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Les Concepts de la géographie humaine, chap.17, Henri PICHERAL, pp. 229-240 Caroline Milon 1 LA GEOGRAPHIE DE LA SANTE Fondée il y a 50 ans par Max SORRE , la géographie « médicale » couvre un champ d’étude aux limites et à la cohérence encore incertaines : géographie des maladies, géographie des soins ou encore géographie médicale, géographie de la santé ? Derrière ces diverses démarches on trouve pourtant un même questionnement : quel est le rôle pathogène du milieu et quelles sont les conséquences d’une mauvaise santé sur l‘environnement social, matériel, sur les activités et sur la maîtrise de l’espace ? A ces questions s’ajoute le problème de l’équité et des logiques d’implantation des structures sanitaires. En collaboration avec le sociologue et l’économiste, le géographe apporte donc aux perspectives biomédicales des scientifiques une approche sociale, culturelle et comportementale pour déboucher sur des questions d’organisation de l’espace et l’aménagement du territoire. 1. LA GEOGRAPHIE DES MALADIES Le constat de l’inégale répartition des maladies et la recherche des facteurs étiologiques (étude des causes des maladies), ainsi que le rapport entre milieu social et état de santé a été établi par les médecins bien avant l’entre deux guerres. Au départ, la géographie des maladies se rapproche de la démarche épidémiologiste (méthode d’étude de la distribution et des déterminants des maladies dans les populations humaines). Les géographes ont en effet trouvé leur place à côté de l’épidémiologie dans l’étude de la place et du rôle des différents facteurs pathogènes afin de délimiter des populations dites à risque mais en accordant à l’espace la priorité absolue. - Leur première perspective d’étude touche les facteurs exogènes (qualité de l’eau, conditions climatiques…) qui ne concerne en fait que la pathologie parasitaire et infectieuse. - Or, il demeure que de nombreuses pathologies ont une origine sociale, économique et culturelle et dépendent de comportement collectifs ou individuels (alimentaires, sexuels…). La perspective est ainsi élargie, d’autant plus que l’on admet aujourd’hui que la maladie est le produit de multiples facteurs.

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Les Concepts de la géographie humaine, chap.17, Henri PICHERAL, pp. 229-240 Caroline Milon 1

LA GEOGRAPHIE DE LA SANTE

Fondée il y a 50 ans par Max SORRE, la géographie « médicale » couvre un champ d’étude aux

limites et à la cohérence encore incertaines : géographie des maladies, géographie des soins ou

encore géographie médicale, géographie de la santé ? Derrière ces diverses démarches on trouve

pourtant un même questionnement : quel est le rôle pathogène du milieu et quelles sont les

conséquences d’une mauvaise santé sur l‘environnement social, matériel, sur les activités et

sur la maîtrise de l’espace ? A ces questions s’ajoute le problème de l’équité et des logiques

d’implantation des structures sanitaires.

En collaboration avec le sociologue et l’économiste, le géographe apporte donc aux perspectives

biomédicales des scientifiques une approche sociale, culturelle et comportementale pour déboucher

sur des questions d’organisation de l’espace et l’aménagement du territoire.

1. LA GEOGRAPHIE DES MALADIES

Le constat de l’inégale répartition des maladies et la recherche des facteurs étiologiques (étude des

causes des maladies), ainsi que le rapport entre milieu social et état de santé a été établi par les

médecins bien avant l’entre deux guerres. Au départ, la géographie des maladies se rapproche de la

démarche épidémiologiste (méthode d’étude de la distribution et des déterminants des maladies

dans les populations humaines). Les géographes ont en effet trouvé leur place à côté de

l’épidémiologie dans l’étude de la place et du rôle des différents facteurs pathogènes afin de

délimiter des populations dites à risque mais en accordant à l’espace la priorité absolue.

- Leur première perspective d’étude touche les facteurs exogènes (qualité de l’eau, conditions

climatiques…) qui ne concerne en fait que la pathologie parasitaire et infectieuse.

- Or, il demeure que de nombreuses pathologies ont une origine sociale, économique et culturelle

et dépendent de comportement collectifs ou individuels (alimentaires, sexuels…). La

perspective est ainsi élargie, d’autant plus que l’on admet aujourd’hui que la maladie est le

produit de multiples facteurs.

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Dès lors, on peut élargir le concept de M. SORRE de complexe pathogène à celui de système

pathogène en fonction des facteurs dominants : « écopathogène » (maladies comme le paludisme),

« sociopathogène » (cancers, toxicomanie, suicides…).

Ainsi, le géographe traduit par la carte la fréquence de la maladie, sa répartition et les composantes

de son système pathogène afin de poser des hypothèses étiologiques : « pourquoi ici et pas

ailleurs ? », question fondamentale …Cependant, la géographie des maladies se heurte au problème

de la collecte des données et de leur fiabilité particulièrement dans les PED.

2. LA GEOGRAPHIE DES SOINS ET DES SERVICES DE SANTE

Inspirée par l’attention croissante des politiques gouvernementales de l’Etat à l’égard de la santé des

populations, cette géographie a pour motivation l’étude de la répartition des ressources sanitaires

par rapport aux besoins de santé de la population. On retrouve plusieurs démarches :

- Mesure de la densité de l’appareil de soin et du personnel médical en vue de déterminer

l’accessibilité potentielle d’une population et le taux d’encadrement sanitaire. (-> constat

d’inégalités)

- Mesure du recours effectif de la population.

On peut dégager de la confrontation de ces 2 démarches 2 types de territoires : espace médical/

espace sanitaire définis p.233.

Cependant on peut reprocher à cette démarche une trop grande abstraction et l’impossible

adaptation à des systèmes de santé encore marqués par la domination de la médecine traditionnelle

dans les pays du tiers monde par exemple.

D’autre part, cette géographie se fonde sur un concept largement subjectif : les besoins de santé,

qui varient en fonction du milieu socio-culturel par exemple. Cf. les grandes inégalités de la

consommation médicale. Ainsi, le recours effectif aux soins n’est pas forcément lié avec

l’accessibilité des services. Cette ambiguïté de la notion de besoin de santé renvoie à la large

définition de la santé de l’OMS : « bien être complet, physique, mental, social et non plus seulement

l’absence de maladie ».

Pour établir l’état de santé d’une population, il convient donc de définir des indicateurs de santé que

le géographe situera dans l’espace. Le but de son propos revient dès lors à transposer des inégalités

sociales en inégalités spatiales. Nous sommes alors au cœur d’une géographie sociale.

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3. GEOGRAPHIE DE LA SANTE ET PLANIFICATION SANITAIRE

Au terme de l’exposition de ces démarches, on peut accepter sous le terme de géographie de la santé

« l’étude globale et spatiale de la qualité de la santé des populations et les facteurs de leur

environnement qui concourent à sa promotion ou à sa dégradation ». Mesurer l’ajustement du

système de soins à la demande (exprimée ou non) des populations revient donc à s’interroger sur la

politique de santé, son efficacité et sur son échelle d’intervention.

En dépit de l’adoption d’une politique nationale, les pouvoirs publics prennent conscience de la

nécessaire diversité des besoins ce qui conduirait à privilégier l’échelle régionale. L’opportunité de

développer des recherches à l’échelle régionale est donc réelle pour les géographes.

Le concept de transition épidémiologique de A.OMRAN (note 58 p. 237) est intéressant pour

montrer les relations entre niveau de développement et santé, afin de comprendre le rôle décisif de

l’ajustement des politiques de santé.