ou

L[h](t, x, y) =t

∫ ∫ζ=ξ+iη∈D(0,1)

h(x+ tξ, y + tη)√1− |ζ|2

dξ dη.

On remarque que E satisfait E = 0 dans t > 0, donc obeit bien a l’equationdes ondes. Les conditions initiales (x, y) 7→ g1(x, y) et (x, y) 7→ g2(x, y) (imposeesen t = 0) regissent la propagation de l’onde.

Remarque 4.38 (membranes vibrantes). Comme pour le cas n = 1 (cordesvibrantes, voir la Remarque 4.36), on peut envisager le probleme sous un tout autreangle en supposant que l’on ne travaille plus dans Rt ×R2

x,y mais dans Rt × U , ou

U est un ouvert borne de frontiere reguliere dans R2 (la surface d’un tambour parexemple). On etudie les vibrations d’une membrane tendue fixee au bord (commela peau d’un tambour precisement). Comme en dimension n = 1, on peut chercherles solutions stationnaires (x, y) 7→ f(x, y)× g(t) de l’equation des ondes( ∂2

∂t2− c2∆x,y

)[E] ≡ 0

dans l’ouvert Rt ×U cette fois. Il s’agit ici encore d’un probleme d’analyse harmo-nique que nous n’etudierons pas dans ce cours.

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 87

4.3.4. Hypoellipticite. Plusieurs operateurs importants introduits dans cecours (et deja de fait presents dans le cours d’Analyse complexe, voir [Charp]), telsl’operateur de Laplace dans Rn, celui de Cauchy-Riemann dans R2, les operateursP (d/dx) en dimension 1, etc., partagent une propriete importante : ils admettenttous une solution fondamentale dont le support singulier est inclus dans 0. Defait, nous avons le resultat suivant.

Proposition 4.6 (caracterisations de l’hypoellipticite). Soit

P( ∂

∂x1, ...,

∂xn

)= P (D)

un operateur differentiel en n variables a coefficients constants (P ∈ K[X1, ..., Xn],K = R ou C). Les trois proprietes suivantes sont equivalentes.

(1) Toutes les solutions fondamentales de l’operateur P (D), i.e. les distribu-tions T telles que P (D)[T ] = δ0 au sens des distributions, ont leur supportsingulier inclus dans 0.

(2) Il existe au moins une solution fondamentale pour l’operateur P (D) dont lesupport singulier est inclus dans 0.

(3) Pour toute distribution T ∈ D′(Ω,K), ou Ω est un ouvert de Rn, on a

(4.65) SS (T ) ⊂ SS(P (D)[T ]

)(autrement dit, l’operateur P (D) respecte en les preservant les singularitesde la distribution sur laquelle il agit) ; en particulier[

SS(P (D)[T ]

)= ∅ ⇐⇒

(P (D)[T ] = [g], g ∈ C∞(Ω,K)

)]=⇒

[SS (T ) = ∅ ⇐⇒

(T = [f ], f ∈ C∞(Ω,K)

)].

(4.66)

Demonstration. Que le point (1) implique le point (2) est immediat. Il enest de meme pour l’implication (3) =⇒ (1) (si P (D)[T ] = δ0, le support singulierde T est, d’apres (4.66), inclus dans celui de δ0, qui est egal a 0). Reste la seuleimplication delicate de la Proposition, a savoir l’implication (2) =⇒ (3).

On suppose donc que la condition (2) est remplie, c’est-a-dire qu’il existe au moinsune distribution T0 ∈ D′(Rn,K) telle que P (D)[T0] = δ0 et que la restriction deT0 a Rn \ 0 soit une distribution fonction correspondant a une fonction C∞

f : Rn \ 0 → K. Soit T ∈ D′(Ω,K). Pour montrer que le support singulier de Test inclus dans celui de P (D)[T ], il suffit de verifier que le support singulier de ρK ·Test inclus dans celui de P (D)[ρK · T ] pour toute fonction plateau ρK ∈ D(Ω, [0, 1])subordonnee a un compact K arbitraire de Ω : en effet les distributions P (D)[T ]et P (D)[ρK · T ] coincident au voisinage de K et leurs restrictions a un voisinageouvert ω de K (ou ρK ≡ 1) ont donc meme support singulier ; si le support singulierde ρK ·T est inclus dans celui de P (D)[ρK ·T ], le support singulier de la restrictionde ρK · T a ω sera donc inclus dans celui de la restriction a ω de P (D)[T ] ; commeT et ρKT coincident dans ω, le support singulier de la restriction de T a ω seradans ce cas inclus dans celui de la restriction a ω de P (D)[T ] et, K pouvant etreun compact arbitraire de Ω, on aura bien ainsi montre SS (T ) ⊂ SS (P (D)[T ]). Cecimontre que l’on peut, pour prouver (2), se ramener a supposer Ω = Rn, ce que nousferons.

Soit x0 ∈ Rn \ SS (P (D)[T ]). Le but est de montrer que x0 ∈ Rn \ SS (T ). Larestriction de la distribution P (D)[T ] a une boule ouverte BRn(x0, 2ε) de rayon assez

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88 4. DISTRIBUTIONS ET TRANSFORMATION DE FOURIER

petit (SS (P (D)[T ]) est un ferme de Rn, donc de complementaire ouvert) coincidedonc avec une distribution fonction [ψε], ou ψε : BRn(x0, 2ε)→ K est une fonctionC∞. Considerons une fonction plateau ρε ∈ D(BRn(x0, 2ε), [0, 1]) identiquement

egale a 1 au voisinage de la boule fermee B(x0, ε). On peut ecrire (en utilisant laregle de Leibniz)

(4.67) P (D)[ρε · T ] = P (D)[T ] + Sε,

ou Sε est une distribution de support inclus dans Rn \BRn(x0, ε). Tous les points dela boule ouverte BRn(x0, ε) sont donc inclus dans le support singulier de P (D)[ρε ·T ]puisque la distribution P (D)[T ] coincide avec la distribution fonction [ψε] dans laboule ouverte BRn(x0, 2ε). Multiplions (4.67) avec l’identite de partitionnement1 = ρε + (1− ρε). On en deduit

P (D)[ρε · T ] = ρε · P (D)[T ] + (1− ρε) · P (D)[T ] +(Sε − P (D)[(1− ρε) · T ]

)= [ϕε] + Sε, ϕε ∈ D(BRn(0, 2ε),K), Supp Sε ⊂ Rn \BRn(x0, ε).

(4.68)

Comme les deux distributions ρε · T et P (D)[δ0] sont a support compact, il resultede la Proposition 3.10 (associativite du produit de convolution lorsque deux desentrees au moins sur les trois sont a support compact) que

ρε · T = δ0 ∗ (ρεT ) = P (D)[T0] ∗ (ρε · T )

= (P (D)[δ0] ∗ T0) ∗ (ρε · T ) = (T0 ∗ P (D)[δ0]) ∗ (ρε · T )

= T0 ∗(P (D)[δ0] ∗ ρε · T )

)= T0 ∗ P (D)[ρε · T ].

(4.69)

On fixe maintenant une nouvelle fonction plateau σε ∈ D(BRn(0, 2ε/3), [0, 1]), iden-

tiquement egale a 1 au voisinage de BRn(0, ε/3). On a, en decoupant au secondmembre de (4.69) T0 en T0 = σε · T0 + (1− σε) · T0,

(4.70) ρε · T = (σε · T0) ∗ P (D)[ρε · T ] + ((1− σε) · T0) ∗ P (D)[ρε · T ].

Or la distribution (1 − σε) · T0 est une distribution fonction du type [Φε] avecΦε : Rn → K une fonction C∞ puisque par hypothese le support singulier de lasolution fondamentale T0 est inclus dans 0. D’apres l’exemple 3.18, la convoleede la distribution a support compact P (D)[ρε ·T ] avec la distribution fonction [Φε]est une distribution fonction [Ψε], ou Ψε : Rn → K est une fonction C∞. D’autrepart, en utilisant (4.68), on voit que

(4.71) (σε · T0) ∗ P (D)[ρε · T ] = (σε · T0) ∗ [ϕε] + (σε · T0) ∗ Sε.

Toujours suivant l’exemple 3.18, la distribution (σε · T0) ∗ [ϕε] est une distributionfonction correspondant a une fonction Θε : Rn → K de classe C∞ (de supportd’ailleurs inclus dans la boule ouverte de centre x0 et de rayon ε/3 + 2ε). Enfin,

comme le support de Sε est inclus dans Rn\BRn(x0, ε) et que celui de la distributiona support compact σε · T0 est inclus dans BRn(0, 2ε/3), celui de la distribution(σε ·T0)∗Sε est inclus dans le complementaire de la boule fermee de centre x0 et derayon ε−2ε/3 = ε/3. Dans la boule ouverte BRn(x0, ε/3), la distribution T coincideavec ρε ·T , soit, d’apres (4.70) et (4.71), avec la distribution fonction correspondanta la fonction C∞ Ψε + Θε. Le point x0 est donc bien dans le complementairedu support singulier de T . On a ainsi verife (en passant aux complementaires)l’inclusion SS (T ) ⊂ SS (P (D)[T ]) et acheve la preuve de la Proposition 4.6.

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4.3. SOLUTIONS FONDAMENTALES D’OPERATEURS DIFFERENTIELS 89

Cette proposition nous amene naturellement a la Definition suivante.

Definition 4.39 (notion d’hypoellipticite). Un operateur differentiel P (D)en n variables a coefficients constants (P ∈ K[X1, ..., Xn], K = R ou C) est dithypoelliptique s’il verifie l’une des trois proprietes equivalentes de la Proposition4.6.

Exemple 4.40 (distributions harmoniques, distributions holomorphes, etc.).Le Laplacien dans Rn, l’operateur de Cauchy-Riemann ∂/∂z dans R2, tous lesoperateurs differentiels a coefficients constants en une variable, sont hypoelliptiques.Si T est une distribution dans un ouvert Ω de Rn telle que ∆T ≡ 0 au sens desdistributions dans Ω, alors T = [F ], ou F est une fonction harmonique (donc C∞)dans Ω. Si T est une distribution dans un ouvert de R2 telle que (∂/∂z)[T ] ≡ 0au sens des distributions dans Ω, alors T = [f ], ou f est une fonction holomorphe(voir [Charp]) dans Ω. Si T est une distribution dans un ouvert de R telle queP (D)[T ] ≡ 0 dans cet ouvert, T = [g], ou g est une exponentielle polynome solutionde l’equation differentielle a coefficients constants P (D)[g] ≡ 0 dans R (d’apres letheoreme d’Euler).

Exercice 4.41 (distributions et meromorphie). Soit Ω un ouvert de C, Aun sous ensemble de Ω sans point d’accumulation dans Ω. Soit f une fonctionholomorphe dans Ω\A. Montrer que les deux proprietes suivantes sont equivalentes :

— la distribution fonction [f ] ∈ D′(Ω,C) se prolonge en une distribution surΩ ;

— la fonction f est la restriction a Ω \A d’une fonction meromorphe dans Ω.

Exercice 4.42 (puissances du laplacien). Soit N un entier naturel non nul. Onnote ∆N = ∆· · ·∆ (N fois) l’operateur de Laplace etant entendu ici a n variables.Soit T une distribution sur Rn (a valeurs dans le corps K) telle que ∆N [T ] ≡ 0 pourun certain N ∈ N∗. Montrer que T = [F ], ou F ∈ C∞(Rn,K). Peut-il exister des

distributions temperees dans Rn telles que ∆N [T ] ≡ 0 pour un certain N ? Enonceret retrouver le theoreme de Liouville pour les fonctions harmoniques dans Rn (onappliquera ce qui precede avec N = 1).

Exercice 4.43 (vecteurs propres distributions de l’operateur de Laplace).Soit T une distribution dans un ouvert Ω de R3 telle que ∆T ≡ λT , avec λ ∈ C (Test vecteur propre du Laplacien, de valeur propre associee λ). En vous referantau probleme du DS (que vous adapterez), montrer que T = [F ], ou F est unefonction C∞ dans Ω.

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Bibliographie

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http://www.math.u-bordeaux1.fr/~pcharpen

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[Horm] L. Hormander,The analysis of linear partial differential operators I : Distribution theory

and Fourier Analysis (second edition), Springer Study Edition, Springer Verlag, 1990.

[Kant] J.M. Kantor, Mathematiques d’Est en Ouest, Theorie et pratique : l’exemple des distribu-

tions, Gazette de la SMF, vol. 100, Avril 2004,

http://smf4.emath.fr/Publications/Gazette/2004/100/smf_gazette_100_33-43.pdf

[Marc] J.P. Marco (ed.), Mathematiques L3 Analyse, Pearson Education, Paris, 2009.

[Rud] W. Rudin, Analyse reelle et complexe, Dunod, Paris.

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[Y2] A. Yger, Espaces de Hilbert et Analyse de Fourier, polycopie de l’UE MHT613 :

http://www.math.u-bordeaux1.fr/~yger/mht613.pdf

91

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Index

Ampere

regle du bonhomme d’, 31

calcul symbolique, 35

Cauchy-Pompeiu

formule de, 31

causale

distribution sur R, 42

choc, 3

compact

distribution ou courant a support, 40

courant, 18

derivees partielles

de distribution, 30

differentiation

d’une distribution ou d’un courant, 30

Dirac

distribution de, 12, 30

Paul, 1, 12

peigne de, 23, 38

divergence

formule de la, 31, 36

faible

topologie, 21

fonction

generalisee, 1

test, 8

Green

premiere formule de, 32

Hadamard

Jacques, 1, 17

Heaviside

fonction d’, 11, 31

Oliver, 1, 11

impulsion ponctuelle, 3

Laplacien, 32

Lelong-Poincare

formule de, 33

limite inductive

topologie, 9

mesure

de Radon, 3

euclidienne induite, 1

multiiplication

des distributions, 39

multiplication

exterieure des courants, 39

noyaux

theoreme des, 47

ordre

d’un courant, 29

d’une distribution, 10, 29

Partie Finie

distribution dans R, 14

plateau

fonction, 6

ponctuel

courant a support, 42

distribution a support, 41

principe

de convergence des suites, 9, 18

de convergences des suites dans D′(Ω), 21

de convergences des suites dans D′q(Ω),

25

regularisation

d’un courant, 28

d’une distribution par convolution, 25

reseau, 38

regle

du bonhomme d’Ampere, 31

Radon

mesure de, 3

restriction

d’une distribution, 11

Riesz

theoreme de representation de, 4

sauts

de discontinuite a un ordre prescrit, 34

formule dans l’espace, 36

formule en dimension 1, 34

93

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94 INDEX

SchwartzLaurent, 1

theoreme des noyaux, 47

SobolevSerguei, 1

Stokes

formule de, 29, 31support

d’une distribution ou d’un courant, 38d’une fonction continue, 3

singulier d’une distribution ou d’un

courant, 38

tensoriel

produit de deux courants, 46

produit de distributions, 43

unite

lemme de partition de l’, 5

Valeur Principale

distribution dans R, 13distribution sur C, 15