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doc.sciencespo-lyon.frdoc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/... · de l'indépendance d'Haïti, ... septembre 1957 François Duvalier, bientôt appelé Papa

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Pourquoi s'intéresser à Haïti ? Cette question m'a beaucoup été posée lors des recherches que j'aieffectuées pour aboutir à ce mémoire. Haïti ? Un Etat qui partage une île de la mer des Caraïbesavec la République Dominicaine et qui a pour voisin l'encombrante Cuba. A l'évocation de cenom deux réactions : la curiosité, quand les quidam la confondent avec Tahiti et la peur, quandon pense à sa réputation de violence, d'atteintes aux droits de l'homme, de carrefour de la drogue.

J'ai découvert Haïti par la littérature. Dany Laferrière, écrivain au passé atypique :journaliste en Haïti, exilé au Canada et aux Etats-Unis pour cause d'activités politiques sous lerégime de la dictature de Baby Doc. Découverte d'un pays par les étapes de la vie d'un hommefaçonné par les soubresauts d'un régime politique. Haïti est comme le vaudou, un mystère quifait peur mais qui titille la curiosité. L'idée de ce mémoire a germé lors d'un séjour en 2002 àPandiassou, dans la province du Plateau Central d'Haïti. Venue pour partager mes connaissancesà travers un travail de partenariat, je suis repartie chargée d'interrogations et avide de découvrirce pays autrement.

Ce mémoire est en quelque sorte la réponse à des mois de questionnement sur les raisons dela situation sociale, politique et humanitaire en Haïti. Pour comprendre comment la "Perle desAntilles" a pu se retrouver dans un état si alarmant, seule une approche pluridisciplinaire peutconvenir. Cette recherche m'aura permis d'aller plus loin dans la découverte des sciencespolitiques et d'en percevoir toute la pertinence pour comprendre les enjeux majeurs de notretemps.

Je tiens à remercier Monsieur Jacky Buffet qui a su trouver le temps de m'accompagner danscette démarche et m'a aidée à approfondir les concepts utilisés.

Je remercie également Dany Laferrière pour m'avoir fait découvrir et aimer ce pays et pouravoir accepté de répondre à mes questions.

Ma reconnaissance va aussi à tout le personnel de l'Institut des Hautes Etudes pourl'Amérique Latine qui m'ont aidé dans la recherche de sources et m'ont permis d'accéder à deprécieux documents. Je remercie également le personnel du centre de documentation de l'IEP deLyon qui a fait les démarches nécessaires pour le prêt inter-bibliothèque.

Toutes mes pensées vont aux habitants de Pandiassou et particulièrement à maître Viot,directeur du centre technique de formation du village, qui a su m'aider à ne pas céder aufatalisme tout en m'évitant les raccourcis trop faciles.

Enfin pour n'oublier personne j'ai une pensée reconnaissante et compatissante avec mafamille (plus spécialement Chrystèle qui m'a aidée à découvrir les Antilles) et mes amis –Grenadine, Karine, Odali, Céline, Marielle, Marysabelle, Céline et plus particulièrement Patricequi m'a hébergée lors de mes recherches à la bibliothèque nationale – qui ont subi ma passionpour cette île sans toujours réussir à la comprendre. Enfin je remercie Emmanuel qui m'asoutenue et aidée lors de la rédaction de ce mémoire.

Introduction

Le 1er janvier 2004, l'île d'Haïti fêtera le bicentenaire de son indépendance. Cette dateconstitue un événement important pour le pays qui prépare depuis plus d'un an les cérémonies decommémoration. Qu'on se souvienne du bicentenaire de la révolution française ou del'indépendance des Etats-Unis et l'on comprendra aisément l'ardeur de tout un peuple à préparer

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cette cérémonie. Mais comme dans les deux cas pré-cités, la commémoration de l'indépendanced'Haïti s'accompagne de la résurgence de grandes problématiques. D'abord sur le thème de laconquête de cette indépendance puis sur la réalité de la souveraineté haïtienne aujourd'hui. Cettenécessité pour Haïti de revenir sur l'histoire de ses origines et de l'interroger correspond à unbesoin fondamental pour le peuple de s'inscrire dans un passé dont il est fier mais dont il porteaussi le fardeau. Ainsi, avant d'aborder les problématiques posées aujourd'hui par le bicentenairede l'indépendance d'Haïti, il convient de faire un rapide survol de l'histoire de cette île.

UNE HISTOIRE DE LUTTE POUR LE POUVOIR

Le 6 décembre 1492, Christophe Colomb "découvre" Haïti et la nomme Hispaniola. Il nes'agit plus là d'une expédition aventureuse mais d'une occupation armée avec une armada dedix-sept navires et entre 1 200 et 1 500 hommes. Dès lors les 300 000 indiens caraïbes tombentsous la domination de l'Espagne. Colomb les décrit alors comme "un peuple sauvage, bon pourtous les travaux, solide, très intelligent qui, une fois débarrassé de ses coutumes cruelles, feraitles meilleurs esclaves du monde" 1 . Leur sort était lié, tous ceux qui accepteraient la nationalitéespagnole en s'y soumettant sans résistance ne pourraient être réduits en esclavage, ce quipermettait de mettre tous ceux qui résistaient dans une situation de servitude. Beaucoup meurentpour avoir résisté, les autres parce qu'ils ne sont pas habitués au travail disproportionné parrapport à leur mode de vie et à leurs capacités physiologiques. En 1514, des 300 000 indiens, ilne reste que 14 000 et en 1570 seuls deux villages demeurent. Pour compenser la mort desindiens, le roi met en place, le 3 septembre 1501, la traite des esclaves qui débute par l'envoi depetits contingents qui meurent rapidement, ce qui provoque un envoi massif d'esclaves d'Afriquede l'Ouest.

En 1642, le chevalier de Fontenay prend possession d'Haïti au nom du roi de France, mais cen'est qu'en 1697 que, par le traité de Ryswick, Haïti est rattachée aux Antilles Françaises aprèsdes combats violents de part et d'autre pour la maîtrise de l'île. Hispaniola est dès lors coupée endeux. Des deux côtés de la frontière, on achemine des esclaves qui participent au développementéconomique de la "Perle des Antilles". Ainsi, en 1784, on compte dans la partie française 7 803plantations dans lesquelles 100 000 européens possèdent 500 000 esclaves. Entre 1784 et 1791,ce sont 30 000 esclaves noirs africains par an qui sont débarqués pour repeupler Haïti. Jusqu'à1791, Haïti est donc une colonie "comme les autres" bien que reconnue pour son exceptionnellerichesse. Mais, alors qu'en France la révolution française établit l'égalité entre les hommes, lesidées véhiculées par la Société des amis des Noirs arrivent jusqu'en Haïti. Les planteurss'inquiètent d'une possible abolition de l'esclavage et demandent à l'Assemblée Nationale de nepas accorder les mêmes droits aux mulâtres et aux esclaves. Celle-ci refuse et les planteursforment alors l'"Assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue". La tensionmonte, ce qui amène les Blancs à donner des droits politiques aux hommes de couleur libres,mais il est trop tard car la révolte des esclaves a débuté dans le Nord. Les esclaves marrons 2

luttent dans les mornes, forment des contingents pour abattre l'ennemi blanc. Le gouvernementrévolutionnaire de Paris envoie 6 000 hommes pour rétablir l'ordre et une commission civile estmandatée pour proclamer l'égalité en droits des affranchis mais la l'esclavage, déclaré"nécessaire à la culture et à la prospérité des colonies", se poursuit. Le calme revient en Haïtimais, après l'exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, l'Angleterre et l'Espagne déclarent laguerre à la France. Des planteurs livrent l'île aux anglais en échange de leur protection. Destroupes britanniques débarquent alors sur la côte tandis que les Espagnols avancent par le Nord.

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L'île est en passe de tomber sous domination étrangère lorsque l'ordre est donné de libérer tousles esclaves. Toussaint Louverture, un esclave, se bat aux côtés des Français lorsque ceux-cidécident officiellement le 4 février 1794 de "l'abolition de l'esclavage des Nègres dans toutes lescolonies". De victoire en victoire, il reprend aux espagnols tout ce qu'ils avaient conquis et, parle traité de Bâle, signé en 1795, l'Espagne cède à la France la partie est de Saint-Domingue. Ilcontraint ensuite les Anglais à évacuer le territoire, et ceux-ci signent avec lui un traité lereconnaissant chef d'Etat pour prévenir toute velléité de la France sur la colonie qui leur échappe.Ce traité ratifié en 1798 est le premier acte d'indépendance d'Haïti. En 1801, il soumet la partieespagnole de l'île et fait voter une constitution. Bonaparte entreprend par la suite de ramenerHaïti dans l'orbite de la France. Leclerc et Rochambeau sont envoyés pour anéantir la guerre delibération des esclaves. Toussaint Louverture est arrêté et envoyé en prison en France 3 , mais le19 novembre 1803 les troupes de Rochambeau capitulent et il lit au Cap-Haïtien la premièredéclaration d'indépendance confirmée le 1er janvier 1804 lors d'une solennelle prise d'armes auxGonaïves qui constitue l'acte de naissance de la première république noire.

La réalité historique de cette conquête de l'indépendance a été quelque peu arrangée par lesHaïtiens qui en font une lutte d'un peuple uni vers sa liberté. Pourtant il est incontestable qu'ils'est agi d'une succession de révoltes d'esclaves plutôt que d'une révolution. Les chefs de guerrequi prennent la tête de l'insurrection, n'aspirent pas à l'intérêt commun de la patrie, et une foisl'ennemi abattu, on assiste à une résurgence des luttes claniques. On peut toutefois noter quecette période est marquée par l'union des Noirs et des mulâtres sous l'égide de Jean-JacquesDessalines, le successeur des Toussaint Louverture. Union sacrée de courte durée puisque lesintérêts personnels reprennent vite le pas avec l'assassinat de Dessalines et la division du paysentre le roi Christophe au Nord et Pétion au sud. Dès lors, c'est une succession de luttesintestines qui sévit en Haïti pour la conquête du pouvoir. Ces luttes internes vont affaiblir le payset provoquer le retour à l'indépendance de la partie orientale de l'île sous le nom de RépubliqueDominicaine en 1844.

Après plus d'un siècle d'instabilité politique en Haïti 4 , et une situation économiqueexsangue à cause de l'essor du café brésilien, Haïti est obligée de se vendre au pays le plusoffrant. La France et l'Allemagne ont des vues impérialistes sur l'île mais les Etats-Unis, profitantde l'anarchie qui règne dans le pays et mettant à profit leur puissance, occupent Haïti de 1915 à1934. Déjà, cette occupation est une forme nouvelle d'impérialisme puisqu'elle se déroule entrois temps : à partir de 1905 les Américains procèdent à une implantation commerciale etfinancière ; le 28 juillet 1915, c'est la phase de prise de contrôle militaire, avec une occupationqui met en place une dyarchie américano-haïtienne au sommet de l'Etat ; et lors du retrait destroupes en 1934, c'est une nouvelle forme de domination qui s'installe avec un contrôle externede la vie politique haïtienne.

La deuxième partie du XXème siècle est marquée par la dictature des Duvalier. Le 22septembre 1957 François Duvalier, bientôt appelé Papa Doc, est élu président et devient en 1964président à vie. Il met en place avec l'aide des volontaires de la sécurité nationale,internationalement connus sous le nom de tontons macoutes, une dictature violente soutenue parles puissances internationales et par l'Eglise 5 . Cette dictature est marquée par une volontéaffichée de revendiquer la culture noire. En 1971, le successeur désigné, Jean-Claude Duvalier,dit Baby Doc, prend le pouvoir qui poursuit le régime de répression en amplifiant le phénomène

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de corruption et de drogue que connaissait déjà l'île.

Dès 1985, sous la pression des communautés ecclésiales de base, l'île se soulève pour mettrefin à la dictature qui s'achèvera avec l'exil du président du 7 février 1986. En 1987, laconstitution est adoptée mais le pays ne retrouve pas pour autant une situation politique calme.Ainsi jusqu'aux élections de 1991, l'instabilité est prégnante. Les élections de 1990 qui voientl'élection du père Aristide, contre les attentes des grandes puissances, apportent un espoir bref dedémocratie et de changement dans un pays où les gouvernements changent au gré des intérêtsdes groupes sociaux dominants. Le coup d'état de 1991 met fin à cet espoir et confirme l'idéequ'en Haïti aucune stabilité n'est possible. Depuis le rétablissement des autorités légitimes, grâceà l'intervention militaire onusienne, le pays reste plongé dans un chaos politique.

LA COLONISATION "UN PASSÉ QUI NE PASSE PAS" 6

De ce rapide aperçu de l'histoire haïtienne, on peut relever l'impossibilité pour ce peuple, nédans les navires de la traite des esclaves, de former une véritable nation. En effet, la lutte pour lasurvie a toujours été l'élément constitutif du peuple haïtien et n'a pas permis de créer une uniténécessaire pour une stabilité politique. Fouchèt divizyon pa bwè soup eleksyon 7 , la sagessepopulaire de ce proverbe créole montre que les Haïtiens sont conscients que leur division est unobstacle à la démocratie.

Pourquoi Haïti est-elle en proie à une telle division ? Sans faire preuve de déterminismehistorique, on peut émettre l'hypothèse que le passé colonial d'Haïti a été un facteur de divisiondans le pays par la forme de domination qu'il a installé et la société hiérarchisée que les autoritéscoloniales ont mis en place.

Cette division est aujourd'hui l'une des questions qui est posée par la commémoration dubicentenaire de l'indépendance de la première république noire. En effet, elle est le reflet de lapersistance d'une société hiérarchisée. Ainsi, la reproduction d'une société coloniale bâtie sur uneinégalité entre les différentes castes qui tentent de prendre le pouvoir au détriment des autres,remet en cause l'image idéalisée de l'indépendance haïtienne. La naissance de la "premièrerépublique noire" apparaît de ce fait comme un processus inachevé. Le pays a certes mis fin à lacolonisation française mais n'en a pas pour autant détruit les rapports sociaux, et on assistedésormais à un véritable "colonialisme sans colons" 8 .

La relecture de l'histoire d'Haïti fait aussi émerger un autre phénomène : l'implicationconstante des puissances extérieures (étatiques ou religieuses) dans la vie politique haïtienne.Ainsi, jusqu'en 1804, l'île a été soumise à une domination étrangère qu'elle a cru détruire par sonacte d'indépendance. Mais la succession des intrusions étrangères dans son histoire (occupationaméricaine, rôle des grandes puissances dans la dictature duvaliériste, intervention militaire pourla restauration de la démocratie) pousse à se demander dans quelle mesure Haïti est un Etatsouverain. Cette problématique des influences étrangères sur la vie politique de l'île estaujourd'hui au centre des débats sur l'indépendance.

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Ce rapport obsessionnel entre colonisation et indépendance structure toute la sociétéhaïtienne et reste central dans tous les événements importants qui la secouent. C'est un "passé quine passe pas" puisque aujourd'hui encore les Haïtiens réclament la reconnaissance par lespuissances étrangères de leur responsabilité dans la situation actuelle. Haïti cherche ailleurs lescauses de ses difficultés actuelles. Ainsi, lors d'une célébration du bicentenaire de la mort deToussaint Louverture, Jean Bertrand Aristide a invité tous les Haïtiens à parler d’une seule voixpour exiger réparation et restitution des biens et de l’argent d’Haïti confisqués par la France en1825 9 . Il a réclamé 21,7 milliards de dollars américains de dédommagement en estimant que cetargent pourrait servir à renforcer l’offre scolaire, à relancer la production agricole, à construiredes routes et des hôpitaux dans le pays. Le président haïtien a ainsi demandé "restitution etréparation" à la France pour le passé colonial 10 . Cet appel se situe dans la continuité du discourspolitique haïtien qui recherche des causes externes à ses problèmes de développement.

Toutefois – sans céder au déterminisme dont font preuve bon nombre de politiques haïtiensqui considèrent que le sous-développement d'Haïti est la conséquence de la colonisation qui sévitdans le pays jusqu'en 1804 – il semble pertinent d'étudier les facteurs modernes de colonisationqui ont touché Haïti au XXème siècle. Sans dédouaner les acteurs politiques haïtiens de leur rôledans le chaos actuel, l'analyse de la forme moderne de colonialisme qui s'exprime en Haïti peutapporter des pistes de réflexion pour envisager l'avenir de ce pays. Ainsi, on peut dire que Haïtiest la cible d'une interaction d'influences d'un nouveau colonialisme. Pour mieux apprécier lasituation politique, sociale et économique d'Haïti, il convient de définir préalablement le conceptde néo-colonialisme, qui – bien que tendant à entrer dans le langage courant – reste bien souventutilisé mal à propos.

LE CONCEPT DE NÉO-COLONIALISME : UN INSTRUMENT THÉORIQUE AMBIGU

Pour comprendre ce qu'est le néo-colonialisme, il est nécessaire de dire quelques mots ducolonialisme. Le mot "colonialisme" – perçu comme la forme péjorative donnée à la colonisation– renvoie à l'impérialisme exercé par les grandes puissances sur les pays de la périphérie. Enaccord avec l'analyse de Marc Ferro 11 et de Hannah Arendt 12 , il paraît pertinent de mettre lecolonialisme au rang des totalitarismes. Tout d'abord parce que le colonialisme a été uneidéologie où le pouvoir s'exprimait par une violence à l'égard de catégories de la populationconsidérées comme inférieures 13 . Le terme de colonialisme est une dénonciation des actes faitsau nom d'une action civilisatrice qui s'est, en fin de compte, exprimée par le travail forcé etl'anéantissement des civilisations indigènes. Pour Aimé Césaire, le terme colonialisme est la

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traduction de la dénonciation de l'hypocrisie européenne qui légitime son impérialisme par desvolontés évangélisatrices, philanthropiques, éducatives, civilisatrices. Sous la plume de Césaire,la colonisation est accusée sur ses fondements et l'homme blanc est renvoyé à son inhumanité :"[...] la colonisation, je le répète, déshumanise l'homme même le plus civilisé; [...]l'action coloniale, l'entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur lemépris de l'homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement àmodifier celui qui l'entreprend; [...] le colonisateur, qui, pour se donner bonneconscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête,tend objectivement à se transformer lui-même en bête. C'est cette action, ce chocen retour de la colonisation qu'il importait de signaler." 14

Dans ce discours, Aimé Césaire demande aux nations européennes de reconnaître que leurdessein était ceux de "l'aventurier et du pirate, de l'épicier en grand et de l'armateur, du chercheurd'or et du marchand". En somme, on peut résumer le terme colonialisme en action des grandespuissances européennes pour exploiter des pays et exporter un mode de vie et de consommationqui pérennise la dépendance des peuples soumis.

Le colonialisme débute réellement avec l'arrivée de Christophe Colomb aux Antilles, quisont les premiers territoires annexés dans le but d'enrichir la métropole. Ce phénomène vaensuite s'étendre plus largement à toutes les zones découvertes par les grandes puissanceseuropéennes et constituer un enjeu de pouvoir entre ces pays. Les colonies sont en effet signe derichesse, par les ressources qu'elles confèrent, mais aussi par le contrôle des mers qu'ellesprocurent. Le colonialisme sous-entend également le postulat de l'infériorité de la race noire quien est à la fois à l'origine et qui en est aussi une des illustrations. En effet, c'est parce que lesnations européennes considèrent alors les peuples noirs (et indiens) comme inférieurs qu'elles sesentent investies d'une mission civilisatrice 15 qui les conduit à coloniser ces territoires. C'estaussi parce qu'elles posent ce postulat qu'elles mettent en place la traite négrière et l'esclavage.Cette idéologie raciste va se traduire par la structure sociale hiérarchique mise en place dans cespays et notamment par le Code Noir 16 . La dénonciation du colonialisme a eu diverses origines :certains mouvements d'église qui voyaient dans cette forme de domination de l'être humain, unprincipe contraire aux Evangiles, les philosophes du siècle des Lumières qui militaient pourl'égalité entre les hommes, les communistes pour qui le colonialisme est le "stade suprême ducapitalisme" 17 . Bien que divers dans ses motivations et ses composantes, l'anticolonialisme n'ena pas moins joué un rôle important de sensibilisation des masses populaires européennes etd'amélioration des conditions de vie des peuples dominés.

Si le colonialisme est aisément définissable – même si toute définition dans un phénomèneaussi sensible reste sujet à controverse puisqu'elle touche à une idéologie – l'expressionnéo-colonialisme, aujourd'hui largement répandue, est beaucoup plus ambiguë. Comme tous les

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concepts à la mode, celui-là est utilisé le plus souvent sans être défini ce qui le videintégralement de son sens. Le terme de néo-colonialisme comporte une composante idéologiquepuisqu'il critique la position hégémonique des grandes puissances occidentales en la comparantau comportement colonial qui a été universellement dénoncé par les Nations Unies. Lenéo-colonialisme s'affirme par de nouveaux biais, ce n'est plus par une occupation du territoire etune exploitation directe des ressources du pays que les états affichent leur puissance. Ladomination est exercée de façon dissimulée par un contrôle indirect sur les choix politiques,économiques et sociaux des pays. L'instrument du néo-colonialisme n'est pas la présence ducolon, et de la force militaire, mais l'utilisation de l'arme économique qui, dans un payssous-développé, est le principal enjeu, et l'instrumentalisation du droit qui permet aux grandespuissances de légitimer leur action aux yeux de la communauté internationale et de leur peuple.Ce concept est explicité par l'expression de Marc Ferro d'un "colonialisme sans colons",c'est-à-dire qu'il constitue une domination étrangère qui ne s'affirme pas comme telle. C'est encela qu'on ne peut parler de colonialisme car à l'ère coloniale, les puissances revendiquaient cettedomination. Mais, dans le contexte actuel, après les luttes en vue de la décolonisation,l'hégémonie s'impose de façon plus cachée, et les peuples soumis à ce néo-colonialisme nepeuvent se révolter ni contre leurs dirigeants qui ne sont pas directement responsables de cettesituation, ni contre leur oppresseur qui n'est pas présent sur le territoire national. Aussi la réponsedes peuples à ce néo-colonialisme se traduit-elle le plus souvent par un anti-américanisme ou unefrancophobie primaire 18 , dont l'expression violente ou dénuée d'arguments va à l'encontre desintérêts recherchés.

INTÉRET ET LIMITES DE L'ETUDE

L'attitude souvent adoptée par les opposants aux influences néo-coloniales nous amène àexposer les limites de cette étude. En effet, traiter du néo-colonialisme rend inévitable l'écueil del'anti-impérialisme primaire qui rejette en bloc le rôle des grandes puissances mondiales. Ce rejetest le plus souvent fondé non pas sur l'intérêt des pays victimes de ces influences, mais sur uneidéologie qui cache un anti-capitalisme. Si cette étude se veut objective sur la situation haïtienne,elle n'en demeure pas moins critique à l'égard de représentations ethnocentriques, ou d'unereprésentation néo-libérale du monde. Elle se veut une piste de réflexion pour comprendre lesrapports d'inégalité des échanges – tant économiques, commerciaux que politiques,diplomatiques et stratégiques – entre les pays dits "sous-développés" et les pays "développés" 19 .

Toutefois, cette étude se trouve limitée par la difficulté d'accès à des ressources sur larépublique haïtienne, qui reste largement oubliée par les travaux des universitaires français alorsqu'elle est étudiée aux Etats-Unis. Cette absence de ressources tend d'ailleurs à confirmer lesentiment que la France souhaite garder ses distances avec son histoire coloniale en Haïti. Cemanque de ressources, conjugué avec la complexité de l'histoire haïtienne ont limité la rechercheaux évènements des dernières décennies, même si des références à l'histoire plus ancienne d'Haïtiseront faites dans un souci de replacer les faits dans la continuité historique.

En outre, il semble important de rappeler que cette étude a été réalisée suite à un séjour dansle pays, ce qui permet d'expliquer l'implication personnelle de l'auteur dans le sujet. En effetmalgré la méthodologie appliquée et la détermination à remettre en doute les convictions sur lasituation de ce pays, le lecteur peut, au détour de certaines interprétations, ressentir un manquede recul.

HAÏTI, UNE SOUVERAINETÉ IMPOSSIBLE ?

L'analyse des différents documents – historiques, sociologiques, juridiques, économiques –et la confrontation de ces éléments avec ceux apportés par l'expérience de la rencontre depaysans haïtiens pendant un mois, nous amène à nous interroger sur le degré de souverainetéd'Haïti. En effet, comme nous l'avons développé plus haut, la première république noire estaujourd'hui confrontée à des influences de type néo-colonial tant au niveau de la structure de sasociété que de la part de puissances étrangères. Si ces influences n'expliquent pas intégralementla situation politique et sociale chaotique que connaît Haïti, elles permettent d'envisager uneaction plus pertinente à l'égard du pays le plus pauvre de l'hémisphère Nord.

Cette étude tendra à démontrer en quoi, malgré le principe international de la souverainetédes Etats, Haïti ne parvient pas à s'affirmer comme une nation moderne, libérée de l'hégémoniecoloniale des grands Etats et de la religion. Nous démontrerons tout d'abord qu'Haïti reproduitaujourd'hui encore une hiérarchie sociale coloniale basée sur l'inégalité entre les différentsgroupes ethniques et entre le centre et la périphérie (chapitre I). Dans un deuxième temps, afin dedémontrer le poids des influences externes sur la vie politique, sociale et économique haïtienne,nous étudierons le rôle des grandes puissances étatiques en Haïti, ainsi que l'emprise desnouveaux centres de pouvoir sur cet état (chapitre II)

"Citoyens, Ce n'est pas assez d'avoir expulsé de votre pays les barbares qui l'ontensanglanté depuis deux siècles ; ce n'est pas assez d'avoir mis un frein auxfactions toujours renaissantes qui se jouaient tour à tour du fantôme de libertéque la France exposait à vos yeux ; il faut, par un dernier acte d'autoriténationale, assurer à jamais l'empire de la liberté dans le pays qui nous a vusnaître ; il faut ravir au gouvernement inhumain, qui tient depuis longtemps nosesprits dans la torpeur la plus humiliante, tout espoir de nous réasservir ; il fautenfin vivre indépendant ou mourir. Indépendance ou la mort... Que ces motssacrés nous rallient, et qu'ils soient le signal des combats et de notre réunion [...]Nous avons osé être libres, osons l'être par nous-mêmes et pour nous-mêmes ;imitons l'enfant qui grandit : son propre poids brise la lisière qui lui devientinutile et l'entrave dans sa marche. Quel peuple a combattu pour nous ? Quelpeuple voudrait recueillir les fruits de nos travaux ? Et quelle déshonoranteabsurdité que de vaincre pour être esclaves. Esclaves !... " Extrait de ladéclaration d'indépendance d'Haïti du 1er janvier 1804

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"De même que l'écart s'accentue entre les niveaux de vie des pays avancés etceux du tiers monde, il n'échapperait pas à l'observateur le moins attentif qu'enHaïti le fossé continue de s'élargir entre la ville et la campagne. Sous l'effet del'érosion, de l'explosion démographique, par suite de l'émiettement provoqué parle partage successoral en l'absence d'un seuil légalement incompressible de lapropriété rurale, les moyens de production du paysan se rapetissent de plus enplus, invitant à l'exode massif vers les centres urbains ou l'extérieur. Si la villedevait rester indifférente à ce processus de dégradation, un temps viendra où, àla faveur de l'alphabétisation, de l'extension des médias, les masses ruralesayant acquis une conscience aiguë de leur dénuement se lèveront sous labannière d'un fils instruit et fanatisé pour exiger avec usure ce qui leur est dû,aux dépens de la ville dans son ensemble, responsable, du haut en bas del'échelle sociale, de l'exploitation paysanne, dans un authentique conflit declasse opposant des opprimés et des oppresseurs, en dehors des considérationsfragiles de couleur". 20

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"L'Agriculture, source principale de la richesse nationale est garante du bien-êtredes populations et du progrès socio-économique de la Nation."

"les spéculateurs, l'Etat, les exportateurs se comportent tous comme desexploiteurs qui vident systématiquement le paysan de sa vie sans rien lui offrir enéchange. C'est un esclavage déguisé où le paysan est censé être libre detravailler ou de ne pas travailler." 44

"a fallu attendre cent cinquante ans après l'indépendance pour que le premierlycée ouvre ses portes sur le Plateau Central. Il est fermé depuis le coup d'Etat de1991. Sans les organisations religieuses, le taux d'alphabétisation, dans cetterégion, avoisinerait le niveau zéro. Le plus grand ennemi du paysan haïtien, c'estl'Etat. Dans la section de Guanaria où sont implantées plusieurs de nos

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fraternités, il n'y a pas un dispensaire d'Etat, pas une école d'Etat digne de cenom, pas un service social de l'Etat, alors que le paysan paie des taxes sur tousles produits qu'il achète. […] J'ai toujours connu cette injustice flagrante quinous maintient dans un état de sous-développement absolu." 48

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"Nous avons fait la guerre pour les autres. Avant la prise contre Leclerc, leshommes de couleur, fils de Blancs 54 , ne recueillaient point la succession deleurs pères ; comment se fait-il que depuis que nous avons chassé les colons,leurs enfants réclament leurs biens...[...] Nous avons combattu contre les Blancs.Les biens que nous avons acquis en versant notre sang appartiennent à tous ;j'entends qu'ils soient partagés avec équité." 55

"Le Noir au pouvoir laisse croupir dans la misère et la gêne le Noir indépendant,ayant le respect de soi et très jaloux de sa dignité. Il prend ombrage contre le Noirintelligent auquel il préfère le mulâtre ignorant mais sachant bien aduler. Lemulâtre au pouvoir n'appelle pour le servir que le mulâtre médiocre et demauvaise foi qui, pour mieux le perdre, tripote la question de couleur, ou le Noirrampant, capable de bien remplir le rôle d'exécuteur des hautes œuvres. Maistous, Noirs et mulâtres, se moquent au fond de cette question de couleur etn'envisagent que leurs intérêts personnels. 56 Quand il s'agit de satisfaire cesintérêts, on les voit, résignés et confiants, s'enlacer dans des accoladesfraternelles, prêts à plonger le pays dans les horreurs de la guerre civile et à volerà l'assaut de la caisse publique." 57

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"Implanté dans le pays à l'époque coloniale par la minorité des maîtres blancspour légitimer et perpétuer la domination et l'exploitation de l'esclavage noir, lepréjugé de couleur constitue la plus visible sans doute et l'une des plus nuisiblesséquelles du système colonial négrier." 64

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« Cet envahissement de la civilisation anglo-saxonne tenta d'infliger à notreculture, littéraire jusqu'aux os, française jusqu'à l'extrême limite, un démenti sansréplique. [...] C'est alors que nous songeâmes à notre race[...] Nous affectâmesune certaine fierté de nous dire nègres. » 65

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« L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés dans le même combat doit êtreprécédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou dela négativité : ce racisme antiraciste est le seul chemin qui puisse mener àl’abolition des différences de races. » 69

« Quand j’eus mangé, je m’installai sur une grande natte à l’écart des invités pournourrir le bébé. [...] Le parrain s’approcha, l’appareil à la main et s’apprêta àprendre des photos. Mais Denis [le père du bébé et le fils de la maîtresse dunarrateur] l’arrêta : « Ne gâchez pas votre pellicule avec lui » fit-il, et il ôta l’enfantde mes bras en me faisant signe de m’éloigner. »

« Article 3 : Il ne peut exister d’esclave sur ce territoire, la servitude y est à jamaisabolie. »

« Article 24: La liberté individuelle est garantie et protégée par l'Etat. Article 35:La liberté du travail est garantie. »

« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude ; l’esclavage et la traite desesclaves sont interdits sous toutes leurs formes. »

« Les Etats parties reconnaissent le droit de l'enfant d'être protégé contrel'exploitation économique et de n'être astreint à aucun travail comportant des

risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ouà son développement physique, mental, spirituel, moral ou social. »

"Tout Membre qui ratifie la présente convention doit prendre des mesuresimmédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des piresformes de travail des enfants et ce, de toute urgence."

"toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et latraite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcéou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vuede leur utilisation dans des conflits armés"

"Dieu avait réservé aux monarques espagnols non seulement les trésors duNouveau Monde, mais un trésor plus précieux encore : le nombre infini d'âmes àconduire au sein de l'Eglise catholique."

"Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans lareligion catholique, apostolique et romaine. Enjoignons aux habitants quiachètent des nègres nouvellement arrivés d'en avertir dans huitaine au plus tardles gouverneur et intendant desdites îles, à peine d'amende arbitraire, lesquelsdonneront les ordres nécessaires pour les faire instruire et baptiser dans letemps convenable."

"Interdisons tout exercice public d'autre religion que la religion catholique,apostolique et romaine. Voulons que les contrevenants soient punis commerebelles et désobéissants à nos commandements. Défendons toutes assembléespour cet effet, lesquelles nous déclarons conventicules, illicites et séditieuses,sujettes à la même peine qui aura lieu même contre les maîtres qui luipermettront et souffriront à l'égard de leurs esclaves."

"L'usage de la langue latine, sauf droit particulier, sera conservé dans les riteslatins. Toutefois, soit dans la Messe, soit dans l'administration des sacrements,soit dans les autres parties de la liturgie, l'emploi de la langue du pays peut êtresouvent très utile pour le peuple: on pourra donc lui accorder une plus largeplace, surtout dans les lectures et les monitions, dans un certain nombre deprières et de chants, conformément aux normes qui sont établies sur cettematière dans les chapitres suivants, pour chaque cas."

L'Église, dans les domaines qui ne touchent pas la foi ou le bien de toute lacommunauté, ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d'unlibellé unique: bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des diverspeuples et elle les développe; tout ce qui, dans leurs mœurs, n'est pasindissolublement solidaire de superstitions et d'erreurs, elle l'apprécie avecbienveillance et, si elle peut, elle en assure la parfaite conservation; qui plus est,elle l'admet parfois dans la liturgie elle-même, pourvu que cela s'harmonise avecles principes d'un véritable et authentique esprit liturgique. Pourvu que soitsauvegardée l'unité substantielle du rite romain, on admettra des différenceslégitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des régions, despeuples, surtout dans les missions, même lorsqu'on révisera les livresliturgiques; et il sera bon d'avoir ce principe devant les yeux pour aménager lastructure des rites et établir les rubriques."

"La formation doit être humaine, doctrinale, spirituelle. Elle doit intégrer uneouverture aux sciences humaines, créer un esprit de dialogue avec lesphilosophes contemporain et veiller à ne pas détacher le sujet des réalités de sonmilieu d'origine".

79

"Par une réflexion théologique et des propositions pastorales soutenues, ilappartient à votre Conférence épiscopale de favoriser l’enracinement de cettespiritualité de communion dans votre culture, au service de l’édification decommunautés chrétiennes vraiment missionnaires. Dans l’inculturation, l’Églisedevient "un signe plus compréhensible de ce qu’elle est et un instrument plusadapté à sa mission" 79

"Je jure et promets à Dieu sur le Saint Evangile de garder obéissance et fidélitéau gouvernement établi par la constitution d'Haïti et de ne rien entreprendre, nidirectement, ni indirectement, qui puisse être incompatible aux droits et auxintérêts de la république."

96

"Il existe deux éléments complémentaires et inséparables : d'un côté la libérationde tous les esclavages du péché personnel et social, égarant l'homme et lasociété, et dont la source se trouve dans l'égoïsme et le mystère d'iniquité, del'autre la libération pour la croissance progressive dans l'être, par la communionavec Dieu et avec les hommes, qui culmine dans la parfaite communion où Dieuest tout en tous et où il n'y aura plus de larmes" 96

"Le Bon Dieu qui a fait le soleil, qui nous éclaire là-haut, qui soulève la mer et faitgronder le tonnerre, Ecoutez bien vous autres, le Bon Dieu là caché dans unnuage Nous regarde, il voit ce que font les Blancs ! Le Dieu des Blancs demandele crime, le vôtre veut les bienfaits. Mais ce Dieu qui est si bon, vous ordonne lavengeance ; Il dirigera nos pas, il nous assistera, Jetez l'image du Dieu des

113

Blancs qui a soif de nos larmes, Ecoutez la liberté qui parle à notre cœur." 113

"Tous faiseurs de ouangas, caprelatas, vaudous, donpèdre, makandalas et autres

sortilèges seront punis de trois à six mois d'emprisonnement et d'une amende desoixante gourdes à cent cinquante par le tribunal correctionnel […] Toutesdanses et autres pratiques quelconques qui seront de nature à entretenir dansles populations l'esprit de fétichisme et de superstition seront considéréescomme sortilèges et punies par les mêmes peines."

120

121

"L'on en vient au paradoxe de voir des Haïtiens qui, au nom d'une cultured'emprunt, revendiquent pour eux-mêmes la lutte contre le vaudou, lepourfendant sans merci, le méprisant sans analyse et le rejetant sans recours. Onne saurait imaginer pire victoire du colonisateur sur l'esprit, que celle du conquisdéployant son zèle pour diffuser les préceptes du conquérant, dans uneauto-destruction inconsciente de son être, au mépris de sa culture et de sapropre identité. Pourtant le vaudou n'est pas un culte. Il est fondamentalementune culture, une manière d'être nègre, une disposition naturelle de l'esprithaïtien…"

"Nous remîmes en honneur l'assôtor et l'açon 120 . Nos regards nostalgiques sedirigèrent vers l'Afrique douloureuse et maternelle. Les splendeurs abolies descivilisations soudanaises firent saigner nos cœurs. Virilement, glorieusement,puérilement aussi peut-être, nous jurâmes de faire de notre patrie le miraclenègre comme la vieille Hellade fit le miracle blanc." 121

"Le Peuple haïtien proclame la présente Constitution : - Pour garantir ses droitsinaliénables et imprescriptibles à la vie, à la liberté et la poursuite du bonheur ;conformément à son Acte d'Indépendance de 1804 et à la Déclaration universelledes Droits de l'Homme de 1948. –Pour constituer une nation haïtiennesocialement juste, économiquement libre, et politiquement indépendante. - Pourrétablir un Etat stable et fort, capable de protéger les valeurs, les traditions, lasouveraineté, l'indépendance et la vision nationale. - Pour implanter ladémocratie qui implique le pluralisme idéologique et l'alternance politique etaffirmer les droits inviolables du Peuple haïtien. - Pour fortifier l'unité nationale,en éliminant toute discrimination entre les populations des villes et descampagnes, par l'acceptation de la communauté de langues et de culture et par lareconnaissance du droit au progrès, à l'information, à l'éducation, à la santé, autravail et au loisir pour tous les citoyens. - Pour assurer la séparation et la

répartition harmonieuse des Pouvoirs de l'Etat au service des intérêtsfondamentaux et prioritaires de la Nation. - Pour instaurer un régimegouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect de droitshumains, la paix sociale, l'équité économique, la concertation et la participationde toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par unedécentralisation effective.

"Voulant parvenir à ce que réclament l'intérêt du commerce français, lesmalheurs des anciens colons de Saint-Domingue et l'état précaire des habitantsactuels de cette île; "Nous avons ordonné ce qui suit : "Article 1. Les ports de lapartie française de Saint-domingue seront ouverts au commerce de toutes les

nations. Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur lesmarchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tousles pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits serontréduits de moitié. "Article 2. Les habitants actuels de la partie française deSaint-Domingue verseront à la Caisse des dépôts et consignations de France, encinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant du 1er décembre 1825,la somme de cent cinquante millions de francs, destinées à dédommager lesanciens colons qui réclameront une indemnité. "Article 3. Nous concédons, àces conditions, par la présente ordonnance, aux habitants de la partie françaisede Saint-Domingue, l'indépendance pleine et entière de leur gouvernement."

130

"Le chaos chronique ou l'impuissance résultant d'un relâchement général desliens d'une société civilisée peuvent en Amérique comme ailleurs exiger en fin decompte l'intervention d'une nation civilisée, et dans l'hémisphère occidentall'adhésion des Etats-Unis à la doctrine Monroe peut forcer les Etats-Unis,peut-être contre leur gré, à exercer leur droit de police internationale dans les casflagrants d'impuissance et de désordre."

"On ne saurait donner un tableau complet de notre avenir si on n'envisage et necomprend que les Etats-Unis sont la puissance dominante des Caraïbes" 130

"la mise en place et le maintien de gouvernements locaux pro-américains,indépendamment de leur nature dictatoriale la sauvegarde du statu quo et, enconséquence, la neutralisation des forces révolutionnaires vouées auchangement et la répression des tentatives de révolution nationale la subversiondes gouvernements tenus pour hostiles ou inamicaux aux intérêts américains lamise en œuvre de systèmes d'incitation et de garantie aux investissements privésd'origine américaine dans l'économie centro-américaine le sapement constant del'influence que les pays autres que les Etats-Unis sont susceptibles d'exercer surl'Amérique centrale dont les affaires intérieures, dans l'optique de Washington,

134

constituent un domaine réservé à la compétence exclusive du gouvernementfédéral américain. "

"Ce fut une bonne chose pour l'Egypte et le Soudan et le monde entier quel'Angleterre s'empare de ces deux pays. C'est une bonne chose pour l'Inde quel'Angleterre la contrôle. C'est une bonne chose, une très bonne chose pour Cuba,Panama et le monde que les Etats-Unis aient agi comme ils l'ont fait pendant lessix dernières années. Le peuple des Etats-Unis, celui de l'isthme et du reste dumonde s'en trouveront mieux parce que nous creusons le canal de Panama etfaisons respecter l'ordre dans le voisinage." 134

"Le gouvernement des Etats-Unis saisit cette opportunité pour rappeler à tousque la politique américaine demeure la même en ce qui a trait à la migrationillégale. Dans le but de protéger les frontières des Etats-Unis et de renforcer leslois américaines relatives l’entrée aux Etats-Unis, les navires des gardesaméricains patrouillent activement les mers et les avions contrôlent les cieux. Ilsont pour mission de trouver et de rapatrier les immigrants illégaux"

"ce projet vise l’amélioration des Conditions de travail, d’emploi de productivité,de la qualité dans les usines ici pour prouver à la communauté internationale desaffaires que les entreprises en Haïti sont des entreprises responsables".

"Les réunions du prêtre drainaient des supporters très enthousiastes dès qu'ilapparaissait en public […] Mais une partie de ses soutiens était jeune,apparemment plus mineurs […] Au contraire Marc Bazin , un conservateur,ex-économiste de la Banque Mondiale, qui est le principal challengeur du pèreAristide, en avait attiré moins, mais des foules plus âgées dans la campagne, oùil peut se prévaloir d'un soutien plus puissant." 160

160

"Aucune armée au monde ne peut monter un coup dans l'ignorance et sans le

165

consentement du Pentagone. Cela n'a jamais eu lieu et n'aura jamais lieu. Lesattachés militaires américains sont trop impliqués auprès des armées de cespays pour laisser un coup avoir lieu à leur insu." 165

"Les dictateurs d'Haïti, conduits par le général Cédras, contrôlent le plus violentrégime de notre hémisphère. Pendant trois ans, ils ont rejeté toute solutionpacifique que la communauté internationale avait proposée. Ils ont rompu uneentente qu'ils avaient eux-mêmes signée pour abandonner le pouvoir. Ils ontbrutalisé leur peuple et détruit leur économie […] Le message des Etats-Unis estclair : votre temps est fini. Partez maintenant ou nous vous ferons quitter de forcele pouvoir."

178

"Cet envahissement de la civilisation anglo-saxonne tenta d'infliger à notreculture, littéraire jusqu'aux os, française jusqu'à l'extrême limite, un démenti sansréplique. [...] Notre éducation latine qui, en la circonstance, paraissait déficiente,nous en fîmes un bouclier et l'opposâmes victorieusement à la volonté depénétration de l'Occupant." 178

179

"nous sommes… de ce côté-ci de l’Atlantique, les héritiers des traditions et de lacivilisation d’un grand pays et d’un grand peuple… [donc] redevables envers laFrance… et envers le monde de ce patrimoine spirituel". 179

"Trahison Ce coeur obsédant, qui ne correspond Pas à mon langage ou à mescostumes, Et sur lequel mordent, comme un crampon, Des sentimentsd’emprunt et des coutumes D’Europe, sentez-vous cette souffrance Et cedésespoir à nul autre égal D’apprivoiser, avec des mots de France, Ce cœur quim’est venu du Sénégal?"

182

"A notre avis, cette polémique français-créole a toujours été académique etinutile. L'analphabétisme maintient notre population rurale dans un retard d'unsiècle... Dès lors qu'est-ce qui est le plus raisonnable : apprendre aux gens à liredans la langue qu'ils parlent ou dans une autre langue qu'ils ignorent ?[...] Il fautdonc utiliser pour l'alphabétisation les matériaux que l'on a sous la main,pragmatiquement, car il ne s'agit pas en vérité de découvrir aux yeux du paysanles trésors d'une culture millénaire, mais simplement de tenter de le garantir ici etaujourd'hui de la misère physique et de la faim." 182

"Le français est la langue officielle. Son emploi est obligatoire dans les serviespublics. Néanmoins, la loi détermine les cas et conditions dans lesquels l'usagedu créole est permis et même recommandé pour la sauvegarde des intérêtsmatériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la languefrançaise."

"Le français est la langue officielle. Son emploi est obligatoire dans les serviespublics. Néanmoins, la loi détermine les cas et conditions dans lesquels l'usagedu créole est permis et même recommandé pour la sauvegarde des intérêtsmatériels et moraux des citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la languefrançaise. Les langues nationales sont le français et le créole. Le français tientlieu de langue officielle de la république d'Haïti."

"Tous les Haïtiens sont unis par une langue commune : le créole. Le créole et lefrançais sont les langues officielles de la République."

"La Francophonie, consciente des liens que crée entre ses membres le partagede la langue française et souhaitant les utiliser au service de la paix, de lacoopération et du développement, a pour objectifs d'aider : à l'instauration et audéveloppement de la démocratie, à la prévention des conflits et au soutien à l'Étatde droit et aux droits de l'homme ; à l'intensification du dialogue des cultures etdes civilisations ; au rapprochement des peuples par leur connaissance mutuelle; au renforcement de leur solidarité par des actions de coopération multilatéraleen vue de favoriser l'essor de leurs économies."

194

"Impossible de démocratiser sans passer par des réformes économiques, quiincluent la privatisation. Pourquoi des réformes économiques ? Pour que l'argentne soit pas gaspillé. Et pour que Haïti connaisse un véritable développement. [...]La privatisation est l'une des conditions pour que les cent millions promis par laBanque Mondiale et le FMI puissent arriver. Il faut que des pas soient faits danscette direction pour que puisse continuer à couler le flot de ces fonds!" 194

Yves LACOSTE (sous la direction de), Dictionnaire géopolitique des Etats, Paris,Flammarion, 1996, 611 pages

L'état du monde 2001, Paris, La Découverte, 2001, 661 pages

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Ouvrages historiques sur Haïti

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Robert MAGUIRE, Haïti prise en otage : les réponses internationales à la recherche d'uneidentité nationale de 1986 à 1996, Providence, International Studies, 1997, 135pages

Pierre MOUTERDE, Christophe WARGNY, "Apre bal tanbou lou" : cinq ans de duplicité

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Alain TURNIER, Les Etats-Unis et le marché haïtien, Montréal, 1955

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Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme, Paris,Présence Africaine, 1955, 59 pages

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Micial M. NERESTANT, L'Eglise d'Haïti à l'aube du troisième millénaire : essai de théologiepratique et de sociologie religieuse, Paris, Karthala, 1999, 324 pages

Micial M. NERESTANT, Religions et politique en Haïti, édition Karthala, 1994

Leonardoet Clovis BOFF, Qu'est-ce que la théologie de la libération ? Paris, Cerf, 1987,155 pages

Jean KERBOULL, Le vaudou, magie ou religion, Paris, Robert Laffont, 1973, 343 pages

Joachim BENOIT, Les racines du sous-développement en Haïti, Port-au-Prince,Imprimerie Deschamps, 1979

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Les articles de la presse haïtienne ont été consultés en version numérique sur les siteswww.haiticaraibeexpress.com ; www.haiti-info.com ; www.haiti-reference.com ;www.haitipressnetwork.com ; www.haiti-progres.com ; www.medialternatif.org . Seulsles articles de la presse française sont répertoriés ci-dessous.

Paul FARMER, "Haïti, l'embargo et la typhoïde", Le Monde Diplomatique, juillet 2003,pages 26-27

Maurice LEMOINE, "Du "destin manifeste" des Etats-Unis, Le Monde Diplomatique, mai2003, page 20

Christophe WARGNY, "Haïti, au-delà de la désolation", Le Monde Diplomatique, février2002, page 31

Christophe WARGNY, En Haïti, la drogue comme substitut au développement, Le MondeDiplomatique, juin 2001, pages 20-21

Jean-Michel CAROIT, "Haïti ou la permanence du malheur", Le Monde, 29 janvier 2003

Emmanuel KARLIN LYON, "Haïti, la francophone", Le Monde, 18 octobre 2002