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Division des bourses au mérite par deux : l'École en guerre contre l'excellence Tribune publiée le 2 juin 2015 Par Julia Sereni, chercheur associé au CERU (Centre d'études et de recherches universitaires), collaboratrice parlementaire et ancienne membre de cabinet ministériel. L'attaque contre les bourses au mérite, voilà peut-être la seule action de la majorité socialiste où l'on peut relever une forme de constance et de cohérence! Elles subissent les foudres des ministres successifs avec une persévérance qui confine à l'obstination: menacées dès 2013 par Geneviève Fioraso, supprimées de façon illégale en 2014, puis rétablies par le Conseil d'État, leur montant vient d'être amputé de moitié, passant de 1800€ à 900€ par an. Pourquoi un tel acharnement? Le Gouvernement, après avoir remporté la palme d'or de l'OCDE de la dépense publique pour l'ensemble de son œuvre aurait-il enfin pris conscience de la nécessité de la réduire? Najat Vallaud-Belka- cem pense-t-elle contribuer activement à cette initiative en piochant 6 300 000€ dans la poche des élèves les plus méri- tants, soit… 0,00007% du budget de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur. Une goutte d'eau, qui, à titre de comparaison, ne représente que 20,4% de la subven- tion accordée par le Ministère à la Ligue de l'Ensei- gnement: les amateurs de novlangue ne pourraient-ils pas suggérer un peu de péréquation horizontale afin de sauver un dispositif qui fonctionne? En effet, ces bourses permet- tent chaque année à 7 000 bache- liers issus de m i l i e u x modestes ayant obtenu la men- tion Très Bien au baccalauréat de poursuivre leur cursus dans de bonnes conditions. C'est l'essence même de la mérito- cratie républicaine! Alors pourquoi une nouvelle fois s'y attaquer? Car le mérite est devenu un totem à faire tomber, le vestige d'une école où le travail et l'effort permettent à un élève de progresser, de se dépasser et même, n'en déplaise aux hérauts de l'égalitarisme, de dépasser ceux qui travaillent moins que lui. Le mérite est un anachronisme dans l'école «inclusive et bienveillante» promue par Najat Vallaud-Belkacem qui refuse jusqu'à l'évaluation des élèves de peur que certains se distinguent. L'excellence étant perçue comme une volo- nté égoïste et impudique de l'individu de se singular- iser, la ministre ne pouvait évidemment pas conforter un système qui la valorise en versant une bourse plus importante à ceux qui ont le plus travaillé. Pourquoi pas «travailler plus pour gagner plus» pendant que l'on y est! Dans son combat, le ministère est extrêmement minutieux: outre le coup de rabot sur les bourses au mérite, il supprime au nom d'une forme inacceptable d'élitisme les classes bilangues et européennes, débaptise les «internats d'excellence» pour les transformer en «internats de la réussite pour tous» et va jusqu'à interdire tout redoublement. Le gouvernement fait le choix aussi moralement qu'économiquement contestable de rogner sur tous ces dispositifs d'excellence, finalement peu coûteux, qui sont des facteurs d'émulation tirant l'ensemble du système éducatif vers le haut, alors qu'il n'hésite pas à ouvrir les vannes budgétaires de l'emploi aidé. Il vaut mieux prévenir que guérir dit-on, le gouvernement semble au contraire préférer économiser sur une année 900€ sur une bourse au mérite et dépenser plus de 7000€ pour un contrat aidé, qui au final n'est guère plus qu'un cautère sur une jambe de bois. “Najat Vallaud-Belkacem pense-t-elle contribuer activement à cette initia- tive en piochant 630 000€ dans la poche des élèves les plus méritants, soit… 0,00007% du budget de l'Éduca- tion nationale” “L'attaque contre les bourses au mérite, voilà peut-être la seule action de la majorité socialiste où l'on peut relever une forme de constance et de cohérence.” “ le mérite est devenu un totem à faire tomber, le vestige d'une école où le travail et l'effort permettent à un élève de progresser, de se dépasser”

Division des bourses au mérite par deux : l'École en guerre contre l'excellence

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Un arrêté ministériel du 28 mai réduit le montant des bourses au mérite. Julia Sereni, chercheur associé au CERU, déplore cette mesure, fruit d'un égalitarisme forcené.

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  • Division des bourses au mrite par deux :l'cole en guerre contre l'excellence

    Tribune publie le 2 juin 2015

    Par Julia Sereni, chercheur associ au CERU (Centre d'tudes et de recherches universitaires), collaboratrice parlementaire et ancienne membre de cabinet ministriel.

    L'attaque contre les bourses au mrite, voil peut-tre la seule action de la majorit socialiste o l'on peut relever une forme de constance et de cohrence! Elles subissent les foudres des ministres successifs avec une persvrance qui confine l'obstination: menaces ds 2013 par Genevive Fioraso, supprimes de faon illgale en 2014, puis rtablies par le Conseil d'tat, leur montant vient d'tre amput de moiti, passant de 1800 900 par an.

    Pourquoi un tel acharnement? Le G o u v e r n e m e n t , aprs avoir remport la palme d'or de l'OCDE de la dpense

    publique pour l'ensemble de son uvre aurait-il enfin pris conscience de la ncessit de la rduire? Najat Vallaud-Belka-cem pense-t-elle contribuer activement cette initiative en piochant 6 300 000 dans la poche des lves les plus mri-tants, soit 0,00007% du budget de l'ducation nationale et de l'Enseignement suprieur. Une goutte d'eau, qui, titre de comparaison, ne reprsente que 20,4% de la subven-tion accorde par le Ministre la Ligue de l'Ensei-gnement: les amateurs de novlangue ne pourraient-ils pas suggrer un peu de prquation horizontale afin de sauver un dispositif qui fonctionne?

    En effet, ces bourses permet-tent chaque anne 7 000 bache-liers issus de m i l i e u x modestes ayant obtenu la men-tion Trs Bien au baccalaurat de poursuivre leur cursus dans de bonnes conditions. C'est l'essence mme de la mrito-cratie rpublicaine!

    Alors pourquoi une nouvelle fois s'y attaquer?

    Car le mrite est devenu un totem faire tomber, le vestige d'une cole o le travail et l'effort permettent un lve de progresser, de se dpasser et mme, n'en dplaise aux hrauts de l'galitarisme, de dpasser ceux qui travaillent moins que lui. Le mrite est un anachronisme dans l'cole inclusive et bienveillante promue par Najat Vallaud-Belkacem qui refuse jusqu' l'valuation des lves de peur que certains se distinguent. L'excellence tant perue comme une volo-nt goste et impudique de l'individu de se singular-iser, la ministre ne pouvait videmment pas conforter un systme qui la valorise en versant une bourse plus importante ceux qui ont le plus travaill. Pourquoi pas travailler plus pour gagner plus pendant que l'on y est!

    Dans son combat, le ministre est e x t r m e m e n t minutieux: outre le coup de rabot sur les bourses au mrite, il supprime au nom d'une forme inacceptable d'litisme les classes bilangues et europennes, dbaptise les internats d'excellence pour les transformer en internats de la russite pour tous et va jusqu' interdire tout redoublement.

    Le gouvernement fait le choix aussi moralement qu'conomiquement contestable de rogner sur tous ces dispositifs d'excellence, finalement peu coteux, qui sont des facteurs d'mulation tirant l'ensemble du systme ducatif vers le haut, alors qu'il n'hsite pas ouvrir les vannes budgtaires de l'emploi aid. Il vaut mieux prvenir que gurir dit-on, le gouvernement semble au contraire prfrer conomiser sur une anne 900 sur une bourse au mrite et dpenser plus de 7000 pour un contrat aid, qui au final n'est gure plus qu'un cautre sur une jambe de bois.

    Najat Vallaud-Belkacem pense-t-elle contribuer activement cette initia-tive en piochant 630 000 dans la poche des lves les plus mritants, soit 0,00007% du budget de l'duca-tion nationale

    L'attaque contre les bourses au mrite, voil peut-tre la seule action de la majorit socialiste o l'on peut relever une forme de constance et de cohrence.

    le mrite est devenu un totem faire tomber, le vestige d'une cole o le travail et l'effort permettent un lve de progresser, de se dpasser