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C A N A D A
PROVINCE DE QUÉBEC C O U R D U Q U É B E C DISTRICT DE MONTREAL (-re criminelle et pénale)
NO: 500-27-000568-917
MONTRÉAL, 20 novembre 1991
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L'HONORABLE JUGE LOUIS A. LEGAULT
ORDRE DES PHARMACIENS DU QUÉBEC, représenté aux présentes par son syndic RENAULT DURAND,
RALSTON PURINA CANADA INC.
J U G E M E N T
L'Ordre des Pharmaciens poursuit Ralston
Purina Canada Inc. pour la vente illégale de médica-
ments en contravention de l'article 35 de la Loi sur
la Pharmacie.
La dénonciation comporte 56 chefs repro-
chant à Ralston Purina Canada Inc. la vente illégale
de médicaments à monsieur René Tremblay de Jonquière
3ntre le 31 janvier 1990 et le 2 4 septembre 1990.
Parmi les 5 6 chefs, 4 4 des chefs résultent de 14
transactions, alors que plusieurs médicaments ont été
Ralston Purina Canada Inc. fait affaire
SOUS la raison sociale des Laboratoires Dr. Léo
Lorrain Enr. et est titulaire d'un permis de vente
$mis par le ministère de l'Agriculture pour la fourni
Lure et la préparation de pré-mélanges médicamenteux
?t d'aliments médicamenteux pour la période pertinent1
.a défenderesse a reconnu que les produits mentionnés
i la dénonciation sont des médicaments au sens de la
.oi sur la Pharmacie. Parmi ces médicaments, les
)roduits Lincomix (chef S ) , d'Emtryl (chef 2 6 ) . le
limetridazone (chefs 2 8 , 35, 4 5 et 5 6 ) et le Mecadox
chef 5 4 ) sont des pré-mélanges médicamenteux au sens
le la Loi sur la Protection sanitaire des Animaux.
Ralston Purina Canada Inc. est un fabri.
:ant et un grossiste en médicaments qui prépare et
rend des pré-mélanges médicamenteux et des aliments
iédicamenteux et qui vend également des médicaments
lui ne sont pas des pré-mélanges médicamenteux ou des
iliments médicamenteux. Ni Ralston Purina Canada Inc
ii l'acheteur René Tremblay ne sont des pharmaciens
LU sens de la Loi.
René Tremblay n'a pas de permis du
iinistère de l'Agriculture. Il n'en a eu un que vers
,985-1986 pour une période d'un an. après quoi ce
>ermis n'a jamais été renouvelé.
René Tremblay était client depuis 1973
les Laboratoires Dr. Léo Lorrain. Ralston Purina
:anada Inc. s'est portée acquéreur, vers 1982, des
.aboratoires Dr. Léo Lorrain Enr. et fait affaires
,OUS ce nom.
René Tremblay qui est l'acheteur de
.'ensemble des médicaments mentionnés dans les chefs
le la dénonciation est un client de très longue date
les Laboratoires Dr. Léo Lorrain Enr. achetés par la
Iéfenderesse Ralston Purina Canada Inc. vers 1982.
Aucune vérification n'a jamais été
aite du statut de René Tremblay, dont on a toujours
:ru qu'il était un revendeur ou un grossiste vu l'im-
tortance des ventes totalisant en 1988 plus de 21 000:
n 1989 plus de 22 000s et en 1990 plus de 53 000$,
,es comptes étant comparables à ceux des grossistes
es Maritimes.
Il existait chez Ralston Purina une
irective trés claire de ne pas vendre de médicaments
des consommateurs ("end users"). Cette directive
était verbale. Aucune autre directive ne restreignait
la vente des médicaments. Le contrôle s'exerçait
i'ailleurs en ce sens: les représentants refusaient
le transiger avec un consommateur. Un des représen-
tants a souligné la complexité de la Loi laissée en
filière.
Compte tenu du volume des ventes à l'a-
zheteur René Tremblay et du fait qu'il était client
ie longue date de l'entreprise acquise, les Labora-
toires Dr. Léo Lorrain Enr., il n'y eut jamais de
:ontrôle ou de vérification du statut de René Trembla]
lui n'était manifestement pas un consommateur de
nédicaments. La clientèle des Laboratoires Dr. Léo
Lorrain serait demeurée inchangée après l'acquisition
ie l'entreprise par Ralston Purina Canada Inc.
L'acheteur René Tremblay a déclaré qu'il
ivait une clientèle d'une trentaine d'éleveurs dans
Les industries laitière et porcine. Il vendait sans
~rdonnance les-médicaments fournis par la défenderesse
ialston Purina Canada Inc. Ses clients préféraient
icheter sans ordonnance. Cela réduisait les coûts.
[l ajoute d'ailleurs qu'il expliquait à ses clients,
ie temps à autre, certains avantages des médicaments
rendus et qu'en tout état de cause les clients con-
laissaient bien les médicaments achetés. Lorsque les
ichats excédaient 3005, Ralston Purina Canada Inc.
16 la demande de René Tremblay livrait chez le fermier-
éleveur les médicaments achetés (exhibits P-5, P-22 el
René Tremblay ne pouvait toutefois
témoigner sur la chaîne d'utilisation et de possessior
de ces médicaments. tels qu'ils apparaissent à chacun
des chefs de la dénonciation.
I René Tremblay a été avisé vers 1985-198C
1 qu'il lui était interdit de vendre des médicaments. La défenderesse Ralston Purina Canada Inc. ne fut pas
1 avisée de ce fait.
l Ralston Purina Canada Inc. aurait obten~
1 une opinion légale sur ses droits et obligations en matière de vente de médicaments, il y a de nombreuses
années. Cette opinion n'a pas été produite à la Cour
et sa teneur ri'en a pas été révélée.
La Défense fait valoir que Ralston Puri-
na Canada Inc. ne saurait être poursuivie en vertu de
la Loi sur la Pharmacie et qu'en tout état de cause si
IPoursuite devait être entreprise, cette poursuite
l aurait dû l'être en vertu de la Loi sur la Protection sanitaire des Animaux.
Elle plaide que René Tremblay et elle
sont des grossistes et qu'à ce titre, ils bénéficient
des exceptions prévues à la Loi; qu'en tout état de
cause, les dispositions statutaires des lois pertinen-
tes sont contradictoires, que le terme de grossiste
est ambigu et que la poursuivante n'a pas établi le
statut de la clientèle de René Tremblay.
Subsidiairement, la défenderesse Ralston
Purina Canada Inc. fait valoir qu'elle a agi avec di-
ligence raisonnable et de bonne foi et que si elle a
agi incorrectement, c'est en vertu d'une erreur de
fait commise de bonne foi.
La Défense conteste la constitutionnali-
té du fardeau qui lui est imposé d'établir sur une *
prépondérance de probabilité sa défense de diligence
raisonnable soulignant qu'elle viole l'équité du pro-
cès et la présomption d'innocence et que son seul
'ardeau doit être de soulever un doute raisonnable.
Enfin, la Défense plaide que si elle
levait être déclarée coupable des chefs apparaissant
lans la dénonciation, elle devrait bénéficier de
.'acquittement sur l'ensemble des chefs multiples
,enant doubler ou tripler, ou quadrupler, le nombre
,e chefs pour chacune des transactions effectuées
.mpliquant plus d' un médicament.
ZALSTON PURINA CANADA INC. ET RENÉ TREMBLAY
IENEFICIENT-ILS DU RÉGIME D'EXCEPTION PRÉW
L L'ARTICLE 18 DE LA LOI SUR LA PHARMACIE?
L'article 35 de la Loi sur la Pharmacie
L.R.Q., c.P-10) consacre l'attribution exclusive aux
)harmaciens des actes de préparation et vente de
iédicaments et poisons, qu'ils soient prescrits ou non
lar ordonnance.
Le législateur a prévu deux exceptions
i l'article 35, soit les réserves prévues a l'article
8, ainsi que les "droits et privilèges expressément
iccordés par la Loi à d'autres professionnels". Il
!st en preuve que Ralston Purina Canada Inc. et René
'remblay ne sont pas des pharmaciens.
L'article 18 de la Loi sur la Pharmacie
éclare que la.Loi sur la Pharmacie n'interdit pas
l'achat, la préparation, la vente, la fourniture des
iédicaments par une personne habilitée a le faire en
.ertu d'une loi'. Cet article de loi ne fait qu'éta-
lir le principe général et il faut nécessairement
éférer aux dispositions de la Loi sur la Pharmacie
t des autres lois touchant à la santé animale ou
umaine et aux professionnels de la santé pour y
érifier les pouvoirs habilitants.
L'article 18 de la Loi sur la Pharmacie
confère des droits d'exception aux fabricants et
grossistes. Il se lit comme suit:
'Rien interdit non plus la préparation de médicaments par un fabricant de médicaments, ni la vente en gros par un tel fabricant à un grossiste en médicaments, ni la vente en gros par un tel fabricant ou tel grossiste à une personne habilitée à vendre ou fournir des médicaments en vertu de la présente loi ou d'une autre loi.'
Ainsi l'article 18 n'interdit pas et,
en conséquence, il autorise les fabricants à préparer
les médicaments, à les vendre en gros à un grossiste
en médicaments. Tel grossiste en médicaments ou
fabricant doivent toutefois ne vendre de médicaments
qu'à des personnes 'habilitées à vendre ou fournir de
médicaments en vertu de la Loi sur la Pharmacie ou
d'une autre loi'. Par inférence, les grossistes en
médicaments peuvent certes transiger entre eux.
La poursuivante reconnaît que la défen-
deresse, Ralston Purina Canada Inc., est un grossiste
en médicaments au sens de la Loi sur la Pharmacie.
Qu'en est-il de René Tremblay? Une réponse affirma-
tive commanderait un acquittement.
Le terme -grossiste' inclut-il dans son
sens ordinaire et courant le distributeur qui achéte
en grande quantité des médicaments pour les revendre
en quantité variable à des éleveurs de l'industrie
laitiére et porcine?
I Le premier sens qui vient à l'esprit, l c'est celui de la définition du Petit Larousse illus-
tré, édition 1991:
.Grossiste: marchand en gros et en demi- gros, l'intermédiaire entre le producteur et le détail- lant.'
Black's Law Dictionary, édition 1990,
le définit comme suit:
'Wholesaler: One who buys in comparatively large quantities and then resells, usually in smaller quantities, but never to the ultimate consumer. He sells either to a .jobber', a sort of middleman, or to a 're- tailer', who in turn sells to the consumers.'
Ces deux définitions situent le grossis-
te non seulement comme intermédiaire, mais comme celui
qui en aucun cas ne vend aux consommateurs.
La définition du mot 'gros" du Petit
Larousse souligne une autre dimension de ce qu'est un
grossis te:
'Gros: vente ou achat par grande quantité. Prix de gros.'
Black's Law Dictionary définit 'whole-
sale' comme suit:
'Wholesale: Selling to retailers or jobbers rather than to consumers. A sale in large quantity to one who intends to resell.'
Une vente dans le gros à une personne
erait également la vente d'une quantité importante
e biens à quelqu'un qui a l'intention de revendre.
elui qui achète dans le gros ne bénéficie pas a
riori de la qualité de grossiste.
Que René Tremblay ait acheté occasion-
ellement des produits en plus grande quantité, cela
st mis en preuve: de plus, il revend occasionnelle-
ent en grande quantité certains médicaments.
La définition de Black's Law Dictionary
appelle toutefois qu'une vente dans le gros peut fort
ien être non seulement une vente à un détaillant,
ais également à ce qu'on appelle un "jobber". Ce
erme anglais fait référence entre autre aux ouvriers
t contracteurs.
Le Webster Ninth New Collegiate Dictions
y définit le mot 'wholesaler' comme suit:
'A merchant middle-man who sells chiefly to retailers, other merchants, or indus- - trial, institutional and commercial users, mainly for resale or business use.' - (Le soulignement est du soussigné)
I Le mot .wholesale' y est défini comme
suit:
'Wholesale: of, relating to, or engaged in the sale of commodities in quantities for resale.'
Le terme 'grossistem recoit dans cette
édition du Webster un sens encore plus vaste.
Le dictionnaire Webster, de très grande
réputation, définit le terme 'grossiste' en fonction
d'une réalité commerciale quelquefois méconnue.
Le grossiste, c'est celui qui approvi-
sionne ce conhommateur qulest l'utilisateur industriel,
commercial, institutionnel.
I Cet approvisionnement des clientèles
industrielles, institutionnelles par des grossistes
à l'instar des ouvriers et contracteurs, est une
réalité. Ces définitions peuvent paraître contradic-
toires. Un grossiste ne vend jamais à un consommateur
Toutefois, un grossiste peut être l'intermédiaire qui
vend à une clientèle d'utilisateurs industriels ou de
contracteurs.
Webster constate une réalité commercia-
le, industrielle qui commande une définition différent
Cette définition est sans aucun doute conforme à la
réalité moderne des mondes industriels et commerciaux
Le professeur Elmer A. Driedger, auteur
de Construction of Statutes, 2e éd.. Toronto Butter-
worths, 1983, page 67, suggérait une approche à l'in-
terprétation des textes législatifs qu'endosse
d'ailleurs Me Piere-André Côté, en page 365 de son
livre Interprétation des Lois. Il citait d'ailleurs
le professeur Elmer A. Driedger en le traduisant:
mAujourd'hui, il n'y a qu'un principe ou qu'une approche: les termes de la loi doivent être lus dans leur contexte global, selon leur sens grammatical et ordinaire en harmonie avec l'économie générale de la loi, avec son objet et avec l'intention du législateur.'
Il est important de rappeler que le gros
siste n'a qu'une seule contrainte: c'est celle de
vendre à une personne elle-même habilitée à vendre ou
fournir des médicaments. Cette restriction législati
ve contribue-t-elle à définir ce qu'est un grossiste?
La clientèle d'éleveurs de René Tremblay fait-elle de
lui un distributeur non couvert par la définition de
grossiste en médicaments?
Les Tribunaux ont souvent réaffirmé qu'e
matière pénale, une interprétation stricte s'impose.
Toutefois, avant de conclure qu'il y a ambigulté et d
la résoudre en faveur de la partie défenderesse, il
500-27-000568-917
- 14 -
importe que les règles d'interprétation soient
appliquées.
Le législateur n'a pas créé d'exception
en faveur de l'ensemble des grossistes. Cette excep-
tion ne s'adresse qu'aux grossistes en médicaments.
Un grossiste en médicaments est-il sim-
plement celui qui achète en quantité des médicaments
pour les revendre? La définition du grossiste débor-
de cet aspect du volume des achats qui ne saurait à 1
seul être un indicateur fiable du statut de grossiste
Le statut de grossiste en médicaments 1 doit résulter d'un examen objectif des caractéristi-
ques de ce statut.
Interprété littéralement, le terme
'grossiste en médicaments' a un sens clair et précis
et il inclut à première vue René Tremblay qui vend
à des éleveuis de l'industrie laitière et porcine des
médicaments dans le cours ordinaire de ses affaires.
Cette interpétation doit également s'in- 1 férer 'dans le contexte global de la loi, y compris l de son objet, et en relation avec les faits auxquels I on veut l'appliquer'. (Pierre-André Côté, Interpré-
tation des Lois, p. 267).
Le législateur a décidé de soumettre la
circulation et le commerce des médicaments à des
restrictions. Il a créé des réseaux particuliers de
distribution et de responsabilités.
Aux professionnels de la santé et aux
pharmaciens, le législateur a attribué le droit de
vendre des médicaments entre autres aux consommateurs
et aux utilisateurs.
Il a attribué aux titulaires de permis
émis en vertu de l'article 5 5 . 2 de la Loi sur la
Protection sanitaire des Animaux, le droit de vendre
des pré-mélanges médicamenteux, des aliments médica-
menteux, à d'autres titulaires d'un permis semblable
et aux éleveurs titulaires d'un permis en vertu de
l'article 5 5 . 3 de la Loi sur la Protection sanitaire
des Animaux.
Il a par ailleurs attribué aux fabricant
et grossistes en médicaments, un droit d'exception
de vendre des médicaments à une clientèle habilitée
à vendre ou fournir des médicaments.
Le législateur conscient de son rôle de
protecteur de la société et des citoyens, et des
dangers importants de la circulation incontrôlée des
médicaments tant sur la santé humaine qu'animale, a
- 16 -
partagé entre les pharmaciens et professionnels de la
santé la responsabilité du commerce des médicaments
avec les consommateurs et les utilisateurs. Cet
objectif est primordial compte tenu des motifs impé-
ratifs qui président à une législation semblable.
Si le législateur avait voulu reconnaitr
comme grossiste en médicaments un commerçant qui vend
des médicaments à des consommateurs ou utilisateurs,
il devait formuler de façon différente l'article 18
de la Loi sur la Pharmacie.
René Tremblay a une clientèle exclusive
d'éleveurs de l'industrie laitière et porcine. Pour
bénéficier de l'exception de l'article 18 de la Loi
sur la Pharmacie, René Tremblay doit objectivement
apparaître comme un grossiste en médicaments au sens
de la Loi sur la Pharmacie, c'est-à-dire une personne
engagée dans le commerce en gros de médicaments avec
une clientèle habilitée au sens de la Loi sur la
Pharmacie et des autres lois connexes à fournir ou
vendre des médicaments.
René Tremblay est certes un grossiste.
Un examen objectif de la situation de René Tremblay
démontre qu'il ne transige pas avec une clientèle
habilitée à vendre ou fournir des médicaments. Bien
au contraire, sa clientèle en est une d'utilisateurs.
L'absence de définitions dans la Loi sur
la Pharmacie du terme .grossiste en médicaments. ne
laisse aucun doute sur la réalité objective de ce
qu'est un grossiste en médicaments. En effet, un
grossiste dont la clientèle est toute autre que celle
à laquelle un grossiste en médicaments peut légalemeni
vendre ne saurait d'aucune façon être qualifié de
grossiste en médicaments.
Les dispositions des articles18 de la
Loi sur la Pharmacie et 55.2 de la Loi sur la Protec-
tion sanitaire des Animaux sont-elles contradictoires
ou ambigues? Quelle est l'étendue de l'exemption du
quatrième alinéa de l'article 55.2 de la Loi sur la
Protection sanitaire des Animaux?
Les réponses à ces questions ne peuvent
être d'utilité que sur les chefs relatifs à la vente
de pré-mélanges médicamenteux, les autres chefs rela-
tifs à la vente de fioles médicamenteuses étant
gouvernés par la Loi sur la Pharmacie.
En effet, l'article 55.2 de la Loi sur
la Protection sanitaire des Animaux se lit comme suit
'55.2 Une personne ne peut vendre ou fournir un médicament A moins d'être titulaire d'un permis délivré a cette fin par le Ministre et elle ne peut le faire que sous forme d'un pré- mélange médicamenteux ou d'un aliment médicamenteux.
'Le titulaire de ce permis ne peut vendre ou fournir un pré-mélange médicamenteux qu'à un titulaire d'un permis visé au présent article ou à celui visé à l'ar- ticle 55.3.
Le titulaire de ce permis peut toutefois préparer un pré-mélange médicamenteux ou un aliment médicamenteux.
Le présent article ne s'applique pas à une personne habilitée à préparer, à vendre ou à fournir un médicament en vertu de la Loi sur la Pharmacie (chap. P-10) ou de la Loi sur les Médecins vé- térinaires (chap. M-8). selon le cas.'
Une analyse en vase clos de l'exemption
d'application de l'article 55.2 de la Loi sur la Pro-
tection sanitaire des Animaux inévitablement question
ne l'étendue de l'exemption. Ne concerne-t-elle que
le permis? S'étend-elle à la clientèle visée par les
médicaments? Un grossiste en médicaments, bénéficiai
de l'exemption de l'article 18 de la Loi sur la Phar-
macie, peut-il vendre à la clientèle visée à l'articl
55.2 de la Loi sur la Protection sanitaire des Ani- .
maux?
Une approche qui reconnaîtrait le droit
d'un grossiste en médicaments de vendre non seulement
sans permis mais aussi à une clientèle qui n'est pas
titulaire d'un permis convertirait une exemption
d'application d'une disposition statutaire en un
pouvoir de vendre sans restriction.
Me Pierre-André Côté, dans son livre
Interprétation des Lois, 2e éd., Les Éditions Yvon
Blais Inc., 1990, en pages 328 et 329, rappelait la
nécessité de favoriser l'interprétation la plus sus-
ceptible de réaliser l'objet des lois concernées et
privilégier l'harmonie et la compatibilité de diffé-
rents textes législatifs avant de conclure à l'abroga
tion d'une disposition où au caractère contradictoire
de façon raisonnablement insoluble de dispositions
statutaires:
'Il y a une présomption forte contre l'abrogation tacite d'un texte par un autre: elle ne doit jamais être encouragée. À l'inverse, toute interprétation qui permet d'éviter les conflits de lois doit être préférée, car on présume qu'elle a plus de chances de refléter la vo- lonté du législateur rationnel."
Également, Me Pierre-André Côté, dans
son même livre, en page 327, explique ainsi l'impor-
tance de cette démarche d'interprétation:
'La présomption de cohérence et d'har- monie entre lois connexes ne s'applique pas uniquement à leur forme: elles sont aussi réputées refléter la volonté d'un législateur logique qui, a l'inté- rieur de l'ensemble des lois sur une même matière, est censé procéder systématiquement, c'est-à-dire sans contradiction, et donner à des problè- mes semblables des solutions semblables.'
Dans le contexte d'une poursuite pénale,
même si l'examen de dispositions statutaires commande
en raison d'une référence à une autre loi l'examen
d'autres dispositions pour y découvrir la volonté du
législateur, l'interprétation devra être stricte et
tout doute devra bénéficier la partie poursuivie.
Les dispositions de la Loi sur la Phar-
macie gouvernent la vente de médicaments et par
définition a l'article lh), la vente des pré-mélanges
médicamenteux destinés aux animaux. L'article 18 de
la Loi sur la Pharmacie édicte le principe général:
'Rien dans la présente loi n'interdit l'achat, la préparation, la vente ou la fourniture de médicaments par une personne habilitée a le faire en vertu d'une loi'. (Le soulignement est du soussigné).
La vente et l'achat de médicaments sont
soumis de par l'économie de cette loi générale, cette
loi cadre en matière de vente de médicaments à des
impératifs de qualification de la personne qui les
achète. Le droit de vendre ou d'acheter des médica-
ments est tant dans la Loi sur la Pharmacie que dans
les autres lois connexes l'objet de balises législati
ves. Sauf réserve, les ventes de médicaments, par un
personne autre qu'un pharmacienou un professionnel de
la santé, doivent se faire a une personne habilitée à
vendre ou fournir des médicaments ou en vertu de l'ar
ticle 55.2 de la Loi sur la Protection sanitaire des
Animaux, d'un détenteur de permis à un autre détenteu
de permis.
Pourquoi le législateur a-t-il exempté
les grossistes en médicaments à l'article 5 5 . 2 de la
Loi sur la Protection sanitaire des Animaux et de
quoi les a-t-il exemptés?
Si le législateur n'avait que voulu dis-
penser le grossiste en médicaments de l'obligation
d'obtenir un permis, il pouvait énoncer expressément
une telle dispense et ce, sans plus.
Le législateur n'a certes pas ajouté une
clientèle additionnelle au grossiste en médicaments
en ce qui concerne le revendeur titulaire d'un permis
en vertu de l'article 5 5 . 2 .
Le grossiste en médicaments en vertu de
l'article 18 de la Loi sur la Pharmacie n'a qu'une
clientèle de personnes habilitées légalement à vendre
ou fournir des médicaments. Manifestement, l'éleveur
titulaire d'un permis en vertu de l'article 5 5 . 3 de
la Loi sur la Protection sanitaire des Animaux n'est
pas inclus dans la clientèle conférée statutairement
à l'article 18 de la Loi sur la Pharmacie.
L'éleveur est un utilisateur industriel
à qui le revendeur, titulaire d'un permis, peut vendr
si cet éleveur est titulaire d'un permis délivré par
le ministère: il est alors autorisé à préparer des
aliments médicamenteux pour ses animaux ou les animau
sous sa garde.
Le législateur n'est pas présumé parler
pour ne rien dire. En l'instance, le législateur a
ajouté une nouvelle clientèle aux grossistes en médi-
caments, soit une clientèle d'éleveurs à la condition
toutefois qu'elle soit titulaire d'un permis.
Le contrôle du commerce et de la fourni-
ture des médicaments se perpétuent dans sa finalité
intrinsèque pour correspondre à l'intention du légis-
lateur qui consiste à s'assurer que les intermédiaire
autres que les professionnels de la santé et de la
pharmacie, n'oeuvrent pas auprès d'une clientéle
ouverte et sans restriction. La clientèle du grossis
te en médicaments est une clientèle contrôlée,
restreinte et en tout état de cause, une clientèle
formée d'autres personnes que les consommateurs et
utilisateurs à l'exception de ces utilisateurs men-
tionnés à l'article 55.2 de la Loi sur la Protection
sanitaire des Animaux, soit les éleveurs titulaires
d'un permis délivré à cette fin par le Ministre.
Il n'y a pas de contradiction entre la
Loi sur la Pharmacie et la Loi sur la Protection
sanitaire des Animaux. Le législateur a fait une
1 vente des pré-mélanges médicamenteux et aliments I 1 médicamenteux par les grossistes en médicaments. Si / 1 le législateur avait voulu étendre la définition de l 'grossiste en m6dicamentsm, en incluant ce commerçant I 1 gui vend à un éleveur de l'industrie laitiere et por- 1
1 cine, il devait le faire spécifiquement en modifiant I l'article 18 de la Loi sur la Pharmacie.
Le Tribunal ne peut reconnaître d'ambi-
gulté ou de contradiction dans les dispositions de
l'article 55.2 de la Loi sur la Protection sanitaire
des Animaux. Il faut plutôt reconnaître la cohérence
du législateur, sa constance et l'expression claire
de son souci de ne pas modifier les droits et condi-
tions d'exercice des droits conférés d'exception dans
la Loi sur la Pharmacie aux grossistes en médicaments l En conséquence, pour un grossiste en
médicaments, la vente de pré-mélanges médicamenteux
est soumise essentiellement aux exigences de la Loi
sur la Pharmacie. Toutefois, l'acheteur pourra être
non seulement une personne habilitée à vendre ou
fournir des médicaments, mais également un éleveur
titulaire d'un permis délivré par le Ministre en vert
de l'article 55.3 de la Loi sur la Protection sani-
taire des Animaux.
Le procureur de la défenderesse fait
valoir que la défenderesse n'a pas à être tenue res-
ponsable pour la vente sans droit de pré-mélanges
médicamenteux à des éleveurs non titulaires d'un
permis en vertu de l'article 55.3.
Si le Tribunal avait conclu que René
Tremblay est un grossiste en médicaments au sens de
la Loi sur la Pharmacie, il aurait certes procédé à
acquitter René Tremblay qui avait la responsabilité
première de vérifier la qualification de sa clientèle
500-27-000568-917
- 25 - LA DÉFENSE DE'DILIGENCE RAISONNABLE ET D'ERREUR DE
BONNE MI
Le poursuivant a satisfait à son fardeau
de présentation en établissant les ventes par la
défenderesse à René Tremblay, de médicaments, alors
qu'il n'était pas un pharmacien.
1 En vertu de l'article 64 du Code de I Procédure pénale, il y a renversement du fardeau de
preuve et obligation à la défenderesse d'établir
qu'elle bénéficie d'une exemption, d'une exception,
d'une excuse ou d'une justification prévue à la loi.
La défenderesse n'a pas satisfait à son
fardeau d'établir que René Tremblay est un grossiste
en médicaments.
1 La défenderesse plaide qu'en tout état 1 de cause, elle a agi avec diligence raisonnable et
que si elle a commis une erreur de fait. cette erreur
a été commise de bonne foi.
Elle plaide également le caractère
inconstitutionnel du fardeau de preuve imposé à un
défendeur d'établir sur une prépondérance de probabi-
:e fardeau serait en violation de son droit d'être
)résumée innocente tel que libellé ?I l'article lld)
le la Charte des Droits et Libertés. Elle prétend
ju'elle devait être acquittée en n'ayant à soulever
ju'un doute raisonnable.
La poursuivante plaide que la défende-
:esse doit aviser le Procureur général de son inten-
:ion de contester la constitutionnalité de l'article
i 4 du Code de Procédure pénale.
L'article 60 du Code de Procédure pénale
)révoit que:
' 6 0 . Les moyens de défense ainsi que les justifications et excuses reconnues en matière pénale ou, compte tenu des adap- tations nécessaires, en matière crimi- nelle s'appliquent sous réserve des règles prévues dans le présent code ou dans une autre loi.'
La défense de diligence raisonnable est
ine création judiciaire et, à ce titre, n'est pas
:ouverte par les moyens de défense énumérés à l'arti-
:le 64 du Code de Procédure pénale, soit une exception
ine exemption, une excuse ou une justification prévue
iar la loi. Ed conséquence, la défenderesse n'avait
las à donner l'avis préalable au Procureur général
uivant les dispositions de l'article 34 du Code de
'rocédure pénale et de l'article 95 du Code de
'rocédure civile.
La défenderesse prétend que le renverse-
lent du fardeau de preuve imposé à la défenderesse
lans le régime de responsabilité stricte viole la
~résomption d'innocence et ne saurait être sauvegardé
n vertu des dispositions de l'article ler) de la
'harte des Droits et Libertés relatif aux restriction:
,aisonnables se justifiant dans une société libre et
émocratique.
La défenderesse s'appuie essentiellement
ur la récente décision de la Cour d'appel de l1Onta-
.ion dans l'affaire R. vs Ellis-Don Limited et al.,
2 OAC 50, renàue le 3 décembre 1990. La Cour d'appel
e l'Ontario avait alors déclaré qu'un doute raisonna-
le sur la diligence raisonnable d'un défendeur en
iatière d'infraction statutaire passible d'emprisonne-
lent commande un acquittement, le renversement du
ardeau de preuve d'établir sur prépondérance de
robabilité une défense de diligence raisonnable
iolant la présomption d'innocence.
La défenderesses'appuie également sur 1:
issidence de l'honorable juge Antonio Lamer, dans
'arrêt R. c. Wholesale Travel Group Inc., du 24
ctobre 1991, (1991) A.C.S. no. 79, qui opinait qu'une
isposition portant inversion du fardeau de preuve
tait inconstitutionnelle.
La Cour suprême dans l'arrêt Wholesale
lravel Group Inc. a confirmé la constitutionnalité du
:égime de responsabilité stricte tel que consolidé
lans un texte de loi.
Tout en affirmant à la majorité que le
renversement du fardeau de preuve viole la présomption
l'innocence, la Cour suprême a affirmé que ce régime
!st sauvegardé en vertu des dispositions de l'article
. ) de la Charte canadienne des Droits et Libertés qui
,e lit comme suit:
"1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et liber- tés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique..
L'honorable juge Cory, dans l'arrêt
Iholesale Travel Group Inc., a rappelé dans ses motifs
l'encontre des prétentions de violation de la pré-
omption d'innocence des motifs qui commandent la
auvegarde du régime de responsabilité stricte. Dans
.a conclusion de son jugement, en page 61, l'honorable .
uge Cory s'exprimait ainsi:
'Les lois de nature réglementaire sont essentielles pour le fonctionnement de notre société et la protection du public. Elles permettent de donner suite au besoin impérieux de protéger la santé et la sécurité des membres
de notre société et de préserver notre fragile environnement. L'imputation d'une responsabilité stricte est à la fois raisonnable et essentielle pour le fonctionnement des régimes de réglementation.'
A l'instar de l'honorable juge Dickson,
lans l'arrêt Sault Ste-Marie (1978) 2 R.C.S. 1299,
L'honorable juge Cory opinait qu'un simple fardeau de
soulever un doute raisonnable contraindrait les pour-
suivants à une tâche pratiquement impossible de prouve
.a négligence d'un défendeur hors de tout doute rai-
sonnable, que les lois et règlements deviendraient
ilors difficilement exécutoires, que pour assurer un
succès qui ne peut être que mitigé, il faudrait indé-
iiablement des ressources humaines et financières
)eaucoup plus considérables ainsi que des mécanismes
iccrus et certes beaucoup plus envahissants de mise
!n oeuvre des dispositions réglementaires pour permet-
:re de 'recueillir une preuve suffisante pour établir
La négligence ou prouver l'absence de diligence hors
le tout doute raisonnable.. (arrêt Wholesale Travel
;roup Inc., page 51).
Un fardeau de soulever un doute raison-
iable découragerait l'administration, entraînerait
.'inefficacité et indirectement pourrait favoriser la
Iélinquance malgré les impératifs de protection de la
iociété, de ses citoyens et de son environnement.
Le choix par une personne, y compris une
:orporation, de faire affaires dans un secteur d'acti-
rités réglementées implique l'acceptation des normes
Iécrétées de comportement dans les lois et règlements.
.es lois et règlements situent la personne qui s'enga-
le dans une activité réglementée dans un rapport de
.esponsabilité à l'égard de l'entière société pour le
lien général de la société. Il y a présomption d'ac-
:eptation du fardeau de diligence raisonnable.
Ainsi que le dit l'honorable juge Dick-
;on, dans l'arrêt Sault Ste-Marie ( 1 9 7 8 ) 2 R.C.S.
,299 , en page 1 3 2 5 :
'Normalement, seul l'accusé sait ce qu'il a fait pour empêcher l'infraction et l'on peut à bon droit s'attendre à ce qu'il rapporte la preuve de la diligence raisonnable.'
Utilisant la méthode d'analyse exposée
lans l'arrêt R. c. Oakes, 1 9 8 6 ( 1 R.C.S. 1 0 3 ) . comment
ie pas conclure que l'objectif visé par les disposi-
.ions législatives est d'une très grande importance et
[u'il se rapporte à des 'préoccupations urgentes et
-éelles dans une société libre et démocratique.'
Le régime de responsabilité stricte qui
!st une création judiciaire constitue un moyen ratio-
iel pour atteindre l'objectif recherché. Il n'est
'ni arbitraire, ni inéquitable, ni fondé sur des con-
sidérations irrationnelles.. Ce régime de responsabi i lité établit un équilibre raisonnable et équitable I entre la société et ceux qui choisissent d'agir dans
un secteur d'activités réglementées. La Couronne I n'est pas dispensée de prouver au-delà de tout doute l raisonnable la commission de l'acte reproché. Les I effets préjudiciables de ce régime sont tout à fait I mineurs en regard de l'importance de l'objectif de
cette loi et de l'équilibre qu'il faut maintenir
dans une société démocratique entre celui qui s'enga-
ge dans un secteur d'activités réglementées et la
société en général.
En conséquence, le Tribunal rappelant la l décision dans l'arrêt Wholesale Travel Group Inc. l n'a aucune hésitation à déclarer le régime de respon-
sabilité stricte s'appliquant en matière statutaire
comme constitutionnel. Le fait que les dispositions
de ce régime de responsabilité stricte n'aient pas
été codifiées ne modifie en rien la légitimité de
La défense de diligence raisonnable
comporte deux volets:
- L'infraction doit avoir été commise contre le gré
ou à l'insu de l'employeur et en dépit des mesures
préventives destinées à éviter sa commission:
- La défense d'erreur de bonne foi c'est-à-dire que
la défenderesse doit avoir cru pour des motifs rai-
sonnables à un état de fait inexistant qui, s'il
avait existé, aurait rendu l'acte innocent.
René Tremblay a déjà été titulaire d'un
permis de la Loi sur la Protection sanitaire des Ani-
naux vers 1985-1986. Ce permis n'a pas été renouvelé
et en tout état de cause, Ralston Purina Canada Inc.
ne s'est jamais informée, ni n'a été informée, du fai
gue vers 1985-1986, monsieur René Tremblay était
titulaire de permis l'autorisant à vendre ou fournir
ies médicaments sous la forme de pré-mélanges médica-
nenteux ou d'aliments médicamenteux.
La clientèle de René Tremblay est formée
i'une trentaine d'éleveurs de l'industrie laitière et
~orcine. La défenderesse vend non seulement des pré-
nélanges médicamenteux pour lesquels tout au moins un
)ermis est obligatoire, mais également des médicament
xue seuls peuvent vendre ceux qui bénéficient des
sxceptions prévues à l'article 35 de la Loi sur la
'harmacie .
L'employé qui administrait l'entrepôt el
s'occupait des commandes et des relations avec René
Tremblay était à l'emploi de la défenderesse depuis
quelques années et n'avait reçu qu'une directive,
soit celle de vendre à toute personne autre que des
consommateurs (end users). Il s'agit de directives
tout à fait sommaires, manifestement insuffisantes
en droit et non pertinentes en regard de la catégorii
restreinte de clientèle attribuée par le législateur
au grossiste en médicaments.
René Tremblay n'étant pas un grossiste
en médicaments au sens de la Loi, Ralston Purina
Canada Inc. devait s'assurer, aux fins de l'article
55.2 de la Loi sur la Protection sanitaire des Ani-
maux, que monsieur René Tremblay était titulaire d'ut
permis émis sous l'autorité du ministère de llAgri-
culture pour la vente de pré-mélanges médicamenteux
ou aliments médicamenteux. La défenderesse devait
savoir que la vente de médicaments - autres que des pré-mélanges médicamenteux ou aliments médicamenteux
nlest réservée qu'à ceux qui bénéficient des excep-
tions en vertu de la Loi sur la Pharmacie et les
autres lois gouvernant les professionnels de la sante
Il s'agit-là d'une erreur attribuable a la négligence
de Ralston Purina Canada Inc. de prendre les moyens
pour contrôler et vérifier la légalité de ses
opérations.
La défenderesse n'ayant jamais été
informée que vers 1985-1986 René Tremblay était titu-
laire d'un permis délivré en vertu de l'article 55.2
de la Loi sur la Protection sanitaire des Animaux,
elle ne peut même, pour les chefs concernant les
pré-mélanges médicamenteux, prétendre à une erreur de
bonne foi. Jamais, au surplus, la défenderesse ne
s'est enquise de savoir si René Tremblay était titu-
laire d'un semblable permis.
Un des représentants a déclaré que la 10
était complexe et en filière. Une corporation comme
celle de la défenderesse, dont le chiffre d'affaires
est de plus de 50 millions par année, ne peut raison-
nablement dans une matière d'intérêt public comme la
santé publique se réfugier dans des pratiques depuis
longtemps établies sans adapter ces pratiques commer-
ciales aux dispositions législatives qui, en l'occu-
rence, étaient en vigueur depuis 1973 pour les
dispositions pertinentes de la Loi sur la Pharmacie
et, depuis 1986, pour les dispositions de la Loi sur
la Protection sanitaire des Animaux.
S'il s'agissait de lois complexes pour
la défenderesse. elle avait le devoir de retenir les
services des professionnels ou de rechercher auprès
des ministères concernés les informations nécessaires
pour adapter ses opérations à celle des prescriptions
de la Loi. La défenderesse a allégué qu'elle avait
obtenu une opinion légale il y a plusieurs années.
Le Tribunal en ignore le contenu. Cela n'est pas
invoqué comme moyen de défense.
Il va de soi que si la défenderesse
Ralston Purina Canada Inc. n'a pas su émettre de
directives précises et pertinentes à ses employés,
pour adapter le cours de ses affaires aux exigences
des lois en vigueur en matière de santé, elle n'a pas
pu établir de mécanismes de surveillance adéquats,
ni de systèmes de contrôle efficaces, pour éviter la
commission d'infractions.
L'employé qui transigeait depuis plu-
sieurs années avec René Tremblay n'aura jamais eu de
préoccupationsquant à la légalité de ces transactions
Mêmes les autres représentants de la défenderesse ne
se sont jamais préoccupés de cette question et ont
limité leurs vérifications à s'assurer qu'aucune
vente au détail ne soit effectuée par la défenderesse
ce qui n'est qu'un des volets couvert par les lois
pertinentes.
Jamais les représentants de Ralston
Purina Canada Inc. n'ont fait de vérification auprès
de René Tremblay sur ses activités, la défenderesse
sachant fort bien ou pouvait aisément savoir qu'il
transigeait directement avec des éleveurs de l'indus-
trie laitière e t porcine comme elle assumait occasio-
nellement la livraison des médicaments directement
chez les éleveurs.
Les longues relations d'affaires entre
la défenderesse et René Tremblay et le volume consi-
dérable des achats de René Tremblay, auprès de la
défenderesse, ne contribuent certes pas à soulever
un doute raisonnable sur le statut de René Tremblay.
Ce statut est sérieusement questionné et même contre-
dit par les livraisons effectuées par la défenderesse
directement auprès de la clientèle d'éleveurs de Rene
Tremblay.
L'administration des médicaments est
soumise à des exigences législatives sévères et ce
de façon légitime et compréhensible. Il s'agit d'un
domaine du plus grand intérêt public comme il met en
péril la chaîne alimentaire et la santé tant des
animaux que des humains.
La preuve n'établit pas sur prépondéranc
de probabilité, ni ne soulève quelque doute raisonna-
ble sur la diligence raisonnable de la défenderesse:
ses instructions et moyens de contrôle n'étaient
nullement dirigés à controler autre chose que la vent
aux consommateurs. Ces comportements ne sauraient
être le fondement d'une défense de diligence raison-
nable comme aucune mesure préventive n'a été mise en
place pour éviter la commission de semblables infrac-
t ions.
La preuve de la défense ne rencontre pa:
le fardeau qui lui est imposé par la loi et ne soulè-
ve même aucun doute raisonnable de la nature d'une
erreur de bonne foi. Jamais la défenderesse ne
s'est souciée du statut de René Tremblay. Elle
n'avait aucun motif de croire qu'il était grossiste
en médicaments au sens de la Loi sur la Pharmacie.
L'Ordre des Pharmaciens du Québec a donc
établi la culpabilité de la défenderesse sur chacun
des chefs, à l'exception des chefs 9 et 15 pour les-
quels la poursuivante a déclaré ne pas avoir de
preuve à offrir.
PÉRIL DE CONVICTIONS MULTIPLES:
En début de procès, la défenderesse avait
invoqué l'arrêt Kineapple pour réclamer un acquitte-
ment sur l'ensemble des chefs multiples, lorsque plus
d'un chef apparaissait dans la dénonciation pour une
seule transaction.
Cette demande en cassation avait été reje
tée parce qu'elle était prématurée. En instance, la
défenderesse est accusée, en vertu de l'article 35,
d'avoir posé un des actes décrit à l'article 17 et,
plus spécifiquement, l'article 17 stipule que: -
'Constitue l'exercice de la pharmacie toutacte qui a pour objet de prépa- rer ou de vendre, en exécution ou non d'une ordonnance, un médicament ou poison.'
Ce qui est donc interdit en instance,
c'est l'acte de vendre; c'est la transaction, peu
importe le nombre de médicaments, qui fait l'objet
de la poursuite et qui aurait fort bien pu donner
lieu des dénonciations reprochant la vente de
multiples médicaments.
D'ailleurs, l'honorable juge André Trot- I tier de la Cour supérieure du Québec, dans l'affaire
lolicoeur c. Ordre des Pharmaciens du Québec (Juris-
irudence express, 90-885). déclarait en page 9 de
:e jugement:
'Il faut analyser les infractions repro- chées en regard du but recherché par le législateur en créant telles infractions ainsi qu'en regard de la structure de ces infractions. Or, ce que défend cet article édicté en vue du bien-être public (il s'agit ici de l'article 17 de la Loi sur la Pharmacie) est mani- festement l'acte qui a pour objet de 'vendre', au sens contractuel du mot, et ici il n'est intervenu que deux actes ou transactions selon la preuve. L'élément matériel de l'infraction... a été accompli par la vente de trois items payés ensembles....
Comme en substance, un seul crime a été
ommis à l'occasion de chaque transaction et qu'il
mporte d'éviter les déclarations de culpabilité
ultiples, LE TRIBUNAL:
DÉCLARE la défenderesse Ralston Purina
anada Inc. coupable sur les chefs 1, 4, 5, 6, 10, 13,
PRONONCE l'arrêt des procédures sur les
hefs 2, 3, 7, 8, 11, 12, 14, 16, 18, 19, 20, 22, 23,
ACQUITTE la défenderesse sur les chefs
500-27-000568-917
- 40 -
9, 15, sur lesquels la poursuivante a déclaré n'avoir
aucune preuve à offrir.
Me Philippe Frere LAVERY, DE B I L L Y Procureurs de l'Ordre des Pharmaciens du Québec (la poursuivante )
Me Gérard Dugré BYERS CASGRAIN Procureurs de Ralston Purina Canada Inc. (la défenderesse)
500-27-000568-917
A U T O R I T É S
- Pierre-André Côté, Interprétation des Lois,
1990, 2e édition, Éditions Yvon Blais;
- Jacques Fortin, Preuve pénale:
- Elrner A. Driedger, Construction of Statutes,
2e édition, Toronto, Butterworths, 1983;
- Eric Calvin, Principles of Crirninal Law,
Carswell, 1986;
Autres volumes:
- Petit Larousse illustré, 1991;
- Black's Law Dictionary, 1990;
- Webster Ninth New Collegiate Dictionary;
A R R Ê T S C I T É S
- R . c . K i e n a p p l e , ( 1 9 7 5 ) , 1 R.C.S. 729;
- J o l i c o e u r c. O r d r e d e s P h a r m a c i e n s d u Q u é b e c ,
JE 90-885;
1 - R v s E l l i s - D o n L t d . e t a l . . 42 OAC 5 0 ;
- R c . The W h o l e s a l e T r a v e l Group I n c . ,
2 4 o c t o b r e 1 9 9 1 , 1 9 9 1 A.C.S. 79 ;
- La R e i n e v s L a C o r p o r a t i o n d e l a V i l l e d e
S a u l t S t e - M a r i e , ( 1 9 7 8 ) 2 R.C.S. 1 2 9 9 ;
- R c . O a k e s , ( 1 9 8 6 ) 1 R.C.S. 1 0 3 ;
A R R É T S E X A M I N É S
- Hogan c. La Reine, ( 1 9 7 9 ) C.A. 116;
- R c. Jewitt, ( 1 9 8 5 ) 2 R.C.S. 128;
- Town Send vs Northern Crown Bank,
( 1 9 1 4 ) . 49 R.C.S. 394;
- Rex vs Lines Ltd., ( 1 9 4 4 ) OWN 499:
- R c. General Nutrition Canada Ltd., JE 81-27;
- Pauzé c. Gauvin, ( 1 9 5 4 ) R.C.S. 15; I
- R c. Chapin, ( 1 9 7 9 ) 2 R.C.S. 121;
- Strasser c. Roberge, ( 1 9 7 9 ) 2 R.C.S. 953;
- R c. Whyte, ( 1 9 8 8 ) 2 R.C.S. 3;
- R c. Chaulk, ( 1 9 9 0 ) 3 R.C.S. 1303;
- Ordre des Pharmaciens c. Boutique d'Animaux
Benji et al., (500-27-010094-904) ;
- Le Procureur général de la Province du Québec
c. Daniel Robitaille, C.A.Q. 200-36-00038-872;
- Paul c. La Reine, ( 1 9 8 2 ) 1 R.C.S. 621;
- La Reine c. Robinson, ( 1 9 5 1 ) 1 R.C.S. 522;
- Cité de Montréal c. Bélec, ( 1 9 2 7 ) R.C.S. 537;
- - R c. Big M Drug Mart Ltd., ( 1 9 8 5 ) 1 R.C.S. 295:
500-27-000568-917
L O I S C O N S U L T É E S
- Loi sur 1 Pharmacie (L.R.Q., chapitre P-10;
- Loi sur la Protection sanitaire des Animaux, (L.R.Q., chapitre P-42);
- Loi sur les Médecins vétérinaires, (L.R.Q., chapitre M - 8 ) ;
- Charte canadienne des Droits et Libertés; - Code de Procédure pénale; - Code de Procédure civile;
EXTRAITS PERTINENTS DES L O I S DISCUTÉES:
- Loi sur la Pharmacie, ( L . R . Q . , c. P-10).
articles 1, 18, 37, 35, 36;
- Loi sur la Protection sanitaire des Animaux,
( L . R . Q . , c. P-42), articles 55.2, 55.3;
- Loi sur les Médecins vétérinaires, ( L . R . Q . ,
c. M-8), article 9;
- LOI SUR LA PHARMACIE (L.R.Q., C. P-10)
1. Dans la présente loi et dans les règlements
adoptés sous son autorisé, à moins que le contexte
n'indique un sens différent, les termes suivants
signifient: - h) 'médicament': toute substance ou mélange de
substances pouvant être employé;
i. au diagnostic, au traitement, à l'atté- nuation ou à la prévention d'une maladie, d'un désordre, d'un état physique ou psychique anormal, ou de leurs symptômes, chez l'homme ou chez les animaux: ou
ii. en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques chez l'homme ou chez les animaux:
18. Rien dans la présente loi n'interdit l'achat, la
préparation, la vente ou la fourniture de médicaments
par une personne habilitée à le faire en vertu d'une
loi.
Rien n'interdit non plus l'achat et la préparatio
de médicaments par un établissement, ni la vente ou
la fourniture par lui de médicaments aux personnes
qui y sont admises ou inscrites, pourvu qu'il y ait
un pharmacien ou un médecin attaché a cet établisse- ment; quant à la vente et la fourniture de médica-
ments par un établissement aux personnes autres que
celles qui y sont admises ou inscrites, elles sont
permises dans les circonstances et aux conditions
prévues par règlement du gouvernement adopté confor-
mément au paragraphe b) de l'article 37.
Rien n'interdit non plus la préparation de médi-
caments par un fabricant de médicaments, ni la vente
en gros par un tel fabricant à un grossiste en médi-
i page 2
caments, ni la vente en gros par un tel fabricant ou
un tel grossiste à une personne habilitée à vendre ou
fournir des médicaments en vertu de la présente loi
ou d'une autre loi.
35. Sous réserve de l'article 18 et sous réserve
des droits et privilèges expressément accordés par
la loi à d'autres professionnels, nul ne peut poser
l'un des actes décrits à l'article 17, s'il n'est pas
pharmacien.
Les dispositions du présent article ne s'appli-
quent pas aux actes posés:
a) par les étudiants en pharmacie qui sont immatri-
culés et qui effectuent un stage de formation
professionnelle conformément à la présente loi et aux
règlements du Bureau:
b) par les personnes agissant conformément aux
règlements édictés en vertu du paragraphe a) du pre-
mier alinéa de l'article 10 ou en vertu de l'article
11.
36. Quiconque contrevient à l'article 35 est passi-
ble, pour chaque infraction, des peines prévues à
l'article 188 du Code des professions.
37. Le gouvernement, après consultation de l'Ordre,
peut, par règlement:
a) déterminer les circonstances où, à cause de la
faible densité de la population ou de l'absence d'un
pharmacien dans un endroit donné, un médecin peut
obtenir un permis valable pour une période n'excédant
pas cinq ans et renouvelable, et exercer la pharmacie
b) déterminer dans quelles circonstances de temps et
de lieu un établissement auquel est attaché un phar-
macien ou un médecin peut vendre ou fournir des
médicaments aux personnes qui n'y sont pas admises
ou inscrites.
- LOI SUR LA PROTECTION SANITAIRE DES ANIMAUX
(L.R.Q., c. P-42)
55.2 Une personne ne peut vendre ou fournir un
médicament à moins d'être titulaire d'un permis
délivré à cette fin par le ministre et elle ne peut
le faire que sous forme d'un pré-mélange médicamen-
teux ou d'un aliment médicamenteux.
Le titulaire de ce permis ne peut vendre ou
fournir un pré-mélange médicamenteux qu'à un titu-
laire d'un permis visé au présent article ou à celui
visé à l'article 55.3.
Le titulaire de ce permis peut toutefois pré-
parer un pré-mélange médicamenteux ou un aliment
médicamenteux.
Le présent article ne s'applique pas à une
personne habilitée à préparer, à vendre ou à fournir
un médicament-en vertu de la Loi sur la Pharmacie
(chapitre P-10) ou de la Loi sur les médecins vété-
rinaires (chapitre M-8). selon le cas.
55.3 Une personne ne peut préparer un aliment
médicamenteux pour ses propres animaux ou pour les
animaux dont elle a la garde, moins d'être titulair
d'un permis délivré à cette fin par le ministre.
Une personne peut préparer un tel aliment
pour ces animaux sans le permis visé au premier al.iné,
lorsqu'elle en prépare au plus 1 kilogramme ou 1
litre.
Le présent article ne s'applique pas:
l0 à une personne habilitée à préparer un
médicament en vertu de la Loi sur la pharmacie
(chapitre P-10);
2' à une personne qui détient un permis visé
à l'article 55.2;
3 O à une personne soustraite à l'obligation
d'être titulaire d'un permis selon un réglement
adopté en vertu du paragraphe 2O de l'article
55.9:
4O à une personne qui prépare un aliment
médicamenteux pour un animal qui n'est pas
destiné ou dont les produits ne sont pas
destinés à l'alimentation humine, sauf si cet
animal est élevé pour sa fourrure.
- LOI SUR LES MEDECINS VÉTÉRINAIRES
(L.R.Q., c. M-8)
9. L'Office des professions du Québec dresse
périodiquement, par règlement, après consultation du
Conseil consultatif de pharmacologie, de l'ordre des
médecins vétérinaires du Québec et de l'ordre des
pharmaciens db Québec, une liste des médicaments qui
ne peuvent être vendus que sur ordonnance d'un
médecin vétérinaire.
Malgré le premier alinéa, un fabricant de
médicaments peut vendre à un grossiste en médicaments