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THÈSE
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES
Discipline : Droit public
Présentée et soutenue publiquement
Par
Déborah BOUSSEMART
2015
_____
La sécurisation des permis de construire contre les recours
abusifs _____
Directeur de thèse M. Michel DEGOFFE,
Directeur du Centre Maurice Hauriou pour la Recherche en Droit Public
_____
JURY
M. Bernard POUJADE, Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V) M. Jean-David DREYFUS, Professeur à l’Université Paris Dauphine (Paris IX) M. Seydou TRAORÉ, Maître de conférences à l’Université de Reims
École doctorale de sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion Centre Maurice Hauriou pour la recherche en droit public
UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES
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AVERTISSEMENT
L’Université Paris Descartes n’entend donner aucune approbation ni improbation aux
opinions émises dans cette thèse, ces opinions devant être considérées comme
propres à leur auteur.
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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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À mes parents, à ma sœur, à mon frère,
aux aïeux,
sans qui rien n’eût été possible.
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REMERCIEMENTS
Je remercie Monsieur DEGOFFE, mon directeur de thèse, pour ses conseils, ses
remarques éclairées et sa disponibilité tout au long de ce travail.
Je remercie également mes proches qui m’ont suivie et soutenue tout au long de cette
entreprise. Et je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mes relecteurs.
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RESUME :
La présente thèse s’intéresse à la systématisation des menaces d’annulation des
permis de construire. Elle a pour objet d’analyser la réalité des recours abusifs devant
le juge administratif français. Le phénomène de multiplication des recours abusifs
pose le problème de l’instrumentalisation du juge par des requérants malveillants.
Cette instrumentalisation transforme le prétoire en une sorte de marché juridictionnel
et se traduit en pratique par des coûts contentieux et transactionnels de plus en plus
lourds pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Des instruments de
régulation procédurale existent mais sont apparus insuffisants jusqu’à la réforme du
contentieux d’urbanisme de 2013. Cette réforme apporte des solutions innovantes.
L’optimisme pousse à croire que ces mesures seront efficaces, mais un brin de
pessimisme conduit à l’analyse d’autres solutions. Ainsi, le but de cette thèse est,
d’une part, d’analyser les écueils actuels qui ont conduit à l’insécurité des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme et, d’autre part, d’analyser la pertinence des
instruments juridiques régissant le droit de l’urbanisme avec un focus particulier sur
les apports de la réforme des procédures contentieuses en urbanisme de 2013.
MOTS-CLES :
Permis de construire – Sécurisation – Recours abusifs – Juge administratif – Contrôle
de légalité – Contentieux d’urbanisme – Recours en excès de pouvoir.
ABSTRACT:
The present dissertation is interested in the systematization of the threats of
construction authorizations cancellation. This discussion examines the reality of
overuses of the right of individual recourse in order to examine issues which could
enhance the legal certainty of construction authorizations. The rapid growth of the
overused recourses number leads to the manipulation of the law and of the judge.
This transforms the courtroom in an odd market where the judge is the tool of a bad
regulation. The result is significant. The reason for that is very simple: litigation is
quite expensive and amicable settlements too. However, regulatory measures exist
but they are not effective. The 2013 reform brought several innovative changes.
Optimism leads us to believe these changes will be effective. But a more pessimistic
viewpoint leads to highlight the other solutions. Hence, the purpose of this thesis
work is to analyze the obstacles and limits of the existing tool which have led to
insecure construction authorizations. Furthermore, it aims to analyze the relevance of
existing legal instruments in urban planning law.
KEY WORDS:
Construction authorizations – Legal certainty – Overuse of recourses – Control of
legality – Dispute of town planning – Nullity.
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Ne cédez jamais.
Vive le procès !
Un vieux amour est sans attrait,
À soixante ans il est folie.
La table énerve le génie.
Mais vive, vive le procès !
La chicane, la plaidoirie
Ont toujours de nouveaux attraits ;
Hé vive, ô vive le procès :
S’il faut à l’homme une folie,
En est-il une plus jolie
Que d’avoir quelque bon procès !
Cela tient l’esprit en arrêt,
Son intérêt
Nous désennuie.
Vive la plaidoirie !
Ne cédez jamais.
Chante l’avocat, 17591
1 Réplique du personnage M. FAUSSET, l’avocat in SEDAINE (J.-M.), L’huître et les plaideurs, ou
le tribunal de la chicane. Opéra-comique en un acte, en prose, mêlé de morceaux de musique et
vaudeville, représentés sur le théâtre de la Foire Saint-Laurent en 1759 et 1761. Paris, Hérissant, 1761,
28 p., p. 33. Libre adaptation de la fable éponyme de Jean de La Fontaine, L’huître et les plaideurs
(1678).
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TABLE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET
ACRONYMES
TABLE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ABV.
Actualité juridique droit administratif AJDA (Revue)
Actualité juridique droit immobilier AJDI (Revue)
Actualité juridique fonctions publiques AJFP (Revue)
Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat ANAH
Annuaire français du droit de l’urbanisme et de l’habitat AFDUH.
Assemblée Ass.
Bulletin Bull.
Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme BJDU (Revue)
Bulletin juridique des collectivités locales BJCL (Revue)
Bulletin officiel du ministère de l’Urbanisme, du Logement, des
Transports et de l’Environnement BOMULTE
Chroniques Chron.
Code général des collectivités territoriales CGCT.
Coefficient d’occupation des sols COS
Conclusion concl.
Conseil d’État CE
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme CESDH
Dalloz D.
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen DDHC
Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen DUDH
Droit au logement opposable DALO
Établissement public de coopération intercommunale EPCI
Études et documents du Conseil d’État EDCE
Fédération française du bâtiment FFB
Groupement de recherches sur les institutions et le droit de
l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat GRIDAUH
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Ibidem, au même endroit Ibid.
Institut national de la statistique Insee
Journal des tribunaux JT
Journal officiel de la République française JORF
Juris-classeur J.-Cl.
Les Petites Affiches LPA (Revue)
Not In My Back Yard : Pas dans mon arrière-cour NIMBY
Not In My Field Of Sight : Pas dans mon champ de vision NIMFOS
Opus citatum, œuvre déjà citée Op. cit.
Plafond légal de densité PLD
Plan local d’urbanisme PLU
Question prioritaire de constitutionnalité QPC
Recueil Rec.
Règlement national d’urbanisme RNU
Revue Administrative Rev. Adm. (Revue)
Revue Droit administratif RDA (Revue)
Revue de droit de l’immobilier RDI (Revue)
Revue du droit public et de la science politique en France et à
l’Étranger RDP (Revue)
Revue française de droit administratif RFDA (Revue)
Revue Responsabilité civile et assurance RCA (Revue)
Revue trimestrielle de droit civil RTD civ. (Revue)
Revue trimestrielle de droit européen RTD eur. (Revue)
Salon de l’immobilier d’entreprise SIMI
Section Sect.
Semaine juridique JCP (Revue)
Service de l’observation et des statistiques SOeS
Sous-sections réunies SSR
Traité instituant la Communauté européenne TCE
Union des constructeurs immobiliers UCI
Voir V.
Zone d’aménagement concerté ZAC
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SOMMAIRE
TITRE 1er : UN DROIT AFFAIBLI, IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ
DES PERMIS DE CONSTRUIRE _______________________________________ 31
CHAPITRE 1 : L’insécurité juridique, une réalité ________________________ 33
CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien, facteur d’insécurité _________________ 75
CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur d’insécurité ____________ 151
TITRE 2nd : UN DROIT POSITIF À ACTUALISER POUR ENDIGUER LES
RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES PERMIS DE CONSTRUIRE ___ 211
CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs __ 213
CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre __________________________________ 259
CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation _______________________ 345
CONCLUSION GÉNÉRALE __________________________________________ 413
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INTRODUCTION
L’époque la plus favorable pour la
répression d’un abus, c’est le jour où on le
découvre.
Jérémie BENTHAM2
Avec l’augmentation du nombre de mises en chantier impulsées par la politique de
renouvellement urbain tant en matière de logements qu’en matière de centres
d’affaires, les recours contre les permis de construire se multiplient rapidement. Cette
multiplication des contentieux administratifs est source d’insécurité pour le
bénéficiaire du permis de construire et ce d’autant plus que les permis de construire
sont presque systématiquement attaqués et de plus en plus souvent font l’objet de
recours abusifs c’est-à-dire des recours introduits par des requérants qui poursuivent
des fins illégitimes. Face au nombre de recours abusifs, le bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme voit ses coûts et ses délais de construction augmenter.
Les recours exercés par les tiers contre les permis de construire ne sont pas
critiquables par eux-mêmes puisque le droit au recours est un droit fondamental qui
protège des abus et des erreurs de l’Administration. Si nul n’a de droit acquis au
maintien d’une réglementation, chacun a droit a minima à l’application de la
2 BENTHAM (J.), Ouvrage Collectif de MM SAUNIER, DONDEY-DUPRE, CHARLES
COQUEREL, LANGRAND, SEDILLOT, Revue Britannique ou choix d’articles traduits des
meilleurs périodiques de la Grande-Bretagne, Paris, Édition DONDEY-DUPREY Père & Fils, 1827,
384 p., Sophisme du pouvoir, 13e sophisme, p. 268.
Jeremy BENTHAM (1748-1832), était un philosophe londonien, jurisconsulte et réformateur
britannique. Fervent théoricien de la philosophie du droit et précurseur du libéralisme, il est reconnu
comme l’un des pères fondateurs de l’utilitarisme, une théorie qui place l’utile ou à tout le moins ce
qui contribue au bonheur au centre de l’action (pas d’action sans utilité). Il prônait la liberté
individuelle, la liberté d’expression, la liberté économique, la séparation de l’Église et de l’État,
l’abolition des peines physiques dont la peine de mort, l’égalisation du droit au divorce, ou encore la
dépénalisation de l’homosexualité.
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réglementation en vigueur au moment des actes et opérations en cause3, ainsi que le
droit de faire valoir ses droits et de demander réparation d’un préjudice ou la
cessation d’un trouble qu’il subit du fait d’une autorisation administrative. Mais ces
recours sont critiquables dès lors qu’ils deviennent abusifs. Le caractère abusif des
recours contre les permis de construire est parfois aisément décelable lorsque le
requérant est un concurrent qui n’a pas remporté le marché. En revanche, il l’est
beaucoup moins lorsqu’il est exercé par des riverains ou des associations de riverains
qui s’organisent pour exercer une sorte de « racket » sur les bénéficiaires de
l’autorisation d’urbanisme surtout si ces bénéficiaires sont des professionnels de la
construction. Le racket, c’est l’extorsion d’argent par intimidation ou violence4. Or,
dans les cas des permis de construire, certains recours sont manifestement exercés en
vue d’extorquer des fonds aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme par une
violence économique certaine compte tenu des enjeux économiques et humains
attachés à un programme de construction.
La pratique et les interpellations des professionnels de la promotion et de la
construction déplorent l’inefficacité du Droit positif pour endiguer ce phénomène.
Les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme ne sont pas seuls à souffrir de ce
phénomène. En effet, dès lors que les projets sont paralysés par des recours
injustifiés, c’est non seulement toute l’économie de la construction qui est mise à
mal, mais également celle des communes qui ne peuvent plus respecter leurs
objectifs de logements et de centres d’affaires, comme celle des futurs acquéreurs,
particuliers ou entreprises, et celle de l’État lui-même dont la responsabilité peut être
engagée en cas d’insuffisance de stock de logements. Face à ce constat, une réaction
s’impose. Mais comment, par quels moyens endiguer les recours abusifs et ainsi
sécuriser les permis de construire dans le respect des droits des tiers ?
Diagnostiquer une systématisation des menaces d’annulation des permis de
construire pour en chercher les remèdes suppose de souligner, dans cette
introduction, quelques chiffres (A.) et les enjeux posés par une telle systématisation
(B.) avant de déployer les grandes lignes de recherches et d’analyse de la présente
thèse (C.).
3 PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F. LACHAUME,
Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 807. 4 Définition du dictionnaire de la langue française éditée par la maison Larousse (ci-après Larousse).
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A. Le contexte en chiffre
Ponctuellement, la presse locale publie des articles sur l’augmentation des recours
abusifs voir mafieux exercés à l’encontre des permis de construire. À Marseille, par
exemple, la presse dénonce que 80 % des permis de construire accordés sont
attaqués5. En revanche, ce sont près de 100 % des permis de construire portant sur
des projets de grande ampleur ou sociaux qui sont attaqués. Elisabeth BORNE,
directrice de l’Urbanisme de la Ville de Paris déclare, ainsi, fin 2012 à la conférence
Cycle Marchés de l’immobilier du SIMI 2012 que « moins de 10 % des permis de
construire sont attaqués, mais tous les permis comportant d’importantes
infrastructures ou du logement social sont attaqués ». À cette même conférence, le
représentant de SEFRI-CIME, Claude CAGOL, déclare qu’« au cours de l’année
2012, 650 recours ont été déposés contre trois cents opérations immobilières dont
vingt-cinq mille logements sont concernés, soit un tiers de la production actuelle de
logements en France ».
L’Institut national de la statistique (Insee) et le Service de l’Observation et des
Statistique (SOeS) met en ligne des données issues de la base Sit@del. Ces données
proviennent des formulaires de permis de construire. Ces informations de nature
statistique contenues dans ces formulaires et nécessaires à l’élaboration des séries
publiées sont transmises aux services statistiques centraux et régionaux du ministère
de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.
L’ensemble des mouvements relatifs à la vie du permis qu’il s’agisse du dépôt, de
l’autorisation, des modificatifs, de la mise en chantier, ou encore de l’achèvement
des travaux, est exploité par cette base de données accessible depuis le site de l’Insee
Il ressort que pour l’ensemble des logements (individuels purs, individuels groupés,
collectifs et résidences) à l’échelle de toute la France (métropole et hors métropole)
le nombre de permis délivrés – exception faite de l’année 2007 – n’a cessé de croître.
5 EMERY (P.) LA DEPECHE.FR, Actualités, Urbanisme, Permis de construire, les recours explosent,
9 juin 2012 ; pour une autre illustration voir La Provence Édition Marseille, L’Immobilier, 70 % des
permis de construire sont attaqués, 7 févr. 2011, ou encore DEQUEANT (J.) LE MONITEUR.FR,
Actualité, Urbanisme : la guerre aux recours abusifs est déclarée, 17 juill. 2013, ou encore,
L’immobilier a ses maîtres chanteurs. À Marseille 70 % des permis de construire sont contestés en
justice. Démarche qui cache souvent des pratiques crapuleuses, La Provence, 23 oct. 2012 ; ou bien
encore La voix du nord, Economie, 2013 A.F.P., Construction de logements : haro sur les recours
abusifs, 17 juill. 2013.
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Le nombre de permis annulés suit également une tendance haussière.
Malheureusement, il n’existe pas de statistique relative au nombre de recours
contentieux déposés à l’encontre d’un permis de construire, tronquant partiellement
l’analyse. Néanmoins, il apparaît intéressant de donner un ordre d’idées du nombre
statistique de permis délivrés (1.) et du nombre statistique de permis annulés (2.).
1) Nombre de permis délivrés pour l’ensemble des
logements sur la France
ANNÉE TOTAL
2002 383 206
2003 405 974
2004 492 805
2005 547 477
2006 592 891
2007 48 337
2008 483 379
2009 393 937
2010 453 542
2011 534 804
2012 495 496
2013 301 700
-
100 000
200 000
300 000
400 000
500 000
600 000
200220032004200520062007200820092010201120122013
Nombre de permis (PC et PA) délivrés
Nombre depermisdélivrés
Est ici pris en compte l’ensemble des permis délivrés c’est-à-dire les permis de construire et les
permis d’aménager. Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le
SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de l’auteur.
À ces données, il faut également ajouter un focus spécifique sur le nombre de permis
de construire délivrés chaque année pour la France entière par opposition à la somme
des permis délivrés (tous types confondus) présentée dans le premier graphique ci-
dessus.
ANNÉE TOTAL
2002 387 862
2003 399 201
2004 423 808
2005 438 998
2006 443 494
2007 429 876
2008 383 487
2009 330 804
2010 376 909
2011 379 537
2012 328 946
2013 294 446
200 000
250 000
300 000
350 000
400 000
450 000
500 000
Nombre de PC délivrés
Nombre dePCdélivrés
Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS. Mais le
graphique est l’œuvre de l’auteur.
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La confrontation de ces données montre que le nombre des permis de construire
délivrés chaque année tend à baisser. Ce constat contredit une « vérité
journalistique » selon laquelle il y aurait de plus en plus de permis de construire donc
de plus en plus de recours donc de plus en plus d’annulations. En réalité, les chiffres
recensés par le SOes indiquent clairement que la tendance générale du nombre de
permis délivrés est à la baisse.
2) Augmentation du nombre de permis6 annulés pour
l’ensemble des logements
ANNÉE TOTAL Nombre de permis annulés
2002 34 109
2003 31 017
2004 30 975
2005 32 246
2006 34 407
2007 39 383
2008 57 646
2009 67 223
2010 53 344
2011 69 232
2012 61 894
2013 51 713
2014* 27 327
* jusque juillet 2014
25 000
35 000
45 000
55 000
65 000
Nombre de permis annulés
Nombredepermisannulés
25 000
30 000
35 000
40 000
45 000
50 000
55 000
60 000
65 000
70 000
Nombre de permis autorisés annulés
Nombrede permisautorisésannulés
Sont ici pris en compte tous les permis de construire et les permis d’aménager. Les chiffres retenus
sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de
l’auteur.
Parallèlement, le nombre de permis annulés – il s’agit ici de tous les types de permis
confondus – a une tendance générale haussière. Là encore, la « vérité journalistique »
qui veut qu’il y ait de plus en plus d’annulations parce que de plus en plus de permis
délivrés est démentie. La conclusion est, au contraire qu’il y a de moins en moins de
permis de construire délivrés mais de plus en plus d’annulations des permis délivrés
même si les volumes sont différents.
6 Sont ici pris en compte tous les permis de construire et les permis d’aménager. Les chiffres retenus
sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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Cependant, il n’existe pas de statistique recensant le nombre de recours contentieux
introduits par les tiers. Et cela est évidemment frustrant. Les statistiques
juridictionnelles ne sont quant à elles pas assez précises en la matière. En effet, si les
statistiques juridictionnelles révèlent une augmentation des recours, elles ne la
chiffrent pas précisément. Le Conseil d’État dans sa plaquette « La justice
administrative en bref » du 22 avril 2013 indique que le contentieux administratif est
en forte croissance. Depuis le début des années 2000, le contentieux administratif
progresse chaque année en moyenne de 6,5 % pour les tribunaux administratifs, et de
10 % pour les cours administratives d’appel. En dix ans, le nombre d’affaires portées
devant le juge administratif a augmenté de 96 % devant les tribunaux administratifs
et de 164 % devant les cours administratives d’appel. Et les recours pendants devant
les juridictions concernent environ vingt-cinq mille à trente mille logements7. Le
Conseil d’État observe que cette évolution est en partie due à la montée en puissance
du droit de l’urbanisme. Hélas, ces données manquent de précision pour être
parfaitement exploitables. En dépit de ce manque de données chiffrées sur le nombre
de contentieux relatifs aux permis de construire, il est de bonne logique de dire que
tous les recours n’aboutissent pas systématiquement à une annulation, et qu’en
conséquence, le nombre de recours contentieux portés à la connaissance du juge est
supérieur au nombre de permis annulés. Cela étant, au-delà de cette déduction
logique, il n’en demeure pas moins que nous ne connaissons pas avec précision le
nombre de recours contentieux exercés à l’encontre des permis de construire et a
fortiori le nombre de ces recours qui peuvent être qualifiés d’abusifs. Le groupe de
travail missionné par le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, alors
incarné par Cécile DUFLOT et présidé par le président LABETOULLE a
expressément déploré la « quasi-disparition de l’appareil statistique qui a existé dans
le passé et qui, offrant des données fiables sur les décisions administratives prises en
application du Code de l’urbanisme et sur les recours auxquels elles donnaient lieu,
permettaient (sic) d’établir des diagnostics mieux étayés8. »
Est-ce à dire que le postulat de multiplication des recours abusifs ne repose sur rien ?
Non, bien entendu, non, car les professionnels de la promotion recensent en interne
les recours exercés par des tiers sur leurs permis, et ils font des statistiques et
7 Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au
contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des
contentieux. 8 Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile DUFLOT,
Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au recours : pour un
meilleur équilibre, p. 33, consultable sur www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf.
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identifient la masse que représentent les recours abusifs exercés contre leurs permis
de construire. Ils identifient d’autant plus cette masse qu’elle a un coût financier
certain. Si ces chiffres restent confidentiels pour des raisons économiques évidentes,
les professionnels de la construction communiquent entre eux et font remonter
l’information aux pouvoirs législatif et exécutif. À titre d’illustration, soulignons que
la Fédération Française du Bâtiment s’en est fait l’écho à travers divers
communiqués de presse9.
Le Gouvernement a pris conscience de ce phénomène de multiplication des recours
abusifs exercés à l’encontre des permis de construire. Le contentieux de l’urbanisme
est désormais connu comme un contentieux « abondant, sophistiqué et efficace10
».
Au cours de l’été 2012, le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement
indique de manière informelle, sans donner de chiffres précis, qu’une « grande partie
des permis de construire sont attaqués, parfois dans une logique quasiment mafieuse
pour avoir de l’argent. On doit y mettre fin et raccourcir les délais, les diviser par
deux. On va modifier le traitement administratif et sanctionner plus durement les
recours abusifs11
». Plus officiellement, le Ministre annonce, à Deauville au 42e
congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers, vouloir réformer l’urbanisme
et travailler précisément sur l’identification des recours abusifs contre les permis de
construire. Le 14 mai 2013, le site officiel du ministère de l’Égalité des territoires et
du Logement publie dans ces actualités un article intitulé « Simplification des
normes et procédures administratives dans le secteur du logement ». Le 2 mai 2013,
le Ministre présente, en Conseil des Ministres, un projet de loi habilitant le
Gouvernement à légiférer par ordonnances. Le but est de faciliter la réalisation
d’opérations de construction de logements considérés d’intérêt général et d’apporter
un certain nombre de remèdes en matière de contentieux juridiques et de lutter contre
les recours abusifs. Puis, par la loi promulguée le 1er
juillet 2013, le Gouvernement
est habilité à prendre par voie d’ordonnances des mesures législatives pour faciliter
la réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements.
Le 17 juillet 2013, le Ministre présente une ordonnance qui vise à lutter efficacement
contre les recours manifestement malveillants et à réduire les délais de traitement des
9 Voir le communiqué de presse du 3 mai 2013 « Accélération des projets de construction : La FFB
salue un texte pragmatique » ; voir également La Lettre du 10 : Editorial du 5 juillet 2012 de Michel
SENECHAL, Président de la FFB Grand Paris « Interdire les recours abusifs contre les projets de
construction ». 10
TRAORE (S.), Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison, juill. 2012,
296 p., p. 238, no 510.
11 Intervention au micro de la Radio RMC le 22 mars 2013.
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litiges dans le domaine de l’urbanisme. Cette ordonnance no 2013-638 relative au
contentieux de l’urbanisme est adoptée le 18 juillet 201312
. Elle entre en vigueur un
mois après sa publication et comprend plusieurs dispositions applicables aux
procédures contentieuses en cours. L’analyse de cette ordonnance, en deuxième
partie de thèse, montre que la réforme s’inspire largement des propositions du
rapport LABETOULLE qui sont des propositions de qualité. Cependant, la réforme
s’éloigne parfois des propositions formulées, et perd ainsi parfois sinon en qualité au
moins en clarté et donc en sécurité juridique. En effet l’imprécision de certaines
dispositions rend la réforme « contentiogène ». La réforme n’a malheureusement pas
mis en place un outil statistique de mesure des contentieux. Ceci rend le calcul de
son efficacité difficile. Par ailleurs, l’avenir seul dira si cette réforme ambitieuse qui
se veut innovante endiguera effectivement les recours abusifs et sécurisera les permis
de construire.
B. Les enjeux en cause
Sécuriser les permis de construire contre les recours abusifs vise deux principaux
enjeux. Le premier enjeu consiste à endiguer l’apparition d’un marché
juridictionnalisé et toxique aboutissant à l’instrumentalisation de la justice comme
moyen de pression économique sur le bénéficiaire de l’autorisation contestée (1.). Le
second enjeu est de permettre l’avancement des travaux de construction pour
remédier notamment à la crise du logement (2.).
1) Endiguer un marché juridictionnel
En urbanisme, l’arrêté délivrant le permis de construire donne à son titulaire le droit
de construire. Mais cette autorisation administrative d’urbanisme est susceptible
d’être l’objet d’un recours en annulation. Ce droit au recours en demande
d’annulation de l’autorisation d’urbanisme se traduit lorsqu’il est abusif par un
véritable pouvoir de nuisance pour le bénéficiaire de l’autorisation, compte tenu des
12 Ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n
o 0166
du 19 juillet 2013 p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
25/480
enjeux humains, administratifs et financiers inhérents aux programmes de
construction. Un tel pouvoir de nuisance, de mieux en mieux organisé, fait émerger
un marché.
Économiquement, le marché s’entend classiquement du lieu, théorique ou non, où se
rencontrent l’offre et la demande de biens ou de capitaux. C’est un lieu d’échange
qui se caractérise, entre autres choses, par la fixation d’un prix et par la présence
d’une autorité de contrôle et de régulation des abus. La multiplication des recours
abusifs diligentés contre les permis de construire coïncide avec cette définition. En
effet, en matière de permis de construire et plus précisément de recours contentieux
contre les permis de construire, il y a d’un côté des tiers qui attaquent ces permis
dans le but d’imposer leurs conditions à la construction. D’un autre côté, il y a les
titulaires du permis de construire qui demandent à construire aux conditions du
permis déposé et obtenu. Or, à partir du moment où des tiers saisissent un juge pour
imposer leurs conditions à la construction, la justice est d’une certaine manière
instrumentalisée. Et le juge administratif saisi fait figure d’arbitre. Tandis que le
tribunal fait, quant à lui, figure de marché où s’égrainent des recours malveillants car
le droit positif ne permet pas de filtrer ces recours.
En pratique, et par opposition au tiers de bonne foi, le tiers qui exerce un recours
abusif ne poursuit pas un intérêt légitime. Il n’est pas, réellement, en mesure de se
prévaloir d’un réel préjudice. Il cherche, en réalité, à monnayer la renonciation à sa
demande d’annulation de l’autorisation de construire, soit par dédommagement, soit
par aménagement du projet autorisé. Ce marchandage où le juge fait office d’autorité
de régulation, comme sur un marché lambda, conduit à la naissance d’un marché
juridictionnalisé néfaste pour l’économie de la construction et pour l’équité. En
outre, l’instrumentalisation du recours contre le permis de construire conduit à une
financiarisation du droit au recours et conduit à la naissance d’un cours du préjudice
allégué sous le contrôle – trop faible ou impuissant – d’un juge administratif démuni
des outils de régulation des abus.
Par voie de conséquence, ce sont les prix de la construction et donc les acquéreurs et
les utilisateurs qui supportent les conséquences négatives du coût et des délais de ces
contentieux. Ce qui n’est pas, non plus sans avoir des conséquences, en matière
d’emploi, compte tenu des coûts et des risques d’abandon des projets litigieux. Un tel
marchandage judiciaire débouche en pratique sur des transactions coûteuses pour le
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
26/480
bénéficiaire de l’autorisation de construire. Et cela n’est pas acceptable au regard des
exigences de bonne justice. Il n’est pas davantage acceptable pour l’économie que ce
pouvoir de nuisance ralentisse les programmes de construction et compromette, dans
certains cas, purement et simplement certains programmes. Et cela pose évidemment,
aussi, un problème en matière d’objectifs de constructions de nouveaux logements,
sociaux ou non, et de centres d’affaires, notamment sur les marchés tendus13
.
Endiguer le phénomène des recours abusifs avec instrumentalisation du juge
administratif est donc l’un des deux principaux enjeux dans la sécurisation des
permis de construire. À cet enjeu, s’ajoute celui de la création de bâti et notamment
de logements.
2) Remédier à la crise du logement
L’État traverse une ère de volonté de densifier le bâti des territoires. Or, lorsque la
construction est paralysée par des recours injustifiés, l’État s’en trouve doublement
touché.
D’une part, en application de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au
logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dite
loi DALO, la responsabilité pour faute de l’État peut être engagée. Dès lors que les
communes n’assurent pas la mise à disposition de nouveaux logements comme le
prévoient les différents programmes pour l’habitat, l’État manque à son obligation de
satisfaire aux demandes de logement. Or, cette obligation est une obligation de
résultat qui, en cas de carence de l’État, peut entraîner la mise en jeu de sa
responsabilité pour faute14
.
D’autre part, l’État réalise un manque à gagner lorsqu’in fine c’est toute une
économie qui se trouve mise à mal par la multiplication des recours abusifs.
13 Les marchés tendus sont des zones de tensions locatives où la demande a augmenté plus que l’offre
de logement. Cette croissance s’explique par un dynamisme démographique et économique, ou par un
attrait touristique ou encore par des effets de reports géographiques par rapport à d’autres zones
encore plus tendues. Il s’agit essentiellement de la région parisienne et de l’Île-de-France et de la
région PACA (Provences-Alpes Côtes d’Azur). 14
V. sur ce point la Synthèse le DALO de BROUANT (Ph.) et JEGOUZO (Y.), article collectif, sous
la direction du Groupement de recherches sur les institutions et le droit de l’aménagement, de
l’urbanisme et de l’habitat (GRIDAUH), Mission de recherche droit et Justice, 2011, 10 p., sept. 2011.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
27/480
Rappelons que le principal problème pour le pétitionnaire lorsqu’il y a un recours
contre le permis de construire, c’est l’impossibilité de commercialiser les lots. C’est
aussi pour une entreprise qui commande la construction d’une nouvelle infrastructure
d’activité, l’impossibilité de commencer cette activité, l’impossibilité d’acheter le
matériel nécessaire tout comme l’impossibilité de recruter plus pour se développer
comme elle l’envisageait. C’est enfin l’impossibilité pour l’État de tenir son
engagement de construire cinq cent mille logements par an, dont cent cinquante mille
logements sociaux. Or, l’enjeu est considérable.
Par exemple, à l’échelle de Marseille, cinq mille logements seraient concernés
chaque année par des recours abusifs, avec dix mille recours abusifs en cours
recensés par le Gouvernement, alors que la production annuelle pour l’ensemble du
département des Bouches-du-Rhône est en moyenne de six mille logements15
.
Les enjeux sont tels que le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, alors
incarné par Cécile DUFLOT, présente le 26 juin 2013 son projet de loi pour l’accès
au logement et un urbanisme rénové16
dit projet de loi ALUR que l’un des volets de
la loi doit répondre à la crise du logement en construisant plus et mieux en préservant
les espaces naturels et agricoles. Pour ce faire, l’accent est mis sur la densification
des zones urbaines et surtout sur ce qui intéresse la présente thèse, l’accent est aussi
mis sur la régulation et la limitation des recours abusifs qui paralysent l’avancement
des travaux17
.
Le projet de loi est adopté en 2014 et devient la loi no 2014-366 du 24 mars 2014
pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Ces dispositions ont été
abondamment commentées en leur temps18
. Sur le sujet de la régulation des
15 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux. 16
Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, NOR : ETLX1313501L/Bleue-1,
25 juin 2013. 17
V. Sect. 5, Chap. IV, Titre IV, Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové,
p. 160. 18
Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové JORF n
o 0072
du 26 mars 2014, p. 5809, texte no 1, NOR : ETLX1313501L.
Cette loi a été abondamment commentée :
Cf. Dossier AJDA intitulé ALUR : une grande loi ou simplement une loi volumineuse ?, AJDA,
no 19/2014, 2014, contenant les contributions de JEGOUZO (Y.), La loi ALUR du 24 mars 2014 : vue
panoramique et tableau impressionniste, p. 1071 ; ZITOUNI (F.), La loi ALUR et les politiques
locales de l’habitat, p. 1076 ; SOLER-COUTEAUX (P.) et LAVIELLE (N.), Le logement social,
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
28/480
contentieux, la loi est décevante. Elle n’apporte pas de précision ni de solution
nouvelle pour endiguer le phénomène des recours abusifs. Seul l’article 172 du
Chapitre VI « Dispositions diverses » de la Section 7 consacrée à l’aménagement
opérationnel, du Titre IV intitulé « Moderniser les documents de planification et
toujours en quête de l’efficacité, p. 1082 ; LEBRETON (J.-P.), La planification urbaine dans la loi
ALUR, p. 1088 ; NOGUELLOU (R.), La loi ALUR et l’offre foncière, p. 1096 ; ROUQUET (Y.) et
GRAND (R.), Parution de la loi ALUR : ce qui change, D. actu., 27 mars 2014 Dossier dans la
revue A.J. Collectivités Territoriales, AJCT, 2014, 23 juill. 2014, avec les contributions de
STREBLER (J.-Ph.), Focus : La loi ALUR et le contenu des PLU, p. 360 ; PEYNET (Ph.), ALUR et
le droit de préemption, une occasion ratée ? p. 346 ; TRAORE (S.), Le plan local d’urbanisme
intercommunal et la loi ALUR, p. 350 ; STREBLER (J.-Ph.), La loi ALUR et les schémas de
cohérence territoriale, p. 355 Dossier AJDI, 2014, 28 mai 2014, avec les contributions de LA
VAISSIERE (F.), Loi ALUR : la censure du Conseil constitutionnel relative aux « personnes à
charge » est incomplète ! p. 325 ; WERTENSCHLAG (B.), Loi ALUR et logement social, p. 351 ;
DAMAS (N.), La loi ALUR et les baux d’habitation, p. 334 ; WERTENSCHLAG (B.) et GEIB (T.),
Le volet « environnement » de la loi ALUR, p. 372 ; LA VAISSIERE (de) (F.), La loi ALUR et les
expulsions locatives, p. 349 ; THIOYE (M.), Le renforcement de la formation, de la déontologie et du
contrôle des professions de l’immobilier, p. 362 Hors dossier, MALLET (E.), La loi ALUR est
publiée au Journal officiel, JCP N., Semaine Juridique (édition notariale et immobilière), 28 mars
2014, no 13, p. 5 à 8, actualité 434 ; DURAND-PASQUIER (G.), Un renforcement sensible de
l’encadrement de la vente d’immeuble, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 21 à 28, Com. Immobilier 1155 ;
DAUDRE (G.) et WALLUT (P.), Aperçu critique sur les dispositions de la loi ALUR relatives au
contrôle de l’usage d’habitation, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 33 à 38, Com. Immobilier 1157 ;
SALVADOR (O.), La loi ALUR : des avancées significatives en matière de sites et sols pollués, ibid.,
11 avr. 2014, no 15 p. 39 à 43, com. immobilier 1158 ; DUTRIEUX (D.), Loi ALUR, urbanisme et
pratique notariale, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 51 à 66, tableau (p. 66) et com. immobilier 1160 ;
LAFOND (J.), Loi ALUR : l’impact sur la rédaction des baux régis par la loi du 6 juin 1989, ibid., 11
avr. 2014, no 15, p. 67 à 81, Com. Immobilier 1161 ; LAFOND (J.), Baux d’habitation : se préparer à
la loi ALUR, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 81 à 86, tableau (p. 82 à 86) et com. immobilier 1162 ;
PUYGAUTHIER (J.-L.), La loi ALUR et la location meublée, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 87 à 95,
com. immobilier 1163 ; DUTRIEUX (D.), Loi ALUR, urbanisme et pratique notariale, ibid., 11 avr.
2014, no 15, p. 51 à 66, tableau (p. 66), com. immobilier 1160 ; Article collectif, Retour sur la loi
ALUR : dispositions fiscales, ibid., 23 mai 2014, no 21, p. 5, Actualités 625 BECQUE-ICKOWICZ
(S.), Les ventes immobilières après la loi ALUR, Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 543, rub.
Copropriété, réf. DEF116c2 ; CAPOULADE (P.), La copropriété dans la loi ALUR, Defrénois,
30 mai 2014, no 10, p. 550, rub. Copropriété, réf. DEF116d9 ; DE LA VAISSIERE (F.), Les
nouveautés du volet locatif de la loi ALUR, quelles conséquences pratiques pour les rédacteurs de
baux d’habitation ou mixtes et meublés en résidence principale ? Defrénois, 30 mai 2014, no 10,
p. 559, rub. Baux d’habitation et à usage mixte, réf. DEF116e2 ; MENG (J.-Ph.), La purge des droits
de préemption d’urbanisme après la loi ALUR du 24 mars 2014, Defrénois, 30 mai 2014, no 10,
p. 570, rub. Urbanisme, réf. DEF116e6 ; DAUDRE (G.) et MENG (J.-Ph.), Loi ALUR et urbanisme,
Protéger, densifier et aménager, Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 582, rub. Commerce, réf.
DEF116e8 MALLET (E.), La loi ALUR, no 2014-366 du 24 mars 2014, JCP E., Semaine Juridique
(édition entreprise), 3 avr. 2014, no 14, p. 12, Aff. 247 FRESNEAU (J-A), Nouvelle réforme de
l’urbanisme commercial, Premier volet : la loi ALUR, Gazette du Palais, 20 mai 2014, no 140, p. 4,
réf. Gazette 178z8 ; ZALEWSKI-SICARD (V.), Les baux d’habitation dans la loi ALUR, davantage
de protections pour les locataires et de contraintes pour les bailleurs, Gazette du Palais, 20 mai 2014,
no 140, p. 9, réf. Gazette 178x4.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
29/480
d’urbanisme » se borne à ratifier l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme, sans plus de précision.
Par ailleurs, l’enjeu économique est important également en matière d’emplois. En
effet, près de quinze mille emplois seraient concernés19
.
C. Problématique et annonce du plan
La systématisation des menaces d’annulation des permis de construire ralentit la
construction des logements sociaux, privés et de nouveaux centres d’affaires. Ce
faisant, elle aboutit à la naissance d’un marché juridictionnalisé et toxique dont il
faut identifier les limites et les remèdes. La question peut donc être formulée de la
manière suivante. Quelle est la réalité du phénomène de multiplication des recours
abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme ? Quel en est l’effet sur la
sécurité juridique des bénéficiaires de ces autorisations attaquées ? Quels en sont les
remèdes et quelles sont les limites de ces remèdes ? C’est à cette problématique que
la présente thèse répond.
L’importance croissante des recours abusifs contre les permis de construire oblige,
d’une part, à constater l’inefficacité du droit positif à résoudre le dilemme qui oppose
le respect du droit au recours des tiers à l’exigence de sécurité juridique du titulaire
du permis de construire (Titre 1er
). D’autre part, elle impose l’identification de
solutions permettant de sécuriser les permis de construire contre les recours abusifs
tout en respectant le droit au recours. Ces solutions existent déjà partiellement soit en
droit interne, soit en droit communautaire ou en droit étranger, tandis que d’autres
sont à créer (Titre 2nd
).
Ce plan a été retenu pour les raisons suivantes.
S’agissant du premier axe de réflexion, nous avons constaté, au cours de nos
recherches, qu’il y a, d’une part, des faiblesses structurelles propres au droit de
19 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
30/480
l’urbanisme qui sont en partie à l’origine du phénomène de multiplication des
recours abusifs et que, d’autre part, il y a en parallèle un besoin d’une meilleure
sécurité juridique pour endiguer le phénomène de multiplication des recours
malveillants. Nous nous sommes donc attaché, dans le premier temps de la présente
thèse, à vérifier et à analyser la réalité du phénomène de multiplication des recours
malveillants ainsi qu’à rechercher les causes de ce phénomène. Cette analyse met en
évidence un droit de l’urbanisme impropre à assurer la sécurité juridique du
pétitionnaire tandis qu’une meilleure sécurité juridique apparaît nécessaire dans les
rapports entre les tiers et le pétitionnaire. C’est pourquoi nous avons fait le choix
d’intituler notre première partie « un Droit affaibli, impropre à garantir la sécurité
des permis de construire ». Ce premier axe intègre la présentation du cadre juridique
mis en place par la réforme des contentieux de l’urbanisme opérée en 2013.
Toutefois, pour des raisons de cohérence avec notre raisonnement, il n’est pas fait un
commentaire détaillé de la réforme de 2013 dans le premier axe. Ce commentaire est
fait dans l’axe second de nos développements, consacrés à l’actualisation du droit
positif et à l’identification des moyens d’amélioration du droit de l’urbanisme en la
matière.
S’agissant du second axe, après avoir fait le diagnostic de la situation problématique
posée par le phénomène de multiplication des recours abusifs, il s’est imposé comme
une évidence d’analyser les solutions envisageables pour améliorer la sécurité
juridique dans les rapports entre les tiers et le pétitionnaire et pour endiguer in fine le
phénomène de multiplication des recours malveillants. En effet, en droit comme en
médecine, si le diagnostic est un temps important de l’analyse d’une situation
problématique, la thérapeutique l’est tout autant. Ainsi, la seconde partie de notre
réflexion est consacrée à l’analyse de la thérapeutique juridique qui peut être retenue
pour répondre à la problématique. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’intituler
notre seconde partie « un droit positif à actualiser pour endiguer les recours abusifs et
sécuriser les permis de construire ».
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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TITRE 1er
: UN DROIT AFFAIBLI,
IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ
DES PERMIS DE CONSTRUIRE
Face à la multiplication des recours abusifs contre les permis de construire, le droit
positif est inefficace. Le phénomène de multiplication des recours abusifs est le fait
de requérants qui opèrent des détournements de procédure à de viles fins. Affaibli et
impuissant le droit positif ne saurait être satisfaisant (Chapitre 1). La faiblesse du
droit positif est intrinsèque et difficile à résoudre. En effet, le droit au recours et
l’exigence de sécurité juridique de l’autorisation d’urbanisme sont, ici, antinomiques.
Concrètement, ils posent un dilemme que le droit positif échoue à résoudre
engendrant l’insécurité juridique pour les bénéficiaires du permis de construire
(Chapitre 2). Ce constat n’est pas nouveau. C’est pourquoi des réformes ont été
proposées et certaines adoptées. Mais même les plus pertinentes sont demeurées
timides et ont échoué à résoudre ce dilemme (Chapitre 3).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
32/480
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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CHAPITRE 1 :
L’insécurité juridique, une réalité
Le permis de construire est un acte administratif particulier. En matière d’urbanisme,
les servitudes d’urbanisme étant tellement variables et complexes, le principe nemo
censetur ignorare legem20
ne s’applique pas. Ce qui est une exception au système
libéral où tout ce qui n’est pas interdit est permis. En matière d’urbanisme, il faut
donc faire une demande d’autorisation de construire. Ainsi, pour les constructions
nouvelles d’une certaine envergure ou pour les réhabilitations lourdes de
constructions existantes telles que visées par le Code de l’urbanisme, le pétitionnaire
dépose un dossier à l’administration en vue d’obtenir une autorisation d’urbanisme,
qui est ici au cas particulier, un permis de construire. Exerçant un contrôle préventif
sur le respect des règles d’utilisation du sol par le projet du pétitionnaire,
l’administration étudie la demande et délivre ou non l’autorisation d’urbanisme
demandée.
Ainsi, le permis de construire est une autorisation d’urbanisme qui confère le droit de
construire son projet au pétitionnaire dans les conditions de l’autorisation délivrée
par l’administration. Il ne s’agit, bien entendu, pas d’un droit absolu soustrait au
recours des tiers. Simple procédé de police administrative, le permis de construire
n’est qu’une autorisation de faire, dès lors il ne saurait porter atteinte aux droits des
tiers. Tout tiers qui en subirait un préjudice est donc en droit de demander
l’annulation du permis dès lors qu’il y a intérêt. Pour ce faire, le droit lui offre
plusieurs voies d’action pour critiquer l’autorisation litigieuse (Section 1). Le recours
pour excès de pouvoir mérite une attention particulière. Il obéit à un régime strict qui
soumet le requérant à des conditions restrictives. Néanmoins, ce régime juridique
permet l’émergence d’abus dans l’exercice des recours pour excès de pouvoir visant
à obtenir l’annulation de l’autorisation d’urbanisme. En effet, la rentabilité
potentielle et sous-jacente à l’exercice d’un tel recours suscite depuis quelques
années un empressement et une opiniâtreté de tiers malveillants dans l’exercice des
recours contentieux devant le juge administratif pour demander l’annulation du
20 Nul n’est censé ignorer la loi.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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permis de construire. Dans la plupart des recours abusifs, rappelons qu’obtenir
l’annulation du permis de construire n’est pas le but recherché. Le but véritable est
d’obtenir des avantages en nature. Ces avantages consistent à obtenir un lot à
moindre coût dans le projet critiqué, ou une modification dudit projet ou encore un
dédommagement pécuniaire substantiel. Ces avantages ont comme vecteur commun
un moyen de pression légal et efficace à savoir la requête en annulation. En effet,
cette dernière est susceptible de conduire à l’annulation du permis de construire
(Section 2).
SECTION 1 : Une autorisation administrative fragile
Le permis de construire est d’abord une autorisation d’urbanisme et plus précisément
une autorisation administrative. Comme toute autorisation administrative, le permis
de construire qui est délivré à l’issue d’une procédure réglementée permet à
l’administration de s’assurer du respect, par le projet de construction envisagé, des
règles d’urbanisme et des servitudes d’utilité publique. La procédure préalable à la
délivrance de cette autorisation obéit à des règles rigoureuses et permet le contrôle de
la légalité. Ce contrôle est renforcé par l’application de la règle la plus sévère. Pour
autant, cette autorisation ne bénéficie pas d’une présomption irréfragable de légalité.
En effet, toute personne ayant intérêt à agir peut contester la légalité de cette
autorisation. Si cette possibilité est un gage de sécurité juridique pour les
administrés, elle aussi la cause de la fragilisation des autorisations d’urbanisme. Et
lorsque le tiers requérant est un requérant acharné ou malveillant, le contrôle de
légalité ouvert aux tiers n’est plus un gage de sécurité juridique mais ouvre la voie
d’une insécurité juridique déraisonnable pour les bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme.
Il convient donc de présenter cette autorisation administrative particulière (I.) et
d’analyser dans quelles mesures les tiers peuvent fragiliser cette autorisation (II.)
I. Une autorisation administrative
Le permis de construire est nécessaire pour un certain nombre de constructions
neuves ou pour entreprendre des travaux de grande ampleur (A.). C’est un acte
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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administratif individuel qui permet à l’administration de vérifier la conformité d’un
projet de construction aux règles d’urbanisme en vigueur (B.).
A. Objet de l’autorisation
Régi par les articles R.* 421-14 du Code de l’urbanisme et suivants, le permis de
construire se distingue du permis d’aménager, régi quant à lui par les articles
R.* 421-19 et suivants du même code.
À la différence du permis d’aménager qui autorise un aménagement, le permis de
construire autorise une construction neuve ou l’entreprise de travaux lourds définis
par la loi. Pour des raisons de lisibilité, la présente thèse se concentre sur le cas
particulier du permis de construire et ne porte pas sur le permis d’aménager et ses
spécificités. Nous nous bornerons seulement à rappeler que le permis d’aménager se
distingue du permis de construire non pas par sa nature mais par son objet et la
nature des travaux visés. En effet, il vise les créations ou les agrandissements de
terrains de camping, les réalisations d’importantes opérations de lotissement ou
encore des opérations de surélévation ou de creusage, dites opérations
d’exhaussement et d’affouillement du sol supérieures à deux mètres et portant sur
une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés. Le permis de construire
suppose, quant à lui, des constructions neuves ou un certain nombre de travaux
portant sur des constructions existantes. Ces travaux sont notamment des travaux
ayant pour effet la création d’une surface de plancher21
ou d’une emprise au sol22
21 La surface de plancher d’une construction correspond à une somme de surface sous réserve d’un
certain nombre de déductions. Elle est la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et
couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction : des surfaces correspondant à
l’épaisseur des murs périmétriques extérieurs, des vides et trémies, des surfaces de plancher d’une
hauteur sous plafond inférieure ou égale à 1,80 mètre, des surfaces de plancher aménagées en vue du
stationnement des véhicules, y compris les rampes d’accès et les aires de manœuvres, des surfaces de
plancher des combles non aménageables pour l’habitation ou pour des activités à caractère
professionnel, artisanal, industriel ou commercial, des surfaces de plancher des locaux techniques, des
surfaces de plancher des caves ou des celliers, annexes à des logements, dès lors que ces locaux sont
desservis uniquement par une partie commune et enfin, déduction faite d’une surface égale à 10 % des
surfaces de plancher affectées à l’habitation telles qu’elles résultent le cas échéant de l’application des
alinéas précédents, dès lors que les logements sont desservis par des parties communes intérieures
(Code de l’urbanisme, art. R.* 112-2, modifié par décret no 2011-2054, 29 déc. 2011, art. 1).
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supérieure à vingt mètres carrés ou ayant pour effet la création d’une surface de
plancher ou d’une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés dans les zones
urbaines d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.
Sont encore concernés les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres
carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol,
lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la
construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 du Code de
l’urbanisme. Sont également visés les travaux ayant pour effet de modifier les
structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent
d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article
R. 123-9 du Code de l’urbanisme. Ces destinations sont l’habitation, l’hébergement
hôtelier, les bureaux, les commerces, l’artisanat, l’industrie, l’exploitation agricole
ou forestière ou encore la fonction d’entrepôt23
. Sont encore visés les travaux
modifiant par leur nature ou leur localisation la destination de l’immeuble en cause24
.
Le permis de construire a donc un champ d’application précis. Il a également une
forme et une valeur particulière. C’est un arrêté d’urbanisme.
B. Nature et régime de l’autorisation
Autorisation préalable de nature individuelle, le permis de construire, et plus
largement l’autorisation d’urbanisme, a pour but de vérifier que le projet de
construction envisagé respecte les règles d’urbanisme et de construction en vigueur.
Il convient de présenter la nature de cette autorisation (1.) et son régime (2.).
1) Nature de l’autorisation
Le permis de construire, comme le permis d’aménager, est une autorisation
administrative de construire. Cette décision administrative prend la forme d’un arrêté
22 L’emprise au sol est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs
inclus (Code de l’urbanisme, art. R.*420-1, créé par décret no 2011-2054, 29 déc. 2011, art. 2).
23 Code de l’urbanisme, art. R.* 421-14.
24 Code de l’urbanisme, art. L. 421-1 al. 2.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
37/480
municipal quand il est délivré par le maire ou d’un arrêté préfectoral quand il est
délivré par le préfet. L’arrêté vaut pour l’opération visée par la demande de permis.
Le permis de construire n’est définitif qu’en l’absence de recours dans le délai de
deux mois à compter de son affichage sur le terrain ou de retrait dans le délai de trois
mois après la date du permis, en effet, l’autorité compétente peut le retirer, si elle
l’estime illégal. Introduire un recours contre un permis de construire ou attaquer un
permis de construire signifie en réalité que l’arrêté municipal ou préfectoral est mis
en cause par un tiers. Ce dernier a l’obligation parallèlement à l’introduction de son
recours en justice d’informer dans les quinze jours le bénéficiaire.
Ainsi, le permis de construire est une autorisation administrative d’urbanisme qui
émane soit du maire soit du préfet. Plus précisément, si la commune est dotée d’un
plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un document d’urbanisme équivalent, le maire
est compétent pour délivrer le permis de construire au nom de la commune. À défaut
de tels documents, la compétence revient aux autorités de l’État, le permis de
construire est alors délivré par le préfet ou le maire au nom de l’État. En effet, aux
termes du Code de l’urbanisme, l’autorité compétente pour délivrer le permis de
construire est :
a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées
d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu,
ainsi que, lorsque le conseil municipal l’a décidé, dans les communes qui se
sont dotées d’une carte communale ; lorsque le transfert de compétence à la
commune est intervenu, ce transfert est définitif ;
b) Le préfet ou le maire au nom de l’État dans les autres communes. Lorsque
la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l’avis du maire ou du
président de l’établissement public de coopération intercommunale
compétent25
.
Et par exception, l’autorité administrative de l’État est également compétente pour se
prononcer sur un projet portant sur :
a) Les travaux et constructions réalisés pour le compte d’États étrangers ou
d’organisations internationales, de l’État, de ses établissements publics et
concessionnaires ;
25 Code de l’urbanisme, art. L. 422-1 al. 1
er.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
38/480
b) Les travaux et constructions de stockage d’énergie ;
c) Les travaux et constructions réalisés à l’intérieur des périmètres des
opérations d’intérêt national mentionné à l’article L. 121-226
;
d) Les opérations de logement situées dans les secteurs arrêtés par le préfet
en application du deuxième alinéa de l’article L. 302-9-127
du Code de la
construction et de l’habitation ;
e) Les logements construits par des sociétés de construction dans lesquelles
l’État détient la majorité du capital ;
f) Les ouvrages, constructions ou installations mentionnés à l’article L. 2124-
18 du Code général de la propriété des personnes publiques28
.
Nous insistons sur cette notion de compétence car elle est toujours critiquée par les
tiers dans leur requête en annulation.
Que ce soit le maire ou le préfet, l’autorité compétente n’a pas un pouvoir
discrétionnaire. En effet, elle doit, aux termes de l’article L. 422-4 alinéa 1er
du Code
de l’urbanisme, recueillir l’accord ou l’avis des autorités ou commissions
compétentes pour statuer sur la demande de permis.
Dans le même sens, l’article L. 422-5 du Code de l’urbanisme prévoit qu’en
l’absence de plan local d’urbanisme ou de documents d’urbanisme, le maire ou le
président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) recueille
l’avis conforme du préfet. Pour mémoire, les EPCI sont des regroupements de
communes. Ils ont pour objet d’élaborer des projets communs de développement au
sein d’un périmètre dit de solidarité. Les communautés urbaines, ou encore les
communautés d’agglomération ou de communes sont des EPCI tout comme les
syndicats de communes ou d’agglomération nouvelle (Sénart). Dans ce cadre, une
commune peut déléguer à un EPCI, dont elle est membre, la compétence pour
délivrer les permis de construire. En conséquence de quoi, les EPCI sont
subordonnés à des règles homogènes.
26 C’est-à-dire touchant au renouvellement urbain, à la mixité sociale, à un urbanisme vert
responsable. 27
C’est-à-dire, en partie, l’obligation de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins
30 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de logements commencés. 28
Code de l’urbanisme, art. L. 422-2.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
39/480
Le permis de construire est donc délivré par une autorité administrative qui a, au
préalable, vérifié la conformité du projet aux règles d’urbanisme. Le permis délivré
est donc, par principe, légal.
2) Régime juridique
Par essence, le permis de construire est légal. En effet, aux termes de l’article L. 421-
6 alinéa 1er
du Code de l’urbanisme, le permis de construire ne peut être accordé que
si, d’une part, le projet projeté est conforme aux dispositions législatives et
réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, à la destination, à la
nature, à l’architecture, aux dimensions, à l’assainissement des constructions et à
l’aménagement de leurs abords et si, d’autre part, ils ne sont pas incompatibles avec
une déclaration d’utilité publique. La légalité s’apprécie également au regard des
dispositions de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne et de la loi du 3 janvier 1986
sur le littoral ainsi qu’au regard des dispositions du règlement sanitaire
départemental29
. En d’autres termes, un permis de construire assure que le projet est
conforme aux règles d’urbanisme. En revanche, il n’a pas vocation à assurer une
quelconque conformité aux règles du droit civil ou du droit de la construction. Sa
délivrance est, en outre, subordonnée au respect de l’application de la règle la plus
sévère, ce qui doit, en principe, s’entendre comme un gage de sécurité juridique de
l’autorisation ainsi délivrée.
Plus précisément, le permis de construire est accordé à l’issue d’un examen de sa
régularité. Cet examen consiste pour l’autorité compétente à examiner la régularité
de la construction projetée au regard des exigences légales et réglementaires en
vigueur à la date de la délivrance du permis de construire, et non au jour de la
demande de permis par le pétitionnaire. En outre, ce contrôle de légalité est appliqué
strictement par l’autorité administrative. En effet, cette dernière fait application de la
règle la plus sévère. En d’autres termes, en présence de deux règles et d’une
discordance entre elles, c’est la règle la plus sévère que l’administration choisit
d’appliquer.
Aussi lorsqu’un permis de construire est attaqué ce n’est bien souvent pas son
illégalité au regard de la réglementation urbaine qui est en cause mais les troubles
29 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,
Paris, 2006, 183 p., p. 118.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
40/480
anormaux du voisinage que sont la perte d’ensoleillement, la privation de vue ou
encore la dépréciation du bien du fait de l’opération autorisée et qui relève, bien
entendu, de la compétence du juge judiciaire.
Pourtant pour attaquer un permis de construire devant le juge administratif, le
requérant doit critiquer un point d’illégalité au regard de la réglementation urbaine
pour que son recours en excès de pouvoir soit recevable et pour que l’autorisation
administrative délivrée ait une « chance » d’être annulée. Et ce, alors même que le
vrai motif consisterait en une perte d’ensoleillement ou un autre trouble relevant de
la théorie du trouble anormal du voisinage relevant évidemment de la compétence du
juge judiciaire.
Nonobstant le fait que la légalité du permis de construire délivré s’apprécie à l’égard
de nombreuses règles d’utilisation du sol, des critiques tenant à la légalité du permis
délivré peuvent survenir. Ces critiques viseront tantôt une interprétation divergente
d’une règle d’utilisation du sol, tantôt la légitimité de l’autorité administrative qui a
délivré le permis. Par exemple, dans leurs requêtes, les tiers visent souvent le non-
respect d’une disposition du PLU, quand ils n’attaquent pas aussi également le PLU
en parallèle. Les tiers critiquent également souvent la compétence du signataire de
l’arrêté qui a délivré le permis de construire. Ils arguent ainsi souvent que l’adjoint
au maire n’était pas dûment habilité.
La conclusion de ces observations est que le permis de construire est une autorisation
réglementaire légale mais somme toute fragile.
II. Une autorisation fragile
Le permis de construire est un procédé de police administrative. En d’autres termes,
il est une simple autorisation de faire. Il ne constitue donc pas un titre de propriété.
Par voie de conséquence, il ne doit porter atteinte en aucune manière aux droits des
tiers (A.). Dès lors qu’il cause un préjudice à un tiers celui-ci est en droit de
demander l’annulation du permis dès lors qu’il y a intérêt (B.). Le tiers a alors
plusieurs voies d’action pour demander l’annulation de la mesure administrative
illégale (C.).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
41/480
A. Les tiers
Tout permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers30
.
Le tiers au permis de construire s’entend soit d’une personne publique, soit d’une
personne privée. S’il s’agit d’une personne publique, il peut s’agir d’une commune,
dès lors que ce n’est pas celle qui a délivré le permis, ou du président d’un
Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) si le permis a été
délivré par l’État, ou encore de toute autre personne publique. S’il s’agit d’une
personne privée, il peut s’agir d’un riverain c’est-à-dire d’un voisin de l’opération
visée par le permis de construire, ou d’une association de défense y ayant intérêt, ou
tout autre tiers qui démontrerait son intérêt à agir.
La qualité de riverain s’apprécie au regard de la distance entre le projet et le domicile
du riverain en question, et au regard de la nature, de l’importance de la construction
et de la topographie, c’est-à-dire de la configuration des lieux en cause. Ce riverain
peut être propriétaire ou simple occupant. L’occupation des lieux n’a pas à être
effective. En d’autres termes, un locataire, présent par intermittence, peut tout à fait
agir contre l’arrêté qui a délivré le permis de construire.
B. L’intérêt à agir
Il ne suffit pas de vouloir contester l’arrêté administratif délivrant le permis de
construire, encore faut-il le pouvoir. En effet, seul un tiers intéressé peut critiquer la
décision de délivrer le permis de construire. La notion de l’intérêt à agir a connu un
récent bouleversement, d’une interprétation prétorienne large admettant le caractère
évolutif de l’intérêt à agir (1.), elle vient d’être circonscrite par deux nouveaux
articles introduits dans le Code de l’urbanisme qui n’admettent plus le caractère
évolutif (2.).
30 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien, Paris,
2006, 183 p., p. 115.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
42/480
1) Régime antérieur à l’ordonnance du 18 juillet 2013
Jusqu’à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de
l’urbanisme, le Code de l’urbanisme était silencieux sur la notion de l’intérêt à agir
en matière de contentieux de l’urbanisme. Face à ce silence, le juge admettait
largement l’intérêt à agir en matière de permis de construire. De ce fait, il était
difficile de donner une définition concise de l’intérêt à agir. Toutefois, il ressortait de
la jurisprudence administrative que l’intérêt devait être légitime, raisonnable et
personnel à l’individu ou à l’entité qui formait le recours. Son existence n’était pas
conditionnée à la justification d’un droit lésé, cette dernière ressortant de l’examen
du bien-fondé du recours. Il s’appréciait à la date à laquelle le recours était introduit.
Cependant, il n’était pas nécessairement actuel ni même direct. L’usage prétorien
avait ainsi consacré la formule énonçant que le requérant « avait intérêt, et par suite
qualité31
».
Dans certains cas, l’intérêt à agir était évident, dans d’autres cas, il l’était moins.
C’est pourquoi la jurisprudence admettait que l’intérêt à agir pouvait évoluer. Ainsi,
le Conseil d’État admettait que l’intérêt à agir du tiers en appel pouvait ne pas être le
même que celui invoqué en première instance. Et ce depuis une jurisprudence
ancienne du 3 mai 1993, par laquelle le Conseil d’État32
avait jugé que le tiers qui
avait, finalement, vu sa demande déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir,
pouvait valablement invoquer en appel sa qualité de riverain.
Dans cette espèce, la Société industrielle de construction demandait au Conseil
d’État d’annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers avait
rejeté sa requête en annulation de trois permis de construire délivrés dans une zone
d’aménagement concerté (ZAC) autorisant ainsi la construction de quatre-vingt-dix
logements pour un hôtel et pour la construction de cent vingt-cinq logements.
L’intérêt à agir argué par la société n’était pas le même devant le Conseil d’État que
celui qu’elle avait invoqué devant les juges du fond.
31 CAA Nantes, 1
re ch., 8 juin 1995, n
o 94NT00127 (N
o LXB : A1294BHE) ; CE, 1
re et 2
e SSR, 4 févr.
2002, no 217258 (N
o LXB : A1031AYT) ; CE, 2
e et 6
e SSR, 7 mai 1997, n
o 117400 (N
o LXB :
A9678ADS). 32
CE, 3 mai 1993, Société Industrielle de construction, no 124888, recueil de jurisprudence, Éditions
législatives ; MORAND-DEVILLER (J.), LPA, Q.J., Sommaires de jurisprudence, Q.J., no 2, 6 janv.
1994, Rec. T, p. 981 ; RDP, 1994, p. 1888.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
43/480
Le Conseil d’État considéra que si la demanderesse avait seulement fait état devant le
tribunal administratif de la concurrence que d’autres promoteurs pouvaient lui porter
en sa qualité de bénéficiaire d’un permis de construire délivré pour cette même ZAC,
elle invoquait devant le Conseil d’État sa qualité de propriétaire voisin. Le Conseil
d’État jugea que la demanderesse justifiait ainsi d’une qualité lui donnant intérêt
pour agir contre les arrêtés par lesquels le maire avait délivré les trois permis
litigieux, et annula en conséquence le jugement du tribunal administratif. Cependant,
le Conseil d’État après avoir constaté l’intérêt à agir de la demanderesse estima que
la requérante n’était pas fondée à demander l’annulation des arrêtés et la condamna à
rembourser au défendeur les frais de litige33
.
À défaut d’une définition textuelle de l’intérêt à agir des tiers dans ce domaine, la
jurisprudence faisait donc une lecture extensive de l’intérêt à agir et surtout admettait
que cet intérêt à agir pouvait évoluer au cours de la procédure contentieuse. Cette
jurisprudence libérale admettait ainsi la diversité des intérêts donnant qualité à agir et
conférait une importance particulière aux recours exercés au nom d’un intérêt
collectif34
.
De plus, l’intérêt à agir devait également recouvrir un intérêt personnel. Or, et
nonobstant le libéralisme de leur jurisprudence, les juges frappaient d’irrecevabilité
les recours exercés contre des permis de construire dès lors que les requérants se
bornaient à invoquer leur « qualité d’habitants » et que l’absence de « proximité »
entre leur résidence et le lieu de la mise en œuvre du permis excluait le demandeur
du périmètre de voisinage ayant un intérêt à agir. A contrario, la qualité de
« voisins » prise en compte par le juge à la date d’introduction du recours, permettait
à un tiers peu scrupuleux d’acquérir voire même seulement de louer un immeuble
voisin et de contester la légalité de l’autorisation administrative de construire.
À cette condition d’intérêt personnel s’ajoutait deux conditions cumulatives
complémentaires, l’intérêt devait aussi être légitime et pertinent35
. Il en résultait que
le recours était, comme aujourd’hui, rejeté dès lors qu’il était exercé pour le maintien
33 Ibid.
34 CE, 28 décembre 1906, Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges, n
o 25521, (N
o LXB :
A9547B84), Rec. Lebon, p. 977, concl. ROMIEU (J.) ; GAJA, no 18. L’action corporative est admise
pour la défense des intérêts matériels et moraux en rapport avec l’objet du groupement tel que défini
dans les statuts. 35
CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, Manuel Paris, Domat droit public, Montchrestien
Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 373 et s, v. en particulier § 572 et s.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
44/480
d’une situation immorale ou illégitime36
. De même était rejeté le recours non
cohérent avec l’objet des statuts, notamment dans le cas des associations37
.
L’interprétation large de l’intérêt à agir faite par les juges était perçue comme un
moyen de favoriser les recours abusifs diligentés par des requérants malveillants.
C’est pourquoi une définition de la notion d’intérêt à agir était souhaitable.
2) Régime introduit par l’ordonnance du 18 juillet
2013
En réaction au régime antérieur qui vient d’être rappelé, le Gouvernement a, par
l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme,
introduit les articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 au Code de l’urbanisme circonscrivant
ainsi la notion d’intérêt à agir et en fixant précisément la date de son appréciation
rejetant ainsi toute idée d’intérêt à agir évolutif. En d’autres termes, désormais, le
requérant doit faire la preuve de son intérêt à agir à la date de l’affichage du permis
de construire.
L’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme dispose en substance qu’une personne
autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association
n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de
construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les
travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation,
d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou
pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat
36 CE, Sect., 27 févr. 1985, SA Grands travaux et constructions immobilières, n
o 39357 (N
o LXB :
A3389AMH). 37
CE, 5e et 7
e SSR, 29 janv. 2003, Union des propriétaires pour la défense des Arcs, n
o 199692 : « en
estimant qu’un objet social aussi général, qui ne vise pas précisément les questions d’urbanisme ni
même la défense du site, ne conférait pas à l’UNION DES PROPRIÉTAIRES POUR LA DÉFENSE
DES ARCS un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation du permis de
construire litigieux, la cour administrative d’appel, par un arrêt qui est suffisamment motivé et qui
n’est pas entaché de dénaturation des pièces du dossier, a fait une exacte application des règles
relatives à l’intérêt pour agir ».
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
45/480
préliminaire mentionné à l’article L. 261-1538
du Code de la construction et de
l’habitation39
.
L’article L. 600-1-3 du même Code précise encore que sauf pour le requérant à
justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de
construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la
demande du pétitionnaire40
.
Désormais, sauf circonstances particulières, le tiers qui n’est ni l’État, ni une
collectivité territoriale, ni une émanation de l’État ou d’une collectivité, ni une
association, mais qui est un tiers, personne privée (physique ou morale, mais autre
qu’une association) peut agir contre l’autorisation administrative délivrant le permis
qu’à la condition sine qua non qu’il démontre son intérêt à agir qui doit réunir deux
conditions cumulatives. En premier lieu, la construction, l’aménagement ou les
travaux doivent affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de
jouissance du bien que le tiers détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il
bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat de réservation. En second
lieu, cette affectation doit être appréciée à la date d’affichage en mairie de la
demande du pétitionnaire.
Il convient, à présent, d’analyser les recours offerts aux tiers pour contester une
autorisation de construire et d’analyser ceux susceptibles de dégénérer en recours
abusifs.
38 Code de la construction et de l’habitation, art. L. 261-15 : « La vente prévue à l’article L. 261-10
peut être précédée d’un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué
à un compte spécial, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie
d’immeuble.
Ce contrat doit comporter les indications essentielles relatives à la consistance de l’immeuble, à la
qualité de la construction et aux délais d’exécution des travaux ainsi qu’à la consistance, à la situation
et au prix du local réservé.
Les fonds déposés en garantie sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu’à la conclusion du
contrat de vente.
Ils sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant si le contrat n’est pas conclu du fait du
vendeur, si la condition suspensive prévue à l’article L. 312-16 du Code de la consommation n’est pas
réalisée ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du
contrat préliminaire.
Est nulle toute autre promesse d’achat ou de vente. » 39
Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-2 – créé par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative
au contentieux de l’urbanisme. 40
Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-3 – créé par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative
au contentieux de l’urbanisme.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
46/480
3) Les voies de recours des tiers
Pour demander l’annulation d’une décision délivrant un permis de construire, les
tiers peuvent exercer un recours gracieux (a.), un recours hiérarchique (b.) ou encore
un recours contentieux, qui n’est autre qu’un recours pour excès de pouvoir (c.).
a. Le recours gracieux
Les recours gracieux sont des recours administratifs consistant pour les tiers à saisir,
dans les deux mois à compter de la date d’affichage du permis de construire sur le
chantier, directement l’auteur de la décision administrative, en l’occurrence le permis
de construire, en vue d’obtenir son annulation arguant d’un manquement aux règles
d’urbanisme. Les tiers introduisent leur recours auprès de l’auteur de la décision, il
s’agit, donc, selon le cas du maire, du président de l’EPCI ou du préfet. Il est
important de relever qu’un tel recours a pour effet de proroger le délai du recours
contentieux.
b. Le recours hiérarchique
Les recours hiérarchiques sont des recours administratifs consistant pour les tiers à
saisir, dans les deux mois à compter de la date d’affichage du permis de construire
sur le chantier, non plus l’auteur de la décision mais son supérieur hiérarchique. Ces
recours ne sont ouverts que pour les décisions prises au nom de l’État. Les tiers
introduisent leur recours auprès du préfet lorsque le permis de construire a été
accordé par le maire au nom de l’État, ou auprès du Ministre chargé de l’urbanisme
dans les autres cas. Comme les recours gracieux, les recours hiérarchiques prorogent
le délai de recours contentieux.
Lorsque le permis de construire n’a pas été pris au nom de l’État, il n’y a pas de
recours hiérarchique possible, mais les tiers peuvent saisir le préfet en vue d’un
nouveau contrôle de légalité de l’acte.
Le recours hiérarchique est, ainsi, à distinguer du déféré préfectoral. Ce dernier est
exercé dans le cadre de l’article L. 2131-8 du Code général des collectivités
territoriales (CGCT.) qui, lui, n’a pas pour effet de proroger le délai de recours
contentieux. Le déféré préfectoral, régi par l’article L. 2131-8 du CGCT. combiné à
l’article L. 2131-6 du même code, permet que toute personne lésée par un acte émis
par une commune, tel que l’arrêté municipal ou préfectoral délivrant le permis de
construire, puisse demander au préfet d’effectuer un nouvel examen de la légalité du
permis. Dans ce cas, le préfet fait un second contrôle de légalité après le premier
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
47/480
réalisé par lui-même ou par la commune. À l’issue de ce nouvel examen, il décide de
déférer ou non l’acte au tribunal administratif. Mais cette saisine ne peut pas avoir
pour effet de prolonger le délai de recours contentieux dont dispose le préfet au titre
du contrôle de légalité ordinaire. Ce délai est de deux mois à compter de la
transmission de l’acte pour l’exercice du contrôle de sa légalité. Le délai court à
compter de la réception en préfecture de l’acte.
c. Le recours contentieux
Le recours contentieux est le recours juridictionnel. Il est l’acte de procédure par
lequel le tiers saisit le tribunal administratif, ici en premier ressort, de ses prétentions
en demande d’annulation du permis de construire afin d’en faire reconnaître le bien-
fondé. Cette procédure est une procédure au principal, c’est-à-dire au fond, par
opposition notamment aux procédures de référé qui visent, quant à elles, à obtenir le
prononcé de mesures conservatoires41
. Ce recours en premier ressort se distingue des
« voies de recours » stricto sensu qui sont les pourvois formés contre le jugement
rendu par le tribunal administratif devant la juridiction d’appel, ou contre l’arrêt
rendu par la cour administrative d’appel devant la Cour de cassation.
Le recours contentieux est le recours exercé par voie juridictionnelle en ce sens qu’il
fait intervenir un juge. Plus précisément, ce contentieux relève de la compétence du
juge administratif et prend la forme d’un recours pour excès de pouvoir formé en vue
d’obtenir l’annulation de l’arrêté, acte administratif qui a délivré le permis de
construire. Une fois l’annulation obtenue devant le juge administratif, le tiers peut
parfaitement saisir le juge judiciaire pour toutes les atteintes à sa propriété qu’il subit
du fait du permis de construire litigieux annulé. Le recours contentieux devant le
juge administratif n’est pas exclusif des recours administratifs que sont les recours
gracieux, les recours hiérarchiques et ceux exercés dans le cadre du déféré
préfectoral.
41 CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 373 et s, § 450 et s.
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La circulaire du 6 juin 198442
portant sur le transfert de compétences en matière de
permis de construire rappelle que les tiers peuvent, en cas de contestation de la
légalité du permis de construire, choisir d’effectuer soit un recours administratif
(c’est-à-dire sans saisir le juge) soit un recours contentieux contre la décision. Ces
deux types de recours peuvent être réalisés parallèlement ou successivement. Ce sont
ces recours contentieux en demande d’annulation du permis de construire, suivis ou
non, concomitamment ou non, d’une procédure juridictionnelle en indemnisation, qui
sont susceptibles de dérives abusives. En effet, le risque d’annulation d’un permis de
construire est que l’annulation soit prononcée pour un vice rédhibitoire et qu’aucun
permis de construire modificatif ne vienne « sauver » le projet. Devant un tel enjeu,
le titulaire de l’autorisation d’urbanisme va chercher à trouver un arrangement
équitable avec le demandeur en annulation. Cette négociation peut générer des
demandes elles-mêmes abusives.
i. L’objet du recours
Le recours vise l’arrêté municipal ou préfectoral délivrant l’autorisation de
construire. En effet, le tiers intéressé ne peut contester qu’un acte administratif. Et
cet acte administratif doit lui faire grief. Il découle de ces deux remarques que le tiers
ne peut contester qu’un arrêté autorisant le permis de construire ou un arrêté
autorisant des modifications mineures au permis de construire et qu’il doit invoquer
un préjudice causé par l’acte administratif et ce dans le délai légal.
ii. Le délai du recours
Les délais du recours de ce contentieux ont longtemps été l’objet de critiques. Pour
remédier à ces critiques, ils ont fait l’objet de réformes successives qui sont encore
souvent jugées insuffisantes. La dernière réforme marquante en date est celle
apportée par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007
43 pris pour l’application de
42 Circulaire du 6 juin 1984 relative au transfert de compétences en matière de permis de construire,
Bulletin officiel du ministère de l’urbanisme, du logement, des transports et de l’environnement
(BOMULTE) no 84/29 ter (82 p.).
43 Décret n
o 2007-18 du 5 janv. 2007 pris pour l’application de l’ordonnance n
o 2005-1527 du
8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 5 du
6 janvier 2007 p. 225, Texte no 12, NOR : EQUU0601334D.
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l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et
aux autorisations d’urbanisme.
Suivant les préconisations du rapport PELLETIER44
, ce décret fixe le point de départ
du délai de droit commun au premier jour d’une période continue de deux mois
d’affichage sur le terrain du permis de construire et l’obligation de notifier tout
recours au bénéficiaire du permis45
.
Ainsi, il introduit des modifications substantielles et bienvenues46
à l’article R.*600-
1 du Code de l’urbanisme et introduit dans ce code un article R. 600-2 et un article
R. 600-3 :
Le livre VI du Code de l’urbanisme est ainsi modifié : […]
II. – Il est inséré, après l’article R.* 600-1, deux articles ainsi rédigés :
« Art. *R. 600-2. – Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une
décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de
construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du
premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain
des pièces mentionnées à l’article R. 424-15.
« Art. *R. 600-3. – Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de
construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une
déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à
compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement.
44 « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme » dit rapport
PELLETIER remis au garde des Sceaux, Ministre de la Justice et au Ministre de l’Équipement, des
Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer, présenté par le groupe de
travail constitué sous la présidence de Philippe PELLETIER, avocat, président de l’Agence nationale
pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), 25 janv. 2005. Ce rapport contient 34 propositions portant
notamment sur l’amélioration de la sécurité juridique des constructions existantes, la circonscription
de l’action en démolition, sur l’action du préfet dans le cadre du contrôle de légalité, et sur la
possibilité pour le juge d’annuler partiellement un permis de construire. 45
Code de l’urbanisme, art. R.*600-2 et R.*424-15. 46
V. les observations de Bernard POUJADE sur les difficultés posées par l’ancienne rédaction de
l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme : Faut-il notifier le recours introduit contre la décision
qualifiant un projet de P.I.G. (projet d’intérêt général), sur CE, 7/2 SSR, 18 nov. 2009, Cne de Saint-
Denis-le-sens c. Communauté de communes du Sénonais, no309096, BJDU, n
o 5, 10/2009, p. 392 –
399. V. également POUJADE (B.), Dans quel cas faut-il notifier sur le fondement de l’article R.*600-
1 du Code de l’urbanisme sur CE, SSR, 28 sept. 2011, no 335591, 338853, 341749, BJCL, n
o 11/11,
p. 785-791, avec les conclusions partielles du Rapporteur public Nicolas BOULOUIS.
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« Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de
la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-147
. »
En outre, le décret rend irrecevable les recours qui seraient engagés un an après
l’achèvement des travaux. La date d’achèvement prise en considération est celle de la
réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1 du Code de
l’urbanisme. Ces règles sont applicables aux instances engagées depuis le 1er
octobre
2007.
Cet article dispose, en substance, que la déclaration attestant l’achèvement et la
conformité des travaux doit être signée par le bénéficiaire du permis de construire ou
d’aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par
l’architecte ou l’agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. Elle
doit ensuite être adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception
postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. Lorsque la
commune est dotée des équipements répondant aux normes fixées par l’arrêté du
Ministre chargé de l’urbanisme prévu à l’article R. 423-49, la déclaration peut,
désormais, être adressée par courrier électronique dans les conditions définies par cet
article. Aux termes du code, le maire transmet cette déclaration au préfet lorsque la
décision de non-opposition à la déclaration préalable ou le permis a été prise au nom
de l’État, ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale
lorsque la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou le permis a été
prise au nom de cet établissement public48
.
De plus, par un avis Société SAHELAC et JUVENTIN49
, le Conseil d’État a précisé
les conséquences de l’absence des mentions obligatoires sur le panneau d’affichage.
La société SAHELAC et Madame JUVENTIN demandaient l’annulation de l’arrêté
du 26 octobre 2007 par lequel le maire de la commune de Sainte-Hélène-du-Lac a
délivré un permis de construire aux consorts CHEVRAY et BEGAY. Amené à
statuer sur cette demande, le tribunal administratif de Grenoble décide de faire
application des dispositions de l’article L. 113-2 du Code de justice administrative
qui lui permet de saisir le Conseil d’État pour avis. Le tribunal pose la question
47 Préc. décret n
o 2007-18 du 5 janvier 2007, art. 12.
48 Code de l’urbanisme, art. R. 462-1.
49 V. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n
o 317279, JORF n
o 0287 du 10 déc.
2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),
BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP À, 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,
2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.
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suivante au Conseil d’État : « Les dispositions de l’article R. 600-2 du Code de
l’urbanisme ont-elles pour effet d’empêcher le délai de recours contentieux de courir
en cas d’absence de la mention de l’obligation de notification de la requête prévue
par l’article R.*600-1 de ce code ou ces dispositions ont-elles pour seule
conséquence de priver d’effet les dispositions de l’article R.*600-1 ? ».
Le Conseil d’État rend alors l’avis suivant :
Depuis l’entrée en vigueur du décret précité du 5 janvier 2007, le point de
départ du délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire
est le premier jour de l’affichage sur le terrain, pendant une période continue
de deux mois, du permis assorti des pièces mentionnées à l’article R. 424-15
du Code de l’urbanisme. Si l’article R. 424-15 indique que doit également
être affichée sur le terrain l’obligation prévue à peine d’irrecevabilité de
notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la
décision et au bénéficiaire du permis, cette mention, destinée à mieux
informer les éventuels requérants de leur obligation de notification et des
risques d’irrecevabilité qu’ils encourent à ne pas l’accomplir, n’est pas au
nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du
délai de recours contentieux. Cette mention concerne en effet une règle de
procédure qui doit être accomplie postérieurement à l’introduction du
recours. Elle ne peut, par suite, être assimilée aux éléments substantiels
portant sur la nature et la consistance de la construction projetée ou sur les
voies et délais de recours, dont la connaissance est indispensable pour
permettre aux tiers de préserver leurs droits et d’arrêter leur décision de
former ou non un recours contre l’autorisation de construire. L’absence, sur
l’affichage, de la mention de cette condition procédurale fait, en revanche,
obstacle à ce que soit opposée à l’auteur du recours l’irrecevabilité prévue
par l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme.
Par suite, l’absence de mention dans l’affichage de l’obligation de
notification du recours a pour seul effet de rendre inopposable
l’irrecevabilité prévue à l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, mais
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n’empêche pas le déclenchement du délai de recours contentieux mentionné à
l’article R. 600-2 du même code50
.
Ainsi, l’absence de mention de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme n’est pas
un élément déclencheur du délai du recours. Le défaut de sa reproduction sur le
panneau d’affichage a seulement pour effet de rendre inopposable aux tiers
l’obligation de notification du recours. Par voie de conséquence, en cas d’absence de
cette reproduction de l’article R.*600-1, il ne saurait être reproché aux tiers de
n’avoir pas notifié leur recours administratif aux bénéficiaires du permis de
construire qui n’auraient pas reproduit l’article, c’est en quelque sorte une
application de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans51
.
Le tiers bénéficie donc d’un régime favorable pour demander l’annulation d’une
autorisation de construire. Par ailleurs, parmi les voies de recours, il en est une qui se
distingue, c’est le recours pour excès de pouvoir dont le régime requiert un
développement spécifique.
En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que le
permis de construire est une autorisation administrative d’urbanisme. Elle est une
autorisation fragile en particulier pendant la période de purge des recours. Pendant
cette période, son titulaire ne peut pas se prévaloir de droit acquis. Et pendant cette
période, cette autorisation est exposée aux recours des tiers dès lors qu’ils ont un
intérêt pour agir. Ces derniers disposent de plusieurs voies pour exercer leur droit
d’action. Ceci cristallise le plus les recours abusifs et le recours pour excès de
pouvoir. C’est la raison pour laquelle notre analyse se concentre sur cette procédure
contentieuse.
50 Préc. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n
o 317279, JORF n
o 0287 du 10
déc. 2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),
BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP A., 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,
2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.
51 Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : Nul n’est entendu par le juge lorsqu’il allègue sa
propre turpitude.
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SECTION 2 : La procédure de prédilection des recours abusifs
Donner une définition du recours abusif en matière de permis de construire n’est pas
chose aisée mais est nécessaire pour identifier les failles du régime juridique actuel et
pour pouvoir trouver des solutions à ces détournements de la justice. Le recours
abusif désigne, ici, l’abus du droit au recours contre le permis de construire dans
l’exercice du recours pour excès de pouvoir formé devant le juge dès lors que ce
recours est exercé dans un intérêt illégitime. Bien entendu, il n’est pas autorisé. Il
n’existe que par détournement de l’esprit de la loi, plus précisément ici, du
détournement de la procédure du recours pour excès de pouvoir (I.), et tel
détournement est susceptible de constituer un abus (II.).
I. Le recours pour excès de pouvoir en urbanisme
Dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux52
, le
jurisconsulte Édouard LAFERRIÈRE définit le recours pour excès de pouvoir de la
manière suivante :
Le recours pour excès de pouvoir n’est pas un procès fait à une partie, c’est
un procès fait à un acte. La requête n’est dirigée ni contre l’agent qui a fait
l’acte, ni contre la personne civile (État, département ou commune) dont cet
agent a pu servir les intérêts, mais contre la puissance publique, au nom de
laquelle il a agi. Il suit de là que si, dans la procédure d’excès de pouvoir, il y
a un demandeur, il n’y a pas à proprement parler de défendeur, de partie
adverse, comme dans les affaires dites entre parties.
Le contentieux des permis de construire est subordonné aux contraintes de la
procédure administrative et doit donc à ce titre suivre les règles imposées pour le
52 LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris,
BERGER-LEVRAULT et Cie, 1896, 2e vol., XIX-724, 709 p., Chap. IV, I., p. 561, consultable sur
Gallica.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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contentieux de l’excès de pouvoir. Ce recours est constitué de deux types de recours.
Le premier type constitué du déféré préfectoral et du recours en interprétation est
fermé aux justiciables et n’est donc pas susceptible de dérives abusives (A.). Le
second type est le recours en annulation, il est ouvert aux tiers ayant intérêt à agir
contre l’acte considéré et ayant respecté le formalisme imposé par la loi, c’est cette
procédure qui est susceptible de dérives abusives (B.).
A. Les recours objectifs peu susceptibles d’abus
Le préfet via le déféré préfectoral (1.) et le juge judiciaire via le recours en
interprétation (2.) peuvent saisir le juge administratif, gardien de la légalité. Préfet et
juge sont des professionnels qui filtrent les actes à soumettre au contrôle du juge
administratif après un examen objectif et avisé de la problématique à soumettre au
juge du permis. Dès lors, le déféré préfectoral comme le recours en interprétation ne
sont pas dans le champ d’action des recours abusifs.
1) Le déféré préfectoral
Le recours pour excès de pouvoir est un recours juridictionnel dirigé contre des actes
unilatéraux émanant d’une autorité administrative ou dans un certain cas
d’organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public. En
l’occurrence, en matière de contentieux d’urbanisme, le recours sera dirigé contre
l’arrêté délivré au nom de la commune ou au nom de l’EPCI, ou au nom de l’État. Ce
recours vise nécessairement à obtenir l’annulation pour cause d’illégalité du permis
de construire.
Rappelons que depuis l’arrêt Dame LAMOTTE53
, ce recours demeure ouvert même
sans texte, permettant ainsi d’assurer le respect de la légalité conformément aux
principes généraux du droit.
53 CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note
WALINE (M.), RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n
o 61, p. 394.
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Ce recours peut prendre la forme d’un déféré préfectoral dans la phase de
consultation du juge administratif par le préfet54
. Lorsque le préfet est saisi d’une
demande de réexamen de la légalité du permis de construire et à l’issue de ce second
contrôle de légalité, il a la faculté de déférer le permis de construire considéré au
tribunal administratif et lui demander d’annuler, le cas échéant, pour illégalité le
permis considéré. Le déféré est un recours pour excès de pouvoir qui ne peut être
motivé que par des moyens de légalité.
À titre d’illustration, citons l’exemple de l’arrêt rendu par la cour administrative
d’appel de Douai le 8 février 200755
. En l’espèce, le préfet de la Seine-Maritime
relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen rendu en date du 22 juin
2006 rejetant pour tardiveté son déféré enregistré le 28 décembre 2005. Le préfet a,
par déféré préfectoral, demandé l’annulation du permis de construire accordé
tacitement à la société pétitionnaire. En effet, le préfet n’a eu connaissance de
l’existence du permis tacite qu’au moment de l’examen de sa légalité soit lors de la
transmission du dossier complet de demande de permis de construire accompagnant
l’arrêté du maire refusant le permis de construire et valant retrait de ce permis. Cet
arrêté de retrait a fait l’objet d’une ordonnance de suspension. Cet arrêté de retrait a
été transmis au préfet qui a, à ce moment-là, pu constater que le permis de construire
tacite était en vigueur, en d’autres termes ce n’est que lors de la transmission du
nouvel arrêté du maire en date du 25 novembre 2005 retirant son précédent arrêté du
11 août 2005 que le préfet a pu constater que le permis tacite du 4 août 2005 était en
vigueur, ce nouvel arrêté lui ayant été notifié le 6 décembre 2005. Et le déféré
préfectoral ayant été enregistré le 28 décembre 2005, la question de la tardiveté du
déféré était posée. En première instance, les juges retiennent la tardiveté du déféré.
Mais la cour administrative d’appel juge que le déféré n’est pas tardif, prononçant
par suite l’annulation du jugement. Les conséquences d’une telle jurisprudence sont
la fragilisation du permis de construire surtout si le permis de construire est délivré
tacitement, car les faits de l’espèce sont susceptibles de se répéter.
54 Code général des collectivités territoriales, art. L. 2121-8 et L. 2131-6.
55 CAA Douai, 1
ère, 8 févr. 2007, Préfet de la SEINE-MARITIME, n
o 06DA01084 (N
o Lexbase :
A7792DU7), AJDA, 2007, no 16, 23 avr. 2007, p. 870.
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Autre illustration des enjeux du déféré préfectoral et accessoirement de la longueur
de la procédure qui en découle, citons l’arrêt rendu par le Conseil d’État en date du
8 juillet 201156
.
Dans cette affaire, le requérant, Monsieur BOTELLA, demande au Conseil d’État
l’annulation de l’ordonnance rendue par la cour administrative d’appel. Cette
dernière a annulé, en référé, en date du 13 juillet 201057
, l’ordonnance no 1002467 du
26 avril 2010, rectifiée par ordonnance du 10 juin 201058
du juge des référés du
tribunal administratif de Marseille ; cette ordonnance avait rejeté la demande du
préfet des Bouches-du-Rhône visant à obtenir la suspension de l’exécution de l’arrêté
du 26 novembre 2009 par lequel le maire de Ceyreste avait délivré un permis de
construire au requérant et suspendu l’exécution de l’arrêté délivrant le permis de
construire.
Le Conseil d’État rappelle que « la suspension d’un acte sur le fondement du
troisième alinéa de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales,
comme d’ailleurs sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice
administrative, a pour effet d’en suspendre l’exécution à compter du jour où la partie
qui doit s’y conformer reçoit notification de l’ordonnance du juge des référés ou, si le
juge des référés en a décidé ainsi, dès que cette ordonnance a été rendue ; qu’en
outre, si les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article L. 2131-6 du Code
général des collectivités territoriales sont remplies, l’exécution de l’acte est
suspendue dès l’enregistrement de la demande de suspension au greffe du tribunal
administratif ; qu’en revanche, la décision par laquelle est ordonnée la suspension
d’un acte n’a pas pour effet de retirer celui-ci ou de le priver rétroactivement de ses
effets, fût-ce dans l’attente du jugement au fond ». Ainsi, il apparaît que
l’enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande de suspension
entraîne ipso facto la suspension de l’exécution de l’acte.
Et le Conseil État rejette le pourvoi du requérant. Derechef, cette jurisprudence
montre à quel point le déféré préfectoral est un moyen de remise en cause totale des
56 CE, 9
e et 10
e SSR., 8 juill. 2011, BOTELLA, n
o 342113, Rec. Lebon (N
o Lexbase : A9432HUU) ;
GRAND (R.), Effets de la suspension d’un acte administratif, AJDA, 2011, no 25, 18 juill. 2011,
p. 1410 ; concl. LEGRAS (C.), BJDU, 2011, p. 478 ; JCP A., 2011, p. 2350, obs. ERSTEIN (L.),
NOURISSON (S.), L’opposabilité des voies et délais de recours à l’acquéreur évincé, AJDA, 2014,
no 11, 24 mars 2014, p. 638.
57 CAA Marseille, 13 juill. 2010, n
o 10MA01869 (N
o Lexbase : A1583E7R).
58 TA Marseille, 10 juin 2010, n
o 1002467 (N
o Lexbase : A9512E7G), Rec. Lebon ; GRAND (R.),
Effets de la suspension d’un acte administratif, AJDA, 2011, no 25, 18 juill. 2011, p. 1410.
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permis de construire. En outre, cette procédure entraîne le bénéficiaire du permis
dans des procédures longues et coûteuses.
Ces deux illustrations montrent l’effet important du déféré préfectoral sur la sécurité
des permis de construire. Pour autant, le préfet, représentant de l’autorité publique,
agit dans l’intérêt de la légalité. Dès lors, cette procédure ne paraît pas exposée aux
dérives de l’abus, ces abus étant commis essentiellement, pour ne pas dire
exclusivement, par des justiciables privés à des fins mercantiles.
2) Le recours en interprétation
Le recours en interprétation ou en appréciation de légalité est le recours ouvert
devant le juge administratif et visant à faire constater l’illégalité d’un acte, en
l’occurrence d’un permis de construire. Ce recours n’a pas de condition de délai.
L’effet de ce recours est particulier. Le juge administratif ne peut pas annuler l’acte
considéré. Il ne peut que le déclarer invalide. Bien entendu, cela conduit à empêcher
toute utilisation de l’acte déclaré invalide.
Ce recours est somme toute très marginal car il résulte de la mise en cause par une
des parties à un procès, devant le juge judiciaire, de la légalité d’un acte
administratif. Incompétent, le juge judiciaire se trouve dans l’obligation de renvoyer
le justiciable à saisir le juge administratif.
Compte tenu de son caractère marginal, ce n’est pas non plus par cette procédure que
les auteurs d’abus agissent.
B. Les recours vecteurs de l’abus
Le recours pour excès de pouvoir visant à obtenir l’annulation de l’autorisation
d’urbanisme requiert un formalisme particulier propre au droit de l’urbanisme. Ce
formalisme, avec l’obligation de notifier la requête au pétitionnaire, était à l’origine
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destiné à prévenir le contentieux, mais au regard de la hausse du nombre de
contentieux59
, il est raisonnable de soutenir que cette mesure de prévention n’est pas
efficace (1.). Les effets du recours pour excès de pouvoir ne sont pas neutres. Le
risque pour le pétitionnaire de voir son autorisation de construire annulée porte
également sur le risque d’une atteinte à ses droits acquis à un instant t de pouvoir
construire son projet tel que déposé et validé par l’autorité administrative (2.).
1) Le formalisme du recours pour excès de pouvoir
en urbanisme
Le recours pour excès de pouvoir est aussi l’action par laquelle toute personne y
ayant intérêt peut provoquer l’annulation juridictionnelle d’une décision
administrative exécutoire en raison de son illégalité, en l’occurrence le permis de
construire. Par opposition aux recours exercés de manière objective et complètement
rationnelle par des professionnels tels que le préfet ou le juge judiciaire, ces recours
sont exercés par des justiciables qui entrent dans le champ d’application de la
définition de tiers précédemment rappelée60
. En pratique, le recours pour excès de
pouvoir exercé par ces tiers ne vise pas seulement un problème de légalité
intrinsèque au permis, il relève d’un intérêt à agir individualiste voire plus
patrimonial. Et le vice de légalité, s’il en est, n’est que le moyen qui va habiller la
requête.
En outre, les tiers doivent également se conformer aux particularismes du
contentieux d’urbanisme. Cela vise notamment la justification de conditions quant à
la qualité et à l’intérêt à agir ainsi que le respect des délais et d’un certain
formalisme. Ainsi pour être recevable, le recours en annulation – c’est le nom usuel
du recours pour excès de pouvoir visant à obtenir l’annulation d’un acte – doit
remplir un certain nombre de conditions dont en particulier la notification au
bénéficiaire du permis de l’introduction d’une requête devant le juge administratif.
L’auteur du recours est également tenu de notifier son recours, et ce à peine
59 Depuis une cinquantaine d’années, le contentieux administratif augmente en moyenne de 6 % par an
et il double presque tous les dix ans, cf. Allocution SAUVE (J.-M.), Dix années de croissance du
contentieux : Quelles réalités ? Quelles réponses ? Colloque organisé à l’occasion du Xe
anniversaire
du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en association avec l’Université de Cergy-Pontoise, nov.
2010. 60
Cf. supra Sect. 2. I.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas
de rejet du recours administratif conformément aux termes de l’article R.*600-1
alinéa 1er
du Code de l’urbanisme61
.
Peuvent faire l’objet d’un recours en annulation les actes accordant le permis de
construire ou le permis modificatif, les actes autorisant le transfert du permis62
,
reconnaissant l’existence d’un permis tacite63
, ou encore les actes tendant à l’octroi
d’un référé-suspension (ancien sursis à exécution64
), ou enfin les décisions
administratives ou juridictionnelles refusant de constater la péremption du permis de
construire65
.
61 CE, 22 nov. 2006, Mlle DROMPT, SCI L’Imprévue du Lys, n
o 279068, AJDA, 2006, n
o 41,
p. 2252 : la circonstance que le permis initial fasse l’objet d’un recours contentieux ne dispense pas le
demandeur à l’action de notifier le second recours, introduit cette fois-ci contre le permis modificatif. 62
CE, 3 nov. 1997, Préfet Alpes-Maritimes c. Cne Roquebrune-Cap-Martin, no 189228, JurisData
no 1997-050926 ; Rec. Lebon, 1997, T., p. 1135 ; JCP G., 1998, II, p. 10153, note CHAMINADE
(A.) ; Constr. – urb., 1998, comm. 83 ; Dr. Adm., 1998, comm. 36 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.),
BJDU, 1997, p. 464 ; BJDU 1998, p. 6. 63
CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert, no 176148, Rec. Lebon, p. 158 ; concl.
HONORAT, BJDU, 2000, p. 127 ; RDA, 2000, nos
149 et 197 ; RFDA, 2000, p. 710 ; Coll. terr.,
2000, no 223 ; Mon. TP 28 avr. 2000., p. 89 ; RDI, 2000, p. 328 ; « Considérant que si les dispositions
précitées de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme n’imposent pas, à peine d’irrecevabilité, au
requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre un jugement ou un arrêt annulant un
refus de délivrer un permis de construire de notifier sa requête au pétitionnaire, il en va autrement si, à
l’issue du jugement ou de l’arrêt annulé, le droit du pétitionnaire à obtenir une autorisation de
construire a été reconnu ; qu’il en est ainsi dès lors que les juges du fond ont constaté l’existence d’un
permis de construire tacite et annulé, pour ce motif, la décision portant refus de permis ; qu’en ce cas,
les dispositions de l’article L. 600-3, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des titulaires
d’autorisation de construire, imposent au requérant qui poursuit l’annulation de tels jugement ou arrêt
de notifier sa requête au pétitionnaire. » 64
CAA Paris, 6 juin 1995, no 95PA00086 (Rejet) ; CAA Nancy, 1
re ch., 19 oct. 1995, SCI du Rouillon,
no 95NC00960, AJDA, 1996, p.199, note PIETRI (J.-P.) ; concl. PIETRI (J.-P.), BJDU, 1995, n
o 6,
p. 481 ; Études foncières, no 71, juin 1996, p. 38, com. LAMORLETTE (B.) ; CAA Lyon, 13 févr.
1996, no 95LY00874, Rec. Lebon, T.
65 CE, 27 mars 2000, Synd. Copropriétaires immeuble « Le Lympia », n
o 205430, (JurisData n
o 0602
18), Rec. Lebon, T., p. 1291 et 1294 ; concl. BOISSARD (S.), BJDU, 2000, p. 123 ; RDA, 2000,
no 174 ; Coll. terr., août-sept. 2000, n
o 223 ; RDI, 2000, p. 328 ; V. également CE, 30 avr. 2003,
Secrétaire d’État au logement c. SNC Norminter lyonnais, no 237039, Rec. Lebon, T., p. 1032 ;
BJDU, 2004, p. 79 ; obs. CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2003, no 190. Dans cet arrêt, le CE juge que
« la notification prévue par ces dispositions, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des
titulaires d’autorisation de construire, doit être effectuée, à peine d’irrecevabilité, par le requérant qui
interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence
de caducité d’un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision mettant en demeure un
constructeur d’interrompre les travaux qu’il a entrepris au motif que le permis de construire qui lui
avait été délivré serait devenu caduc. »
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Aux termes de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, l’auteur du recours en
annulation est tenu de notifier son recours au bénéficiaire de l’acte attaqué et à
l’auteur de cet acte. Si l’acte a été délivré à plusieurs personnes morales, l’auteur du
recours doit notifier à chacune d’elles66
qu’il a introduit un recours contentieux
devant le juge administratif. Dans l’hypothèse d’un transfert de permis, l’auteur doit
notifier au nouveau bénéficiaire.
Le requérant procède à cette notification par lettre recommandée avec avis de
réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours.
Application de la théorie de l’envoi est faite, car c’est la date d’envoi de la lettre
recommandée avec avis de réception qui compte. Cette date est établie par le
certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux
conformément aux dispositions de l’article R.*600-1, alinéas 2 et 3 du Code de
l’urbanisme. Cependant, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du
fond, toute forme de notification avec les mêmes garanties d’information du
bénéficiaire de l’acte attaqué et de l’auteur de l’acte peut être acceptée67
.
Plus précisément, l’introduction d’un recours recours en annulation est portée à la
connaissance du bénéficiaire de l’acte attaqué et de l’autorité administrative qui l’a
délivré. Le requérant doit notifier une copie du texte intégral du recours68
, bien que le
Conseil d’État ait pu admettre que soit valablement notifiée une lettre recommandée
avec avis de réception reprenant intégralement l’exposé des faits et moyens ainsi que
les conclusions déposées par le requérant69
.
Le non-respect de cette notification ou l’impossibilité d’en apporter la preuve
entraîne l’irrecevabilité du recours en annulation. Toutefois, rappelons que si
l’obligation d’informer les tiers aux termes de l’article R. 424-15 du Code de
l’urbanisme de mentionner les modalités de recours pour les tiers n’a pas été
respectée lors de l’affichage du permis, l’irrecevabilité tirée du défaut de notification
est inopposable70
.
66 CAA Lyon, 9 avr. 2013, Association des habitants de Vésegnin, n
o 13LY00066, inédit.
67 Réponse ministérielle à question écrite n
o 11844, RIMBERT (P.), JOAN Q., 8 juin 1998, p. 3171.
68 CE, avis, sect., 1
er mars 1996, Association Soisy Etiolles environnement, n
o 175126, Rec. Lebon,
p. 60, conclu BONICHOT (J.-Cl.), BJDU, 1/1996, p. 68, chron. CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT
(T-X), AJDA, 1996, p. 515 ; note PACTEAU (B.), LPA, 16 octobre 1996, p. 10. 69
CE, 2 juill. 2008, Association Collectif Cité Benoît, no 307696, BJDU 4/2008, p. 274.
70 Préc. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n
o 317279, JORF n
o 0287 du 10
déc. 2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),
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La procédure pour excès de pouvoir peut conduire le juge à prononcer l’annulation
de l’acte litigieux. Les effets de cette annulation ne sont pas neutres pour le titulaire
de l’autorisation d’urbanisme.
2) Le sursis des droits « acquis » du pétitionnaire
La sanction par l’annulation de l’acte, c’est l’essence même de cette procédure de
recours pour excès de pouvoir. En outre, s’agissant d’un acte unilatéral individuel,
s’il n’y a pas d’inconvénient à faire disparaître un acte qui n’a pas créé de droits71
, le
problème se pose autrement lorsque l’acte a créé des droits. En l’espèce, l’autorité
administrative a autorisé le pétitionnaire à construire son projet tel qu’il lui a été
soumis. La délivrance de l’autorisation d’urbanisme a un caractère réel et non
personnel72
. Et l’autorisation d’urbanisme confère à son titulaire une situation
juridique plus favorable que sa situation précédente73
. En d’autres termes,
l’autorisation d’urbanisme est créatrice de droits dont le titulaire est fondé à se
prévaloir74
pour autant que l’autorisation ne contrevienne ni au principe de légalité ni
au principe de sécurité juridique.
L’autorisation d’urbanisme a la particularité de conférer des droits acquis pour une
opération unique. Cependant, pour permettre le respect du principe de légalité, ces
droits acquis ne sont pas intangibles. Leur remise en cause doit être possible pendant
une certaine période. Par suite, cette période écoulée, le principe de sécurité juridique
se supplée au principe de légalité. C’est à ce moment-là que l’autorisation
d’urbanisme donne réellement naissance à des droits acquis au profit du titulaire de
l’autorisation.
BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP A., 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,
2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.
71 YANNAKOPOULOS (C.), La notion de droits acquis en droit administratif français, LGDJ, Paris,
1998, 604 p., p. 274-275 ; AURET (P.), La notion de droits acquis, RDP, 1985, p. 53 ; SANTULLI
(C.), Les droits acquis, RFDA, 2001, p. 87. 72
POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,
Paris, 2006, 183 p., p. 115. 73
RIVERO (J.) et WALINE (J.), Droit administratif, précis, Dalloz, 21e éd., Paris, 2006, p. 370,
§ 426. 74
CE, ass., 6 mai 1966, Ville de Bagneux, Rec. Lebon, p. 303, chron. PUISSOCHET (J.-L.) et
LECAT (M.) AJDA, 1966, p. 485, concl. BRAIBANT (G.), RDP, 1967, p. 339.
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Par conséquent, si les conditions du recours pour excès de pouvoir sont remplies,
c’est que le tiers est encore dans le délai d’action. La période de « sursis » à la
naissance des droits acquis au profit du pétitionnaire n’est pas encore écoulée. Dès
lors, le principe de légalité prévalant, l’autorisation d’urbanisme n’est encore qu’un
acte créateur de droits seulement susceptibles d’être acquis à ce stade. En d’autres
termes, si le requérant obtient satisfaction à l’issue de sa procédure, l’annulation de
l’autorisation d’urbanisme est prononcée, et l’autorisation n’aura finalement jamais
réellement créé de droits acquis intangibles.
Il résulte de ces observations qu’au moment où le tiers introduit son recours en
annulation, les droits susceptibles d’être acquis par le titulaire de l’autorisation
d’urbanisme ne sont encore qu’en gestation, et ce jusqu’à la fin de cette période de
purge des recours et retraits. Quoique pleinement justifiées au regard du principe de
légalité, ces observations soulignent la position de faiblesse du titulaire de
l’autorisation. En effet, ce dernier n’a, pour tout argument, que la démonstration de la
légalité de son autorisation et la réfutation des arguments de la partie adverse75
. Il
n’est pas, chronologiquement, alors en mesure de se prévaloir de droits acquis du fait
de l’autorisation délivrée.
En pratique, l’observation des requêtes notifiées au titulaire de permis de construire
montre que c’est cette procédure de recours en annulation qu’instrumentalisent les
tiers lorsqu’ils se livrent à des recours abusifs.
II. L’apparition de l’abus du droit au recours
Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours pour excès de pouvoir, il a pour
mission de contrôle la légalité de l’autorisation d’urbanisme qui lui est déférée. S’il
apparaît que le recours est processif, malveillant, abusif, il est en principe habilité à
sanctionner le requérant malveillant. Mais pour le juge de la légalité, le contrôle
comme l’identification de la poursuite d’un intérêt illégitime est une mission délicate
(A.). En outre, une fois l’abus décelé, l’application de la sanction relève également
d’un maniement délicat pour le juge (B.).
75 Pour une illustration de mémoire en défense v. ROUQUETTE (R.), Petit Traité du Procès
administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012, p. 1122, § 1000-15.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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A. La difficile qualification de l’abus
Déceler la poursuite d’un intérêt illégitime et qualifier cette conduite d’abus est une
mission délicate pour le juge de la légalité. En effet, l’identification de la poursuite
d’un intérêt illégitime comme l’identification d’une intention malveillante dans
l’exercice d’un recours abusif n’est pas chose aisée pour le juge qui, bien qu’en tant
que gardien d’une bonne justice ne doit pas laisser proliférer des abus processifs, a
surtout pour mission d’exercer un contrôle objectif de la légalité de l’acte et ce
indépendamment des intentions du requérant.
« Suivant une formule souvent répétée, le droit cesse où l’abus commence. Mais si
cette dernière proposition est exacte, elle ne résout point la difficulté, parce que,
précisément, il faut déterminer le point où commence l’abus et où cesse le droit76
. »
L’abus d’un droit peut être défini comme le fait par le titulaire d’un droit de le mettre
en œuvre en dehors de sa finalité ou, selon un autre critère, sans réel intérêt légitime
ou dans le seul but de nuire à autrui, au cas particulier, du bénéficiaire du permis de
construire77
.
Constitutif d’une faute, l’abus de droit au recours peut donner lieu à une réparation
civile dans les conditions de droit commun prévues par l’article 1382 du Code civil
et les articles 32-1, 559, 581 et 628 du Code de procédure civile78
. Le Code de
procédure civile le prévoit ainsi expressément :
Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné
à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des
dommages-intérêts qui seraient réclamés79
.
76 DUGUIT (L.), La règle de droit, Le problème de l’État, Traité de droit constitutionnel, T. I, Paris
1927, p. 267, consultable sur Gallica. 77
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Ouvrage collectif, sous la direction de GUINCHARD (S.) et
MONTAGNIER (G.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14e éd., 2003, 620 p.
78 Code de civil, art. 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Code de procédure civile, art. 628 : « Le demandeur en cassation qui succombe dans son pourvoi ou
dont le pourvoi n’est pas admis peut, en cas de recours jugé abusif, être condamné à une amende
civile dont le montant ne peut excéder 3 000 euros et, dans les mêmes limites, au paiement d’une
indemnité envers le défendeur. » 79
Code de procédure civile, art. 32-1.
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Dans le même sens, l’article 581 du même code précise encore que :
En cas de recours dilatoire ou abusif, son auteur peut être condamné à une
amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-
intérêts qui seraient réclamés à la juridiction saisie du recours80
.
Mais qu’en est-il devant le juge administratif ?
Le recours qui dégénère en abus est, bien entendu, distinct du recours légitime
justifié par la violation effective d’une règle de droit ou par le trouble d’un intérêt
légitime protégé par le droit de l’urbanisme (par exemple, citons, l’incompétence des
signataires de l’arrêté litigieux ou le dépassement du coefficient d’occupation des
sols (COS)81
…).
Le pouvoir réglementaire s’est récemment attelé au problème de la définition du
recours abusif dans le contentieux d’urbanisme. Ainsi, le groupe de travail créé par
lettre du 11 février 2013 de Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et
du Logement, et présidé par Daniel LABETOULLE, président honoraire de la
section du contentieux du Conseil d’État, a remis un rapport intitulé « Construction
et droit au recours : pour un meilleur équilibre »82
. Dans ce rapport, le recours abusif
est défini comme :
Le recours de celui qui, manifestement, dérange inutilement le juge – au
regard de la faiblesse de son argumentation ou des enjeux qui sous‐tendent le
recours, ou encore de la fréquence de ses saisines83
.
Au-delà de cette définition générale, différents types de recours abusifs peuvent être
distingués. L’analyse des requêtes en annulation pour excès de pouvoir montre qu’il
existe trois catégories de recours abusifs : il y a (i.) le recours d’humeur sans base
80 Code de procédure civile, art. 581.
81 Le Coefficient d’occupation des sols (COS) est un rapport qui désigne le nombre de mètres carrés
de plancher constructibles par mètre carré au sol, pour une catégorie donnée de terrains. Ce rapport
diffère avec la destination (habitation, bureaux, ou commerces…). Il est fixé par les plans locaux
d’urbanisme qui peuvent ouvrir des exceptions et permettre le droit d’accorder des autorisations de
construire en dépassement du COS dans le respect toutefois du plafond légal de densité (PLD). 82
« Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, du
groupe de travail présidé par LABETOULLE (D.), président honoraire de la section du contentieux du
CE, et créé par Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, 2013, 28 p.,
25 avr. 2013. 83
Rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », remis au ministère de
l’Égalité des territoires et du Logement le 25 avr. 2013, p. 4.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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juridique, (ii.) le recours politique où le titulaire du permis de construire est comme
pris en otage à des fins politiques, (iii.) le recours du procédurier acrimonieux et
enfin (iv.) le recours « voyou84
» qui est, quant à lui, « crapuleux » motivé par
l’espoir d’obtenir un désintéressement financier subséquent. Ce sont les deux
dernières catégories qui sont les plus sournoises et donc les plus difficilement
contrôlables en amont. En effet, tandis que les recours d’humeurs et politiques
s’essoufflent vite par manque de base juridique, les recours des procéduriers et les
recours crapuleux posent un réel problème parce que, d’une part, ils ont l’apparence
d’être fondés sur une base juridique alors que seul l’appât du gain les motive et parce
que, d’autre part, leurs acteurs ont un réel moyen de pression pour paralyser un projet
de construction ou de restructuration lourde voir même de le remettre totalement en
cause. Or, parce qu’ils ont l’apparence d’être juridiquement fondés et motivés, ils
sont difficilement identifiables a priori pour le juge. Le racket sous-jacent à ce type
de recours est toute la problématique de la présente thèse car le droit positif n’a pas
les outils de prévention. Le droit positif ne dispose que de moyens répressifs. En
effet, le recours abusif est sanctionné a posteriori, mais, encore faut-il que le juge
l’ait identifié comme tel et le sanctionne à la hauteur des préjudices causés par le
requérant malveillant.
Le droit administratif dispose d’un moyen général de sanction du recours abusif et
d’un moyen spécifique de sanction réparatrice pour le cas particulier des recours
abusifs en matière de contentieux d’urbanisme. Le premier est prévu par l’article
R. 741-12 du Code de justice administrative qui dispose que :
Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une
amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros85
.
Le second est récent. Il est prévu par l’article L. 600-7 introduit dans le Code de
l’urbanisme par l’article 2 de l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au
contentieux de l’urbanisme86
.
Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un
permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des
84 Expressions de Claude CAGOL, président de SEFRI-CIME promoteur-aménageur, conférence
consacrée aux Marchés de l’immobilier lors du SIMI (Salon de l’immobilier d’entreprise), 2012. 85
Code de justice administrative, art. R. 741-12. 86
Ordonnance no 2013-638 du 18 juill. 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, NOR :
ETLX1317296R, JORF no 0166 du 19 juillet 2013, p. 12070, texte n
o 24, art. 2.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui
causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut
demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de
condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La
demande peut être présentée pour la première fois en appel.
Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal
la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de
l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les
limites de la défense de ses intérêts légitimes87
.
En pratique, le juge administratif fait peu application de l’amende prévue par l’article
R. 741-12 du Code de justice administrative. Quant aux nouvelles dispositions de
l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, elles ne visent qu’à rendre moins
dommageable la période procédurale du bénéficiaire de l’autorisation entraîné
malgré lui dans une spirale contentieuse, en lui permettant désormais de demander à
titre reconventionnel une indemnisation s’il démontre que le tiers exerce une action
qui excède la défense d’intérêts légitimes et que son préjudice présente un caractère
excessif. Nous commentons plus en détail ce nouveau dispositif dans notre titre
second et y envisageons les récentes jurisprudences sous le nouvel article L. 600-7
précité.
B. L’inadéquation de la sanction traditionnelle
L’amende de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative permet au juge de
punir l’abus88
(1.). Mais, en pratique, elle se révèle inadéquate et n’est donc que peu
appliquée (2.).
87 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.
88 Nous consacrons un développement sur le régime de cette amende et sur la controverse qu’elle
suscite à la fin de ce Titre 1er
consacré à l’identification délicate de remèdes pour mettre en relief et
commenter les propositions de durcissement de cette amende faite dans le Rapport PELLETIER.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
67/480
1) L’amende pour recours abusif
Depuis la loi du 4 août 1956, les juridictions administratives sont autorisées à
condamner l’auteur d’une requête jugée abusive à une amende. Cette sanction est
prévue par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. C’est une sanction
de nature réglementaire89
et non pas une sanction pénale ou un impôt90
. Cette
sanction a été jugée compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme91
. Cela a, en outre, été confirmé par la Cour européenne des droits
de l’homme notamment sur la base des articles 5 § 4, 6 § 1er
et 13 de la Convention
européenne92
. Cette jurisprudence est également confirmée par la Cour de justice de
l’Union Européenne93
. Enfin, cette sanction a été jugée comptabilité avec le droit à
l’accès au juge qui a valeur constitutionnelle94
.
Initialement, le montant de cette amende se limitait au montant maximum des frais
de justice. Mais avec la suppression des frais de justice, réalisée par l’article 7 de la
loi du 30 décembre 1977, un décret du 20 janvier 1978 a porté le maximum de cette
amende, tant pour les recours au Conseil d’État que pour ceux devant les tribunaux
administratifs à 10 000 francs95
. Aujourd’hui, le montant maximum de cette amende
est de 3 000 euros.
89 CE, ass., 31 oct. 1980, FEN et Union des jeunes avocats, Rec. Lebon, p. 395 ; concl. FRANC (M.),
RDP, 1981, p. 499. 90
DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001,
p. 616 s, § 693. 91
CE, 25 juill. 1986, CASANOVAS, Rec. Lebon, T, 1986, p. 669, Drt adm. 1986n no 552 ; note
MOUSSA (T.), Quot. Jur. 15 mars 1988 ; CE, 6 mai 1988, BARQUE et MELKI, Lebon, T., p. 964. 92
CEDH, 21 févr. 1975, GOLDER c. Royaume-Uni, Aff. no 4451/70 ; CEDH, 9 oct. 1979, AIREY c.
Irlande, aff. no 6289/73, obs. COHEN-JONATHAN (G.), CDE, 1980, p. 470 ; PELLOUX (R.),
A.F.D.I., 1980, p. 323 ; obs. ROLLAND (P.), J.D.I., 1982, p. 187 ; CEDH, 16 déc. 1992,
GEOUFFRE de la PRADELLE c. France, aff. no 12964/87, note BENOÎT ROHMER (F.), Dalloz,
1993, p. 562 ; CEDH, 19 mars 1997, HORNSBY c. Grèce, aff. no 18357/91, chron. FLAUSS (J.-F.),
AJDA, 1997, p. 977 ; FRICERO (N.), Dalloz, 1998, p. 74 ; obs. MARGUENAUD (J.-P.), RTD civ.,
1997, p. 1009 ; obs. FLAUSS (J.-F.), R.G.D.I.P., 1998, p. 230 ; note DUGRIP (O.) et SUDRE (F.),
JCP, 1997, p. 22949. 93
CJCE, 15 mai 1986, Marguerite JOHNSTON c. Chief Constable of the R.U.C., aff. no 222/84, Rec.
JC, p. 1651, à propos du rejet de la candidature d’une femme du fait des risques d’attentats en Irlande
du Nord au moment des « troubles » ; CJCE, 15 oct. 1987, HEYLENS, aff. no 222/86, Rec. JC,
p. 4097 ; CJCE, 3 déc. 1992, OLEIFINI BORELLI S.P.A. c. Commission, aff. no 97/91, Rec. JC,
p. 6313. 94
FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 95
ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, p. 910.
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Cette amende vise à punir le requérant coupable d’avoir abusé de son droit d’agir en
justice. La condamnation d’un requérant à ce châtiment suppose donc la réunion de
deux conditions cumulatives. Il faut nécessairement une procédure contentieuse
initiée par le requérant fautif et que ce même requérant n’ait pas obtenu entièrement
satisfaction. Ce qui induit qu’un requérant qui n’obtient que partiellement
satisfaction peut se voir, théoriquement, infliger cette amende96
.
Mais, en pratique, les juridictions administratives, détentrices de ce pouvoir
d’infliger une telle amende, font rarement usage de cette sanction. En effet, la
formation collégiale comme le juge des référés, les présidents des tribunaux
administratifs, les présidents des cours administratives d’appel, le vice-président du
tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des
tribunaux et des cours lorsqu’ils statuent par ordonnance en application des
dispositions de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative reprises de
l’article L. 9 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel97 et 98
rechignent à appliquer la sanction.
Il en résulte que l’amende pour recours abusif est une sanction inadaptée. Or, « les
lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires99
» écrit MONTESQUIEU. Nombre
d’auteurs100
posent la question du maintien de cette disposition. En outre,
l’inadéquation de la sanction explique en partie pourquoi l’insécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours abusifs a pris une telle
ampleur. Cette inadéquation a permis à des requérants, malveillants certes, mais
ingénieux d’intenter des recours avec un acharnement abusif sans être sanctionnés101
.
96 CE, 28 juin 1993, PADRITGE, Rec. Lebon, p. 969.
97 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 212, Rub. Frais de justice,
in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 98
V. CAA Lyon, 28 janv. 1997, D. COUDERC, no 96LY02412.
99 MONTESQUIEU (Ch. de S.), L’esprit des Lois, T. 2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par VERNET (J.-
J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408. 100
PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e
éd., Paris, 2010, p. 205, no 222 ; DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux
Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693 ; FRAISSEIX (P.), op. cit., Droit au
juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 101
En matière, d’autorisation d’urbanisme, seuls quelques cas où l’abus était manifeste sont recensés.
V. en ce sens les tribulations de la SCI KAROUS et des consorts HADDAD : TA Marseille, ord., 5
févr. 2013, SCI KAROUS, no 1300198 : « est également condamnée à une amende de 3 000 euros pour
recours abusif une société auteur de plusieurs recours contre d’importants projets immobiliers, rejetés
et ayant donné lieu à l’infliction d’amendes pour recours abusifs, et dont l’intérêt est illégitime, la
société requérante se prévalant de la location d’une toiture-terrasse en face du projet, faite quelques
jours avant la présentation de la demande de permis et sans contrepartie financière pendant plusieurs
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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De sorte, que l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation est une réalité qui
souffre du manque d’une sanction adaptée.
2) Un châtiment inadéquat
Les réticences des juges à appliquer cette amende s’expliquent. En pratique, compte
tenu du caractère fondamental du droit au juge, l’amende est peu appliquée.
Incitation plus théorique à la retenue pour des requérants malveillants, processifs ou
dilatoires que réelle, le juge administratif se méfie d’une sanction qui laisse trop de
place à l’appréciation subjective de l’intention malveillante du requérant.
La doctrine relève que l’usage de cette sanction demeure réservé à des cas
particuliers que sont les recours appuyés de faux102
ou gravement inconsistants ou
infondés103
, voire insultants ou encore l’usage désordonné des voies de recours, et
certaines rétractations104
, ou encore les recours dilatoires105
, ou manifestement
irrecevables106
.
mois » ; TA Marseille, ord., 25 mars 2013, HADDAD, no 1300051 (pour un permis portant sur un
ensemble immobilier de 286 logements, une maison d’enfants à caractère social et des locaux à usage
de bureaux) : Est condamné à une amende de 3 000 euros pour recours abusif un requérant dont
l’intérêt est illégitime, d’une part en ce qu’il demeure à plusieurs kilomètres du projet et a conclu un
compromis de vente pour un appartement voisin peu de temps après la délivrance du permis de
construire et rédigé un recours gracieux dès le lendemain de ce compromis, et, d’autre part, en ce qu’il
a déjà présenté, en sa qualité de gérant de deux sociétés civiles immobilières des recours rejetés pour
défaut d’intérêt à agir et pour lesquels il a déjà été condamné à des amendes pour recours abusifs ;
CAA de Marseille, 20 mars 2014, SCI KAROUS, no 13MA01369, inédit ; CAA de Marseille, 20 mars
2014, Cts HADDAD, no 13MA02161, inédit, NOGUELLOU (R.), Le droit de l’urbanisme post
ALUR, RFDA, no 3, 9 juill. 2014, p. 553.
102 WALINE (J.), note sous CE, Ass, 27 avr. 1979, RDP, 1980, p. 1163.
103 CE, 19 avr. 1982, n
o 16179, Rev. Jurispr fisc. 1982, p. 314 ; CE, 13 janv. 1997, Mlle DROULERS,
inédit ; CE 10 juin 1998, MM. LAVET et BERTIN, inédit, relatif à la demande de communication de
documents inexistants. 104
PACTEAU (B.), Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e éd., Paris,
2010, 318 p., p. 205, no 222.
105 CE, 9 déc. 1981, Rev Jurispr. Fisc., 1982, p. 78 ; CE, 1
er oct. 1958, PAISNEL, Rec. Lebon, T.,
p. 466, recours en interprétation d’une décision du Conseil d’État ne présentant « ni obscurité ni
ambiguïté » ; CE, ass., 27 avr. 1979, MINEFI c. Mme LESTRADE ; CAA, Paris, 20 févr. 1990, Cne
d’Evry c. Mlle PROVOST, Rec. Lebon, T., p. 931. 106
CE, 15 févr. 1980, SCI du 73 avenue du Commandant BERRI à Viry-Châtillon, Rec. Lebon, T.,
p. 841.
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La doctrine se méfie de cette sanction. Bernard PACTEAU considère que le risque
de se voir condamner à supporter les frais de procédure des défendeurs doit être
assez dissuasif pour le requérant107
.
En pratique, s’il est clair que les juges appliquent assez peu souvent l’amende pour
recours abusif. Il est naïf de croire que le risque de devoir supporter les frais de
procédure des défendeurs décourage le requérant mal attentionné. Et pour cause,
comme pour l’amende, les juges renâclent à faire supporter ces frais aux requérants,
simples particuliers ou SCI familiales ou encore commerçants locaux, lorsque le
titulaire du permis de construire est un professionnel ou une autorité administrative
importante. Certes, le défendeur qui s’estime lésé par un recours abusif peut se
tourner vers le juge judiciaire et solliciter l’allocation de dommages-intérêts dans les
conditions de l’article 1382 du Code civil, pour abus d’ester en justice même si
l’action a été intentée devant le juge administratif108
et 109
, ceci dans l’hypothèse où le
requérant n’aura pas fait de demande reconventionnelle dans les conditions de
l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Mais avant l’introduction en 2013 de ce
dispositif, seule la voie judiciaire était envisageable pour obtenir réparation du
préjudice causé par l’abus.
La rareté de l’application de cette amende témoigne de la difficulté pour les juges à
manier cette sanction. Il semble qu’en matière d’urbanisme, seuls des cas
caractérisant des recours abusifs « manifestes » peuvent donner lieu à l’application
de l’amende, auxquels cas, les juges n’hésitent pas, dans ces hypothèses, à prononcer
le maximum de l’amende prévu par le texte110
.
107 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2
e
éd., Paris, 2010, p. 205, no 222.
108 DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8
e éd., Paris, 2001,
p. 616 s, § 693. 109
T.G.I. Grasse, 7 févr. 1989, CRICA c. groupement de défense Bernard MARZANO et autres,
AJDA, 1989, p. 549. 110
V. Préc. pour une illustration les tribulations de la SCI KAROUS et des consorts HADDAD : TA
Marseille, ord., 5 févr. 2013, SCI KAROUS, no 1300198 : est également condamnée à une amende de
3 000 euros pour recours abusif une société auteur de plusieurs recours contre d’importants projets
immobiliers, rejetés et ayant donné lieu à l’infliction d’amendes pour recours abusifs, et dont l’intérêt
est illégitime, la société requérante se prévalant de la location d’une toiture-terrasse en face du projet,
faite quelques jours avant la présentation de la demande de permis et sans contrepartie financière
pendant plusieurs mois ; TA Marseille, ord., 25 mars 2013, HADDAD, no 1300051 (pour un permis
portant sur un ensemble immobilier de 286 logements, une maison d’enfants à caractère social et des
locaux à usage de bureaux) : Est condamné à une amende de 3 000 euros pour recours abusif un
requérant dont l’intérêt est illégitime, d’une part en ce qu’il demeure à plusieurs kilomètres du projet
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Châtiment au maniement trop délicat pour être efficace, la doctrine pose
fréquemment la question du maintien de cette amende111
et s’interroge sur « le réel
intérêt que peut présenter une sanction rarement infligée, d’un montant modeste, et
d’un maniement délicat pour le juge112
», estimant, à raison, qu’il faut éviter de trop
sanctionner ceux qui ont cru pouvoir obtenir gain de cause plus par méconnaissance
du droit et des subtilités de celui-ci que par malveillance113
. Et, ainsi que le souligne
Bernard PACTEAU, il est vrai que « sans l’acharnement de tant de requérants
téméraires plaidant sans se lasser à contre-courant des jurisprudences les mieux
établies certains progrès historiques du droit administratif n’auraient jamais vu le
jour114
. »
Nous verrons dans la suite de notre développement qu’en dépit des réserves les plus
profondes émises par la doctrine à l’égard de cette amende, la « rénovation » de ce
régime a figuré parmi les propositions de réformes formulées dans le rapport
PELLETIER auquel nous consacrons un développement particulier dans le troisième
chapitre du présent titre afin de démontrer la difficulté d’identifier des remèdes
efficaces pour remédier à l’insécurité juridique subie par les bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme face aux recours abusifs des tiers.
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que la
procédure pour excès de pouvoir est favorable aux tiers. En outre, bien connue et
bien maîtrisée, elle est une procédure qui peut être maniée avec habileté pour
demander en apparence l’annulation de l’autorisation d’urbanisme et pour
et a conclu un compromis de vente pour un appartement voisin peu de temps après la délivrance du
permis de construire et rédigé un recours gracieux dès le lendemain de ce compromis, et, d’autre part,
en ce qu’il a déjà présenté, en sa qualité de gérant de deux sociétés civiles immobilières des recours
rejetés pour défaut d’intérêt à agir et pour lesquels il a déjà été condamné à des amendes pour recours
abusifs ; CAA de Marseille, 20 mars 2014, SCI KAROUS, no 13MA01369, inédit ; CAA de Marseille,
20 mars 2014, Cts HADDAD, no 13MA02161, inédit, NOGUELLOU (R.), Le droit de l’urbanisme
post ALUR, RFDA, no 3, 9 juill. 2014, p. 553.
111 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2
e
éd., Paris, 2010, p. 205, no 222 ; DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux
Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693 ; FRAISSEIX (P.), op. cit., Droit au
juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 112
DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris,
2001, p. 616, § 693. 113
PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e
éd., Paris, 2010, p. 205, no 22.
114 Ibid.
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poursuivre, en réalité, un but inavouable et illégitime tel obtenir une transaction
rentable moyennant un désistement d’instance et d’action, ou la négociation
d’avantage dans l’opération. Occulte, discret, pernicieux, le recours abusif n’est pas
aisément décelable pour le juge de la légalité qui n’est pas en mesure de sanctionner
l’abus et qui par conséquent, renâcle à faire application de la sanction prévue par
l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. En outre, il ne faut pas minorer
le fait que son identification n’est pas la priorité du contrôle de légalité lequel est, par
essence, un contrôle objectif avant tout. Enfin, les demandes reconventionnelles en
indemnisation faites en application du nouvel article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme font naître l’espoir que le juge administratif, dont la conviction sera
emportée par la démonstration du bénéficiaire du permis, fera dorénavant davantage
application de l’amende prévue par le Code de justice administrative.
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CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Acte de police, autorisation de faire, autorisation d’urbanisme délivrée par arrêté, le
permis de construire est un acte administratif fragile. Loin d’être un droit absolu, il
est un acte vulnérable que les tiers peuvent attaquer par diverses voies de recours. La
plus importante d’entre elles est le recours pour excès de pouvoir. Historiquement,
gage de sécurité juridique pour les administrés, la procédure du recours pour excès
de pouvoir est bien connue du juge administratif. Elle est néanmoins sujette à abus
quand l’action est exercée par des requérants – tiers évidemment à l’autorisation
d’urbanisme attaquée – malveillants, crapuleux, ou procéduriers. Des moyens de
sanction de l’abus existent dans les outils du contrôle du juge administratif. Mais ces
moyens sont inefficients, puisqu’ils n’ont pas su empêcher ni, a fortiori, endiguer le
phénomène de multiplication des contentieux d’urbanisme.
En conclusion des développements qui précèdent, avant l’entrée en vigueur de
l’ordonnance du 18 juillet 2013, le droit positif n’a pas les moyens de répondre au
phénomène de multiplication des recours abusifs contre les permis de construire. Le
droit ne saurait se satisfaire de cette inefficacité.
Comment expliquer ces faiblesses du droit positif ? Comment expliquer ce
déséquilibre entre le tiers et le bénéficiaire du permis de construire ? N’y a-t-il pas là
une rupture d’égalité des armes ? La réforme des procédures contentieuses en
urbanisme, opérée en 2013, apporte-t-elle les solutions nécessaires ?
La question d’une éventuelle rupture d’égalité des armes suppose qu’il y ait au départ
une égalité des armes. Or, tel n’est pas le cas. Il n’y a aucune égalité des armes entre
le bénéficiaire du permis de construire et le tiers requérant l’annulation du permis. Le
premier est partie au procès d’un acte dont il a été absent du processus de légalité et
du processus de signature. Son arme à lui, c’est prétendre à la sécurité juridique de
son permis. Tandis que le second peut se prévaloir d’un droit au recours d’une valeur
normée considérable. À défaut d’égalité des armes, il ne saurait être question d’une
quelconque rupture d’égalité des armes. Il n’en demeure pas moins que c’est bien ce
dilemme qui oppose droit au recours et sécurité juridique qui sont cause d’insécurité
juridique pour le bénéficiaire du permis de construire. Et ce même dilemme
complique grandement la sécurisation de la situation du bénéficiaire d’autorisation
d’urbanisme contre les recours abusifs.
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CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien,
facteur d’insécurité
Le droit au recours juridictionnel effectif et l’exigence de sécurité juridique sont
deux notions constitutionnelles inégales. En matière de contentieux des permis de
construire, la confrontation de ces deux droits pose un dilemme. Pour le résoudre, la
jurisprudence accorde une valeur plus importante au droit au recours juridictionnel
effectif qu’à l’exigence de sécurité juridique. Ce qui est du reste tout à fait conforme
à l’ordre constitutionnel établi. Ce déséquilibre a d’importantes conséquences en
matière de contentieux des permis de construire et plus particulièrement pour le
bénéficiaire du permis de construire. Ce déséquilibre intrinsèque au droit positif
fragilise la sécurité du permis de construire. Il faut donc rappeler la notion et la
valeur du droit au recours juridictionnel pour s’interroger sur la possibilité de
l’encadrer ou de l’aborder autrement au profit d’une sécurisation des permis de
construire. Et de la même manière, il faut analyser ce que recouvre l’exigence de
sécurité juridique appliquée au permis de construire pour en cerner les faiblesses face
à la force du droit au recours. La confrontation de ces deux notions inégales amène à
observer que la réponse prétorienne à ce dilemme cornélien est certes logique et
constitutionnelle mais qu’elle est également inadaptée. Elle ne permet pas de
remédier au phénomène de multiplication des recours abusifs dirigés contre les
permis de construire.
L’insécurité qui affecte les permis de construire s’explique par le fait qu’ils peuvent
être attaqués par des tiers au projet. En d’autres termes, l’insécurité des permis de
construire et la croissance du contentieux des permis de construire résultent de
l’exercice du droit au recours des tiers. Par essence, il s’agit là de la bonne
administration de la justice que les tiers puissent agir contre une autorisation de
construire qui ne saurait être inattaquable. Mais la multiplication de ces recours
malveillants fragilise les permis de construire accordés aux pétitionnaires.
Une réaction simpliste serait d’envisager de limiter le droit au recours des tiers pour
refréner la croissance du contentieux administratif et donc, par voie de conséquence,
sécuriser les permis de construire. Or, il s’agit bien là d’une réaction simpliste qui ne
prend pas en considération la valeur de chacun des droits en présence. D’un côté, il y
a le droit au recours juridictionnel effectif du tiers et d’un autre l’exigence de sécurité
juridique du permis de construire délivré au pétitionnaire. Les deux ont une valeur
constitutionnelle. Mais la valeur du droit au recours est sans commune mesure avec
l’exigence de sécurité juridique. Aussi, face à ce dilemme, la pratique a instauré une
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hiérarchie logique dictée par le bloc de constitutionnalité. Cette logique est
actuellement en défaveur du bénéficiaire du permis de construire et donc a contrario
en faveur des tiers. La difficile conciliation du droit au recours juridictionnel effectif
des tiers au permis de construire et de l’exigence de sécurité juridique du titulaire du
permis de construire paralyse in fine des projets de construction et toute l’économie
qui s’y rattache. La valeur constitutionnelle historique du droit au recours est une
cause de fragilité du permis de construire intrinsèque au droit positif (Section 1).
L’exigence de sécurité juridique a, elle aussi, une valeur constitutionnelle mais c’est
une valeur « hybride ». Ceci en fait un principe classiquement jugé inopposable
(Section 2).
SECTION 1 : Le droit fondamental au recours,
créateur d’insécurité juridique
Le droit au recours a un caractère constitutionnel et fondamental qu’il convient de
présenter (I.). Ce double caractère en fait un droit impossible, en l’état actuel du
droit, à restreindre quels que soient les enjeux afférents à la multiplication des
contentieux des permis de construire. Cela pose évidemment un problème intrinsèque
au droit positif car le droit au recours juridictionnel est un droit susceptible d’abus.
La multiplication de ces abus, aujourd’hui dénoncés par les bénéficiaires de permis
de construire et en particulier par les professionnels, tributaires pour leurs activités
professionnelles de la purge de tous recours à l’encontre de leurs autorisations de
construire, aboutit au détournement du droit au recours de ses buts louables et
historiques pour en faire un pouvoir de nuisance qui coûte cher et un outil
d’instrumentalisation de la justice et de ses acteurs (II.).
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I. Un droit constitutionnel et fondamental
Le droit au recours juridictionnel effectif est un droit constitutionnel et fondamental.
Hic jacet lupus115
! Cette double nature juridique explique la difficulté pour le
législateur comme pour les juges à apporter une réponse drastique aux abus du droit
au recours en matière de contentieux du permis de construire.
Par essence, le droit au recours juridictionnel effectif est le droit qui permet de
donner du sens aux autres droits. En effet, la reconnaissance des libertés publiques
par le droit positif ne peut se passer d’une protection juridictionnelle de celles-ci sous
peine de n’avoir qu’un effet purement platonique. La valeur constitutionnelle du
droit au recours ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Il fait maintenant l’objet d’une
jurisprudence constante (A.). En outre, c’est un droit fondamental qui trouve sa place
parmi les libertés publiques et les droits fondamentaux par une reconnaissance à
l’échelle européenne et communautaire (B.).
A. Le droit au recours, un droit constitutionnel
Le droit au recours est un droit relativement récent en droit français. En effet, au
XVIIIe siècle, le droit au recours est un rêve, une garantie réclamée par les
philosophes des Lumières. C’est François-Marie AROUET, dit VOLTAIRE, qui face
aux abus et aux scandales judiciaires des affaires CALAS116
et du Chevalier de LA
115 Hic jacet lupus : C’est la cause du problème (Ci-gît le loup).
116 L’affaire CALAS est une affaire judiciaire connue pour l’erreur judiciaire commise par le
parlement de Toulouse en 1762 en raison de son intolérance religieuse. Négociant à Toulouse et de
religion protestante, Jean CALAS en a été la victime. Accusé à tort d’avoir assassiné son fils pour
empêcher ce dernier de se convertir au catholicisme, CALAS est condamné au supplice de la roue et
exécuté le 10 mars 1762. Dans son Essai sur la Tolérance publié sous un pseudonyme, VOLTAIRE se
saisit de l’affaire CALAS pour en faire un combat pour les libertés et dénoncer l’iniquité de la justice
du Roi Louis XV. Plus encore, il dénonce la justice arbitraire et expiatoire du parlement de Toulouse
pétri de l’intolérance catholique. VOLTAIRE donne une telle ampleur à cette affaire que le Roi Louis
XV ne peut rester indifférent. Une nouvelle enquête conclut à l’innocence de Jean CALAS. Le
12 mars 1765, et malgré l’hostilité du Parlement de Toulouse, CALAS est réhabilité à l’unanimité des
cent juges réunis à Versailles. Le capitoul David de BEAUDRIGUE est destitué de ces fonctions. La
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BARRE117
, propose un autre modèle plus soucieux des libertés individuelles et de
l’intégrité des personnes.
Les combats ponctuels de VOLTAIRE ne parviennent pas alors à faire consacrer le
droit au recours juridictionnel effectif. Il faut pour cela attendre 1789. Mais sous son
influence et celle du Traité des délits et des peines du juriste philosophe milanais
Cesare BECCARIA, la nécessité de mettre en place un système de protection des
droits et de reconnaître des principes de justice se font sentir. Ces auteurs inspireront
la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789
et en particulier la rédaction de l’article 16 de la Déclaration. Celui-ci consacre enfin
implicitement la garantie juridique de ces droits, soit en d’autres termes, le droit au
recours.
Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la
séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution118
.
La genèse de ce droit brièvement rappelée permet de comprendre que dans le
contexte du contentieux des permis de construire, une certaine hiérarchie de valeurs
s’impose au justiciable, soit ici au bénéficiaire du permis de construire. En outre, le
droit positif a depuis consacré le droit au recours juridictionnel en lui reconnaissant
une valeur constitutionnelle (1.) qui s’impose même en l’absence de textes écrits (2.)
et exige qu’il soit explicitement rappelé par voie d’affichage sur le chantier (3.).
famille CALAS est dédommagée par le Conseil du Roi. C’est une première dans l’histoire du droit
français, c’est la première erreur judiciaire reconnue par la justice. Cependant, le droit au recours est à
cette époque loin d’être né, car cette affaire est suivie d’une autre affaire toute aussi sordide pour la
justice. 117
L’affaire LA BARRE est une autre affaire d’erreur judiciaire commise par le parlement de Paris
cette fois-ci. En 1766, Jean-François LE FEBVRE, Chevalier de LA BARRE est un jeune garçon de
19 ans qui aime les œuvres philosophiques de VOLTAIRE et les romans érotiques, goûts qui seront
autant de circonstances aggravantes dans son procès. Le Chevalier de LA BARRE est injustement
accusé d’avoir mutilé un crucifix à Abbeville en 1765. D’abord condamné à la torture (poing coupé et
langue arrachée), il est finalement condamné en appel par le parlement de Paris à n’être que décapité
et livré au bûcher le 1er
juillet 1766. Sa réhabilitation est réclamée par VOLTAIRE qui ne l’obtient
qu’en 1793 sous la Convention. 118
DDHC, art. 16.
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1) Une garantie constitutionnelle
Le droit au recours juridictionnel effectif dont disposent les tiers au permis de
construire n’est ni un droit anodin ni un droit banal. C’est au départ une garantie
constitutionnelle reconnue par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (a.) avant
d’être une garantie constitutionnelle sans ambiguïté par son intégration pure et
simple au bloc de constitutionnalité (b.).
a. Une garantie constitutionnelle implicite
Le droit à exercer un recours juridictionnel effectif est au nombre des droits et
libertés que la Constitution garantit. Il peut être invoqué à l’appui d’une question
prioritaire de constitutionnalité119
. En outre, le Conseil constitutionnel considère
désormais classiquement
Qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société
dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’est garanti par cette
disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours
juridictionnel effectif120
.
119 V. Cons. const., 26 nov. 2010, n
o 2010-71 QPC, Mlle DANIELLE S., Hospitalisation sans
consentement (portant sur l’article 8 du Code de la santé publique), BIOY (X.), AJDA, 2011, p. 174 ;
AJDA, 2010, p. 2284 ; obs. BERNAUD (V.) et GAY (L.), D., 2011, p. 1713 ; obs. LAUDE (A.), D.,
2011, p. 2565 ; étude PENA (A.), RFDA, 2011, p. 951 ; note RENAUDIE (O.), RDSS, 2011, p. 304 ;
obs. BIOY (X.), Constitutions, 2011, p. 108 ; obs. HAUSER (J.), RTD civ., 2011, p. 101. 120
V. les illustrations jurisprudentielles suivantes : Cons. const., 28 sept. 2012, no 2012-275 QPC,
JORF no 0227, 29 sept. 2012, p. 15375, texte n
o 77, NOR : CSCX1235611S, D., 2012, p. 2246 ; obs.
MANGIAVILLANO (A.), D., 2013, p. 1591 ; AJDA, 2012, p. 1822 ; chron. GILBERT (S.), AJDI,
2013, p. 100 ; obs. HOSTIOU (R.), RDI, 2012, p. 556 ; Cons. const., 4 nov. 2010, no 2010-614 DC,
AJDA, 2010, p. 2135 ; LEVADE (A.), Première censure d’une loi autorisant l’approbation d’un
traité : l’accord comporte des clauses contraires à la Constitution, Constitution, no 1, 31 mars 2011,
p. 61.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
80/480
b. Une garantie constitutionnelle sans ambiguïté
Le Préambule de la Constitution de 1958 fait référence à la Déclaration des droits de
l’homme de 1789. Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a reconnu
expressément la valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789121
.
L’appartenance de la Déclaration de 1789 et les principes de valeur constitutionnelle
au bloc de constitutionnalité ne font depuis aucun doute122
.
À titre d’illustration, rappelons que le Conseil constitutionnel se réfère à l’article 16
de la DDHC de 1789 pour en déduire qu’il ne doit pas être porté d’atteinte
substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant
une juridiction123
. Le principe d’égalité devant la justice interdit au législateur de
supprimer pour l’une des parties l’exercice du double degré de juridiction. À ce titre,
le Conseil constitutionnel consacre la valeur constitutionnelle du principe des droits
de la défense en censurant une disposition permettant au tribunal d’expulser du
prétoire l’avocat d’une partie en raison de son comportement à l’audience124
. Le droit
au recours vise également à sanctionner l’incompétence négative du législateur125
.
Enfin, rappelons encore que le Conseil constitutionnel reconnaît le principe du
recours ouvert contre toutes sanctions administratives prononcées par une A.A.I. et
consacre le droit au recours non aggravant (l’appel ne peut pas nuire, en l’absence
d’appel incident)126
.
121 Cons. const., 27 déc. 1973, n
o 73-51 DC, Taxations d’offices, Rec. Cons. const., p. 25 ; R.J.C., I-
28 ; JO, 28 déc., p. 14004 ; GDCC, 16e éd., no 8 ; note GAUDEMET (Y.), AJDA, 1974, p. 236 ;
chron. HAMON (F.), D., 1974, p. 83 ; note QUOC DINH (N.), JCP, 1974, p. 17691 ; RDP, 1974,
p. 531 ; note PHILIP (L.) ibid., p. 1099 ; note LALUMIERE (C.), AJDA, 1975, p. 357. 122
Guide legistique, accessible sur le site Légifrance.gouv.fr, www.legifrance.gouv.fr/Droit-
francais/Guide-de-legistique. 123
Cons. cons., 9 avril 1996, no 96-373 DC, Statut de la Polynésie française. Rec. Cons. const., p. 43,
JO 13 avr. 1996, p. 5724 [Non-conformité partielle]. 124
Cons. const., 20 janv. 1981, no 80-127 DC, Sécurité et Liberté ; Rec. Cons. const., p. 15 ; R.J.C.
p.I-90 ; JO 22 janv. 1981, p. 308 ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du Conseil
constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 426.
125 Cons. const. 23 juill. 1975, n
o 75-56 DC, Loi modifiant et complétant certaines dispositions de
procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure
pénale, JO 24 juill. 1975, p. 7533, Rec. CC p. 22 [Non-conformité partielle]. 126
Cons. const., 17 janv. 1989, no 88-248 DC, C.SA ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes
décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 684 ;
DEBBASCH (Ch.), Grands arrêts du droit de l’audiovisuel, Paris, Dalloz, 1991, p. 319, GENEVOIS
(B.), RFDA, 1989, p. 215 ; AUTIN (J.-L.), RA, 1989, p. 223.
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L’effectivité du droit au recours se manifeste de différentes manières. Nous l’avons
rappelé, le double degré de juridiction en est un élément important. Mais ce n’est pas
le seul. Entre dans le champ du droit au recours également des moyens d’accès à la
justice. Il s’agit notamment de la gratuité du service public de la justice127
, de la
charge des dépens qui est fixée par le tribunal à la fin du dispositif de sa décision, du
remboursement des frais irrépétibles, du bénéfice de l’aide juridictionnelle laquelle
entre dans le cadre du « judicare system »128
. Entre également dans le champ du droit
au recours tel qu’il est garanti par le Conseil constitutionnel le droit de disposer non
seulement de l’assistance d’un conseil mais aussi d’un interprète. Par ailleurs, le
respect des délais et des conditions raisonnables et dans l’empêchement de l’abus du
droit de recours font partie intégrante du contenu du droit au recours. Et en vertu
d’un « devoir de protection juridictionnelle129
», l’État engage sa responsabilité en
cas de mauvais fonctionnement de la justice130
.
Il résulte de ces observations que dans le contexte du permis de construire, il est
difficilement soutenable de développer une argumentation tendant à la minoration du
droit au recours au profit d’une sécurisation des permis de construire. Sans aucun
doute, une telle réforme ou tentative de réforme ne passerait pas les fourches
caudines des sages de la rue de Montpensier.
Pour autant, un revirement de jurisprudence du juge administratif pourrait-il être
envisageable ? Un pourvoi bien construit pourrait-il assouplir la jurisprudence du
Conseil d’État ? Ceteris paribus sic stantibus131
, c’est peu probable.
127 La justice administrative est gratuite depuis 1977 puisque les actes de procédures sont dispensés du
droit de timbre fiscal et que chaque partie a droit à une copie gratuite de chaque acte de procédure, mis
à part le droit de plaidoirie dû devant le T.G.I. qui est à la charge des avocats et non des justiciables. 128
Par opposition au système anglo-saxon dit « staff system ». Le « judicare systeme » est un système
d’aide juridictionnelle dans lequel des avocats indépendants assistent les plus démunis et sont
remboursés pour cela sur des fonds publics. À l’opposé le « staff system » est un bureau de juristes
fonctionnaires chargé d’assurer la défense des justiciables impécunieux. 129
Selon l’expression du doyen Louis FAVOREU. 130
PERROT (R.), Institutions judiciaires, 9e éd., Montchrestien, coll. Domat Droit privé, Paris, 2000,
529 p., p. 81. 131
Ceteris paribus sic stantibus : toutes choses étant égales par ailleurs.
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2) Un principe général du droit à valeur
constitutionnelle
S’atteler aux problèmes engendrés par la multiplication des recours abusifs dirigés
contre les permis de construire ne semble pas a priori poser un problème de
constitutionnalité. Mais, dès lors que l’idée de modeler autrement le droit au recours
est envisagée, un problème de constitutionnalité se pose nécessairement. Et pour ce
faire, il n’y a même pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. En effet, le juge
administratif reconnaît depuis longtemps, bien avant même le Conseil
constitutionnel, la valeur du droit au recours. L’analyse de la jurisprudence du juge
administratif montre que le droit au recours juridictionnel prévaut même en l’absence
de texte (a.). Et en tout état de cause, le juge administratif a fait sienne la
jurisprudence du Conseil constitutionnel (b.).
a. Un principe général du droit
Dès 1950, le Conseil d’État juge que le droit au recours juridictionnel effectif est un
principe général du droit. Ainsi, par une décision du 17 février 1950, Ministre de
l’Agriculture contre Dame LAMOTTE132
, il juge que toute décision administrative
peut faire l’objet, même sans texte, d’un recours, et en l’occurrence d’un recours
pour excès de pouvoir. Rappelons que le recours pour excès de pouvoir est le recours
juridictionnel dirigé contre des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité
administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de
service public et dont le but est d’obtenir l’annulation pour cause d’illégalité de ces
actes. Cette jurisprudence est donc intéressante au plus haut point pour la présente
thèse, car en matière de contentieux de permis de construire, les recours contentieux
sont dirigés à l’encontre de l’arrêté municipal ou préfectoral par lequel le maire ou le
préfet a délivré le permis de construire et a donc validé le fait que le projet de
construction envisagé est conforme aux règles d’urbanisme et de construction en
vigueur.
Dans cet arrêt, Ministre de l’Agriculture contre Dame LAMOTTE, les faits sont
assez simples et donnent l’occasion au Conseil d’État d’adopter une position juste et
132 Préc. CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note
WALINE (M.) ; RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n
o 61, p. 394.
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audacieuse mais très vraisemblablement contraire à l’esprit du législateur des années
quarante. En l’espèce, la loi du 17 août 1940 confère aux préfets le pouvoir de
concéder à des exploitations abandonnées ou en jachère depuis plus de deux ans à
des tiers la mise en culture immédiate. En application de cette loi, les terres de
Madame LAMOTTE font l’objet à deux reprises d’une concession à des tiers en sus
d’une réquisition. Chacune de ces décisions a été annulée par le Conseil d’État. Par
arrêté du 10 août 1944, le préfet de l’Ain concède une nouvelle fois les terres en
cause. Mais, entre-temps, une loi du 23 mai 1943 dispose que l’octroi de la
concession ne peut pas faire l’objet d’un recours administratif ou judiciaire. Aux
termes de cette loi, le Conseil d’État aurait dû déclarer le dernier recours de Madame
LAMOTTE irrecevable. Pourtant, ce n’est pas la solution retenue par le juge
administratif. Il adopte un raisonnement audacieux mais alors nécessaire pour lutter
contre l’arbitraire de l’État. Il juge qu’il existe un principe général du droit en vertu
duquel toute décision administrative peut faire l’objet, même sans texte, d’un recours
pour excès de pouvoir. Le Conseil d’État juge donc que la disposition de la loi du
23 mai 1943, quoiqu’elle ne l’ait pas précisé expressément, « n’a pas exclu le recours
pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre l’acte de concession, recours
qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet
d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la
légalité133
. »
En vertu de cette jurisprudence, maintes fois confirmée depuis, ni le pouvoir
législatif ni le pouvoir réglementaire ne peuvent interdire le droit au recours, et au
cas particulier, le recours pour excès de pouvoir visant à l’annulation des
autorisations d’urbanisme délivrées. Bien entendu, le législateur peut théoriquement
toujours interdire le recours pour excès de pouvoir contre certaines décisions. Mais,
dans le contexte normatif interne et jurisprudentiel actuel, les juges sanctionneraient
immanquablement une telle restriction, outre le fait qu’elle serait contraire aux
conventions internationales. Et avec la reconnaissance de la valeur constitutionnelle
du droit au recours par le Conseil constitutionnel, une telle remise en cause semble
quasiment impossible, d’autant que le Conseil d’État a entériné la jurisprudence du
Conseil constitutionnel.
133 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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b. Un principe à valeur constitutionnelle
Le Conseil d’État, dans la droite ligne du Conseil constitutionnel, juge que le droit au
recours juridictionnel effectif est un principe à valeur constitutionnelle. Rappelons
qu’un principe à valeur constitutionnelle se distingue du principe général du droit qui
s’entend de la principale source non écrite du droit administratif, représentée par des
règles de droit obligatoires pour l’Administration et dont l’existence est affirmée de
manière prétorienne par le juge et dont le respect s’impose à toutes les autorités
administratives, même dans les matières où le Gouvernement est investi par la
Constitution d’un pouvoir réglementaire autonome non subordonné à la loi. Le
principe à valeur constitutionnelle s’entend, quant à lui, d’un principe général qui,
bien que n’étant pas explicitement énoncé dans les textes de valeur constitutionnelle,
est reconnu par le Conseil constitutionnel comme s’imposant au législateur avec la
même force qu’eux. De manière crescendo, le Conseil d’État a reconnu l’importance
du recours juridictionnel effectif.
Dans une décision Monsieur et Madame HOFMANN du 21 décembre 2001134
, le
Conseil d’État s’est montré particulièrement explicite :
Considérant que dans l’exercice de sa compétence le pouvoir réglementaire
doit se conformer tout à la fois aux règles et principes de valeur
constitutionnelle, aux principes généraux du droit ainsi qu’aux engagements
internationaux introduits dans l’ordre juridique interne ;
Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de
1958 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée
ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution » ; que la
garantie ainsi proclamée implique le droit pour les personnes intéressées
d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que la définition par le
pouvoir réglementaire des modalités de mise en œuvre de ce droit devant la
juridiction administrative ne saurait conduire à porter atteinte à sa substance
même.
C’est donc un principe qui repose sur un considérant explicite.
134 CE, 4
e et 6
e SSR, 21 déc. 2001, M. et Mme HOFMANN, n
o 222862, Rec. Lebon, p. 653 ; D. 2002,
no 08, 21 fév. 2002, p. 697.
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Au regard de ce qui précède, quels que soient les enjeux économiques et humains
que comporte le contentieux des permis de construire, il n’est manifestement pas
soutenable de solliciter une réforme visant à limiter le droit au recours au profit du
titulaire du permis de construire. De la même manière, il semble difficile d’espérer
raisonnablement un revirement du juge administratif sur ce point pour rejeter en bloc
les recours contre les permis de construire. L’attachement au droit au recours est
également rappelé par le droit de l’urbanisme lui-même.
3) Un principe rappelé jusque sous la poussière du
chantier
Le caractère essentiel du droit au recours effectif est aujourd’hui tel en droit positif
que le pouvoir réglementaire a jugé nécessaire de le rappeler jusque sous la poussière
du chantier. En 2007, le Ministre d’État, Ministre de l’Écologie, du Développement
et de l’Aménagement durables, alors incarné par Jean-Louis BORLOO et le directeur
adjoint au directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, Étienne
CRÉPON, introduisent par arrêté du 11 septembre 2007135
un article A. 424-17136
dans le Code de l’urbanisme pour rappeler l’existence du droit au recours au
justiciable-riverain d’une opération de construction. Ledit article dispose que le droit
au recours et ses modalités doivent être impérativement affichés sur le chantier.
Le panneau d’affichage comprend la mention suivante :
« Droit de recours :
« Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour
d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent
panneau (art. R. 600-2 du Code de l’urbanisme).
« Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine
d’irrecevabilité, être notifié à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du
permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification
doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un
135 Entré en vigueur le 1
er octobre 2007.
136 Arrêté 2007 sept. 11, art. 4, II, JORF, 13 septembre 2007, en vigueur le 1
er octobre 2007.
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délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R.*600-1 du
Code de l’urbanisme)137
. »
L’attachement au droit au recours est donc manifeste. La rédaction de l’article
A. 424-17 ci-dessus en témoigne. De même, un bref rappel des réformes marquantes
sur ce point appuie le constat que le législateur cherche à résoudre les problèmes du
contentieux des permis de construire en contournant l’écueil que constitue le droit au
recours. Amorcée par l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005, la réforme
des autorisations d’urbanisme a été complétée dans un premier temps par des
mesures destinées à sécuriser ces autorisations par la loi no 2006-872 du 13 juillet
2006 portant engagement national pour le logement (E.N.L), et dans un second temps
par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 et publié au Journal officiel du 6 janvier
2007 qui a modifié le livre IV de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme.
Entré en vigueur au 1er
octobre 2007, ce décret a regroupé les autorisations
d’urbanisme en deux catégories : la déclaration préalable et les permis (le permis de
construire, le permis d’aménager et le permis de démolir). Il a également simplifié
les formalités et offert au pétitionnaire des garanties de délai d’instruction. Et surtout,
ce qui intéresse la présente thèse, il a apporté deux précisions notables en matière de
contentieux.
Avec la première, la validité du permis se trouve prorogée si le titulaire interrompt
les travaux par prudence. En principe, en droit administratif, sauf dispositions
contraires, les recours formés devant les juridictions administratives n’ont pas d’effet
suspensif138
. Cette absence s’explique par les conditions dans lesquelles la procédure
administrative est engagée. Ainsi, Raymond ODENT explique qu’un recours ne peut
être introduit que contre une décision administrative. Cette décision, poursuit-il, est
par elle-même exécutoire quoiqu’elle ne puisse être exécutée d’office par la force
publique que dans des cas précis tels qu’un ordre de la loi, un péril imminent pour la
sécurité ou la salubrité ou encore le maintien de l’ordre public139
.
Or, un recours contentieux ne paralyse pas l’exécution de cette décision. Si par la
suite, il s’avère que c’est une décision illégale ou viciée qui a été appliquée, son
exécution peut constituer une faute engageant la responsabilité de l’Administration.
137 Code de l’urbanisme, art. A. 424-17, créé par Arrêté 2007 sept. 11, art. 4, II, JORF, 13 septembre
2007, en vigueur le 1er
octobre 2007. 138
ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, p. 725. 139
Ibid.
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C’est la raison pour laquelle, par pragmatisme, il est fréquent qu’une autorité dont
une décision est attaquée attende que le juge ait statué140
. En droit de l’urbanisme,
l’article R.* 424-19141
du Code de l’urbanisme prévoit que si l’autorisation
d’urbanisme fait l’objet d’un recours en annulation devant la juridiction
administrative (donc soit un recours pour excès de pouvoir, soit un déféré
préfectoral) ou devant la juridiction civile sur le fondement de l’article L. 480-13 du
même code, « le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu’à la notification de
décision juridictionnelle irrévocable ». Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS souligne
que cette mesure limite les recours infondés et leurs éventuels effets négatifs et évite
aux pétitionnaires de devoir recommencer toute la procédure d’obtention du permis
de construire pour cause de caducité du précédent142
. C’est donc bien le délai de
validité du permis qui est prorogé de la durée de l’instance y compris le délai entre
lecture et notification (ou signification pour les jugements judiciaires)143
. Ainsi, si le
recours contre le permis de construire peut apparaître comme suspensif, il n’en est
rien. Ce point est d’ailleurs précisé par une réponse ministérielle relevant que « les
recours contentieux à l’encontre des autorisations d’urbanisme n’étant pas
suspensifs, ils n’ont pas pour effet de geler les projets contestés. Ce gel résulte du
choix du titulaire de l’autorisation de ne pas initier les travaux prévus, ce qui a pour
effet pernicieux d’encourager la multiplication des recours dilatoires144
».
Par ailleurs, il subsiste un doute sur la formule « jusqu’à la notification de la décision
juridictionnelle irrévocable ». Comme le souligne Rémi ROUQUETTE, la formule
« n’est pas claire145
». En effet, concernant les juges du fond, la décision devient
140 Ibid.
141 Code de l’urbanisme, art. R.* 424-19 modifié par Décret n
o 2012-189 du 7 février 2012 – art. 11 :
« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-
opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de
l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé
d’une décision juridictionnelle irrévocable.
Il en va de même, en cas de recours contre une décision prise pour l’autorisation, l’enregistrement en
application des articles L. 512-1 ou L. 512-7 du Code de l’environnement ou le récépissé de
déclaration prévu à l’article L. 512-8 du même code, lorsque le permis de construire a fait l’objet,
conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 du Code de l’environnement, d’un dépôt de
demande simultané avec la demande qui est à l’origine de la décision contestée. » 142
SAVARIT-BOURGEOIS (I.), La simplification et la sécurisation du permis de construire à travers
les réformes récentes du droit à l’urbanisme, D. actu., 28 mars 2008. 143
ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 916, § 821-35. 144
Rép. Min., no 104982, JOAN Q. 19 juill. 2001, p. 7879.
145 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5
e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 916, § 821-35.
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irrévocable par l’écoulement du délai d’appel ou de pourvoi en cassation. Ce n’est
donc pas une question de notification. Le délai d’appel ou de pourvoi prolonge-t-il
aussi la validité ? Il semble que la réponse soit positive au regard d’une réponse
ministérielle du 20 octobre 2009146
qui précise en substance que si un permis ou une
décision de non-opposition à déclaration préalable fait l’objet d’un recours, sa
validité est prorogée du temps nécessaire à la juridiction pour se prononcer, y
compris s’il y a appel et cassation147
. Les délais ainsi articulés écartent désormais la
menace d’une éventuelle caducité du permis : le bénéficiaire du permis peut
désormais faire le choix d’attendre l’issue du recours pour construire en toute
sérénité sans prendre le risque de perdre le bénéfice du permis délivré. Ainsi, la
réponse ministérielle précise encore que « le cadre actuel parvient à maintenir un
équilibre, entre le droit au recours et la nécessaire défense du logement et notamment
du logement social ».
Avec la seconde précision, le point de départ du délai de recours a été déconnecté de
la date d’affichage en mairie. En effet, aux termes de l’article R. 600-2 du Code de
l’urbanisme, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier
jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent
panneau. Force est de constater que toutes ces réformes n’ont jamais atteint le droit
au recours en lui-même.
L’ensemble de ces constatations amène à la conclusion que quels que soient les
enjeux soulevés par le contentieux des permis de construire, qu’il relève de recours
abusifs ou non, le législateur et le pouvoir réglementaire ont été amenés à contourner
le problème de la limitation du droit au recours. Cela s’explique par le fait qu’en plus
d’être constitutionnel, le droit au recours a également une valeur supranationale de
droit fondamental.
146 Rép. Min., n
o 30335, JOAN Q. 20 oct. 2009, p. 9936 ; BJDU, 2009, p. 406.
147 Code de l’urbanisme, art. R. 424-19.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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B. Le droit au recours, un droit fondamental
La réforme du régime des autorisations d’urbanisme au profit d’une meilleure
sécurité juridique est contrariée par la valeur constitutionnelle historique du droit au
recours.
La valeur constitutionnelle que confère le droit interne au droit au recours fait
obstacle à toute minoration de ce dernier. Partant, existe-t-il en droit international,
européen, ou communautaire une solution pour limiter les effets du droit au recours ?
La réponse est négative. À l’échelle du droit international, le droit au recours a été
maintes fois consacré tant par des conventions, des déclarations que par des
jurisprudences constantes. En effet, le droit au recours, et au cas particulier le recours
contre un permis de construire, est un droit protégé par le droit international (1.) et
les droits européen et communautaire (2.) qui en font un droit fondamental obstacle
de réforme (3.).
1) Le droit au recours, un droit onusien
L’Assemblée générale des Nations unies protège le droit au recours par sa
Déclaration universelle des droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques. Rappelons que l’Assemblée générale des Nations unies est
le principal organe délibérant, directeur et représentatif de l’Organisation des Nations
unies (O.N.U.). Fondée après la seconde guerre mondiale, en 1945, par cinquante et
un pays déterminés à maintenir tant la paix que la sécurité dans le monde, l’O.N.U. a
accru le respect des droits de l’homme.
a. La Déclaration universelle des droits de l’homme
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) a été adoptée le
10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies, principal organe
délibérant de l’O.N.U. et composée de représentants des États membres. Elle n’est
donc pas un traité mais un simple texte déclaratif. Bien qu’ayant fait l’objet d’une
publication au Journal officiel de la République française, elle ne bénéficie pas, en
droit interne, de la primauté reconnue aux traités par l’article 55 de la Constitution de
1948. Toutefois, elle mérite d’être mentionnée car elle atteste de la valeur ancienne
que l’Assemblée générale des Nations unies accorde au droit au recours.
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Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales
compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont
reconnus par la constitution ou par la loi148
.
Or, le droit au recours est lui-même un droit fondamental reconnu par la
Constitution.
b. Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques
Inspirée de la DUDH, l’Assemblée dénérale des Nations unies adopte, le
16 décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques149
. Ce
faisant, la France s’est engagée, aux termes de l’article 2.3 de la deuxième partie du
Pacte, à garantir à toute personne, dont les droits et libertés reconnus dans ledit pacte
auraient été violés, la faculté d’exercer un recours utile.
3. Les États parties au présent Pacte s’engagent à :
a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le
présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que
la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de
leurs fonctions officielles ;
b) Garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou
législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’État,
statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les
possibilités de recours juridictionnel ;
c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout
recours qui aura été reconnu justifié150
.
148 DUDH, art. 8.
149 Ratifié en 1980 par la France et publié par le décret n
o 81-76, 29 janv. 1981 ; JORF, 1
er févr. 1981,
p. 398. 150
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, Deuxième partie,
art. 2.3, Décret no 81-76 du 29 janvier 1981, JORF du 1
er février 1981 p. 398.
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Le droit au recours n’est pas seulement un droit fondamental protégé par le droit
international, il est aussi un droit garanti par le droit européen et communautaire.
2) Un droit européen et communautaire
L’une des difficultés pour résoudre la problématique posée par la multiplication des
recours abusifs exercés à l’encontre des permis de construire réside en partie dans la
valeur supranationale du droit au recours juridictionnel pour autant que la garantie
supranationale puisse être invoquée en matière urbaine. Tel n’est pas le cas de la
garantie du droit au recours offerte par l’Union européenne (a.). En revanche, la
garantie du droit au recours juridictionnel effectif offerte par le Conseil de l’Europe
est une véritable protection qui constitue en pratique un obstacle pour réformer le
droit interne et pour sécuriser les permis de construire sans entrer en infraction avec
les normes européennes (b.).
a. La garantie de l’Union européenne
C’est au travers de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne
(anciennement Cour de justice des communautés européennes (CJCE)) et des
principes généraux du droit qu’existe la garantie de l’Union européenne. La plupart
des garanties protégées par la Cour de justice de l’Union européenne sont également
consacrées par les traités. Dans le cadre de la présente thèse, l’analyse des garanties
de l’Union européenne en matière de permis de construire et de droit au recours
implique de revenir sur la compétence de l’Union européenne. Cette dernière n’a pas
de compétences en droit de l’urbanisme. En revanche, ses autres compétences et sa
jurisprudence peuvent avoir une répercussion en matière urbaine mais de manière
limitée.
b. Incompétence de l’Union européenne sur les
permis de construire
Il faut dire un mot de l’incompétence de l’Union européenne en matière urbaine.
Auparavant le Traité de Maastricht, signé par le France le 7 février 1992, organisait
auparavant trois piliers. Cette structure en piliers a été supprimée avec le Traité de
Lisbonne, entré en vigueur au 1er
décembre 2009. Mais il faut rappeler cette ancienne
structure en pilier pour expliquer l’incompétence de l’Union sur les permis de
construire.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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L’ex-premier pilier englobait les communautés européennes originelles portant sur le
charbon, l’acier, l’économie et l’énergie atomique avec, d’une part, la Communauté
européenne du charbon et de l’acier dont le traité fondateur avait été signé le 18 avril
1951 à Paris, la Communauté économique européenne et, d’autre part et enfin, la
Communauté européenne de l’énergie dont les traités fondateurs avaient été signés le
25 mars 1957 à Rome.
L’ex-deuxième pilier portait sur la politique étrangère et la sécurité commune. Enfin,
l’ex-troisième pilier visait la coopération judiciaire et policière. Ces trois piliers
ignoraient purement et simplement le droit de l’urbanisme. Le Traité d’Amsterdam
signé le 2 octobre 1997 et le Traité de Nice du 26 février 2001 ont modifié et
complété le Traité de Maastricht sans pour autant apporter une quelconque
compétence en matière d’urbanisme à l’Union européenne. Le Traité de Lisbonne,
signé le 17 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er
décembre 2009151
a opéré une
révolution textuelle en modifiant les traités des Communautés européennes et ceux
de l’Union européenne. Marquant un certain retour à la simplicité, il met un terme à
la structure en pilier. Les deux traités de base demeurent, sous réserve du
changement d’intitulé du traité instituant la Communauté européenne devenu le traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Traité EURATOM instituant la
Communauté européenne de l’énergie atomique subsiste. La nouvelle Union
européenne se substitue à la Communauté européenne152
. Le Traité instituant la
Communauté européenne (TCE) est modifié et incorporé sous une nouvelle
numérotation au Traité de l’Union européenne (T.U.E.) lequel a introduit une charte
des droits fondamentaux. Mais, et en dépit de ces modifications successives, aucune
compétence expresse en matière urbaine n’est attribuée à l’Union européenne.
Face au constat d’absence de compétence en matière urbaine, il faut rappeler les
dispositions de l’article 352-1 du T.U.E. (anciennement l’article 308 du TCE) :
Si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques
définies par les traités, pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités,
sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le
151 JO 2007/C 306/01du 17 déc. 2007.
152 BLUMANN (Cl.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l’Union européenne, manuel, Litec
Lexis Nexis, 4e éd., Paris, 2010, 828 p., p. 69, § 90.
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Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après
approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées153
.
Dès lors, si l’Union européenne juge nécessaire d’intervenir en matière urbaine, elle
dispose du fondement nécessaire à son intervention. C’est d’ailleurs ce qui justifie la
compétence de l’Union européenne dans les fonds structurels européens pour le
renouvellement urbain dans le cadre de la politique régionale de l’Union européenne.
Mais, la politique régionale vise une politique de soutien financier aux États
membres pour la mise en œuvre de projets initiés par la Commission européenne154
ou par les États eux-mêmes et non le contentieux des autorisations d’urbanisme.
Nonobstant ce qui précède, l’Union européenne ne peut pas intervenir par voie
normative en matière urbaine, son intervention se bornant à la politique régionale et à
l’octroi de fonds aux États membres dans le cadre de programme de renouvellement
urbain.
Il appert de ces observations que les traités encadrant l’Union européenne ne
peuvent, en l’état, être d’aucun secours pour lutter contre les recours abusifs
contentieux exercés contre les autorisations administratives de construire. En effet,
l’Union européenne n’a aucune compétence pour intervenir sur les permis de
construire (i.). Cependant, et de manière sans équivoque, le Conseil de l’Europe
protège le droit au recours qui lui a un effet évident sur les permis de construire (ii.).
153 T.U.E., art. 352-1 (ancien TCE, art. 308).
154 T.U.E., art. 17-1 (ancien TCE, art. 211) : « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et
prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures
adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le
contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes.
Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions
prévues par les traités. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas
prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la
programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. »
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i. La non-invocabilité du droit au recours garanti par
l’Union européenne
La Cour de justice de l’Union européenne juge depuis son arrêt du 15 mai 1986, dit
JOHNSTON155
, que le droit au recours juridictionnel est un des principes généraux
du droit communautaire. Un tel principe s’impose donc aux institutions
communautaires. Ces principes sont inspirés à la fois des traditions constitutionnelles
communes aux États membres156
et des droits consacrés par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme157
.
Or, les principes généraux du droit communautaire ont une portée juridique dans
l’ordre interne au même titre que les traités. En effet, depuis l’arrêt Syndicat National
de l’Industrie Pharmaceutique rendu par le Conseil d’État en date du 3 décembre
2001158
, le juge administratif considère que les principes généraux de l’ordre
juridique communautaire déduits du traité instituant la Communauté européenne ont
la même valeur juridique que ce dernier. Ces principes sont invocables pour autant
que le juge ait à connaître d’une situation régie par le droit communautaire159
. Le
juge administratif limite donc l’invocabilité du droit au recours garanti par l’Union
européenne.
En d’autres termes, les traités et la jurisprudence de l’Union européenne ne peuvent
être utilement exploités en l’état actuel du droit positif pour justifier ou pour limiter
le droit au recours contre les permis de construire. En effet, le domaine de
l’urbanisme et donc a fortiori des permis de construire est, nous l’avons rappelé au
155 Préc. CJCE, 15 mai 1986, Marguerite JOHNSTON c. Chief Constable of the RUC, aff. 222/84,
Rec. JC, p. 1651, à propos du rejet de la candidature d’une femme du fait des risques d’attentats en
Irlande du Nord au moment des « troubles ». 156
CJCE, 17 déc. 1970, Internationale HANDELSGESELLSCHAFT, 11/70, Rec J.C., p. 1125,
GACJCE, T. 1, no 17, SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l’homme, PUF, 11
e
édition, 2012, § 97-105. 157
CJCE, 14 mai 1974, NOLD, 4-73, Rec. JC, 1974, p. 491. 158
V. CE, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) et autres, no 226514,
Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A-L), AJDA, no 1/2002, p. 166 ; étude
CASTAING (C.), RTD eur., 2003, p. 197. 159
Le Conseil d’État a confirmé cette position dans un arrêt Société KPMG, CE, ass., 24 mars 2006,
Société KPMG, no 288460, Rec. Lebon, p. 154, RFDA, 2006, p. 463, concl. AGUILA (Y.), AJDA,
2006, p. 1028 ; chron. LANDAIS (C.) et LENICA (F.), D., 2006, p. 1224, chron. CASSIA (P.),
AJDA, 2006, p. 897, note MELLERAY (F.), GAJA, 18e éd., D. 2011, n
o 113, p. 875.
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point précédent, hors champ de la compétence de l’Union européenne et de la Cour
de justice de l’Union européenne.
Même la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre
2000160
, telle qu’elle a été adoptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg avant d’être
introduite dans le T.U.E. par l’article 6, n’est pas exploitable dans le domaine des
permis de construire. La Charte, essentiellement inspirée de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des traditions constitutionnelles
communes aux État, précise que :
Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont
été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des
conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et
impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de
se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de
ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour
assurer l’effectivité de l’accès à la justice161
.
Cependant, la Charte n’est invocable que dans la mesure où le juge a à connaître là
encore d’une situation régie par le droit communautaire. Ce qui, nous l’avons dit,
n’est pas le cas de la matière urbaine et des autorisations d’urbanisme.
ii. La garantie du Conseil de l’Europe
Le Conseil de l’Europe, dans sa mission de promotion de la défense des droits de
l’homme, a adopté de nombreux traités relatifs aux droits fondamentaux dont le plus
important est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales (CESDH). Adoptée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en
160 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2000/C 364/01.
161 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Titre VI Justice, art. 47, Droit à un recours
effectif et à accéder à un tribunal impartial.
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vigueur dans l’ordre international le 3 septembre 1953, la Convention a été ratifiée
près de 20 ans après par la France et en deux temps.
Le premier temps de la ratification française est fait le 3 mai 1974, date de la
signature du décret de ratification par le président de la République par intérim Alain
POHER. Le second temps de cette ratification est marqué par le président de la
République François MITTERRAND qui ratifie l’ancien article 25 de la convention
le 2 octobre 1981, consacrant la reconnaissance par la France du droit au recours
individuel permettant à tout citoyen mais également à tout étranger de saisir
directement la Cour européenne des droits de l’homme.
En effet, l’article 6, paragraphe 1er
, combiné à l’article 13 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
consacre le droit à un recours juridictionnel effectif pour toute personne dont les
droits et libertés reconnus par la Convention auraient été méconnus.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,
publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits
et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement,
mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public
pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de
l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique,
lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties
au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le
tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de
nature à porter atteinte aux intérêts de la justice162
.
Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente
Convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une
instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des
personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles163
.
Ces textes sont à rapprocher de l’article 1er
du Protocole additionnel à la Convention
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé le 20 mars
162 CESDH, art. 6 § 1
er.
163 CESDH, art. 13.
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1952 et entrée en vigueur en 1954. Ce protocole institue une protection de la
propriété privée.
Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne
peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les
conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent
les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour
assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes164
.
Derechef, de la combinaison de ces textes se déduit le caractère fondamental du droit
au recours. Quel en est l’effet dans la lutte contre les recours contentieux abusifs
exercés contre les permis de construire ? Ce caractère fondamental du droit au
recours explique en partie pourquoi il est si difficile pour les pouvoirs publics et pour
le législateur d’endiguer le phénomène de la multiplication des recours abusifs contre
les permis de construire. En effet, compte tenu du caractère fondamental du droit au
recours même dans un litige où le droit de propriété ou le respect des biens d’un tiers
est en jeu, il n’est pas envisageable pour le législateur de porter atteinte au droit au
recours du tiers au motif qu’il sécurise l’autorisation de construire délivrée au
pétitionnaire. En effet, si l’alinéa 2 de l’article 1er
du protocole additionnel à la
CESDH prévoit la possibilité pour les États de mettre en vigueur des lois pour
réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général, ou pour assurer le
paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes, il ne fait aucun doute
que sécuriser les permis de construire des pétitionnaires ne relève pas de ces
exceptions. Seul un permis de construire portant sur un projet d’intérêt général
pourrait porter atteinte au droit au respect des biens du tiers, mais l’intérêt général
resterait à démontrer et une telle hypothèse ne permettrait pas de restreindre le droit
au recours, qui serait bien entendu maintenu, même dans le cas d’un projet de
construction motivé par l’intérêt général. Et on remarquera que la spécificité d’une
hypothèse ne permettrait pas de résoudre le problème posé par la multiplication des
recours abusifs formés contre les permis de construire. Le droit au recours empêche-
t-il pour autant toute réforme au profit d’une sécurisation du permis de construire
contre les recours abusifs ?
164 Protocole additionnel à la CESDH, art.1, Protection de la propriété.
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3) Un droit fondamental, obstacle de réforme
Plus qu’une liberté publique, le droit au recours est un droit fondamental qui
complique grandement la tâche de qui veut sécuriser les permis de construire. Cela
tient, en outre, au fait qu’un droit fondamental est plus précis qu’une liberté
publique. Contrairement à la liberté publique qui est une faculté d’autodétermination
sans besoin d’une formalisation textuelle, le droit fondamental est formalisé par un
texte ou par une jurisprudence spécifique. Il est donc invocable en justice en tant que
tel. Et le juge français ne peut s’y soustraire.
En d’autres termes, si le juge de la légalité du permis de construire vient à nier le
droit au recours d’un justiciable, la responsabilité de l’État serait ipso facto engagée,
l’exposant aux sanctions prévues par le Traité d’Amsterdam165
qui sont applicables
en droit interne. En effet, aux termes de l’article 55 de la Constitution, les traités et
conventions, sous réserve d’une ratification et d’une publication régulière, ont une
valeur supérieure à la loi.
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour
chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie166
.
Le caractère supranational du droit au recours s’oppose également à toute initiative
jurisprudentielle du juge du permis de construire. La DUDH ne peut être invoquée
devant le juge du permis de construire car il s’agit d’un acte unilatéral adopté par
l’Assemblée générale des Nations unies et non d’une convention internationale. En
revanche, la protection du pacte onusien et celle de la CESDH suffisent à consacrer
de manière claire et sans équivoque la valeur supranationale du droit au recours
effectif.
Dès lors, la lutte contre les recours abusifs des permis de construire doit compter
avec le droit au recours qui tolère mal la limitation. Cependant, dans le contexte
urbain, le droit au recours est susceptible d’aboutir à des dérives abusives et parfois
rentables pour les justiciables qui commettent ces abus.
165 Toutes matières confondues, les sanctions peuvent aller de la suspension des droits dont le droit de
vote, aux amendes, aux révisions de la politique de prêt de la Banque européenne d’investissement,
consignation d’une somme jusqu’à l’interruption du manquement. 166
Constitution du 4 octobre 1958, art. 55.
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II. Un droit susceptible d’abus
Le droit au recours d’un tiers à l’encontre d’un arrêté de permis de construire doit en
principe résulter d’un ensemble de conditions (rappelées au Chapitre 1). Parmi ces
conditions, figurait l’intérêt à agir. En pratique, en matière de contentieux urbain, il
arrive que les tiers qui exercent un recours contentieux à l’encontre d’un permis de
construire n’aient, en réalité, pas un réel intérêt à agir et ne rapportent pas la preuve
d’un réel préjudice causé par l’autorisation attaquée. Plus exactement, leur intérêt à
agir n’est pas légitime au sens de la loi. Dans une telle hypothèse, le requérant ne
vise qu’à faire pression sur le bénéficiaire du permis. Il s’agit soit de ralentir son
projet et ainsi tenter de lui soutirer des fonds en contrepartie d’un accord amiable
emportant le désistement d’instance et d’action, soit de faire échouer purement et
simplement le projet par refus du programme. Cela se voit fréquemment lorsque le
programme de construction comporte des blocs de logements sociaux.
Il existe plusieurs types de manifestations de l’abus de droit au recours contre une
autorisation d’urbanisme (A.). Ces manifestations de l’abus de droit posent la
question de la place du principe de bonne foi dans le recours pour excès de pouvoir
(B.).
A. Les manifestations de l’abus
Les dérives abusives se matérialisent, comme dans n’importe quelle branche du droit,
par la quérulence processuelle (1.), mais aussi, et peut-être plus spécifiquement dans
le contentieux de l’urbanisme, par le phénomène NIMBY (2.) et par la recherche du
lucre (3.).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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1) La quérulence processuelle
La quérulence processuelle, stricto sensu, désigne une pathologie167
relevant de la
paranoïa bien connue des tribunaux. Mais, lato sensu, la quérulence induit un certain
nombre de dérivés qui peuvent être assimilés de par leurs effets à la pathologie du
quérulent processif. Mais, dans ce cas, ces effets sont, en matière de recours abusifs,
essentiellement dictés par la malhonnêteté et non par un syndrome paranoïaque.
La quérulence processuelle est une notion qui s’applique à toutes les procédures de
justice exercées par un procédurier pathologique. Mais c’est aussi une notion qui se
trouve être parfaitement adaptée à notre contexte des dérives abusives du droit au
recours contre les permis de construire. Du latin querulus, qui se plaint, la quérulence
processuelle est le comportement pathologique d’une personne convaincue d’être
lésée qui va, de ce fait, multiplier les procédures judiciaires sans que cela repose sur
un réel intérêt à agir, et commettre alors un abus processuel. Le terme quérulence est
d’ailleurs à l’origine un terme psychiatrique qui désigne la tendance pathologique à
revendiquer de certains sujets de type paranoïaque, dits quérulents, et à réclamer sous
la forme processive la réparation de dommages de justice imaginaires.
Certes cette pathologie n’est pas spécifique à l’urbanisme car parmi ces malades,
figurent l’inventeur méconnu qui réclame la reconnaissance de la paternité d’une
innovation imputée à un autre ou encore le justiciable qui épuise tous ses recours
pour se voir reconnaître une filiation illustre. En pratique, le quérulent processif est
connu des tribunaux168
puisque par hypothèse il est procédurier et ouvre des
procédures tous azimuts. Pire encore si cette possibilité lui est offerte gratuitement
via l’aide juridictionnelle, le champ laissé à sa pathologie est, alors, presque sans
limite car il est, en outre, un justiciable averti maîtrisant parfaitement le droit
aisément accessible depuis internet169
. Du reste, ceci explique que le quérulent se
167 V. Étude CASSIA (P.), Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006,
p. 1185. 168
Face à cette pathologie, l’amende pour recours abusif est inefficace. C’est pourquoi, rappelle Paul
CASSIA, les juges britanniques interdisent aux quérulents d’agir sans autorisation préalable de la
juridiction (cf. PARAGON Finance PLC v NOUEIRI (2001), 1, W.L.R., 2357, § 80 à 82), les
juridictions québécoises et australiennes ont le type de pouvoir de régulation ; v. Préc. CASSIA (P.),
Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 169
En sens contraire, LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554. L’auteur
estime que la connaissance de la procédure est sommaire pour certains d’entre eux.
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passe très bien des conseils d’un avocat170
. De ce fait, sa victime, entraînée dans une
spirale juridictionnelle, est au bout de quelques années épuisée par des procès à
répétition171
. Ceci implique que la notion de quérulence vise des requérants
individuels et non les recours d’habitude des associations qui agissent souvent devant
le juge administratif172
et dont l’intervention est d’une nature différente de celle des
personnes physiques173
. Toutefois, comme le souligne Fabrice LEMAIRE, cette
distinction a ses limites174
, car il arrive souvent que finalement une association
défende des intérêts particuliers et que des personnes physiques agissent tant pour
leur nom que pour celles déposées par l’association qu’il crée et préside175
, voire
dans le même sens, du syndic qu’il préside, ou de la SCI qu’il crée et préside
également176
.
Le droit de l’urbanisme n’est bien entendu pas épargné par cette pathologie.
Néanmoins, il n’est à ce jour pas possible de chiffrer la proportion qu’elle représente
dans le contentieux des requêtes en annulation pour excès de pouvoir formées contre
les autorisations administratives de construire. Sans doute, sa part ne représente-elle
qu’une infime part du contentieux abusif des permis de construire. En effet, ce qui
est observé, c’est l’apparition d’une quérulence causée non pas par un délire
paranoïaque mais par d’autres causes qui, si elles aboutissent aux mêmes effets, à
savoir une spirale juridictionnelle et des procès à répétition, sont bien différentes
d’un syndrome paranoïaque. En effet, elles sont causées tantôt par l’intégration large
de la notion de propriété appelée phénomène NIMBY et tantôt par la recherche du
lucre.
Fabrice LEMAIRE consacre une remarquable étude à ces « requérants d’habitude »
dont il présente le profil sociologique, les motivations et les façons d’agir177
. À la
170 En ce sens Recherche VILLETORTE (A.), Les utilisateurs des tribunaux administratifs, in
Trentième anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences administratives,
édition du CNRS, 1986, 380 p., p. 136, note no 3 ; BLAIS (H.), « Compte rendu d’une enquête auprès
des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica, IDL, Paris, 1995,
254 p., p. 90, note no 39.
171 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n
o 565.
172 V. en ce sens Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
173 Ibid.
174 Ibid.
175 Exemple M. BERTIN et son association SOS défense.
176 Exemple préc. Consort HADDAD et SCI KAROUS.
177 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
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lecture des arrêts, certains noms sont, en effet, familiers comme BERTIN178
,
MEYET, TERNON ou COLOMBEAU… Ainsi, le maître des requêtes au Conseil
d’État, François SENERS s’amuse, dans ses conclusions, de cette habitude précisant
que M. TERNON « n’est pas un inconnu de votre prétoire179
». Dans le même sens,
le maître des requêtes au Conseil d’État, Henri SAVOIE, amené à présenter le
requérant, souligne « M. MEYET, qu’il est désormais inutile de présenter à votre
formation de jugement tant il en est un habitué fidèle180
». Dans le même ordre
d’idées, les commissaires du gouvernement, Emmanuelle MIGNON et Anne BAUX
présentent M. COLOMBEAU comme « un requérant qui tend à devenir de plus en
plus coutumier de votre prétoire181
», ou encore M. LABAN comme « un habitué de
votre prétoire182
». Pourtant, hormis leur goût prononcé pour le prétoire et la
procédure, ces « requérants d’habitude » ont un profil sociologique semblable à celui
des autres requérants183
, même si en pratique, certaines professions sont plus
représentées que d’autres184
. En outre, le profil du requérant d’habitude est plutôt
masculin, de nationalité française, marié avec des enfants, parisien à 40 %,
relativement âgé185
. En d’autres termes, il ressemble à un requérant type186
même si
le constat peut être fait d’un niveau d’études relativement élevé pour la plupart des
requérants processifs.
À partir de combien de recours un requérant devient-il un requérant d’habitude ?
Deux recours nous semblent insuffisants187
mais il est assurément délicat de fixer un
seuil, car comme le souligne Fabrice LEMAIRE, la qualification dépend autant du
178 111 recours ! cf. Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
179 Concl. SENERS (F.) sur CE, ass., 26 oct. 2001, TERNON, n
o 1970188, RFDA, 2002, p. 77, spéc.
p. 79. 180
Concl. SAVOIE (H.) sur CE, ass., 1er
sept. 2000, LARROUTUROU, MEYET et autres, noo
223890,
223949, 224054 et 224066, RFDA, 2000, p. 990 ; Jurisprudence/Décision commentée ou citée,
Dalloz. 181
Concl. MIGNON (E.) sur CE, 29 déc. 2000, COLOMBEAU, no 222276, AJDA, 2001, p. 896.
182 Concl. BAUX (A.), sur TA Montpellier, 21 janv. 2005, n
o 024176, AJDA, 2005, p. 1352
183 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
184 Parmi ces procéduriers, on retrouve fréquemment des ingénieurs, des informaticiens, de
professeurs, des juristes et des médecins. 185
Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554. 186
Ibid., v. spé. Note 38 : Recherche VILLETORTE (A.), op. cit. Les utilisateurs des tribunaux
administratifs, in Trentième anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences
administratives, édition du CNRS, 1986, 380 p., p. 131 ; BLAIS (H.), op. cit., « Compte rendu d’une
enquête auprès des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica,
I.D.L., Paris, 1995, 254 p., p. 89. 187
Ibid. v. spé. Note 5 concernant la critique de la qualification d’« habitué » attribuée à M. CAZAUX
par F. AUBERT (AJDA, 2002, p. 382) dans la mesure où M. CAZAUX n’est à l’origine que de deux
décisions du Conseil d’État et du Conseil d’État.
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nombre que de l’objet des recours. Certaines matières sont plus attractives que
d’autres comme le contentieux fiscal188
, le contentieux électoral et de la fonction
publique et le contentieux de l’urbanisme189
.
Comme le souligne Fabrice LEMAIRE, la multiplication des recours des requérants
d’habitude n’entrave pas le fonctionnement de la justice tandis que l’utilité n’est pas
négligeable tant pour le respect de la légalité que pour la construction du droit
public190
. Et il est vrai que certains acharnements sont parfois nécessaires à
l’évolution de la jurisprudence191
. Si cette évolution est, la plupart du temps, le
résultat involontaire de la majorité des requérants processifs, elle est parfois
précisément recherchée par une minorité d’entre eux qui font figure de « chevaliers
blancs192
», avec plus ou moins de succès d’ailleurs. D’autres encore usent du
prétoire comme d’une tribune à des fins politiques. Il semble manquer « un recours
populaire sans condition pour agir193
» à ces requérants processifs « soucieux de
combattre pour le droit (et il en est des ingénieux)194
» et « d’assurer, autant (sinon
plus) la sauvegarde de la légalité, que la satisfaction de leurs intérêts personnels195
».
Une extension de l’action de groupe196
au droit administratif197
serait pour eux une
aubaine pour leur « combat ».
Cependant, ces nombreux recours peuvent conduire à l’amélioration de la légalité
des actes administratifs car prudence étant mère de sûreté, l’Administration
soucieuse d’éviter des annulations répétées de ses actes met certainement un soin
188 Ibid. v. spé. Note 43 : 10 % des recours de M. BERTIN concernent ce contentieux.
189 Ibid. v. spé. Note 45 : 7 % des recours de M. BERTIN concernent ce contentieux.
190 Ibid.
191 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit,
2e éd., Paris, 2010, 318 p., p. 205, n
o 222, préc. « Sans l’acharnement de tant de requérants téméraires
plaidant sans se lasser à contre-courant des jurisprudences les mieux établies certains progrès
historiques du droit administratif n’auraient jamais vu le jour ! ». 192
Expression de F. LEMAIRE à propos du requérant MEYET. 193
Ibid. 194
CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n
o 565.
195 Ibid.
196 Loi n
o 2014-344, 17 mars 2014 relative à la consommation, REBEYROL (V.), La nouvelle action
de groupe, D., 2014, p. 940 ; HAERI (K.) et JAVAUX (B.), L’action de groupe à la française, une
curiosité, JCP, 2014, p. 375, et p. 376, BACACHE (B.) ; obs. MAINGUY (D.) et DEPINCE (M.),
JCP E., 2014, no 1144 ; sur la décision du Conseil constitutionnel ayant validé le mécanisme : Cons.
const., 13 mars 2014, no 2014-690 DC, AJDA, 2014, p. 589.
197 V. CABALLERO (F.), Plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de groupe,
Rev. Trim. Dr. Civ., 1985, p. 247 ; PACTRIK-GLENN (H.), À propos de la maxime « Nul ne plaide
par procureur », Rev. Trim. Dr. Civ. 1988, p. 59.
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tout particulier au respect de la légalité des actes qu’elle délivre à un administré
processif à l’affût d’un motif de censure.
Par ailleurs, si dans une certaine mesure, ils peuvent « servir le progrès de l’état de
droit198
», ces recours tous azimuts finissent par agacer les magistrats et les
bénéficiaires des actes contestés. En présence de conclusions manifestement
irrecevables, ils peuvent faire application de l’article R. 222-1 du Code de justice
administrative qui leur permet de décider par ordonnance qu’il n’y a pas lieu à
statuer. Dans d’autres hypothèses, l’exaspération les conduit à sanctionner par une
amende pour recours abusif le requérant processif, et parfois même injustement199
.
Paul CASSIA, dans son étude200
consacrée à la quérulence processuelle souligne
également le pouvoir de régulation du procès administratif dont peut user le juge
administratif pour rejeter une requête201
.
2) Le phénomène NIMBY
Le phénomène NIMBY n’est pas nouveau, il est constaté dès le IVe siècle à Antioche
en Syrie par l’avocat PHILOGONE :
Aucun de nous ne peut se vanter d’être plus avantagé que les autres par la
nature ; mais l’insatiable désir d’amasser n’a pas permis que cette belle
fraternité pût durer longtemps dans le monde. Il a fallu venir au partage et à
la propriété, qui a produit toutes les querelles et tous les procès : de là est né
ce mot de mien et de tien202
.
Sujet de contestation séculaire, le droit traditionnel du premier occupant se distingue
du droit du plus fort mais renvoie finalement à la même idée d’une sorte de droit de
priorité absolue qui s’étendrait au-delà des limites de propriétés notamment à tout le
198 CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n
o 565.
199 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554, v. spé. notes 105 et 106.
200 Préc. CASSIA (P.), Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185.
201 Pour une illustration cf. motivation de l’arrêt CE, en référé, 24 avr. 2006, n
o 292572, inédit.
202 Extrait de l’homélie de St PHILOGONE par St Jean CHRYSOSTOME par Jacques Bénigne
BOSSUET, Panégyrique de Saint François d’Assise, œuvres complètes de BOSSUET, T. II., p. 507,
Bibliothèque Portative des Ecrivains Français, MOYSANT et LEVIZAC, T. I, Livre 1er
, Londres,
1803.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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voisinage plus ou moins proche et aux servitudes de vues d’un périmètre à géométrie
variable.
Cette idée a été popularisée dans les années quatre-vingt, par la qualification du
comportement du Ministre Nicholas RIDLEY203
, alors Ministre de l’Environnement,
quand un projet immobilier bon marché vit le jour à proximité de sa propriété. La
virulence de son opposition lui valut le sobriquet de NIMBY204
.
Au sens moderne, le phénomène NIMBY est l’acronyme de l’expression anglaise
« not in my back yard » qui signifie « pas dans mon arrière-cour ». L’expression
désigne l’opposition processuelle à un projet de construction par des riverains qui
estiment subir des nuisances du fait de la proximité de la construction en cause. Ce
phénomène intervient généralement en cas d’implantation de routes, d’aéroports,
d’antennes relais de téléphonie mobile et usines d’incinération des déchets. Et dans
une certaine mesure, il est vrai qu’il est humain de préférer voir ces infrastructures
s’implanter chez le voisin plutôt que chez soi. En effet, et en dépit d’une théorie du
bilan en faveur de l’intérêt général, des intérêts individuels peuvent souffrir de
l’implantation d’un aéroport ou d’une autoroute (expropriation, nuisances sonores,
nuisances olfactives, dévaluation de la valeur immobilière, pollution). Ce phénomène
NIMBY se manifeste également souvent lorsque le projet porte sur l’implantation de
logements sociaux205
. En effet, ce phénomène est omniprésent lorsque le permis
porte sur des logements sociaux, et il s’agit là certainement de la manifestation la
plus caricaturale du phénomène de gentrification, cette tendance complexe
contemporaine à l’embourgeoisement de quartiers autrefois populaires et désignés
souvent par les médias comme les « bobos206
». En résumé, pathologie mise à part,
ce phénomène NIMBY ressemble à la quérulence processuelle. Il se manifeste de la
même manière, à savoir par des procès sans fin et il aboutit aux mêmes effets, c’est-
à-dire, entraîner le pétitionnaire dans une spirale procédurale avec tout ce que cela
comporte de frais, de délais, de contrariétés, de pertes économiques et
d’augmentations du coût de production du projet de construction.
203 Ministre Nicholas Ridley, Baron RIDLEY de LIDDESDALE PC (1929 – 1993). Politicien aguerri
du parti Conservateur britannique, il a occupé divers postes politiques. 204
L’origine de l’expression serait attribuable à Walter Rodgers membre de « The American Nuclear
Society », mais ce point n’a pu être vérifié. 205
BORNE (E.), Directrice de l’urbanisme de la ville de Paris, conf. Cycle des marchés de
l’immobilier, SIMI, 2012. 206
STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll. Encyclopédique,
PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 92.
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L’Union des Constructeurs Immobiliers (UCI) qui rassemble l’ensemble des acteurs
de la construction immobilière (constructeurs de maisons individuelles, promoteurs
immobiliers ou encore aménageurs) au sein de la Fédération Française du Bâtiment
(FFB) et qui est plus souvent représentée sous l’acronyme UCI-FFB, observe que ce
phénomène NIMBY est de plus en plus une cause des recours contre les permis de
construire. Dominique de SAUZA, représentant de l’UCI-FFB, souligne, fin 2012 à
la conférence Cycle Marchés de l’immobilier du SIMI 2012, que « le phénomène
NIMBY est clairement présent dans beaucoup de recours, en particulier quand les
opérations comprennent du logement social, d’où l’intérêt de limiter la portée des
recours ».
Dès lors que le projet de construction porte sur des logements sociaux, les recours
contentieux contre les permis de construire semblent systématiques207
. Il n’y a pas de
statistiques. Mais l’unanimité du constat, notamment dans la région du sud de la
France, permet de poser ce postulat et de l’admettre comme vrai. La frontière entre le
recours légitime et le recours abusif est friable. Une illustration symptomatique est
celle du logement social, lorsque le permis de construire porte sur de la vente en bloc
de logements sociaux, les recours sont systématiques. Alors que lorsqu’il s’agit de
logements résidentiels de standing ou non, les recours ne sont pas systématiques.
C’est donc en présence de permis de construire portant sur des logements sociaux
que la proportion de recours abusif est la plus importante.
Ce phénomène doit être distingué d’un autre phénomène appelé NIMFOS, acronyme
de l’expression anglaise « not in my field of sight » qui signifie quant à elle « pas
dans mon champ de vision ». Ce phénomène intervient dès que l’immeuble en
construction se trouve dans le champ de vision des riverains. Mais ici, l’intérêt à agir
est facilement démontrable. Le caractère abusif du recours dépendra alors de
l’opiniâtreté ou de la malveillance du riverain à l’origine du recours ou encore de
degré de diminution du champ de vision. En tout état de cause, le tiers fonde son
recours sur la théorie des troubles anormaux de voisinage qui relève de la
compétence du juge civil. À ce stade, la construction est alors commencée voire
totalement bâtie, ce qui implique que si le bénéficiaire du permis est un être rationnel
et sensé, le permis de construire aura été purgé avant les premiers travaux. Le
phénomène NIMFOS n’entre pas dans la problématique du contentieux d’urbanisme.
207 Préc. BORNE (E.), directrice de l’urbanisme de la Ville de Paris, conf. Cycle des marchés de
l’immobilier, SIMI, 2012, « tous les permis comportant d’importantes infrastructures ou du logement
social sont attaqués ».
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3) La recherche du lucre
Bien souvent, c’est la recherche d’un arrangement substantiel – sonnant et trébuchant
– qui motive les abus. Ces abus ne sont pas anodins. Par un arrêt du 22 janvier
2014208
, la chambre criminelle de la Cour de cassation a même admis qu’un recours
abusif en annulation contre un permis de construire peut être qualifié d’escroquerie.
Dans cette affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de
la cour d’appel de Paris rendu en date du 9 novembre 2012. Pour la première fois
dans l’histoire du contentieux d’urbanisme, la cour d’appel a retenu le chef
d’accusation d’escroquerie à l’encontre d’auteurs de recours contentieux contre des
permis de construire. Ces auteurs avaient déposé quatre recours, en six mois, contre
quatre importants projets immobiliers commerciaux sur toute la France et
systématiquement la veille de l’expiration du délai de recours contentieux. Ils
justifiaient leur intérêt à agir par des acquisitions réalisées simultanément à la date
des délivrances des autorisations d’urbanisme attaquées.
Compte tenu de la particularité des faits, la cour d’appel a retenu l’existence d’une
manœuvre frauduleuse eu égard à l’artificialité de l’intérêt à agir. Chacun des recours
– introduit à la veille de l’expiration du délai de recours – a enclenché des
négociations d’urgence avec les promoteurs soucieux de trouver rapidement une
solution. Deux de ces négociations ont donné lieu au versement d’importantes
sommes d’argent par les promoteurs. Les deux autres n’ont pas pu aboutir car l’un
des promoteurs ayant déposé une plainte, une enquête a été diligentée interrompant
les négociations en cours.
En première instance, les juges ont relevé que deux des personnes auteurs des
recours étaient des anciens directeurs d’une société de promotion immobilière
intervenue dans deux des projets en cause, ce qui leur donnait accès à des
informations privilégiées exploitées par le troisième auteur, un avocat, qui lui-même
fit appel d’une part à un quatrième, quant à lui à la tête d’une société immobilière
sans activité, pour acquérir un bien dans la zone de travaux d’une des opérations, et
d’autre part à un cinquième propriétaire d’un immeuble dans la zone d’une autre
208 Cass., crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88042, F-D, n
o LXB : A0008MDN ; Le FOLL (Y.), Hebdo
édition publique, Un recours abusif en annulation contre un permis de construire peut désormais être
considéré comme une escroquerie, fév. 2014, Édition no 320, Urbanisme, n
o LXB : N0805BUD ;
ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, no 06, 6 juin 2014, p. 351.
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opération. Pour infirmer le jugement et dire établies les infractions d’escroquerie et
de tentatives d’escroquerie, la cour d’appel a considéré que « si l’exercice d’une
action en justice constitue un droit, son utilisation, hors le dessein de faire assurer ou
protéger un droit légitime et après qu’un intérêt à agir eut été artificiellement créé
dans le seul but d’obtenir le versement de sommes au titre d’une transaction,
constitue une manœuvre déterminante de la remise des fonds ». Tirant les
conséquences de ses constatations, la cour d’appel de Paris condamne « pour
escroqueries et tentatives, les deux premiers, à dix-huit mois d’emprisonnement avec
sursis et 50 000 euros d’amende, les troisième et quatrième, à un an
d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, pour escroquerie, les deux
derniers, à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ».
Appelée à se prononcer sur la légalité d’une telle décision, la Cour de cassation
confirme l’arrêt de la cour d’appel et jugeant que :
Attendu que, pour infirmer le jugement et dire établies les escroqueries et
tentatives d’escroquerie reprochées aux prévenus, l’arrêt énonce, notamment,
que, si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, son utilisation,
hors le dessein de faire assurer ou protéger un droit légitime et après qu’un
intérêt à agir eut été artificiellement créé dans le seul but d’obtenir le
versement de sommes au titre d’une transaction, constitue une manœuvre
déterminante de la remise des fonds ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a caractérisé, sans
insuffisance ni contradiction, l’existence de manœuvres frauduleuses et
répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a
justifié sa décision209
.
Cet arrêt reflète les formes d’excès (pour ne pas dire les infractions pénales) auxquels
peuvent conduire les recours abusifs contre les permis de construire quand les
auteurs de ces recours négocient leur désistement à des prix prohibitifs, ces montants
étant proportionnels à l’ampleur du projet immobilier considéré. En outre, la Cour de
cassation montre ici, à la suite de la cour d’appel, sa volonté de réagir contre les
209 Préc. Cass., crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88.042, F-D, n
o LXB : A0008MDN ; Le FOLL (Y.),
Hebdo édition publique, Un recours abusif en annulation contre un permis de construire peut
désormais être considéré comme une escroquerie, février 2014, Édition no 320, Urbanisme, n
o LXB :
N0805BUD ; ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, no 06, 06 juin
2014, p. 351.
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recours abusifs et de sanctionner les abus, a fortiori quand ils relèvent d’une
organisation criminelle faisant appel à des manœuvres telles qu’en l’espèce, c’est-à-
dire des recours à des prête-noms, des abus de qualité, une artificialité de l’intérêt à
agir, et en fin de compte un détournement de la procédure de recours en annulation à
des fins exclusivement lucratives.
Commentant l’arrêt, Gabriel ROUJOU DE BOUBEE précise que « cet arrêt ne fait
pas l’objet d’une publication au Bulletin, car il n’apporte aucune innovation quant à
la mise en œuvre de l’article 313-1 du Code pénal ; il constitue, néanmoins, un
avertissement fort bienvenu adressé à ceux dont les recours s’avèrent n’être que le
moyen d’obtenir des versements indus210
».
Les autres aspects notables de cet arrêt sont analysés dans le titre second sous l’angle
de la réponse pénale face aux recours abusifs.
B. L’interdiction de l’abus de droit et l’obligation de
bonne foi
Le droit administratif réprime l’abus de droit. Essentiellement prétorienne, la théorie
de l’abus de droit consiste pour un administré à abuser d’une situation légale ou
d’une décision favorable pour tenter d’en tirer un bénéfice qui n’est pas envisagé par
cette situation ou cette décision. En l’occurrence, il s’agit pour le tiers requérant de
détourner la finalité du droit au recours ainsi que celle de la procédure pour excès de
pouvoir. Il peut être défini comme « une action consistant pour le titulaire d’un droit,
d’un pouvoir, d’une fonction, à sortir, dans l’exercice qu’il en fait, des normes qui en
gouvernent l’usage licite211
». Le juge administratif l’a récemment érigé en principe
général du droit212
. L’abus de droit naît toujours d’une situation légitime213
et
210 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, n
o 06, 6 juin 2014,
p. 351. 211
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, coll. Quadrige Dicos Poche, PUF, 8e éd., Paris, 2007, 986 p.
212 CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, n
o 260050 ; concl. OLLEON (L.), Dr. fisc., 2006, n
o 47,
com. 744 ; chron. BENARD (Y.), Dissuasion à l’anglaise : la double clef de la fraude à la loi, RJF,
2006, no 12, p. 1083 ; B.D.C.F., 12/06, n
o 156, avec concl. ; Si un acte de droit privé opposable aux
tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’Administration tant qu’il n’a pas été
déclaré nulle part le juge judiciaire, il appartient à l’Administration, lorsque se révèle une fraude
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apparaît comme une « distorsion214
» du principe de légalité du fait de l’excessivité
des conditions dans lesquelles un droit est exercé (1.). La théorie de l’abus de droit
doit être distinguée de la notion de bonne foi. Si les deux notions sont liées,
l’interdiction de l’abus de droit qui est un principe général du droit, doit être
distinguée de la notion de bonne foi qui est, quant à elle, une notion marginalisée par
les textes215
et dont la polysémie complique la définition216
(2.).
1) L’interdiction de l’abus de droit
Le caractère d’ordre public du recours pour excès de pouvoir s’explique par la
finalité de cette procédure à savoir assurer le respect de l’État de droit (a.). Procédure
particulièrement libérale dans son ouverture générale aux administrés, l’exercice de
la procédure du recours pour excès de pouvoir ne doit pas, pour autant, méconnaître
le principe de l’interdiction de l’abus de droit au travers du détournement de la
finalité de la procédure (b.).
a. La finalité du recours pour excès de pouvoir
Recours d’ordre public, le recours pour excès de pouvoir est un moyen de
sauvegarde de la légalité. Il existe sans qu’aucun justiciable ne puisse y renoncer ni
renoncer au bénéfice de la chose jugée. Le recours pour excès de pouvoir a pour
finalité d’assurer le respect de l’État de droit en ouvrant aux administrés la faculté de
faire appel à un juge pour contester la légalité des décisions qu’en vertu de son
pouvoir d’action d’office l’autorité administrative peut unilatéralement leur
imposer217
.
commise en vue d’obtenir l’application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le
cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l’Administration
à ne pas tenir compte d’actes de droit privé opposables aux tiers. 213
BAILLEUL (D.), La règle Nul ne peut invoquer sa propre turpitude en droit administratif, RDP,
2010, no 5, p. 1235.
214 Ibid.
215 CARPANO (E.), Le droit administratif français est-il perméable à la bonne foi ?, Revue Drt Adm.,
no 1, Étude n
o 2, Janv. 2005, p. 7, § 15.
216 Ibid.
217 GAZIER (F.), Procédure administrative contentieux, Rép. de contentieux administratif, D., 2012.
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En principe, le justiciable ne peut pas renoncer à demander l’annulation d’une
décision illégale. De ce fait, théoriquement, la renonciation pour cause de transaction
en cours de procédure ne devrait en principe pas pouvoir être opposable au requérant
renonçant et qui donc peut, théoriquement, revenir sur sa renonciation puisque
l’élément d’illégalité n’aura pu être résolu par transaction.
Dès lors, ces quelques observations soulèvent la question de la légitimité à agir des
requérants qui se désistent après une transaction. Partant, les requérants qui trouvent
une cause de renonciation en cours de procédure trahissent l’artificialité de leur
intérêt à agir dans le cadre d’une procédure de recours en annulation. Parallèlement,
l’épée de DAMOCLÈS qui pèse sur le bénéficiaire du permis avec ce risque
d’annulation de l’autorisation, au-delà des enjeux socio-économiques qui y sont
attachés, explique à elle seule que le bénéficiaire du permis puisse privilégier la
solution transactionnelle. Cette épée de DAMOCLÈS est le moyen de marchandage
de leur renonciation pour les requérants. Ce faisant, ils détournent le recours pour
excès de pouvoir de sa finalité, nonobstant le caractère d’ordre public du recours
pour excès de pouvoir qui théoriquement ne peut tolérer une renonciation tant que le
doute de la légalité de l’acte considéré subsiste.
Ce détournement de la finalité du recours pour excès de pouvoir est bien constitutif
d’un abus de droit. En effet, la transaction démontre que le recours pour excès de
pouvoir a été détourné de sa finalité. Le doute sur la légalité de l’acte demeure
puisqu’il n’est finalement pas tranché.
b. Le principe d’interdiction de l’abus de droit
La notion d’abus de droit est souvent absente des textes constitutionnels. Seul l’abus
des libertés figure dans quelques constitutions sous forme d’interdiction générale218
ou spéciale219
. L’article 54 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne intégrée dans le traité établissant une Constitution européenne interdit
l’abus de droit220
. Pourtant, et certainement influencée par une abondante doctrine221
218 ECK (L.), L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p.
219 Cf. par exemple DDHC, art. 11, « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement sauf à
répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». 220
Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (2000/C 364/01), art. 54, « Aucune des
dispositions de la présente Charte ne doit être interprétée comme impliquant un droit quelconque de se
livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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du début du XXe siècle, la consécration par les jurisprudences internes, européennes et
internationales de la théorie de l’abus de droit a marqué, sans équivoque, l’abandon
de la vieille maxime « neminem laedit qui suo jure utitur222
», en déclarant
civilement responsable celui qui use de son droit223
. Comme le résumait Marcel
PLANIOL, « le droit cesse où l’abus commence ». Le droit de chacun trouve sa
limite nécessaire dans le droit d’autrui. Il s’agit au départ une théorie civiliste224
dans
la mesure où au départ l’abus s’apprécie par rapport au dommage causé à autrui par
l’exercice anormal d’un droit. Quiconque dépasse la limite d’une défense raisonnable
abuse de son droit et engage dès lors sa responsabilité225
. L’acceptation générale d’un
principe de prohibition de l’abus de droit n’est plus aujourd’hui un sujet polémique.
En revanche, les critères226
de l’abus de droit sont eux l’objet de controverses. Un
courant majoritaire s’accorde pour admettre qu’il y a abus lorsque l’auteur de l’abus
de droit a exercé son droit uniquement dans le but de nuire à autrui. C’est le cas,
lorsqu’un individu intente un procès sans fondement, par pur esprit de chicane, pour
faire « manger de l’argent à son adversaire227
». Le critère de l’intention méchante a
donné lieu à des divisions doctrinales.
Le courant aujourd’hui majoritaire s’accorde à considérer que l’intention méchante
ou la volonté de nuire n’est pas un criterium de l’abus du droit228
. Si tel était le cas,
la théorie de l’abus de droit serait une théorie subjectiviste229
. Or, si un individu peut
la présente Charte ou à des limitations plus amples des droits et libertés que celles qui sont prévues
par la présente Charte. » 221
Cf. par exemple, CHARMONT (J.), L’abus de droit, RDTC, 1902, p.113 ; SALEILLES (R.), De
l’abus des droits, Rap. Présenté à la première sous-commission de la commission de révision du Code
civil, Bull. soc. Études et légis., 1905, p. 325 ; CAMPION (L.), Théorie de l’abus des droits, 1921 ;
JOSSERAND (L.), De l’abus des droits, ROUSSEAU, Paris, 1905, 89 p. ; MONTERA (de) (L.), De
l’abus des voies de droit, Lyon, 1912. 222
Ne saurait blesser autrui celui qui ne fait qu’user de son droit. 223
DESSERTEAUX (M.), Abus de droit ou conflit de droits, LAROSE et TENIN, Paris, 1906, 139 p.,
consultable sur Gallica, p.119. 224
DUGUIT (L.), La Théorie générale de l’État, Traité de droit constitutionnel, coll. Numérisées,
B.N.F., 3e éd., T. 2, 1928, 900 p., consultable sur Gallica, p. 841.
225 Ibid. p. 383.
226 ECK (L.), op. cit., L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p., p. 29.
227 Précis de droit civil, T. 2, 5
e éd., Paris, 1936, 748 p., p. 109 et 110.
228 Un courant minoritaire, porté entre autres par G. RIPERT ou encore L. JOSSERAND, développait
l’idée que l’abus supposait l’intention de nuire. Mais le droit positif montre que l’abus de droit ne peut
être réduit à l’intention de nuire (v. par exemple pour un abus de droit sans malice : Civ. 2e, 10 janv.
1985, obs. GUINCHARD (S.), Gaz. Pal. 1985, 1. Pan. 113. 229
DUGUIT (L.), op. cit., La Théorie générale de l’État, Traité de droit constitutionnel, coll.
Numérisées, B.N.F., 3e éd., T. 2, 1928, 900 p., consultable sur Gallica, p. 384.
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faire un acte sur tel ou tel objet c’est à la condition qu’en faisant cet acte il soit
déterminé par un certain but qu’a eu en vue le droit objectif en lui donnant cette
faculté230
. Dès lors, s’il est déterminé par un autre but, l’acte dudit individu n’est plus
régulier. Il peut alors engager sa responsabilité. Ainsi, il y a également abus quand
l’auteur de l’abus n’a pas pris les précautions nécessaires pour éviter de causer un
préjudice231
. Il y a encore abus de droit lorsque le droit est détourné de sa finalité, par
exemple, pour faire pression sur le défendeur232
ou en raison d’une pulsion
pathologique233
ou pour obtenir le bénéfice de l’application littérale d’un texte en
détournant l’esprit initialement poursuivi par le législateur234
. Par ailleurs, il ne suffit
pas que l’exercice d’un droit cause un préjudice à autrui pour que l’abus de droit soit
caractérisé. L’individu qui use normalement de son droit et cause un dommage à
autrui par l’exercice normal de son droit n’est pas hors la loi. Ceci conduit à
souligner que l’abus n’est pas une « faute » au sens du droit civil. La « faute » que
constitue « l’abus » n’est donc pas la même que la « faute » du droit de la
responsabilité235
. Synthétiquement, l’abus s’entend donc de l’acte contraire au but de
l’institution, à son esprit, à son utilité sociale, à sa fonction sociale, en un mot à sa
finalité. Cette définition est inspirée de la conception doctrinale de Louis-Étienne
230 Ibid.
231 V. JOSSERAND (L.), op. cit., De l’abus des droits, ROUSSEAU, Paris, 1905, 89 p., p. 76 et 81 :
M. JOSSERAND distinguait l’acte abusif et l’acte illicite. L’acte abusif, selon lui, n’engageait la
responsabilité de son auteur que s’il avait causé un dommage à autrui. Par suite, l’acte illicite
engageait toujours la responsabilité de son auteur. Cette distinction n’a pas été retenue. Il y a donc
également abus, même s’il n’y a pas de préjudice direct, dès lors qu’un droit est anormalement exercé,
par exemple, lorsque la finalité d’une procédure est détournée. En matière fiscale, le droit sanctionne
le détournement de l’esprit de la loi de ceux « recherchant le bénéfice d’une application littérale des
textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs » (cf. LPF, art. L. 64). 232
Cass., Com., 12 janv. 1976, D., 1977, p. 141, note CHARTIER (Y.) ; Civ. 2e, 22 avr. 1976, JCP
1977, II, no 18738, note GERBAY (Ph.).
233 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554 ; Préc. CASSIA (P.), Entre
droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 234
Préc. CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, no 260050 ; concl. OLLEON (L.), Dr. fisc., 2006,
no 47, com. 744 ; chron. BENARD (Y.), Dissuasion à l’anglaise : la double clef de la fraude à la loi,
R.J.F., 2006, no 12, p. 1083 ; B.D.C.F. 12/06, n
o 156, avec concl. ; Si un acte de droit privé opposable
aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’Administration tant qu’il n’a pas été
déclaré nulle part le juge judiciaire, il appartient à l’Administration, lorsque se révèle une fraude
commise en vue d’obtenir l’application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le
cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l’Administration
à ne pas tenir compte d’actes de droit privé opposables aux tiers. 235
CAYROL (N.), Action en justice, Répertoire de procédure civile, Titre 1 Sect. 3, Dalloz ;
v. également STARCK (B.), ROLAND (H.) et BOYER (L.), Obligations, T. 1, Responsabilité
délictuelle, manuel, Litec 5e éd., Paris, 1996, Litec, 582 p., n
o 363.
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JOSSERAND236
, largement influencé par le sociologue Émile DURKHEIM237
.
Selon cette analyse, l’abus se concrétise par l’absence d’intérêt légitime238
. Dans
cette configuration, cette absence est assimilée à l’absence de mobile légitime que ce
soit dans le but poursuivi ou dans les moyens utilisés.
Aujourd’hui, le principe de la prohibition de l’abus de droit est entré dans un grand
nombre d’ordres juridiques239
. Le droit public n’y a pas échappé. Il reconnaît
aujourd’hui pleinement le principe d’interdiction de l’abus de droit de manière
générale240
comme de l’abus des droits processuels241
. Cette reconnaissance retient
une approche objective de la notion d’abus. En effet, selon Maurice HAURIOU, « la
règle de droit est une disposition précise, visant des hypothèses et liant strictement le
juge (il en serait de même de la règle de droit liant le pouvoir d’un administrateur)
[…]. Au contraire, le standard est destiné à guider le juge ou l’administrateur, en lui
laissant un certain pouvoir discrétionnaire […] il est une sorte de principe posé
d’emblée par intuition avant toute application, et par conséquent, tout le contraire des
principes généraux déduits d’un ensemble de règles de droit préexistantes242
».
Par ailleurs, selon la gravité de l’abus, la sanction n’est pas la même. Ainsi pour un
abus consistant en des manœuvres dilatoires, la sanction peut se limiter à des
236 JOSSERAND (L.), De l’esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l’abus des droits,
Dalloz, Paris, 2006, 454 p. ; v. également pour un commentaire sur l’auteur : JALLAMION (C.), La
fortune de JOSSERAND, Rev. Propr. Indus., oct. 2010, no 10.
237 Cf. spé. DURKHEIM (E.), Fonctions sociales et institutions, Textes, coll. Le sens commun, Les
Éditions de Minuit, Paris, 576 p. 238
La même idée d’absence d’intérêt légitime est reprise dans l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme récemment introduit par l’ordonnance du 18 juillet 2013. 239
VOYAME (J.), COTTIER (B.) et ROCHA (J.), L’abus de droit en droit comparé, in L’abus de
droit et les concepts équivalents : principes et applications actuelles, Actes du 19e Colloque de drt.
Europ., Conseil de l’Europe au Luxembourg, 6-9 nov. 1989, Strasbourg, 1990, p. 23 ; ECK (L.), op.
cit, L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p., p. 30. 240
Cf. en notamment en matière fiscale, spé. s’agissant de la nouvelle mouture du LPF, art. L. 64,
sanctionnant non seulement l’abus de droit, mais aussi la fraude à la loi. Selon l’exposé des motifs du
projet de loi de finances rectificative pour 2008, no 2008-1443, 30 déc. 2008, faisant suite au rapport
FOUQUET sur la sécurité juridique de juin 2008 (Dr. fisc. 2008, no 27), le législateur poursuit, dans
ce domaine aussi, « le double objectif de clarifier la procédure, en précisant le concept de l’abus de
droit et en améliorant ainsi la sécurité juridique ». 241
MOREL (J.), Les dommages-intérêts au cas d’exercice abusif des actions en justice, Thèse,
H. JOUVE, Paris, 1910, 110 p. ; WOOG (J.-C.), La résistance injustifiée à l’exercice d’un droit,
Thèse, LGDJ, Paris, 1972, 177 p. ; CADIET (L.) et LE TOURNEAU (Ph.), Abus de droit, Rép
Civ. D., 2008 ; ATIAS (C.), L’abandon d’un principe fondamental, La dispense de motivation de la
condamnation pour abus de procédure, D., 2011, p. 1229 ; chron. DESDEVISES (Y.), L’abus du droit
d’agir en justice avec succès, D., 1979, no 21.
242 HAURIOU (M.), Police juridique et fond du droit, RTD civ., 1926, p. 265.
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dommages-intérêts sans amende civile souligne Nicolas CAYROL243
. Dans les
autres cas, la sanction peut aller jusqu’à la condamnation au paiement d’une amende
civile. L’appréciation de cette sanction, si elle relève des pouvoirs du juge, n’est pas
pour autant un pouvoir « discrétionnaire244
» puisqu’en tout état de cause, l’abus de
droit qui est sanctionné doit être caractérisé245
. À la suite de Maurice HAURIOU,
Louis DUBOUIS a souligné qu’en « tant que théorie générale du Droit, la théorie de
l’abus de droit a vocation à s’appliquer à toutes les branches du droit246
». La
démonstration du professeur DUBOUIS permet de saisir le phénomène
d’autolimitation du droit par son but. Il souligne la difficulté de cerner précisément la
notion, mais aussi que cette complexité est nécessaire au reflet de la réalité.
Traduction d’une notion protéiforme fonctionnelle et non conceptuelle, la théorie de
l’abus de droit est une théorie souple que le juge façonne afin de mieux
« embrasser » la réalité.
Cette notion de détournement de la finalité constitutif de l’abus de droit ne doit pas
être confondue avec les notions d’erreur, de fraude, de dénaturation ou encore de
détournement de pouvoir247
. Le dictionnaire Littré définit l’erreur comme l’état d’un
esprit qui se trompe. Le droit administratif présente l’erreur comme une illégalité
lorsque l’erreur affecte la légalité d’un acte, cette erreur caractérise une illégalité
interne de l’acte. Pour Louis DUBOUIS, l’erreur provient de « l’ignorance, d’une
fausse représentation du droit ou des faits. Elle exclut la mauvaise foi de son
auteur248
». Comme le détournement de procédure, le détournement de la finalité
d’une procédure suppose un élément intentionnel. En revanche, la fraude se présente
comme un acte de mauvaise foi, comme une tromperie dont le but est de préjudicier
à des droits à respecter249
. Dans le cadre des recours abusifs, l’abus de droit
consistant dans le détournement de la finalité du recours pour excès de pouvoir est
proche de la notion de fraude. En effet, les moyens du tiers requérant constituent une
243 CAYROL (N.), op. cit., Action en justice, Répertoire de procédure civile, Titre 1 Sect. 3, Dalloz ;
v. également STARCK (B.), ROLAND (H.) et BOYER (L.), Obligations, T. 1, Responsabilité
délictuelle, manuel, Litec 5e éd., Paris, 1996, Litec, 582 p., n
o 363.
244 V. en sens contraire préc. HAURIOU (M.), Police juridique et fond du droit, RTD civ., 1926,
p. 265. 245
CAYROL (N.), op. cit., Action en justice, Répertoire de procédure civile, ibid. 246
DUBOUIS (L.), La théorie de l’abus de droit et la jurisprudence administrative, LGDJ, Paris,
1962, 470 p., p. 62. 247
DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (O.), La notion de détournement de procédure en droit
administratif, RDA, no 1, Janv. 2006, étude 2.
248 DUBOUIS (L.), L’erreur en droit international public, A.F.D.I., 1963, p. 193.
249 Préc. DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (O.), La notion de détournement de procédure en
droit administratif, RDA, no 1, Janv. 2006, étude 2.
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sorte de tromperie puisque le dessein n’est pas précisément la sanction d’une
illégalité. Enfin, l’abus de droit est aussi souvent rapproché du détournement de
pouvoir. Il est exact que les deux notions sont très proches. Comme le souligne Odile
DAVID BEAUREGAR-BERTHIER250
, dans les deux cas, le droit est reconnu et
l’utilisation faite n’est pas conforme à l’esprit du texte. L’auteur semble également
considérer que le détournement de la finalité d’une procédure en contentieux de
l’annulation ne peut pas être qualifié d’un abus de droit, mais seulement de
détournement de procédure251
. Nous ne suivons pas l’auteur dans cette voie. Cette
distinction nous semble illusoire puisque le détournement de procédure peut, même
dans le cadre du contentieux de l’annulation, constituer un abus de droit au recours à
cette procédure. Et en l’occurrence, en matière de contentieux de l’urbanisme, il
s’agit de l’abus du droit au recours en excès de pouvoir contre une autorisation
d’urbanisme.
En conclusion, le principe d’interdiction de l’abus de droit ne pose pas de difficulté
contrairement à l’appréhension des critères constitutifs de l’abus de droit. Nonobstant
cette dernière remarque, le détournement d’une procédure de sa finalité tel que le
détournement de la procédure pour excès de pouvoir dans les recours abusifs exercés
à l’encontre des autorisations d’urbanisme est constitutif d’un abus de droit dès lors
que la finalité n’est pas précisément la critique de la légalité de l’acte. La possibilité
pour les tiers d’abuser du droit au recours trouve son explication, au moins
partiellement, dans l’appréhension par le juge administratif de la bonne foi du
requérant qui demande l’annulation du permis de construire.
2) La bonne foi du tiers, un critère à géométrie
variable en droit administratif
En droit administratif, à l’inverse de ce qui existe en droit privé, la notion de bonne
ou de mauvaise foi n’est pas prégnante. Si le droit administratif ne l’ignore pas, il ne
lui réserve pas la même place qu’en droit privé et laisse ainsi une latitude pour les
requérants de mauvaise foi doués d’une certaine habileté (a.). Conscient du
problème, mais conscient de sa faiblesse à le contrarier, le législateur a introduit le
250 Ibid.
251 Ibid.
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moyen de se faire allouer plus facilement des dommages-intérêts pour la victime-
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée (b.).
a. Une notion protéiforme et marginalisée
Le contentieux des actes administratifs n’est pas, par nature, le champ de l’exercice
de la bonne ou de la mauvaise foi. En effet, la validité d’un acte administratif
dépend, en principe, de critères objectifs indépendamment de tout esprit de loyauté
de l’administré (bonne foi objective) ou de toute intention de nuire (bonne foi
subjective).
La bonne foi est consacrée en droit privé mais ne l’est pas en droit administratif.
Pour autant, le juge administratif ne l’ignore pas totalement252
. Le syntagme « bonne
foi », comme son antonyme la mauvaise foi, renvoie à une dualité de sens qui
trouvent mal leur place en droit administratif. En effet, la bonne foi est à la fois une
règle objective de comportement et une règle subjective d’appréciation.
Règle objective, la notion de bonne foi renvoie à un état d’esprit particulier
répondant à la fois aux définitions de loyauté et d’honnêteté dans l’exécution des
actes juridiques et des recours introduits en justice. Si cet état d’esprit est
précisément visé par le Code civil, par exemple à l’article 1134 alinéa 3253
, tel n’est
pas le cas en droit administratif.
La bonne foi objective n’apparaît en droit administratif que de manière marginale et
le plus souvent au travers non pas de la notion de bonne foi proprement dite mais au
travers de son pendant, la notion de mauvaise foi et encore par des expressions telles
que « manœuvres » ou « manquement délibéré ». Comme la mauvaise foi, les
manœuvres ou les manquements délibérés désignent un comportement malveillant,
trompeur ou l’intention de nuire qui anime le justiciable. Cette notion de mauvaise
foi trouve un certain nombre d’échos en droit administratif.
252 Préc. CARPANO (E.), Le droit administratif français est-il perméable à la bonne foi ?, Revue Drt
Adm., no 1, Étude n
o 2, janv. 2005, p. 7.
253 Code civil, art. 1134 :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
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Par exemple, le Code général des impôts sanctionne les manœuvres ou les
manquements délibérés254
; le Livre des procédures fiscales vise également le cas de
la mauvaise foi et de sa preuve255
tout comme le Code de la sécurité sociale256
.
La bonne foi est aussi une règle subjective d’appréciation. Sous cet angle, elle
renvoie alors parfois à un état d’esprit caractérisé, quant à lui, par une appréciation
erronée de la réalité257
. Cette notion-ci est précisément visée en droit privé. Par
exemple, l’article 550 du Code civil qualifie de possesseur de bonne foi, le
possesseur qui ignore les vices.
Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu
d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices258
.
Tel n’est pas le cas en droit administratif. Cependant, depuis l’ordonnance no 2013-
638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, le Code de l’urbanisme
traite également le cas de la mauvaise foi subjective dans l’hypothèse où le requérant
en exerçant son droit au recours cause un préjudice excessif au bénéficiaire du
permis de construire.
b. Le contrôle de la bonne foi
Malitiis non est indulgendum259
. C’est pourquoi l’ordonnance no 2013-638 du
18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a introduit dans le Code de
l’urbanisme un article L. 600-7. Cet article vise implicitement la problématique de la
mauvaise foi du requérant et a pour ambition de donner un moyen de défense au
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée.
Ainsi, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme dispose :
254 Cf. Code général des impôts, art. 1729, 1791, 1795 bis.
255 Cf. Livre des procédures fiscales, art. L. 195 A.
256 Cf. Code de la sécurité sociale, art. L. 133-4-3, L. 932-17, L. 144-16, et L. 553-2.
257 LYON-CAEN (G.), RTD civ., De l’évolution de la notion de bonne foi, 1946, p. 98.
258 Code civil, art. 550.
259 Malitiis non est indulgendum : Il ne faut montrer aucune indulgence envers ceux qui sont de
mauvaise foi, loc. lat. issue du Code de Justinien (IV, 22), OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (de) (J.),
Histoire du droit privé, PUF, Thémis, Droit, Paris, 1957, p. 440, p. 132.
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119/480
Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un
permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des
conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui
causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut
demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de
condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La
demande peut être présentée pour la première fois en appel.
Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal
la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de
l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les
limites de la défense de ses intérêts légitimes260
.
Avant ce texte, les recours indemnitaires devaient nécessairement faire l’objet d’une
régularisation dans le cadre d’une instance séparée, devant les juridictions
judiciaires261
. En effet, depuis un arrêt Sieur NOBLE262
du 24 novembre 1967, le
juge administratif avait fermé la voie de l’allocation de dommages-intérêts au profit
du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme pour le préjudice causé par le recours
abusif d’un tiers excessif ou malveillant :
Considérant qu’en raison de la nature particulière du recours pour excès de
pouvoir des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur
soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts
pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une
instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, dès lors, le sieur NOBLE
est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal
administratif de Poitiers a fait droit aux conclusions reconventionnelles de la
commune des Roches-Premarie-Andille et l’a condamné à verser à cette
commune une indemnité de 500 F263
…
260 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.
261 Pour une illustration, v. Cass., Civ. 3
e, 5 juin 2012, Société FINAREL c. SCI MANDELIEU
Esterel, no 11-17.919, F-D ; chron. ZALEWSKI (V.), Recours contre le permis de construire et retard
du programme, Gazette du Palais, no 61, 2 mars 2013, p. 42.
262 CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n
o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN (J.), D.,
1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 263
Ibid.
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Il faut ici souligner que Jacques BAUDOUIN, commissaire du gouvernement dans
l’affaire NOBLE redoutait quant à lui les abus dans la demande d’allocation de
dommages-intérêts264
.
Mettant un terme à cette ancienne jurisprudence, l’article L. 600-7 précité permet au
titulaire d’une autorisation de construire de demander l’allocation de dommages-
intérêts devant le juge administratif, dès lors qu’il s’estime victime d’un recours
abusif, ou plus exactement, dès lors qu’il démontre la réunion des deux conditions
cumulatives suivantes. D’une part, le recours du tiers doit excéder la seule défense
des intérêts légitimes du requérant et d’autre part, ce recours doit être constitutif d’un
préjudice excessif pour le bénéficiaire. Pour requérir une indemnisation, ce dernier
doit procéder au dépôt de conclusions reconventionnelles et il lui incombe de
démontrer qu’il a subi un préjudice excessif causé par ledit recours.
La lettre de l’article ne fait aucunement mention expresse de la mauvaise foi ou de
l’absence de bonne foi du requérant qui conteste la validité de l’autorisation de
construire. L’esprit du Gouvernement, initiateur de cet article, était pourtant de
sanctionner les dérives abusives de recours empreints de mauvaise foi, mais il a fait
le choix de laisser le soin au juge du permis de séparer le bon grain de l’ivraie. En
effet, il ressort expressément du compte rendu du Conseil des Ministres du
11 décembre 2013 que :
L’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 a pour objet d’accélérer les
délais et le traitement des contentieux sur les permis de construire, ainsi que
de prévenir les recours dits « abusifs » tout en préservant le droit au
recours265
.
264 V. sur ce point les concl. BAUDOUIN (J.), D., 1968, p. 142 : « Et il nous paraîtrait au surplus
regrettable que la voie du recours pour excès de pouvoir, par tradition largement ouverte aux
administrés pour lesquels elle constitue une garantie efficace contre l’arbitraire, soit rendue aléatoire
pour les justiciables qui se trouveraient constamment menacés de voir leur action en annulation
déboucher sur une demande reconventionnelle en indemnité de la part des administrations
intéressées ». V. également GEFFRAY (E.), De minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, no 24,
7 juill. 2008, p. 1316. 265
Extrait du compte rendu du Conseil des Ministres du 11 décembre 2013. V. également les travaux
préparatoires de l’Assemblée Nationale, 1re
lecture, logement et urbanisme, rubrique ratification
d’ordonnances, dossier Projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au
contentieux de l’urbanisme, l’ordonnance no 2013-888 du 3 octobre 2013 relative à la procédure
intégrée pour le logement, l’ordonnance no 2013-889 du 3 octobre 2013 relative au développement de
la construction de logement et l’ordonnance no 2013-890 du 3 octobre 2013 relative à la garantie
financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement, no 1626, déposé le 11 décembre 2013, mis en
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
121/480
Ainsi aux termes de l’article L. 600-7, le juge administratif doit se livrer, au-delà du
contrôle de la légalité de l’acte critiqué, à un contrôle de légitimité du recours. Il lui
appartient alors de distinguer entre le requérant qui agit pour défendre des intérêts
légitimes et qui est donc de bonne foi mais dont la requête est mal ou insuffisamment
motivée, avec le requérant qui agit dans le but de nuire au bénéficiaire de
l’autorisation de construire attaquée ou dans un but purement lucratif.
Les deux conditions cumulatives posées par l’article L. 600-7 que sont la
démonstration du caractère excessif de la requête du tiers et celle du caractère
également excessif du préjudice subi par le bénéficiaire de l’autorisation
d’urbanisme, ne sont pas des boucliers suffisants à l’égard de la mauvaise foi. Leur
réunion autorise seulement le bénéficiaire de l’autorisation attaquée à pouvoir
demander – par un mémoire distinct – au juge administratif, saisi du recours, de
condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts, la demande
pouvant être présentée pour la première fois en appel.
Par ailleurs, les récentes jurisprudences au visa de ce nouvel article L. 600-7 ne
donnent pas satisfaction. Sans trop rentrer dans les développements que nous faisons
dans notre deuxième partie, il faut dire tout de même que plusieurs décisions266
rendues par la cour administrative d’appel de Marseille permettent d’ores et déjà de
douter de l’efficacité du nouveau mécanisme. En effet, comme nous le détaillerons
plus loin, la cour administrative d’appel de Marseille fait une lecture restrictive et
critiquable des nouvelles dispositions au motif que ces dernières constituent une
atteinte au droit au recours.
Le gain de cette réforme est limité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme
à pouvoir demander des dommages-intérêts dans la même instance à titre
reconventionnel. Il n’est plus obligé de s’engager dans une nouvelle instance, et qui
plus est devant un autre juge, le juge civil.
ligne le 16 décembre 2013 et renvoyé à la commission des affaires économiques, disponible en ligne à
l’adresse suivante : www.assemblee-
nationale.fr/14/dossiers/ratification_ordonnances_urbanisme.asp#ESP. 266
CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,
Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014, Association
Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de
la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014,
p. 588.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
122/480
Cela représente incontestablement une avancée en la matière en ce qu’elle représente
un gain de temps et une économie substantielle. En dehors de cela, le bénéficiaire du
permis n’a pas franchement gagné en sécurité. En effet, les conditions pour obtenir
l’allocation de dommages-intérêts résident exclusivement dans la démonstration, par
le bénéficiaire lui-même, de l’excès de la défense des intérêts légitimes par le
requérant et du caractère excessif de son préjudice.
L’appréciation de l’excès et la démonstration même de l’excès posent une difficulté
au juge et au bénéficiaire. Le premier doit estimer s’il y a ou non excès, tandis que le
second doit démontrer l’excès. En revanche, cette difficulté n’est pas de nature à
freiner les recours abusifs. Les recours abusifs mais également habiles demeurent
aussi possibles qu’avant l’introduction de l’article L. 600-7 dans le Code de
l’urbanisme. Et ils entraîneront le bénéficiaire de l’autorisation du permis dans un
procès long et coûteux, entraînant le juge administratif, par la même occasion, dans
la tourmente bien souvent aussi d’un conflit de voisinage qui ne dit pas son nom. Et
le juge, alors pris en otage dans ce conflit, n’ose que rarement faire application de la
sanction prévue par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative lequel
dispose que :
Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une
amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros267
.
En conclusion de cette section, il ressort de l’ensemble des observations qui
précèdent une quasi-absence juridique et usuelle des mécanismes de la sanction de la
mauvaise foi en droit administratif. Si le juge administratif connaît le syntagme
« bonne foi » tout comme son pendant antonymique, il n’en demeure pas moins qu’il
n’est pas, par nature, dans le champ du contrôle du juge. Il ne l’est que par
accessoire, voire uniquement par accident, quand l’absence de bonne foi se fait excès
au sens de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, et quand la mauvaise foi se fait
abus au sens de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. Mais pour le
juge administratif, séparer le bon grain de l’ivraie est une mission difficile et
prenante hors champ de sa mission originelle.
267 Code de justice administrative, art. R. 741-12.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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SECTION 2 : La sécurité juridique victime de sa clandestinité
Le bénéficiaire du permis de construire ne peut pas rivaliser contre la valeur
constitutionnelle du droit au recours du tiers. En effet, il ne jouit pas, de son côté,
d’une garantie à la sécurité de son permis de construire. Cela s’explique par le fait
que le droit à la sécurité juridique n’existe pas en tant que tel dans l’ordre
constitutionnel bien qu’il existe tout de même sous la forme d’un principe général du
droit encore fragile (I.). Mais ce principe général du droit ne peut, en pratique, pas
être invoqué utilement contre le droit au recours en annulation des tiers (II.).
I. Un principe général du droit découvert par le juge
La sécurité juridique est « une règle du jeu accessible, compréhensive et prévisible
dans sa mise en œuvre [qui doit en principe] présider aux relations entre
administration et administrés268
». Elle est un principe de droit communautaire (A.)
qui n’a pas une existence normalisée en droit constitutionnel (B.) mais qui a un
pendant en droit administratif quoique d’une faible valeur (C.).
A. Un principe de droit communautaire
La Cour de justice de l’Union européenne a pour mission d’interpréter la législation
européenne de manière à garantir l’application uniforme du droit de l’Union dans les
États membres de l’Union européenne. Elle statue également sur les différends
opposant les gouvernements des États membres et les institutions de l’Union
européenne. Des particuliers, des entreprises ou encore des organisations peuvent
268 PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
124/480
également saisir la Cour de justice s’ils estiment qu’une institution de l’Union
européenne n’a pas respecté leurs droits.
Rappelons que la Cour de justice statue conformément aux traités sur les recours
formés par un État membre, une institution ou des personnes physiques ou morales.
Elle statue aussi à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur
l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’actes adoptés par les
institutions. Enfin, elle statue dans les autres cas prévus par les traités269
.
Le principe de sécurité juridique est un principe de droit communautaire selon lequel
les particuliers et les entreprises sont en droit de compter sur une certaine stabilité
juridique. Cette stabilité juridique s’entend de la stabilité des règles de droit mais
aussi des situations de droit nées de droits acquis.
D’un point de vue chronologique, le principe de sécurité juridique constitue un
principe général du droit communautaire depuis l’arrêt De GEUS en
UITDENBORGEGERD/BOSCH du 6 avril 1962270
de la Cour de justice des
Communautés européennes (CJCE) aujourd’hui271
devenue la Cour de justice de
l’Union européenne (C.J.U.E.).
Dans cet arrêt, la Cour de justice est interrogée dans le cadre d’une question
préjudicielle sur le point de savoir si l’interdiction d’exporter imposée par la société
Robert BOSCH GmbH, société établie à Stuttgart, à ses clients et acceptée par
contrat, est nulle en vertu de l’article 85, alinéa 2 du traité instituant la Communauté
économique européenne (CEE.)272
. Il s’agit, en l’espèce, d’une exportation aux
PaysBas. La question se pose car l’interdiction aurait pour effet de restreindre ou à
tout le moins de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.
À l’occasion de cet arrêt qu’elle rend sur cette affaire, la Cour de justice énonce que
la sécurité juridique est un principe général du droit communautaire et donc une règle
de droit à respecter dans l’application du droit du traité.
En effet, elle précise explicitement :
269 T.U.E., art. 19, al. 3.
270 CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec. JC,
p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), JDI 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP 1962,
II, p. 12726. 271
Depuis l’entrée en vigueur de l’article 19 du Traité de l’Union Européenne, aussi appelé Traité de
Lisbonne, JO no C 326 du 26/10/2012 p. 0001 – 0390.
272 Cet article concerne les ententes économiques.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
125/480
Que, d’une manière générale, il serait contraire au principe général de la
sécurité juridique – règle de droit à respecter dans l’application du traité –
de frapper de nullité de plein droit certains accords avant même qu’il ait été
possible de savoir, donc de constater à quels accords s’applique l’ensemble
de l’article 85273
.
Partant, la Cour énonce ainsi sans équivoque que les accords existants entre des
entreprises avant l’entrée en vigueur de l’article 85 du CEE. ne sont pas
automatiquement frappés de nullité et ce pour des raisons de sécurité juridique.
Dans la jurisprudence communautaire, le principe de sécurité juridique implique tant
la prévisibilité des règles de droit que leur clarté ainsi que la non-rétroactivité des
actes. Dans le même sens, le tribunal de première instance de l’Union européenne a
rappelé de longue date que :
Le principe de la sécurité juridique, qui fait partie de l’ordre juridique
communautaire, exige que tout acte de l’administration produisant des effets
juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle
manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir
duquel cet acte existe et commence à produire ses effets juridiques,
notamment au regard des délais de recours274
.
Toutefois, la sécurité juridique de l’ordre communautaire est différente de la sécurité
juridique des ordres juridiques internes des États membres. Ainsi, dans l’ordre
juridique communautaire, ordre d’intégration entre des systèmes disparates et
d’essence évolutive au contenu variable en termes de substance comme de
procédures275
, la Cour de justice doit maintenir un équilibre entre flexibilité et
sécurité juridique. Elle a essentiellement pour mission d’agir comme un garde-fou.
273 Préc. CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec.
JC, p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), J.D.I., 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP
1962, II, p. 12726. 274
T.P.I., 7 février 1991, HARISSIOS TAGARAS c. Cour de Justice, Fonctionnaires – Classement –
Bonification d’ancienneté d’échelon – Égalité de traitement – Recevabilité, Affaires jointes T-18/89 et
T-24/89. Rec 1991 p. II-00053. 275
V. PUISSOCHET, (J.-P.), LEGAL, (H.), Dossier : Le principe de sécurité juridique dans la
jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, Cahiers du Conseil, Cahier du
Conseil constitutionnel no 11, déc. 2011.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
126/480
Il faut dire un mot du principe de confiance légitime276
. Ce principe est issu du droit
allemand et plus particulièrement du concept de Vertrauensschutz, littéralement
« protection de la confiance277
» qui joue essentiellement dans le domaine
économique278
. En droit communautaire, il est issu des décisions du TÖPFLER
contre Commission et MAVRIDIS contre Parlement279
. Il repose sur l’idée de
loyauté280
. Le principe de protection de la confiance légitime est le corollaire du
principe de sécurité juridique et doit être mis en balance avec le principe de
légalité281
. En cas de mutation de la règle, il vise à assurer la protection des situations
légitimement acquises par une ou plusieurs personnes physiques ou morales en
particulier282
. L’action administrative est limitée par le principe de la légalité mais
aussi par le respect d’une certaine façon d’agir283
.
Ainsi, en droit administratif, cette idée de loyauté implique que l’administration ne
doit pas laisser croire par son comportement, ses décisions, ou ses affirmations à un
administré que ses droits subjectifs actuels vont demeurer intacts du fait du maintien
de la réglementation existante. Dès lors, si l’administration modifie la
réglementation, elle doit veiller à en informer ledit administré ou prendre les mesures
transitoires nécessaires à la sauvegarde des droits subjectifs de celui-ci284
sauf si un
« intérêt public péremptoire » s’oppose à l’adoption de mesures transitoires285
. Par
ailleurs, les principes de confiance légitime et de sécurité juridique « entretiennent un
tel cousinage intellectuel et juridique que l’on peut se demander s’il y a réellement
276 Nous développons notre analyse de cette notion de confiance légitime dans notre titre second, sous
l’angle d’une interrogation sur l’éventualité d’une transposition de la notion dans le droit administratif
comme éventuel outil de sécurisation des autorisations d’urbanisme. 277
PUISSOCHET (J.-P.), « Vous avez dit confiance légitime ? » Le principe de confiance légitime en
droit communautaire, in Mélanges BRAIBANT (G.), Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 581. 278
RICCI (J.-Cl.), Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p., p. 207,
§ 366. 279
CJCE, 3 mai 1978, TÖPFLER c. Commission, aff. 112/77 Rec. JC, p. 1019 ; CJCE, 19 mai 1983,
MAVRIDIS c. Parlement, aff. no 289/91, Rec. JC, p. 1731.
280 RICCI (J.-Cl.), op. cit., Droit administratif général, Hachette supérieur, 4
e éd., Paris, 2011, 320 p.,
p. 71, § 110. 281
BRUNESSEN (B.), Le juge de l’Union européenne, juge administratif, Préf. BLUMANN (Cl.),
coll. Droit de l’Union Européenne, Thèse, BRUYLANT, Bruxelles, 2012, 1170 p., p. 400 et s. 282
CJCE, 18 mai 2000, ROMBI et ARKOPHARMA, aff. C-107/97, Rec. JC, I, p. 3367, pt. 66. 283
SIMON (D.), la confiance légitime en droit communautaire : vers un principe général de limitation
de la volonté de l’auteur de l’acte ?, in Le rôle de la volonté dans les actes juridiques, Études à la
mémoire A. RIEG, BRUYLANT, 2000, 936 p., p. 733. 284
RICCI (J.-Cl.), op. cit., Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p.,
p. 71, § 110. 285
CJCE, 16 mai 1979, TOMADINI c. Amministrazione delle finanze dello Stato, aff. 84/78, Rec. JC,
p. 1801.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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des différences notables entre eux286
». Le principe de confiance légitime est un
« principe essentiellement conservateur, puisqu’il permet à celui qui a obtenu
quelque chose de la maintenir, même si son acquisition a été faite de manière
contraire à la loi générale287
» dès lors il faut voir si « dans certaines hypothèses ledit
principe recule devant la légalité288
».
Nonobstant ce qui précède, le principe de sécurité juridique communautaire est
applicable en droit administratif interne289
. Le tribunal administratif de Strasbourg290
a, le premier, fait application de ce principe, sans doute en raison de sa proximité
géographique avec l’Allemagne291
. Il reconnaît la responsabilité de l’État pour
« méconnaissance du principe de la confiance légitime dans la clarté et la
prévisibilité des règles juridiques et de l’action administrative ». La solution est
saluée par la doctrine mais ce jugement novateur n’aura pas de suite292
. En effet, la
cour d’appel a censuré le jugement293
. Mais le motif de la censure n’apparaît pas
clairement294
. Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ relève l’interrogation suivante :
lorsque la cour pose que l’entreprise ne pouvait se prévaloir de la méconnaissance
d’un principe de confiance légitime, refuse-t-elle que le principe de confiance
légitime produise des effets en droit français ? Ou considère-t-elle qu’en l’espèce il
n’y aurait pas violation d’un éventuel principe de confiance légitime295
? Cette
prudence s’explique sans doute par la trop grande imprécision de la notion de
286 Obs. WOERHLING (J.-M.), L’obligation d’édicter des mesures transitoires comme instrument de
protection des situations constituées, RDP, 2007, p. 285. 287
TRIANTAFYLLOU (D.), La confiance légitime en tant qu’instrument de cohésion en droit
communautaire, RFDA, 2000, p. 246. 288
Ibid. 289
WOEHRLING (J.-M.), La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in
Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002, 797 p.,
p. 749. 290
TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise Freymuth c. Min. Environnement, no 931085, concl.
POMMIER (J.), AJDA, 1995, p. 555, à propos de la légalité d’un décret de 1992, interdisant
l’importation de déchets ménagers. 291
BRUNESSEN (B.), op. cit., Le juge de l’Union européenne, juge administratif, Préf. BLUMANN
(Cl), coll. Droit de l’Union Européenne, Thèse, BRUYLANT, Bruxelles, 2012, 1170 p., p. 403. 292
RICCI (J.-Cl.), op. cit. Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p.,
p. 71, § 110. 293
CAA Nancy, 17 juin 1999, Min. Environnement c. Entreprise Transports Freymuth,
nos
95NC00226, 96NC01927 et 96NC01928, AJDA, 1999, p. 950. 294
HENNETTE-VAUCHEZ (S.), Responsabilité sans faute, Répertoire de la responsabilité de la
puissance publique, Dalloz, Paris, 2014, Titre 3, Chap. 1, Sect. 2, art. 2. 295
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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confiance légitime296
. Il faut attendre un arrêt Syndicat National de l’Industrie pour
percevoir la position adoptée par le juge administratif à l’égard de cette notion de
confiance légitime.
En effet, depuis l’arrêt Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique rendu par le
Conseil d’État en date du 3 décembre 2001297
, le juge administratif juge que :
a. Les principes généraux de l’ordre juridique communautaire déduits
du traité instituant la Communauté européenne ont la même valeur
juridique que ce dernier, qu’il s’agisse du principe de la confiance
légitime et du principe de la sécurité juridique applicables aux
situations régies par le droit communautaire, du principe de loyauté
qui se confond d’ailleurs avec le respect de l’article 10 du traité CE
ou encore du principe de primauté.
b. Ce dernier principe ne saurait conduire, dans l’ordre interne, à
remettre en cause la suprématie de la Constitution298
.
Ainsi l’ordre interne connaît l’existence et la nécessité d’une sécurité juridique, mais
c’est une notion qui n’est pas sans poser de difficultés tant au Conseil constitutionnel
qu’au juge administratif.
La solution rendue dans l’arrêt Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique
s’inscrit dans le prolongement des jurisprudences NICOLO299
, BOISDET300
et S.A.
296 MORAND-DEVILLER (J.), Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, lextenso-Éditions, Paris,
2013, 800 p., p. 273. 297
Préc. CE, 1re
et 2e
SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (S.N.I.P.),
no 226514, Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, n
o 1/2002,
p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003, p. 197. 298
Résumé sommaire, préc. CE, 1re
et 2e
SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie
Pharmaceutique, no 226514.
299 CE, 20 oct. 1989, NICOLO, Rec. Lebon, p. 190 ; concl. FRYDMAN (P.), RFDA, 1989, p. 813 ;
HONORAT (E.) et BAPTISTE (E.), AJDA, 1989, p. 758 ; SIMON (D.), AJDA, 1989-12, p. 788 ;
GENEVOIS (B.), RFDA, 1989, p. 824 ; FAVOREU (L.), RFDA, 1989, p. 993 ; DUBOUIS (L.),
RFDA, 1989, p. 1000 ; GRUBERT (A.), L’arrêt NICOLO ou la victoire du Conseil d’État sur le
Conseil d’État, LPA, 15 nov. 1989 ; SABOURIN (P.), D. 1990, p. 135 ; ISAAC (G.), RTD eur. 1990,
p. 771 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n
o 91, p. 638 ; KOVAR (R.), chron. D. 1990, p. 57 ; LONG (M.),
vice-président honoraire du Conseil d’État, Genèse de la décision NICOLO, AJDA, 2014, no 2, 20
janv. 2014, p. 100. 300
CE, 24 sept. 1990, BOISDET, Rec. Lebon, p. 250 ; HONORAT (E.) et SCHWARTZ (R.), AJDA,
1990, p. 863, concl. LAROQUE (M.), LPA, 12 oct. 1990, p. 15 ; DUBOUIS (L.), note relative aux
règlements, RFDA, 1991, p. 172.
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129/480
ROTHMANS International France301
lesquelles consacrent la primauté du droit
communautaire sur les lois nationales. Par une telle solution, le Conseil d’État aligne
sa jurisprudence sur celles des autres juridictions internes et communautaire et
participe à la reconnaissance de la spécificité du droit communautaire lequel
s’intègre directement dans l’ordre juridique national302
.
Dès lors, si le juge communautaire reconnaît tant le principe de sécurité juridique que
le principe de confiance légitime, le juge administratif est dans la nuance. Il distingue
selon que la mesure en cause relève ou non du champ d’application du droit
communautaire. Si la mesure relève du champ d’application du droit communautaire,
nous venons de le rappeler, le principe de confiance légitime peut être invoqué. À
l’inverse, si la mesure en cause est hors champ du droit communautaire, le moyen
tiré du principe de confiance légitime est inopérant303
. Ce faisant le juge administratif
témoigne d’une certaine hostilité à l’égard du principe de confiance légitime qui
relève d’un certain subjectivisme de l’administré. En effet, alors que le principe de
sécurité juridique renvoie à l’intelligibilité, à l’accessibilité et à la prévisibilité
objective d’une règle administrative par l’administré, le principe de confiance
légitime renvoie, quant à lui, à la croyance en l’existence d’une règle par l’administré
ou à la croyance en l’existence d’un certain état de droit en vigueur304
.
301 CE, ass., 28 févr. 1992, SA ROTHMANS International France, Rec. Lebon, p. 80 ; concl.
LAROQUE (M.) ; MAUGÜE (C.) et SCHWARTZ (R.), AJDA, 1992, concl., p. 210, et chron.,
p. 239 ; TEBOUL (G.), JCP, 1992, II, no 21859 ; CELERIER (T.), LPA, 10 avr. 1992, p. 18 ;
DUBOUIS (L.), RFDA, 1992, p. 425. 302
Préc. VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, no 1/2002, p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003,
p. 197. 303
Préc. CE, 1re
et 2e
SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (S.N.I.P.),
no 226514, Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, n
o 1/2002,
p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003, p. 197 ; v. également, CE, Ass, 5 mars 1999,
ROUQUETTE, Rec. Lebon, p. 347 ; concl. MAUGÜE (C.), RFDA, 1999, p. 357 ; note BECHILLON
(D.) et TERNEYRE (Ph.), ibid. ; chron. RAYNAUD (F.) et FOMBEUR (P.), A.J., 1999, p. 420 ;
RDA, mai 1999, p. 23 ; CAMBY (J.-P.), RDP, 1999, p. 1223. 304
Préc. CE, ass., 24 mars 2006, Société KPMG, no 288460, GAJA, 18
e éd., D. 2011, n
o 113, p. 875,
v. en particulier com. p. 880, no 113 § 3.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
130/480
B. Une notion absente du bloc de constitutionnalité
En droit interne, la notion de sécurité juridique pose la question de l’existence de sa
reconnaissance normative305
. En droit constitutionnel, elle n’existe pas de manière
normée. Citons ici Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE :
La notion de sécurité juridique est absente, en tant que telle, de notre corpus
constitutionnel. Elle ne figure ni dans le texte de la Constitution de 1958, ni
dans celui du Préambule de 1946, ni même dans la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789.
Pour le Conseil constitutionnel, la sécurité juridique se rattache cependant à
deux notions qui, bien que proches de celle de sécurité juridique, ne
coïncident pas exactement avec celle-ci :
˗ la première est la notion de « sûreté » qui, aux termes de l’article 2 de
la Déclaration, est l’un des droits naturels et imprescriptibles de
l’homme avec la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression.
Mais, dans la Déclaration de 1789, la notion de sûreté correspond
principalement à la notion d’habeas corpus, comme le précise
expressément l’article 7 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni
détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes
qu’elle a prescrites » ;
˗ la seconde notion est la notion de « garantie des droits » inscrite à
l’article 16 de la déclaration : « Toute société dans laquelle la
garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n’a point de constitution »306
.
305 MODERNE (F.), À la recherche d’un fondement constitutionnel du principe de confiance légitime,
du droit communautaire au droit interne, in Au carrefour des droits, Mélanges L. DUBOUIS, Dalloz,
2012, 608 p., p. 595. 306
DUTHEILLET DE LAMOTHE, (O.), membre du Conseil constitutionnel, La sécurité juridique, le
point de vue du juge constitutionnel, à l’occasion de l’accueil de hauts magistrats brésiliens, le
20 septembre 2005, disponible sur le site du Conseil constitutionnel.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
131/480
Dans sa décision du 30 décembre 1996307
, le Conseil constitutionnel affirme
qu’« aucune norme constitutionnelle ne garantit par ailleurs un principe dit “de
confiance légitime”308
». Cependant, la notion de sécurité juridique existe dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’il l’utilise tantôt pour limiter les
possibilités de rétroactivité de la loi et tantôt pour le maintien d’une certaine qualité
de lisibilité et d’intelligibilité de la loi.
En ce sens, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a, depuis plus d’une décennie,
pris en compte le « risque d’instabilité juridique309
» causé par la « multiplicité des
contestations de la légalité externe310
» des actes d’urbanisme. Ce risque justifie
l’adoption de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme et donc « la restriction
apportée par les dispositions contestées est limitée à certains actes relevant du seul
droit de l’urbanisme311
». Ainsi, ayant à apprécier la validité du nouvel article L. 600-
1 du Code de l’urbanisme, le Conseil constitutionnel considère, dans sa décision312
du 21 janvier 1994, que :
La restriction apportée par les dispositions contestées est limitée à certains
actes relevant du seul droit de l’urbanisme ; qu’elle a été justifiée par le
législateur eu égard à la multiplicité des contestations de la légalité externe
de ces actes ; qu’en effet, le législateur a entendu prendre en compte le risque
d’instabilité juridique en résultant, qui est particulièrement marqué en
matière d’urbanisme, s’agissant des décisions prises sur la base de ces
actes ; qu’il a fait réserve des vices de forme ou de procédure qu’il a
considérés comme substantiels ; qu’il a maintenu un délai de six mois au
cours duquel toute exception d’illégalité peut être invoquée ; que les
dispositions qu’il a prises n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la
possibilité ouverte à tout requérant de demander l’abrogation d’actes
réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former des recours pour
excès de pouvoir contre d’éventuelles décisions de refus explicites ou
implicites ; que dès lors il n’est pas porté d’atteinte substantielle au droit des
307 Cons. const., 30 déc. 1996, n
o 96-385 DC, Loi de finances pour 1997, JO 31 déc. 1996, p. 19557 ;
Com. Cah. Cons. Const. no 2.
308 Ibid. pt. 18.
309 Expression du Conseil constitutionnel.
310 Idem.
311 Idem.
312 Cons. const., 21 janv. 1994, n
o 93-335 DC, Loi portant diverses dispositions en matière
d’urbanisme et de construction, MORAND-DEVILLER (J.), RDA, 1994, p. 75 ; chron. PICARD (E.),
JCP 1994, I. p., 3761, no 35.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
132/480
intéressés d’exercer des recours ; qu’ainsi le moyen tiré d’une
méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen manque en fait313
.
En dépit de tous les attraits que revêt la notion de sécurité juridique, le Conseil
constitutionnel se défie de succomber à ses charmes. Prudent, il admet
ponctuellement et indirectement la sécurité juridique en urbanisme. Ainsi, dans sa
décision no 2011-138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry, le Conseil
constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article L. 600-1-1 du Code de
l’urbanisme, en vertu duquel le droit d’agir contre une décision relative à
l’occupation ou à l’utilisation des sols n’est ouvert aux associations que si le dépôt de
leurs statuts en préfecture est intervenu avant l’affichage en mairie de la demande du
pétitionnaire.
Rappelons que l’article L. 600-1-1 a été inséré dans le Code de l’urbanisme par la loi
no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite loi
ENL Disposition demandée par l’Association des maires de France, l’article
L. 6001-1 devait « interpeller le Gouvernement sur le problème des recours abusifs
engagés par certaines associations dans le but de se donner les moyens de négocier
les prix de terrains où des projets doivent être réalisés314
». Cet article dispose que :
Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à
l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de
l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en
mairie de la demande du pétitionnaire315
.
Ne sont visées par l’article que les décisions individuelles soumises à l’obligation
d’affichage en mairie. En d’autres termes l’article vise les permis de construire, les
permis d’aménager, les permis de démolir et les décisions de non-opposition à des
déclarations préalables316
. Cette volonté de lutter contre la paralysie des programmes
immobiliers causée par des « recours incessants et manifestement abusifs317
»
313 Préc. Cons. const., 21 janv. 1994, n
o 93-335 DC, Loi portant diverses dispositions en matière
d’urbanisme et de construction, 4e considérant.
314 V. l’amendement présenté par MM. HERISSON, JARLIER, BETEILLE, GIROD et DETRAIGNE
(JO débats du Sénat, 7 avr. 2006, p. 3001). 315
Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1. 316
V. Code de l’urbanisme, art. R. 423-1 et R. 423-6. 317
AMOUDRY (J.-P.), rapporteur au Sénat du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations (JO débats du Sénat, séance du 10 mars 1999).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
133/480
explique la modification de l’article L. 142-1 du Code de l’environnement par la loi
ENL Cet article dispose désormais que :
Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de
l’environnement peut engager des instances devant les juridictions
administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci.
Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de
l’article L. 141-1 justifie d’un intérêt pour agir contre toute décision
administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités
statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur
tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément dès lors
que cette décision est intervenue après la date de son agrément318
.
Aux termes de cette rédaction, la décision attaquée doit avoir été adoptée
postérieurement à la date d’obtention de l’agrément. L’esprit du législateur était
clairement de mettre un frein au libéralisme de la jurisprudence administrative quant
à la capacité des associations à agir par la voie du recours pour excès de pouvoir. En
effet, le Conseil d’État admettait qu’une association pouvait être constituée après la
délivrance du permis de construire attaqué319
et considérait notamment que :
L’intérêt donnant qualité pour introduire un recours pour excès de pouvoir
s’apprécie à la date à laquelle ce recours est introduit ; que, par suite, la
SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE « LE SOLEIL LEVANT » n’est pas fondée
à se prévaloir de ce que l’association requérante a été constituée
postérieurement à l’intervention de l’arrêté attaqué, pour soutenir que sa
demande n’est pas recevable320
.
En pratique, les recours associatifs recouvrent un intérêt à agir distinct des recours
individuels et qui revient souvent à proposer un autre type d’aménagement que celui
envisagé et retenu. Le professeur BOUYSSOU, dès 1980, soulignait que « le recours
associatif transforme le rôle du juge, qui n’est plus dans sa position traditionnelle
d’arbitre entre l’intérêt général et les intérêts privés, mais qui doit choisir entre deux
318 Code de l’environnement, art. L. 142-1.
319 CE, 25 mars 1991, SCI Le Soleil Levant, n
o 112031, inédit.
320 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
134/480
rationalités d’aménagement, entre deux conceptions de l’intérêt général, celle que
propose l’Administration, et celle qu’oppose l’association321
. »
Dans le prolongement de sa position sur le principe de sécurité juridique, le Conseil
constitutionnel refuse d’admettre le principe de confiance légitime dans sa
jurisprudence. En effet, il juge qu’« aucune norme de valeur constitutionnelle ne
garantit un principe dit de confiance légitime322
. »
Cependant, récemment le Conseil constitutionnel a semblé légèrement infléchir la
rigueur de son rejet du principe de confiance légitime323
. À l’examen de la loi de
financement de la Sécurité sociale pour 2014, le Conseil constitutionnel a confirmé
sa jurisprudence en considérant « qu’il est à tout moment loisible au législateur,
statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou
d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce
faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences
constitutionnelles ; qu’en particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général
suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises324
». Mais, il ne s’est
pas borné à confirmer sa jurisprudence. Sans opérer de revirement, il opère
néanmoins une évolution en reconnaissant une protection aux « effets qui peuvent
légitimement être attendus325
. » Certes ni le syntagme « sécurité juridique » ni celui
de « confiance légitime » n’apparaissent, mais il n’en demeure pas moins qu’avec
cette formule « effets qui peuvent légitimement être attendus », le Conseil
constitutionnel admet une forme de sécurité juridique, et plus précisément une forme
subjective, ce qui correspond, il faut le souligner, à la définition du principe de
confiance légitime. Comme le souligne le professeur DELAUNAY, cette évolution
tend à intégrer le concept complexe qu’est la confiance légitime qui « découle
directement du droit européen lequel fait voisiner la confiance légitime stricto sensu
321 BOUYSSOU, (F.), Le rôle des associations en matière d’urbanisme, AJDA, 1980, p. 149.
322 Cons. const., 7 nov. 1997, n
o 97-391 DC, Loi portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal
et financier (MUCFF), Rec. CC, p. 232 ; note SCHOETTL (J-E), La rétroactivité d’une législation
fiscale n’est pas anticonstitutionnelle, A.J., 1997, p. 969 ; note MATHIEU (B.), LPA, 4 mars 1998 ;
note MEINDL (T.), RA, 1997, p. 634 ; note PHILIP (L.), RFDC, 1998, p. 157. 323
Cons. const., 19 déc. 2013, no 2013-682 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
324 Ibid. Cons. n
o 14.
325 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
135/480
en droit de l’Union et la théorie des espérances légitimes promue par la Convention
européenne des droits de l’homme326
. »
Nonobstant ce qui précède, la notion de sécurité juridique demeure une notion
absente du corpus constitutionnel même s’il ne fait aucun doute que le Conseil
constitutionnel ne l’ignore pas. Il en résulte que le bénéficiaire d’un permis attaqué
ne peut pas invoquer la sécurité juridique en tant que valeur constitutionnelle
puisqu’elle n’existe pas en tant que telle. Cela étant, la question se pose de savoir si
la sécurité juridique qui ne peut pas être invoquée devant le juge du permis en tant
que principe communautaire ni en tant que principe constitutionnel, pourrait être
invoquée devant le juge administratif comme principe général du droit. La réponse
est presque aussi nuancée que devant le juge constitutionnel.
C. Une finalité idéale de la jurisprudence
administrative
Certes, le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas le principe de sécurité juridique.
Mais cela signifie-t-il pour autant que la sécurité juridique constitue un miroir aux
alouettes du champ d’application du droit administratif ? La réponse est négative. En
effet, le Conseil d’État reconnaît le principe de sécurité juridique, bien qu’il ait
récemment et expressément considéré que ce principe ne figure pas « au nombre des
droits et libertés garantis par la Constitution au sens de son article 61-1327
». Cette
inexistence constitutionnelle et cette ambiguïté du juge administratif ont pu conduire
certains auteurs à qualifier la sécurité juridique de concept « clandestin328
».
Solennellement, le Conseil d’État a pourtant pris soin, dans son rapport public 2006,
de définir la notion de sécurité juridique et dire que : « Le principe de sécurité
juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des
326 DELAUNAY (B.), La confiance légitime entre discrètement au Conseil constitutionnel, AJDA,
no 12, 31 mars 2014, p. 649.
327 CE, 10
e et 9
e SSR, 17 déc. 2010, Syndicat mixte de Papeete, n
o 343800, inédit, relatif à la QPC,
« Considérant que le principe de sécurité juridique n’est pas au nombre des droits et libertés garantis
par la Constitution au sens de son article 61-1 », v. BRONDEL (S.), AJDA, 2010, p. 2456. 328
MATHIEU (B.), La sécurité juridique, un principe constitutionnel clandestin mais efficient,
Mélanges P. GELARD, LGDJ, Montchrestien, 2000, p. 301.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
136/480
efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est
défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées
doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des
variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles329
. » Le Conseil d’État, qui
rappelle qu’elle « constitue l’un des fondements de l’État de droit », dégage deux
approches : l’une formelle, l’autre temporelle.
La sécurité juridique n’est pas stricto sensu incorporée aux principes du droit
administratif330
. À son sujet, le doyen CARBONNIER écrit « C’est le besoin
juridique élémentaire et, si l’on ose dire, animal331
. »
Pourtant, il existe un contraste évident entre l’intérêt que suscitent ce principe et la
« rigidité332
» de la réponse jurisprudentielle. Ainsi, en droit administratif, le principe
de sécurité juridique n’existe pas de manière autonome. À la base de cette réticence,
il est souvent souligné que la prise en compte du principe de sécurité juridique, voire
de son pendant plus subjectif, le principe de confiance légitime, conduirait le juge
administratif à remettre en cause le caractère objectif du recours pour excès de
pouvoir. Pourtant, cet attachement classique du juge administratif à ce caractère
d’objectivité est susceptible de ralentir l’évolution jurisprudentielle dans le sens
d’une plus ample intégration de la jurisprudence communautaire333
.
Par ailleurs, explique la réticence du juge à l’égard de ce principe, l’idée que la
confiance légitime est une menace pour le système juridique français334
susceptible
de créer un déséquilibre en faveur des intérêts privés335
. Dans le même sens, un tel
principe reviendrait à remettre en question le statut du juge. C’est-à-dire que
l’adoption du principe de sécurité juridique et de son pendant subjectif, le principe de
confiance légitime, conduirait le juge à devoir mettre en balance les intérêts en
329 Conseil d’État, Rapport public, Doc. Fr., Paris, 2006, p. 281.
330 Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.
331 CARBONNIER, (J.), Flexible droit, LGDJ, 7
e éd. 1992, p. 172.
332 WOEHRLING (J.-M.), La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in
Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002,797 p.,
p. 763. 333
V. en ce sens SEILLER (B.), Droit administratif, 1. Les sources et le juge, 5e éd., Champs
université, 2013, 345 p., p. 326. 334
CALMES (S.), Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand,
communautaire et français, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p., p. 490. 335
WOEHRLING (J.-M.), op. cit., La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in
Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002,797 p.,
p. 763.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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présence à travers le prisme de sa propre conception de l’équilibre raisonnable336
alors que le système juridique français préfère l’objectivité que véhicule une règle
formelle et univoque qui ne laisse pas au juge une telle marge d’appréciation337
.
Cependant, le principe de confiance influence la jurisprudence. Par exemple, il
justifie l’interdiction du retrait des actes administratifs individuels créateurs de droit
devenus définitifs, quand bien même seraient-ils illégaux. Pour autant, le juge
administratif n’est que le juge de la légalité de l’action administrative. Ainsi, il ne
s’autorise pas à prendre parti sur l’opportunité de celle-ci ni sur la nécessité d’édicter
ou de modifier tel ou tel acte338
. En effet, le juge administratif se borne à contrôler
l’activité administrative. S’il peut, à ce titre, annuler pour excès de pouvoir les
décisions explicites ou implicites prises par l’Administration, ou s’il peut condamner
l’Administration à s’acquitter d’un dédommagement de l’administré, il ne peut pas,
en revanche porter atteinte à l’indépendance de l’Administration en raison non pas de
la sécurité juridique mais des principes du droit public qu’il a lui-même dégagés. En
particulier, il s’interdit de porter atteinte à l’indépendance de l’Administration339
.
La question de la sécurité juridique a également été posée en droit de l’urbanisme.
Ainsi nombreux sont les auteurs qui ont déploré l’insécurité juridique qui règne dans
ce domaine340
.
Afin d’améliorer ce besoin de sécurité juridique, l’article 37 de la loi no 2000-1208
du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)341
a
créé l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme. Cet article dispose :
336 Ibid. p. 769.
337 Ibid.
338 SEILLER (B.), op. cit. Droit administratif, 1. Les sources et le juge, 5
e éd., Champs université,
2013, 345 p., p. 325. 339
ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, 1051 p., p.1013 ; RIVERO (J.),
Le Huron du Palais Royal ou quelques réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir, Dalloz,
1962, Chron, p. 37 ; CHEVALLIER (J.), L’élaboration historique du principe de séparation de la
juridiction administrative et de l’administration active, LGDJ, Paris, 1970 ; CHEVALLIER (J.),
L’interdiction pour le juge administratif de faire acte d’administrateur, AJ, 1972, p. 67. 340
Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique. Un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151 ;
MORAND-DEVILLER, (J.), Travaux du Notariat français résumant les rapports présentés au 89e
Congrès des notaires à Cannes, Urbanisme et sécurité juridique, Defrénois 1993, art. 35608, p. 953 ;
LIET-VEAUX, (G.), La pochette-surprise des « sites remarquables », LPA, 21 nov. 1997, p. 17 ;
J.Cl. Administratif, Fasc. 418, Urbanisme – Définitions. Principes. Orientations. 341
NOR : EQUX9900145L, en vigueur le 14 janvier 2001.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
138/480
Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière
d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se
prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles
de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier342
.
L’esprit du législateur est explicitement celui de « prévenir la multiplication des
contentieux successifs sur un même dossier343
». Le juge BONICHOT344
conclut à ce
sujet que « le législateur a su maintenir l’indispensable équilibre entre légalité et
sécurité juridique en laissant de côté ce qui aurait porté une atteinte trop grave au
droit au recours juridictionnel345
».
Cependant, une certaine instabilité est née de la jurisprudence administrative. En
effet, si le législateur a su maintenir un équilibre entre légalité et sécurité, c’est le
juge administratif qui a dû arbitrer entre les exigences de sécurité juridique et celles
imposées par le contrôle de légalité. Cet arbitrage a, quant à lui, donné lieu à un
certain déséquilibre face auquel, le législateur a fait le choix de dissocier le
contentieux des actes individuels du contentieux des normes346
.
II. Un principe en mal de reconnaissance
Le principe de sécurité juridique, fondement de l’État de droit347
, n’est, en tout état
de cause, pas un principe constitutionnel. Le questionnement juridique qui l’entoure
divise les plus hautes juridictions nationales (A.). Et cette division n’est pas sans
incidence pour le contentieux de l’urbanisme et donc pour la sécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme (B.).
342 Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1.
343 Rapporteur RIMBERT, (P.), JOAN, Année 2000, n
o 92 [2] AN (C.R.), 22 nov. 2000, Compte
rendu intégral, 2e séance, 21 nov. 2000, p. 9169.
344 Jean-Claude BONICHOT, ancien président de la sous-section à la section du contentieux (2000-
2006) au Conseil d’État, est juge à la Cour de justice depuis le 7 octobre 2006. 345
BONICHOT (J.-Cl.), Vers une plus grande sécurité juridique ? BJDU, no 6, 2000, p. 405 et s.
346 LECOQ, (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale d’urbanisme, coll. Droit public,
Publim, 2004, Paris, 565 p., p. 514. 347
Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité du
droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 281.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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A. Présentation du questionnement juridique
Le principe de sécurité juridique souffre de sa polysémie. En effet la polysémie de la
notion en complique l’articulation avec le droit au recours. En outre, la base légale
du principe est encore mal cernée. Il en résulte une approche prudente du Conseil
constitutionnel, gardien des principes fondamentaux (1.) tandis que le Conseil d’État
se distingue par une approche engagée (2.).
1) Consécration d’une approche prudente
Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés publiques et des droits
fondamentaux, consacre le droit au recours mais pas la sécurité juridique. Plus
précisément, il ne consacre par la sécurité juridique de manière explicite348
. En effet,
il ressort de sa jurisprudence que le principe de sécurité juridique apparaît de manière
indirecte, signe que le Conseil constitutionnel ne méconnaît pas l’existence de cette
notion. Mais c’est aussi le signe qu’il refuse, en l’état actuel, de la consacrer en tant
que telle. Ainsi, le Conseil constitutionnel reconnaît depuis une décision de 1999349
une valeur constitutionnelle à l’objectif « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi »
fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen intégrée
au bloc de constitutionnalité.
La notion a beau être dans l’air du temps, le Conseil constitutionnel n’a pas encore
cédé à « l’effet de mode350
». Cette position prudente s’explique par le caractère
nébuleux voire hasardeux de la notion de sécurité juridique. Il faut dire que la notion
est même accusée d’être une notion « vague et non dépourvue d’un certain
verbalisme351
». Plurivoque, la sécurité juridique n’est pas pour autant équivoque352
.
348 Préc. MATHIEU (B.), La sécurité juridique, un principe constitutionnel clandestin mais efficient,
in Mélanges GELARD, LGDJ, Montchrestien, Paris, 2000, 520 p., p. 301 à 305. 349
Cons. const., 16 déc. 1999, no 99-421 DC, JO, 22 déc. 1999, p. 19041, Rec. CC, p. 136, chron.
SCHOETTL (J.-E.), Contrôle de la constitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1999, AJDA, 2000, p. 31 ; com. FRISON-ROCHE (Mie-A.) et BARANES (W.), D., 2000,
p. 362 ; note RIBES (D.), Rev. Fr. Dr. constit. 2000, p. 120 ; v. également Cons. const., 12 janv. 2002,
no 2001-455 DC, Rec. CC, p. 49.
350 MOLFESSIS (N.), Sur trois facettes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Cah. Cons.
const., no 31, avril 2011.
351 POLLAUD-DULIAN (F.), À propos de la sécurité juridique, RTD civ., 2001, p. 491.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
140/480
Certains disent qu’elle est à la fois savoir et prévoir353
. Cependant, pour le Conseil
constitutionnel, l’argument tenant à l’insécurité l’emporte. En effet, conférer à la
sécurité juridique la valeur d’un principe constitutionnel serait, sans doute, dans une
certaine mesure une source d’insécurité juridique. En effet, le syntagme sécurité
juridique est une notion polymorphe et difficile à cerner354
. De plus, un principe
constitutionnel est source de droit subjectif et s’accommode donc mal d’une notion
fuyante355
et susceptible de se retourner, paradoxalement, contre l’exigence même de
sécurité juridique, ancrant un conservatisme mal venu. Plus précisément, la sécurité
juridique peut justifier des solutions diamétralement opposées tant dans les rapports
entre l’État et les administrés que dans les rapports entre administrés. Dès lors la
sécurité des uns peut dans certaines hypothèses caractériser l’insécurité juridique des
autres356
. Comme le souligne Bertrand MATHIEU357
, la sécurité juridique d’un
administré peut s’exercer au détriment d’un autre administré. En matière de recours
pour excès de pouvoir, la sécurité juridique de ceux qui peuvent agir est renforcée
par l’existence du contrôle de légalité. En revanche, par un effet de vases
communicants, l’exercice du recours pour excès de pouvoir est un facteur
d’insécurité juridique pour les tiers358
, notamment lorsqu’ils bénéficient des effets de
l’acte attaqué.
Plus optimistes, d’autres voient dans cette position non pas une position de réserve
prudentielle mais plutôt le premier élan d’un mouvement plus large et à venir d’une
constitutionnalisation du principe de sécurité juridique359
. En effet, pour Anne-Laure
VALEMBOIS, le principe de sécurité juridique fait l’objet d’un processus de
constitutionnalisation. Plus précisément, l’exigence de sécurité juridique ferait l’objet
d’un processus d’« autonomisation » par rapport à l’État de droit. Ce processus serait
352 Préc. PACTEAU (B.), La sécurité juridique un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.
353 Ibid.
354 CRISTAU (A.), L’exigence de sécurité juridique, Rec. Dalloz, 2002, p. 2814.
355 Ibid.
356 Ibid.
357 MATHIEU (B.), Réflexions en guise de conclusion sur le principe de sécurité juridique, Dossier :
Le principe de sécurité juridique, Cah. Cons. Const., no 11, Déc. 2001.
358 V. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans
priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de
légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.
Cons. Const., no 11, Déc. 2001.
359 V. en ce sens VALEMBOIS (A.-L.), La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique
en droit français, V.41, LGDJ, Paris, 2005, 534 p., p. 231
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
141/480
la traduction de l’émancipation de la notion de sécurité juridique en réponse à
l’insécurité juridique intrinsèque au système juridique360
.
Cependant, cette analyse optimiste appelle à être nuancée. En effet, si processus de
constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique, il y a, celui-ci est resté
bloqué à la reconnaissance de manifestation de la sécurité juridique (prévisibilité,
stabilité, accessibilité, intelligibilité des normes). Pour autant, la nation n’a pas
encore été consacrée en tant que notion constitutionnelle autonome. Par suite, il reste
difficile d’en voir l’émancipation puisqu’il nous semble que la sécurité juridique est
bien l’un des principes fondateurs de l’État de droit, ainsi que le Conseil d’État,
quant à lui, l’admet.
En l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’exigence de sécurité
juridique n’est pas un principe fondamental à valeur constitutionnelle361
. Et si tant est
qu’il y ait effectivement un début de commencement de processus de
constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique, la valeur constitutionnelle
qui en résulte n’est qu’une valeur en germe, et donc en tout état de cause,
insusceptible de contrebalancer la valeur incontestable et incontestée du droit au
recours. Enfin, comme le relève Jean-Éric SCHOETTL, la sécurité juridique n’est
pas encore une norme constitutionnelle, « tout au plus peut-elle jouer un rôle en
matière de validation législative362
».
2) Consécration d’une approche engagée
Le Conseil d’État, quant à lui, a consacré le principe de sécurité juridique. Remis en
mars 2006, le rapport public pour 2006 est consacré à la notion de sécurité juridique.
Le Conseil d’État y indique notamment que le principe de sécurité juridique
« constitue l’un des fondements de l’État de droit363
». Il précise encore que « le
principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle
de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et
360 Ibid.
361 V en ce sens BEN MERZOUK (E.), La fausse consécration du « principe de sécurité juridique »,
Rec. Dalloz, 2003, Jurisprudence, p. 2722. 362
Préc. chron. SCHOETTL (J.-E.), Contrôle de la constitutionnalité de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, AJDA, 2000, p. 31. 363
Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité
du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 281.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes
édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à
des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles364
. » Le Conseil d’État
articule sa consécration de la sécurité juridique autour de deux axes. Le premier axe
correspond à une approche formelle365
de la notion. En ce sens, la qualité de la loi
garantit la sécurité juridique. Le second axe correspond, quant à lui, à une approche
temporelle366
. En ce sens, c’est la prévisibilité de la loi qui, ici, garantit la sécurité
juridique. Sans tomber dans le conservatisme, cette approche consiste à viser une
certaine prévisibilité du droit et une certaine stabilité des situations juridiques367
. Il
appuie sa consécration du rappel de la position communautaire. En effet, il souligne
que le principe de sécurité juridique constitue un principe général du droit
communautaire depuis l’arrêt De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH368
du 6 avril
1962 de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui C.J.U.E.). Le
juge communautaire en tire des exigences de stabilité et de prévisibilité de la norme,
de détermination claire et précise des délais de recours ainsi que la possibilité de
moduler dans le temps les effets des décisions369
. En outre, le Conseil d’État rappelle
encore que, pour le juge communautaire, « le retrait des actes illégaux n’est autorisé
que s’il intervient dans un délai raisonnable et si l’institution dont il émane tient
suffisamment compte de la mesure dans laquelle le destinataire de l’acte a
éventuellement pu se fier à la légalité de celui-ci » depuis l’arrêt Consorzio
Cooperative d’ABRUZZO c/Commission du 26 février 1987370
.
Et quelques mois après la remise du rapport de 2006, le Conseil d’État juge, par une
décision du 24 mars 2006, plus connue sous le nom de l’arrêt K.P.M.G.371
, qu’il
364 Ibid.
365 Ibid. p. 282.
366 Ibid.
367 Ibid.
368 Préc. CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec.
JC, p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), J.D.I., 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP
1962, II, p. 12726. 369
Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité
du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 283.
370 CJCE, 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’ABRUZZO c/Commission aff. 15/85, Rec CJCE,
1987, p. 1005, obs. LETEMENDIA (M.), Cah. De droit européen, 1989, p. 632- à 645. 371
CE, 24 mars 2006, Société KPMG, nos
288460, 288465, 288474 et 288485, Dalloz, 2006, p. 1224 ;
CASSIA (P.), La sécurité juridique, un « nouveau » principe général du droit aux multiples facettes,
Dalloz, 2006, p. 1190 ; DAMMANN (R.), L’indépendance des commissaires aux comptes, ibid.,
p.1226 ; Sécurité juridique : la consécration, AJDA, 2006, p. 1028 ; MELLERAY (F.), L’arrêt KPMG
consacre-t-il vraiment le principe de sécurité juridique ?, ibid., p. 897 ; MATHIEU (B.), Le principe
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
143/480
incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de
sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une
réglementation nouvelle. Cela vaut en particulier lorsque les règles nouvelles sont
susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours
légalement conclues. Cette décision introduit expressément dans l’ordre juridique
administratif le principe de sécurité juridique en tant que norme de référence du
contrôle de légalité372
.
Comme le soulignent les maîtres des requêtes au Conseil d’État, Claire LANDAIS et
Frédéric LENICA, la consécration du principe de sécurité juridique est un « signal
fort » quant à l’orientation de la jurisprudence administrative373
. Cependant il ne faut
pas surestimer ce signal car les requérants peuvent parfois tirer des conséquences
contradictoires de ce principe de sécurité juridique374
.
Par ailleurs, si la consécration a pour mérite d’expliciter le principe, de lui
reconnaître une existence légitime et officielle. Il faut dire qu’il n’est pas nouveau
mais, au contraire, existe dans l’ombre du prétoire de longue date. En effet, c’est bien
le principe de sécurité juridique qui a irrigué la reconnaissance du principe de non-
rétroactivité des actes administratifs ou encore l’encadrement du retrait des décisions
créatrices de droit, comme la modulation des effets dans le temps des annulations
contentieuses375
. Dès lors, la consécration du Conseil d’État a surtout une valeur
symbolique aux effets limités.
D’ailleurs, certains auteurs dont Fabrice MELLERAY, n’ont pas hésité à nuancer
l’apport et la réalité de la consécration du principe. En effet, comme le souligne
Fabrice MELLERAY376
, à bien lire l’arrêt, aucun principe général ou matriciel de
sécurité juridique n’y est posé dans le considérant de principe. Le Conseil d’État se
borne à exiger du pouvoir réglementaire qu’il prenne des dispositions transitoires en
cas de changement de la norme, spécialement lorsque sont en cause des situations
contractuelles.
de sécurité juridique entre au Conseil d’État, ibid., p. 841 ; LANDAIS (Cl.) et LENICA (F.), Sécurité
juridique : la consécration, ibid., p. 1028. 372
Préc. MATHIEU (B.), Le principe de sécurité juridique entre au Conseil d’État, AJDA, 2006,
p. 841. 373
Préc. LANDAIS (Cl.) et LENICA (F.), Sécurité juridique : la consécration, AJDA, 2006, p. 1028. 374
Ibid. ; v. également préc. PACTEAU (B.), La sécurité juridique un principe qui nous manque ?
AJDA, 1995, p. 151. 375
Ibid. 376
Préc. MELLERAY (F.), L’arrêt KPMG consacre-t-il vraiment le principe de sécurité juridique ?,
AJDA, 2006, p. 897.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
144/480
Nonobstant cette nuance liée à la lecture littérale de l’arrêt, la solution de l’arrêt n’en
constitue pas moins une avancée remarquable et remarquée de la jurisprudence
administrative. En outre, l’arrêt précise que l’exigence faite au pouvoir réglementaire
de prévoir des mesures transitoires repose sur des « motifs de sécurité juridique » et
nomme explicitement le « principe de sécurité juridique ».
Finalement, l’arrêt K.P.M.G. est majoritairement considéré comme le signal de
l’avènement du principe de confiance légitime en droit français. Certains en font la
lecture de l’entrée du principe de confiance légitime « à la française » dans le droit
procédural administratif377
, une heureuse forme métissée du principe de sécurité
juridique et du principe de confiance légitime dont les liaisons sont tourmentées378
.
B. Souhait unanime d’une reconnaissance
constitutionnelle
En matière de contentieux de l’urbanisme, le souhait d’une reconnaissance
constitutionnelle expresse de l’exigence de sécurité juridique est unanimement
partagé par les tiers et les associations et par les bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme. Chacun pour des raisons qui lui sont propres souhaite voir l’exigence
de sécurité juridique explicitement consacrée par le Conseil constitutionnel. Les tiers
et les associations y voient le gage d’une meilleure sécurité juridique contre les
autorisations d’urbanisme dont les effets sont susceptibles de se répercuter sur leur
environnement (1.). Tandis que les bénéficiaires de ces autorisations y voient, quant
à eux, le gage d’une meilleure sécurité juridique contre les recours injustifiés des
tiers et des associations (2.).
377 Ibid.
378 GAUTRON (J.-Cl.), Le principe de protection de la confiance légitime, in Mélanges Jean RAUX,
éd. Apogée, 2006, p.199.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
145/480
1) Par les tiers et les associations
En 1993, la sécurité juridique des tiers faisait l’objet d’une considération
particulière379
. La certification d’urbanisme, le droit de préemption, le renfort des
effets du déféré préfectoral et des pouvoirs du juge administratif ont été introduits
dans le but de renforcer la sécurité juridique des tiers. Puis la crise des matières
premières et de la construction est passée. La priorité a alors été de relancer la
construction. Et il a été décidé de mettre le droit de l’urbanisme au service de la
construction. En ce sens, des dispositifs ont été imaginés et introduits pour encadrer
davantage les recours des tiers et des associations susceptibles de ralentir la
construction. C’est dans ce contexte que l’article L. 600-3 a été introduit dans le
Code de l’urbanisme faisant obligation aux tiers de notifier leur recours à l’auteur de
la décision ainsi qu’au titulaire de l’autorisation. Ce dispositif a été dénoncé comme
une atteinte à la sécurité juridique des tiers380
.
Par ailleurs, la redéfinition plus stricte de la notion de l’intérêt à agir des tiers et des
associations381
, redéfinition parfois qualifiée de « fermeture de l’intérêt à agir382
»
pose la question de la réalité du maintien de l’accès au juge383
. S’agissant des
associations, c’est l’article L. 600-1-1, issu de la loi Engagement national pour le
logement (ENL) du 13 juillet 2006 qui encadre leur intérêt à agir. S’agissant des
tiers, hors associations, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a récemment redéfini les
critères de leur intérêt à agir en vue de limiter les recours malveillants. Ces
dispositions participent d’un processus de régulation de l’accès au prétoire qui
nécessairement a un effet négatif sur la sécurité juridique des tiers et des
associations, dans le but avoué et recherché d’accroître la sécurité juridique des
379 DUTREIL (R.), Projet de loi portant réforme du Code de l’urbanisme, RFDA, 1993, p. 315.
380 WILLIAMSON (S.), La sécurité juridique contentieuse à l’épreuve de l’article L. 600-3 du Code
de l’urbanisme, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, GRIDAUH, Mémoire de D.E.A., Droit public
général, 1998, 114 p. 381
LANZA (A.), Paradoxes sur l’accès au prétoire dans le contentieux de l’urbanisme, in Mélanges
dédiés à J. MAS, Economica, Paris, 1996, 416 p., p. 215 à 238. 382
HELIN (J.-Cl.), Urbanisme et démocratie, AJDA, 1993, p. 184. 383
V. MELLERAY (F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif,
AJDA, 2014, p. 1530.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
146/480
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme384
. Décidément, la « sécurité juridique des
uns n’est pas celle des autres385
».
Ainsi, la sécurité juridique des tiers et association semble peu à peu rognée au fil du
temps. Et finalement, le résultat n’est peut-être même pas à la hauteur de ce
grignotage puisque le contentieux de l’urbanisme se porte toujours bien386
, tandis que
les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme souffrent encore de recours malveillants.
Face aux grignotages de leur propre sécurité juridique, les associations et les tiers
souhaitent la reconnaissance constitutionnelle de la sécurité juridique. À titre
d’illustration, la question de la conformité à la constitution de l’article L. 600-1-1 du
Code de l’urbanisme a été soulevée. Le fait que la question ait été posée est le signe
de la conscience de ce grignotage de la sécurité juridique des associations et aussi le
signe qu’elle demande une protection renforcée de leur sécurité juridique.
Cependant, en dépit de ces réserves et des interrogations relatives au maintien
effectif de l’accès au juge, le Conseil constitutionnel a validé les dispositifs. À tout le
moins, il a validé l’encadrement de l’intérêt à agir des associations considérant que
cet encadrement visait à limiter le risque d’insécurité juridique et que, par ailleurs,
elle ne portait pas une atteinte substantielle au droit des associations d’exercer des
recours387
. De son côté, le juge administratif a admis la compatibilité de l’article
L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme avec l’article 6 de la Convention européenne des
droits de l’homme388
. Pour autant, les associations comme les tiers demeurent en
attente d’une reconnaissance explicite par le Conseil constitutionnel de la sécurité
juridique.
384 TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir, AJDA,
2013, p. 1901. 385
Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151. 386
Selon le Rapport public 2014 du Conseil d’État, le contentieux de l’urbanisme représentait, encore
en 2013, 6,7 % de l’ensemble des contentieux en dépit d’une baisse de 2 % (cf. p. 24). 387
Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note
LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,
p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.
388 CAA Bordeaux, 3 févr. 2009, n
o 08BX00890, SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 559.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
147/480
2) Par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme
S’agissant des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme, ils sont également en tête de
ceux à qui profiterait a priori la reconnaissance constitutionnelle de l’exigence de
sécurité juridique. Et pour cause, dès lors que l’exigence de sécurité juridique aurait
valeur constitutionnelle, ils seraient à armes égales avec les tiers armés, quant à eux,
du droit fondamental au recours.
Cependant, à y regarder de plus près, il n’est pourtant pas certain que la consécration
par Conseil constitutionnel de l’exigence de sécurité juridique soit véritablement le
gage d’une meilleure sécurité juridique pour les uns ou pour les autres. En effet, la
sécurité juridique consacrée serait tout aussi invocable par les tiers et les
associations. Dès lors, des débats sans fin seraient à craindre. Et au final, la
consécration constitutionnelle de la sécurité juridique aboutirait paradoxalement à
créer plus encore d’insécurité juridique. D’ailleurs certains n’hésitent pas à
considérer que la reconnaissance constitutionnelle serait « superfétatoire389
», pis
encore, elle conduirait à scléroser le droit et à le figer dans l’immobilisme390
.
En outre, comme le relève Sophie BOISSARD, maître des requêtes au Conseil
d’État, la notion de sécurité juridique est un concept « si général que l’on peut lui
faire dire ce que l’on veut391
». Dès lors, la notion de sécurité juridique n’est pas une
notion opérationnelle pour le juge de la légalité. Ce dernier a besoin, pour exercer
son contrôle de légalité, de « principes dérivés plus ciblés392
», tels sont les cas des
principes d’intelligibilité, de stabilité, ou encore d’accessibilité de la norme. En
d’autres termes, et à l’instar de Sophie BOISSARD, il faut encore souligner que la
consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil constitutionnel aurait
une portée hautement symbolique393
mais qu’elle ne compléterait en rien l’arsenal
des moyens de contrôle du juge de la légalité tandis qu’en pratique, il serait à
389 Préc. BEN MERZOUK (E.), La fausse consécration du « principe de sécurité juridique », Rec.
Dalloz, 2003, Jurisprudence, p. 2722. 390
V. en ce sens FAVOREU (L.), GAÏE (P.), GHEVONTIAN (R.), Droit constitutionnel, Dalloz,
1998, no 1349, p. 869.
391 Préc. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans
priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de
légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.
Cons. Const., no 11, Déc. 2001.
392 Ibid.
393 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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craindre plus d’insécurité juridique encore pour les administrés, tiers, associations et
bénéficiaires des autorisations d’urbanisme compris.
En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que la
sécurité juridique des administrés, en contentieux administratif et plus
particulièrement en contentieux de l’urbanisme est victime de sa clandestinité. Bien
qu’elle soit un principe général du droit découvert par le juge lui-même, et aussi un
principe de droit communautaire, la sécurité juridique demeure absente du bloc de
constitutionnalité. Certes la notion de sécurité juridique irradie les décisions du
Conseil constitutionnel et les décisions des juridictions administratives, mais il n’y a
pas de principe de sécurité juridique nommé dans le bloc constitutionnel. Elle est, en
l’état actuel du droit, cantonnée à un rôle de finalité idéale de la jurisprudence
administrative. Et pourtant, il apparaît de plus en plus qu’elle est un principe en mal
de reconnaissance en dépit d’une consécration engagée du Conseil d’État qui se
démarque ainsi de la prudence qui caractérise la position du Conseil constitutionnel
qui se défend de céder à un « effet de mode ». Quoi qu’il en soit, la reconnaissance
constitutionnelle du principe de sécurité juridique en tant que telle est unanimement
souhaitée tant par les bénéficiaires des autorisations d’urbanisme que par les tiers.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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CONCLUSION DU CHAPITRE 2
« On ne sort jamais indemne d’un dilemme » dit la sagesse populaire. En effet, pour
sortir du dilemme entre le droit au recours et l’exigence de sécurité, un choix
cornélien a été opéré par les juridictions administratives et constitutionnelle La raison
l’a donc emporté sur la passion. Et le choix a été fait de ne pas remettre en cause, en
l’état actuel du droit, le caractère quasi sacré du droit au recours.
Ainsi, le droit au recours demeure un droit constitutionnel implicite et sans aucune
ambiguïté. Il bénéficie d’une valeur symboliquement forte dans la hiérarchie des
normes. Puisqu’il est à la fois un principe à valeur constitutionnelle et un principe
fondamental. Son importance est telle qu’il est rappelé sur les panneaux des chantiers
de construction. Sa valeur constitutionnelle, européenne et onusienne en fait un droit
quasi sacré qui rend particulièrement difficile l’identification de remèdes au
phénomène de multiplication des recours abusifs contre les autorisations
d’urbanisme. Pourtant, en dépit de son caractère quasi sacré, des abus du droit au
recours existent. Ils se manifestent à différents niveaux. Les manifestations les plus
caricaturales sont sans doute les cas de recours processifs exercés par des requérants
quérulents. Mais il existe d’autres motivations aux abus du droit au recours, le
phénomène NIMBY en est une des illustrations. La recherche du lucre est une autre
illustration du moteur des recours malveillants. Et c’est sans doute le cas le plus
problématique. En effet, les administrés qui agissent avec des motivations vénales
savent avec ingéniosité habiller leur recours. En outre, et dès lors qu’ils décèlent un
vice dans la légalité de l’autorisation d’urbanisme attaquée, le juge de la légalité doit
censurer l’acte indépendamment de la motivation du requérant quand bien même
serait-elle inavouable. Il est vrai que le juge de la légalité n’a pas à contrôler la bonne
ou mauvaise foi du requérant puisqu’il se borne à apprécier la légalité de l’acte
déféré. Cependant, l’absence de régulation des motivations vénales est contraire à
l’idée de bonne administration de la justice. D’autant qu’en pratique, les recours ne
vont parfois pas jusqu’au bout, comme si finalement avec une transaction
intéressante le vice de légalité devenait supportable. En outre, le désistement à l’issue
de transaction apparaît comme la manifestation que le vice de légalité n’était pas le
moteur de l’action du requérant.
De son côté, le principe de sécurité juridique irrigue incontestablement l’État de
droit. Cependant, il souffre d’une reconnaissance expresse de sa constitutionnalité.
S’il est un principe général du droit et un principe de droit communautaire, il n’est
pas en revanche un principe constitutionnel opérationnel, c’est-à-dire invocable en
tant que tel. Il est donc davantage une finalité idéale, une muse du juge administratif
et non un instrument opérationnel du contrôle de légalité. Pourtant, l’exigence de
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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sécurité juridique fait parler d’elle. Elle séduit autant qu’elle effraye. En un mot, elle
divise. Le Conseil constitutionnel se défie de succomber à ses attraits et adopte une
position prudente de réserve de bon aloi au regard des justifications mises en avant.
À l’inverse, plus audacieuse est la position adoptée par le Conseil d’État influencé
par la jurisprudence communautaire et européenne. Par ailleurs, en dépit de la
polymorphie caractéristique de l’exigence de sécurité juridique, le souhait d’une
reconnaissance constitutionnelle est unanime alors qu’un courant doctrinal souligne
le caractère superfétatoire voire dangereux d’une consécration constitutionnelle au-
delà de la valeur symbolique qu’aurait une telle consécration.
Cependant, la consécration expresse par le Conseil constitutionnel n’étant pas à
l’ordre du jour, le déséquilibre entre le droit au recours et l’exigence de sécurité
juridique demeure et continue, dans une certaine mesure, d’être source d’insécurité
pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Alors même qu’il n’est pas certain
qu’une consécration constitutionnelle de l’exigence de sécurité juridique diminuerait
l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
C’est donc qu’il faut chercher ailleurs les solutions. Le législateur en a, depuis plus
de deux décennies, pris la mesure. Et il a donc cherché, par la norme, à résoudre ce
dilemme en vue d’améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme et en vue de contrebalancer autant que possible les dérives attachées au
droit constitutionnel et fondamental au recours. La difficulté de la matière, les
critiques de ces mesures, le manque parfois de cohérence entre elles, ont abouti, en
vingt ans, à l’adoption de nombreuses réformes. Le résultat est un empilement de
réformes en contentieux de l’urbanisme. La conséquence est que le droit de
l’urbanisme est devenu un droit incantatoire difficile d’accès.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur
d’insécurité
L’inflation législative ou plus largement l’inflation normative et ses inconvénients ne
sont pas nouveaux. Au XVIe siècle, MONTAIGNE, déplorait déjà que « nous avons
en France plus de lois que tout le reste monde ensemble et plus qu’il n’en faudrait
pour régler tous les mondes d’Épicure394
». L’essayiste avait déjà bien perçu que
l’inflation législative ne peut pas régler le problème de l’application de la loi aux cas
concrets offerts par la réalité ; et qu’en tout état de cause, la loi ne peut pas régler les
comportements humains ou appréhender des cas trop particuliers395
. L’inspirateur de
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen396
, Louis Antoine de SAINT-
JUST disait, quant à lui, avec justesse qu’« il est impossible que l’on gouverne sans
laconisme397
».
Le constat de l’inflation législative et de ses dangers demeure d’actualité. Et il
s’accompagne d’un constat unanime d’impuissance à endiguer le phénomène. Cela
ressort encore du récent rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative
d’Alain LAMBERT et Jean-Claude BOULARD du 26 mars 2013398
. Les auteurs
relèvent en introduction de leur rapport que la « situation exige un choc de
compétitivité juridique399
», et les mêmes de préciser qu’il ne s’agit pas de « prôner
une dérégulation générale400
» mais bien de « retrouver, là comme ailleurs, le sens
394 MONTAIGNE (de) (M.-E.), Les Essais, T. 1, Livre III, chap. XIII, « De l’expérience », Folio,
p. 353. 395
CHAPIRO (F.), HUPE (A.), SAADOUN (D.), GOLDZINK (J.), La justice, Chap. Les
philosophies de la justice, Dunod, 2011, Paris, 229 p., p. 33. 396
MONTET (J.-M.), Langages de la Révolution (1770-1815) : actes du 4e Colloque international de
lexicologie politique, éd. E.N.S., 1995 (« La Déclaration des droits de l’homme de 1793 : apports de
la lexicologie quantitative aux problèmes de sa genèse », p. 281). 397
SAINT JUST (de) (L.-A.), Œuvres de SAINT-JUST, représentant du peuple à la Convention
Nationale, PREBOT, LIBRAIRE-ÉDITEUR, Paris, 1834, 424 p., p. 186. 398
LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative,
Paris, mars 2013, 116 p., p. 7. 399
Ibid. 400
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
152/480
des proportions401
». Paradoxe structurel, l’inflation législative poursuit des buts
louables tels que la recherche de simplification de la norme ou la recherche d’un
perfectionnement de la sécurité juridique. Or, plus le législateur veut y parvenir, plus
la simplification et la sécurité juridique semblent lui échapper. C’est un remake
parlementaire du supplice de Tantale.
Inflation normative, instabilité, imprévisibilité dans le temps de la norme sont autant
de facteurs qui grèvent la sécurité juridique402
. Et cette maladie n’a pas épargné la
branche du droit de l’urbanisme. Plus précisément, Alain LAMBERT et Jean-Claude
BOULARD, dans leur rapport, ont identifié des centres de ralentissements qui
méritent un signalement particulier. Au titre des foyers de blocage ou de lenteur, la
législation sur l’urbanisme et certaines dispositions de la loi dite Grenelle II403
.
Il convient d’analyser l’inflation législative qui touche le droit de l’urbanisme et a un
effet négatif sur la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme (Section 1) et
d’analyser pourquoi l’identification des remèdes est délicate (Section 2).
SECTION 1 : L’inflation législative et l’insécurité juridique
« Simplifions nos lois pour guérir un mal français404
», le titre du rapport de Jean-Luc
WARSMANN s’appliquerait parfaitement au droit de l’urbanisme tel qu’il est
devenu en quelques années tant il a subi une complexification et un empilement de
normes405
au niveau national, régional, intercommunal et communal.
De manière générale, il est incontestable que le législateur ne peut se soustraire à la
nécessité de légiférer, d’actualiser le droit, et de transposer les directives. La mise en
401 Ibid.
402 « L’insécurité juridique se nourrit de l’inflation normative comme de l’instabilité des règles ou
encore du déclin de l’art de légiférer », MOLFESSIS (N.), in Combattre l’insécurité juridique ou la
lutte du système juridique contre lui-même, EDCE, 2006, no 58, pp.391-406.
403 Préc. LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre l’inflation
normative, Paris, mars 2013, 116 p., p. 10. 404
WARSMANN (J.-L.), Simplifions nos lois pour guérir un mal français, Rapport au Premier
Ministre, Doc. Fr., Paris, 2009, p. 240. 405
V. Synthèse chronologique de l’empilement des réformes en urbanisme, depuis 2000, p. 175.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
153/480
œuvre d’un urbanisme décentralisé avec les lois des 7 janvier, 22 juillet 1983 et
18 juillet 1985 a eu des effets négatifs sur le droit de l’urbanisme et a également
rendu nécessaire l’intervention du législateur. Celui-ci a dû procéder à un important
travail de refonte du droit de l’urbanisme. Ainsi, ce n’est pas moins de 85 % des
articles du Code de l’urbanisme qui ont été modifiés ou supprimés entre 1974
et 1984406
. Mais l’importance des réformes a accentué l’inflation législative. Cette
dernière coïncide avec la fin de l’âge d’or de la construction qui connaît une crise
profonde. « Quand le bâtiment va, tout va407
», mais quand il ne va plus, le droit de
l’urbanisme se fait plus libéral en vue de relancer la construction. À la suite de la loi
de simplification du 6 janvier 1986, la loi MEHAIGNERIE du 23 décembre 1986
réduit le champ d’application du droit de préemption et du plafond légal de densité
(PLD) pour relancer la construction. Le phénomène d’urbanisation s’accroît. Il
creuse les inégalités spatiales et sociales. Une réflexion globale est menée au niveau
de l’État. Il en ressort que le droit de l’urbanisme est indissociable des
préoccupations sociales, économiques et environnementales408
.
Politiquement et sociologiquement, le droit de l’urbanisme doit être le vecteur de la
diversité et de la solidarité sociale. En bref, il doit être le moteur juridique de la
cohésion sociale. Pour cela, il doit nécessairement être aussi un droit plus efficace409
.
Décentralisé, le droit de l’urbanisme est « l’affaire de tous410
», mais libéralisé, il est
surtout une « affaire d’État411
» et la traduction juridique des politiques urbaines de
planification.
Le législateur légifère, il légifère trop. L’inflation législative devient problématique.
(I.). Ce millefeuille normatif est peu à peu le signe annonciateur, voire l’aveu, d’un
mal plus profond à savoir l’insécurité juridique. Cette dernière ronge, en dépit des
réformes successives, le droit de l’urbanisme (II.).
Dans un souci de lisibilité, nous avons opté pour une analyse chronologique des
différentes réformes qui vont être rappelées et présentées dans le présent chapitre.
406 MORAND-DEVILLER (J.), Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones, ESTEM, Paris,
2000, 251 p., p. 11. 407
Dicton popularisé issu du discours du député, maçon et franc-maçon Martin NADAUD (discours,
AN, 5 mai 1850) : « Vous le savez, à Paris, lorsque le bâtiment va, tout profite de son activité. » 408
MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones,
ESTEM, Paris, 2000, 251 p., p. 11. 409
Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, Doc. Fr., Paris, 1992, 203 p. 410
MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones,
ESTEM, Paris, 2000, 251 p., p. 12. 411
Ibid., p. 13.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
154/480
I. L’inflation législative
La prise en compte successivement de la décentralisation, de la cohésion sociale, de
l’efficacité juridique, des mobilités de l’environnement, a contraint le législateur à
légiférer et à ajuster le droit de l’urbanisme aux nouvelles gouvernances urbaines
(A.). Mais rapidement, ces ajustements se sont traduits par une inflation législative
entraînant le déclin de la qualité et de la lisibilité du droit de l’urbanisme (B.).
A. Nécessité initiale de légiférer
Au cours du XXe siècle, l’urbanisation s’est généralisée sur une grande partie du
territoire. Le rythme extrêmement rapide de cette urbanisation a engendré une
urbanisation à deux vitesses et a creusé les inégalités spatiales. Il est donc apparu
nécessaire d’actualiser le droit de l’urbanisme pour encadrer davantage l’urbanisation
sur le plan de la consommation des territoires, de la qualité des constructions, de
l’accessibilité et de la mobilité. Traduction juridique des politiques de gouvernance
urbaines, une première loi a été adoptée le 13 décembre 2000 en vue notamment de
réduire les inégalités urbaines (1.). Mais l’encadrement et les nouvelles conditions et
contraintes d’urbanisation imposées par cette réforme ont « tétanisé » les élus locaux,
et la réforme a été globalement mal accueillie. Une seconde réforme est donc
apparue nécessaire pour assouplir des contraintes jugées excessives afin de relancer
la construction (2.).
1) Légiférer pour réduire les inégalités urbaines
Avec la révolution de l’automobile, l’urbanisation des territoires s’est grandement
accentuée au cours de la seconde moitié du XXe siècle sans que le droit de
l’urbanisme ne connaisse une adaptation symétrique significative412
. L’exposé des
412 Le législateur est intervenu sur les grandes lignes des intercommunalités et de l’aménagement du
territoire avec pour objectif de renforcer la solidarité intercommunale en milieu urbain, de renforcer
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
155/480
motifs relatifs au projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains413
,
préalablement à l’adoption de la loi du même nom le 13 décembre 2000414
, souligne
qu’en 2000, le mode de vie urbain concerne alors trois Français sur quatre, dont une
partie vit dans des communes ou agglomérations de tailles modestes, voire réside en
milieu périurbain ou rural, au sein d’un même bassin de vie. De plus, il relève que la
ville est marquée par une distinction plus forte qu’autrefois entre les lieux de vie et
les lieux de travail, entre les lieux de chalandise et les lieux de détente ou de loisirs.
En outre, il pointe la mobilité comme le reflet d’une contrainte ou d’un facteur de
liberté. Cette mobilité se développe à travers des déplacements plus nombreux et sur
de plus longues distances. Avec la croissance urbaine, les formes d’habitat et les
modes d’urbanisation se sont transformés. D’un côté de grands ensembles, des
rénovations de centres anciens et des lotissements ont redessiné les villes. De l’autre
l’accessibilité aux services publics, de simplifier les lois, et d’accroître la légitimité des établissements
publics territoriaux avec d’une part la loi no 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement
et le développement durable du territoire (dite loi VOYNET) et d’autre part la loi no 99-586 du
12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (dite
loi CHEVENEMENT) et en complémentarité avec les orientations des futurs contrats de plan et de la
politique de la ville ; V. commentaires : DEGOFFE (M.), commentaire de la loi no 99-586 du
12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale,
AJDA, 1999, p. 911 ; DANTONEL-COR (N.), Le régime juridique de l’intercommunalité après
l’adoption de la loi no 99-586 du 12 juillet 1999, D., 2000, p. 395 ; GROUD (H.), L’intérêt
communautaire au lendemain de la loi CHEVENEMENT, AJDA, 2000, p. 967 ; CHAUVIN (F.),
Commentaire des décrets no 99-895 et n
o 99-896 du 20 octobre 1999 relatifs aux nouveaux pouvoirs
préfectoraux et à la réforme de l’État, AJDA, 2000, p. 143. 413
Projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, Doc. AN no 2131, 2 févr. 2000,
p. 3, exposé des motifs. 414
Loi no 2000-1208, 13 déc. 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (JORF n
o 289,
14 déc. 2000, p. 19777, texte no 2, LOI) ; V. commentaires : SOLER-COUTEAUX (P.), L’entrée en
vigueur du volet urbanisme de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains : la gestion de
la transition, RDI, 2001, p. 1 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C.) et TOMASIN (D.), L’article 72 de la loi
SRU et les contrats de construction, ibid., p. 13 ; JEGOUZO (Y.), La loi du 13 décembre 2000 apporte
diverses modifications au régime juridique des parcs naturels régionaux, ibid., p. 45 ; BROUANT (J.-
Ph.), Quotas de logements sociaux dans les communes urbanisées et principe de libre administration
des collectivités locales, ibid., p. 52 ; Dossier AJDA : JEGOUZO (Y.) La loi Solidarité et
renouvellement urbains, AJDA, 2001, p. 9 ; SCHOETTL (J.-E.), Le Conseil constitutionnel et la loi
relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ibid., p. 18 ; JACQUOT (H.) et LEBRETON (J.-
P.), La refonte de la planification urbaine, ibid., p. 27 ; BOUYSSOU (F.), La réforme des procédures
et du financement de l’aménagement, ibid., p. 41 ; PERIGNON (S.), Le nouveau certificat
d’urbanisme, ibid., p. 51, BROUANT (J.-Ph.), la loi SRU et l’habitat, ibid., p. 56 ; DUPERON (O.),
La réforme du régime des transports et des déplacements urbains, ibid., p. 69 ; BENOIT-CATTIN
(Ph.), BERNARD (A.), BOUGOIS (J.-L.), BOUYSSOU (F.), CELERIER (Th.), CHAUVIN (N.),
CORNILLE (N.), CORNILLE (P.), DRIARD (J.-H.), DURANCE (A.) et autres, La loi SRU et le
droit de l’urbanisme, Litec Immo Juris classeur, Paris, 2002, 558 p.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
156/480
côté, reflet des inégalités sociales, des immeubles vieillis, dégradés témoignent d’une
urbanisation à deux vitesses.
Face à ce constat, le législateur entend réagir et plus précisément « agir415
» sur les
villes, « agir pour réduire les inégalités416
», pour protéger les « couches populaires
[qui] subissent davantage les désagréments de la ville : déplacements, bruit,
pollution, habitat non choisi417
». Le législateur a pour dessein de refréner le
gaspillage d’espaces résultant d’une urbanisation mal maîtrisée et coûteuse qui
favorise le dépérissement de certains quartiers et la croissance des transports
individuels. Il veut également refréner les phénomènes de ségrégations spatiales
susceptibles d’accroître les inégalités sociales et de remettre en cause les bases du
« contrat républicain et du fonctionnement de la démocratie418
». En 2000, la réforme
alors envisagée s’articule autour de trois axes. Le premier axe vise l’exigence de
solidarité entre les territoires urbains, périurbains et ruraux qui forment un même
bassin de vie d’habitat et d’emploi afin d’engager le renouvellement urbain et la
mixité sociale. Le deuxième axe vise le développement durable et de la qualité de vie
pour donner notamment la priorité au développement des modes de transport
alternatifs à l’automobile. Le dernier axe vise la démocratie et la décentralisation,
« le droit doit être lisible : il faut donc simplifier les règles et les rendre accessibles à
chacun419
».
La réforme poursuit trois objectifs420
. Le premier objectif consiste à définir un
meilleur équilibre des agglomérations via les schémas de cohérence territoriale et via
la simplification des documents d’urbanisme. Le deuxième consiste à réussir la
mixité urbaine via la réalisation de logements sociaux là où il y en a peu ou pas, y
compris dans les communes qui continuent, alors, à refuser la construction de
logements sociaux. Enfin, le troisième objectif consiste à assurer une forme d’habitat
diversifié et de qualité.
Il n’est pas question ici de commenter les 208 articles de la loi, mais uniquement de
souligner que le premier de cette réforme profonde tend au renforcement de la
sécurité juridique des citoyens et au renforcement de la planification sociale. Afin de
415 Préc. projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, Doc. AN n
o 2131, 2 fév.
2000, p. 3, exposé des motifs. 416
Ibid. 417
Ibid. 418
Ibid. 419
Ibid. 420
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
157/480
parvenir à son premier objectif de meilleur équilibre et de simplification des
documents d’urbanisme, le législateur ambitionne de simplifier les procédures et
d’améliorer l’information des citoyens et donc la sécurité juridique421
. Finalement, la
loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement
urbains est une réforme en profondeur du droit de l’urbanisme et de la planification
urbaine. Elle témoigne de la volonté du législateur de renforcer le droit de
l’urbanisme de principes éthiques422
plus en adéquation avec la devise423
de la
République. Cette réforme doit être lue comme la continuité et la traduction juridique
et urbanistique de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement
durable du territoire du 25 juin 1999 et de la loi du 12 juillet 1999 relative au
renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.
2) Légiférer pour assouplir les contraintes excessives
Mise en application, la loi du 13 décembre 2000 pose des difficultés qui ralentissent
la construction. Cela ressort du rapport FLEURIEU424
du 30 juin 2003 portant sur
l’évaluation de l’intervention des services de l’État dans le domaine de l’application
du droit des sols. Ce rapport dresse un bilan alarmiste. En effet, ce rapport relève que
le droit est vécu comme une « contrainte pour les projets de construction des
particuliers et des professionnels425
», comme une « activité qui comporte une part
d’interprétation et d’arbitrage426
», comme un droit dont l’application est « difficile à
contrôler et à sanctionner427
».
Ce rapport fait un bilan négatif et alarmiste de la situation juridique et plus encore de
la perception des politiques urbaines. Il se fait le relais de nombreuses observations
acerbes entendues au cours des travaux préparatoires. Ces observations pointent le
manque de visibilité de la stratégie de l’État, le manque de valorisation de l’activité
en dépit des enjeux, le manque d’homogénéité du droit, le manque de lisibilité de la
répartition des compétences, le manque d’information des professionnels, le manque
de communication qui pourrait permettre d’éviter des conflits, le manque de
prévisibilité des délais d’instruction, le manque de clarté des formulaires. Le rapport
421 Ibid. Titre 1
er – Renforcer la cohérence des politiques urbaines, Sect.1, 6
e « Simplifier les
procédures, améliorer l’information des citoyens et la sécurité juridique ». 422
SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in
Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,
2007, 1122 p., p. 941. 423
Constitution 4 oct.1958, art. 2, al. 3, « Liberté, Égalité, Fraternité ».
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
158/480
dénonce un droit complexe qui comporte des lacunes et le manque d’efficacité du
dispositif de contrôle et de répression. En conclusion, le rapport propose deux grands
axes d’amélioration428
. Le premier axe s’articule autour d’une redéfinition d’une
stratégie pour l’exercice des activités d’application du droit des sols en interne. Il
s’agit essentiellement de clarifier les rôles et responsabilités des communes et
services de l’État. Le second axe s’articule autour du développement d’une approche
globale de service à l’usage en matière d’application du droit des sols. Il s’agit
essentiellement d’améliorer l’accueil et le conseil, de prévoir les délais d’instruction,
et enfin de « renforcer la sécurité juridique des opérations, simplifier et clarifier les
conditions d’application du droit429
».
Influencé par ce rapport, et constatant que la loi du 13 décembre 2000 pose des
difficultés qui ralentissent la construction, le législateur veut réagir et corriger le
système mis en place par la loi du 13 décembre 2000 sans en bouleverser l’équilibre
général. Cinq sources de difficultés sont identifiées dans l’exposé des motifs du
projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la
construction430
préalablement à l’adoption de la loi du même nom le 2 juillet 2003431
.
La première source de difficultés découle de la règle limitant l’extension de
l’urbanisation en l’absence de schéma de cohérence territoriale, dans les communes
situées à moins de 15 km des agglomérations et du littoral. La deuxième source de
difficultés découle des risques juridiques liés à l’opposabilité directe des « projets
d’aménagement et de développement durable » aux actes d’urbanisme. La troisième
424 FLEURIEU (de) (A.), Rapport sur l’évaluation de l’intervention des services du ministère de
l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer dans le domaine de
l’application du droit des sols, 2003, 257 p. 425
Ibid. p. 4. 426
Ibid. p. 4. 427
Ibid. p. 5. 428
Ibid. p. 25. 429
Ibid. p. 30. 430
Projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction,
Doc. AN no 402, 27 nov. 2002, p. 3, exposé des motifs.
431 Loi n
o 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat (JORF n
o 152, 3 juill. 2003, p. 11176, texte
no 1. LOI) ; V. commentaires : JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du
2 juillet 2003, AJDA, 2003, p. 1607 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme
et habitat : continuité dans la lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1 ; Dossier AJDA :
LEBRETON (J.-P.), Le contenu du plan local d’urbanisme après la loi du 3 juillet 2003, AJDA, no 29,
2003, p. 1542 ; SOLER-COUTEAUX (P.), L’ardente obligation du schéma de cohérence territoriale,
ibid., p. 1528 ; JACQUOT (H.), La gestion des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des POS/PLU,
ibid., p. 1534 ; RAUNET (M.), Zone d’aménagement concerté et plan local d’urbanisme, ibid.,
p. 1552.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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source de difficultés découle, quant à elle, des incertitudes juridiques liées à la
distinction entre révision et modification des plans locaux d’urbanisme. La quatrième
source de difficultés évoquée résulte des difficultés à mettre en place la transition
entre les plans d’occupation des sols et les plans locaux d’urbanisme. Enfin, la
cinquième source de difficultés est financière, elle résulte de la mise en œuvre de la
participation pour voies nouvelles et réseaux.
Afin de réagir à ces difficultés, le législateur veut assouplir les règles d’urbanisme. Il
veut notamment permettre aux collectivités locales de dégager les terrains
nécessaires à la construction de logements dans le respect des grands objectifs de la
loi du 13 décembre 2000. Soucieux de procéder à des assouplissements censés
relancer la construction, et ne pouvant pas rester sourd aux critiques amères relayées
par le rapport FLEURIEU, le législateur veut lever des contraintes jugées excessives,
simplifier, clarifier les dispositions législatives afin d’éviter que des ambiguïtés ou
des incompréhensions ne retardent ou n’empêchent la réalisation de projets. Ce
faisant, il reprend une partie des propositions du rapport FLEURIEU.
Cette réforme n’a pas surpris. Elle est alors attendue eu égard à l’accueil plus que
réservé des élus locaux432
. Elle est même annoncée par la circulaire du Ministre de
l’Équipement du 21 janvier 2003. Moins en profondeur que la réforme du
13 décembre 2000, la loi porte tout de même sur un grand nombre d’articles433
. Et les
assouplissements annoncés dépassent parfois le toilettage pour ressembler à un
détricotage partiel de la réforme de 2000.
Nous ne commenterons pas, ici, les quatre-vingt-dix-huit articles de la loi, mais nous
nous bornerons à souligner que cette réforme en nuances était nécessaire pour
remédier aux difficultés posées par la mise en œuvre de la loi du 13 décembre 2000
mais tout autant pour éteindre le foyer d’hostilité parmi les élus locaux434
. Ce dernier
objectif plus ou moins avoué de la réforme a eu pour conséquence que les correctifs
432 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la
lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1. 433
Préc. SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in
Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,
2007, 1122 p., p. 941. 434
Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la
lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1.
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apportés à la réforme de 2000 ont « érodé435
», selon le terme de Jean-Pierre
LEBRETON, les dispositions innovantes de la loi SRU
Par ailleurs, la loi du 2 juillet 2003 retouche également les dispositions relatives aux
contentieux de l’urbanisme. Celle-ci ajoute un cinquième alinéa à l’article L. 300-2
du Code de l’urbanisme :
Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a) b) et c) ne
sont pas illégaux du seul fait des vices de procédure susceptibles d’entacher
la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue
au premier alinéa ont été respectées.
Comme le souligne Yves JEGOUZO, la concertation demeure ainsi le « laboratoire
des dispositifs anti-contentieux dans le domaine de l’urbanisme436
». Cependant, le
législateur avait prévu, dès l’origine, que les autorisations d’urbanisme ne seraient
pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les
modalités de son exécution437
.
En conclusion, si une nouvelle intervention était nécessaire pour parvenir à la
réalisation des objectifs de politiques urbaines en conformité avec la démocratie et
les exigences républicaines, des réserves peuvent être élevées sur les modalités de
cette intervention de 2003. Le détricotage des dispositions novatrices de la réforme
de 2000, et l’ajout d’une nouvelle strate de dispositions à une architecture législative
encore jeune et donc peu maîtrisée accroît alors le risque d’insécurité juridique et de
contentieux.
B. L’apparition d’une surlégislation
À partir de 2005, le droit de l’urbanisme connaît une frénésie législative. S’il peut
sembler louable que le législateur veuille imaginer un droit de l’urbanisme flexible et
435 Préc. LEBRETON (J.-P.), Le contenu du plan local d’urbanisme après la loi du 3 juillet 2003,
AJDA, no 29, 2003, p. 1542.
436 Préc. JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du 2 juillet 2003, AJDA,
2003, p. 1607. 437
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
161/480
adaptable, cela aboutit en réalité à créer l’illusion d’une flexibilité contentiogène438
.
Les rapports, les lois, les décrets s’empilent les uns sur les autres. Ils viennent
complexifier un droit qui avait jusqu’alors à peu près échappé à cette spécificité
française du tout réglementé. Comble du paradoxe, cette complexification et cette
stratification résultent essentiellement de la volonté du législateur de simplifier et de
clarifier le droit de l’urbanisme en vue d’améliorer la sécurité juridique des
administrés. Pour justifier toutes ces lois, le législateur invoque toujours des objectifs
louables qui sont autant d’alibis pour masquer son goût immodéré pour la
réglementation et qui sont aussi, hélas, autant d’alibis pour masquer l’échec de
clarification et de simplification de la norme précédente. Et au bout du compte, c’est
la sécurité juridique des administrés qui en souffre. Parmi les objectifs avancés par le
législateur pour réformer le droit de l’urbanisme, quatre principaux objectifs ont été
successivement recherchés par le législateur. Il s’agit de la sécurité juridique (1.), du
respect et de la protection de l’environnement (2.), de corriger les dispositifs
précédents (3.), et enfin de mieux équilibrer les droits des administrés entre eux (4.).
1) L’objectif de sécurité juridique
La complexification et la haute technicité des mécanismes élaborés en droit de
l’urbanisme ainsi que le manque de prévisibilité des délais de recours ont provoqué
l’apparition de nombreux contentieux. Forts de ce constat, le garde des Sceaux et le
Ministre de l’Équipement ont souhaité rechercher des remèdes. Le 29 juin 2004, ils
désignent Philippe PELLETIER comme président du groupe de travail et lui confient
la mission de proposer une amélioration de la sécurité juridique des autorisations
d’urbanisme autour notamment de trois axes majeurs : l’amélioration de la gestion
des contentieux, la régularisation des vices de procédure mineurs, et l’accroissement
de la lisibilité des délais de recours. Le 25 janvier 2005, le groupe de travail remet le
rapport PELLETIER intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des
autorisations d’urbanisme439
». Il contient trente-quatre propositions440
relatives à
l’amélioration de la qualité juridique des autorisations d’urbanisme, aux modalités de
438 V. en ce sens TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures
d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 1.
439 PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail créé par M.
PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions pour une meilleure sécurité
juridique des autorisations d’urbanisme », dit rapport PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janv. 2005. 440
Ibid. p. 71.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
162/480
remise en cause des autorisations, à l’amélioration du traitement des recours
juridictionnels, avec un mécanisme de suspension de la durée de validité d’une
autorisation pendant toute la procédure contentieuse, au sort des constructions
achevées en instituant un délai de prescription de dix ans pour les constructions
achevées.
Ne pouvant rester sourd aux critiques, le législateur se range à l’opinion commune
qui veut que la « complexité des procédures, produit de nombreuses années de
stratifications juridiques, et l’insécurité qu’elle génère handicapent aujourd’hui
gravement la relance de la construction441
». Une « refonte profonde442
» est alors
décrite comme « indispensable443
» et est annoncée par la loi no 2004-1343 du
9 décembre 2004 de simplification du droit. Cette dernière a autorisé le
Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour redéfinir le champ
d’application et simplifier les règles de délivrance des déclarations et autorisations
d’utiliser le sol, regrouper les procédures de délivrance des actes et de redéfinir les
procédures de contrôle de la conformité des travaux. La refonte s’articule autour de
trois axes majeurs. Elle doit clarifier le droit de l’urbanisme par la réduction du
nombre des autorisations et la précision de leur champ d’application. De plus, elle
doit simplifier les procédures et améliorer la sécurité juridique des autorisations
d’urbanisme figurant dans le rapport PELLETIER. Enfin, elle doit favoriser la
qualité de l’urbanisme et de l’architecture444
. Le 8 décembre 2005, l’ordonnance
no 2005-1527 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme est
prise sur le fondement de l’article 20 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification
du droit. L’ordonnance est ratifiée par la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant
engagement national pour le logement (ENL).
Là encore, il n’est pas question ici de commenter les quarante-deux articles de cette
ordonnance, mais uniquement de souligner qu’un volet d’articles vise à améliorer la
lisibilité du Code de l’urbanisme (art. 2, 15), un autre vise à simplifier (11, 15), et
enfin, un dernier volet d’articles vise à rafraîchir, ordonner et toiletter le Code (tous
les autres articles). L’article 15 de l’ordonnance constitue le cœur de la réforme et
réécrit le livre IV du Code de l’urbanisme445
. Annoncée comme une « refonte
441 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n
o 2005-1527, 8 déc. 2005, relative au
permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 286, 9 déc. 2005, p.18994, texte n
o 29.
442 Ibid.
443 Ibid.
444 Ibid.
445 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
163/480
profonde », l’ordonnance déçoit. Ordonnance de clarification et rangement, elle n’est
que cela. À sa décharge, relève Pierre SOLER-COUTEAUX, le cadre législatif fixé
par la loi du 9 décembre 2004 est peut-être trop étroit446
. Écrivant en 2006, l’auteur
souligne encore que cette ordonnance, ajoutée à la loi SRU du 13 décembre 2000 et à
la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003, a amené le droit de l’urbanisme à ses
« ultimes » perfectionnement. Cependant, l’auteur n’a pas dû être lu puisqu’à la suite
de cette ordonnance de nombreux textes de réformes suivent.
La loi ENL du 13 juillet 2006447
qui ratifie l’ordonnance du 8 décembre 2005 vise à
sécuriser les autorisations d’urbanisme en retouchant le régime de retrait et le
contentieux des autorisations d’urbanisme. Ainsi, elle harmonise le délai de retrait
qu’elle fixe à trois mois.
De plus, elle permet au juge de prononcer une annulation partielle et admet ainsi le
principe de divisibilité au contentieux des autorisations d’urbanisme. L’admission de
ce principe est jusqu’alors réclamée sans succès par la doctrine et les patriciens. Ces
derniers considèrent que le caractère inéluctable de l’annulation est parfois une
sanction disproportionnée eu égard au vice entachant l’autorisation d’urbanisme448
.
Le principe de divisibilité des autorisations d’urbanisme figure au rang des
recommandations du rapport PELLETIER lequel propose de reconnaître au juge
administratif la faculté de moduler les effets de l’annulation soit en prononçant une
annulation conditionnelle soit en prononçant une annulation partielle. Seule cette
dernière modalité est retenue par la loi :
Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou
d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale,
la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette
autorisation.
446 SOLER-COUTEAUX (P.), Le nouveau régime des autorisations d’utilisation du sol : lisibilité ;
sécurité ; conformité, RDI, 2006, p. 23. 447
JEGOUZO (Y.), La loi Engagement national pour le logement, AJDA, 2006, p. 1534 ; JACQUOT
(H.), la loi ENL échappe à la règle de l’entonnoir, ibid., p. 1521 ; SOLER-COUTEAUX (P.),
L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006, p. 407. 448
Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006,
p. 407.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
164/480
L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation,
un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue
définitive449
.
Le rejet de l’introduction d’un pouvoir « d’annulation conditionnelle » implique,
alors, pour le juge l’impossibilité de prononcer une annulation lorsque les vices ne
portent pas sur la construction mais sur le dossier de la demande de permis de
construire450
. Mais ce vide juridique vient d’être comblé par la nouvelle mouture de
l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme et l’introduction dans ce même Code d’un
article L. 600-5-1 par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au
contentieux de l’urbanisme451
. Ce dernier permet désormais au juge administratif, en
présence d’une illégalité entachant une autorisation d’urbanisme mais susceptible
d’être régularisée par un permis modificatif, de surseoir à statuer pour inviter les
parties à la régulariser, dans le délai qu’il fixe. En outre, le juge administratif admet
explicitement dans une décision Association Bois-Guillaume Réflexion contre
Commune Bois-Guillaume, du 27 novembre 2013452
, au visa de l’article L. 600-5 du
Code de l’urbanisme, que l’annulation partielle peut être prononcée pour un vice qui
ne porte pas sur la construction mais sur la procédure de délivrance de l’autorisation
d’urbanisme, l’en espèce, pour un vice d’incompétence.
Considérant que la circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit
entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas
obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5453
.
Par ailleurs, la loi agit sur l’intérêt à agir et les pouvoirs du juge. L’intérêt pour agir
des associations est redéfini. Contre l’avis du Gouvernement, la loi introduit dans le
Code de l’urbanisme un article L. 600-1-1. Cet article limite la recevabilité des
actions contentieuses des associations contre une décision relative à l’occupation ou
à l’utilisation des sols à celles dont le dépôt des statuts en préfecture est intervenu
antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Le but est de
449 Code de l’urbanisme, art. L. 600-5, ancien.
450 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006,
p. 407. 451
Une présentation de ce nouveau mécanisme est développée en page 284 § c. 452
CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765, Rec.
Lebon, T. ; Concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe
n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 ; CORNILLE (P.), Annulation
seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1,
p. 24, no 6.
453 Préc. CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, n
o 358765.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
165/480
lutter contre les recours abusifs. Mais la mesure est critiquée. Elle apparaît
disproportionnée et est dénoncée comme une restriction du droit d’accès au juge une
mesure inappropriée454
. En revanche, est rejeté l’amendement qui proposait de
conditionner la recevabilité d’une requête contre une autorisation d’urbanisme
portant sur un projet de logement social à la consignation d’une somme fixée par le
juge.
La même année, deux décrets suivent. Le décret no 2006-958 du 31 juillet 2006
relatif aux règles de caducité du permis de construire et modifiant le Code de
l’urbanisme et le décret no 2006-1220 du 4 octobre 2006 relatif aux permis de
construire délivrés à titre précaire viennent compléter le régime des autorisations
d’urbanisme. Puis en 2007, le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour
l’application de l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis
de construire et aux autorisations d’urbanisme permet l’entrée en vigueur de
l’ordonnance du 8 décembre 2005.
Après cette période de recherche d’une meilleure sécurité juridique, le législateur
poursuit un objectif environnemental.
2) L’objectif environnemental
La loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour
l’environnement, dite « Grenelle II455
» vise à mettre en œuvre les objectifs du
Grenelle de l’environnement et plus particulièrement la recherche d’un autre mode
de croissance. À ce titre, elle modifie de nombreux chapitres du Code de
l’environnement et la première partie du Code de l’urbanisme. Avec ses deux cent
cinquante-sept articles, il s’agit d’une importante loi qui s’inscrit dans la
prolongation de la loi du 3 août 2009 de programmation de la mise en œuvre du
Grenelle de l’environnement. Cette loi du 3 août 2009 fixe, rappelons-le, des
objectifs enthousiastes dont la loi du 12 juillet assure la mise en œuvre quoiqu’avec
un enthousiasme plus nuancé456
. C’est en raison de ces deux lois que les patriciens
distinguent la loi Grenelle I et la loi Grenelle II457
.
Dans le prolongement d’Yves JEGOUZO, soulignons que la méthode qui a consisté
à dissocier les deux textes présente un inconvénient évident de lisibilité. Une fois
454 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
166/480
n’est pas coutume, et le législateur nous y a habitués. Pourquoi faire simple, quand il
sait faire compliqué ? La loi est décrite comme une loi certes « intelligente458
» mais
aussi comme une « grosse459
» loi (à défaut d’être « grande loi »),
« encyclopédique460
» couvrant l’entier champ du développement durable, « trop
ambitieuse » avec un « certain nombre de contradictions et d’ambiguïtés461
». En un
mot, la loi est une strate de plus dans l’édification du droit de l’urbanisme.
Participent également au millefeuille législatif du droit de l’urbanisme les récents
textes qui ont pour objectif d’apporter des corrections aux imperfections des textes
précédents.
3) L’objectif correctif
En matière d’urbanisme, la loi Grenelle II habilite le Gouvernement à apporter au
régime des permis de construire et des autorisations d’urbanisme « les corrections
dont la mise en œuvre de la réforme pourrait faire apparaître la nécessité ». À cet
effet, le Gouvernement élabore l’ordonnance no 2011-196 du 22 décembre 2011
relative aux corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme. Celle-ci
concerne principalement la définition et le régime des lotissements462
.
Elle est suivie par le décret no 2012-274 du 28 février 2012 qui apporte des
précisions et des ajustements limités au régime des autorisations d’urbanisme. Le
ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a mis en ligne un
tableau instructif intitulé « avant/après et commentaires des modifications apportées
par le décret no 2012-274 du 28 février 2012 relatif à certaines corrections à apporter
455 Cf. Dossier dans la revue, AJDA, n
o 30/2010, intitulé « La loi Grenelle II [Première partie], avec
les contributions de JEGOUZO (Y.), L’ambitieuse loi portant engagement national pour
l’environnement, p. 1681 ; Philippe BAFFERT (Ph.), La planification stratégique, p. 1688 ;
JACQUOT (H.) et LEBRETON (J.-P.), La réforme du plan local d’urbanisme, p. 1697 ; PLANCHET
(P.), Le patrimoine et le paysage face au défi environnemental, p. 1705. 456
BILLET (Ph.), Grenelle II de l’environnement : les principales mesures, JCP Adm., 2010, no 2237.
457 Préc. JEGOUZO (Y.), L’ambitieuse loi portant engagement national pour l’environnement, ibid.,
p. 1681. 458
Ibid. 459
Ibid. 460
Ibid. 461
Ibid. 462
SOLER-COUTEAUX (P.), Réforme des autorisations d’urbanisme : correction de la copie, RDI,
2012, p. 308.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
167/480
au régime des autorisations d’urbanisme463
». Ce tableau met en lumière les neuf
objectifs poursuivis au travers des retouches et introductions de nouveaux articles.
Ces neuf objectifs sont la clarification, la sécurisation, la cohérence, la mise à jour du
code, la réduction des délais, la sécurité juridique (délai de recours contentieux pour
une autorisation tacite d’urbanisme en particulier), la correction, la réforme du
lotissement, la réforme de la fiscalité (COS et versement pour sous densité en
particulier).
Empreint d’humilité, ce décret « corrige464
» essentiellement le régime du
lotissement. En outre, il réduit un certain nombre de délais d’instructions des
demandes d’autorisation d’urbanisme. Il dispense de toute formalité les travaux de
construction dont la surface est inférieure ou égale à cinq mètres carrés (contre deux
mètres carrés auparavant) et répondant aux critères de l’article R.* 421-2 du Code de
l’urbanisme.
Facile d’accès et synthétique, ce décret se distingue par son pragmatisme d’un
nouveau genre. Il réduit, en outre, le champ des autorisations d’urbanisme dont il fait
sortir les constructions sans grand enjeu. Et il réduit et précise les délais. C’est
finalement un texte qui participe réellement, en toute modestie, à l’objectif de
simplification et de sécurisation juridique des autorisations d’urbanisme. Toutefois,
sa portée est limitée, tandis qu’il constitue une strate de plus dans l’édification du
droit de l’urbanisme.
4) L’objectif d’un meilleur équilibre
En 2012, les ventes au détail de logements neufs baissent de 18 % par rapport à
l’année 2011465
, le nombre de logements commencés chute de 20 %466
et les mises en
chantier chutent globalement dans le résidentiel et dans le non résidentiel comme le
montrent les tendances des courbes du graphique467
ci-dessous.
463 Tableau consultable sur le lien : www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/TABLEAU_avant
_apres_Decret_ADS_commente.pdf. 464
GRAND (R.), Un décret « corrige » le régime de certaines autorisations d’urbanisme, D. actu.,
5 mars 2012. 465
Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer
les projets de construction, exposé des motifs, in dossier législatif relatif à la loi no 2013-569 du
1er
juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer
les projets de construction (NOR : ETLX1309053L). 466
Ibid. 467
Les données qui ont servi à l’élaboration de ce graphique et du tableau proviennent de l’INSEE.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
168/480
Champ : France.
r : données révisées.
(1) : comprend les logements en résidence (résidences pour personnes âgées, étudiants et touristes).
(2) : transport, enseignement-recherche, action sociale, ouvrage spécial, santé, culture-loisirs.
Source : SOeS et Insee – N.B. : Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le
SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de l’auteur.
Face à cette situation, et plus particulièrement dans le cadre du plan d’investissement
pour le logement, le Gouvernement veut prendre des mesures d’urgence destinées à
faciliter les projets de construction. Dans le même sens, il relève que le contentieux
de l’urbanisme demeure un sujet récurrent qui n’a pas été traité précisément par les
réformes précédentes. Aussi, il veut présenter une ambitieuse réforme dans ce
domaine468
. La réforme doit permettre de faciliter la réalisation de projets permettant
la production de logements en sécurisant les opérations de construction et en luttant
contre les recours regardés comme abusifs tout en préservant l’accès au juge et la
participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’urbanisme469
. Face
à la complexité du sujet et aux difficultés constitutionnelles qu’il présente, le
Gouvernement constitue, le 11 février 2013, un groupe de travail d’éminents
praticiens et érudits en la matière, et présidé par Daniel LABETOULLE.
468 Cf. DUFLOT (C.), Lettre de mission du 11 février 2013 au groupe de travail, réf n
o D13009886.
469 Ibid.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
2009 (r) 2010 (r) 2011 (r) 2012
En
mil
lion
s d
e m
²
Mises en chantier de bâtiments
Industrie et
entrepôts
Service public ou
d'intérêt collectif (2)
Commerce et
artisanat
Bureaux
Hébergement
hôtelier
Logements
individuels
Logements
collectifs (1)
Evolution des mises en
chantier entre 2011 et 2012en %
Industrie et entrepôts -14%
Service public ou d'intérêt
collectif (2) -14%
Commerce et artisanat -12%
Bureaux 2%
Hébergement hôtelier -11%
Logements individuels -15%
Logements collectifs (1) -14%
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
169/480
Le groupe de travail dépose le 25 avril 2013 un rapport intitulé « Construction et
droit au recours : pour un meilleur équilibre470
». Ce rapport contient un nombre
important de propositions et de recommandations pertinentes. Plusieurs d’entre elles
sont à l’origine des dispositions adoptées dans le cadre de la réforme de 2013. Cette
section étant consacrée à la rétrospective des dernières réformes en matière
d’urbanisme et du contentieux de l’urbanisme, à son aspect inflationniste facteur
d’insécurité pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme, nous nous limitons,
ici, à cette brève présentation de l’ordonnance. Compte tenu de son ampleur, de son
intérêt pour notre sujet et de son actualité, un développement particulier lui est
consacré dans notre titre second. C’est dans ce contexte que le Gouvernement
dépose, le 2 mai 2013, un projet de loi l’habilitant à adopter des mesures de nature
législative pour accélérer les projets de construction471
. La matière relevant du
domaine de la loi472
, le Gouvernement doit nécessairement être autorisé par le
Parlement à légiférer par voie d’ordonnances. Ces ordonnances n’ont dans un
premier temps qu’une valeur réglementaire. Ce n’est que dans un second temps, et
sous réserve d’une ratification explicite473
par le Parlement, qu’elles prennent valeur
de loi. S’agissant de leur entrée en vigueur, l’auteur du texte réglementaire a le choix
entre une entrée automatique en vigueur le lendemain de la publication du texte ou
une entrée en vigueur différée à une date qu’il fixe474
.
En objet de son projet de loi d’habilitation, le Gouvernement ne vise pas moins de
huit mesures475
. En effet, il entend mettre en place une procédure intégrée pour le
logement qui rassemble l’ensemble des procédures d’autorisation nécessaires pour un
projet, le but est d’aboutir plus rapidement à la délivrance des permis de construire,
dans le respect de la protection de l’environnement. Il s’agit également d’accroître la
densification en favorisant la transformation de bureaux en logements, en limitant les
470 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par M
me DUFLOT
(C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au recours : pour un
meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013. 471
Préc. Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour
accélérer les projets de construction, exposé des motifs, in dossier législatif relatif à la loi no 2013-569
du 1er
juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour
accélérer les projets de construction (NOR : ETLX1309053L). 472
Constitution, 4 oct. 1958, art. 38. 473
Cf. Loi constitutionnelle no 2008-724, 23 juill. 2008, de modernisation des institutions de la
Ve République (NOR : JUSX0807076L).
474 Code civil, art. 1.
475 Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer
les projets de construction, objet du texte, in Travaux parlementaires, Sénat, Les étapes de la
discussion.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
170/480
obligations en matière de places de stationnement, en autorisant un alignement sur la
hauteur d’un bâtiment contigu ou la surélévation d’immeubles pour la création de
logements. Il s’agit encore de réduire le délai de traitement des recours contentieux et
lutter contre les recours abusifs. Il s’agit aussi d’encourager le développement de
logements intermédiaires à prix maîtrisé, entre logement social et parc privé, par la
création d’un statut spécifique et d’un bail de longue durée dédié. Il s’agit, de plus,
de créer un portail national de l’urbanisme pour améliorer l’accès aux documents
d’urbanisme. Il s’agit, enfin, d’augmenter le taux maximal de garantie d’emprunt que
les collectivités territoriales peuvent consentir pour faciliter le financement de projets
d’aménagement ; de supprimer progressivement la possibilité de garantie intrinsèque
pour les opérations de vente de logements en l’état futur d’achèvement (V.E.F.A.)
afin de protéger les accédants en cas de défaillance du promoteur en cours de
chantier ; et de faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment.
À l’issue d’une procédure accélérée le 2 mai 2013 par le Gouvernement476
, la loi
no 2013-569 du 1
er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de
nature législative pour accélérer les projets de construction477
ne tarde pas. Le
Gouvernement obtient ainsi rapidement les moyens qu’il demande pour mettre en
œuvre les huit mesures de la réforme envisagée. Plusieurs ordonnances sont prises
rapidement.
La première d’entre elles retient notre attention en ce qu’elle fait directement écho à
notre problématique. C’est l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au
contentieux de l’urbanisme478
, ratifiée par la loi ALUR du 24 mars 2014479
. Cette
ordonnance qui s’inspire largement des propositions et des recommandations du
rapport LABETOULLE est présentée comme une « ambitieuse réforme480
». Ce qui
nous semble qu’elle est. L’ordonnance ambitionne, en particulier, de prendre des
mesures de nature à accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme
et à prévenir les contestations dilatoires ou abusives.
476 Ibid.
477 Loi n
o 2013-569, 1
er juill. 2013, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature
législative pour accélérer les projets de construction, JORF, no 0151, 2 juill. 2013, p. 10985, texte n
o 1
(NOR : ETLX1309053L). 478
V. obs. PASTOR (J.-M.), D. actu., 26 juill. 2013 ; AJDA, 2013, p. 1540. 479
Préc. Loi no 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (1), JORF
no 0072, 26 mars 2014, p. 5809, texte n
o 1 (NOR : ETLX1313501L).
480 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n
o 2013-638, 18 juill. 2013, relative
au contentieux de l’urbanisme, JORF, no 0166, 19 juill. 2013, p. 12069, texte n
o 23 (NOR :
ETLX1317296P).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
171/480
Pour y parvenir, le Gouvernement veut encadrer les conditions dans lesquelles le
juge peut être saisi d’un recours en annulation ou d’une demande de suspension,
notamment en exigeant des requérants un intérêt suffisamment direct à agir. Il veut,
en outre, réaménager les compétences et les pouvoirs des juridictions en vue de leur
permettre de condamner à dommages et intérêts l’auteur d’un recours abusif, et
réduire les délais de traitement des procédures juridictionnelles481
. Cependant
l’écueil constitutionnel demeure. Ne pas tomber de Charybde en Scylla, tel est le défi
du Gouvernement qui doit trouver un équilibre entre le droit au recours de valeur
constitutionnelle et la sécurisation des autorisations d’urbanisme afin de parvenir à
son réel objectif, à savoir produire cinq cent mille logements par an dont cent
cinquante mille sociaux482
.
Si cette ordonnance est une feuille de plus dans le millefeuille du droit de
l’urbanisme, il nous semble qu’elle constitue une avancée notable pour notre
problématique, malgré quelques interrogations subsistantes. Nous avons fait le choix
de consacrer un développement en particulier aux innovations qu’elle comporte dans
notre titre second consacré aux remèdes à l’insécurité juridique des bénéficiaires
d’urbanisme.
Pour conclure sur ce point, ajoutons qu’un décret no 2013-879 du 1
er octobre 2013
relatif au contentieux de l’urbanisme a été publié483
. Ce décret met en place la
cristallisation des moyens et attribue, dans les zones sur lesquelles la crise du
logement est la plus aiguë, compétence en premier et dernier ressort au juge
administratif pour connaître de certains recours en contentieux de l’urbanisme. Il est
à son niveau une traduction complémentaire de l’une des recommandations du
rapport LABETOULLE. Il introduit dans la procédure du contentieux de l’urbanisme
un mécanisme de cristallisation des moyens. Le rapport LABETOULLE relève que
l’un des facteurs de l’allongement des délais d’instruction des recours contentieux en
matière d’urbanisme devant le juge administratif réside dans le fait que les requérants
égrenaient leurs moyens au fil de la procédure. Pour contrer cette pratique, le décret
du 1er
octobre 2013 crée un nouvel article R.* 600-4 du Code de l’urbanisme qui
donne la faculté au juge saisi d’un contentieux portant sur une autorisation
d’urbanisme de fixer une date au-delà de laquelle aucun moyen nouveau ne pourra
481 Ibid.
482 Communiqué, ministère du Logement de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, Objectifs
500 000 : simplifier et gagner en qualité, site du ministère, Paris, 20 mars 2014. 483
JO, 2 oct. 2013 ; v. GRAND (R.), Publication du décret relatif au contentieux de l’urbanisme,
D. actu., 3 oct. 2013.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
172/480
être introduit. Là encore, le décret participe à l’empilement des normes en matière
d’urbanisme. Et cette participation à l’inflation législative contribue dans une
certaine mesure à l’insécurité juridique. Cependant, le fond du décret, c’est-à-dire
essentiellement l’introduction du mécanisme de cristallisation des moyens, nous
semble être un remède à l’insécurité juridique au bénéfice d’autorisation
d’urbanisme. Aussi, un développement en ce sens est consacré à ce décret dans notre
titre second.
Le 4 octobre 2013, trois ordonnances complètent la réforme. L’une est relative à la
procédure intégrée pour le logement484
et l’ordonnance, l’autre est relative au
développement de la construction de logement485
, et enfin la dernière de ce volet est
relative à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement
(V.E.F.A.)486
. Ces trois ordonnances visent à accélérer la construction du logement.
La première vise à unifier, au sein d’une même procédure, l’autorisation de réaliser
une opération de logement, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et
l’adaptation des normes supérieures487
. La nouvelle procédure est entrée en vigueur
au 1er
janvier 2014. La seconde vise, dans les zones « tendues », à offrir à l’autorité
compétente pour délivrer le permis de construire la possibilité d’accorder des
dérogations au règlement du plan local d’urbanisme (PLU) ou du document en tenant
lieu. Les zones « tendues » sont les communes visées par l’article 232 du Code
général des impôts. Il s’agit des communes sur le territoire desquelles est applicable
la taxe annuelle sur les logements vacants. Sont également comprises dans les zones
« tendues » les communes de plus de quinze mille habitants en forte croissance
démographique figurant sur la liste prévue à l’alinéa 7 de l’article L. 302-5 du Code
de la construction et de l’habitation488
. Des décrets permettent la mise en œuvre de
l’ordonnance. La dernière, de ce volet, rend obligatoire, pour le vendeur en V.E.F.A.,
de souscrire avant la conclusion de la V.E.F.A. une garantie financière d’achèvement
484 Ordonnance n
o 2013-888, 3 oct. 2013, relative à la procédure intégrée pour le logement et
l’ordonnance, JO, 4 oct. 2013. 485
Ordonnance no 2013-889, 3 oct. 2013, relative au développement de la construction de logement,
JO, 4 oct. 2013. 486
Ordonnance no 2013-890, 3 oct. 2013, relative à la garantie financière en cas de vente en l’état
futur d’achèvement, JO, 4 oct. 2013. 487
V. préc. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles ordonnances
publiées, Dalloz, actu., 7 oct. 2013. 488
Sur l’identification des communes au regard de « l’indicateur global de logement locatif social »,
v. décret no 2013-670 et décret n
o 2013-671, 24 juill. 2013, JO, 26 juill. 2013, obs. GRAND (R.),
Renforcement des obligations de production de logements sociaux, D. actu., 26 juill. 2013 ; AJDA,
2013, p. 1596.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
173/480
de l’immeuble ou une garantie financière du remboursement des versements
effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement de l’immeuble. Cette
disposition supprime la garantie intrinsèque d’achèvement. Cette dernière faisait
d’ailleurs l’objet d’une critique doctrinale489
. Cette suppression s’applique aux
opérations pour lesquelles la demande d’autorisation d’urbanisme est déposée à
compter du 1er
janvier 2015.
Une cinquième ordonnance490
est prise le 19 décembre 2013 et concerne
l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes
publiques. Ratifiée le 24 mars 2014 par la loi ALUR491
, elle a valeur de loi. Elle vise
la création d’un portail national de l’urbanisme destiné à la consultation des
informations en matière de documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité
publique et précise les conditions dans lesquelles ces informations sont mises en
ligne. Elle impose, en outre, aux autorités compétentes l’obligation de transmettre à
l’autorité gestionnaire du portail les informations nécessaires. Enfin, elle répond à
une exigence européenne consistant dans la mise en œuvre de la directive
européenne 2007/2/CE du 14 mars 2007, dite « directive INSPIRE ». Cette directive
vise à établir une infrastructure d’information géographique dans la Communauté
européenne pour favoriser la protection de l’environnement492
.
Une sixième ordonnance493
est également prise le 19 décembre 2013. Elle est relative
au taux de garantie que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent
apporter à des emprunts souscrits par un concessionnaire d’aménagement. Elle vise à
faciliter le financement de projets comprenant du logement social ou à coûts
maîtrisés. Cette ordonnance est également ratifiée le 24 mars 2014 par la loi
ALUR494
. Elle a, elle aussi, valeur de loi.
489 V. préc. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles ordonnances
publiées, Dalloz, actu., 7 oct. 2013 ; v. spé. TOMASSIN (D.), Faut-il supprimer la garantie
intrinsèque dans la VEFA ?, RDI, 2008, p. 187. 490
Ordonnance no 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux
documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique, JO, 20 décembre 2013 ; ratifiée par
L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 172, IV, 8
o : JO, 26 mars (NOR : ETLX1327949R).
491 Loi n
o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.
492 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n
o 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à
l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique,
JORF, no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n
o 24 (NOR : ETLX1327949P).
493 Ordonnance n
o 2013-1185, 19 déc. 2013, relative au taux de garantie que les collectivités
territoriales et leurs groupements peuvent apporter à des emprunts souscrits par un concessionnaire
d’aménagement, JORF no 0295, 20 déc. 2013 p. 20781, texte n
o 27 (NOR : ETLX1327951R).
494 Loi n
o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.
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174/480
Enfin, une septième ordonnance495
est prise le 20 février 2014 et concerne, quant à
elle, le logement intermédiaire. C’est la dernière des sept ordonnances prises dans le
cadre de l’habilitation de la loi du 1er
juillet 2013 en vue d’accélérer la construction
de logements et de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement. Le processus
de cette dernière ordonnance de ratification est en cours496
. Cette ordonnance a pour
objet de répondre à la crise actuelle du logement en développant une nouvelle offre
de logements dits « intermédiaires497
» en raison notamment de l’inflation des prix
dans les zones « tendues » et eu égard la saturation du parc social et à la quasi-
inexistence d’un parc locatif de logement intermédiaire à des prix abordables.
En conclusion, l’inflation législative a grandement alourdi et complexifié le droit de
l’urbanisme. Cette accumulation de normes engendre l’insécurité des administrés
pour qui le droit de l’urbanisme est devenu une matière nébuleuse, mouvante et
imprévisible. Plus particulièrement, l’inflation est un facteur de l’insécurité juridique
des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
Le schéma qui suit montre une synthèse, aussi lisible que possible, des réformes
successives en la matière.
495 Ordonnance n
o 2014-159, 20 févr. 2014, relatif au logement intermédiaire, JO, 21 févr.2014
(NOR : ETLX1401145R). 496
Projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2014-159, 20 févr.2014, relative au logement intermédiaire,
Doc. AN no 2150, 16 juill. 2014, p. 1.
497 Ibid., exposé des motifs, p. 3.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
175/480
Synthèse de l’empilement des réformes en droit de l’urbanisme
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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
176/480
II. Le prodrome de l’insécurité juridique
Signe avant-coureur, l’accumulation des réformes annonce une crise aiguë de
l’insécurité juridique en matière d’urbanisme (A.). « Quod di omen avertant498
! » se
sont pourtant alarmés nombre d’auteurs dénonçant très tôt les dérives de cette
inflation législative et notamment le risque subséquent d’insécurité juridique (B.).
A. L’insécurité juridique annoncée
Une telle accumulation de réformes pose nécessairement la question de l’incidence
sur la sécurité juridique. Une telle multiplication de normes et de procédures de
simplification est paradoxalement de complications juridiques et donc logiquement
de contentieux499
. Conscient du problème, il ressort clairement de l’intitulé des
mesures que le législateur court après la sécurité juridique tel Gauvain après la biche
blanche ou Indiana Jones après le Saint Graal.
Pourtant, en dépit des ambitions du législateur, l’« extension tentaculaire » du champ
normatif500
que connaît le droit de l’urbanisme, ces dernières années, n’est pas
nécessairement synonyme de gain de sécurité juridique. Et il est banal de rappeler la
célèbre formule du rapport public du Conseil d’État consacré à la sécurité
juridique501
: « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille
distraite »… et il est tentant de conclure… et surtout il n’y comprend plus rien !
Une telle extension n’est-elle pas de nature à faire perdre au droit de l’urbanisme sa
légitimité ou à tout le moins son intelligibilité ? Tout porte à le croire. Sylvain
498 Que les Dieux détournent ce présage ! CICÉRON (M.-T.), Philippiques, III, 35, Loeb Classical
Library 189, Philippics 1-6, Harvard University Press, 2010, 400 p., p. 212. 499
Préc. TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures
d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 4.
500 Préc. SAVARIT-BOURGEOIS (I.), op. cit. Remarque sur quelques dérives du droit de
l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,
Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 948. 501
Conseil d’État, Rap. public, La sécurité juridique, Doc. Fr., Paris, 1991.
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177/480
PERIGNON fustige cette surlégislation et souligne qu’« à vouloir prédéterminer ce
que doivent être les choix en matière d’urbanisme, à vouloir imposer autoritairement
un ordre urbanistique dédaigneux des besoins et des demandes de la société civile, à
plaquer des schémas abstraits sur la complexité et la diversité des espaces, ce droit
finira par perdre beaucoup de sa légitimité et sera perçu par les citoyens comme un
discours idéaliste masquant une tyrannie doucereuse502
. »
Ainsi, il est constant que l’accumulation de normes dessert la sécurité juridique. En
outre, les réformes elles-mêmes ont été perçues comme génératrices d’insécurité
juridique tantôt pour les tiers (associations ou non), tantôt pour le bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme.
B. L’insécurité juridique dénoncée
Le thème de l’insécurité juridique en droit administratif comme en droit de
l’urbanisme est aujourd’hui un thème classique et récurrent503
qui a donné lieu à de
remarquables études504
et rapports505
.
En 1991, avant la vague de réformes du droit de l’urbanisme, le Conseil d’État dans
son rapport consacré à la sécurité juridique dénonce déjà les effets d’une
« prolifération des textes », « l’instabilité des règles » et « la dégradation de la
norme ». Il n’hésite alors pas à dénoncer une « logorrhée législative et
502 PERIGNON (S.), Le nouvel ordre urbanistique, Urbanisme, propriété, Libertés, Les Éditions du
CRIDON, Répertoire Defrénois, 2004, 221 p. 503
SOLER-COUTEAUX (P.), Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif ou la
dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges
J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 378. 504
Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151 ;
Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Vers une plus grande sécurité juridique ? BJDU, no 6, 2000, p. 405 s. ;
LABETOULLE (D.), Principe de légalité et principe de sécurité in Mélanges BRAIBANT, Dalloz,
Paris, 1996, 817 p., p. 403 ; SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de
l’insécurité du droit administratif ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner,
Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 378. 505
Préc Conseil d’État, Rap. public, 1991 ; Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis
2005, sécurité juridique et complexité du droit ; Préc. Rapport PELLETIER « Propositions pour une
meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », 25 janv. 2005 ; Préc. Rapport
LABETOULLE « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », 25 avr. 2013.
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178/480
réglementaire », des « raffinements byzantins », un « droit flou », et même un état de
« droit à l’état gazeux506
». Les qualifications sévères n’ont rien perdu de leur
actualité.
En 2007, Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS pose, pour sa part, la question : « Que
penser de cet empilement incessant de normes et de documents ? N’est-il pas
finalement l’aveu d’un échec507
? » Là encore, l’interrogation n’a rien perdu de son
actualité. Si l’urbanisme est nécessairement un droit planificateur car il ne peut se
concevoir que de façon prospective et évolutive, Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS
relève, à raison, que « l’engouement frôle la pathologie508
». La planification urbaine,
sous sa forme la plus large, peut être définie comme l’ensemble des démarches que
les collectivités publiques mettent en œuvre pour exercer un contrôle sur la
configuration des espaces urbains, sur leurs usages, et plus largement sur les devenirs
des villes509
.
Pourquoi un tel besoin de normes ? Est-ce nécessaire à la réalisation de l’objet du
droit de l’urbanisme ?
L’objet du droit de l’urbanisme est de déterminer les conditions d’occupation du sol
et de l’espace, dans un souci d’équilibre entre les modes de vies, les centres
d’activités et la préservation de l’environnement. Pour assurer le respect de cette
réglementation, ce droit comporte nécessairement un volet répressif constitué de
règles spécifiques510
. Le droit de l’urbanisme est l’expression d’une politique
publique destinée à organiser l’utilisation équilibrée du sol et de l’espace. C’est
pourquoi tantôt ce sont les techniques et les prérogatives du droit administratif qui
s’appliquent tantôt les règles du contrat et des partenariats511
. À cela s’ajoute une
articulation de mesures de police, des règles propres au contentieux administratif
mais aussi judiciaire et des règles relatives à la responsabilité administrative512
.
506 Préc. Conseil d’État, Rap. public, La sécurité juridique, Doc. Fr., Paris, 1991.
507 Préc. SAVARIT BOURGEOIS (I.), op. cit., Remarque sur quelques dérives du droit de
l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,
Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 948. 508
Ibid. 509
GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), Sociologie urbaine, coll. Domaines et approches,
Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 100.
510 V. pour une présentation synthétique DROBENKO (B.), Droit de l’urbanisme 2014-2015,
Mémento, Ed. Gualino Lextenso-Éditions, 9e éd., Paris, 2014, 320 p.
511 Ibid.
512 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
179/480
En principe, le droit de l’urbanisme doit répondre à un critère de fonctionnalisme de
la norme d’urbanisme. Le fonctionnalisme est une école de pensée de la sociologie
qui assimile le corps social à un organisme vivant où chaque membre est absolument
utile au fonctionnement global. Selon cette théorie, le dysfonctionnement se
traduisant, le cas échéant, par la non-intégration dans une organisation de la
société513
, et où les institutions, au sens large, ont vocation à satisfaire les besoins et
les aspirations des individus514
. C’est pourquoi la norme d’urbanisme a vocation à
s’inscrire dans la durée515
.
« Toute politique décadente multiplie sans fin le nombre des lois516
» écrit le
philosophe Raymond ABELLIO. La multiplication à outrance des normes en matière
d’urbanisme serait-elle le signe d’une politique décadente ? Est-il possible de se
passer de nouvelles normes ? La réponse n’est pas si simple. Le Conseil d’État a
rappelé dans son rapport public de 2006 consacré à la sécurité juridique et
complexité du droit517
que :
L’élaboration des normes juridiques est, pour la France comme pour les
autres pays développés, à la fois tributaire de contraintes objectives et plus
ou moins inéluctables, et de fonctionnements ou de comportements
« pathogènes ».
Certaines des contraintes objectives sont externes et liées aux engagements
internationaux de la France […]
L’apparition de nouveaux domaines de législation parfois complexes et
difficiles comme […] la protection de l’environnement, contribue également à
la multiplication et à la révision fréquente des normes. […]
D’autres contraintes résultent de choix du constituant ou du législateur :
ainsi en est-il des transferts successifs de pouvoirs et de compétences en
513 Définition du fonctionnalisme, in LAKEHAL (M.), Le grand livre de l’économie contemporaine,
et des principaux faits de société, 11 500 entrées, 9 000 définitions, Eyrolles, Paris, 2012, 790 p.,
p. 334. 514
Définition du fonctionnalisme, in BRAUD (Ph.), Sociologie Politique, manuel, LGDJ, 7e éd., Paris,
2004, 710 p., p. 679. 515
LECOQ (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale d’urbanisme, coll. Drt. public,
Publim, Presses universitaires, Limoges, 2004, 563 p., p. 322. 516
ABELLIO (R.), Ma dernière mémoire, coll. Blanche, éd. Gallimard, 1971, T. II, partie Les
Militants, 1927-1939, 320 p., p. 16. 517
Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité
du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
180/480
faveur des collectivités territoriales, du choix d’un statut spécifique pour
chaque collectivité d’outre-mer, ou encore de la création d’autorités
administratives indépendantes518
.
Ainsi, le droit de l’urbanisme est, lui aussi, tributaire de contraintes objectives liées
aux engagements internationaux de la France, à la décentralisation et de contraintes
subjectives faites de comportements pathogènes et d’effets de mode. Il en résulte une
insécurité juridique systémique tant pour le bénéficiaire de l’autorisation
d’urbanisme que pour les tiers. En outre, la complexification de l’accessibilité à la
norme favorise la multiplication des recours abusifs. En effet, Sylvain PERIGNON
pose la question en ces termes : « Comment parler de sécurité juridique lorsque l’on
peut ultérieurement à la réalisation d’une construction faire constater l’illégalité d’un
permis de construire non pas par rapport aux règles existantes au jour de sa
délivrance mais par rapport à des règles antérieures qui revivent du fait de
l’annulation d’un document d’urbanisme ou de son constat d’illégalité519
? »
En conclusion de la présente section, la rétrospective des réformes récentes subies
par le droit de l’urbanisme montre que la surréglementation du droit de l’urbanisme
génère de l’insécurité juridique. La complexification croissante et le problème de
cohérence des normes et de leur intelligibilité ainsi que leur brièveté sont des facteurs
supplémentaires d’insécurité juridique du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.
En effet, ces réformes successives comportant des ramifications à plusieurs niveaux,
de plus ou moins longue durée, favorisent les recours dans un contexte où chacun
peut croire qu’il a raison tant l’accessibilité à la règle de droit de l’urbanisme est
devenue complexe. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires520
» écrit
MONTESQUIEU.
Alors que faire ? Abroger ? Créer une loi pour en supprimer une autre ? Des
correctifs ont été tentés à plusieurs reprises sans laisser un sentiment de problème
résolu. L’identification des remèdes à l’insécurité juridique en droit de l’urbanisme et
plus particulièrement, en ce qui nous concerne, des remèdes à l’insécurité juridique
518 Ibid. p. 233.
519 PERIGNON (S.), op. cit. Le nouvel ordre urbanistique, Urbanisme, propriété, Libertés, Les
Éditions du CRIDON, Répertoire Defrénois, 2004, 221 p., p. 221. 520
MONTESQUIEU (Ch. de S.), L’esprit des Lois, T. 2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par VERNET
(J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408.
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des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme en conflit avec des tiers qui soutiennent
des recours abusifs apparaît complexe et délicate.
SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes
Bien que le contentieux de l’urbanisme soit un sujet récurrent, le problème de
l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme perdure. Et bien
que la sécurité juridique soit un sujet à la mode, les remèdes à l’insécurité juridique
tardent à se mettre en place, tandis que les mesures s’empilent les unes sur les autres.
Et pour cause, les remèdes sont difficiles à identifier et donc, a fortiori, il est difficile
de les mettre en place. L’inflation législative est dans une certaine mesure un mal
nécessaire, car il faut bien actualiser, moderniser, européaniser, verdir, toiletter,
parfaire le droit de l’urbanisme. L’inflation législative n’est pas responsable à elle
seule de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation dans le cadre des
recours abusifs exercés par des tiers. Il serait inexact de le soutenir. Toutefois, elle y
concourt dans la mesure où l’instabilité et l’imprévisibilité de la norme donnent des
moyens alimentant les recours de tiers malveillants qui peuvent ainsi « jouer la
carte » de l’interprétation ou porter la discussion sur une appréciation de telle ou telle
lecture notamment en jouant sur l’application dans le temps des mesures ; car s’il
existe des règles de procédure sur l’application dans le temps des règles nouvelles, il
n’est en pratique pas toujours évident de s’y retrouver, y compris pour les requérants
de bonne foi.
La part d’échec de ces réformes successives résulte en partie d’une certaine
déconnexion des textes et de la réalité urbanistique. Cette déconnexion ralentit, en
outre, l’identification de remèdes efficaces et adéquats. Afin de mieux embrasser la
réalité et de mieux répondre à l’attente du terrain, il est décidé de réformer, oui, mais
avec l’implication de tous les acteurs. Une réflexion est engagée, en lien étroit avec
l’association des maires de France, avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
182/480
pour éradiquer les recours dits « mafieux521
». Le 23 juin 2010, une démarche
d’« urbanisme de projet522
» est officiellement lancée par Benoist APPARU523
. Cette
démarche s’appuie sur la concertation en amont de la réforme. Cette méthode est
« basée sur la concertation et l’implication de tous les acteurs524
». Elle comporte un
comité de pilotage, un groupe « miroir parlementaire » et quatre groupes de travail
par thème. À ces quatre groupes, s’ajoutait un comité d’experts juridiques525
dit
« Comité des sages » présidé par Thierry TUOT526
. Le Comité des sages dégage un
plan d’action pour la réduction des contentieux eu égard aux conséquences jugées
« particulièrement lourdes en ce qu’ils retardent d’un an (voire plus) la réalisation
des nombreuses opérations527
». Ce plan n’a pas vocation à « restreindre le droit au
recours528
».
Certaines de ces propositions ont été sources d’inspiration et, en tout état de cause,
ont permis d’alimenter la réflexion sur la problématique de lutte contre les recours
abusifs en matière de contentieux de l’urbanisme. Il convient de présenter ces
propositions qui se sont ajoutées à d’autres propositions ressortant de questions
ministérielles (I.). Parmi ces propositions, il en est une qui fait figure de sirène
d’Ulysse, solution a priori séduisante mais en réalité dangereuse, il s’agit de
l’amende pour recours abusif, qui ne constitue pas selon nous un remède acceptable,
en l’état, à la lutte contre les recours abusifs en matière d’urbanisme (II.).
521 APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche « Urbanisme
de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les discours dans
l’actualité. 522
Dossier de presse, Benoist Apparu installe le comité de pilotage « Pour un urbanisme de projet »,
Paris, 23 juin, 2010, 14 p., site internet du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de
l’Énergie. 523
Secrétaire d’État chargé du logement. 524
Actualités, Passer d’un urbanisme de normes à un urbanisme de projet, Paris, 23 juin 2010 (mis à
jour le 4 juillet 2012), site internet du Ministère de l’écologie, du développement durable et de
l’énergie. 525
Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche
« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les
discours dans l’actualité. 526
Conseiller d’État. 527
Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche
« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les
discours dans l’actualité. 528
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
183/480
I. Les propositions
Des propositions sur le contentieux de l’urbanisme ont été effectuées par le Comité
des sages et de manière plus ponctuelle par le biais de questions ministérielles. Ces
propositions visent à favoriser de façon équilibrée la lutte contre les recours abusifs,
la limitation des vices de forme, et à accélérer le traitement des recours.
A. Les propositions du Comité des sages
Dans le cadre de la réflexion menée sur le thème « Pour un urbanisme de projet », le
Comité des sages propose un plan d’action qui vise à réduire le contentieux des
autorisations d’urbanisme529
. Ce plan d’action a pour objectif de « pallier l’absence
de logements530
». Ce plan vise à prévenir les contentieux et à sécuriser les
procédures. Il vise, en outre, à accélérer le traitement des contentieux. Aussi, en vue
de prévenir les contentieux et de sécuriser les procédures, le Comité des sages émet
une douzaine de propositions qu’il convient de présenter (1.) avant d’en analyser la
portée et limite (2.).
1) Présentation des propositions
Le Comité des sages fait une douzaine de propositions dont un certain nombre est
assez « éclectique » comme le souligne David GILLIG531
. Deux catégories peuvent
être distinguées. La première est composée des neuf premières propositions. Elle vise
à prévenir et limiter le contentieux. La seconde catégorie vise à accélérer le
traitement des procédures contentieuses.
529 GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-Urb., n
o 9,
sept. 2011, alerte 85. 530
Discours de clôture du séminaire « Urbanisme de projet » le 27 mai 2011. 531
Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-
Urb., no 9, sept. 2011, alerte 85.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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Dans sa première préconisation, le Comité propose d’assurer un meilleur accès aux
pièces du dossier de demande des autorisations d’urbanisme pendant l’instruction.
Par une deuxième préconisation, il propose d’afficher en mairie les certificats
d’urbanisme opérationnels pour permettre le déclenchement des délais de recours et
rendre le certificat définitif. Sa troisième préconisation vise à permettre aux
constructions de plus de dix ans, non contestées, de bénéficier d’une autorisation lors
de leur extension ou de leur rénovation alors même que la preuve de l’autorisation
initiale ne peut être apportée. Une quatrième préconisation vise à imposer au
requérant d’expliciter dans sa requête la qualité lui donnant intérêt pour agir. Une
cinquième vise à permettre de faire régulariser l’avis non motivé du commissaire-
enquêteur, pour éviter l’annulation pour un vice de forme qui n’est imputable ni à
l’autorité administrative, ni au maître d’ouvrage. Une sixième proposition vise à
sensibiliser sur la possibilité offerte au juge administratif de prononcer des
annulations partielles pour éviter l’annulation d’une décision dans sa totalité. Une
septième vise à admettre l’utilisation de procédures alternatives à celles initialement
prévues dans des cas bien précis. Une huitième vise à modifier l’article R. 111-21 du
Code de l’urbanisme, pour informer le requérant sur l’étendue du contrôle du juge.
Une neuvième proposition préconise l’augmentation du seuil maximal de l’amende
pour recours abusif. Nous verrons en deuxième partie de cette section que l’amende
pour recours suscite toujours la controverse et que son régime demeure débattu. Il en
résulte un contexte peu propice au durcissement de cette amende.
Enfin, les trois dernières préconisations intéressent l’accélération du traitement des
contentieux. Le Comité préconise d’une part d’inciter au recours à la conciliation,
d’autre part de généraliser la fixation d’un calendrier prévisionnel d’instruction, et de
sensibiliser les juridictions administratives pour que les ordonnances de désistement
soient prononcées rapidement.
2) Portée et limite de ces propositions
Ces douze propositions ne sont pas toutes satisfaisantes. Comme le souligne David
GILLIG532
, ces propositions ne semblent pas susceptibles d’atteindre l’objectif de
prévention et d’accélération du traitement des recours contre les autorisations
d’urbanisme en particulier lorsqu’ils sont malveillants. Toutefois, à contre-courant
532 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
185/480
d’une partie de la doctrine533
, ces propositions ont le mérite d’exister et de faire
avancer la réflexion. Il nous semble que le manque d’intérêt que peuvent présenter
certaines de ces propositions n’est pas nécessairement un échec ou de la perte de
temps mais est au contraire intéressant en ce qu’il permet de resserrer le champ des
propositions pertinentes et de faire avancer la réflexion534
.
Certaines de ces mesures sont, néanmoins, insatisfaisantes en ce qu’elles n’apportent
pas les remèdes espérés de nature à sécuriser les autorisations d’urbanisme ou limiter
les recours abusifs. Certaines de ces propositions ne peuvent pas utilement constituer
des remèdes aux recours abusifs ni contribuer à renforcer la sécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Il en est ainsi de la proposition d’affichage
des certificats d’urbanisme ou encore de la proposition de la communication des
pièces du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme ou encore de l’information
sur l’étendue du contrôle du juge.
Les autres propositions pèchent par leur date de fraîcheur En effet, ce comité
« d’experts juridiques535
» ne semble pas très à jour du droit en vigueur. Par exemple,
il propose de mettre en place une mesure de conciliation. Or, cette dernière existe
déjà536
. Pis encore, cette mesure n’a manifestement pas permis de prévenir ni
d’endiguer le phénomène des recours abusifs en contentieux d’urbanisme. De la
même manière, la possibilité pour le juge administratif de fixer un calendrier est déjà
prévue537
. Il en va encore de même pour ce qui est de « sensibiliser » les juges à
l’annulation partielle déjà possible538
au moment où le Comité des sages fait ses
533 Ibid.
534 Après tout, Thomas Edison dut effectuer près de dix mille essais infructueux avant d’inventer
l’ampoule électrique, « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé dix mille solutions qui ne
fonctionnent pas », disait-il avec optimisme. 535
Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche
« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les
discours dans l’actualité. 536
Cf. Code de justice administrative, art. L 211-4, ancien : « Les tribunaux administratifs peuvent
exercer une mission de conciliation », il a été étendu depuis. 537
Cf. Code de justice administrative, art. R 611-11 : « Lorsque les circonstances de l’affaire le
justifient le président de la formation de jugement peut, dès l’enregistrement de la requête, faire usage
du pouvoir prévu au premier alinéa de l’article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l’instruction sera
close. Lors de la notification de cette ordonnance aux parties, celles-ci sont informées de la date
prévue pour l’audience. Cette information ne tient pas lieu de l’avertissement prévu à l’article R. 711-
2. » 538
Code de l’urbanisme, art. L. 600-5 : « Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de
construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la
juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.
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préconisations, puisque le juge administratif « pratique » déjà l’annulation partielle539
dans sa jurisprudence.
Seule la proposition visant à ce que les juridictions administratives prennent acte
dans un délai bref du désistement de la requête présente un intérêt. En effet, à défaut
de prévenir ou de neutraliser les contentieux abusifs, elle répond à l’objectif
d’accélérer le traitement des contentieux d’urbanisme et est réaliste. En effet, comme
le souligne David GILLIG, en pratique, trop souvent les ordonnances constatant les
désistements sont rendues plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le dépôt des
actes de désistement. De tels délais sont incompatibles avec les impératifs des
professionnels de l’immobilier, notamment les promoteurs, qui doivent justifier au
plus vite de la délivrance d’un permis de construire définitif, c’est-à-dire purgé de
tous recours540
.
Enfin, s’agissant de la proposition d’augmenter le montant de l’amende pour recours
abusif, si certains auteurs ont en leur temps loué cette mesure541
, nous prendrons une
fois de plus une position à contre-courant. Cette amende existe déjà et n’a pas permis
d’éviter les contentieux abusifs. En outre, son existence et plus encore son
application s’accommode mal du droit au recours comme le montre notre analyse en
deuxième partie de cette section.
En conclusion des observations qui précèdent, l’identification des remèdes même
pour un comité d’experts juridiques est une mission difficile. L’identification de tels
remèdes relève-t-elle pour autant de l’utopie ? Pas nécessairement, les propositions
permettent de mieux cadrer la réflexion et de la faire avancer. D’autres propositions
plus ponctuelles et moins médiatiques font aussi avancer la réflexion et montrent
elles aussi combien sécuriser les autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs
est une tâche complexe.
L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif
tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. » 539
CE, 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, no 325179, Rec. Lebon, T., p. 1068, 1104
et 1200 ; note SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 238 ; CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2011,
no 52 ; obs. PERRIN (A.), RDA, 2001, n
o 54 ; obs. MORITZ (M.), JCP Adm., 2011, p. 2201.
540 Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-
Urb., no 9, sept. 2011, alerte 85, spé. § 3.5.
541 Ibid., spé § 3.6.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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B. Les autres propositions alternatives
De nombreuses questions aux Ministres rédigées dans des termes similaires542
demandent au Gouvernement de bien vouloir examiner en urgence la possibilité et
tous les moyens possibles pour remédier d’une part à la longueur des délais
déraisonnables, suite aux recours des tiers à l’encontre des autorisations d’urbanisme,
et d’autre part aux recours abusifs qui mettent à mal l’économie et privent des
administrés d’un logement ou d’un local d’activité. Dans un premier temps, en
février 2011, le Gouvernement n’est pas disposé à faire des propositions en ce sens et
indique ne pas envisager de modifier l’état du droit existant543
. Mais face aux enjeux
économiques et sociaux que pose la problématique des recours abusifs, le
Gouvernement annonce, le 1er
mars 2011, avoir saisi le Conseil d’État afin d’apporter
un appui dans la définition des mesures complémentaires susceptibles de réduire le
risque et d’améliorer le traitement des contentieux544
. Face à la difficulté de trouver
des solutions, des députés font aussi des propositions. Parmi celles-ci, se distinguent
en particulier la proposition du référé recevabilité (1.) et la consignation (2.).
1) Le référé recevabilité
S’agissant des délais de traitement des recours contentieux par les juridictions
administratives contre les autorisations d’urbanisme, le député Joël REGNAULT
propose de créer une procédure de référé-recevabilité545
. Cette procédure permettrait,
selon le député, aux tiers requérants d’obtenir du juge administratif une décision
provisoire, dans des délais brefs, et au terme d’une instruction adaptée à l’urgence
sans qu’il soit, par hypothèse, statué sur le fond.
Cette proposition séduisante en apparence a, certes, le mérite d’exister mais nous
paraît contestable. L’imprécision de la question laisse libre cours à l’imagination du
juriste d’envisager comment en pratique la procédure pourrait s’articuler. Il nous
semble que cette procédure serait sans aucun doute une atteinte au droit au recours,
542 Q., 1
er mars 2011, n
o. 94237 ; Q., 3 mai 2011, n
o 10605, Q., 20 mars 2012, n
o 131085.
543 Rép. min. n
o 15684 Q, JO Sénat 8 mars 2011, p. 2313.
544 Rép. min. n
o 93623 Q, JO Ass N. 1 mars 2011, p. 2048.
545 Q., n
o 130062, JO Ass N. 6 mars 2012, p. 2026.
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sans pour autant apporter un gain de sécurité aux bénéficiaires des autorisations
d’urbanisme. En effet, le problème des recours abusifs, c’est qu’ils ont en général a
priori l’apparence de ne pas en être. Ce qui revient à dire, que les requérants
malveillants passeraient presque sans difficulté ce filtre lequel, in fine, serait
seulement un mécanisme de plus rallongeant encore des délais déjà dénoncés comme
déraisonnables.
Nous n’avons pas trouvé la réponse à cette question. Et la proposition n’a pas été
reprise dans la réforme. Au surplus, la question a été retirée en raison de la fin du
mandat de son auteur.
2) La consignation
Dans la même configuration que les autres questions aux Ministres que nous avons
rappelées, à savoir des communes désemparées face aux recours abusifs qui
ralentissent les chantiers de plusieurs années et freinent leur développement
économique, social et urbanistique, le sénateur Jacques GAUTIER cherche un
remède à ce phénomène546
. S’adressant au Sénat et à la garde des Sceaux, Ministre
de la Justice, en décembre 2012, le sénateur rappelle que les recours abusifs nuisent à
la bonne administration de la justice et encombrent inutilement les juridictions
administratives tout en malmenant le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Il rappelle notamment que des règles spécifiques ont été introduites.
En effet, à cette date ces règles sont déjà nombreuses. Ainsi, l’article L. 600-3 du
Code de l’urbanisme impose au juge des référés de statuer dans un délai d’un mois
lorsqu’il est saisi par une personne autre que l’État, la commune ou l’établissement
public de coopération intercommunale, d’une demande de suspension assortissant un
recours dirigé contre une décision relative à un permis de construire ou d’aménager.
L’article L. 600-5 du même Code donne quant à lui la possibilité au juge de
prononcer une annulation partielle du permis et prévoit que l’autorité compétente
peut prendre, à la demande du bénéficiaire du permis, un arrêté modificatif tenant
compte de la décision juridictionnelle devenue définitive.
546 Q., n
o 03754, JO Sénat, 20 déc. 2012, p. 2948.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
189/480
En outre, l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme impose aux tiers de notifier leurs
recours au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme. Cette mesure, reprise à l’article
R. 411-7 du Code de justice administrative, a pour objectif de renforcer la sécurité
juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
Par ailleurs, l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme prévoit la suspension du
délai de validité des autorisations en cas de recours devant la juridiction
administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la
déclaration préalable jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable,
écartant ainsi la menace d’une éventuelle caducité de l’autorisation d’urbanisme
litigieuse.
S’agissant des associations, l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme précise
qu’une association ne peut introduire un recours contre un permis de construire que
si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à
l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. À ces règles spécifiques,
s’ajoute l’exception à l’économie des moyens prévue par l’article L. 600-4-1 du
Code de l’urbanisme. De plus, l’article R. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit
qu’aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager
n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la
construction ou de l’aménagement. Enfin, l’article R. 741-12 du Code de justice
administrative prévoit une amende de 3 000 euros pour les auteurs de recours
abusifs.
En dépit de ces mécanismes, les recours abusifs se multiplient et la sécurité juridique
des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme en souffre. Le sénateur souligne qu’il
est du devoir du législateur de renforcer la procédure afin de responsabiliser les
requérants dans la présentation de leurs recours. Il propose d’introduire une
consignation comme élément nécessaire à la recevabilité de la requête, fixée par le
juge administratif en fonction des ressources, correspondant à l’amende pouvant être
infligée547
.
Cette proposition apparemment facile dans sa mise en œuvre pourrait séduire
précisément par sa simplicité. Mais là encore, si cette proposition a le mérite
d’exister, elle nous paraît contestable en ce qu’elle met à mal le droit à l’accès au
juge et constitue de ce fait une atteinte d’ordre pécuniaire au droit au recours qui a
547 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
190/480
valeur constitutionnelle et fondamentale. Cependant, une proposition de loi relative à
l’encadrement des recours en matière de permis de construire a été déposée en
juin 2011 à l’Assemblée Nationale548
en ce sens. Mais la proposition549
n’a pas
abouti. Et cela nous paraît une bonne chose, car il ne nous semble pas qu’elle aurait
permis de sécuriser les autorisations d’urbanisme, alors qu’en revanche, elle aurait
constitué une atteinte certaine au droit au recours.
Le ministère de la Justice répond à cette proposition550
en octobre 2013. Il ne dit rien
de la proposition du sénateur mais indique que le Gouvernement a missionné le
groupe de travail présidé par Daniel LABETOULLE pour formuler les propositions
pour lutter contre les recours abusifs tout en veillant à la préservation du droit au
recours. Il indique, en outre, que le rapport de ce groupe de travail a été remis le
25 avril 2013. Il n’est pas question de développer davantage ces propositions dans
cette partie consacrée aux remèdes inefficaces, puisqu’il nous semble que les
propositions du rapport LABETOULLE constituent des remèdes réalistes et
réalisables. Par ailleurs, le ministère indique que, sur la base de la loi d’habilitation
no 2013-569 du 1
er juillet 2013, une série de sept ordonnances pour faciliter la
réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements
doivent permettre d’endiguer et de refréner les recours abusifs contre les
autorisations d’urbanisme.
Les développements qui précèdent montrent que la question de la sanction pécuniaire
est presque une solution réflexe quand il s’agit d’empêcher ou de punir. Et il est vrai
que la plupart du temps, toucher au portefeuille, nerf de la guerre, est un remède
efficace sinon dissuasif. Pourtant, en matière de droit administratif et plus
précisément en matière d’urbanisme, la sanction pécuniaire d’un tiers ou l’obligation
de consigner qui pourrait lui être faite pour vouloir exercer son droit au recours et
son droit d’accès au juge pose un problème de droit.
548 Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en matière de permis de construire : Doc
AN no 3483, 1
er juin 2011 ; GILLIG (D.), Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en
matière de permis de construire, Constr.-Urb., no 9, sept. 2011, alerte 90.
549 La proposition de loi visait à instaurer une consignation comme élément nécessaire à la recevabilité
de la requête. Le montant de la consignation aurait été fixé par le juge administratif en fonction des
ressources du requérant, sans pouvoir excéder 5 000 euros. Le cas échéant, le juge aurait pu dispenser
le requérant de toute consignation, et la somme déposée lui aurait été intégralement reversée si la
requête n’était pas abusive. Par ailleurs, l’amende que le juge administratif aurait pu infliger à l’auteur
d’une requête estimée abusive aurait été portée de 3 000 à 5 000 euros. 550
Rép. min. no 03754Q, JO Sénat, 3 oct. 2013, p. 2894.
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II. Le cas particulier de l’amende pour recours abusif
L’amende pour recours abusif existe parce que l’article R. 741-12 Code de justice
administrative la prévoit. Nous avons indiqué plus haut que cette amende est
inadéquate pour faire face à la multiplication des recours abusifs. D’une part, parce
qu’elle n’a aucun effet dissuasif et d’autre part, parce qu’elle n’est, dans les faits, que
rarement appliquée. Pourtant, le rapport PELLETIER préconisait son développement
et le durcissement de son régime. Ce qui était, du reste, surprenant compte tenu des
réserves doctrinales, plus que fondées, il nous semble, au sujet de cette amende.
Aussi, il convient de présenter plus en détail le cadre juridique de cette amende (A.)
avant de présenter la controverse que cette amende suscite et qui explique en partie
pourquoi cette amende ne peut utilement être retenue au rang des remèdes à
l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours
abusifs des tiers (B.)
A. Présentation du cadre juridique
Sanction pécuniaire récente dans l’histoire du contentieux administratif, l’amende
pour recours abusif est destinée aux requérants qui abusent de leur droit au recours.
Sa nature juridique particulière a permis que son existence et son régime juridique
soient validés au regard des textes constitutionnels et des engagements
internationaux, en particulier au regard de l’article 6 § 1er
de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme (1.). Le rapport PELLETIER avait
émis des propositions en vue de durcir ce régime mais ces propositions sont restées
lettre morte (2.).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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1) Nature et régime juridique
Originellement, l’amende est une sanction pécuniaire prévue par la loi civile et
prononcée par une juridiction civile pour sanctionner, soit le fait de se soustraire à
une charge, soit un abus dans l’usage des voies de droit551
. Mais par une loi du 4 août
1956552
, l’article 1016 du Code général des impôts a autorisé les juridictions
administratives à condamner à une amende l’auteur d’une requête jugée abusive.
L’article R. 741-12553
du Code de justice administrative prévoit une amende pour
recours abusif devant les juridictions administratives depuis le décret du 20 janvier
1978. Initialement, le montant de cette amende était plafonné au montant maximum
des frais de justice, mais le décret du 20 janvier 1978 a fixé ce montant maximum à
10 000 francs. Le montant a été porté à 20 000 francs par le décret du 15 mai 1990.
Aujourd’hui et depuis un décret du 27 avril 2001, ce montant est fixé à 3 000 euros.
L’amende pour recours abusif n’est pas de nature fiscale554
ni pénale555
. Elle n’est
pas non plus de nature disciplinaire ou professionnelle556
. En outre, elle n’est pas
conçue pour être dissuasive557
. Elle se borne à sanctionner un requérant qui aurait dû
s’aviser de lui-même du caractère abusif de son recours558
. De ce fait, l’amende pour
recours abusif n’est pas jugée contraire559
aux articles 2560
et 17561
de la Déclaration
551 CABRILLAC (R.), Le dictionnaire de vocabulaire juridique de l’étudiant en licence de droit,
Lexis Nexis, Litec, Paris, 2009, 383 p. 552
Loi no 56-780, 4 août 1956, art. 48.
553 V. Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p.20 ;
KHDIR (M.), Le recours abusif devant le juge administratif, Rev. adm., 1991, p. 520 ; RICHER (L.),
L’amende pour recours abusif devant le Conseil d’État et les tribunaux administratifs, AJDA, 1983,
p. 451. 554
CE, ass., 12 oct. 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France et a., Rec. Lebon, p. 370 ;
concl. FRANC (M.), JCP, 1980. II, no 19288 ; note BORE (J.), ibid. ; note BENABENT (A.), D.,
1979, p. 606 ; DUBOUY (L.), AJDA, 1980, p. 248. 555
Ibid. 556
CE, 9 nov. 1984, R.VIENNOT, no 37032 ; CE 5 avr. 1993, COZ, n
o 99656, Rec. Lebon, T., p. 970.
557 En sens contraire, René CHAPUS indique que cette amende est d’abord destinée à dissuader, dans
l’intérêt d’une bonne administration de la justice les requérants processifs, et ensuite à punir ceux que
leur tempérament processif a entrainés jusqu’à l’acharnement procédural. Cf. CHAPUS (R.), op. cit.,
Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public, Montchrestien Lextenso
éditions, 13e éd., Paris, 2008, p. 1077, n
o 1187.
558 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 208, Rub. Frais de justice,
in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 559
CE, 18 oct. 2000, POILLY, no 194029, Rec. Lebon, T., p. 1173.
560 DDHC 1789, art. 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels
et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à
l’oppression ».
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
193/480
des droits de l’homme et du citoyen, ni aux principes constitutionnels562
, ni aux
principes généraux du droit563
, ni à l’article 6 § 1er
, de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme564
, ni au Pacte international des droits civils et
politiques565
.
La compatibilité de l’amende avec l’article 6, § 1er
de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme a été admise successivement par la Commission566
et par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière a jugé que
« l’article 6 n’interdit pas aux États contractants d’édicter les réglementations
régissant l’accès des justiciables à une juridiction, pourvu que ces réglementations
aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice ; tel est sans nul doute
l’objet des réglementations relatives à la saisine d’une juridiction de recours et,
notamment, celles dont le but est de se prémunir contre des plaideurs téméraires567
».
L’amende pour recours abusif n’existe pas sans texte. Cela signifie que l’amende
suppose donc nécessairement l’existence d’une instance contentieuse. En outre, elle
ne peut être infligée qu’au requérant fautif d’avoir abusivement agi. Elle vise à
sanctionner l’acharnement et les chicaneurs568
En droit administratif, elle est prévue
par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative qui dispose :
Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une
amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros.
C’est pourquoi elle est applicable dans le cadre des contentieux d’urbanisme.
Par ailleurs, cette amende peut être prononcée par toutes les instances ou formations
de la juridiction. En d’autres termes, et comme nous l’avons dit plus haut, ont donc
compétence pour prononcer cette sanction la formation collégiale comme le juge des
référés, les présidents des tribunaux administratifs, les présidents des cours
561 DDHC 1789, art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si
ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition
d’une juste et préalable indemnité ». 562
CE, 31 oct. 1980, Féd. Nat. des unions de jeunes avocats, Rec. Lebon, p. 394. 563
Préc. CE, 25 juill. 1986, CASANOVAS, Rec. Lebon, T., 1986, p. 669, Drt adm., 1986, no 552 ; note
MOUSSA (T.), Quot. Jur., 15 mars 1988. 564
Ibid. 565
Préc. CE, 6 mai 1988, BARQUE et MELKI, Rec. Lebon, T., p. 964. 566
Comm. EDH 2 juill. 1991, Sté Les travaux du Midi, note FLAUSS (J.-F.) et PIETRI (J.-P.), AJDA,
1991, p. 809. 567
CEDH, 15 oct. 2005, MAILLARD c. France, aff. no 35009/02, § 35, Constr.-Urb., 2011, Focus 46.
568 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
194/480
administratives d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les
présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours lorsqu’ils statuent par
ordonnance en application des dispositions de l’article R. 222-1 du Code de justice
administrative reprises de l’article L. 9 du Code des tribunaux administratifs et des
cours administratives d’appel569 et 570
. Seul le juge peut décider d’infliger cette
amende571
. En outre, le pouvoir d’infliger une amende pour recours abusif qui lui est
conféré n’est pas soumis à une exigence de motivation spéciale572
.
Cette amende, lorsqu’elle est prononcée, ne peut être infligée qu’au seul requérant
qui a initié la procédure. Sont donc, par conséquent, exclues du champ d’application
de la sanction les tierces personnes qui ont assisté le requérant, y compris si elles ont
cosigné la requête avec le requérant573
. Sont également exclus de son champ les
intervenants et les défendeurs574
. De plus, en toute hypothèse, l’État ne commet
jamais d’abus575
.
S’agissant des critères du caractère « abusif » au sens de l’article R. 741-12, il faut
procéder par une définition négative de ces critères et dire ce que n’est pas une
requête abusive au sens dudit article. La requête ne peut être qualifiée d’abusive dès
lors que le requérant a pleinement obtenu satisfaction576
. En revanche, la requête peut
être considérée comme abusive dans une hypothèse où le requérant a partiellement
569 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 212, Rub. Frais de justice,
in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 570
V. CAA Lyon, 28 janv. 1997, D. COUDERC, no 96LY02412.
571 CE, 27 février 1987, BERTIN, n
o 38482, Rec. Lebon, T., p. 892.
572 CE, 17 nov. 1999, Sté SODEX, n
o 199098 ; CE, sect., 9 nov. 2007, Mme POLLART, n
o 293987,
Rec. Lebon, T., p. 1024, concl. OLSON (T.), RFDA, 2008, p. 137 ; note DELZANGLES (B.), AJDA,
2008, p. 821, note MELLERAY (F.), RDA, 1/2008, no 11.
573 CE, 11 oct. 1996, Mme EL HAJJZAIN, Assoc. « La défense libre » et A. BERTIN, n
o 168545,
inédit ; CE, 10 mars 1995, A. BERTIN, no 127751, inédit.
574 CE, 3
e et 5
e SSR, 15 mars 1988, Cne de Lompnieu, n
o 69313, Rec. Lebon, p. 969 ; OSLON (T.),
L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137. 575
CE, ass. 27 avril 1979, Ministre délégué à l’économie et aux finances c. Mme LESTRADE,
no 11485, Rec. Lebon, T., p.172, concl. THERY (J.-F.) ; WALINE (M.), RDP, 1980, p. 1165.
Commentant cette décision, Marcel WALINE souligne que condamner l’État à l’amende serait aussi
utile qu’un « coup d’épée dans l’eau ». En effet, l’État condamné, il devrait se verser l’amende à lui-
même. En sens contraire, Jean-François THERY souligne qu’une condamnation de principe de l’État
permettrait de condamner moralement les dysfonctionnements internes, ce à quoi l’opinion publique
pourrait être sensible. 576
CE, 21 oct. 1994, Comité de défense intercommunal de Maisons-Mesnil-le-Pecq,
no 144617, Rec. Lebon, T., p. 1130 ; D.A., 1993, n
o 676, RDP, 1995, p. 1665 ; v. également préc.
FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif ; AJDA, 2000, p. 20 ; préc. OLSON
(T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137 ; DELZANGLES (B.), Le contrôle du
Conseil d’État sur l’amende pour recours abusif, AJDA, 2008, p. 821.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
195/480
obtenu satisfaction577
et a fortiori lorsqu’il n’a pas obtenu satisfaction. En matière de
contentieux de l’urbanisme, l’amende est peu appliquée et correspond à des cas
d’abus manifestes578
.
La faculté prévue par les dispositions de l’article R. 741-12 précité constitue un
pouvoir propre du juge. Les conclusions d’une des parties tendant à voir condamner
le requérant à une telle amende ne sont pas recevables et ne peuvent qu’être
rejetées579
. La possibilité d’admettre que les parties puissent inviter le juge à
prononcer cette amende a pourtant été envisagée par le rapport PELLETIER580
dans
le cadre des propositions formulées pour une meilleure sécurité juridique des
autorisations d’urbanisme.
2) La proposition du rapport PELLETIER
L’une des propositions du rapport PELLETIER vise à faciliter la sanction des
recours abusifs. Mais, après avoir constaté la « répugnance » traditionnelle des
juridictions administratives à infliger cette amende, l’idée d’augmenter le quantum
de l’amende est écartée tout comme l’idée d’introduire une procédure de demande de
dommages-intérêts (a.). En revanche, il est proposé de faciliter la sanction des
recours abusifs en permettant aux parties de solliciter dans leurs conclusions que le
juge relève l’abus de droit (b.).
a. Les solutions rejetées
Il ressort du rapport PELLETIER que la majoration substantielle du quantum de
l’amende (i.) et l’introduction d’une procédure de demande d’allocation de
577 CE, 28 juin 1993, PADRITGE, n
o 66031, Rec. Lebon, p. 969 ; Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au
juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 578
CE, 6e et 5
e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de Marseille, n
o 354026, inédit ; concl.
VIALETTES (M.), BJDU, no 5/2013, p. 376.
579 Pour une illustration en matière de permis de construire, cf. CAA Marseille, 7 mai 2010,
no 08MA03457 ; CAA Versailles, 14 mars 2013, n
o 11VE01304 ; CE, 23 janv. 2008, Époux MAZO,
no 308591, Rec. Lebon, T. ; note MONTECLER (de) (M.-C.), Le recours abusif devant le juge des
référés, D. actu., 4 févr. 2008. 580
Préc. PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail créé par
M. PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions pour une meilleure
sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », dit rapport PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janv.2005.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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dommages-intérêts devant le juge administratif (ii.) ont été écartées des solutions
jugées satisfaisantes.
i. Rejet d’une majoration du quantum de l’amende
Les auteurs du rapport PELLETIER prennent tout d’abord acte de la « répugnance »
des juridictions administratives à infliger une amende d’un montant « modeste581
».
Ils en tirent, et avec justesse nous semble-t-il, la conséquence qu’une majoration du
quantum de l’amende ne devrait pas davantage inciter ces mêmes juridictions à
modifier leurs comportements et à faire plus souvent application de l’amende. Dès
lors, une majoration substantielle de l’amende pour recours abusif prévue par
l’article R. 741-12 précité ne peut pas constituer une solution satisfaisante.
En outre, les auteurs du rapport observent que dans les rares cas où elle est
prononcée, l’amende est encaissée par le Trésor public. Il en résulte que le
mécanisme de cette amende pour recours abusif est par essence insusceptible de
réparer le préjudice subi par la victime du recours abusif582
.
ii. Rejet d’une procédure de dommages-intérêts
Les auteurs du rapport indiquent avoir été invités lors des auditions à proposer que le
défendeur-bénéficiaire de l’autorisation « contestée dans des conditions constitutives
d’un abus de droit, puisse solliciter du juge administratif saisi de la demande
d’annulation, la condamnation du requérant à des dommages-intérêts583
».
Mais, ils indiquent encore que cette solution n’a pas été jugée satisfaisante. En effet,
selon les auteurs du rapport, l’intérêt de la recommandation ne justifiait pas une
« telle entorse aux règles traditionnelles de répartition des compétences entre les
deux ordres de juridictions584
».
Cependant, la même recommandation a été faite aux auteurs du rapport
LABETOULLE. Et les mœurs évoluant, ces derniers ont quant à eux jugé l’intérêt de
581 Ibid. p. 60.
582 Ibid. p. 61.
583 Ibid.
584 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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la recommandation suffisant pour en faire une proposition. Et cette dernière n’est pas
restée lettre morte puisqu’elle a inspiré la création de l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme. Cet article introduit dans le Code de l’urbanisme une procédure de
demande reconventionnelle en dommages-intérêts devant le juge administratif, au
cours du procès intenté contre l’autorisation d’urbanisme585
.
b. La solution préconisée
En revanche, les auteurs du rapport PELLETIER observent qu’il serait plus aisé pour
la victime d’un recours abusif d’exercer une action en responsabilité devant le juge
judiciaire, si le juge administratif, en rejetant le recours, l’avait précisément qualifié
de recours abusif.
En pratique, les conclusions invitant le juge à infliger une amende pour recours
abusif sont irrecevables586
. Aussi les auteurs du rapport indiquent, de manière
alambiquée, d’une part que le juge serait peut-être plus à l’aise s’il n’avait qu’à
qualifier le recours abusif en tant que tel sans être tenu de prononcer une amende. Et
d’autre part ils indiquent que, si les conclusions invitant le juge à infliger l’amende
pour recours abusif sont irrecevables, il serait néanmoins souhaitable que la
procédure permette aux défendeurs d’inciter le juge à relever l’abus de droit du
requérant, là aussi, indépendamment du prononcé d’une amende pour recours abusif.
À ce titre, les auteurs émettent la recommandation consistant à permettre au
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme critiquée de demander au juge
administratif de relever, lorsqu’il y a lieu, l’abus de droit du requérant et inciter le
juge à y procéder587
.
Restée lettre morte, cette proposition appellent deux observations nuancées.
Tout d’abord, s’il est vrai qu’introduire un mécanisme pour aider le juge à identifier
l’abus peut sembler une solution intéressante, car elle permettrait peut-être de
qualifier plus souvent les abus quand il y en a. En cela, il nous semble que la
585 Ce nouveau mécanisme fait l’objet d’un développement spécifique dans le titre second.
586 Préc. CE, 23 janv. 2008, Époux MAZO, n
o 308591, Rec. Lebon, T. ; note MONTECLER (de) (M.-
C.), Le recours abusif devant le juge des référés, D. actu., 4 févr. 2008. 587
Préc. Rapport PELLETIER, p. 61.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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proposition présente un certain intérêt, notamment dans une perspective de suivi
statistique.
Ensuite, s’il est vrai également que les juridictions administratives répugnent à
prononcer l’amende pour recours abusif, il ne peut en être déduit qu’il faut saborder
pour autant le dispositif de sanction de l’article R. 741-12. En d’autres termes, on
imagine mal quel intérêt il y aurait à maintenir un article R. 741-12 prévoyant une
sanction qui, par l’effet d’une sorte d’accord tacite commun, ne serait jamais
appliquée. Et par suite on imagine mal quel intérêt il y aurait à dispenser les juges
administratifs de tirer les conséquences de leurs constatations et de leurs propres
qualifications. L’argument avancé par les auteurs est celui d’inciter, par cette
qualification, le juge judiciaire, mais là encore, on voit mal en quoi le juge judiciaire
serait lié par une qualification dont même son auteur n’a pas voulu tirer les
conséquences.
C’est donc sans doute une bonne chose que cette proposition soit restée lettre morte.
B. Présentation de la controverse
Faut-il maintenir le dispositif de l’amende pour recours abusif ? À la lueur des
commentaires doctrinaux et de la pratique juridictionnelle relative à l’amende
abusive, la question du maintien du dispositif peut être posée. Presque unanimement,
la doctrine se montre réticente à l’égard du dispositif de l’amende pour recours abusif
(1.). Toutefois, il nous semble que sa suppression pure et simple ne peut être
envisagée sans appeler un certain nombre d’éléments de nuance (2.).
1) Les réticences de la doctrine
Le libre accès des administrés au juge et la liberté d’user des droits de recours
juridictionnels offerts par la loi sont des principes inscrits de longue date dans la
tradition républicaine et démocratique. Il en résulte que, en principe, le juge
administratif ne peut priver un administré du droit de former au moins un recours
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
199/480
pour excès de pouvoir contre tout acte administratif lui faisant grief588
. De même,
l’administré ne peut pas être privé du droit de former au minimum un pourvoi en
cassation devant le Conseil d’État contre toute décision d’une juridiction
administrative589
.
En outre, ainsi qu’il a été rappelé, l’accès au juge est un principe de valeur
constitutionnelle. Rappelons que le Conseil constitutionnel a déduit de l’article 16 de
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’« il résulte de cette
disposition qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit
des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction590
».
Mais comme le rappelle Terry OLSON dans ses conclusions dans l’affaire
POLLART591
, le droit d’accès au juge n’est pas absolu et trouve sa limite naturelle
dans une « utilisation excessive, abusive de ce droit592
».
Cette amende a pour objet de punir. Mais plus précisément, et ainsi que Marc
HEINIS, conseiller à la cour administrative d’appel de Bordeaux, a pu le préciser,
l’amende pour recours abusif vise à « compenser le coût pour la collectivité du
service public de la justice, aujourd’hui gratuit, qui a inutilement fonctionné, à
sanctionner la désinvolture à l’égard du juge ou le refus de s’incliner devant ses
décisions, à dissuader les plaideurs d’introduire des recours abusifs qui encombrent
les juridictions et donc retardent le jugement des requêtes fondées des tiers et à
sanctionner un comportement préjudiciable à l’adversaire inutilement pris à partie
devant la justice593
».
Dans le même sens, certains auteurs indiquent que l’amende pour procédure abusive
repose sur des fondements théoriques complexes, mais les textes juridiques qui
l’établissent sont contestables594
. Ainsi, Éric CALLON souligne que le droit au juge
est une liberté publique équivalente à un principe général du droit et que, par
conséquent, seule une loi peut limiter ou restreindre ce principe. Par voie de
conséquence, le droit au juge étant une liberté publique qui relève du champ
588 Préc. CE, ass., 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note
WALINE (M.) ; RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n
o 61, p. 394.
589 CE, ass., 7 févr. 1947, M. D’AILLIERES, Rec. Lebon, p. 50, note MORANGE (G.) JCP, 1947, II,
p. 3509 ; concl. ODENT (R.), RDP, 1947 et note WALINE (J.), ibid. 590
Cons. const., 9 avr. 1996, no 96-373 DC ; Cons. const., 23 juill. 1999, n
o 99-416 DC.
591 Préc. OSLON (T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137.
592 Ibid.
593 Note HEINIS (M.), ibid.
594 CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, n
o 62, p. 4,
réf. no PA200006201.
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200/480
d’application de l’article 34 de la Constitution, elle relève de la sauvegarde du
législateur. Il en résulte que seul le Parlement peut établir les limites au droit au juge
et indiquer le seuil à partir duquel un individu abuse de cette liberté et doit être
sanctionné. Or, les dispositions du Code de justice administrative et celles du décret
de 1963 relatif à la procédure devant le Conseil d’État sont de nature réglementaire.
Alors que, souligne Éric CALLON, aucun texte législatif n’a autorisé le pouvoir
réglementaire à restreindre une liberté publique595
. Cependant, et en sens contraire,
Marc HEINIS, observe que « le pouvoir réglementaire a pu fixer cette règle générale
de procédure sans méconnaître l’article 34 de la Constitution, alors même qu’en
vertu de cet article le libre exercice du droit d’agir en justice relève de la loi, dès lors
que l’amende n’est ni une sanction pénale, ni un impôt596
». À ces observations, il
peut encore être souligné que l’amende pour recours abusif n’est rien d’autre que la
sanction d’une faute, la faute commise par un justiciable qui a fait une utilisation
excessive injustifiée du droit de saisir le juge597
.
Mais en réponse à cet argument de légitimité ou à tout le moins de régularité de
l’amende qui n’est pas une sanction pénale ni un impôt, les détracteurs de cette
amende, comme l’illustre la note d’Éric CALLON, invoquent le caractère illégal de
l’amende. En effet, indique l’auteur, même si la loi de 1956 pouvait être considérée
pour justifier cette limitation réglementaire du droit d’agir en justice, les dispositions
du Code de justice administrative et du décret de 1963 sont devenues illégales598
. En
outre, seule la loi peut restreindre ou limiter un principe général du droit puisque les
principes généraux du droit s’imposent à toute autorité réglementaire même en
l’absence de dispositions législatives. En ce sens, le commissaire du gouvernement,
Jean FOURNIER, dans ses conclusions dans l’affaire Syndicat des ingénieurs-
conseils599
, indique qu’il faut « ranger l’égalité des citoyens, la garantie des libertés
essentielles, la séparation des pouvoirs et l’autorité de la chose jugée, la non-
rétroactivité des actes de la puissance publique et l’intangibilité des droits acquis, le
droit pour le citoyen de contester les actes du pouvoir, droit qui a une forme passive
595 Ibid.
596 HEINIS (M.), L’amende pour requête abusive devant le juge administratif, Gaz. Pal., 29 janv.
1999, p. 2. C’est l’explication donnée par le Conseil d’État, ass., 31 octobre 1980, FNUJA, Rec.
Lebon., p. 395 ; mais cet arrêt est antérieur à la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre
1980. 597
Préc. OLSON (T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137. 598
Préc. CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, no 62,
p. 4, réf. no PA200006201.
599 CE, 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs-conseils, Rec. Lebon, p. 94 ; chron. COMBARNOUS
(M.), AJDA, 1959, I., p. 153 ; concl. FOURNIER (J.), RDP, 1959, p. 1004.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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(respect de la défense) et une forme active (faculté de former un recours pour excès
de pouvoir) » dans la catégorie des règles qui s’imposent à l’autorité réglementaire
même lorsqu’elle n’est pas limitée par la loi.
De plus, et sous réserve que la loi de 1956 soit encore valide, le montant de l’amende
en constante augmentation depuis 1977 par la voie réglementaire pose également une
difficulté. En effet, une telle augmentation n’est pas comprise dans les limites de la
dérogation instituée par la loi de 1956. En ce sens, Jean-François FLAUSS indique
que l’amende pour recours abusif « en tant que limite inhérente du droit d’agir en
justice, elle n’est pas à l’abri de tout risque de censure dès lors qu’elle frapperait au
maximum de son quantum, dans une affaire dépourvue d’enjeu financier direct, un
requérant peu fortuné600
».
En outre, Jean-François FLAUSS et Jean-Paul PIETRI soulignent que l’absence de
motivation du caractère abusif du recours pose également un problème. Si elle
contribue à préserver le pouvoir d’appréciation du juge, l’absence de motivation
apparaît critiquable au regard du respect des droits du justiciable. En effet, il est
difficile d’identifier les circonstances de l’espèce qui ont conduit le juge à retenir le
caractère abusif du recours du requérant et au prononcé de la sanction601
.
Enfin, d’autres auteurs s’étonnent, pour leur part, qu’il puisse y avoir abus d’un droit
fondamental. La jurisprudence n’est pas figée, et chacun peut croire d’une part qu’il
a raison, et d’autre part, qu’un revirement jurisprudentiel est possible602
. Au surplus,
l’amende prononcée en première instance malmène le principe de double degré de
juridiction603
. Tout ceci conduit in fine à déprécier la qualité du droit alors même que
le droit au recours, droit fondamental, avait pour but de la renforcer604
.
Il ressort de cette présentation des éléments de controverse que l’amende pour
recours abusif semble reposer sur des bases théoriques friables et discutables, et
établie par des textes ne respectant pas la hiérarchie des normes. Les arguments des
détracteurs de l’amende pour recours abusifs montrent la nature contestable de cette
procédure. En outre, peu appliquée, la question de sa mise en cause a pu être
600 FLAUSS (J.-F.) et PIETRI (J.-P.), L’amende pour recours abusif ne porte pas atteinte au droit à un
procès équitable, AJDA, 1991, p. 811. 601
Ibid. 602
Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 603
Ibid. 604
LE FRIANT (M.), L’accès à la justice, in Droits et libertés fondamentaux, sous la dir. de
CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.) et REVET (T.), Dalloz, 4e éd. 1997, n
o 529, p. 355.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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évoquée. Enfin, un auteur a pu se demander si la méfiance que traduit l’amende
envers le justiciable est encore justifiée à l’époque contemporaine605
.
2) Éléments de nuance
Faut-il encore se méfier du justiciable à l’époque contemporaine ? Il semble qu’il le
faille. En effet, les requérants processifs, même s’ils représentent une faible
proportion des recours, sont toujours plus ingénieux, plus retors pour chercher la
chicane606
. Par ailleurs, les recours abusifs d’ordre « mafieux » se sont développés
ces dernières années paralysant les projets, retardant les communes dans l’attente de
leurs objectifs de construction et instrumentalisant le juge.
S’agissant de la régularité de l’origine réglementaire de l’amende, il a été jugé que
l’amende qui n’a ni le caractère d’une sanction pénale, ni celui d’un impôt, relève du
pouvoir réglementaire et non du législateur607
.
S’agissant de la question de la remise en cause de l’amende pour recours abusif, un
peu d’optimisme608
conduit à considérer que si la Commission européenne des droits
de l’homme et le Conseil d’État ont validé à plusieurs reprises et sous des angles
différents le dispositif, ils n’ont quand même pas pu totalement se fourvoyer.
En effet, la Commission européenne des droits de l’homme admet que l’abus du droit
d’agir soit sanctionné en droit interne par une amende pour recours abusif609
et admet
que « l’amende pour recours abusif constitue un système similaire à ceux en vigueur
dans d’autres États contractants et dont le but est de se prémunir contre des plaideurs
téméraires, assurant une bonne administration de la justice en évitant l’engorgement
du rôle des juridictions, source d’allongement des procédures610
». En outre, si la
Commission accepte l’absence de motivation propre à justifier le prononcé de
605 Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.
606 Cf. préc., LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554 ; CASSIA (P.), Entre
droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 607
CE, ass., 11 févr. 1977, Groupe des industries métallurgiques et minières de la région parisienne
et autres, nos
97407, 97408 et 97413, Rec. Lebon, p. 81 ; concl. GENTOT, Drt soc., 1978, p. 39. 608
V. CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, p. 1076, n
o 1187.
609 Comm. EDH, avis, 14 juill. 1987, P. c/France, DR 52, N
o 10-412/83 ; Comm. EDH, 2 juill. 1991,
RIO c/France, No 13-487/88 ; Comm. EDH, 16 mai 1997, N
o 7674/76.
610 Comm. EDH, avis du 2 juill. 1991, Sté Les Travaux du Midi c/France, v. préc. FLAUSS (J.-F.) et
PIETRI (J.-P.), AJDA, 1991, p. 809.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
203/480
l’amende, c’est parce que celle-ci n’a pas d’effet dissuasif et parce que le Conseil
d’État a « amplement examiné les moyens qui lui étaient soumis ».
De plus, comme le souligne sur ce point Patrick FRAISSEIX, l’amende pour recours
abusif est une technique de bonne administration de la justice611
. En effet, explique
l’auteur, avec justesse, « si “différer la justice est faire acte d’injustice” selon La
Bruyère, il convient de favoriser toute mesure susceptible d’éviter un engorgement
paralysant (pour la société) et démoralisant (pour les justiciables) des prétoires612
».
Or, la bonne administration de la justice doit être entendue comme un principe
directeur de l’organisation du contentieux administratif613
même si une partie de la
doctrine considère que la bonne administration de la justice n’est qu’une formule
commode et incantatoire permettant d’imposer des solutions de manière
péremptoire614
. Il faut entendre cette notion de bonne administration de la justice
comme un instrument du juge et non comme un droit du justiciable615
. C’est la raison
pour laquelle l’amende pour recours abusif relève du pouvoir du juge et ne peut être
relevée par l’une ou l’autre des parties au procès. La Commission européenne des
droits de l’homme valide cette analyse retenant que l’article 6 § 1er
de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen n’empêche pas les
États contractants de réglementer l’accès aux juridictions de recours, pour assurer
une bonne administration de la justice616
, notamment par l’imposition d’une amende
pour recours abusif617
.
En outre, dans la mesure où l’amende pour recours abusif ne porte pas atteinte, par
son montant (assez faible618
aux regards des enjeux des projets de construction619
) et
611 Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.
612 Ibid.
613 BOISSARD (S.), La notion d’acte dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul
tribunal administratif, concl. sur CE, 25 avr. 2001, Association Choisir la vie, no 216521 (deux
espèces), AJDA, 2002, p. 544. 614
MEYNAUD (A.), La bonne administration de la justice et le juge administratif, RFDA, 2013,
p. 1029 ; GONOD (P.), Introduction à la notion de bonne administration de la justice en droit public,
Just. et cass., 2013, p. 31. 615
Ibid. 616
Comm. EDH, 9 mai 1994, (It.), No 15384/89, 75/5 ; Comm. EDH, 29 juin 1994, HAVAZ c/CZ,
No 23256/94, 78/139 ; Comm. EDH, 9 janv. 1995, (Fra.), N
o 20373/92, 80/56 ; Comm. EDH, 16 avril
1998, MARTINS COELHO c/Portugal, No36944/97, 93/116.
617 Préc. Comm. EDH, 9 mai 1994, (It.), N
o 15384/89, 75/5.
618 V. en ce sens, GUINCHARD (S.), Procès équitable, in Répertoire de procédure civile, Dalloz,
janv. 2014, art. 4 § 172.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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par son caractère non automatique puisque les juges rechignent à la prononcer, à la
substance même du droit d’accès à un tribunal, il n’y a pas de raison assez fondée
pour justifier de la remise en cause pure et simple de l’amende dans son principe620
.
Enfin, la finalité du mécanisme de l’amende pour recours abusif mérite une attention
particulière et permet de nuancer les critiques des détracteurs du dispositif. En effet,
l’amende pour recours abusif ne pénalise pas le droit au recours proprement dit. Elle
ne punit que l’abus. Et c’est en cela, que l’amende n’est pas contraire à la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen.
En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent qu’identifier
des remèdes est une tâche délicate. Des propositions ont été faites. Mais elles se sont,
pour la plupart, révélées insatisfaisantes qu’il s’agisse de la proposition d’instaurer
une procédure de référé recevabilité, ou d’une consignation préalable au recours en
annulation, ou encore de l’aggravation du régime de l’amende pour recours abusif.
Plusieurs rapports ont été déposés sur le sujet. Le rapport PELLETIER a fait un
certain nombre de propositions qui sont pour l’essentiel restées lettre morte. Il a
notamment proposé d’augmenter le quantum du montant de l’amende pour recours
abusif. Mais l’essence de ce régime suscitant toujours le débat, la proposition n’a pas
été retenue. Le rapport a également proposé d’instaurer une procédure de dommages-
intérêts. Cette proposition n’a pas été suivie. Pourtant, elle est reproposée dans le
rapport LABETOULLE et se traduit, dans la réforme de 2013, par l’introduction
d’une faculté de demander des dommages-intérêts de manière reconventionnelle.
619 Même si, comme l’indique Éric CALLON, le montant représente un bon mois de salaire. Cf. Préc.
CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, no 62, p. 4, réf.
no PA200006201.
620 V. en ce sens, préc. GUINCHARD (S.), Procès équitable, in Répertoire de procédure civile,
Dalloz, janv. 2014, art. 4 § 172.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
205/480
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Ut olim flagitiis, sic nunc legibus laboramus
Tacite, Ier
s. ap. J.-C.621
« Autrefois, nous souffrions de nos vices, maintenant des lois » disait Tacite622
au
Ier
siècle après Jésus-Christ. Et nous ne pouvons que nous en faire l’écho vingt
siècles plus tard.
Il est certain que l’inflation législative est un facteur de l’insécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. En outre, il ne fait aucun doute que la
multiplication de ces procédures constitue un risque juridique et que des solutions de
simplification doivent être recherchées en vue de renforcer la sécurité juridique de
processus très complexes623
. Par ailleurs, le réflexe consistant à recourir à l’amende
doit être écarté des remèdes potentiels. En effet, le mécanisme de l’amende pour
recours abusif ne fonctionne pas. En outre, il en ressort que l’insécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme dans leur recours contre les tiers est une
réalité.
Il est nécessaire de ne pas laisser perdurer cette situation d’insécurité tant pour des
raisons économiques et que sociales. Il est également nécessaire de ne pas laisser ce
développement de l’instrumentalisation du juge administratif, et ce quand bien même
les recours abusifs ne représentent qu’une faible partie de l’ensemble des recours. Le
législateur a conscience de cette nécessité. C’est pourquoi, il a cherché à réagir. Il a
étudié la problématique. Il a requis des rapports sur la simplification et la
sécurisation du droit. Il a adopté nombre de mesures. Il a raboté par certaines
mesures le droit au recours des tiers et a fait du contentieux de l’urbanisme un droit
sui generis. Ce faisant, il est sans doute bel et bien tombé de Charybde en Scylla.
621 Tacite, Annales, T. 1, Livre III, chap. XXV, Les Belles Lettres, 7
e éd., 2013, Paris, 402 p.
622 Ibid.
623 Préc. JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du 2 juillet 2003, AJDA,
2003, p. 1607.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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Au fil de ces réformes successives, et exception faite de l’ordonnance du 18 juillet
2013624
, plusieurs mécanismes ont été instaurés pour tenter de refréner les recours (et
pas seulement abusifs) et ainsi tenter de relancer la construction. Il s’agit notamment
des articles L. 600-3 et R.* 600-1 imposant une notification préalable à l’introduction
de tout recours. Cette obligation a été introduite par la loi du 9 février 1994, et de
l’exception au principe de l’économie des moyens introduite par la même loi. Il
s’agit également de l’article L. 600-1-1 introduit dans le Code de l’urbanisme par la
loi du 13 juillet 2006 limitant la recevabilité des associations à agir contre une
autorisation d’urbanisme à celles ayant déposé leurs statuts en préfecture
antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, et de l’article
L. 600-5, admettant le principe de divisibilité du permis et permettant au juge de
prononcer une annulation partielle, introduit par la même loi.
Sous l’effet de cette inflation législative, le droit de l’urbanisme est devenu un droit
complexe, difficile d’accès et en fin de compte un droit propice aux conflits
d’interprétation, aux erreurs des acteurs qui ont des difficultés à se tenir informés de
règles éphémères et subtiles à articuler entre elles et dans le temps. In fine, il en a
résulté une plus grande insécurité juridique encore pour le bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme.
Pourtant, des propositions ont été formulées. Mais lorsqu’elles n’étaient pas déjà
dépassées, elles n’étaient pas pour autant satisfaisantes. Cela s’explique par la nature
de la sécurité juridique à protéger et par la nature du recours à maîtriser. Le droit au
recours est un droit constitutionnel et fondamental. Tandis que la sécurité juridique
d’une autorisation administrative portant sur des droits à construire en période de
purge des recours (et donc, par hypothèse, une autorisation administrative non
définitive) n’est, pour ainsi dire, rien. Mais la sécurité juridique de l’administré est
plus large. La sécurité juridique de l’administré, et donc aussi lorsqu’il est le
bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, consiste aussi dans la prévisibilité des
normes et de leur clarté. Elle consiste, en outre, dans le droit de ne pas se laisser
entraîner dans une spirale contentieuse et dans le droit de pouvoir compter sur le juge
pour mettre un holà aux abus d’autres administrés qui se jouent du juge. Mais pour le
juge de la légalité d’un acte, l’appréciation de l’abus du requérant est délicate. Pour
un peu, c’est à peine son rôle, bien qu’il dispose du pouvoir de condamner le plaideur
abusif à une amende. Et l’inflation législative favorisant les conflits d’interprétation,
chacun peut croire avec acharnement et de bonne foi qu’il a raison.
624 Nous analysons cette ordonnance dans notre titre second.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
207/480
Pour conclure sur ces observations, l’inflation législative concourt à créer de
l’insécurité juridique pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Elle favorise
le contentieux et donc favorise également les contentieux abusifs. Par conséquent,
elle est un facteur de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme. Et paradoxalement, il faut « faire quelque chose » pour remédier à cette
problématique, c’est-à-dire prendre encore d’autres règles, sauf à révolutionner
purement et simplement le droit de l’urbanisme. Tout remettre à plat. En finir avec
les petites retouches ponctuelles…
Certes, mais quelles solutions faut-il retenir ? Les bons remèdes sont difficiles à
trouver. Et l’heure n’est pas à la révolution du droit de l’urbanisme puisque le
Gouvernement, habilité à légiférer par la loi du 1er
juillet 2013625
, vient à peine
d’adopter pas moins de sept ordonnances pour accélérer la construction. L’une de ces
ordonnances, l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de
l’urbanisme626
mérite une attention toute particulière au regard de notre
problématique relative à la sécurisation des autorisations d’urbanisme contre les
recours abusifs. Les mesures de cette ordonnance sont, pour certaines, innovantes et
devraient, au moins par leur écho médiatique, avoir un effet négatif sur les recours
abusifs, et espérons-le, un effet positif.
625 Préc. Loi, n
o 2013-569, 1
er juill. 2013, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature
législative pour accélérer les projets de construction, JORF, no 0151, 2 juill. 2013, p. 10985, texte n
o 1
(NOR : ETLX1309053L). 626
Préc. Ordonnance no 2013-638 du 18 juill. 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, NOR :
ETLX1317296R, JORF, no 0166 du 19 juillet 2013, p. 12070, texte n
o 24, art.-2.
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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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CONCLUSION DU TITRE 1er
Il résulte de l’ensemble des observations qui précèdent que l’insécurité juridique est
bien une réalité. C’est une autorisation administrative particulière qui est aussi une
autorisation fragile. En effet, quoique nécessaire pour purger le droit d’actes illégaux,
le contrôle de légalité ouvert aux tiers la fragilise et rend la sécurité juridique des
autorisations d’urbanisme incertaine. Cette fragilité est, en outre, accrue de manière
déraisonnable lorsque le contrôle de légalité n’est qu’un prétexte à des recours
abusifs permis par une absence de régulation efficace. En effet, l’amende pour
recours abusif est une sanction inadéquate, et ne permet que rarement de punir les
requérants abusifs. Dès lors, sans régulation, les recours abusifs se multiplient. Ce
qui a pour conséquence de faire de l’insécurité juridique des autorisations
d’urbanisme une réalité.
Toutefois, l’absence d’une sanction réellement adaptée n’est pas le seul facteur de
cette insécurité subie par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux
recours abusifs des tiers. En effet, le dilemme qui existe entre le droit au recours et le
principe de sécurité est également un facteur structurel (et donc difficile à résoudre)
de l’insécurité juridique que subissent les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
Le droit au recours et le principe de sécurité juridique sont de valeur inégale. D’un
côté, le droit au recours a une valeur constitutionnelle et fondamentale. Il a presque
une valeur sacrée. Tandis que de l’autre, la sécurité juridique souffre du manque de
reconnaissance officielle d’une valeur constitutionnelle. Elle n’est pas invocable en
tant que telle. En outre, elle s’accommode mal de la gestation des droits acquis que
peut faire naître une autorisation d’urbanisme qui ne devient définitive qu’après la
purge des recours. Or, c’est précisément dans cette période de purge des recours,
quand l’autorisation d’urbanisme peut encore être contestée, que l’insécurité de
l’autorisation d’urbanisme est la plus prégnante, et c’est bien pendant cette période
que le bénéficiaire ne peut invoquer utilement le droit à la sécurité juridique d’une
autorisation en gestation de droit acquis. Mais, il faut aussi dire que la sécurité
juridique ne consiste pas seulement au maintien d’une autorisation d’urbanisme. Elle
consiste aussi pour le bénéficiaire-défendeur au procès fait à son autorisation à ne pas
subir un procès dicté par l’acharnement, par la malveillance ou par la vénalité du
demandeur ; ou à tout le moins à ne pas la subir sans pouvoir faire reconnaître l’abus
dont il est victime. Bien sûr, il peut saisir le juge civil et engager lui-même un procès
pour faire constater l’abus dont il a été la victime, démontrer son préjudice (retard de
chantier et surcoûts sont aisés à démontrer). Et il peut, ainsi, espérer se voir allouer
une petite indemnisation. Mais, ce système est long, coûteux, incertain pour un
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bénéficiaire déjà lassé d’une procédure acharnée qui a pu, et cela arrive souvent en
pratique, déboucher sur une transaction elle-même coûteuse. L’application de
l’amende pour recours abusif qui relève des pouvoirs du juge ne peut pas être
utilement invoquée par le bénéficiaire-défendeur. Il en résulte un sentiment de
« laisser pour compte » de l’administré bénéficiaire de l’autorisation litigieuse. Et ce
sentiment renforce le sentiment d’insécurité juridique que ressent le bénéficiaire qui,
désemparé, n’a pas les moyens de contre-attaquer face à l’abus. C’est pourquoi,
l’ordonnance du 18 juillet 2014 a introduit un mécanisme innovant consistant pour le
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme lorsqu’il se trouve entraîné dans une
spirale contentieuse abusive à pouvoir demander reconventionnellement au juge
administratif l’allocation de dommages-intérêts pour le préjudice subi causé par
l’abus du requérant.
L’abus du requérant n’est pas simple à appréhender. C’est une notion polymorphe
dont les critères sont difficiles à théoriser. Par conséquent, l’abus est une notion
délicate à manier et plus encore à sanctionner. En témoignent les réformes
successives qui ont, jusqu’à présent, toutes échoué à sécuriser les autorisations
d’urbanisme face à l’abus du droit au recours des tiers. Certes, identifier un remède
pour en finir avec cette insécurité et ce sentiment d’insécurité juridique est une
nécessité. Mais cette identification est une mission difficile pour le législateur, en
témoignent là les réformes successives et l’inflation normative qui trahit tacitement
un aveu d’échec en la matière tout comme le caractère insatisfaisant des propositions
émises par les uns ou les autres.
Pourtant, eu égard aux enjeux économiques, sociétaux, et juridiques, une meilleure
sécurité des autorisations d’urbanisme face aux recours abusifs est une nécessité. Si
les recours abusifs ne représentent qu’une faible part sur le nombre total des recours,
les enjeux qu’ils mettent à mal sont, quant à eux, conséquents. Et, il n’est pas
acceptable que des requérants usent du prétoire comme d’un marché pour négocier le
prix de leur désistement, et où le juge est instrumentalisé. Il n’est pas non plus
acceptable que le phénomène se multiplie et paralyse de nombreux projets de
construction, ce qui nuit à l’emploi, à l’économie et empêche les collectivités
d’atteindre leurs objectifs de construction de cinq cent mille logements dont cent
cinquante mille logements sociaux.
Après avoir montré la réalité de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme face aux recours abusifs des tiers et après avoir souligné la nécessité
d’une meilleure sécurité juridique, il convient de poursuivre la réflexion avec
l’analyse des remèdes retenus ou à retenir pour une meilleure sécurité juridique.
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TITRE 2nd
: UN DROIT POSITIF À
ACTUALISER POUR ENDIGUER LES
RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES
PERMIS DE CONSTRUIRE
Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt
de la nature que de l’esprit des hommes, il est
quelquefois nécessaire de changer certaines lois.
Mais le cas est rare ; et lorsqu’il arrive, il n’y faut
toucher que d’une main tremblante.
USDEK à RHEDI, 1719627
L’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours
abusifs des tiers est une réalité. Elle s’explique par divers facteurs. La pérennité
d’une telle situation ne saurait être admise. Dès lors, il convient d’identifier des
remèdes pour améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme contre les recours abusifs. Mais ces remèdes doivent être respectueux
du droit au recours des tiers, et plus largement de leurs droits. L’ordonnance du
18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme628
, largement inspiré du
627 Lettre CXXIX, USDEK à RHEDI, Venise, in MONTESQUIEU (Ch. de S.), Lettres persanes,
Livre VIII, Œuvres de MONTESQUIEU, DUPRAT-DUVERGER, ÉDITEUR 1823, Paris, 836 p.,
p. 70. 628
Préc. Ordo. no 2013-638, 18 juill. 2013, relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n
o 0166, 19
juill. 2013, p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R. V. commentaires : PASTOR (J.-M.),
Contentieux de l’urbanisme : moralisation et accélération du traitement des recours, D. actu, 26 juill.
2013 ; Avis CE, 6e et 1
re SSR, 18 juin 2014, Contentieux de l’urbanisme (ordonnance du 18 juillet
2013) : applicabilité immédiate aux instances en cours, Rec. Dalloz, 2014, p. 1378 ; MELLERAY
(F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif, AJDA, 2014, p. 1530 ;
LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897 Dossier AJDA, no 33/2013,
intitulé « La réforme du contentieux de l’urbanisme », avec les contributions de TREMEAU (J.), La
régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir, p. 1901 ; CREPEY (E.), Les
nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, p. 1905 ; MARIE (S.), Recours abusifs et recours
« mafieux » : la chasse est ouverte !, p. 1909.
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rapport LABETOULLE629
a récemment modifié le paysage des procédures du
contentieux de l’urbanisme en profondeur. L’ordonnance a introduit des dispositions
innovantes soufflées par le rapport LABETOULLE. Sans pour autant transformer
l’analyse en un commentaire de cette ordonnance, il est nécessaire de présenter le
rapport LABETOULLE et les nouveaux mécanismes introduits par l’ordonnance du
18 juillet 2013 en vue d’améliorer précisément la sécurité juridique des bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme contre les recours malveillants. Cette ordonnance a, en
outre, accentué les particularismes du droit de l’urbanisme en dépit des
préconisations reprises par l’ordonnance de « ne pas accentuer le particularisme, déjà
très marqué du contentieux de l’urbanisme sans de solides justifications même s’il ne
faut pas exclure que, sur tel ou tel point, il puisse montrer la voie630
».
L’ordonnance du 18 juillet 2013 visant à introduire des mesures en vue de lutter
contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des contentieux s’inscrit
dans un processus plus large et plus global visant à faciliter la réalisation
d’opérations d’aménagement et à accélérer la construction de logements. Ce
processus de réforme ne comprend pas moins de sept ordonnances631
sans compter
les décrets qui participent également au processus de réforme632
.
Dans le cadre de l’analyse des remèdes opérationnels susceptibles d’améliorer la
sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme contre les recours
abusifs sans malmener davantage le droit au recours des tiers, il convient de
présenter et d’analyser les nouveaux instruments de lutte contre les recours abusifs
(Chapitre 1). Ces nouveaux instruments ont donné naissance à un nouvel équilibre
entre les droits et les pouvoirs d’actions des tiers et les pouvoirs de réactions des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme litigieuses (Chapitre 2). Enfin, d’autres
sources de sécurisation doivent être évoquées. Certaines existent et pourraient être
développées ou adaptées, d’autres sont à créer (Chapitre 3).
629 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013. 630
Préc. LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897. 631
Présentées au chapitre précédent. 632
Préc. Dossier de presse, Ordonnances visant à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement
et à accélérer la construction de logement, Paris, 21 févr. 2014, http://www.territoires.gouv.fr/IMG/
pdf/140221_dp_ordonnances.pdf.
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CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte
contre les recours abusifs
Pierre angulaire du carnet de route du deuxième Gouvernement AYRAULT mis en
place à compter de la deuxième nomination de Jean-Marc AYRAULT au poste de
Premier Ministre633
, la réforme des procédures administratives en matière urbaine a
pris forme de manière réfléchie et de manière concertée. Après un certain nombre de
déclarations à caractère plus ou moins officiel634
, c’est le 14 mai 2013, en réunion
ministérielle consacrée à la simplification des normes et procédures administratives
sous l’égide de François HOLLANDE, président de la République, que le Ministre
de l’Égalité des territoires et du Logement, Cécile DUFLOT, présente les principales
mesures envisagées dans le secteur du logement. Parmi ces mesures, le
Gouvernement envisage une sorte d’audit des normes existantes de construction afin
d’éliminer les réglementations présentant le rapport coût/efficacité le moins probant.
Et parallèlement à cet audit, des normes destinées à améliorer la stabilité juridique
des pétitionnaires devraient voir le jour.
L’ambition du Gouvernement dans cette réforme vise dans un premier volet les
rapports entre les bailleurs et les locataires. Dans un deuxième volet, il vise
l’amélioration du parc existant. Dans un troisième volet, il vise la transparence
d’attribution de logements sociaux. Enfin, dans un quatrième volet, pour tenir son
engagement de construire cinq cent mille logements par an, dont cent cinquante mille
logements sociaux, le Gouvernement propose des mesures en matière d’urbanisme
visant à accroître l’effort de construction de logements. Le traitement des contentieux
n’est donc pas expressément visé par un volet en particulier.
633 Déc. 18 juin 2012, portant nomination du Premier Ministre, NOR : HRUX1226329D, JORF
no 014, 19 juin 2012, p. 10160.
634 Émissions radio, presse écrite, 42
e congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers à
Deauville.
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Cependant, le 18 juillet 2013, l’ordonnance no 2013-638 relative au contentieux de
l’urbanisme635
est adoptée. Et les nouvelles dispositions relatives à la lutte contre les
recours abusifs entrent en vigueur au 19 août 2013. S’agissant des règles de
procédure, ces nouvelles dispositions sont d’application immédiate aux instances en
cours. En revanche, s’agissant des règles de restriction du droit au recours, ces
dispositions ne sont applicables qu’aux recours introduits après l’entrée en vigueur
de l’ordonnance.
Les nouveaux instruments de lutte contre les recours abusifs introduits contre les
autorisations d’urbanisme sont le fruit d’une réponse juridique réfléchie (Section 1).
Cependant, des interrogations subsistent (Section 2).
SECTION 1 : Une réponse juridique réfléchie
En 2013, les chiffres avancés par le Gouvernement sont alarmants. Et l’effet
économique est considérable. Les recours pendants devant les juridictions concernent
environ vingt-cinq mille à trente mille logements et mettent en péril près de quinze
mille emplois636
.
Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs ne sont pas le fruit du
hasard. En effet, habilité à légiférer par voie d’ordonnance en amont de sa réforme, le
Gouvernement a privilégié la voie consensuelle. Il a ainsi pris conseil auprès de
praticiens et de sommités en la matière (I.). Cette préparation en amont de la réforme
a consacré une approche pragmatique (II.).
635 Ordo. n
o 2013-638, 18 juill. 2013, relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n
o 0166, 19 juill.
2013, p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R.
636 Préc. Dossier de presse, Ordonnances visant à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement
et à accélérer la construction de logement, Paris, 21 févr. 2014, http://www.territoires.gouv.fr/IMG/
pdf/140221_dp_ordonnances.pdf.
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I. Consécration d’une approche consensuelle
L’approche consensuelle a été marquée par la concertation et la consultation
préalablement à la réforme (A.). La réforme du contentieux de l’urbanisme, portée
par l’ordonnance du 18 juillet 2013, a été très largement influencée par le rapport
LABETOULLE (B.).
A. Concertation et consultation à l’honneur
Le Gouvernement a souhaité réagir rapidement au phénomène de multiplication des
recours abusifs. Toutefois, il n’a pas agi dans la précipitation. En effet, il a su prendre
conseil au préalable et organiser la consultation. Et surtout, il a créé le groupe de
travail présidé par Daniel LABETOULLE. Le groupe de travail s’est vu confier une
mission difficile aux lourdes implications constitutionnelles. En effet, il a pour
mission de proposer des mesures concrètes à traduire dans la loi dans les délais les
plus brefs tout en préservant le droit au recours (1.). Le 25 avril 2013, le groupe
remet son rapport. Il est intitulé « Construction et droit au recours : pour un meilleur
équilibre637
». Il retient sept propositions et ces propositions sont à l’origine de la
plupart des innovations de la réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013
(2.).
1) Un groupe d’experts
Le 11 février 2013, le Gouvernement, par la voix de Cécile DUFLOT, alors Ministre
de l’Égalité des territoires et du Logement, charge le groupe de travail de présenter
des mesures concrètes et propres à sécuriser les opérations de construction contre les
recours abusifs qui devront préserver l’accès au juge et la participation du public.
637 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par Mme DUFLOT
(C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au recours : pour un
meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013.
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Expliquant à notre avis la qualité des propositions, le groupe de travail est constitué
d’éminents spécialistes. Ainsi rappelons pour être complet que Daniel
LABETOULLE qui préside ce groupe de travail est président honoraire de la section
du contentieux du Conseil d’État638
. Édouard CREPEY, maître des requêtes au
Conseil d’État, est le rapporteur du groupe. Enfin, composent ce groupe Jean‐Michel
BÉRARD, préfet honoraire, conseiller d’État en service extraordinaire ; Julien
BOUCHER, directeur des affaires juridiques au secrétariat général du ministère de
l’Égalité des territoires et du Logement et du ministère de l’Écologie, du
Développement durable et de l’Énergie ; Étienne CRÉPON, directeur de l’Habitat, de
l’Urbanisme et des Paysages au ministère de l’Égalité des territoires et du
Logement ; Yves JEGOUZO, professeur émérite à l’université Paris I, ancien
conseiller d’État en service extraordinaire ; Alain LECOMTE, président de la
troisième section du Conseil général de l’environnement et du développement
durable ; et Laurent VALLÉE, directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère
de la Justice. Le groupe auditionne de nombreux praticiens de la matière qui
connaissent bien le phénomène des recours abusifs. Il s’agit de notaires, d’avocats,
de professeurs et de magistrats ou encore d’élus ou chefs d’entreprise du B.T.P. ou
de l’immobilier.
Dans la lettre de mission adressée au groupe de travail, le Gouvernement indique
qu’il souhaite présenter une « ambitieuse réforme639
». Plus précisément, le
Gouvernement ambitionne, alors, de « faciliter la réalisation des projets permettant à
la production de logements en sécurisant les opérations de construction et en luttant
contre les recours regardés comme abusifs tout en préservant l’accès au juge et la
participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’urbanisme640
». Le
Gouvernement confie au groupe de travail la mission de présenter des « mesures
concrètes à traduire dans la loi dans les délais les plus brefs641
».
638 Daniel LABETOULLE, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État (1998-
2004). 639
Lettre de mission du 11 février 2013, adressée par Madame Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité
des territoires et du Logement, au président honoraire Daniel LABETOULLE ; V. également, Annexe
du Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile DUFLOT,
Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au recours : pour un
meilleur équilibre, p. 33, consultable sur www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf. 640
Ibid. 641
Ibid.
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Déposé le 25 avril 2013, le rapport du groupe de travail est intitulé « Construction et
droit au recours : pour un meilleur équilibre ». Il est aussi plus souvent désigné
comme le rapport LABETOULLE. Ce rapport dégage sept propositions :
Sept mesures qui, en définitive, ne se limitent pas à, ni même ne se
concentrent sur la procédure contentieuse d’examen des recours dirigés
contre les autorisations d’urbanisme, pour laquelle beaucoup a déjà été fait,
mais touchent, plus largement, aux pouvoirs du juge et aux comportements
des acteurs642
.
Ces propositions sont alors un premier débrouillage. Il faut, ici, se ranger à l’avis de
Jean-Claude BONICHOT qui souligne que « certaines vont assez loin ». Tandis que
d’autres « méritent d’être discutées et affinées643
».
Les mesures proposées sont à mettre sur différents plans. En effet, si certaines sont
vouées à produire des effets relativement rapides, d’autres sont destinées à modifier
durablement, à moyen terme, les comportements tandis que d’autres encore sont
destinées à la lutte proprement dite contre les recours abusifs ou à l’accélération du
cours de la justice.
Plus précisément, le groupe de travail expose des mesures qui consistent à clarifier
les règles de l’intérêt pour agir ; à introduire une procédure de cristallisation des
moyens ; à organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance à
l’initiative du juge ; permettre au défendeur à l’instance de présenter des conclusions
reconventionnelles à caractère indemnitaire ; à encadrer le régime des transactions
par lesquelles il est mis fin à l’instance ; et recentrer l’action en démolition sur son
objet premier ; ainsi qu’à donner aux cours administratives d’appel une compétence
de premier et dernier ressort pour certains projets de construction de logements644
.
Le groupe de travail s’est manifestement voulu pragmatique. On criait haro sur les
failles de l’intérêt à agir, l’égrenage des moyens au fil des échanges de conclusions,
642 V. Conclusion, in Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame
Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre. 643
BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU, 4/2013,
p. 243. 644
Introduction, p. 6 et 7, Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame
Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre.
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l’impossibilité de couvrir une illégalité, l’impossibilité de demander des dommages-
intérêts au juge administratif, des transactions coûteuses proches de l’extorsion de
fonds, l’allongement de la durée des procédures. Qu’à cela ne tienne, le groupe de
travail a cherché des palliatifs à chacune de ces failles.
2) Les sept propositions du rapport LABETOULLE
Les sept propositions dégagées par le rapport LABETOULLE appellent des
observations suivantes.
a. Clarifier les règles de l’intérêt pour agir
Partant du libéralisme traditionnel du juge administratif dans l’appréciation de
l’intérêt pour agir, le groupe de travail propose une redéfinition de l’intérêt pour agir.
S’il est vrai, comme le souligne Jean-Claude BONICHOT645
, que le libéralisme du
juge administratif en la matière est classiquement présenté comme une victoire sur
l’arbitraire de l’Administration, mais en matière de contentieux d’urbanisme, le
combat mené par le tiers requérant est moins un combat contre l’arbitraire de
l’Administration que le procès fait à un acte où la partie perdante n’est pas
l’Administration mais le bénéficiaire du permis de construire litigieux.
Le groupe propose que l’intérêt pour agir soit défini par référence aux conditions
d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien. Cette proposition consisterait
concrètement à prendre acte de manière réglementaire de la jurisprudence qui s’est
développée ces dernières années autour de la notion de l’intérêt pour agir en matière
d’urbanisme.
De plus, dans le but précis de prévenir les recours malveillants, le groupe de travail
propose de permettre au juge de se placer à la date d’affichage en mairie de la
demande du pétitionnaire pour apprécier l’intérêt pour agir sauf circonstances
particulières dont le requérant pourrait justifier. Par ce renforcement du pouvoir du
juge, le groupe cherche à faire échec au procédé par lequel certains requérants se
645 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,
4/2013, p. 243.
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constituent artificiellement un intérêt pour agir en se portant acquéreur ou locataire
d’immeubles dans le voisinage du projet de construction.
Ainsi, le groupe propose d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article L. 600-1-2
encadrant l’intérêt à agir des requérants en matière d’urbanisme. Aux termes de la
rédaction proposée, d’une part, toute personne physique ou morale autre qu’une
association serait recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une
autorisation délivrée que « si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de
nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de
jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle
bénéfice d’une promesse de vente ou de bail646
». D’autre part, « sauf pour le
requérant à justifier de circonstances particulières », l’intérêt pour agir s’apprécierait
à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.
b. Introduire une procédure de cristallisation des
moyens
Les recours malveillants se caractérisent aussi par la pratique qui consiste, pour les
requérants, « à égrener les moyens qu’ils invoquent à l’appui de leurs conclusions
d’annulation au fil des mois647
». En effet, ce procédé oblige la juridiction, tenue
d’assurer le caractère contradictoire de la procédure, à inviter les autres parties à
produire leurs observations, ce qui est de nature à ralentir la procédure.
Le groupe de travail propose d’introduire dans le Code de l’urbanisme une procédure
de « cristallisation des moyens ». Il s’agirait en quelque sorte de l’aménagement
d’une jurisprudence Société Intercopie648
, jurisprudence ancienne posée par un arrêt
de section du Conseil d’État en 1953. Selon cette jurisprudence, un moyen relevant
d’une cause juridique autre que celles déjà en débat ne peut être présenté que dans le
délai de recours. Le groupe précise que cette solution, initialement dégagée pour les
646 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 7 et 8. 647
Ibid. p. 8 et 9. 648
CE, Sect. 20 févr. 1953, Société Intercopie, no 9772, Rec. Lebon, p. 88 ; S., 1953, III., p. 77, note
M. L ; pour une critique de la jurisprudence, concl. KOLBERT sur TA Lyon, 9 déc. 1998, AJDA,
1999, p. 448 ; KELLER (R.), Application de la jurisprudence Intercopie par le juge ordinal, AJDA,
2011, p. 2023.
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pourvois en cassation, a été transposée aux recours pour excès de pouvoir par un
arrêt Société des aciéries et forges de Saint-François en 1954649
.
Ainsi, le groupe propose d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article R. 600-4
encadrant la cristallisation des moyens. En matière de contentieux de l’urbanisme, et
plus précisément dans une instance où serait en cause une autorisation d’urbanisme,
le juge administratif pourrait « pour tenir compte des effets d’une prolongation de
l’instance sur la situation du bénéficiaire, fixer une date au-delà de laquelle des
moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués ».
Pour Jean-Claude BONICHOT, une telle solution serait une application du principe
de loyauté au procès administratif650
. Cependant, nous ne partageons pas cette
lecture. En effet, la rédaction proposée par le groupe de travail n’exige pas une
attitude de loyauté ou une moralité particulière du tiers requérant mais se borne à
étendre les prérogatives du juge administratif qui peut, discrétionnairement, décider
de fixer un calendrier et surtout une date butoir pour la présentation de moyens
nouveaux.
c. Organiser un mécanisme de régularisation en
cours d’instance
Couvrir l’illégalité pour revenir dans le droit chemin de la légalité, telle est la
troisième proposition du groupe de travail. Toujours pragmatique, le groupe veut
souligner l’intérêt et le gain de temps à régulariser un acte plutôt que de l’annuler.
Aux termes du rapport, la solution est encore trop marginale en jurisprudence. C’est
pourquoi, il propose l’introduction d’un mécanisme légal autorisant le juge, saisi
d’une demande d’annulation d’un permis et constatant qu’un seul moyen affectant
l’ensemble du projet est fondé, « de surseoir à statuer après avoir expressément
écarté les autres651
». Selon cette proposition, un délai serait fixé pour régulariser
l’autorisation initiale. Et il appartiendrait au bénéficiaire du permis et à l’autorité de
649 CE, Ass, 15 juill. 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François, Rec. Lebon, p. 482 ;
concl. LAURENT (P.), Dalloz Adm., 1954, p. 205. 650
Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,
4/2013, p. 245. 651
Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 14.
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procéder à cette régularisation. En outre, à l’issue de ce délai, le juge tirerait les
conséquences de ce qui a été fait (rejet des conclusions initiales) ou pas fait
(annulation)652
.
Un tel mécanisme se veut être un aménagement de la jurisprudence TITRAN du
27 juillet 2001653
. Par cette décision, le juge prononçait l’annulation d’un refus du
Ministre de la Justice d’abroger des arrêtés relatifs à la mise en œuvre d’un système
de gestion automatisé des procédures dans les tribunaux de grande instance, tandis
qu’il imposait, en parallèle, au garde des Sceaux un délai de deux mois pour purger
lesdits arrêtés de leur illégalité selon des modalités prédéterminées par l’arrêt.
Le groupe de travail propose de modifier l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme et
d’introduire un article L. 600-5-1 dans le même code. En substance, l’article L. 600-5
modifié disposerait qu’après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés,
si le juge constate qu’il y a effectivement un vice, et plus précisément un vice qui
affecte une partie du projet, et que ce vice peut être régularisé par un permis
modificatif, alors le juge pourrait limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il
prononce et fixer le délai dans lequel le bénéficiaire du permis pourrait en demander
la régularisation.
Le nouvel article L. 600-5-1 proposé introduirait, dans le Code de l’urbanisme, la
possibilité pour le juge de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il
fixerait dans l’attente d’une régularisation qu’il estimerait possible. Enfin, la
proposition d’un tel mécanisme de régularisation en cours d’instance témoigne de
l’influence communautaire sur les auteurs du rapport654
.
652 Ibid.
653 CE, 6
e et 4
e SSR, 27 juill. 2001, TITRAN, n
o 222509, Rec. Lebon, p. 401 ; chron. GUYOMAR
(M.) et COLLIN (P.), AJDA, 2011, p. 1046 ; note DAMAREY (S.), LPA, 24 oct. 2001, p. 12. 654
CJCE, 3 juill. 2008, Commission c/Irlande, C-215/06, chron. BROUSSY (E.) et DONNAT (F.),
AJDA, 2008, p. 1536 ; BONICHOT (J.-Cl.) et DONNAT (F.), Urbanisme et droit de l’Union : les
apports de la jurisprudence récente de la Cour de justice, Droit de l’aménagement, de l’urbanisme, de
l’habitat, 2011, p. 4.
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d. Autoriser les conclusions reconventionnelles à
caractère indemnitaire
Fer de lance des propositions, la proposition d’introduire la possibilité de présenter
des conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire sonne comme une
remise en cause d’une règle procédurale classique du contentieux administratif.
En principe, les conclusions reconventionnelles en dommages-intérêts ne sont pas
recevables dans les contentieux de l’excès de pouvoir. Ainsi le doyen Maurice
HAURIOU a pu écrire, dans une note sous un arrêt du Conseil d’État de 1928, Époux
de SIGALAS, que « le contentieux administratif n’admet pas les demandes
reconventionnelles655
». En outre, cette solution est celle retenue par le Conseil
d’État lui-même, depuis un arrêt de section Sieur NOBLE de 1967656
.
Toutefois, cette époque est révolue ainsi que le relève Jean-Philippe THIELLAY
dans ses conclusions sous l’arrêt Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-
dentistes de Paris657
. Les auteurs du rapport LABETOULLE soulignent, en ce sens,
que « la conception du recours pour excès de pouvoir qui s’exprime dans la décision
NOBLE précitée n’est plus complètement en phase avec diverses innovations
jurisprudentielles intervenues depuis lors », et ils ajoutent encore qu’en matière
d’urbanisme, il serait « utile et légitime d’offrir aux titulaires d’autorisation un
instrument d’indemnisation d’usage plus direct que l’action civile658
».
Ainsi, sans préjuger la question de savoir s’il faudrait maintenir ou non le recours
judiciaire, le groupe de travail propose d’introduire dans le Code de l’urbanisme un
article L. 600-7. Tel que ses auteurs l’imaginent, cet article introduirait un dispositif
permettant au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée de demander au
juge administratif de condamner le requérant à des dommages-intérêts s’il est
démontré que le requérant a mis en œuvre le recours pour excès de pouvoir dans des
655 CE, 22 juin 1928, Époux de SIGALAS, Rec. Sirey, S., 1928, III., p. 43, note HAURIOU (M.).
656 CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n
o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN (J.), D.,
1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 657
CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes, no 283141, v.
spé. Concl. THIELLAY (J.-Ph.), RFDA, 2008, p. 689 ; chron. GEFFRAY (E.) et BOURGEOIS-
MACHUREAU (B.), De minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, p. 1316. 658
Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 16.
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conditions qui, d’une part, « excèdent la défense des intérêts légitimes » du requérant
et d’autre part qui causent un « préjudice anormal » au bénéficiaire de l’autorisation
litigieuse659
.
Ici, nous nous ferons l’écho d’une critique660
de Jean-Claude BONICHOT et
déplorons à sa suite le choix du terme « anormal ». En effet, le syntagme « dommage
anormal » renvoie classiquement au régime de la responsabilité sans faute où le
« dommage anormal » est un dommage grave et spécial et surtout de nature à
engager la responsabilité de la puissance publique. Cependant, il est vrai que dans le
contexte, le caractère « anormal » du dommage renvoie à l’idée que si tout procès
comporte un minimum d’agressivité et de trouble, il ne doit pas être toléré que cette
agressivité soit disproportionnée. Sur ce point, une sorte de loyauté semble donc être
attendue des parties au procès qui doivent intégrer que tous les coups ne sont pas
permis.
e. Encadrer le régime des transactions par lesquelles
il est mis fin à l’instance
Dans le contentieux de l’urbanisme, il est souvent mis fin à l’instance par le
désistement du requérant. En pratique, le juge prend acte du désistement et ne
cherche pas à en connaître ni à en rechercher les motifs. Or, il arrive que la
transaction soit l’aboutissement d’un « processus de chantage » exercé par un
requérant. Comme le soulignent les auteurs du rapport, il est difficile d’avoir des
données précises sur le phénomène. Néanmoins, le groupe de travail a pu déduire de
ses auditions « la conviction que ces pratiques qui dévoient le recours en justice,
désorganisent l’économie du secteur et renchérissent le coût de la construction ne
sont pas que marginales, sont plus que marginales661
».
Le groupe de travail propose de soumettre les transactions à une obligation
d’enregistrement auprès de l’administration des impôts directs.
659 Ibid. p. 17.
660 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,
4/2013, p. 246. 661
Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 18.
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Aux termes du rapport, ce n’est pas un quelconque effet dissuasif lié au droit
d’enregistrement qui est recherché, mais l’idée de transparence vis-à-vis du fisc. En
effet, pour le groupe de travail, cette transparence vis-à-vis du fisc semble pouvoir
faire « réfléchir les quelques requérants qui font profession des désistements contre
rémunération et préserver, pour le reste, les espaces de négociation qui sont
nécessaires dans des opérations complexes telles que les projets de construction662
».
La sanction du défaut du respect de l’enregistrement serait radicale puisqu’une
transaction non enregistrée serait réputée sans cause et les sommes perçues sujettes à
répétition par une action prescrite par cinq ans.
f. Recentrer l’action en démolition sur son objet
premier
Le permis de construire ou d’aménager est exécutoire. Pourtant en pratique, tant que
le permis n’est pas purgé, le bénéficiaire de l’autorisation ne commence pas les
travaux. À l’issue des auditions, le groupe de travail a acquis la conviction que cette
situation s’expliquait, au moins en partie, par le risque de démolition que l’article
L. 480-13 du Code de l’urbanisme fait peser sur le projet en cas d’annulation du
permis par le juge administratif. Certes, cette menace de démolition a permis de
contribuer à éviter les dérives qu’ont connues certains pays voisins. Mais, là encore,
les auteurs du rapport relèvent que le contexte juridique a changé. En effet, il existe
désormais des procédures d’urgence. En outre, le risque de démolition étant
susceptible de priver les financeurs du projet de toutes garanties explique l’arrêt des
travaux à la moindre notification du dépôt d’un recours. Ce risque par ricochet de
disparition de partenaire « collatéral », c’est-à-dire de la garantie de financement,
bloque la réalisation des travaux tant que le permis n’est pas purgé du risque de
recours.
Le groupe de travail propose donc de limiter le champ de la démolition afin de
« remettre de l’ordre dans la chaîne des contrôles663
». Le groupe espère ainsi que le
permis de construire retrouve son caractère exécutoire. Il propose donc de réécrire
l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme en limitant l’action en démolition.
662 Ibid. p. 19.
663 Ibid. p. 24.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
225/480
g. Donner aux cours administratives d’appel une
compétence de premier et dernier ressort pour
certains projets de construction de logements
Décidément pragmatique, le groupe de travail a cherché un moyen d’accélérer les
procédures. Pour ce faire, et sous réserve d’une étude d’impact complémentaire, le
groupe propose d’utiliser la possibilité offerte par l’article L. 311-1 du Code de
justice administrative664
dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2011665
.
Cette possibilité serait limitée à des permis autorisant des constructions d’une surface
de logement supérieure à 1 500 m² dans les communes visées à l’article 232 du Code
général des impôts666
.
Ces sept propositions vont inspirer en profondeur les dispositions introduites par la
réforme des procédures contentieuses en urbanisme. Il convient, à présent, de
présenter cette réforme.
B. Présentation de la réforme du contentieux de
l’urbanisme
La réforme du contentieux de l’urbanisme s’est faite en deux temps.
664 Code de justice administrative : « Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de
droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou
l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction
administrative. » 665
Loi no 2011-1862, relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures
juridictionnelles. 666
Soit « dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante
mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant
des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se
caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des
logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre
d’emménagements annuels dans le parc locatif social ».
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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L’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a posé les
grandes lignes de la réforme du contentieux de l’urbanisme (1.). Ella a été suivie par
le décret du 1er
octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme qui a parachevé le
processus de réforme du contentieux de l’urbanisme (2.).
1) Présentation de l’ordonnance du 18 juillet 2013
Très largement inspiré du rapport LABETOULLE, l’ordonnance no 2013-638 du
18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme opère une réforme de la
matière en profondeur. Le but est expressément de lutter contre les recours abusifs667
.
En effet, il ressort de la note de présentation de l’ordonnance que le Gouvernement a
entendu « lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des
contentieux » en retenant plusieurs des recommandations du rapport
LABETOULLE. Ainsi, la réforme encadre davantage, dans le temps et dans l’espace,
l’intérêt à agir des tiers. Elle introduit la possibilité pour le bénéficiaire de demander
des dommages-intérêts directement au juge administratif. En outre, dans un souci de
moralisation avoué, la réforme encadre également davantage les transactions par
lesquelles il est mis fin à l’instance. Et dans un souci d’efficacité, la possibilité de
régulariser le permis de construire en cours d’instance est désormais codifiée. Nous
nous bornons ici à cette succincte présentation des apports de l’ordonnance dans la
mesure où nous analysons plus en détail, dans le chapitre suivant, ces apports sous
l’angle de l’avènement d’un nouvel équilibre entre droit au recours et sécurité
juridique.
Ceci étant exposé, il est à noter que l’ordonnance du 18 juillet 2013 n’a pas retenu
certaines des propositions du rapport LABETOULLE. Ainsi, la proposition no 6
relative au recentrage de l’action en démolition sur son objet premier n’a pas été
retenue. Or, un mécanisme susceptible de prévenir les contestations dilatoires et de
manière générale, de prévenir les recours abusifs aurait été utile. En effet, comme le
souligne Nicolas FOUILLEUL668
, imposer au requérant qui conteste l’autorisation
d’urbanisme d’annexer à sa requête un recours en référé suspension eût été un filtre
667 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 1. 668
FOUILLEUL (N.), Recours abusifs : du rapport LABETOULLE à l’ordonnance relative au
contentieux de l’urbanisme, chron., BJDU, 5/2013, p. 323.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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bienvenu à l’abus dans la mesure où le requérant aurait ainsi été tenu de développer
son argumentaire. Et de cet argumentaire, il aurait transpiré sa bonne ou mauvaise
foi. Quoique d’avant-garde, le mécanisme aurait eu le mérite de « remettre de l’ordre
dans la chaîne des contrôles » ainsi que le soulignait Jean-Claude BONICHOT669
.
2) Présentation du décret du 1er
octobre 2013
Également largement inspiré du rapport LABETOULLE, le décret no 2013-879 du
1er
octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme est le deuxième véhicule de la
réforme du contentieux de l’urbanisme670
. L’apport du décret est double.
D’une part, il est la traduction réglementaire de la proposition du rapport
LABETOULLE relative à la compétence de premier et de dernier ressort des cours
administratives d’appel pour certains projets de construction de logements. En effet,
le décret modifie le Code de justice administrative et permet aux tribunaux
administratifs de statuer en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis
de construire et de démolir un logement ou d’aménager un lotissement lorsque ces
permis sont situés dans les communes mentionnées à l’article 232 du Code général
des impôts. Il s’agit des communes qui entrent dans le champ d’application de la taxe
« d’inhabitation671
». Le décret prévoit que la nouvelle disposition672
s’applique aux
recours introduits entre le 1er
décembre 2013 et le 1er
décembre 2018.
Une telle mesure suscite le doute. En effet, sur le plan de la lutte ou de la prévention
des recours abusifs, la mesure laisse perplexe. En revanche, la mesure prive
indéniablement l’administré de son droit à un double degré de juridiction673
. De plus,
le rapport LABETOULLE avait émis avec prudence la proposition puisqu’il avait
pris le soin de souligner qu’une « étude complémentaire » serait nécessaire. Or,
669 Préc. BONICHOT, (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chroniques – dossier spécial,
4/2013, p. 243 et s. 670
V. GILLIG (D.), Le décret du 1er
oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple
réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71. 671
Cons. const., 29 juill. 1998, no 98-403 DC, Taxe d’inhabitation, R.J.C., I-76 ; Cons. const., 29 déc.
2012, no 2012-662 DC, JO 30 déc. 2012 ; sur la légalité du décret : CE, 24 mai 2000, n
o 204657, Dr.
fisc., 2000, p. 742 ; Commentaire administratif de la taxe : BOI-IF-AUT-60, 12 sept. 2012. 672
Codifiée à l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative. 673
CREPEY (E.), Les nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, AJDA, 2013 p. 1905.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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comme le souligne Nicolas FOUILLEUL674
, le Gouvernement n’a pas procédé à
cette étude complémentaire. Mais encore, il a attribué une compétence de premier et
dernier ressort à des tribunaux administratifs pour toutes les opérations de
construction dans les communes soumises à la taxe d’inhabitation indépendamment
de la surface projetée. Pourtant, là encore, le rapport LABETOULLE avait pris soin
de poser comme critérium la surface projetée (1 500 m²). Le Gouvernement a donc
fait le choix de ne pas retenir le critère de la surface et de conserver la compétence de
premier ressort des tribunaux administratifs, mais de supprimer l’appel. De l’objectif
avoué du Gouvernement, le but de la mesure est moins la lutte contre les recours
abusifs que l’accélération des procédures contentieuses. En effet, le Gouvernement
espère par cette mesure « diviser par trois les délais de traitement des
contentieux675
». Il est difficile de partager un tel optimisme, car, comme l’explique
David GILLIG, le délai de traitement d’un pourvoi en appel formé contre un
jugement de première instance statuant en matière d’urbanisme s’est
considérablement raccourci ces dernières années pour n’atteindre qu’une année. Le
« gain de temps espéré » avec la nouvelle mesure sera donc, écrit le praticien, « de
seulement une année qui correspond à la durée moyenne de jugement des affaires
d’urbanisme par les juridictions d’appel676
».
D’autre part, l’autre apport du décret du 1er
octobre 2013 consiste en l’introduction
réglementaire du mécanisme de cristallisation des moyens. En effet, le décret
introduit dans le Code de l’urbanisme un article R.*600-4 qui dispose en substance
que le juge, devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de
démolir ou d’aménager, peut désormais fixer une date au-delà de laquelle des
moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Ainsi que le précise le rapport
LABETOULLE, la mesure a pour but d’empêcher la dilution dilatoire des moyens au
fil de la procédure. Elle traduit également la quête de moralisation du contentieux de
l’urbanisme. En effet, la mesure doit permettre in fine de modifier le comportement
des acteurs677
. À court terme, la mesure vise à contenir la durée de l’instruction des
674 Préc. FOUILLEUL (N.), Recours abusifs : du rapport LABETOULLE à l’ordonnance relative au
contentieux de l’urbanisme, chron., BJDU, 5/2013, p. 324. 675
Rap. fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi habilitant le
Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction : Doc. AN no 1041, 16 mai 2013,
p. 22. 676
Préc. GILLIG (D.), Le décret du 1er
oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple
réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71. 677
Préc. LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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dossiers678
. Nous nous bornons à cette succincte présentation du mécanisme de
cristallisation dans la mesure où nous analysons plus en détail, dans le chapitre
suivant, ce mécanisme sous l’angle de l’avènement d’un nouvel équilibre entre droit
au recours et sécurité juridique.
II. Consécration d’une approche pragmatique
La réforme du contentieux de l’urbanisme met l’accent sur la régulation et
l’accélération du traitement des procédures contentieuses (A.) et témoigne d’une
volonté de moraliser les procédures contentieuses (B.).
A. Réguler et fluidifier le traitement des contentieux
Afin d’endiguer le phénomène des recours abusifs, la réforme met l’accent sur la
régulation des contentieux en encadrant davantage la notion de l’intérêt à agir (1.).
Dans un contexte de pénurie de logements et pour relancer l’économie de la
construction, l’accent est également mis sur l’accélération des procédures
contentieuses. Pour ce faire, la réforme entend empêcher les requérants de pouvoir
égrener leurs moyens au fil de la procédure (2.).
1) Réguler les procédures contentieuses
La reforme reflète l’état d’esprit de ses auteurs. Éclairés par le rapport
LABETOULLE et soucieux de montrer qu’ils ont entendu les doléances des
bénéficiaires des permis de construire, notamment portées par les voix des
678 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 4.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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promoteurs, la FFB, du Centre national des centres commerciaux679
(CNCC) ainsi
que des praticiens, les auteurs ont cherché à lutter contre les recours abusifs mais
dans un état d’esprit particulier. En effet, la réforme du contentieux de l’urbanisme,
tout en luttant contre les recours abusifs, doit avant tout permettre de réguler les
procédures contentieuses. Pour ce faire, c’est l’intérêt à agir des tiers que la pratique
prétorienne a progressivement étendu (a.) qui doit être encadré davantage, tant dans
le temps que dans l’espace (b.).
a. Un intérêt à agir trop large
Dénoncé par les avocats comme la première cause de la prolifération des recours
abusifs680
, l’intérêt à agir a bénéficié d’une lecture extensive de la part de la
jurisprudence administrative. Du point de vue de l’avocat681
, cette extension du droit
d’agir a favorisé la multiplication des recours abusifs. Le principe est que tout tiers
lésé par l’octroi d’une autorisation d’urbanisme et qui justifie d’un intérêt personnel
et direct peut former un recours en annulation pour excès de pouvoir contre cette
autorisation qui lui cause un préjudice. Le juge administratif a progressivement
étendu la notion de l’intérêt à agir, favorisant indirectement la possibilité de former
des recours abusifs et malveillants contre les autorisations d’urbanisme. Ainsi,
souligne Carol GALIVEL682
, la jurisprudence administrative a admis l’intérêt à agir
d’un riverain titulaire d’une simple promesse de vente683
, le locataire d’un immeuble
à usage de bureau avoisinant le chantier autorisé par le permis684
, le syndicat des
copropriétaires ayant agi en vertu de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le
statut de la copropriété des immeubles bâtis685
, ou encore l’intérêt à agir d’une
association de défense des commerçants et artisans dont l’objet statutaire visait « la
679 Pour une synthèse des propositions du CNCC v. GALIVEL (C.), Au secours, les recours !, La
contestation abusive des permis de construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du
Mécènes, Paris, 2014, 123 p., p. 98. 680
GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de
construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, p. 104. 681
Ibid. 682
Ibid. p. 105. 683
CE, 29 nov. 1999, Époux BOULANGER, no 182214, Rec. Lebon ; concl. BONICHOT (J.-Cl.),
BJDU, 1999, p. 470 ; obs. C.D.B., ibid. 684
CE, 11 déc. 1991, GAUDIN, no 103369, Rec. Lebon, T., p. 1264 ; RDA, 1992, n
o 56.
685 CE, 10 mai 1995, Syndicat des copropriétaires de la Résidence les Charmilles, n
o 139729, inédit ;
CE, 29 déc. 1993, Syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Gonfanon c. Commune de Saint-
Raphaël et autres, no 140385, Rec. Lebon, T., p. 943-1115.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
231/480
défense de l’environnement, du cadre de vie, de l’urbanisme commercial, de
l’indépendance et de l’équipe du petit commerce et de l’artisanat de la région de
Miramas686
», ou encore enfin, l’intérêt à agir du maire d’une commune contre les
décisions des autorités de l’État687
.
Cependant, la jurisprudence administrative a en matière de contentieux d’urbanisme
une appréciation plus stricte de l’intérêt à agir688
que dans le contentieux général qui
exige « seulement que la lésion de l’intérêt ne soit ni exagérément indirecte ni
exagérément incertaine689
». En effet, en dépit d’une lecture extensive de la notion de
l’intérêt à agir, le juge combine différents critères pour apprécier l’intérêt à agir
contre une autorisation d’urbanisme. Ainsi, il prend en compte la « proximité
géographique, c’est-à-dire la distance entre la situation du requérant (propriété,
domicile, occupation…) et l’assiette de l’autorisation690
». Cette proximité est mise
en balance avec l’importance et la nature de la construction autorisée par le permis
litigieux. La configuration des lieux est également prise en considération dans cette
balance691
. Or de cette technique du faisceau d’indices, aucune définition objective et
abstraite de la notion de l’intérêt à agir des tiers ne peut être dégagée. Comme l’écrit
le commissaire du gouvernement, Denis PIVETEAU, en définitive, « ce n’est jamais
le voisinage en tant que tel qui confère qualité pour agir, mais les intérêts révélés par
ce voisinage692
». Dès lors, une telle jurisprudence favorise la multiplication des
recours abusifs en permettant à des requérants malveillants, mais avisés, de se
constituer artificiellement un intérêt à agir en faisant l’acquisition ou tout simplement
en louant un bien dans le périmètre géographique de l’opération autorisée dans le
686 CE, 4
e SS, du 20 octobre 1995, 110993, inédit.
687 CAA, Nancy, 1
re ch., 7 nov. 2013, Cne de Lidrezing, n
o 12NC01484 ; Drt. Envir., 2014, p. 172.
688 V. NICOUD (F.), À propos de l’interprétation de la notion de l’intérêt à agir dans le contentieux de
l’urbanisme, AJDA, 2007, p. 629 ; v. également NOGUELLOU (R.), L’intérêt à agir, actes pratiques
et ingénierie immobilière, janv-mars 2013, p. 7. 689
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 483, n
o 577.
690 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les
intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 624, n
o 2083.
691 Ibid.
692 Concl. PIVETEAU (D.), sur CE, 7
e et 5
e SSR, 22 févr. 2002, Société France Quick, n
o 216088,
B.J.D.U, no 2/2002, p.143 ; commentaire de la décision v. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2002,
p.263.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
232/480
seul but de la contester, et ainsi d’exercer un chantage pour monnayer leur
désistement693
.
L’intérêt à agir des associations a, au début des années 2000, concentré le débat de la
sécurisation des permis de construire contre des recours abusifs. En particulier, la
question se posait de savoir s’il suffisait de créer une association de défense pour
pouvoir former un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une
autorisation d’urbanisme. Il semblait, en effet, qu’un certain nombre d’associations
se constituaient spécifiquement, à la suite d’un affichage d’une demande de
construire, dans le but de former des recours malveillants à l’encore des autorisations
d’urbanisme. La loi du 13 juillet 2006 portant Engagement national pour le logement
(ENL) a donc introduit dans le Code de l’urbanisme une disposition encadrant
l’intérêt à agir des associations. Applicable depuis le 17 juillet 2006, le dispositif
codifié à l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme, prévoit qu’une association
n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des
sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu
antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Saisi d’une
question prioritaire de constitutionnalité sur la validité du dispositif, le Conseil
constitutionnel a validé le dispositif694
. Il a plus précisément jugé que la loi dont le
but est de « limiter le risque d’insécurité » ne portait pas « d’atteinte substantielle au
droit des associations d’exercer des recours ». En d’autres termes, comme le souligne
Frédéric ROUVILLOIS, l’objectif d’intérêt général, ici, la sécurisation des permis de
construire des titulaires, peut justifier une « atteinte limitée695
» aux droits des
associations, ici, le droit à exercer des recours. Ainsi, l’article L. 600-1-1 définit
l’intérêt à agir ratione temporis des associations. Mais, c’est la jurisprudence qui
définit l’intérêt à agir ratione materiae696
. En outre, s’agissant des associations
agréées, sous l’empire de loi du 13 juillet 2006, l’agrément devait être délivré avant
l’autorisation d’urbanisme litigieuse697
. Mais l’ordonnance du 18 juillet 2013 a, sur
ce point, précisé que l’association agréée qui forme un recours en annulation contre
693 Préc. concl. VIALETTES (M.), sur CE, 6
e et 5
e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de
Marseille, no 354026, inédit, BJDU, n
o 5/2013, p. 376.
694 Préc. Cons. const., 17 juin 2011, n
o 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ;
note LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,
p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.
695 ROUVILLOIS (F.), Libertés Fondamentales, Champs Université, Flammarion, Paris, 2012, 405 p.
696 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 631, n
o 2095.
697 Code de l’environnement, art. L. 142-1, al. 2.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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une autorisation d’urbanisme est présumée agir dans les limites de la défense de ses
seuls intérêts légitimes698
. Sur ce point, et par opposition aux réformes précédentes,
la réforme de 2013 marque une garantie pour les associations.
b. Un nouvel intérêt à agir dans l’espace et dans le
temps
La réforme introduite par l’ordonnance du 18 juillet 2013 poursuit l’objectif de
réguler l’accès au prétoire. Le terme « réguler » renvoie à la fois à l’idée d’assurer un
fonctionnement correct mais également à l’idée de régler et de corriger un
dysfonctionnement. Ainsi, le Larousse définit la « régulation » comme l’action de
régler un appareil, d’en corriger le fonctionnement, et comme le fait d’assurer un
fonctionnement correct, à un rythme régulier. Dès lors, la réforme doit permettre de
corriger les dysfonctionnements de l’accès au prétoire pour endiguer la prolifération
des recours abusifs. Et la clé de cet ajustement n’est autre que l’intérêt à agir699
.
L’avenir seul dira si cet ajustement au niveau de l’intérêt à agir sera effectivement le
« point d’appui pour donner plus de hardiesse aux juridictions dans le sens d’une
restriction de l’intérêt à agir700
».
En effet, la note de présentation701
indique en substance que pour limiter les recours
abusifs contre les autorisations d’urbanisme qui « engorgent » les prétoires, l’intérêt
à agir des personnes physiques ou morales, autres que les associations, a été précisé.
Plus précisément, leur intérêt à agir est désormais défini dans le temps et dans
l’espace. Dans l’espace, cet intérêt à agir s’apprécie au regard du préjudice subi par
le requérant au niveau des conditions d’occupation ou d’utilisation de son propre
bien702
. Dans le temps, cet intérêt à agir s’apprécie au regard de la situation du
requérant à partir de la date d’affichage en mairie de la demande de permis de
construire703
. Cet intérêt à agir ratione temporis s’inscrit, comme le souligne Fabrice
698 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al. 2.
699 V. en ce sens préc. TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt
à agir, AJDA, 2013, p. 1901. 700
Ibid. 701
Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 2. 702
Code de l’urbanisme, L. 600-1-2. 703
Code de l’urbanisme, L. 600-1-3.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
234/480
MELLERAY704
, dans la même logique que celle initiée pour les associations par la
loi du 13 juillet 2006.
Par ailleurs, sur ce point, le Conseil d’État a d’ores et déjà jugé que les nouvelles
dispositions codifiées aux articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code l’urbanisme
« affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre
une décision administrative », dès lors « elles sont, en l’absence de dispositions
contraires expresses, applicables aux recours formés contre les décisions intervenues
après leur entrée en vigueur705
». Au surplus, il se déduit de cet avis, que la nouvelle
définition, plus abstraite de l’intérêt à agir des tiers, est, il faut le dire, une atteinte au
droit au recours dans une certaine mesure. Et là encore, seul l’avenir dira si cette
atteinte a atteint le but de sécurisation des permis de construire souhaité.
Enfin, ayant fait l’objet d’une réforme encore relativement récente706
et parce que les
recours abusifs sont, aux dires des praticiens707
, le fait de particuliers ou de groupes
isolés, la nouvelle définition de l’intérêt à agir n’a pas d’effet négatif sur l’intérêt à
agir des associations708
. L’intérêt à agir de ces dernières a déjà fait l’objet d’un
encadrement spécifique. En effet, la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant
engagement national pour le logement a introduit dans le Code de l’urbanisme
l’article L. 600-1-1 selon lequel une association n’est recevable à agir contre une
décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts
de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de
la demande du pétitionnaire. Cet encadrement de l’intérêt à agir ratione temporis a
été validé par le Conseil constitutionnel709
. Toutefois, l’ordonnance du 18 juillet
2013 est venu préciser que l’association agrée, lorsqu’elle est l’auteur d’un recours
704 Préc. MELLERAY (F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif,
AJDA, 2014, p. 1530. 705
CE, avis, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, no 376113, AJDA, 2014, p. 1292 ; Dalloz, 2014, p. 137.
706 Loi du 13 juillet 2006 portant Engagement national pour le logement (ENL).
707 Cf. la conviction forgée par les auteurs du rapport LABETOULLE à l’issue des auditions réalisées,
ou encore les publications FFB 708
Exception faite de la précision de l’alinéa 2 de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme qui
dispose que lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection
de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement est l’auteur du recours,
elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes (à l’exclusion, donc, de
tous autres intérêts). 709
Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note
LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,
p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
235/480
contre une décision d’urbanisme, est « présumée agir dans les limites de la défense
de ses intérêts légitimes710
».
2) Accélérer le traitement des contentieux
La réforme témoigne également de la volonté de ses auteurs d’accélérer le traitement
des contentieux. En effet, là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme, tout
en luttant contre les recours abusifs, doit permettre de « fluidifier », c’est-à-dire
d’accélérer les procédures contentieuses. Pour ce faire, la possibilité de régulariser
des autorisations d’urbanisme en cours d’instance est codifiée (a.) et dans un second
temps, le mécanisme de cristallisation des moyens est introduit dans la procédure
contentieuse de l’urbanisme (b.).
a. L’introduction d’une procédure de régularisation
L’ordonnance du 18 juillet 2013 introduit une procédure de régularisation en cours
d’instance. Le régime de cette nouvelle procédure est régi par la combinaison des
articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.
La note de présentation de la réforme indique en substance qu’avant la réforme,
l’annulation d’un permis pour un « vice même mineur711
» contraignait son titulaire à
« repartir à zéro712
» dans la procédure d’instruction administrative, à déposer un
nouveau dossier et à obtenir une nouvelle autorisation. Cette mesure comme les
autres est inspirée d’une des propositions du rapport LABETOULLE. Dès le 3 mai
2013, la FFB salue, dans son communiqué de presse, une réforme pragmatique
élaborée pour remédier aux procédures de plus en plus longues qui affectent les
programmes de construction. Rappelons que la FFB représente cinquante-sept mille
adhérents dont quarante-deux mille entreprises de taille artisanale, soit deux tiers (⅔)
de la production annuelle du bâtiment et deux tiers (⅔) des salariés du bâtiment. Elle
note « avec satisfaction le pragmatisme d’un texte qui répond à de nombreuses
attentes des professionnels du Bâtiment » à savoir accélérer la construction de
710 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al. 2.
711 Ibid.
712 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
236/480
logements et de réduire les délais de traitement des litiges dans le domaine de
l’urbanisme713
.
La régularisation en cours d’instance s’inscrit dans l’évolution de l’appréhension des
autorisations d’urbanisme. Longtemps considérées comme indivisibles, les
autorisations d’urbanisme ont progressivement été considérées comme divisibles.
L’admission de ce caractère de divisibilité a ainsi permis au juge administratif de
prononcer des annulations partielles. En effet, une jurisprudence constante et
relativement ancienne avait un temps considéré que les autorisations d’urbanisme
étaient des actes indivisibles. Cette jurisprudence avait pour conséquence de rendre
irrecevables les conclusions tendant à l’annulation partielle d’une autorisation
d’urbanisme dont les dispositions formaient un tout indivisible et ce quels que
fussent les moyens invoqués contre la décision attaquée714
.
La loi no 85-729 du 18 juillet 1985 a introduit dans le Code de l’urbanisme un article
L. 332-7 précisant que « l’illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des
contributions aux dépenses d’équipements publics est sans effet sur la légalité des
autres dispositions de l’autorisation de construire715
». Dès lors, le contentieux des
participations d’urbanisme doit être distingué du contentieux de la légalité des
autorisations d’urbanisme qui en constituent l’assiette716
. De plus, la divisibilité a
aussi été admise lorsque des éléments d’un projet de construction ou d’aménagement
à vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, « en raison de leur ampleur et de
la complexité du projet », l’objet d’autorisations d’urbanisme distinctes717
. Ce
caractère de divisibilité admis dans un cadre jurisprudentiel a permis au législateur,
inspiré du rapport PELLETIER, d’introduire par la loi ENL du 13 juillet 2006 au
Code de l’urbanisme un article L. 600-5 consacrant légalement la possibilité pour le
juge de prononcer des annulations partielles. En effet, l’article L. 600-5 dispose en
substance que lorsque le juge constate que seule une partie d’un projet de
713 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 1. 714
CE, 8 janv. 1988, M. MAZAR, no 73051, inédit ; CE, 12 oct. 1979, Min. Environnement
c/POIDEVIN, no 12957, Rec. Lebon, T., p. 929 ; AJDA, 1980, p. 252.
715 V. également sur ce point : DURAND (P.), L’annulation partielle des autorisations d’urbanisme,
cinq années d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme », AJDA, 2012, p. 129. 716
VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 648, n
o 2121.
717 CE, 1
er mars 2013, FRITOT, n
o 350306, D. actu., 6 mars 2013, obs. GRAND (R.) ; AJDA, 2013,
p. 495 ; obs. SOLER-COUTEAUX, RDI, 2013, p. 226, concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2013,
p. 221.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
237/480
construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est
illégale, il peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.
Toutefois, l’annulation même partielle s’avère être une sanction parfois trop radicale.
Comme le souligne la note de présentation de la réforme, un « vice même
mineur718
» contraignait son titulaire à « repartir à zéro719
». Aussi, depuis
l’ordonnance du 18 juillet 2013, les juridictions administratives peuvent autoriser la
régularisation d’un permis de construire en cours d’instance dès lors que le vice peut
être couvert par un permis modificatif. Cette mesure vise à « gagner du temps de
procédure administrative, sans restreindre les droits des requérants720
».
Le régime de la mise en œuvre concrète de cette procédure de régulation est analysé
plus en détail dans le chapitre suivant, sous l’angle de l’avènement d’un nouvel
équilibre entre le droit au recours et le droit à la sécurité juridique.
b. Les autres outils réglementaires de l’accélération
Le décret no 2013-879 du 1
er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme
introduit deux mesures visant précisément la réduction des délais de traitement721
. La
première vise « à contenir la durée d’instruction des dossiers », c’est le mécanisme
de la « cristallisation des moyens ». La seconde vise l’expérimentation de la
compétence de premier et de dernier ressort des tribunaux administratifs, sur une
durée de cinq ans, à compter du 1er
décembre 2013, et dans la trentaine
d’agglomérations de plus de cinquante mille habitants soumises à la taxe
d’« inhabitation », c’est-à-dire à la taxe sur les logements vacants, soit en d’autres
termes sur les zones tendues où les besoins de création de logements sont les plus
importants.
En dépit des différences avec la proposition formulée par le rapport
LABETOULLE722
, cette expérimentation s’inspire tout de même largement, comme
718 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 1. 719
Ibid. p.4. 720
Ibid. 721
Ibid. 722
Ainsi que nous l’avons précédemment souligné, le rapport LABETOULLE avait frileusement
assorti cette proposition de réserve et notamment de la nécessité de réaliser une étude complémentaire
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
238/480
les autres éléments de la réforme, du rapport LABETOULLE. Soulignons encore que
dans le cadre de cette expérimentation, la voie de l’appel est désormais fermée pour
des jugements statuant sur les permis de construire, même si le recours en cassation
auprès du Conseil d’État demeure possible.
L’acteur phare dont dépend finalement la sécurisation des autorisations d’urbanisme
ainsi que l’accélération du traitement des procédures contentieuses est le juge
administratif. Ce dernier bénéficie de ce mouvement de « rationalisation du
contentieux de l’urbanisme723
» et se voit doté de nouvelles prérogatives. Mais ne
nous leurrons pas. Derrière ces aspects juridiques, il s’agit essentiellement de
relancer l’économie de la construction724
, mais encore faut-il que l’offre suive725
.
Le régime de la mise en œuvre concrète du mécanisme de cristallisation des moyens
est analysé plus en détail dans le chapitre suivant, sous l’angle de l’avènement d’un
nouvel équilibre entre le droit au recours et le droit à la sécurité juridique.
B. Moraliser les procédures contentieuses
La réforme des procédures contentieuses en matière d’urbanisme entend lutter contre
les recours abusifs en moralisant la procédure. À ce titre, elle introduit un régime
procédural innovant (1.) qui mérite, toutefois d’être nuancé (2.).
sur le sujet et circonscrivait la mesure à un critère de surface (1 500 m²). Ni l’étude complémentaire ni
le critère de surface n’ont été retenus par les auteurs de la réforme. 723
VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 655, n
o 2131.
724 V. BRONDEL (S.), Des ordonnances annoncées pour relancer la construction de logements,
AJDA, 2013, p. 656 ; JEGOUZO (Y.) et LEBRETON (J.-P.), Le droit de l’urbanisme au défi de
l’accélération de la construction ?, AJDA, 2013, p. 2487 ; GRAND (R.), Les annonces du
Gouvernement pour relancer la construction de logements, Dalloz actu., 5 sept. 2014. 725
TIBERGHIEN (F.), Voter des lois à un rythme accéléré relève d’un geste désespérant si l’offre ne
suit pas, AJDA, 2009, p. 1299.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
239/480
1) Des mécanismes innovants
La réforme du contentieux de l’urbanisme reflète aussi la volonté de moraliser les
comportements. En effet, là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme, tout
en luttant contre les recours abusifs, doit aussi provoquer le changement de
comportement des acteurs à moyen terme726
. La réforme entend ainsi responsabiliser
les requérants et indiquer que l’abus préjudiciable au bénéficiaire de l’autorisation
d’urbanisme attaquée doit pouvoir être réparé à hauteur du préjudice causé. Et c’est
le juge administratif qui apprécie cette indemnisation (a.). La réforme entend
également moraliser, par la transparence, les transactions amiables qui mettent fin
aux instances. Et les gardiens de cette transparence sont les centres des impôts directs
(b.).
a. Le juge administratif, juge du prix de l’abus
Les conséquences pécuniaires des recours abusifs obligent les bénéficiaires
professionnels des autorisations d’urbanisme, essentiellement les promoteurs, à
provisionner dans leur bilan comptable la charge financière ou le risque financier lié
aux délais des procédures contentieuses. Lesquelles peuvent durer de quinze mois à
quatre ans727
. De la même manière, ils provisionnent comptablement la charge
financière ou le risque financier lié à l’aléa judiciaire. Cette estimation peut, parfois
être chiffrée à proportion du coût estimé que représenterait une éventuelle solution
amiable. Dès lors, il est apparu nécessaire de moraliser le contentieux de l’urbanisme
« parfois pollué par des recours [entrepris] par des requérants qui, bénéficiant du
libéralisme caractérisant le contentieux de l’excès de pouvoir, instrumentalisant le
juge administratif, bloquent une opération immobilière et négocient avec son
promoteur un désistement, en contrepartie d’une somme d’argent déconnectée de
l’étendue du préjudice éventuellement subi728
».
726 LABETOULLE (D.), Contentieux de l’urbanisme : « il faut modifier le comportement des
acteurs », AJDA, 2013, p. 1188. 727
Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013
relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement
des contentieux, p. 2. 728
JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits sans
fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
240/480
L’ordonnance du 18 juillet 2013 a introduit dans le Code de l’urbanisme la
possibilité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme de demander de manière
reconventionnelle l’allocation de dommages-intérêts au juge administratif. En effet,
en vertu des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, le bénéficiaire
du permis attaqué peut demander, par mémoire distinct mais bien dans la même
instance, et donc au juge administratif saisi du recours, de condamner l’auteur du
recours à lui allouer des dommages-intérêts. Cette possibilité suppose la réunion
cumulative de deux éléments. D’une part, le droit de former un recours pour excès de
pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager doit avoir été mis
en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du
requérant. D’autre part, les conditions de cette mise en œuvre doivent avoir causé un
préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Par ailleurs, la demande peut être
présentée pour la première fois en appel729
.
Là encore, l’acteur phare, dont dépend manifestement le succès de la sécurisation des
autorisations d’urbanisme, est le juge administratif. Cette nouvelle prérogative rompt
avec le caractère objectif du contrôle de la légalité qui est l’essence de la mission du
juge dans les procédures pour excès de pouvoir730
. Compte tenu de cette rupture au
profit d’une subjectivisation du contrôle de légalité, la question a été posée de savoir
si cette nouvelle prérogative ne dépossède pas le juge judiciaire. A priori, tel n’est
pas le cas, puisque le juge judiciaire demeure compétent pour connaître une action en
responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour un
préjudice causé par un recours abusif731
.
Pourtant, la question mérite une attention particulière. En effet, la subjectivisation
progressive du droit administratif conduit à se demander s’il existe encore une
distinction entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux.
Évidemment, le sujet n’est pas nouveau, puisque, déjà, dans sa note sous l’arrêt
BOUSSUGE du 29 novembre 1912, Maurice HAURIOU écrivait732
au sujet du
recours pour excès de pouvoir : « Nous l’admirons encore de confiance, mais il est
729 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al.1
er.
730 En effet, comme l’explique Fabrice MELLEREY, classiquement, en matière de recours pour excès
de pouvoir, « le recours vise avant tout à assurer la bonne administration et ne satisfait les intérêts
personnels du requérant qu’éventuellement par ricochet, accessoirement » in MELLERAY (F.), Essai
sur la structure du contentieux administratif français, LGDJ, Paris, 2001, 466 p., p. 386. 731
Préc. JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits
sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation. 732
Certes finalement de manière prématurée puisque les recours pour excès de pouvoir n’ont pas
encore tari… peut-être en partie grâce aux recours abusifs.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
241/480
comme cette étoile temporaire des Gémeaux, que nous voyons dans le ciel, et dont
l’exaltation lumineuse a peut-être disparu depuis déjà des centaines d’années,
tellement elle est loin de nous. Nous l’admirons encore, et il n’est déjà plus ou, du
moins, il n’est plus qu’une pièce de musée, un objet d’art délicat, une merveille de
l’archéologie juridique733
. » La métamorphose de « la plus merveilleuse création des
juristes734
», la métamorphose du recours pour excès de pouvoir en recours de plein
contentieux est en marche. Mais la procédure pour excès de pouvoir n’est pas pour
autant moribonde735
. René CHAPUS privilégie plutôt l’idée d’une lune
« éclipsée736
» en réponse à la métaphore filée de Maurice HAURIOU.
b. Les services fiscaux, gardiens de la transparence
des transactions
L’ordonnance du 18 juillet 2013 a introduit dans le Code de l’urbanisme un nouvel
article L. 600-8 qui impose une formalité ad validitatem aux transactions. Cette
formalité passe par la voie de l’enregistrement. Plus précisément, désormais, toute
transaction par laquelle un tiers ayant demandé au juge administratif l’annulation
d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce
recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un
avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du Code
général des impôts. Le Code de l’urbanisme prévoit, en outre, que la contrepartie
convenue dans une transaction non enregistrée est réputée sans cause. Il en résulte
que les sommes versées dans ce cadre sont sujettes à répétition. Cette action en
733 CE, 29 nov. 1912, BOUSSUGE, n
o 45893, Rec. Lebon, p. 1128 ; concl. BLUM, S., 1914, III.,
p. 33, note HAURIOU (M.) ; GAJA 19e éd., n
o 26 ; Drt. Publ., 1916, III., p. 49 ; LIEBER (S.-J.) et
BOTTEGHI (D.), L’étoile du recours pour excès de pouvoir pâlirait-elle encore ?, AJDA, 2009,
p. 583. 734
Expression empruntée à Gaston JEZE qui décrit le recours pour excès de pouvoir comme « la plus
merveilleuse création des juristes » in Rap. à l’Institut international de droit public, Annuaire, 1929,
p. 180. 735
V. sur ce sujet, BAILLEUL (D.), L’efficacité comparée des recours pour excès de pouvoir et de
plein contentieux objectif en droit public français, LGDJ, Publication Univ Rouen Havre, 2002, 428 p.
et v. également WOEHRLING (J.-M.), Vers la fin du recours pour excès de pouvoir, in Mélanges
BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 777. 736
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 247, n
o 268.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
242/480
répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention
de l’avantage en nature737
.
La nouvelle disposition du Code de l’urbanisme renvoie à l’article 635 du Code
général des impôts. Cet article est un article catalogue relatif à l’obligation
d’enregistrement, dans le délai d’un mois à compter de leur date, d’un certain
nombre d’actes publics et sous-seing privés. Cet article, modifié par l’ordonnance du
18 juillet 2013, prévoit ainsi l’enregistrement des transactions prévoyant, en
contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en
nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de
construire, de démolir ou d’aménager738
.
Il faut encore combiner ces dispositions à l’article 680 du Code général des impôts,
également modifié par l’ordonnance du 18 juillet 2013. Cet article 680 prévoit que
tous les actes qui ne se trouvent ni exonérés, ni tarifés par un aucun autre article du
présent code et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou
progressive sont soumis à une imposition fixe de 125 euros. Toutefois, l’ordonnance
du 18 juillet 2013 a précisé que les transactions sont exonérées de ce droit fixe739
. En
pratique, désormais, les transactions conclues dans ce cadre doivent être enregistrées
indistinctement740
au service des enregistrements du centre des impôts. La plus
diligente des parties doit s’y rendre avec un exemplaire original de la transaction
conclue741
pour la faire enregistrer dans le délai d’un mois à compter de la
signature742
.
Le service des impôts est ainsi érigé en gardien de la transparence des transactions. Il
est ainsi, indirectement, appelé à participer au processus de lutte contre les recours
abusifs et à limiter les chantages de requérants malveillants. Il doit à cet effet jouer
un rôle qui se veut dissuasif. Par ailleurs, comme le relève Isabelle SAVARIT-
BOURGEOIS, l’introduction de ce mécanisme de combinaison du nouvel article du
Code de l’urbanisme aux dispositions du Code général des impôts doit permettre
737 Code de l’urbanisme, art. L. 600-8.
738 Code général des impôts, art. 635, 9
o.
739 Code général des impôts, art. 680, al. 2.
740 Code général des impôts, art. 654 : « Les actes sous signature privée autres que ceux visés à
l’article 652 et les actes passés en pays étrangers peuvent être enregistrés dans tous les services des
impôts indistinctement. » 741
Code général des impôts, art. 658, I. 742
Code général des impôts, art. 635, 1.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
243/480
d’« espérer une moralisation des rapports entre les constructeurs et les
requérants743
».
Soumettre les transactions à la formalité de l’enregistrement est une innovation en ce
que cela n’existait pas auparavant en matière de contentieux de l’urbanisme.
Cependant, c’est une innovation limitée. En effet, la formalité de l’enregistrement en
elle-même est d’essence féodale. Ainsi, Jean-Baptiste SIMONET définit
l’enregistrement comme l’inscription d’actes et de certains faits juridiques sur des
registres spécifiques. La nature de l’enregistrement est double. Il est à la fois un
impôt dans l’intérêt de l’État et un service public au bénéfice des parties.
Par ailleurs, il donne date certaine à l’égard des tiers aux actes sous seings privés.
Enfin, s’il n’est pas une condition de l’authenticité des actes authentiques et des
jugements, leur mention au registre constitue une présomption grave de leur
existence et de la certitude de leur date744
. Si l’encadrement des transactions est une
recommandation du rapport LABETOULLE, en revanche, cette modification du
Code général des impôts ne l’est pas.
2) Éléments de tempérance
Le caractère innovant des mécanismes de moralisation introduits par la réforme des
procédures contentieuses en matière d’urbanisme doit être nuancé.
D’une part, l’introduction de l’article L. 600-7 dans le Code de l’urbanisme écarte la
jurisprudence selon laquelle « en raison de la nature particulière du recours en excès
de pouvoir745
» des conclusions reconventionnelles ne sont pas recevables dans cette
branche du contentieux. Le mécanisme innovant réside dans l’extension des
prérogatives du juge administratif qui est désormais compétent pour interpréter les
conditions d’allocation de dommages-intérêts746
. Mais la logique d’indemnisation du
bénéficiaire du permis attaqué devant le juge administratif saisi d’une demande
743 SAVARIT-BOURGEOIS (I.), L’essentiel du droit de l’urbanisme 2014-2015, Les Carrés, Gualino
éditeur, Paris, 2014, 180 p., p. 24. 744
SIMONET (J.-B.), Traité élémentaire de droit public et administratif, F. Pichon, Paris, 1902, 965
p., p. 848. 745
Préc. CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, no 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN
(J.), D., 1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 746
LABETOULLE (D.), Une nouvelle réforme du droit du contentieux de l’urbanisme, RDI, 2013,
p. 508.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
244/480
d’annulation de l’autorisation d’urbanisme s’articule autour du droit de la
responsabilité délictuelle. En d’autres termes, l’indemnisation suppose, comme en
matière civile, l’existence d’une faute747
, d’un préjudice et d’un lien de causalité
entre les deux748
. D’ailleurs, l’article vise une faute constituée par la formation d’un
recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou
d’aménager dans « des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du
requérant ». En outre, le texte semble ici admettre que tout contentieux induit, par
essence, un minimum de préjudice tolérable, c’est-à-dire de préjudice non
indemnisable. En effet, ici, bien que calquée sur la responsabilité délictuelle, le
nouvel article ne prévoit l’indemnisation que du « préjudice excessif » subi par le
bénéficiaire du permis litigieux. Cette précision risque sans doute de limiter la portée
de la nouvelle disposition. Et l’avenir seul, via la pratique jurisprudentielle, viendra
préciser la notion de « préjudice excessif », hélas, encore trop abstraite à ce jour et
donc « contentiogène ». Or, nous l’avons déjà évoqué, les premières décisions
donnent les signes d’une lecture restrictive des nouveaux critères749
. Nous
consacrons un développement particulier à cette lecture jurisprudentielle dans le
chapitre suivant, consacré à l’étude du nouvel équilibre mis en place par le
législateur et l’accueil jurisprudentiel qui lui est fait.
En outre, si l’ordonnance prévoit l’action en répétition de l’indu comme sanction des
transactions non enregistrées, elle ne dit rien, en revanche, des transactions conclues
pour des montants injustifiés mais « blanchies » par un enregistrement en bonne et
due forme. Comme le souligne Carol GALIVEL, il est regrettable que l’ordonnance
n’ait pas assorti ce mécanisme d’un contrôle des dérives des transactions qui
demeurent possibles, en dépit de l’enregistrement750
.
747 Contrairement, rappelons-le, à ce que pouvait laisser croire à tort l’expression « préjudice
anormal » laquelle expression renvoie classiquement, en droit administratif, au régime de la
responsabilité sans faute. 748
GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de
construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,
p. 63. 749
Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars
2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,
Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application
restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,
RDI, 2014, p. 588. 750
GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de
construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,
p. 66.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
245/480
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que la
réforme du contentieux de l’urbanisme vise expressément la lutte contre les recours
abusifs et la sécurisation des permis de construire. Éclairée et pragmatique, la
réforme a été largement inspirée du remarquable travail du groupe de travail présidé
par Daniel LABETOULLE. Pour lutter contre les recours abusifs et sécuriser les
autorisations d’urbanisme, la réforme entend rationaliser et moraliser le contentieux
de l’urbanisme. Pour sa mise en œuvre, la réforme a, en outre, introduit des
dispositions novatrices mais aussi, hélas, relativement abstraites. Toutefois, malgré
des éléments d’une qualité certaine, la réforme du contentieux de l’urbanisme laisse
sans réponse un certain nombre d’interrogations juridiques.
SECTION 2 : Des interrogations juridiques subsistantes
Malgré les consultations en amont et les auditions faites de professionnels751
, les
récentes mesures réglementaires accentuent le caractère « incantatoire752
» du droit
de l’urbanisme et en l’occurrence de ses procédures contentieuses. D’une manière
générale, en dépit du pragmatisme de la réforme, des interrogations juridiques
subsistent. Ainsi, il convient de s’interroger, d’une part, sur l’articulation dans le
temps de la réforme (I.) et, d’autre part, sur la portée de l’extension des pouvoirs du
juge administratif (II.).
751 Cf. Le Rapport LABETOULLE et l’ensemble des travaux préparatoires.
752 SAVARIT BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, Mélanges
J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007,
1122 p., p. 939.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
246/480
I. L’articulation dans le temps de la réforme
La réforme du contentieux de l’urbanisme est encore récente. Et sa fraîcheur laisse
en suspens ou à tout le moins sans réponses un certain nombre de points juridiques
qu’il convient de présenter (A.). Des éléments de réponse ont d’ores et déjà pu être
apportés par le Conseil d’État qui éclaire sur l’articulation de la réforme dans le
temps (B.).
A. Présentation des points d’interrogation
Ce sont les conditions d’applications dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 qui ont le plus mobilisé la doctrine753
. En effet, sur
ce point l’ordonnance ne donnant que peu de précisions techniques, elle a laissé le
soin aux juridictions de circonscrire les modalités de la mise en œuvre de ces
nouvelles procédures contentieuses spéciales. Comme l’écrit avec justesse, Jean-
Christophe LE COUSTUMER, l’ordonnance du 18 juillet 2013 et le décret du
1er
octobre 2013 ont « apporté des changements dont il est, pour certains, difficile
753 Parmi de nombreux articles, v. en particulier les excellentes conclusions du rapporteur public,
Xavier de LESQUEN, sur les affaires SCI MOUNOU (CE, avis, 6e et 1
re SSR, 18 juin 2014,
no 376113) et Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo (CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014,
no 376760), Rec. Lebon, concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le
temps des dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de
l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317, suivies
d’observations anonymes ; GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du
18 juillet 2013, Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n
o 113 ; EVEILLARD (G.), L’application dans le
temps des dispositions nouvelles du Code de l’urbanisme, Semaine Juridique Éd. Gén., no 38, 15 sept.
2014, p. 950 ; v. également TESSIER (V.), Recours abusifs, appliquer les nouvelles procédures
contentieuses, La Gazette, 14 juill. 2014, p. 44 ; v. aussi concl. VIALETTES (M.), Comment
apprécier l’intérêt à agir contre un permis de construire, BJDU, 5/2013, p. 376, sur l’arrêt CE, 1re
et 6e
SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de Marseille, no 354026 ; TA, Toulon, 19 déc. 2013,
no 1300797, concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la réforme du contentieux de
l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
247/480
d’évaluer aujourd’hui totalement la portée754
». Ce sont les articles L. 600-1-2 relatif
à l’intérêt à agir et L. 600-1-3 relatif à la date d’appréciation de cet intérêt qui ont le
plus suscité des interrogations755
.
En vertu des dispositions de son article 5, l’ordonnance du 18 juillet 2013 est entrée
en vigueur un mois après sa publication au Journal officiel. Cette entrée en vigueur
est intervenue le 19 juillet 2013. Par conséquent, les dispositions de l’ordonnance
sont en vigueur, en principe, depuis le 19 août 2013. Ainsi que le rappelle756
Xavier
de LESQUEN, en principe, sauf dispositions transitoires contraires, la nouvelle
ordonnance est d’application immédiate757
et s’impose aux situations en cours. Le
même principe s’applique au règlement. Il est, en effet, de jurisprudence constante
que nul n’a de droit acquis au maintien d’une disposition réglementaire758
.
Sur ce point, deux régimes doivent être distingués s’agissant de la mise en œuvre de
la règle nouvelle.
Le premier régime s’applique aux dispositions d’organisation des formes de recours
et de leur introduction. Ces dispositions n’entrent en conflit avec aucune situation
définitivement constituée ni n’affectent aucun droit acquis759
.
Le second régime s’applique aux dispositions qui « affectent la substance du droit au
recours des parties et sont susceptibles de porter atteinte à leurs droits acquis760
».
Les nouvelles dispositions qui entrent dans le champ de ce régime ne sont
754 LE COUSTUMER (J.-C.), Les documents de planification à l’épreuve du contentieux, La
recherche d’un juste équilibre entre sécurité juridique et droit au recours, in Quel Droit pour un
urbanisme durable ?, direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 45. 755
V. CAA, Marseille, 3 oct. 2013, no 11MA04815, concl. REVERT (M.), AJDA, 2013, p. 2392 ; TA
Toulon, 19 déc. 2013, no 1300797, concl. GAUTRON (A.), AJDA, 2014, p. 300.
756 Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des
dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel
est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 757
Cons. const., 29 déc. 2005, no 2005-530 DC, Les Cah. du Cons. const., n
o 20, p. 8 ; Cons. const.,
24 mai 2013, no 2013-317 QPC, Syndicat français de l’industrie cimentière et a., TREBULLE (F.-G.),
Droit de l’environnement, Dalloz, 2014, p. 104 ; CE, Sect., 19 déc. 1980, Mme REVILLOD et a.,
no 12387, Rec. Lebon, p. 479, concl. GENEVOIS (B.).
758 CE, 2
e et 6
e SSR, 10 mars 1995, Association des pilotes professionnels français, n
o 117094, Rec.
Lebon, T., p. 645, note GEFFRAY (E.), L’application aux contrats en cours de dispositions nouvelles
sur la durée des contrats, RFDA, 2009, p. 449 ; DELVOLVE (P.), Retrait et obligation : le cas des
actes à objet pécuniaire et des actes obtenus par fraude, RFDA, 2003, p. 240. 759
Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des
dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel
est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 760
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
248/480
applicables qu’aux recours formés postérieurement à leur entrée en vigueur. Relèvent
de ce second régime les dispositions relatives à l’appréciation de la qualité pour agir
des requérants761
, les dispositions relatives à l’ouverture d’une nouvelle voie de
recours762
, ou d’une suppression d’une voie de recours763
, ainsi que les dispositions
relatives au délai de recours contre une décision juridictionnelle764
.
L’ordonnance du 18 juillet 2013 ne comportant aucune disposition particulière, ces
principes s’appliquent. Mais loin de faciliter la mise en œuvre des nouveaux articles,
l’absence de disposition particulière transitoire définissant les modalités de leur
application dans le temps, rend leur mise en œuvre plus délicate encore765
.
Rapidement après l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance, le tribunal
administratif de Pau766
et la cour administrative d’appel de Nantes767
demandent
l’avis du Conseil d’État sur l’application dans le temps des dispositions de
l’ordonnance ainsi que sur la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1 du Code de
l’urbanisme768
.
761 CE, 11 juill. 2008, Association des amis des paysages bourganiauds, n
o 313386, Rec. Lebon, T.,
p. 845, AJDA, 2008, p. 1413, concl. COURREGES (A.), Application dans le temps de la limitation
des recours des associations, ibid., p. 2025, SOLER-COUTEAUX (P.), L’article L. 600-1-1
s’applique aux recours introduits contre les décisions intervenues postérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi ENL, RDI, 2008, p. 461. 762
CE, Sect., 10 févr. 1995, M. Albert RIEHL et Cne de Coudekerque-Branche, no 129168 et 147378,
Rec. Lebon, p. 66 et 67, AJDA, 1995, p. 370, chron. TOUVET (L.) et STAHL (J.-H.), LPA, 12 juill.
1995, p. 33, note VERDIER, RFDA, 1995, p. 343, concl. SAVOIE (H). 763
CE, 11 juin 2003, M. et Mme HALIMI Veuve GUEREL, no 246456, Rec. Lebon, T., AJDA, 2003,
p. 1677. 764
CE, Sect., 13 nov. 1959, Secrétaire d’État à la Reconstruction et au logement c. Sieur BACQUE,
nos
38805 et 39949 bis, Rec. Lebon, p. 593, et CE, 27 mars 2000, Mme LEROY, no 196836, Rec.
Lebon, p. 139, R.D.A, 6/2000, no 143, R.J.F. 5/2000, n
o 676 ; rappr. CE 7 juin 2010, MAHIEU,
no 322555, Rec. Lebon. T.
765 Préc. EVEILLARD (G.), L’application dans le temps des dispositions nouvelles du Code de
l’urbanisme, JCP Semaine Juridique Ed. Gén., no 38, 15 sept. 2014, p. 950.
766 Sous le n
o 376113.
767 Sous le n
o 376760.
768 V. préc. CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
249/480
B. Éléments de réponse apportés par le Conseil d’État
S’agissant de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme relatif à l’intérêt à agir et
de l’article L. 600-1-3 du même Code relatif à la date d’appréciation de l’intérêt à
agir, le Conseil d’État estime que « s’agissant de dispositions nouvelles qui affectent
la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision
administrative, elles sont, en l’absence de dispositions contraires expresses,
applicables aux recours formés contre les décisions intervenues après leur entrée en
vigueur769
». Ainsi, s’agissant des nouveaux articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du
Code de l’urbanisme qui encadrent l’appréciation de l’intérêt pour agir contre les
autorisations d’urbanisme, le Conseil d’État considère, sans surprise, s’agissant de
dispositions qui affectent la substance même du droit au recours, que les nouveaux
articles ne sont applicables qu’aux recours formés postérieurement à l’entrée en
vigueur desdits articles.
Dans le même sens, s’agissant de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, relatif à
la régularisation en cours d’instance, et de l’article L. 600-7 du même code, relatif à
la possibilité pour le défendeur de présenter une demande d’indemnisation
reconventionnelle, le Conseil d’État estime que « ces nouvelles dispositions, qui
instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge
administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont en l’absence de
dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours,
quelle que soit la date à laquelle est intervenue la décision administrative contestée.
Elles peuvent être appliquées pour la première fois en appel770
. »
Ainsi, s’agissant, ici, des nouveaux articles L. 600-5 et L. 600-7 du Code de
l’urbanisme qui affectent seulement des règles de procédures contentieuses, le
Conseil d’État considère, là encore sans surprise, que les nouveaux articles sont
applicables aux procès en cours dès l’entrée en vigueur desdits articles.
Cependant, l’article L. 600-7 pouvait poser une difficulté. En effet, il ouvre au
défendeur, titulaire de l’autorisation d’urbanisme litigieux, une voie de demande
d’indemnisation reconventionnelle devant le juge administratif. Or, il eût été possible
769 Préc. CE, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, n
o 376113, v. not. AJDA, 2014, p. 1292.
770 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
250/480
que le Conseil d’État retînt une autre lecture et considérât que la nouvelle disposition
affectait le droit au recours771
.
Or, certaines décisions ont d’ailleurs initialement estimé que le nouvel article
affectait effectivement la substance du droit au recours et ne pouvait donc
s’appliquer qu’au recours postérieur à l’entrée en vigueur des nouvelles
dispositions772
. Cependant, comme le souligne le rapporteur public, Allan
GAUTRON, l’approche majoritaire est conforme à la position adoptée par le Conseil
d’État, dans les avis du 18 juin 2014. Ainsi, un certain nombre de décisions jugeant
immédiatement recevables les conclusions présentées sur le fondement de l’article
L. 600-7 du Code de l’urbanisme peuvent d’ores et déjà être recensées773
. Le tribunal
administratif de Dijon, a rendu un jugement particulièrement didactique sur ce point,
se référant explicitement au rapport LABETOULLE ainsi qu’aux travaux
préparatoires des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme où il juge
que :
Considérant qu’il résulte des travaux préparatoires des dispositions de
l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, qui reprennent l’une des
propositions faites par le rapport du groupe de travail « Construction et droit
au recours : pour un meilleur équilibre » créé par lettre du 11 février 2013
de la Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, qu’elles n’ont pas
eu pour objet d’affecter le droit de former un recours pour excès de pouvoir
contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ; qu’en admettant
même que la condamnation de l’auteur d’un tel recours, sur le fondement de
ces dispositions, puisse être regardée comme affectant ce droit et les voies
selon lesquelles il peut être exercé, d’une part, une telle condamnation
pouvait déjà être prononcée par les juridictions de l’ordre judiciaire avant
même l’entrée en vigueur de ces dispositions, d’autre part, lesdites
dispositions subordonnent la condamnation qu’elles envisagent aux
771 Préc. Obs. anonymes, BJDU, 4/2014, p. 317.
772 TA, Strasbourg, 15 oct. 2013, Époux RUDOLF, EARL RUDOLF, n
o 1003775, AJDA, 2013,
p. 2058 et M. NOBLAT, no 1005486 ; v. préc. concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la
réforme du contentieux de l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300. 773
V. à titre d’illustration les décisions suivantes : CAA Lyon, 1er
oct. 2013, Société Jean-Luc
SCATAMACCHIA, Cne de Beaune, no 12LY00735 ; TA Grenoble, 10 oct. 2013, SCI Genièvres,
no 1102108 ; TA Poitiers, 10 oct. 2013, Association aigrefeuillaise de défense du patrimoine
communal et de l’environnement et a., no 1001956 ; TA Lyon, 26 sept. 2013, M. DIATCHENKO
no 1105523 ; TA Montpellier, 16 oct. 2013, M. KUBIAK, n
o 1105372 ; TA Dijon, 10 oct. 2013,
M. FRITSCH, no 1201224.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
251/480
conditions cumulatives que la demande de condamnation ait été présentée
par un « mémoire distinct » et que le recours en cause ait été « mis en œuvre
dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du
requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis »,
enfin, il se déduit des travaux préparatoires des dispositions en cause que ces
conditions doivent être strictement respectées ; que, dans un tel contexte, les
dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme ne peuvent pas être
regardées comme ayant eu pour effet d’affecter de manière substantielle le
droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de
construire, de démolir ou d’aménager ainsi que les voies selon lesquelles ce
droit peut être exercé et, par suite, elles ne peuvent pas être regardées comme
ayant eu pour effet de porter atteinte aux droits acquis par les parties ; qu’il
suit de là, en l’absence de dispositions expresses contraires dans
l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013, que les dispositions de l’article
L. 600-7 du Code de l’urbanisme sont applicables aux situations en cours à
la date d’entrée en vigueur de ces dispositions774
.
Ainsi, si l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme crée une nouvelle voie de droit
devant le juge administratif, il n’y a pas techniquement de réelle atteinte au droit au
recours dans la mesure où un recours indemnitaire existait déjà devant le juge civil.
Le nouvel article doit donc être compris comme une mesure de facilitation de la
gestion des procédures contentieuses. Dès lors, il doit être analysé comme affectant,
non pas le droit au recours, mais uniquement les modalités des procédures
contentieuses.
II. La portée de l’extension des pouvoirs du juge administratif
Là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme étant encore très récente, cela
laisse en suspens un certain nombre d’interrogations relatives à la portée de
l’extension des pouvoirs du juge administratif. Il convient de présenter ces points
d’interrogation (A.) avant de tenter d’apporter des éléments de réponse (B.).
774 Préc. TA Dijon, 10 oct. 2013, M. FRITSCH, n
o 1201224.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
252/480
A. Présentation des points d’interrogation
L’ordonnance du 18 juillet 2014 a introduit de nouvelles prérogatives à l’office du
juge administratif. Le Conseil d’État a, dans les avis du 18 juin 2014, précisé que les
dispositions L. 600-5 du Code de l’urbanisme relatives à la possibilité pour le juge de
surseoir à statuer afin de permettre la régularisation de l’autorisation d’urbanisme
litigieuse sont applicables immédiatement, et de même pour les dispositions de
l’article L. 600-7 du même Code s’agissant de la possibilité pour le juge administratif
d’allouer des dommages-intérêts775
.
S’agissant des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, l’avis du
Conseil d’État est sollicité quant au « mode d’emploi » du nouveau dispositif776
. De
même, la motivation du sursis et la rédaction de la décision sont des points
d’interrogation sur lesquels le Conseil d’État a rapidement été appelé à donner son
éclairage. S’agissant des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, la
question se pose, en outre, de savoir si les nouveaux pouvoirs indemnitaires du juge
administratif ne « dépossèdent » pas le juge judiciaire777
.
À ces dispositions, il faut également associer les précisions apportées par le décret du
1er
octobre 2013 sur la cristallisation des moyens et la suppression du double degré
de juridiction dans les zones tendues.
Sur ces points, des interrogations sont également laissées en suspens par le décret. Il
est, en effet, permis de s’interroger sur le point de savoir si la demande de
cristallisation des moyens doit nécessairement être formée par mémoire distinct du
défendeur, ou encore de savoir quelle doit être la motivation déterminante pour que
le juge fasse droit à la demande, ou enfin, si la demande de cristallisation peut être
775 Préc. CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 776
Ibid. 777
Préc. JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits
sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
253/480
demandée systématiquement en début d’instance et ainsi automatiser de facto la
pratique778
.
Comme le relève Valentine TESSIER, quelques mois après l’entrée en vigueur des
nouvelles dispositions introduites par la réforme du contentieux de l’urbanisme, les
juridictions administratives apparaissaient « quelque peu perdues779
».
B. Éléments de réponse
S’agissant du « mode d’emploi » de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le
Conseil d’État, amené à donner son éclairage dans deux avis rendus en date du
18 juin 2014, a apporté des précisions sur la mise en œuvre du nouveau dispositif. La
mise en œuvre du nouveau dispositif suppose préalablement que le juge ait identifié
une possible régularisation de l’autorisation d’urbanisme soumise à son contrôle.
En outre, cette régularisation doit permettre de faire échapper ladite autorisation à
l’annulation encourue. Comme l’écrit Xavier de LESQUEN, le juge doit ainsi se
placer « intellectuellement dans la posture d’un juge qui se prépare in fine à rejeter
les conclusions à des fins d’annulation de l’autorisation780
». Le juge qui s’apprête à
surseoir à statuer doit ainsi « avoir acquis la conviction781
» que le permis peut être
sauvé.
En ce sens, en matière d’appel, le Conseil d’État considère que lorsque le juge
d’appel estime qu’un moyen ayant fondé l’annulation de l’autorisation d’urbanisme
par le juge de première instance est tiré d’un vice susceptible d’être régularisé et
qu’il décide de faire application de la faculté qui lui est offerte par le nouveau
778 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 656, n
o 2132.
779 Préc. TESSIER (V.), Recours abusifs, appliquer les nouvelles procédures contentieuses, La
Gazette, 14 juill. 2014, p. 44. 780
Préc. CE, avis, 6e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 321. 781
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
254/480
dispositif de l’article L. 600-5-1, il doit, avant de surseoir à statuer, constater
préalablement qu’aucun des autres moyens ayant fondé le jugement d’annulation, ni
aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens
nouveaux et recevables présentés en appel, n’est fondé ou n’est susceptible d’être
régularisé. Le juge doit ainsi indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces
moyens doivent être écartés782
.
De même, les conclusions du rapporteur public, Xavier de LESQUEN, sur les deux
avis du 18 juin 2014, apportent là aussi des indications précieuses quant à la
technique de rédaction de la décision par le juge d’appel. Le rapporteur public
recommande ainsi au juge d’appel de se prononcer en premier lieu sur le bien-fondé
de l’ensemble des moyens d’annulation retenus par le juge de première instance. Et
en second lieu, et uniquement si les moyens fondés identifiés sont régularisables (les
autres moyens étant rejetés car non fondés), le juge d’appel peut alors entrer dans la
démarche de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme783
. Ainsi, de cette manière,
le juge se prononce sur tous les moyens dont il est saisi par l’effet dévolutif de
l’appel.
S’agissant des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, et de la
question de savoir si le nouveau dispositif soustrait le juge civil de son pouvoir
indemnitaire, il n’y a pas encore d’éclairage juridictionnel sur ce point. Aussi, était-il
permis d’imaginer que sur le plan théorique, les voies indemnitaires coexistent
désormais. Cependant, sur le plan pratique, la voie indemnitaire pour recours abusif
contre une autorisation d’urbanisme dans les conditions de l’article L. 600-7 du Code
de l’urbanisme784
devant le juge civil devrait probablement tomber en désuétude au
profit de la nouvelle voie indemnitaire devant le juge administratif. En effet, en
réponse aux critiques avant son introduction, la nouvelle voie vise à faciliter les
demandes indemnitaires. Enfin, rappelons qu’avant la création de cette nouvelle voie
indemnitaire, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, s’estimant victime d’un
recours abusif, ne pouvait espérer qu’une indemnisation a posteriori et après avoir
initié un nouveau procès devant le juge civil. Cela l’obligeait à déclencher une
782 Ibid.
783 Ibid. p. 323.
784 À savoir l’exercice par le requérant de son droit au recours dans des conditions qui excèdent la
défense des intérêts légitimes et le préjudice excessif au bénéficiaire du permis.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
255/480
nouvelle procédure, et donc à engager de nouveaux frais et ce, sans aucune garantie
de succès judiciaire785
.
Désormais, aux termes des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme,
les demandes reconventionnelles en indemnisation du préjudice « excessif » causé
par l’exercice exagéré du droit au recours par le requérant peuvent être présentées au
cours de l’instance en cours devant le juge de l’excès de pouvoir, y compris pour la
première fois en appel. Il s’agit là d’un nouveau particularisme du droit administratif
qui déroge, ici, aux procédures du contentieux administratif général. En effet, cette
voie indemnitaire devant le juge administratif est limitée aux cas des recours
abusivement exercés contre les autorisations d’urbanisme.
S’agissant des interrogations posées par le mécanisme de la cristallisation des
moyens, les modalités d’application demeurent en attente des précisions des
juridictions administratives. Même la circulaire F.P.I. no 1410-008 diffusée en fin
d’année 2014, par la Fédération des promoteurs immobiliers et relative aux recours
contre les permis de construire786 échoue à apporter des éléments de réponse. Elle se
borne à rappeler le texte du décret. En effet, elle souligne seulement que la procédure
de cristallisation relève d’une faculté du juge saisi d’une demande motivée en ce sens
ce qui suppose que la collectivité ou le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme
litigieuse présente donc une demande en ce sens.
Il apparaît donc primordial que les juridictions administratives interviennent
rapidement sur ce sujet pour préciser le régime et les principes applicables à ce
nouveau dispositif.
En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que la
réforme s’est voulue efficace dans les plus brefs délais. Nonobstant cet axe majeur de
la réforme, cette dernière a laissé subsister un certain nombre d’interrogations
juridiques. Lors de son entrée vigueur, la question de l’application dans le temps de
la réforme a cristallisé une partie des interrogations de la doctrine et des praticiens. À
785 VIDAL (A.), La nécessité de lutter contre les recours abusifs en matière d’urbanisme, Droit de
l’urbanisme, LPA, 20 juin 2013, no 123, p. 4, réf. n
o PA201312306.
786 Circulaire F.P.I. N
o 1410-008, et F.P.I. 1403-005, 30 oct. 2014, relative aux recours contre les
permis de construire et à l’évolution de la réglementation et de la jurisprudence ; consultable sur
www.fpifrance.fr/Article/1410-008.pdf.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
256/480
l’aune de deux avis importants787
, le Conseil d’État apporté un éclairage précieux.
Cet éclairage combiné aux conclusions particulièrement didactiques de son
commissaire au gouvernement instruit sur le mode d’emploi de certaines nouvelles
dispositions introduites par la réforme.
Autre axe majeur de la réforme, la rénovation des pouvoirs du juge administratif
marque symboliquement une volonté de doter le juge administratif non seulement
des moyens de lutter contre les recours abusifs mais encore de rénover l’office du
juge pour accélérer les délais de traitement des contentieux. La pierre angulaire de
l’extension des prérogatives se traduit par l’habilitation nouvelle du juge
administratif de pouvoir accueillir des demandes indemnitaires des bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme en raison du préjudice que ces derniers subissent du fait
des recours abusifs. Mais cette nouvelle habilitation laisse subsister une interrogation
quant à l’articulation de cette habilitation avec la voie indemnitaire séculaire civile.
787 Préc. CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 321.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
257/480
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Le perfectionnement du droit public est
décidément un art difficile ! C’est l’incessant
défi qu’il faut relever.
Bernard PACTEAU, 2007788
La réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013 est donc une réforme
réfléchie et éclairée. En effet, l’accent a été mis sur la consultation de praticiens et
d’érudits en la matière. La composition du groupe de travail présidé par Daniel
LABETOULLE et l’expertise des personnalités auditionnées ont permis au groupe
de travail de dégager des propositions de qualité.
Si certaines des propositions du rapport LABETOULLE sont restées lettre morte, la
plupart des propositions ont influencé la réforme de 2013, que ce soit dans
l’ordonnance du 13 juillet 2013 ou dans le décret du 1er
octobre 2013.
Le remarquable travail du groupe a permis à la réforme d’introduire des dispositions
marquées par un pragmatisme certain. Ainsi, pour lutter contre les recours abusifs et
sécuriser les autorisations d’urbanisme, la réforme a fait le choix également de la
rationalisation du contentieux de l’urbanisme. Cette rationalisation doit, en pratique,
se traduire par la régulation et l’accélération du traitement des contentieux. À cette
rationalisation, une volonté de moraliser le contentieux de l’urbanisme et d’induire
des changements de comportements des actes est aussi portée par la réforme du
contentieux de l’urbanisme.
Pour mettre en œuvre cette réforme, des dispositions novatrices ont été introduites.
Mais elles demeurent encore, en partie, abstraites. Ainsi en dépit des éléments de
qualité indéniable que présente la réforme de 2013, un certain nombre
d’interrogations subsistent.
788 Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.
LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,
p. 822.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
258/480
Au rang des premiers points d’interrogation laissés sans réponse par la réforme, il y a
la question de l’articulation de la réforme dans le temps. Selon que les nouvelles
dispositions affectent ou non le droit au recours des justiciables, la mise en œuvre des
nouvelles dispositions varie.
Le Conseil d’État a d’ores et déjà apporté des éclairages sur cette articulation dans le
temps. Toutefois, se pose encore la question du maintien de l’action civile
indemnitaire devant le juge judiciaire et de son articulation avec la nouvelle
procédure de demande indemnitaire par la voie de la demande reconventionnelle. Par
conséquent, sur un certain nombre de points posés par les interrogations qui
subsistent encore, il apparaît indispensable que les juridictions administratives
précisent rapidement le régime et les principes applicables au contentieux de
l’urbanisme réformé.
Au-delà de certains points encore abstraits qu’elle pose, la réforme du contentieux de
l’urbanisme aboutit à la mise en place d’un nouvel équilibre entre le droit au recours
des tiers et la sécurité juridique des titulaires d’autorisation d’urbanisme. Il convient,
dans le chapitre qui suit, de présenter et d’analyser ce nouvel équilibre.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
259/480
CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre
Depuis plus d’une décennie, les réformes en droit de l’urbanisme se succèdent. Plus
ou moins efficaces, plus ou moins bienvenues selon qu’on est tiers ou bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme, ces réformes cumulées ont globalement contribué à
renforcer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
L’équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique n’est pas que l’affaire
du Conseil constitutionnel. Le législateur et les juges l’ont bien compris. Comme
l’écrit Bertrand MATHIEU « le juge constitutionnel n’est qu’un acteur parmi
d’autres dans cette construction du principe de sécurité juridique à laquelle
participent l’ensemble des juridictions nationales, essentiellement sous l’aiguillon
des juges européens et selon un plan de marche paradoxalement assez désordonné et
pourtant convergent789
. »
En outre, la singularité de l’équilibre entre le principe de légalité et la sécurité
juridique en droit de l’urbanisme s’explique par le fait que le juge administratif a à
connaître non pas seulement d’un différend entre l’administration et un de ses
administrés, mais d’un différend triangulaire. En effet, ce différend intéresse, en
premier lieu, l’administration, en tant qu’auteur d’une décision contestée. Il intéresse,
en second lieu, le bénéficiaire de cette décision. En troisième lieu, il intéresse un tiers
qui, par hypothèse, est ici auteur de la contestation. Et la propre sécurité juridique de
ce tiers dépend du respect du principe de légalité par l’autorisation d’urbanisme
litigieuse. Ainsi, comme le souligne Sophie BOISSARD, maître des requêtes au
Conseil d’État, alors même que les voies de recours du tiers visent à le rétablir dans
ses droits lorsque ceux-ci ont été lésés et renforcent ainsi la sécurité juridique, elles
représentent un facteur d’insécurité évident pour le bénéficiaire de l’autorisation790
.
789 Préc. MATHIEU (B.), Réflexions en guise de conclusion sur le principe de sécurité juridique,
Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah. Cons. Const., no 11, Déc. 2001.
790 Préc. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans
priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de
légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.
Cons. Const., no 11, Déc. 2001.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
260/480
Jusqu’à l’introduction en 1994 de l’obligation de notifier le recours791
, « le
contentieux de l’urbanisme avait été conçu et construit autour du requérant792
». Par
plusieurs réformes, précédemment rappelées, le législateur a essayé d’inverser cette
tendance. Cependant, il n’y est pas totalement parvenu puisque nombre de recours
malveillants, dilatoires, en un mot abusifs, encombrent les juridictions. Ces recours
fragilisent la sécurité juridique des bénéficiaires de permis. Ils augmentent les délais
de construction dans une période de pénurie de logements. De plus, ils accroissent le
coût global des constructions. Le législateur a donc tenu à remédier à cette situation
et à chercher un meilleur équilibre793
entre la sécurité juridique et le droit au recours.
Y est-il parvenu à travers sa dernière réforme du contentieux de l’urbanisme de
2013 ?
Il est sans doute trop tôt pour connaître les effets concrets de cette réforme. Mais
d’ores et déjà, il est possible d’indiquer que cette réforme participe à la tendance
amorcée par les précédentes réformes. Elle participe au renforcement certain des
moyens de défense du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme cible des recours
des tiers (Section 1). Innovante, la réforme n’en marque pas moins un durcissement
de ton. Les outils de la réponse juridictionnelle se font plus sévères. Et ils
aboutissent, en outre, au placement sous un « quasi-contrôle judiciaire » les
transactions. Parallèlement, le juge pénal rappelle qu’il est, lui aussi, le gardien du
principe de légalité et de la sécurité juridique (Section 2).
SECTION 1 : Le renforcement limité des moyens de défense
À l’appui de son recours contre l’autorisation d’urbanisme, le requérant doit motiver
sa requête. Il peut invoquer des moyens de légalité externe tels que l’incompétence
de l’auteur de la décision, les irrégularités commises lors de l’instruction, ou encore
des irrégularités formelles tenant à l’absence ou à l’insuffisance de motivation. De
791 Code de l’urbanisme, art. R.* 600‐1 ; décret n
o 94‐701du 16 août 1994.
792 Préc. Rapport LABETTOULLE (D.), Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre,
25 avr. 2013, p. 3. 793
En témoigne le titre du rapport remis par le groupe de travail présidé par Daniel LABETTOULLE.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
261/480
plus, il peut invoquer des moyens de légalité interne tels que l’application inexacte
d’une réglementation d’urbanisme, l’inexactitude des faits sur laquelle s’est fondée
l’instruction de la décision, ou encore le détournement de pouvoir.
Le requérant a intérêt à présenter conjointement des moyens de légalité externe et des
moyens de légalité interne dès sa requête introductive d’instance. En effet, si les
moyens invoqués dans la requête introductive d’instance ne portent que sur la
légalité externe de l’autorisation litigieuse, le requérant ne pourra pas après
l’expiration du délai de recours soulever des moyens de légalité interne et
inversement. De même, si les moyens invoqués dans la requête introductive
d’instance ne portent que sur la légalité interne de l’autorisation litigieuse, le
requérant ne pourra pas, non plus, après l’expiration du délai de recours soulever des
moyens de légalité externe. Il s’agit là de la règle de cristallisation des moyens.
Règle redoutable du contentieux administratif, et ainsi qu’il a été expliqué ce
mécanisme initialement jurisprudentiel a été récemment réglementé, par décret, ainsi
que le préconisait le rapport LABETOULLE. Cette consécration réglementaire du
mécanisme devrait contribuer à l’amélioration de la sécurité juridique du bénéficiaire
de l’autorisation d’urbanisme sans pour autant révolutionner l’articulation classique
de la requête en annulation ou des requêtes pour excès de pouvoir et des conclusions
présentées au juge.
Le schéma classique des moyens de défense des défendeurs est donc inchangé et
demeure d’actualité (I.). En revanche, la problématique de l’indemnisation du
préjudice causé par le recours abusif a été révolutionnée par la réforme de 2013
imposant un renouvellement de la défense dans l’articulation de sa demande de
dommages-intérêts (II.).
I. Le maintien des moyens de défense classiques
Le tiers qui s’estime lésé par une autorisation d’urbanisme a plusieurs voies de
recours possibles. Il peut choisir d’opter pour une demande de déféré préfectoral, ou
pour un recours hiérarchique adressé au supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
262/480
litigieux794
, ou pour un référé suspension (en cas d’urgence et s’il y a un recours en
annulation en parallèle) ou encore pour un recours de plein contentieux. Ces
procédures peuvent se combiner. Le cas échéant, une telle combinaison a pour effet
de prolonger le délai contentieux.
En pratique, le tiers qui veut obtenir l’annulation d’une autorisation d’urbanisme doit
donc le plus souvent se tourner vers le juge administratif. Sa requête doit se
conformer à un formalisme procédural classique. Ce formalisme requiert de la part
du bénéficiaire un mémoire en défense obéissant lui-même à un schéma classique
imposé par la pratique contentieuse et qu’il convient de présenter (A.). Le plus grand
soin doit être apporté à chacun des moyens soulevés de part et d’autre car le
contentieux de l’urbanisme échappe au principe d’économie des moyens. Cette
exception qu’il convient d’expliquer vise à renforcer la sécurité juridique du
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme au même titre que l’obligation de justifier
de la notification. Ces mécanismes sont relativement récents et concourent au
processus de rééquilibrage entre le principe de légalité et la sécurité des moyens à
travers le renforcement des moyens de défense. Ils sont aussi des particularismes du
contentieux de l’urbanisme (B.).
A. L’exemple du mémoire en défense
Le bénéficiaire de l’autorisation attaquée a la qualité de défendeur dans l’instance. Il
doit à ce titre répondre aux conclusions présentées dans la requête de ses détracteurs.
Cette réponse est matérialisée par la production d’un mémoire en défense. Ce
mémoire en défense consiste dans la présentation des propres conclusions du
bénéficiaire de l’autorisation. Ces conclusions tendent évidemment au rejet de la
requête, et par hypothèse, au rejet du recours en annulation introduit par les
requérants à l’encontre du permis de construire ainsi que dans certains cas à
l’encontre d’éventuels arrêtés rectificatifs.
794 En matière d’urbanisme, le recours hiérarchique présente un intérêt que lorsque la décision
d’urbanisme est prise au nom de l’État. Plus précisément, la décision du maire peut faire l’objet d’un
courrier hiérarchique auprès du préfet, voire auprès du Ministre chargé de l’urbanisme. VITAL-
DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les intégrales,
no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n
o 2066, p. 619.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
263/480
La relation demeure triangulaire puisque la commune ou à tout le moins l’autorité
qui a délivré l’autorisation d’urbanisme est partie au procès et présente elle-même
ses propres conclusions dans son propre mémoire en défense.
Les conclusions du mémoire en défense sont importantes. Elles peuvent permettre de
sauver l’autorisation d’urbanisme en contrant les moyens soulevés par les requérants.
Et ces moyens peuvent être nombreux et complexes.
Afin de mieux cerner la problématique du contentieux de l’urbanisme, il convient de
présenter le squelette classique d’un mémoire en défense. Cette présentation n’a pas
pour ambition d’être exhaustive. Elle se borne à reprendre un squelette fréquemment
rencontré dans la pratique contentieuse. En outre, c’est volontairement que la
présentation qui suit fait abstraction de la nouvelle faculté offerte aux défendeurs de
demander, reconventionnellement, l’allocation de dommages-intérêts étant trop
récente pour refléter un schéma de défense classique (1.). De plus, quoiqu’elle ne
relève pas d’une stratégie d’attaque ou de défense, la question des frais irrépétibles
doit être posée avant la clôture de l’instance (2.).
1) Présentation de la défense classique
Usuellement, la discussion porte classiquement sur les moyens soulevés par les
requérants. Or, et nous reviendrons sur ce point, le contentieux de l’urbanisme
échappe à la règle de l’économie des moyens. Cette exception de droit contraint le
juge à se prononcer sur chaque moyen soulevé.
La discussion porte, dans nombre d’hypothèses, sur les points suivants795
. Elle porte
d’abord presque toujours sur la prétendue incompétence de l’auteur de l’arrêté
contesté (a.). Ensuite, elle porte nécessairement sur la prétendue violation d’une règle
d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, ou plus simplement d’une règle
contenue dans un document d’urbanisme local tel qu’un plan local d’urbanisme
795 Nous soulignons que cette présentation n’a pas l’ambition d’être exhaustive mais de présenter un
schéma récurrent dans la pratique. Pour une illustration de mémoire en défense sur d’autres moyens
que ceux que nous avons choisi de développer v. ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès
administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012, p. 1122, § 1000-15, l’exemple porte sur la révision
des documents d’urbanisme et l’appréciation du permis de construire, en fonction des règles en
vigueur à la délivrance du permis, sur l’impact de la proximité d’espace boisé classé (EBC), sur
l’absence de modification du cadre de vie, sur l’absence d’enclavement, sur l’absence de qualité de
propriétaire.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
264/480
(PLU)796
(b.). Enfin, elle peut viser la violation de telle ou de telle règle du règlement
national d’urbanisme (RNU)797
(c.).
a. La prétendue incompétence de l’auteur
Moyen de légalité externe, la compétence ou plus exactement la prétendue
incompétence de l’auteur de l’autorisation d’urbanisme est, en pratique, presque
systématiquement invoquée. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de
commenter la pratique contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).
i. Cadre juridique
La compétence de l’auteur de l’autorisation d’urbanisme impose de distinguer entre
plusieurs hypothèses de configuration de l’autorité administrative compétente. En
796 Issu pour la première génération de la loi du 13 décembre 2000 pour la Solidarité et le
renouvellement urbain, dite SRU, et pour la deuxième génération de la loi no 2010-788 du 12 juillet
2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, le plan local d’urbanisme
(PLU) est un document d’urbanisme en « chantier permanent » selon l’expression de Steve HERCE.
À l’aune de ces réformes successives, il existe un panorama varié de documents d’urbanismes tels que
des POS, des PLU-loi SRU, des PLU-loi Grenelle, des PLU communaux ou encore de PLU
intercommunaux. Cette diversité est elle-même source d’insécurité pour l’administré qui s’y perd. Le
PLU est régi par les articles L. 123-1 et suivants du Code de l’urbanisme et par les articles R. 123-1 et
suivants du même code. Il est composé de cinq parties comprenant un rapport de présentations
(obligatoire mais dépourvu de valeur réglementaire quoiqu’il soit indirectement opposable en tant
qu’outil d’interprétation), un projet d’aménagement et de développement durable (P.A.D.D.), des
orientations d’aménagement et de programmation (facultatif au niveau communal), un plan des
servitudes urbaines, un règlement comprenant une partie écrite en 16 articles et une partie graphique,
et des annexes telles que plan local de l’habitat (PLH) ou le plan de déplacement urbain (PDU.).
V. HERCE (S.), Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux, Guides
Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, 344 p. ; v. également GODFRIN (G.),
cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014. 797
Le Règlement national d’urbanisme (RNU) constitue un ensemble de règles générales applicables
sur la totalité du territoire français. Ces règles visent à encadrer les constructions et les aménagements.
Certaines de ces règles sont d’ordre public, notamment en matière de salubrité et de sécurité publique
(Code de l’urbanisme, art. R. 111-2), en matière de préservation et mise en valeur de vestiges
archéologique (Code de l’urbanisme, art. R. 111-4), en matière de respect des principes
environnementaux (Code de l’urbanisme, art. R. 111-15), et en matière d’aspect extérieur des
constructions (Code de l’urbanisme, art. R. 111-21). V. HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau
régime, élaboration, modification-révision, contentieux, Guides Juridiques Construction, Éditions Le
Moniteur, Paris, 2011, p. 173 ; v. également GODFRIN (G.), cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H.
Paris, 2014.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
265/480
outre, elle suppose de souligner que les cas fréquents de délégations de signature sont
des éléments de complication supplémentaire de la discussion contentieuse. Enfin, la
question de l’identification de l’auteur peut elle aussi prêter à discussion d’autant que
la jurisprudence se montre hésitante.
Compétence de l’auteur de l’acte
La loi distingue selon que la commune s’est dotée ou non d’un document
d’urbanisme (PLU ou carte communale). L’article L. 422-1 du Code de l’urbanisme
dispose que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme est le
maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local
d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les
communes qui se sont dotées d’une carte communale après la date de publication de
la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme
rénové. Dans les communes qui se sont dotées d’une carte communale avant cette
date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil
municipal. En l’absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au
nom de la commune, à compter du 1er
janvier 2017798
. Lorsque le transfert de
compétence à la commune est intervenu, il est définitif. Dans les autres cas, c’est le
préfet ou le maire au nom de l’État qui sont compétents, plus précisément le préfet
est compétent en cas de désaccord entre le maire et la Direction départementale des
territoires et lorsque le pétitionnaire est l’État799
.
Les demandes d’autorisation d’urbanisme sur lesquelles il n’a pas été statué à la date
du transfert de compétence restent soumises aux règles d’instruction et de
compétence applicables à la date de leur dépôt800
.
C’est dans ce cadre juridique que sont délivrées les autorisations d’urbanisme. À cela
s’ajoutent les cas de délégations de fonctions.
Lorsqu’une commune fait partie d’un établissement public de coopération
intercommunale (EPCI), elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer la
compétence prévue au a de l’article L. 422-1 qui est alors exercée par le président de
798 Code de l’urbanisme, art. L. 422-1.
799 Ibid. al. b).
800 Ibid. in fine.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
266/480
l’établissement public au nom de l’établissement801
. Le maire doit, alors, adresser au
président de l’établissement public son avis sur chaque demande d’autorisation
d’urbanisme802
. Il existe une incompatibilité dont le pétitionnaire doit avoir
conscience. Si le maire ou le président de l’EPCI est intéressé au projet faisant l’objet
de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel,
soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant
de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la
décision803
. Cependant, le juge fait preuve de bon sens et de pragmatisme, il ne se
borne pas aux apparences de partialité et recourt à un faisceau d’indices pour
identifier un intérêt du maire susceptible d’entraîner son incompétence804
.
La délégation, élément de complication
Si le maire est en principe seul chargé de l’administration, il peut, sous sa
surveillance et sa responsabilité, consentir, par arrêté, des délégations de sa fonction.
Il peut ainsi déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints. Et,
en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous
titulaires d’une délégation, le maire peut aussi consentir des délégations de sa
fonction à des membres du conseil municipal805
.
Techniquement, il s’agit d’une délégation de fonction. Toutefois la doctrine assimile
cette délégation de fonction à une délégation de signature806
. La délégation de
signature est une forme de mesure d’organisation interne du service permettant à
l’autorité administrative de se décharger de certaines tâches, sans qu’elle soit
dessaisie de ses pouvoirs. Elle est faite intuitu personae. Et elle prend fin à la
cessation des fonctions du délégant ou du délégataire807
.
801 Code de l’urbanisme, art. L. 422-3, al. 1
er.
802 Ibid. in fine.
803 Code de l’urbanisme, art. L. 422-7.
804 CE, 1
er oct. 2001, COPEDE, n
o 234908, Rec. Lebon, T., p. 1119 ; note DEREPAS (L.) RDI, 2002,
p. 167 ; concl. MITJAVILE (M-H), BJDU, 2001, p. 465 ; obs. CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2001,
no 265.
805 Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-18 al. 1
er.
806 CE, 2 févr. 1951, Préfet de la Marne, Rec. Lebon, p. 60 ; concl. GREVISSE (Y.), RDP 1955,
p. 395, LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.-Cl.), GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif,
LGDJ, 15e éd., Paris, 1999, 1107 p.
807 Rép. min. n
o 10284 : JO Sénat Q, 4 mai 1995, p. 1046.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
267/480
En principe, la délégation de signature s’exerce sous le contrôle et la responsabilité
du délégant qui peut intervenir à tout moment dans les affaires déléguées808
.
Toutefois, pour être exécutoire cette délégation doit avoir fait l’objet des formalités
légales809
. À défaut, les autorisations d’urbanisme délivrées par un conseiller
municipal sont entachées d’un vice de forme et ipso facto considérées comme
délivrées par une autorité incompétente810
.
Cependant, par exception au principe de présomption que l’auteur de l’acte est le
signataire, lorsqu’il y une délégation de signature, le maire-délégant est réputé être
l’auteur de l’acte. En pratique, le délégataire doit faire mention de cette délégation de
signature mais son omission n’est pas de nature à entacher de nullité l’acte si la
délégation est régulière811
. Dans le même sens, la copie de la décision peut ne pas
faire mention de cette délégation812
.
L’identification de l’auteur
En outre, l’auteur de l’acte doit être identifiable conformément aux dispositions de la
loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations. En effet, dans ses relations avec l’Administration, et exception faite
des cas où l’anonymat est justifié par la sécurité publique ou par la sécurité des
personnes, tout administré a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et
l’adresse administrative de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter
l’affaire qui le concerne813
. Tout acte administratif doit ainsi comporter, outre la
signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la
qualité de celui-ci814
.
808 Ibid.
809 Code général des collectivités territoriales, art. L2131-3, al. 1
er : « Les actes pris au nom de la
commune autres que ceux mentionnés à l’article L. 2131-2 sont exécutoires de plein droit dès qu’il a
été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ». 810
En ce sens v. CE, 12 déc. 2012, AR.DITTY, no 340581, inédit, AJDA, 2013, p. 607.
811 FRIER (P-L), Vice de forme, Dalloz Répertoire de droit administratif, n
o 40, 2014.
812 CE, sect., 1
er avr. 1955, DELARUE, Rec. Lebon, p. 95 ; CE, 11 juill. 1982, LE DUFF, Rec. Lebon,
p. 220, concl. GENEVOIS (B.), JCP, 1983, no 19953.
813 Loi n
o 2000-321, 12 avr. 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, art. 4. al. 1er
. 814
Ibid. al. 2nd
.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
268/480
Si l’illisibilité ou l’absence de signature fait obstacle à l’identification de l’auteur de
l’acte, le juge sanctionne pour incompétence l’autorisation d’urbanisme ainsi
délivrée. Une telle irrégularité est lourde de conséquences puisque le juge peut
soulever d’office ce moyen qui est d’ordre public815
. Le juge a d’ailleurs pu juger que
le non-respect des exigences posées par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative
aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations peut entraîner
l’annulation du permis de construire816
.
ii. Pratique contentieuse
En pratique, dans les requêtes perçues comme abusives par les bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme, la discussion porte, de manière récurrente, soit sur
l’irrégularité de la délégation de fonction du signataire, soit sur l’impossibilité
d’identifier l’auteur de l’autorisation délivrée.
Démontrer et prouver la compétence de l’auteur de l’acte
Dans leur requête, les requérants invoquent fréquemment l’illégalité de l’autorisation
d’urbanisme au motif que son signataire ne disposait pas d’une délégation de
l’autorité administrative compétente, le maire dans bien des cas. Dans une telle
hypothèse, il ne fait aucun doute que l’incompétence de l’auteur de l’acte est un
moyen d’ordre public dont l’invocation peut amener le juge à exiger la production de
tous justificatifs requis817
. En réponse, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme
argue, alors, classiquement qu’il est de jurisprudence constante que les erreurs,
imprécisions ou omissions affectant les visas d’un arrêté de permis de construire
815 CE, 19 oct. 1988, Fédération nationale SOS environnement, Rec. Lebon, p. 343 : est entaché
d’incompétence l’arrêté interministériel non signé par l’un des Ministres requis par les textes. 816
TA, Strasbourg, 4 mars 2004, no 02-00222, le tribunal administratif juge que le non-respect des
exigences posées par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations peut entraîner l’annulation du permis de construire. En l’espèce, ne
respecte pas ces exigences l’arrêté municipal qui comporte seulement une signature sous la mention
« le maire » à côté du cachet officiel de la mairie et n’indique ni le nom ni le prénom de son auteur ;
GILLE (A.), Annulation du permis de construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA, no 24,
28 juin 2004, p. 1297. 817
Préc. GILLE (A.), Annulation du permis de construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA,
no 24, 28 juin 2004, p. 1297.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
269/480
n’ont en elles-mêmes aucune incidence sur la légalité de cette autorisation818
. Et s’il
le peut, le défendeur s’appuie sur les pièces produites par l’autorité administrative
dans son propre mémoire en défense. En effet, l’administration assure la défense de
son acte par la production de pièces attestant l’existence et l’opposabilité de l’arrêté
habilitant l’auteur de l’acte contesté.
En outre, la preuve du caractère exécutoire de l’arrêté de délégation doit être faite.
Pour ce faire, le défendeur et l’Administration doivent rapporter la preuve que les
formalités de publicité prescrites par le Code général des collectivités territoriales819
ont
bien été effectuées.
Défendre l’interprétation « réaliste » de l’identification de
l’acte
La question de la signature, du cachet, de l’identification de l’auteur est aussi
fréquemment mise en cause. Cette question a donné lieu à une jurisprudence
importante notamment sur l’interprétation de l’article 4820
de la loi du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Hésitante, cette jurisprudence offre des moyens de droit aux requérants et expose le
818 Préc. TA, Strasbourg, 4 mars 2004, n
o 02-00222, préc. GILLE (A.), Annulation du permis de
construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA, no 24, 28 juin 2004, p. 1297 ; V. également en
sens contraire CE, 4e et 6
e SSR, 5 nov. 2003, Bricorama, n
o 245164, en matière d’urbanisme
commercial ; CE, 28 nov. 2003, RAHOU Epouse DOUIDI, no 249389, Rec. Lebon, p. 628, Gazette du
Palais, 12 août 2004, no 225, p. 8 ; CE, 8 déc. 2004, M. SAÏD X., n
o 249900 ;
CE, 15 nov. 2006, Mme DEVOIS, no 280424, Rec. Lebon, p. 696, concl. GUYOMAR (M.), AJDA,
2007, p. 254. 819
Préc. Code général des collectivités territoriales, art. L 2131-3, al. 1er
. 820
Loi no 2000-321, 12 avr. 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les
administrations, art. 4 : « Dans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à
l’article 1er
, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse
administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ; ces
éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité
publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté.
Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er
comporte, outre
la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de
celui-ci. »
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
270/480
défendeur à un fort aléa judiciaire. En effet, la jurisprudence est relativement encore
oscillante821
.
Tantôt elle retient une lecture pragmatique dite « réaliste822
» des textes. Elle retient
cette approche dès lors que l’auteur de l’autorisation d’urbanisme est identifiable.
Tantôt elle retient une lecture plus stricte dite « formaliste823
».
La lecture réaliste a été largement accueillie et saluée par la doctrine ainsi que par les
rapporteurs publics824
. Dans ce contexte, le Conseil d’État n’a pas pu rester
indifférent à ce courant. Partant, il semble adopter depuis un arrêt Commune
d’Auvers-sur-Oise, une position de compromis825
. La doctrine, sous la plume de
Sébastien SAUNIER826
, relève que le Conseil d’État maintient le principe de la
signature complète de l’auteur d’une décision administrative en indiquant sa qualité,
son nom et son prénom, conformément à l’article 4 de la loi relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ce faisant, il confirme sa
position formaliste. Mais, il admet, par exception, une équivalence possible entre les
formes prévues par l’article 4 et une signature lisible ou une mention du document
signé827
.
821 SAUNIER (S.) Les hésitations du juge sur le caractère substantiel de l’exigence de la mention du
nom et du prénom de l’auteur de l’acte, AJDA, 2010, p. 1488. 822
Préc. CE, 4e et 6
e SSR, 5 nov. 2003, Bricorama, n
o 245164, en matière d’urbanisme commercial ;
CE, 28 nov. 2003, RAHOU, no 249389, Rec. Lebon, p. 628 ; DOUIDI, n
o 249390 ; CE, 28 nov. 2003,
RAHOU, no 249389, Gazette du Palais, 12 août 2004, n
o 225, p. 8 ; CE, 8 déc. 2004, M. SAÏD X.,
no 249900 ; CE, 15 nov. 2006, Mme DEVOIS, n
o 280424, Rec. Lebon, p. 696, concl. GUYOMAR
(M.), AJDA, 2007, p. 254. 823
CE, 29 juin 2005, M. André LUSIGNET, no 276808, note CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2005,
no 224.
824 V. MONTE (de) (P.), L’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne s’applique pas aux relations entre
personnes publiques, AJDA, 2009, p. 990. 825
CE, 11 mars 2009, Cne d’Auvers-sur-Oisee, no 307656, Rec. Lebon, T. ; CORNILLE (P.), Constr.-
Urb., 2009, no 56 ; RDI, 2009, p. 375 ; AJDA, 2009, p. 511 ; SAUNIER (S.) Les hésitations du juge
sur le caractère substantiel de l’exigence de la mention du nom et du prénom de l’auteur de l’acte,
AJDA, 2010, p. 1488 ; SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, no 7, 10 juill. 2009, p. 435.
826 Préc. SAUNIER (S.) Les hésitations du juge sur le caractère substantiel de l’exigence de la
mention du nom et du prénom de l’auteur de l’acte, AJDA, 2010, p. 1488. 827
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
271/480
b. La prétendue violation d’une règle d’urbanisme
ou d’une servitude d’utilité publique
Moyen de légalité interne, l’inexactitude de l’application de la réglementation, d’une
règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique est, en pratique, presque
systématiquement invoquée à la suite du moyen d’incompétence de l’auteur. Il
convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de commenter la pratique
contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).
i. Cadre juridique
Au cours du processus qui a précédé la délivrance de l’autorisation d’urbanisme,
l’administration et plus précisément le service instructeur de l’administration, qu’il
soit communal, intercommunal ou au niveau de la Direction départementale des
territoires828
, a eu à valider la demande d’autorisation au regard des règles
d’utilisation du sol. Ces règles comprennent à la fois des servitudes d’urbanisme et
des servitudes d’utilité publique. Les premières sont issues du Code de
l’urbanisme829
. Elles constituent les règles générales d’urbanisme et sont par nature
non indemnisables830
. De plus, elles sont, à l’égard des plans locaux d’urbanisme,
palliatives, complétives, ou substitutives. Les secondes ne sont, à l’inverse, pas dans
le Code de l’urbanisme. Et elles sont, quant à elles, en principe indemnisables831
sauf
lois contraires.
828 En effet, la représentation du service instructeur dépend de l’existence ou non d’un document
d’urbanisme. S’il existe un document d’urbanisme, la commune a le choix de confier l’instruction des
autorisations du sol soit au service communal, soit à un service intercommunal, soit à la Direction
départementale des territoires. À défaut de document d’urbanisme, il n’y a pas de décentralisation, par
conséquent, le service instructeur est nécessairement la Direction départementale des territoires. Il en
va de même lorsque les communes de moins de dix mille habitants. V. Préc. GODFRIN (G.), cours
d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014. 829
Exception faite de la servitude piétonnière du littoral (Code de l’urbanisme, art. L. 160-6-1) qui est
une servitude d’utilité publique. 830
Code de l’urbanisme, art. L. 160-5. 831
Cette solution n’a pas toujours existé. De 1857 à 1919, il est en effet jugé que les servitudes
d’utilité publique n’ouvraient pas droit à indemnisation. Mais depuis un avis du Conseil d’État du
18 décembre 1924, les servitudes d’utilité publique sont soumises au principe général selon lequel tout
acte de la puissance publique ouvre droit à réparation lorsqu’il en résulte un dommage direct, matériel
et spécial. Le chiffrage et les modalités de cette indemnisation ont donné lieu à un panorama
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
272/480
C’est après avoir confronté le projet à l’ensemble de ces règles que le service
instructeur a, par hypothèse, validé, puisque l’autorisation a été délivrée. En outre, le
service instructeur est tenu de faire application de la règle la plus sévère. Ainsi, s’il
existe une divergence entre deux documents, il convient de faire prévaloir celui qui
prévoit les dispositions les plus sévères832
.
Toutefois, des erreurs sont possibles. Des divergences d’interprétation sont
également possibles. Et la disparition d’une norme supérieure telle qu’un PLU 833
ou
un POS834
, peut également venir remettre en cause, par ricochet, la légalité de
l’autorisation d’urbanisme délivrée. Selon la date à laquelle cette disparition survient,
les conséquences pour l’autorisation d’urbanisme ne sont pas les mêmes notamment
si elle n’est pas encore définitive835
.
Dans ce domaine, la jurisprudence a un temps été sévère avant de s’assouplir au
profit d’un meilleur équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique.
Rappelons brièvement les louvoiements de la jurisprudence du Conseil d’État sur ce
point.
Dans un premier temps, le juge considère que l’autorisation d’urbanisme constitue un
acte d’application du document d’urbanisme alors en vigueur alors que ce document
hétérogène de régimes spéciaux qui ne facilitent guère l’accessibilité à la matière. V. sur ce point
GUETTIER (Ch.), Irresponsabilité de la puissance publique (régimes législatifs, réglementaires et
jurisprudentiels), in Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, 2014, no 67 et
suivants ; v. également préc. LECOQ (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale
d’urbanisme, coll. Drt. public, Publim, Presses universitaires, Limoges, 2004, p. 64. 832
En ce sens v. CE, 20 mars 1991, no 104258, inédit ; CE, 4 janv. 1946, Dame VEUVE SAINT, Rec.
Lebon, p. 4 ; TA Nice, 18 juin 1976, PANNETIER, Rec. Lebon, T., p. 1181, note DAUSSIN-
CHARPENTIER (P.), JCP, 1977, II, 18670. 833
Pour une illustration d’annulation d’un PLU, v. TA Strasbourg, 10 mai 2011, nos
0703274,
0703042, 0703045 et 0703046 ; pour une illustration d’une annulation d’un POS, v. CE, 18 déc. 2009,
Cne de Bois-Guillaume, no 307272, note CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2010, n
o 38, SOLER-
COUTEAUX (P.), Annulation du POS et délivrance des permis de construire dans un lotissement,
RDI, no 5, 10 mai 2010, p. 278.
834 Le plan d’occupation des sols, le POS est l’ancêtre du PLU, V. POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-
C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien, Paris, 2006, 183 p., spé. 129-130. 835
V. en ce sens CAA Paris, 15 févr. 2001, Cne de Mesnil-le-Roi, no 99PA03161, Constr.-Urb., 2001,
no 158 ; concl. BARBILLON (J.-Y.), BJDU, 2001, p. 322 : une autorisation de lotissement devenue
définitive fait obstacle au rétablissement du principe de constructibilité limitée dans le cas
d’annulation du POS ; CAA Nancy, 13 mai 2004, Cne de Durningen, nos
99NC01265 et 99NC01266,
obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2006, p. 314 : même solution en ce qui concerne le droit des
sols.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
273/480
vient d’être annulé836
et 837
ou alors que l’illégalité de ce document vient d’être
constatée838
. Mais cette jurisprudence aggrave la fragilité des autorisations
d’urbanisme.
Aussi, dans un deuxième temps, le Conseil d’État revient sur cette position initiale au
profit d’un meilleur équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique839
. Il
considère alors que le permis de construire n’est pas un acte d’application du
document d’urbanisme. En conséquence, la disparition d’un document d’urbanisme
n’entraîne pas de plein droit l’autorisation d’urbanisme délivrée sous son empire840
.
Un nouveau contrôle de légalité est effectué par le juge au regard des dispositions
d’urbanisme redevenues applicables. Ainsi, par une interprétation extensive, la
jurisprudence dégage une exception créatrice d’une nouvelle insécurité juridique. En
effet, l’annulation d’un document d’urbanisme entraîne la disparition de
l’autorisation d’urbanisme lorsque cette dernière n’a été rendue possible que par la
disposition illégale. L’imprécision de ce critère de lien indissociable est
intrinsèquement source d’une nouvelle insécurité juridique841
. Ce courant
jurisprudentiel est donc lui aussi abandonné en 2008842
par le Conseil d’État.
836 HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,
Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 317. 837
En ce sens v. CE, 5 janv. 1979, Assoc. pour la protection et l’embellissement du site de La Baule
Escoublac et Dame ROBINET et FLANDRE, Rec. Lebon, T., p. 928, note CHARLES (H.), AJDA,
1979. 45, no 4.
838 En ce sens v. CE, 17 oct. 1980, LAUDRAIN, Rec. Lebon, T., p. 926 ; CE, Sect., 23 avr. 1982,
CHANTEBOUT, Rec. Lebon, p. 158. 839
HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,
Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 317. 840
CE, 12 déc. 1986, Société GEPRO, no 54701, Rec. Lebon, p. 282, VIGOUROUX (Ch.) et CE, 28
janv. 1987, Comité de défense des espaces verts c. SA Le Lama, concl. VIGOUROUX (Ch.), AJDA,
1987, p. 279 : Si un permis de construire ne peut être délivré que pour un projet conforme à la
réglementation d’urbanisme, il ne constitue pas pour autant un acte d’application de cette
réglementation ; CE, 8 juin 1990, ASSAUPAMAR, nos
93191 et 93193 : L’autorisation de créer un
lotissement ne constitue pas un acte d’application d’un plan d’occupation des sols. Il suit de là que la
constatation par le juge de l’illégalité d’un plan d’occupation des sols n’entraîne pas de plein droit
celle d’une autorisation de lotir. 841
HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,
Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 318. 842
CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie, no 297227, Rec. Lebon, p. 41 ; note BOUCHER (J.) et
BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), AJDA, 2008, p. 582 ; étude SOLER-COUTEAUX (P.), RDI,
2008, p. 240 ; concl. COURREGES (A.), BJDU, 2007, p. 459 ; étude FATOME (E.), BJDU, 2009,
p. 2 ; note BENOIT-CATTIN (P.), Defrénois, 2008, p. 2300 ; concl. COURREGES (A.), RFDA,
2008, p. 559 ; note BRENET (F.), LPA, 1er
déc. 2008 ; note BAILLEUL (D.), JCP Adm., 2008,
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
274/480
Dans un troisième temps, le Conseil d’État revient à l’exception d’illégalité de la
règle d’urbanisme soulevée à l’occasion d’un recours contre l’autorisation
d’urbanisme dans l’économie générale de ce mécanisme. Mais, il subordonne
dorénavant l’efficacité de l’exception d’illégalité à une double condition. D’une part
le requérant doit invoquer l’illégalité de la règle sur la base de laquelle l’autorisation
a été instruite et délivrée. D’autre part, il doit invoquer l’illégalité de la règle qui lui
serait substituée au cas où la première serait déclarée illégale. Il s’agit là d’un
mécanisme d’« exception d’illégalité à double détente », écrit Pierre SOLER-
COUTEAUX843
, ainsi énoncé par le Conseil d’État :
Si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte
la réglementation d’urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte
d’application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant
demandant l’annulation d’un permis de construire ne saurait utilement se
borner à soutenir qu’il a été délivré sous l’empire d’un document
d’urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l’illégalité dont il se
prévaut ; que, cependant, il résulte de l’article L. 125-5 devenu L. 121-8 du
Code de l’urbanisme que la déclaration d’illégalité d’un document
d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour
effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement
antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un
permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme
illégal – sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure,
des dispositions de l’article L. 600-1 du même code –, à la condition que le
requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions
pertinentes ainsi remises en vigueur844
.
Par ailleurs, en vertu de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, l’illégalité du
document d’urbanisme entraîne la remise en vigueur des dispositions du document
antérieur. Il n’y a donc pas de vide juridique. C’est à la lueur de ce document
antérieur que la légalité de l’autorisation d’urbanisme est contrôlée. Cette analyse a
pour conséquence que le moyen du requérant portant sur l’exception d’illégalité du
document d’urbanisme n’est recevable que s’il soulève en parallèle l’irrégularité du
p. 2113 ; chron. DEMOUVEAUX (J.-P.), LEBRETON (J.-P.) et NOURY (A.), DAUH 2009, p. 360,
no 290 ; étude PLANCHET (P.), DAUH, 2010, p.29.
843 SOLER-COUTEAUX (P.), L’arrêt Commune de Courbevoie : une occasion manquée ? RDI, n
o 5,
10 juin 2008, p. 240. 844
Préc. CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie, no 297227, Rec. Lebon, p. 4.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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permis au regard des dispositions du document antérieur845
. Cette jurisprudence a été
étendue aux hypothèses des recours contre les autorisations d’urbanisme par la
procédure pour excès de pouvoir. Cette extension est admise dès lors que le recours
est exercé dans les mêmes conditions que celles posées par la décision Commune de
Courbevoie. En effet, le requérant peut soutenir à l’appui de son recours contre
l’autorisation d’urbanisme que cette dernière a été délivrée sous l’empire d’un
document d’urbanisme annulé. Mais il doit démontrer que cette autorisation
méconnaît également les dispositions remises en vigueur846
.
Par ailleurs, faire revivre un document ancien n’est pas nécessairement un gage de
sécurité juridique notamment si ce document comporte des dispositions obsolètes.
C’est pourquoi la jurisprudence de tempérance consacrée par la décision AC !847
a
été étendue aux contentieux d’urbanisme. Cette jurisprudence tempère la portée de
l’annulation d’un acte administratif et elle en module les effets. Il convient de
rappeler l’apport de cette jurisprudence. Le principe lorsqu’un acte administratif est
annulé est que cet acte est réputé n’avoir jamais existé. Par exception à ce principe, la
jurisprudence AC ! admet que s’il apparaît que l’effet rétroactif de l’annulation
emporte des conséquences manifestement excessives, le juge peut moduler les effets
de l’annulation de cet acte.
Considérant que l’annulation d’un acte administratif implique en principe
que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ; que, toutefois, s’il apparaît
que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des
conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte
a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur
que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses
effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point
les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre
public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause –
de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité
de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et,
845 CAA, Marseille, 30 juin 2011, Cne d’Arles, n
o 09MA01080, inédit.
846 CE, 16 nov. 2009, SARL Les résidences de Cavalière, n
o 308623, Rec. Lebon, 2009 ; concl.
COURREGES (A.), AJDA, 2010, p. 454 ; VINCENT (A.), AJDA, 2009, p. 2198 ; obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), RDI, 2010, p. 115. 847
CE, 11 mai 2004, Association AC !, no 255886 Rec. Lebon, n
o 3, 2005, concl. DEVYS (Ch.), ibid. ;
chron. LANDAIS (C.) et LENICA (F.), AJDA, 2004, p. 1183 ; note STAHL (J-H) et COURREGES
(A.), RFDA, 2004, p. 438.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
276/480
d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de
légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le
temps des effets de l’annulation ; qu’il lui revient d’apprécier, en
rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre
exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et,
dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve
des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris
sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte
antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même,
le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure
qu’il détermine848
.
Mise en œuvre en matière de contentieux de l’urbanisme, cette jurisprudence a donné
lieu à un certain nombre d’illustrations849
. Des auteurs ont souligné qu’« on peut être
circonspect quant au pouvoir immense ainsi reconnu au juge de délimiter, réduire,
gommer, atténuer, les conséquences des annulations850
». Cependant, cette extension
de jurisprudence est un gain en sécurité juridique pour le bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme.
ii. Pratique contentieuse
En pratique, les requérants arguent fréquemment que le permis de construire contesté
méconnaît tel ou tel article du document d’urbanisme en vigueur. Avec la
848 Ibid.
849 CAA Lyon, 29 juin 2010, PAYERNE, n
o 09LY02176, chron. VINET, AJDA, 2010, p. 2104 :
L’annulation du POS remet en vigueur le POS antérieur, et ne crée donc pas de vide juridique. La
nécessité d’élaborer un nouveau PLU en raison de l’incohérence de certains zonages et de
l’inadaptation des règles d’urbanisation remises en vigueur au contexte d’expansion démographique
de la commune et d’entrée en vigueur de la loi du 13 déc. 2000 n’est pas au nombre des motifs
d’intérêt général susceptibles de fonder légalement un effet différé de l’annulation, à une date
déterminée, au demeurant sans justification par les premiers juges. Dans ces conditions, il ne ressort
pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive de la délibération approuvant la modification
du PLU entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et
aux inconvénients que présenterait une annulation différée de cette délibération ; v. également pour un
rejet de la demande de modulation des effets de l’annulation, CAA Bordeaux, 11 juill. 2013, SCI Les
Chevêches, no 11BX02706.
850 Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.
LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,
p. 818.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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généralisation du PLU, il s’agit dans de nombreuses hypothèses de la prétendue
violation de tel ou tel article du PLU Là encore, le défendeur doit réfuter le moyen de
son adversaire et démontrer qu’il manque en droit, production de pièces851
à l’appui
de son argumentaire.
Là encore, l’enjeu n’est pas neutre. Le non-respect d’une règle d’urbanisme ou d’une
servitude d’utilité publique est susceptible d’engager la responsabilité délictuelle du
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme jugée illégale.
En outre, si les travaux ont commencé et que l’autorisation d’urbanisme est annulée
pour violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, les tiers
sont en droit de se constituer devant le juge judiciaire et de demander la démolition
de la construction. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en pratique, les
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attendent, avant de commencer les travaux,
la purge des recours (soit deux mois à compter des mesures de publicité sur le
chantier852
) et l’expiration du droit de retrait (soit trois mois à compter de la date la
décision853
).
c. La prétendue violation d’une règle d’ordre public
du RNU
Moyen de légalité interne, comme pour l’application de la réglementation des règles
d’urbanisme locales ou des servitudes d’utilité publique, l’inexactitude de
l’application du RNU ou la violation d’une de ses règles d’ordre public est, en
pratique, fréquemment invoquée à la suite des autres moyens de légalité interne et
externe. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de commenter la
pratique contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).
851 Au rang de ces justificatifs, citons par exemple, le formulaire « CERFA » qui constitue en partie le
« dossier PC ». 852
Code de l’urbanisme, art. R.* 600-2. 853
Code de l’urbanisme, art. L. 424-5.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
278/480
i. Cadre juridique
Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité
publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin
d’aménager le cadre de vie, de gérer le sol de façon économe, d’assurer la protection
des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment
par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que
la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l’équilibre entre les populations
résidant dans les zones urbaines et rurales, les collectivités publiques harmonisent,
dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions
d’utilisation de l’espace854
. La politique nationale d’aménagement et de
développement durable du territoire concourt à l’unité de la nation, aux solidarités
entre citoyens et à l’intégration des populations. Elle est déterminée au niveau
national par l’État, après consultation des partenaires intéressés, des régions ainsi que
des départements. Elle a vocation à participer, dans le respect du principe de
subsidiarité, à la construction de l’Union européenne. De plus, elle est conduite par
l’État et par les collectivités territoriales dans le respect des principes de la
décentralisation. Elle renforce la coopération entre l’État, les collectivités
territoriales, les organismes publics et les acteurs économiques et sociaux du
développement855
. En outre, ces règles ont été réaménagées à l’occasion de la
réforme des autorisations d’urbanisme et sont applicables depuis le 1er
octobre 2007
et se cumulent, le cas échéant avec d’autres réglementations.
Le règlement national d’urbanisme (RNU) est intégré aux règles générales de
l’urbanisme856
applicables à l’aménagement du territoire, aux constructions et aux
travaux faisant l’objet d’une autorisation d’urbanisme ou d’une déclaration préalable
ou autres utilisations du sol régies par le Code de l’urbanisme857
. À l’origine, la loi
de décentralisation no 83-8 du 7 janvier 1983 qui prévoit les modalités d’application
du RNU vise notamment à écarter la règle de constructibilité limitée dans les
854 Code de l’urbanisme, art. L. 110.
855 Loi n
o 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du
territoire, art. 1. Dans sa version initiale, l’article disposait que « La politique d’aménagement et de
développement du territoire [était] déterminée au niveau national par l’État. » 856
Code de l’urbanisme, art. L.111-1. 857
Ibid., art. R.* 111-1.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
279/480
communes dépourvues de documents d’urbanisme mais qui s’engageaient à en
adopter858
.
Régi par les dispositions réglementaires du Code de l’urbanisme859
, il présente un
caractère supplétif. Ceci signifie qu’il ne s’applique, en principe, que dans les
territoires qui ne sont pas régis par un document d’urbanisme. En cas d’annulation du
PLU ou du document d’urbanisme en tenant – comme il a été vu plus haut – le RNU
peut devenir applicable.
Cependant, certaines dispositions du RNU sont d’ordre public et s’imposent au PLU
ou au document d’urbanisme en tenant lieu. L’autorisation d’urbanisme délivrée doit
donc également être en légalité à l’égard des règles du RNU Il en va ainsi en matière
de salubrité et de sécurité, de préservation et mise en valeur de vestiges
archéologique860
, de respect des principes environnementaux861
, d’aspect extérieur
des constructions862
. En cas de manquement à l’une de ces règles, les tiers sont
fondés à intenter une action en démolition.
Le RNU réglemente la localisation et la desserte des constructions, des
aménagements et des installations et travaux863
; l’implantation et le volume des
constructions864
et l’aspect extérieur des constructions865
. Ces règles sont ou
impératives (« le projet doit être refusé » en cas de non-respect de la règle) ou
permissives (« le projet peut être refusé… »). Cette distinction n’empêche pas les
tiers de fonder leur recours contre une autorisation d’urbanisme sur la violation d’une
règle même permissive du RNU866
.
858 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,
Paris, 2006, 183 p., p. 96. 859
Ibid., art. R.* 111-2 et s. 860
Ibid., art. R. 111-4 861
Ibid., art. R. 111-15 862
Ibid., art. R. 111-21 863
Ibid., art. R.* 111-2 à -15. 864
Ibid., art. R. 111-16 à -20. 865
Ibid., art. R.* 111-21 à -24. 866
Pour une illustration de la sanction d’une règle permissive v. CE, 29 oct. 2012, Association
cultures et citoyenneté, no 332257, Rec. Lebon, T., SOLER-COUTEAUX (P.), Sur l’invocabilité des
dispositions d’ordre public du RNU en présence d’un PLU, RDI, 2013, p. 111 ; AJDA, 2012, p. 2088.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
280/480
ii. Pratique contentieuse
En pratique, les requérants invoquent le non-respect d’une des quatre règles d’ordre
public du RNU867
. Ainsi, ils peuvent invoquer le non-respect de la règle relative à
l’aspect extérieur des constructions868
. Cette règle implique « d’apprécier, dans un
premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer,
dans un second temps, l’effet que cette construction, compte tenu de sa nature et de
ses effets, pourrait avoir sur le site869
». Elle confère une marge de manœuvre à
l’autorité administrative compétente. Cette dernière s’en sert comme garde-fou pour
des projets non souhaités mais pour lesquels il n’y a pas de raison juridique de
refuser l’autorisation d’urbanisme même si la jurisprudence juge la seule
circonstance qu’une construction présente un style architectural, une emprise ou un
volume différent des bâtiments existants aux environs du terrain à construire ne
saurait suffire à caractériser le non-respect de cette règle870
. L’aspect extérieur des
constructions et son appréhension sont un talon d’Achille pour un projet car il repose
sur un certain subjectivisme871
.
Dans d’autres hypothèses, c’est l’avis de l’architecte des bâtiments de France,
l’A.B.F., qui est décortiqué par chacune des parties. Cet avis est requis lorsque le
terrain à construire se situe au sein du périmètre de 500 mètres généré par la présence
de monuments historiques, et que le projet en cause se situe dans le champ de
867 En matière de salubrité et de sécurité publique (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-2), de
préservation et mise en valeur de vestiges archéologique (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-4), de
respect des principes environnementaux (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-15), d’aspect extérieur des
constructions (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-21). 868
Code de l’urbanisme, art. R. 111-21. 869
CE, 13 juill. 2012, Association ENGOULEVENT, no 345970, Rec. Lebon, T., p. 778 ; concl.
LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2012, p. 362 ; obs. LANDAIS (C.), AJDA, 2013, p. 755. 870
CAA Nantes, 28 oct. 2008, Assoc. Vert pays blanc et noir et a.,, no 08NT00426 concl.
DEGOMMIER (S.), BJDU, 2009, p. 12 ; obs. Geffray (E.), ibid. ; DAUH, 2009, p. 395, no 378 ; CAA
Nancy, 22 juin 2006, Cne de Hombourg-Haut, no 04NC00275 ; CAA Lyon, 26 juill. 2002,
LEFEVRE, no 01LY02501 ; CAA Nantes, 22 juin 2010, DOMINIQUE X., n
o 09NT01022.
871 V. pour une illustration d’annulation d’un permis de construire de la SAMARITAINE (îlot Rivoli)
prise sur le fondement du non-respect de l’article UG.11.1.3 du PLU de Paris relatif aux constructions
nouvelles, TA, Paris, 13 mai 2014, Assoc. SPPEF et a., no 1302162, le juge considère que « la façade
sur rue en verre plissé ne s’insère pas dans le tissu urbain existant » et que le « choix d’une façade
ondulante exclusivement réalisée en verre compromet l’insertion de la construction nouvelle dans une
artère représentative de l’urbanisme du XIXe siècle bordée d’immeubles en pierre où la notion
classique de façade n’a pas été abolie et ne contribue guère à mettre en valeur les édifices
environnants » ; v. GRAND (R.), Samaritaine : la « dissonance » du projet conduit à l’annulation du
permis de construire, Dalloz, actualité, 16 mai 2014.
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visibilité d’un monument historique. Le cas échéant, et si les requérants contestent la
légalité de ce chef, le défendeur doit réfuter le moyen adverse via bien entendu des
moyens de droits mais encore et surtout par la production des éléments du dossier PC
tels que la notice architecturale, des photographies et autres documents graphiques.
2) Les frais irrépétibles
Les conclusions ne sont pas indispensables sur ce point mais elles sont utiles. Elles
visent à faire supporter le frais de l’instance au perdant. Les conclusions en ce sens
marquent la date à partir de laquelle ces frais portent intérêts. Plus la procédure est
longue et complexe, plus elle nécessite des frais d’instruction, des mesures
d’expertises. Ces frais constituent les frais irrépétibles qu’il convient de préciser par
un bref rappel de généralités (a.). Ces frais sont susceptibles de constituer un enjeu
financier important y compris pour l’Administration (b.).
a. Généralités
Le défendeur, si tant est qu’il soit bien conseillé, demande que les frais irrépétibles
soient supportés par le requérant. Selon la formule consacrée, cette demande est
souvent formulée de la manière suivante. « Dans les circonstances de l’espèce, il
serait inéquitable de laisser à la charge de l’exposante les frais qu’elle a dû engager
au titre de la présente instance. »
À cette formule s’ajoute la demande de condamnation in solidum des requérants à
verser au défendeur, telle somme au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice
administrative872
. En effet, l’article L. 761-1 du Code de justice administrative est la
transposition en contentieux administratif du mécanisme prévu par l’article 700 du
Code de procédure civile.
872 Code de justice administrative, art. L. 761-1 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la
partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il
détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité
ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées
des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »
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Ces « frais irrépétibles » doivent être expressément sollicités. La demande doit être
chiffrée en précisant l’unité monétaire qui doit être celle en vigueur sur le territoire
national. Ils peuvent être demandés à tout moment dès lors que cette demande
survient avant la clôture de l’instruction. En revanche, la jurisprudence n’exige pas
de justification. Il suffit d’indiquer la nature des dépenses873
. Sont compris dans ces
frais, les frais d’expertise, les frais d’enquête ou encore les frais liés aux autres
mesures d’instruction qui ont été, dans la plupart des cas, fixés par voie
d’ordonnance. Si la procédure nécessite une mesure d’expertise, en principe, les
règles générales de procédure imposent que le requérant avance les frais des mesures
d’instruction. Toutefois, par exception, le président de la juridiction précise la ou les
parties qui prennent à leur charge les frais provisionnels de l’expertise874
. Les frais
irrépétibles sont à distinguer des dépens. Plus précisément, ils ne sont pas compris
dans les dépens875
.
Seule la partie perdante ou celle qui aurait dû perdre peut être condamnée au
paiement de ces frais. Cependant, pour des raisons d’équité ou eu égard à la situation
économique de la partie perdante, le juge peut ne pas faire droit à la demande au titre
de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, et cela se voit souvent dans la
pratique.
Si une aide juridictionnelle a été mise en place, la demande de l’attribution de la
condamnation doit être faite au bénéfice de l’avocat876
. Les personnes publiques
étant toujours solvables, les avocats assurant l’aide juridictionnelle en droit
administratif ont intérêt à demander le bénéfice de cette disposition877
. En principe,
sauf s’il a payé des frais non compris dans les dépens (par exemple dans l’hypothèse
873 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit traité du Procès Administratif, Contentieux administratif,
juridictions générales et spéciales, Praxis Dalloz, 5e éd., Paris, 2012, 1288 p., p. 373, § 322-83.
874 Code de justice administrative, art. R. 621-13.
875 Ces frais recouvrent essentiellement les frais d’avocats.
876 L’article 37 al. 2 de la loi n
o 91-647 du 10 juillet 1991 permet aux avocats prêtant leur concours au
titre de l’aide juridictionnelle de déposer des conclusions tendant à ce que la partie perdante leur paye
directement une somme qu’ils auraient demandée au gagnant s’il n’avait pas été bénéficiaire de l’aide
juridictionnelle, à la seule condition qu’ils renoncent dans ce cas à percevoir l’indemnité due par
l’État aux avocats assistant un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Le délai d’option est de douze
mois. Les modalités pratiques sont précisées par l’article 108 (modifié) du décret no 91-1266 du 19
déc. 1991. 877
ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit traité du Procès Administratif, Contentieux administratif,
juridictions générales et spéciales, Praxis Dalloz, 5e éd., Paris, 2012, 1288 p., p. 373, § 322-83.
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d’une aide juridictionnelle partielle), le bénéficiaire de l’aide ne peut obtenir une
condamnation à son bénéfice878
.
b. Conséquences pour l’Administration
L’enjeu des frais irrépétibles n’est pas neutre pour l’Administration puisque dans
cette relation triangulaire, plus il y a de recours contre les autorisations d’urbanisme
dont elle est l’auteur, plus elle doit assurer sa représentation et donc faire face à des
frais de justice. Sur ce point, Michel MERCIER, ès qualités de garde des Sceaux,
Ministre de la Justice et des Libertés, a précisé dans une réponse ministérielle879
que
« s’agissant du coût, pour les collectivités, des recours contre leurs autorisations
d’urbanisme, il convient de rappeler que, s’agissant d’un contentieux de la légalité,
elles peuvent assurer elles-mêmes leur défense, la représentation par un avocat
devant le tribunal administratif n’étant pas obligatoire pour ce type de contentieux
(art. R. 431-2 du Code de justice administrative)880
». L’ingénuité de la réponse prête
à sourire, et impose de souligner que rares sont les auteurs d’autorisation
d’urbanisme qui ont les compétences et les moyens d’assurer leur défense dans des
dossiers aux problèmes juridiques et urbanistiques complexes qui requièrent des
compétences de spécialistes du droit de l’urbanisme. Il faut encore préciser que dans
ce procès, les requérants sont, quant à eux, représentés par des avocats, spécialistes
du droit de l’urbanisme et rompus à la procédure administrative et à la pratique
judiciaire. Par suite, s’ils choisissent de ne pas saisir un avocat, la crainte est que tout
repose sur le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et plus particulièrement sur
les talents de son conseil. Le risque est alors d’aggraver davantage le déséquilibre
entre les parties au procès.
À l’inverse, si l’autorité administrative s’investit dans sa défense elle peut demander
que le requérant perdant supporte les frais exposés pour cette défense. Le garde des
Sceaux conclut en ce sens en précisant qu’il n’y a « cependant pas obstacle à ce que
878 CE, 10 janv. 2000, BOUALAOUI, n
o 197591, Rec. Lebon, p. 18 ; Cah. fonct. publ. 2000, n
o 191,
p. 25. 879
Rép. Min., no 104982, JOAN Q 19 juill. 2001, p. 7879.
880 Ibid.
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la collectivité défenderesse porte à la connaissance du tribunal administratif la nature
et le montant des frais qu’elle a été amenée à exposer à raison de l’instance881
».
B. Les particularismes du contentieux de l’urbanisme
accentués
La recherche de remèdes à l’insécurité juridique rencontrée par les bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme dans les recours abusifs exercés par les tiers conduit à
relever qu’il existe déjà des mécanismes propres au droit de l’urbanisme. Il s’agit de
particularismes conçus précisément pour améliorer la sécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme à l’égard des recours des tiers. Ces
particularismes loin d’être remis en cause, en dépit de leurs détracteurs, sont
maintenus par la réforme de 2013 (1.), ils sont même accentués (2.).
1) Des particularismes maintenus
Le droit de l’urbanisme est une branche du droit public sans pour autant que le juge
administratif ne puisse se prévaloir d’un monopole juridictionnel. Il se distingue du
droit administratif par un certain nombre de dérogations et de particularismes
propres. Ainsi la notification du recours (a.) et l’exclusion du principe d’économie
des moyens (b.) sont des particularismes imaginés dans une optique d’amélioration
de la sécurité juridique du bénéficiaire du permis de l’autorisation d’urbanisme. Ces
mécanismes antérieurs à la réforme de 2013 demeurent maintenus en l’état.
a. La notification du recours
À la suite de la décentralisation, la multiplication des recours a surpris par son
ampleur et inquiété les élus et les professionnels de la construction. Le droit de
l’urbanisme paraissait « malade de son contentieux administratif882
».
881 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
285/480
Des idées de réformes sont alors évoquées. L’une d’elle porte sur le rétablissement
d’une situation plus équilibrée entre le bénéficiaire du permis et celui qui conteste cet
acte en instaurant une plus grande transparence des recours. En 1994, la loi883
institue
une obligation de notification des recours gracieux et contentieux, à la charge des
requérants, enserrée dans un très bref délai (quinze jours). Proposée initialement pour
les seules autorisations individuelles, l’obligation de notification porte aujourd’hui
sur l’ensemble des recours dirigés contre les documents d’urbanisme.
Codifiée à l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme884
, l’obligation de notifier le
recours est un particularisme du droit de l’urbanisme. Elle obéit donc à un régime
juridique spécifique (i.). L’introduction de ce particularisme suscite en son temps de
nombreuses interrogations au sein de la doctrine. Ces interrogations portent
notamment sur la question de la pertinence et du bien-fondé d’une telle obligation
(ii.).
i. Cadre juridique
À la suite d’un rapport du Conseil d’État885
, le législateur a par, une loi no 94-112 du
9 février 1994, cherché à limiter le déséquilibre constaté entre le bénéficiaire d’une
autorisation de construire et les requérants, tiers à l’autorisation. L’un des dispositifs
mis en place est l’obligation de notification des recours au titulaire de l’autorisation
d’urbanisme contestée886
. Abondamment critiqué par un courant doctrinal, un nouvel
équilibre entre le requérant et le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme est
recherché et conduit à une simplification du régime de l’obligation de notification.
Cette simplification consiste en deux modifications : la première, apportée par
l’article 12 du décret no 2007-18 du 5 janvier 2007, porte sur une clarification des
décisions individuelles soumises à l’obligation de notification et l’exclusion,
désormais, de cette formalité pour les recours formés contre les documents
d’urbanisme ; la deuxième porte sur l’obligation d’en rappeler l’existence sur le
panneau d’affichage des autorisations individuelles.
882 AUBY (J.-B.), La loi du 9 févr. 1994 et le contentieux de l’urbanisme, RFDA, 1995, p. 25.
883 La loi n
o 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de
construction. 884
Auparavant, il était codifié à l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme. 885
Rap. du Conseil d’État, « L’urbanisme : pour un droit plus efficace », Doc. Fr., 1992. 886
Code de l’urbanisme, art. R.*600-1.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
286/480
Avant tout recours, le tiers doit justifier d’une notification de recours. En effet, le
tiers, auteur d’un recours contentieux à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme,
doit, dans un très bref délai de quinze jours, notifier ce recours par lettre
recommandée avec avis de réception à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire887
.
Cette obligation de notification s’applique au recours pour excès de pouvoir mais
également aux demandes de déféré préfectoral sous peine d’irrecevabilité du recours,
ainsi que d’une manière générale aux recours administratifs, gracieux ou
hiérarchiques. Une tempérance jurisprudentielle à cette exigence dispense de
notification lorsque le recours contentieux est notifié dans les deux mois de
l’autorisation litigieuse888
. En outre, cette obligation de notification vaut également
pour les demandes tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision
juridictionnelle889
notamment si cette décision autorise au moins partiellement le
droit de construire du bénéficiaire de l’autorisation890
. Cette obligation de
notification qui pèse sur le tiers a pour objet de renforcer la sécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Pour que le recours qu’il introduit devant le
juge soit recevable, il doit, de plus, justifier de l’accomplissement de ces formalités
de notification par la production d’un certificat de dépôt de la lettre recommandée ou
de documents présentant des garanties équivalentes891
.
Par exemple, si le tiers choisit la voie du déféré préfectoral avant la voie contentieuse
en cas d’échec du déféré, ce choix peut avoir une répercussion sur le délai de recours.
En principe, dans le cadre du déféré, le tiers doit présenter ses griefs, il peut assortir
sa demande d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision. Le
préfet exerce alors un contrôle de légalité de l’autorisation d’urbanisme litigieuse par
rapport aux lois et règlements en vigueur. Le recours contentieux de droit commun
demeure possible. Par ailleurs, et c’est aussi l’intérêt de cette procédure pour les
tiers. Le délai de recours contentieux est interrompu lorsque le préfet indique au
maire que l’autorisation d’urbanisme en cause est entachée d’illégalité et lui
887 Ibid.
888 CE, Sect., avis, 1
er mars 1993, Association Soisy Etiolles Environnement, n
o 17126, Rec. Lebon,
p. 60. 889
CE, 26 mai 1999, SCI KERROY, no 181581, concl. HONORAT (E.), BJDU, 1999, p. 2016, note
LARRALDE (J.-M.), Constr.-Urb., 1999, no 258.
890 CE, 19 avr. 2000, Cne de Breuil-Bois-Robert, n
o 176148, Rec. Lebon, p. 301 ; concl. HONORAT
(E.), BJDU, 2000, P. 127 ; Dr. Adm., 2000, nos
149 et 197 ; RFDA, 2000, p. 710 ; Coll. terr., 2000, o 223 ; Mon. TP, 28 avr. 2000, p. 89 ; RDI, 2000, p. 328.
891 CE, Sect., avis, 6 mai 1996, ANDERSEN, n
o 178473, Rec. Lebon, p. 150 ; chron. CHAUVAUX
(D.) et GIRARDOT (T-X), AJDA, 1996, p. 566 et 513 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.), RFDA, 1996,
p. 1027 ; étude PACTEAU (B.), LPA, 16 oct. 1996, p. 10.
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287/480
demande de la retirer car cette demande vaut recours gracieux892
. Et si le préfet n’agit
pas spontanément, le tiers peut saisir lui-même le tribunal dans un nouveau délai de
deux mois courant à compter de la notification d’un refus exprès du préfet ou, au
plus tard, à compter de la naissance d’un refus implicite deux mois à compter de la
réception de la demande en préfecture.
En revanche, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme n’est pas soumis à cette
obligation de notification. Cela n’aurait pas beaucoup de sens. Par conséquent, il
n’est pas tenu de notifier même lorsqu’il fait appel de la décision qui a annulé
l’autorisation d’urbanisme893
.
ii. Discussion de la portée juridique
La finalité de cet arsenal anti-abus est de maîtriser le contentieux de l’urbanisme et
ainsi d’apporter aux bénéficiaires des permis de construire une meilleure sécurité
juridique894
. Cet arsenal profite essentiellement aux constructeurs professionnels. Il
s’agit donc des promoteurs et des communes Par ailleurs, le but est aussi de garantir
la rentabilité économique des opérations d’urbanisme895
.
Aux termes de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, la notification doit
nécessairement être faite à l’auteur de la décision ainsi qu’au bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme896
. Le défaut de notification entraîne l’irrecevabilité de
l’action contentieuse897
. Et, afin que le dispositif anti-abus fonctionne pleinement, la
régularisation a posteriori n’est pas permise898
. Ainsi, dans un avis du 1er
mars
892 CE, 18 avril 1986, Préfet d’Ille-et-Vilaine, n
o 62470, Rec. Lebon, p. 423 ; concl. ROUX (A.),
RFDA, 1987, p. 206 ; note CHABANOL (D.), AJDA, 1986, p. 455 ; note NEGRIN (J.-P.), D., 1987,
p. 70. 893
CE, Sect., avis, 26 juill. 1996, Cne de Triel-Sur-Seine et Société Horde-Bâtisseurs, no 180373, Rec.
Lebon, p. 30 ; BJDU, 1996, p. 286. 894
PIETRI (J.-P.), COURTIAL (J.), et CADENAT (P.), Portée de l’obligation de notification
incombant à l’auteur d’un recours contre une décision d’urbanisme, AJDA, 1996, p. 200. 895
Ibid. 896
CAA Nantes, 20 déc. 1995, VERNHES-DAVID, AJDA, 1996, p. 244, chron. J. BRENIER, p. 200 ;
CAA Marseille, 6 mai 1999, Epx BAUDIER, RFDA, 2001, p. 203. 897
CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT (Th.-X.), Portée de l’obligation de notification incombant à
l’auteur d’un recours contre une décision d’urbanisme, AJDA, 1996, p. 513. 898
Ibid.
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288/480
1996899
, le Conseil d’État précise, pour un déféré préfectoral ou un autre recours
contentieux, que « l’omission des formalités de notification dans le délai légal de
quinze jours entraîne dans tous les cas l’irrecevabilité de ce déféré ou de ce
recours ».
Par ailleurs, certains auteurs, dont Simon WILLIAMSON, ont pu relever que le
dispositif anti-abus pouvait sans doute constituer une restriction du droit à l’accès au
juge. Ainsi, selon Simon WILLIAMSON, l’obligation de notifier dans le délai
impératif est une méconnaissance du « caractère “démocratique” du recours pour
excès de pouvoir, qui est “l’honneur du contentieux administratif, le meilleur rempart
du citoyen contre les abus de l’administration”900
».
Cependant, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif dès l’origine901
. Par
ailleurs, le dispositif n’est pas jugé contraire à l’article 6 § 1er
de la Convention de
sauvegarde des droits de l’homme au regard de la jurisprudence des juridictions
administratives902
mais également au regard de la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme.
Dans une espèce903
relative à la recevabilité d’une requête introduite par une
association parisienne de défense du cadre de la vie et de préservation du patrimoine
architectural contre un permis de construire déposé par le ministère de la Culture
française concernant l’École Nationale des Arts Décoratifs, les requérants invoquent
l’article 6 § 1er
précité. Ils soutiennent que l’article R.*600-1904
du Code de
l’urbanisme viole leur droit d’accès au juge. Mais la Cour européenne déclare la
requête irrecevable considérant que l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme a été
« introduit par le législateur à des fins de sécurité juridique » et que la règle imposée
par le dispositif est « claire, accessible et prévisible ».
899 Préc. CE, Sect., avis, 1
er mars 1996, Association Soisy Etiolles Environnement, n
o 975389, Rec.
Lebon, p. 61 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.), RFDA, 1996, p. 1022 ; préc. chron. CHAUVAUX (D.) et
GIRARDOT (Th.-X.), AJDA, 1996, p. 513. 900
WILLIAMSON (S.), op. cit., La sécurité juridique contentieuse à l’épreuve de l’article L. 600-3 du
Code de l’urbanisme, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, GRIDAUH, Mémoire de D.E.A., Droit
public général, 1998, 114 p. 901
Cons. const., 21 janv. 1994, no 93-355 DC, MORAND-DEVILLER (J.), Le conseil constitutionnel
et la « petite loi » portant diverses dispositions en matière d’urbanisme, Rev. Adm., 1995, p. 75,
HOCRETIERE (D.), Le juge constitutionnel et la loi du 9 fév. 1994, RFDA, 1995, p. 7. 902
TA Poitiers, 2 déc. 1997, Cts BOURGEOIS c. Cne de Saint-Palais-sur-Mer, AFDUH., 1998,
p. 332 903
CEDH, 3e Sect., 21 nov. 2000, Comité des quartiers Mouffetard et des bords de Seine et a.
c/France, no 56188/00 ; RUDH, 2000, vol. 12, n
o 10-12, 31 déc., 2, Jurisprudence, p. 435.
904 Alors codifié à l’article L. 600-3 du même code.
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b. L’exclusion du principe d’économie des moyens
Si le dispositif de notification poursuit un objectif de sécurité juridique en amont du
procès, le législateur a également entendu concevoir un mécanisme destiné à
améliorer la sécurité juridique au cœur du procès. C’est pourquoi la loi du
13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a
ajouté au Code de l’urbanisme un article L. 600-4-1 qui introduit dans le contentieux
de l’urbanisme une exception au principe d’économie des moyens. C’est une
spécificité du contentieux de l’urbanisme (i.) dont la portée juridique n’est pas neutre
(ii.).
i. Régime juridique
En principe, les contentieux administratifs sont subordonnés au principe d’économie
des moyens. Mais par exception, les contentieux administratifs en matière
d’urbanisme n’y sont pas soumis. Il semble que le législateur ait voulu attribuer au
juge de la légalité une mission particulière905
ou qu’il ait estimé que le droit de
l’urbanisme est un droit spécial, trop « sulfureux906
», pour se satisfaire des
procédures contentieuses du droit administratif907
.
Le principe d’économie des moyens
En contentieux administratif, les pouvoirs du juge à l’égard des moyens soulevés par
le requérant et à l’égard des motifs de la décision contestée sont subordonnés au
principe de l’économie des moyens908
. Ce principe permet au juge administratif de
905 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,
juill. 2012, 296 p., p. 245 et s., no519.
906 Expression empruntée à Jean Bernard AUBY qui écrit au sujet de ce particularisme qu’on s’en est
ému, ici et là, en considérant que ces quelques règles particulières contribuaient à placer le
contentieux de l’urbanisme dans une position de particularisme injuste, voire suspect : le sulfureux
droit de l’urbanisme ne pourrait pas s’accommoder des vertueuses procédures ordinaires », in AUBY
(J.-B.), La loi du 9 février 1994 et le contentieux de l’urbanisme : RFDA, V. 11, 1995, p. 26. 907
V. en ce sens comm. TRAORE (S.), Obligation de se prononcer sur tous les moyens en matière
d’urbanisme, Drt Adm., 2001, comm. no 129.
908 CE, 29 mai 1963, Min. Santé publique et population et MAUREL, Rec. Lebon, p. 334.
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limiter son contrôle de légalité en arrêtant son examen dès qu’un des moyens lui
paraît donner raison au requérant. En d’autres termes ce principe dispense le juge
d’examiner les autres moyens invoqués909
. Or, l’article L. 600-4-1 du Code de
l’urbanisme fait échapper le contentieux de l’urbanisme à ce principe.
Plus précisément, lorsque le requérant obtient satisfaction, le juge subordonne sa
motivation à l’économie des moyens et motive sa décision par un seul moyen,
généralement le plus efficace910
, ou à tout le moins le plus éclairant conformément à
l’usage911
. Et si pour accueillir la requête du demandeur, le juge relève d’office un
moyen d’ordre public tant que ce moyen ne se heurte pas à la chose jugée912
, le
principe d’économie des moyens s’applique également. Le juge se prononce alors
« sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête » ou « sans qu’il
soit besoin d’examiner les moyens de la requête » selon l’expression consacrée par la
jurisprudence. Cependant, l’obligation de relever d’office le moyen n’impose pas
nécessairement au juge de se prononcer sur lui de façon explicite, son silence vaut
rejet du moyen.
En revanche, en cas de rejet de la demande du requérant, tous les moyens doivent
être examinés. Leur rejet doit être motivé à l’exception des moyens inopérants913
lesquels sont des moyens recevables et fondés mais sans influence sur l’issue du
litige914
. En effet, tous les moyens invoqués par le requérant, même s’ils sont fondés,
n’entraînent pas automatiquement l’annulation de la décision attaquée. Ainsi, dès
qu’un moyen est soit sans influence sur l’issue du litige, soit sans rapport avec lui, il
est qualifié d’inopérant par le juge915
. Plus précisément, le juge a l’obligation de faire
mention des moyens irrecevables et de les écarter explicitement. Cependant, il est
909 RICCI (J.-Cl.), Droit administratif général, Hachette supérieur, 4
e éd., Paris, 2011, 320 p., p. 294,
§ 548. 910
MONERA (F.) et ASSO (B.), Contentieux administratif, Panorama du Droit, Studyrama, Paris,
2006, p. 330. 911
KAHN (J.), concl. sur CE, ass., 12 déc. 1969, DE TALLEGRAND PERIGORD, AJDA, 1970, p. 42. 912
CE, 16 oct. 1992, Mme DUPUIS, Rec. Lebon, p. 371, RFDA, 1992, p. 1088. 913
CE, Sect., 25 mars 1960, BOILEAU, Rec. Lebon, p. 234 ; chron. COMBARNOUS (M.) et
GALABERT (J.-M.), AJ, 1960, I, p. 96 ; CE, Sect., 10 juin 1996, Elect. Mun. De BALAINVILLIERS,
concl. ARRIGHI de CASANOVA (J.), JCP, 1997, II, p. 22765. 914
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 809, n
o 921.
915 DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001,
p. 783, § 893 ; AUBY (J.-M.), Les moyens inopérants dans la jurisprudence administrative, AJDA,
1966, p. 5.
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dispensé de cette obligation à l’égard des moyens inopérants qui peuvent être rejetés
par prétérition916
.
L’exclusion de l’économie des moyens
Le juge administratif, dans le contentieux de l’urbanisme, a l’obligation de répondre
à tous les moyens invoqués917
. Cette exception au principe de l’économie des
moyens est régie par l’article L. 600-4-1 du Code l’urbanisme. L’article dispose que :
Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière
d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se
prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles
de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier918
.
La lettre du texte appelle deux observations. D’une part, le champ d’application de
l’exception au principe de l’économie des moyens est relativement large, et d’autre
part, le juge est tenu de se prononcer sur tous les moyens de la requête mais rien que
les moyens de la requête.
Il s’agit d’une règle dérogatoire919
. Son champ d’application est donc étroitement
circonscrit aux contentieux de l’urbanisme. L’exception au principe de l’économie
des moyens concerne le recours pour excès de pouvoir et le référé suspension.
Toutefois, le juge d’appel qui annule un jugement et confirme un moyen retenu par le
juge de première instance n’est pas tenu de se conformer à cette dérogation920
.
Le juge porte son examen sur l’ensemble des moyens soulevés par le requérant ou
sur les moyens d’ordre public qu’il peut relever d’office. En revanche, il ne se
prononce pas sur les moyens non soulevés ni même sur les moyens soulevés dont le
916 CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 809, n
o 921.
917 CE, 28 mai 2001, Cne de Bohars, SARL MINOTERIE Francès, n
o 218374, Rec. Lebon, p. 249 ;
concl. PIVETEAU (D.), BJDU, 2001, p. 212 ; Coll. terr., 2001, no 196 ; RFDA, 2001, p. 957 ; obs.
GUYOMAR (M.) et COLLIN (P.), AJDA, 2001, p. 652 ; Mon. TP, 10 août 2001, p. 47 ; note
PIVETEAU (D.), RDA, 2001, no 203 ; DEREPAS (L.), RDI, 2001, p. 405.
918 Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1.
919 ROUQUETTE (R.), op. cit. Petit Traité du Procès administratif, 5
e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 921 – § 821-50. 920
Ibid.
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bien-fondé suppose une mesure d’instruction à moins qu’aucun moyen ne soit
fondé921
.
Cette dérogation a pour objet de permettre que les parties à un litige mettant en cause
un acte intervenu en matière d’urbanisme soient éclairées922
sur « l’ensemble des
vices susceptibles d’entacher la légalité de cet acte923
». Ainsi, cela évite que des
vices « contentiogènes » demeurent dans l’ombre et soient reproduits dans une
éventuelle autorisation qui n’aurait corrigé que le moyen retenu pour l’annulation.
Comme le souligne Seydou TRAORE, ce particularisme doit être rapproché de « la
tentation des autorités décentralisées de faire du juge administratif celui qui dit le
droit, non pas tant pour trancher les litiges qui lui sont soumis que pour “guider”
l’action des élus924
». Le législateur a ainsi privé le juge de la légalité, dans le cas
précis du contentieux des actes d’urbanisme, de la marge de manœuvre dont il
bénéficie dans les autres contentieux administratifs925
.
Il y a donc une visée pédagogique à travers ce particularisme. Il y a aussi le souhait
de mettre fin à la critique selon laquelle le juge alimenterait le contentieux en se
taisant, par application du principe de l’économie des moyens, sur d’autres vices926
.
ii. Portée juridique
« Intention louable927
» pour les uns, « réponse dangereuse à un problème à la
mode928
» pour d’autres. La mission du juge est-elle une mission de pédagogie ? Y a-
921 Ibid.
922 GUYOMAR (M.) et SEILLER (B.), Contentieux administratif, HyperCours Dalloz, 3
e éd., 2014,
p. 433, § 890. 923
CE, 16 juin 2004, Société Laboratoire de biologie végétale Yves Rocher, no 254172, Rec. Lebon,
p. 913, SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2004, p. 459 : « Considérant aux termes de l’article L. 600-4-
1 du Code de l’urbanisme : Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière
d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des
moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du
dossier ; que ces dispositions ont pour objet de permettre que les parties à un litige mettant en cause
un acte intervenu en matière d’urbanisme soient éclairées sur l’ensemble des vices susceptibles
d’entacher la légalité de cet acte ». 924
Préc. TRAORE (S.), Obligation de se prononcer sur tous les moyens en matière d’urbanisme, Drt
Adm., 2001, comm. no 129.
925 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,
juill. 2012, 296 p., p. 247, no 522.
926 Ibid.
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t-il mélange des genres ? Est-ce une volonté déguisée d’abandonner le principe
d’économie des moyens ? Existe-t-il un risque d’effet d’entraînement sur le reste du
contentieux administratif ?
Telles sont les interrogations que suscite un tel dispositif.
S’agissant de la dérive pédagogique de la mission du juge, la pratique connaît déjà
une tendance au développement des motivations essentiellement à des fins
« pédagogiques en direction de l’administration et des justiciables929
». Et, sur un
plan intellectuel comme sur un plan prophylactique, un peu de pédagogie ne peut pas
nuire. Certes, il y a l’encombrement des tribunaux, et les juges croulent sur les
dossiers. Néanmoins, un éclairage sur telle ou telle lecture d’une norme urbanistique
ou la qualification de telle ou telle pratique de « vice » de légalité permet d’améliorer
la pratique et de gagner en sécurité juridique et à long terme doit permettre un
désengorgement des tribunaux. Toutefois, comme le relève Seydou TRAORE, aux
termes de l’article L. 600-4-1 précité, il n’est pas exigé du juge administratif qu’il se
prononce sur chacun des moyens soulevés par la requête, mais seulement de se
prononcer sur ceux dont il estime qu’ils fondent l’annulation ou la suspension de
l’acte d’urbanisme critiqué930
.
c. Le principe de divisibilité
Introduit par la loi du 13 juillet 2006931
et récemment modifié par l’ordonnance du
18 juillet 2013, l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme permet à la juridiction
administrative de prononcer une annulation partielle lorsque seule une partie d’un
projet de construction est illégale. Cette disposition a suscité de nombreux
commentaires. Il convient de présenter l’extension de l’exception au principe
927 GUYOMAR (M.) et COLLIN (P.), Les obligations découlant, pour le juge d’appel, des
dispositions de l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme issu de la loi du 13 décembre 2000,
AJDA, 2001, p.652. 928
CHABANOL (D.), L’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme, une réponse dangereuse à un
problème à la mode, AJDA, 2001, p. 216. 929
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 967, n
o 1083.
930 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,
juill. 2012, 296 p., p. 247, no 523.
931 Loi n
o 2006-872, 13 juill. 2006, portant engagement national pour le logement.
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d’indivisibilité opérée par la réforme (i.), son champ d’application (ii.) et son
application dans le temps (iii.).
i. Extension de l’exception au principe d’indivisibilité
En principe, une autorisation est indivisible. Dès lors, en vertu de ce principe, le
requérant ne peut solliciter une annulation partielle puisque, par hypothèse,
l’autorisation est indivisible. Par conséquent, le juge ne peut pas annuler
partiellement une autorisation. Il en résulte que l’irrégularité d’un seul élément dit
« indivisible » de l’autorisation d’urbanisme entache d’illégalité l’ensemble de
l’autorisation. Toutefois, ce principe d’indivisibilité comporte de longue date un
certain nombre d’exceptions.
Par exemple, en présence de participations financières ou de constructions distinctes,
une divisibilité de l’autorisation est admise. Ainsi, lorsque l’autorisation contestée
porte sur des éléments d’aménagement ou de construction autonomes les uns par
rapport aux autres, lesquels auraient pu en raison de leur complexité faire l’objet
d’une autorisation propre, le juge a la faculté d’annuler partiellement l’autorisation
contestée. En dehors de ces exceptions, la nécessité d’obtenir des annulations
partielles est rapidement apparue.
C’est pourquoi, reprenant une proposition du rapport PELLETIER, la loi du 13 juillet
2006 a d’abord étendu, par un nouveau dispositif, codifié à l’article L. 600-5,
l’exception au principe d’indivisibilité des autorisations. Puis, l’ordonnance du
18 juillet 2013 a refondu l’article mais sans remettre en cause les fondements du
dispositif. Désormais, le juge peut prononcer une annulation partielle des
autorisations d’urbanisme. Plus précisément, depuis 2013 cela comprend les permis
de démolir. Le dispositif est d’application est immédiate.
La faculté attribuée à la juridiction de prononcer une annulation partielle semble
conférer un large pouvoir d’appréciation au juge932
. En outre, la nouvelle rédaction
met fin à l’imprécision de la formulation de 2006 sur le point de savoir si
l’annulation était possible uniquement si une régularisation était envisageable. Le
texte prévoit désormais explicitement que lorsqu’une illégalité affecte une partie
932 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5
e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 922, § 821-55.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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identifiable du projet d’aménagement ou de construction et que cette illégalité est
susceptible d’être régularisée par un arrêté modificatif de l’autorité compétente. Il
n’est donc pas nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste du
projet. Cette nouvelle rédaction confirme la jurisprudence sur ce point933
.
ii. Champ d’application
Avec ce nouvel article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, l’ordonnance du 18 juillet
2013 répond aux interrogations de la doctrine934
. Sous l’ancienne rédaction, seule
l’annulation partielle en raison d’une illégalité interne semblait possible puisqu’une
annulation partielle semblait, quant à elle, difficilement envisageable dans le cas
d’une illégalité externe935
. Mais c’est finalement une solution contraire que retient le
Conseil d’État. Ce dernier, soucieux de ne pas faire obstacle à l’esprit de la réforme
du contentieux en matière d’urbanisme, juge qu’une annulation partielle peut être
prononcée même pour une illégalité externe.
En effet, par un arrêt Association Bois-Guillaume Réflexion contre Commune Bois-
Guillaume, du 27 novembre 2013936
, au visa de l’article L. 600-5 du Code de
l’urbanisme, il prononce l’annulation partielle d’un aménagement pour illégalité
externe, en l’occurrence pour vice d’incompétence :
933 CE, 1
er mars 2013, M. et Mme FRITOT et a., n
o 350306, Rec. Lebon ; AJDA, 2013, p. 495 ; obs.
SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2013, p. 226 ; CE, 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie,
no 325179, Rec. Lebon, T., p. 1068, 1104 et 1200 ; note SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011,
p. 238 ; CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2011, no 52 ; obs. PERRIN (A.), RDA, 2001, n
o 54 ; obs.
MORITZ (M.), JCP Adm., 2011, p. 2201. 934
ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 922, § 821-55 ; PERIGNON (S.), La sécurisation des autorisations d’urbanisme et des constructions
existantes, AJDA, 2006, p. 1549 ; BERNARD (F.-C.) et DURAND, Autorisations d’urbanisme
annulations partielles : premier bilan mitigé, Mon. TP, 10 avr. 2009, p. 82 ; préc. DURAND (P.),
L’annulation partielle des autorisations d’urbanisme, cinq années d’application de l’article L. 600-5
du Code de l’urbanisme », AJDA, 2012, p. 129. 935
ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,
p. 922, § 821-55. 936
Préc. CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765, Rec.
Lebon, T. ; Concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe
n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 ; CORNILLE (P.), Annulation
seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1,
p. 24, no 6.
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Considérant que la circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit
entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas
obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5.
C’est une décision novatrice. Elle a, en outre, le mérite de préciser le champ
d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme. Comme le souligne
Patrice CORNILLE937
, le Conseil d’État considère que la faculté du juge
administratif de prononcer une annulation partielle, au visa de l’article L. 600-5 du
Code de l’urbanisme, n’est pas limitée aux seules illégalités internes. Ce faisant, le
Conseil d’État adopte une position favorable de « neutralisation938
» des moyens de
légalité externe. Il marque, ainsi, une volonté de donner plein effet au dispositif de
sécurisation des autorisations d’urbanisme. Cela ressort, du reste, des conclusions
d’Alexandre LALLET. Le rapporteur public relève qu’une « lecture restrictive de
l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme pénaliserait sans raison les seuls
propriétaires qui construisent sur un terrain situé à cheval entre deux communes, et
irait en outre à rebours des initiatives récemment prises pour sécuriser juridiquement
les autorisations d’urbanisme939
».
Par ailleurs, autre mérite de cette décision, l’office du juge dans le cadre du dispositif
L. 600-5 du Code de l’urbanisme est précisé. Ainsi, la faculté d’annulation dont le
juge dispose en vertu du nouveau dispositif de sécurisation des autorisations
d’urbanisme, relève des pouvoirs du juge dès lors qu’il y existe une régularisation
possible. Le caractère régularisable ou non d’une illégalité entachant un permis de
construire relève de l’appréciation souveraine des juges du fond940
. Toutefois, la
démonstration de la possibilité ou de l’impossibilité de cette régularisation incombe
aux parties. Alexandre LALLET souligne dans ses conclusions941
qu’il appartient au
requérant qui a soulevé un moyen débouchant sur une annulation partielle de
convaincre le juge que la régularisation n’est pas possible en produisant les éléments
937 Préc. CORNILLE (P.), Annulation seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est
possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1, p. 24, n
o 6.
938 Ibid.
939 Préc. concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe
n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 sur CE, 27 nov. 2013, Assoc.
Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765.
940 CE, 4 oct. 2013, M. ANDRIEU et Mme PERREE, n
o 358401, Rec. Lebon, T. ; BIGET (C.), AJDA,
2013, p. 1941 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2013, p. 607. 941
Préc. concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe
n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 sur CE, 27 nov. 2013, Assoc.
Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765.
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qui le démontrent. À défaut, le juge est fondé à présumer que la régularisation est
possible. Pour reprendre la formule de Xavier de LESQUEN dans ses conclusions
sur l’arrêt FRITOT942
, il suffit que le juge « soit suffisamment convaincu que
l’autorisation est régularisable pour admettre de prononcer une annulation
partielle943
».
Cette disposition fait véritablement l’objet d’un accueil globalement enthousiaste des
juridictions au regard du nombre de décisions sous l’article L. 600-5 dans sa nouvelle
mouture. La longévité de la nouvelle disposition est certainement à prévoir car
l’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme n’est pas seulement un
pouvoir propre du juge administratif, c’est aussi un moyen d’ordre public. À ce titre,
le Conseil d’État juge944
qu’il appartient à la juridiction d’appel de contrôler d’office
l’application, par les premiers juges, de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme.
Cette solution conforte la solution de principe945
adoptée en mars 2013, dans l’arrêt
FRITOT, soit avant que l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme ne soit refondu.
iii. Application dans le temps
L’ordonnance du 18 juillet 2013 prévoit son entrée en vigueur un mois après sa
publication946
. Cette dernière étant intervenue le 19 juillet 2013947
, l’ordonnance est
entrée en application le 19 août 2013. Et ainsi que nous l’avons exposé
précédemment, la question de l’application dans le temps des nouvelles règles de
procédure contentieuse introduites par l’ordonnance a pu être posée. Sans trop nous
répéter, nous nous bornons à rappeler ici, que le Conseil d’État a précisé, par deux
importantes décisions948
du 18 juin 2014, que l’article L. 600-5 du Code de
942 Préc. CE, 1
er mars 2013, FRITOT, n
o 350306, D. actu., 6 mars 2013, obs. GRAND (R.) ; AJDA,
2013, p. 495 ; obs. SOLER-COUTEAUX, RDI, 2013, p. 226, concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU,
2013, p. 221. 943
Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2013, p. 221. 944
CE, 9e et 10
e SSR, 9 avr. 2014, Cne de Saint-Martin-le-Vinoux, n
o 338363, Rec. Lebon ; AJDA,
2014, p. 822 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une annulation partielle ne peut être prononcée lorsque
l’irrégularité affecte le permis en son entier, RDI, 2014, p. 364 ; LEGRAS (Cl), Appartient-il à la
juridiction d’appel de contrôler d’office l’application, par les premiers juges, de l’article L. 600-5 ?,
BJDU 3/14, p. 215 ; obs. VIALETTES (M.), BJDU 3/14, p. 227. 945
Préc. obs. VIALETTES (M.), BJDU 3/14, p. 227. 946
Ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, art. 5.
947 JORF n
o 0166, 19 juill. 2013, p. 12070, texte n
o 24.
948 Préc. CE, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU et a, n
o 376113 ; et CE, 6
e et 1
re SSR, 18 juin
2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760 ; préc. GILLIG (D.), Réforme du
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l’urbanisme, étant une règle contentieuse intéressant non pas le droit au recours du
requérant mais les pouvoirs du juge administratif, est d’application immédiate aux
instances en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 juillet 2013.
De plus, ces dispositions peuvent être appliquées pour la première fois en appel949
.
2) Des particularismes innovants
De plus en plus autonome, de plus en plus spécialisé, le droit de l’urbanisme aime
décidément à cultiver un certain particularisme juridique. En effet, l’intérêt à agir (a.)
et la cristallisation des moyens (b.) renforcent encore le caractère sui generis du
contentieux de l’urbanisme.
a. L’intérêt pour agir
Suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme de 2013 a
codifié la notion de l’intérêt à agir. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.),
les mécanismes de son application dans le temps (ii.) ainsi que la portée de cette
codification (iii.).
i. Cadre juridique
La nouvelle définition légale de l’intérêt pour agir en matière de contentieux de
l’urbanisme a deux conséquences. La première consiste en un gain de sécurité
juridique pour les associations. La seconde est de placer les autres requérants dans un
cadre moins favorable qu’auparavant.
contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013, Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24,
no 113.
949 Préc. GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013,
Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n
o 113.
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Un gain de sécurité juridique pour les associations
L’intérêt pour agir des associations est inchangé. Et il demeure encadré par les
dispositions de l’article L. 600-1-1950
du Code de l’urbanisme tel qu’il a été créé par
la loi du 13 juillet 2006. Mais à la différence des simples particuliers ou des autres
personnes morales, les associations bénéficient d’une présomption d’intérêt à agir.
En effet, les dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de
l’urbanisme doivent être rapprochées de l’article L. 600-7 du même code également
créé par l’ordonnance du 18 juillet 2013. Cet article dispose, en substance, que
lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la
protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de
l’environnement951
, forme un recours, elle est « présumée952
» agir dans les limites de
la défense de ses intérêts. Cette présomption vient contrebalancer953
la rigidité de
l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme qui impose pour que les recours d’une
association soient recevables que les statuts de celle-ci aient été déposés en
préfecture avant l’affichage en mairie de la demande d’autorisation d’urbanisme.
Le sort plus nuancé des autres requérants
S’agissant des requérants autres que les associations et autres que l’État, les
collectivités territoriales ou leurs groupements, la réforme a répondu à une demande
tenace des constructeurs. Suivant l’une des recommandations du rapport
950 Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1 : « Une association n’est recevable à agir contre une décision
relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture
est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. » 951
Code de l’environnement, art. L. 141-1 (Extrait) : al. 1 « Lorsqu’elles exercent leurs activités
depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités
statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de
l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de
l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière
générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un
agrément motivé de l’autorité administrative. | al. 2, La Fédération nationale des chasseurs, les
fédérations régionales des chasseurs, les fédérations interdépartementales des chasseurs et les
fédérations départementales des chasseurs sont éligibles à l’agrément mentionné au premier alinéa. » 952
Terme expressément employé dans l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. 953
V. obs. LOUCHE (A.) et BRACQ (S.), L’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013, une nouvelle
approche du contentieux de l’urbanisme, réf. 144u5, Gazette du Palais, 12 sept. 2013, no 255, p. 5.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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LABETOULLE, il se traduit par un nouveau « croc-en-jambe954
» procédural pour
les requérants. Le but est explicitement d’accroître la sécurité juridique des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. En effet, l’ordonnance du 18 juillet 2013
précise l’intérêt pour agir des personnes autres que l’État, les collectivités
territoriales ou leurs groupements ou une association. L’ordonnance introduit ainsi
les articles L. 600-1-2 et L. 600-1-2 au sein du Code de l’urbanisme.
L’intérêt pour agir des personnes morales955
, autres que les associations et autres que
l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, demeure inchangé. La
recevabilité de leur action demeure strictement encadrée. Et leur intérêt pour agir
s’apprécie au regard d’un critère urbanistique et environnemental956
. Ceci est à
rapprocher de la position récemment adoptée par le Conseil d’État957
qui a ouvert, en
matière de contrat administratif, à tout tiers intéressé le recours dit « TROPIC958
»,
dont il a également durci le régime959
. Dans le recours dit « TROPIC », le Conseil
d’État a jugé que les tiers sont recevables à former un recours devant le juge
administratif pour contester directement la validité d’un contrat administratif ou de
certaines de ses clauses indivisibles. Cette solution a mis fin à l’ancienne solution qui
954 Selon l’expression employée par Camille MIALOT. Cf. MIALOT (C.), La réforme du contentieux
de l’urbanisme du point de vue du requérant, AJDA, 2013, p. 2337. 955
Entrent dans cette catégorie les syndicats de copropriétaires par exemple, ou encore un syndicat
viticole. V. pour une illustration récente s’agissant d’un syndicat de copropriétaires : CAA Lyon,
4 févr. 2014, KRIEF, no 13LY01727.
956 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les
intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n
o 2089, p. 628.
957 CE, ass., 4 avr. 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n
o 358994 ; Rec. Lebon, p. 70 ; concl.
DACOSTA (B.), B.JCP, 2014, p. 204 ; chron. BRETONNEAU (A.) et LESSI (J.), La révolution
rentre au port, AJDA, 2014, p. 1035 ; LAFAIX (J.-F.), R.J.E.P., juill. 2014, no 31 ; BRENET (F.), Dr.
adm., juin 2014, no 36 ; Étude REES (Ph.), Tropic II est arrivé. – À propos de l’arrêt Département de
Tarn-et-Garonne (CE, ass., 4 avr. 2014, no 358994) Rev. Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5 ;
JurisData no 2014-006635.
958 CE, 16 juill. 2007, Sté TROPIC travaux de signalisation, n
o 291545, Rec. Lebon, p. 360 ; LENICA
(F.) et BOUCHER (J.), AJDA, 2007, p. 1577 ; Tribune BRACONNIER (S.), GAJA, no 113 et 116,
19e éd, p. 1497 ; tribune WOEHRLING (J.-M.) ibid., p. 1777 ; note CAPITANT (D.), D., 2007,
p. 2500 ; obs. DREYFUS (J.-D.), RDI, 2007, p. 429, obs. NOGUELLOU (R.), ibid., 2008, p. 42, obs.
NOGUELLOU (R.), ibid., 2009, p. 246 ; concl. CASAS (D.), RFDA, 2007, p. 696 ; étude
MODERNE (F.), p. 917 ; note POUYAUD (D.), ibid., p. 923 ; étude M. CANEDO-PARIS (M.) ibid.,
p. 935 ; obs. DEUMIER (P.), RTD civ., 2007, p. 531 ; chron. RITLENG (D.), BOUVERESSE (A.) et
KOVAR (J.-P.), RTD eur., 2008, p. 835 ; LLORENS (F.) et SOLER-COUTEAUX (P.), Contrats-
Marchés publ. 2007, repère 8 ; PIETRI (J.-P.), comm. 257 ; note DELVOLVE (P.), R.J.E.P., 2007,
dossier 1, p. 327 et concl. CASAS (D.), ibid., p. 337. 959
Préc. Étude REES (Ph.), Tropic II est arrivé. – À propos de l’arrêt Département de Tarn-et-
Garonne (CE, ass., 4 avr. 2014, no 358994) Rev. Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5 ; JurisData
no 2014-006635.
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fermait le recours direct contre le contrat et ne permettait le recours que contre les
actes détachables. Dans la nouvelle décision960
, le Conseil d’État décide que le
recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat ne pourra être
exercé par les tiers qui n’en bénéficiaient pas auparavant qu’à l’encontre des contrats
signés à compter de la lecture de sa décision. L’existence d’un recours contre le
contrat, qui, hormis le déféré préfectoral, n’était ouvert avant cette décision qu’aux
seuls concurrents évincés, ne prive pas d’objet les recours pour excès de pouvoir
déposés par d’autres tiers contre les actes détachables de contrats signés jusqu’à la
date de lecture de la décision. De plus, il juge qu’indépendamment des actions dont
disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge
de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge
du référé contractuel, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans
ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses
est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction
contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui
en sont divisibles. Ainsi, le Conseil d’État dégage deux critères. Le tiers n’est fondé à
agir que si, d’une part, il se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon
suffisamment directe et certaine ; et si, d’autre part, les irrégularités qu’il critique
sont de celles qu’il peut utilement invoquer. Sur ce point, le Conseil d’État précise,
dans un communiqué, que « sur le fond, [les tiers] ne peuvent se plaindre que des
vices du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou de ceux
d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. […] C’est seulement dans
les cas où le contrat a un contenu illicite, ou s’il se trouve affecté d’un vice de
consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, que le juge, après avoir
vérifié que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général, en
prononce l’annulation totale. Il peut dans certains cas condamner les parties à verser
une indemnité à l’auteur du recours qui a subi un préjudice961
. »
L’article L. 600-1-2 dispose en substance qu’une personne physique ou morale autre
que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est
recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation
d’urbanisme que si le projet de construction, d’aménagement ou les travaux sont de
nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de
jouissance du bien détenu ou occupé par cette personne. Elle a également intérêt pour
960 Préc. CE, ass., 4 avr. 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n
o 358994.
961 Extrait du communiqué du Conseil d’État, 4 avr. 2014, rub. Contestation de contrats administratifs,
Le Conseil d’État ouvre aux tiers de nouvelles voies de contestation des contrats administratifs.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
302/480
agir s’il s’agit d’un bien pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail,
ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15962
du Code de la
construction et de l’habitation.
Cette définition doit être combinée avec l’article L. 600-1-3 du même code qui
précise quant à lui, en substance, que sauf à justifier de circonstances particulières,
l’intérêt pour agir du requérant s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la
demande du pétitionnaire.
Traditionnellement, le juge utilise un faisceau d’indices pour apprécier l’intérêt à agir
d’un requérant contre une autorisation d’urbanisme en combinant entre eux différents
critères963
. Dans le contentieux général, le juge exige « seulement que la lésion de
l’intérêt ne soit ni exagérément indirecte ni exagérément incertaine964
». Mais, dans
le contentieux de l’urbanisme, le juge adopte une approche concrète. Il retient ainsi
traditionnellement le critère de la proximité géographique. Mais comme le souligne
Jérôme TREMEAU, ce critère seul est insuffisant965
. C’est pourquoi le juge met en
balance la proximité géographique, l’importance du projet, la nature du projet, ainsi
que la configuration des lieux966
. Cette approche in concreto explique pourquoi il
n’existe pas de distance uniforme permettant de donner une définition abstraite de la
notion de l’intérêt à agir des tiers avoisinants967
.
ii. Application dans le temps
Ainsi que nous l’avons évoqué dans le chapitre précèdent, la question de
l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions s’est posée. Afin de ne point
trop faire écho avec le chapitre précédent, nous nous bornerons seulement, ici, à
souligner que le Conseil d’État a estimé que, « s’agissant de dispositions nouvelles
962 Il s’agit des contrats de réservation préliminaires en matière de vente d’immeuble à construire.
963 V. concl. VEROT (C.) sur CE, 27 févr. 2006, SCI LA TILLEULIERE, n
o 284349, Rec. Lebon, T.,
obs. BONICHOT (J.-Cl.), BJDU, 2006, p. 254. 964
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 483, n
o 577.
965 Préc. TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir,
AJDA, 2013, p. 1901. 966
CE, 27 oct. 2006, DREYSSE, no 286569, Rec. Lebon, T., concl. OLLEON (L.), BJDU, 2006,
p. 474, obs. BONICHOT (J.-Cl.), ibid. 967
VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les
intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n
o 2083, p. 624.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
303/480
qui affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre
une décision administrative, elles sont, en l’absence de dispositions contraires
expresses, applicables aux recours formés contre les décisions intervenues après leur
entrée en vigueur968
».
iii. Portée
Désormais, la date de l’intérêt pour agir s’apprécie de la même manière pour tout
requérant. En effet, il n’y a désormais plus de distinction entre les associations et les
autres requérants969
.
S’agissant des associations, la loi ENL du 13 juillet 2006 a précisé qu’une
« association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou
l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est
intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire970
».
Cependant, si le nouveau cadre législatif s’inspire dans les grandes lignes du rapport
LABETOULLE, il convient de souligner que la rédaction adoptée, notamment de
l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme, a été adaptée afin de permettre à l’État
et aux collectivités territoriales et à leurs groupements de bénéficier de la même
présomption d’intérêt pour agir que les associations971
. En effet, les associations ne
sont pas assujetties au nouveau cadre de la notion de l’intérêt pour agir. De plus, elles
apparaissent ainsi sur un pied d’égalité avec l’État, les collectivités territoriales et
leurs groupements972
.
968 Préc. CE, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, n
o 376113, v. not. AJDA, 2014, p. 1292.
969 SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 970
Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1. V. également préc. Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138
QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs.
TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron.
FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011, p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011,
Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.
971 Préc. LOUCHE (A.) et BRACQ (S.), L’ordonnance n
o 2013-638 du 18 juillet 2013, une nouvelle
approche du contentieux de l’urbanisme, réf. 144u5, Gazette du Palais, 12 sept. 2013, no 255, p. 5.
972 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
304/480
Ce nouveau cadre, strict, devrait venir limiter la fabrication artificielle des intérêts à
agir973
. Par ailleurs, le Conseil d’État juge974
que les dispositions de l’article L. 600-
1-2 du Code de l’urbanisme ne portent pas atteinte aux garanties de l’article 16975
de
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne constituent donc pas une
restriction excessive du droit au recours.
b. Cristallisation des moyens
Suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme de 2013 a
également introduit dans la procédure des contentieux de l’urbanisme le mécanisme
de cristallisation des moyens. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.), les
mécanismes de son application dans le temps (ii.) ainsi que la portée de cette
codification (iii.).
i. Cadre juridique
Le décret no 2013-879 du 1
er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme
introduit au sein de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme un article
R.*600-4 codifiant ainsi le mécanisme dit de « cristallisation des moyens ». Ledit
article dispose en substance que saisi d’une demande motivée en ce sens, le juge
administratif, devant lequel a été formé un recours contre une autorisation
d’urbanisme (à l’exclusion des décisions de non-opposition à déclaration
préalable976
), peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne
peuvent plus être invoqués.
973 Pour une illustration de requérants s’étant constitués artificiellement un intérêt pour agir v. C. cass.,
Crim., 22 janv. 2014, no 12-88.042, inédit au Bull., v. obs. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours
abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351 ; préc. étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.),
Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9 ; DUBOUY (Ch.), Vingt ans de réformes depuis la loi Bosson :
construction d’un contentieux administratif spécial de l’urbanisme ?, JCP La Semaine Juridique
Administrations et Collectivités territoriales, no 29, 21 juill. 2014, p. 2233.
974 CE, 27 juin 2014, n
o 380645, inédit.
975 DDHC 1789, art. 16 : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la
séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». 976
V. sur ce point les obs. GILLIG (D.), préc. Le décret du 1er
oct. 2013 relatif au contentieux de
l’urbanisme : une simple réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
305/480
Ce dispositif de rationalisation des contentieux nécessite de rappeler pourquoi il est
apparu nécessaire de l’introduire dans la panoplie des outils anti-abus. La pratique
contentieuse, avant l’introduction du dispositif, permettait à un requérant de
présenter tout au long de l’instance des moyens nouveaux se rattachant peu ou prou à
l’une des causes précédemment invoquées dans le délai de recours977
. Des
manœuvres dilatoires consistant à égrener les moyens au fil de l’instance étaient
permises par le détournement d’une jurisprudence libérale. Suivant les préconisations
du rapport LABETOULLE, le nouveau mécanisme revient sur la jurisprudence
Société Intercopie978
posée par un arrêt de section du Conseil d’État le 20 février
1953. Cette jurisprudence admettait l’existence de deux causes juridiques possibles à
un recours pour excès de pouvoir, à savoir la légalité externe visant l’incompétence
et le vice de forme, et la légalité interne visant la violation de la loi et le
détournement de pouvoir. Concrètement, le requérant pouvait invoquer, dans le délai,
un moyen de légalité externe et un moyen de légalité interne pour qu’il puisse, par la
suite, et donc hors délai, recourir à n’importe lequel des cas d’ouverture.
L’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme vise donc à empêcher cette pratique.
Mais la cristallisation des moyens ne peut pas être relevée d’office par le juge. Aux
termes de l’article, il faut que l’une des parties, a priori celle qui a intérêt, c’est-à-
dire le défendeur, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée, présente une
demande au juge en ce sens979
. Et cette demande doit être motivée980
. Cependant,
comme nous l’avons souligné dans le chapitre précédent, une zone d’ombre demeure
sur l’importance et les critères d’appréciation de cette motivation981
.
ii. Application dans le temps
Ainsi que nous avons pu l’évoquer dans le chapitre précédent, les nouvelles
dispositions de l’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme laissent subsister un
977 V. commentaire VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n
o 2132, p. 656.
978 CE, Sect., 20 févr. 1953, Société Intercopie, n
o 9772, Rec. Lebon, p. 88 ; S., 1953, III., p. 77, note
M. L ; pour une critique de la jurisprudence, concl. KOLBERT sur TA Lyon, 9 déc. 1998, AJDA,
1999, p. 448 ; KELLER (R.), Application de la jurisprudence Intercopie par le juge ordinal, AJDA,
2011, p. 2023. 979
Code de l’urbanisme, art. R.*600-4. 980
Ibid. 981
VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 656, n
o 2132.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
306/480
certain nombre d’interrogations. Et si les précieux avis du Conseil d’État du 18 juin
2013982
ont apporté des éléments de réponses sur d’autres interrogations posées par
la réforme, les dispositions de l’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme font partie
des dispositions983
qui n’ont pas vu la question de leur application dans le temps
soumise au Conseil d’État984
. Il apparaît, dès lors, nécessaire de rester vigilant quant
aux positions qui seront prises par les juridictions administratives et qui mettront en
lumière les principes applicables à ce nouvel outil anti-abus.
iii. Portée
Quelle est la véritable valeur ajoutée de ce dispositif ? Au-delà de l’esthétique du
nom du dispositif, ce dernier est-il aussi innovant qu’il y paraît ? Il est permis d’en
douter.
Le juge administratif disposait déjà de la possibilité de fixer la date à partir de
laquelle l’instruction serait close avec l’article R. 613-1985
du Code de justice
administrative. Le même article prévoit encore in fine que lorsqu’une partie appelée à
produire un mémoire n’a pas respecté, depuis plus d’un mois, le délai qui lui a été
assigné, l’instruction peut être close986
. En écho à l’observation de David GILLIG987
,
982 Préc. CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 983
C’est également le cas des dispositions de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme relatives à
l’enregistrement des transactions, auprès de l’administration des impôts directs, conclues en matière
de contentieux de l’urbanisme. 984
GRAND (R.), Application dans le temps de la réforme du contentieux de l’urbanisme : suite et fin,
Dalloz actu., 20 juin 2014. 985
Code de justice administrative, art. R. 613-1, al. 1er : « Le président de la formation de jugement
peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l’instruction sera close. Cette ordonnance
n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. » 986
Code de justice administrative, art. R. 613-1, in fine : « Lorsqu’une partie appelée à produire un
mémoire n’a pas respecté, depuis plus d’un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en
demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l’article R. 612-3 ou lorsque la
date prévue par l’article R. 611-11-1 est échue, l’instruction peut être close à la date d’émission de
l’ordonnance prévue au premier alinéa. » 987
Préc. GILLIG (D.), Le décret du 1er
oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple
réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
307/480
nous observons que les nouvelles dispositions n’apportent pas une réelle innovation
par rapport aux dispositions préexistantes que nous avons rappelées.
II. L’articulation rénovée de la demande d’indemnité
Là encore, suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la
réforme de 2013 a rénové la position du contentieux administratif en matière de
demande de dommages-intérêts. La compétence classique du juge civil est maintenue
et il convient de la présenter (A.). Mais, à cette compétence classique du juge civil, la
réforme donne une compétence autonome au juge administratif en matière de
dommages-intérêts dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir en matière
d’urbanisme (B.).
A. La compétence du juge civil, une désuétude
calculée
Le droit offre, de longue date, la possibilité au pétitionnaire de se défendre contre le
recours abusif, mais a posteriori par une demande en dommages-intérêts en
réparation du préjudice causé par le recours abusif devant le juge civil. Il s’agit là
d’une compétence classique du juge civil (1.). Toutefois, il est permis de se
demander si cette compétence n’a pas vocation à tomber en désuétude avec
l’extension de l’office du juge administratif (2.).
1) Une compétence traditionnelle déconnectée du
contentieux de l’autorisation d’urbanisme
Le juge civil est classiquement compétent pour connaître d’une demande en
dommages-intérêts du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme abusivement
critiquée par un tiers. Cependant l’issue de cette demande indemnitaire suppose la
démonstration d’une faute simple, même sans intention de nuire (a.). Cette faute est
indépendante de la décision du juge administratif (b.) a fortiori si le recours n’a
aucune considération relative à une règle d’urbanisme (c.).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
308/480
a. Une faute simple même sans intention de nuire
La jurisprudence civile, relativement libérale en la matière, ne conditionne pas
l’indemnisation du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme abusivement attaquée à
la démonstration d’un dol ou d’une faute équivalente, ni même d’une intention de
nuire (i.). En effet, elle admet qu’une simple légèreté blâmable dans l’exercice d’une
action en justice peut constituer une faute (ii.).
i. L’absence de nécessité de démontrer un dol ou faute
assimilée
Auparavant, la jurisprudence considérait que l’exercice d’une action en justice ne
dégénérait en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages-
intérêts que si cette action procédait d’une erreur grossière équivalente au dol. En
effet, la Cour de cassation jugeait que « l’exercice d’une action en justice ne
[dégénérait] en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages-
intérêts que s’il [constituait] un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, s’il [était] tout
au moins, le résultat d’une erreur grossière équipollente au dol988
».
Mais depuis, la position du juge civil a évolué. En effet, ce dernier admet qu’une
action en dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice puisse être engagée
devant lui à l’encontre du tiers qui a agi abusivement devant le juge administratif en
vue d’obtenir l’annulation injustifiée d’une autorisation d’urbanisme. Bien entendu,
si le comportement de ce tiers est fautif, le juge civil est compétent pour juger de
l’indemnisation du préjudice causé par ce comportement au bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme attaquée989
. De plus, la jurisprudence civile admet que
l’abus du droit d’ester en justice n’implique pas nécessairement que le requérant ait
été animé par une intention de nuire990
.
988 Cass., civ., 19 oct. 1943, S. 1944, I, p. 43.
989 C’est l’application logique de la théorie classique sous les articles 1382 et 1383 du Code civil,
fondant la responsabilité civile délictuelle. 990
Cass., 2e civ., 11 sept. 2008, n
o 07-18843, BPIM, 2/09, inf. 101.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
309/480
ii. Démontrer une simple légèreté blâmable
La Cour de cassation admet l’indemnisation du préjudice subi par le bénéficiaire
d’une autorisation d’urbanisme abusivement attaquée devant le juge administratif en
prenant en considération une simple légèreté blâmable, dès lors que celle-ci a causé
un préjudice particulièrement grave991
.
Il n’y a pas lieu, au regard de cette jurisprudence, de démontrer le caractère excessif
du préjudice subi.
b. Une faute décelable indépendamment de la
décision du juge administratif
Pour se prononcer sur le caractère abusif d’un recours présenté à l’encontre d’une
autorisation d’urbanisme, le juge civil n’a aucunement besoin d’attendre que le juge
administratif saisi ait statué sur la recevabilité ou sur le bien-fondé de ce recours.
Ainsi, pour confirmer la décision des juges du fond, la Cour de cassation juge en
substance que, d’une part, les juridictions de l’ordre judiciaire sont en principe
compétentes pour connaître des actions en responsabilité civile exercées par une
personne privée à l’encontre d’une autre personne privée. Et d’autre part, une
éventuelle exception à ces principes ne saurait résulter de la seule nature particulière
du recours pour excès de pouvoir ni de la simple application de la règle selon
laquelle le juge saisi d’une instance serait nécessairement celui devant connaître du
caractère abusif de la saisine992
.
Dès lors, la caractérisation de cette faute est indépendante de toute considération liée
à la recevabilité ou au bien-fondé des moyens d’annulation présentés à l’appui de ce
recours en excès de pouvoir devant le juge administratif.
991 Cass., civ., 4 oct. 1954, Bull. cass. I, n
o 262 ; Cass., civ., 6 janv. 1966, Cts AUMARECHAL c/SCI
94, rue du Château à Boulogne, Bull. cass. III, no 10 ; Cass. civ. 10 décembre 1968, Paul DURAND
c. Louis DURAND, D. 1969, p. 165 ; Cass., com. 12 janv. 1976, Dame AMIOT c/Ets LAGEZE ET
GAZES, note CHARTIER (Y.), D. 1977, p. 14 ; v. également GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le
droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55. 992
Cass., 3e civ., 9 mai 2012, n
o 11-13597, Bull.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
310/480
c. Le caractère fautif du recours exempt de
considérations relatives aux règles d’urbanisme
Indépendamment de toute considération liée à sa recevabilité et à son bien-fondé, la
Cour de cassation a récemment jugé qu’un recours présenté à l’encontre d’une
autorisation d’urbanisme est fautif et abusif dès lors qu’il n’est pas motivé par des
considérations visant à l’observation des règles d’urbanisme.
C’est notamment la position adoptée dans un arrêt rendu en date du 5 juin 2012 par
la Cour de cassation993
. En l’espèce, la SCI Mandelieu Estérel est titulaire d’un
permis de construire qu’elle entend mettre en œuvre pour réaliser son opération
immobilière. À côté, la société FINAREAL envisage, elle aussi, de réaliser sur son
propre terrain, situé à proximité de celui de la SCI Mandelieu Estérel, un programme
immobilier de nature équivalente. La société FINAREAL forme un recours pour
excès de pouvoir et demande l’annulation du permis de construire de la SCI
Mandelieu Estérel. La société FINAREAL expose notamment que le projet de la SCI
Mandelieu Estérel fait peser des risques d’urbanisme indéniables sur sa propriété,
compte tenu du fait que, dans le contexte urbain concerné, la réalisation du
programme immobilier de la SCI Mandelieu Estérel implique un apport
supplémentaire de véhicules et de résidents, ce qui menacerait de provoquer
l’insuffisance des réseaux et de la voirie aux dimensionnements et aux capacités
limités. Or, par cette argumentation la société FINAREAL se place dans une optique
commerciale dictée par la volonté compréhensible de protéger ses propres intérêts.
En outre, la SA FINAREAL conteste également le choix de la mairie de Mandelieu-
la-Napoule d’autoriser l’opération immobilière dite « d’envergure » de la SCI
Mandelieu Estérel au détriment de son projet de nature équivalente et plus important
en nombre de logements. Enfin, les courriers adressés au maire par la société
FINAREAL révèlent une motivation éloignée des considérations visant à
l’observation des règles d’urbanisme mais encore la recherche d’un avantage
concurrentiel.
Les juges du fond constatent le caractère abusif des démarches engagées par la SA
FINAREAL et la condamnent à payer à la SCI Mandelieu Estérel les sommes de
385 873,15 euros au titre de l’ensemble des préjudices subis et de 7 500,00 et
2 500,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
993 Cass., 3
e civ., 5 juin 2012, n
o 11-17.919, inédit.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
311/480
La Cour de cassation valide cette décision et juge précisément que le recours pour
excès de pouvoir formé par la société FINAREAL contre le permis de construire
délivré à la SCI Mandelieu Estérel a été inspiré non par des considérations visant à
l’observation des règles d’urbanisme mais par la volonté de nuire aux droits du
bénéficiaire. Cette affaire donne, ainsi, l’occasion à la Cour de cassation de souligner
qu’un recours contentieux contre un permis de construire qui n’est pas motivé par
des considérations relatives aux règles d’urbanisme est une faute994
.
2) Une compétence traditionnelle vouée à tomber en
désuétude
Bien que la réforme n’ait pas directement d’effet négatif sur la compétence du juge
civil, elle semble planifier la désuétude de la compétence du juge civil en la matière
(a.). N’en déplaisent aux juridictions administratives. Ces dernières persistent à
assurer la pérennité et l’utilité de la compétence du juge civil (b.).
a. Une désuétude calculée
Si l’office du juge civil sur cette question indemnitaire du bénéficiaire d’une
autorisation d’urbanisme abusivement attaquée n’a pas été remis en cause par la
réforme des procédures contentieuses de l’urbanisme en 2013, il est, néanmoins,
permis de douter désormais de la pérennité à moyen terme de la compétence
indemnitaire du juge civil en la matière. En effet, l’attribution d’une compétence
indemnitaire semblable au juge administratif peut laisser penser qu’il y a une
planification tacite de la désuétude de la compétence indemnitaire du juge civil en la
matière.
Le Larousse définit la « désuétude calculée » comme une technique se proposant
d’abréger délibérément la durée de vie d’une chose ou de la faire apparaître comme
vieillie, alors qu’elle se trouve encore en mesure de servir. Au cas particulier, il ne
fait aucun doute que si en théorie, la procédure indemnitaire devant le juge civil
demeure parfaitement opérationnelle. Pourtant, la rationalisation des contentieux,
c’est-à-dire le gain de temps permis par la faculté nouvelle de demander des
994 Cass., 3
e civ., 5 juin 2012, n
o 11-17.919, inédit.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
312/480
dommages-intérêts directement au juge administratif déjà saisi de l’affaire, laisse
présager qu’en pratique la procédure indemnitaire devant le juge civil est vouée à
apparaître rapidement comme une procédure vieillie, et donc à être abandonnée par
l’usage contentieux.
Est-ce volontaire de la part du législateur ? Ou le juge civil n’est-il qu’une victime
collatérale ? Eu égard aux objectifs de rationalisation, d’accélération des procédures,
de désengorgement des tribunaux judiciaires995
, il est permis de penser que c’est bien
une « désuétude calculée » rampante qui a été mise en œuvre par le législateur. Et du
point de vue de la qualité du traitement des dossiers contentieux, c’est une bonne
chose, tant pour les parties qui gagnent ainsi du temps et économisent des procédures
supplémentaires que pour le juge administratif. Celui-ci voit ainsi sa compétence
élargie voire modernisée. De son côté, le juge civil peut ainsi se concentrer sur
d’autres dossiers d’autres justiciables.
b. Éléments de nuance
Toutefois, l’analyse qui précède doit être nuancée car quelle qu’eût été l’intention du
législateur, c’était sans compter sur l’appréhension pusillanime par les juridictions
administratives des nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme. En effet, pas moins de trois décisions996
récentes rendues par la cour
administrative d’appel de Marseille permettent de relativiser cette impression de
désuétude programmée. Comme le commente Pierre SOLER-COUTEAUX, ces
décisions permettent « d’appréhender l’esprit dans lequel les juridictions
administratives » s’approprient le nouvel article L. 600-7 du Code de l’urbanisme997
.
995 V. débats réguliers au Sénat. Pour une illustration, v. Séance du 23 janv. 2014, propos de M.
DETRAIGNE. V. également Cela vaut également pour les juridictions administratives. Cf. préc.
MARIE (S.), Recours abusifs et recours « mafieux » : la chasse est ouverte !, AJDA, 2013, p. 1909 ;
AUBY (J.-B.), Restreindre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir ?, RDA, juill. 2005,
repère 7, p. 5 ; UNTERMAIER-KERLEO (E.), Le tiers à l’acte administratif unilatéral : un administré
et un justiciable de second rang, RFDA, 2013, p. 285 996
Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars
2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,
Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application
restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,
RDI, 2014, p. 588. 997
Pour mémoire, celui-ci dispose que « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir
contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
313/480
Dans ces récentes décisions, la cour administrative d’appel de Marseille fait une
lecture restrictive et critiquable des nouvelles dispositions au motif que ces dernières
constituent une atteinte au droit au recours.
Selon la cour, le nouvel article L. 600-7 du Code de l’urbanisme ne prévoit la faculté
d’une demande reconventionnelle que pour les recours abusifs formés directement
contre une autorisation d’urbanisme. Cette faculté ne saurait être étendue à
l’hypothèse d’un recours, quoique malveillant, pour caducité d’une autorisation
d’urbanisme998
.
En outre, cette faculté n’est ouverte que pour le cas où le recours a été formé dans
des conditions qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Or, la
cour rejette la demande indemnitaire considérant que le bénéficiaire « ne justifie pas
du caractère excessif de ce préjudice au regard de celui qu’aurait pu causer un
recours exercé dans des conditions n’excédant pas la défense des intérêts légitimes
d’un quelconque requérant999
». En d’autres termes, dès lors qu’un requérant de
bonne foi aurait pu former un recours aboutissant au même préjudice pour le
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée, ce dernier ne justifie pas d’un
préjudice excessif causé par le requérant malveillant1000
.
Cette lecture restrictive est décevante et tend à vider de son intérêt le nouveau
dispositif. Et si cette appréciation devait être validée par le Conseil d’État, il ne fait
excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au
bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du
recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut
être présentée pour la première fois en appel.
Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de
l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement est l’auteur du recours, elle
est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. » 998
V. préc. 1ère
espèce CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 : Un
architecte, qui s’est vu retiré le projet par le maître d’ouvrage, attaque ledit maître d’ouvrage en vue
de faire constater la caducité de l’autorisation d’urbanisme. Son recours est rejeté comme malveillant.
La demande reconventionnelle indemnitaire formée par le maître de l’ouvrage est elle aussi rejetée au
motif qu’elle ne rentre pas dans le champ d’application de l’article L. 600-7 du cCode de l’urbanisme
(qui ne prévoit pas le cas d’un recours formé pour cause de caducité). V. spé. préc. obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 999
V. préc. 2e
espèce CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques,
no 13MA02161.
1000 Préc. obs. SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle
ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
314/480
aucun doute que la procédure indemnitaire devant le juge civil resterait effectivement
utile, en dépit de l’esprit de la réforme de 2013.
Par ailleurs, la concentration des compétences contentieuses dans les mains du juge
administratif témoigne d’une volonté d’ancrer le droit de l’urbanisme dans le droit
public, et donc de rompre avec le caractère hybride de ce droit parfois à la frontière
du droit public et du droit privé. S’il en était besoin, la réforme rappelle que le droit
de l’urbanisme est, certes un droit hyperspécial, mais une branche du droit public. À
ceux qui se demandaient s’il ne faudrait pas envisager des chambres spécialisées
comme en matière de concurrence1001
, le législateur répond que le droit de
l’urbanisme relève de la compétence du juge administratif et balaye1002
ainsi la
proposition de créer des chambres spécialisées1003
.
B. Compétence désormais autonome du juge
administratif
La réforme de 2013 introduit la possibilité pour le bénéficiaire du permis de
construire de présenter une demande reconventionnelle en dommages-intérêts
directement devant le juge administratif (1.). Ce dernier voit ses compétences
étendues par la réforme du contentieux de l’urbanisme (2.).
1001 Préc. GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55.
V. également, PÉRINET-MARQUET (H.), L’inefficacité des sanctions du droit de l’urbanisme,
D. 1991, p. 37 1002
Confirmant une réponse ministérielle sur le même sujet, cf. Rép. Min. Justice et des libertés, JO
Sénat, 19 avr. 2012, p. 995 : « Si leur taille le leur permet, les tribunaux administratifs sont d’ores et
déjà organisés en chambres spécialisées et, dans les tribunaux d’au moins cinq chambres, il est
commun de trouver une chambre essentiellement dédiée au contentieux de l’urbanisme, de
l’aménagement et de l’environnement. Cette organisation relève, toutefois, de la responsabilité du
chef de juridiction, après concertation avec l’assemblée générale des magistrats. Il ne paraît pas
souhaitable de la cristalliser par des dispositions normatives, au risque de mettre en péril la capacité
des juridictions administratives à s’adapter, de façon souple et immédiate, aux évolutions, parfois très
conjoncturelles, de tel ou tel domaine du contentieux administratif. » 1003
Le juge judiciaire demeure compétent pour toutes les questions pénales en matière d’urbanisme.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
315/480
1) La demande reconventionnelle de dommages-
intérêts
Rompant avec une jurisprudence cinquantenaire, l’article L. 600-7, introduit dans le
Code de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013, prévoit que le bénéficiaire
du permis de construire peut, sous réserves de certaines conditions, présenter
reconventionnellement au juge administratif une demande de dommages-intérêts. Il
convient de présenter le cadre juridique de ce dispositif (a.) avant d’en présenter
l’application dans le temps (b.).
a. Cadre juridique
Le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme abusivement attaquée peut dorénavant
présenter une demande de dommages-intérêts au juge administratif saisi par le
recours en excès de pouvoir par le tiers requérant. Il convient de présenter le régime
novateur de la réparation du dommage du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme
causé par l’abus du droit d’agir du requérant (i.) ainsi que les zones d’ombre de ce
régime inédit (ii.).
i. La réparation du dommage a priori facilitée
Ce mécanisme marque une rupture avec la jurisprudence Sieur NOBLE de 1967.
Suivant notre postulat de départ, c’est-à-dire dans la configuration d’un recours
abusif formé par un tiers malveillant, il était apparu « utile et légitime » aux auteurs
du rapport LABETOULLE d’introduire, dans le cadre de la lutte contre les recours
abusifs, un dispositif à caractère indemnitaire. Le dispositif imaginé présente le
double avantage de permettre aux pétitionnaires victimes d’un recours abusif de
présenter une demande indemnitaire d’une part devant le juge administratif et d’autre
part dans la même instance que celle ouverte par le tiers requérant. En d’autres
termes, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme qui s’estime victime d’un
recours abusif a désormais la possibilité de saisir non seulement le juge civil mais
également le juge administratif. Pour saisir ce dernier, il suffit de présenter un
mémoire distinct au cours de la même instance que celle ouverte par le tiers qui
attaque l’autorisation d’urbanisme litigieuse.
Pour appréhender le cadre de ce nouveau régime, il faut en revenir à la lettre du
texte. L’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme dispose en son alinéa 1er
que :
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
316/480
Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un
permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des
conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui
causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut
demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de
condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La
demande peut être présentée pour la première fois en appel.
Ainsi, la faculté de faire une demande reconventionnelle, par un mémoire distinct et
éventuellement pour la première fois en appel, au juge administratif suppose la
réunion de trois conditions cumulatives. D’une part, l’abus doit porter sur l’exercice
d’un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou
d’aménager. Ceci a pour conséquence d’exclure les certificats d’urbanisme ou encore
les procédures motivées sur la caducité d’une autorisation d’urbanisme1004
. D’autre
part, l’abus de l’exercice du droit d’agir en justice doit être caractérisé par des
conditions excédant la défense des intérêts légitimes du tiers requérant. Enfin, le
préjudice subi par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme doit être excessif.
Par ailleurs, soulignons ici encore que, sur le point de savoir si le dispositif porte ou
non atteinte au droit au recours, le Conseil d’État juge1005
que les nouvelles
dispositions affectent les pouvoirs du juge administratif. Il ne s’agit donc pas de la
création d’un droit nouveau1006
. Plus précisément, la faculté de demande
indemnitaire reconventionnelle introduite par l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme se borne à aménager les conséquences susceptibles de résulter de
l’exercice de ce recours au plan indemnitaire1007
.
1004 Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, n
o 12MA03175, préc. obs. SOLER-
COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 1005
Préc. CE, avis, 6e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 1006
Solutions déjà retenues par les juges du fond : CAA Marseille, 24 mars 2014, no 12MA01160,
inédit, et préc. CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques,
no 13MA02161.
1007 Préc. GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013,
Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n
o 113.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
317/480
A priori, la possibilité offerte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme litigieuse
d’obtenir réparation du préjudice causé par l’abus du tiers semble plus aisée. C’est
d’ailleurs bien l’objet de ces nouvelles dispositions de permettre une réparation plus
rapide, dans le cadre d’une seule et même instance, et avec l’avantage pratique que
les frais de procédures sont essentiellement supportés par le requérant qui a pris
l’initiative d’ouvrir cette procédure.
Cependant, le dispositif laisse plusieurs questions en suspens. Ceci a eu pour
conséquence, d’une part, de susciter un accueil mitigé de la doctrine1008
et d’autre
part, et aussi plus grave, de susciter une lecture restrictive de la jurisprudence1009
vidant par voie de conséquence le dispositif de son intérêt. C’est précisément cet
accueil par les juridictions qui autorise à nuancer l’intérêt du nouveau dispositif
indemnitaire. En effet, eu égard à la jurisprudence de la cour d’appel de Marseille, il
ne semble pas si aisé d’obtenir réparation pour le bénéficiaire de l’autorisation
abusivement attaquée sous l’égide du nouvel article.
ii. Les interrogations subsistantes d’un régime inédit
Comme évoqué sous l’angle de l’extension des pouvoirs du juge administratif au
chapitre précédent, nous soulignons que la question de l’articulation de la demande
indemnitaire entre le juge civil et désormais le juge administratif n’est pas tranchée
par les textes. Au regard de la récente jurisprudence, notamment de la cour
administrative d’appel de Marseille1010
, nous rejoignons Pierre SOLER-
COUTEAUX1011
et estimons à sa suite, que, ceteris paribus sic stantibus1012
, la voie
1008 GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme, JCP Semaine Juridique Adm., n
o 39-40, 23
sept. 2013, p. 2279. 1009
Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars
2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,
Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application
restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,
RDI, 2014, p. 588. 1010
Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars
2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,
Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143.
1011 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle
ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 1012
Ceteris paribus sic stantibus : toutes choses étant égales par ailleurs.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
318/480
de la réparation devant le juge civil demeure utile1013
. Il apparaît donc primordial que
le Conseil d’État vienne fixer les principes directeurs sur ce point.
Par ailleurs, une autre zone d’ombre réside dans le contenu du mémoire distinct1014
.
Comment doit-il être motivé ? Le silence du texte et la rigidité des premières
décisions laissent penser que les conseils des bénéficiaires victimes d’abus doivent
redoubler d’adresse et d’habileté pour démontrer, d’une part, que le tiers a agi dans
des conditions dépassant la défense des intérêts légitimes et d’autre part, que ces
conditions ont causé un préjudice excessif au bénéficiaire de l’autorisation et, en
outre, un préjudice qui n’aurait pas pu être causé dans les mêmes proportions si c’eût
été un tiers de bonne foi qui eût agi1015
.
Certes, un certain nombre de jugements de première instance essentiellement1016
éclairent sur ce qui ne relève pas du dépassement de la défense des intérêts légitimes
et sur ce que n’est pas un préjudice excessif. Toutefois, il demeure encore à établir ce
qui relève du dépassement de la défense des intérêts légitimes et ce qui relève du
préjudice excessif. En un mot, il reste à savoir quand l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme peut véritablement être appliqué. Il est ainsi primordial que le Conseil
d’État débrouille le sujet, non seulement pour satisfaire le juriste toujours avide de
précision, mais encore, et surtout, pour préciser les modalités concrètes de mise en
œuvre du nouveau dispositif afin qu’il ne soit pas un article oiseux parmi tant
d’autres.
b. Application dans le temps
Au même titre que les autres innovations de l’arsenal anti-contentieux introduites par
la réforme de 2013, le dispositif introduit par l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme a, dans les premiers temps, suscité une interrogation quant à son
application dans le temps.
1013 Nuançant notre propos quant à l’éventuelle planification d’une désuétude calculée de l’office
indemnitaire du juge civil en la matière. 1014
V. pour une illustration CAA Marseille, 7 janv. 2014, SCI La Maison Blanche, no 11MA03795 ou
encore CAA Marseille, 6 juin 2014, M. et Mme EVORA, no 12MA03608.
1015 Préc. CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques, n
o 13MA02161.
1016 V. nombreuses jurisprudences citées sous l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, édition
Dalloz, spé. Jurispr. nos
43 à 45.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
319/480
Il n’est point le lieu de répéter ce que nous avons déjà pu souligner dans les limites
d’une réforme pourtant réfléchie que nous avons développées dans le chapitre
précédent. Toutefois, pour la clarté de la démonstration, nous soulignons, brièvement
que le Conseil d’État estime que les nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du
Code de l’urbanisme, qui « instituent des règles de procédure concernant
exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de
l’urbanisme, sont en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application
immédiate aux instances en cours, quelle que soit la date à laquelle est intervenue la
décision administrative contestée. Elles peuvent être appliquées pour la première fois
en appel1017
». En d’autres termes, les dispositions de l’article L. 600-7 du Code de
l’urbanisme n’affectent pas le droit au recours mais seulement des règles de
procédures contentieuses. Dès lors, le Conseil d’État considère que les nouveaux
articles sont applicables aux procès en cours dès l’entrée en vigueur desdits articles.
Ce faisant il se range à l’analyse majoritaire1018
et donne tort à l’analyse contraire
consistant à considérer qu’il y avait atteinte au droit au recours1019
.
2) Le juge administratif, juge du dommages-intérêts
Classiquement la compétence pour allouer des dommages-intérêts est celle du juge
de plein contentieux et en matière d’urbanisme, elle relevait jusqu’à la réforme de
2013 de la seule compétence du juge civil. Une jurisprudence constante refusait les
demandes reconventionnelles en dommages-intérêts. Suivant l’une des
recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme opère une révolution
procédurale infirmant par la même occasion la jurisprudence en vigueur de l’arrêt
Sieur NOBLE (a.). Ce mécanisme procédural pose la question de la place du juge
dans le processus de lutte contre les recours abusifs (b.).
1017 Préc. CE, avis, 6
e et 1
re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n
o 376113 et CE, avis, 6
e et 1
re SSR,
18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN
(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de
l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du
nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 1018
V. pour un jugement particulièrement didactique : préc. TA Dijon, 10 oct. 2013, M. FRITSCH,
no 1201224.
1019 Préc. TA, Strasbourg, 15 oct. 2013, Époux RUDOLF, EARL RUDOLF, n
o 1003775, AJDA, 2013,
p. 2058 et M. NOBLAT, no 1005486 ; v. préc. concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la
réforme du contentieux de l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
320/480
a. Une révolution contra jurisprudentiam
Les nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme rénovent la
mission du juge administratif. Et cette rénovation met un terme à une jurisprudence
ancienne imposant que les recours indemnitaires soient nécessairement régularisés
dans le cadre d’une instance séparée, et plus précisément devant les juridictions
judiciaires1020
.
Là encore, il n’est point le lieu de répéter les observations développées au chapitre
précédent sous l’angle des innovations majeures apportées par la réforme du
contentieux de l’urbanisme opérée en 2013. Toutefois, pour la clarté de la
démonstration, il convient de souligner derechef que l’habilitation désormais légale
du juge administratif à juger de demandes reconventionnelles indemnitaires pour un
préjudice causé par l’abus du droit d’agir est une révolution contra jurisprudentiam.
En effet, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a mis un terme à la pratique
jurisprudentielle de rejeter les conclusions indemnitaires dans un tel cadre. En effet,
depuis un arrêt Sieur NOBLE1021
du 24 novembre 1967, le juge administratif avait
fermé la voie de l’allocation de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme pour le préjudice causé par le recours abusif d’un tiers
excessif ou malveillant :
Considérant qu’en raison de la nature particulière du recours pour excès de
pouvoir des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur
soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts
pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une
instance en annulation pour excès de pouvoir1022
.
Cette vénérable jurisprudence trouvait sa justification, non de l’absence de parties,
comme le souligne René CHAPUS, mais dans la structure même du procès pour
excès de pouvoir. En effet, la particularité de ce procès réside dans le fait que l’action
1020 Préc. Cass., 3
e civ., 5 juin 2012, Société FINAREL c. SCI MANDELIEU Esterel, n
o 11-17.919, F-
D ; chron ZALEWSKI (V.), Recours contre le permis de construire et retard du programme, Gazette
du Palais, no 61, 2 mars 2013, p. 42.
1021 Préc. CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n
o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN
(J.), D., 1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. Dans le même sens. CE,
Sect., 7 déc. 1979, DELARUE, p. 847, LANDON (P.), A.J., 1980, p. 549. V. également CE, 25 avr.
1986, PAUL, R.D.A., 1986, no 304.
1022 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
321/480
contentieuse est techniquement dirigée contre l’acte, en l’occurrence l’autorisation
d’urbanisme litigieuse, et non contre la partie défenderesse, en l’occurrence le
bénéficiaire de ladite autorisation. Dès lors, il était considéré qu’il n’y avait pas lieu
de permettre à la partie défenderesse de présenter une réclamation contre le
requérant1023
. Évidemment, avec le temps, et en matière urbaine, une telle analyse
apparaît aujourd’hui déconnectée de la réalité économique1024
et des dérives
malveillantes de certains requérants qui visent précisément la partie défenderesse à
travers l’acte qu’ils critiquent.
Toutefois, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme n’ouvre expressément la faculté
de présenter une demande reconventionnelle indemnitaire que dans le cadre des
recours pour excès de pouvoir formés exclusivement contre un permis de construire,
de démolir ou d’aménager. Ce n’est donc pas tous les cas d’abus qui pourraient
apparaître dans n’importe quel recours pour excès de pouvoir. Par ailleurs, en
matière de plein contentieux, les demandes reconventionnelles à des fins
indemnitaires pour recours abusifs sont déjà admises de longue date par la
jurisprudence1025
.
En outre, il ressort de la jurisprudence récente que les juridictions administratives ont
fait leur les nouvelles dispositions consacrant l’abandon de la jurisprudence Sieur
NOBLE. En effet, le juge administratif considère désormais que le bénéficiaire du
recours doit présenter ses conclusions en dommages et intérêts par un mémoire
distinct, et non par un nouveau recours. Ce mémoire doit être exposé devant le juge
administratif saisi du recours. À défaut, sa demande est irrecevable1026
.
1023 CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e édition, 2008, 1540 p., p. 229, § 250-2
o.
1024 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013, p. 15. 1025
CE, ass., 10 juin 1994, Cne de Cabourg, no 141633, Rec. p. 300 ; CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil
départemental de l’ordre des chirurgiens‐dentistes, no 283141, Rec. p. 204 ; CE, 22 fév. 2012,
Mme SAINT‐SEVER, no 333713, Rec. p. 156 ; CE, Sect., 24 oct. 1952, Sieur COMBAZ, n
o 12029, Rec.
p. 461 ou CE, Sect., 4 nov. 1966, no 66779, Ministre de l’intérieur c. Société « Le Témoignage
chrétien », Rec. p. 584. 1026
Préc. CAA Marseille, 16 janv. 2014, SCI La Maison Blanche, no 11MA03795 ; Préc. CAA
Marseille, 6 juin 2014, M. et Mme EVORA, no 12MA03608.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
322/480
b. Position renforcée du juge administratif
La réforme a clairement pour ambition de renforcer l’office du juge administratif.
Cependant, et c’est d’ailleurs ce que n’a pas manqué de souligner, avec lucidité, le
rapport LABETOULLE, cette volonté est essentiellement « symbolique1027
» et
« dissuasive1028
». Elle n’a, hélas, pas vocation à « trancher la question de savoir s’il
resterait une place pour une action devant le juge civil1029
».
De plus, le renfort de la position du juge administratif dans son office et dans ses
prérogatives participe au processus rampant1030
de « subjectivisation » du contrôle de
légalité opéré par le juge administratif et plus largement du droit administratif1031
. En
effet, et nous l’avons déjà évoqué, la nouvelle compétence indemnitaire, dans ce
cadre procédural, conférée au juge administratif rompt avec le caractère objectif du
contrôle de la légalité, cœur de la mission du juge dans les procédures pour excès de
pouvoir1032
.
Cependant soutenir que la position du juge administratif se trouve renforcée par ces
dispositions de « subjectivisation » du recours pour excès de pouvoir suppose de
définir le terme même de « subjectivisation ». Or, comme le souligne Pierre
DELVOLVE, le terme est un « néologisme qui ne trouve encore sa place dans un
aucun dictionnaire1033
». Toutefois, la « subjectivisation » peut être définie comme la
prise en compte du droit subjectif des administrés. Ceci implique une prise en
compte au-delà de ce que la norme a pu déclarer expressément comme droit concret,
1027 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 16. 1028
Ibid. 1029
Ibid. 1030
FOULQUIER (N.), Les droits publics subjectifs des administrés. Émergence d’un concept en droit
administratif français du XIXe au XX
e siècle, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses,
2003, 805 p. 1031
SCHMIDT-ASSMANN (E.), Principes de base d’une réforme du droit administratif, RFDA,
2008, p. 427 ; SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des administrés et transformations
contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des administrés, colloque de l’AFDA,
Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193. 1032
Préc. MELLERAY (F.), Essai sur la structure du contentieux administratif français, LGDJ, Paris,
2001, 466 p., p. 386. 1033
DELVOLVE (P.) Droits publics subjectifs des administrés et subjectivisation du droit
administratifs, propos introductifs in op. cit. Les droits publics subjectifs des administrés, colloque de
l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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objectif, et attribué à l’administré. Et ceci implique aussi que la légalité objective a
eu pour effet de reconnaître implicitement qu’un intérêt individuel est digne de
protection1034
.
Cette « subjectivisation » clandestine du contentieux administratif semble
symptomatique de la recherche de l’équilibre des intérêts des parties en présence.
Cette recherche substitue la quête d’équilibre au contrôle objectif, abstrait, du
contrôle de légalité1035
. Cette « subjectivisation » conduit le juge à devoir faire la
balance entre les intérêts publics et les différents intérêts privés en cause. Cette
balance doit désormais être faite par le juge administratif. Cette tendance à la
« subjectivisation » renforce le rôle du juge administratif. Dorénavant celui-ci est
jugé apte à apprécier les intérêts individuels en présence dans le procès fait à une
autorisation administrative. Cette aptitude est expressément limitée aux procédures
fondées sur l’excès de pouvoir et aux cas où la légalité d’une autorisation
d’urbanisme est en doute. En renforçant l’office du juge administratif, cette
« subjectivisation », et concrètement cette balance des intérêts des administrés en
présence, a vocation à renforcer l’effectivité du principe de sécurité juridique1036
. Ce
mouvement traduit une influence de la jurisprudence de la C.J.U.E.1037
.
Cependant, et nonobstant le renforcement (quoiqu’essentiellement symbolique) de
l’office du juge administratif, il faut se garder de croire que la prise en compte des
intérêts des administrés parties au procès serait nécessairement une bonne chose pour
la justice. En effet, la « subjectivisation » du contentieux administratif, si elle fait la
part belle au juge administratif qui se voit ainsi rehaussé dans ses prérogatives, peut
parfois conduire à restreindre les droits des administrés notamment en rendant la
1034 Doctrine des normes de protection. V. préc. SCHMIDT-ASSMANN (E.), Principes de base d’une
réforme du droit administratif, RFDA, 2008, p. 427 ; SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des
administrés et transformations contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des
administrés, colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193. 1035
Il semble, en effet, que dès lors qu’il y a recherche d’équilibre entre sécurité juridique d’un
administré et le droit au recours d’un autre administré, il y a subjectivisation du contentieux
administratif. Ceci s’explique par la prise en compte des individualités en présence, c’est-à-dire la
prise en compte des intérêts individuels affectés par la procédure en cours et dépassant le caractère
objectif qui constitue, en principe, l’essence même du contrôle de légalité du juge administratif saisi
d’un recours pour excès de pouvoir. V. en ce sens CE, 7 avr. 2009, Bouygues Telecom. V. tout spé.
Étude NIVARD (C.), L’ambivalence du traitement jurisprudentiel de la sécurité juridique, RDA, no 2,
févr. 2010, Étude no 3.
1036 Ibid.
1037 V. en ce sens obs. PELLISSIER (G.), Développements récents de l’impératif de sécurité juridique,
LPA, 20 févr. 1998, no 22, p. 6, réf n
o PA199802202.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
324/480
jurisprudence encore plus imprévisible1038
. Après avoir essentiellement marqué le
plein contentieux et le contentieux des contrats publics1039
, la « subjectivisation »
rénove l’office du juge en matière de contentieux de l’urbanisme et plus précisément
en matière de recours pour excès de pouvoir formés contre une autorisation
d’urbanisme.
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent, qu’à
l’échelle individuelle, la réforme a un effet limité sur les moyens de défense
classiques du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée. Comme avant la
réforme, les moyens de défense demeurent la réponse aux moyens développés par le
requérant. Ces moyens portent classiquement sur la compétence de l’auteur de
l’autorisation d’urbanisme attaquée, sur la légalité de l’autorisation et sur le montant
des frais irrépétibles.
En revanche, la réforme a un véritable effet sur le déroulement de la procédure
contentieuse administrative en matière d’urbanisme. Elle rénove cette procédure en
accentuant les particularismes déjà caractéristiques du droit de l’urbanisme
(obligation de notifier les recours, exclusion du principe de l’économie des moyens
en particulier). En outre, elle introduit un cadre légal strict de la notion d’intérêt pour
agir des tiers et du mécanisme de cristallisation des moyens.
De même, elle rénove l’office du juge administratif. Celui-ci voit son arsenal de
maîtrise du calendrier contentieux complété. Et surtout, il se voit habilité à se
prononcer sur la réparation d’un préjudice excessif subi par le bénéficiaire d’une
autorisation d’urbanisme attaquée par un requérant qui a exagéré. Cette habilitation
indemnitaire est une extension des prérogatives du juge. Elle met un terme à une
jurisprudence ancienne et renforce symboliquement l’office du juge administratif.
1038 V. en ce sens obs. MARTINEZ-MEHLINGER (J.), Vers « L’atomisation » du recours pour excès
de pouvoir dans le contentieux des sanctions administratives, RFDA, 2012, p. 257. 1039
POUYAUD (D.), L’office du juge du contrat, RFDA, 2010, p. 519. V. pr une illustration CE, ass.,
28 déc. 2009, Cne de Béziers, no 304802, Rec. Lebon, p. 509 ; CE, 29 janv. 2003, Syndicat
départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Cne de Clans, no 245239, Rec. Lebon,
p. 21, SABLIERE (P), AJDA, 2003, p. 784.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
325/480
SECTION 2 : Le durcissement des voies alternatives
Les voies alternatives au recours pour excès de pouvoir abusifs sont, en pratique, la
voie transactionnelle et la voie pénale. En effet, nombre des recours contre les
autorisations d’urbanisme se résolvent par des transactions qui mettent fin à
l’instance. Le requérant se désiste après avoir obtenu un désintéressement suffisant.
Tout le monde a d’une certaine manière à y gagner, le juge parce qu’il peut passer à
un autre dossier, le requérant parce qu’il a trouvé une source de satisfaction, et le
bénéficiaire du permis parce qu’il fait un pas de plus dans la purge des recours de son
autorisation d’urbanisme. Pourtant, il y a dans ce procès inachevé, mort-né, quelque
chose de frustrant au titre de la rigueur juridique.
Par ailleurs, comme le soulignaient les auteurs du rapport LABETOULLE, dans la
majorité des cas, les transactions n’ont rien de malhonnête mais sont un instrument
utile permettant d’aboutir à des compromis raisonnables entre des intérêts divergents.
Néanmoins, il arrive que la transaction soit l’aboutissement d’un processus de
chantage exercé par un requérant qui a pu se construire un intérêt à agir artificiel1040
.
Aussi, sans remettre en cause la possibilité de résoudre le procès de l’autorisation
d’urbanisme par la voie transactionnelle, la réforme de 2013 a suivi la
recommandation du rapport LABETOULLE qui estimait « indispensable de
moraliser le régime des transactions1041
». Et cette moralisation passe par la formalité
de l’enregistrement auprès du centre des impôts directs.
Ainsi, le nouvel article L. 600-8 du Code de l’urbanisme place la transaction sous
surveillance (I.). De son côté, en parallèle de la réforme du contentieux de
l’urbanisme qui n’a pas apporté de modification en matière pénale, le juge pénal a,
par un hasard de calendrier ou par volonté de marquer un accueil favorable au
processus de lutte contre les recours abusifs, adopté une position de sévérité à l’égard
des requérants malveillants (II.).
1040 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au
recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013, p. 18. 1041
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
326/480
I. La transaction surveillée
« Tenez, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès… » souffle avec
lucidité le magistrat imaginé par BALZAC au justiciable1042. La donne n’a pas
changé depuis le XIXe siècle. Un arrangement vaut toujours mieux qu’un long et
coûteux procès dont l’issue reste toujours soumise à l’aléa judiciaire (A.). Mais
désormais la transaction est placée sous surveillance. La réforme impose
l’enregistrement comme condition ad validitatem des transactions (B.).
A. Un mauvais arrangement, mieux qu’un bon procès
Tout arrangement susceptible de donner la tranquillité est bon1043
. La transaction
présente un intérêt multiple (1.) mais exige des concessions réciproques (2.).
1) L’intérêt de la transaction
L’intérêt de la transaction est de mettre fin au recours formé contre l’autorisation
d’urbanisme sans prendre le risque d’une censure radicale prononcée par le juge
administratif. Étymologiquement la transaction vient du latin transactio de l’infinitif
transigere signifiant transiger1044
.
En effet, la transaction permet de mettre fin amiablement au différend procédural qui
oppose les parties. En pratique, les parties et leurs conseils se rapprochent autour
d’un protocole d’accord transactionnel pour mettre fin au contentieux procédural. Le
1042 BALZAC (H.), Ève et David, Souffrances de l’inventeur, Scènes de la vie de province, in Illusions
perdues, in La Comédie humaine, T. IV, éd. publiée sous la direction de CASTEX (P.-G.) avec la
collaboration de BARBERIS (P.), GUISE (R.), MEININGER (A-M), MOZET (N.) et TRITTER (J.-
L.), Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1976-1981, 1 600 p., p. 1054. 1043
Ibid. 1044
Collectif, Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes
privées, Conciliation, médiation et arbitrage, Actes, Lisbonne, juin 1999, Étude, Éditions du Conseil
de l’Europe, juill. 2000, p. 174, p. 91.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
327/480
Larousse définit la transaction comme le contrat par lequel les parties terminent une
contestation ou en préviennent une autre, moyennant un prix ou des concessions
réciproques. En droit civil, l’article 20441045
du Code civil définit la transaction
comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou
préviennent une contestation à naître. Le même article dispose encore que la
transaction doit être écrite1046
.
La transaction est pleinement et traditionnellement admise par le juge
administratif1047
. Elle est même largement plébiscitée comme mode de règlement
amiable des conflits1048
. Les parties en litige s’entendent et concluent un accord, la
transaction. Elles mettent ainsi fin à leur différend. Cet accord emporte
l’irrecevabilité du recours que l’une des parties exercerait ultérieurement et qui
tendrait à soumettre au juge les questions sur lesquelles porte précisément l’accord
transactionnel. Dès lors, ce nouveau recours se heurterait à l’« exception de chose
transigée1049
».
Il faut combiner ce régime avec la formule de l’article 2052 du Code civil lequel
dispose que « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en
dernier ressort ». Et le juge administratif s’y réfère. Le Conseil d’État considère
même qu’en vertu de cet article, non seulement le contrat de transaction, par lequel
les parties mettent fin à leur différend, a entre ces parties l’autorité de la chose jugée
en dernier ressort mais encore « il est exécutoire de plein droit1050
».
1045 Code civil, art. 2044 : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une
contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit. » 1046
Ibid. al. 2. 1047
Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 653, n
o 2128.
1048 Cf. Circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler
amiablement les conflits, JORF, no 0083, 8 avr. 2011, p. 6248, texte n
o 1 (NOR : PRMX1109903C) ;
v. également Étude du CE, 4 févr. 1993, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction,
arbitrage en matière administrative. Cette étude préconisait l’adoption par le Premier Ministre d’une
circulaire sur la transaction avec pour objectif de présenter ce mode de règlement et d’inciter son
développement par les services publics. V. également VINCI (N.) Guide de la transaction en droit
administratif, Réglementation, no 264, 2012, 62 p.
1049 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 390, § 471.
1050 CE, avis, ass., 6 déc. 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle degré du
district de l’Hay-Les-Roses, no 249153, Rec. Lebon, p. 433 ; LE CHATELIER (G.), RFDA, 2003,
p. 291 ; PACTEAU (B.), ibid. ; chron. DONNAT (F.) et CASAS (D.), AJDA, 2003, p. 280,
KENFACK (H.), ibid., 2004, p. 242 ; MENEMENIS (A.), RDA, 2003, no 44 ; SABIANI (F.), ibid.,
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
328/480
Comme l’écrit Pascal PUIG, la transaction réussit ce pari improbable de contracter le
temps du procès dans celui du contrat1051
. Plus rapide et plus discrète1052
aussi qu’un
procès, la transaction présente un intérêt certain pour toutes les parties au procès.
Et c’est bien là l’intérêt pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée de
parvenir à une transaction avec le tiers requérant. Mais cet arrangement amiable a un
coût car le désistement du tiers requiert une compensation. En effet, la validité d’une
transaction repose sur l’existence de concessions réciproques.
2) L’exigence de concessions réciproques
L’exigence de concessions réciproques est une exigence jurisprudentielle qui
présente des avantages mais aussi des inconvénients réciproques pour les parties (a.).
Par ailleurs, si la transaction aboutit à clore le contentieux, elle présente une
difficulté particulière propre à la nature du recours pour excès de pouvoir. En effet, la
fin amiable du contentieux laisse planer le doute sur la légalité de l’acte (b.).
a. Avantages et inconvénients pour les parties
La transaction présente l’avantage d’être un mode de règlement amiable du
contentieux procédural. Elle est plus rapide qu’un procès. Et surtout, elle est
confidentielle. Elle permet ainsi de conserver une certaine discrétion sur les termes
de ces transactions. Et cette discrétion est bienvenue, notamment pour les
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme professionnels1053
. Jouissant d’un
formalisme souple, la transaction ne requiert pas une homologation par le juge1054
.
Elle est un moyen de gestion du temps et de maîtriser le risque de l’aléa judiciaire.
Mais elle est aussi le risque de gagner moins, tout de suite, que plus, dans un certain
2003, Chron. 8 ; note GOURDOU (J.) et TEMEYRE (Ph.), R.J.E.P., 2003, p. 543 ; note MAHINGA
(J.-G.), LPA, 2003, no 119.
1051 PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, n
o 241, p. 29,
réf. PA200924107. 1052
Ibid. 1053
Tels que les promoteurs ou les aménageurs titulaires de l’autorisation d’urbanisme critiquée. 1054
TA Paris, 2 avr. 2003, no 0304030 ; SPITZ (E.), AJDA, 2003, p. 1286.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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temps. Réciproquement, elle est aussi le risque de perdre plus, tout de suite, que
moins, dans un certain temps1055
.
Pierre angulaire du régime, la transaction suppose des concessions réciproques entre
les parties. Selon le droit civil, et en dépit du silence de l’article 2044 du Code civil,
des concessions réciproques sont un élément constitutif du contrat de transaction1056
.
Et la jurisprudence administrative exige explicitement qu’il y ait effectivement des
concessions réciproques1057
. Ainsi, la transaction est à mi-chemin entre le contrat
synallagmatique et le jugement. Chacun transige pour son intérêt propre mais aussi
pour l’autre. Chacun perd ce qu’il concède et réciproquement. Et dans le même
temps gagne ce quoi l’autre renonce1058
. En pratique, et c’est bien là l’intérêt de ce
contrat, le requérant s’engage au désistement d’instance1059
et d’action1060
. De son
côté, le bénéficiaire offre une contrepartie à la hauteur du désistement du requérant.
Il peut s’agir d’un dédommagement financier ou de l’offre à un coût minoré dans le
programme projeté d’un lot ou d’une unité de parking.
De plus, la transaction est un jeu d’équilibre1061
. En pratique, cet équilibre est lui-
même source de contentieux1062
. Et c’est l’un des inconvénients de la transaction.
1055 Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, n
o 241,
p. 29, réf. PA200924107. 1056
CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 954, § 1075.
1057 CE, 7
e et 2
e SSR, 11 sept. 2006, Cne de Théoule-sur-Mer, n
o 255273, Rec. Lebon, p. 395,
DREYFUS (J.-D.), AJDA, 2006, p. 2125 ; DU MARAIS, Gaz. Pal., 2007, p. 29 : « lorsqu’il entend
autoriser le maire à conclure une transaction, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue
de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre
desquels figurent notamment la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de
terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin ». 1058
Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, no 241,
p. 29, réf. PA200924107. 1059
La demande peut être renouvelée, dans la mesure où le requérant n’a pas renoncé à son droit à
agir. 1060
La demande ne peut plus être renouvelée, dans la mesure où par son désistement d’action, le
requérant a renoncé à son droit d’agir. Tout désistement est désormais réputé être un désistement
d’instance (cf. CE, Sect., 1er
oct. 2010, RIGOT, no 314297 ; CE, 10 déc. 2010, Min. Int., n
o 340909) et
non plus d’action (cf. CE, 4 nov. 1995, CANCRE, no 22761 ; CE, sect., 24 mai 1957, CAFFOT, Rec.
Lebon, p. 341). 1061
Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, no 241,
p. 29, réf. PA200924107. 1062
V. en ce sens les obs. KENFACK (H.), Actualité de la transaction, Droit des contrats, LPA,
30 juin 2004, no 130, p. 5, réf. PA200413002.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
330/480
Nombre de contentieux naissent de la contestation de la réciprocité des concessions,
ce qui peut aboutir à des requalifications et in fine à la nullité de la transaction1063
.
Par ailleurs, ces transactions existent de longue date et il est parfaitement admis
qu’une transaction mette fin à un recours pour excès de pouvoir1064
. Toutefois, le
tribunal administratif d’Amiens1065
a pu rappeler, isolément, l’impossibilité de
renoncer, par transaction, à exercer le recours pour excès de pouvoir. Certes une telle
solution semble aller à contre-courant de l’attachement du droit et du contentieux
administratif à ce mode de règlement alternatif, au formalisme souple1066
. Mais les
termes de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme ne laissent plus guère de doute :
la transaction est bien admise pour mettre fin à l’instance où le juge administratif a
été appelé à se prononcer sur l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou
d’aménager1067
.
b. Le doute persistant sur la légalité de l’acte
La transaction, c’est aussi « un procès qui n’aura jamais lieu, un jugement qui ne sera
jamais rendu1068
». Par conséquent, c’est admettre qu’un acte potentiellement vicié
subsiste. Or, sur le plan de la bonne administration de la justice, il n’est pas
satisfaisant que par un arrangement transactionnel aux conditions occultes des
administrés puissent s’entendre pour laisser subsister un acte dénoncé comme illégal.
Une loi doit avoir son effet, et il ne faut pas permettre d’y déroger par une
convention particulière1069
. Ainsi, si le recours n’est pas malveillant (ce qui suppose
1063 V. pour une illustration : Cass., 1
re civ., 9 juill. 2003, JCP, 2003, II, p. 10171, obs. DESGORCES
(R.) ; Cass., soc., 4 janv. 2000, Bull. civ. IV, no 8.
1064 En dépit du spectre théorique de l’impossibilité de renoncer par transaction à exercer le recours
pour excès de pouvoir planait sur ces transactions. 1065
TA Amiens, 14 avr. 2007, no 0400871, V. com. NICOUD (F.), L’impossibilité de renoncer par
transaction à exercer le recours pour excès de pouvoir, D. A., no 1, janv. 2008, com. n
o8 ; DREYFUS
(J.-D.), L’office du juge de l’homologation d’une transaction, AJDA, 2009, p. 487 ;
GUILLAUMONT (O.), Le recours au contrat de transaction en matière de licenciement illégal, AJFP,
2008, p. 106. 1066
Préc. com. NICOUD (F.), L’impossibilité de renoncer par transaction à exercer le recours pour
excès de pouvoir, D. A., no 1, janv. 2008, com. n
o8.
1067 Code de l’urbanisme, L. 600-8 al. 1
er.
1068 Expression empruntée à PUIG (P.), in préc. La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage,
LPA, 3 déc. 2009, no 241, p. 29, réf. PA200924107.
1069 MONTESQUIEU (Ch. de S.), op. cit. L’esprit des Lois, T.2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par
VERNET (J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
331/480
là encore de le qualifier comme tel), la transaction aboutit à soustraire une
autorisation peut-être illégale de la censure du juge administratif.
Bien entendu, d’aucuns diront que si c’est un recours abusif, l’acte n’est pas
nécessairement vicié, et donc la transaction aboutit seulement à clore un procès qui
n’a pas lieu d’être et non pas à laisser subsister un acte d’une légalité douteuse. Mais
dans ce cas, une telle transaction donne l’impression qu’« il y a quelque chose de
pourri dans l’empire1070
» de la justice. En effet, dans notre postulat de départ, le
recours est malveillant. Il n’y a donc, par hypothèse, pas de réel doute quant à la
légalité de l’autorisation d’urbanisme. Et dans ce cas la transaction n’est pas
pleinement satisfaisante puisqu’elle permet le développement de recours malveillants
pour des coûts de transaction bien souvent onéreux pour le pétitionnaire.
Et c’est précisément à ce problème que le législateur, suivant l’une des
recommandations du rapport LABETOULLE, a entendu remédier en imposant
l’enregistrement des transactions.
B. La publicité de la transaction
La publicité de la transaction consiste en l’enregistrement au centre des impôts
directs (1.). La transparence qu’elle doit véhiculer est présentée par le rapport
LABETOULLE comme un outil de dissuasion pour les requérants malveillants.
Toutefois, il est à craindre que cette publicité marque également l’avènement d’un
élément de complication (2.).
1) Régime de cette publicité
En réaction au racket transactionnel dénoncé par les bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme victimes de recours malveillants, le législateur a durci la procédure
contentieuse en imposant la publicité des transactions. Ainsi l’article L. 600-8 du
Code de l’urbanisme dispose :
1070 MARCELLUS ; SHAKESPEARE (W.) in Hamlet, Acte I, scène 4.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
332/480
Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge
administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou
d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du
versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit
être enregistrée conformément à l’article 635 du Code général des impôts.
La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans
cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des
avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se
prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de
l’avantage en nature.
Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l’objet du permis mentionné au
premier alinéa peuvent également exercer l’action en répétition prévue à
l’alinéa précédent à raison du préjudice qu’ils ont subi.
Il n’est point le lieu de reproduire les observations développées au chapitre précédent
sous l’angle des services fiscaux mis au service de la transparence transactionnelle.
Cependant, il convient de souligner, ici, que toute transaction par laquelle un tiers
ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de
démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du
versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit,
désormais, être enregistrée conformément à l’article 635 du Code général des impôts.
La sanction du défaut d’enregistrement est radicale puisque la contrepartie prévue
par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées dans
ce cadre sont sujettes à répétition. Cette action en répétition se prescrit par cinq ans à
compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature1071
.
Ce régime est inspiré de l’obligation d’enregistrement prescrite à peine de nullité en
matière de promesses de vente passées par acte sous seing privé1072
. Cette obligation
a pour objet et pour effet de réputer sans cause les contreparties prévues par une
transaction qui n’aurait pas été enregistrée. À défaut, l’indemnité transactionnelle
versée en contrepartie du désistement est susceptible d’être récupérée à tout
1071 Code de l’urbanisme, art. L. 600-8.
1072 Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 654, n
o 2130.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
333/480
moment1073
non seulement par le titulaire du permis de construire litigieux qui l’a
versée, mais encore par les acquéreurs successifs du bien immobilier qui auraient
indirectement supporté le coût de la transaction, répercuté par l’opérateur dans le prix
d’achat du bien immobilier1074
.
Par ailleurs, les indemnités transactionnelles sont soumises à traitement fiscal. Et ce
traitement fiscal doit être analysé tant chez la personne qui reçoit l’indemnité que
chez celle qui la verse, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale1075
.
L’indemnité reçue est analysée comme une indemnité reçue en réparation d’un
préjudice. Si l’indemnisé est une entreprise, l’indemnité est traitée comme un produit
imposable dès lors qu’elle compense la perte ou la dépréciation d’un actif. En
revanche, elle constitue une charge déductible que dans la mesure où elle porte sur
un actif donnant lieu à déduction fiscale1076
. Si l’indemnisé est un particulier, il faut
distinguer selon que l’indemnité répare un préjudice économique ou un préjudice
moral ou de jouissance1077
. S’il s’agit d’un préjudice économique, l’indemnité est
soumise à l’impôt sur le revenu. En revanche, si l’indemnité répare un préjudice
moral ou de jouissance, elle n’est pas imposable1078
.
L’indemnité versée est, quant à elle, analysée par rapport à l’importance des
concessions réciproques1079
. La déductibilité de l’indemnité est conditionnée à
l’existence d’une contrepartie réelle1080
. De plus, s’agissant des entreprises soumises
à la TVA., l’administration fiscale considère que « le fait que le versement de
l’indemnité soit subordonné à la renonciation par le bénéficiaire à tout recours
juridictionnel ne saurait être assimilé à un service rendu à la partie versante1081
».
Ainsi, en s’engageant à se désister et en renonçant à agir en justice, le requérant qui
perçoit l’indemnité ne rend pas fiscalement un service au bénéficiaire de
l’autorisation attaquée. Dès lors, l’indemnité transactionnelle ne doit pas être
1073 Sauf bien entendu si le tiers-requérant malveillant a aussi organisé son insolvabilité. Ce qui se voit
fréquemment dans la pratique contentieuse. 1074
Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 654, n
o 2130.
1075 Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., n
o 10, oct. 2014, étude 9.
1076 CAA Nantes, 21 oct. 1992, François X., n
o 90NT00392.
1077 V. Code général des impôts, art. 12.
1078 Cass., 2
e civ., 28 avr. 2011, n
o 08-13.760, RCA, 2011, n
o 254 (privation d’ensoleillement).
1079 Cass., soc., 5 janv. 1994, n
o 89-40.961 ; PUIGELIER (C.), D., 1994, p. 586 ; TAQUET (F.), JCP
Semaine Juridique, 1994, II, p. 22259 ; SERRA (Y.), D., 1995, p. 205. 1080
Préc. Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9.
1081 BOI-TVA-BASE-10-10-10, n
o 270.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
334/480
soumise à la TVA1082
. S’agissant des particuliers, le versement d’une indemnité
transactionnelle en matière d’autorisation de construire ne constitue pas une charge
déductible prévue par la loi1083
.
2) L’avènement d’un élément de complication
Si l’enregistrement semble être une mesure anti-abus « astucieuse1084
», il n’en
demeure pas moins que cette transparence a un revers négatif, lequel marque
l’avènement d’un élément de complication.
En effet, il est à craindre que cette publicité aboutisse assez rapidement à construire
de facto une échelle de valeur, un barème au coût du désistement. Dès lors, le
mécanisme est susceptible d’aboutir à la valorisation du prix des désistements. Et au
lieu de refréner les recours abusifs, cette publicité est susceptible d’aboutir à
l’amélioration d’un argumentaire du requérant malveillant qui pourra s’appuyer sur
des précédents et ainsi justifier et argumenter le prix de son désistement.
Dès lors la publicité inhérente à l’enregistrement des transactions risque de faire
manquer sa cible au dispositif anti-abus. Il risque d’aboutir à une « barémisation1085
»
du prix du désistement, c’est-à-dire à une « barémisation » des concessions
réciproques et des indemnités de désistement. Ce dispositif va aboutir à la
compilation des transactions et donc à la constitution d’un référentiel indicatif des
valeurs d’indemnisation. Et il est à craindre que ce référentiel permette à des
requérants malveillants d’étayer leur argumentaire.
Si en matière de dommages corporels objectifs, pour les accidentés de la route ou
dans le milieu médical1086
, la constitution d’un tel référentiel indicatif
d’indemnisation des préjudices peut sembler une bonne chose, il n’en est rien dans
un domaine exposé aux abus des requérants pour lesquels le préjudice est artificiel.
1082 Préc. Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., n
o 10, oct. 2014, étude 9.
1083 Ibid.
1084 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,
4/2013, p. 247. 1085
Néologisme de l’auteur désignant l’action d’établir un barème pour évaluer quelque chose. Le
terme fait hélas défaut dans le Larousse. 1086
Cf. Rap. « L’indemnisation du dommage corporel », 22 juill. 2003, Comité national d’aide aux
victimes ; cf. également nomenclature des préjudices corporels, juill. 2005, Groupe de travail
DINTILHAC ;
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
335/480
Par suite, le risque est aussi de voir que cette nomenclature devient à terme un
barème contraignant le juge en cas de contentieux sur la transaction, déjà fréquent
sur la notion de concessions réciproques. En matière de dommages corporels, cette
solution a été officiellement écartée1087
, mais il en demeure pas moins qu’un tel
barème s’inscrit dans le faisceau d’indices susceptible d’éclairer le juge qui a à
contrôler une transaction.
En matière civile, alimentant notre crainte, la doctrine civiliste est d’ailleurs
favorable à l’introduction d’une « barémisation » contraignante des indemnités des
préjudices à réparer. Geneviève VINEY a ainsi suggéré que la Cour de cassation
impose aux tribunaux et aux cours d’appel « une ventilation détaillée des indemnités
correspondant à chacun des chefs de dommage constatés1088
». En matière
prud’homale, c’est chose faite avec notamment le décret no 2013-721 du 2 août 2013,
publié le 7 août 2013, qui fixe le barème nécessaire au calcul de l’indemnité
forfaitaire versée par l’employeur au salarié en cas de conciliation devant les
prud’hommes. Ce barème ne s’applique de manière obligatoire que dans l’hypothèse
où le salarié et l’employeur en font conjointement la demande. Toutefois, il ne fait
aucun doute que ce barème s’imposera rapidement comme un référentiel
incontournable des conseils.
Ce courant favorable à la « barémisation » irradie désormais le contentieux
administratif par le contentieux de l’urbanisme. Il y a là un risque pervers, d’une part,
de voir se constituer un référentiel de valeur au désistement et, d’autre part, de
déposséder le juge d’une partie de son pouvoir d’appréciation de la réciprocité des
concessions consenties par les parties à la transaction.
II. La menace pénale mobilisée
La voie pénale est également une alternative à la régulation des recours abusifs. Le
juge pénal a récemment indiqué qu’il entend jouer lui aussi un rôle dans le processus
1087 LE PRADO (D.), Équité et effectivité du droit à la réparation, colloques, 2006, site de la Cour de
cassation. 1088
VINEY (G.), La responsabilité dans la jurisprudence de la Cour de cassation, in site internet de la
Cour de cassation.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
336/480
de lutte contre les recours abusifs. Par un arrêt fort, le juge pénal donne la garantie
d’un contrôle réaffirmé (A.) mais dont la portée demeure toutefois, sans doute,
limitée (B.).
A. Une nouvelle garantie prétorienne
Le 22 janvier 2014, pour la première fois, la chambre criminelle de la Cour de
cassation juge qu’un recours contre une autorisation d’urbanisme additionné aux
autres manœuvres destinées à se voir remettre des fonds peut être constitutif du délit
de tentative d’escroquerie (1.). Cette solution nouvelle apporte une alternative
bienvenue aux bénéficiaires de permis de construire victimes de stratagèmes
frauduleux élaborés par des requérants malveillants (2.).
1) Le stratagème crapuleux de requérants
malveillants et le délit d’escroquerie
Par un arrêt du 22 janvier 20141089
, la chambre criminelle de la Cour de cassation
juge qu’un stratagème crapuleux de requérants malveillants visant à obtenir des
sommes d’argent importantes de la part du bénéficiaire d’un permis de construire
qu’ils attaquent constitue une escroquerie ou une tentative d’escroquerie. L’arrêt n’a
pas fait l’objet d’une publication au bulletin car il n’apporte pas d’innovation
majeure sur la mise en œuvre de l’article 313-1 du Code pénal1090
. Cependant, en
matière de contentieux d’urbanisme, il envoie un message fort aux requérants
1089 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88.042, inédit au Bull., v. obs. ROUJOU DE BOUBEE
(G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351 ; préc. étude AILLET (J.) et VITAL-
DURAND (E.), Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9 ; DUBOUY (Ch.), Vingt ans de réformes
depuis la loi Bosson : construction d’un contentieux administratif spécial de l’urbanisme ?, JCP La
Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, no 29, 21 Juill. 2014, p. 2233.
1090 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351.
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malveillants qui se constituent un intérêt à agir artificiel par des actes constitutifs du
délit d’escroquerie1091
.
Les faits de l’arrêt sont simples. Sur l’espace de quelques mois, une équipe de pieds
nickelés, comprenant des anciens professionnels de la construction, forme une série
de recours en annulation contre des permis de construire accordés pour des projets
immobiliers en matière commerciale. À chaque fois, ces recours sont intentés la
veille ou l’avant-veille de l’expiration du délai pour agir. Et ces mêmes recours sont
le fait de titulaires de droits réels immobiliers acquis très peu de temps après la
délivrance des autorisations d’urbanisme contestées. Et chacun de ces recours a été
suivi d’une proposition de désistement moyennant le versement d’une somme
d’argent, dont une partie a été remise par le bénéficiaire du permis attaqué.
Par cette dernière manœuvre, les requérants se soustrayaient ainsi à la jurisprudence
bien établie relative à l’escroquerie au jugement1092
qui vise le cas où un justiciable
parvient à tromper le tribunal par la production d’une pièce fausse et à en obtenir une
décision portant atteinte au patrimoine d’autrui. En l’espèce, le but était d’obtenir des
fonds par une transaction et non par un jugement.
La Cour de cassation confirme la solution des juges d’appel qui ont, quant à eux,
infirmé le jugement rendu en première instance. Elle retient, à la suite de la cour
d’appel que l’existence de manœuvres frauduleuses est caractérisée et que ces
manœuvres visaient effectivement à se voir remettre une somme d’argent. Dès lors,
le stratagème constituait bien une tentative d’escroquerie.
Cette solution apporte en cela un élément d’optimisme pour les victimes d’extorsion
par des requérants malveillants.
1091 Code pénal, art. 313-1 : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse
qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper
une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers,
à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte
opérant obligation ou décharge.
L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. » 1092
Cass., Crim., 23 janv. 1919, Bull. no 21 ; Cass., Crim., 7 janv. 1970, n
o 69-90.114, Bull. Crim.
no 14, p. 30.
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2) Éléments d’optimisme
Les termes de l’arrêt éclairent l’articulation de la sanction du recours abusif et le délit
d’escroquerie.
Attendu que les juges relèvent qu’ont eu l’initiative des recours MM. X… et
Y… qui, en leur qualité d’anciens directeurs d’une société de promotion
immobilière intervenue dans deux des projets en cause, ont eu accès à des
informations privilégiées exploitées par M. C…, avocat, le premier ayant fait
appel à MM. Olivier et Pascal Z…, à la tête d’une société immobilière sans
activité, pour acquérir un bien dans la zone de travaux d’une des opérations,
et à M. A…, déjà propriétaire d’un immeuble dans le périmètre d’un des
autres projets, pour déposer les recours au nom de ces derniers, M. Y… ayant
agi de même et aucun n’étant apparu dans ces opérations ;
Attendu que, pour infirmer le jugement et dire établies les escroqueries et
tentatives d’escroquerie reprochées aux prévenus, l’arrêt énonce, notamment,
que, si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, son utilisation,
hors le dessein de faire assurer ou protéger un droit légitime et après qu’un
intérêt à agir eut été artificiellement créé dans le seul but d’obtenir le
versement de sommes au titre d’une transaction, constitue une manœuvre
déterminante de la remise des fonds ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a caractérisé, sans
insuffisance ni contradiction, l’existence de manœuvres frauduleuses et
répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a
justifié sa décision1093
.
Il ressort de cette décision que certes l’exercice d’une action en justice constitue un
droit. Néanmoins son utilisation dans un but autre que celui de faire assurer ou de
protéger un droit légitime et la constitution artificielle d’un intérêt à agir dans le seul
but d’obtenir le versement de sommes au titre d’une transaction constituent une
manœuvre déterminante de la remise des fonds. C’est la combinaison des deux
aspects qui constitue l’élément matériel de l’infraction.
1093 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88.042, inédit au Bull.
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Ainsi, l’exercice malveillant n’est pas par lui-même constitutif d’une escroquerie.
Pour que la qualification d’escroquerie soit retenue, il faut que le recours abusif
s’inscrive dans un stratagème crapuleux1094
. Et c’est l’ensemble des manœuvres
déployées dans le cadre de ce stratagème et qui plus est, dans le but de se voir
remettre des fonds, qui caractérise l’escroquerie ou la tentative d’escroquerie.
Si cette solution pénale envoie un message sécurisant aux bénéficiaires de permis de
construire victimes de stratagèmes frauduleux élaborés par des requérants
malveillants, il convient de relativiser la portée de cet arrêt.
B. Une portée limitée
La portée de cet arrêt du 22 janvier 2014 doit, toutefois, être nuancée. La décision de
la chambre criminelle de la Cour de cassation est notable parce que pour la première
fois le juge condamne pénalement l’utilisation frauduleuse de l’action en justice (1.).
Mais, dans l’attente d’une confirmation, cette solution doit sans doute être comprise
à ce qu’elle semble être, c’est-à-dire un arrêt d’espèce (2.).
1) Une protection contre l’« escroquerie par
stratagème »
Une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une
manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie. Et la solution n’est pas
nouvelle1095
.
En l’espèce, le recours en annulation contre les autorisations d’urbanisme est une
manœuvre frauduleuse parmi d’autres. Il vise à exercer un moyen de pression
économique sur le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme. En effet, dans les faits,
les recours ont été suivis d’une proposition de désistement moyennant le versement
1094 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351.
1095 Préc. Cass., Crim., 7 janv. 1970, n
o 69-90.114, Bull. Crim. n
o 14, p. 30.
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d’une somme d’argent. Par cette dernière manœuvre, les requérants échappaient à la
jurisprudence bien établie relative à l’« escroquerie au jugement1096
».
La notion d’« escroquerie au jugement » vise le cas où un justiciable parvient à
tromper le tribunal par la production d’une pièce fausse et à en obtenir une décision
portant atteinte au patrimoine d’autrui. En l’espèce, le but était d’obtenir des fonds
par une transaction et non par un jugement. La solution donnée, au cas particulier, est
certes une protection pénale en matière de recours abusifs contre une autorisation
d’urbanisme, mais cette protection pénale suppose que les agissements des
détracteurs malveillants de l’autorisation d’urbanisme visent l’extorsion de fonds au
bénéficiaire de l’autorisation en cause. Cette protection suppose que ces agissements
témoignent de la mise en place d’un stratagème plus ou moins élaboré dans ce but.
Or, en matière bancaire1097
, il ressort de la jurisprudence1098
de la chambre criminelle
de la Cour de cassation que l’« escroquerie par stratagème » peut être définie comme
la mise en scène destinée à donner l’apparence d’une vérité aux mensonges de
l’escroc dans le but de se voir remettre des fonds1099
. Il faut que la mise en scène
dépasse le mensonge et même qu’elle constitue une véritable « machination, c’est-à-
dire la combinaison de faits, l’arrangement de stratagèmes, l’organisation de ruses,
soit une mise en scène ayant pour but de donner crédit au mensonge1100
».
La notion d’« escroquerie par stratagème » telle qu’elle ressort de la jurisprudence
bancaire peut parfaitement est transposée à ce contentieux de l’urbanisme par un
raisonnement analogue. Et c’est d’ailleurs la notion retenue par la chambre
criminelle en matière d’urbanisme1101
.
Ainsi, dès lors que les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme s’estiment victimes
non pas seulement d’un recours malveillant mais d’une véritable machination, la voie
1096 Cass., Crim., 23 janv. 1919, Bull. n
o 21 ; Cass., Crim., 7 janv. 1970, n
o 69-90.114, Bull. Crim.
no 14, p. 30.
1097 LASSERRE CAPDEVILLE (J.), Escroquerie par stratagème, D., 2011, p. 2008.
1098 Cass., crim., 1
er juin 2011, n
o 10-83.568 (n
o 2672 FS-P + B + R) : « L’ouverture du compte
bancaire avait pour seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer l’apparence d’une
solvabilité, et les chèques n’ont été utilisés que pour obtenir la remise de la marchandise avec le
dessein formé dès l’origine de ne pas en payer le prix, ce stratagème caractérisant les manœuvres
frauduleuses constitutives de l’escroquerie ». 1099
BOMBLED (M.), Escroquerie : ouverture d’un compte bancaire, sur Cass., crim., 1er
juin 2011,
no 10-83.568, D., 2011, p. 2008.
1100 Cass. Crim., 11 mai 1971, Bull. crim. n
o 145.
1101 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88.042, inédit au Bull.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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pénale sur le fondement de l’« escroquerie par stratagème » est explicitement
ouverte. Cette solution, à défaut d’être nouvelle, marque un durcissement global des
juridictions administratives et civiles à l’encontre de la manipulation de la justice.
2) Un arrêt d’espèce
Inédit au bulletin, l’arrêt est presque passé inaperçu dans la doctrine. Et ce sont
essentiellement les avocats qui, via des blogs, s’en sont fait l’écho.
Bien que la solution soit intéressante et éclairante sur l’application de la notion
d’« escroquerie par stratagème » en matière de contentieux d’urbanisme abusif, elle
doit sans doute être comprise comme une solution d’espèce.
Il est vrai que cette décision répond bien à la définition de l’arrêt d’espèce. En effet,
l’arrêt doit sans doute être compris comme une décision de justice dont la solution
s’explique par les particularités de l’espèce et qui, contrairement à un arrêt de
principe, n’a certainement pas vocation à être repris de façon générale dans d’autres
cas d’espèce. En effet, les faits de l’arrêt sont assez caricaturaux. La qualité des
requérants (entre autres, un ancien employé licencié de la société de promotion
titulaire du permis attaqué et un avocat), la présence de sociétés écrans gérées par des
hommes ou femmes de paille, et la mise en scène d’une vaste machination pour se
constituer des intérêts à agir et ainsi négocier leur désistement sont autant de
particularités liées à l’espèce. Tous ces éléments militent pour une relativisation de la
portée de la protection pénale ainsi affirmée.
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent qu’il y a, en
parallèle de la réforme de l’équilibre entre le droit au recours des tiers et de la
sécurité juridique des bénéficiaires des autorisations d’urbanisme attaquées, un
durcissement des voies alternatives. Ce durcissement se traduit par le contrôle
silencieux des transactions désormais placées sous surveillance. La transaction
demeure comme par le passé une alternative amiable intéressante pour l’ensemble
des parties pour le procès. Elle est une maîtrise contractuelle de l’issue incertaine
d’un procès qui repose sur des concessions réciproques. Cependant, le dispositif anti-
abus a parallèlement une répercussion négative sur la transaction, puisque le
dispositif anti-abus prescrit l’enregistrement aux centres des impôts. D’une part, elles
devraient voir le contrôle des concessions réciproques renouvelé par la
« barémisation » du prix du désistement de leur enregistrement. D’autre part, elles
laissent planer, sinon un doute sur la légalité d’un acte administratif, une défiance
quant à la légitimité de la transaction.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
342/480
Par ailleurs, le durcissement des voies alternatives se manifeste également dans une
décision récente de la chambre criminelle du Quai de l’horloge. En effet, la Cour de
cassation fait application, pour la première fois, en matière de contentieux de
l’urbanisme, d’une jurisprudence ancienne relative à la sanction de l’escroquerie par
stratagème1102
. Elle considère qu’une machination crapuleuse déployée par des
requérants malveillants dans le but d’obtenir des fonds du bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme attaquée peut être constitutive d’une escroquerie ou d’une
tentative d’escroquerie. Mais la portée de cet arrêt1103
nous paraît limitée.
1102 V. en matière bancaire, Cass., Crim, 11 mai 1971, Bull. crim., n
o 145, constitue le délit
d’escroquerie par manœuvres frauduleuses « une machination, c’est-à-dire la combinaison de faits,
l’arrangement de stratagèmes, l’organisation de ruses, soit une mise en scène ayant pour but de donner
crédit au mensonge » ; et plus récemment : Cass., Crim, 1er
juin 2011, no 10-83.568, Bull. ;
BOMBLED (M.), D., 2011, p. 2008 ; préc. note LASSERRE CAPDEVILLE (J.), Escroquerie par
stratagème, ibid. ; obs. ROUJOU de BOUBEE (G.), GARE (T.), MIRABAIL (S.) et POTASZKIN
(T.), ibid., p. 2823, obs. GALLOIS (J.), A.J. Pénal, 2011, p. 523 ; BOULOC (B.), RTD com., 2011,
p. 653 ; LEGEAIS (D.), ibid., p. 780 ; note VERO (M.), Dr. pénal 2011, comm. no 117 ;
MATSOPOULOU (H.), Escroquerie : la caractérisation du stratagème constitutif des manœuvres
frauduleuses au sens de l’article 313-1 du Code pénal, R.S.C., 2011, p.839 ; V. également autre
secteur, Cass., Crim. 11 juin 1953, Bull. crim. no 203 et Cass., Crim., 17 juill. 1968, Bull. crim.,
no 228.
1103 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n
o 12-88.042, inédit au Bull.
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CONCLUSION DU CHAPITRE 2
La réforme de 2013 portée à la fois par l’ordonnance du 18 juillet 2013 et par le
décret du 1er
octobre 2013 a donc abouti à redéfinir l’équilibre entre la sécurité
juridique et le droit au recours. Il en résulte une accentuation des particularismes du
droit de l’urbanisme et plus précisément des procédures contentieuses de
l’urbanisme. Il en résulte également une restriction accrue du droit au recours des
tiers à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales et de leurs
groupements. Pour autant, il est trop tôt pour mesurer le gain réel en termes de
sécurité juridique au profit des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
Cependant, en tout état de cause, il ne fait aucun doute que l’arsenal anti-abus a été
rénové et renforcé. Si globalement les moyens de défense du bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme demeurent inchangés, les moyens d’action des tiers ont
quant à eux grandement été modifiés. En dépit du souhait officiel contraire du
législateur, le droit au recours se réduit en peau de chagrin au gré des réformes
successives visant à sécuriser les autorisations d’urbanisme, et visant, peut-être
davantage encore, à relancer la construction et le nombre des mises en chantier.
Ainsi, à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales et de
leurs groupements, les tiers voient désormais leur intérêt pour agir encadré par un
régime strict.
La cristallisation des moyens fait également figure de symbole de rationalisation du
contentieux de l’urbanisme. Quoique le fond du dispositif ne soit pas réellement une
nouveauté, l’esthétique du dispositif et de son nom séduit. Mais il requiert l’éclairage
des juridictions administratives. Dans cette attente, il convient de rester vigilant à
l’appréhension prétorienne du dispositif.
À l’origine du nouvel équilibre entre la sécurité des bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme et le droit au recours de tiers, l’introduction de la faculté pour les
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attaquée de pouvoir demander
reconventionnellement des dommages-intérêts au juge administratif au sein de la
même instance marque très certainement l’acmé de la réforme. En effet, la
disposition est remarquable. D’une part, elle n’aggrave pas les restrictions déjà
portées au droit au recours des tiers. D’autre part, elle permet de simplifier le
traitement des contentieux. Enfin, tout en donnant satisfaction aux constructeurs et
tout en envoyant un signal fort de responsabilisation aux requérants abusifs, elle
rénove l’office du juge administratif qui fait ainsi un bond dans la modernité.
Enfin, le dernier aspect de la réforme laisse perplexe. Le placement sous contrôle non
pas judiciaire mais fiscal des transactions consacre la défiance du législateur à
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l’égard des parties, demandeur comme défendeur, qui s’arrangeraient entre elles pour
convenir de mettre fin à l’instance. Il est permis de s’interroger sur l’efficacité
véritable de cette mesure qui semble comporter, en réalité, un triple effet pervers.
D’une part, c’est certainement le début d’une immixtion de l’administration fiscale
dans les processus de résolution amiable des conflits. D’autre part, c’est permettre la
pondération des troubles de voisinages et du prix du désistement. Enfin, c’est laisser
persister un doute quant à la légalité de l’acte, ce qui n’est pas satisfaisant sur le plan
d’une bonne administration de la justice.
Hasard de calendrier ou signal d’un éveil prétorien sur le sujet, le juge pénal a
montré sa mobilisation. Par une décision forte, le juge pénal a, en effet, donné le
signe qu’il entendait, lui aussi, demeurer un acteur actif des garanties des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face à des requérants malveillants dont les
agissements peuvent tomber sous le coup d’une qualification pénale.
Globalement la réforme emporte la création d’un nouvel équilibre intéressant au
détriment de l’ensemble des tiers (y compris ceux qui n’auraient pas d’intention
malveillante), et peut-être au profit des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.
Mais seul l’avenir peut en apporter la confirmation ou l’infirmation. Cela étant, il eût
été souhaitable que le législateur explore d’autres sources de sécurisation, juridiques
et moins juridiques.
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CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation
Le savant juriste ne se bornait pas à émettre
un vœu, il proposait des remèdes juridiques
pour obvier au mal.
Édouard CLUNET, 19141104
En 2013, le législateur a introduit, nous l’avons vu, un certain nombre de nouveaux
particularismes dans la procédure contentieuse du droit de l’urbanisme dans le but
avoué de sécuriser les autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs et de
réduire ainsi les délais de construction. Cette réforme opérée en 2013 est intéressante
à bien des égards en dépit d’une atteinte incontestable portée au droit au recours des
tiers à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales, et de leurs
groupements.
La réforme a-t-elle, pour autant, exploité tout le champ des possibles ou d’autres
sources de sécurisation sont-elles, voire étaient-elles, envisageables ? Quels en sont
les obstacles et les limites ?
Arrivant presque au terme de notre réflexion, il nous semble que des solutions
auraient mérité une attention particulière du législateur. Certes, si certaines solutions
peuvent apparaître relativement aisées et peu coûteuses à mettre en place, d’autres
supposent une réflexion plus profonde et un recul plus global sur l’ensemble des
procédures contentieuses administratives. La mise en œuvre de ces solutions, pour
certaines d’entre elles, induit certainement une élaboration longue et donc un coût
élevé.
Ainsi, l’objet du présent chapitre est, d’une part, de présenter et d’analyser des
solutions préexistantes qui nous semblent pouvoir être optimisées (Section 1).
D’autre part, il vise à présenter et à analyser des solutions encore inexistantes mais
qui nous paraissent devoir être mises en place pour participer au processus de lutte
1104 CLUNET (E.), Journal du droit international privé, chron. de l’actualité p. 1212, Éditeur COSSE,
MARCHAL et BILLARD, Paris, 1874-1914, consultable sur Gallica.
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contre les recours abusifs et ainsi contribuer à la sécurisation des autorisations
d’urbanisme (Section 2).
SECTION 1 : Des solutions à optimiser
Le droit au recours est un droit relativement récent à l’échelle du temps juridique. Le
droit spécial de l’urbanisme l’est encore plus. L’articulation du droit au recours et
des droits des administrés en matière d’urbanisme est donc encore en construction.
La tendance est au renforcement du caractère dérogatoire du droit de l’urbanisme.
Plus précisément, le droit de l’urbanisme devient, au fil des réformes, un droit de
plus en plus spécial dans le droit administratif. Certes, un certain nombre de remèdes
au phénomène des recours abusifs doit pouvoir être apporté par le droit de
l’urbanisme lui-même, mais pas seulement. D’autres solutions doivent pouvoir être
identifiées en droit interne. Il convient d’analyser les solutions que peut apporter le
droit interne, y compris le droit de l’urbanisme (I.).
La recherche de solutions pour endiguer le phénomène des recours abusifs conduit,
par ailleurs, à s’interroger sur les solutions retenues par nos voisins. Des solutions en
droit externe doivent donc également être analysées (II.).
I. Des solutions en droit interne
Pour remédier au phénomène des recours abusifs en matière d’urbanisme, il est
naturel et logique de considérer que c’est le droit de l’urbanisme qui doit apporter les
solutions (A.). Cependant, c’est une erreur de considérer que le droit de l’urbanisme
peut seul résoudre ce phénomène. D’autres voies juridiques et non juridiques
existantes méritent d’être envisagées car certaines pourraient être optimisées (B.).
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A. Le droit de l’urbanisme
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité1105
». À ce titre, la
République doit veiller à l’équilibre de ses territoires tant en matière de populations,
de richesses que d’activités. À l’aune de cette devise, et dans une période de règne de
l’urbain, le droit de l’urbanisme a été mis en avant comme le droit susceptible de
permettre la réalisation de l’idéal républicain en planifiant la cohérence et
l’intégration des territoires (1.). En quelques années, le droit de l’urbanisme a pris
une ampleur considérable mais aussi trompeuse en ce qu’elle laisse à penser que le
droit de l’urbanisme aurait pour mission de résoudre tous les maux contemporains de
la société (2.).
1) Le droit de l’ère urbaine
À l’heure de l’urbanisation contrôlée des territoires, garder le contrôle de
l’avancement de l’urbanisation est un enjeu essentiel des politiques de gouvernances
urbaines. La limitation de la progression de l’urbanisation aléatoire est un enjeu
stratégique pour les politiques de gouvernances urbaines (a.). Ces dernières doivent
veiller à l’équilibre entre les territoires. Ceci implique, entre autres choses, de
pouvoir imposer une certaine planification d’opérations d’urbanisme y compris en
milieu hostile1106
. À ce titre, la sécurisation des autorisations d’urbanisme apparaît
comme un enjeu stratégique. Un tel enjeu justifie le maintien et le développement
des particularismes du droit de l’urbanisme dans une juste mesure (b.).
a. L’ère urbaine
La globalisation et la croissance de la population sur la planète marquent
l’avènement de l’ère urbaine1107
. En un siècle, le nombre de citadins à l’échelle
1105 Constitution 4 oct. 1958, art. 2, al. 3.
1106 Dans le jargon de la pratique, le milieu hostile désigne un environnement contentiogène, c’est-à-
dire un périmètre avoisinant sensiblement opposé à l’arrivé d’un programme immobilier (notamment
lorsqu’il présente un caractère social). 1107
V. LEFEBVRE (H.), La révolution urbaine, Gallimard, Paris, 1970, 255 p.
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planétaire a été multiplié par douze. En 2009, la population est devenue
majoritairement citadine avec 3,7 milliards de citadins soit 50 % de la population
mondiale1108
.
En France métropolitaine, trois personnes sur quatre habitent en ville. Les
agglomérations et les communes rurales dans leur mouvance représentent 82 % de la
population. Celle-ci se trouve distribuée dans l’espace à dominante urbaine1109
. La
densification des villes et des zones urbaines coïncide, en outre, avec des migrations
économiques internes et externes. L’urbanisme français doit ainsi relever de
nombreux défis tels que la durabilité et la compétitivité écologique,
environnementale, politique, administrative, religieuse et économique de son
développement. Ces défis exposent l’urbain à des tensions. Il s’agit de tensions entre
la distance et la proximité, entre les localités et les mobilités, entre l’hétérogénéité et
l’intégration1110
, entre paupérisation1111
et gentrification, entre pauvreté et richesse,
et entre insécurité et sécurité1112
. Ces tensions sont nombreuses et polymorphes. Les
politiques urbaines, les gouvernances urbaines et le droit de l’urbanisme visent, dans
ce contexte, à rationaliser ces tensions en limitant les dysfonctionnements. Ils visent
à lisser les disparités spatiales, sociales et économiques entre les territoires français.
En outre, ils doivent nécessairement s’inscrire dans une optique européenne
conformément à l’objectif européen de réduction des disparités à l’intérieur du
marché européen1113
.
La notion de gouvernance urbaine intègre la multiplicité des acteurs (l’État, les
pouvoirs locaux, la société civile, et les individus), elle met l’accent sur la solidarité,
le partenariat, la coopération, la transparence des décisions, l’évaluation de leurs
effets, et leur contrôle1114
.
1108 STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.
Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 1.
1109 GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), Sociologie urbaine, coll. Domaines et approches,
Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 7.
1110 PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration
« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1111
V. ZITOUNI (F.), Logement social et droit au logement, AJDI, 2011, p. 421 ; LIPIETZ (H.) et
ROUQUETTE (R.), La fiscalité au secours du logement social, AJDI, 1991, p. 414. 1112
GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et
approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 8.
1113 Préc. PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration
« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1114
GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et
approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 114.
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La notion de « politique de ville » anime, coordonne et stimule les partenariats
participatifs1115
. Le droit de l’urbanisme apparaît donc comme l’outil de la régulation
des tensions, comme le moyen d’équilibrer ces dualités. Il en résulte une idée de
solidarités « territoriales ». Bien qu’elle ne soit pas intégrée explicitement dans le
bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, n’ignore
pas cette idée de solidarités « territoriales1116
». La notion apparaît explicitement dans
l’un des trois projets de loi présentés en Conseil des Ministres le 10 avril 2013
puisque l’un d’eux est intitulé « Projet de loi de développement des solidarités
territoriales et de la démocratie du 10 avril 2013 ». Derrière cette idée de « solidarités
territoriales », il y a la volonté de renforcer les solidarités entre les territoires et entre
les générations. Ces solidarités ont vocation à faire émerger une nouvelle croissance
économique par un soutien local aux entreprises et à leur créativité. Elles ont aussi
pour vocation de renforcer la cohésion nationale et l’accès aux services publics dans
des territoires fragilisés par la crise, en luttant contre le sentiment de relégation d’un
nombre grandissant des administrés1117
.
De plus, l’urbanisation implique l’agrégation de la vie sociale laquelle se complexifie
et se stratifie par agglomérats au gré de condensations inégales des populations, des
activités et des richesses sur l’ensemble du territoire1118
. Cette « mosaïque », pour
reprendre l’image développée par les sociologues de l’École de Chicago1119
, d’aires
urbaines aléatoires et hétérogènes nécessite des opérations d’urbanisme
réglementées. Le but est d’apporter de la cohérence et de la cohésion à des aires
d’urbanisation aléatoires caractérisées souvent par un cloisonnement moral et social
naturel1120
.
En terme juridique, c’est l’image d’un territoire « fractionnable1121
» qui est retenue.
Ce territoire peut être divisé en fonction d’impératifs politiques, économiques,
administratifs ou sociaux divers. Il peut être divisé en circonscriptions, en ressorts
1115 Ibid.
1116 ROUSSEAU (D.), La France de 2015 : une révolution par la loi ou par la Constitution ?, Pouvoirs
locaux, no 22, oct. 1994, p. 66.
1117 Cf. Exposé des motifs, Projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la
démocratie locale, Sénat, no 497, 10 avr. 2013.
1118 GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et
approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 13.
1119 GRAFMEYER (Y.) et JOSEPH (I.), L’École de Chicago, Naissance de l’écologie urbaine, coll.
Champs Essais, Flammarion, Paris, 2009, 377 p. 1120
GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et
approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 14.
1121 MADIOT (Y.), Vers une « territorialisation » du droit, RFDA, 1995, p. 946.
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territoriaux, en zones, en « bassins de vie », en « bassins d’emploi », en « pays », en
régions, en départements, en communes, en collectivités territoriales, en
établissements publics territoriaux1122
. Cette division est le reflet d’un État
providence moderne1123
et européen1124
. À ce titre, le droit de l’urbanisme doit
aujourd’hui être l’outil du logement, du peuplement, de l’intégration, de la
socialisation, de la planification, de l’homogénéisation, de la rénovation, de la
gouvernance, de la démocratisation et de l’internationalisation des territoires. Cela
fait de nombreux objectifs très hétéroclites.
Avec la globalisation1125
, l’urbanisme des intercommunalités1126
est présenté comme
l’instruction de la mise en œuvre de l’action sociale planificatrice de l’État
providence. Pierre ROSANVALLON précise que l’État providence se caractérise
classiquement par des procédures de redistributions sociales basées sur la
reconnaissance de droits sociaux. Mais cette notion d’État providence a évolué pour
prendre la forme que nous lui connaissons actuellement. L’État providence ne se
borne plus aux redistributions. Son action sociale a désormais de nouvelles
caractéristiques. Il s’agit de la distribution sociale non plus seulement de droits mais
de contreparties. Le sociologue souligne, en outre, que l’État providence a changé de
nature puisque la décentralisation des droits et des procédures l’a conduit à
développer des politiques sociales gérées au niveau local alors qu’initialement les
droits sociaux étaient gérés au niveau national1127
.
Cependant, Jacques MOREAU relève que la théorie des blocs, inscrite comme
principe fondamental dans la loi du 7 janvier 1983, paraît peu compatible avec l’État
providence. Cette notion suppose que les compétences soient entremêlées. Or, la
division des compétences entre le département et la région crée des tensions.
Lesquelles placent nécessairement l’État en position d’arbitre1128
. C’est pourquoi,
1122 Ibid.
1123 ROSANVALLON (P.), MAZERES (J-A) et MOREAU (J.), Débat : le processus de
décentralisation HS, AJDA, 20 avr. 1992, p. 6. 1124
Préc. PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration
« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1125
V. JEGOUZO (Y.), La loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance
pour la ville et la globalisation des politiques urbaines, in Annuaire français du droit de l’urbanisme et
de l’habitat, Dalloz, Paris, 1997, p. 5 à 28. 1126
MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de l’urbanisme, in
« Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1127
ROSANVALLON (P.), MAZERES (J-A) et MOREAU (J.), Débat : le processus de
décentralisation HS, AJDA, 20 avr. 1992, p. 6. 1128
Ibid.
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l’urbanisme intercommunal se développe. Il présente l’avantage de permettre un
urbanisme à une « échelle plus cohérente » tandis que l’État se fait alors plus discret
même s’il « pilote » précisément cette mouvance du développement de l’urbanisme
intercommunal1129
. Cette volonté de cohésion se retrouve également dans les intitulés
des dispositifs législatifs. Ainsi, la loi de programmation pour la ville et la cohésion
urbaine du 21 février 20141130
prévoit l’emploi d’outils juridiques spécifiques pour
intervenir dans les quartiers urbains en difficultés. Le zonage joue un rôle
déterminant tout comme l’intercommunalité dont la portée est de plus en plus
renforcée1131
.
Par ailleurs, la France connaît une importante crise du logement. Et cette crise,
souligne Rozen NOGUELLOU, se manifeste par un accroissement des besoins1132
et
une baisse de la construction de logements neufs depuis 20081133
. Ainsi, en 2013, le
nombre de logements autorisés à la construction a baissé pour la deuxième année
consécutive en France métropolitaine de 11,3 %1134
tandis qu’est constatée une très
importante hausse des prix immobiliers, pour les logements anciens, avec une
augmentation de 110 % entre 2000 et 2010 en moyenne nationale (135 % en Île-de-
France)1135
même si un léger repli des prix est observé à partir de 20121136
.
À ce titre, et au regard de l’importance de l’urbanisation qui doit compter avec une
population de plus en plus mobile et dense, le droit de l’urbanisme s’impose comme
une nécessité pour encadrer l’occupation des sols. La réglementation des
autorisations du sol et la régulation des projets de construction de manière organisée
sont nécessaires pour éviter l’urbanisation sauvage aléatoire. En parallèle, les
1129 Préc. MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de
l’urbanisme, in « Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1130
Loi no 2014-173 du 21 févr. 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (JO du
22 févr. 2014, p. 3138). 1131
BROUANT (J.-Ph.), La continuité dans le changement, c’est maintenant !, Ville et cohésion
urbaine, AJDA, 2014, p. 973. 1132
Cf. l’étude d’impact au projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du
logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui relève que : « les
besoins de construction de logements en France sont estimés aux alentours de quatre cent mille à cinq
cent mille logements par an pendant dix ans. Ce besoin s’explique notamment par la diminution
continue de la taille moyenne des ménages et par une croissance démographique qui s’établit à 2,1 %,
la plus forte d’Europe ». 1133
NOGUELLOU (R.), Présentation, in Où en est le droit de l’urbanisme ?, RFDA, 5/2012, p. 849. 1134
Insee 1135
Préc. NOGUELLOU (R.), Présentation, in Où en est le droit de l’urbanisme ?, RFDA, 5/2012,
p. 849. 1136
Insee
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objectifs de logement, de planification, de cohésion, et d’intégration imposent que le
droit de l’urbanisme puisse, de manière exorbitante du droit commun, autoriser des
projets répondant à ces objectifs. En d’autres termes, lorsque le milieu est hostile, le
droit de l’urbanisme doit pouvoir imposer un projet qui répond à ces objectifs
hétéroclites. C’est pourquoi les particularismes du droit de l’urbanisme au secours
d’une meilleure sécurité des autorisations d’urbanisme sont justifiés dans une
certaine mesure.
b. L’optimisation du droit de l’urbanisme
Les dernières réformes ont mis l’accent sur l’ajout ou le renforcement des
particularismes du droit de l’urbanisme. Le but est de renforcer la sécurité des
autorisations d’urbanisme. Il en existe aujourd’hui un nombre important qui
ressemble presque à une liste à la PRÉVERT (notification du recours, délais,
exclusion du principe de l’économie des moyens, exclusion du principe de
divisibilité, redéfinition de l’intérêt à agir, enregistrement auprès des services fiscaux
des transactions, cristallisation des moyens, demande reconventionnelle devant le
juge administratif de dommages-intérêts). Par conséquent, il ne nous semble pas
raisonnable ni utile de proposer d’autres particularismes au droit de l’urbanisme.
En revanche, un mouvement inverse consistant en une simplification du droit de
l’urbanisme nous semble pouvoir renforcer la sécurité des autorisations d’urbanisme
(i.). De même, la reconnaissance de la relation triangulaire qui caractérise le
contentieux des autorisations d’urbanisme doit également être envisagée (ii.).
i. Simplification du droit de l’urbanisme
L’une des faiblesses des autorisations d’urbanisme tient au nombre de
réglementations à respecter et à leur complexité. Comme le souligne Bertrand
SEILLER, « nul ne conteste que les règles de forme et de procédure sont
exagérément complexes en matière d’urbanisme et qu’elles ne sont quasiment pas
susceptibles d’être respectées strictement1137
». Cette complexité s’explique par les
1137 SEILLER (B.), Les limites de la simplification, LPA, 24 mai 2007, n
o 104, p. 28,
réf. PA200710405.
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difficultés d’interprétation et d’articulation entre les réglementations existantes, ou
encore par les difficultés parfois d’application dans le temps. Ainsi qu’il a été
évoqué, la surlégislation en matière d’urbanisme est propice à la fragilisation des
autorisations d’urbanisme.
Or, citons, ici, de nouveau MONTESQUIEU : « Les lois inutiles affaiblissent les lois
nécessaires1138
. » L’idée même d’un choc de simplification circule mais reste
invisible. Au contraire, l’inflation législative demeure le mal français qui ronge le
droit de l’urbanisme en dépit des alarmes du Conseil d’État et des alertes unanimes
de la doctrine. Comme le souligne Philippe MALINVAUD, il faut pourtant rappeler
que la clarté de la loi constitue un principe constitutionnel et que l’accessibilité
comme l’intelligibilité de la loi ont été promues par le Conseil constitutionnel
comme étant des objectifs de valeur constitutionnelle1139
. Force est de constater que
l’objectif a été manifestement manqué1140
. Plusieurs tentatives de simplification ont
pourtant été mises en œuvre à différents niveaux1141
.
L’ordonnance du 8 décembre 2005 a tenté de simplifier les autorisations
d’urbanisme. La loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit a tenté
d’apporter de la souplesse à la procédure d’instruction des autorisations d’urbanisme
disposant que les agents des services instructeurs peuvent recevoir délégation du
maire. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du
droit a tenté de réduire les risques d’annulation d’une autorisation d’urbanisme au
motif d’un vice de procédure. Le décret du 14 février 2013 pris pour l’application de
l’ordonnance du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures
d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme a également
tenté d’apporter une simplification des procédures d’autorisation d’urbanisme. Plus
récemment la loi PINEL1142
du 18 juin 2014 réformant l’aménagement commercial et
la loi ALUR1143
du 24 mars 2014 font une nouvelle fois figure d’essai manqué de
1138 Loc. cit. MONTESQUIEU (Ch. de S.), op.cit., L’esprit des Lois, T.2, Liv. 29, Chap. XVL, publié
par VERNET (J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408. 1139
MALINVAUD (Ph.), De l’art de légiférer en général, et en particulier en droit immobilier, RDI,
2014, p. 293. 1140
Ibid. 1141
V. GERARD (P.), Pratique du droit de l’urbanisme, Urbanisme réglementaire, individuel et
opérationnel, EYROLLES, 6e éd., Paris, 2013, 328 p.
1142 Loi n
o 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises
dite « loi ACTPE » ou encore « loi PINEL » du nom du Ministre du Logement, de l’Égalité des
territoires et de la Ruralité, Sylvia PINEL, qui l’a portée (JORF no 0140, 19 juin 2014 p. 10105).
1143 Loi n
o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (JORF
no 0072, 26 mars 2014, p. 5809).
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simplification et en revanche constituent sans aucun doute deux nouvelles strates de
complexification du droit de l’urbanisme1144
.
Une refonte totale des textes applicables en urbanisme et une codification logique et
simplifiée apparaissent être une solution de sécurisation des autorisations
d’urbanisme à la fois pragmatique et économique. Simplifier pour sécuriser, vœu
pieu, mais l’énoncé du remède peut même apparaître simpliste au regard de la
stratification des réglementations et des documents d’urbanisme. En outre, il ne faut
pas oublier qu’il existe des limites structurelles à la simplification à l’extrême
lorsque la simplification s’oppose à des principes constitutionnels tels que le droit au
recours1145
. En effet, la simplification du millefeuille du droit de l’urbanisme à
l’échelle de la décentralisation1146
, de la régionalisation et des communautés de
communes relève de la gageure.
Certains soutiennent que la simplification du droit de l’urbanisme est un mythe1147
.
Et il faut bien admettre que l’inflation et la complexification croissante du droit de
l’urbanisme leur donnent raison. Pourtant une refonte à grande échelle des règles
d’urbanismes nationales et locales permettrait une meilleure lisibilité et intelligibilité
de la règle d’urbanisme. Dès lors, le contrôle de légalité gagnerait également en
qualité. Il en résulterait une meilleure sécurité pour les bénéficiaires d’autorisation
d’urbanisme mais également pour les tiers. En effet, l’écumage des écueils de
complexité de la règle d’urbanisme permettrait de limiter les subtilités ingénieuses
des moyens des requérants malveillants.
La nécessité d’une refonte « profonde » d’une réglementation « inadaptée » était déjà
soulignée dans le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du
8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme.
Influencée par les propositions du rapport PELLETIER, la réforme proposée en 2005
visait à clarifier le droit de l’urbanisme par la réduction du nombre des autorisations
et par la précision de leur champ d’application. Elle visait aussi à simplifier les
1144 DAUDRE (G.) et MENG (J.-Ph.), L’aménagement commercial réformé par la loi Pinel du 18 juin
2014, Defrénois, 15 sept. 2014, no 17, p. 891, rub. Commerces, réf. DEF117c8 ; v. également plus
nuancé, DAUDRE (G.) ET MENG (J.-Ph.), Loi ALUR et urbanisme, Protéger, densifier et aménager,
Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 582, rub. Commerce, réf. DEF116e8.
1145 Préc. SEILLER (B.), Les limites de la simplification, LPA, 24 mai 2007 n
o 104, p. 28,
réf. PA200710405. 1146
Préc. MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de
l’urbanisme, in « Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1147
Cf. L’Actualité juridique : Droit administratif, Vol. 40, Moniteur, 1984, p. 313.
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procédures et à améliorer la sécurité juridique pour les collectivités et les citoyens.
Tandis que le rapport LABETOULLE conclut que « si le fond du droit de
l’urbanisme était plus simple, plus clair et plus stable, si les documents d’urbanisme
étaient mieux conçus et mieux écrits, ils n’offriraient pas tant de prises aux plaideurs.
L’amélioration du traitement des recours contentieux ne pourra jamais, à elle seule,
pallier des failles qui s’attachent, d’abord et avant tout, à la règle de droit elle-
même1148
. »
L’objectif de simplification et de clarification du droit de l’urbanisme pour sécuriser
les autorisations d’urbanisme demeure d’actualité et il est évident que la sécurisation
des autorisations d’urbanisme ne peut se faire qu’au travers d’une refonte globale des
règles d’urbanisme tant de fond que des procédures. Ceci implique la nécessité
d’accepter que des règles devront être abrogées et donc d’accepter de rompre avec la
stratification du droit de l’urbanisme, avec cette image de millefeuille législatif et
réglementaire bien compliqué qui caractérise aujourd’hui le droit de l’urbanisme. Et
pour être totalement complet, ajoutons que la simplification ne peut avoir de sens que
si elle est associée à une certaine stabilité1149
.
En outre, les nouvelles moutures des règles d’urbanisme amélioreraient la sécurité
des autorisations d’urbanisme si elles privilégiaient davantage les règles d’urbanisme
subjectives plutôt que les règles objectives1150
. Ainsi, l’introduction de cette
souplesse permettrait d’introduire une plus grande marge de manœuvre pour
l’urbanisation. En effet, l’urbanisme, c’est surtout du cas par cas qui s’apprécie dans
des environnements différents les uns des autres, selon les quartiers ou selon les
zones d’un PLU
ii. Reconnaissance d’une relation triangulaire
L’une des particularités du contentieux des autorisations d’urbanisme réside dans la
relation triangulaire qui caractérise le recours pour excès de pouvoir du contentieux
1148 Préc. Rapport LABETOULLE, « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre »,
2013, p. 28. 1149
Préc. TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures
d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 6.
1150 GODFRIN (G.), cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014.
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de l’urbanisme. Si « tout procès se joue à trois1151
», la particularité dans le
contentieux des autorisations d’urbanisme est que le tiers change de qualité à
l’introduction de sa requête en excès de pouvoir à l’encontre de l’autorisation
d’urbanisme contestée. Il devient requérant, plus précisément demandeur. Le
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme devient, quant à lui, défendeur1152
au
même titre que l’administration auteur de l’acte litigieux.
En outre, certains auteurs, dont Vincent TOMKIEWICZ, ont précisé que le contrôle
de la légalité semble désormais se rapprocher de la notion de justice romaine laquelle
suppose qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient (suum cuique tribuere)1153
et
1154. Si le juge administratif est le juge de la légalité de l’autorisation d’urbanisme
critiquée, il est aussi l’arbitre d’un différend entre des administrés au sujet d’une
décision de l’Administration. Dans cette configuration, le véritable défendeur n’est
plus l’Administration mais le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme1155
. De ce
fait, l’Administration a une position, de facto, relativement secondaire. La discussion
est essentiellement entre les administrés. À ce titre, elle porte principalement sur des
intérêts d’ordre privés. Le procès fait à l’acte n’est alors que le moyen pour des
administrés de s’affronter sur des problématiques d’ordre privé avec des moyens de
droit public. Bien que cet affrontement puisse participer au respect de la légalité, son
intervention fragilise aussi incontestablement la situation juridique du bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme contestée1156
.
Les réformes ont tenté de résoudre cette problématique juridique sans remettre en
cause l’équilibre traditionnel du procès administratif, et donc sans restreindre l’accès
au juge des tiers. Mais, la recherche d’une amélioration de la sécurité juridique,
comme d’une manière plus générale la recherche d’une meilleure stabilité des
situations juridiques (tant pour les tiers que pour le bénéficiaire de l’autorisation
1151 FOULQUIER (N.), Les droits publics subjectifs des administrés. Emergence d’un concept en droit
administratif français du XIXe au XX
e siècle, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses,
2003, 805 p., p. 169. 1152
Préc. TOMKIEWICZ (V.), La protection du tiers dans le contentieux de la légalité des actes
administratifs individuels créateurs de droit, RDP, 2006, no 5, p. 1275.
1153 Ibid.
1154 Suum cuique tribuere : abrégé du principe de droit romain « Juris praecepta sunt haec : honeste
vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere. » signifiant « les principes fondamentaux du droit
sont les suivants : vivre honnêtement, ne pas faire de tort à autrui, donner à chacun ce qui lui revient ». 1155
LABETOULLE (D.), Débats : questions pour le droit administratif, AJDA, 1995, no spécial, p. 20.
1156TOMKIEWICZ (V.), La protection du tiers dans le contentieux de la légalité des actes
administratifs individuels créateurs de droit, RDP, 2006, no 5, p. 1275.
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d’urbanisme), ne peut pas se limiter à l’élaboration, plus ou moins ingénieuse, des
techniques de restrictions des voies d’accès au juge pour les tiers.
Le juge administratif ne peut pas ignorer que le procès fait à l’autorisation
d’urbanisme est aussi le théâtre de l’affrontement d’intérêts privés entre un tiers
requérant et un bénéficiaire d’autorisation d’urbanisme devenu défendeur. Toutefois,
dorénavant, un coup de théâtre est possible avec un renversement des rôles si le
bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme fait une demande reconventionnelle de
dommages-intérêts pour recours abusif. Le contentieux administratif ne peut se
passer d’une mutation voire d’une modernisation pour prendre en compte cette
particularité du procès des autorisations d’urbanisme. Ainsi que le souligne Jacques-
Henri STAHL, l’exigence de stabilité des situations juridiques apparaît sensiblement
plus lourde dans le cas de ces contentieux triangulaires que dans les contentieux
bilatéraux plus classiques1157
.
Cette mutation du contentieux dépasse le balancier traditionnel1158
. Ce dernier
consiste traditionnellement à développer tantôt des garanties de stabilité juridique au
profit des tiers, tantôt des garanties de sécurité juridique au profit des bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme. La nécessaire mutation implique la reconnaissance d’une
relation triangulaire particulière et caractéristique du recours pour excès de pouvoir
en matière de contentieux d’urbanisme.
Dans le même sens, elle implique la reconnaissance d’un statut spécifique au profit
du tiers ainsi qu’au profit du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, l’un par
rapport à l’autre, et réciproquement. La reconnaissance d’un statut du tiers requérant
et du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme défendeur implique également de
reconnaître la mutation du contentieux de l’urbanisme en un procès hybride parce
que ce procès concerne des intérêts privés même si la procédure est décrite comme le
procès fait à un acte. Il en résulte que la reconnaissance de statut spécifique doit
coïncider avec la reconnaissance de la possibilité d’invoquer des intérêts privés qui
motivent l’intérêt à agir, notamment, du tiers requérant. Certes, le juge administratif
n’est pas le juge du trouble du voisinage, mais le contrôle de l’intérêt à agir en serait
facilité et l’identification d’une hypocrisie éventuelle d’un tiers malveillant serait
1157 STAHL (J-H), Principe de légalité et stabilité des situations juridiques, RFDA, 2004, p. 890, à
propos des délais de recours contentieux régis par la loi du 12 avr. 2000 ; Concl. sur CE, Sect., avis,
15 juill. 2004, no 266479, M. et Mme SIMON, note LANDAIS (C.) et LENICA (F.), AJDA, 2004,
p. 1926. 1158
Ibid.
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également facilitée pour le juge de la légalité. En outre, le droit au recours du tiers
s’en trouverait renforcé, tandis que le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme
gagnerait, à travers cette transparence des motivations à l’action, en sécurité
juridique.
2) Le droit de l’urbanisme, ce nouvel orviétan
Depuis plus d’une décennie, le droit de l’urbanisme est présenté comme la réponse à
tous les maux de la société contemporaine exposée à la conscience environnementale
des uns, à la conscience sociomigratoire des autres. Mais cette tendance qui abuse de
la crédulité publique n’est qu’un orviétan politique1159
, car il est faux de croire que le
droit de l’urbanisme peut résoudre tous les maux d’une société. Le droit de
l’urbanisme est « invité1160
» à favoriser le renouvellement urbain, la diversité des
fonctions urbaines et de la mixité locale dans l’habitation. Il doit également parvenir
à une utilisation économe, équilibrée et cohérente des espaces1161
. À cela vient
encore s’ajouter la gestion des risques naturels. En effet, le droit de l’urbanisme est
également présenté comme le droit qui doit anticiper, prévenir, limiter voire
combattre les aléas liés aux risques naturels1162
.
En effet, si les recours abusifs en droit de l’urbanisme reflètent souvent la
gentrification des quartiers et par suite le refus de voir venir dans son voisinage des
blocs sociaux ou des entreprises douteuses pour l’environnement ou une nouvelle
autoroute ou une nouvelle voie de chemin de fer, ce n’est pas le droit de l’urbanisme
qui est en cause, mais des problèmes sociétaux. En effet, les questions sociales
débordent de la vie urbaine1163
.
Dès 1992, le Conseil d’État lui-même relève que « dans l’esprit de beaucoup, ce droit
aurait ainsi vocation à résoudre l’ensemble des maux de la société urbaine. Les
problèmes de cohésion sociale et la question de l’immigration ne trouveraient de
1159 Expression empruntée à BALZAC (H.), Œuvres diverses, T. II, éd. publiée sous la direction de
CASTEX (P.-G.) et autres, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1996, 1852 p., p. 466. 1160
TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,
juill. 2012, 296 p., p. 17, § 5. 1161
Ibid. 1162
GODBILLON (B.), L’autorisation de construire et le risque naturel. Le devoir de vigilance en
droit de l’urbanisme, AJDI, 1999, p. 768, 1163
STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.
Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 13.
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solution que par le droit de l’urbanisme1164
. » Et force est de constater qu’au regard
de l’empilement des réformes, une sorte de « raison urbanistique1165
» émerge peu à
peu, alors que ça ne devrait pas être le rôle du droit de l’urbanisme. Cette raison
urbanistique fait peu à peu apparaître un ensemble de principes censés dicter la
manière de penser et indiquer ce qu’est le bien agir ou le bien juger autour de la
préservation des écosystèmes, de la durabilité de l’environnement urbain, de la prise
en compte de l’environnement et de la mixité sociale1166
.
Pourtant, la vocation de l’urbanisme n’est pas de définir, par une planification1167
aux
forceps, ce qui convient ou ne convient pas. Le droit de l’urbanisme ne peut pas
résoudre tous les maux de la société. Si à la base des recours abusifs ce sont souvent
des projets de grande ampleur susceptibles de modifier le voisinage1168
sur le plan
environnemental ou encore sur le plan de la mixité sociale, ce n’est pas
nécessairement au droit de l’urbanisme d’apporter des réponses. En effet, les
solutions concernant les recours survenant lors de l’implantation d’activités ou de
réseaux de transports réputés polluants ou à risques pour l’environnement ne relèvent
pas nécessairement du droit de l’urbanisme mais d’une approche plus économique
(voir pédagogique) du développement des activités et réseaux de transports.
Quant aux recours systématiques à l’encontre des blocs de logements sociaux, cela
révèle moins d’une problématique de rejet de la mixité sociale que d’une
problématique plus complexe d’une certaine réaction à l’image négative1169
véhiculée par les médias et reprise par le sens commun1170
des solutions de
gouvernances pratiquées et de gestion des inégalités sociales1171
, des problèmes
sociaux1172
, des populations issues de l’immigration1173
, de la réinsertion des repris
1164 Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, Doc. Fr., Paris, 1992, p. 30.
1165 PERIGNON (S.), Le nouvel ordre urbanistique, Les Éditions du CRIDON, Répertoire Defrénois
2004. 1166
V. également SAVARIT BOURGEOIS (I.), op. cit., Remarque sur quelques dérives du droit de
l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,
Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 941. 1167
V. CORNILLE (P.), ALUR vs BIMBY, Constr.-Urb., juin. 2014, no 6, p. 1.
1168 « On choisit sans doute moins son immeuble que ses voisins », MAURIN (E.), in Le Ghetto
français : Enquête sur le séparatisme social, coll. La République des idées, Le Seuil, Paris, 2004, 95p. 1169
GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et
approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 111.
1170 STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.
Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 12.
1171 Ibid.
1172 V. STEBE (J.-M.), La crise des banlieues, Que sais-je ?, coll. Encyclopédique, PUF, 4
e éd., Paris,
2007, 128 p.
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de justice, du « stockage » de malades en phase terminale ou relevant de la
psychiatrie qui n’ont pas eu de place en centre médicalisé. Imposer la mixité sociale,
comme objectif1174
des politiques urbaines, par la planification1175
, par la réforme de
la carte des régions et d’une manière générale par le droit de l’urbanisme1176
, c’est
contourner le problème et finalement accentuer la mauvaise image1177
que véhicule la
mixité sociale qui dans l’esprit de beaucoup1178
est synonyme d’insalubrité1179
, de
délinquance1180
, d’insécurité1181
pour les biens et les personnes1182
, d’incivisme1183
,
de dévaluation des prix immobiliers1184
, de ghettos1185
, de ségrégations religieuses1186
et d’islamisation1187
.
1173 SOMMAIRE (J.-C.), La crise du modèle français d’intégration, une proposition d’outil, Vie
sociale, ERES 2006/4, no 4, 134 p.
1174 Cf. Loi n
o 2003-710 du 1
er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la
rénovation urbaine, dite loi « Borloo ». 1175
V. LEBRETON (J.-P.), La mobilisation du droit de l’urbanisme pour le logement, AJDA, 2006,
p. 1540. 1176
Le 3 octobre 2013, trois nouvelles ordonnances visant à accélérer la construction de logements
sont publiées : l’ordonnance no 2013-889 « relative au développement de la construction de
logement » vise à offrir à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire la possibilité
d’accorder, sur certaines zones « tendues », des dérogations au règlement du PLU ou du document en
tenant lieu ; l’ordonnance no 2013-888 « relative à la procédure intégrée pour le logement » vise à
unifier, au sein d’une même procédure, l’autorisation de réaliser une opération de logement, la mise
en compatibilité des documents d’urbanisme et l’adaptation des normes supérieures ; et l’ordonnance
no 2013-890 « relative à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement » supprime
l’exigence de garantie intrinsèque et rend obligatoire, pour le vendeur, préalablement à la conclusion
d’une VEFA, la souscription d’une garantie financière de l’achèvement de l’immeuble ou une garantie
financière du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut
d’achèvement. V. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles
ordonnances publiées, D. actu., 7 oct. 2013. 1177
STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit. La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.
Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 85 et s. ; spé. p. 100.
1178 CHAMPAGNE (P.), La construction médiatique des « malaises sociaux », Actes de la recherche
en sciences sociales, 1991, Vol. 90, no 90, p. 64-76.
1179 V. BONELLI (L.), La France a peur, une histoire sociale de l’insécurité, La Découverte, coll.
Poche, Paris, 2010, 422 p. 1180
STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.
Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 99.
1181 Ibid. p. 12.
1182 V. BOUSQUET (R.), Insécurité : nouveaux risques, les quartiers de tous les dangers,
L’Harmattan, Paris, 1998, 232 p. 1183
Ibid. 1184
CAZALDA (Ch.) et DECREMER (R.), La ligne à grande vitesse Est européenne : évaluation de
l’impact sur les prix de l’immobilier, Thème, Insee : « Certaines études montrent que les prix des
logements individuels diminuent lorsqu’ils se situent à proximité de logements sociaux ». 1185
MASCLET (O.), Du « bastion » au « ghetto », Actes de la recherche en sciences sociales, Le
Seuil, 2005/4 (no 159), p. 128.
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Sécuriser les autorisations d’urbanisme suppose donc de travailler d’autres champs
que le droit de l’urbanisme. Cette sécurisation suppose entre autres choses de réduire
les milieux hostiles et les hostilités à certains types de projets de construction
traditionnellement mal accueillis eu égard aux nouveaux types de voisins qu’ils sont
susceptibles d’apporter dans le milieu préexistant (des nouveaux voisins polluants,
bruyants, insécurisants…).
B. Les autres voies juridiques et non juridiques
Rapidité et simplicité pourraient aussi être deux axes de renfort de l’artillerie anti-
abus mise en place. D’une part, il s’agirait d’aménager une procédure existante à
savoir le référé-suspension ou d’adapter la technique de rescrit fiscal au contentieux
de l’urbanisme pour filtrer les recours abusifs (1.). D’autre part, il s’agirait de
simplifier le contentieux de l’urbanisme. Bien entendu, cela supposerait une refonte
globale et en profondeur (2.).
1) Le référé-suspension, le rescrit et le pétitionnaire
Le Code de justice administrative prévoit une procédure d’urgence pour suspendre la
mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme sur laquelle il existe un doute sérieux
quant à sa légalité. Cette procédure de référé-suspension est régie par l’article
1186 V. FITOUSSI (J.-P.), LAURENT (E.) et MAURICE (J.), Rapport du Conseil d’analyse
économique, Ségrégation urbaine et intégration sociale, no 45, 2003, Doc. Fr ; PAPI (S.), Les
musulmans et le droit de l’urbanisme : vers une plus grande reconnaissance juridique des
discriminations ?, AJDA, 2010, p. 1350. 1187
V. MASCLET (O.), Du « bastion » au « ghetto », Actes de la recherche en sciences sociales, Le
Seuil, 2005/4 (no 159), p. 128 ; V. également, BOUMAZA (N.), Relations interethniques dans
l’habitat et dans la ville, L’Harmattan, coll. Habitat et Société, Paris, 2003, 460 p. ; BEKKAR (R.) et
REMY (J.), Ethnicité et lien social : politiques publiques et stratégies résidentielles, Immigration,
interculturel, urbanisme, aménagement, sociologie urbaine, L’Harmattan, Paris, 2005, 276 ;
BONELLI (L.), op. cit., La France a peur, une histoire sociale de l’insécurité, La Découverte, coll.
Poche, Paris, 2010, 422 p.
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L. 5211 du Code de justice administrative1188
. En vertu du régime de cet article, le
requérant doit démontrer l’« urgence » d’une suspension judiciaire et un « doute
sérieux1189
». Ces deux conditions sont cumulatives1190
.
En pratique, cette procédure bénéficie aux tiers et non aux bénéficiaires de
l’autorisation d’urbanisme. Elle est, en effet, pour les tiers un moyen d’obtenir une
décision judiciaire d’urgence face à un projet de construction ou de démolition
imminent. Par exemple, face aux risques de voir démolir un bâtiment avoisinant, ou
d’un abattage d’arbre, puis de voir s’édifier une construction, un tribunal peut être
saisi d’une demande de suspension1191
par les tiers avoisinants. Le but est de stopper,
en urgence, la mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme.
S’agissant de la condition d’urgence, la demande de suspension vise la mise en
œuvre d’une autorisation d’urbanisme, la condition d’urgence est présumée dès lors
qu’une construction présente un caractère irréversible1192
. Cette présomption est
encore plus forte lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre d’une autorisation de
démolir1193
.
Plus précisément, la condition d’« urgence » est, en principe, constatée lorsque les
travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés1194
.
Toutefois, le juge des référés est tenu de procéder à une « appréciation globale des
1188 Code de justice administrative, art. L. 521-1 : « Quand une décision administrative, même de rejet,
fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en
ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets,
lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction,
un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la
décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la
requête en annulation ou en réformation de la décision. » 1189
CE, 28 déc. 2001, Cne de Béziers, no 237137, Rec. Lebon, T., p. 1123-1231, Mon. T.P., 8 mars
2002, p. 81 ; CELERIER, coll. terr. 2002, no 69 ; Constr.-Urb., 2002, n
o 76.
1190 CE, 23 nov. 2001, M. et Mme FABRE, n
o 236724, inédit.
1191 Laquelle s’est en quelque sorte substituée à l’ancienne procédure de sursis à exécution.
1192 CE, 27 juillet 2001, Cne de Tulle, n
o 230231, Rec. Lebon, T., p. 1115, obs. CORNILLE (P.),
Constr.-Urb., 2001, no 236, SOLER-COUTEAUX (P.), Le caractère difficilement réversible d’une
construction susceptible d’être incorporée au domaine public justifie l’urgence, RDI, p. 542 ; CE, 21
oct. 2005, M. MAREL, no 280188, concl. MITJAVILE (M.-H.), BJDU, n
o 1/2006, p. 55 ; FEVRIER
(J.-M.), Urgence et référés en matière d’autorisations d’urbanisme », Constr.-Urb., mai 2008, p. 24. 1193
Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations
d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 668, n
o 2161.
1194 CE, 25 juill. 2013, n
o 363537, SARL Lodge at Val, Rec. Lebon, GRAND (R.), AJDA, 2013,
p. 1603, AJDI, 2013, p. 781. SCHMITZ (J.) Le juge du référé-liberté à la croisée des contentieux de
l’urgence et du fond, RFDA, 2014, p. 502.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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circonstances de l’espèce qui lui est soumise1195
». Cette urgence peut être liée à
l’exécution matérielle des travaux ou à l’imminence de leur réalisation1196
. Elle peut
également1197
être liée aux atteintes portées aux droits des tiers1198
. Bien qu’il
s’agisse d’une présomption simple que le titulaire de l’autorisation peut renverser en
démontrant l’urgence à réaliser son projet1199
, l’urgence peut être retenue quand bien
même les travaux seraient déjà largement avancés1200
, ou au contraire, non
commencés1201
.
S’agissant de la condition de l’existence d’un « doute sérieux ». La jurisprudence est
fournie. En outre, soulignons les dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice
administrative doivent être combinées avec les dispositions des articles L. 600-31202
et L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme1203
. Notamment, s’agissant de ce dernier qui
impose au juge une exception à l’économie des moyens lorsqu’il rend sa décision, le
1195 Ibid.
1196 V. pour une illustration préc. CE, 27 août 2001, SCI du Lac « Les Balcons de Châtel », n
o 235715,
préc. également CE, 21 déc. 2001, Société Fun Music Center, nos
237133 et 237179. 1197
Elle peut également être liée à la réalisation de travaux sans autorisation de construire, mais notre
étude se concentre sur les freins à la mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme. 1198
Préc. CE, 28 déc. 2001, Cne de Béziers, no 237137, Rec. Lebon, T., p. 1123-1231, Mon. T.P.,
8 mars 2002, p. 81 ; CELERIER, coll. terr. 2002, no 69 ; Constr.-Urb., 2002, n
o 76 ; CE, 27 juill. 2001,
Cne de Meudon, no 231991, Rec. Lebon, T., p. 1115, CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2001, n
o 236 ;
SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2001, p. 541. Pour plus d’illustration, consulter les nombreuses
jurisprudences sous l’article L. 600-3 du code l’urbanisme, éd. Dalloz. 1199
CE, 5 sept. 2008, Cne de Chanaz, no 313867, CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2008, n
o 154 ; CE,
16 fév. 2011, Les Bleuets, no 341422, Rec. Lebon, 2011 ; CE, 28 sept. 2011, SCI 30, Rue de
THIONVILLE, nos
347736 et 345699, Rec. Lebon, T., p. 1078, concl. GUYOMAR (M.), BJCL, 2011,
p. 839. 1200
CE, 27 août 2001, SCI du Lac « Les Balcons de Châtel », no 235715 : projet de construction
portant sur 55 logements, et dont les travaux étaient déjà commencés en vertu de précédents permis de
construire. 1201
CE, 21 déc. 2001, Société Fun Music Center, nos
237133 et 237179 : projet de construction portant
sur une salle de danse et de musique pour une SHON de 5 715 m² représentant un danger imminent
pour de nombreux arbres à abattre. 1202
Code de l’urbanisme, art. L. 600-3 : « L’État, la commune ou l’établissement public de
coopération intercommunale, lorsqu’ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un
permis de construire ou d’aménager et assortissent leur recours d’une demande de suspension,
peuvent demander qu’il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième
alinéas de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.
Lorsqu’une personne autre que celles mentionnées à l’alinéa précédent défère une décision relative à
un permis de construire ou d’aménager et assortit son recours d’une demande de suspension, le juge
des référés statue sur cette demande dans un délai d’un mois. » 1203
Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1 : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte
intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se
prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation
ou la suspension, en l’état du dossier. »
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
364/480
juge des référés doit désigner « avec précision le moyen dont il considère qu’il crée
un doute sérieux » quant à la légalité de la décision attaquée1204
.
Mesure provisoire destinée à préserver l’avenir, la suspension n’a pas l’effet d’une
annulation. Elle n’est donc pas rétroactive. Cependant, elle fait figure d’achoppement
pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme suspendue, la suspension ne
prenant fin « au plus tard » qu’au moment où il est statué sur le recours principal en
annulation ou réformation1205
.
Structurellement et de par son essence, cette procédure bénéficie donc aux tiers. Or,
pour le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), il y a là un déséquilibre.
Le Conseil a donc suggéré d’instaurer un « référé défensif1206
». Selon cette
proposition, il pourrait être envisagé de prévoir une procédure inspirée de la
procédure de référé d’urgence désignée dans le jargon procédural sous l’appellation
« référé d’heure à heure ». Ce régime doit être combiné à l’article 485 du Code de
procédure civile. Cet article dispose qu’une demande est, en principe, portée par voie
d’assignation à une audience ad hoc aux jour et heure habituels des référés. Mais par
exception, en cas d’urgence, si « le cas requiert la célérité, le juge des référés peut
permettre d’assigner, à heure indiquée même les jours fériés et chômés1207
».
Relayant cette suggestion du CNCC, Carol GALIVEL souligne que ce « référé
défensif » permettrait au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme « d’avoir une
décision de justice rapide [et] la décision du juge [du fond] ayant de grandes chances
d’être la même que celle obtenue lors du référé, cela aurait un aspect préventif très
intéressant pour le promoteur et les investisseurs1208
». En l’état, la proposition
semble pécher par manque de précision et de base légale.
Cependant, il y a dans cette idée de « référé défensif » une idée intéressante tant dans
l’équilibre symbolique qu’elle tendrait à rétablir que dans la fonction pratique anti-
abus qu’elle pourrait jouer. Il pourrait être imaginé une procédure analogue à ce qui
1204 CE, 14 mars 2001, Min. de l’Intérieur c. M. MASSAMBA, n
o 229864, Rec. Lebon, T., p. 1099.
1205 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 1415, § 1583.
1206 GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de
construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,
p. 99. 1207
Code de procédure civile, art. 485 in fine. 1208
GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de
construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,
p. 100.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
365/480
existe en matière fiscale. En effet, en droit fiscal, il existe une procédure de rescrit
fiscal. Cette technique permet au contribuable d’obtenir l’interprétation de
l’administration fiscale sur le sens et sur la portée d’un texte fiscal. Et cette prise de
position engage l’Administration1209
.
Ainsi, il pourrait être imaginé un « rescrit urbanistique » ou un « référé préventif » de
procédures existantes. Ce rescrit permettrait de saisir le juge des référés à titre
préventif pour des projets dans des milieux hostiles et de lui demander de se
prononcer sur l’interprétation de tel ou tel article du PLU ou sur l’interprétation de la
situation de fait du projet autorisé, dans son milieu hostile, au regard du droit en
vigueur applicable. Compte tenu du double degré de juridiction, et à la différence du
rescrit fiscal, la justice ne sera pas engagée comme l’est l’Administration.
La position du juge des référés sur la régularité de la procédure suivie, préalablement
à la délivrance de l’autorisation d’urbanisme, permettrait, ainsi, au pétitionnaire de
corriger et d’ajuster, en amont, le projet envisagé. Cette mesure préventive et
prophylactique permettrait une meilleure insertion du projet dans son milieu de
destination, et ce, à un moment où la colle de la maquette de l’urbaniste comme
l’encre des croquis du maître d’œuvre ne sont pas encore sèches. Enfin, une telle
mesure n’écorcherait en rien le droit au recours des tiers.
2) Simplifier la norme
Simplifier la norme, vœu pieu, s’il en est. En l’espace d’une décennie, le droit de
l’urbanisme est devenu un droit hyperspécial du droit administratif. Il a connu un
empilement de normes qui ont complexifié à outrance les règles à respecter par les
constructeurs. En effet, ces derniers doivent respecter des normes locales, des
servitudes tacites, des règles nationales relatives non seulement à l’urbanisme
proprement dit, mais également à l’environnement, au littoral, à la montagne… Outil
de conception et de mise en œuvre de planification intercommunale, le schéma de
cohérence territoriale (SCOT) joue un rôle central en ce qu’il intègre un nombre
important de normes supérieures et en ce que les normes qui lui sont inférieures
(telles que le plan local d’urbanisme (PLU) et la carte communale) doivent être
compatibles avec lui. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’une multitude de
1209 Livre des procédures fiscales, art. L. 80 A, 1
o.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
366/480
normes doit être vérifiée, interprétée et respectée pour que l’autorisation d’urbanisme
soit régulière.
Comme le montre le schéma ci-après1210
, obtenir la validité d’une autorisation
d’urbanisme requiert les services d’experts. Mais errare humanum est, même les
experts peuvent se tromper. Dès lors, des irrégularités peuvent survenir tout comme
des divergences d’interprétation. En outre, parce que le droit de l’urbanisme est
mouvant, il devient de plus en plus difficile à intégrer. Par conséquent, il devient de
plus en plus difficile à respecter. Et finalement, cela favorise le contentieux. Eu égard
à l’ampleur de la stratification du droit de l’urbanisme, la simplification ne peut
passer que par une réforme profonde et globale. Il ne peut être envisagé qu’une
remise à plat de l’ensemble du droit de l’urbanisme et d’une refonte totale.
La proposition de ce remède n’est pas nouvelle. Mais le législateur renâcle à se saisir
du sujet à bras-le-corps. Pourtant, il devient urgent de simplifier un droit devenu
byzantin. Déjà en 1996, Hubert CHARLES, après l’abandon du projet de réforme du
permis de construire, soulignait avec lucidité que :
Le droit français de l’urbanisme ne peut pas rester dans l’état où il est parvenu.
Il ne peut plus s’agir d’une réforme de détail, il importe de rechercher la voie du
salut qui implique une remise à plat du Code dans son entier à partir d’une
conception claire et totale de ce que doit être le droit du sol dans notre pays1211
.
Par ailleurs, en dehors du droit de l’urbanisme, il importe également de simplifier et
de purger les textes des dispositions inutiles d’autant qu’elles donnent l’apparence
d’un laxisme de la part du juge administratif. Nous pensons, en particulier, à
l’amende pour recours abusif prévue par l’article R. 714-12 du Code de justice
administrative1212
.
1210 V. schéma synthétisant la hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme, p. 367.
1211 CHARLES (H.), Feue la réforme du permis de construire ? AFDUH., 1998, p. 8.
1212 V. en ce sens préc. DEBBASCH (C) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz,
8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
367/480
Hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme
Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT)
Code de l'urbanisme et Réglement national d'urbanisme (RNU)
Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion de
l'eau (SDAGE) et Schéma d'Aménagement et de Gestion de
l'eau (SAGE)
Directives de protection et de mise en valeur des
paysages
Plan de Gestion des Risques d'inondations ( PGRI)
Chartes des parcs naturels nationaux
(PNR) et Régionaux (PR)
Projets d'intérêt général (PIG) et opérations d'intérêt général
(OIN)
Plans Climat-Energie territoriaux (PCET)
Schéma Régional du Climat, de l'air et de l'Energie (SRCAE)
Schémas Régionaux de Cohérence
Ecologique (SRCE)
Directive d'Aménagement du
Territoire (DTA)
Planification sectorielle
Programme local de l'Habitat (PLH)
Plan de Déplacements Urbains (PDU)
Schéma de Développement Commercial
Délimitation des périmètres d'intervention prévus à l'article L.
143-1 du Code de l'urbanisme (protection et mise en valeur des
espaces agricoles et naturels périurbains)
Planification communale
Plan local d'urbanisme (PLU)
Carte communale
Plan de sauvegarde et de mise en valeur
Planification d'opérations foncières et d'aménagement (Code de l'urbanisme, art. L.
122-1-15 et R*122-5)
Zones d'Aménagement Différé (ZAD) et périmètres provisoires
Zones d'aménagement concerté (ZAC)
Constitution, par les collectivités et les établissements publics, de
réserves foncières de plus de 5 Ha en un seul tenant
Autorisation d'urbanisme commercial
Lotissements, remembrements réalisés par des associations
foncières urbaines (AFU) et les constructions soumises à
autorisations lorsqu'elles portent sur une surface plancher supérieure
à 5000 m²
Schéma Régional du
Climat, de l'air et de
l'Energie (SRCAE)
La norme inférieure doit être « compatible » avec la norme supérieure.
La norme inférieure doit « prendre en compte » la norme supérieure.
Le schéma ci-dessus est l’œuvre de l’auteur.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
368/480
II. Des solutions en droit externe
La recherche de solutions pour endiguer le phénomène des recours abusifs mène à
l’analyse des solutions retenues par nos voisins. Tout d’abord, la notion de sécurité
juridique, qui irradie depuis le début notre réflexion, conduit naturellement à revenir
sur la notion allemande de Vertrauensschutz classiquement présentée comme la
notion originelle de la sécurité juridique (A.). Ensuite, dans le cadre de nos
recherches sur des remèdes à l’abus du recours, c’est l’idée sous-jacente de loyauté
des parties qui irradie également le débat relatif à la sécurisation des permis de
construire. Cette idée de loyauté des parties renvoie à une notion anglaise dite
estoppel. Cette dernière fascine nombre de juristes français dont certains voient, à
tort selon nous, une solution idoine à la problématique des recours abusifs (B.).
A. Interrogation sur la notion allemande de
Vertrauensschutz
Nos voisins allemands disposent dans leurs règles processuelles d’une notion de
Vertrauensschutz qui peut être traduite par l’idée de protection de la confiance. Il
convient de présenter cette notion complexe (1.). Le concept est séduisant. Toutefois,
il doit, selon nous, rester cantonné à une source d’inspiration limitée en matière de
contentieux de l’urbanisme. En effet, le droit allemand ne s’encombre pas du
dualisme entre la sécurité juridique des pétitionnaires et le droit au recours des tiers,
puisque ces derniers n’ont pas de voie de recours en la matière (2.).
1) Présentation du Vertrauensschutz
Der Vertrauensschutz est un principe général du droit allemand et du droit
communautaire („Der Vertrauensschutz ist ein allgemeiner Grundsatz des
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
369/480
Gemeinschaftsrechts“1213
). Le droit allemand est le seul1214
avec le droit néerlandais
à connaître un tel principe aussi élaboré1215
. Ce principe peut être littéralement traduit
en français par « protection de la confiance ». Mais la doctrine le traduit plus
fréquemment par « principe de la confiance légitime » ou « protection de la
confiance légitime1216
». En effet, la transposition française ajoute l’épithète
« légitime » que la notion allemande contient implicitement1217
.
Pour expliquer la signification de Vertrauensschutz, deux voies sont
envisageables1218
. Plus précisément, Otto PFERSMANN explique qu’il faut
distinguer la « définition stipulative1219
» et la « définition conceptuelle ». La
première définition consiste à examiner s’il existe quelque chose qui correspond à
l’entité ainsi déterminée. La seconde consiste, quant à elle, à analyser l’articulation
de la notion de confiance légitime dans un système donné1220
. Le professeur
PFERSMANN souligne encore que la Cour constitutionnelle fédérale allemande
(„Bundesverfassungsgerichts“ (BVerfGE)) a développé un concept technique de la
protection de la confiance légitime sans pour autant la différencier des droits
fondamentaux et sans l’intégrer dans les données structurantes du système
juridique1221
.
Ainsi il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale que le
principe de Vertrauensschutz est une composante fondamentale de la sécurité
juridique essentielle à l’État de droit. Selon la Cour, « pour le citoyen, la sécurité
1213 Commission, 7 déc. 2005, investissements de Shetland Leasing and Property Developments Ltd
dans les îles Shetland (Royaume-Uni), aff. C (2005) 4649 (2006/226/CE), no 62.
1214 Le principe est aussi connu des droits suisse, hollandais et luxembourgeois. Cf. CALMES (S.), Du
principe de protection de la confiance légitime en droits allemand, communautaire et français, coll.
Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p. 1215
PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance légitime
en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 582. 1216
VALEMBOIS (A.-L.), op. cit., La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en
droit français, V.41, LGDJ, Paris, 2005, 534 p., p. 231 ; préc. WOEHRLING (J.-M.), La France peut-
elle se passer du principe de confiance légitime ? in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,
Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002, 797 p., p. 749 ; SCHWARZE (J.), État actuel et les
perspectives du droit administratif européen, droit comparé, coll. Droit administratif, Bruylant,
Bruxelles, 2010, 366 p., p. 281. 1217
HUBEAU (F.), Le principe de la confiance légitime dans la jurisprudence de la Cour de justice
des Communautés européennes, CDE, 1983, p. 145. 1218
PFERSMANN (O.), Regard externe sur la protection de la confiance légitime en droit
constitutionnel allemand, RFDA, p. 236. 1219
Ibid. 1220
Ibid. 1221
Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
370/480
juridique consiste en premier lieu dans la protection de la confiance1222
». Cette
sécurité consiste dans le droit des administrés à se prévaloir de la stabilité des normes
législatives qui leur sont applicables1223
. Elle implique que les bénéficiaires des
droits puissent avoir confiance dans la continuité juridique, laquelle doit donc être
protégée1224
. Ce principe constitue une ligne directrice d’interprétation pour le juge.
Son importance est telle qu’il vient « contrebalancer » le principe constitutionnel de
légalité. À ce titre, le principe conditionne la légalité des actes individuels comme les
actes à portée générale1225
.
Ainsi, les règles de retrait des actes administratifs en droit fédéral allemand
requièrent une attention particulière du juge. En droit fédéral allemand, le retrait1226
vise aussi bien le retrait1227
proprement dit que l’annulation1228
d’un acte illégal.
Si en vertu du principe de légalité, tout acte illégal qui n’a pas créé de droits peut
être, en tout état de cause, retiré, il en va différemment lorsque l’acte illégal a créé
des droits. Lorsque l’acte illégal est créateur de droits, le principe de confiance
légitime limite les possibilités de retirer cet acte. Comme l’explique Jean-Pierre
PUISSOCHET, le principe de confiance légitime combiné au principe de sécurité
juridique peut empêcher le retrait des actes octroyant des prestations matérielles ou
pécuniaires, en revanche, les actes créateurs d’autres droits ouvrent droit à une
compensation indemnitaire1229
. Le juge à la Cour de justice des communautés
européennes précise que pour les actes octroyant des prestations matérielles, le
principe de confiance impose le respect de la protection de la confiance de son
bénéficiaire dès lors que « l’irrégularité de l’acte n’était pas clairement apparente ou
était imputable à des facteurs extérieurs » au bénéficiaire. Il en est de même lorsque
l’Administration, par son comportement, démontre sa propre croyance dans la
régularité de l’acte. Enfin, il en est encore de même lorsque l’acte litigieux a été
élaboré dans le cadre d’une « procédure spéciale caractérisée par des garanties de
1222 „Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts “(BVerfGE) 13, 215 (224). (Décision de la Cour
constitutionnelle fédérale allemande). 1223
Préc. PFERSMANN (O.), Regard externe sur la protection de la confiance légitime en droit
constitutionnel allemand, RFDA, p. 236. 1224
Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance
légitime en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582. 1225
Ibid. 1226
Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVfG), art. 48 (Procédure administrative générale). 1227
Le retrait des actes légaux est appelé « abrogation » en droit allemand, cf. VwVfG, art. 49. 1228
Le retrait, au sens du droit allemand, peut donc avoir un effet rétroactif. 1229
Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance
légitime en droit communautaire, Mélanges in G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
371/480
légalité spécifique (comme c’est le cas dans la procédure administrative formelle
utilisée, par exemple, pour les plans d’urbanisme)1230
». La durée de l’existence de
l’acte irrégulier et de la situation qui en découle, ainsi que la situation personnelle et
sociale de l’intéressé sont également prises en compte.
Le droit communautaire assimile la notion de « confiance légitime » à celle de
« droits acquis1231
», lesquels sont interprétés comme des droits intangibles.
Toutefois, à la différence du droit communautaire, le principe de confiance englobe
les droits acquis. Il a donc une portée plus large qu’en droit communautaire. Comme
le souligne le juge MACKENZIE STUART1232
, le principe allemand protège, ainsi,
également les droits en cours d’acquisition1233
(par exemple, promesses ou
engagements de l’Administration1234
, ou en matière d’urbanisme, une autorisation
d’urbanisme pendant le délai ouvert aux recours).
Enfin, en droit de l’urbanisme allemand (composante du Baurecht, droit de la
construction), la confiance du citoyen dans la planification urbaine est également
protégée, et ce, alors même que l’effectivité de cette protection peut avoir des
conséquences financières parfois élevées1235
.
2) L’intérêt limité d’une transposition en droit
français
De plus en plus, le droit administratif subit une « européanisation » sous l’influence
du droit communautaire. Comme l’écrit Paraskevi MOUZOURAKI, il existe une
1230 Ibid.
1231 CJCE, 19 janv. 1984, Michel ADVERNIER et autres c/Commission, aff. n
o 211/80, Rec., 1984,
p. 131, concl. ROZES. 1232
Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance
légitime en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582. 1233
Ibid. 1234
YANNAKOPOULOS (C.), op. cit., La notion de droits acquis en droit administratif français,
LGDJ, Paris, 1998, 604 p., p. 274-275. 1235
ROSSI (M.), Vue d’ensemble du droit de l’urbanisme allemand, Droit comparé, GRIDAUH,
p. 773.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
372/480
convergence des droits administratifs français et allemand en matière de confiance
légitime1236
.
Pour autant, le principe de confiance légitime apporterait-il une plus-value au droit
administratif français ? Sylvia CALMES qui a consacré sa thèse à la comparaison du
droit allemand et du droit français soutient qu’une transposition du principe allemand
dans le droit français serait dangereuse. Et le résultat d’une telle transposition serait
minime. Enfin, elle serait peu utile dans la mesure où il existe des mécanismes
concurrents efficaces1237
. L’apport de la transposition serait limité à l’obligation de
moduler les dispositions transitoires en cas de changement de réglementation. En
revanche, l’introduction de la logique subjective qui lui est attachée perturberait
largement le contrôle de légalité qui est par essence objectif1238
.
Cependant, la subjectivisation qu’a introduite l’ordonnance du 18 juillet 2013 au
contrôle de légalité dans le contentieux urbain malmène la thèse de Sylvia CALMES,
tout au moins dans le contentieux de l’urbanisme. En effet, le risque souligné
consistant à perturber le contrôle de légalité au motif qu’il est un contrôle objectif par
essence doit être relativisé dans le contentieux de l’urbanisme.
En effet, l’une des particularités d’une autorisation d’urbanisme attaquée est que
cette autorisation ne fait pas naître de droits acquis tant que le délai de recours est
ouvert. Or, le principe allemand protège les droits en cours d’acquisition. Ce qui est
bien le cas en la matière. Il y aurait donc un intérêt pour les bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme à ce que le principe de confiance allemand soit transposé
dans le contentieux urbain.
Cependant, à quel niveau se situerait l’intérêt ? La confiance de l’intéressé serait
vraisemblablement limitée à la croyance en la régularité de l’autorisation délivrée.
Cette confiance serait donc un moyen défensif uniquement contre l’Administration,
par exemple, en cas de retrait. Mais sur ce point le droit administratif français a déjà
1236 MOUZOURAKI (P.), Le principe de confiance légitime en droit allemand, français et anglais :
un exemple de convergence des droits administratifs des pays européens, Bruylant, Bruxelles, 2012,
816 p. 1237
CALMES (S.), op. cit., Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand,
communautaire et français, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p. 1238
AUBY (J.-A.), Confiance légitime, RDA, no 6, juin 2001, 100005.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
373/480
des mécanismes encadrant le retrait1239
. En effet, on voit mal comment une telle
confiance de la régularité fausse d’un acte pourrait être opposée à un tiers.
Mais, dorénavant, le juge administratif est compétent pour juger du « préjudice
excessif1240
» que peut subir un défendeur du fait de l’exercice du droit au recours par
le requérant dans « des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes1241
».
Cette part du contrôle du juge administratif sort du champ du contrôle de légalité pur.
Ce contrôle s’inscrit dans le subjectivisme des administrés. Il renvoie bien à la prise
en compte des attentes légitimes d’un administré ou de ce qu’il a pu légitimement
croire qu’il pouvait attendre.
Dans quelle mesure la transposition du principe allemand en contentieux de
l’urbanisme pourrait-elle contribuer à endiguer les recours abusifs ? La
subjectivisation qui vient de faire son entrée dans l’office du juge administratif par
l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme milite pour une cooptation du principe
allemand dans l’arsenal des principes applicables au contentieux de l’urbanisme. En
effet, lorsqu’une demande reconventionnelle indemnitaire est présentée, le débat
porte, d’une part, sur les conditions excessives de l’exercice du droit au recours par
le requérant et, d’autre part, sur l’excessivité du préjudice subi par le bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme attaquée. Ce n’est que par un contrôle subjectif que le
juge administratif peut apprécier l’excessivité de part et d’autre. Le requérant abusif
est alors en position pour se prévaloir d’une confiance légitime dans les textes, lui
donnant l’impression qu’il n’agissait pas de manière excessive pour la défense de ses
intérêts qu’il pouvait croire légitimes eu égard à la jurisprudence, à la
réglementation, ou encore au comportement de l’Administration. Tandis que le
bénéficiaire de l’autorisation attaquée est lui-même en position de se prévaloir de sa
propre confiance légitime en la régularité de l’autorisation.
1239 Cf. Code de l’urbanisme, art. L. 424-5 ; en matière d’autorisation obtenue par fraude, v. CE, 10
oct. 1990, M et Mme ALARCON, no 86379, Rec. Lebon, T. p. 1039 ; D., 1990, IR, p. 262 ;
GAUDEMET (Y.), RDI, 1991, p. 198 ; CE, 5 mai 2011, Ministre d’État, Ministre de l’Écologie, du
développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le
climat, no 336893, Rec. Lebon, p. 207 ; concl. LEGRAS (C.), BJDU, 2011, n
o 3, p. 225 ; PRIET (F.),
AJDA, 2011, p. 1971 ; ANDREANI, (J.), AJDA., 2011, p. 2084 ; CAA Nantes, 10 mai 2013, M et
Mme VIEL, no 12NT00134.
1240 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.
1241 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
374/480
À ce titre, c’est-à-dire pour les cas où il est fait application de l’article L. 600-7 du
Code de l’urbanisme, la transposition du principe allemand en contentieux de
l’urbanisme présente un intérêt.
Toutefois, une telle transposition n’aurait pas d’effet dissuasif dans la lutte contre les
recours abusifs. Elle ne jouerait qu’un rôle défensif au stade de la demande
reconventionnelle indemnitaire et qui plus est, au profit du requérant abusif.
B. Interrogation sur la notion anglaise d’estoppel
Nos voisins anglo-saxons disposent dans leurs règles processuelles d’une théorie de
non-contradiction dite théorie de l’estoppel qu’il convient de présenter (1.).
L’application de cette théorie est rejetée en droit français par le juge administratif
(2.). Pourtant, elle n’en demeure pas moins un élément de réflexion sur les outils
d’une meilleure sécurisation des autorisations d’urbanisme (3.).
1) Présentation de l’estoppel
Étymologiquement, le terme anglo-saxon estoppel vient du vieux français
« estouper » signifiant boucher, bloquer1242
, fermer, interdire l’accès1243
mais il
signifie aussi, quand il est employé au participe passé « qui n’a pas le droit de1244
».
Concept développé dans les juridictions d’Equity pour pallier les insuffisances de la
Common Law et de la consideration, c’est aujourd’hui une règle légale du Common
law qui n’a pas son équivalent en droit procédural français. En Common law, cette
règle sanctionne les contradictions d’un plaideur au cours des phases successives
d’un procès. Par extension, elle sanctionne la mauvaise foi comme la déloyauté au
cours d’un procès.
1242 FAUVARQUE-COSSON (B.), L’estoppel, concept étrange et pénétrant, R.D.C., 2006, p. 1279.
1243 VIOLLET (P.), Les Établissements de saint Louis : accompagnés des textes primitifs et des textes
dérivés, Éditeur RENOUARD, Paris, 1881, T.4, 395 p., p. 358, consultable sur Gallica. 1244
GODEFROY (F.), Lexique de l’ancien français, Librairies universitaires françaises et étrangères,
Paris, 1901, 544 p., p. 216, consultable sur Gallica.
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375/480
L’estoppel est lié au concept de reliance qui renvoie à l’idée que l’obligation,
contractuelle en général, ne doit pas causer un dommage à autrui. L’action sur
l’existence d’une obligation est dictée par l’idée que l’obligation réciproque sera
respectée. De par cette action, des mesures sont prises. Des dépenses sont faites. Si le
partenaire ne respecte pas l’obligation réciproque, il en résulte un préjudice pour
l’autre partie qui a pris ses dispositions et fait des dépenses.
L’estoppel peut également éclairer cette même idée de reliance en matière de
responsabilité délictuelle. C’est l’hypothèse où une partie fait une promesse à une
autre partie ou l’hypothèse où une partie fait une déclaration d’intention à une autre.
Le bénéficiaire de la promesse ou de la déclaration d’intention ne peut pas assigner
l’autre partie qui n’a pas accompli sa promesse ou son intention car en droit anglais,
en matière de promesse nue, il n’y a pas la consideration. C’est pourquoi le droit
anglais va utiliser l’estoppel pour combler cette lacune, notamment si l’une des
parties a déjà agi et subi un préjudice, appelé detrimental reliance, du fait du manque
de parole de l’autre promettant.
Principe de cohérence de justice et d’Equity redécouvert par Lord DENNING1245
l’estoppel permet donc d’insister sur le comportement cohérent des parties.
Résultant d’une construction éminemment jurisprudentielle, quatre reliance based
estoppel peuvent être distinguées : l’estoppel by representation (a.), l’estoppel by
convention (b.), le promissory estoppel (c.) et le proprietary estoppel (d.).
a. L’estoppel by representation
L’estoppel by representation peut être définie comme l’empêchement d’une
personne de revenir sur ses dires après avoir donné une affirmation erronée mais
donnée comme vraie à une personne qui a agi eu égard à cette affirmation.
Emmanuel GAILLARD définit l’estoppel by representation comme l’interdiction
faite à la personne qui, par ses déclarations, ses actes ou son attitude, c’est-à-dire par
la représentation qu’elle a pu donner d’une situation, a conduit une autre personne à
modifier son comportement à son propre préjudice mais au bénéfice de la première
1245 McIlkenny v Chief Constable of the West Midlands (1980), QB 283 at 316-317, concernant une
affaire faisant appel à la notion de l’estoppel per rem judicatam, fin de non-recevoir pour chose jugée,
soit qu’elle a fait l’objet d’une procédure antérieure (estoppel by record) soit, alors que la cause
d’action est différente mais que des points ou questions de fait ont déjà été décidés (estoppel by issue).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
376/480
de revenir sur cette representation en cours de procès1246
. Cette forme d’estoppel
exige une bonne foi interdisant de profiter de ses propres contradictions ou, selon la
formule retenue par le juge anglais de « souffler à la fois le chaud et le froid,
d’affirmer d’un côté et de dénier de l’autre1247
».
b. L’estoppel by convention
L’estoppel by convention1248
survient lorsque deux parties négocient ou concluent un
contrat, mais font une erreur1249
. Si les parties partagent une supposition, une
croyance, ou une compréhension de l’interprétation du contrat ou de l’effet légal,
alors les parties sont liées par cette supposition, croyance ou interprétation quand
bien même celle-ci serait erronée. Cette relation de cause à effet est subordonnée à la
condition que les parties aient toutes les deux la même supposition, croyance ou
interprétation et qu’elles aient toutes les deux basé leur engagement sur celle-ci1250
.
L’estoppel by convention est plus généralement invoquée lorsqu’une des parties
souhaite se référer à un avant-contrat1251
. En d’autres termes, si les parties
conviennent, par exemple, que le contrat veut dire noir, elles ne peuvent pas y
revenir. L’estoppel by convention est le mécanisme qui empêche les parties de
revenir sur leur accord.
1246 GAILLARD (E.), L’Interdiction de se Contredire au Détriment d’Autrui comme Principe Général
du Droit du Commerce International, Rev.d.Arb. 1985, at 241 et seq. 1247
Cour de l’Echiquier : Cave v. Mills (1862), Hurlstone et Norman, p. 927. 1248
V. SPENCER BOWER (G.) and TURNER (Sir) (A.), Estoppel by Representation, Butterworth’s
Law, 3e éd., 1977, 520 p.
1249 V. note Lord DENNING, aff. Amalgamated Investment & Property Co Ltd (In Liquidation) v
Texas Commercial Bank Ltd (1982), QB 84 : “when the parties to a contract are both under a
common mistake as to the meaning or effect of it – and thereafter embark on a course of dealing on
the footing of that mistake – thereby replacing the original terms of the contract by a conventional
basis on which they both conduct their affairs, then the original contract is replaced by the
conventional basis. Either party can sue or be sued upon it just as if it had been expressly agreed
between them.” (at 121 – 122). 1250
SALZEDO (S.), BRUNER (P.), OTTLEY (M.), Contract law, Briefcase, Routledge-Cavendish, 3e
éd., 2004, 304 p., p. 76. 1251
CHARTBROOK Ltd and another v PERSIMMON Homes Ltd and another (2009) UKHL, 38.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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c. Le promissory estoppel
Développée par un obiter statement1252
du Juge DENNING1253
, la promissory
estoppel est un principe d’Equity qui pose une exigence de bonne foi selon laquelle
une personne ne peut pas revenir sur une promesse faite1254
.
Cette forme d’estoppel exige la réunion de quatre conditions. Il doit y avoir un
contrat préexistant que la promesse modifie1255
. Ensuite, il doit y avoir une promesse
sans équivoque de renoncer à telle application du contrat1256
. Et il doit y avoir un
non-respect de la promesse, ou à tout le moins un changement de position1257
. Enfin,
ce revirement doit être injuste et inéquitable1258
.
L’effet de la promissory estoppel est suspensif et non extinctif. Cela signifie que
cette notion suspend et n’éteint pas l’obligation. Dans l’avenir, le promettant peut
reprendre ses droits et revenir sur son engagement mais il faut donner un préavis.
La promissory estoppel n’est pas une cause d’action. C’est un concept défensif qui
ne donne pas de nouveaux droits au bénéficiaire. L’estoppel est « un bouclier et non
comme une épée » (estoppel is “a shield not a sword” selon l’expression du Juge
DENNING1259
).
1252 Synonyme de la locution Obiter dictum qui signifie également « soit dit en passant ». Expression
de la procédure anglaise, l’obiter qualifie l’argument qui n’entre pas dans le ratio decidendi, qui n’est
pas invoqué pour faire la décision, il s’applique à un raisonnement dénué de force obligatoire de
nature à éclairer l’espèce et à guider le juge (cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14e éd., Paris,
2003, 619 p.). 1253
Central London Property Trust Ltd v High Trees Ltd (1947), KB 130 ; v. également Hughes v
Metropolitan Railway (1876-77), LR, 2 App. Cas. 439 ; et pour une affirmation par la Chambre des
Lords en droit des contrats, v. Tool Metal Manufacturing v TUNGSTEN (1955), 1 WLR, 761. 1254
V. préc. pour une illustration d’une promesse d’un bailleur à son locataire de ne pas demander le
remboursement des frais concernant le toit en mauvais état prévu à la charge du locataire empêchant le
bailleur d’expulser le locataire pour non-paiement : HUGHES v Metropolitan Railway (1876-77), LR,
2 App. Cas. 439 ; v. également pour une illustration d’une promesse de ne demander que la moitié du
loyer pour la période de la 2nde
Guerre empêchant d’appliquer un arriéré au locataire après la guerre :
Central London Property Trust v High Trees House (1947), KB 130 High Court. 1255
COMBE v COMBE (1951), 2 KB 215. 1256
Woodhouse A.C. Israel Cocoa Ltd. v. Nigerian Product Marketing Co. Ltd. (1972), AC 741. 1257
ALAN v. EL NASR (1972), 2 WLR 800. 1258
D & C Builders v. REES (1966), 2 WLR 28. 1259
COMBE v. COMBE (1951), 2 KB 215.
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d. La proprietary estoppel
La proprietary estoppel, à la différence de la promissory estoppel, peut être une
cause d’action, et non pas seulement un concept défensif1260
. La proprietary estoppel
donne de nouveaux droits au bénéficiaire. C’est l’hypothèse où le fils promet à sa
mère qu’il va l’accueillir chez lui et qu’elle peut venir habiter chez lui. Forte de cette
promesse, la mère vend sa maison mais les relations entre la mère et le fils
deviennent conflictuelles. Et le fils ne veut plus accueillir sa mère qui a vendu sa
maison. La proprietary estoppel permet, alors, à la mère d’agir en justice sur la base
de la reliance. Si cette mère n’avait pas vendu sa maison, elle ne pourrait pas
bénéficier de ce concept. En droit français, la mère est bénéficiaire d’une l’obligation
naturelle qui est reconnue par les tribunaux, c’est la même idée de reliance qui existe
même si cette notion n’est pas clairement énoncée en tant que telle. Le concept
anglais s’applique à une multitude d’hypothèses1261
qui vont de la promesse de
vendre la maison à la gouvernante si elle s’occupe de toute la famille pendant des
années1262
, à la remise en cause d’un legs au profit d’une fille lésée alors qu’elle
s’était bien occupée de sa mère décédée1263
. Le droit français a ses propres
mécanismes qui permettent d’aboutir à des raisonnements équivalents, notamment
avec la notion d’obligation naturelle, et de novation en obligation civile.
Ainsi s’achève cette présentation sommaire de la notion d’estoppel qui recouvre, en
pratique, tout un champ de possibles1264
et de nuances que la traduction française
peine souvent à retranscrire et qui ne peuvent être développées ici.
En droit international public, l’estoppel existe en tant qu’objection péremptoire
faisant obstacle à ce qu’un État, partie à un procès, puisse contredire une position
prise auparavant et dans laquelle les tiers ont placé leur confiance légitime. Cette
1260 SALZEDO (S.), BRUNER (P.), OTTLEY (M.), op. cit., Contract law, Briefcase, Routledge-
Cavendish, 3e éd., 2004, 304 p., p. 76.
1261 V. RAMJOHN (M.), Text, Cases and Materials on Equity and Trusts, Routledge-Cavendish, 4
e
éd., 2008, 752 p. 1262
GREASLEY and others v. COOKE (1980), 3 A II ER 710, CA. 1263
GRIFFITHS v WILLIAMS (1977), 248 EG 947, CA. 1264
V. RAMJOHN (M.), op. cit., Text, Cases and Materials on Equity and Trusts, Routledge-
Cavendish, 4e éd., 2008, 752 p.
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notion est, en outre, très développée en droit commercial international1265
où il
apparaît également polymorphe1266
.
2) Rejet de l’estoppel par le juge de la légalité
Contrairement au juge civil qui l’admet en matière commerciale1267
et en matière de
contrefaçon1268
sous la formule d’un « principe selon lequel nul ne peut se contredire
au détriment d’autrui1269
», la notion d’estoppel, parfois retranscrite sous
l’appellation de principe de non-contradiction, n’est pas admise par le Conseil
d’État1270
qui a eu l’occasion de la rejeter dans le cadre d’un contentieux fiscal1271
,
dans le contentieux général1272
et récemment dans le contentieux administratif1273
.
1265 MORAND-DEVILLER (J.), Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, Lextenso-Éditions,
Paris, 2013, 800 p., p. 341. 1266
MARTIN (A.), L’estoppel en droit international public précédé d’un aperçu de la théorie de
l’estoppel en droit anglais, préf. VIRALLY (M.), thèse, Pedone, Paris, 1979, 384 p. 1267
V. PIERRE-MAURICE (S.), « Nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » : la timide et
discrète avancée de la chambre commerciale, Dalloz, 2012, p. 2942. 1268
Cass., Com., ass. plén., 27 févr. 2009, note DELPECH (X.) Dalloz 2009, p. 723 ; note
HOUTCIEFF (D.), L’importance d’être constant : vers une consécration du principe de cohérence,
ibid., p. 1245 ; v. également, Cass., Com., 20 sept. 2011, F-P + B, no 10-22.888, DELPECH (X.),
Consécration jurisprudentielle de l’estoppel à la française, D. actu., 29 sept. 2011. 1269
Préc. Cass., Com., 20 sept. 2011, F-P + B, no 10-22.888.
1270 MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, Lextenso-
Éditions, Paris, 2013, p. 341. 1271
CE, 1er
avr. 2010, SAS MARSADIS, no 334465, MONTECLER (de) (M-C), Le Conseil d’État
refuse d’adopter l’estoppel, D. actu., 13 avril 2010. 1272
CE, 7 mai 2012, SCP MERCADIER et KRANTZ, no 342107, Rec. Lebon ; FOULQUIER (N.),
AJDA, 2013, p. 1172. 1273
CE, 4e et 5
e SSR, 2 juill. 2014, Société PACE EUROPE, n
o 368590, Rec. Lebon, 2015, PASTOR
(J.-M.), Le juge de la légalité opposé à l’estoppel, D. actu., 10 juill. 2014 ; Gaz. du Pal., 17 juill. 2014
no 198, p. 27, GPL187c6 ; SELLIER (B.), Ibid., 6 sept. 2014, n
o 249, p. 13, GPL190v7.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
380/480
Sur ce dernier, le Conseil d’État a ébranlé les espoirs certains1274
par un très récent
arrêt Société PACE EUROPE du 2 juillet 20141275
, par lequel il juge, en contentieux
administratif, qu’
il n’existe pas, dans le contentieux de la légalité, de principe général en vertu
duquel une partie ne saurait se contredire dans la procédure contentieuse au
détriment d’une autre partie ; que, dès lors, c’est également à bon droit que le
tribunal administratif de Grenoble a jugé que la fin de non-recevoir opposée par
la société requérante sur le fondement d’un tel principe ne pouvait, en tout état
de cause, qu’être écartée1276
.
Dès lors, il n’y a pas d’ambiguïté sur la position actuelle du Conseil d’État. Il
n’existe pas, dans le contentieux de la légalité, de principe général en vertu duquel
une partie ne saurait se contredire dans la procédure contentieuse au détriment d’une
autre partie. Cette formulation, bien plus large que les précédentes1277
, rejette dans le
contentieux de la légalité, tout principe général en vertu duquel une partie ne saurait
se contredire dans la procédure contentieuse au détriment d’une autre partie. Une
telle formule inclut l’ensemble des hypothèses dans lesquelles le juge administratif
statue sur des questions de légalité, ce qui inclut donc aussi bien les recours en
appréciation de légalité que les recours pour excès de pouvoir et les recours de plein
contentieux objectifs (tels que les contentieux fiscaux)1278
.
Une interrogation demeure toutefois. La notion d’estoppel peut-elle être invoquée
dans les contentieux de la répression et en plein contentieux subjectifs, c’est-à-dire
en matière de contentieux contractuel et de la responsabilité ? Bertrand SEILLER
relève que le soin apporté par le Conseil d’État à cette formulation qui circonscrit sa
position pourrait laisser croire que l’estoppel pourrait être importée dans des
contentieux plus subjectifs même si cette importation paraît relativement peu
probable1279
.
1274 CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,
AJDA, 2010, p. 479. 1275
Préc. CE, 4e et 5
e SSR, 2 juill. 2014, Société PACE EUROPE, n
o 368590, Rec. Lebon, 2015,
PASTOR (J.-M.), Le juge de la légalité opposé à l’estoppel, D. actu., 10 juill. 2014 ; Gaz. Pal., 17
juill. 2014 no 198, p. 27, GPL187c6 ; SEILLER (B.), Ibid., 6 sept. 2014, n
o 249, p. 13, GPL190v7.
1276 Ibid.
1277 Cf. préc. CE, 1
er avr. 2010, SAS MARSADIS, n
o 334465 et CE, 7 mai 2012, SCP MERCADIER et
KRANTZ, no 342107.
1278 Préc. SEILLER (B.), Gaz. Pal, 6 sept. 2014, n
o 249, p. 13, GPL190v7.
1279 Ibid.
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381/480
3) Réflexion sur une adaptation à la française
La notion anglo-saxonne d’estoppel est une notion inadaptée au droit administratif
français (a.). Il n’est donc pas envisageable de la transposer telle quelle dans la
procédure contentieuse française. Cependant, il convient d’analyser les éléments qui
pourraient permettre l’adaptation de la notion au droit administratif et plus
particulièrement d’analyser son potentiel éventuel en matière de contentieux de
l’urbanisme (b.).
a. Une notion inadaptée
L’estoppel est essentiellement un concept de droit civil qui s’accommode mal des
exigences du contrôle de légalité et qui s’avère inadapté aux spécificités du droit de
l’urbanisme. En effet, de récentes études montrent que le droit anglais cherche à se
constituer un droit de l’urbanisme comprenant un volet de dispositions de contrôle,
de sanction et de règlement des litiges. Ceci démontre que le droit anglais ne peut pas
se satisfaire du concept de l’estoppel dans les contentieux de l’urbanisme. Il convient
de présenter brièvement le droit de l’urbanisme anglais1280
.
Le droit de l’urbanisme en droit anglais (d’Angleterre) existe depuis le début du
XXe siècle
1281. La loi de 1909, dite Housing, Town Planning Act, est venue donner un
cadre au droit de l’urbanisme anglais. Cette loi est destinée à réglementer via des
schemes les aménagements non seulement dans un but sanitaire mais encore dans
une logique de bonne insertion des constructions dans l’environnement urbain1282
.
Cette loi est largement inappliquée. Aussi une autre loi de 1919 est venue imposer les
schemes dans les agglomérations de plus de vingt mille habitants1283
. Le Town and
1280 Pour une présentation détaillée v. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne,
Droit comparé, Étude du GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p. ; BOOTH (Ph.), Les
évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002, Étude du GRIDAUH, cyber
bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. ; BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-
Bretagne en 2004, Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. ; BOOTH (Ph.), Le
droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne, Refonte de la présentation générale (2006), Étude du
GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 24 p. 1281
AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du GRIDAUH,
AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 497.
1282 Ibid. p. 498.
1283 Ibid.
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382/480
Country Planning Act de 1947 est ensuite venu imposer un contrôle d’urbanisme par
secteur. Cette loi correspond essentiellement au mécanisme du permis de construire.
Par la suite, divers textes ont renforcé les pouvoirs de contrôle sur les respects des
règles d’urbanisme. Puis en 1990, un nouveau Town and Country Planning Act
consolide le droit de l’urbanisme anglais lui donnant sa forme moderne, outre
d’autres textes relatifs aux monuments historiques et, bien entendu, outre le rôle
toujours majeur que joue la jurisprudence en droit anglais1284
.
Il y a donc en droit anglais, comme en droit français, un mécanisme d’autorisation
d’urbanisme, mais son champ est relativement large puisqu’il inclut des
aménagements sans construction1285
.
En 2004, le droit de l’urbanisme anglais est marqué par une profonde refonte
présentée en décembre 2001 dans le planning green paper1286
. À cette époque, une
réforme est nécessaire car le droit de l’urbanisme aussi souffre d’une trop grande
complexité et de mécanismes lents générateurs d’insécurité juridique. Cette réforme,
c’est le Planning and Compulsory Purchase Act1287
. L’un des sujets de réforme
concerne le droit des tiers en matière de recours administratifs auprès du Ministre,
mais ce sujet n’a pas porté. Ainsi, le droit anglais opte peu à peu pour une
construction, écrite et réglementée, du droit de l’urbanisme. De la même manière, le
contentieux de l’urbanisme anglais est encadré par des mécanismes précis.
D’une part, le non-respect des règles d’urbanisme est sanctionné. Plus précisément,
les mécanismes des sanctions des règles d’urbanisme sont regroupés sous le concept
d’enforcement1288
. Avant d’envisager des sanctions pénales, l’enforcement prévoit un
système de rappels à l’ordre par l’administration dits enforcement notices, et le non-
respect de ces rappels à l’ordre est sanctionné pénalement.
D’autre part, en cas de refus de permis d’urbanisme, le pétitionnaire peut déposer un
recours administratif auprès du Ministre (actuellement le Deputy Prime Minister).
1284 MOORE (V.) et HUGHES (D.), Statutes on Planning Law, Blackstone, Press Limited, 2
e éd.,
1995, 560 p. 1285
Préc. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du
GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 505.
1286 BOOTH (Ph.), Les évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002, Étude
du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. 1287
BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2004, Étude du
GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. 1288
Préc. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du
GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 505.
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383/480
L’examen du recours est confié à un inspecteur qui se prononce lui-même, par
délégation du Ministre, après soit un échange d’écrits, soit une enquête publique
formelle, soit une audience publique informelle.
Enfin, les tiers peuvent faire valoir leur point de vue à l’occasion de ces recours
administratifs déposés auprès du Ministre1289
. Mais, en dehors de ces circonstances,
les tiers sont démunis de recours puisqu’ils ne disposent pas de la possibilité de faire
un recours administratif, seul un examen judiciaire de l’autorisation d’urbanisme
contestée est envisageable mais il est subordonné à des conditions très
restrictives1290
.
Toutefois, les tiers disposent du droit d’être consultés lors de l’instruction de
l’autorisation d’urbanisme et les collectivités sont tenues de prendre en compte leurs
avis1291
. La question du recours des tiers a pourtant été évoquée, au cours des travaux
préparatoires au Planning and Compulsory Purchase Act de 2004, mais l’idée
d’instaurer un système dans lequel un tiers pourrait faire appel au Ministre pour
contester une autorisation d’urbanisme a été rejetée1292
. Philips BOOTH souligne que
sur ce point « le Gouvernement a fermement maintenu sa position et n’a pas cédé à la
demande exprimée avec énergie d’instaurer un tel recours au profit des tiers1293
».
Actuellement, il n’y a donc, pour les tiers, aucune possibilité de recours contre les
décisions1294
.
Plus précisément, si ce recours administratif n’a pas été ouvert, il n’en demeure pas
moins qu’un tiers peut contester un permis de construire à l'appui d'un recours en
judicial review. Mais ce recours obéit à des conditions rigoureuses. En effet, le tiers
doit avoir préalablement émis des réserves. De plus, contrairement au délai de droit
commun de 3 mois, le recours en la matière doit être exercé dans un délai de 6
semaines à compter de la délivrance et sous réserve de démontrer un intérêt à agir.
Ce dernier a été défini par la jurisprudence1295
. Ainsi, a un intérêt à agir toute
1289 Préc. BOOTH (Ph.), Les évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002,
Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. 1290
Ibid. 1291
Ibid. 1292
Préc. BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2004, Étude du
GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. 1293
Ibid. 1294
BOOTH (Ph.), Le droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne, Refonte de la présentation générale
(2006), Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 24 p. 1295
Morbaine Ltd v First Secretary of State rendue par la Queen's Bench Division (19 juillet 2004),
Administrative Court. En l’espèce, le juge a considéré que les deux requérantes n’avaient pas intérêt à
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
384/480
personne qui possède ou détient une part de propriété affectée par la délivrance dudit
permis de construire1296
.
Il ressort de ces observations que le principe de l’estoppel n’est pas utilisé en droit de
l’urbanisme anglais. En outre, il est à noter que rompant avec ses traditions, le droit
anglais opte de plus en plus pour un cadre réglementaire et spécifique du droit de
l’urbanisme. Enfin, le concept d’estoppel n’a d’ailleurs aucune raison d’être sollicité
en la matière, c’est-à-dire dans une relation triangulaire {administration auteur
d’autorisation d’urbanisme/bénéficiaire d’autorisation d’urbanisme/tiers} car il n’y a
pas ce type de relation. Les tiers n’ont (presque) pas de droit d’agir contre une
autorisation d’urbanisme. Dès lors, il n’y a pas de problématique sur des recours
abusifs des tiers.
Par ailleurs, la notion d’estoppel repose sur l’idée de faire échec à une contradiction.
Or, en matière de recours intentés par des tiers contre une autorisation d’urbanisme,
le caractère abusif ne découle pas d’une tergiversation de l’Administration ou de
l’une ou l’autre des autres parties. La seule tergiversation, quand il y en a une, réside
dans le comportement du tiers susceptible de se désister moyennant un arrangement
intéressant.
Enfin, le juriste de droit écrit peut craindre qu’une notion telle que l’estoppel,
manquant de base légale et reposant sur la jurisprudence ne soit pas nécessairement
un gage de sécurité juridique puisque la jurisprudence est par essence fluctuante, « la
vraie sécurité, diront les cyniques, c’est de s’en méfier1297
».
b. Éléments de réflexion pour une adaptation
Si pour certains l’importation de l’estoppel ne présente aucune utilité1298
et n’est que
la révélation d’une fascination du juriste français à l’égard de cette notion1299
, un
agir. En effet, la société Morbaine n’avait pas intérêt à agir au motif qu'elle n'avait émis aucune
réserve à la candidature pour l'obtention du permis de construire par la société Lear, ni pris part à
l'enquête publique et n'avait aucun terrain ni domaine affecté par le projet de construction. Et Mme
Robert, l’autre requérante, n'avait aucun intérêt direct à exercer un recours contre la délivrance de ce
permis de construire. 1296
Si la parcelle est détenue en commun, l’intérêt à agir peut alors inclure le public interest litigant. 1297
Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.
LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,
p. 827.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
385/480
concept à la mode1300
, pour d’autres la notion adaptée au droit administratif français
pourrait présenter un intérêt.
Alexandre CIAUDO et Alexis FRANK1301
défendent l’utilisation de l’estoppel en
droit administratif. Selon eux, en dehors, de deux irrecevabilités déjà consacrées dans
le procès administratif tenant, d’une part, au moyen nouveau insusceptible d’être
discuté devant le juge de cassation et, d’autre part, au défaut d’intérêt, il y a un
intérêt à importer l’estoppel en droit administratif. À retracer leur analyse,
l’introduction de l’estoppel dans le procès administratif serait l’occasion pour le
Conseil d’État « d’ériger le principe de loyauté des débats au rang de principe
directeur du procès administratif1302
» qui éventuellement s’accompagnerait d’une
importation de règles de procédure civile susceptibles de garantir une meilleure
protection du principe.
De son côté, le juge civil a consacré le principe de loyauté en tant principe directeur
du procès civil1303
. Codifiés aux articles 1er
à 24 du Code de procédure civile et à
l’article préliminaire du Code de procédure pénale, les principes directeurs d’une
procédure sont l’ensemble des principes qui inspirent les dispositions légales et
assurent une cohérence entre elles1304
. Leurs pendants publicistes sont considérés
comme étant codifiés aux articles L. 2 à L. 111305
du Code de justice
administrative1306
formant une sorte de « décalogue1307
» incantatoire au titre duquel
1298 Préc. SEILLER (B.), Gaz. Pal, 6 sept. 2014, n
o 249, p. 13, GPL190v7.
1299 Rapport de M. BOVAL, Conseiller rapporteur, sur les pourvois n
os 07-12.551 et 07-19.841.
1300 Ibid.
1301 Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,
AJDA, 2010, p. 479. 1302
Ibid. 1303
Ibid. et v. GUINCHARD (S.), Vers une démocratie procédurale, Justices, 1999, p. 115 ;
BOURSIER (M.-E.), Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, NBT, T. 23, p. 227. 1304
SOLUS (H.) et PERROT (R.), Droit judiciaire privé, Paris, Sirey, t. 3, 1991, no 74.
1305 Sont ainsi notamment codifiés les principes de la collégialité, de la contradiction, de la publicité
des débats, de la motivation des jugements, de l’absence d’effet suspensif des recours, ainsi que le
secret des délibérés. 1306
CHAPUS (R.), La justice administrative : évolution et codification, Lecture du Code de justice
administrative, RFDA, 2000, p. 929 ; GOHIN (O.), Les principes directeurs du procès administratif en
droit français, RDP, 2005, p. 171. 1307
RICCI (A.), Le « Décalogue » du Code de justice administrative, Préf. ROUX (A.), Presses
Universitaires d’Aix Marseille, 2003, 156 p.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
386/480
le Conseil d’État aurait la mission de « définir, par sa jurisprudence, les règles de
droit applicables aux litiges administratifs1308
».
Cependant, tous les principes directeurs d’une procédure juridictionnelle ne sont pas
nécessairement codifiés. Par conséquent, le juge administratif peut découvrir un
nouveau principe directeur du procès administratif, en l’occurrence un principe de
loyauté1309
. Le juge pourrait ainsi pointer la mauvaise foi ou l’intention dilatoire
d’une partie qui viendrait à se contredire au détriment d’une autre1310
. Mais au-delà
du symbole, ce serait sans doute pour le juge administratif une difficulté
supplémentaire dans l’exercice de sa mission car le principe de loyauté aurait pour
effet d’en faire un juge moralisateur1311
. Sur ce point, Alexandre CIAUDO et Alexis
FRANK considèrent qu’il ressort de l’office du juge administratif de réprimer le
comportement déloyal des parties1312
.
Ainsi, l’argument selon lequel il pourrait y avoir une certaine confusion des genres
doit, selon eux, être écarté. En effet, s’il n’y a pas explicitement de principe de
loyauté, en revanche son pendant, la sanction de la déloyauté existe. Et il incombe au
juge administratif de sanctionner la déloyauté. Cette sanction de la déloyauté se
manifeste ainsi par la condamnation d’un requérant à une amende pour recours
abusif, et ce pouvoir de sanction appartient au juge administratif, c’est une « faculté
[…] constituant un pouvoir propre du juge1313
», le défendeur ne pouvant requérir
l’application de la sanction. Dans le même sens, la fixation du montant de l’amende
relève de l’appréciation souveraine des juges du fond1314
.
Pourtant transposer l’estoppel dans le contentieux des autorisations d’urbanisme
ouvert au tiers présente-t-il véritablement un intérêt puisque le juge peut sanctionner
par une amende, le comportement déloyal, processif, du tiers ? Si le juge
1308 LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, T. I, Paris ;
1887, 700 p., p. VII, consultable sur Gallica. 1309
Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,
AJDA, 2010, p. 479. 1310
Ibid. 1311
BOURSIER (M.-E.), Le principe de loyauté en droit processuel, Nouvelle Bibliothèque de Thèses,
Vol. 23, Dalloz, 2003, 527 p. 1312
Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,
AJDA, 2010, p. 479. 1313
Préc. CE, 27 févr. 1987, BERTIN, no 38482, Rec. Lebon, T., p. 892.
1314 CE, sect., 9 nov. 2007, Mme POLLART, n
o 293987, Rec. Lebon, T., p. 1024, concl. OLSON (T.),
RFDA, 2008, p. 137 ; note DELZANGLES (B.), AJDA, 2008, p. 821, note MELLERAY (F.), RDA,
1/2008, no 11.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
387/480
administratif est aussi le juge de la loyauté, le contrôle de la loyauté reste conditionné
par le choix du juge de faire application ou non d’un pouvoir qui lui est propre. Tout
l’intérêt de la notion d’estoppel est de permettre à une partie victime de la déloyauté
d’agir contre cette déloyauté.
Cependant, quoique l’estoppel soit une notion polymorphe, elle repose toujours sur
l’idée d’une contradiction. Dans le cadre des recours abusifs exercés à l’encontre
d’autorisation d’urbanisme, la contradiction ne vise, en pratique, que le
comportement des tiers susceptibles. S’il faut mettre à part les ajustements
d’argumentation liés à la stratégie contentieuse, cette contradiction se manifeste
lorsque le requérant est prêt à se désister de l’instance et de l’action après être
parvenu à la conclusion d’un arrangement, trouvant grâce à ses yeux. Si ce
désistement a l’avantage de mettre fin au recours, il a aussi pour effet de refléter
l’incohérence de comportement du requérant qui finalement ne serait pas vraiment
affecté par le vice de légalité de l’autorisation contestée, vice pourtant suffisamment
important pour justifier d’un intérêt à agir. L’admission d’un principe de loyauté,
entendu comme un principe de non-contradiction reviendrait donc à empêcher le
requérant de se contredire et de se satisfaire d’une transaction. Cela reviendrait
finalement l’empêcher de se désister.
Mais alors, ne serait-ce pas renoncer à l’un des moyens les plus utiles pour mettre fin
à des procédures abusives ? La réponse n’est pas nécessairement positive. En effet,
empêcher la contradiction par l’empêchement d’une transaction pourrait dissuader un
requérant dont l’action serait essentiellement dictée par le souhait de conclure une
transaction intéressante et non dictée par le souhait de voir corriger la légalité
douteuse d’un acte qu’il lui cause un préjudice au prix d’une procédure longue et
coûteuse.
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent qu’il existe
des solutions en droit interne mais également dans le droit des pays voisins. En droit
interne, le droit de l’urbanisme est incontournable à un moment où nous vivons une
ère urbaine. Il convient de le simplifier et de reconnaître la relation triangulaire qui
existe autour de l’autorisation d’urbanisme avec, bien entendu, son auteur
administratif, son titulaire et le tiers. Mais il est faux de croire que l’urbanisme
concentre tous les remèdes. Il existe, en effet, d’autres solutions en droit interne.
Enfin, s’agissant des solutions qui existent dans le droit de pays voisins, nous avons
concentré notre analyse sur le droit allemand et sur le droit anglais. Il apparaît que
ces droits peuvent être source d’inspiration mais qu’ils véhiculent des solutions
difficilement transposables en l’état.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
388/480
SECTION 2 : Des solutions à créer
Au-delà des solutions existantes qui pourraient être optimisées pour remédier au
phénomène des recours abusifs en matière d’urbanisme, il faut également
s’interroger sur la possibilité de créer des solutions nouvelles. Ainsi, la création
d’une procédure de régulation pourrait présenter un intérêt anti-abus essentiellement
préventif (I.). De même, d’autres voies juridiques doivent pouvoir être envisagées
ainsi que des voies non juridiques à créer qui toutes participeraient au processus de
sécurisation des autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs tout en
n’aggravant pas davantage les atteintes déjà portées au droit au recours des tiers (II.).
I. Créer une procédure de la régulation
Parler d’une procédure de régulation pour lutter contre les recours abusifs formés
contre les autorisations d’urbanisme peut a priori surprendre. Il est vrai que la notion
est a priori plus économique que juridique et que son usage est classiquement
réservé à la matière économique et aux activités concurrentielles.
Pourtant, notion éminemment protéiforme, la notion de régulation est aussi une
notion juridique. Et cette notion permet le maintien d’un équilibre au sein d’un
système complexe entre les administrés, compte tenu, d’une part, de l’évolution des
pratiques contentieuses de ces administrés et compte tenu, d’autre part, de
l’appréhension d’un intérêt général supérieur tenant à l’idée de permettre un
urbanisme durable.
Il convient de présenter les rapports entre la protection des administrés et la
régulation en tant que notion juridique (A.). Il convient également d’analyser, par
suite, quel rôle peut jouer la régulation dans le contentieux de l’urbanisme et
comment elle peut lutter contre le phénomène des recours abusifs contre les
autorisations d’urbanisme (B.).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
389/480
A. La régulation et la protection des administrés
« Le concept de la régulation ne se laisse pas aisément définir1315
». Il est
classiquement restreint à un concept économique, pourtant c’est aussi un concept
juridique1316
qui peut être employé pour lutter contre les recours abusifs (1.). En
effet, la régulation est un mode sous-estimé de protection de l’intérêt général des
administrés (2.).
1) La régulation, une notion juridique
Du latin regulare, signifiant régler, diriger, le verbe réguler désigne le fait d’assurer
le fonctionnement correct, le rythme régulier d’un mécanisme, le développement
d’un processus1317
.
Originellement, la régulation est une notion économique1318
descriptive qui renvoie à
l’utilisation des procédés de police en matière économique1319
. Elle peut aussi
renvoyer à des polices spéciales de la concurrence1320
.
Concept en pleine expansion des sociétés modernes, lié à la complexification
sociale1321
, le concept de régulation juridique apparaît comme un concept flou,
polysémique et recouvrant plusieurs acceptions1322
. Et cette polysémie en fait un
concept fuyant1323
. Comme l’explique Jacques CHEVALLIER, trois significations
peuvent être identifiées. D’une part la régulation peut être comprise comme un
1315 CE, Rap. Public, 2001, Les autorités administratives indépendantes, Doc. Fr., p. 279.
1316 MARCOU (G.), La notion juridique de régulation, AJDA, 2006, p. 347.
1317 Larousse.
1318 FRISON-ROCHE (Mie-A.), La régulation, objet d’une branche du droit, Droit de la régulation,
LPA, 3 juin 2002, no 110, p. 3, réf. PA200211001.
1319 MESCHERIAKOFF (A.-S.), Droit public économique, PUF, coll. Droit fondamental, 1994 ;
LINOTTE (D.) et ROMI (R.), Services publics et droit économique, Litec, 4e éd., 2001
1320 DELVOLVE (P.), Droit public de l’économie, Dalloz, 1998, p. 561.
1321 COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), Les autorités administratives indépendantes, PUF, Paris,
1988, 319 p., p. 26. 1322
CHEVALLIER (J.), La régulation juridique en question, Droit et société, Étude no 49, 2011,
p. 827-846. 1323
CALANDRI (L.), préf. REGOURD (S.), Recherche sur la notion de régulation en droit
administratif français, Thèse, Bibliothèque de droit public, T. 259, LGDJ, Paris 2009, 732 p.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
390/480
attribut substantiel de tout droit. D’autre part, elle peut encore être entendue comme
la caractéristique du droit de l’État providence. Enfin, elle peut être perçue comme
l’indicateur des transformations en cours du phénomène juridique1324
. Sur ce dernier
point, la régulation exprime une « mutation du système juridique caractérisée par le
passage du droit abstrait à un droit concret1325
». Gérard MARCOU a démontré que
la régulation juridique existe. Il a même démontré qu’il existe un « noyau commun »
à tous les États européens. Il la définit comme une fonction nouvelle de la puissance
publique, aux côtés de la police et du service public1326
.
L’acception qui intéresse notre analyse est celle de la régulation comme fonction
régulatrice du droit. Dans cette perspective, le concept de régulation implique
l’existence d’une instance capable, de par sa position d’extériorité et d’impartialité,
d’assurer le maintien de l’équilibre du système en cause. Or, comme le souligne
Jacques CHEVALLIER, cette figure du tiers régulateur, nécessaire au maintien de
l’ordre et inhérente au droit, s’inscrit dans une relation juridique basée sur la
« triangulation » selon l’expression d’Alexandre KOJEVE1327
.
Par ailleurs, cette régulation juridique ne passe pas nécessairement uniquement par
l’État ou les juridictions. Il existe, en effet, des autorités dites indépendantes et des
groupes socioprofessionnels habilités à réguler et réglementer les comportements.
Contrairement à la tradition administrative française, ces régulateurs ne sont pas
soumis à l’autorité hiérarchique d’un Ministre1328
. Ce sont des autorités habilitées à
faire des recommandations, rendre des décisions, réglementer un secteur particulier,
ou encore à sanctionner. Pour la plupart, ces autorités sont administratives, et
agissent donc indirectement au nom de l’État qui leur a dévolu, à ce titre, un certain
nombre de compétences déléguées telles que le pouvoir réglementaire1329
. Ces
autorités régulatrices participent à l’élaboration d’un droit souple qui facilite le
fonctionnement des institutions et les mises en œuvre des règles1330
. À ce titre, la
1324 CHEVALLIER (J.), op.cit., La régulation juridique en question, Droit et société, Étude n
o 49,
2011, p. 827-846. 1325
Préc. MARCOU (G.), La notion juridique de régulation, AJDA, 2006, p. 347. 1326
Ibid. 1327
KOJEVE (A.), Esquisse d’une phénoménologie du droit, Paris, Gallimard, 1981, 588 p. 1328
Par exception à l’article 20 de la Constitution selon lequel le Gouvernement dispose de
l’administration. 1329
www.vie-publique.fr. 1330
On observe sur ce point l’influence du soft law (droit mou) sur le droit public français. Cf. Conseil
d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
391/480
régulation apparaît comme un mode alternatif à la protection de l’intérêt général et
des intérêts des administrés.
2) La régulation, un mode alternatif de protection de
l’intérêt général
La régulation est un mode de protection de l’intérêt général et des intérêts des
administrés en ce qu’elle participe à l’élaboration d’un droit souple dont elle veille au
respect. Le Conseil d’État définit le droit souple (soft law) à partir de l’examen des
trois instruments cumulatifs dont doit être dotée l’autorité de régulation. Ces
instruments doivent avoir pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de
leurs destinataires en suscitant l’adhésion, ils ne doivent pas créer par eux-mêmes de
droits ou d’obligations pour leurs destinataires. Enfin, ils doivent présenter, par leur
contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et un degré de
structuration qui les apparentent aux règles de droit1331
.
Caractérisée par sa souplesse, la régulation vise à influencer les comportements1332
et
à fixer des règles de conduite là où la régulation étatique s’expose à des
réticences1333
.
En outre, elle a l’avantage de ne pas aggraver l’inflation normative1334
. Plus
précisément, le Conseil d’État, dans ces fiches thématiques sur l’utilisation du droit
souple dans sept domaines significatifs1335
, explique que le droit souple doit répondre
aux préoccupations contemporaines de lutte contre l’inflation normative. Il souligne
également que l’inflation normative est souvent dénoncée comme une charge mal
supportée par les collectivités au moment où leurs ressources diminuent. De plus, la
profusion du droit dur est dénoncée comme une entrave à la construction des
logements comme à la réalisation de projets d’aménagement et d’équipement.
1331 Préc. Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.
1332 TALEC (Mie), La régulation en droit administratif, la régulation existe-t-elle ?, Academia edu.
1333 Comme en matière d’internet.
1334 Comme en matière de programmation des collectivités territoriales dans les domaines de
l’environnement, de la santé ou de l’aménagement (cf. schémas de cohérence territoriale, schémas
directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, schémas régionaux d’organisation sanitaire). 1335
Conseil d’État., 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines significatifs,
9 p., p. 5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
392/480
Induire et influencer les comportements sans contraindre, tel est l’objet de la
régulation juridique. Comme l’écrit Paule QUILICHINI, « réguler n’est pas
juger1336
». La régulation constitue une alternative « douce » là où l’État ne peut pas
agir trop directement mais là aussi, où il faut néanmoins surveiller les comportements
des opérateurs. Ainsi, la régulation est un moyen de compléter le contrôle du juge qui
connaît des limites en la matière1337
. Permanente et essentiellement préventive,
contrairement au contrôle juridictionnel qui intervient ponctuellement et a
posteriori1338
, la régulation est un instrument de prophylaxie des dérives
comportementales dans un secteur donné.
B. La régulation du contentieux de l’urbanisme
La régulation est un mode juridique de protection de l’intérêt général trop peu
exploité dans l’urbanisme comme mode de prévention des contentieux. Or, la
flexibilité de cette notion s’adapte à la fois à la nécessité de protéger l’intérêt général
ainsi qu’à l’appréhension de l’évolution des pratiques contentieuses des administrés
(1.). De plus, pour la protection et l’arbitrage l’intérêt général consistant à
l’élaboration d’un urbanisme durable et abordable, le juge administratif n’est pas le
plus à même de faire figure de régulateur (2.).
1) L’appréhension de l’évolution des pratiques
contentieuses
Certes l’urbanisme, l’aménagement des territoires, la planification de l’aménagement
connaissent des instruments de régulation non juridictionnels et non directement
étatiques. Les schémas et documents de programmation en sont la manifestation.
Comme le souligne le Conseil d’État, cela s’explique par un « besoin de
1336 QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.
1337 Ibid.
1338 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
393/480
coordination, lié à la plus grande complexité de la gouvernance des politiques dans
un contexte décentralisé1339
».
Mais, la régulation juridique n’existe pas comme instrument de prévention du
contentieux. Il n’y a pas d’entité habilitée à présenter des avis, des recommandations
ou des réserves sur des projets en amont, ce qui présenterait un intérêt prophylactique
en termes de contentieux.
En outre, les collectivités territoriales sont de plus en plus contraintes par des
exigences et des objectifs en matière d’aménagement et de construction de logement.
Or, le droit dur de l’urbanisme apparaît de plus en plus comme un obstacle à la
marge de manœuvre nécessaire pour atteindre ces exigences et ces objectifs. Face à
ce constat problématique, le Conseil d’État recommande de favoriser la rédaction de
textes législatifs et réglementaires plus brefs, et de rationaliser le recours aux
schémas et programmation. Il recommande, également d’encourager l’élaboration de
recommandations de bonnes pratiques par opposition à l’édiction de nouvelles
normes plus contraignantes1340
.
Compte tenu de l’ensemble de ces observations, l’instauration d’une autorité de
régulation pourrait présenter plusieurs intérêts. Permanente et préventive, une telle
autorité pourrait analyser un projet de construction et faire des recommandations au
pétitionnaire ou à l’inverse émettre des réserves. Les tiers pourraient se manifester et
faire valoir leurs griefs en amont. Dès lors, la régulation apparaîtrait comme un
moyen de lutter, très en amont, contre les recours abusifs, d’une part en veillant à une
intégration la plus optimale possible du projet dans son environnement d’accueil et,
d’autre part en intégrant dès l’origine les observations des tiers (en sus des
concertations publiques qui existent déjà1341
).
L’instauration d’une autorité régulatrice permettrait de prendre en compte de manière
souple l’évolution des pratiques des administrés. Et cette prise compte souple se
ferait sans aggraver le phénomène de l’inflation législative déjà marqué en matière
d’urbanisme. Elle se ferait aussi sans rogner davantage le droit au recours des tiers.
1339 Préc. Conseil d’État, 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines
significatifs, 9 p., p. 5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales. 1340
Ibid. p. 6. 1341
En matière de ZAC, Code de l’urbanisme, art. L. 300-2.I.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
394/480
2) Un régulateur non juridictionnel pour un
urbanisme durable
En matière de contentieux d’urbanisme, c’est le juge administratif qui fait figure
d’arbitre. Mais, en tant que juge de la légalité, et malgré un mouvement de
subjectivisation de son office, le juge administratif est contraint par le droit dur. Or,
l’une des particularités des contentieux de l’urbanisme, et notamment des recours
abusifs quand ils ne sont pas mercantiles, est le refus du projet. Cela vise
essentiellement les logements sociaux. Dans de telles hypothèses, le juge
administratif qui intervient a posteriori et ponctuellement n’est pas le mieux placé1342
pour prévenir les contentieux et défendre un urbanisme durable1343
.
En revanche, un régulateur a priori et permanent peut être l’instrument de la
prévention des contentieux et de la défense d’un urbanisme durable par la souplesse
de la marge de manœuvre dont il dispose par hypothèse.
« Le mou, le doux et le flou sont-ils des garde-fous de nos sociétés post-
modernes1344
? » En effet, la rigueur, la complexité et le manque de souplesse du
droit de l’urbanisme1345
sont décriés comme l’une des causes du contentieux de
l’urbanisme. Ainsi, laisser une marge de manœuvre au cas par cas, projet par projet,
en fonction de l’environnement peut être un garde-fou utile. Et sortir du cadre
habituel du prétoire peut faciliter le changement des comportements, car c’est aussi
l’objet de la dernière réforme, « modifier le comportement des acteurs1346
». Or, la
régulation vise précisément à encadrer un secteur de la vie sociale, en l’occurrence
l’aménagement du territoire. Elle vise également à réaliser dans le respect de
l’équilibre entre les intérêts voulus par le législateur et dans ce cadre à arbitrer ces
intérêts en présence1347
.
1342 Préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.
1343 Ce n’est du reste pas sa mission, puisqu’il est tenu au seul contrôle de la légalité de l’acte.
1344 Selon les termes de Mireille DELMAS-MARTY. Cf. DELMAS-MARTY (M.), Introduction : les
nouveaux lieux et les nouvelles formes de régulation des conflits, in Les transformations de la
régulation juridique, LGDJ, 1998, p. 212. 1345
Préc. LABETOULLE (D.), Contentieux de l’urbanisme : « il faut modifier le comportement des
acteurs », AJDA, 2013, p. 1188. 1346
Ibid. 1347
TEITGEN-COLLY (C.), Les autorités administratives indépendantes : histoire d’une institution,
p. 22. in COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), op. cit., Les autorités administratives indépendantes,
PUF, Paris, 1988, 319 p., p. 26.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
395/480
Outre, la non-aggravation de l’inflation législative, la « déjuridictionnalisation1348
»
d’une partie du contrôle de légalité des autorisations d’urbanisme présenterait
l’avantage de l’efficacité, de la simplicité et de la prévention. Mais cette « stratégie
du mistigri1349
», par laquelle l’État se déchargerait de la responsabilité de certaines
décisions en faisant des autorités régulatrices locales les boucs émissaires du
changement1350
, ne doit pas laisser croire que le juge administratif n’aurait plus de
rôle à jouer1351
.
Au contraire, le régulateur aurait un rôle d’intermédiaire entre l’Administration, la
justice, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et les tiers. En aucun cas, le
régulateur ne se substituerait ni à l’Administration, ni au juge administratif. À l’heure
où la gouvernance des territoires est repensée et les intercommunalités renforcées1352
,
le régulateur aurait seulement pour objet de compléter le dispositif normé existant1353
et de renforcer le dispositif d’encadrement souple des projets urbains à l’échelle des
intercommunalités1354
.
II. Les autres voies juridiques et non juridiques
En vue d’endiguer le phénomène de multiplication des recours abusifs contre les
autorisations d’urbanisme, la création d’autres voies juridiques, en parallèle d’une
procédure de régulation, peut être envisagée (A.). En outre, des outils non juridiques,
1348 Préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.
1349 JOBERT (B.), La régulation politique : le point de vue d’un politiste, in COMMAILLE (J.) et
JOBERT (B.), Les métamorphoses de la régulation politique, coll. Droit et société, LGDJ, Paris,
2000, vol. no 24, 381 p., p. 119.
1350 CHEVALLIER (J.), La régulation juridique en question, Droit et société, Étude n
o 49, 2011,
p. 827-846. 1351
SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif
ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,
Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 393. 1352
JARLIER (P.), Quel droit pour un urbanisme durable in Quel Droit pour un urbanisme durable ?,
direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 179. 1353
CHEVALLIER (J.), Autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés,
Justices, janvier-juin 1995, p. 90, cité par préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA,
2004, p. 1060. 1354
LE GRAND (V.), L’intercommunalité creuset de l’urbanisme durable in Quel Droit pour un
urbanisme durable ?, direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 141 v. spécialement p. 159.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
396/480
mais facilitant le travail du juge administratif et du législateur, devraient être mis en
place (B.).
A. Les autres voies juridiques
Au rang des autres voies juridiques qui pourraient être explorées pour lutter contre
les recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme et ainsi améliorer la
sécurité des bénéficiaires de ces autorisations, il nous semble qu’il pourrait être mené
une réflexion plus globale sur l’accès au juge administratif. En effet, des réponses en
trompe-l’œil ne suffisent plus (1.). Le temps est venu d’envisager de « vraies »
solutions (2).
1) En finir avec les solutions en trompe-l’œil
Une autre cause d’insécurité résulte de ce que le droit administratif n’est plus
monolithique. Il ne forme plus, comme par le passé, un tout cohérent. Au contraire, il
doit aujourd’hui concilier deux séries de considérations désormais égales à ses yeux,
mais largement antagonistes. La première série relève l’action de l’Administration et
la seconde relève des droits des administrés1355
. Face à l’évolution de la dynamique
du droit administratif qui n’est plus seulement verticale (administration
administré), il s’impose de repenser l’accès au juge administratif et d’envisager
une réflexion plus globale sur l’accès au juge administratif en considérant
l’insuffisance des solutions retenues jusqu’à présent.
Depuis les années 19701356
, le contentieux administratif n’a cessé de croître1357
. Ces
dix dernières années, le nombre d’affaires portées devant le juge administratif a
1355 SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif
ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,
Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 400. 1356
GOHIN, (O.), Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p., p. 155,
§ 168 ; PAILLET (M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER,
Bruxelles, 2010, 321 p.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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augmenté de 96 % devant les tribunaux administratifs et de 164 % devant les cours
administratives d’appel1358
. Depuis le début des années 2000, le contentieux
administratif progresse annuellement de 6,5 % en moyenne pour les tribunaux
administratifs et de 10 % pour les cours administratives d’appel1359
. Cette croissance
est la conséquence d’une forte activité dans les domaines traditionnels du contentieux
administratifs (fiscalité, contrats administratifs, fonction publique, libertés publiques,
police administrative), mais pas seulement. En effet, cette croissance est aussi la
conséquence de la progression du contentieux de l’environnement, de
l’aménagement du territoire et de l’urbanisme en parallèle de la progression
également notable en matière de régulation de l’audiovisuel, de protection des
citoyens à l’égard du traitement nominatif des données individuelles comme en
matière socio-économique ainsi, enfin, qu’en matière de droit au logement
opposable1360
.
Jusqu’à présent des « fausses réponses1361
» ont été recherchées du côté de la
procédure juridictionnelle administrative. Mais ces solutions n’ont pas permis de
répondre ni à l’encombrement des tribunaux d’une manière générale ni à la
multiplication des recours abusifs dans le contentieux de l’urbanisme.
Parmi ces solutions en trompe-l’œil, il y a bien sûr l’amende pour recours abusif dont
le principe remonte à la loi du 4 août 19561362
et qui est régie en droit positif par
l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. Son montant a régulièrement
été actualisé mais sans a jamais donné de signes d’efficacité1363
.
Il y a eu également la suppression temporaire des conclusions du commissaire du
gouvernement sur chaque affaire1364
avant que la loi du 6 janvier 19861365
fixant les
1357 SAUVE (J.-M.), Je me sens pleinement responsable de tous les degrés de la juridiction
administrative, AJDA, 2007, p. 556. 1358
Conseil d’État, site, rub. En Bref, Le juge administratif, au cœur de la vie publique, est saisi d’un
contentieux qui progresse fortement et se diversifie, 29 oct. 2014 ; v. également plaquette Conseil
d’État, La justice administrative, en bref, 6 p., spé. p. 5. 1359
Ibid. 1360
Ibid. 1361
Expression utilisée par Olivier GOHIN, in GOHIN, (O.), op. cit., Contentieux administratif,
manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p., p. 147, § 157.
1362 Code général des impôts, art. 1016.
1363 Préc. FRAISSEX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.
1364 Prononcée sur décision du président à l’initiative d’abord du président lui-même (décret, 17 juin
1980) puis du commissaire (décret, 27 oct. 1982). 1365
Loi no 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l’indépendance des membres des
tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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règles garantissant l’indépendance des membres des tribunaux administratifs ne
rétablisse ces conclusions1366
. Dans le même registre, il y a eu le rétablissement
« malencontreux mais temporaire1367
» du droit du timbre1368
dont l’institution a
encombré davantage encore les juridictions administratives et dont, comme le
souligne René CHAPUS, « l’inattendue complexité a valeur de leçon1369
».
Dans le même sens, il y a eu l’introduction d’un mécanisme de désistement forcé des
requérants négligents1370
, à moins que dans le délai imparti, l’intéressé renonce à la
production de l’ampliatif annoncé dans son recours ou dans un mémoire1371
, ou s’il
produit un mémoire complémentaire avec le même contenu que la requête
initiale1372
.
Enfin, au titre de ces réformes en trompe-l’œil, il y a la suppression de la possibilité
d’appel dans un certain nombre de litiges1373
. Force est de constater que le double
degré de juridiction connaît une « lente érosion1374
». Et la réforme du contentieux de
l’urbanisme ne déroge pas à la règle. En effet, rappelons que le décret no 2013-879
du 1er
octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme permet aux tribunaux
administratifs de statuer en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis
de construire, de démolir un logement ou d’aménager un lotissement lorsque ces
permis sont situés dans les communes mentionnées à l’article 232 du Code général
des impôts1375
. Ce sont les communes entrant dans le champ d’application de la taxe
1366 Loi n
o 86-14 du 6 janvier 1986, art. 18 : […] « Ses conclusions sont publiques, elles sont
prononcées sur chaque affaire ». 1367
GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,
p. 147, § 157. 1368
Code de justice administrative, art. R. 411-2, abrogé, décret, 26 déc. 2003, art. 3. 1369
CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,
Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 526 et s., § 624.
1370 Devant le Conseil d’État, Code de justice administrative, art. R. 611-22 ; devant les juridictions
inférieures, Code de justice administrative, art. R. 612-5. 1371
CE, Sect., 26 juill. 1996, Société Entrepositaire parisienne, no 160269, Rec. Lebon, p. 312, note
PACTEAU (B.), LPA, 18 oct. 1996, p. 24 1372
CE, 9 juill. 1997, Sté SIMESCOL, no 179047, Rec. Lebon, T., p. 1009, note PACTEAU (B.), LPA
18 mars 1998, p. 15 ; PACTEAU (B.), Le désistement d’office en contentieux administratif. Regards
et reproches de la Cour européenne, AJDA, 2009, p. 547. 1373
GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,
p. 147, § 157 ; v. également pour une illustration sur le décret du 24 juin 2003, BOISSARD (S.), Vers
un désencombrement des cours administratives d’appel ?, AJDA 2003, p. 1375. 1374
Expression de Maryse DEGUERGUE, in. DEGUERGUE (M.), Le double degré de juridiction,
AJDA, 2006, p. 1308. 1375
Codifiée à l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative.
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« d’inhabitation1376
». Cette mesure prive indéniablement l’administré de son droit à
un double degré de juridiction1377
. Certes le Conseil d’État refuse toujours de
reconnaître une valeur constitutionnelle au double degré de juridiction1378
, mais la
suppression du double degré de juridiction remet en cause l’effectivité d’autres
principes à valeur constitutionnelle tels que le principe d’égalité des usagers devant
la justice, dès lors que le pouvoir d’interjeter appel n’est pas supprimé pour tous les
justiciables1379
. Sans oublier, ainsi qu’il a été rappelé au début de nos
développements que le Conseil constitutionnel a jugé que le principe d’égalité devant
la justice interdit au législateur de supprimer pour l’une des parties l’exercice du
double degré de juridiction1380
. Finalement, ainsi que l’observe Maryse
DEGUERGUE, le double degré de juridiction fait figure de variable d’ajustement de
la productivité des juridictions administratives1381
, ce qui est à déplorer.
Ces solutions en trompe-l’œil ne suffisent plus, si tant est qu’elles aient un jour suffi.
Il faut se tourner vers d’autres solutions en élargissant le spectre des solutions au-
delà de la procédure juridictionnelle administrative proprement dite.
2) Repenser l’accès au juge avec de « vraies »
solutions
Les réformes faites jusqu’à présent ont complexifié le droit de l’urbanisme, renforcé
ses particularismes et hyperspécialisé la procédure contentieuse qui lui est applicable.
1376 Cons const., 29 juill. 1998, n
o 98-403 DC, Taxe d’inhabitation, R.J.C., I-76 ; Cons. const., 29 déc.
2012, no 2012-662 DC, JO 30 déc. 2012 ; sur la légalité du décret : CE, 24 mai 2000, n
o 204657, Dr.
fisc., 2000, p. 742 ; Commentaire administratif de la taxe : BOI-IF-AUT-60, 12 sept. 2012. 1377
Préc. CREPEY (E.), Les nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, AJDA, 2013 p. 1905. 1378
Le Conseil d’État juge, en effet, qu’il ne fait aucun doute que les stipulations de l’article 6 § 1
CED.S.D.H. « n’imposent pas l’existence d’un double degré de juridiction », cf. CE, 5e et 7
e SSR,
9 fév. 2000, COMPAROIS, no 185667, Rec. Lebon, p. 38, RFDA, 2000, p. 480 ; dans le même sens, le
Conseil constitutionnel juge que « le principe du double degré de juridiction n’a pas, en lui-même,
valeur constitutionnelle », cf. Cons. const., 12 fév. 2004, no 2004-491 DC, Loi complétant le statut
d’autonomie de la Polynésie française, JO 2 mars 2004, p. 4227. 1379
DEGUERGUE (M.), Le double degré de juridiction, AJDA, 2006, p. 1308. 1380
Préc. Cons. const., 20 janv. 1981, no 80-127 DC, Sécurité et Liberté ; Rec. Cons. const., p. 15 ;
R.J.C. p. I-90 ; JO 22 janv. 1981, p. 308 ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), les grandes décisions du
Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 426.
1381 Ibid.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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Les « vraies » solutions sont, et nous nous faisons ici l’écho d’Olivier GOHIN, d’une
part, le recrutement de nouveaux magistrats mieux formés aux problématiques de
l’urbanisme, et d’autre part, le renforcement de la fourmilière des greffiers1382
et des
assistants1383
de justice comme des fonctions supports dont il ne faut pas sous-
estimer l’utilité1384
. En effet, des moyens accrus, des équipes mises en valeurs et des
personnels mieux formés sont le gage d’une meilleure justice. Dans le même sens, il
faut sans doute séduire davantage d’avocats dont le désintérêt pour la juridiction
administrative est flagrant1385
, obligeant des requérants quérulents1386
à se défendre
eux-mêmes avec la ténacité qui les caractérise.
De plus, s’agissant d’une réforme plus globale des juridictions administratives,
Olivier GOHIN préconise la création de nouvelles juridictions inférieures1387
comme
d’autres préconisent la création d’un tribunal spécialisée pour les marchés
financiers1388
. Hugues PÉRINET-MARQUET et Jean-Paul GILLI suggèrent la
1382 Même si une première charte, charte dite de gestion, a été signée en décembre 2010 permettant
aux agents de greffe d’être mieux reconnus dans leur ministère d’origine en particulier en matière de
formation, de mobilité et d’évolution de carrière. La seconde charte dite charte du dialogue social des
greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a été signée en mai 2011.
Cette dernière définit les conditions favorisant l’instauration et la pérennisation d’un dialogue social
harmonieux au sein des greffes dans les relations de travail entre l’Administration et les représentants
du personnel. Cf. SAUVE (J.-M.), Conclusions et perspectives, AJDA, 2012, p. 1220 in dossier
AJDA, no 22/2012, Les mutations de la justice administrative.
1383 GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6
e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,
p. 158, § 172. 1384
Il s’agit de la direction des ressources humaines et de formation continue, de la direction des
services généraux (matériels et bureautiques), de la direction des systèmes d’information, de la
direction de la documentation (bibliothèque et archives). 1385
VILLETORTE (A.), op. cit., Les utilisateurs des tribunaux administratifs, in Trentième
anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences administratives, édition du
CNRS, 1986, 380 p., p. 136, note no 3 ; BLAIS (H.), op. cit., « Compte rendu d’une enquête auprès
des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica, IDL, Paris, 1995,
254 p., p. 90, note no 39.
1386 PAILLET-AUGEY (C.), Compte rendu de colloque, Modernisation de la juridiction
administrative et qualité de la justice, 23 nov. 2009, Blog Droit Administratif. V. également PAILLET
(M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER, Paris, 2010, 322 p. 1387
GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,
p. 158, § 172. 1388
SCHMIDT (D.) et LE FUR (A.-V.), Pour un tribunal des marchés financiers, Bull. Joly Bourse,
31 janv. 2015, no 1, p. 24, réf. n
o JBB-112a1.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
401/480
création de chambres spécialisées1389
. Quant à nous, nous avons évoqué la création
d’une autorité de régulation et de validation des projets.
Il ressort de la combinaison de ces idées qu’il y a là un manque. Face à
l’hyperspécialisation du droit de l’urbanisme, un besoin d’une structure spécialisée se
fait sentir. La doctrine rappelée préconise de réagir à l’hyperspécialisation du droit de
l’urbanisme par une hyperspécialisation de la juridiction administrative tandis que
nous préconisons une entité extérieure, semblable à une autorité administrative
indépendante. Le vecteur commun de ces préconisations réside dans l’idée d’un
besoin d’une structure spécialisée aux contentieux de l’urbanisme. En pratique, les
tribunaux administratifs suffisamment importants s’organisent en pratique en
chambres spécialisées dont l’une est dédiée au contentieux de l’urbanisme, de
l’aménagement et de l’environnement1390
, mais cette organisation ne semble pas
suffire.
En outre, il s’agirait aussi de s’interroger sur le maintien de l’hétérogénéité des
procédures et des modes de saisines. L’introduction du guichet unique de greffe1391
a
déjà permis de gommer légèrement l’hétérogénéité des procédures. Dans le même
sens, les abus via l’aide juridictionnelle1392
ne doivent pas être minorés1393
, ces abus
facilitent le même esprit d’abus dans l’exercice du droit au recours.
1389 Préc. GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55.
V. également, PÉRINET-MARQUET (H.), L’inefficacité des sanctions du droit de l’urbanisme,
D. 1991, p. 37 1390
Préc. Rép. Min. Justice et des libertés, JO Sénat, 19 avr. 2012, p. 995. 1391
Suite à la recommandation du rapport CASORLA, Réflexions sur l’amélioration de l’accès à la
justice par la mise en place d’un guichet unique de greffe et la simplification de juridictions de
première instance : rapport à M. le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Doc. Fr., 152 p., p. 68. 1392
DONIER (V.) et LAPEROU-SCHENEIDER (B.), L’accès au juge : recherche sur l’effectivité
d’un droit, Bruylant, Bruxelles, 2013, 1000 p. 1393
Question écrite no 95213 de M. GUILLAUME GAROT, JOAN, 7 déc. 2010, p. 13278 ; Rép Min
garde des Sceaux, min. de la Justice et des libertés, JOAN, 15 fév. 2011, p. 15555 : extrait de la
réponse « Aucun justiciable ne doit être empêché de défendre ses droits par des difficultés financières.
Cependant, le principe de gratuité absolue inhérent à l’aide juridictionnelle totale peut parfois
conduire à des abus dans l’usage de ce droit. Plusieurs parlementaires ont alerté la chancellerie sur le
comportement de certains justiciables engageant des actions judiciaires à répétition en raison de leur
éligibilité à l’aide juridictionnelle. Au-delà du coût pour la justice, cet usage répété de l’aide
juridictionnelle pénalise les victimes de comportements procéduriers qui doivent régler des honoraires
d’avocat pour se défendre ou demander l’aide juridictionnelle. »
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
402/480
Enfin, le phénomène d’« e-justice » avec la dématérialisation1394
des pièces de
procédures et l’introduction des visioconférences peut être un moyen de faciliter la
mise en place d’une autorité de régulation ou autorité de prévalidation du projet avec
une généralisation d’une consultation dématérialisée des tiers, via par exemple un
portail ou une data room pour les personnes justifiant d’un intérêt pour agir. Ces
dernières pourraient ainsi faire valoir leurs observations en amont des projets (en
dehors des cas prévus par la loi concernant essentiellement les ZAC). Un premier pas
vers la concrétisation de cette solution a été fait avec l’ordonnance1395
du
19 décembre 2013. En effet, cette ordonnance concerne l’amélioration des conditions
d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes publiques. Ratifiée le 24 mars
2014 par la loi ALUR1396
, elle a valeur de loi. Elle vise la création d’un portail
national de l’urbanisme destiné à la consultation des informations en matière de
documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique. Elle précise les
conditions dans lesquelles ces informations sont mises en ligne et impose aux
autorités compétentes l’obligation de transmettre à l’autorité gestionnaire du portail
les informations nécessaires. Enfin, soulignons qu’il s’agit là de la réponse à une
exigence européenne consistant dans la mise en œuvre de la directive européenne
2007/2/CE du 14 mars 2007, dite « directive INSPIRE ». Cette directive vise à
établir une infrastructure d’information géographique dans la Communauté
européenne pour favoriser la protection de l’environnement1397
.
Dans le même sens, il faut élaborer une base de données fiable et récapitulative de
l’ensemble des normes urbaines et servitudes applicables par parcelle. Ceci peut se
faire par le développement informatique au niveau national via le cadastre
éventuellement ou au niveau des intercommunalités via les PLU Concrètement,
d’abord il est indispensable que tous les territoires mettent en accès libre les
documents d’urbanisme sur internet. Ensuite, il faut déployer un outil où il suffirait
de cliquer sur la parcelle visée par le projet pour connaître l’ensemble des règles
d’urbanisme qui lui sont applicables y compris les schémas divers qui peuvent
1394 V. pour les atouts et les risques de la dématérialisation de la justice, Étude FOREY (E.), La
dématérialisation de la justice et l’accès au juge, in DONIER (V.) et LAPEROU-SCHENEIDER (B.),
L’accès au juge : recherche sur l’effectivité d’un droit, Bruylant, Bruxelles, 2013, 1000 p. 1395
Ordonnance no 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux
documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique, JO, 20 décembre 2013 ; ratifiée par
L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 172, IV, 8
o, JO, 26 mars (NOR : ETLX1327949R).
1396 Loi n
o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.
1397 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n
o 2013-1184, 19 déc. 2013, relative
à l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité
publique, JORF, no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n
o 24 (NOR : ETLX1327949P).
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exister, et y compris l’indication des servitudes privées1398
, publiques1399
, ou d’utilité
publique1400
(par exemple, transport ou distribution d’eau et d’électricité, conduite de
gaz). Les coordonnées et la qualité de la personne compétente pour délivrer
l’autorisation pour la parcelle devraient également figurer sur le récapitulatif des
données en vigueur applicables à la parcelle. La ville de Paris déploie un excellent
outil proche de ce que nous décrivons. Cet outil fonctionne via le document
graphique du PLU de la ville de Paris. Développer un tel outil pour tous les
territoires serait un gain de sécurité juridique pour les pétitionnaires comme pour les
tiers. En effet, un tel outil rend lisible et accessible l’ensemble des normes et
servitudes applicables à la parcelle visée par le projet en amont. Dès lors, des erreurs
et des vices de légalité de l’autorisation d’urbanisme seraient ainsi évités.
B. Les voies non juridiques
Sans doute existe-t-il moult voies non juridiques qui pourraient participer au
processus de lutte contre les recours abusifs formés contre les autorisations
d’urbanisme. Nous avons identifié deux principales voies qui ne sont pas directement
normatives. Eu égard au nombre de recours que déclenchent les projets de
construction de logements sociaux, il nous semble primordial de redorer l’image de
ces logements (1.). En outre, afin de mesurer l’efficacité ou l’inefficacité de la
réforme anti-abus, il nous paraît également primordial de mettre en place un outil de
statistiques efficace (2.).
1) Redorer l’image des logements sociaux
Le logement social véhicule une image hautement négative1401
dans l’opinion
publique et souvent dans l’esprit des élus communaux1402
. Nombre de recours abusifs
1398 Code civil, art. 637 à 710.
1399 Code de l’urbanisme, art. L. 123-1-5 (sur les emplacements réservés), L. 123-2 (servitude de
mixité sociale et autres), art. L. 130-1 (espaces boisés classés). 1400
Code de l’urbanisme, art. L. 126-1 et art. R.* 126-1. 1401
CHARMES (E.) La rue, village ou décor ? : Parcours dans les deux rues de Belleville,
CREAPHIS, Paris, 2006, 128 p., p. 40 ; DRIANT (J.-C.), Crise du logement et mutations de politiques
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sont exercés contre des projets de construction parce que ces projets portent sur des
logements sociaux.
Des politiques publiques ont déjà été amorcées pour améliorer l’image du logement
social. Ainsi, un pan du processus a été engagé avec le PLH, c’est-à-dire le
Programme local de l’habitat1403
. Ce programme a pour objet de maintenir l’accès à
l’habitat pour tous dans un marché tendu, de poursuivre le renouvellement urbain et
de conserver un environnement urbain de qualité et améliorer l’image des logements
sociaux.
Dans le même sens, l’USH, l’Union sociale pour l’habitat1404
, lors de sa première
campagne, participe à ce processus d’amélioration de l’image du logement social
dans l’opinion publique. L’USH est l’organisation représentative du secteur HLM
qui représente quelque sept cent cinquante-cinq organismes HLM à travers cinq
fédérations1405
. L’USH a pour principale mission de représenter et de proposer les
contributions à la politique du logement. Elle a également pour mission d’agir en
concertation, d’accompagner, de conseiller, de former les professionnels des
organismes HLM et de promouvoir l’information des organismes et la sensibilisation
des publics.
Joachim SOËTARD, directeur de la communication et des revues de l’USH explique
qu’il est nécessaire d’améliorer l’image des HLM auprès du grand public :
Depuis les années 1970, les HLM ont une mauvaise image – sécurité, ascenseurs
en panne, faits-divers, précarisation et paupérisation des populations – et sont
devenues une victime du discours médiatique. Du coup, pendant près de trente
ans, l’USH a surtout mené des actions de lobbying fortes sans chercher à
communiquer. Jusqu’en 2011, il n’y avait pas de lettre aux élus, de site internet,
du logement en France in FEE (D.) et NATIVEL (C.), Crises et politiques du logement en France et
Royaume Uni, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008, p. 255 p., spé p. 53-54 ; GUESLIN (A.),
Les gens de rien : une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle (Nouvelles Études
Historiques), FAYARD, Paris, 2004, 456 p. ; CLERVAL (A.), Paris sans le peuple : la gentrification
de la capitale, La Découverte, Paris, 2013, 254 p. 1402
DRIANT (J.-C.), op. cit., Crise du logement et mutations de politiques du logement en France in
FEE (D.) et NATIVEL (C.), Crises et politiques du logement en France et Royaume Uni, Presses de la
Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008, p. 255 p., spé p. 53-54. 1403
Créé par la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 ; Code de la construction et de l’habitation, art. L. 302-1
et suivants ; Circulaire no 92-86 du 22 décembre 1992 relative aux programmes locaux de l’habitat
(BOMELT no 93/3).
1404 Anciennement connue comme l’Union des habitations bon marché (HBM).
1405Union-habitat.org, rub. qui sommes-nous ?
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de film pédagogique, de newsletter, etc. L’USH a maintenant une signature :
« Habiter mieux, bien vivre ensemble »1406
.
Au-delà de cette stratégie de communication, indispensable, visant à faire évoluer
l’opinion commune à l’égard du logement social et à transformer la réputation de ces
logements, il nous semble que cela ne peut se faire que par une meilleure
assimilation concrète dans le paysage local. Pour pallier cette mauvaise réputation et
ainsi « tuer dans l’œuf » l’aversion1407
à l’égard de l’arrivée d’un programme à
caractère social et donc pour limiter les recours abusifs motivés par cette aversion, il
faut rétablir la sécurité dans les HLM1408
. Il faut améliorer l’hygiène et la propreté en
responsabilisant les locataires contre les incivilités. Cela suppose d’améliorer la
qualité et l’esthétique architecturale1409
des blocs sociaux. Le programme national de
rénovation urbaine (PNRU) a déjà permis de dégager des résultats1410
. Cependant, les
efforts doivent être poursuivis.
En résumé, pour limiter les recours abusifs exercés contre les projets de construction
de logements sociaux, il faut lutter contre le processus de « ghettoïsation active1411
»
qui caractérise les blocs sociaux marqués par d’importants « effets de lieux1412
»,
1406 LEITHUS (C.) Relations publiques : les HLM gagnent en pédagogie, Strategies.fr, rub. études-
tendances, dossiers, 12 sept. 2014 à l’occasion de la remise du Grand prix Stratégies de relations
publiques 2014 pour la création de la Semaine nation des HLM à l’Union sociale pour l’habitat et son
agence Confluence. 1407
Pour des illustrations v. POUYAT (A.), HLM : La fronde du 16e, le Journal du Dimanche, 16 juin
2010, art. consultable sur www.lejdd.fr/Politique/Actualite, s’agissant d’une opposition des habitants
du 16e arrondissement de Paris contre la construction de 407 HLM, alors que l’arrondissement n’en
comptait, au moment des faits que 2,5 % alors que la loi en exige 20 % ; v. également pr une illus.
dans les Yvelines à Jouy-en-Josas, BEAUGRAND (V.), Près de 1 500 signatures contre les HLM, Le
Parisien, 25 nov. 2005, consultable sur le parisien.fr, les « frondeurs » invoquaient le caractère
inondable des sous-sols. 1408
V. Rapport PEYRAT (D.), intitulé Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement social,
Doc. Fr., Fév. 2002, 175 p., v. p. 44 et suivantes. 1409
Les programmes de réhabilitation et les nouveaux programmes sont plus exigeants que par le
passé en termes de qualité, de performances énergétiques et d’esthétique architecturale. Mais l’image
négative véhiculée par les nouveaux programmes sociaux demeure. Cf. préc. CAZALDA (Ch.) et
DECREMER (R.), La ligne à grande vitesse Est européenne : évaluation de l’impact sur les prix de
l’immobilier, Thème, Insee : « Certaines études montrent que les prix des logements individuels
diminuent lorsqu’ils se situent à proximité de logements sociaux. » 1410
V. site de l’USH, union-habitat.org, Premier bilan de la rénovation urbaine, rub. Accueil, Le Mag,
Dossiers, fév. 2012, Les chiffres clés de la rénovation urbaine. 1411
Préc. rap. PEYRAT, p. 45. 1412
BOURDIEU (P.), Les effets de lieux, in La misère du monde, coll. Libre Examen politique, Seuil,
1993, 947 p., p. 161 ; Le sociologue analyse, les « effets de lieu » dans les ghettos américains en ces
termes : « ces lieux à l’abandon, qui se définissent, fondamentalement, par une absence –
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c’est-à-dire les interactions positives ou négatives des lieux, des classes et des
cultures avec les individus.
En d’autres termes, les « effets de lieux » peuvent être schématisés de la manière
suivante. Les classes dominantes occupent des lieux valorisés par leur
environnement, leur exposition, leur situation géographique. Cette occupation par les
classes dominantes accroît la valeur de ces lieux. Et cette augmentation de valeur
renforce encore l’attractivité de ces lieux à l’égard des classes dominantes (rentes de
situation, prestige des adresses).
Réciproquement, les classes « dominées », moins favorisées, sont reléguées aux
espaces moins valorisés, c’est-à-dire des lieux dévalorisés, des adresses décotées,
pauvres et souvent criminalisées. Cette occupation par ces classes défavorisées
aggrave le caractère répulsif de ces lieux décotés. Et ceci a pour conséquence de
rendre ces lieux encore plus sinistrés et d’accroître la paupérisation locale1413
.
2) Créer un outil de statistiques efficace
L’outil statistique pour mesurer scientifiquement et publiquement1414
la réalité et
l’ampleur du phénomène des recours abusifs fait cruellement défaut1415
. De ce fait, il
n’est pas possible de connaître de manière objective et publique quelle est l’efficacité
de la réforme. L’insuffisance des outils statistiques est également présente en matière
de mesure de la réputation et de la sécurité des logements sociaux1416
.
essentiellement celle de l’État, et de tout ce qui s’ensuit, la police, l’école, les institutions de santé, les
associations, etc. ». 1413
V. en ce sens le postulat de Pierre BOURDIEU selon lequel la position dominante ou dominée des
groupes dans une société est confortée par des « effets de lieu » subordonnés à la qualité des structures
et des dynamiques de l’espace géographique ainsi qu’à la qualité des structures et des dynamiques
géographiques, in BOURDIEU (P.), op. cit., Les effets de lieu, in La misère du monde, coll. Libre
Examen politique, Seuil, 1993, 947 p., p. 161. 1414
Les professionnels de la construction, notamment les promoteurs et les bailleurs sociaux, tiennent
des statistiques internes et confidentielles. 1415
La difficulté liée à l’absence d’un outil statistique dans ce domaine a d’ailleurs été évoquée au
Sénat. Cf. Sénateur ALTHAPE (L.), Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires
économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme, no 265,
Sénat, Session ordinaire 1999-2000, Paris, 101 p., spé p. 54. 1416
Préc. PEYRAT (D.), pr la secrétaire d’État au Logement et le min. de l’Équipement, des
Transports et du Logement, Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement social, Doc. Fr.,
Fév. 2002, 175 p. 62.
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Pour mesurer la lutte et surtout l’avancement de celle-ci contre les recours abusifs
exercés contre les autorisations d’urbanisme, il faut que l’État et les auteurs de ces
autorisations d’urbanisme se dotent d’un outil statistique efficace pour mesurer les
recours contentieux dont leurs autorisations sont l’objet et ainsi recenser ceux qui
sont abusifs. Sans un tel outil, il n’est pas possible de mesurer l’efficacité des
réformes de sécurisation des autorisations d’urbanisme. Pourtant, la proposition a été
faite au Sénat par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme.
Ce dernier a expressément préconisé de « doter l’État de moyens de suivi statistique
de l’ensemble du contentieux de l’urbanisme1417
». Force est de constater qu’il s’agit
d’une proposition pertinente restée lettre morte. Et nous le déplorons vivement.
En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que plusieurs
solutions peuvent être envisagées pour participer au processus de lutte contre les
recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme.
Ainsi créer une procédure de la régulation apparaît comme une solution pertinente
dans le cadre de la lutte contre les recours abusifs et pour le développement d’un
urbanisme durable. En effet, la régulation juridique participe à la protection des
administrés. Elle fait figure de mode alternatif et préventif de résolution des conflits
et de protection de l’intérêt général comme des intérêts des administrés. De plus, les
autorités de régulation, souvent incarnées en pratique par des autorités
administratives indépendantes, contribuent au renouvellement de la réflexion sur les
voies de droit1418
. La régulation du contentieux de l’urbanisme n’existe pas. Pourtant
une autorité de régulation pourrait concourir à limiter, par prévention, les recours
contentieux en urbanisme. Une autorité de régulation permanente et proactive
permettrait, en outre, de développer un urbanisme durable en intégrant mieux les
projets urbains dans leur environnement d’accueil et dans leur voisinage. D’autres
voies juridiques sont également à envisager. Ces voies conduisent à envisager une
spécialisation du staff juridictionnel administratif mais également à préconiser le
développement et le déploiement, à l’échelle nationale ou intercommunale, d’un outil
1417 Préc. Sénateur ALTHAPE (L.), Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires
économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme, no 265,
Sénat, Session ordinaire 1999-2000, Paris, 101 p., p. 8. 1418
En ce sens v. COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), op. cit., Les autorités administratives
indépendantes, PUF, Paris, 1988, 319 p., spé. p. 24 à p. 26.
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informatique recensant les normes urbaines, plans, programmes et servitudes
applicables à une parcelle donnée.
Enfin, des voies non juridiques conduisent elles aussi à identifier des solutions à
créer. Nous avons identifié la nécessité de redorer matériellement et concrètement
l’image des logements sociaux. Des actions existent et sont en cours. Mais il reste
encore à rendre les logements sociaux attractifs et à faire en sorte qu’ils ne soient pas
synonymes de moins-value des quartiers d’implantation. Par ailleurs, il est
indispensable que l’État et les auteurs d’autorisation d’urbanisme se dotent d’un outil
de statistiques du contentieux de l’urbanisme afin de mesurer l’efficacité ou
l’inefficacité de la réforme.
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CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Au terme de cette étude, nous ne voudrions pas avoir donné l’impression que
l’insécurité du droit administratif tient à une cause unique et qu’il existerait un
remède radical.
SOLER-COUTEAUX, 20021419
Bien que la réforme du contentieux de l’urbanisme réalisée en 2013 soit une réforme
intéressante à bien des égards, elle n’a pas exploité tout le champ des possibles. En
effet, d’autres sources de sécurisation sont envisageables ainsi que les
développements qui précédent le montrent. Néanmoins, et pour paraphraser Pierre
SOLER-COUTEAUX cité en épigraphe de notre conclusion, nous ne prétendons pas
qu’il existe un remède unique et radical.
Des solutions préexistantes peuvent être optimisées. Ainsi, le droit de l’urbanisme est
un incontournable dans l’ère urbaine faite de tensions multiples que traverse la
France depuis l’après-guerre. La prégnance de l’urbain, le développement des
systèmes d’information, la complexification des normes et l’évolution des rapports
administratifs (administration administré et désormais aussi administré
administré) conduit à repenser la structure descendante de l’analyse classique des
rapports administratifs contentieux. Il convient de la simplifier et de reconnaître la
relation triangulaire désormais dans le contentieux de l’urbanisme (l’auteur
administratif le titulaire de l’autorisation le tiers).
Mais en dehors de la ressource rassurante que peut offrir le droit de l’urbanisme pour
résoudre un problème d’urbanisme, il faut, en parallèle, envisager de tirer un
bénéfice des solutions retenues par les pays voisins sans pour autant leur accorder
une importance disproportionnée. Le droit allemand avec son concept de
Vertrauensschutz et le droit anglais avec son concept d’estoppel, sur lesquels nous
avons concentré nos développements, peuvent être source d’inspiration bien qu’ils
véhiculent des solutions difficilement transposables sans une adaptation sur mesure
voire haute couture au droit administratif français.
1419 SOLER-COUTEAUX (P.), op.cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif
ou la dualité moderne du droit administratif, in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,
J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 377.
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De plus, des solutions inexistantes peuvent être créées. Ainsi, créer une procédure de
la régulation apparaît comme une solution pertinente dans le cadre de la lutte contre
les recours abusifs et pour le développement d’un urbanisme durable. La création et
le déploiement, à l’échelle nationale ou intercommunale, d’un outil informatique
interactif recensant les normes urbaines, plans, programmes et servitudes applicables
à une parcelle donnée doivent être envisagés.
Enfin, sur un plan non juridique, il est indispensable de redorer l’image des
logements sociaux pour limiter les recours abusifs contre les projets sociaux. En
outre, il est également indispensable qu’un outil de statistiques du contentieux de
l’urbanisme soit mise en place pour mesurer l’efficacité de la lutte contre les recours
abusifs.
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CONCLUSION DU TITRE 2nd
Nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de
l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste
la réalité.
Jean GIRAUDOUX, 19351420
L’analyse développée dans ce titre qui s’achève a permis d’examiner les remèdes
opérationnels susceptibles d’améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme contre les recours abusifs.
L’importante réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013 a abouti à
l’introduction de nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs. L’analyse
de cette réforme montre qu’il s’agit d’une réforme réfléchie et pertinente à plusieurs
égards grâce en partie à la qualité des propositions du rapport LABETOULLE.
Toutefois, les contours des dispositions novatrices introduites par la réforme
demeurent abstraits en dépit de certains éclairages d’ores et déjà apportés par le
Conseil d’État.
Cette réforme a permis, ainsi que cela était souhaité par le législateur, de mettre en
place un nouvel équilibre entre le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et les
tiers qui attaquent ladite autorisation. À l’origine de ce nouvel équilibre, il y a
l’accentuation des particularismes des procédures contentieuses du droit de
l’urbanisme. Il y a également un rognage évident du droit au recours de l’ensemble
des tiers particuliers personnes physiques dans la redéfinition de leur intérêt pour
agir. Pour redéfinir l’équilibre des droits du bénéficiaire de l’autorisation
d’urbanisme et du tiers malveillant, l’arsenal anti-abus a été renforcé avec
l’introduction de la cristallisation des moyens dans la procédure, avec également
l’introduction de la faculté pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attaquée
de pouvoir demander reconventionnellement des dommages-intérêts et avec le
placement sous contrôle fiscal des transactions. La portée de ce dernier point laisse
1420 GIRAUDOUX (J.), La guerre de Troie n’aura pas lieu, II, 5, Hector, 1935.
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perplexe en ce qu’il fait craindre une « barémisation » du prix du désistement. Enfin,
une vibration pénale achève l’édification de cet équilibre favorable au bénéficiaire de
l’autorisation d’urbanisme avec la reconnaissance que le recours abusif inscrit dans
un stratagème crapuleux peut constituer une escroquerie.
Si l’avènement du nouvel équilibre permis par la réforme de 2013 doit permettre
d’endiguer le phénomène de multiplication des recours abusifs, d’autres solutions
demeurent à envisager en sus. Des solutions préexistantes peuvent être optimisées.
Bien entendu, des solutions résident dans le droit de l’urbanisme, mais également
dans le droit de nos pays voisins. Ainsi le droit allemand et le droit anglais peuvent
inspirer une idée de loyauté et de sanction de la déloyauté des requérants malveillants
(découlant respectivement des concepts de Vertrauensschutz et d’estoppel).
De plus, des solutions inexistantes peuvent être créées. Ainsi, il faut envisager la
création d’une procédure de régulation. Il faut également développer la consultation
locale via des data-room dématérialisées ou non. Enfin, il est indispensable de
déployer largement un outil informatique interactif recensant les normes urbaines, les
plans, les programmes publics et les servitudes applicables à une parcelle donnée. Il
est également indispensable de créer un outil de statistiques du contentieux de
l’urbanisme afin de faire face à une hausse prévisible du contentieux administratif et
une augmentation du nombre de permis délivrés, et donc afin de pouvoir mesurer ces
fluctuations et l’efficacité des politiques publiques de sécurisation en la matière.
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CONCLUSION GÉNÉRALE
Il y a toujours quelque tristesse, pour une intelligence libre, à constater, le
travail terminé, combien il demeure inégal au monument qu’elle avait rêvé
d’édifier.
Julien BONNECASE, 19281421
À ce moment précis où le temps est venu de clore notre réflexion, nous ne pouvons
que nous faire l’écho d’une telle lucidité et nous imprégner de cette humilité.
Les développements des deux titres qui précèdent nous permettent à présent de
répondre à la problématique posée en exorde. Rappelons que cette problématique
porte sur le point de savoir quelle est la réalité du phénomène de multiplication des
recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme et sur le point de savoir
quel en est l’effet pour la sécurité juridique des bénéficiaires de ces autorisations
attaquées. Elle porte, également, sur le point de savoir quels en sont les remèdes, et
quelles sont les limites de ces remèdes.
Nous avons pu démontrer que, facilité par l’accessibilité de la procédure pour excès
de pouvoir comme par l’accessibilité à l’information ainsi que par l’hyper-
complexification du droit de l’urbanisme, le phénomène de multiplication des
recours abusifs en droit de l’urbanisme est une réalité. Si par essence, l’existence des
recours en droit de l’urbanisme est un gage de respect du droit au recours et une
garantie de légalité des actes administratifs individuels, il n’en demeure pas moins
qu’il existe également, dans ces recours, des abus. Si aucun recours n’est ainsi inutile
en ce qu’il doit attirer l’attention du juge ou de l’Administration sur la façon d’agir
de cette dernière1422
. L’abus du droit au recours ne peut être admis. Par-delà les
considérations égoïstes visant à préserver une ligne de vue ou un voisinage
bourgeois, nombre de recours sont exercés de mauvaise foi à des fins mercantiles.
1421 BONNECASE (J.), Science du Droit et Romantisme. Le conflit des conceptions juridiques en
France de 1880 à l’heure actuelle, Paris, Librairie du Rec. Sirey, Bordeaux, 1928, 745 p., préf.
p. XVI. 1422
Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.
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Quoiqu’ils représentent une minorité sur l’ensemble des recours contentieux en
urbanisme qui du reste sont en baisse de 2 % en 20141423
, ils se démarquent par
l’importance de leurs conséquences en termes de coûts et de délais pour les titulaires
de l’autorisation attaquée mais aussi in fine pour les utilisateurs finaux.
En effet, allongeant la durée des programmes de construction, les tiers de mauvaise
foi paralysent des programmes entiers. Ils empêchent les bénéficiaires de
l’autorisation de construire de commencer les travaux, de commercialiser les lots
quand il s’agit de professionnels de la construction tels que des promoteurs. Ils
retardent le logement de familles déjà en difficultés quand le maître d’ouvrage du
programme est un bailleur social. Les travaux ainsi paralysés, toute levée de fonds
est impossible.
De plus, les entreprises ne peuvent pas être payées, et ceci explique également un
certain nombre d’ouvertures de procédures collectives. In fine, ce sont bien les
acquéreurs qui en supportent les coûts. C’est donc bien toute une économie qui est
mise à mal par ces tiers qui cherchent à monnayer le prix de leur désistement.
Nous avons également pu voir que l’identification des limites et des remèdes n’est
pas simple. La réforme opérée par l’ordonnance du 18 juillet 2013 et complétée par
le décret du 1er
octobre 2013 a introduit des dispositions intéressantes et novatrices
pour certaines d’entre elles. Il s’agit d’une réforme de qualité grâce au travail de fond
réalisé par le groupe de travail LABETOULLE. Cette réforme a abouti à la création
d’un nouvel équilibre entre les bénéficiaires d’une autorisation d’urbanisme et les
tiers en réécrivant les rapports de force. Pour ce faire, elle a notamment renforcé les
particularismes du droit contentieux de l’urbanisme. C’est donc une réforme
réfléchie et intéressante.
Toutefois, des incertitudes demeurent. Ainsi, il est permis de s’interroger sur le réel
apport de la procédure de cristallisation des moyens codifié à l’article R.* 600-4 du
Code de l’urbanisme dans la mesure où l’article R. 613-1 du Code de justice
administrative permettait déjà d’aboutir au même résultat. Tandis que le régime
juridique de certaines des nouvelles dispositions n’est pas encore parfaitement clair.
Ainsi en est-il du mémoire distinct en demande reconventionnelle indemnitaire,
codifié à l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. L’éclairage de la jurisprudence
1423 Conseil d’État, Rap. public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions
administratives, no 65, Doc. Fr., Paris, 2014, 400 p., p. 24. Le contentieux d’urbanisme représente
6,7 % et a diminué de 2 %.
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sur la notion de préjudice excessif et d’exercice du recours dans des conditions qui
excèdent la défense des intérêts légitimes est encore attendu. En outre, est également
attendu l’éclairage jurisprudentiel sur l’articulation du pouvoir d’allocation
indemnitaire désormais autonome du juge administratif avec le pouvoir traditionnel
du juge civil dans ce domaine. Enfin, le mécanisme d’enregistrement aux centres des
impôts des transactions prévu par l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme fait
craindre une « barémisation » du prix du désistement et, par suite, fait craindre
l’accentuation de la « mercantilisation1424
» de la procédure contentieuse en
urbanisme. Cette crainte renforce le risque de voir naître un marché juridictionnalisé.
Par ailleurs, et en dépit de l’avènement de ce nouvel équilibre des rapports de force
entre les pétitionnaires et les tiers, d’autres solutions doivent dès à présent être
envisagées car il est prévisible, qu’avec la politique de pression à la construction, le
contentieux de l’urbanisme croisse1425
encore dans les prochaines années. Des
solutions préexistantes peuvent être optimisées. Tandis que des solutions inexistantes
sont à créer au rang desquelles figurent la création d’une procédure de régulation,
d’un outil informatique recensant les normes urbaines, plans, programmes et
servitudes applicables à une parcelle donnée et d’un outil de statistiques du
contentieux de l’urbanisme. En effet, faute d’un outil statistique, il est pour l’heure
trop tôt pour mesurer l’efficacité ou l’inefficacité de la réforme, pour ne pas dire
impossible. En revanche, il est d’ores et déjà incontestable que le renforcement des
particularismes complexifie encore un droit de l’urbanisme déjà hyperspécialisé.
Enfin, pour conclure cet épilogue, nous soulignons que l’urbanisme devient un droit
« incantatoire1426
» tandis que les administrés et le juge administratif assistent
progressivement à l’émergence d’une raison urbanistique. Cette raison aboutit à
l’émergence d’une ligne de conduite dogmatique dessinant peu à peu les principes
censés dicter la manière de penser des administrés comme du juge administratif. Et
cette raison urbanistique dogmatique croit pouvoir indiquer ce qu’est le bien agir en
1424 « La “mercantilisation” est la dynamique qui transforme les pratiques sociales, les objets et les
services en marchandises, c’est-à-dire qui les fait entrer dans le champ du marché », selon la
définition de François ASCHER (1946-2009) urbaniste et sociologue, in ASHER (F.), La société
évolue, la politique aussi, coll. Sciences humaines, Odile JACOB, Paris, 2007, 250 p., p. 40. 1425
Même si 2014 a observé une baisse du contentieux de l’urbanisme, Préc. Conseil d’État, Rap.
public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, no 65, Doc. Fr., Paris,
2014, 400 p., p. 24. Le contentieux d’urbanisme représente 6,7 % et a diminué de 2 %. 1426
Préc. SAVARIT BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in
Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,
2007, 1122 p., p. 939.
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justice, le bien ester et le bien juger pour la permission du développement de la
construction autour finalement d’une préservation à géométrie variable des
écosystèmes, de la durabilité de l’environnement urbain et de la mixité sociale.
Cette tendance dogmatique et incantatoire devrait encore se renforcer. En effet, le
pouvoir exécutif est déjà à pied d’œuvre pour élaborer des mesures visant à
poursuivre des réformes en matière de contentieux de l’urbanisme. En ce sens, une
mission sur la simplification et la réduction des délais des procédures d’obtention des
permis de construire a été confiée au préfet Jean-Pierre DUPORT1427
.
Dans l’optique d’améliorer les délais de traitement des recours, trois mesures sont
déjà à l’étude. Il s’agit, d’une part, de l’aménagement des pouvoirs du juge
administratif, en cas d’annulation par ses soins d’un refus de permis, pour qu’il
puisse rétablir directement l’autorisation sans qu’un nouveau dépôt de permis soit
nécessaire. D’autre part, une deuxième mesure à l’étude vise à définir les conditions
dans lesquelles, en cas d’annulation du refus de délivrance d’une autorisation
d’urbanisme, le représentant de l’État se substitue à l’autorité compétente pour
délivrer cette autorisation. Enfin, une troisième mesure, également à l’étude et
reprenant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, vise à sécuriser les
projets de construction en recentrant l’action en démolition1428
.
Ces mesures font pressentir l’avènement d’un déséquilibre dangereux pour les droits
des tiers en dépit d’une sécurisation, prochainement et certainement
disproportionnée, de l’autorisation d’urbanisme des bénéficiaires. En outre
l’immixtion de l’État, avec une mesure qui envisage la substitution du représentant
de l’État à l’autorité compétente est susceptible de poser d’autres problématiques de
remise en cause des pouvoirs décentralisés.
Au surplus, il est à déplorer que ces mesures ne visent encore une fois qu’une action
a posteriori, quand le projet est déjà « ficelé ». Or, nous soulignons qu’il est
désormais nécessaire d’agir a priori, c’est-à-dire en amont, en instaurant des outils
innovants tels que la mise en place d’une autorité de prévalidation des projets avec
des concertations systématiques et avec des outils dématérialisés recensant les règles
1427 V. site officiel, simplication.modernisation.gouv.fr, rub. Encadrer et réduire les délais
d’instruction des autorisations d’urbanisme et des permis de construire, 28 oct. 2014. 1428
Dossier de presse, Réunion du Comité de pilotage « Objectif relance construction », 4 déc. 2014,
16 p., p. 10 et 11. Les conclusions de la mission sont attendues pour mars 2015.
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urbaines et les servitudes sur l’ensemble du territoire et bien entendu, en instaurant
un outil de statistiques pour mesurer l’efficacité des réformes.
« Ah ! Mon cher ami, qu’il est difficile de réformer, lorsqu’on n’a que la plume pour
pousser l’action1429
. » C’est sur ces mots que nous achevons notre péroraison.
1429 Dr. Léon AUDAIN, Lettre à BENITO, Port-au-Prince, 8 juill. 1894, in. La Fraternité, consultable
sur Gallica.
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BIBLIOGRAPHIE
De l’appareil bibliographique qui a permis l’avancement et l’aboutissement des
recherches, la bibliographie ci-dessous est sélective et reprend les sources mobilisées
le plus fréquemment. Certaines d’entre elles ont été citées dans le corps du texte qui
précède. D’autres n’ont pas forcément été souvent citées mais ont permis d’enrichir
la qualité des recherches.
Concernant la jurisprudence, les arrêts figurent en index par leur nom et sont
précédés d’un astérisque. Ils sont également cités dans le corps du texte. Concernant
les décisions et les arrêts qui n’ont pas été publiés et n’ont pas de nom, ils ne figurent
pas dans l’index mais ils sont également cités dans le corps du texte avec leur
numéro de requête ce qui permet de les retrouver sur la base internet des juridictions.
Sous les rubriques, les sources sont classées par nom d’auteur et par ordre
alphabétique.
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BARBILLON (J.-Y.), concl. sur C.A.A. Paris, 15 févr. 2001, Cne de Mesnil-le-Roi,
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o 158 BJDU, 2001, p. 322 : une autorisation de
lotissement devenue définitive fait obstacle au rétablissement du principe de
constructibilité limitée dans le cas d’annulation du POS
BAUDOUIN (J.), concl. sur CE, S., 24 novembre 1967, no 66271, Rec. Lebon,
p. 443 ; D., 1968, p. 142.
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p. 1352
BOISSARD (S.), concl. sur CE, 27 mars 2000, Synd. Copropriétaires immeuble « Le
Lympia », no 205430 (Juris-Data n
o 0602 18), Rec. Lebon, T., p. 1291 et 1294 ;
BJDU, 2000, p. 123.
BONICHOT (J.-Cl.), concl. sur CE, Sect., Avis, 6 mai 1996, ANDERSEN,
no 178473, Rec. Lebon, p. 150 ; chron. CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT (T-X),
AJDA, 1996, p. 566 et 513 ; concl., RFDA, 1996, p. 1027 ; étude PACTEAU (B.),
LPA, 16 oct. 1996, p. 10.
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Roquebrune-Cap-Martin, no 189228, BJDU, 1997, p. 464.
BONICHOT (J.-Cl.), concl. sur CE, 29 nov. 1999, Époux BOULANGER, no 182214,
Rec. Lebon ; concl. BJDU, 1999, p. 470 ; obs. C.D.B.
BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), concl. sur CE, avis, 19 nov. 2008, Société
SAHELAC et JUVENTIN, no 317279, BJDU, 2009, p. 48.
COURREGES (A.), concl. sur CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie,
no 297227, Rec. Lebon, p. 41 ; note BOUCHER (J.) et BOURGEOIS-
MACHUREAU (B.), AJDA, 2008, p. 582 ; étude SOLER-COUTEAUX (P.), RDI,
2008, p. 240 ; concl. BJDU, 2007, p. 459.
COURREGES (A.), concl. sur CE 16 nov. 2009, SARL Les résidences de Cavalière,
no 308623, Rec. Lebon, 2009 ; concl. AJDA, 2010, p. 454 ; VINCENT (A.), AJDA,
2009, p. 2198 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2010, p. 115.
DEGOMMIER (S.), concl. sur C.A.A. Nantes, 28 oct. 2008, Assoc. Vert pays blanc
et noir et a., no 08NT00426, BJDU, 2009, p. 12 ; obs. Geffray (E.), ibid. ; DAUH,
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DELVOLVE (J.), concl. sur CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon,
p. 110.
DEVYS (Ch.), concl. sur CE, 11 mai 2004, Association AC !, no 255886, Rec.
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FOMBEUR (P.), concl. sur CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie
pharmaceutique (SNIP) et autres, no 226514, Rec. Lebon, p. 624.
FOURNIER (J.), concl. sur CE, 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs-conseils, Rec.
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FRANC (M.), concl. sur CE, Ass., 31 oct. 1980, FEN et Union des jeunes avocats,
Rec., p. 395 ; concl. FRANC (M.), RDP, 1981, p. 499.
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avocats de France et a., Lebon, p. 370 ; concl. FRANC (M.), JCP, 1980, II.,
no 19288 ; note BORE (J.), ibid. ; note BENABENT (A.), D., 1979, p. 606 ;
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FRYDMAN (P.), concl. sur CE, 20 octobre 1989, NICOLO, Rec. Lebon, p. 190,
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1983, no 19953.
GUYOMAR (M.), concl. sur CE, 15 nov. 2006, Mme DEVOIS, no 280424, Rec.
Lebon, p. 696, AJDA, 2007, p. 254.
GUYOMAR (M.), concl. sur CE, 28 sept. 2011, SCI 30, Rue de THIONVILLE, noo
347736 et 345699, Rec. Lebon, T., p. 1078, BJCL, 2011, p. 839.
HONORAT (E.), concl. sur CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert,
no 176148, Rec. Lebon, p. 158 ; BJDU, 2000, p. 127.
HONORAT (E.), concl. sur CE, 26 mai 1999, SCI KERROY, no 181581, concl.,
BJDU, 1999, p. 2016, note LARRALDE (J.-M.), Constr.-Urb., 1999, no 258.
HONORAT (E.), concl. sur CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert,
no 176148, Rec. Lebon, p. 301 ; concl., BJDU, 2000, P. 127 ; Dr. Adm., 2000, n
oo
149 et 197 ; RFDA, 2000, p. 710 ; Coll. terr., 2000, o 223 ; Mon. T.P., 28 avr. 2000,
p. 89 ; RDI, 2000, p. 328.
HONORAT (E.) et SCHWARTZ (R.), concl. sur CE, 24 septembre 1990, BOISDET,
Rec. Lebon, p. 250 ; AJDA, 1990, p. 863, concl. LAROQUE (M.), LPA, 12 oct.
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KAHN (J.), concl. sur CE, ass., 12 déc. 1969, DE TALLEGRAND PERIGORD,
AJDA, 1970 , p. 42.
LALLET (A.), concl. sur CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne
Bois-Guillaume, no 358765, Rec. Lebon, T. ; Concl. BJDU, n
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LAROQUE (M.) ; MAUGÜE (C.) et SCHWARTZ (R.), concl. sur CE, ass., 28 févr.
1992, SA ROTHMANS International France, Rec. Lebon, p. 80 ; AJDA, 1992,
p. 210.
LEGRAS (C.), concl. sur CE, 9e et 10
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LESQUEN (de) (X.) concl. sur CE, 13 juill. 2012, no 345970, Association
ENGOULEVENT, BJDU, 2012, p. 362 ; obs. LANDAIS (C.), AJDA, 2013, p. 755.
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actu., 6 mars 2013 ; obs. GRAND (R.) ; AJDA, 2013, p. 495 ; obs. SOLER-
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MAUGÜE (C.), concl. sur CE, Ass, 5 mars 1999, ROUQUETTE, Rec. 347 ; RFDA,
1999, p. 357.
MITJAVILE (M.-H.), concl. sur CE, 1er
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MITJAVILE (M.-H.), concl. sur CE, 21 oct. 2005, M. MAREL, no 280188, BJDU,
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OLLEON (L.), concl. sur CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, no 260050,
concl., B.D.C.F., 12/06, no 156.
PIETRI (J.-P.), concl. sur C.A.A. Nancy, 1re ch., 19 oct. 1995, SCI du Rouillon, no
95NC00960, AJDA, 1996, p.199, note PIETRI (J.-P.) ; BJDU, 1995, no 6, p. 481.
PIVETEAU (D.), concl. sur CE, 28 mai 2001, Cne de Bohars, SARL MINOTERIE
Francès, no 218374, Rec. Lebon, p. 249 ; concl., BJDU, 2001, p. 212 ; Coll. terr.,
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COUTEAUX (P.), RDI, 2002, p.263.
POMMIER (J.), concl. sur TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise Freymuth c. Min.
Environnement, no 931085, concl. AJDA, 1995, p. 555.
ROMIEU (J.), concl. sur CE, 28 décembre 1906, Syndicat des patrons-coiffeurs de
Limoges, no 25521, Rec. Lebon, p. 977.
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p. 77, spé. p. 79.
ROUX (A.), concl. sur CE, 18 avril 1986, Préfet d’Ille-et-Vilaine, no 62470, Rec.
Lebon, p. 423 ; concl. RFDA, 1987, p. 206 ; note CHABANOL (D.), AJDA, 1986,
p. 455 ; note NEGRIN (J.-P.), D., 1987, p. 70.
THIELLAY (J.-Ph.), concl. sur CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil départemental de
l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris c. BANON, no 283141, concl., RFDA,
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
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2008, p. 689 ; chron. GEFFRAY (E.) et BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), De
minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, p. 1316.
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administré et un justiciable de second rang, RFDA, 2013, p. 285.
VEROT (C.), concl sur CE, 27 févr. 2006, SCI LA TILLEULIERE, BJDU, 2006,
p. 254, obs. BONICHOT (J.-Cl.)
VIALETTES (M.), concl. sur CE, 1ère
et 6e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de
Marseille, no 354026 ; concl, BJDU, 5/2013, p. 376.
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de Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de
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internet de la Cour de cassation.
B. Rapports et réponses ministérielles
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économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de
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Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.
Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace,
Documentation Française, Paris, 1992, 203 p.
Conseil d’État, Rap. public, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et
complexité du droit, no 57, Documentation Française, Paris, 2006, 412 p.
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administratives, Documentation Française, Paris, 2013, 384 p.
Conseil d’État, Rap. public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions
administratives, no 65, Documentation Française, Paris, 2014, 400 p.
Conseil d’État, 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines
significatifs, 9 p., p.5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales.
FITOUSSI (J.-P.), LAURENT (E.) et MAURICE (J.), Rapport du Conseil d’analyse
économique, Ségrégation urbaine et intégration sociale, no 45, 2003, Doc. Fr.
PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail
créé par M. PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions
pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », dit Rapport
PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janvier 2005.
PEYRAT (D.), pr la secrétaire d’État au logement et le Min. de l’équipement, des
transports et logement, Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement
social, Doc. Fr., Fév. 2002, 175 p.
LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par
Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement,
« Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », dit Rapport
LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013.
LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre
l’inflation normative, Paris, mars 2013, 116 p.
FLEURIEU (de) (A.), Rapport sur l’évaluation de l’intervention des services du
ministère de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer
dans le domaine de l’application du droit des sols, 2003, 257 p., 20 juin 2003.
Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2005-1527, 8 déc. 2005,
relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 286, 9
déc. 2005, p.18994, texte no 29.
Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2013-638, 18 juill. 2013,
relative au contentieux de l’urbanisme, JORF, no 0166, 19 juill. 2013, p. 12069, texte
no 23 (NOR : ETLX1317296P).
Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2013-1184, 19 déc.
2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et
aux servitudes d’utilité publique, JORF no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n
o 24
(NOR : ETLX1327949P).
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
461/480
Rap. fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi
habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction :
Doc. AN no 1041, 16 mai 2013, p. 22.
2) Réponses et notes ministérielles
Rép. Min., no 104982, JOAN Q. 19 juill. 2001, p. 7879.
Rép. Min., no 30335, JOAN Q. 20 oct. 2009, p. 9936 ; BJDU, 2009, p. 406.
Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet
2013 relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et
fluidifier le traitement des contentieux.
Ministère de l’Égalité, des Territoires et du logement, Dossier, Dossier, une loi
historique pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, Paris, accessible depuis
le portail du gouvernement, 2013, 4 p.
C. Colloques et Conférences
DELVOLVE (P.) Droits publics subjectifs des administrés et subjectivisation du
droit administratifs, propos introductifs in, Les droits publics subjectifs des
administrés, colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011,
p. 193.
JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 :
un puits sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct.
2014, Dalloz formation.
PAILLET (M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER,
Paris, 2010, 322 p., suite au colloque des 23 et 24 novembre 2009 à Toulon.
LE PRADO (D.), Equité et effectivité du droit à la réparation, colloques, 2006, site
de la Cour de cassation.
SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des administrés et transformations
contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des administrés,
colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193.
TUVIGNON (O.) et SAUNIER (E.), Compte rendu collectif, sous la direction de
NAPPI-CHOULET (I.), SACHREITER (C.), Actes des conférences, SIMI 2012,
rédigés par les étudiants de la Chaire Immobilier et Développement Durable de
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
462/480
l’ESSEC, Promotion 2013, 75 p., Cycle Marchés de l’immobilier – Les recours dans
l’immobilier : nécessité ou abus ? 5 décembre 2012, p. 25 à 31, débat animé par
THOMAS (G.), Directeur de la rédaction Business Immo, intervenants : BORNE
(E.), Directrice Générale de l’Urbanisme – Ville de Paris ; CAGOL (C.), Président
Directeur Général – SEFRI-CIME ; DE SAUZA (D.), Président – Union des
Constructeurs Immobiliers de la Fédération Française du Bâtiment (UCI-FFB) ;
ISKENDEROV (E.), Président Directeur Général – HERMITAGE SAS ; RANJARD
(E.), Président – Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC) ; SERVEL DE
COSMI (M.), Président – Associations de Sauvegarde de l’Environnement de Paris
XVI.
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
463/480
INDEX
L’index ci-dessous est sélectif et reprend les notions et les arrêts clés mobilisés pour
mener à bien le travail de réflexion. Les arrêts sont indiqués par leur nom et sont
précédés d’un astérisque. Ils sont cités dans le corps du texte. Les notions sont
indiquées à la suite des arrêts, elles sont rangées par ordre alphabétique.
Concernant les décisions et les arrêts qui n’ont pas été publiés ou n’ont pas de nom,
ils ne figurent pas dans l’index mais ils sont également cités dans le corps du texte
avec leur numéro de requête ce qui permet de les retrouver sur la base internet des
juridictions.
Les pages en gras renvoient aux définitions de notion.
*A. BERTIN .............................................. 194
*Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne
Bois-Guillaume .................................. 164, 296
*Association AC ! ...................................... 275
*Association aigrefeuillaise de défense du
patrimoine communal et de l'environnement et
a. ................................................................. 250
*Association Bien vivre aux Restanques .. 121,
244, 312, 313, 316, 317
*Association Collectif Cité Benoît ............... 60
*Association des amis des paysages
bourganiauds .............................................. 248
*Association des habitants de Vésegnin ...... 60
*Association des pilotes professionnels
français ....................................................... 247
*Association Soisy Etiolles Environnement
.................................................................... 288
*Association Soisy Étiolles Environnement 60
*Association Vivraviry ...... 146, 232, 234, 303
*BARQUE et MELKI .......................... 67, 193
*BERTIN ........................................... 194, 386
*BOISDET ................................................. 128
*BOTELLA ................................................. 56
*BOUSSUGE ............................................ 241
*CAFFOT .................................................. 329
*CANCRE ................................................. 329
*CASANOVAS ................................... 67, 193
*Cne d'Auvers-sur-Oise ............................. 270
*Cne de Béziers .......................... 324, 362, 363
*Cne de Bohars, SARL MINOTERIE Francès
................................................................... 291
*Cne de Bois-Guillaume ........................... 272
*Cne de Breuil-Bois-Robert ........................ 59
*Cne de Cabourg ....................................... 321
*Cne de Chanaz ......................................... 363
*Cne de Coudekerque-Branche ................. 248
*Cne de Courbevoie .......................... 273, 274
*Cne de Lidrezing ..................................... 231
*Cne de Lompnieu .................................... 194
*Cne de Meudon........................................ 363
*Cne de Saint-Martin-le-Vinoux ............... 297
*Cne de Théoule-sur-Mer .......................... 329
*Cne de Tulle ............................................ 362
*COLOMBEAU ........................................ 102
*Comité de défense intercommunal de
Maisons-Mesnil-le-Pecq ............................ 194
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
464/480
*Comité des quartiers Mouffetard et des bords
de Seine et a. c/ France ............................... 288
*Commission c/ Irlande ............................. 221
*COMPAROIS .......................................... 399
*Conseil départemental de l’ordre des
chirurgiens‐dentistes .......................... 222, 321
*Consorzio Cooperative d’ABRUZZO ...... 142
*COPEDE .................................................. 266
*CSA ............................................................ 80
*Cts AUMARECHAL c/ SCI 94, rue du
Château à Boulogne ................................... 309
*Cts BOURGEOIS c. Cne de Saint-Palais-sur-
Mer ............................................................. 288
*Cts HADDAD ...................................... 69, 71
*Dame AMIOT c/ Ets LAGEZE et GAZES
................................................................... 309
*Dame LAMOTTE .............................. 82, 199
*Dame VEUVE SAINT ............................ 272
*De Geus en UITDENBOGERD / BOSCH
................................................... 124, 125, 142
*DELARUE ............................................... 320
*Département du Tarn-et-Garonne .... 300, 301
*DOUIDI ................................................... 270
*DREYSSE ................................................ 302
*Entreprise Freymuth c. Min. Environnement
................................................................... 127
*Epoux BOULANGER .............................. 230
*Epoux de SIGALAS................................. 222
*Epoux MAZO .................................. 195, 197
*Epoux RUDOLF, EARL RUDOLF . 250, 319
*Epx BAUDIER ........................................ 287
*Féd. nat. des unions de jeunes avocats ..... 193
*Fédération nationale SOS environnement 268
*FEN et Union des jeunes avocats ............... 67
*FRITOT............................................ 236, 297
*GAUDIN .................................................. 230
*GEOUFFRE de la PRADELLE c. France . 67
*GOLDER c. Royaume-Uni ........................ 67
*Groupe des industries métallurgiques et
minières de la région parisienne et autres ... 202
*HARISSIOS TAGARAS c. Cour de Justice
.................................................................... 125
*HEYLENS .................................................. 67
*HORNSBY c. Grèce ................................... 67
*Internationale HANDELSGESELLSCHAFT
...................................................................... 94
*JOHNSTON c. Chief Constable of the RUC
................................................................ 67, 94
*LARROUTUROU, MEYET et autres ...... 102
*Les Bleuets ............................................... 363
*M et Mme ALARCON ............................. 373
*M et Mme FABRE ................................... 362
*M et Mme VIEL ....................................... 373
*M. Albert RIEHL ..................................... 248
*M. ANDRIEU et Mme PERREE ............. 296
*M. D'AILLIERES ..................................... 199
*M. DIATCHENKO .................................. 250
*M. et Mme EVORA ......................... 318, 321
*M. et Mme FRITOT et a .......................... 295
*M. et Mme HALIMI Veuve GUEREL ..... 248
*M. et Mme HOFMANN ............................. 84
*M. FRITSCH ............................................ 250
*M. KUBIAK ............................................. 250
*M. LACLAVERIE ........... 121, 244, 312, 317
*M. MAREL .............................................. 362
*M. MAZAR .............................................. 236
*M. NOBLAT .................................... 250, 319
*MAHIEU .................................................. 248
*MAILLARD c. France ............................. 193
*Michel ADVERNIER et autres c/
Commission ................................................ 371
*Min. de l'Intérieur c. M. MASSAMBA .... 364
*Min. Environnement c/ POIDEVIN ......... 236
*Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, du
développement durable et de la mer, en charge
des technologies vertes et des négociations sur
le climat ...................................................... 373
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
465/480
*Ministre de l’intérieur c. Société « Le
Témoignage chrétien » ............................... 321
*Ministre délégué à l'économie et aux
finances c. Mme LESTRADE .................... 194
*Mlle DANIELLE S. ................................... 79
*Mme EL HAJJZAIN, Assoc. « La défense
libre » et A. BERTIN ................................. 194
*Mme LEROY ........................................... 248
*Mme POLLART .............................. 194, 386
*Mme REVILLOD et a., ............................ 247
*Mme SAINT‐SEVER ............................... 321
*NICOLO ................................................... 128
*OLEIFINI BORELLI SPA c. Commission 67
*PADRITGE ........................................ 68, 195
*PAUL ....................................................... 320
*Paul DURAND c. Louis DURAND ......... 309
*POILLY ................................................... 192
*Préfet de la Marne .................................... 266
*R. VIENNOT ........................................... 192
*RAHOU ........................................... 269, 270
*Rassemblement des nouveaux avocats de
France ......................................................... 192
*RIGOT ..................................................... 329
*ROMBI et ARKOPHARMA ................... 126
*ROUQUETTE .......................................... 129
*SA Grands travaux et constructions
immobilières ................................................. 44
*SA ROTHMANS International France .... 129
*SARL Les résidences de Cavalière .......... 275
*SARL Lodge at Val .................................. 362
*SCI du 73 av. du Commandant BERRI à
Viry-Chatillon .............................................. 69
*SCI du Lac « Les Balcons de Châtel » ..... 363
*SCI Genièvres .......................................... 250
*SCI KAROUS ...................................... 68, 70
*SCI La Maison Blanche ................... 318, 321
*SCI LA TILLEULIERE ........................... 302
*SCI Liberty c. Cne de Marseille195, 232,
246
*SCI MOUNOU...234, 246, 248, 249, 252,
253, 256, 297, 303, 306, 316, 319
*SCI, Rue de THIONVILLE ..................... 363
*SCP MERCADIER et KRANTZ..... 379, 380
*SDC de la Résidence le Gonfanon........... 230
*SDC de la Résidence les Charmilles ....... 230
*Secrétaire d’Etat à la Reconstruction et au
logement c. Sieur BACQUE ...................... 248
*Sécurité et Liberté .............................. 80, 399
*Sieur COMBAZ....................................... 321
*Sieur NOBLE ................... 119, 222, 243, 320
*SNC Hôtel de la Bretonnerie ........... 186, 295
*Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo
.... 246, 248, 252, 253, 256, 297, 306, 316, 319
*Société des aciéries et forges de Saint-
François ..................................................... 220
*Société FINAREL c. SCI MANDELIEU
Esterel ................................................ 119, 320
*Société France Quick ............................... 231
*Société Fun Music Center........................ 363
*Société GEPRO ....................................... 273
*Société Industrielle de construction ........... 42
*Société Intercopie ............................ 219, 305
*Société JANFIN....................................... 109
*Société Jean-Luc SCATAMACCHIA, Cne
de Beaune .................................................. 250
*Société KPMG ............................94, 129, 142
*Société Laboratoire de biologie végétale
Yves Rocher .............................................. 292
*Société PACE EUROPE .......................... 379
*Société SAHELAC et JUVENTIN .50, 52, 60
*Société SODEX ....................................... 194
*Statut de la Polynésie française ................. 80
*Sté Entrepositaire parisienne ................... 398
*Sté SIMESCOL ....................................... 398
*Syndicat départemental de l'électricité et du
gaz des Alpes-Maritimes et Cne de Clans . 324
*Syndicat des ingénieurs conseils ............. 200
*Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges 43
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
466/480
*Syndicat français de l’industrie cimentière et
a. ................................................................. 247
*Syndicat intercommunal des établissements
du second cycle degré du district de l’Hay-
Les-Roses ................................................... 327
*Syndicat mixte de Papeete ....................... 135
*Syndicat National de l’Industrie
Pharmaceutique ............................ 94, 128, 129
*Taxe d'inhabitation ........................... 227, 399
*TERNON ................................................. 102
*TITRAN ................................................... 221
*TOMADINI c. Amministrazione delle
finanze dello Stato ...................................... 126
*TÖPFLER c. Commission ....................... 126
*Tropic Travaux de Signalisation .............. 300
*Union des propriétaires pour la défense des
Arcs .............................................................. 44
*VERNHES-DAVID ................................. 287
*Ville de Bagneux ........................................ 61
Abus de droit ................................................ 99
Principe d'interdiction ........................... 111
Théorie de l'abus de droit ..................... 110
Amende pour recours abusif ........................ 66
Controverse .......................................... 198
Nature ................................................... 192
Proposition PELLETIER ...................... 195
Punition .................................................. 67
Régime ................................................. 192
Sanction de l'abus de droit .................... 115
Sanction inadéquate ........................ 69, 192
Association
Intérêt à agir ......................................... 164
Recevabilité de l'action ......................... 164
CALAS (affaire) .......................................... 78
Chevalier de LA BARRE (affaire) ............... 78
Coefficient d'occupation des sols ......... 64, 167
Comité des sages ........................................ 182
Confiance légitime ..................................... 126
Consignation .............................................. 188
Contentieux du permis de construire ............ 40
Intérêt à agir .................................... 41, 298
Recours contentieux ................................ 47
Recours des tiers ..................................... 46
Recours gracieux .................................... 46
Recours hiérarchique .............................. 46
Recours pour excès de pouvoir ........... Voir
Recours pour excès de pouvoir
Tiers ........................................................ 41
COS ..... Voir Coefficient d'occupation des sols
Cristallisation des moyens .......................... 219
Cristallisation des moyens .......................... 304
Déféré préfectoral ......................................... 46
Droit à la sécurité juridique
Principe général de droit ....................... 123
Droit au recours ............................................ 76
Définition ................................................ 77
Droit constitutionnel ............................... 77
Droit fondamental ................................... 89
Principe général du droit (PGD) ............. 82
Emprise au sol .............................................. 36
Enregistrement
Publication des transactions .................. 223
Enregistrement
Définition .............................................. 243
Environnement
Loi Grenelle I ........................................ 165
Loi Grenelle II ...................................... 165
Ere urbaine ................................................. 347
Escroquerie
Définition .............................................. 337
Escroquerie au jugement ....................... 340
Escroquerie par stratagème ................... 340
Estoppel ...................................................... 374
Estoppel by convention ......................... 376
Estoppel by representation .................... 375
Position du juge de la légalité ............... 379
Promissory estoppel .............................. 377
Proprietary estoppel .............................. 378
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
467/480
Réflexion sur une adaptation éventuelle
.............................................................. 381
Gentrification ............................. 105, 348, 358
Graphiques et autres illustrations
Hiérarchie des normes en droit de
l'urbanisme ............................................ 367
Nombre de PC délivrés ........................... 20
Nombre de permis autorisés annulés ...... 21
Nombre de permis délivrés ..................... 20
Synthèse de l'empilement des réformes en
urbanisme ............................................. 175
Inflation législative ..................... 152, 154, 160
Intérêt à agir ......................................... 41, 298
Judicare system ............................................ 81
Marché
Notion de marché juridictionnalisé ......... 24
Notion économique ................................ 25
NIMBY ...................................................... 104
NIMFOS..................................................... 106
Notification du recours ............................... 284
Ordonnance
Date d’entrée en vigueur ....................... 169
Définition .............................................. 169
Ratification ........................................... 169
Valeur de loi ......................................... 169
Valeur de réglement.............................. 169
Permis d'aménager ....................................... 35
Permis de construire
Autorité compétente ............................... 37
Recours ................................................... 40
Principe d’économie des moyens (exclusion)
............................................................ 289, 291
Principe de divisibilité ............................... 293
Extension de l’exception ...................... 294
Quérulence processuelle ............................ 100
Racket .......................................................... 18
Recours abusifs ............................................ 53
Recours contentieux .................................... 47
Recours des tiers .......................................... 46
Recours gracieux ......................................... 46
Recours hiérarchique ................................... 46
Recours pour excès de pouvoir .................... 54
Reconventionnelle (demande de d-i) ... 315
Relation triangulaire............................. 355
Référé recevabilité ..................................... 187
Référé-suspension...................................... 361
"Référé défensif" .................................. 364
Doute sérieux ....................................... 363
Urgence ................................................ 362
Régulation ................................................. 389
Requérants d’habitude ............................... 101
Staff system ................................................. 81
Surface de plancher ..................................... 35
Transaction ................................................ 326
"Barémisation" ..................................... 334
Concessions réciproques ...................... 329
Enregistrement ..................................... 331
Enregistrement (Définition) ................. 243
Exception de la chose transigée ........... 328
Vertrauensschutz ............................... 126, 368
Définition ............................................. 369
Intérêt en droit français ........................ 371
Zones "tendues" .................... 26, 172, 174, 360
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
468/480
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
469/480
TABLE DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT____________________________________________________ 3
REMERCIEMENTS ___________________________________________________ 7
TABLE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ________________ 13
SOMMAIRE ________________________________________________________ 15
INTRODUCTION ____________________________________________________ 17
A. Le contexte en chiffre _______________________________________________ 19
1) Nombre de permis délivrés pour l’ensemble des logements sur la France _____ 20
2) Augmentation du nombre de permis annulés pour l’ensemble des logements __ 21
B. Les enjeux en cause _________________________________________________ 24
1) Endiguer un marché juridictionnel ___________________________________ 24
2) Remédier à la crise du logement _____________________________________ 26
C. Problématique et annonce du plan ______________________________________ 29
TITRE 1er : UN DROIT AFFAIBLI, IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ
DES PERMIS DE CONSTRUIRE _______________________________________ 31
CHAPITRE 1 : L’insécurité juridique, une réalité ________________________ 33
SECTION 1 : Une autorisation administrative fragile ________________________________ 34
I. Une autorisation administrative __________________________________________ 34
A. Objet de l’autorisation _______________________________________________ 35
B. Nature et régime de l’autorisation ______________________________________ 36
1) Nature de l’autorisation ____________________________________________ 36
2) Régime juridique _________________________________________________ 39
II. Une autorisation fragile ________________________________________________ 40
A. Les tiers __________________________________________________________ 41
B. L’intérêt à agir _____________________________________________________ 41
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
470/480
1) Régime antérieur à l’ordonnance du 18 juillet 2013 _______________________ 42
2) Régime introduit par l’ordonnance du 18 juillet 2013 _____________________ 44
3) Les voies de recours des tiers ________________________________________ 46
a. Le recours gracieux _____________________________________________ 46
b. Le recours hiérarchique __________________________________________ 46
c. Le recours contentieux ___________________________________________ 47
i. L’objet du recours _____________________________________________ 48
ii. Le délai du recours ____________________________________________ 48
SECTION 2 : La procédure de prédilection des recours abusifs ________________________ 53
I. Le recours pour excès de pouvoir en urbanisme ______________________________ 53
A. Les recours objectifs peu susceptibles d’abus ______________________________ 54
1) Le déféré préfectoral_______________________________________________ 54
2) Le recours en interprétation _________________________________________ 57
B. Les recours vecteurs de l’abus _________________________________________ 57
1) Le formalisme du recours pour excès de pouvoir en urbanisme______________ 58
2) Le sursis des droits « acquis » du pétitionnaire __________________________ 61
II. L’apparition de l’abus du droit au recours __________________________________ 62
A. La difficile qualification de l’abus ______________________________________ 63
B. L’inadéquation de la sanction traditionnelle _______________________________ 66
1) L’amende pour recours abusif _______________________________________ 67
2) Un châtiment inadéquat ____________________________________________ 69
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ______________________________________________ 73
CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien, facteur d’insécurité _________________ 75
SECTION 1 : Le droit fondamental au recours, créateur d’insécurité juridique ____________ 76
I. Un droit constitutionnel et fondamental ____________________________________ 77
A. Le droit au recours, un droit constitutionnel _______________________________ 77
1) Une garantie constitutionnelle _______________________________________ 79
a. Une garantie constitutionnelle implicite ______________________________ 79
b. Une garantie constitutionnelle sans ambiguïté _________________________ 80
2) Un principe général du droit à valeur constitutionnelle ____________________ 82
a. Un principe général du droit_______________________________________ 82
b. Un principe à valeur constitutionnelle _______________________________ 84
3) Un principe rappelé jusque sous la poussière du chantier __________________ 85
B. Le droit au recours, un droit fondamental _________________________________ 89
1) Le droit au recours, un droit onusien __________________________________ 89
a. La Déclaration universelle des droits de l’homme ______________________ 89
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
471/480
b. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ______________ 90
2) Un droit européen et communautaire__________________________________ 91
a. La garantie de l’Union européenne _________________________________ 91
b. Incompétence de l’Union européenne sur les permis de construire ________ 91
i. La non-invocabilité du droit au recours garanti par l’Union européenne ___ 94
ii. La garantie du Conseil de l’Europe _______________________________ 95
3) Un droit fondamental, obstacle de réforme _____________________________ 98
II. Un droit susceptible d’abus _____________________________________________ 99
A. Les manifestations de l’abus __________________________________________ 99
1) La quérulence processuelle ________________________________________ 100
2) Le phénomène NIMBY ___________________________________________ 104
3) La recherche du lucre ____________________________________________ 107
B. L’interdiction de l’abus de droit et l’obligation de bonne foi ________________ 109
1) L’interdiction de l’abus de droit ____________________________________ 110
a. La finalité du recours pour excès de pouvoir ________________________ 110
b. Le principe d’interdiction de l’abus de droit _________________________ 111
2) La bonne foi du tiers, un critère à géométrie variable en droit administratif ___ 116
a. Une notion protéiforme et marginalisée ____________________________ 117
b. Le contrôle de la bonne foi ______________________________________ 118
SECTION 2 : La sécurité juridique victime de sa clandestinité _______________________ 123
I. Un principe général du droit découvert par le juge __________________________ 123
A. Un principe de droit communautaire ___________________________________ 123
B. Une notion absente du bloc de constitutionnalité __________________________ 130
C. Une finalité idéale de la jurisprudence administrative ______________________ 135
II. Un principe en mal de reconnaissance ____________________________________ 138
A. Présentation du questionnement juridique _______________________________ 139
1) Consécration d’une approche prudente _______________________________ 139
2) Consécration d’une approche engagée _______________________________ 141
B. Souhait unanime d’une reconnaissance constitutionnelle ___________________ 144
1) Par les tiers et les associations ______________________________________ 145
2) Par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme ________________________ 147
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 _____________________________________________ 149
CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur d’insécurité ____________ 151
SECTION 1 : L’inflation législative et l’insécurité juridique _________________________ 152
I. L’inflation législative _________________________________________________ 154
A. Nécessité initiale de légiférer _________________________________________ 154
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
472/480
1) Légiférer pour réduire les inégalités urbaines___________________________ 154
2) Légiférer pour assouplir les contraintes excessives ______________________ 157
B. L’apparition d’une surlégislation ______________________________________ 160
1) L’objectif de sécurité juridique ______________________________________ 161
2) L’objectif environnemental ________________________________________ 165
3) L’objectif correctif _______________________________________________ 166
4) L’objectif d’un meilleur équilibre ___________________________________ 167
II. Le prodrome de l’insécurité juridique _____________________________________ 176
A. L’insécurité juridique annoncée _______________________________________ 176
B. L’insécurité juridique dénoncée _______________________________________ 177
SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes ________________________________ 181
I. Les propositions _____________________________________________________ 183
A. Les propositions du Comité des sages __________________________________ 183
1) Présentation des propositions _______________________________________ 183
2) Portée et limite de ces propositions __________________________________ 184
B. Les autres propositions alternatives ____________________________________ 187
1) Le référé recevabilité _____________________________________________ 187
2) La consignation _________________________________________________ 188
II. Le cas particulier de l’amende pour recours abusif ___________________________ 191
A. Présentation du cadre juridique ________________________________________ 191
1) Nature et régime juridique _________________________________________ 192
2) La proposition du rapport PELLETIER _______________________________ 195
a. Les solutions rejetées ___________________________________________ 195
i. Rejet d’une majoration du quantum de l’amende ____________________ 196
ii. Rejet d’une procédure de dommages-intérêts _______________________ 196
b. La solution préconisée __________________________________________ 197
B. Présentation de la controverse ________________________________________ 198
1) Les réticences de la doctrine ________________________________________ 198
2) Éléments de nuance ______________________________________________ 202
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 _____________________________________________ 205
CONCLUSION DU TITRE 1er _________________________________________ 209
TITRE 2nd : UN DROIT POSITIF À ACTUALISER POUR ENDIGUER LES
RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES PERMIS DE CONSTRUIRE ____ 211
CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs __ 213
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
473/480
SECTION 1 : Une réponse juridique réfléchie ____________________________________ 214
I. Consécration d’une approche consensuelle ________________________________ 215
A. Concertation et consultation à l’honneur ________________________________ 215
1) Un groupe d’experts _____________________________________________ 215
2) Les sept propositions du rapport LABETOULLE _______________________ 218
a. Clarifier les règles de l’intérêt pour agir ____________________________ 218
b. Introduire une procédure de cristallisation des moyens ________________ 219
c. Organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance __________ 220
d. Autoriser les conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire ____ 222
e. Encadrer le régime des transactions par lesquelles il est mis fin à l’instance 223
f. Recentrer l’action en démolition sur son objet premier _________________ 224
g. Donner aux cours administratives d’appel une compétence de premier et dernier
ressort pour certains projets de construction de logements __________________ 225
B. Présentation de la réforme du contentieux de l’urbanisme __________________ 225
1) Présentation de l’ordonnance du 18 juillet 2013 ________________________ 226
2) Présentation du décret du 1er
octobre 2013 ____________________________ 227
II. Consécration d’une approche pragmatique ________________________________ 229
A. Réguler et fluidifier le traitement des contentieux _________________________ 229
1) Réguler les procédures contentieuses ________________________________ 229
a. Un intérêt à agir trop large ______________________________________ 230
b. Un nouvel intérêt à agir dans l’espace et dans le temps ________________ 233
2) Accélérer le traitement des contentieux _______________________________ 235
a. L’introduction d’une procédure de régularisation _____________________ 235
b. Les autres outils réglementaires de l’accélération _____________________ 237
B. Moraliser les procédures contentieuses _________________________________ 238
1) Des mécanismes innovants ________________________________________ 239
a. Le juge administratif, juge du prix de l’abus _________________________ 239
b. Les services fiscaux, gardiens de la transparence des transactions ________ 241
2) Éléments de tempérance __________________________________________ 243
SECTION 2 : Des interrogations juridiques subsistantes ____________________________ 245
I. L’articulation dans le temps de la réforme _________________________________ 246
A. Présentation des points d’interrogation _________________________________ 246
B. Éléments de réponse apportés par le Conseil d’État _______________________ 249
II. La portée de l’extension des pouvoirs du juge administratif ___________________ 251
A. Présentation des points d’interrogation _________________________________ 252
B. Éléments de réponse _______________________________________________ 253
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 _____________________________________________ 257
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
474/480
CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre __________________________________ 259
SECTION 1 : Le renforcement limité des moyens de défense _________________________ 260
I. Le maintien des moyens de défense classiques ______________________________ 261
A. L’exemple du mémoire en défense _____________________________________ 262
1) Présentation de la défense classique __________________________________ 263
a. La prétendue incompétence de l’auteur _____________________________ 264
i. Cadre juridique_______________________________________________ 264
Compétence de l’auteur de l’acte _______________________________ 265
La délégation, élément de complication __________________________ 266
L’identification de l’auteur ___________________________________ 267
ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 268
Démontrer et prouver la compétence de l’auteur de l’acte ___________ 268
Défendre l’interprétation « réaliste » de l’identification de l’acte ______ 269
b. La prétendue violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité
publique _________________________________________________________ 271
i. Cadre juridique_______________________________________________ 271
ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 276
c. La prétendue violation d’une règle d’ordre public du RNU ______________ 277
i. Cadre juridique_______________________________________________ 278
ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 280
2) Les frais irrépétibles ______________________________________________ 281
a. Généralités ___________________________________________________ 281
b. Conséquences pour l’Administration _______________________________ 283
B. Les particularismes du contentieux de l’urbanisme accentués ________________ 284
1) Des particularismes maintenus ______________________________________ 284
a. La notification du recours _______________________________________ 284
i. Cadre juridique_______________________________________________ 285
ii. Discussion de la portée juridique ________________________________ 287
b. L’exclusion du principe d’économie des moyens _____________________ 289
i. Régime juridique _____________________________________________ 289
Le principe d’économie des moyens ____________________________ 289
L’exclusion de l’économie des moyens __________________________ 291
ii. Portée juridique ______________________________________________ 292
c. Le principe de divisibilité ________________________________________ 293
i. Extension de l’exception au principe d’indivisibilité __________________ 294
ii. Champ d’application __________________________________________ 295
iii. Application dans le temps _____________________________________ 297
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
475/480
2) Des particularismes innovants ______________________________________ 298
a. L’intérêt pour agir _____________________________________________ 298
i. Cadre juridique ______________________________________________ 298
Un gain de sécurité juridique pour les associations_________________ 299
Le sort plus nuancé des autres requérants ________________________ 299
ii. Application dans le temps _____________________________________ 302
iii. Portée ____________________________________________________ 303
b. Cristallisation des moyens _______________________________________ 304
i. Cadre juridique ______________________________________________ 304
ii. Application dans le temps _____________________________________ 305
iii. Portée ____________________________________________________ 306
II. L’articulation rénovée de la demande d’indemnité __________________________ 307
A. La compétence du juge civil, une désuétude calculée ______________________ 307
1) Une compétence traditionnelle déconnectée du contentieux de l’autorisation
d’urbanisme ________________________________________________________ 307
a. Une faute simple même sans intention de nuire ______________________ 308
i. L’absence de nécessité de démontrer un dol ou faute assimilée _________ 308
ii. Démontrer une simple légèreté blâmable __________________________ 309
b. Une faute décelable indépendamment de la décision du juge administratif _ 309
c. Le caractère fautif du recours exempt de considérations relatives aux règles
d’urbanisme ______________________________________________________ 310
2) Une compétence traditionnelle vouée à tomber en désuétude ______________ 311
a. Une désuétude calculée _________________________________________ 311
b. Éléments de nuance ____________________________________________ 312
B. Compétence désormais autonome du juge administratif ____________________ 314
1) La demande reconventionnelle de dommages-intérêts ___________________ 315
a. Cadre juridique _______________________________________________ 315
i. La réparation du dommage a priori facilitée ________________________ 315
ii. Les interrogations subsistantes d’un régime inédit __________________ 317
b. Application dans le temps _______________________________________ 318
2) Le juge administratif, juge du dommages-intérêts _______________________ 319
a. Une révolution contra jurisprudentiam _____________________________ 320
b. Position renforcée du juge administratif ____________________________ 322
SECTION 2 : Le durcissement des voies alternatives _______________________________ 325
I. La transaction surveillée _______________________________________________ 326
A. Un mauvais arrangement, mieux qu’un bon procès ________________________ 326
1) L’intérêt de la transaction _________________________________________ 326
2) L’exigence de concessions réciproques _______________________________ 328
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
476/480
a. Avantages et inconvénients pour les parties __________________________ 328
b. Le doute persistant sur la légalité de l’acte __________________________ 330
B. La publicité de la transaction _________________________________________ 331
1) Régime de cette publicité __________________________________________ 331
2) L’avènement d’un élément de complication ____________________________ 334
II. La menace pénale mobilisée ____________________________________________ 335
A. Une nouvelle garantie prétorienne _____________________________________ 336
1) Le stratagème crapuleux de requérants malveillants et le délit d’escroquerie __ 336
2) Éléments d’optimisme ____________________________________________ 338
B. Une portée limitée __________________________________________________ 339
1) Une protection contre l’« escroquerie par stratagème » ___________________ 339
2) Un arrêt d’espèce ________________________________________________ 341
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 _____________________________________________ 343
CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation _______________________ 345
SECTION 1 : Des solutions à optimiser __________________________________________ 346
I. Des solutions en droit interne ___________________________________________ 346
A. Le droit de l’urbanisme ______________________________________________ 347
1) Le droit de l’ère urbaine ___________________________________________ 347
a. L’ère urbaine _________________________________________________ 347
b. L’optimisation du droit de l’urbanisme _____________________________ 352
i. Simplification du droit de l’urbanisme ____________________________ 352
ii. Reconnaissance d’une relation triangulaire_________________________ 355
2) Le droit de l’urbanisme, ce nouvel orviétan ____________________________ 358
B. Les autres voies juridiques et non juridiques _____________________________ 361
1) Le référé-suspension, le rescrit et le pétitionnaire _______________________ 361
2) Simplifier la norme _______________________________________________ 365
II. Des solutions en droit externe ___________________________________________ 368
A. Interrogation sur la notion allemande de Vertrauensschutz __________________ 368
1) Présentation du Vertrauensschutz ____________________________________ 368
2) L’intérêt limité d’une transposition en droit français _____________________ 371
B. Interrogation sur la notion anglaise d’estoppel ____________________________ 374
1) Présentation de l’estoppel __________________________________________ 374
a. L’estoppel by representation _____________________________________ 375
b. L’estoppel by convention ________________________________________ 376
c. Le promissory estoppel _________________________________________ 377
d. La proprietary estoppel _________________________________________ 378
2) Rejet de l’estoppel par le juge de la légalité ____________________________ 379
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
477/480
3) Réflexion sur une adaptation à la française ____________________________ 381
a. Une notion inadaptée ___________________________________________ 381
b. Éléments de réflexion pour une adaptation __________________________ 384
SECTION 2 : Des solutions à créer _____________________________________________ 388
I. Créer une procédure de la régulation _____________________________________ 388
A. La régulation et la protection des administrés ____________________________ 389
1) La régulation, une notion juridique __________________________________ 389
2) La régulation, un mode alternatif de protection de l’intérêt général _________ 391
B. La régulation du contentieux de l’urbanisme _____________________________ 392
1) L’appréhension de l’évolution des pratiques contentieuses ________________ 392
2) Un régulateur non juridictionnel pour un urbanisme durable ______________ 394
II. Les autres voies juridiques et non juridiques _______________________________ 395
A. Les autres voies juridiques ___________________________________________ 396
1) En finir avec les solutions en trompe-l’œil ____________________________ 396
2) Repenser l’accès au juge avec de « vraies » solutions ____________________ 399
B. Les voies non juridiques ____________________________________________ 403
1) Redorer l’image des logements sociaux ______________________________ 403
2) Créer un outil de statistiques efficace ________________________________ 406
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 _____________________________________________ 409
CONCLUSION DU TITRE 2nd ________________________________________ 411
CONCLUSION GÉNÉRALE __________________________________________ 413
BIBLIOGRAPHIE __________________________________________________ 419
I. Ouvrages___________________________________________________________ 419
A. Ouvrages Généraux ________________________________________________ 419
B. Ouvrages Spécialisés _______________________________________________ 421
C. Ouvrages Collectifs ________________________________________________ 428
II. Thèses _____________________________________________________________ 433
III. Mémoire _________________________________________________________ 435
IV. Articles __________________________________________________________ 435
A. Articles Généraux _________________________________________________ 435
B. Articles spécialisés ou tirés des Mélanges _______________________________ 435
C. Articles Collectifs _________________________________________________ 437
V. Périodiques et Revues ________________________________________________ 438
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
478/480
VI. Conclusions _______________________________________________________ 453
VII. Études et rapports et colloques ________________________________________ 457
A. Études ___________________________________________________________ 457
B. Rapports et réponses ministérielles _____________________________________ 459
C. Colloques et Conférences ____________________________________________ 461
INDEX _____________________________________________________________ 463
TABLE DES MATIÈRES _____________________________________________ 469
BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015
479/480
Ecole Doctorale de Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion
Centre Maurice HAURIOU pour la Recherche en Droit Public
Université Paris Descartes
Faculté de Droit - CMH
10, avenue Pierre Larousse
92240 Malakoff
RESUME :
La présente thèse s’intéresse à la systématisation des menaces d’annulation des permis de
construire. Elle a pour objet d’analyser la réalité des recours abusifs devant le juge
administratif français. Le phénomène de multiplication des recours abusifs pose le problème
de l’instrumentalisation du juge par des requérants malveillants. Cette instrumentalisation
transforme le prétoire en une sorte de marché juridictionnel et se traduit en pratique par des
coûts contentieux et transactionnels de plus en plus lourds pour les bénéficiaires
d’autorisation d’urbanisme. Des instruments de régulation procédurale existent mais sont
apparus insuffisants jusqu’à la réforme du contentieux d’urbanisme de 2013. Cette réforme
apporte des solutions innovantes. L’optimisme pousse à croire que ces mesures seront
efficaces, mais un brin de pessimisme conduit à l’analyse d’autres solutions. Ainsi, le but de
cette thèse est, d’une part, d’analyser les écueils actuels qui ont conduit à l’insécurité des
bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme et, d’autre part, d’analyser la pertinence des
instruments juridiques régissant le droit de l’urbanisme avec un focus particulier sur les
apports de la réforme des procédures contentieuses en urbanisme de 2013.
Keys in order to secure legal certainty of construction authorizations
against the overuse of the right of individual recourse
ABSTRACT:
The present dissertation is interested in the systematization of the threats of construction
authorizations cancellation. This discussion examines the reality of overuses of the right of
individual recourse in order to examine issues which could enhance the legal certainty of
construction authorizations. The rapid growth of the overused recourses number leads to the
manipulation of the law and of the judge. This transforms the courtroom in an odd market
where the judge is the tool of a bad regulation. The result is significant. The reason for that is
very simple : litigation is quite expensive and amicable settlements too. However, regulatory
measures exist but they are not effective. The 2013 reform brought several innovative
changes. Optimism leads us to believe these changes will be effective. But a more
pessimistic viewpoint leads to highlight the other solutions. Hence, the purpose of this thesis
work is to analyze the obstacles and limits of the existing tool which have led to insecure
construction authorizations. Furthermore, it aims to analyze the relevance of existing legal
instruments in urban planning law.
DROIT PUBLIC
MOTS-CLES :
Permis de construire – Sécurisation – Recours abusifs – Juge administratif – Contrôle de
légalité – Contentieux d’urbanisme – Recours en excès de pouvoir.