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L’année 2014 est marquée par le sceau de l’histoire. Elle correspond au 100 ème anniversaire de la déclaration de la première guerre mondiale 1914-1918. Déjà, nombreuses sont les manifestations officielles, au plan national ou local, qui se proposent de commémorer ce souvenir, qui a profondément influé sur notre destin commun. Si l’on voit les choses avec beaucoup de recul à l’échelle d’un siècle, on peut en effet estimer qu’en semant les germes d’une seconde guerre mondiale 1939-1945, le premier conflit planétaire a finalement préparé l’avènement d’un monde nouveau, qui a notamment permis l’émergence progressive d’une Europe pacifiée. Mais, qu’en est-il de la mémoire hospitalière dans ce domaine ? Il est vrai que d’une façon très répandue, les communautés hospitalières auxquelles nous appartenons ont assez peu l’occasion de consacrer du temps à la réflexion ou à la recherche sur la place ou le rôle de l’hôpital pendant ces périodes troublées et heureusement exceptionnelles. C’est pourquoi le comité de rédaction d’INTERCOM vous suggère aujourd’hui un voyage dans le temps et dans l’espace, qui est de nature à illustrer certaines « tranches de vie », qui ont participé à la fondation de notre culture altruiste. Le dossier illustre au travers de documents d’archives la vie quotidienne des patients, du personnel et des responsables hospitaliers au cours de la seconde guerre mondiale, singulièrement à la fin de ce conflit en 1944, au moment où les troupes d’occupation préparaient leur départ de Bourges et de sa région. On apprend ainsi quelles furent les principales préoccupations de l’époque, à la fois éloignées et proches de celles qui sont aujourd’hui les nôtres. On découvre avec une biographie de Gaston FERDIERE, médecin psychiatre, son rôle singulier notamment à Chezal et Dun. Une rencontre avec Isabelle Von Bueltzingsloewen permet de cerner au plus près le phénomène assez peu connu de la faim des patients et de ses conséquences, dans les asiles au cours de cette période de guerre. Mais, ce numéro vous apporte également bien d’autres informations passionnantes : Jean-Raoul CHAIX , psychiatre , répond à Intercom sur le thème des évolutions majeures de la psychiatrie en tant que discipline médicale ; l’hôpital de jour d’Issoudun présente la réalisation de leur projet « Panser à cheval » ; Emilie CHOTARD , ingénieur qualité , présente la démarche de certification « à blanc » puis Alain VERNET, psychologue, dresse un bilan du 4 ème Congrès national des équipes mobiles de psychiatrie. Un menu finalement assez copieux, mais qui devrait normalement vous mettre à l’abri de tout risque d’indigestion ... ! Journal interne du centre hospitalier George Sand N° 40 - Février 2014 ÉDITO : Et si l’on parlait ….. histoire ! SOMMAIRE DOSSIER : Le CH George Sand en période de guerre DES MÉTIERS ET DES GENS : Dr Jean-Raoul Chaix VU DE L’INTÉRIEUR : Équithérapie HJ Issoudun Démarche de certification Congrès des équipes mobiles BRÈVES HOSPITALIÈRES Roland DEMAY Directeur Adjoint

ÉDITO : Et si l’on parlait ….. histoire · conséquence il demande leur renvoi, et pour l’un la mutation de son épouse, même si « c’est une brave personne, à muter pour

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L’année 2014 est marquée par le sceau de l’histoire. Elle correspond au 100 ème anniversaire de la déclaration de la première guerre mondiale 1914-1918. Déjà, nombreuses sont les manifestations officielles, au plan national ou local, qui se proposent de commémorer ce souvenir, qui a profondément influé sur notre destin commun. Si l’on voit les choses avec beaucoup de recul à l’échelle d’un siècle, on peut en effet estimer qu’en semant les germes d’une seconde guerre mondiale 1939-1945, le premier conflit planétaire a finalement préparé l’avènement d’un monde nouveau, qui a notamment permis l’émergence progressive d’une Europe pacifiée. Mais, qu’en est-il de la mémoire hospitalière dans ce domaine ? Il est vrai que d’une façon très répandue, les communautés hospitalières auxquelles nous appartenons ont assez peu l’occasion de consacrer du temps à la réflexion ou à la recherche sur la place ou le rôle de l’hôpital pendant ces périodes troublées et heureusement exceptionnelles. C’est pourquoi le comité de rédaction d’INTERCOM vous suggère aujourd’hui un voyage dans le temps et dans l’espace, qui est de nature à illustrer certaines « tranches de vie », qui ont participé à la fondation de notre culture altruiste. Le dossier illustre au travers de documents d’archives la vie quotidienne des patients, du personnel et des responsables hospitaliers au cours de la seconde guerre mondiale, singulièrement à la fin de ce conflit en 1944, au moment où les troupes d’occupation préparaient leur départ de Bourges et de sa région. On apprend ainsi quelles furent les principales préoccupations de l’époque, à la fois éloignées et proches de celles qui sont aujourd’hui les nôtres. On découvre avec une biographie de Gaston FERDIERE, médecin psychiatre, son rôle singulier notamment à Chezal et Dun. Une rencontre avec Isabelle Von Bueltzingsloewen permet de cerner au plus près le phénomène assez peu connu de la faim des patients et de ses conséquences, dans les asiles au cours de cette période de guerre. Mais, ce numéro vous apporte également bien d’autres informations passionnantes : Jean-Raoul CHAIX , psychiatre , répond à Intercom sur le thème des évolutions majeures de la psychiatrie en tant que discipline médicale ; l’hôpital de jour d’Issoudun présente la réalisation de leur projet « Panser à cheval » ; Emilie CHOTARD , ingénieur qualité , présente la démarche de certification « à blanc » puis Alain VERNET, psychologue, dresse un bilan du 4ème Congrès national des équipes mobiles de psychiatrie. Un menu finalement assez copieux, mais qui devrait normalement vous mettre à l’abri de tout risque d’indigestion ... !

Journal interne du centre hospitalier George Sand

N° 40 - Février 2014

ÉDITO : Et si l’on parlait ….. histoire !

SOMMAIREDOSSIER :Le CH George Sand en période de guerre

DES MÉTIERS ET DES GENS :Dr Jean-Raoul Chaix

VU DE L’INTÉRIEUR : Équithérapie HJ IssoudunDémarche de certificationCongrès des équipes mobiles

BRÈVES HOSPITALIÈRES

Roland DEMAYDirecteur Adjoint

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Intercom n°40 Février 201422

Dossier

Le CH George Sand pendant la seconde Guerre Mondiale

Chacun le sait (ou devrait le savoir ; ce qui, d’ailleurs, resterait à démontrer) que la période de la deuxième guerre mondiale fut particulièrement dramatique pour les malades mentaux. Nul n’ignore qu’ils étaient considérés comme des sous-hommes par les nazis, qui, à travers leur programme Aktion T4, pratiquèrent une élimination des handicapés physiques et psychiques, qui aurait pu avoir un caractère encore plus systématique, sans quelques protestations d’autorités morales qui retinrent un peu leurs entreprises génocidaires (dont notamment celle de Monseigneur Clément Von Galen, évêque de Munster), et qui servirent en quelque sorte de répétition, par les méthodes mises en œuvre, à ce qui allait devenir la Shoah. D’une manière générale, les régimes fascistes, à l’idéologie favorisant le culte de la jeunesse, de la force brutale, de la virilité, ne pouvaient reconnaître qu’il eut autant d’humanité dans un malade, diminué physiquement et psychiquement, que dans un autre individu, considéré d’abord comme un soldat en puissance.

En France nul n’ignore plus que dans les hôpitaux psychiatriques, entre 40 000 (hypothèse basse) et 60 000 (hypothèse haute) malades moururent de faim (et de pathologies associées comme le typhus), durant cette période de la deuxième guerre mondiale (dont Camille Claudel, à Montfavet (Vaucluse), Séraphine de Senlis, à Clermont de l’Oise (Oise), Sylvain Fusco, au Vinatier (Rhône), ces deux derniers, connus par leurs œuvres picturales témoignant de l’art brut, Antonin Artaud ne devant la vie qu’à l’aide de son psychiatre (qu’il voua pourtant aux gémonies, pour lui avoir imposé des séances de sismothérapie), le Docteur Gaston Ferdière, muté disciplinairement de Chezal Benoît à Rodez. Car les rations alimentaires prévues (et pensées par une technocratie sanitaire, aux noms d’impératifs que d’aucuns, aujourd’hui, pourraient considérer comme des axes d’amélioration de la qualité des soins, puisqu’aussi bien les premières communications présentées dans les revues scientifiques, qui traitaient de cette surmortalité – forme spontanée d’Evaluation des Pratiques Professionnelles- et des symptômes qui lui étaient associés, mentionnaient d’autres hypothèses létales qu’une mort de faim, à l’évidence impensable et inimaginable dans un contexte de prévision rationnelle) étaient insuffisantes pour assurer la simple survie, chez ceux qui ne bénéficiaient d’aucun supplément alimentaire, qui étaient dans l’incapacité de se livrer au marché noir, et dont les familles ne les soutenaient pas par l’envoi régulier de colis alimentaires (compte non tenu d’un éventuel coulage –au demeurant existant- à l’initiative des personnels, y trouvant

moyen d’améliorer leur propre ordinaire, pas toujours suffisant; compte non tenu aussi qu’il fallut fournir des tickets de rationnement dès le 23 septembre 1940 ; que les vendeurs de denrées réclamaient d’être payés au comptant ; que les fermes des hôpitaux étaient soumises à l’obligation, pour les denrées rationnées –vin, céréales, pommes de terres, haricots, lentilles- de fournir une partie de leur production au ravitaillement national).

Ces morts n’étaient pas voulues (puisqu’on ne les expliqua pas immédiatement par la famine – ce qui, par parenthèse, en dit long sur la pertinence du jugement de certains, qui pourtant, pouvaient pratiquer, en préalable à leurs décisions, ce qu’on appellerait aujourd’hui des études d’impact -, et puisque la mort n’était pas le but recherché des restrictions alimentaires), et c’est la raison pour laquelle les historiens refusent d’utiliser le terme de génocide pour caractériser cette hécatombe, bien que l’importance des décès fait qu’elle est comparable à d’autres (morts de la campagne de France, morts par suite de déportation raciale, civils tués dans des bombardements, morts par suite d’actes de résistance). On considère aussi que, puisqu’en 1942 le ministre de la santé, Max Bonnafous, - qui, pour la petite histoire termina sa vie avec l’actrice Gaby Morlay -, ayant pris une circulaire le 4 décembre 1942 augmentant la ration alimentaire des malades de 220 calories, après que sa compagne de l’époque, médecin-psychiatre, eut attiré son attention sur cette question qu’on ne disait pas encore de santé publique, ceci démontre l’absence d’intentionnalité génocidaire du gouvernement de l’Etat français.

Scènes de la vie quotidienne

Dr Gaston FERDIERE lors d’une émission radiophonique «Radioscopie»,

15 novembre 1978.

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Dossier

Le CH George Sand pendant la seconde Guerre Mondiale

La ration alimentaire calculée pour les malades hospitalisés était de 1800 calories/jour, alors qu’on considère que les besoins caloriques d’un homme au repos sont de 2400 calories.

Cette surmortalité affecta aussi nos établissements psychiatriques, moins Dun sur Auron, du fait du système de placement familial, dans une zone rurale. Mais à Chezal Benoit, on eut à faire face, à la fin de 1942, à une épidémie de béribéri ; tandis qu’à Bourges, la surmortalité fut constante, dès 1941.

Cette surmortalité des malades mentaux eut deux conséquences majeures. D’abord, pour les psychiatres résistants (Tosquelles, Le Guillant, Bonnafé, en particulier) de considérer qu’il n’y avait pas de différences de nature entre les hôpitaux psychiatriques et l’univers concentrationnaire, et qu’il fallait donc transformer profondément l’univers psychiatrique : l’ouvrir sur la ville et promouvoir des alternatives à l’hospitalisation, prémisses de ce qui deviendra la politique de secteur. Ensuite de retarder la mise en place des dispositifs de psychiatrie infanto-juvénile, puisque des enfants psychotiques, polyhandicapés, déficients intellectuels, furent admis dans les services de psychiatrie adulte, dont ils permirent de reconstituer les effectifs d’avant-guerre, ce qui entraîna, par la suite, bien des résistances à voir s’autonomiser des services de psychiatrie infanto-juvéniles. En effet durant la guerre le recul des admissions avait été de 47%.

C’est donc cette surmortalité qui affecta principalement le site de Bourges (connu sous le nom de Beauregard), durant la deuxième guerre mondiale. On s’en étonnera d’autant moins que dès 1940, les occupants, pour loger certains effectifs de l’armée allemande, réquisitionnèrent le pensionnat (le bâtiment de l’ancienne Pelouse), ainsi que la ferme (qui se trouvait sur le site des Amandiers). Si bien qu’il était impossible de fournir de manière autarcique des suppléments alimentaires auprès de 500 malades hospitalisés à l’époque.

L’autre élément qui affecta le site de Bourges fut sans doute qu’un nombre important d’agents masculins se retrouvât prisonnier de guerre après la débâcle de l’armée française en mai-juin 1940. On peut reconstituer les effectifs tels qu’ils étaient peu après, grâce aux déclarations que tous les agents publics furent obligés de faire, dans le cadre de la loi du 13 août 1940 sur les sociétés secrètes, les obligeant à certifier qu’ils n’étaient pas francs-maçons, les risques d’une fausse déclaration n’étant pas négligeables, puisqu’il existait une police spécifique contrôlant les déclarations, toute fausse déclaration pouvant se solder par la radiation sans pension.

Aux Archives Départementales du Cher se trouvent toutes ces déclarations, depuis l’aide-jardinier, jusqu’au médecin-directeur, et transmises par ce dernier, lequel est le Docteur Jean Magnand, arrivé à Bourges, venant de Saint Dizier le 7 mars 1938. Il s’intéresse plus particulièrement à la démence précoce (schizophrénie), et à sa forme de schizomanie.

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Dossier

Il est le médecin du service des hommes, tandis que le médecin-chef du service des femmes, le Docteur Paul Vernet, intéressé par l’épilepsie, est arrivé à Bourges le 1er septembre 1938. Ces informations seront transmises au Préfet du Cher par un envoi du 31 juillet 1941. (À noter que pour la maison de retraite départementale de Bellevue, le Docteur Paul Prunet fit de même). On constate un personnel soignant (infirmiers, chefs de quartiers, sous-surveillants, surveillants-chefs, médecins), en nombre moins important que les services techniques (économe, dépensier, chef de culture, chef jardinier, coiffeur, cordonnier, cocher, chaudronnier, serrurier, buandière, basse courrière – une ancienne infirmière). Le personnel soignant se répartit de la manière suivante : 2 médecins, 2 surveillants-chefs (ils sont mari et femme, l’un affecté au service des hommes, l’autre affectée au service des femmes), 3 sous-surveillantes (2 au service des hommes, 1 au service des femmes), 27 personnels infirmiers masculins, 40 personnels infirmiers féminins). Cette surveillance des autorités ne concernait pas que les déclarations de non appartenance aux obédiences maçonniques. Ainsi le sous-préfet de Saint Amand Montrond indique qu’à Chezal-Benoît, des infirmiers (au nombre de 4) font preuve de mauvais esprit en tenant des propos contraires à la « révolution nationale », idéologie de l’Etat français. En conséquence il demande leur renvoi, et pour l’un la mutation de son épouse, même si « c’est une brave personne, à muter pour la tranquillité, même si une sanction à son égard serait injustifiée ». On reprochait à l’un d’entre eux d’avoir une attitude anticléricale. Il écrit en effet au ministre de l’intérieur en 1941, à propos de Chezal-Benoît, « cet établissement a toujours été un centre actif de propagande communiste dans le département, et la quasi-totalité du personnel était gagnée depuis longtemps aux théories extrémistes les plus avancées. La présence au poste de directeur du Docteur Ferdière, qui professait ouvertement des idées socialo-communistes, et la présence d’un de ses amis qu’il hébergeait (ancien officier de l’armée républicaine espagnole) ne pouvaient qu’aggraver cet état de choses ». En revanche les autres médecins, de Dun ou de Bourges, aux dires des rapports des préfets, apparaissent plus dans l’esprit pétainiste et collaborateur qui plaît aux pouvoirs publics d’alors – et sans doute de toujours-.

Le site de Bourges accueillit aussi les malades femmes rapatriées de l’hôpital de la Rochelle, ville côtière située en zone interdite, et établissement réquisitionné par l’armée allemande. Le 14 août 1941 arrivèrent 50 malades femmes accompagnées de 7 infirmières. La consigne était de « placer les wagons dans un lieu facilitant le transfert, et le chargement par autocars et camions, de façon à éviter les curieux ». Malheureusement une femme de service se trouvant là par hasard fut embarquée aussi, malgré ses protestations, et l’on ne se rendît compte

de la méprise qu’arrivé sur le site de Bourges, aucune des 7 infirmières ne connaissant cette malade supplémentaire.

Enfin le site de Bourges fut totalement réquisitionné pour l’hébergement des troupes d’occupation, le 24 janvier 1944, et les malades évacués le 12 février 1944, vers La Charité sur Loire et Esquirol à Limoges. Ils ne reviendront qu’en avril et mai 1945. Le 8 avril 1944 tout le « personnel secondaire » était de ce fait licencié (à l’exception des médecins, de l’économe, des surveillants-chefs). A noter qu’une partie des bâtiments avait déjà été réquisitionnée par la Luftwaffe (installation notamment de batteries de DCA) dès 1943. Il en résulta des dégradations (grenadage de la cuisine, destruction totale des ateliers, pavillon de l’administration : vitres brisées, inscriptions allemandes sur les murs, pharmacie détruite, bâtiment des hommes épileptiques (appelé alors la 4 des hommes) incendié, à reconstruire, clôture démontée, matériel de buanderie hors service, disparition totale du linge). En 1950 le montant des dégâts est estimé à 13 415 347 francs. L’indemnité des dommages de guerre permettra d’installer le chauffage central. Plus anecdotiquement, lors de la retraite des troupes allemandes, le 2 septembre 1944, sont réquisitionnés la jument (une pouliche noire de 12 ans), avec les harnais de carriole, et le breack omnibus à 8 places qu’on y attelait, et qui se trouvaient alors en dépôt à la maison de retraite départementale de Bellevue. Le 5 juillet 1946, afin «de reconstituer le cheptel», l’hôpital se verra accorder une indemnité de 217 600 francs.

Il reste que personne n’évalua les dégâts humains, et que personne ne se préoccupa vraiment des traumatismes vécus par les malades survivants (un témoin parle des conditions effarantes de l’évacuation précipitée du site de Bourges), tandis que ceux qui étaient morts de faim, après être rentrés dans la saison du sommeil, se perdirent, pour beaucoup, aux rives de l’oubli et de l’indifférence, au bord de ce fleuve Léthé, qu’il conviendrait de ne point, à notre tour, oublier (si l’on peut dire ainsi).

Alain VERNETPsychologue, PMPEA

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Dossier

Archives du Centre Hospitalier George Sand

Lettre du Directeur-Médecin de l’Hôpital Psychiatrique de Beauregardà Monsieur le Préfet du Cher, 24 Août 1944,Bourges

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Dossier

On connaissait relativement bien l’existence de l’hôpital clandestin du maquis, sis au Chateau de Parassy, et dans lequel oeuvraient les Docteurs Louis et Paul Delamarre, ainsi que le Docteur Pierre Malgras, chirurgien, dont la clinique se trouvait à Bourges, Boulevard de Strasbourg (où furent cachés nombre de résistants), chef du service médical de la résistance. On ignore souvent en revanche que le Docteur Wintrebert, adjoint du Docteur Lebrun, chirurgien à Bourges, fit fonctionner un hôpital clandestin du maquis dans l’établissement psychiatrique de Dun-Sur-Auron, ainsi que l’atteste ce rapport transmis au Préfet du Cher, et qui figure dans les archives de l’établissement. Cette vocation d’accueil de l’établissement de Dun sur Auron, s’était déjà manifesté durant la première guerre mondiale, quand le Docteur Auguste Marie, Médecin-directeur (et fondateur de ce qu’on nommait alors la colonie familiale de Dun sur Auron) y avait accueilli des militaires blessés et convalescents, victimes de cette guerre 1914-1918.

Retranscription exacte des Rapports annuels du Dr Merie :

Activité du laboratoire et de la pharmacie (21 août -19 septembre 1944)

Pendant les trente jours de fonctionnement du centre chirurgical clandestin installé à la Colonie de Dun, la pharmacie de cet établissement a, par tous ses moyens, participé à l’effort du service médical en vue d’assurer aux blessés qui lui étaient confiés tous les éléments d’une prompt guérison.Le plus gros effort, fourni par le service de la pharmacie, concerne la stérilisation. Installation de fortune, née des évènements, le centre ne disposait que d’un nombre très restreint d’instruments chirurgicaux. Le problème était donc de fournir au chirurgien, dans un temps record, des instruments parfaitement aseptiques, et cela aussi souvent que l’exigeait la fréquence des interventions. Cette stérilisation était assurée au moyen d’une étuve électrique Poupinel.J ‘ajoute que, pendant les huit premiers jours, c’était également au service de la pharmacie qu’incombait la tâche de nettoyer les instruments.

[...]Pour une part beaucoup plus modeste, le Laboratoire a participé à l’œuvre chirurgicale du centre clandestin en donnant au chirurgien et aux médecins les résultats de quelques analyses médicales qu’ils lui avaient confiées.

Tous les frais occasionnés par l’hospitalisation des blessés militaires et leur traitement, et par l’hébergement des subsistants ont été remboursés par l’armée secrète. Les frais d’hospitalisation des civils ont été remboursés par eux. Seuls n’ont pas été remboursés les frais d’hospitalisation des blessés allemands qui dépassent de peu 5.000 Francs.

En achevant ce long rapport, nous voudrions résumer le rôle assumé par la Colonie au cours de cette année décisive. La Colonie d’abord, a continué à remplir sans défaillance la fonction pour laquelle elle a été créée : assistance aux aliénés dans les placements et traitement dans les infirmeries. D’autre part, à partir de juin, elle a traité des aliénés des départements du Cher et de l’Indre que les asiles départementaux ne pouvaient plus recevoir en raison des événements de guerre.Elle a contribué au fonctionnement de l’hôpital psychiatrique de Chezal-Benoît durant la période critique du 21/8 au 1/10 en y détachant deux infirmières volontaires, au moment où étaient partis dans le maquis un certain nombre d’infirmiers de cet asile.Enfin, elle a participé de tout son pouvoir à l’effort de Libération du Pays, ramassant les blessés de la Résistance et en les soignant dans les conditions les meilleures possibles. Dans le même temps elle accueillait les blessés civils, et même des malades chirurgicaux qui ne pouvaient se faire soigner dans les hôpitaux de Bourges ou de saint Amand, et c’est elle encore qui a rendu les derniers devoirs aux victimes des Allemands dont elle a rassemblé les cadavres à la morgue. Elle a accompli les devoirs d’humanité envers l’ennemi blessé en accueillant et en soignant les blessés allemands qui lui ont été confiés à partir du 7 septembre. C’est donc le lieu ici de rendre hommage à la discipline, au patriotisme et à l’humanité du Personnel de la Colonie.Il y eut d’abord le départ pour le maquis, dès le 7 juin de MM. GUITON et MORILLON. Le premier revînt à la Colonie lorsque son rôle fut terminé. Le second on le sait, tombait pour la Libération le 21 juin.

Puis de proche en proche un autre et puis un autre s’employaient à servir dans la mesure de ses moyens : telle infirmière hébergeait un blessé qu’un médecin de la Colonie traitait dans le secret ; puis un autre blessé était signalé qu’il fallait aller soigner non moins discrètement.Et lorsque nous organisâmes le poste de secours clandestin de Terland à quelques kilomètres de Dun, la surveillante, Melle MORTAL, qui fut d’abord pressentie, ainsi que M. PINAULT, visiteur, ce fut sans un instant d’hésitation, mais avec enthousiasme qu’ils apportèrent leur concours immédiat et total.Puis vînt l’organisation audacieuse du centre chirurgical à la Colonie même. Et c’est alors tout le Personnel ensemble qui d’un même cœur se dévoua à cette organisation, et chacun s’adapta en quelques heures à ce rôle qui lui était assigné. Nous transcrirons ici une lettre que nous a laissée le Dr WINTREBERT qui fut chirurgien de notre centre. Malgré le respect affectueux que nous gardons à sa mémoire, nous omettons le passage qui nous concerne, en raison des paroles trop élogieuses qu’une sympathie partagée lui faisait prononcer.

Un centre chirurgical clandestin à Dun...

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« Mon cher Directeur,

« Avant de regagner Bourges pour reprendre mes fonctions de chirurgien adjoint du Dr LEBRUN. Je tiens à vous dire par écrit, dans l’intention que ceci soit transmis en haut lieu , la très vive estime que je nourris pour la Colonie Familiale de Dun-sur Auron.« pour vous en premier lieu,…« le Dr RAUCOULES,…« Le Dr DUPONT, dont les ressources pharmaceutiques ont été inépuisables et qui a assuré avec l’aide de Melle GARSAULT infirmière, une stérilisation impeccable et renouvelée de jour comme de nuit. Comme chirurgien je leur suis reconnaissant de m’avoir aussi parfaitement débarrassé de ce souci primordial.« Le Dr MANDRYKA dont le zèle intelligent et dévoué s’est exercé dans les fonctions d’assistant en chirurgie pour la salle des blessés allemands.« Melle TAILLEMITE, infirmière d’hospitalisation qui aime ce qu’elle fait et ceux qu’elle traite. Tous les blessés français et allemands lui doivent beaucoup.« Melle TABOURNEAU qui dans un rôle nouveau pour elle de panseuse a montré une des grandes qualité de notre race : la faculté d’adaptation.« enfin votre visiteur monsieur PINAULT, j’ai pour lui non seulement de l’estime, mais de l’affection. C’est l’homme qui est toujours là, toujours prêt à rendre service, tous les services : les dangereux comme d’aller chercher des blessés sous les balles, les humbles comme laver une salle d’opérations. Infatigable et sûr. Je serais particulièrement heureux qu’on reconnaisse ses grands mérites. « tous vous avez réalisé quelque chose de difficile : créer du jour au lendemain un service de chirurgie et en assurer un parfait fonctionnement.« grâce à vous ma tâche a été facile.« Je vous en remercie.

Signé : J WINTREBERTDr WINTREBERT chirurgien, ancien interne des hôpitaux de Paris Ancien chef de clinique chirurgicale de la faculté de Paris, Chef du centre chirurgie de la Résistance de Dun.

A ces noms, il faudrait en ajouter d’autres : Mme MORTAL, Melle TISSIER, Melle DELANNOY, Melle BONNEVIE revenue à la Colonie pour cette occasion, Melle ALLEGRET, et d’autres encore qui n’appartenant pas à la Colonie, sont venus à notre appel pour des soins spéciaux, comme Monsieur VIAL, dentiste à Dun, ou pour des transports comme monsieur BERNON, garagiste, et le nom aussi de ceux et celles qui sans participer directement aux soins de nos blessés ont permis, acceptant un travail accru dans la sphère plus modeste, que tous les efforts possibles fussent faits pour les blessés.

Il serait injuste en effet d’oublier ceux qui ont assuré la vie normale à la Colonie pendant cette période, dans les services généraux ou médicaux et qui ont délivré les autres du souci de nos Pensionnaires qu’il fallait continuer à assister et à traiter. C’est donc le Personnel dans son ensemble et surtout aux infirmières et aux visiteurs, que l’hommage doit être rendu. Et en rendant hommage à tant d’efforts, de bonne volonté, de dévouement, de vertu d’adaptation, il ne faut pas oublier l’abnégation et le mépris du danger, que comportait cette action dans ces circonstances. Il était dangereux d’aller ramasser des blessés, ceux qui y sont allés le savent pour y avoir essuyé des coups de feu. Mais il était dangereux aussi de soigner un blessé. Les allemands avaient réitéré leurs avertissements, avaient menacé, avaient fusillé quiconque prêtait secours à un blessé par arme à feu, sans le signaler ou le livrer. Les exemples en étaient nombreux. Nul ne l’ignorait ici. Nul n’ignorait que les représailles seraient massives, et sans choix. Nul n’ignorait qu’une dénonciation était possible, ou même un bavardage qui pour être considéré n’en aurait pas été moins dangereux. Et pourtant, nul n’a songé à protester, ni à se dérober, ni à se préoccuper des conséquences que pourrait avoir la découverte par l’ennemi des 36 blessés combattants ou civils, et soldats malades que nous hébergions. Ce courage, cette audace, ce sens patriotique et ce sens du devoir ont pu s’exercer pleinement, la chance, et la discipline de chacun ont fait que les allemands même lorsqu’ils ont stationné, et sont entrés à la Colonie, ne se sont jamais doutés qu’il s’y trouvait des blessés.Une pareille unanimité, dans une région qui jusque là n’avait pas souffert profondément de la guerre, est rare. La nature des services rendus est éminente. La Préfecture de la Seine est en droit d’avoir quelque fierté de la qualité du personnel qui travaille sans bruit dans cet établissement éloigné, et qui montre, aussi bien dans les humbles tâches quotidiennes que dans les actions exceptionnelles, la même conscience de son devoir, et la même ardeur à servir.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre respectueux dévouement.

Dun-sur-Auron, le 2 avril 1946

Le Médecin-chef, Dr P. RAUCOULES, Le Médecin-Directeur, Dr J MASSON

Extrait des Rapports annuels sur la Colonie de Dun-sur-Auron 1943-1951

Un centre chirurgical clandestin à Dun...

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Dossier

GASTON FERDIERE : Psychiatre ou Ecrivain ?

Un médecin-directeur à Chezal Benoit

Le Docteur Gaston Ferdière, psychiatre, à la fin de sa carrière professionnelle, en 1976, s’était retiré à Héricy, petit village étagé en rive droite de la Seine à côté de Fontainebleau, où il devait décéder en 1990. Travaillant au centre hospitalier de Nemours (77) entre 1982 et 1989, établissement qui desservait alors les secteurs psychiatriques de Nemours, Montereau Fault Yonne et Fontainebleau, j’avais eu l’occasion de rencontrer, en une occasion dont j’ai oublié le motif, celui qui m’était alors apparu comme un vieux monsieur, quelque peu original, ressemblant vaguement à Aragon, dont j’ai surtout conservé le souvenir d’une conversation centrée sur la littérature, et d’une maison –il nous avait invité à lui rendre visite à l’occasion de visites de patients à domicile, pratique alors fréquente dans le cadre de la psychiatrie de secteur- remplie de livres, d’objets divers : tableaux, sculptures, objets africains, véritable bric-à-brac, qui faisait échoppe de brocanteur. Il évoquait des souvenirs, à la fois professionnels et littéraires, des engagements aussi, qui me semblaient alors appartenir à un passé lointain, monde de limbes ouvrant plus sur des interrogations, une méconnaissance, que sur des évidences. Il évoquait les Professeurs Henri Claude , et puis aussi, hors champ professionnel : Robert Desnos , René Crevel , Benjamin Perret , Louis-Ferdinand Céline , et à l’intersection des deux : Antonin Artaud . Il évoquait aussi le temps où il avait été médecin-directeur de ce qu’il appelait la colonie agricole de Chézal-Benoit, puis de l’asile départemental d’aliénés de Rodez (12). J’ignorais que viendrait le temps où je m’attacherais à connaître un peu plus le parcours de cet homme.

Gaston Ferdière est né en 1907 à Saint Etienne. Il fera ses études de médecine à Lyon, et s’intéressera d’abord à la neurologie. Il taquine la muse, s’essaie à composer divers recueils de poésie, et se lie alors avec les milieux surréalistes parisiens. Comme Céline, ou encore André Breton, ou Louis Aragon, il ambitionne de concilier médecine et littérature. C’est, hélas pour lui, un écrivain plaisant, mais dénué d’un vrai talent. Si bien qu’il ne percera pas dans la littérature. Mais la littérature, associée à l’expression d’idées politiques progressistes (au moment de la guerre d’Espagne, il partira un temps en Catalogne, et publiera ensuite des poésies anti franquistes), lui attirent l’animosité du Professeur Henri Claude, ce qui sonne le glas de ses ambitions universitaires. Il est donc contraint d’exercer dans le cadre du dispensaire d’hygiène sociale de Clichy, développé par le syndicat CGT, où il croise le déjà célèbre Docteur Louis-Ferdinand Destouches (Céline). Et, selon l’adage qui veut qu’un malheur n’arrive jamais seul, son épouse le quitte pour aller vivre avec Henri Michaux , rencontré chez Claude Cahun .

C’est alors qu’il choisit de devenir médecin-directeur à Chezal-Benoit en 1937. Comme beaucoup d’autres médecins (dont le docteur Requet à l’hôpital du Vinatier à Lyon, avec les œuvres de Sylvain Fusco, mais aussi le Docteur Auguste Marie, surtout quand

il sera Médecin-Chel de l’hôpital de Villejuif, c’est-à-dire après avoir été médecin-directeur de la « colonie familiale » de Dun-sur-Auron), il collectionne les œuvres de ses malades, et s’efforce de leur faire fournir le matériel nécessaire à leurs productions. Il en exposera certaines lors d’une exposition sur l’art des malades, à Sainte Anne, en 1938, et récidivera au musée de Rodez en 1943, avec une exposition « d’art asilaire ». Il est aidé dans sa tâche par une interne qui deviendra sa deuxième épouse. Il expérimente la lobotomie sur un malade (le seul qu’il traitera ainsi), expérience dont il donne un compte-rendu tellement technique et détaché dans une revue scientifique, qu’il sera l’objet de nombreuses critiques de la part de ses confrères. C’est à Chézal-Benoit qu’il est surpris par la débâcle de juin 1940. Il organise alors dans l’établissement un hôpital de fortune pour accueillir les blessés de l’exode, puis quand vont venir les restrictions alimentaires, et dès qu’il aura compris que celles-ci sont causes d’une surmortalité (ce qui n’est pas immédiat, car il pense d’abord à une épidémie, dont il recherche l’étiologie à travers des examens biologiques), il organisera le marché noir au sein de l’hôpital, collectant les tickets de tabac qu’il échange contre du ravitaillement en légumineuses et pommes de terre principalement, et pratiquant la mutualisation des tickets de rationnement. Il évitera ainsi la famine, que l’établissement connaîtra après son départ, à travers une épidémie de béri-béri.

En effet ses idées politiques le rendent suspect ; il est surveillé de près par les autorités ; et le sous-préfet de Saint-Amand-Montrond demande sa mutation disciplinaire, d’autant plus qu’il héberge un officier républicain espagnol exilé. On ne lui donne à choisir que son point de chute. Ce sera Rodez, dans l’Aveyron, asile promis à la fermeture, et qui se trouve encore en zone libre.S’intéressant aux divers aspects des méthodes mises en œuvre en psychiatrie, comme il le dira plus tard, «sans esprit d’idéologie», il fait acheter un appareil à sismothérapie, afin de pratiquer des électrochocs.

Dr Gaston FERDIERE et Antonin ARTAUD

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En 1943, Robert Desnos, qui visite Antonin Artaud hospitalisé à Ville-Evrard, trouve celui-ci dans un état physique tellement lamentable, qu’il alerte les membres de la mouvance surréaliste, qui s’activent pour faire sortir Artaud de cet établissement, et contactent alors Ferdière, qui avait croisé Artaud à Paris, en 1935. Celui-ci organise le transfert d’Artaud à Rodez, avec relais à Chézal-Benoit, afin d’un franchissement discret de ce qui demeure la ligne de démarcation. Le 11 février 1943, c’est un agonisant qui arrive à Rodez. Le soir même, Ferdière l’invite à sa table, puis il va obtenir qu’il se lave, et réinvestisse un peu son humanité.

Il va alors tenter sur Artaud une série d’électrochocs, ce qu’Artaud ne lui pardonnera jamais, écrivant par la suite des textes vengeurs contre Ferdière, lequel tentera de se justifier, ce qui, alors, lui vaudra les foudres du Conseil de l’ordre des médecins, qui l’accusera de mettre en cause le secret médical. Pourtant, à Rodez, Artaud se remet à écrire. Sont-ce les effets de la sismothérapie, ou tout simplement de l’intérêt qu’on lui porte ? Il est difficile de trancher. En tout cas, grâce à Ferdière, Artaud ne mourra pas de faim. Ferdière s’arrange même pour qu’il ne manque ni de tabac, ni de papier, et le laisse déambuler dans la ville, alors qu’il

se trouve placé sous un régime d’internement, inaugurant, de manière sauvage et en catimini, les permissions d’essai. Ferdière est en effet, à Rodez, ce qu’il fut toujours, un libertaire, ennemi des règles contraignantes. Il prend ses risques, hébergeant notamment et cachant Delanglade, peintre de la mouvance surréaliste évadé d’un stalag.

La guerre s’achève. Jean Paulhan fera revenir Artaud à Paris. L’asile de Rodez ferme définitivement ses portes en 1948. Ferdière s’installe alors en pratique libérale à Anglet, dans le pays basque, avant de revenir s’installer à Paris en 1961, prenant sa retraite en 1976, tout en continuant à faire des vacations dans des dispensaires d’hygiène mentale. Il militera contre la guerre d’Algérie. Il continuera à s’occuper d’artistes, notamment Hans Bellmer, peintre expressionniste d’origine allemande, et son amie, peintre et photographe, Unica Zürn. Il continuera à participer, de loin en loin, à des colloques, et organisera un congrès d’Ethique et psychiatrie, en un temps où les préoccupations éthiques n’étaient pas encore à la mode.

Mais écrivain pour les psychiatres, psychiatre pour les écrivains, il ne fut peut-être jamais vraiment reconnu par les uns et les autres. Qui plus est les critiques d’Artaud ont terni son image, alors même qu’il était d’abord un humaniste, soucieux de ses malades, tentant de leur redonner leur humanité, dont la culture, qu’il avait grande, était un des aspects. Il reste, et c’est surprenant chez un homme ouvert aux préoccupations sociales et politiques, qu’il ne comprit pas vraiment le mouvement du secteur psychiatrique, qui allait transformer la psychiatrie française, et la faire entrer dans la modernité. Alors même qu’il serait initié par un psychiatre catalan, réfugié en France après la guerre civile espagnole : François Tosquelles, mouvement parti de l’hôpital de Saint Alban sur Limagnole, en Lozère, département voisin de l’Aveyron.

Alain VERNETPsychologue, PMPEA

1 - Né en 1869 et mort en 1945, neurologue et psychiatre, professeur à la clinique de l’encéphale et des maladies mentales, à l’hôpital Sainte Anne, à Paris ; il facilita l’introduction de la psychanalyse au sein de Sainte Anne.2 - Né en 1900 et mort en 1945 au camp de concentration de Thérésienstadt, en Tchécoslovaquie, camp où les nazis mirent en scène des conditions de détention « humaines », afin de duper les visiteurs de la Croix Rouge Internationale ; poète de la mouvance surréaliste.3 - Né en 1900, mort en 1935 (se suicida par le gaz), poète de la mouvance dadaïste, puis surréaliste.4 - Né en 1899 et mort en 1959, poète de la mouvance surréaliste ; il s’engagea durant la guerre d’Espagne dans le camps républicain et participa à la bataille de Teruel.5 - Médecin et écrivain français, auteur du « voyage au bout de la nuit », « mort à crédit », des pamphlets antisémites, et des récits de sa dérive collaborationniste, notamment à Sigmaringen, en compagnie des ultras de la collaboration : « D’un château l’autre », « Nord », « Rigodon » ; inventeur d’un style littéraire très reconnaissable.6 - Né en 1896 et mort en 1948, poète de la mouvance surréaliste, et critique théâtral ; fit plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, pour ce qui semble avoir été une psychose avec production délirante paranoïde.7 - Pour en savoir plus, Emmanuel Venet : Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud, éditions Verdier ; Emmanuel Venet, psychiatre à Lyon, est également écrivain ; son ouvrage est dédié à Jacques Hochmann.Ainsi que Antonin Artaud : Nouveaux écrits de Rodez, lettres au Docteur Ferdière, Gallimard et Gaston Ferdière : Les mauvaises fréquentations, mémoires d’un psychiatre, Editions Jean Claude Simoen8 - Né en 1899 et mort en 1984, écrivain, poète, peintre, d’origine belge et d’expression française , dans la mouvance surréaliste ; il expérimenta la mescaline.9 - Née en 1894 et morte en 1954, de son vrai nom Lucy Schwob, écrivaine de la mouvance surréaliste.

Exposition d’oeuvres de malades mentauxCentre Psychiatrique Sainte Anne, Paris

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AV : Madame Isabelle Von Bueltzingsloewen, merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien. Je dois remercier également Monsieur le Professeur Jacques Hochmann, pédopsychiatre de nous avoir mis en contact, à propos d’un sujet tragique, qui nous intéresse tous les trois : les morts de faim dans les hôpitaux psychiatriques en France durant l’occupation. Pour commencer pourriez-vous nous donner quelques repères biographiques ?

IVB :Bien volontiers ! D’abord vous me permettrez de saluer le Professeur Jacques Hochmann, car c’est grâce à lui que j’ai pu entreprendre ce travail sur « l’hécatombe des fous » durant l’occupation. Pour parler rapidement de mois, je suis une ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, agrégée d’histoire, Docteur en histoire et en sociologie. Je suis aujourd’hui professeur d’histoire et de sociologie de la santé à l’Université Louis Lumière Lyon II. Je m’intéresse à l’histoire des hôpitaux et des pratiques de soins à l’époque moderne (19ème et 20ème siècle) dans une perspective comparative entre la France et l’Allemagne. Mon travail pour l’habilitation à diriger des recherches avait pour titre « Jalons pour une histoire de la santé publique : France-Allemagne – XIX-XX èmes siècles ».

AV : Revenons sur « l’hécatombe des fous ». Quelle est la genèse de ce projet ?

IVB :Deux psychiatres du Vinatier (établissement psychiatrique de la banlieue lyonnaise) avaient initié des travaux sur la question, qui avaient fait scandale à l’époque ; d’une part le Docteur Max Lafont, en 1987, avec sa thèse intitulée « l’extermination douce » (republiée aux Editions Le bord de l’eau, en 2001), puis en 1998, le Docteur Patrick Lemoine, avec son ouvrage « Droits d’asile », publié chez Odile Jacob en 2007. Ils y soutenaient l’un et l’autre l’idée d’un génocide des malades mentaux, avec une forme d’extermination voulue par le régime de l’Etat Français (le gouvernement dit de Vichy), par le biais de la sous-alimentation. Leurs travaux prenaient appui sur les 2000 morts à l’hôpital du Vinatier durant ces années terribles. C’est pourquoi le Professeur Hochmann avait proposé d’ouvrir les archives de l’établissement à une commission d’historiens que j’ai animée, afin d’établir la réalité de la situation.

AV : Pour avoir écris un article sur ce sujet dans la page « rebonds » du Journal Libération il y a quelques années, j’ai en effet pu mesurer, à travers les réactions qu’il a suscité, combien le sujet était passionnel.

IVB :Mon livre en a aussi suscité beaucoup !

AV : Alors génocide ou pas génocide ?

IVB :Il y a eu une surmortalité dramatique, qu’on estime à environ 45 000 décès, dont la cause est la sous-alimentation, mais pas d’intentionnalité génocidaire, puisque tant les médecins que les gouvernants en furent surpris, et qu’ils ne l’attribuèrent pas immédiatement à la sous-alimentation, et qu’ils prirent des mesures pour y remédier, en particulier le ministre de la santé de l’époque, Max Bonnafous (ancien socialiste, proche d’Adrien Marquet), qui en 1942, pris une circulaire afin que soient augmentées les rations alimentaires des malades, alertées sur leurs conditions de vie par son épouse, Hélène Sérieux, médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques, fille du grand aliéniste Paul Sérieux, introducteur en France des travaux de Kraepelin, et qui identifia avec Capgras le délire d’interprétation.

AV : Comment établit-on que la famine est la cause des décès ?

IVB :On travaille sur les dossiers des malades, qu’on croise avec les différents documents administratifs disponibles. Les causes de décès officielles étaient réparties en trois catégories : tuberculose, débilitations, autres causes. A partir de 1941, et jusqu’en 1945, on a une augmentation très nette du nombre des décès, par rapport aux années précédentes, avec un pic en 1942, c’est à dire une surmortalité. Et on a une augmentation très importante de la cause débilitation, et une diminution du type autres causes. Par ailleurs, dans les dossiers individuels de ces mêmes malades, on trouve de très nombreux diagnostics de cachexie ; ce qui, par recoupement permet de penser que la sous-alimentation est responsable de cette surmortalité.

AV : Cette surmortalité est-elle générale ?

IVB : Elle frappe tous les hôpitaux en France, mais à des degrés divers. La taille est un facteur déterminant : les deux plus grands hôpitaux psychiatriques en France, Clermont de l’Oise, avec 4484 malades au jour de l’armistice de 1940, et le Vinatier, à Lyon, avec 2895 malades, sont plus touchés que Saint Alban en Lozère, avec 852 malades. Ensuite le régime juridique, les établissements appartenant à des congrégations religieuses étant moins touchés que les autres, une solidarité privée apportant des secours caritatifs, alors que les établissements

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RENCONTRE AVEC ISABELLE VON BUELTZINGSLOEWEN

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RENCONTRE AVEC ISABELLE VON BUELTZINGSLOEWEN

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publics ne reçoivent aucune aide alimentaire du « secours national ». Les établissements situés en zone rurale furent moins touchés que les établissements situés en zone urbaine. Au Vinatier par exemple, les témoins rapportent que les arbres étaient écorcés à hauteur d’hommes, par les malades qui mâchaient les écorces pour tromper leur faim. Les hommes furent plus touchés que les femmes. Les vieillards et les chroniques furent plus touchés que les autres. Les malades travailleurs connurent une mortalité moindre. La situation s’aggrava aussi avec l’occupation de la zone dite libre, et surtout le fait que plus aucun produit ne venait d’Afrique du Nord. Enfin il y eut les initiatives individuelles, par exemple la supérieure de l’hôpital du Bon Sauveur au Puy en Velay anticipa les événements en constituant dès 1940, avant que le rationnement soit en place, des stocks de lentilles ; mais aussi à Chezal-Benoit Le Docteur Gaston Ferdière, qui pratiqua le marché noir et des trafics divers pour nourrir les malades, utilisant l’ambulance de l’hôpital dans laquelle les marchandises étaient cachées, ambulance conduite par l’oncle de la surveillante générale, retraité de la gendarmerie, ce qui réduisait considérablement le risque de contrôles.

AV : Quelle fut l’attitude des personnels et des médecins ?

IVB :Diverses, en fonction des hommes, et de leurs vertus morales ; il y eut du coulage, mais en général les médecins-directeurs s’y opposèrent fermement, notamment Ferdière ; ensuite ce fut le règne de la « débrouille », avec plus ou moins d’efficacité, Ferdière étant en quelque sorte l’un de ceux qui fut le plus efficace. Mais on peut conclure sur cette belle parole de Henri Ey, qui résume globalement l’attitude des soignants, et qui disait en février 1941, « Affligés par un des plus grands maux de l’humanité, ils n’en demeurent pas moins des Etres qui veulent vivre et nous avons, selon le précepte majeur de notre honneur professionnel, l’impérieux devoir de sauvegarder leur existence, fut-ce jusqu’à l’absurde ».

Bibliographie :

BUELTZINGSLOEWEN I, L’hécatombe des fous : La famine dans les hôpitaux psychiatriques sous l’Occupation ; Aubier, 2007

BUELTZINGSLOEWEN I, Morts d’inanition, Famines et exclusions en France sous l’Occupation, Presses Universitaires de Rennes, 2005

HORASSIUS JARRIE N / BUELTZINGSLOEWEN I, La famine dans les hôpitaux psychiatriques sous l’occupation ; Information Psychiatrique, 2007; 83 (8) : 721-725.

Alain VERNETPsychologue, PMPEA

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Des métiers et des gens...

Jean Raoul CHAIX répond à Intercom sur l’évolution de la psychiatrie

I. Quelles seraient selon vous les grandes dates de l’histoire de la psychiatrie; et les grands événements qui ont marqué l’histoire de la psychiatrie (particulièrement en France) ?

JRC : L’histoire de la psychiatrie est marquée par des grandes périodes.La Révolution a vu naitre la préoccupation du sort des insensés.La loi de 1838 a fondé les grands asiles.De 1850 à 1914, on parle alors d’aliénisme, mais on voit apparaitre la notion de maladie mentale.La nosologie contemporaine nait à cette époque. Elle correspond d’ailleurs encore aux assises de la psychiatrie d’aujourd’hui.L’entre deux guerres a été marquée par la découverte des premiers traitements actifs dont certains sont désormais abandonnés.Vint ensuite la découverte des neuroleptiques, en 1950, qui fut une étape fondamentale.Tout comme celle des antidépresseurs.Dans les années 60, ce fut au tour des benzodiazépines dont les conséquences furent moins significatives mais importantes tout de même.

On peut noter également la mise en place de l’AAH (Allocation pour adultes handicapés) avec la loi du 30/06/1975, qui fut un événement fondamental, en donnant aux patients les moyens matériels de vivre à l’extérieur.En effet, avant les années 70, on trouvait dans les hôpitaux des personnes souffrant de toutes sortes de handicaps.Puis l’ouverture des hôpitaux psychiatriques a permis à certains malades de vivre à l’extérieur et d’avoir ainsi une identité.On a pris conscience du sort des malades mentaux.Cette volonté d’ouverture a donné naissance, notamment, à la psychothérapie institutionnelle et à la politique de sectorisation.

Il est difficile d’isoler une date, un événement. Tout est lié.On ne peut dissocier l’organisation des soins en psychiatrie du développement des sciences et des prises de conscience (organisation sociale, culturelle…).C’est donc tout un ensemble de grands événements, de grandes découvertes qui nous ont amené à notre organisation actuelle.

I. Qu’en est-il justement de la politique de secteur aujourd’hui ?

JRC : La création des asiles était une manière de se préoccuper de la prise en charge des malades. C’était novateur au moment de leur création.Mais progressivement l’aliénisme est devenu repoussant, en particulier après la deuxième guerre mondiale. On a donc prôné « l’ouverture ».Ce qui nous a amené à la politique de sectorisation.Mais ce système est aujourd’hui à bout de souffle car il reposait sur le principe de prise en charge de la psychose.Avant on traitait beaucoup de psychotiques, de schizophrènes. Désormais, on suit beaucoup de personnes souffrant de troubles anxieux, de troubles de la personnalité… Il faut adapter le dispositif à cette nouvelle population.

La médecine et son organisation en système pyramidal (libre choix d’aller se faire soigner à un endroit) est adaptée aux disciplines médico-chirurgicales. Il peut exister des moyens techniques dans certains établissements qui n’existent pas dans des hôpitaux de proximité. Le champ de la psychiatrie est différent, on est davantage sur un système horizontal, avec une équivalence des soins d’un établissement à l’autre.Le secteur connaît ses limites puisque le choix prôné à l’époque s’inscrivait dans la loi mais non dans les faits. Dans certains cas cela conduisait à des non prises en charge quand on appliquait trop strictement les règles de la sectorisation.Or, depuis, la société a évolué et aujourd’hui, tout le monde veut être soigné.La psychiatrie a du élargir énormément son champ d’action.Aujourd’hui, au CAOD, on prend en charge beaucoup de tentatives de suicide par exemple.Comme si les gens se demandaient « comment trouver de l’aide ? », « comment la société peut-elle s’occuper de moi ? »Cela reflète bien la confusion entre psychiatrie et santé mentale.

Les nombreux rapports ministériels ont peut-être trop élargi la notion de santé mentale, amenant un recours trop systématique et général à la psychiatrie.

I. Que pensez-vous de l’apport à la psychiatrie des neuro-sciences et à l’inverse des techniques non médicamenteuses ?

L’évolution des neurosciences (psychiatrie biologique, neuropsychologie, comportementalisme…) est une grande avancée et permettra sans doute des progrès futurs.

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Les effets devraient arriver très vite. Les nouveaux antipsychotiques par exemple, amènent déjà des progrès incontestables.On connaît mieux, aujourd’hui, les effets des neuroleptiques même si cela reste très complexe.On en sait davantage sur les mécanismes de la pensée.Autant d’approches qui nous permettent d’aller plus loin qu’il y a 20 ans.Mais les techniques non médicamenteuses demeurent indispensables pour une approche globale des problématiques psychiatriques.

I. Pensez-vous qu’il y ait une évolution des cadres nosologiques ?

JRC : Non, je ne crois pas.Par contre, il y a une évolution de la clinique.Les schizophrènes ne sont plus ce qu’ils étaient mais la schizophrénie existe toujours, idem pour les psychoses.Ce sont les grands tableaux cliniques qui ont changé, notamment grâce à une prise en charge plus précoce, à un suivi médical plus important.

I. Quel peut-être l’avenir de la psychiatrie; au regard notamment du nombre important de postes de PH non pourvus ?

JRC : Depuis vingt, trente ans, on a surtout voulu conserver ce que l’on avait.On n’a pas assez imaginé de nouvelles structures de prise en charge. On n’a pas assez réfléchi à ce que devait être le psychiatre, ni quelle était la spécificité de la psychiatrie.Il ne suffit pas de multiplier les postes de psychiatres. Les psychiatres, seuls, ne peuvent pas tout faire.Il faut que les moyens se transforment qualitativement.

Il faudrait, par exemple, former différemment les psychologues afin qu’ils aient une imprégnation soignante, plus précoce.De même que les infirmiers anesthésistes ont une spécificité, on devrait en avoir une aussi pour les infirmiers en psychiatrie.

On doit également réfléchir à différencier les moyens selon les pathologies et se demander « quels moyens pour soigner quoi ? ».On soigne plus de personnes qu’avant mais au détriment des grands psychotiques. On ne s’occupe plus d’eux autant qu’avant.

I. Historiquement le département du Cher a connudes modalités spécifiques du soin psychiatrique (ex le placement familial); quelle pourrait être aujourd’hui la spécificité du traitement psychiatrique dans notre département ?

JRC : On a la chance, dans notre département, d’avoir un centre hospitalier unique, couvrant toute la psychiatrie publique. On a une psychiatrie intégrée.C’est à la fois une chance, car si on veut faire quelque chose, on peut le faire, et un risque, car si on ne le fait pas, personne ne le fera à notre place.On a un outil que de nombreux départements n’ont pas.Si nous sommes volontaires et imaginatifs, nous pourrons mettre beaucoup de choses en place.

Carole JORYChargée de Communication

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En 300 ans avant J-Christ, Xenoplon, Philosophe grec, reconnaissait les vertus thérapeutiques du cheval : « le cheval est un bon maitre, non seulement pour le corps mais aussi pour l’esprit et pour le cœur » 1

L’ÉLABORATION DE NOTRE PROJET

L’hôpital de jour d’Issoudun accueille des patients souffrant de différentes pathologies. La plupart de ces pathologies, qu’elles soient d’origine psychotique ou névrotique, entrainent des symptômes communs invalidants pour les patients : la perte d’estime de soi, l’isolement social, une anxiété récurrente, des angoisses, une anhédonie, une aboulie…Partant de ce constat, différents éléments ont contribué à la mise en place du projet d’équithérapie sur l’hôpital de jour :

- Tout d’abord, l’expérience de Marjorie Petit, ayant exercé en tant que monitrice auprès des patients sur le site de Chezal-Benoit et étant actuellement Directrice du Centre Equestre des Champs Forts à St-Aoustrille( à coté d’Issoudun et à proximité de l’hôpital de jour).

- Ensuite, nos désirs respectifs, en tant que soignantes, d’utiliser le cheval comme médiateur de relation (le cheval non jugeant, non intrusif, digne d’intérêt et de soin), de par nos expériences personnelles et professionnelles : l’une pratiquant l’équitation et l’autre ayant effectué des accompagnements de patients en intra-hospitalier en centre équestre.

- Enfin, la volonté de nos Cadres, Mme Blondeau et Mme Laveau, ainsi que notre Chef de Service, Monsieur le Docteur Zaki, de nous accompagner et de nous faire confiance dans la concrétisation de ce projet.

L’HISTOIRE DE NOTRE AVENTURENouvellement arrivées sur l’hôpital de jour, nous avons débuté la conception de notre projet dès 2011. Grâce aux lectures et rencontres (notamment notre rencontre avec Pascal Zimmermann, Cadre Formateur, « animer et concevoir les ateliers thérapeutiques »), nous avons pu élaborer et finaliser l’écriture de notre projet d’équithérapie.

L’équithérapie qui se définit « comme un soin psychique, fondé sur la présence du cheval comme médiateur thérapeutique et dispensé à une personne dans ses dimensions psychiques et corporelles ». 2

Un fois le projet présenté et validé par notre hiérarchie, différentes démarches administratives ont été menées entre l’hôpital de jour et la propriétaire du centre équestre Mme Constance de Senilhes-d’Humières (réunions d’organisation, création d’une convention, attribution d’un budget spécifique...).Concernant notre préparation, nous avons bénéficié, au préalable, d’une séance d’éthologie équine, avec Marjorie Petit. « L’éthologie équine est la branche de l’éthologie (science du comportement animal) qui étudie les chevaux, aussi bien ce qui concerne le comportement en milieu naturel que les relations entre eux et les autres espèces, parfois même en milieu non naturel » 3.Cette séance, nous l’avons pratiqué à pied, à coté de notre cheval, ce qui nous a permis de comprendre, ou redécouvrir son fonctionnement. Cela nous a également fait prendre conscience (pour l’une et conforter pour l’autre) de la richesse relationnelle, sensorielle inhérente au cheval.En effet, si on reprend la théorie, l’intérêt de l’utilisation du cheval s’explique par ses qualités en tant qu’être vivant ayant un appareil psychique relativement simple.Pour communiquer avec le cheval, l’homme doit percevoir, accepter les signaux envoyés et pouvoir les interpréter par le biais du langage verbal et non verbal.« Il mobilise psychiquement le patient parce qu’il éprouve des sensations, très certainement des émotions et qu’il extériorise des comportements. Il est un contenant capable de recevoir la projection humaine, qu’il renvoie en miroir » 4 .Symboliquement, de par sa force, le cheval réactive des images paternelles, mais il peut aussi renvoyer au contenant maternel, à travers la chaleur, le partage et le bercement. Il permet de travailler et de restaurer la notion du « moi peau » (D. Anzieu) par le Holding (façon dont la mère porte et maintient son enfant psychiquement et physiquement) et le Handling (façon adéquate qu’a une mère de soigner et manipuler corporellement son enfant), concepts de D.Winnicott. De par l’émergence de multiples sensations, émotions, le soignant accompagne le patient dans la verbalisation de son ressenti. Il l’aide ainsi à en prendre conscience et à l’intégrer, tout en le rattachant à son histoire.

PANSER A CHEVAL

Vu de l’intérieur

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LE PROJET

Objectifs thérapeutiques :

Après ses différentes étapes, nous avons donc pu établir les différents objectifs thérapeutiques de l’atelier :

- Favoriser le plaisir et susciter le désir de s’investir dans l’activité.- Renforcer les assises narcissiques de la personne.- Repérer certaines émotions au contact du cheval, favoriser leur verbalisation et les inscrire dans l’histoire du patient.- Prendre conscience de son intégrité corporelle (travail de différenciation entre le soi et le non-soi-ébauche de l’altérité).- Autonomiser la personne dans les soins prodigués au cheval.- Stimuler et enrichir les facultés sensorielles et cognitives au travers des différents exercices proposés (au cours des diverses séances).- Promouvoir la resocialisation (apprentissage des règles de groupe, capacité à communiquer avec les autres).

Indications thérapeutiques :

La plupart de ces objectifs s’inscrivent dans le projet individuel de soin des patients, élaboré en collaboration avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire.

Organisation :

L’atelier se déroule de janvier à juin, à raison d’une à deux séances par mois (au total 10), d’une durée d’une heure trente avec un groupe de 5 patients. L’encadrement des séances s’effectue par les deux IDE référentes de l’atelier (garantissant ainsi la continuité des soins) et alternativement par deux moniteurs diplômés : Théophile Petit Jean et Sophie Monrouzies.Une évaluation de l’état psychique est effectuée avant chaque séance, pour chaque patient et est transmise à la monitrice. Chaque soignant, au cours de la séance a pour fonction d’accompagner physiquement, psychiquement le patient et de l’observer cliniquement. Il assiste la monitrice tout au long du déroulement de la séance (pansage, harnachement, dressage, voltige ou balade et « raccompagnement » du cheval au box).A l’issue de chaque séance, un bilan individuel est effectué en groupe avec la monitrice. Un temps de verbalisation est

ensuite proposé pour chaque patient avec les soignants.Chaque année, un projet commun est élaboré dès début janvier, pour l’ensemble des patients avec l’ensemble de l’équipe du centre équestre et les infirmières dans le but de favoriser la cohésion du groupe. Cette année, par exemple, le projet retenu concernait la pratique de la voltige. Un spectacle sur ce thème a été organisé et présenté à l’ensemble des patients de l’HJ et du personnel soignant.A l’issue des 10 séances, un bilan de l’activité est effectué en septembre, à l’aide d’un diaporama, avec les patients et les soignants. Il permet d’évaluer l’atteinte des objectifs thérapeutiques. Notons que cette année, à titre exceptionnel, nous avons participé au projet d’une étudiante en audio-visuel (opérateur en prise de vue vidéo), qui a réalisé un reportage sur l’équithérapie.

Evaluation des objectifs :

Au cours de ces deux années, les patients ont pu réaliser certains objectifs initiaux (verbalisés lors du bilan annuel).L’ensemble du groupe s’accorde à dire que la pratique de l’équitation est une source de plaisir intense à travers le contact apaisant du cheval : « c’est un anxiolytique, on se libère, on oublie tout, lorsqu’on est sur un cheval… »Tous expriment une fierté de s’occuper de leur cheval. Cela stimule le patient, lui donne un but et il se sent alors utile, valorisé. Au travers des différentes séances, ils ont tous le sentiment d’avoir progressé et d’avoir gagné en assurance, en confiance en soi. Le cheval est décrit comme un miroir qui permet d’identifier leurs émotions qu’elles soient positives ou négatives. La relation au cheval permet une introspection, une meilleure compréhension de leur maladie et l’impact de celle-ci sur la relation aux autres et au monde extérieur. Cette relation au cheval leur permet également de se restructurer, de se rassembler dans leur être (notamment en cas de morcellement).Selon M. B. : « l’équitation m’a permis de retrouver mon corps, mon moi ».Enfin, cela leur permet de retrouver un élan vital et de lutter contre l’apragmatisme.Selon M. A. : « la pratique du cheval m’a ouvert des portes, je me suis remis à travailler chez moi, j’ai pu reprendre ma vie en main ».

Vu de l’intérieur

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En parallèle, nous avons pu constater que d’autres objectifs ont pu être atteints par d’autres patients :En pratiquant cet atelier, un patient M. M. a pu intégrer le centre équestre, en tant que bénévole, afin de s’occuper des chevaux. Il bénéficie aussi d’un cours de dressage bimensuel. Il s’est ainsi ouvert sur l’extérieur.M. A., très isolé de par sa pathologie s’est inscrit à un cours de gym (à raison de 2 fois par semaine) : « L’équitation m’a fait un déclic ».Melle Y. a pris une licence d’équitation, dans le centre équestre.

Pratiquer l’équithérapie, c’est aussi canaliser ses émotions, travailler le lâcher prise, notamment lors des séances de voltige. Melle Z., qui présentait des angoisses majeures avec automutilation et une altération des capacités cognitives a réussi à :- se détendre progressivement- intégrer les consignes- réinvestir son corps- prendre conscience de ses capacités psychocorporelles (travail de coordination) et a ainsi pu se surpasser lors du spectacle de fin d’année. On note, au cours des différentes séances, l’engagement des patients dans l’activité, globalement assidus (malgré les « vagues à l’âme » et les conditions atmosphériques). Ils se sont responsabilisés. La plupart des patients souffrant d’un trouble de la relation à l’autre ont, de par l’attribution d’un même cheval lors de chaque séance, pu créer un lien affectif singulier avec l’animal. Ceci a été moteur dans leur engagement.

Le spectacle de fin d’année, a concrétisé l’ensemble des progrès, des efforts faits par chacun.

En conclusion, l’équithérapie permet de mettre en exergue les ressources des patients, leurs capacités à s’adapter, à rebondir, à progresser et à se dépasser, malgré leur souffrance. La pratique de l’équithérapie peut alors rendre possible l’amélioration d’une pathologie psychique.

PROJET A VENIR :

A l’avenir, nous espérons pouvoir pérenniser cet atelier, voire élargir le nombre de participants et le nombre de séances sur l’année.Nous envisageons également de développer la dynamique institutionnelle au travers de rencontres avec d’autres services pratiquant cette activité, comme nous l’avons effectué pour l’atelier expression, musique…avec d’autres CMP/HJ.

1 Mais en quoi le cheval peut devenir un médiateur thérapeutique ? en ligne le 19 décembre 2013 consultable sur www.jerpsy.org

2 Voir le site de la Société Française d’Équithérapie :www.sfequitherapie.free.fr

3 voir le site www.hippologie.fr

4 AUBARD I, DIGONNET E et LEYRELOUP A-M, Ateliers en psychiatrie, Masson, 2007.

K. Muet et A. Piedois Infirmières HJ Issoudun

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Le Centre Hospitalier George SAND vient de clôturer sa troisième procédure de certification dont la visite de suivi s’est déroulée en juillet 2013, au cours de laquelle l’ensemble des réserves ont été levées.L’établissement entame par conséquent sa quatrième procédure avec une visite prévue courant 2016 basée sur de nouvelles méthodes d’investigations.

A ce titre, la Haute Autorité de Santé a souhaité collaborer avec six établissements de santé en France soit un Centre Hospitalier Régional, un Hôpital local, une clinique, un service d’Hospitalisation à Domicile, une maison de retraite et un Etablissement Public de Santé Mentale. Notre établissement a été retenu pour représenter le secteur psychiatrique. Ce choix a été fait en fonction des améliorations observées et des projets institutionnels en cours de déploiement.

L’objectif de cette collaboration est de finaliser la méthodologie de la HAS et le déroulement des prochaines certifications, basée sur le principe du « Patient traceur ». Cette démarche permet ainsi aux établissements de mieux identifier et maîtriser l’ensemble des risques inhérents à ses activités.

Le CH George SAND s’inscrit donc à ce jour dans une nouvelle démarche de certification dite « à blanc » dont la visite test est planifiée du 4 au 7 mars 2014.

Les modalités d’investigations retenues sont les suivantes :

- une rencontre avec les Directions et instances autour de 20 thématiques incontournables (Audit de processus)- un échange avec les équipes soignantes de chaque secteur d’activité permettant d’apprécier la prise en charge des patients au sein des services (Patient Traceur). Ce nouveau procédé d’investigation permet ainsi de s’éloigner de l’approche normative actuellement existante et de s’orienter vers une approche « cœur de métier ».

Les thématiques abordées concerneront :

- le management de la Qualité et de la Gestion des Risques,- le parcours du patient,- la prise en charge médicamenteuse,- le risque infectieux,- les droits du patient,- la prise en charge des urgences vitales.

La méthode du patient traceur aura pour objectif d’évaluer les modalités de prise en charge des patients ainsi que les organisations qui s’y rattachent tout au long de leur parcours, de l’accueil à la sortie, englobant :

- l’évaluation de l’état de santé du patient et la continuité de la prise en charge ;- les droits du patient (bientraitance, dignité, intimité, information, libertés individuelles, ...)- la prise en charge de la douleur,- le circuit du médicament, - ....

Cette visite donnera ainsi lieu à un rapport de certification fictif, sans conséquence pour l’institution mais qui sera l’opportunité de nous préparer à la prochaine procédure, notamment par :

- un accompagnement adapté des professionnels de santé,- l’élaboration d’un plan d’actions d’amélioration cohérent avec les exigences réglementaires et les orientations de l’établissement.

Nous vous remercions par avance pour votre implication dans cette démarche, au cours de laquelle la Direction Qualité/Gestion des Risques vous accompagnera tout au long de l’organisation et du déroulement.

Emilie CHOTARDResponsable Assurance Qualité

DEMARCHE DE CERTIFICATION « A BLANC »

Vu de l’intérieur

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4ème CONGRES NATIONAL DES ÉQUIPE MOBILES DE PSYCHIATRIE

Vu de l’intérieur

Le 4ème congrès national des équipes mobiles de psychiatrie s’est déroulé à Bourges, au Palais d’Auron (centre des congrès) les 14 et 15 novembre 2013.Il a accueilli 370 participants, venant de toute la France, mais aussi de Belgique (Wallonie et Bruxelles), ainsi que d’Espagne (Cantabrie et Asturie). Il est à souligner une assez faible présence d’équipes venues de la région Centre. En revanche on ne peut que se féliciter de la très forte implication des personnels du PMPEA, tant au niveau de la participation, de l’organisation, que des communications présentées. Qu’ils en soient remerciés !

Ce congrès était placé sous le haut patronage de Monsieur le Président de la République, qui témoignait par son intérêt pour ce congrès, de ce que ces pratiques nouvelles de la psychiatrie sont en pleine conformité avec la devise de la République : liberté à soutenir face à l’aliénation que représentent les pathologies psychiatriques, égalité des territoires et de tous devant l’accès aux soins, fraternité, qui irrigue les conceptions de ces nouvelles pratiques, à travers l’altérité mise en jeu dans ces rencontres des soignants et des patients, la tolérance qu’elles supposent, et l’idée qu’elles contiennent des solidarités à développer et de la citoyenneté, à toujours soutenir, parfois restaurer, conditions d’un vivre-ensemble, dans un monde complexe, et qui nous paraît souvent plus dur, plus rude qu’avant.

Ce congrès était placé sous le patronage de Monsieur le Ministre de l’Education Nationale, de Monsieur le Président du Conseil Général du Cher (qui s’adressa aux congressistes et les honora de sa présence), de Monsieur le Maire de Bourges.On doit noter une forte participation à ce congrès des autorités judiciaires (plusieurs magistrats, dont Madame le Procureur général près la Cour d’appel de Bourges), de représentants de l’Education Nationale, des responsables de certains services (PJJ, Conseil Général), en regard de laquelle la participation des autorités sanitaires fut bien timide, alors même que ce congrès abordait aussi les dispositifs des soins palliatifs, des maisons des adolescents, des réseaux ville-hôpital, de la prévention, à travers, en particulier, les dispositifs de périnatalité.

En tout cas, ce congrès essayait de faire le bilan de l’existant, à travers des échanges et des retours d’expériences, de permettre un dialogue entre professionnels de formations différentes (médecins-réanimateurs, généralistes, psychiatres, psychologues, éducateurs, infirmiers, assistants sociaux, animateurs socio-culturels, élus), de champs d’intervention différents (maternité, pédiatrie, services de pédopsychiatrie, de psychiatrie générale, de gérontologie, d’EPHAD, de soins palliatifs, établissements médico-sociaux, etc.), de régions géographiques différentes, de cultures différentes (secteurs hospitaliers, associatifs, etc.), dans un esprit d’ouverture à l’autre, d’accueil de sa singularité et de ses différences, de considération de sa dignité, quelles que puissent être la misère de ses conduites et la misère de ses conditions socio-économiques. Il essayait aussi de théoriser ces pratiques nouvelles, grâce à des mises en perspectives historiques et philosophiques, et à des exposés relatifs à des études multi-centriques, ayant pour objectif de valider la pertinence de ces dispositifs nouveaux. Il se plaçait donc, à la fois, dans une perspective d’évaluation, mais aussi un esprit d’innovation, de nature militante, comme celui qui animait, au sortir de la deuxième guerre mondiale, les pionniers du secteur

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Alain VERNETPsychologue, PMPEA

psychiatrique, que ces dispositifs nouveaux d’équipes mobiles aspirent, en quelque sorte, à refonder, pour être toujours au plus près des besoins des patients, en se laissant interpeler par leurs problématiques, et donc en les constituant en acteurs de leur propre évolution. Á l’évidence cette perspective avait un caractère politique, ce qui, sans doute, peut expliquer certaines frilosités, qui témoignent de conformismes de pensée et de conservatismes d’idées. Mais l’essentiel est d’abord que les participants aient eu le sentiment de vivre un temps fort d’échange, d’enrichissement, (par le moyen de communications très diversifiées en ateliers : péninatalité – enfants/adolescents – psychiatrie adulte/précarité/addictions – personnes âgées/soins palliatifs ; ainsi que l’atelier initiation à la méditation) mais aussi de dynamisme, leur permettant de se sentir confortés, et redynamisés, pour affronter leur quotidien de travail, compte non tenu de la convivialité qui a régné au sein de ce congrès, grâce, notamment, à des intermèdes artistiques (groupe burkinabé yan kadi faso, Francisco Ligero, et son groupe de flamenco, Frédérique de Givry, clown).

On doit à Monsieur le Professeur Jacques Hochmann, pédopsychiatre, psychanalyste, président du comité scientifique de ce congrès, de l’avoir ouvert par une magnifique intervention, en dégageant ses enjeux politiques et éthiques, et de l’avoir conclu par une remarquable synthèse des travaux, au docteur Françoise Molénat, pédopsychiatre, spécialiste de périnatalité, d’avoir rappelé, avec beaucoup de sensibilité, que l’homme à venir est déjà dans l’enfant à naître, au docteur Jean-Pierre Tarot d’avoir rappelé que la fin de vie est la quintessence de l’humanité en l’homme, à Monsieur Eric Fiat, philosophe, d’avoir, avec humour et clarté, développé l’indispensable pari de la liberté, à Madame Maria-Louisa Ramos, d’avoir évoqué, à travers son parcours personnel, combien l’agapé, l’amour de l’humanité, porte en lui la reconnaissance de l’autre comme étant mon semblable, et combien c’est ce qui le fait vivre et constitue la cosmopolis, cette cité universelle des hommes, destin et devise de notre République ; patrimoine à préserver, maintenir, enrichir, et proposer aussi comme une référence susceptible de soutenir nos pratiques soignantes.

Les ateliers...

Atelier périnatalité

Atelier méditation

Atelier enfants et adolescents

Atelier précarité et addictologieAtelier personnes agées

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Vu de l’intérieur

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Brèves hospitalièresSemaine du Goût du 14 au 20 octobre

Dégustation de pommes dans les unités du CH, ainsi qu’au self du personnel de Bourges.

Cérémonie des voeux

Forum Infirmier

Le Jeudi 21 novembre a eu lieu le Forum Infirmier au CH J. Coeur. A cette occasion l’équipe du CAOD a présenté les spécificités de leur service.

Espace EthiqueLe 7 janvier dernier a eu lieu l’installation officielle de l’Espace de Réflexion Éthique de la Région centre (instance conjointe ARS du Centre, CHU Tours, Université d’Orléans et Université de Tours ).M. Alain Vernet, psychologue au CH fait partie du Conseil d’Administration.

A l’occasion du tournoi de Football en salle organisé par l’US Dun, une équipe composée d’agents des sites de Dun et de Bourges s’est formée afin de relever le challenge.Les nouvelles tenues y ont été étrennées. L’équipe tient à remercier M. Servier et M. Martin pour leur avoir fourni cet équipement.

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Jeudi 16 janvier - Dun-sur-Auron

Vendredi 14 janvier - Chezal-Benoît Vendredi 10 janvier - Bourges

Fête de Noël à la Cafétéria (Bourges)

Le mercredi 11 décembre s’est déroulée la fête de noël à la cafétéria sur le thème du «cinéma noir et blanc.» Durant ce moment convivial, les participants ont pu danser et chanter.

Les cérémonies des voeux se sont déroulées sur chacun des sites comme habituellement. À cette occasion les médailles du travail ont été remises et les retraités de l’année, honorés.