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THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline : Droit public Présentée et soutenue publiquement Par Déborah BOUSSEMART 2015 _____ La sécurisation des permis de construire contre les recours abusifs _____ Directeur de thèse M. Michel DEGOFFE, Directeur du Centre Maurice Hauriou pour la Recherche en Droit Public _____ JURY M. Bernard POUJADE, Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V) M. Jean-David DREYFUS, Professeur à l’Université Paris Dauphine (Paris IX) M. Seydou TRAORÉ, Maître de conférences à l’Université de Reims École doctorale de sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion Centre Maurice Hauriou pour la recherche en droit public UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

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THÈSE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

Discipline : Droit public

Présentée et soutenue publiquement

Par

Déborah BOUSSEMART

2015

_____

La sécurisation des permis de construire contre les recours

abusifs _____

Directeur de thèse M. Michel DEGOFFE,

Directeur du Centre Maurice Hauriou pour la Recherche en Droit Public

_____

JURY

M. Bernard POUJADE, Professeur à l’Université Paris Descartes (Paris V) M. Jean-David DREYFUS, Professeur à l’Université Paris Dauphine (Paris IX) M. Seydou TRAORÉ, Maître de conférences à l’Université de Reims

École doctorale de sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion Centre Maurice Hauriou pour la recherche en droit public

UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES

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AVERTISSEMENT

L’Université Paris Descartes n’entend donner aucune approbation ni improbation aux

opinions émises dans cette thèse, ces opinions devant être considérées comme

propres à leur auteur.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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À mes parents, à ma sœur, à mon frère,

aux aïeux,

sans qui rien n’eût été possible.

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REMERCIEMENTS

Je remercie Monsieur DEGOFFE, mon directeur de thèse, pour ses conseils, ses

remarques éclairées et sa disponibilité tout au long de ce travail.

Je remercie également mes proches qui m’ont suivie et soutenue tout au long de cette

entreprise. Et je tiens à exprimer ma profonde gratitude à mes relecteurs.

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RESUME :

La présente thèse s’intéresse à la systématisation des menaces d’annulation des

permis de construire. Elle a pour objet d’analyser la réalité des recours abusifs devant

le juge administratif français. Le phénomène de multiplication des recours abusifs

pose le problème de l’instrumentalisation du juge par des requérants malveillants.

Cette instrumentalisation transforme le prétoire en une sorte de marché juridictionnel

et se traduit en pratique par des coûts contentieux et transactionnels de plus en plus

lourds pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Des instruments de

régulation procédurale existent mais sont apparus insuffisants jusqu’à la réforme du

contentieux d’urbanisme de 2013. Cette réforme apporte des solutions innovantes.

L’optimisme pousse à croire que ces mesures seront efficaces, mais un brin de

pessimisme conduit à l’analyse d’autres solutions. Ainsi, le but de cette thèse est,

d’une part, d’analyser les écueils actuels qui ont conduit à l’insécurité des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme et, d’autre part, d’analyser la pertinence des

instruments juridiques régissant le droit de l’urbanisme avec un focus particulier sur

les apports de la réforme des procédures contentieuses en urbanisme de 2013.

MOTS-CLES :

Permis de construire – Sécurisation – Recours abusifs – Juge administratif – Contrôle

de légalité – Contentieux d’urbanisme – Recours en excès de pouvoir.

ABSTRACT:

The present dissertation is interested in the systematization of the threats of

construction authorizations cancellation. This discussion examines the reality of

overuses of the right of individual recourse in order to examine issues which could

enhance the legal certainty of construction authorizations. The rapid growth of the

overused recourses number leads to the manipulation of the law and of the judge.

This transforms the courtroom in an odd market where the judge is the tool of a bad

regulation. The result is significant. The reason for that is very simple: litigation is

quite expensive and amicable settlements too. However, regulatory measures exist

but they are not effective. The 2013 reform brought several innovative changes.

Optimism leads us to believe these changes will be effective. But a more pessimistic

viewpoint leads to highlight the other solutions. Hence, the purpose of this thesis

work is to analyze the obstacles and limits of the existing tool which have led to

insecure construction authorizations. Furthermore, it aims to analyze the relevance of

existing legal instruments in urban planning law.

KEY WORDS:

Construction authorizations – Legal certainty – Overuse of recourses – Control of

legality – Dispute of town planning – Nullity.

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Ne cédez jamais.

Vive le procès !

Un vieux amour est sans attrait,

À soixante ans il est folie.

La table énerve le génie.

Mais vive, vive le procès !

La chicane, la plaidoirie

Ont toujours de nouveaux attraits ;

Hé vive, ô vive le procès :

S’il faut à l’homme une folie,

En est-il une plus jolie

Que d’avoir quelque bon procès !

Cela tient l’esprit en arrêt,

Son intérêt

Nous désennuie.

Vive la plaidoirie !

Ne cédez jamais.

Chante l’avocat, 17591

1 Réplique du personnage M. FAUSSET, l’avocat in SEDAINE (J.-M.), L’huître et les plaideurs, ou

le tribunal de la chicane. Opéra-comique en un acte, en prose, mêlé de morceaux de musique et

vaudeville, représentés sur le théâtre de la Foire Saint-Laurent en 1759 et 1761. Paris, Hérissant, 1761,

28 p., p. 33. Libre adaptation de la fable éponyme de Jean de La Fontaine, L’huître et les plaideurs

(1678).

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TABLE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET

ACRONYMES

TABLE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ABV.

Actualité juridique droit administratif AJDA (Revue)

Actualité juridique droit immobilier AJDI (Revue)

Actualité juridique fonctions publiques AJFP (Revue)

Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat ANAH

Annuaire français du droit de l’urbanisme et de l’habitat AFDUH.

Assemblée Ass.

Bulletin Bull.

Bulletin de jurisprudence de droit de l’urbanisme BJDU (Revue)

Bulletin juridique des collectivités locales BJCL (Revue)

Bulletin officiel du ministère de l’Urbanisme, du Logement, des

Transports et de l’Environnement BOMULTE

Chroniques Chron.

Code général des collectivités territoriales CGCT.

Coefficient d’occupation des sols COS

Conclusion concl.

Conseil d’État CE

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme CESDH

Dalloz D.

Déclaration des droits de l’homme et du citoyen DDHC

Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen DUDH

Droit au logement opposable DALO

Établissement public de coopération intercommunale EPCI

Études et documents du Conseil d’État EDCE

Fédération française du bâtiment FFB

Groupement de recherches sur les institutions et le droit de

l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat GRIDAUH

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Ibidem, au même endroit Ibid.

Institut national de la statistique Insee

Journal des tribunaux JT

Journal officiel de la République française JORF

Juris-classeur J.-Cl.

Les Petites Affiches LPA (Revue)

Not In My Back Yard : Pas dans mon arrière-cour NIMBY

Not In My Field Of Sight : Pas dans mon champ de vision NIMFOS

Opus citatum, œuvre déjà citée Op. cit.

Plafond légal de densité PLD

Plan local d’urbanisme PLU

Question prioritaire de constitutionnalité QPC

Recueil Rec.

Règlement national d’urbanisme RNU

Revue Administrative Rev. Adm. (Revue)

Revue Droit administratif RDA (Revue)

Revue de droit de l’immobilier RDI (Revue)

Revue du droit public et de la science politique en France et à

l’Étranger RDP (Revue)

Revue française de droit administratif RFDA (Revue)

Revue Responsabilité civile et assurance RCA (Revue)

Revue trimestrielle de droit civil RTD civ. (Revue)

Revue trimestrielle de droit européen RTD eur. (Revue)

Salon de l’immobilier d’entreprise SIMI

Section Sect.

Semaine juridique JCP (Revue)

Service de l’observation et des statistiques SOeS

Sous-sections réunies SSR

Traité instituant la Communauté européenne TCE

Union des constructeurs immobiliers UCI

Voir V.

Zone d’aménagement concerté ZAC

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SOMMAIRE

TITRE 1er : UN DROIT AFFAIBLI, IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ

DES PERMIS DE CONSTRUIRE _______________________________________ 31

CHAPITRE 1 : L’insécurité juridique, une réalité ________________________ 33

CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien, facteur d’insécurité _________________ 75

CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur d’insécurité ____________ 151

TITRE 2nd : UN DROIT POSITIF À ACTUALISER POUR ENDIGUER LES

RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES PERMIS DE CONSTRUIRE ___ 211

CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs __ 213

CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre __________________________________ 259

CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation _______________________ 345

CONCLUSION GÉNÉRALE __________________________________________ 413

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INTRODUCTION

L’époque la plus favorable pour la

répression d’un abus, c’est le jour où on le

découvre.

Jérémie BENTHAM2

Avec l’augmentation du nombre de mises en chantier impulsées par la politique de

renouvellement urbain tant en matière de logements qu’en matière de centres

d’affaires, les recours contre les permis de construire se multiplient rapidement. Cette

multiplication des contentieux administratifs est source d’insécurité pour le

bénéficiaire du permis de construire et ce d’autant plus que les permis de construire

sont presque systématiquement attaqués et de plus en plus souvent font l’objet de

recours abusifs c’est-à-dire des recours introduits par des requérants qui poursuivent

des fins illégitimes. Face au nombre de recours abusifs, le bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme voit ses coûts et ses délais de construction augmenter.

Les recours exercés par les tiers contre les permis de construire ne sont pas

critiquables par eux-mêmes puisque le droit au recours est un droit fondamental qui

protège des abus et des erreurs de l’Administration. Si nul n’a de droit acquis au

maintien d’une réglementation, chacun a droit a minima à l’application de la

2 BENTHAM (J.), Ouvrage Collectif de MM SAUNIER, DONDEY-DUPRE, CHARLES

COQUEREL, LANGRAND, SEDILLOT, Revue Britannique ou choix d’articles traduits des

meilleurs périodiques de la Grande-Bretagne, Paris, Édition DONDEY-DUPREY Père & Fils, 1827,

384 p., Sophisme du pouvoir, 13e sophisme, p. 268.

Jeremy BENTHAM (1748-1832), était un philosophe londonien, jurisconsulte et réformateur

britannique. Fervent théoricien de la philosophie du droit et précurseur du libéralisme, il est reconnu

comme l’un des pères fondateurs de l’utilitarisme, une théorie qui place l’utile ou à tout le moins ce

qui contribue au bonheur au centre de l’action (pas d’action sans utilité). Il prônait la liberté

individuelle, la liberté d’expression, la liberté économique, la séparation de l’Église et de l’État,

l’abolition des peines physiques dont la peine de mort, l’égalisation du droit au divorce, ou encore la

dépénalisation de l’homosexualité.

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réglementation en vigueur au moment des actes et opérations en cause3, ainsi que le

droit de faire valoir ses droits et de demander réparation d’un préjudice ou la

cessation d’un trouble qu’il subit du fait d’une autorisation administrative. Mais ces

recours sont critiquables dès lors qu’ils deviennent abusifs. Le caractère abusif des

recours contre les permis de construire est parfois aisément décelable lorsque le

requérant est un concurrent qui n’a pas remporté le marché. En revanche, il l’est

beaucoup moins lorsqu’il est exercé par des riverains ou des associations de riverains

qui s’organisent pour exercer une sorte de « racket » sur les bénéficiaires de

l’autorisation d’urbanisme surtout si ces bénéficiaires sont des professionnels de la

construction. Le racket, c’est l’extorsion d’argent par intimidation ou violence4. Or,

dans les cas des permis de construire, certains recours sont manifestement exercés en

vue d’extorquer des fonds aux bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme par une

violence économique certaine compte tenu des enjeux économiques et humains

attachés à un programme de construction.

La pratique et les interpellations des professionnels de la promotion et de la

construction déplorent l’inefficacité du Droit positif pour endiguer ce phénomène.

Les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme ne sont pas seuls à souffrir de ce

phénomène. En effet, dès lors que les projets sont paralysés par des recours

injustifiés, c’est non seulement toute l’économie de la construction qui est mise à

mal, mais également celle des communes qui ne peuvent plus respecter leurs

objectifs de logements et de centres d’affaires, comme celle des futurs acquéreurs,

particuliers ou entreprises, et celle de l’État lui-même dont la responsabilité peut être

engagée en cas d’insuffisance de stock de logements. Face à ce constat, une réaction

s’impose. Mais comment, par quels moyens endiguer les recours abusifs et ainsi

sécuriser les permis de construire dans le respect des droits des tiers ?

Diagnostiquer une systématisation des menaces d’annulation des permis de

construire pour en chercher les remèdes suppose de souligner, dans cette

introduction, quelques chiffres (A.) et les enjeux posés par une telle systématisation

(B.) avant de déployer les grandes lignes de recherches et d’analyse de la présente

thèse (C.).

3 PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F. LACHAUME,

Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 807. 4 Définition du dictionnaire de la langue française éditée par la maison Larousse (ci-après Larousse).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A. Le contexte en chiffre

Ponctuellement, la presse locale publie des articles sur l’augmentation des recours

abusifs voir mafieux exercés à l’encontre des permis de construire. À Marseille, par

exemple, la presse dénonce que 80 % des permis de construire accordés sont

attaqués5. En revanche, ce sont près de 100 % des permis de construire portant sur

des projets de grande ampleur ou sociaux qui sont attaqués. Elisabeth BORNE,

directrice de l’Urbanisme de la Ville de Paris déclare, ainsi, fin 2012 à la conférence

Cycle Marchés de l’immobilier du SIMI 2012 que « moins de 10 % des permis de

construire sont attaqués, mais tous les permis comportant d’importantes

infrastructures ou du logement social sont attaqués ». À cette même conférence, le

représentant de SEFRI-CIME, Claude CAGOL, déclare qu’« au cours de l’année

2012, 650 recours ont été déposés contre trois cents opérations immobilières dont

vingt-cinq mille logements sont concernés, soit un tiers de la production actuelle de

logements en France ».

L’Institut national de la statistique (Insee) et le Service de l’Observation et des

Statistique (SOeS) met en ligne des données issues de la base Sit@del. Ces données

proviennent des formulaires de permis de construire. Ces informations de nature

statistique contenues dans ces formulaires et nécessaires à l’élaboration des séries

publiées sont transmises aux services statistiques centraux et régionaux du ministère

de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

L’ensemble des mouvements relatifs à la vie du permis qu’il s’agisse du dépôt, de

l’autorisation, des modificatifs, de la mise en chantier, ou encore de l’achèvement

des travaux, est exploité par cette base de données accessible depuis le site de l’Insee

Il ressort que pour l’ensemble des logements (individuels purs, individuels groupés,

collectifs et résidences) à l’échelle de toute la France (métropole et hors métropole)

le nombre de permis délivrés – exception faite de l’année 2007 – n’a cessé de croître.

5 EMERY (P.) LA DEPECHE.FR, Actualités, Urbanisme, Permis de construire, les recours explosent,

9 juin 2012 ; pour une autre illustration voir La Provence Édition Marseille, L’Immobilier, 70 % des

permis de construire sont attaqués, 7 févr. 2011, ou encore DEQUEANT (J.) LE MONITEUR.FR,

Actualité, Urbanisme : la guerre aux recours abusifs est déclarée, 17 juill. 2013, ou encore,

L’immobilier a ses maîtres chanteurs. À Marseille 70 % des permis de construire sont contestés en

justice. Démarche qui cache souvent des pratiques crapuleuses, La Provence, 23 oct. 2012 ; ou bien

encore La voix du nord, Economie, 2013 A.F.P., Construction de logements : haro sur les recours

abusifs, 17 juill. 2013.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Le nombre de permis annulés suit également une tendance haussière.

Malheureusement, il n’existe pas de statistique relative au nombre de recours

contentieux déposés à l’encontre d’un permis de construire, tronquant partiellement

l’analyse. Néanmoins, il apparaît intéressant de donner un ordre d’idées du nombre

statistique de permis délivrés (1.) et du nombre statistique de permis annulés (2.).

1) Nombre de permis délivrés pour l’ensemble des

logements sur la France

ANNÉE TOTAL

2002 383 206

2003 405 974

2004 492 805

2005 547 477

2006 592 891

2007 48 337

2008 483 379

2009 393 937

2010 453 542

2011 534 804

2012 495 496

2013 301 700

-

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

200220032004200520062007200820092010201120122013

Nombre de permis (PC et PA) délivrés

Nombre depermisdélivrés

Est ici pris en compte l’ensemble des permis délivrés c’est-à-dire les permis de construire et les

permis d’aménager. Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le

SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de l’auteur.

À ces données, il faut également ajouter un focus spécifique sur le nombre de permis

de construire délivrés chaque année pour la France entière par opposition à la somme

des permis délivrés (tous types confondus) présentée dans le premier graphique ci-

dessus.

ANNÉE TOTAL

2002 387 862

2003 399 201

2004 423 808

2005 438 998

2006 443 494

2007 429 876

2008 383 487

2009 330 804

2010 376 909

2011 379 537

2012 328 946

2013 294 446

200 000

250 000

300 000

350 000

400 000

450 000

500 000

Nombre de PC délivrés

Nombre dePCdélivrés

Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS. Mais le

graphique est l’œuvre de l’auteur.

Page 21: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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La confrontation de ces données montre que le nombre des permis de construire

délivrés chaque année tend à baisser. Ce constat contredit une « vérité

journalistique » selon laquelle il y aurait de plus en plus de permis de construire donc

de plus en plus de recours donc de plus en plus d’annulations. En réalité, les chiffres

recensés par le SOes indiquent clairement que la tendance générale du nombre de

permis délivrés est à la baisse.

2) Augmentation du nombre de permis6 annulés pour

l’ensemble des logements

ANNÉE TOTAL Nombre de permis annulés

2002 34 109

2003 31 017

2004 30 975

2005 32 246

2006 34 407

2007 39 383

2008 57 646

2009 67 223

2010 53 344

2011 69 232

2012 61 894

2013 51 713

2014* 27 327

* jusque juillet 2014

25 000

35 000

45 000

55 000

65 000

Nombre de permis annulés

Nombredepermisannulés

25 000

30 000

35 000

40 000

45 000

50 000

55 000

60 000

65 000

70 000

Nombre de permis autorisés annulés

Nombrede permisautorisésannulés

Sont ici pris en compte tous les permis de construire et les permis d’aménager. Les chiffres retenus

sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de

l’auteur.

Parallèlement, le nombre de permis annulés – il s’agit ici de tous les types de permis

confondus – a une tendance générale haussière. Là encore, la « vérité journalistique »

qui veut qu’il y ait de plus en plus d’annulations parce que de plus en plus de permis

délivrés est démentie. La conclusion est, au contraire qu’il y a de moins en moins de

permis de construire délivrés mais de plus en plus d’annulations des permis délivrés

même si les volumes sont différents.

6 Sont ici pris en compte tous les permis de construire et les permis d’aménager. Les chiffres retenus

sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le SOeS.

Page 22: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Cependant, il n’existe pas de statistique recensant le nombre de recours contentieux

introduits par les tiers. Et cela est évidemment frustrant. Les statistiques

juridictionnelles ne sont quant à elles pas assez précises en la matière. En effet, si les

statistiques juridictionnelles révèlent une augmentation des recours, elles ne la

chiffrent pas précisément. Le Conseil d’État dans sa plaquette « La justice

administrative en bref » du 22 avril 2013 indique que le contentieux administratif est

en forte croissance. Depuis le début des années 2000, le contentieux administratif

progresse chaque année en moyenne de 6,5 % pour les tribunaux administratifs, et de

10 % pour les cours administratives d’appel. En dix ans, le nombre d’affaires portées

devant le juge administratif a augmenté de 96 % devant les tribunaux administratifs

et de 164 % devant les cours administratives d’appel. Et les recours pendants devant

les juridictions concernent environ vingt-cinq mille à trente mille logements7. Le

Conseil d’État observe que cette évolution est en partie due à la montée en puissance

du droit de l’urbanisme. Hélas, ces données manquent de précision pour être

parfaitement exploitables. En dépit de ce manque de données chiffrées sur le nombre

de contentieux relatifs aux permis de construire, il est de bonne logique de dire que

tous les recours n’aboutissent pas systématiquement à une annulation, et qu’en

conséquence, le nombre de recours contentieux portés à la connaissance du juge est

supérieur au nombre de permis annulés. Cela étant, au-delà de cette déduction

logique, il n’en demeure pas moins que nous ne connaissons pas avec précision le

nombre de recours contentieux exercés à l’encontre des permis de construire et a

fortiori le nombre de ces recours qui peuvent être qualifiés d’abusifs. Le groupe de

travail missionné par le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, alors

incarné par Cécile DUFLOT et présidé par le président LABETOULLE a

expressément déploré la « quasi-disparition de l’appareil statistique qui a existé dans

le passé et qui, offrant des données fiables sur les décisions administratives prises en

application du Code de l’urbanisme et sur les recours auxquels elles donnaient lieu,

permettaient (sic) d’établir des diagnostics mieux étayés8. »

Est-ce à dire que le postulat de multiplication des recours abusifs ne repose sur rien ?

Non, bien entendu, non, car les professionnels de la promotion recensent en interne

les recours exercés par des tiers sur leurs permis, et ils font des statistiques et

7 Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au

contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des

contentieux. 8 Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile DUFLOT,

Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au recours : pour un

meilleur équilibre, p. 33, consultable sur www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf.

Page 23: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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identifient la masse que représentent les recours abusifs exercés contre leurs permis

de construire. Ils identifient d’autant plus cette masse qu’elle a un coût financier

certain. Si ces chiffres restent confidentiels pour des raisons économiques évidentes,

les professionnels de la construction communiquent entre eux et font remonter

l’information aux pouvoirs législatif et exécutif. À titre d’illustration, soulignons que

la Fédération Française du Bâtiment s’en est fait l’écho à travers divers

communiqués de presse9.

Le Gouvernement a pris conscience de ce phénomène de multiplication des recours

abusifs exercés à l’encontre des permis de construire. Le contentieux de l’urbanisme

est désormais connu comme un contentieux « abondant, sophistiqué et efficace10

».

Au cours de l’été 2012, le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement

indique de manière informelle, sans donner de chiffres précis, qu’une « grande partie

des permis de construire sont attaqués, parfois dans une logique quasiment mafieuse

pour avoir de l’argent. On doit y mettre fin et raccourcir les délais, les diviser par

deux. On va modifier le traitement administratif et sanctionner plus durement les

recours abusifs11

». Plus officiellement, le Ministre annonce, à Deauville au 42e

congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers, vouloir réformer l’urbanisme

et travailler précisément sur l’identification des recours abusifs contre les permis de

construire. Le 14 mai 2013, le site officiel du ministère de l’Égalité des territoires et

du Logement publie dans ces actualités un article intitulé « Simplification des

normes et procédures administratives dans le secteur du logement ». Le 2 mai 2013,

le Ministre présente, en Conseil des Ministres, un projet de loi habilitant le

Gouvernement à légiférer par ordonnances. Le but est de faciliter la réalisation

d’opérations de construction de logements considérés d’intérêt général et d’apporter

un certain nombre de remèdes en matière de contentieux juridiques et de lutter contre

les recours abusifs. Puis, par la loi promulguée le 1er

juillet 2013, le Gouvernement

est habilité à prendre par voie d’ordonnances des mesures législatives pour faciliter

la réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements.

Le 17 juillet 2013, le Ministre présente une ordonnance qui vise à lutter efficacement

contre les recours manifestement malveillants et à réduire les délais de traitement des

9 Voir le communiqué de presse du 3 mai 2013 « Accélération des projets de construction : La FFB

salue un texte pragmatique » ; voir également La Lettre du 10 : Editorial du 5 juillet 2012 de Michel

SENECHAL, Président de la FFB Grand Paris « Interdire les recours abusifs contre les projets de

construction ». 10

TRAORE (S.), Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison, juill. 2012,

296 p., p. 238, no 510.

11 Intervention au micro de la Radio RMC le 22 mars 2013.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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litiges dans le domaine de l’urbanisme. Cette ordonnance no 2013-638 relative au

contentieux de l’urbanisme est adoptée le 18 juillet 201312

. Elle entre en vigueur un

mois après sa publication et comprend plusieurs dispositions applicables aux

procédures contentieuses en cours. L’analyse de cette ordonnance, en deuxième

partie de thèse, montre que la réforme s’inspire largement des propositions du

rapport LABETOULLE qui sont des propositions de qualité. Cependant, la réforme

s’éloigne parfois des propositions formulées, et perd ainsi parfois sinon en qualité au

moins en clarté et donc en sécurité juridique. En effet l’imprécision de certaines

dispositions rend la réforme « contentiogène ». La réforme n’a malheureusement pas

mis en place un outil statistique de mesure des contentieux. Ceci rend le calcul de

son efficacité difficile. Par ailleurs, l’avenir seul dira si cette réforme ambitieuse qui

se veut innovante endiguera effectivement les recours abusifs et sécurisera les permis

de construire.

B. Les enjeux en cause

Sécuriser les permis de construire contre les recours abusifs vise deux principaux

enjeux. Le premier enjeu consiste à endiguer l’apparition d’un marché

juridictionnalisé et toxique aboutissant à l’instrumentalisation de la justice comme

moyen de pression économique sur le bénéficiaire de l’autorisation contestée (1.). Le

second enjeu est de permettre l’avancement des travaux de construction pour

remédier notamment à la crise du logement (2.).

1) Endiguer un marché juridictionnel

En urbanisme, l’arrêté délivrant le permis de construire donne à son titulaire le droit

de construire. Mais cette autorisation administrative d’urbanisme est susceptible

d’être l’objet d’un recours en annulation. Ce droit au recours en demande

d’annulation de l’autorisation d’urbanisme se traduit lorsqu’il est abusif par un

véritable pouvoir de nuisance pour le bénéficiaire de l’autorisation, compte tenu des

12 Ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n

o 0166

du 19 juillet 2013 p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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enjeux humains, administratifs et financiers inhérents aux programmes de

construction. Un tel pouvoir de nuisance, de mieux en mieux organisé, fait émerger

un marché.

Économiquement, le marché s’entend classiquement du lieu, théorique ou non, où se

rencontrent l’offre et la demande de biens ou de capitaux. C’est un lieu d’échange

qui se caractérise, entre autres choses, par la fixation d’un prix et par la présence

d’une autorité de contrôle et de régulation des abus. La multiplication des recours

abusifs diligentés contre les permis de construire coïncide avec cette définition. En

effet, en matière de permis de construire et plus précisément de recours contentieux

contre les permis de construire, il y a d’un côté des tiers qui attaquent ces permis

dans le but d’imposer leurs conditions à la construction. D’un autre côté, il y a les

titulaires du permis de construire qui demandent à construire aux conditions du

permis déposé et obtenu. Or, à partir du moment où des tiers saisissent un juge pour

imposer leurs conditions à la construction, la justice est d’une certaine manière

instrumentalisée. Et le juge administratif saisi fait figure d’arbitre. Tandis que le

tribunal fait, quant à lui, figure de marché où s’égrainent des recours malveillants car

le droit positif ne permet pas de filtrer ces recours.

En pratique, et par opposition au tiers de bonne foi, le tiers qui exerce un recours

abusif ne poursuit pas un intérêt légitime. Il n’est pas, réellement, en mesure de se

prévaloir d’un réel préjudice. Il cherche, en réalité, à monnayer la renonciation à sa

demande d’annulation de l’autorisation de construire, soit par dédommagement, soit

par aménagement du projet autorisé. Ce marchandage où le juge fait office d’autorité

de régulation, comme sur un marché lambda, conduit à la naissance d’un marché

juridictionnalisé néfaste pour l’économie de la construction et pour l’équité. En

outre, l’instrumentalisation du recours contre le permis de construire conduit à une

financiarisation du droit au recours et conduit à la naissance d’un cours du préjudice

allégué sous le contrôle – trop faible ou impuissant – d’un juge administratif démuni

des outils de régulation des abus.

Par voie de conséquence, ce sont les prix de la construction et donc les acquéreurs et

les utilisateurs qui supportent les conséquences négatives du coût et des délais de ces

contentieux. Ce qui n’est pas, non plus sans avoir des conséquences, en matière

d’emploi, compte tenu des coûts et des risques d’abandon des projets litigieux. Un tel

marchandage judiciaire débouche en pratique sur des transactions coûteuses pour le

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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bénéficiaire de l’autorisation de construire. Et cela n’est pas acceptable au regard des

exigences de bonne justice. Il n’est pas davantage acceptable pour l’économie que ce

pouvoir de nuisance ralentisse les programmes de construction et compromette, dans

certains cas, purement et simplement certains programmes. Et cela pose évidemment,

aussi, un problème en matière d’objectifs de constructions de nouveaux logements,

sociaux ou non, et de centres d’affaires, notamment sur les marchés tendus13

.

Endiguer le phénomène des recours abusifs avec instrumentalisation du juge

administratif est donc l’un des deux principaux enjeux dans la sécurisation des

permis de construire. À cet enjeu, s’ajoute celui de la création de bâti et notamment

de logements.

2) Remédier à la crise du logement

L’État traverse une ère de volonté de densifier le bâti des territoires. Or, lorsque la

construction est paralysée par des recours injustifiés, l’État s’en trouve doublement

touché.

D’une part, en application de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au

logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale dite

loi DALO, la responsabilité pour faute de l’État peut être engagée. Dès lors que les

communes n’assurent pas la mise à disposition de nouveaux logements comme le

prévoient les différents programmes pour l’habitat, l’État manque à son obligation de

satisfaire aux demandes de logement. Or, cette obligation est une obligation de

résultat qui, en cas de carence de l’État, peut entraîner la mise en jeu de sa

responsabilité pour faute14

.

D’autre part, l’État réalise un manque à gagner lorsqu’in fine c’est toute une

économie qui se trouve mise à mal par la multiplication des recours abusifs.

13 Les marchés tendus sont des zones de tensions locatives où la demande a augmenté plus que l’offre

de logement. Cette croissance s’explique par un dynamisme démographique et économique, ou par un

attrait touristique ou encore par des effets de reports géographiques par rapport à d’autres zones

encore plus tendues. Il s’agit essentiellement de la région parisienne et de l’Île-de-France et de la

région PACA (Provences-Alpes Côtes d’Azur). 14

V. sur ce point la Synthèse le DALO de BROUANT (Ph.) et JEGOUZO (Y.), article collectif, sous

la direction du Groupement de recherches sur les institutions et le droit de l’aménagement, de

l’urbanisme et de l’habitat (GRIDAUH), Mission de recherche droit et Justice, 2011, 10 p., sept. 2011.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Rappelons que le principal problème pour le pétitionnaire lorsqu’il y a un recours

contre le permis de construire, c’est l’impossibilité de commercialiser les lots. C’est

aussi pour une entreprise qui commande la construction d’une nouvelle infrastructure

d’activité, l’impossibilité de commencer cette activité, l’impossibilité d’acheter le

matériel nécessaire tout comme l’impossibilité de recruter plus pour se développer

comme elle l’envisageait. C’est enfin l’impossibilité pour l’État de tenir son

engagement de construire cinq cent mille logements par an, dont cent cinquante mille

logements sociaux. Or, l’enjeu est considérable.

Par exemple, à l’échelle de Marseille, cinq mille logements seraient concernés

chaque année par des recours abusifs, avec dix mille recours abusifs en cours

recensés par le Gouvernement, alors que la production annuelle pour l’ensemble du

département des Bouches-du-Rhône est en moyenne de six mille logements15

.

Les enjeux sont tels que le Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, alors

incarné par Cécile DUFLOT, présente le 26 juin 2013 son projet de loi pour l’accès

au logement et un urbanisme rénové16

dit projet de loi ALUR que l’un des volets de

la loi doit répondre à la crise du logement en construisant plus et mieux en préservant

les espaces naturels et agricoles. Pour ce faire, l’accent est mis sur la densification

des zones urbaines et surtout sur ce qui intéresse la présente thèse, l’accent est aussi

mis sur la régulation et la limitation des recours abusifs qui paralysent l’avancement

des travaux17

.

Le projet de loi est adopté en 2014 et devient la loi no 2014-366 du 24 mars 2014

pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Ces dispositions ont été

abondamment commentées en leur temps18

. Sur le sujet de la régulation des

15 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux. 16

Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, NOR : ETLX1313501L/Bleue-1,

25 juin 2013. 17

V. Sect. 5, Chap. IV, Titre IV, Projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové,

p. 160. 18

Loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové JORF n

o 0072

du 26 mars 2014, p. 5809, texte no 1, NOR : ETLX1313501L.

Cette loi a été abondamment commentée :

Cf. Dossier AJDA intitulé ALUR : une grande loi ou simplement une loi volumineuse ?, AJDA,

no 19/2014, 2014, contenant les contributions de JEGOUZO (Y.), La loi ALUR du 24 mars 2014 : vue

panoramique et tableau impressionniste, p. 1071 ; ZITOUNI (F.), La loi ALUR et les politiques

locales de l’habitat, p. 1076 ; SOLER-COUTEAUX (P.) et LAVIELLE (N.), Le logement social,

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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contentieux, la loi est décevante. Elle n’apporte pas de précision ni de solution

nouvelle pour endiguer le phénomène des recours abusifs. Seul l’article 172 du

Chapitre VI « Dispositions diverses » de la Section 7 consacrée à l’aménagement

opérationnel, du Titre IV intitulé « Moderniser les documents de planification et

toujours en quête de l’efficacité, p. 1082 ; LEBRETON (J.-P.), La planification urbaine dans la loi

ALUR, p. 1088 ; NOGUELLOU (R.), La loi ALUR et l’offre foncière, p. 1096 ; ROUQUET (Y.) et

GRAND (R.), Parution de la loi ALUR : ce qui change, D. actu., 27 mars 2014 Dossier dans la

revue A.J. Collectivités Territoriales, AJCT, 2014, 23 juill. 2014, avec les contributions de

STREBLER (J.-Ph.), Focus : La loi ALUR et le contenu des PLU, p. 360 ; PEYNET (Ph.), ALUR et

le droit de préemption, une occasion ratée ? p. 346 ; TRAORE (S.), Le plan local d’urbanisme

intercommunal et la loi ALUR, p. 350 ; STREBLER (J.-Ph.), La loi ALUR et les schémas de

cohérence territoriale, p. 355 Dossier AJDI, 2014, 28 mai 2014, avec les contributions de LA

VAISSIERE (F.), Loi ALUR : la censure du Conseil constitutionnel relative aux « personnes à

charge » est incomplète ! p. 325 ; WERTENSCHLAG (B.), Loi ALUR et logement social, p. 351 ;

DAMAS (N.), La loi ALUR et les baux d’habitation, p. 334 ; WERTENSCHLAG (B.) et GEIB (T.),

Le volet « environnement » de la loi ALUR, p. 372 ; LA VAISSIERE (de) (F.), La loi ALUR et les

expulsions locatives, p. 349 ; THIOYE (M.), Le renforcement de la formation, de la déontologie et du

contrôle des professions de l’immobilier, p. 362 Hors dossier, MALLET (E.), La loi ALUR est

publiée au Journal officiel, JCP N., Semaine Juridique (édition notariale et immobilière), 28 mars

2014, no 13, p. 5 à 8, actualité 434 ; DURAND-PASQUIER (G.), Un renforcement sensible de

l’encadrement de la vente d’immeuble, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 21 à 28, Com. Immobilier 1155 ;

DAUDRE (G.) et WALLUT (P.), Aperçu critique sur les dispositions de la loi ALUR relatives au

contrôle de l’usage d’habitation, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 33 à 38, Com. Immobilier 1157 ;

SALVADOR (O.), La loi ALUR : des avancées significatives en matière de sites et sols pollués, ibid.,

11 avr. 2014, no 15 p. 39 à 43, com. immobilier 1158 ; DUTRIEUX (D.), Loi ALUR, urbanisme et

pratique notariale, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 51 à 66, tableau (p. 66) et com. immobilier 1160 ;

LAFOND (J.), Loi ALUR : l’impact sur la rédaction des baux régis par la loi du 6 juin 1989, ibid., 11

avr. 2014, no 15, p. 67 à 81, Com. Immobilier 1161 ; LAFOND (J.), Baux d’habitation : se préparer à

la loi ALUR, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 81 à 86, tableau (p. 82 à 86) et com. immobilier 1162 ;

PUYGAUTHIER (J.-L.), La loi ALUR et la location meublée, ibid., 11 avr. 2014, no 15, p. 87 à 95,

com. immobilier 1163 ; DUTRIEUX (D.), Loi ALUR, urbanisme et pratique notariale, ibid., 11 avr.

2014, no 15, p. 51 à 66, tableau (p. 66), com. immobilier 1160 ; Article collectif, Retour sur la loi

ALUR : dispositions fiscales, ibid., 23 mai 2014, no 21, p. 5, Actualités 625 BECQUE-ICKOWICZ

(S.), Les ventes immobilières après la loi ALUR, Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 543, rub.

Copropriété, réf. DEF116c2 ; CAPOULADE (P.), La copropriété dans la loi ALUR, Defrénois,

30 mai 2014, no 10, p. 550, rub. Copropriété, réf. DEF116d9 ; DE LA VAISSIERE (F.), Les

nouveautés du volet locatif de la loi ALUR, quelles conséquences pratiques pour les rédacteurs de

baux d’habitation ou mixtes et meublés en résidence principale ? Defrénois, 30 mai 2014, no 10,

p. 559, rub. Baux d’habitation et à usage mixte, réf. DEF116e2 ; MENG (J.-Ph.), La purge des droits

de préemption d’urbanisme après la loi ALUR du 24 mars 2014, Defrénois, 30 mai 2014, no 10,

p. 570, rub. Urbanisme, réf. DEF116e6 ; DAUDRE (G.) et MENG (J.-Ph.), Loi ALUR et urbanisme,

Protéger, densifier et aménager, Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 582, rub. Commerce, réf.

DEF116e8 MALLET (E.), La loi ALUR, no 2014-366 du 24 mars 2014, JCP E., Semaine Juridique

(édition entreprise), 3 avr. 2014, no 14, p. 12, Aff. 247 FRESNEAU (J-A), Nouvelle réforme de

l’urbanisme commercial, Premier volet : la loi ALUR, Gazette du Palais, 20 mai 2014, no 140, p. 4,

réf. Gazette 178z8 ; ZALEWSKI-SICARD (V.), Les baux d’habitation dans la loi ALUR, davantage

de protections pour les locataires et de contraintes pour les bailleurs, Gazette du Palais, 20 mai 2014,

no 140, p. 9, réf. Gazette 178x4.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’urbanisme » se borne à ratifier l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme, sans plus de précision.

Par ailleurs, l’enjeu économique est important également en matière d’emplois. En

effet, près de quinze mille emplois seraient concernés19

.

C. Problématique et annonce du plan

La systématisation des menaces d’annulation des permis de construire ralentit la

construction des logements sociaux, privés et de nouveaux centres d’affaires. Ce

faisant, elle aboutit à la naissance d’un marché juridictionnalisé et toxique dont il

faut identifier les limites et les remèdes. La question peut donc être formulée de la

manière suivante. Quelle est la réalité du phénomène de multiplication des recours

abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme ? Quel en est l’effet sur la

sécurité juridique des bénéficiaires de ces autorisations attaquées ? Quels en sont les

remèdes et quelles sont les limites de ces remèdes ? C’est à cette problématique que

la présente thèse répond.

L’importance croissante des recours abusifs contre les permis de construire oblige,

d’une part, à constater l’inefficacité du droit positif à résoudre le dilemme qui oppose

le respect du droit au recours des tiers à l’exigence de sécurité juridique du titulaire

du permis de construire (Titre 1er

). D’autre part, elle impose l’identification de

solutions permettant de sécuriser les permis de construire contre les recours abusifs

tout en respectant le droit au recours. Ces solutions existent déjà partiellement soit en

droit interne, soit en droit communautaire ou en droit étranger, tandis que d’autres

sont à créer (Titre 2nd

).

Ce plan a été retenu pour les raisons suivantes.

S’agissant du premier axe de réflexion, nous avons constaté, au cours de nos

recherches, qu’il y a, d’une part, des faiblesses structurelles propres au droit de

19 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’urbanisme qui sont en partie à l’origine du phénomène de multiplication des

recours abusifs et que, d’autre part, il y a en parallèle un besoin d’une meilleure

sécurité juridique pour endiguer le phénomène de multiplication des recours

malveillants. Nous nous sommes donc attaché, dans le premier temps de la présente

thèse, à vérifier et à analyser la réalité du phénomène de multiplication des recours

malveillants ainsi qu’à rechercher les causes de ce phénomène. Cette analyse met en

évidence un droit de l’urbanisme impropre à assurer la sécurité juridique du

pétitionnaire tandis qu’une meilleure sécurité juridique apparaît nécessaire dans les

rapports entre les tiers et le pétitionnaire. C’est pourquoi nous avons fait le choix

d’intituler notre première partie « un Droit affaibli, impropre à garantir la sécurité

des permis de construire ». Ce premier axe intègre la présentation du cadre juridique

mis en place par la réforme des contentieux de l’urbanisme opérée en 2013.

Toutefois, pour des raisons de cohérence avec notre raisonnement, il n’est pas fait un

commentaire détaillé de la réforme de 2013 dans le premier axe. Ce commentaire est

fait dans l’axe second de nos développements, consacrés à l’actualisation du droit

positif et à l’identification des moyens d’amélioration du droit de l’urbanisme en la

matière.

S’agissant du second axe, après avoir fait le diagnostic de la situation problématique

posée par le phénomène de multiplication des recours abusifs, il s’est imposé comme

une évidence d’analyser les solutions envisageables pour améliorer la sécurité

juridique dans les rapports entre les tiers et le pétitionnaire et pour endiguer in fine le

phénomène de multiplication des recours malveillants. En effet, en droit comme en

médecine, si le diagnostic est un temps important de l’analyse d’une situation

problématique, la thérapeutique l’est tout autant. Ainsi, la seconde partie de notre

réflexion est consacrée à l’analyse de la thérapeutique juridique qui peut être retenue

pour répondre à la problématique. C’est pourquoi nous avons fait le choix d’intituler

notre seconde partie « un droit positif à actualiser pour endiguer les recours abusifs et

sécuriser les permis de construire ».

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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TITRE 1er

: UN DROIT AFFAIBLI,

IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ

DES PERMIS DE CONSTRUIRE

Face à la multiplication des recours abusifs contre les permis de construire, le droit

positif est inefficace. Le phénomène de multiplication des recours abusifs est le fait

de requérants qui opèrent des détournements de procédure à de viles fins. Affaibli et

impuissant le droit positif ne saurait être satisfaisant (Chapitre 1). La faiblesse du

droit positif est intrinsèque et difficile à résoudre. En effet, le droit au recours et

l’exigence de sécurité juridique de l’autorisation d’urbanisme sont, ici, antinomiques.

Concrètement, ils posent un dilemme que le droit positif échoue à résoudre

engendrant l’insécurité juridique pour les bénéficiaires du permis de construire

(Chapitre 2). Ce constat n’est pas nouveau. C’est pourquoi des réformes ont été

proposées et certaines adoptées. Mais même les plus pertinentes sont demeurées

timides et ont échoué à résoudre ce dilemme (Chapitre 3).

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CHAPITRE 1 :

L’insécurité juridique, une réalité

Le permis de construire est un acte administratif particulier. En matière d’urbanisme,

les servitudes d’urbanisme étant tellement variables et complexes, le principe nemo

censetur ignorare legem20

ne s’applique pas. Ce qui est une exception au système

libéral où tout ce qui n’est pas interdit est permis. En matière d’urbanisme, il faut

donc faire une demande d’autorisation de construire. Ainsi, pour les constructions

nouvelles d’une certaine envergure ou pour les réhabilitations lourdes de

constructions existantes telles que visées par le Code de l’urbanisme, le pétitionnaire

dépose un dossier à l’administration en vue d’obtenir une autorisation d’urbanisme,

qui est ici au cas particulier, un permis de construire. Exerçant un contrôle préventif

sur le respect des règles d’utilisation du sol par le projet du pétitionnaire,

l’administration étudie la demande et délivre ou non l’autorisation d’urbanisme

demandée.

Ainsi, le permis de construire est une autorisation d’urbanisme qui confère le droit de

construire son projet au pétitionnaire dans les conditions de l’autorisation délivrée

par l’administration. Il ne s’agit, bien entendu, pas d’un droit absolu soustrait au

recours des tiers. Simple procédé de police administrative, le permis de construire

n’est qu’une autorisation de faire, dès lors il ne saurait porter atteinte aux droits des

tiers. Tout tiers qui en subirait un préjudice est donc en droit de demander

l’annulation du permis dès lors qu’il y a intérêt. Pour ce faire, le droit lui offre

plusieurs voies d’action pour critiquer l’autorisation litigieuse (Section 1). Le recours

pour excès de pouvoir mérite une attention particulière. Il obéit à un régime strict qui

soumet le requérant à des conditions restrictives. Néanmoins, ce régime juridique

permet l’émergence d’abus dans l’exercice des recours pour excès de pouvoir visant

à obtenir l’annulation de l’autorisation d’urbanisme. En effet, la rentabilité

potentielle et sous-jacente à l’exercice d’un tel recours suscite depuis quelques

années un empressement et une opiniâtreté de tiers malveillants dans l’exercice des

recours contentieux devant le juge administratif pour demander l’annulation du

20 Nul n’est censé ignorer la loi.

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permis de construire. Dans la plupart des recours abusifs, rappelons qu’obtenir

l’annulation du permis de construire n’est pas le but recherché. Le but véritable est

d’obtenir des avantages en nature. Ces avantages consistent à obtenir un lot à

moindre coût dans le projet critiqué, ou une modification dudit projet ou encore un

dédommagement pécuniaire substantiel. Ces avantages ont comme vecteur commun

un moyen de pression légal et efficace à savoir la requête en annulation. En effet,

cette dernière est susceptible de conduire à l’annulation du permis de construire

(Section 2).

SECTION 1 : Une autorisation administrative fragile

Le permis de construire est d’abord une autorisation d’urbanisme et plus précisément

une autorisation administrative. Comme toute autorisation administrative, le permis

de construire qui est délivré à l’issue d’une procédure réglementée permet à

l’administration de s’assurer du respect, par le projet de construction envisagé, des

règles d’urbanisme et des servitudes d’utilité publique. La procédure préalable à la

délivrance de cette autorisation obéit à des règles rigoureuses et permet le contrôle de

la légalité. Ce contrôle est renforcé par l’application de la règle la plus sévère. Pour

autant, cette autorisation ne bénéficie pas d’une présomption irréfragable de légalité.

En effet, toute personne ayant intérêt à agir peut contester la légalité de cette

autorisation. Si cette possibilité est un gage de sécurité juridique pour les

administrés, elle aussi la cause de la fragilisation des autorisations d’urbanisme. Et

lorsque le tiers requérant est un requérant acharné ou malveillant, le contrôle de

légalité ouvert aux tiers n’est plus un gage de sécurité juridique mais ouvre la voie

d’une insécurité juridique déraisonnable pour les bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme.

Il convient donc de présenter cette autorisation administrative particulière (I.) et

d’analyser dans quelles mesures les tiers peuvent fragiliser cette autorisation (II.)

I. Une autorisation administrative

Le permis de construire est nécessaire pour un certain nombre de constructions

neuves ou pour entreprendre des travaux de grande ampleur (A.). C’est un acte

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administratif individuel qui permet à l’administration de vérifier la conformité d’un

projet de construction aux règles d’urbanisme en vigueur (B.).

A. Objet de l’autorisation

Régi par les articles R.* 421-14 du Code de l’urbanisme et suivants, le permis de

construire se distingue du permis d’aménager, régi quant à lui par les articles

R.* 421-19 et suivants du même code.

À la différence du permis d’aménager qui autorise un aménagement, le permis de

construire autorise une construction neuve ou l’entreprise de travaux lourds définis

par la loi. Pour des raisons de lisibilité, la présente thèse se concentre sur le cas

particulier du permis de construire et ne porte pas sur le permis d’aménager et ses

spécificités. Nous nous bornerons seulement à rappeler que le permis d’aménager se

distingue du permis de construire non pas par sa nature mais par son objet et la

nature des travaux visés. En effet, il vise les créations ou les agrandissements de

terrains de camping, les réalisations d’importantes opérations de lotissement ou

encore des opérations de surélévation ou de creusage, dites opérations

d’exhaussement et d’affouillement du sol supérieures à deux mètres et portant sur

une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés. Le permis de construire

suppose, quant à lui, des constructions neuves ou un certain nombre de travaux

portant sur des constructions existantes. Ces travaux sont notamment des travaux

ayant pour effet la création d’une surface de plancher21

ou d’une emprise au sol22

21 La surface de plancher d’une construction correspond à une somme de surface sous réserve d’un

certain nombre de déductions. Elle est la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et

couvert, calculée à partir du nu intérieur des façades après déduction : des surfaces correspondant à

l’épaisseur des murs périmétriques extérieurs, des vides et trémies, des surfaces de plancher d’une

hauteur sous plafond inférieure ou égale à 1,80 mètre, des surfaces de plancher aménagées en vue du

stationnement des véhicules, y compris les rampes d’accès et les aires de manœuvres, des surfaces de

plancher des combles non aménageables pour l’habitation ou pour des activités à caractère

professionnel, artisanal, industriel ou commercial, des surfaces de plancher des locaux techniques, des

surfaces de plancher des caves ou des celliers, annexes à des logements, dès lors que ces locaux sont

desservis uniquement par une partie commune et enfin, déduction faite d’une surface égale à 10 % des

surfaces de plancher affectées à l’habitation telles qu’elles résultent le cas échéant de l’application des

alinéas précédents, dès lors que les logements sont desservis par des parties communes intérieures

(Code de l’urbanisme, art. R.* 112-2, modifié par décret no 2011-2054, 29 déc. 2011, art. 1).

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supérieure à vingt mètres carrés ou ayant pour effet la création d’une surface de

plancher ou d’une emprise au sol supérieure à quarante mètres carrés dans les zones

urbaines d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu.

Sont encore concernés les travaux ayant pour effet la création de plus de vingt mètres

carrés et d’au plus quarante mètres carrés de surface de plancher ou d’emprise au sol,

lorsque leur réalisation aurait pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la

construction au-delà de l’un des seuils fixés à l’article R. 431-2 du Code de

l’urbanisme. Sont également visés les travaux ayant pour effet de modifier les

structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s’accompagnent

d’un changement de destination entre les différentes destinations définies à l’article

R. 123-9 du Code de l’urbanisme. Ces destinations sont l’habitation, l’hébergement

hôtelier, les bureaux, les commerces, l’artisanat, l’industrie, l’exploitation agricole

ou forestière ou encore la fonction d’entrepôt23

. Sont encore visés les travaux

modifiant par leur nature ou leur localisation la destination de l’immeuble en cause24

.

Le permis de construire a donc un champ d’application précis. Il a également une

forme et une valeur particulière. C’est un arrêté d’urbanisme.

B. Nature et régime de l’autorisation

Autorisation préalable de nature individuelle, le permis de construire, et plus

largement l’autorisation d’urbanisme, a pour but de vérifier que le projet de

construction envisagé respecte les règles d’urbanisme et de construction en vigueur.

Il convient de présenter la nature de cette autorisation (1.) et son régime (2.).

1) Nature de l’autorisation

Le permis de construire, comme le permis d’aménager, est une autorisation

administrative de construire. Cette décision administrative prend la forme d’un arrêté

22 L’emprise au sol est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs

inclus (Code de l’urbanisme, art. R.*420-1, créé par décret no 2011-2054, 29 déc. 2011, art. 2).

23 Code de l’urbanisme, art. R.* 421-14.

24 Code de l’urbanisme, art. L. 421-1 al. 2.

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municipal quand il est délivré par le maire ou d’un arrêté préfectoral quand il est

délivré par le préfet. L’arrêté vaut pour l’opération visée par la demande de permis.

Le permis de construire n’est définitif qu’en l’absence de recours dans le délai de

deux mois à compter de son affichage sur le terrain ou de retrait dans le délai de trois

mois après la date du permis, en effet, l’autorité compétente peut le retirer, si elle

l’estime illégal. Introduire un recours contre un permis de construire ou attaquer un

permis de construire signifie en réalité que l’arrêté municipal ou préfectoral est mis

en cause par un tiers. Ce dernier a l’obligation parallèlement à l’introduction de son

recours en justice d’informer dans les quinze jours le bénéficiaire.

Ainsi, le permis de construire est une autorisation administrative d’urbanisme qui

émane soit du maire soit du préfet. Plus précisément, si la commune est dotée d’un

plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un document d’urbanisme équivalent, le maire

est compétent pour délivrer le permis de construire au nom de la commune. À défaut

de tels documents, la compétence revient aux autorités de l’État, le permis de

construire est alors délivré par le préfet ou le maire au nom de l’État. En effet, aux

termes du Code de l’urbanisme, l’autorité compétente pour délivrer le permis de

construire est :

a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées

d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu,

ainsi que, lorsque le conseil municipal l’a décidé, dans les communes qui se

sont dotées d’une carte communale ; lorsque le transfert de compétence à la

commune est intervenu, ce transfert est définitif ;

b) Le préfet ou le maire au nom de l’État dans les autres communes. Lorsque

la décision est prise par le préfet, celui-ci recueille l’avis du maire ou du

président de l’établissement public de coopération intercommunale

compétent25

.

Et par exception, l’autorité administrative de l’État est également compétente pour se

prononcer sur un projet portant sur :

a) Les travaux et constructions réalisés pour le compte d’États étrangers ou

d’organisations internationales, de l’État, de ses établissements publics et

concessionnaires ;

25 Code de l’urbanisme, art. L. 422-1 al. 1

er.

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b) Les travaux et constructions de stockage d’énergie ;

c) Les travaux et constructions réalisés à l’intérieur des périmètres des

opérations d’intérêt national mentionné à l’article L. 121-226

;

d) Les opérations de logement situées dans les secteurs arrêtés par le préfet

en application du deuxième alinéa de l’article L. 302-9-127

du Code de la

construction et de l’habitation ;

e) Les logements construits par des sociétés de construction dans lesquelles

l’État détient la majorité du capital ;

f) Les ouvrages, constructions ou installations mentionnés à l’article L. 2124-

18 du Code général de la propriété des personnes publiques28

.

Nous insistons sur cette notion de compétence car elle est toujours critiquée par les

tiers dans leur requête en annulation.

Que ce soit le maire ou le préfet, l’autorité compétente n’a pas un pouvoir

discrétionnaire. En effet, elle doit, aux termes de l’article L. 422-4 alinéa 1er

du Code

de l’urbanisme, recueillir l’accord ou l’avis des autorités ou commissions

compétentes pour statuer sur la demande de permis.

Dans le même sens, l’article L. 422-5 du Code de l’urbanisme prévoit qu’en

l’absence de plan local d’urbanisme ou de documents d’urbanisme, le maire ou le

président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) recueille

l’avis conforme du préfet. Pour mémoire, les EPCI sont des regroupements de

communes. Ils ont pour objet d’élaborer des projets communs de développement au

sein d’un périmètre dit de solidarité. Les communautés urbaines, ou encore les

communautés d’agglomération ou de communes sont des EPCI tout comme les

syndicats de communes ou d’agglomération nouvelle (Sénart). Dans ce cadre, une

commune peut déléguer à un EPCI, dont elle est membre, la compétence pour

délivrer les permis de construire. En conséquence de quoi, les EPCI sont

subordonnés à des règles homogènes.

26 C’est-à-dire touchant au renouvellement urbain, à la mixité sociale, à un urbanisme vert

responsable. 27

C’est-à-dire, en partie, l’obligation de mettre en chantier, pour chaque période triennale, au moins

30 % de logements locatifs sociaux rapportés au nombre total de logements commencés. 28

Code de l’urbanisme, art. L. 422-2.

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Le permis de construire est donc délivré par une autorité administrative qui a, au

préalable, vérifié la conformité du projet aux règles d’urbanisme. Le permis délivré

est donc, par principe, légal.

2) Régime juridique

Par essence, le permis de construire est légal. En effet, aux termes de l’article L. 421-

6 alinéa 1er

du Code de l’urbanisme, le permis de construire ne peut être accordé que

si, d’une part, le projet projeté est conforme aux dispositions législatives et

réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, à la destination, à la

nature, à l’architecture, aux dimensions, à l’assainissement des constructions et à

l’aménagement de leurs abords et si, d’autre part, ils ne sont pas incompatibles avec

une déclaration d’utilité publique. La légalité s’apprécie également au regard des

dispositions de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne et de la loi du 3 janvier 1986

sur le littoral ainsi qu’au regard des dispositions du règlement sanitaire

départemental29

. En d’autres termes, un permis de construire assure que le projet est

conforme aux règles d’urbanisme. En revanche, il n’a pas vocation à assurer une

quelconque conformité aux règles du droit civil ou du droit de la construction. Sa

délivrance est, en outre, subordonnée au respect de l’application de la règle la plus

sévère, ce qui doit, en principe, s’entendre comme un gage de sécurité juridique de

l’autorisation ainsi délivrée.

Plus précisément, le permis de construire est accordé à l’issue d’un examen de sa

régularité. Cet examen consiste pour l’autorité compétente à examiner la régularité

de la construction projetée au regard des exigences légales et réglementaires en

vigueur à la date de la délivrance du permis de construire, et non au jour de la

demande de permis par le pétitionnaire. En outre, ce contrôle de légalité est appliqué

strictement par l’autorité administrative. En effet, cette dernière fait application de la

règle la plus sévère. En d’autres termes, en présence de deux règles et d’une

discordance entre elles, c’est la règle la plus sévère que l’administration choisit

d’appliquer.

Aussi lorsqu’un permis de construire est attaqué ce n’est bien souvent pas son

illégalité au regard de la réglementation urbaine qui est en cause mais les troubles

29 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,

Paris, 2006, 183 p., p. 118.

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anormaux du voisinage que sont la perte d’ensoleillement, la privation de vue ou

encore la dépréciation du bien du fait de l’opération autorisée et qui relève, bien

entendu, de la compétence du juge judiciaire.

Pourtant pour attaquer un permis de construire devant le juge administratif, le

requérant doit critiquer un point d’illégalité au regard de la réglementation urbaine

pour que son recours en excès de pouvoir soit recevable et pour que l’autorisation

administrative délivrée ait une « chance » d’être annulée. Et ce, alors même que le

vrai motif consisterait en une perte d’ensoleillement ou un autre trouble relevant de

la théorie du trouble anormal du voisinage relevant évidemment de la compétence du

juge judiciaire.

Nonobstant le fait que la légalité du permis de construire délivré s’apprécie à l’égard

de nombreuses règles d’utilisation du sol, des critiques tenant à la légalité du permis

délivré peuvent survenir. Ces critiques viseront tantôt une interprétation divergente

d’une règle d’utilisation du sol, tantôt la légitimité de l’autorité administrative qui a

délivré le permis. Par exemple, dans leurs requêtes, les tiers visent souvent le non-

respect d’une disposition du PLU, quand ils n’attaquent pas aussi également le PLU

en parallèle. Les tiers critiquent également souvent la compétence du signataire de

l’arrêté qui a délivré le permis de construire. Ils arguent ainsi souvent que l’adjoint

au maire n’était pas dûment habilité.

La conclusion de ces observations est que le permis de construire est une autorisation

réglementaire légale mais somme toute fragile.

II. Une autorisation fragile

Le permis de construire est un procédé de police administrative. En d’autres termes,

il est une simple autorisation de faire. Il ne constitue donc pas un titre de propriété.

Par voie de conséquence, il ne doit porter atteinte en aucune manière aux droits des

tiers (A.). Dès lors qu’il cause un préjudice à un tiers celui-ci est en droit de

demander l’annulation du permis dès lors qu’il y a intérêt (B.). Le tiers a alors

plusieurs voies d’action pour demander l’annulation de la mesure administrative

illégale (C.).

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A. Les tiers

Tout permis de construire est délivré sous réserve du droit des tiers30

.

Le tiers au permis de construire s’entend soit d’une personne publique, soit d’une

personne privée. S’il s’agit d’une personne publique, il peut s’agir d’une commune,

dès lors que ce n’est pas celle qui a délivré le permis, ou du président d’un

Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) si le permis a été

délivré par l’État, ou encore de toute autre personne publique. S’il s’agit d’une

personne privée, il peut s’agir d’un riverain c’est-à-dire d’un voisin de l’opération

visée par le permis de construire, ou d’une association de défense y ayant intérêt, ou

tout autre tiers qui démontrerait son intérêt à agir.

La qualité de riverain s’apprécie au regard de la distance entre le projet et le domicile

du riverain en question, et au regard de la nature, de l’importance de la construction

et de la topographie, c’est-à-dire de la configuration des lieux en cause. Ce riverain

peut être propriétaire ou simple occupant. L’occupation des lieux n’a pas à être

effective. En d’autres termes, un locataire, présent par intermittence, peut tout à fait

agir contre l’arrêté qui a délivré le permis de construire.

B. L’intérêt à agir

Il ne suffit pas de vouloir contester l’arrêté administratif délivrant le permis de

construire, encore faut-il le pouvoir. En effet, seul un tiers intéressé peut critiquer la

décision de délivrer le permis de construire. La notion de l’intérêt à agir a connu un

récent bouleversement, d’une interprétation prétorienne large admettant le caractère

évolutif de l’intérêt à agir (1.), elle vient d’être circonscrite par deux nouveaux

articles introduits dans le Code de l’urbanisme qui n’admettent plus le caractère

évolutif (2.).

30 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien, Paris,

2006, 183 p., p. 115.

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1) Régime antérieur à l’ordonnance du 18 juillet 2013

Jusqu’à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de

l’urbanisme, le Code de l’urbanisme était silencieux sur la notion de l’intérêt à agir

en matière de contentieux de l’urbanisme. Face à ce silence, le juge admettait

largement l’intérêt à agir en matière de permis de construire. De ce fait, il était

difficile de donner une définition concise de l’intérêt à agir. Toutefois, il ressortait de

la jurisprudence administrative que l’intérêt devait être légitime, raisonnable et

personnel à l’individu ou à l’entité qui formait le recours. Son existence n’était pas

conditionnée à la justification d’un droit lésé, cette dernière ressortant de l’examen

du bien-fondé du recours. Il s’appréciait à la date à laquelle le recours était introduit.

Cependant, il n’était pas nécessairement actuel ni même direct. L’usage prétorien

avait ainsi consacré la formule énonçant que le requérant « avait intérêt, et par suite

qualité31

».

Dans certains cas, l’intérêt à agir était évident, dans d’autres cas, il l’était moins.

C’est pourquoi la jurisprudence admettait que l’intérêt à agir pouvait évoluer. Ainsi,

le Conseil d’État admettait que l’intérêt à agir du tiers en appel pouvait ne pas être le

même que celui invoqué en première instance. Et ce depuis une jurisprudence

ancienne du 3 mai 1993, par laquelle le Conseil d’État32

avait jugé que le tiers qui

avait, finalement, vu sa demande déclarée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir,

pouvait valablement invoquer en appel sa qualité de riverain.

Dans cette espèce, la Société industrielle de construction demandait au Conseil

d’État d’annuler le jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers avait

rejeté sa requête en annulation de trois permis de construire délivrés dans une zone

d’aménagement concerté (ZAC) autorisant ainsi la construction de quatre-vingt-dix

logements pour un hôtel et pour la construction de cent vingt-cinq logements.

L’intérêt à agir argué par la société n’était pas le même devant le Conseil d’État que

celui qu’elle avait invoqué devant les juges du fond.

31 CAA Nantes, 1

re ch., 8 juin 1995, n

o 94NT00127 (N

o LXB : A1294BHE) ; CE, 1

re et 2

e SSR, 4 févr.

2002, no 217258 (N

o LXB : A1031AYT) ; CE, 2

e et 6

e SSR, 7 mai 1997, n

o 117400 (N

o LXB :

A9678ADS). 32

CE, 3 mai 1993, Société Industrielle de construction, no 124888, recueil de jurisprudence, Éditions

législatives ; MORAND-DEVILLER (J.), LPA, Q.J., Sommaires de jurisprudence, Q.J., no 2, 6 janv.

1994, Rec. T, p. 981 ; RDP, 1994, p. 1888.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Le Conseil d’État considéra que si la demanderesse avait seulement fait état devant le

tribunal administratif de la concurrence que d’autres promoteurs pouvaient lui porter

en sa qualité de bénéficiaire d’un permis de construire délivré pour cette même ZAC,

elle invoquait devant le Conseil d’État sa qualité de propriétaire voisin. Le Conseil

d’État jugea que la demanderesse justifiait ainsi d’une qualité lui donnant intérêt

pour agir contre les arrêtés par lesquels le maire avait délivré les trois permis

litigieux, et annula en conséquence le jugement du tribunal administratif. Cependant,

le Conseil d’État après avoir constaté l’intérêt à agir de la demanderesse estima que

la requérante n’était pas fondée à demander l’annulation des arrêtés et la condamna à

rembourser au défendeur les frais de litige33

.

À défaut d’une définition textuelle de l’intérêt à agir des tiers dans ce domaine, la

jurisprudence faisait donc une lecture extensive de l’intérêt à agir et surtout admettait

que cet intérêt à agir pouvait évoluer au cours de la procédure contentieuse. Cette

jurisprudence libérale admettait ainsi la diversité des intérêts donnant qualité à agir et

conférait une importance particulière aux recours exercés au nom d’un intérêt

collectif34

.

De plus, l’intérêt à agir devait également recouvrir un intérêt personnel. Or, et

nonobstant le libéralisme de leur jurisprudence, les juges frappaient d’irrecevabilité

les recours exercés contre des permis de construire dès lors que les requérants se

bornaient à invoquer leur « qualité d’habitants » et que l’absence de « proximité »

entre leur résidence et le lieu de la mise en œuvre du permis excluait le demandeur

du périmètre de voisinage ayant un intérêt à agir. A contrario, la qualité de

« voisins » prise en compte par le juge à la date d’introduction du recours, permettait

à un tiers peu scrupuleux d’acquérir voire même seulement de louer un immeuble

voisin et de contester la légalité de l’autorisation administrative de construire.

À cette condition d’intérêt personnel s’ajoutait deux conditions cumulatives

complémentaires, l’intérêt devait aussi être légitime et pertinent35

. Il en résultait que

le recours était, comme aujourd’hui, rejeté dès lors qu’il était exercé pour le maintien

33 Ibid.

34 CE, 28 décembre 1906, Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges, n

o 25521, (N

o LXB :

A9547B84), Rec. Lebon, p. 977, concl. ROMIEU (J.) ; GAJA, no 18. L’action corporative est admise

pour la défense des intérêts matériels et moraux en rapport avec l’objet du groupement tel que défini

dans les statuts. 35

CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, Manuel Paris, Domat droit public, Montchrestien

Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 373 et s, v. en particulier § 572 et s.

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d’une situation immorale ou illégitime36

. De même était rejeté le recours non

cohérent avec l’objet des statuts, notamment dans le cas des associations37

.

L’interprétation large de l’intérêt à agir faite par les juges était perçue comme un

moyen de favoriser les recours abusifs diligentés par des requérants malveillants.

C’est pourquoi une définition de la notion d’intérêt à agir était souhaitable.

2) Régime introduit par l’ordonnance du 18 juillet

2013

En réaction au régime antérieur qui vient d’être rappelé, le Gouvernement a, par

l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme,

introduit les articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 au Code de l’urbanisme circonscrivant

ainsi la notion d’intérêt à agir et en fixant précisément la date de son appréciation

rejetant ainsi toute idée d’intérêt à agir évolutif. En d’autres termes, désormais, le

requérant doit faire la preuve de son intérêt à agir à la date de l’affichage du permis

de construire.

L’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme dispose en substance qu’une personne

autre que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association

n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de

construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les

travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation,

d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou

pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat

36 CE, Sect., 27 févr. 1985, SA Grands travaux et constructions immobilières, n

o 39357 (N

o LXB :

A3389AMH). 37

CE, 5e et 7

e SSR, 29 janv. 2003, Union des propriétaires pour la défense des Arcs, n

o 199692 : « en

estimant qu’un objet social aussi général, qui ne vise pas précisément les questions d’urbanisme ni

même la défense du site, ne conférait pas à l’UNION DES PROPRIÉTAIRES POUR LA DÉFENSE

DES ARCS un intérêt de nature à lui donner qualité pour demander l’annulation du permis de

construire litigieux, la cour administrative d’appel, par un arrêt qui est suffisamment motivé et qui

n’est pas entaché de dénaturation des pièces du dossier, a fait une exacte application des règles

relatives à l’intérêt pour agir ».

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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préliminaire mentionné à l’article L. 261-1538

du Code de la construction et de

l’habitation39

.

L’article L. 600-1-3 du même Code précise encore que sauf pour le requérant à

justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de

construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la

demande du pétitionnaire40

.

Désormais, sauf circonstances particulières, le tiers qui n’est ni l’État, ni une

collectivité territoriale, ni une émanation de l’État ou d’une collectivité, ni une

association, mais qui est un tiers, personne privée (physique ou morale, mais autre

qu’une association) peut agir contre l’autorisation administrative délivrant le permis

qu’à la condition sine qua non qu’il démontre son intérêt à agir qui doit réunir deux

conditions cumulatives. En premier lieu, la construction, l’aménagement ou les

travaux doivent affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de

jouissance du bien que le tiers détient ou occupe régulièrement ou pour lequel il

bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat de réservation. En second

lieu, cette affectation doit être appréciée à la date d’affichage en mairie de la

demande du pétitionnaire.

Il convient, à présent, d’analyser les recours offerts aux tiers pour contester une

autorisation de construire et d’analyser ceux susceptibles de dégénérer en recours

abusifs.

38 Code de la construction et de l’habitation, art. L. 261-15 : « La vente prévue à l’article L. 261-10

peut être précédée d’un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie effectué

à un compte spécial, le vendeur s’engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie

d’immeuble.

Ce contrat doit comporter les indications essentielles relatives à la consistance de l’immeuble, à la

qualité de la construction et aux délais d’exécution des travaux ainsi qu’à la consistance, à la situation

et au prix du local réservé.

Les fonds déposés en garantie sont indisponibles, incessibles et insaisissables jusqu’à la conclusion du

contrat de vente.

Ils sont restitués, dans le délai de trois mois, au déposant si le contrat n’est pas conclu du fait du

vendeur, si la condition suspensive prévue à l’article L. 312-16 du Code de la consommation n’est pas

réalisée ou si le contrat proposé fait apparaître une différence anormale par rapport aux prévisions du

contrat préliminaire.

Est nulle toute autre promesse d’achat ou de vente. » 39

Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-2 – créé par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative

au contentieux de l’urbanisme. 40

Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-3 – créé par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative

au contentieux de l’urbanisme.

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3) Les voies de recours des tiers

Pour demander l’annulation d’une décision délivrant un permis de construire, les

tiers peuvent exercer un recours gracieux (a.), un recours hiérarchique (b.) ou encore

un recours contentieux, qui n’est autre qu’un recours pour excès de pouvoir (c.).

a. Le recours gracieux

Les recours gracieux sont des recours administratifs consistant pour les tiers à saisir,

dans les deux mois à compter de la date d’affichage du permis de construire sur le

chantier, directement l’auteur de la décision administrative, en l’occurrence le permis

de construire, en vue d’obtenir son annulation arguant d’un manquement aux règles

d’urbanisme. Les tiers introduisent leur recours auprès de l’auteur de la décision, il

s’agit, donc, selon le cas du maire, du président de l’EPCI ou du préfet. Il est

important de relever qu’un tel recours a pour effet de proroger le délai du recours

contentieux.

b. Le recours hiérarchique

Les recours hiérarchiques sont des recours administratifs consistant pour les tiers à

saisir, dans les deux mois à compter de la date d’affichage du permis de construire

sur le chantier, non plus l’auteur de la décision mais son supérieur hiérarchique. Ces

recours ne sont ouverts que pour les décisions prises au nom de l’État. Les tiers

introduisent leur recours auprès du préfet lorsque le permis de construire a été

accordé par le maire au nom de l’État, ou auprès du Ministre chargé de l’urbanisme

dans les autres cas. Comme les recours gracieux, les recours hiérarchiques prorogent

le délai de recours contentieux.

Lorsque le permis de construire n’a pas été pris au nom de l’État, il n’y a pas de

recours hiérarchique possible, mais les tiers peuvent saisir le préfet en vue d’un

nouveau contrôle de légalité de l’acte.

Le recours hiérarchique est, ainsi, à distinguer du déféré préfectoral. Ce dernier est

exercé dans le cadre de l’article L. 2131-8 du Code général des collectivités

territoriales (CGCT.) qui, lui, n’a pas pour effet de proroger le délai de recours

contentieux. Le déféré préfectoral, régi par l’article L. 2131-8 du CGCT. combiné à

l’article L. 2131-6 du même code, permet que toute personne lésée par un acte émis

par une commune, tel que l’arrêté municipal ou préfectoral délivrant le permis de

construire, puisse demander au préfet d’effectuer un nouvel examen de la légalité du

permis. Dans ce cas, le préfet fait un second contrôle de légalité après le premier

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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réalisé par lui-même ou par la commune. À l’issue de ce nouvel examen, il décide de

déférer ou non l’acte au tribunal administratif. Mais cette saisine ne peut pas avoir

pour effet de prolonger le délai de recours contentieux dont dispose le préfet au titre

du contrôle de légalité ordinaire. Ce délai est de deux mois à compter de la

transmission de l’acte pour l’exercice du contrôle de sa légalité. Le délai court à

compter de la réception en préfecture de l’acte.

c. Le recours contentieux

Le recours contentieux est le recours juridictionnel. Il est l’acte de procédure par

lequel le tiers saisit le tribunal administratif, ici en premier ressort, de ses prétentions

en demande d’annulation du permis de construire afin d’en faire reconnaître le bien-

fondé. Cette procédure est une procédure au principal, c’est-à-dire au fond, par

opposition notamment aux procédures de référé qui visent, quant à elles, à obtenir le

prononcé de mesures conservatoires41

. Ce recours en premier ressort se distingue des

« voies de recours » stricto sensu qui sont les pourvois formés contre le jugement

rendu par le tribunal administratif devant la juridiction d’appel, ou contre l’arrêt

rendu par la cour administrative d’appel devant la Cour de cassation.

Le recours contentieux est le recours exercé par voie juridictionnelle en ce sens qu’il

fait intervenir un juge. Plus précisément, ce contentieux relève de la compétence du

juge administratif et prend la forme d’un recours pour excès de pouvoir formé en vue

d’obtenir l’annulation de l’arrêté, acte administratif qui a délivré le permis de

construire. Une fois l’annulation obtenue devant le juge administratif, le tiers peut

parfaitement saisir le juge judiciaire pour toutes les atteintes à sa propriété qu’il subit

du fait du permis de construire litigieux annulé. Le recours contentieux devant le

juge administratif n’est pas exclusif des recours administratifs que sont les recours

gracieux, les recours hiérarchiques et ceux exercés dans le cadre du déféré

préfectoral.

41 CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 373 et s, § 450 et s.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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La circulaire du 6 juin 198442

portant sur le transfert de compétences en matière de

permis de construire rappelle que les tiers peuvent, en cas de contestation de la

légalité du permis de construire, choisir d’effectuer soit un recours administratif

(c’est-à-dire sans saisir le juge) soit un recours contentieux contre la décision. Ces

deux types de recours peuvent être réalisés parallèlement ou successivement. Ce sont

ces recours contentieux en demande d’annulation du permis de construire, suivis ou

non, concomitamment ou non, d’une procédure juridictionnelle en indemnisation, qui

sont susceptibles de dérives abusives. En effet, le risque d’annulation d’un permis de

construire est que l’annulation soit prononcée pour un vice rédhibitoire et qu’aucun

permis de construire modificatif ne vienne « sauver » le projet. Devant un tel enjeu,

le titulaire de l’autorisation d’urbanisme va chercher à trouver un arrangement

équitable avec le demandeur en annulation. Cette négociation peut générer des

demandes elles-mêmes abusives.

i. L’objet du recours

Le recours vise l’arrêté municipal ou préfectoral délivrant l’autorisation de

construire. En effet, le tiers intéressé ne peut contester qu’un acte administratif. Et

cet acte administratif doit lui faire grief. Il découle de ces deux remarques que le tiers

ne peut contester qu’un arrêté autorisant le permis de construire ou un arrêté

autorisant des modifications mineures au permis de construire et qu’il doit invoquer

un préjudice causé par l’acte administratif et ce dans le délai légal.

ii. Le délai du recours

Les délais du recours de ce contentieux ont longtemps été l’objet de critiques. Pour

remédier à ces critiques, ils ont fait l’objet de réformes successives qui sont encore

souvent jugées insuffisantes. La dernière réforme marquante en date est celle

apportée par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007

43 pris pour l’application de

42 Circulaire du 6 juin 1984 relative au transfert de compétences en matière de permis de construire,

Bulletin officiel du ministère de l’urbanisme, du logement, des transports et de l’environnement

(BOMULTE) no 84/29 ter (82 p.).

43 Décret n

o 2007-18 du 5 janv. 2007 pris pour l’application de l’ordonnance n

o 2005-1527 du

8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 5 du

6 janvier 2007 p. 225, Texte no 12, NOR : EQUU0601334D.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et

aux autorisations d’urbanisme.

Suivant les préconisations du rapport PELLETIER44

, ce décret fixe le point de départ

du délai de droit commun au premier jour d’une période continue de deux mois

d’affichage sur le terrain du permis de construire et l’obligation de notifier tout

recours au bénéficiaire du permis45

.

Ainsi, il introduit des modifications substantielles et bienvenues46

à l’article R.*600-

1 du Code de l’urbanisme et introduit dans ce code un article R. 600-2 et un article

R. 600-3 :

Le livre VI du Code de l’urbanisme est ainsi modifié : […]

II. – Il est inséré, après l’article R.* 600-1, deux articles ainsi rédigés :

« Art. *R. 600-2. – Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une

décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de

construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du

premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain

des pièces mentionnées à l’article R. 424-15.

« Art. *R. 600-3. – Aucune action en vue de l’annulation d’un permis de

construire ou d’aménager ou d’une décision de non-opposition à une

déclaration préalable n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à

compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement.

44 « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme » dit rapport

PELLETIER remis au garde des Sceaux, Ministre de la Justice et au Ministre de l’Équipement, des

Transports, de l’Aménagement du territoire, du Tourisme et de la Mer, présenté par le groupe de

travail constitué sous la présidence de Philippe PELLETIER, avocat, président de l’Agence nationale

pour l’amélioration de l’habitat (ANAH), 25 janv. 2005. Ce rapport contient 34 propositions portant

notamment sur l’amélioration de la sécurité juridique des constructions existantes, la circonscription

de l’action en démolition, sur l’action du préfet dans le cadre du contrôle de légalité, et sur la

possibilité pour le juge d’annuler partiellement un permis de construire. 45

Code de l’urbanisme, art. R.*600-2 et R.*424-15. 46

V. les observations de Bernard POUJADE sur les difficultés posées par l’ancienne rédaction de

l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme : Faut-il notifier le recours introduit contre la décision

qualifiant un projet de P.I.G. (projet d’intérêt général), sur CE, 7/2 SSR, 18 nov. 2009, Cne de Saint-

Denis-le-sens c. Communauté de communes du Sénonais, no309096, BJDU, n

o 5, 10/2009, p. 392 –

399. V. également POUJADE (B.), Dans quel cas faut-il notifier sur le fondement de l’article R.*600-

1 du Code de l’urbanisme sur CE, SSR, 28 sept. 2011, no 335591, 338853, 341749, BJCL, n

o 11/11,

p. 785-791, avec les conclusions partielles du Rapporteur public Nicolas BOULOUIS.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

50/480

« Sauf preuve contraire, la date de cet achèvement est celle de la réception de

la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-147

. »

En outre, le décret rend irrecevable les recours qui seraient engagés un an après

l’achèvement des travaux. La date d’achèvement prise en considération est celle de la

réception de la déclaration d’achèvement mentionnée à l’article R. 462-1 du Code de

l’urbanisme. Ces règles sont applicables aux instances engagées depuis le 1er

octobre

2007.

Cet article dispose, en substance, que la déclaration attestant l’achèvement et la

conformité des travaux doit être signée par le bénéficiaire du permis de construire ou

d’aménager ou de la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou par

l’architecte ou l’agréé en architecture, dans le cas où ils ont dirigé les travaux. Elle

doit ensuite être adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception

postal au maire de la commune ou déposée contre décharge à la mairie. Lorsque la

commune est dotée des équipements répondant aux normes fixées par l’arrêté du

Ministre chargé de l’urbanisme prévu à l’article R. 423-49, la déclaration peut,

désormais, être adressée par courrier électronique dans les conditions définies par cet

article. Aux termes du code, le maire transmet cette déclaration au préfet lorsque la

décision de non-opposition à la déclaration préalable ou le permis a été prise au nom

de l’État, ou au président de l’établissement public de coopération intercommunale

lorsque la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou le permis a été

prise au nom de cet établissement public48

.

De plus, par un avis Société SAHELAC et JUVENTIN49

, le Conseil d’État a précisé

les conséquences de l’absence des mentions obligatoires sur le panneau d’affichage.

La société SAHELAC et Madame JUVENTIN demandaient l’annulation de l’arrêté

du 26 octobre 2007 par lequel le maire de la commune de Sainte-Hélène-du-Lac a

délivré un permis de construire aux consorts CHEVRAY et BEGAY. Amené à

statuer sur cette demande, le tribunal administratif de Grenoble décide de faire

application des dispositions de l’article L. 113-2 du Code de justice administrative

qui lui permet de saisir le Conseil d’État pour avis. Le tribunal pose la question

47 Préc. décret n

o 2007-18 du 5 janvier 2007, art. 12.

48 Code de l’urbanisme, art. R. 462-1.

49 V. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n

o 317279, JORF n

o 0287 du 10 déc.

2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),

BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP À, 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,

2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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suivante au Conseil d’État : « Les dispositions de l’article R. 600-2 du Code de

l’urbanisme ont-elles pour effet d’empêcher le délai de recours contentieux de courir

en cas d’absence de la mention de l’obligation de notification de la requête prévue

par l’article R.*600-1 de ce code ou ces dispositions ont-elles pour seule

conséquence de priver d’effet les dispositions de l’article R.*600-1 ? ».

Le Conseil d’État rend alors l’avis suivant :

Depuis l’entrée en vigueur du décret précité du 5 janvier 2007, le point de

départ du délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire

est le premier jour de l’affichage sur le terrain, pendant une période continue

de deux mois, du permis assorti des pièces mentionnées à l’article R. 424-15

du Code de l’urbanisme. Si l’article R. 424-15 indique que doit également

être affichée sur le terrain l’obligation prévue à peine d’irrecevabilité de

notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la

décision et au bénéficiaire du permis, cette mention, destinée à mieux

informer les éventuels requérants de leur obligation de notification et des

risques d’irrecevabilité qu’ils encourent à ne pas l’accomplir, n’est pas au

nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du

délai de recours contentieux. Cette mention concerne en effet une règle de

procédure qui doit être accomplie postérieurement à l’introduction du

recours. Elle ne peut, par suite, être assimilée aux éléments substantiels

portant sur la nature et la consistance de la construction projetée ou sur les

voies et délais de recours, dont la connaissance est indispensable pour

permettre aux tiers de préserver leurs droits et d’arrêter leur décision de

former ou non un recours contre l’autorisation de construire. L’absence, sur

l’affichage, de la mention de cette condition procédurale fait, en revanche,

obstacle à ce que soit opposée à l’auteur du recours l’irrecevabilité prévue

par l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme.

Par suite, l’absence de mention dans l’affichage de l’obligation de

notification du recours a pour seul effet de rendre inopposable

l’irrecevabilité prévue à l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, mais

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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n’empêche pas le déclenchement du délai de recours contentieux mentionné à

l’article R. 600-2 du même code50

.

Ainsi, l’absence de mention de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme n’est pas

un élément déclencheur du délai du recours. Le défaut de sa reproduction sur le

panneau d’affichage a seulement pour effet de rendre inopposable aux tiers

l’obligation de notification du recours. Par voie de conséquence, en cas d’absence de

cette reproduction de l’article R.*600-1, il ne saurait être reproché aux tiers de

n’avoir pas notifié leur recours administratif aux bénéficiaires du permis de

construire qui n’auraient pas reproduit l’article, c’est en quelque sorte une

application de l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans51

.

Le tiers bénéficie donc d’un régime favorable pour demander l’annulation d’une

autorisation de construire. Par ailleurs, parmi les voies de recours, il en est une qui se

distingue, c’est le recours pour excès de pouvoir dont le régime requiert un

développement spécifique.

En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que le

permis de construire est une autorisation administrative d’urbanisme. Elle est une

autorisation fragile en particulier pendant la période de purge des recours. Pendant

cette période, son titulaire ne peut pas se prévaloir de droit acquis. Et pendant cette

période, cette autorisation est exposée aux recours des tiers dès lors qu’ils ont un

intérêt pour agir. Ces derniers disposent de plusieurs voies pour exercer leur droit

d’action. Ceci cristallise le plus les recours abusifs et le recours pour excès de

pouvoir. C’est la raison pour laquelle notre analyse se concentre sur cette procédure

contentieuse.

50 Préc. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n

o 317279, JORF n

o 0287 du 10

déc. 2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),

BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP A., 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,

2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.

51 Nemo auditur propriam turpitudinem allegans : Nul n’est entendu par le juge lorsqu’il allègue sa

propre turpitude.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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SECTION 2 : La procédure de prédilection des recours abusifs

Donner une définition du recours abusif en matière de permis de construire n’est pas

chose aisée mais est nécessaire pour identifier les failles du régime juridique actuel et

pour pouvoir trouver des solutions à ces détournements de la justice. Le recours

abusif désigne, ici, l’abus du droit au recours contre le permis de construire dans

l’exercice du recours pour excès de pouvoir formé devant le juge dès lors que ce

recours est exercé dans un intérêt illégitime. Bien entendu, il n’est pas autorisé. Il

n’existe que par détournement de l’esprit de la loi, plus précisément ici, du

détournement de la procédure du recours pour excès de pouvoir (I.), et tel

détournement est susceptible de constituer un abus (II.).

I. Le recours pour excès de pouvoir en urbanisme

Dans son Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux52

, le

jurisconsulte Édouard LAFERRIÈRE définit le recours pour excès de pouvoir de la

manière suivante :

Le recours pour excès de pouvoir n’est pas un procès fait à une partie, c’est

un procès fait à un acte. La requête n’est dirigée ni contre l’agent qui a fait

l’acte, ni contre la personne civile (État, département ou commune) dont cet

agent a pu servir les intérêts, mais contre la puissance publique, au nom de

laquelle il a agi. Il suit de là que si, dans la procédure d’excès de pouvoir, il y

a un demandeur, il n’y a pas à proprement parler de défendeur, de partie

adverse, comme dans les affaires dites entre parties.

Le contentieux des permis de construire est subordonné aux contraintes de la

procédure administrative et doit donc à ce titre suivre les règles imposées pour le

52 LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, Paris,

BERGER-LEVRAULT et Cie, 1896, 2e vol., XIX-724, 709 p., Chap. IV, I., p. 561, consultable sur

Gallica.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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contentieux de l’excès de pouvoir. Ce recours est constitué de deux types de recours.

Le premier type constitué du déféré préfectoral et du recours en interprétation est

fermé aux justiciables et n’est donc pas susceptible de dérives abusives (A.). Le

second type est le recours en annulation, il est ouvert aux tiers ayant intérêt à agir

contre l’acte considéré et ayant respecté le formalisme imposé par la loi, c’est cette

procédure qui est susceptible de dérives abusives (B.).

A. Les recours objectifs peu susceptibles d’abus

Le préfet via le déféré préfectoral (1.) et le juge judiciaire via le recours en

interprétation (2.) peuvent saisir le juge administratif, gardien de la légalité. Préfet et

juge sont des professionnels qui filtrent les actes à soumettre au contrôle du juge

administratif après un examen objectif et avisé de la problématique à soumettre au

juge du permis. Dès lors, le déféré préfectoral comme le recours en interprétation ne

sont pas dans le champ d’action des recours abusifs.

1) Le déféré préfectoral

Le recours pour excès de pouvoir est un recours juridictionnel dirigé contre des actes

unilatéraux émanant d’une autorité administrative ou dans un certain cas

d’organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de service public. En

l’occurrence, en matière de contentieux d’urbanisme, le recours sera dirigé contre

l’arrêté délivré au nom de la commune ou au nom de l’EPCI, ou au nom de l’État. Ce

recours vise nécessairement à obtenir l’annulation pour cause d’illégalité du permis

de construire.

Rappelons que depuis l’arrêt Dame LAMOTTE53

, ce recours demeure ouvert même

sans texte, permettant ainsi d’assurer le respect de la légalité conformément aux

principes généraux du droit.

53 CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note

WALINE (M.), RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n

o 61, p. 394.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Ce recours peut prendre la forme d’un déféré préfectoral dans la phase de

consultation du juge administratif par le préfet54

. Lorsque le préfet est saisi d’une

demande de réexamen de la légalité du permis de construire et à l’issue de ce second

contrôle de légalité, il a la faculté de déférer le permis de construire considéré au

tribunal administratif et lui demander d’annuler, le cas échéant, pour illégalité le

permis considéré. Le déféré est un recours pour excès de pouvoir qui ne peut être

motivé que par des moyens de légalité.

À titre d’illustration, citons l’exemple de l’arrêt rendu par la cour administrative

d’appel de Douai le 8 février 200755

. En l’espèce, le préfet de la Seine-Maritime

relève appel du jugement du tribunal administratif de Rouen rendu en date du 22 juin

2006 rejetant pour tardiveté son déféré enregistré le 28 décembre 2005. Le préfet a,

par déféré préfectoral, demandé l’annulation du permis de construire accordé

tacitement à la société pétitionnaire. En effet, le préfet n’a eu connaissance de

l’existence du permis tacite qu’au moment de l’examen de sa légalité soit lors de la

transmission du dossier complet de demande de permis de construire accompagnant

l’arrêté du maire refusant le permis de construire et valant retrait de ce permis. Cet

arrêté de retrait a fait l’objet d’une ordonnance de suspension. Cet arrêté de retrait a

été transmis au préfet qui a, à ce moment-là, pu constater que le permis de construire

tacite était en vigueur, en d’autres termes ce n’est que lors de la transmission du

nouvel arrêté du maire en date du 25 novembre 2005 retirant son précédent arrêté du

11 août 2005 que le préfet a pu constater que le permis tacite du 4 août 2005 était en

vigueur, ce nouvel arrêté lui ayant été notifié le 6 décembre 2005. Et le déféré

préfectoral ayant été enregistré le 28 décembre 2005, la question de la tardiveté du

déféré était posée. En première instance, les juges retiennent la tardiveté du déféré.

Mais la cour administrative d’appel juge que le déféré n’est pas tardif, prononçant

par suite l’annulation du jugement. Les conséquences d’une telle jurisprudence sont

la fragilisation du permis de construire surtout si le permis de construire est délivré

tacitement, car les faits de l’espèce sont susceptibles de se répéter.

54 Code général des collectivités territoriales, art. L. 2121-8 et L. 2131-6.

55 CAA Douai, 1

ère, 8 févr. 2007, Préfet de la SEINE-MARITIME, n

o 06DA01084 (N

o Lexbase :

A7792DU7), AJDA, 2007, no 16, 23 avr. 2007, p. 870.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Autre illustration des enjeux du déféré préfectoral et accessoirement de la longueur

de la procédure qui en découle, citons l’arrêt rendu par le Conseil d’État en date du

8 juillet 201156

.

Dans cette affaire, le requérant, Monsieur BOTELLA, demande au Conseil d’État

l’annulation de l’ordonnance rendue par la cour administrative d’appel. Cette

dernière a annulé, en référé, en date du 13 juillet 201057

, l’ordonnance no 1002467 du

26 avril 2010, rectifiée par ordonnance du 10 juin 201058

du juge des référés du

tribunal administratif de Marseille ; cette ordonnance avait rejeté la demande du

préfet des Bouches-du-Rhône visant à obtenir la suspension de l’exécution de l’arrêté

du 26 novembre 2009 par lequel le maire de Ceyreste avait délivré un permis de

construire au requérant et suspendu l’exécution de l’arrêté délivrant le permis de

construire.

Le Conseil d’État rappelle que « la suspension d’un acte sur le fondement du

troisième alinéa de l’article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales,

comme d’ailleurs sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice

administrative, a pour effet d’en suspendre l’exécution à compter du jour où la partie

qui doit s’y conformer reçoit notification de l’ordonnance du juge des référés ou, si le

juge des référés en a décidé ainsi, dès que cette ordonnance a été rendue ; qu’en

outre, si les conditions prévues par le quatrième alinéa de l’article L. 2131-6 du Code

général des collectivités territoriales sont remplies, l’exécution de l’acte est

suspendue dès l’enregistrement de la demande de suspension au greffe du tribunal

administratif ; qu’en revanche, la décision par laquelle est ordonnée la suspension

d’un acte n’a pas pour effet de retirer celui-ci ou de le priver rétroactivement de ses

effets, fût-ce dans l’attente du jugement au fond ». Ainsi, il apparaît que

l’enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande de suspension

entraîne ipso facto la suspension de l’exécution de l’acte.

Et le Conseil État rejette le pourvoi du requérant. Derechef, cette jurisprudence

montre à quel point le déféré préfectoral est un moyen de remise en cause totale des

56 CE, 9

e et 10

e SSR., 8 juill. 2011, BOTELLA, n

o 342113, Rec. Lebon (N

o Lexbase : A9432HUU) ;

GRAND (R.), Effets de la suspension d’un acte administratif, AJDA, 2011, no 25, 18 juill. 2011,

p. 1410 ; concl. LEGRAS (C.), BJDU, 2011, p. 478 ; JCP A., 2011, p. 2350, obs. ERSTEIN (L.),

NOURISSON (S.), L’opposabilité des voies et délais de recours à l’acquéreur évincé, AJDA, 2014,

no 11, 24 mars 2014, p. 638.

57 CAA Marseille, 13 juill. 2010, n

o 10MA01869 (N

o Lexbase : A1583E7R).

58 TA Marseille, 10 juin 2010, n

o 1002467 (N

o Lexbase : A9512E7G), Rec. Lebon ; GRAND (R.),

Effets de la suspension d’un acte administratif, AJDA, 2011, no 25, 18 juill. 2011, p. 1410.

Page 57: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

57/480

permis de construire. En outre, cette procédure entraîne le bénéficiaire du permis

dans des procédures longues et coûteuses.

Ces deux illustrations montrent l’effet important du déféré préfectoral sur la sécurité

des permis de construire. Pour autant, le préfet, représentant de l’autorité publique,

agit dans l’intérêt de la légalité. Dès lors, cette procédure ne paraît pas exposée aux

dérives de l’abus, ces abus étant commis essentiellement, pour ne pas dire

exclusivement, par des justiciables privés à des fins mercantiles.

2) Le recours en interprétation

Le recours en interprétation ou en appréciation de légalité est le recours ouvert

devant le juge administratif et visant à faire constater l’illégalité d’un acte, en

l’occurrence d’un permis de construire. Ce recours n’a pas de condition de délai.

L’effet de ce recours est particulier. Le juge administratif ne peut pas annuler l’acte

considéré. Il ne peut que le déclarer invalide. Bien entendu, cela conduit à empêcher

toute utilisation de l’acte déclaré invalide.

Ce recours est somme toute très marginal car il résulte de la mise en cause par une

des parties à un procès, devant le juge judiciaire, de la légalité d’un acte

administratif. Incompétent, le juge judiciaire se trouve dans l’obligation de renvoyer

le justiciable à saisir le juge administratif.

Compte tenu de son caractère marginal, ce n’est pas non plus par cette procédure que

les auteurs d’abus agissent.

B. Les recours vecteurs de l’abus

Le recours pour excès de pouvoir visant à obtenir l’annulation de l’autorisation

d’urbanisme requiert un formalisme particulier propre au droit de l’urbanisme. Ce

formalisme, avec l’obligation de notifier la requête au pétitionnaire, était à l’origine

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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destiné à prévenir le contentieux, mais au regard de la hausse du nombre de

contentieux59

, il est raisonnable de soutenir que cette mesure de prévention n’est pas

efficace (1.). Les effets du recours pour excès de pouvoir ne sont pas neutres. Le

risque pour le pétitionnaire de voir son autorisation de construire annulée porte

également sur le risque d’une atteinte à ses droits acquis à un instant t de pouvoir

construire son projet tel que déposé et validé par l’autorité administrative (2.).

1) Le formalisme du recours pour excès de pouvoir

en urbanisme

Le recours pour excès de pouvoir est aussi l’action par laquelle toute personne y

ayant intérêt peut provoquer l’annulation juridictionnelle d’une décision

administrative exécutoire en raison de son illégalité, en l’occurrence le permis de

construire. Par opposition aux recours exercés de manière objective et complètement

rationnelle par des professionnels tels que le préfet ou le juge judiciaire, ces recours

sont exercés par des justiciables qui entrent dans le champ d’application de la

définition de tiers précédemment rappelée60

. En pratique, le recours pour excès de

pouvoir exercé par ces tiers ne vise pas seulement un problème de légalité

intrinsèque au permis, il relève d’un intérêt à agir individualiste voire plus

patrimonial. Et le vice de légalité, s’il en est, n’est que le moyen qui va habiller la

requête.

En outre, les tiers doivent également se conformer aux particularismes du

contentieux d’urbanisme. Cela vise notamment la justification de conditions quant à

la qualité et à l’intérêt à agir ainsi que le respect des délais et d’un certain

formalisme. Ainsi pour être recevable, le recours en annulation – c’est le nom usuel

du recours pour excès de pouvoir visant à obtenir l’annulation d’un acte – doit

remplir un certain nombre de conditions dont en particulier la notification au

bénéficiaire du permis de l’introduction d’une requête devant le juge administratif.

L’auteur du recours est également tenu de notifier son recours, et ce à peine

59 Depuis une cinquantaine d’années, le contentieux administratif augmente en moyenne de 6 % par an

et il double presque tous les dix ans, cf. Allocution SAUVE (J.-M.), Dix années de croissance du

contentieux : Quelles réalités ? Quelles réponses ? Colloque organisé à l’occasion du Xe

anniversaire

du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en association avec l’Université de Cergy-Pontoise, nov.

2010. 60

Cf. supra Sect. 2. I.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’irrecevabilité du recours contentieux qu’il pourrait intenter ultérieurement en cas

de rejet du recours administratif conformément aux termes de l’article R.*600-1

alinéa 1er

du Code de l’urbanisme61

.

Peuvent faire l’objet d’un recours en annulation les actes accordant le permis de

construire ou le permis modificatif, les actes autorisant le transfert du permis62

,

reconnaissant l’existence d’un permis tacite63

, ou encore les actes tendant à l’octroi

d’un référé-suspension (ancien sursis à exécution64

), ou enfin les décisions

administratives ou juridictionnelles refusant de constater la péremption du permis de

construire65

.

61 CE, 22 nov. 2006, Mlle DROMPT, SCI L’Imprévue du Lys, n

o 279068, AJDA, 2006, n

o 41,

p. 2252 : la circonstance que le permis initial fasse l’objet d’un recours contentieux ne dispense pas le

demandeur à l’action de notifier le second recours, introduit cette fois-ci contre le permis modificatif. 62

CE, 3 nov. 1997, Préfet Alpes-Maritimes c. Cne Roquebrune-Cap-Martin, no 189228, JurisData

no 1997-050926 ; Rec. Lebon, 1997, T., p. 1135 ; JCP G., 1998, II, p. 10153, note CHAMINADE

(A.) ; Constr. – urb., 1998, comm. 83 ; Dr. Adm., 1998, comm. 36 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.),

BJDU, 1997, p. 464 ; BJDU 1998, p. 6. 63

CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert, no 176148, Rec. Lebon, p. 158 ; concl.

HONORAT, BJDU, 2000, p. 127 ; RDA, 2000, nos

149 et 197 ; RFDA, 2000, p. 710 ; Coll. terr.,

2000, no 223 ; Mon. TP 28 avr. 2000., p. 89 ; RDI, 2000, p. 328 ; « Considérant que si les dispositions

précitées de l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme n’imposent pas, à peine d’irrecevabilité, au

requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre un jugement ou un arrêt annulant un

refus de délivrer un permis de construire de notifier sa requête au pétitionnaire, il en va autrement si, à

l’issue du jugement ou de l’arrêt annulé, le droit du pétitionnaire à obtenir une autorisation de

construire a été reconnu ; qu’il en est ainsi dès lors que les juges du fond ont constaté l’existence d’un

permis de construire tacite et annulé, pour ce motif, la décision portant refus de permis ; qu’en ce cas,

les dispositions de l’article L. 600-3, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des titulaires

d’autorisation de construire, imposent au requérant qui poursuit l’annulation de tels jugement ou arrêt

de notifier sa requête au pétitionnaire. » 64

CAA Paris, 6 juin 1995, no 95PA00086 (Rejet) ; CAA Nancy, 1

re ch., 19 oct. 1995, SCI du Rouillon,

no 95NC00960, AJDA, 1996, p.199, note PIETRI (J.-P.) ; concl. PIETRI (J.-P.), BJDU, 1995, n

o 6,

p. 481 ; Études foncières, no 71, juin 1996, p. 38, com. LAMORLETTE (B.) ; CAA Lyon, 13 févr.

1996, no 95LY00874, Rec. Lebon, T.

65 CE, 27 mars 2000, Synd. Copropriétaires immeuble « Le Lympia », n

o 205430, (JurisData n

o 0602

18), Rec. Lebon, T., p. 1291 et 1294 ; concl. BOISSARD (S.), BJDU, 2000, p. 123 ; RDA, 2000,

no 174 ; Coll. terr., août-sept. 2000, n

o 223 ; RDI, 2000, p. 328 ; V. également CE, 30 avr. 2003,

Secrétaire d’État au logement c. SNC Norminter lyonnais, no 237039, Rec. Lebon, T., p. 1032 ;

BJDU, 2004, p. 79 ; obs. CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2003, no 190. Dans cet arrêt, le CE juge que

« la notification prévue par ces dispositions, qui ont pour objet de renforcer la sécurité juridique des

titulaires d’autorisation de construire, doit être effectuée, à peine d’irrecevabilité, par le requérant qui

interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence

de caducité d’un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision mettant en demeure un

constructeur d’interrompre les travaux qu’il a entrepris au motif que le permis de construire qui lui

avait été délivré serait devenu caduc. »

Page 60: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

60/480

Aux termes de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, l’auteur du recours en

annulation est tenu de notifier son recours au bénéficiaire de l’acte attaqué et à

l’auteur de cet acte. Si l’acte a été délivré à plusieurs personnes morales, l’auteur du

recours doit notifier à chacune d’elles66

qu’il a introduit un recours contentieux

devant le juge administratif. Dans l’hypothèse d’un transfert de permis, l’auteur doit

notifier au nouveau bénéficiaire.

Le requérant procède à cette notification par lettre recommandée avec avis de

réception dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours.

Application de la théorie de l’envoi est faite, car c’est la date d’envoi de la lettre

recommandée avec avis de réception qui compte. Cette date est établie par le

certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux

conformément aux dispositions de l’article R.*600-1, alinéas 2 et 3 du Code de

l’urbanisme. Cependant, et sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du

fond, toute forme de notification avec les mêmes garanties d’information du

bénéficiaire de l’acte attaqué et de l’auteur de l’acte peut être acceptée67

.

Plus précisément, l’introduction d’un recours recours en annulation est portée à la

connaissance du bénéficiaire de l’acte attaqué et de l’autorité administrative qui l’a

délivré. Le requérant doit notifier une copie du texte intégral du recours68

, bien que le

Conseil d’État ait pu admettre que soit valablement notifiée une lettre recommandée

avec avis de réception reprenant intégralement l’exposé des faits et moyens ainsi que

les conclusions déposées par le requérant69

.

Le non-respect de cette notification ou l’impossibilité d’en apporter la preuve

entraîne l’irrecevabilité du recours en annulation. Toutefois, rappelons que si

l’obligation d’informer les tiers aux termes de l’article R. 424-15 du Code de

l’urbanisme de mentionner les modalités de recours pour les tiers n’a pas été

respectée lors de l’affichage du permis, l’irrecevabilité tirée du défaut de notification

est inopposable70

.

66 CAA Lyon, 9 avr. 2013, Association des habitants de Vésegnin, n

o 13LY00066, inédit.

67 Réponse ministérielle à question écrite n

o 11844, RIMBERT (P.), JOAN Q., 8 juin 1998, p. 3171.

68 CE, avis, sect., 1

er mars 1996, Association Soisy Etiolles environnement, n

o 175126, Rec. Lebon,

p. 60, conclu BONICHOT (J.-Cl.), BJDU, 1/1996, p. 68, chron. CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT

(T-X), AJDA, 1996, p. 515 ; note PACTEAU (B.), LPA, 16 octobre 1996, p. 10. 69

CE, 2 juill. 2008, Association Collectif Cité Benoît, no 307696, BJDU 4/2008, p. 274.

70 Préc. CE, avis, 19 nov. 2008, Société SAHELAC et JUVENTIN, n

o 317279, JORF n

o 0287 du 10

déc. 2008, p. 18804, texte no 75, NOR : CETX0828612V, concl. BOURGEOIS-MACHUREAU (B.),

Page 61: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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La procédure pour excès de pouvoir peut conduire le juge à prononcer l’annulation

de l’acte litigieux. Les effets de cette annulation ne sont pas neutres pour le titulaire

de l’autorisation d’urbanisme.

2) Le sursis des droits « acquis » du pétitionnaire

La sanction par l’annulation de l’acte, c’est l’essence même de cette procédure de

recours pour excès de pouvoir. En outre, s’agissant d’un acte unilatéral individuel,

s’il n’y a pas d’inconvénient à faire disparaître un acte qui n’a pas créé de droits71

, le

problème se pose autrement lorsque l’acte a créé des droits. En l’espèce, l’autorité

administrative a autorisé le pétitionnaire à construire son projet tel qu’il lui a été

soumis. La délivrance de l’autorisation d’urbanisme a un caractère réel et non

personnel72

. Et l’autorisation d’urbanisme confère à son titulaire une situation

juridique plus favorable que sa situation précédente73

. En d’autres termes,

l’autorisation d’urbanisme est créatrice de droits dont le titulaire est fondé à se

prévaloir74

pour autant que l’autorisation ne contrevienne ni au principe de légalité ni

au principe de sécurité juridique.

L’autorisation d’urbanisme a la particularité de conférer des droits acquis pour une

opération unique. Cependant, pour permettre le respect du principe de légalité, ces

droits acquis ne sont pas intangibles. Leur remise en cause doit être possible pendant

une certaine période. Par suite, cette période écoulée, le principe de sécurité juridique

se supplée au principe de légalité. C’est à ce moment-là que l’autorisation

d’urbanisme donne réellement naissance à des droits acquis au profit du titulaire de

l’autorisation.

BJDU, 2009, p. 48 ; AJDA, 2008, p. 2200, note PELLISIER (G.), JCP A., 22 déc. 2008, p. 39 ; D.A.,

2009, no 1, p. 41 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 130 ; RFDA, 2009, p. 190.

71 YANNAKOPOULOS (C.), La notion de droits acquis en droit administratif français, LGDJ, Paris,

1998, 604 p., p. 274-275 ; AURET (P.), La notion de droits acquis, RDP, 1985, p. 53 ; SANTULLI

(C.), Les droits acquis, RFDA, 2001, p. 87. 72

POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,

Paris, 2006, 183 p., p. 115. 73

RIVERO (J.) et WALINE (J.), Droit administratif, précis, Dalloz, 21e éd., Paris, 2006, p. 370,

§ 426. 74

CE, ass., 6 mai 1966, Ville de Bagneux, Rec. Lebon, p. 303, chron. PUISSOCHET (J.-L.) et

LECAT (M.) AJDA, 1966, p. 485, concl. BRAIBANT (G.), RDP, 1967, p. 339.

Page 62: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

62/480

Par conséquent, si les conditions du recours pour excès de pouvoir sont remplies,

c’est que le tiers est encore dans le délai d’action. La période de « sursis » à la

naissance des droits acquis au profit du pétitionnaire n’est pas encore écoulée. Dès

lors, le principe de légalité prévalant, l’autorisation d’urbanisme n’est encore qu’un

acte créateur de droits seulement susceptibles d’être acquis à ce stade. En d’autres

termes, si le requérant obtient satisfaction à l’issue de sa procédure, l’annulation de

l’autorisation d’urbanisme est prononcée, et l’autorisation n’aura finalement jamais

réellement créé de droits acquis intangibles.

Il résulte de ces observations qu’au moment où le tiers introduit son recours en

annulation, les droits susceptibles d’être acquis par le titulaire de l’autorisation

d’urbanisme ne sont encore qu’en gestation, et ce jusqu’à la fin de cette période de

purge des recours et retraits. Quoique pleinement justifiées au regard du principe de

légalité, ces observations soulignent la position de faiblesse du titulaire de

l’autorisation. En effet, ce dernier n’a, pour tout argument, que la démonstration de la

légalité de son autorisation et la réfutation des arguments de la partie adverse75

. Il

n’est pas, chronologiquement, alors en mesure de se prévaloir de droits acquis du fait

de l’autorisation délivrée.

En pratique, l’observation des requêtes notifiées au titulaire de permis de construire

montre que c’est cette procédure de recours en annulation qu’instrumentalisent les

tiers lorsqu’ils se livrent à des recours abusifs.

II. L’apparition de l’abus du droit au recours

Lorsque le juge administratif est saisi d’un recours pour excès de pouvoir, il a pour

mission de contrôle la légalité de l’autorisation d’urbanisme qui lui est déférée. S’il

apparaît que le recours est processif, malveillant, abusif, il est en principe habilité à

sanctionner le requérant malveillant. Mais pour le juge de la légalité, le contrôle

comme l’identification de la poursuite d’un intérêt illégitime est une mission délicate

(A.). En outre, une fois l’abus décelé, l’application de la sanction relève également

d’un maniement délicat pour le juge (B.).

75 Pour une illustration de mémoire en défense v. ROUQUETTE (R.), Petit Traité du Procès

administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012, p. 1122, § 1000-15.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A. La difficile qualification de l’abus

Déceler la poursuite d’un intérêt illégitime et qualifier cette conduite d’abus est une

mission délicate pour le juge de la légalité. En effet, l’identification de la poursuite

d’un intérêt illégitime comme l’identification d’une intention malveillante dans

l’exercice d’un recours abusif n’est pas chose aisée pour le juge qui, bien qu’en tant

que gardien d’une bonne justice ne doit pas laisser proliférer des abus processifs, a

surtout pour mission d’exercer un contrôle objectif de la légalité de l’acte et ce

indépendamment des intentions du requérant.

« Suivant une formule souvent répétée, le droit cesse où l’abus commence. Mais si

cette dernière proposition est exacte, elle ne résout point la difficulté, parce que,

précisément, il faut déterminer le point où commence l’abus et où cesse le droit76

. »

L’abus d’un droit peut être défini comme le fait par le titulaire d’un droit de le mettre

en œuvre en dehors de sa finalité ou, selon un autre critère, sans réel intérêt légitime

ou dans le seul but de nuire à autrui, au cas particulier, du bénéficiaire du permis de

construire77

.

Constitutif d’une faute, l’abus de droit au recours peut donner lieu à une réparation

civile dans les conditions de droit commun prévues par l’article 1382 du Code civil

et les articles 32-1, 559, 581 et 628 du Code de procédure civile78

. Le Code de

procédure civile le prévoit ainsi expressément :

Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné

à une amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des

dommages-intérêts qui seraient réclamés79

.

76 DUGUIT (L.), La règle de droit, Le problème de l’État, Traité de droit constitutionnel, T. I, Paris

1927, p. 267, consultable sur Gallica. 77

GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), Ouvrage collectif, sous la direction de GUINCHARD (S.) et

MONTAGNIER (G.), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 14e éd., 2003, 620 p.

78 Code de civil, art. 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage,

oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Code de procédure civile, art. 628 : « Le demandeur en cassation qui succombe dans son pourvoi ou

dont le pourvoi n’est pas admis peut, en cas de recours jugé abusif, être condamné à une amende

civile dont le montant ne peut excéder 3 000 euros et, dans les mêmes limites, au paiement d’une

indemnité envers le défendeur. » 79

Code de procédure civile, art. 32-1.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

64/480

Dans le même sens, l’article 581 du même code précise encore que :

En cas de recours dilatoire ou abusif, son auteur peut être condamné à une

amende civile d’un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-

intérêts qui seraient réclamés à la juridiction saisie du recours80

.

Mais qu’en est-il devant le juge administratif ?

Le recours qui dégénère en abus est, bien entendu, distinct du recours légitime

justifié par la violation effective d’une règle de droit ou par le trouble d’un intérêt

légitime protégé par le droit de l’urbanisme (par exemple, citons, l’incompétence des

signataires de l’arrêté litigieux ou le dépassement du coefficient d’occupation des

sols (COS)81

…).

Le pouvoir réglementaire s’est récemment attelé au problème de la définition du

recours abusif dans le contentieux d’urbanisme. Ainsi, le groupe de travail créé par

lettre du 11 février 2013 de Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et

du Logement, et présidé par Daniel LABETOULLE, président honoraire de la

section du contentieux du Conseil d’État, a remis un rapport intitulé « Construction

et droit au recours : pour un meilleur équilibre »82

. Dans ce rapport, le recours abusif

est défini comme :

Le recours de celui qui, manifestement, dérange inutilement le juge – au

regard de la faiblesse de son argumentation ou des enjeux qui sous‐tendent le

recours, ou encore de la fréquence de ses saisines83

.

Au-delà de cette définition générale, différents types de recours abusifs peuvent être

distingués. L’analyse des requêtes en annulation pour excès de pouvoir montre qu’il

existe trois catégories de recours abusifs : il y a (i.) le recours d’humeur sans base

80 Code de procédure civile, art. 581.

81 Le Coefficient d’occupation des sols (COS) est un rapport qui désigne le nombre de mètres carrés

de plancher constructibles par mètre carré au sol, pour une catégorie donnée de terrains. Ce rapport

diffère avec la destination (habitation, bureaux, ou commerces…). Il est fixé par les plans locaux

d’urbanisme qui peuvent ouvrir des exceptions et permettre le droit d’accorder des autorisations de

construire en dépassement du COS dans le respect toutefois du plafond légal de densité (PLD). 82

« Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, du

groupe de travail présidé par LABETOULLE (D.), président honoraire de la section du contentieux du

CE, et créé par Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, 2013, 28 p.,

25 avr. 2013. 83

Rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », remis au ministère de

l’Égalité des territoires et du Logement le 25 avr. 2013, p. 4.

Page 65: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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juridique, (ii.) le recours politique où le titulaire du permis de construire est comme

pris en otage à des fins politiques, (iii.) le recours du procédurier acrimonieux et

enfin (iv.) le recours « voyou84

» qui est, quant à lui, « crapuleux » motivé par

l’espoir d’obtenir un désintéressement financier subséquent. Ce sont les deux

dernières catégories qui sont les plus sournoises et donc les plus difficilement

contrôlables en amont. En effet, tandis que les recours d’humeurs et politiques

s’essoufflent vite par manque de base juridique, les recours des procéduriers et les

recours crapuleux posent un réel problème parce que, d’une part, ils ont l’apparence

d’être fondés sur une base juridique alors que seul l’appât du gain les motive et parce

que, d’autre part, leurs acteurs ont un réel moyen de pression pour paralyser un projet

de construction ou de restructuration lourde voir même de le remettre totalement en

cause. Or, parce qu’ils ont l’apparence d’être juridiquement fondés et motivés, ils

sont difficilement identifiables a priori pour le juge. Le racket sous-jacent à ce type

de recours est toute la problématique de la présente thèse car le droit positif n’a pas

les outils de prévention. Le droit positif ne dispose que de moyens répressifs. En

effet, le recours abusif est sanctionné a posteriori, mais, encore faut-il que le juge

l’ait identifié comme tel et le sanctionne à la hauteur des préjudices causés par le

requérant malveillant.

Le droit administratif dispose d’un moyen général de sanction du recours abusif et

d’un moyen spécifique de sanction réparatrice pour le cas particulier des recours

abusifs en matière de contentieux d’urbanisme. Le premier est prévu par l’article

R. 741-12 du Code de justice administrative qui dispose que :

Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une

amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros85

.

Le second est récent. Il est prévu par l’article L. 600-7 introduit dans le Code de

l’urbanisme par l’article 2 de l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au

contentieux de l’urbanisme86

.

Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un

permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des

84 Expressions de Claude CAGOL, président de SEFRI-CIME promoteur-aménageur, conférence

consacrée aux Marchés de l’immobilier lors du SIMI (Salon de l’immobilier d’entreprise), 2012. 85

Code de justice administrative, art. R. 741-12. 86

Ordonnance no 2013-638 du 18 juill. 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, NOR :

ETLX1317296R, JORF no 0166 du 19 juillet 2013, p. 12070, texte n

o 24, art. 2.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui

causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut

demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de

condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La

demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal

la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de

l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les

limites de la défense de ses intérêts légitimes87

.

En pratique, le juge administratif fait peu application de l’amende prévue par l’article

R. 741-12 du Code de justice administrative. Quant aux nouvelles dispositions de

l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, elles ne visent qu’à rendre moins

dommageable la période procédurale du bénéficiaire de l’autorisation entraîné

malgré lui dans une spirale contentieuse, en lui permettant désormais de demander à

titre reconventionnel une indemnisation s’il démontre que le tiers exerce une action

qui excède la défense d’intérêts légitimes et que son préjudice présente un caractère

excessif. Nous commentons plus en détail ce nouveau dispositif dans notre titre

second et y envisageons les récentes jurisprudences sous le nouvel article L. 600-7

précité.

B. L’inadéquation de la sanction traditionnelle

L’amende de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative permet au juge de

punir l’abus88

(1.). Mais, en pratique, elle se révèle inadéquate et n’est donc que peu

appliquée (2.).

87 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.

88 Nous consacrons un développement sur le régime de cette amende et sur la controverse qu’elle

suscite à la fin de ce Titre 1er

consacré à l’identification délicate de remèdes pour mettre en relief et

commenter les propositions de durcissement de cette amende faite dans le Rapport PELLETIER.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1) L’amende pour recours abusif

Depuis la loi du 4 août 1956, les juridictions administratives sont autorisées à

condamner l’auteur d’une requête jugée abusive à une amende. Cette sanction est

prévue par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. C’est une sanction

de nature réglementaire89

et non pas une sanction pénale ou un impôt90

. Cette

sanction a été jugée compatible avec la Convention européenne de sauvegarde des

droits de l’homme91

. Cela a, en outre, été confirmé par la Cour européenne des droits

de l’homme notamment sur la base des articles 5 § 4, 6 § 1er

et 13 de la Convention

européenne92

. Cette jurisprudence est également confirmée par la Cour de justice de

l’Union Européenne93

. Enfin, cette sanction a été jugée comptabilité avec le droit à

l’accès au juge qui a valeur constitutionnelle94

.

Initialement, le montant de cette amende se limitait au montant maximum des frais

de justice. Mais avec la suppression des frais de justice, réalisée par l’article 7 de la

loi du 30 décembre 1977, un décret du 20 janvier 1978 a porté le maximum de cette

amende, tant pour les recours au Conseil d’État que pour ceux devant les tribunaux

administratifs à 10 000 francs95

. Aujourd’hui, le montant maximum de cette amende

est de 3 000 euros.

89 CE, ass., 31 oct. 1980, FEN et Union des jeunes avocats, Rec. Lebon, p. 395 ; concl. FRANC (M.),

RDP, 1981, p. 499. 90

DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001,

p. 616 s, § 693. 91

CE, 25 juill. 1986, CASANOVAS, Rec. Lebon, T, 1986, p. 669, Drt adm. 1986n no 552 ; note

MOUSSA (T.), Quot. Jur. 15 mars 1988 ; CE, 6 mai 1988, BARQUE et MELKI, Lebon, T., p. 964. 92

CEDH, 21 févr. 1975, GOLDER c. Royaume-Uni, Aff. no 4451/70 ; CEDH, 9 oct. 1979, AIREY c.

Irlande, aff. no 6289/73, obs. COHEN-JONATHAN (G.), CDE, 1980, p. 470 ; PELLOUX (R.),

A.F.D.I., 1980, p. 323 ; obs. ROLLAND (P.), J.D.I., 1982, p. 187 ; CEDH, 16 déc. 1992,

GEOUFFRE de la PRADELLE c. France, aff. no 12964/87, note BENOÎT ROHMER (F.), Dalloz,

1993, p. 562 ; CEDH, 19 mars 1997, HORNSBY c. Grèce, aff. no 18357/91, chron. FLAUSS (J.-F.),

AJDA, 1997, p. 977 ; FRICERO (N.), Dalloz, 1998, p. 74 ; obs. MARGUENAUD (J.-P.), RTD civ.,

1997, p. 1009 ; obs. FLAUSS (J.-F.), R.G.D.I.P., 1998, p. 230 ; note DUGRIP (O.) et SUDRE (F.),

JCP, 1997, p. 22949. 93

CJCE, 15 mai 1986, Marguerite JOHNSTON c. Chief Constable of the R.U.C., aff. no 222/84, Rec.

JC, p. 1651, à propos du rejet de la candidature d’une femme du fait des risques d’attentats en Irlande

du Nord au moment des « troubles » ; CJCE, 15 oct. 1987, HEYLENS, aff. no 222/86, Rec. JC,

p. 4097 ; CJCE, 3 déc. 1992, OLEIFINI BORELLI S.P.A. c. Commission, aff. no 97/91, Rec. JC,

p. 6313. 94

FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 95

ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, p. 910.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Cette amende vise à punir le requérant coupable d’avoir abusé de son droit d’agir en

justice. La condamnation d’un requérant à ce châtiment suppose donc la réunion de

deux conditions cumulatives. Il faut nécessairement une procédure contentieuse

initiée par le requérant fautif et que ce même requérant n’ait pas obtenu entièrement

satisfaction. Ce qui induit qu’un requérant qui n’obtient que partiellement

satisfaction peut se voir, théoriquement, infliger cette amende96

.

Mais, en pratique, les juridictions administratives, détentrices de ce pouvoir

d’infliger une telle amende, font rarement usage de cette sanction. En effet, la

formation collégiale comme le juge des référés, les présidents des tribunaux

administratifs, les présidents des cours administratives d’appel, le vice-président du

tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des

tribunaux et des cours lorsqu’ils statuent par ordonnance en application des

dispositions de l’article R. 222-1 du Code de justice administrative reprises de

l’article L. 9 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives

d’appel97 et 98

rechignent à appliquer la sanction.

Il en résulte que l’amende pour recours abusif est une sanction inadaptée. Or, « les

lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires99

» écrit MONTESQUIEU. Nombre

d’auteurs100

posent la question du maintien de cette disposition. En outre,

l’inadéquation de la sanction explique en partie pourquoi l’insécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours abusifs a pris une telle

ampleur. Cette inadéquation a permis à des requérants, malveillants certes, mais

ingénieux d’intenter des recours avec un acharnement abusif sans être sanctionnés101

.

96 CE, 28 juin 1993, PADRITGE, Rec. Lebon, p. 969.

97 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 212, Rub. Frais de justice,

in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 98

V. CAA Lyon, 28 janv. 1997, D. COUDERC, no 96LY02412.

99 MONTESQUIEU (Ch. de S.), L’esprit des Lois, T. 2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par VERNET (J.-

J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408. 100

PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e

éd., Paris, 2010, p. 205, no 222 ; DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux

Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693 ; FRAISSEIX (P.), op. cit., Droit au

juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 101

En matière, d’autorisation d’urbanisme, seuls quelques cas où l’abus était manifeste sont recensés.

V. en ce sens les tribulations de la SCI KAROUS et des consorts HADDAD : TA Marseille, ord., 5

févr. 2013, SCI KAROUS, no 1300198 : « est également condamnée à une amende de 3 000 euros pour

recours abusif une société auteur de plusieurs recours contre d’importants projets immobiliers, rejetés

et ayant donné lieu à l’infliction d’amendes pour recours abusifs, et dont l’intérêt est illégitime, la

société requérante se prévalant de la location d’une toiture-terrasse en face du projet, faite quelques

jours avant la présentation de la demande de permis et sans contrepartie financière pendant plusieurs

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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De sorte, que l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation est une réalité qui

souffre du manque d’une sanction adaptée.

2) Un châtiment inadéquat

Les réticences des juges à appliquer cette amende s’expliquent. En pratique, compte

tenu du caractère fondamental du droit au juge, l’amende est peu appliquée.

Incitation plus théorique à la retenue pour des requérants malveillants, processifs ou

dilatoires que réelle, le juge administratif se méfie d’une sanction qui laisse trop de

place à l’appréciation subjective de l’intention malveillante du requérant.

La doctrine relève que l’usage de cette sanction demeure réservé à des cas

particuliers que sont les recours appuyés de faux102

ou gravement inconsistants ou

infondés103

, voire insultants ou encore l’usage désordonné des voies de recours, et

certaines rétractations104

, ou encore les recours dilatoires105

, ou manifestement

irrecevables106

.

mois » ; TA Marseille, ord., 25 mars 2013, HADDAD, no 1300051 (pour un permis portant sur un

ensemble immobilier de 286 logements, une maison d’enfants à caractère social et des locaux à usage

de bureaux) : Est condamné à une amende de 3 000 euros pour recours abusif un requérant dont

l’intérêt est illégitime, d’une part en ce qu’il demeure à plusieurs kilomètres du projet et a conclu un

compromis de vente pour un appartement voisin peu de temps après la délivrance du permis de

construire et rédigé un recours gracieux dès le lendemain de ce compromis, et, d’autre part, en ce qu’il

a déjà présenté, en sa qualité de gérant de deux sociétés civiles immobilières des recours rejetés pour

défaut d’intérêt à agir et pour lesquels il a déjà été condamné à des amendes pour recours abusifs ;

CAA de Marseille, 20 mars 2014, SCI KAROUS, no 13MA01369, inédit ; CAA de Marseille, 20 mars

2014, Cts HADDAD, no 13MA02161, inédit, NOGUELLOU (R.), Le droit de l’urbanisme post

ALUR, RFDA, no 3, 9 juill. 2014, p. 553.

102 WALINE (J.), note sous CE, Ass, 27 avr. 1979, RDP, 1980, p. 1163.

103 CE, 19 avr. 1982, n

o 16179, Rev. Jurispr fisc. 1982, p. 314 ; CE, 13 janv. 1997, Mlle DROULERS,

inédit ; CE 10 juin 1998, MM. LAVET et BERTIN, inédit, relatif à la demande de communication de

documents inexistants. 104

PACTEAU (B.), Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e éd., Paris,

2010, 318 p., p. 205, no 222.

105 CE, 9 déc. 1981, Rev Jurispr. Fisc., 1982, p. 78 ; CE, 1

er oct. 1958, PAISNEL, Rec. Lebon, T.,

p. 466, recours en interprétation d’une décision du Conseil d’État ne présentant « ni obscurité ni

ambiguïté » ; CE, ass., 27 avr. 1979, MINEFI c. Mme LESTRADE ; CAA, Paris, 20 févr. 1990, Cne

d’Evry c. Mlle PROVOST, Rec. Lebon, T., p. 931. 106

CE, 15 févr. 1980, SCI du 73 avenue du Commandant BERRI à Viry-Châtillon, Rec. Lebon, T.,

p. 841.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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La doctrine se méfie de cette sanction. Bernard PACTEAU considère que le risque

de se voir condamner à supporter les frais de procédure des défendeurs doit être

assez dissuasif pour le requérant107

.

En pratique, s’il est clair que les juges appliquent assez peu souvent l’amende pour

recours abusif. Il est naïf de croire que le risque de devoir supporter les frais de

procédure des défendeurs décourage le requérant mal attentionné. Et pour cause,

comme pour l’amende, les juges renâclent à faire supporter ces frais aux requérants,

simples particuliers ou SCI familiales ou encore commerçants locaux, lorsque le

titulaire du permis de construire est un professionnel ou une autorité administrative

importante. Certes, le défendeur qui s’estime lésé par un recours abusif peut se

tourner vers le juge judiciaire et solliciter l’allocation de dommages-intérêts dans les

conditions de l’article 1382 du Code civil, pour abus d’ester en justice même si

l’action a été intentée devant le juge administratif108

et 109

, ceci dans l’hypothèse où le

requérant n’aura pas fait de demande reconventionnelle dans les conditions de

l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Mais avant l’introduction en 2013 de ce

dispositif, seule la voie judiciaire était envisageable pour obtenir réparation du

préjudice causé par l’abus.

La rareté de l’application de cette amende témoigne de la difficulté pour les juges à

manier cette sanction. Il semble qu’en matière d’urbanisme, seuls des cas

caractérisant des recours abusifs « manifestes » peuvent donner lieu à l’application

de l’amende, auxquels cas, les juges n’hésitent pas, dans ces hypothèses, à prononcer

le maximum de l’amende prévu par le texte110

.

107 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2

e

éd., Paris, 2010, p. 205, no 222.

108 DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8

e éd., Paris, 2001,

p. 616 s, § 693. 109

T.G.I. Grasse, 7 févr. 1989, CRICA c. groupement de défense Bernard MARZANO et autres,

AJDA, 1989, p. 549. 110

V. Préc. pour une illustration les tribulations de la SCI KAROUS et des consorts HADDAD : TA

Marseille, ord., 5 févr. 2013, SCI KAROUS, no 1300198 : est également condamnée à une amende de

3 000 euros pour recours abusif une société auteur de plusieurs recours contre d’importants projets

immobiliers, rejetés et ayant donné lieu à l’infliction d’amendes pour recours abusifs, et dont l’intérêt

est illégitime, la société requérante se prévalant de la location d’une toiture-terrasse en face du projet,

faite quelques jours avant la présentation de la demande de permis et sans contrepartie financière

pendant plusieurs mois ; TA Marseille, ord., 25 mars 2013, HADDAD, no 1300051 (pour un permis

portant sur un ensemble immobilier de 286 logements, une maison d’enfants à caractère social et des

locaux à usage de bureaux) : Est condamné à une amende de 3 000 euros pour recours abusif un

requérant dont l’intérêt est illégitime, d’une part en ce qu’il demeure à plusieurs kilomètres du projet

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Châtiment au maniement trop délicat pour être efficace, la doctrine pose

fréquemment la question du maintien de cette amende111

et s’interroge sur « le réel

intérêt que peut présenter une sanction rarement infligée, d’un montant modeste, et

d’un maniement délicat pour le juge112

», estimant, à raison, qu’il faut éviter de trop

sanctionner ceux qui ont cru pouvoir obtenir gain de cause plus par méconnaissance

du droit et des subtilités de celui-ci que par malveillance113

. Et, ainsi que le souligne

Bernard PACTEAU, il est vrai que « sans l’acharnement de tant de requérants

téméraires plaidant sans se lasser à contre-courant des jurisprudences les mieux

établies certains progrès historiques du droit administratif n’auraient jamais vu le

jour114

. »

Nous verrons dans la suite de notre développement qu’en dépit des réserves les plus

profondes émises par la doctrine à l’égard de cette amende, la « rénovation » de ce

régime a figuré parmi les propositions de réformes formulées dans le rapport

PELLETIER auquel nous consacrons un développement particulier dans le troisième

chapitre du présent titre afin de démontrer la difficulté d’identifier des remèdes

efficaces pour remédier à l’insécurité juridique subie par les bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme face aux recours abusifs des tiers.

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que la

procédure pour excès de pouvoir est favorable aux tiers. En outre, bien connue et

bien maîtrisée, elle est une procédure qui peut être maniée avec habileté pour

demander en apparence l’annulation de l’autorisation d’urbanisme et pour

et a conclu un compromis de vente pour un appartement voisin peu de temps après la délivrance du

permis de construire et rédigé un recours gracieux dès le lendemain de ce compromis, et, d’autre part,

en ce qu’il a déjà présenté, en sa qualité de gérant de deux sociétés civiles immobilières des recours

rejetés pour défaut d’intérêt à agir et pour lesquels il a déjà été condamné à des amendes pour recours

abusifs ; CAA de Marseille, 20 mars 2014, SCI KAROUS, no 13MA01369, inédit ; CAA de Marseille,

20 mars 2014, Cts HADDAD, no 13MA02161, inédit, NOGUELLOU (R.), Le droit de l’urbanisme

post ALUR, RFDA, no 3, 9 juill. 2014, p. 553.

111 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2

e

éd., Paris, 2010, p. 205, no 222 ; DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux

Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693 ; FRAISSEIX (P.), op. cit., Droit au

juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 112

DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), op. cit., Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris,

2001, p. 616, § 693. 113

PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit, 2e

éd., Paris, 2010, p. 205, no 22.

114 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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poursuivre, en réalité, un but inavouable et illégitime tel obtenir une transaction

rentable moyennant un désistement d’instance et d’action, ou la négociation

d’avantage dans l’opération. Occulte, discret, pernicieux, le recours abusif n’est pas

aisément décelable pour le juge de la légalité qui n’est pas en mesure de sanctionner

l’abus et qui par conséquent, renâcle à faire application de la sanction prévue par

l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. En outre, il ne faut pas minorer

le fait que son identification n’est pas la priorité du contrôle de légalité lequel est, par

essence, un contrôle objectif avant tout. Enfin, les demandes reconventionnelles en

indemnisation faites en application du nouvel article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme font naître l’espoir que le juge administratif, dont la conviction sera

emportée par la démonstration du bénéficiaire du permis, fera dorénavant davantage

application de l’amende prévue par le Code de justice administrative.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Acte de police, autorisation de faire, autorisation d’urbanisme délivrée par arrêté, le

permis de construire est un acte administratif fragile. Loin d’être un droit absolu, il

est un acte vulnérable que les tiers peuvent attaquer par diverses voies de recours. La

plus importante d’entre elles est le recours pour excès de pouvoir. Historiquement,

gage de sécurité juridique pour les administrés, la procédure du recours pour excès

de pouvoir est bien connue du juge administratif. Elle est néanmoins sujette à abus

quand l’action est exercée par des requérants – tiers évidemment à l’autorisation

d’urbanisme attaquée – malveillants, crapuleux, ou procéduriers. Des moyens de

sanction de l’abus existent dans les outils du contrôle du juge administratif. Mais ces

moyens sont inefficients, puisqu’ils n’ont pas su empêcher ni, a fortiori, endiguer le

phénomène de multiplication des contentieux d’urbanisme.

En conclusion des développements qui précèdent, avant l’entrée en vigueur de

l’ordonnance du 18 juillet 2013, le droit positif n’a pas les moyens de répondre au

phénomène de multiplication des recours abusifs contre les permis de construire. Le

droit ne saurait se satisfaire de cette inefficacité.

Comment expliquer ces faiblesses du droit positif ? Comment expliquer ce

déséquilibre entre le tiers et le bénéficiaire du permis de construire ? N’y a-t-il pas là

une rupture d’égalité des armes ? La réforme des procédures contentieuses en

urbanisme, opérée en 2013, apporte-t-elle les solutions nécessaires ?

La question d’une éventuelle rupture d’égalité des armes suppose qu’il y ait au départ

une égalité des armes. Or, tel n’est pas le cas. Il n’y a aucune égalité des armes entre

le bénéficiaire du permis de construire et le tiers requérant l’annulation du permis. Le

premier est partie au procès d’un acte dont il a été absent du processus de légalité et

du processus de signature. Son arme à lui, c’est prétendre à la sécurité juridique de

son permis. Tandis que le second peut se prévaloir d’un droit au recours d’une valeur

normée considérable. À défaut d’égalité des armes, il ne saurait être question d’une

quelconque rupture d’égalité des armes. Il n’en demeure pas moins que c’est bien ce

dilemme qui oppose droit au recours et sécurité juridique qui sont cause d’insécurité

juridique pour le bénéficiaire du permis de construire. Et ce même dilemme

complique grandement la sécurisation de la situation du bénéficiaire d’autorisation

d’urbanisme contre les recours abusifs.

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CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien,

facteur d’insécurité

Le droit au recours juridictionnel effectif et l’exigence de sécurité juridique sont

deux notions constitutionnelles inégales. En matière de contentieux des permis de

construire, la confrontation de ces deux droits pose un dilemme. Pour le résoudre, la

jurisprudence accorde une valeur plus importante au droit au recours juridictionnel

effectif qu’à l’exigence de sécurité juridique. Ce qui est du reste tout à fait conforme

à l’ordre constitutionnel établi. Ce déséquilibre a d’importantes conséquences en

matière de contentieux des permis de construire et plus particulièrement pour le

bénéficiaire du permis de construire. Ce déséquilibre intrinsèque au droit positif

fragilise la sécurité du permis de construire. Il faut donc rappeler la notion et la

valeur du droit au recours juridictionnel pour s’interroger sur la possibilité de

l’encadrer ou de l’aborder autrement au profit d’une sécurisation des permis de

construire. Et de la même manière, il faut analyser ce que recouvre l’exigence de

sécurité juridique appliquée au permis de construire pour en cerner les faiblesses face

à la force du droit au recours. La confrontation de ces deux notions inégales amène à

observer que la réponse prétorienne à ce dilemme cornélien est certes logique et

constitutionnelle mais qu’elle est également inadaptée. Elle ne permet pas de

remédier au phénomène de multiplication des recours abusifs dirigés contre les

permis de construire.

L’insécurité qui affecte les permis de construire s’explique par le fait qu’ils peuvent

être attaqués par des tiers au projet. En d’autres termes, l’insécurité des permis de

construire et la croissance du contentieux des permis de construire résultent de

l’exercice du droit au recours des tiers. Par essence, il s’agit là de la bonne

administration de la justice que les tiers puissent agir contre une autorisation de

construire qui ne saurait être inattaquable. Mais la multiplication de ces recours

malveillants fragilise les permis de construire accordés aux pétitionnaires.

Une réaction simpliste serait d’envisager de limiter le droit au recours des tiers pour

refréner la croissance du contentieux administratif et donc, par voie de conséquence,

sécuriser les permis de construire. Or, il s’agit bien là d’une réaction simpliste qui ne

prend pas en considération la valeur de chacun des droits en présence. D’un côté, il y

a le droit au recours juridictionnel effectif du tiers et d’un autre l’exigence de sécurité

juridique du permis de construire délivré au pétitionnaire. Les deux ont une valeur

constitutionnelle. Mais la valeur du droit au recours est sans commune mesure avec

l’exigence de sécurité juridique. Aussi, face à ce dilemme, la pratique a instauré une

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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hiérarchie logique dictée par le bloc de constitutionnalité. Cette logique est

actuellement en défaveur du bénéficiaire du permis de construire et donc a contrario

en faveur des tiers. La difficile conciliation du droit au recours juridictionnel effectif

des tiers au permis de construire et de l’exigence de sécurité juridique du titulaire du

permis de construire paralyse in fine des projets de construction et toute l’économie

qui s’y rattache. La valeur constitutionnelle historique du droit au recours est une

cause de fragilité du permis de construire intrinsèque au droit positif (Section 1).

L’exigence de sécurité juridique a, elle aussi, une valeur constitutionnelle mais c’est

une valeur « hybride ». Ceci en fait un principe classiquement jugé inopposable

(Section 2).

SECTION 1 : Le droit fondamental au recours,

créateur d’insécurité juridique

Le droit au recours a un caractère constitutionnel et fondamental qu’il convient de

présenter (I.). Ce double caractère en fait un droit impossible, en l’état actuel du

droit, à restreindre quels que soient les enjeux afférents à la multiplication des

contentieux des permis de construire. Cela pose évidemment un problème intrinsèque

au droit positif car le droit au recours juridictionnel est un droit susceptible d’abus.

La multiplication de ces abus, aujourd’hui dénoncés par les bénéficiaires de permis

de construire et en particulier par les professionnels, tributaires pour leurs activités

professionnelles de la purge de tous recours à l’encontre de leurs autorisations de

construire, aboutit au détournement du droit au recours de ses buts louables et

historiques pour en faire un pouvoir de nuisance qui coûte cher et un outil

d’instrumentalisation de la justice et de ses acteurs (II.).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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I. Un droit constitutionnel et fondamental

Le droit au recours juridictionnel effectif est un droit constitutionnel et fondamental.

Hic jacet lupus115

! Cette double nature juridique explique la difficulté pour le

législateur comme pour les juges à apporter une réponse drastique aux abus du droit

au recours en matière de contentieux du permis de construire.

Par essence, le droit au recours juridictionnel effectif est le droit qui permet de

donner du sens aux autres droits. En effet, la reconnaissance des libertés publiques

par le droit positif ne peut se passer d’une protection juridictionnelle de celles-ci sous

peine de n’avoir qu’un effet purement platonique. La valeur constitutionnelle du

droit au recours ne fait aujourd’hui plus aucun doute. Il fait maintenant l’objet d’une

jurisprudence constante (A.). En outre, c’est un droit fondamental qui trouve sa place

parmi les libertés publiques et les droits fondamentaux par une reconnaissance à

l’échelle européenne et communautaire (B.).

A. Le droit au recours, un droit constitutionnel

Le droit au recours est un droit relativement récent en droit français. En effet, au

XVIIIe siècle, le droit au recours est un rêve, une garantie réclamée par les

philosophes des Lumières. C’est François-Marie AROUET, dit VOLTAIRE, qui face

aux abus et aux scandales judiciaires des affaires CALAS116

et du Chevalier de LA

115 Hic jacet lupus : C’est la cause du problème (Ci-gît le loup).

116 L’affaire CALAS est une affaire judiciaire connue pour l’erreur judiciaire commise par le

parlement de Toulouse en 1762 en raison de son intolérance religieuse. Négociant à Toulouse et de

religion protestante, Jean CALAS en a été la victime. Accusé à tort d’avoir assassiné son fils pour

empêcher ce dernier de se convertir au catholicisme, CALAS est condamné au supplice de la roue et

exécuté le 10 mars 1762. Dans son Essai sur la Tolérance publié sous un pseudonyme, VOLTAIRE se

saisit de l’affaire CALAS pour en faire un combat pour les libertés et dénoncer l’iniquité de la justice

du Roi Louis XV. Plus encore, il dénonce la justice arbitraire et expiatoire du parlement de Toulouse

pétri de l’intolérance catholique. VOLTAIRE donne une telle ampleur à cette affaire que le Roi Louis

XV ne peut rester indifférent. Une nouvelle enquête conclut à l’innocence de Jean CALAS. Le

12 mars 1765, et malgré l’hostilité du Parlement de Toulouse, CALAS est réhabilité à l’unanimité des

cent juges réunis à Versailles. Le capitoul David de BEAUDRIGUE est destitué de ces fonctions. La

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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BARRE117

, propose un autre modèle plus soucieux des libertés individuelles et de

l’intégrité des personnes.

Les combats ponctuels de VOLTAIRE ne parviennent pas alors à faire consacrer le

droit au recours juridictionnel effectif. Il faut pour cela attendre 1789. Mais sous son

influence et celle du Traité des délits et des peines du juriste philosophe milanais

Cesare BECCARIA, la nécessité de mettre en place un système de protection des

droits et de reconnaître des principes de justice se font sentir. Ces auteurs inspireront

la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789

et en particulier la rédaction de l’article 16 de la Déclaration. Celui-ci consacre enfin

implicitement la garantie juridique de ces droits, soit en d’autres termes, le droit au

recours.

Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la

séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution118

.

La genèse de ce droit brièvement rappelée permet de comprendre que dans le

contexte du contentieux des permis de construire, une certaine hiérarchie de valeurs

s’impose au justiciable, soit ici au bénéficiaire du permis de construire. En outre, le

droit positif a depuis consacré le droit au recours juridictionnel en lui reconnaissant

une valeur constitutionnelle (1.) qui s’impose même en l’absence de textes écrits (2.)

et exige qu’il soit explicitement rappelé par voie d’affichage sur le chantier (3.).

famille CALAS est dédommagée par le Conseil du Roi. C’est une première dans l’histoire du droit

français, c’est la première erreur judiciaire reconnue par la justice. Cependant, le droit au recours est à

cette époque loin d’être né, car cette affaire est suivie d’une autre affaire toute aussi sordide pour la

justice. 117

L’affaire LA BARRE est une autre affaire d’erreur judiciaire commise par le parlement de Paris

cette fois-ci. En 1766, Jean-François LE FEBVRE, Chevalier de LA BARRE est un jeune garçon de

19 ans qui aime les œuvres philosophiques de VOLTAIRE et les romans érotiques, goûts qui seront

autant de circonstances aggravantes dans son procès. Le Chevalier de LA BARRE est injustement

accusé d’avoir mutilé un crucifix à Abbeville en 1765. D’abord condamné à la torture (poing coupé et

langue arrachée), il est finalement condamné en appel par le parlement de Paris à n’être que décapité

et livré au bûcher le 1er

juillet 1766. Sa réhabilitation est réclamée par VOLTAIRE qui ne l’obtient

qu’en 1793 sous la Convention. 118

DDHC, art. 16.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1) Une garantie constitutionnelle

Le droit au recours juridictionnel effectif dont disposent les tiers au permis de

construire n’est ni un droit anodin ni un droit banal. C’est au départ une garantie

constitutionnelle reconnue par la jurisprudence du Conseil constitutionnel (a.) avant

d’être une garantie constitutionnelle sans ambiguïté par son intégration pure et

simple au bloc de constitutionnalité (b.).

a. Une garantie constitutionnelle implicite

Le droit à exercer un recours juridictionnel effectif est au nombre des droits et

libertés que la Constitution garantit. Il peut être invoqué à l’appui d’une question

prioritaire de constitutionnalité119

. En outre, le Conseil constitutionnel considère

désormais classiquement

Qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société

dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des

pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’est garanti par cette

disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours

juridictionnel effectif120

.

119 V. Cons. const., 26 nov. 2010, n

o 2010-71 QPC, Mlle DANIELLE S., Hospitalisation sans

consentement (portant sur l’article 8 du Code de la santé publique), BIOY (X.), AJDA, 2011, p. 174 ;

AJDA, 2010, p. 2284 ; obs. BERNAUD (V.) et GAY (L.), D., 2011, p. 1713 ; obs. LAUDE (A.), D.,

2011, p. 2565 ; étude PENA (A.), RFDA, 2011, p. 951 ; note RENAUDIE (O.), RDSS, 2011, p. 304 ;

obs. BIOY (X.), Constitutions, 2011, p. 108 ; obs. HAUSER (J.), RTD civ., 2011, p. 101. 120

V. les illustrations jurisprudentielles suivantes : Cons. const., 28 sept. 2012, no 2012-275 QPC,

JORF no 0227, 29 sept. 2012, p. 15375, texte n

o 77, NOR : CSCX1235611S, D., 2012, p. 2246 ; obs.

MANGIAVILLANO (A.), D., 2013, p. 1591 ; AJDA, 2012, p. 1822 ; chron. GILBERT (S.), AJDI,

2013, p. 100 ; obs. HOSTIOU (R.), RDI, 2012, p. 556 ; Cons. const., 4 nov. 2010, no 2010-614 DC,

AJDA, 2010, p. 2135 ; LEVADE (A.), Première censure d’une loi autorisant l’approbation d’un

traité : l’accord comporte des clauses contraires à la Constitution, Constitution, no 1, 31 mars 2011,

p. 61.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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b. Une garantie constitutionnelle sans ambiguïté

Le Préambule de la Constitution de 1958 fait référence à la Déclaration des droits de

l’homme de 1789. Sur ce fondement, le Conseil constitutionnel a reconnu

expressément la valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789121

.

L’appartenance de la Déclaration de 1789 et les principes de valeur constitutionnelle

au bloc de constitutionnalité ne font depuis aucun doute122

.

À titre d’illustration, rappelons que le Conseil constitutionnel se réfère à l’article 16

de la DDHC de 1789 pour en déduire qu’il ne doit pas être porté d’atteinte

substantielle au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant

une juridiction123

. Le principe d’égalité devant la justice interdit au législateur de

supprimer pour l’une des parties l’exercice du double degré de juridiction. À ce titre,

le Conseil constitutionnel consacre la valeur constitutionnelle du principe des droits

de la défense en censurant une disposition permettant au tribunal d’expulser du

prétoire l’avocat d’une partie en raison de son comportement à l’audience124

. Le droit

au recours vise également à sanctionner l’incompétence négative du législateur125

.

Enfin, rappelons encore que le Conseil constitutionnel reconnaît le principe du

recours ouvert contre toutes sanctions administratives prononcées par une A.A.I. et

consacre le droit au recours non aggravant (l’appel ne peut pas nuire, en l’absence

d’appel incident)126

.

121 Cons. const., 27 déc. 1973, n

o 73-51 DC, Taxations d’offices, Rec. Cons. const., p. 25 ; R.J.C., I-

28 ; JO, 28 déc., p. 14004 ; GDCC, 16e éd., no 8 ; note GAUDEMET (Y.), AJDA, 1974, p. 236 ;

chron. HAMON (F.), D., 1974, p. 83 ; note QUOC DINH (N.), JCP, 1974, p. 17691 ; RDP, 1974,

p. 531 ; note PHILIP (L.) ibid., p. 1099 ; note LALUMIERE (C.), AJDA, 1975, p. 357. 122

Guide legistique, accessible sur le site Légifrance.gouv.fr, www.legifrance.gouv.fr/Droit-

francais/Guide-de-legistique. 123

Cons. cons., 9 avril 1996, no 96-373 DC, Statut de la Polynésie française. Rec. Cons. const., p. 43,

JO 13 avr. 1996, p. 5724 [Non-conformité partielle]. 124

Cons. const., 20 janv. 1981, no 80-127 DC, Sécurité et Liberté ; Rec. Cons. const., p. 15 ; R.J.C.

p.I-90 ; JO 22 janv. 1981, p. 308 ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du Conseil

constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 426.

125 Cons. const. 23 juill. 1975, n

o 75-56 DC, Loi modifiant et complétant certaines dispositions de

procédure pénale spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure

pénale, JO 24 juill. 1975, p. 7533, Rec. CC p. 22 [Non-conformité partielle]. 126

Cons. const., 17 janv. 1989, no 88-248 DC, C.SA ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes

décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 684 ;

DEBBASCH (Ch.), Grands arrêts du droit de l’audiovisuel, Paris, Dalloz, 1991, p. 319, GENEVOIS

(B.), RFDA, 1989, p. 215 ; AUTIN (J.-L.), RA, 1989, p. 223.

Page 81: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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L’effectivité du droit au recours se manifeste de différentes manières. Nous l’avons

rappelé, le double degré de juridiction en est un élément important. Mais ce n’est pas

le seul. Entre dans le champ du droit au recours également des moyens d’accès à la

justice. Il s’agit notamment de la gratuité du service public de la justice127

, de la

charge des dépens qui est fixée par le tribunal à la fin du dispositif de sa décision, du

remboursement des frais irrépétibles, du bénéfice de l’aide juridictionnelle laquelle

entre dans le cadre du « judicare system »128

. Entre également dans le champ du droit

au recours tel qu’il est garanti par le Conseil constitutionnel le droit de disposer non

seulement de l’assistance d’un conseil mais aussi d’un interprète. Par ailleurs, le

respect des délais et des conditions raisonnables et dans l’empêchement de l’abus du

droit de recours font partie intégrante du contenu du droit au recours. Et en vertu

d’un « devoir de protection juridictionnelle129

», l’État engage sa responsabilité en

cas de mauvais fonctionnement de la justice130

.

Il résulte de ces observations que dans le contexte du permis de construire, il est

difficilement soutenable de développer une argumentation tendant à la minoration du

droit au recours au profit d’une sécurisation des permis de construire. Sans aucun

doute, une telle réforme ou tentative de réforme ne passerait pas les fourches

caudines des sages de la rue de Montpensier.

Pour autant, un revirement de jurisprudence du juge administratif pourrait-il être

envisageable ? Un pourvoi bien construit pourrait-il assouplir la jurisprudence du

Conseil d’État ? Ceteris paribus sic stantibus131

, c’est peu probable.

127 La justice administrative est gratuite depuis 1977 puisque les actes de procédures sont dispensés du

droit de timbre fiscal et que chaque partie a droit à une copie gratuite de chaque acte de procédure, mis

à part le droit de plaidoirie dû devant le T.G.I. qui est à la charge des avocats et non des justiciables. 128

Par opposition au système anglo-saxon dit « staff system ». Le « judicare systeme » est un système

d’aide juridictionnelle dans lequel des avocats indépendants assistent les plus démunis et sont

remboursés pour cela sur des fonds publics. À l’opposé le « staff system » est un bureau de juristes

fonctionnaires chargé d’assurer la défense des justiciables impécunieux. 129

Selon l’expression du doyen Louis FAVOREU. 130

PERROT (R.), Institutions judiciaires, 9e éd., Montchrestien, coll. Domat Droit privé, Paris, 2000,

529 p., p. 81. 131

Ceteris paribus sic stantibus : toutes choses étant égales par ailleurs.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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2) Un principe général du droit à valeur

constitutionnelle

S’atteler aux problèmes engendrés par la multiplication des recours abusifs dirigés

contre les permis de construire ne semble pas a priori poser un problème de

constitutionnalité. Mais, dès lors que l’idée de modeler autrement le droit au recours

est envisagée, un problème de constitutionnalité se pose nécessairement. Et pour ce

faire, il n’y a même pas lieu de saisir le Conseil constitutionnel. En effet, le juge

administratif reconnaît depuis longtemps, bien avant même le Conseil

constitutionnel, la valeur du droit au recours. L’analyse de la jurisprudence du juge

administratif montre que le droit au recours juridictionnel prévaut même en l’absence

de texte (a.). Et en tout état de cause, le juge administratif a fait sienne la

jurisprudence du Conseil constitutionnel (b.).

a. Un principe général du droit

Dès 1950, le Conseil d’État juge que le droit au recours juridictionnel effectif est un

principe général du droit. Ainsi, par une décision du 17 février 1950, Ministre de

l’Agriculture contre Dame LAMOTTE132

, il juge que toute décision administrative

peut faire l’objet, même sans texte, d’un recours, et en l’occurrence d’un recours

pour excès de pouvoir. Rappelons que le recours pour excès de pouvoir est le recours

juridictionnel dirigé contre des actes unilatéraux émanant soit d’une autorité

administrative, soit d’un organisme privé agissant dans le cadre d’une mission de

service public et dont le but est d’obtenir l’annulation pour cause d’illégalité de ces

actes. Cette jurisprudence est donc intéressante au plus haut point pour la présente

thèse, car en matière de contentieux de permis de construire, les recours contentieux

sont dirigés à l’encontre de l’arrêté municipal ou préfectoral par lequel le maire ou le

préfet a délivré le permis de construire et a donc validé le fait que le projet de

construction envisagé est conforme aux règles d’urbanisme et de construction en

vigueur.

Dans cet arrêt, Ministre de l’Agriculture contre Dame LAMOTTE, les faits sont

assez simples et donnent l’occasion au Conseil d’État d’adopter une position juste et

132 Préc. CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note

WALINE (M.) ; RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n

o 61, p. 394.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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audacieuse mais très vraisemblablement contraire à l’esprit du législateur des années

quarante. En l’espèce, la loi du 17 août 1940 confère aux préfets le pouvoir de

concéder à des exploitations abandonnées ou en jachère depuis plus de deux ans à

des tiers la mise en culture immédiate. En application de cette loi, les terres de

Madame LAMOTTE font l’objet à deux reprises d’une concession à des tiers en sus

d’une réquisition. Chacune de ces décisions a été annulée par le Conseil d’État. Par

arrêté du 10 août 1944, le préfet de l’Ain concède une nouvelle fois les terres en

cause. Mais, entre-temps, une loi du 23 mai 1943 dispose que l’octroi de la

concession ne peut pas faire l’objet d’un recours administratif ou judiciaire. Aux

termes de cette loi, le Conseil d’État aurait dû déclarer le dernier recours de Madame

LAMOTTE irrecevable. Pourtant, ce n’est pas la solution retenue par le juge

administratif. Il adopte un raisonnement audacieux mais alors nécessaire pour lutter

contre l’arbitraire de l’État. Il juge qu’il existe un principe général du droit en vertu

duquel toute décision administrative peut faire l’objet, même sans texte, d’un recours

pour excès de pouvoir. Le Conseil d’État juge donc que la disposition de la loi du

23 mai 1943, quoiqu’elle ne l’ait pas précisé expressément, « n’a pas exclu le recours

pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre l’acte de concession, recours

qui est ouvert même sans texte contre tout acte administratif, et qui a pour effet

d’assurer, conformément aux principes généraux du droit, le respect de la

légalité133

. »

En vertu de cette jurisprudence, maintes fois confirmée depuis, ni le pouvoir

législatif ni le pouvoir réglementaire ne peuvent interdire le droit au recours, et au

cas particulier, le recours pour excès de pouvoir visant à l’annulation des

autorisations d’urbanisme délivrées. Bien entendu, le législateur peut théoriquement

toujours interdire le recours pour excès de pouvoir contre certaines décisions. Mais,

dans le contexte normatif interne et jurisprudentiel actuel, les juges sanctionneraient

immanquablement une telle restriction, outre le fait qu’elle serait contraire aux

conventions internationales. Et avec la reconnaissance de la valeur constitutionnelle

du droit au recours par le Conseil constitutionnel, une telle remise en cause semble

quasiment impossible, d’autant que le Conseil d’État a entériné la jurisprudence du

Conseil constitutionnel.

133 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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b. Un principe à valeur constitutionnelle

Le Conseil d’État, dans la droite ligne du Conseil constitutionnel, juge que le droit au

recours juridictionnel effectif est un principe à valeur constitutionnelle. Rappelons

qu’un principe à valeur constitutionnelle se distingue du principe général du droit qui

s’entend de la principale source non écrite du droit administratif, représentée par des

règles de droit obligatoires pour l’Administration et dont l’existence est affirmée de

manière prétorienne par le juge et dont le respect s’impose à toutes les autorités

administratives, même dans les matières où le Gouvernement est investi par la

Constitution d’un pouvoir réglementaire autonome non subordonné à la loi. Le

principe à valeur constitutionnelle s’entend, quant à lui, d’un principe général qui,

bien que n’étant pas explicitement énoncé dans les textes de valeur constitutionnelle,

est reconnu par le Conseil constitutionnel comme s’imposant au législateur avec la

même force qu’eux. De manière crescendo, le Conseil d’État a reconnu l’importance

du recours juridictionnel effectif.

Dans une décision Monsieur et Madame HOFMANN du 21 décembre 2001134

, le

Conseil d’État s’est montré particulièrement explicite :

Considérant que dans l’exercice de sa compétence le pouvoir réglementaire

doit se conformer tout à la fois aux règles et principes de valeur

constitutionnelle, aux principes généraux du droit ainsi qu’aux engagements

internationaux introduits dans l’ordre juridique interne ;

Considérant qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen à laquelle renvoie le Préambule de la Constitution de

1958 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée

ni la séparation des pouvoirs déterminée n’a point de Constitution » ; que la

garantie ainsi proclamée implique le droit pour les personnes intéressées

d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que la définition par le

pouvoir réglementaire des modalités de mise en œuvre de ce droit devant la

juridiction administrative ne saurait conduire à porter atteinte à sa substance

même.

C’est donc un principe qui repose sur un considérant explicite.

134 CE, 4

e et 6

e SSR, 21 déc. 2001, M. et Mme HOFMANN, n

o 222862, Rec. Lebon, p. 653 ; D. 2002,

no 08, 21 fév. 2002, p. 697.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Au regard de ce qui précède, quels que soient les enjeux économiques et humains

que comporte le contentieux des permis de construire, il n’est manifestement pas

soutenable de solliciter une réforme visant à limiter le droit au recours au profit du

titulaire du permis de construire. De la même manière, il semble difficile d’espérer

raisonnablement un revirement du juge administratif sur ce point pour rejeter en bloc

les recours contre les permis de construire. L’attachement au droit au recours est

également rappelé par le droit de l’urbanisme lui-même.

3) Un principe rappelé jusque sous la poussière du

chantier

Le caractère essentiel du droit au recours effectif est aujourd’hui tel en droit positif

que le pouvoir réglementaire a jugé nécessaire de le rappeler jusque sous la poussière

du chantier. En 2007, le Ministre d’État, Ministre de l’Écologie, du Développement

et de l’Aménagement durables, alors incarné par Jean-Louis BORLOO et le directeur

adjoint au directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, Étienne

CRÉPON, introduisent par arrêté du 11 septembre 2007135

un article A. 424-17136

dans le Code de l’urbanisme pour rappeler l’existence du droit au recours au

justiciable-riverain d’une opération de construction. Ledit article dispose que le droit

au recours et ses modalités doivent être impérativement affichés sur le chantier.

Le panneau d’affichage comprend la mention suivante :

« Droit de recours :

« Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier jour

d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent

panneau (art. R. 600-2 du Code de l’urbanisme).

« Tout recours administratif ou tout recours contentieux doit, à peine

d’irrecevabilité, être notifié à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du

permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. Cette notification

doit être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception dans un

135 Entré en vigueur le 1

er octobre 2007.

136 Arrêté 2007 sept. 11, art. 4, II, JORF, 13 septembre 2007, en vigueur le 1

er octobre 2007.

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délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours (art. R.*600-1 du

Code de l’urbanisme)137

. »

L’attachement au droit au recours est donc manifeste. La rédaction de l’article

A. 424-17 ci-dessus en témoigne. De même, un bref rappel des réformes marquantes

sur ce point appuie le constat que le législateur cherche à résoudre les problèmes du

contentieux des permis de construire en contournant l’écueil que constitue le droit au

recours. Amorcée par l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005, la réforme

des autorisations d’urbanisme a été complétée dans un premier temps par des

mesures destinées à sécuriser ces autorisations par la loi no 2006-872 du 13 juillet

2006 portant engagement national pour le logement (E.N.L), et dans un second temps

par le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 et publié au Journal officiel du 6 janvier

2007 qui a modifié le livre IV de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme.

Entré en vigueur au 1er

octobre 2007, ce décret a regroupé les autorisations

d’urbanisme en deux catégories : la déclaration préalable et les permis (le permis de

construire, le permis d’aménager et le permis de démolir). Il a également simplifié

les formalités et offert au pétitionnaire des garanties de délai d’instruction. Et surtout,

ce qui intéresse la présente thèse, il a apporté deux précisions notables en matière de

contentieux.

Avec la première, la validité du permis se trouve prorogée si le titulaire interrompt

les travaux par prudence. En principe, en droit administratif, sauf dispositions

contraires, les recours formés devant les juridictions administratives n’ont pas d’effet

suspensif138

. Cette absence s’explique par les conditions dans lesquelles la procédure

administrative est engagée. Ainsi, Raymond ODENT explique qu’un recours ne peut

être introduit que contre une décision administrative. Cette décision, poursuit-il, est

par elle-même exécutoire quoiqu’elle ne puisse être exécutée d’office par la force

publique que dans des cas précis tels qu’un ordre de la loi, un péril imminent pour la

sécurité ou la salubrité ou encore le maintien de l’ordre public139

.

Or, un recours contentieux ne paralyse pas l’exécution de cette décision. Si par la

suite, il s’avère que c’est une décision illégale ou viciée qui a été appliquée, son

exécution peut constituer une faute engageant la responsabilité de l’Administration.

137 Code de l’urbanisme, art. A. 424-17, créé par Arrêté 2007 sept. 11, art. 4, II, JORF, 13 septembre

2007, en vigueur le 1er

octobre 2007. 138

ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, p. 725. 139

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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C’est la raison pour laquelle, par pragmatisme, il est fréquent qu’une autorité dont

une décision est attaquée attende que le juge ait statué140

. En droit de l’urbanisme,

l’article R.* 424-19141

du Code de l’urbanisme prévoit que si l’autorisation

d’urbanisme fait l’objet d’un recours en annulation devant la juridiction

administrative (donc soit un recours pour excès de pouvoir, soit un déféré

préfectoral) ou devant la juridiction civile sur le fondement de l’article L. 480-13 du

même code, « le délai de validité de ce permis est suspendu jusqu’à la notification de

décision juridictionnelle irrévocable ». Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS souligne

que cette mesure limite les recours infondés et leurs éventuels effets négatifs et évite

aux pétitionnaires de devoir recommencer toute la procédure d’obtention du permis

de construire pour cause de caducité du précédent142

. C’est donc bien le délai de

validité du permis qui est prorogé de la durée de l’instance y compris le délai entre

lecture et notification (ou signification pour les jugements judiciaires)143

. Ainsi, si le

recours contre le permis de construire peut apparaître comme suspensif, il n’en est

rien. Ce point est d’ailleurs précisé par une réponse ministérielle relevant que « les

recours contentieux à l’encontre des autorisations d’urbanisme n’étant pas

suspensifs, ils n’ont pas pour effet de geler les projets contestés. Ce gel résulte du

choix du titulaire de l’autorisation de ne pas initier les travaux prévus, ce qui a pour

effet pernicieux d’encourager la multiplication des recours dilatoires144

».

Par ailleurs, il subsiste un doute sur la formule « jusqu’à la notification de la décision

juridictionnelle irrévocable ». Comme le souligne Rémi ROUQUETTE, la formule

« n’est pas claire145

». En effet, concernant les juges du fond, la décision devient

140 Ibid.

141 Code de l’urbanisme, art. R.* 424-19 modifié par Décret n

o 2012-189 du 7 février 2012 – art. 11 :

« En cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-

opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de

l’article L. 480-13, le délai de validité prévu à l’article R. 424-17 est suspendu jusqu’au prononcé

d’une décision juridictionnelle irrévocable.

Il en va de même, en cas de recours contre une décision prise pour l’autorisation, l’enregistrement en

application des articles L. 512-1 ou L. 512-7 du Code de l’environnement ou le récépissé de

déclaration prévu à l’article L. 512-8 du même code, lorsque le permis de construire a fait l’objet,

conformément au premier alinéa de l’article L. 512-15 du Code de l’environnement, d’un dépôt de

demande simultané avec la demande qui est à l’origine de la décision contestée. » 142

SAVARIT-BOURGEOIS (I.), La simplification et la sécurisation du permis de construire à travers

les réformes récentes du droit à l’urbanisme, D. actu., 28 mars 2008. 143

ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 916, § 821-35. 144

Rép. Min., no 104982, JOAN Q. 19 juill. 2001, p. 7879.

145 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5

e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 916, § 821-35.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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irrévocable par l’écoulement du délai d’appel ou de pourvoi en cassation. Ce n’est

donc pas une question de notification. Le délai d’appel ou de pourvoi prolonge-t-il

aussi la validité ? Il semble que la réponse soit positive au regard d’une réponse

ministérielle du 20 octobre 2009146

qui précise en substance que si un permis ou une

décision de non-opposition à déclaration préalable fait l’objet d’un recours, sa

validité est prorogée du temps nécessaire à la juridiction pour se prononcer, y

compris s’il y a appel et cassation147

. Les délais ainsi articulés écartent désormais la

menace d’une éventuelle caducité du permis : le bénéficiaire du permis peut

désormais faire le choix d’attendre l’issue du recours pour construire en toute

sérénité sans prendre le risque de perdre le bénéfice du permis délivré. Ainsi, la

réponse ministérielle précise encore que « le cadre actuel parvient à maintenir un

équilibre, entre le droit au recours et la nécessaire défense du logement et notamment

du logement social ».

Avec la seconde précision, le point de départ du délai de recours a été déconnecté de

la date d’affichage en mairie. En effet, aux termes de l’article R. 600-2 du Code de

l’urbanisme, le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du premier

jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain du présent

panneau. Force est de constater que toutes ces réformes n’ont jamais atteint le droit

au recours en lui-même.

L’ensemble de ces constatations amène à la conclusion que quels que soient les

enjeux soulevés par le contentieux des permis de construire, qu’il relève de recours

abusifs ou non, le législateur et le pouvoir réglementaire ont été amenés à contourner

le problème de la limitation du droit au recours. Cela s’explique par le fait qu’en plus

d’être constitutionnel, le droit au recours a également une valeur supranationale de

droit fondamental.

146 Rép. Min., n

o 30335, JOAN Q. 20 oct. 2009, p. 9936 ; BJDU, 2009, p. 406.

147 Code de l’urbanisme, art. R. 424-19.

Page 89: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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B. Le droit au recours, un droit fondamental

La réforme du régime des autorisations d’urbanisme au profit d’une meilleure

sécurité juridique est contrariée par la valeur constitutionnelle historique du droit au

recours.

La valeur constitutionnelle que confère le droit interne au droit au recours fait

obstacle à toute minoration de ce dernier. Partant, existe-t-il en droit international,

européen, ou communautaire une solution pour limiter les effets du droit au recours ?

La réponse est négative. À l’échelle du droit international, le droit au recours a été

maintes fois consacré tant par des conventions, des déclarations que par des

jurisprudences constantes. En effet, le droit au recours, et au cas particulier le recours

contre un permis de construire, est un droit protégé par le droit international (1.) et

les droits européen et communautaire (2.) qui en font un droit fondamental obstacle

de réforme (3.).

1) Le droit au recours, un droit onusien

L’Assemblée générale des Nations unies protège le droit au recours par sa

Déclaration universelle des droits de l’homme et par le Pacte international relatif aux

droits civils et politiques. Rappelons que l’Assemblée générale des Nations unies est

le principal organe délibérant, directeur et représentatif de l’Organisation des Nations

unies (O.N.U.). Fondée après la seconde guerre mondiale, en 1945, par cinquante et

un pays déterminés à maintenir tant la paix que la sécurité dans le monde, l’O.N.U. a

accru le respect des droits de l’homme.

a. La Déclaration universelle des droits de l’homme

La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) a été adoptée le

10 décembre 1948 par l’Assemblée générale des Nations unies, principal organe

délibérant de l’O.N.U. et composée de représentants des États membres. Elle n’est

donc pas un traité mais un simple texte déclaratif. Bien qu’ayant fait l’objet d’une

publication au Journal officiel de la République française, elle ne bénéficie pas, en

droit interne, de la primauté reconnue aux traités par l’article 55 de la Constitution de

1948. Toutefois, elle mérite d’être mentionnée car elle atteste de la valeur ancienne

que l’Assemblée générale des Nations unies accorde au droit au recours.

Page 90: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales

compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont

reconnus par la constitution ou par la loi148

.

Or, le droit au recours est lui-même un droit fondamental reconnu par la

Constitution.

b. Le Pacte international relatif aux droits civils et

politiques

Inspirée de la DUDH, l’Assemblée dénérale des Nations unies adopte, le

16 décembre 1966, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques149

. Ce

faisant, la France s’est engagée, aux termes de l’article 2.3 de la deuxième partie du

Pacte, à garantir à toute personne, dont les droits et libertés reconnus dans ledit pacte

auraient été violés, la faculté d’exercer un recours utile.

3. Les États parties au présent Pacte s’engagent à :

a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le

présent Pacte auront été violés disposera d’un recours utile, alors même que

la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de

leurs fonctions officielles ;

b) Garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou

législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’État,

statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les

possibilités de recours juridictionnel ;

c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout

recours qui aura été reconnu justifié150

.

148 DUDH, art. 8.

149 Ratifié en 1980 par la France et publié par le décret n

o 81-76, 29 janv. 1981 ; JORF, 1

er févr. 1981,

p. 398. 150

Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, Deuxième partie,

art. 2.3, Décret no 81-76 du 29 janvier 1981, JORF du 1

er février 1981 p. 398.

Page 91: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Le droit au recours n’est pas seulement un droit fondamental protégé par le droit

international, il est aussi un droit garanti par le droit européen et communautaire.

2) Un droit européen et communautaire

L’une des difficultés pour résoudre la problématique posée par la multiplication des

recours abusifs exercés à l’encontre des permis de construire réside en partie dans la

valeur supranationale du droit au recours juridictionnel pour autant que la garantie

supranationale puisse être invoquée en matière urbaine. Tel n’est pas le cas de la

garantie du droit au recours offerte par l’Union européenne (a.). En revanche, la

garantie du droit au recours juridictionnel effectif offerte par le Conseil de l’Europe

est une véritable protection qui constitue en pratique un obstacle pour réformer le

droit interne et pour sécuriser les permis de construire sans entrer en infraction avec

les normes européennes (b.).

a. La garantie de l’Union européenne

C’est au travers de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne

(anciennement Cour de justice des communautés européennes (CJCE)) et des

principes généraux du droit qu’existe la garantie de l’Union européenne. La plupart

des garanties protégées par la Cour de justice de l’Union européenne sont également

consacrées par les traités. Dans le cadre de la présente thèse, l’analyse des garanties

de l’Union européenne en matière de permis de construire et de droit au recours

implique de revenir sur la compétence de l’Union européenne. Cette dernière n’a pas

de compétences en droit de l’urbanisme. En revanche, ses autres compétences et sa

jurisprudence peuvent avoir une répercussion en matière urbaine mais de manière

limitée.

b. Incompétence de l’Union européenne sur les

permis de construire

Il faut dire un mot de l’incompétence de l’Union européenne en matière urbaine.

Auparavant le Traité de Maastricht, signé par le France le 7 février 1992, organisait

auparavant trois piliers. Cette structure en piliers a été supprimée avec le Traité de

Lisbonne, entré en vigueur au 1er

décembre 2009. Mais il faut rappeler cette ancienne

structure en pilier pour expliquer l’incompétence de l’Union sur les permis de

construire.

Page 92: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

92/480

L’ex-premier pilier englobait les communautés européennes originelles portant sur le

charbon, l’acier, l’économie et l’énergie atomique avec, d’une part, la Communauté

européenne du charbon et de l’acier dont le traité fondateur avait été signé le 18 avril

1951 à Paris, la Communauté économique européenne et, d’autre part et enfin, la

Communauté européenne de l’énergie dont les traités fondateurs avaient été signés le

25 mars 1957 à Rome.

L’ex-deuxième pilier portait sur la politique étrangère et la sécurité commune. Enfin,

l’ex-troisième pilier visait la coopération judiciaire et policière. Ces trois piliers

ignoraient purement et simplement le droit de l’urbanisme. Le Traité d’Amsterdam

signé le 2 octobre 1997 et le Traité de Nice du 26 février 2001 ont modifié et

complété le Traité de Maastricht sans pour autant apporter une quelconque

compétence en matière d’urbanisme à l’Union européenne. Le Traité de Lisbonne,

signé le 17 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er

décembre 2009151

a opéré une

révolution textuelle en modifiant les traités des Communautés européennes et ceux

de l’Union européenne. Marquant un certain retour à la simplicité, il met un terme à

la structure en pilier. Les deux traités de base demeurent, sous réserve du

changement d’intitulé du traité instituant la Communauté européenne devenu le traité

sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le Traité EURATOM instituant la

Communauté européenne de l’énergie atomique subsiste. La nouvelle Union

européenne se substitue à la Communauté européenne152

. Le Traité instituant la

Communauté européenne (TCE) est modifié et incorporé sous une nouvelle

numérotation au Traité de l’Union européenne (T.U.E.) lequel a introduit une charte

des droits fondamentaux. Mais, et en dépit de ces modifications successives, aucune

compétence expresse en matière urbaine n’est attribuée à l’Union européenne.

Face au constat d’absence de compétence en matière urbaine, il faut rappeler les

dispositions de l’article 352-1 du T.U.E. (anciennement l’article 308 du TCE) :

Si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques

définies par les traités, pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités,

sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le

151 JO 2007/C 306/01du 17 déc. 2007.

152 BLUMANN (Cl.) et DUBOUIS (L.), Droit institutionnel de l’Union européenne, manuel, Litec

Lexis Nexis, 4e éd., Paris, 2010, 828 p., p. 69, § 90.

Page 93: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après

approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées153

.

Dès lors, si l’Union européenne juge nécessaire d’intervenir en matière urbaine, elle

dispose du fondement nécessaire à son intervention. C’est d’ailleurs ce qui justifie la

compétence de l’Union européenne dans les fonds structurels européens pour le

renouvellement urbain dans le cadre de la politique régionale de l’Union européenne.

Mais, la politique régionale vise une politique de soutien financier aux États

membres pour la mise en œuvre de projets initiés par la Commission européenne154

ou par les États eux-mêmes et non le contentieux des autorisations d’urbanisme.

Nonobstant ce qui précède, l’Union européenne ne peut pas intervenir par voie

normative en matière urbaine, son intervention se bornant à la politique régionale et à

l’octroi de fonds aux États membres dans le cadre de programme de renouvellement

urbain.

Il appert de ces observations que les traités encadrant l’Union européenne ne

peuvent, en l’état, être d’aucun secours pour lutter contre les recours abusifs

contentieux exercés contre les autorisations administratives de construire. En effet,

l’Union européenne n’a aucune compétence pour intervenir sur les permis de

construire (i.). Cependant, et de manière sans équivoque, le Conseil de l’Europe

protège le droit au recours qui lui a un effet évident sur les permis de construire (ii.).

153 T.U.E., art. 352-1 (ancien TCE, art. 308).

154 T.U.E., art. 17-1 (ancien TCE, art. 211) : « La Commission promeut l’intérêt général de l’Union et

prend les initiatives appropriées à cette fin. Elle veille à l’application des traités ainsi que des mesures

adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. Elle surveille l’application du droit de l’Union sous le

contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle exécute le budget et gère les programmes.

Elle exerce des fonctions de coordination, d’exécution et de gestion conformément aux conditions

prévues par les traités. À l’exception de la politique étrangère et de sécurité commune et des autres cas

prévus par les traités, elle assure la représentation extérieure de l’Union. Elle prend les initiatives de la

programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union pour parvenir à des accords interinstitutionnels. »

Page 94: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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i. La non-invocabilité du droit au recours garanti par

l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne juge depuis son arrêt du 15 mai 1986, dit

JOHNSTON155

, que le droit au recours juridictionnel est un des principes généraux

du droit communautaire. Un tel principe s’impose donc aux institutions

communautaires. Ces principes sont inspirés à la fois des traditions constitutionnelles

communes aux États membres156

et des droits consacrés par la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme157

.

Or, les principes généraux du droit communautaire ont une portée juridique dans

l’ordre interne au même titre que les traités. En effet, depuis l’arrêt Syndicat National

de l’Industrie Pharmaceutique rendu par le Conseil d’État en date du 3 décembre

2001158

, le juge administratif considère que les principes généraux de l’ordre

juridique communautaire déduits du traité instituant la Communauté européenne ont

la même valeur juridique que ce dernier. Ces principes sont invocables pour autant

que le juge ait à connaître d’une situation régie par le droit communautaire159

. Le

juge administratif limite donc l’invocabilité du droit au recours garanti par l’Union

européenne.

En d’autres termes, les traités et la jurisprudence de l’Union européenne ne peuvent

être utilement exploités en l’état actuel du droit positif pour justifier ou pour limiter

le droit au recours contre les permis de construire. En effet, le domaine de

l’urbanisme et donc a fortiori des permis de construire est, nous l’avons rappelé au

155 Préc. CJCE, 15 mai 1986, Marguerite JOHNSTON c. Chief Constable of the RUC, aff. 222/84,

Rec. JC, p. 1651, à propos du rejet de la candidature d’une femme du fait des risques d’attentats en

Irlande du Nord au moment des « troubles ». 156

CJCE, 17 déc. 1970, Internationale HANDELSGESELLSCHAFT, 11/70, Rec J.C., p. 1125,

GACJCE, T. 1, no 17, SUDRE (F.), Droit européen et international des droits de l’homme, PUF, 11

e

édition, 2012, § 97-105. 157

CJCE, 14 mai 1974, NOLD, 4-73, Rec. JC, 1974, p. 491. 158

V. CE, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (SNIP) et autres, no 226514,

Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A-L), AJDA, no 1/2002, p. 166 ; étude

CASTAING (C.), RTD eur., 2003, p. 197. 159

Le Conseil d’État a confirmé cette position dans un arrêt Société KPMG, CE, ass., 24 mars 2006,

Société KPMG, no 288460, Rec. Lebon, p. 154, RFDA, 2006, p. 463, concl. AGUILA (Y.), AJDA,

2006, p. 1028 ; chron. LANDAIS (C.) et LENICA (F.), D., 2006, p. 1224, chron. CASSIA (P.),

AJDA, 2006, p. 897, note MELLERAY (F.), GAJA, 18e éd., D. 2011, n

o 113, p. 875.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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point précédent, hors champ de la compétence de l’Union européenne et de la Cour

de justice de l’Union européenne.

Même la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre

2000160

, telle qu’elle a été adoptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg avant d’être

introduite dans le T.U.E. par l’article 6, n’est pas exploitable dans le domaine des

permis de construire. La Charte, essentiellement inspirée de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des traditions constitutionnelles

communes aux État, précise que :

Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont

été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des

conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,

publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et

impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de

se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de

ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour

assurer l’effectivité de l’accès à la justice161

.

Cependant, la Charte n’est invocable que dans la mesure où le juge a à connaître là

encore d’une situation régie par le droit communautaire. Ce qui, nous l’avons dit,

n’est pas le cas de la matière urbaine et des autorisations d’urbanisme.

ii. La garantie du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe, dans sa mission de promotion de la défense des droits de

l’homme, a adopté de nombreux traités relatifs aux droits fondamentaux dont le plus

important est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des

libertés fondamentales (CESDH). Adoptée à Rome le 4 novembre 1950 et entrée en

160 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2000/C 364/01.

161 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Titre VI Justice, art. 47, Droit à un recours

effectif et à accéder à un tribunal impartial.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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vigueur dans l’ordre international le 3 septembre 1953, la Convention a été ratifiée

près de 20 ans après par la France et en deux temps.

Le premier temps de la ratification française est fait le 3 mai 1974, date de la

signature du décret de ratification par le président de la République par intérim Alain

POHER. Le second temps de cette ratification est marqué par le président de la

République François MITTERRAND qui ratifie l’ancien article 25 de la convention

le 2 octobre 1981, consacrant la reconnaissance par la France du droit au recours

individuel permettant à tout citoyen mais également à tout étranger de saisir

directement la Cour européenne des droits de l’homme.

En effet, l’article 6, paragraphe 1er

, combiné à l’article 13 de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

consacre le droit à un recours juridictionnel effectif pour toute personne dont les

droits et libertés reconnus par la Convention auraient été méconnus.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement,

publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et

impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits

et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en

matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement,

mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public

pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de

l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique,

lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties

au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le

tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de

nature à porter atteinte aux intérêts de la justice162

.

Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente

Convention ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une

instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des

personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles163

.

Ces textes sont à rapprocher de l’article 1er

du Protocole additionnel à la Convention

de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signé le 20 mars

162 CESDH, art. 6 § 1

er.

163 CESDH, art. 13.

Page 97: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1952 et entrée en vigueur en 1954. Ce protocole institue une protection de la

propriété privée.

Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne

peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les

conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent

les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour

réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour

assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes164

.

Derechef, de la combinaison de ces textes se déduit le caractère fondamental du droit

au recours. Quel en est l’effet dans la lutte contre les recours contentieux abusifs

exercés contre les permis de construire ? Ce caractère fondamental du droit au

recours explique en partie pourquoi il est si difficile pour les pouvoirs publics et pour

le législateur d’endiguer le phénomène de la multiplication des recours abusifs contre

les permis de construire. En effet, compte tenu du caractère fondamental du droit au

recours même dans un litige où le droit de propriété ou le respect des biens d’un tiers

est en jeu, il n’est pas envisageable pour le législateur de porter atteinte au droit au

recours du tiers au motif qu’il sécurise l’autorisation de construire délivrée au

pétitionnaire. En effet, si l’alinéa 2 de l’article 1er

du protocole additionnel à la

CESDH prévoit la possibilité pour les États de mettre en vigueur des lois pour

réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général, ou pour assurer le

paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes, il ne fait aucun doute

que sécuriser les permis de construire des pétitionnaires ne relève pas de ces

exceptions. Seul un permis de construire portant sur un projet d’intérêt général

pourrait porter atteinte au droit au respect des biens du tiers, mais l’intérêt général

resterait à démontrer et une telle hypothèse ne permettrait pas de restreindre le droit

au recours, qui serait bien entendu maintenu, même dans le cas d’un projet de

construction motivé par l’intérêt général. Et on remarquera que la spécificité d’une

hypothèse ne permettrait pas de résoudre le problème posé par la multiplication des

recours abusifs formés contre les permis de construire. Le droit au recours empêche-

t-il pour autant toute réforme au profit d’une sécurisation du permis de construire

contre les recours abusifs ?

164 Protocole additionnel à la CESDH, art.1, Protection de la propriété.

Page 98: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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3) Un droit fondamental, obstacle de réforme

Plus qu’une liberté publique, le droit au recours est un droit fondamental qui

complique grandement la tâche de qui veut sécuriser les permis de construire. Cela

tient, en outre, au fait qu’un droit fondamental est plus précis qu’une liberté

publique. Contrairement à la liberté publique qui est une faculté d’autodétermination

sans besoin d’une formalisation textuelle, le droit fondamental est formalisé par un

texte ou par une jurisprudence spécifique. Il est donc invocable en justice en tant que

tel. Et le juge français ne peut s’y soustraire.

En d’autres termes, si le juge de la légalité du permis de construire vient à nier le

droit au recours d’un justiciable, la responsabilité de l’État serait ipso facto engagée,

l’exposant aux sanctions prévues par le Traité d’Amsterdam165

qui sont applicables

en droit interne. En effet, aux termes de l’article 55 de la Constitution, les traités et

conventions, sous réserve d’une ratification et d’une publication régulière, ont une

valeur supérieure à la loi.

Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur

publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour

chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie166

.

Le caractère supranational du droit au recours s’oppose également à toute initiative

jurisprudentielle du juge du permis de construire. La DUDH ne peut être invoquée

devant le juge du permis de construire car il s’agit d’un acte unilatéral adopté par

l’Assemblée générale des Nations unies et non d’une convention internationale. En

revanche, la protection du pacte onusien et celle de la CESDH suffisent à consacrer

de manière claire et sans équivoque la valeur supranationale du droit au recours

effectif.

Dès lors, la lutte contre les recours abusifs des permis de construire doit compter

avec le droit au recours qui tolère mal la limitation. Cependant, dans le contexte

urbain, le droit au recours est susceptible d’aboutir à des dérives abusives et parfois

rentables pour les justiciables qui commettent ces abus.

165 Toutes matières confondues, les sanctions peuvent aller de la suspension des droits dont le droit de

vote, aux amendes, aux révisions de la politique de prêt de la Banque européenne d’investissement,

consignation d’une somme jusqu’à l’interruption du manquement. 166

Constitution du 4 octobre 1958, art. 55.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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II. Un droit susceptible d’abus

Le droit au recours d’un tiers à l’encontre d’un arrêté de permis de construire doit en

principe résulter d’un ensemble de conditions (rappelées au Chapitre 1). Parmi ces

conditions, figurait l’intérêt à agir. En pratique, en matière de contentieux urbain, il

arrive que les tiers qui exercent un recours contentieux à l’encontre d’un permis de

construire n’aient, en réalité, pas un réel intérêt à agir et ne rapportent pas la preuve

d’un réel préjudice causé par l’autorisation attaquée. Plus exactement, leur intérêt à

agir n’est pas légitime au sens de la loi. Dans une telle hypothèse, le requérant ne

vise qu’à faire pression sur le bénéficiaire du permis. Il s’agit soit de ralentir son

projet et ainsi tenter de lui soutirer des fonds en contrepartie d’un accord amiable

emportant le désistement d’instance et d’action, soit de faire échouer purement et

simplement le projet par refus du programme. Cela se voit fréquemment lorsque le

programme de construction comporte des blocs de logements sociaux.

Il existe plusieurs types de manifestations de l’abus de droit au recours contre une

autorisation d’urbanisme (A.). Ces manifestations de l’abus de droit posent la

question de la place du principe de bonne foi dans le recours pour excès de pouvoir

(B.).

A. Les manifestations de l’abus

Les dérives abusives se matérialisent, comme dans n’importe quelle branche du droit,

par la quérulence processuelle (1.), mais aussi, et peut-être plus spécifiquement dans

le contentieux de l’urbanisme, par le phénomène NIMBY (2.) et par la recherche du

lucre (3.).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1) La quérulence processuelle

La quérulence processuelle, stricto sensu, désigne une pathologie167

relevant de la

paranoïa bien connue des tribunaux. Mais, lato sensu, la quérulence induit un certain

nombre de dérivés qui peuvent être assimilés de par leurs effets à la pathologie du

quérulent processif. Mais, dans ce cas, ces effets sont, en matière de recours abusifs,

essentiellement dictés par la malhonnêteté et non par un syndrome paranoïaque.

La quérulence processuelle est une notion qui s’applique à toutes les procédures de

justice exercées par un procédurier pathologique. Mais c’est aussi une notion qui se

trouve être parfaitement adaptée à notre contexte des dérives abusives du droit au

recours contre les permis de construire. Du latin querulus, qui se plaint, la quérulence

processuelle est le comportement pathologique d’une personne convaincue d’être

lésée qui va, de ce fait, multiplier les procédures judiciaires sans que cela repose sur

un réel intérêt à agir, et commettre alors un abus processuel. Le terme quérulence est

d’ailleurs à l’origine un terme psychiatrique qui désigne la tendance pathologique à

revendiquer de certains sujets de type paranoïaque, dits quérulents, et à réclamer sous

la forme processive la réparation de dommages de justice imaginaires.

Certes cette pathologie n’est pas spécifique à l’urbanisme car parmi ces malades,

figurent l’inventeur méconnu qui réclame la reconnaissance de la paternité d’une

innovation imputée à un autre ou encore le justiciable qui épuise tous ses recours

pour se voir reconnaître une filiation illustre. En pratique, le quérulent processif est

connu des tribunaux168

puisque par hypothèse il est procédurier et ouvre des

procédures tous azimuts. Pire encore si cette possibilité lui est offerte gratuitement

via l’aide juridictionnelle, le champ laissé à sa pathologie est, alors, presque sans

limite car il est, en outre, un justiciable averti maîtrisant parfaitement le droit

aisément accessible depuis internet169

. Du reste, ceci explique que le quérulent se

167 V. Étude CASSIA (P.), Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006,

p. 1185. 168

Face à cette pathologie, l’amende pour recours abusif est inefficace. C’est pourquoi, rappelle Paul

CASSIA, les juges britanniques interdisent aux quérulents d’agir sans autorisation préalable de la

juridiction (cf. PARAGON Finance PLC v NOUEIRI (2001), 1, W.L.R., 2357, § 80 à 82), les

juridictions québécoises et australiennes ont le type de pouvoir de régulation ; v. Préc. CASSIA (P.),

Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 169

En sens contraire, LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554. L’auteur

estime que la connaissance de la procédure est sommaire pour certains d’entre eux.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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passe très bien des conseils d’un avocat170

. De ce fait, sa victime, entraînée dans une

spirale juridictionnelle, est au bout de quelques années épuisée par des procès à

répétition171

. Ceci implique que la notion de quérulence vise des requérants

individuels et non les recours d’habitude des associations qui agissent souvent devant

le juge administratif172

et dont l’intervention est d’une nature différente de celle des

personnes physiques173

. Toutefois, comme le souligne Fabrice LEMAIRE, cette

distinction a ses limites174

, car il arrive souvent que finalement une association

défende des intérêts particuliers et que des personnes physiques agissent tant pour

leur nom que pour celles déposées par l’association qu’il crée et préside175

, voire

dans le même sens, du syndic qu’il préside, ou de la SCI qu’il crée et préside

également176

.

Le droit de l’urbanisme n’est bien entendu pas épargné par cette pathologie.

Néanmoins, il n’est à ce jour pas possible de chiffrer la proportion qu’elle représente

dans le contentieux des requêtes en annulation pour excès de pouvoir formées contre

les autorisations administratives de construire. Sans doute, sa part ne représente-elle

qu’une infime part du contentieux abusif des permis de construire. En effet, ce qui

est observé, c’est l’apparition d’une quérulence causée non pas par un délire

paranoïaque mais par d’autres causes qui, si elles aboutissent aux mêmes effets, à

savoir une spirale juridictionnelle et des procès à répétition, sont bien différentes

d’un syndrome paranoïaque. En effet, elles sont causées tantôt par l’intégration large

de la notion de propriété appelée phénomène NIMBY et tantôt par la recherche du

lucre.

Fabrice LEMAIRE consacre une remarquable étude à ces « requérants d’habitude »

dont il présente le profil sociologique, les motivations et les façons d’agir177

. À la

170 En ce sens Recherche VILLETORTE (A.), Les utilisateurs des tribunaux administratifs, in

Trentième anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences administratives,

édition du CNRS, 1986, 380 p., p. 136, note no 3 ; BLAIS (H.), « Compte rendu d’une enquête auprès

des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica, IDL, Paris, 1995,

254 p., p. 90, note no 39.

171 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n

o 565.

172 V. en ce sens Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

173 Ibid.

174 Ibid.

175 Exemple M. BERTIN et son association SOS défense.

176 Exemple préc. Consort HADDAD et SCI KAROUS.

177 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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lecture des arrêts, certains noms sont, en effet, familiers comme BERTIN178

,

MEYET, TERNON ou COLOMBEAU… Ainsi, le maître des requêtes au Conseil

d’État, François SENERS s’amuse, dans ses conclusions, de cette habitude précisant

que M. TERNON « n’est pas un inconnu de votre prétoire179

». Dans le même sens,

le maître des requêtes au Conseil d’État, Henri SAVOIE, amené à présenter le

requérant, souligne « M. MEYET, qu’il est désormais inutile de présenter à votre

formation de jugement tant il en est un habitué fidèle180

». Dans le même ordre

d’idées, les commissaires du gouvernement, Emmanuelle MIGNON et Anne BAUX

présentent M. COLOMBEAU comme « un requérant qui tend à devenir de plus en

plus coutumier de votre prétoire181

», ou encore M. LABAN comme « un habitué de

votre prétoire182

». Pourtant, hormis leur goût prononcé pour le prétoire et la

procédure, ces « requérants d’habitude » ont un profil sociologique semblable à celui

des autres requérants183

, même si en pratique, certaines professions sont plus

représentées que d’autres184

. En outre, le profil du requérant d’habitude est plutôt

masculin, de nationalité française, marié avec des enfants, parisien à 40 %,

relativement âgé185

. En d’autres termes, il ressemble à un requérant type186

même si

le constat peut être fait d’un niveau d’études relativement élevé pour la plupart des

requérants processifs.

À partir de combien de recours un requérant devient-il un requérant d’habitude ?

Deux recours nous semblent insuffisants187

mais il est assurément délicat de fixer un

seuil, car comme le souligne Fabrice LEMAIRE, la qualification dépend autant du

178 111 recours ! cf. Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

179 Concl. SENERS (F.) sur CE, ass., 26 oct. 2001, TERNON, n

o 1970188, RFDA, 2002, p. 77, spéc.

p. 79. 180

Concl. SAVOIE (H.) sur CE, ass., 1er

sept. 2000, LARROUTUROU, MEYET et autres, noo

223890,

223949, 224054 et 224066, RFDA, 2000, p. 990 ; Jurisprudence/Décision commentée ou citée,

Dalloz. 181

Concl. MIGNON (E.) sur CE, 29 déc. 2000, COLOMBEAU, no 222276, AJDA, 2001, p. 896.

182 Concl. BAUX (A.), sur TA Montpellier, 21 janv. 2005, n

o 024176, AJDA, 2005, p. 1352

183 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

184 Parmi ces procéduriers, on retrouve fréquemment des ingénieurs, des informaticiens, de

professeurs, des juristes et des médecins. 185

Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554. 186

Ibid., v. spé. Note 38 : Recherche VILLETORTE (A.), op. cit. Les utilisateurs des tribunaux

administratifs, in Trentième anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences

administratives, édition du CNRS, 1986, 380 p., p. 131 ; BLAIS (H.), op. cit., « Compte rendu d’une

enquête auprès des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica,

I.D.L., Paris, 1995, 254 p., p. 89. 187

Ibid. v. spé. Note 5 concernant la critique de la qualification d’« habitué » attribuée à M. CAZAUX

par F. AUBERT (AJDA, 2002, p. 382) dans la mesure où M. CAZAUX n’est à l’origine que de deux

décisions du Conseil d’État et du Conseil d’État.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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nombre que de l’objet des recours. Certaines matières sont plus attractives que

d’autres comme le contentieux fiscal188

, le contentieux électoral et de la fonction

publique et le contentieux de l’urbanisme189

.

Comme le souligne Fabrice LEMAIRE, la multiplication des recours des requérants

d’habitude n’entrave pas le fonctionnement de la justice tandis que l’utilité n’est pas

négligeable tant pour le respect de la légalité que pour la construction du droit

public190

. Et il est vrai que certains acharnements sont parfois nécessaires à

l’évolution de la jurisprudence191

. Si cette évolution est, la plupart du temps, le

résultat involontaire de la majorité des requérants processifs, elle est parfois

précisément recherchée par une minorité d’entre eux qui font figure de « chevaliers

blancs192

», avec plus ou moins de succès d’ailleurs. D’autres encore usent du

prétoire comme d’une tribune à des fins politiques. Il semble manquer « un recours

populaire sans condition pour agir193

» à ces requérants processifs « soucieux de

combattre pour le droit (et il en est des ingénieux)194

» et « d’assurer, autant (sinon

plus) la sauvegarde de la légalité, que la satisfaction de leurs intérêts personnels195

».

Une extension de l’action de groupe196

au droit administratif197

serait pour eux une

aubaine pour leur « combat ».

Cependant, ces nombreux recours peuvent conduire à l’amélioration de la légalité

des actes administratifs car prudence étant mère de sûreté, l’Administration

soucieuse d’éviter des annulations répétées de ses actes met certainement un soin

188 Ibid. v. spé. Note 43 : 10 % des recours de M. BERTIN concernent ce contentieux.

189 Ibid. v. spé. Note 45 : 7 % des recours de M. BERTIN concernent ce contentieux.

190 Ibid.

191 PACTEAU (B.), op. cit., Manuel de contentieux administratif, Droit fondamental, PUF Droit,

2e éd., Paris, 2010, 318 p., p. 205, n

o 222, préc. « Sans l’acharnement de tant de requérants téméraires

plaidant sans se lasser à contre-courant des jurisprudences les mieux établies certains progrès

historiques du droit administratif n’auraient jamais vu le jour ! ». 192

Expression de F. LEMAIRE à propos du requérant MEYET. 193

Ibid. 194

CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n

o 565.

195 Ibid.

196 Loi n

o 2014-344, 17 mars 2014 relative à la consommation, REBEYROL (V.), La nouvelle action

de groupe, D., 2014, p. 940 ; HAERI (K.) et JAVAUX (B.), L’action de groupe à la française, une

curiosité, JCP, 2014, p. 375, et p. 376, BACACHE (B.) ; obs. MAINGUY (D.) et DEPINCE (M.),

JCP E., 2014, no 1144 ; sur la décision du Conseil constitutionnel ayant validé le mécanisme : Cons.

const., 13 mars 2014, no 2014-690 DC, AJDA, 2014, p. 589.

197 V. CABALLERO (F.), Plaidons par procureur ! De l’archaïsme procédural à l’action de groupe,

Rev. Trim. Dr. Civ., 1985, p. 247 ; PACTRIK-GLENN (H.), À propos de la maxime « Nul ne plaide

par procureur », Rev. Trim. Dr. Civ. 1988, p. 59.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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tout particulier au respect de la légalité des actes qu’elle délivre à un administré

processif à l’affût d’un motif de censure.

Par ailleurs, si dans une certaine mesure, ils peuvent « servir le progrès de l’état de

droit198

», ces recours tous azimuts finissent par agacer les magistrats et les

bénéficiaires des actes contestés. En présence de conclusions manifestement

irrecevables, ils peuvent faire application de l’article R. 222-1 du Code de justice

administrative qui leur permet de décider par ordonnance qu’il n’y a pas lieu à

statuer. Dans d’autres hypothèses, l’exaspération les conduit à sanctionner par une

amende pour recours abusif le requérant processif, et parfois même injustement199

.

Paul CASSIA, dans son étude200

consacrée à la quérulence processuelle souligne

également le pouvoir de régulation du procès administratif dont peut user le juge

administratif pour rejeter une requête201

.

2) Le phénomène NIMBY

Le phénomène NIMBY n’est pas nouveau, il est constaté dès le IVe siècle à Antioche

en Syrie par l’avocat PHILOGONE :

Aucun de nous ne peut se vanter d’être plus avantagé que les autres par la

nature ; mais l’insatiable désir d’amasser n’a pas permis que cette belle

fraternité pût durer longtemps dans le monde. Il a fallu venir au partage et à

la propriété, qui a produit toutes les querelles et tous les procès : de là est né

ce mot de mien et de tien202

.

Sujet de contestation séculaire, le droit traditionnel du premier occupant se distingue

du droit du plus fort mais renvoie finalement à la même idée d’une sorte de droit de

priorité absolue qui s’étendrait au-delà des limites de propriétés notamment à tout le

198 CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 469, § n

o 565.

199 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554, v. spé. notes 105 et 106.

200 Préc. CASSIA (P.), Entre droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185.

201 Pour une illustration cf. motivation de l’arrêt CE, en référé, 24 avr. 2006, n

o 292572, inédit.

202 Extrait de l’homélie de St PHILOGONE par St Jean CHRYSOSTOME par Jacques Bénigne

BOSSUET, Panégyrique de Saint François d’Assise, œuvres complètes de BOSSUET, T. II., p. 507,

Bibliothèque Portative des Ecrivains Français, MOYSANT et LEVIZAC, T. I, Livre 1er

, Londres,

1803.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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voisinage plus ou moins proche et aux servitudes de vues d’un périmètre à géométrie

variable.

Cette idée a été popularisée dans les années quatre-vingt, par la qualification du

comportement du Ministre Nicholas RIDLEY203

, alors Ministre de l’Environnement,

quand un projet immobilier bon marché vit le jour à proximité de sa propriété. La

virulence de son opposition lui valut le sobriquet de NIMBY204

.

Au sens moderne, le phénomène NIMBY est l’acronyme de l’expression anglaise

« not in my back yard » qui signifie « pas dans mon arrière-cour ». L’expression

désigne l’opposition processuelle à un projet de construction par des riverains qui

estiment subir des nuisances du fait de la proximité de la construction en cause. Ce

phénomène intervient généralement en cas d’implantation de routes, d’aéroports,

d’antennes relais de téléphonie mobile et usines d’incinération des déchets. Et dans

une certaine mesure, il est vrai qu’il est humain de préférer voir ces infrastructures

s’implanter chez le voisin plutôt que chez soi. En effet, et en dépit d’une théorie du

bilan en faveur de l’intérêt général, des intérêts individuels peuvent souffrir de

l’implantation d’un aéroport ou d’une autoroute (expropriation, nuisances sonores,

nuisances olfactives, dévaluation de la valeur immobilière, pollution). Ce phénomène

NIMBY se manifeste également souvent lorsque le projet porte sur l’implantation de

logements sociaux205

. En effet, ce phénomène est omniprésent lorsque le permis

porte sur des logements sociaux, et il s’agit là certainement de la manifestation la

plus caricaturale du phénomène de gentrification, cette tendance complexe

contemporaine à l’embourgeoisement de quartiers autrefois populaires et désignés

souvent par les médias comme les « bobos206

». En résumé, pathologie mise à part,

ce phénomène NIMBY ressemble à la quérulence processuelle. Il se manifeste de la

même manière, à savoir par des procès sans fin et il aboutit aux mêmes effets, c’est-

à-dire, entraîner le pétitionnaire dans une spirale procédurale avec tout ce que cela

comporte de frais, de délais, de contrariétés, de pertes économiques et

d’augmentations du coût de production du projet de construction.

203 Ministre Nicholas Ridley, Baron RIDLEY de LIDDESDALE PC (1929 – 1993). Politicien aguerri

du parti Conservateur britannique, il a occupé divers postes politiques. 204

L’origine de l’expression serait attribuable à Walter Rodgers membre de « The American Nuclear

Society », mais ce point n’a pu être vérifié. 205

BORNE (E.), Directrice de l’urbanisme de la ville de Paris, conf. Cycle des marchés de

l’immobilier, SIMI, 2012. 206

STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll. Encyclopédique,

PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 92.

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L’Union des Constructeurs Immobiliers (UCI) qui rassemble l’ensemble des acteurs

de la construction immobilière (constructeurs de maisons individuelles, promoteurs

immobiliers ou encore aménageurs) au sein de la Fédération Française du Bâtiment

(FFB) et qui est plus souvent représentée sous l’acronyme UCI-FFB, observe que ce

phénomène NIMBY est de plus en plus une cause des recours contre les permis de

construire. Dominique de SAUZA, représentant de l’UCI-FFB, souligne, fin 2012 à

la conférence Cycle Marchés de l’immobilier du SIMI 2012, que « le phénomène

NIMBY est clairement présent dans beaucoup de recours, en particulier quand les

opérations comprennent du logement social, d’où l’intérêt de limiter la portée des

recours ».

Dès lors que le projet de construction porte sur des logements sociaux, les recours

contentieux contre les permis de construire semblent systématiques207

. Il n’y a pas de

statistiques. Mais l’unanimité du constat, notamment dans la région du sud de la

France, permet de poser ce postulat et de l’admettre comme vrai. La frontière entre le

recours légitime et le recours abusif est friable. Une illustration symptomatique est

celle du logement social, lorsque le permis de construire porte sur de la vente en bloc

de logements sociaux, les recours sont systématiques. Alors que lorsqu’il s’agit de

logements résidentiels de standing ou non, les recours ne sont pas systématiques.

C’est donc en présence de permis de construire portant sur des logements sociaux

que la proportion de recours abusif est la plus importante.

Ce phénomène doit être distingué d’un autre phénomène appelé NIMFOS, acronyme

de l’expression anglaise « not in my field of sight » qui signifie quant à elle « pas

dans mon champ de vision ». Ce phénomène intervient dès que l’immeuble en

construction se trouve dans le champ de vision des riverains. Mais ici, l’intérêt à agir

est facilement démontrable. Le caractère abusif du recours dépendra alors de

l’opiniâtreté ou de la malveillance du riverain à l’origine du recours ou encore de

degré de diminution du champ de vision. En tout état de cause, le tiers fonde son

recours sur la théorie des troubles anormaux de voisinage qui relève de la

compétence du juge civil. À ce stade, la construction est alors commencée voire

totalement bâtie, ce qui implique que si le bénéficiaire du permis est un être rationnel

et sensé, le permis de construire aura été purgé avant les premiers travaux. Le

phénomène NIMFOS n’entre pas dans la problématique du contentieux d’urbanisme.

207 Préc. BORNE (E.), directrice de l’urbanisme de la Ville de Paris, conf. Cycle des marchés de

l’immobilier, SIMI, 2012, « tous les permis comportant d’importantes infrastructures ou du logement

social sont attaqués ».

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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3) La recherche du lucre

Bien souvent, c’est la recherche d’un arrangement substantiel – sonnant et trébuchant

– qui motive les abus. Ces abus ne sont pas anodins. Par un arrêt du 22 janvier

2014208

, la chambre criminelle de la Cour de cassation a même admis qu’un recours

abusif en annulation contre un permis de construire peut être qualifié d’escroquerie.

Dans cette affaire, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de

la cour d’appel de Paris rendu en date du 9 novembre 2012. Pour la première fois

dans l’histoire du contentieux d’urbanisme, la cour d’appel a retenu le chef

d’accusation d’escroquerie à l’encontre d’auteurs de recours contentieux contre des

permis de construire. Ces auteurs avaient déposé quatre recours, en six mois, contre

quatre importants projets immobiliers commerciaux sur toute la France et

systématiquement la veille de l’expiration du délai de recours contentieux. Ils

justifiaient leur intérêt à agir par des acquisitions réalisées simultanément à la date

des délivrances des autorisations d’urbanisme attaquées.

Compte tenu de la particularité des faits, la cour d’appel a retenu l’existence d’une

manœuvre frauduleuse eu égard à l’artificialité de l’intérêt à agir. Chacun des recours

– introduit à la veille de l’expiration du délai de recours – a enclenché des

négociations d’urgence avec les promoteurs soucieux de trouver rapidement une

solution. Deux de ces négociations ont donné lieu au versement d’importantes

sommes d’argent par les promoteurs. Les deux autres n’ont pas pu aboutir car l’un

des promoteurs ayant déposé une plainte, une enquête a été diligentée interrompant

les négociations en cours.

En première instance, les juges ont relevé que deux des personnes auteurs des

recours étaient des anciens directeurs d’une société de promotion immobilière

intervenue dans deux des projets en cause, ce qui leur donnait accès à des

informations privilégiées exploitées par le troisième auteur, un avocat, qui lui-même

fit appel d’une part à un quatrième, quant à lui à la tête d’une société immobilière

sans activité, pour acquérir un bien dans la zone de travaux d’une des opérations, et

d’autre part à un cinquième propriétaire d’un immeuble dans la zone d’une autre

208 Cass., crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88042, F-D, n

o LXB : A0008MDN ; Le FOLL (Y.), Hebdo

édition publique, Un recours abusif en annulation contre un permis de construire peut désormais être

considéré comme une escroquerie, fév. 2014, Édition no 320, Urbanisme, n

o LXB : N0805BUD ;

ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, no 06, 6 juin 2014, p. 351.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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opération. Pour infirmer le jugement et dire établies les infractions d’escroquerie et

de tentatives d’escroquerie, la cour d’appel a considéré que « si l’exercice d’une

action en justice constitue un droit, son utilisation, hors le dessein de faire assurer ou

protéger un droit légitime et après qu’un intérêt à agir eut été artificiellement créé

dans le seul but d’obtenir le versement de sommes au titre d’une transaction,

constitue une manœuvre déterminante de la remise des fonds ». Tirant les

conséquences de ses constatations, la cour d’appel de Paris condamne « pour

escroqueries et tentatives, les deux premiers, à dix-huit mois d’emprisonnement avec

sursis et 50 000 euros d’amende, les troisième et quatrième, à un an

d’emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d’amende, pour escroquerie, les deux

derniers, à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende ».

Appelée à se prononcer sur la légalité d’une telle décision, la Cour de cassation

confirme l’arrêt de la cour d’appel et jugeant que :

Attendu que, pour infirmer le jugement et dire établies les escroqueries et

tentatives d’escroquerie reprochées aux prévenus, l’arrêt énonce, notamment,

que, si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, son utilisation,

hors le dessein de faire assurer ou protéger un droit légitime et après qu’un

intérêt à agir eut été artificiellement créé dans le seul but d’obtenir le

versement de sommes au titre d’une transaction, constitue une manœuvre

déterminante de la remise des fonds ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a caractérisé, sans

insuffisance ni contradiction, l’existence de manœuvres frauduleuses et

répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a

justifié sa décision209

.

Cet arrêt reflète les formes d’excès (pour ne pas dire les infractions pénales) auxquels

peuvent conduire les recours abusifs contre les permis de construire quand les

auteurs de ces recours négocient leur désistement à des prix prohibitifs, ces montants

étant proportionnels à l’ampleur du projet immobilier considéré. En outre, la Cour de

cassation montre ici, à la suite de la cour d’appel, sa volonté de réagir contre les

209 Préc. Cass., crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88.042, F-D, n

o LXB : A0008MDN ; Le FOLL (Y.),

Hebdo édition publique, Un recours abusif en annulation contre un permis de construire peut

désormais être considéré comme une escroquerie, février 2014, Édition no 320, Urbanisme, n

o LXB :

N0805BUD ; ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, no 06, 06 juin

2014, p. 351.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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recours abusifs et de sanctionner les abus, a fortiori quand ils relèvent d’une

organisation criminelle faisant appel à des manœuvres telles qu’en l’espèce, c’est-à-

dire des recours à des prête-noms, des abus de qualité, une artificialité de l’intérêt à

agir, et en fin de compte un détournement de la procédure de recours en annulation à

des fins exclusivement lucratives.

Commentant l’arrêt, Gabriel ROUJOU DE BOUBEE précise que « cet arrêt ne fait

pas l’objet d’une publication au Bulletin, car il n’apporte aucune innovation quant à

la mise en œuvre de l’article 313-1 du Code pénal ; il constitue, néanmoins, un

avertissement fort bienvenu adressé à ceux dont les recours s’avèrent n’être que le

moyen d’obtenir des versements indus210

».

Les autres aspects notables de cet arrêt sont analysés dans le titre second sous l’angle

de la réponse pénale face aux recours abusifs.

B. L’interdiction de l’abus de droit et l’obligation de

bonne foi

Le droit administratif réprime l’abus de droit. Essentiellement prétorienne, la théorie

de l’abus de droit consiste pour un administré à abuser d’une situation légale ou

d’une décision favorable pour tenter d’en tirer un bénéfice qui n’est pas envisagé par

cette situation ou cette décision. En l’occurrence, il s’agit pour le tiers requérant de

détourner la finalité du droit au recours ainsi que celle de la procédure pour excès de

pouvoir. Il peut être défini comme « une action consistant pour le titulaire d’un droit,

d’un pouvoir, d’une fonction, à sortir, dans l’exercice qu’il en fait, des normes qui en

gouvernent l’usage licite211

». Le juge administratif l’a récemment érigé en principe

général du droit212

. L’abus de droit naît toujours d’une situation légitime213

et

210 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI 2014, n

o 06, 6 juin 2014,

p. 351. 211

CORNU (G.), Vocabulaire juridique, coll. Quadrige Dicos Poche, PUF, 8e éd., Paris, 2007, 986 p.

212 CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, n

o 260050 ; concl. OLLEON (L.), Dr. fisc., 2006, n

o 47,

com. 744 ; chron. BENARD (Y.), Dissuasion à l’anglaise : la double clef de la fraude à la loi, RJF,

2006, no 12, p. 1083 ; B.D.C.F., 12/06, n

o 156, avec concl. ; Si un acte de droit privé opposable aux

tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’Administration tant qu’il n’a pas été

déclaré nulle part le juge judiciaire, il appartient à l’Administration, lorsque se révèle une fraude

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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apparaît comme une « distorsion214

» du principe de légalité du fait de l’excessivité

des conditions dans lesquelles un droit est exercé (1.). La théorie de l’abus de droit

doit être distinguée de la notion de bonne foi. Si les deux notions sont liées,

l’interdiction de l’abus de droit qui est un principe général du droit, doit être

distinguée de la notion de bonne foi qui est, quant à elle, une notion marginalisée par

les textes215

et dont la polysémie complique la définition216

(2.).

1) L’interdiction de l’abus de droit

Le caractère d’ordre public du recours pour excès de pouvoir s’explique par la

finalité de cette procédure à savoir assurer le respect de l’État de droit (a.). Procédure

particulièrement libérale dans son ouverture générale aux administrés, l’exercice de

la procédure du recours pour excès de pouvoir ne doit pas, pour autant, méconnaître

le principe de l’interdiction de l’abus de droit au travers du détournement de la

finalité de la procédure (b.).

a. La finalité du recours pour excès de pouvoir

Recours d’ordre public, le recours pour excès de pouvoir est un moyen de

sauvegarde de la légalité. Il existe sans qu’aucun justiciable ne puisse y renoncer ni

renoncer au bénéfice de la chose jugée. Le recours pour excès de pouvoir a pour

finalité d’assurer le respect de l’État de droit en ouvrant aux administrés la faculté de

faire appel à un juge pour contester la légalité des décisions qu’en vertu de son

pouvoir d’action d’office l’autorité administrative peut unilatéralement leur

imposer217

.

commise en vue d’obtenir l’application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le

cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l’Administration

à ne pas tenir compte d’actes de droit privé opposables aux tiers. 213

BAILLEUL (D.), La règle Nul ne peut invoquer sa propre turpitude en droit administratif, RDP,

2010, no 5, p. 1235.

214 Ibid.

215 CARPANO (E.), Le droit administratif français est-il perméable à la bonne foi ?, Revue Drt Adm.,

no 1, Étude n

o 2, Janv. 2005, p. 7, § 15.

216 Ibid.

217 GAZIER (F.), Procédure administrative contentieux, Rép. de contentieux administratif, D., 2012.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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En principe, le justiciable ne peut pas renoncer à demander l’annulation d’une

décision illégale. De ce fait, théoriquement, la renonciation pour cause de transaction

en cours de procédure ne devrait en principe pas pouvoir être opposable au requérant

renonçant et qui donc peut, théoriquement, revenir sur sa renonciation puisque

l’élément d’illégalité n’aura pu être résolu par transaction.

Dès lors, ces quelques observations soulèvent la question de la légitimité à agir des

requérants qui se désistent après une transaction. Partant, les requérants qui trouvent

une cause de renonciation en cours de procédure trahissent l’artificialité de leur

intérêt à agir dans le cadre d’une procédure de recours en annulation. Parallèlement,

l’épée de DAMOCLÈS qui pèse sur le bénéficiaire du permis avec ce risque

d’annulation de l’autorisation, au-delà des enjeux socio-économiques qui y sont

attachés, explique à elle seule que le bénéficiaire du permis puisse privilégier la

solution transactionnelle. Cette épée de DAMOCLÈS est le moyen de marchandage

de leur renonciation pour les requérants. Ce faisant, ils détournent le recours pour

excès de pouvoir de sa finalité, nonobstant le caractère d’ordre public du recours

pour excès de pouvoir qui théoriquement ne peut tolérer une renonciation tant que le

doute de la légalité de l’acte considéré subsiste.

Ce détournement de la finalité du recours pour excès de pouvoir est bien constitutif

d’un abus de droit. En effet, la transaction démontre que le recours pour excès de

pouvoir a été détourné de sa finalité. Le doute sur la légalité de l’acte demeure

puisqu’il n’est finalement pas tranché.

b. Le principe d’interdiction de l’abus de droit

La notion d’abus de droit est souvent absente des textes constitutionnels. Seul l’abus

des libertés figure dans quelques constitutions sous forme d’interdiction générale218

ou spéciale219

. L’article 54 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union

européenne intégrée dans le traité établissant une Constitution européenne interdit

l’abus de droit220

. Pourtant, et certainement influencée par une abondante doctrine221

218 ECK (L.), L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p.

219 Cf. par exemple DDHC, art. 11, « tout citoyen peut parler, écrire, imprimer librement sauf à

répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». 220

Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (2000/C 364/01), art. 54, « Aucune des

dispositions de la présente Charte ne doit être interprétée comme impliquant un droit quelconque de se

livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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du début du XXe siècle, la consécration par les jurisprudences internes, européennes et

internationales de la théorie de l’abus de droit a marqué, sans équivoque, l’abandon

de la vieille maxime « neminem laedit qui suo jure utitur222

», en déclarant

civilement responsable celui qui use de son droit223

. Comme le résumait Marcel

PLANIOL, « le droit cesse où l’abus commence ». Le droit de chacun trouve sa

limite nécessaire dans le droit d’autrui. Il s’agit au départ une théorie civiliste224

dans

la mesure où au départ l’abus s’apprécie par rapport au dommage causé à autrui par

l’exercice anormal d’un droit. Quiconque dépasse la limite d’une défense raisonnable

abuse de son droit et engage dès lors sa responsabilité225

. L’acceptation générale d’un

principe de prohibition de l’abus de droit n’est plus aujourd’hui un sujet polémique.

En revanche, les critères226

de l’abus de droit sont eux l’objet de controverses. Un

courant majoritaire s’accorde pour admettre qu’il y a abus lorsque l’auteur de l’abus

de droit a exercé son droit uniquement dans le but de nuire à autrui. C’est le cas,

lorsqu’un individu intente un procès sans fondement, par pur esprit de chicane, pour

faire « manger de l’argent à son adversaire227

». Le critère de l’intention méchante a

donné lieu à des divisions doctrinales.

Le courant aujourd’hui majoritaire s’accorde à considérer que l’intention méchante

ou la volonté de nuire n’est pas un criterium de l’abus du droit228

. Si tel était le cas,

la théorie de l’abus de droit serait une théorie subjectiviste229

. Or, si un individu peut

la présente Charte ou à des limitations plus amples des droits et libertés que celles qui sont prévues

par la présente Charte. » 221

Cf. par exemple, CHARMONT (J.), L’abus de droit, RDTC, 1902, p.113 ; SALEILLES (R.), De

l’abus des droits, Rap. Présenté à la première sous-commission de la commission de révision du Code

civil, Bull. soc. Études et légis., 1905, p. 325 ; CAMPION (L.), Théorie de l’abus des droits, 1921 ;

JOSSERAND (L.), De l’abus des droits, ROUSSEAU, Paris, 1905, 89 p. ; MONTERA (de) (L.), De

l’abus des voies de droit, Lyon, 1912. 222

Ne saurait blesser autrui celui qui ne fait qu’user de son droit. 223

DESSERTEAUX (M.), Abus de droit ou conflit de droits, LAROSE et TENIN, Paris, 1906, 139 p.,

consultable sur Gallica, p.119. 224

DUGUIT (L.), La Théorie générale de l’État, Traité de droit constitutionnel, coll. Numérisées,

B.N.F., 3e éd., T. 2, 1928, 900 p., consultable sur Gallica, p. 841.

225 Ibid. p. 383.

226 ECK (L.), op. cit., L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p., p. 29.

227 Précis de droit civil, T. 2, 5

e éd., Paris, 1936, 748 p., p. 109 et 110.

228 Un courant minoritaire, porté entre autres par G. RIPERT ou encore L. JOSSERAND, développait

l’idée que l’abus supposait l’intention de nuire. Mais le droit positif montre que l’abus de droit ne peut

être réduit à l’intention de nuire (v. par exemple pour un abus de droit sans malice : Civ. 2e, 10 janv.

1985, obs. GUINCHARD (S.), Gaz. Pal. 1985, 1. Pan. 113. 229

DUGUIT (L.), op. cit., La Théorie générale de l’État, Traité de droit constitutionnel, coll.

Numérisées, B.N.F., 3e éd., T. 2, 1928, 900 p., consultable sur Gallica, p. 384.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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faire un acte sur tel ou tel objet c’est à la condition qu’en faisant cet acte il soit

déterminé par un certain but qu’a eu en vue le droit objectif en lui donnant cette

faculté230

. Dès lors, s’il est déterminé par un autre but, l’acte dudit individu n’est plus

régulier. Il peut alors engager sa responsabilité. Ainsi, il y a également abus quand

l’auteur de l’abus n’a pas pris les précautions nécessaires pour éviter de causer un

préjudice231

. Il y a encore abus de droit lorsque le droit est détourné de sa finalité, par

exemple, pour faire pression sur le défendeur232

ou en raison d’une pulsion

pathologique233

ou pour obtenir le bénéfice de l’application littérale d’un texte en

détournant l’esprit initialement poursuivi par le législateur234

. Par ailleurs, il ne suffit

pas que l’exercice d’un droit cause un préjudice à autrui pour que l’abus de droit soit

caractérisé. L’individu qui use normalement de son droit et cause un dommage à

autrui par l’exercice normal de son droit n’est pas hors la loi. Ceci conduit à

souligner que l’abus n’est pas une « faute » au sens du droit civil. La « faute » que

constitue « l’abus » n’est donc pas la même que la « faute » du droit de la

responsabilité235

. Synthétiquement, l’abus s’entend donc de l’acte contraire au but de

l’institution, à son esprit, à son utilité sociale, à sa fonction sociale, en un mot à sa

finalité. Cette définition est inspirée de la conception doctrinale de Louis-Étienne

230 Ibid.

231 V. JOSSERAND (L.), op. cit., De l’abus des droits, ROUSSEAU, Paris, 1905, 89 p., p. 76 et 81 :

M. JOSSERAND distinguait l’acte abusif et l’acte illicite. L’acte abusif, selon lui, n’engageait la

responsabilité de son auteur que s’il avait causé un dommage à autrui. Par suite, l’acte illicite

engageait toujours la responsabilité de son auteur. Cette distinction n’a pas été retenue. Il y a donc

également abus, même s’il n’y a pas de préjudice direct, dès lors qu’un droit est anormalement exercé,

par exemple, lorsque la finalité d’une procédure est détournée. En matière fiscale, le droit sanctionne

le détournement de l’esprit de la loi de ceux « recherchant le bénéfice d’une application littérale des

textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs » (cf. LPF, art. L. 64). 232

Cass., Com., 12 janv. 1976, D., 1977, p. 141, note CHARTIER (Y.) ; Civ. 2e, 22 avr. 1976, JCP

1977, II, no 18738, note GERBAY (Ph.).

233 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554 ; Préc. CASSIA (P.), Entre

droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 234

Préc. CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, no 260050 ; concl. OLLEON (L.), Dr. fisc., 2006,

no 47, com. 744 ; chron. BENARD (Y.), Dissuasion à l’anglaise : la double clef de la fraude à la loi,

R.J.F., 2006, no 12, p. 1083 ; B.D.C.F. 12/06, n

o 156, avec concl. ; Si un acte de droit privé opposable

aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’Administration tant qu’il n’a pas été

déclaré nulle part le juge judiciaire, il appartient à l’Administration, lorsque se révèle une fraude

commise en vue d’obtenir l’application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le

cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l’Administration

à ne pas tenir compte d’actes de droit privé opposables aux tiers. 235

CAYROL (N.), Action en justice, Répertoire de procédure civile, Titre 1 Sect. 3, Dalloz ;

v. également STARCK (B.), ROLAND (H.) et BOYER (L.), Obligations, T. 1, Responsabilité

délictuelle, manuel, Litec 5e éd., Paris, 1996, Litec, 582 p., n

o 363.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

114/480

JOSSERAND236

, largement influencé par le sociologue Émile DURKHEIM237

.

Selon cette analyse, l’abus se concrétise par l’absence d’intérêt légitime238

. Dans

cette configuration, cette absence est assimilée à l’absence de mobile légitime que ce

soit dans le but poursuivi ou dans les moyens utilisés.

Aujourd’hui, le principe de la prohibition de l’abus de droit est entré dans un grand

nombre d’ordres juridiques239

. Le droit public n’y a pas échappé. Il reconnaît

aujourd’hui pleinement le principe d’interdiction de l’abus de droit de manière

générale240

comme de l’abus des droits processuels241

. Cette reconnaissance retient

une approche objective de la notion d’abus. En effet, selon Maurice HAURIOU, « la

règle de droit est une disposition précise, visant des hypothèses et liant strictement le

juge (il en serait de même de la règle de droit liant le pouvoir d’un administrateur)

[…]. Au contraire, le standard est destiné à guider le juge ou l’administrateur, en lui

laissant un certain pouvoir discrétionnaire […] il est une sorte de principe posé

d’emblée par intuition avant toute application, et par conséquent, tout le contraire des

principes généraux déduits d’un ensemble de règles de droit préexistantes242

».

Par ailleurs, selon la gravité de l’abus, la sanction n’est pas la même. Ainsi pour un

abus consistant en des manœuvres dilatoires, la sanction peut se limiter à des

236 JOSSERAND (L.), De l’esprit des droits et de leur relativité, Théorie dite de l’abus des droits,

Dalloz, Paris, 2006, 454 p. ; v. également pour un commentaire sur l’auteur : JALLAMION (C.), La

fortune de JOSSERAND, Rev. Propr. Indus., oct. 2010, no 10.

237 Cf. spé. DURKHEIM (E.), Fonctions sociales et institutions, Textes, coll. Le sens commun, Les

Éditions de Minuit, Paris, 576 p. 238

La même idée d’absence d’intérêt légitime est reprise dans l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme récemment introduit par l’ordonnance du 18 juillet 2013. 239

VOYAME (J.), COTTIER (B.) et ROCHA (J.), L’abus de droit en droit comparé, in L’abus de

droit et les concepts équivalents : principes et applications actuelles, Actes du 19e Colloque de drt.

Europ., Conseil de l’Europe au Luxembourg, 6-9 nov. 1989, Strasbourg, 1990, p. 23 ; ECK (L.), op.

cit, L’abus de droit en droit constitutionnel, L’Harmattan, Paris, 2010, 691 p., p. 30. 240

Cf. en notamment en matière fiscale, spé. s’agissant de la nouvelle mouture du LPF, art. L. 64,

sanctionnant non seulement l’abus de droit, mais aussi la fraude à la loi. Selon l’exposé des motifs du

projet de loi de finances rectificative pour 2008, no 2008-1443, 30 déc. 2008, faisant suite au rapport

FOUQUET sur la sécurité juridique de juin 2008 (Dr. fisc. 2008, no 27), le législateur poursuit, dans

ce domaine aussi, « le double objectif de clarifier la procédure, en précisant le concept de l’abus de

droit et en améliorant ainsi la sécurité juridique ». 241

MOREL (J.), Les dommages-intérêts au cas d’exercice abusif des actions en justice, Thèse,

H. JOUVE, Paris, 1910, 110 p. ; WOOG (J.-C.), La résistance injustifiée à l’exercice d’un droit,

Thèse, LGDJ, Paris, 1972, 177 p. ; CADIET (L.) et LE TOURNEAU (Ph.), Abus de droit, Rép

Civ. D., 2008 ; ATIAS (C.), L’abandon d’un principe fondamental, La dispense de motivation de la

condamnation pour abus de procédure, D., 2011, p. 1229 ; chron. DESDEVISES (Y.), L’abus du droit

d’agir en justice avec succès, D., 1979, no 21.

242 HAURIOU (M.), Police juridique et fond du droit, RTD civ., 1926, p. 265.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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dommages-intérêts sans amende civile souligne Nicolas CAYROL243

. Dans les

autres cas, la sanction peut aller jusqu’à la condamnation au paiement d’une amende

civile. L’appréciation de cette sanction, si elle relève des pouvoirs du juge, n’est pas

pour autant un pouvoir « discrétionnaire244

» puisqu’en tout état de cause, l’abus de

droit qui est sanctionné doit être caractérisé245

. À la suite de Maurice HAURIOU,

Louis DUBOUIS a souligné qu’en « tant que théorie générale du Droit, la théorie de

l’abus de droit a vocation à s’appliquer à toutes les branches du droit246

». La

démonstration du professeur DUBOUIS permet de saisir le phénomène

d’autolimitation du droit par son but. Il souligne la difficulté de cerner précisément la

notion, mais aussi que cette complexité est nécessaire au reflet de la réalité.

Traduction d’une notion protéiforme fonctionnelle et non conceptuelle, la théorie de

l’abus de droit est une théorie souple que le juge façonne afin de mieux

« embrasser » la réalité.

Cette notion de détournement de la finalité constitutif de l’abus de droit ne doit pas

être confondue avec les notions d’erreur, de fraude, de dénaturation ou encore de

détournement de pouvoir247

. Le dictionnaire Littré définit l’erreur comme l’état d’un

esprit qui se trompe. Le droit administratif présente l’erreur comme une illégalité

lorsque l’erreur affecte la légalité d’un acte, cette erreur caractérise une illégalité

interne de l’acte. Pour Louis DUBOUIS, l’erreur provient de « l’ignorance, d’une

fausse représentation du droit ou des faits. Elle exclut la mauvaise foi de son

auteur248

». Comme le détournement de procédure, le détournement de la finalité

d’une procédure suppose un élément intentionnel. En revanche, la fraude se présente

comme un acte de mauvaise foi, comme une tromperie dont le but est de préjudicier

à des droits à respecter249

. Dans le cadre des recours abusifs, l’abus de droit

consistant dans le détournement de la finalité du recours pour excès de pouvoir est

proche de la notion de fraude. En effet, les moyens du tiers requérant constituent une

243 CAYROL (N.), op. cit., Action en justice, Répertoire de procédure civile, Titre 1 Sect. 3, Dalloz ;

v. également STARCK (B.), ROLAND (H.) et BOYER (L.), Obligations, T. 1, Responsabilité

délictuelle, manuel, Litec 5e éd., Paris, 1996, Litec, 582 p., n

o 363.

244 V. en sens contraire préc. HAURIOU (M.), Police juridique et fond du droit, RTD civ., 1926,

p. 265. 245

CAYROL (N.), op. cit., Action en justice, Répertoire de procédure civile, ibid. 246

DUBOUIS (L.), La théorie de l’abus de droit et la jurisprudence administrative, LGDJ, Paris,

1962, 470 p., p. 62. 247

DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (O.), La notion de détournement de procédure en droit

administratif, RDA, no 1, Janv. 2006, étude 2.

248 DUBOUIS (L.), L’erreur en droit international public, A.F.D.I., 1963, p. 193.

249 Préc. DAVID BEAUREGARD-BERTHIER (O.), La notion de détournement de procédure en

droit administratif, RDA, no 1, Janv. 2006, étude 2.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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sorte de tromperie puisque le dessein n’est pas précisément la sanction d’une

illégalité. Enfin, l’abus de droit est aussi souvent rapproché du détournement de

pouvoir. Il est exact que les deux notions sont très proches. Comme le souligne Odile

DAVID BEAUREGAR-BERTHIER250

, dans les deux cas, le droit est reconnu et

l’utilisation faite n’est pas conforme à l’esprit du texte. L’auteur semble également

considérer que le détournement de la finalité d’une procédure en contentieux de

l’annulation ne peut pas être qualifié d’un abus de droit, mais seulement de

détournement de procédure251

. Nous ne suivons pas l’auteur dans cette voie. Cette

distinction nous semble illusoire puisque le détournement de procédure peut, même

dans le cadre du contentieux de l’annulation, constituer un abus de droit au recours à

cette procédure. Et en l’occurrence, en matière de contentieux de l’urbanisme, il

s’agit de l’abus du droit au recours en excès de pouvoir contre une autorisation

d’urbanisme.

En conclusion, le principe d’interdiction de l’abus de droit ne pose pas de difficulté

contrairement à l’appréhension des critères constitutifs de l’abus de droit. Nonobstant

cette dernière remarque, le détournement d’une procédure de sa finalité tel que le

détournement de la procédure pour excès de pouvoir dans les recours abusifs exercés

à l’encontre des autorisations d’urbanisme est constitutif d’un abus de droit dès lors

que la finalité n’est pas précisément la critique de la légalité de l’acte. La possibilité

pour les tiers d’abuser du droit au recours trouve son explication, au moins

partiellement, dans l’appréhension par le juge administratif de la bonne foi du

requérant qui demande l’annulation du permis de construire.

2) La bonne foi du tiers, un critère à géométrie

variable en droit administratif

En droit administratif, à l’inverse de ce qui existe en droit privé, la notion de bonne

ou de mauvaise foi n’est pas prégnante. Si le droit administratif ne l’ignore pas, il ne

lui réserve pas la même place qu’en droit privé et laisse ainsi une latitude pour les

requérants de mauvaise foi doués d’une certaine habileté (a.). Conscient du

problème, mais conscient de sa faiblesse à le contrarier, le législateur a introduit le

250 Ibid.

251 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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moyen de se faire allouer plus facilement des dommages-intérêts pour la victime-

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée (b.).

a. Une notion protéiforme et marginalisée

Le contentieux des actes administratifs n’est pas, par nature, le champ de l’exercice

de la bonne ou de la mauvaise foi. En effet, la validité d’un acte administratif

dépend, en principe, de critères objectifs indépendamment de tout esprit de loyauté

de l’administré (bonne foi objective) ou de toute intention de nuire (bonne foi

subjective).

La bonne foi est consacrée en droit privé mais ne l’est pas en droit administratif.

Pour autant, le juge administratif ne l’ignore pas totalement252

. Le syntagme « bonne

foi », comme son antonyme la mauvaise foi, renvoie à une dualité de sens qui

trouvent mal leur place en droit administratif. En effet, la bonne foi est à la fois une

règle objective de comportement et une règle subjective d’appréciation.

Règle objective, la notion de bonne foi renvoie à un état d’esprit particulier

répondant à la fois aux définitions de loyauté et d’honnêteté dans l’exécution des

actes juridiques et des recours introduits en justice. Si cet état d’esprit est

précisément visé par le Code civil, par exemple à l’article 1134 alinéa 3253

, tel n’est

pas le cas en droit administratif.

La bonne foi objective n’apparaît en droit administratif que de manière marginale et

le plus souvent au travers non pas de la notion de bonne foi proprement dite mais au

travers de son pendant, la notion de mauvaise foi et encore par des expressions telles

que « manœuvres » ou « manquement délibéré ». Comme la mauvaise foi, les

manœuvres ou les manquements délibérés désignent un comportement malveillant,

trompeur ou l’intention de nuire qui anime le justiciable. Cette notion de mauvaise

foi trouve un certain nombre d’échos en droit administratif.

252 Préc. CARPANO (E.), Le droit administratif français est-il perméable à la bonne foi ?, Revue Drt

Adm., no 1, Étude n

o 2, janv. 2005, p. 7.

253 Code civil, art. 1134 :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi

autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

118/480

Par exemple, le Code général des impôts sanctionne les manœuvres ou les

manquements délibérés254

; le Livre des procédures fiscales vise également le cas de

la mauvaise foi et de sa preuve255

tout comme le Code de la sécurité sociale256

.

La bonne foi est aussi une règle subjective d’appréciation. Sous cet angle, elle

renvoie alors parfois à un état d’esprit caractérisé, quant à lui, par une appréciation

erronée de la réalité257

. Cette notion-ci est précisément visée en droit privé. Par

exemple, l’article 550 du Code civil qualifie de possesseur de bonne foi, le

possesseur qui ignore les vices.

Le possesseur est de bonne foi quand il possède comme propriétaire, en vertu

d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices258

.

Tel n’est pas le cas en droit administratif. Cependant, depuis l’ordonnance no 2013-

638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, le Code de l’urbanisme

traite également le cas de la mauvaise foi subjective dans l’hypothèse où le requérant

en exerçant son droit au recours cause un préjudice excessif au bénéficiaire du

permis de construire.

b. Le contrôle de la bonne foi

Malitiis non est indulgendum259

. C’est pourquoi l’ordonnance no 2013-638 du

18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a introduit dans le Code de

l’urbanisme un article L. 600-7. Cet article vise implicitement la problématique de la

mauvaise foi du requérant et a pour ambition de donner un moyen de défense au

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée.

Ainsi, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme dispose :

254 Cf. Code général des impôts, art. 1729, 1791, 1795 bis.

255 Cf. Livre des procédures fiscales, art. L. 195 A.

256 Cf. Code de la sécurité sociale, art. L. 133-4-3, L. 932-17, L. 144-16, et L. 553-2.

257 LYON-CAEN (G.), RTD civ., De l’évolution de la notion de bonne foi, 1946, p. 98.

258 Code civil, art. 550.

259 Malitiis non est indulgendum : Il ne faut montrer aucune indulgence envers ceux qui sont de

mauvaise foi, loc. lat. issue du Code de Justinien (IV, 22), OURLIAC (P.) et MALAFOSSE (de) (J.),

Histoire du droit privé, PUF, Thémis, Droit, Paris, 1957, p. 440, p. 132.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

119/480

Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un

permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des

conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui

causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut

demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de

condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La

demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal

la protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de

l’environnement est l’auteur du recours, elle est présumée agir dans les

limites de la défense de ses intérêts légitimes260

.

Avant ce texte, les recours indemnitaires devaient nécessairement faire l’objet d’une

régularisation dans le cadre d’une instance séparée, devant les juridictions

judiciaires261

. En effet, depuis un arrêt Sieur NOBLE262

du 24 novembre 1967, le

juge administratif avait fermé la voie de l’allocation de dommages-intérêts au profit

du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme pour le préjudice causé par le recours

abusif d’un tiers excessif ou malveillant :

Considérant qu’en raison de la nature particulière du recours pour excès de

pouvoir des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur

soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts

pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une

instance en annulation pour excès de pouvoir ; que, dès lors, le sieur NOBLE

est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal

administratif de Poitiers a fait droit aux conclusions reconventionnelles de la

commune des Roches-Premarie-Andille et l’a condamné à verser à cette

commune une indemnité de 500 F263

260 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.

261 Pour une illustration, v. Cass., Civ. 3

e, 5 juin 2012, Société FINAREL c. SCI MANDELIEU

Esterel, no 11-17.919, F-D ; chron. ZALEWSKI (V.), Recours contre le permis de construire et retard

du programme, Gazette du Palais, no 61, 2 mars 2013, p. 42.

262 CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n

o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN (J.), D.,

1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 263

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

120/480

Il faut ici souligner que Jacques BAUDOUIN, commissaire du gouvernement dans

l’affaire NOBLE redoutait quant à lui les abus dans la demande d’allocation de

dommages-intérêts264

.

Mettant un terme à cette ancienne jurisprudence, l’article L. 600-7 précité permet au

titulaire d’une autorisation de construire de demander l’allocation de dommages-

intérêts devant le juge administratif, dès lors qu’il s’estime victime d’un recours

abusif, ou plus exactement, dès lors qu’il démontre la réunion des deux conditions

cumulatives suivantes. D’une part, le recours du tiers doit excéder la seule défense

des intérêts légitimes du requérant et d’autre part, ce recours doit être constitutif d’un

préjudice excessif pour le bénéficiaire. Pour requérir une indemnisation, ce dernier

doit procéder au dépôt de conclusions reconventionnelles et il lui incombe de

démontrer qu’il a subi un préjudice excessif causé par ledit recours.

La lettre de l’article ne fait aucunement mention expresse de la mauvaise foi ou de

l’absence de bonne foi du requérant qui conteste la validité de l’autorisation de

construire. L’esprit du Gouvernement, initiateur de cet article, était pourtant de

sanctionner les dérives abusives de recours empreints de mauvaise foi, mais il a fait

le choix de laisser le soin au juge du permis de séparer le bon grain de l’ivraie. En

effet, il ressort expressément du compte rendu du Conseil des Ministres du

11 décembre 2013 que :

L’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 a pour objet d’accélérer les

délais et le traitement des contentieux sur les permis de construire, ainsi que

de prévenir les recours dits « abusifs » tout en préservant le droit au

recours265

.

264 V. sur ce point les concl. BAUDOUIN (J.), D., 1968, p. 142 : « Et il nous paraîtrait au surplus

regrettable que la voie du recours pour excès de pouvoir, par tradition largement ouverte aux

administrés pour lesquels elle constitue une garantie efficace contre l’arbitraire, soit rendue aléatoire

pour les justiciables qui se trouveraient constamment menacés de voir leur action en annulation

déboucher sur une demande reconventionnelle en indemnité de la part des administrations

intéressées ». V. également GEFFRAY (E.), De minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, no 24,

7 juill. 2008, p. 1316. 265

Extrait du compte rendu du Conseil des Ministres du 11 décembre 2013. V. également les travaux

préparatoires de l’Assemblée Nationale, 1re

lecture, logement et urbanisme, rubrique ratification

d’ordonnances, dossier Projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au

contentieux de l’urbanisme, l’ordonnance no 2013-888 du 3 octobre 2013 relative à la procédure

intégrée pour le logement, l’ordonnance no 2013-889 du 3 octobre 2013 relative au développement de

la construction de logement et l’ordonnance no 2013-890 du 3 octobre 2013 relative à la garantie

financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement, no 1626, déposé le 11 décembre 2013, mis en

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Ainsi aux termes de l’article L. 600-7, le juge administratif doit se livrer, au-delà du

contrôle de la légalité de l’acte critiqué, à un contrôle de légitimité du recours. Il lui

appartient alors de distinguer entre le requérant qui agit pour défendre des intérêts

légitimes et qui est donc de bonne foi mais dont la requête est mal ou insuffisamment

motivée, avec le requérant qui agit dans le but de nuire au bénéficiaire de

l’autorisation de construire attaquée ou dans un but purement lucratif.

Les deux conditions cumulatives posées par l’article L. 600-7 que sont la

démonstration du caractère excessif de la requête du tiers et celle du caractère

également excessif du préjudice subi par le bénéficiaire de l’autorisation

d’urbanisme, ne sont pas des boucliers suffisants à l’égard de la mauvaise foi. Leur

réunion autorise seulement le bénéficiaire de l’autorisation attaquée à pouvoir

demander – par un mémoire distinct – au juge administratif, saisi du recours, de

condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts, la demande

pouvant être présentée pour la première fois en appel.

Par ailleurs, les récentes jurisprudences au visa de ce nouvel article L. 600-7 ne

donnent pas satisfaction. Sans trop rentrer dans les développements que nous faisons

dans notre deuxième partie, il faut dire tout de même que plusieurs décisions266

rendues par la cour administrative d’appel de Marseille permettent d’ores et déjà de

douter de l’efficacité du nouveau mécanisme. En effet, comme nous le détaillerons

plus loin, la cour administrative d’appel de Marseille fait une lecture restrictive et

critiquable des nouvelles dispositions au motif que ces dernières constituent une

atteinte au droit au recours.

Le gain de cette réforme est limité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme

à pouvoir demander des dommages-intérêts dans la même instance à titre

reconventionnel. Il n’est plus obligé de s’engager dans une nouvelle instance, et qui

plus est devant un autre juge, le juge civil.

ligne le 16 décembre 2013 et renvoyé à la commission des affaires économiques, disponible en ligne à

l’adresse suivante : www.assemblee-

nationale.fr/14/dossiers/ratification_ordonnances_urbanisme.asp#ESP. 266

CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,

Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014, Association

Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de

la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014,

p. 588.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Cela représente incontestablement une avancée en la matière en ce qu’elle représente

un gain de temps et une économie substantielle. En dehors de cela, le bénéficiaire du

permis n’a pas franchement gagné en sécurité. En effet, les conditions pour obtenir

l’allocation de dommages-intérêts résident exclusivement dans la démonstration, par

le bénéficiaire lui-même, de l’excès de la défense des intérêts légitimes par le

requérant et du caractère excessif de son préjudice.

L’appréciation de l’excès et la démonstration même de l’excès posent une difficulté

au juge et au bénéficiaire. Le premier doit estimer s’il y a ou non excès, tandis que le

second doit démontrer l’excès. En revanche, cette difficulté n’est pas de nature à

freiner les recours abusifs. Les recours abusifs mais également habiles demeurent

aussi possibles qu’avant l’introduction de l’article L. 600-7 dans le Code de

l’urbanisme. Et ils entraîneront le bénéficiaire de l’autorisation du permis dans un

procès long et coûteux, entraînant le juge administratif, par la même occasion, dans

la tourmente bien souvent aussi d’un conflit de voisinage qui ne dit pas son nom. Et

le juge, alors pris en otage dans ce conflit, n’ose que rarement faire application de la

sanction prévue par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative lequel

dispose que :

Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une

amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros267

.

En conclusion de cette section, il ressort de l’ensemble des observations qui

précèdent une quasi-absence juridique et usuelle des mécanismes de la sanction de la

mauvaise foi en droit administratif. Si le juge administratif connaît le syntagme

« bonne foi » tout comme son pendant antonymique, il n’en demeure pas moins qu’il

n’est pas, par nature, dans le champ du contrôle du juge. Il ne l’est que par

accessoire, voire uniquement par accident, quand l’absence de bonne foi se fait excès

au sens de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, et quand la mauvaise foi se fait

abus au sens de l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. Mais pour le

juge administratif, séparer le bon grain de l’ivraie est une mission difficile et

prenante hors champ de sa mission originelle.

267 Code de justice administrative, art. R. 741-12.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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SECTION 2 : La sécurité juridique victime de sa clandestinité

Le bénéficiaire du permis de construire ne peut pas rivaliser contre la valeur

constitutionnelle du droit au recours du tiers. En effet, il ne jouit pas, de son côté,

d’une garantie à la sécurité de son permis de construire. Cela s’explique par le fait

que le droit à la sécurité juridique n’existe pas en tant que tel dans l’ordre

constitutionnel bien qu’il existe tout de même sous la forme d’un principe général du

droit encore fragile (I.). Mais ce principe général du droit ne peut, en pratique, pas

être invoqué utilement contre le droit au recours en annulation des tiers (II.).

I. Un principe général du droit découvert par le juge

La sécurité juridique est « une règle du jeu accessible, compréhensive et prévisible

dans sa mise en œuvre [qui doit en principe] présider aux relations entre

administration et administrés268

». Elle est un principe de droit communautaire (A.)

qui n’a pas une existence normalisée en droit constitutionnel (B.) mais qui a un

pendant en droit administratif quoique d’une faible valeur (C.).

A. Un principe de droit communautaire

La Cour de justice de l’Union européenne a pour mission d’interpréter la législation

européenne de manière à garantir l’application uniforme du droit de l’Union dans les

États membres de l’Union européenne. Elle statue également sur les différends

opposant les gouvernements des États membres et les institutions de l’Union

européenne. Des particuliers, des entreprises ou encore des organisations peuvent

268 PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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également saisir la Cour de justice s’ils estiment qu’une institution de l’Union

européenne n’a pas respecté leurs droits.

Rappelons que la Cour de justice statue conformément aux traités sur les recours

formés par un État membre, une institution ou des personnes physiques ou morales.

Elle statue aussi à titre préjudiciel, à la demande des juridictions nationales, sur

l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’actes adoptés par les

institutions. Enfin, elle statue dans les autres cas prévus par les traités269

.

Le principe de sécurité juridique est un principe de droit communautaire selon lequel

les particuliers et les entreprises sont en droit de compter sur une certaine stabilité

juridique. Cette stabilité juridique s’entend de la stabilité des règles de droit mais

aussi des situations de droit nées de droits acquis.

D’un point de vue chronologique, le principe de sécurité juridique constitue un

principe général du droit communautaire depuis l’arrêt De GEUS en

UITDENBORGEGERD/BOSCH du 6 avril 1962270

de la Cour de justice des

Communautés européennes (CJCE) aujourd’hui271

devenue la Cour de justice de

l’Union européenne (C.J.U.E.).

Dans cet arrêt, la Cour de justice est interrogée dans le cadre d’une question

préjudicielle sur le point de savoir si l’interdiction d’exporter imposée par la société

Robert BOSCH GmbH, société établie à Stuttgart, à ses clients et acceptée par

contrat, est nulle en vertu de l’article 85, alinéa 2 du traité instituant la Communauté

économique européenne (CEE.)272

. Il s’agit, en l’espèce, d’une exportation aux

Pays­Bas. La question se pose car l’interdiction aurait pour effet de restreindre ou à

tout le moins de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

À l’occasion de cet arrêt qu’elle rend sur cette affaire, la Cour de justice énonce que

la sécurité juridique est un principe général du droit communautaire et donc une règle

de droit à respecter dans l’application du droit du traité.

En effet, elle précise explicitement :

269 T.U.E., art. 19, al. 3.

270 CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec. JC,

p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), JDI 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP 1962,

II, p. 12726. 271

Depuis l’entrée en vigueur de l’article 19 du Traité de l’Union Européenne, aussi appelé Traité de

Lisbonne, JO no C 326 du 26/10/2012 p. 0001 – 0390.

272 Cet article concerne les ententes économiques.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

125/480

Que, d’une manière générale, il serait contraire au principe général de la

sécurité juridique – règle de droit à respecter dans l’application du traité –

de frapper de nullité de plein droit certains accords avant même qu’il ait été

possible de savoir, donc de constater à quels accords s’applique l’ensemble

de l’article 85273

.

Partant, la Cour énonce ainsi sans équivoque que les accords existants entre des

entreprises avant l’entrée en vigueur de l’article 85 du CEE. ne sont pas

automatiquement frappés de nullité et ce pour des raisons de sécurité juridique.

Dans la jurisprudence communautaire, le principe de sécurité juridique implique tant

la prévisibilité des règles de droit que leur clarté ainsi que la non-rétroactivité des

actes. Dans le même sens, le tribunal de première instance de l’Union européenne a

rappelé de longue date que :

Le principe de la sécurité juridique, qui fait partie de l’ordre juridique

communautaire, exige que tout acte de l’administration produisant des effets

juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle

manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir

duquel cet acte existe et commence à produire ses effets juridiques,

notamment au regard des délais de recours274

.

Toutefois, la sécurité juridique de l’ordre communautaire est différente de la sécurité

juridique des ordres juridiques internes des États membres. Ainsi, dans l’ordre

juridique communautaire, ordre d’intégration entre des systèmes disparates et

d’essence évolutive au contenu variable en termes de substance comme de

procédures275

, la Cour de justice doit maintenir un équilibre entre flexibilité et

sécurité juridique. Elle a essentiellement pour mission d’agir comme un garde-fou.

273 Préc. CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec.

JC, p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), J.D.I., 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP

1962, II, p. 12726. 274

T.P.I., 7 février 1991, HARISSIOS TAGARAS c. Cour de Justice, Fonctionnaires – Classement –

Bonification d’ancienneté d’échelon – Égalité de traitement – Recevabilité, Affaires jointes T-18/89 et

T-24/89. Rec 1991 p. II-00053. 275

V. PUISSOCHET, (J.-P.), LEGAL, (H.), Dossier : Le principe de sécurité juridique dans la

jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, Cahiers du Conseil, Cahier du

Conseil constitutionnel no 11, déc. 2011.

Page 126: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

126/480

Il faut dire un mot du principe de confiance légitime276

. Ce principe est issu du droit

allemand et plus particulièrement du concept de Vertrauensschutz, littéralement

« protection de la confiance277

» qui joue essentiellement dans le domaine

économique278

. En droit communautaire, il est issu des décisions du TÖPFLER

contre Commission et MAVRIDIS contre Parlement279

. Il repose sur l’idée de

loyauté280

. Le principe de protection de la confiance légitime est le corollaire du

principe de sécurité juridique et doit être mis en balance avec le principe de

légalité281

. En cas de mutation de la règle, il vise à assurer la protection des situations

légitimement acquises par une ou plusieurs personnes physiques ou morales en

particulier282

. L’action administrative est limitée par le principe de la légalité mais

aussi par le respect d’une certaine façon d’agir283

.

Ainsi, en droit administratif, cette idée de loyauté implique que l’administration ne

doit pas laisser croire par son comportement, ses décisions, ou ses affirmations à un

administré que ses droits subjectifs actuels vont demeurer intacts du fait du maintien

de la réglementation existante. Dès lors, si l’administration modifie la

réglementation, elle doit veiller à en informer ledit administré ou prendre les mesures

transitoires nécessaires à la sauvegarde des droits subjectifs de celui-ci284

sauf si un

« intérêt public péremptoire » s’oppose à l’adoption de mesures transitoires285

. Par

ailleurs, les principes de confiance légitime et de sécurité juridique « entretiennent un

tel cousinage intellectuel et juridique que l’on peut se demander s’il y a réellement

276 Nous développons notre analyse de cette notion de confiance légitime dans notre titre second, sous

l’angle d’une interrogation sur l’éventualité d’une transposition de la notion dans le droit administratif

comme éventuel outil de sécurisation des autorisations d’urbanisme. 277

PUISSOCHET (J.-P.), « Vous avez dit confiance légitime ? » Le principe de confiance légitime en

droit communautaire, in Mélanges BRAIBANT (G.), Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 581. 278

RICCI (J.-Cl.), Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p., p. 207,

§ 366. 279

CJCE, 3 mai 1978, TÖPFLER c. Commission, aff. 112/77 Rec. JC, p. 1019 ; CJCE, 19 mai 1983,

MAVRIDIS c. Parlement, aff. no 289/91, Rec. JC, p. 1731.

280 RICCI (J.-Cl.), op. cit., Droit administratif général, Hachette supérieur, 4

e éd., Paris, 2011, 320 p.,

p. 71, § 110. 281

BRUNESSEN (B.), Le juge de l’Union européenne, juge administratif, Préf. BLUMANN (Cl.),

coll. Droit de l’Union Européenne, Thèse, BRUYLANT, Bruxelles, 2012, 1170 p., p. 400 et s. 282

CJCE, 18 mai 2000, ROMBI et ARKOPHARMA, aff. C-107/97, Rec. JC, I, p. 3367, pt. 66. 283

SIMON (D.), la confiance légitime en droit communautaire : vers un principe général de limitation

de la volonté de l’auteur de l’acte ?, in Le rôle de la volonté dans les actes juridiques, Études à la

mémoire A. RIEG, BRUYLANT, 2000, 936 p., p. 733. 284

RICCI (J.-Cl.), op. cit., Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p.,

p. 71, § 110. 285

CJCE, 16 mai 1979, TOMADINI c. Amministrazione delle finanze dello Stato, aff. 84/78, Rec. JC,

p. 1801.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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des différences notables entre eux286

». Le principe de confiance légitime est un

« principe essentiellement conservateur, puisqu’il permet à celui qui a obtenu

quelque chose de la maintenir, même si son acquisition a été faite de manière

contraire à la loi générale287

» dès lors il faut voir si « dans certaines hypothèses ledit

principe recule devant la légalité288

».

Nonobstant ce qui précède, le principe de sécurité juridique communautaire est

applicable en droit administratif interne289

. Le tribunal administratif de Strasbourg290

a, le premier, fait application de ce principe, sans doute en raison de sa proximité

géographique avec l’Allemagne291

. Il reconnaît la responsabilité de l’État pour

« méconnaissance du principe de la confiance légitime dans la clarté et la

prévisibilité des règles juridiques et de l’action administrative ». La solution est

saluée par la doctrine mais ce jugement novateur n’aura pas de suite292

. En effet, la

cour d’appel a censuré le jugement293

. Mais le motif de la censure n’apparaît pas

clairement294

. Stéphanie HENNETTE-VAUCHEZ relève l’interrogation suivante :

lorsque la cour pose que l’entreprise ne pouvait se prévaloir de la méconnaissance

d’un principe de confiance légitime, refuse-t-elle que le principe de confiance

légitime produise des effets en droit français ? Ou considère-t-elle qu’en l’espèce il

n’y aurait pas violation d’un éventuel principe de confiance légitime295

? Cette

prudence s’explique sans doute par la trop grande imprécision de la notion de

286 Obs. WOERHLING (J.-M.), L’obligation d’édicter des mesures transitoires comme instrument de

protection des situations constituées, RDP, 2007, p. 285. 287

TRIANTAFYLLOU (D.), La confiance légitime en tant qu’instrument de cohésion en droit

communautaire, RFDA, 2000, p. 246. 288

Ibid. 289

WOEHRLING (J.-M.), La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in

Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002, 797 p.,

p. 749. 290

TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise Freymuth c. Min. Environnement, no 931085, concl.

POMMIER (J.), AJDA, 1995, p. 555, à propos de la légalité d’un décret de 1992, interdisant

l’importation de déchets ménagers. 291

BRUNESSEN (B.), op. cit., Le juge de l’Union européenne, juge administratif, Préf. BLUMANN

(Cl), coll. Droit de l’Union Européenne, Thèse, BRUYLANT, Bruxelles, 2012, 1170 p., p. 403. 292

RICCI (J.-Cl.), op. cit. Droit administratif général, Hachette supérieur, 4e éd., Paris, 2011, 320 p.,

p. 71, § 110. 293

CAA Nancy, 17 juin 1999, Min. Environnement c. Entreprise Transports Freymuth,

nos

95NC00226, 96NC01927 et 96NC01928, AJDA, 1999, p. 950. 294

HENNETTE-VAUCHEZ (S.), Responsabilité sans faute, Répertoire de la responsabilité de la

puissance publique, Dalloz, Paris, 2014, Titre 3, Chap. 1, Sect. 2, art. 2. 295

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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confiance légitime296

. Il faut attendre un arrêt Syndicat National de l’Industrie pour

percevoir la position adoptée par le juge administratif à l’égard de cette notion de

confiance légitime.

En effet, depuis l’arrêt Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique rendu par le

Conseil d’État en date du 3 décembre 2001297

, le juge administratif juge que :

a. Les principes généraux de l’ordre juridique communautaire déduits

du traité instituant la Communauté européenne ont la même valeur

juridique que ce dernier, qu’il s’agisse du principe de la confiance

légitime et du principe de la sécurité juridique applicables aux

situations régies par le droit communautaire, du principe de loyauté

qui se confond d’ailleurs avec le respect de l’article 10 du traité CE

ou encore du principe de primauté.

b. Ce dernier principe ne saurait conduire, dans l’ordre interne, à

remettre en cause la suprématie de la Constitution298

.

Ainsi l’ordre interne connaît l’existence et la nécessité d’une sécurité juridique, mais

c’est une notion qui n’est pas sans poser de difficultés tant au Conseil constitutionnel

qu’au juge administratif.

La solution rendue dans l’arrêt Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique

s’inscrit dans le prolongement des jurisprudences NICOLO299

, BOISDET300

et S.A.

296 MORAND-DEVILLER (J.), Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, lextenso-Éditions, Paris,

2013, 800 p., p. 273. 297

Préc. CE, 1re

et 2e

SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (S.N.I.P.),

no 226514, Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, n

o 1/2002,

p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003, p. 197. 298

Résumé sommaire, préc. CE, 1re

et 2e

SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie

Pharmaceutique, no 226514.

299 CE, 20 oct. 1989, NICOLO, Rec. Lebon, p. 190 ; concl. FRYDMAN (P.), RFDA, 1989, p. 813 ;

HONORAT (E.) et BAPTISTE (E.), AJDA, 1989, p. 758 ; SIMON (D.), AJDA, 1989-12, p. 788 ;

GENEVOIS (B.), RFDA, 1989, p. 824 ; FAVOREU (L.), RFDA, 1989, p. 993 ; DUBOUIS (L.),

RFDA, 1989, p. 1000 ; GRUBERT (A.), L’arrêt NICOLO ou la victoire du Conseil d’État sur le

Conseil d’État, LPA, 15 nov. 1989 ; SABOURIN (P.), D. 1990, p. 135 ; ISAAC (G.), RTD eur. 1990,

p. 771 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n

o 91, p. 638 ; KOVAR (R.), chron. D. 1990, p. 57 ; LONG (M.),

vice-président honoraire du Conseil d’État, Genèse de la décision NICOLO, AJDA, 2014, no 2, 20

janv. 2014, p. 100. 300

CE, 24 sept. 1990, BOISDET, Rec. Lebon, p. 250 ; HONORAT (E.) et SCHWARTZ (R.), AJDA,

1990, p. 863, concl. LAROQUE (M.), LPA, 12 oct. 1990, p. 15 ; DUBOUIS (L.), note relative aux

règlements, RFDA, 1991, p. 172.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

129/480

ROTHMANS International France301

lesquelles consacrent la primauté du droit

communautaire sur les lois nationales. Par une telle solution, le Conseil d’État aligne

sa jurisprudence sur celles des autres juridictions internes et communautaire et

participe à la reconnaissance de la spécificité du droit communautaire lequel

s’intègre directement dans l’ordre juridique national302

.

Dès lors, si le juge communautaire reconnaît tant le principe de sécurité juridique que

le principe de confiance légitime, le juge administratif est dans la nuance. Il distingue

selon que la mesure en cause relève ou non du champ d’application du droit

communautaire. Si la mesure relève du champ d’application du droit communautaire,

nous venons de le rappeler, le principe de confiance légitime peut être invoqué. À

l’inverse, si la mesure en cause est hors champ du droit communautaire, le moyen

tiré du principe de confiance légitime est inopérant303

. Ce faisant le juge administratif

témoigne d’une certaine hostilité à l’égard du principe de confiance légitime qui

relève d’un certain subjectivisme de l’administré. En effet, alors que le principe de

sécurité juridique renvoie à l’intelligibilité, à l’accessibilité et à la prévisibilité

objective d’une règle administrative par l’administré, le principe de confiance

légitime renvoie, quant à lui, à la croyance en l’existence d’une règle par l’administré

ou à la croyance en l’existence d’un certain état de droit en vigueur304

.

301 CE, ass., 28 févr. 1992, SA ROTHMANS International France, Rec. Lebon, p. 80 ; concl.

LAROQUE (M.) ; MAUGÜE (C.) et SCHWARTZ (R.), AJDA, 1992, concl., p. 210, et chron.,

p. 239 ; TEBOUL (G.), JCP, 1992, II, no 21859 ; CELERIER (T.), LPA, 10 avr. 1992, p. 18 ;

DUBOUIS (L.), RFDA, 1992, p. 425. 302

Préc. VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, no 1/2002, p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003,

p. 197. 303

Préc. CE, 1re

et 2e

SSR, 3 déc. 2001, Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique (S.N.I.P.),

no 226514, Rec. Lebon, concl. FOMBEUR (P.), p. 624 ; VALEMBOIS (A.-L.), AJDA, n

o 1/2002,

p. 166 ; étude CASTAING (C.), RTD eur. 2003, p. 197 ; v. également, CE, Ass, 5 mars 1999,

ROUQUETTE, Rec. Lebon, p. 347 ; concl. MAUGÜE (C.), RFDA, 1999, p. 357 ; note BECHILLON

(D.) et TERNEYRE (Ph.), ibid. ; chron. RAYNAUD (F.) et FOMBEUR (P.), A.J., 1999, p. 420 ;

RDA, mai 1999, p. 23 ; CAMBY (J.-P.), RDP, 1999, p. 1223. 304

Préc. CE, ass., 24 mars 2006, Société KPMG, no 288460, GAJA, 18

e éd., D. 2011, n

o 113, p. 875,

v. en particulier com. p. 880, no 113 § 3.

Page 130: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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B. Une notion absente du bloc de constitutionnalité

En droit interne, la notion de sécurité juridique pose la question de l’existence de sa

reconnaissance normative305

. En droit constitutionnel, elle n’existe pas de manière

normée. Citons ici Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE :

La notion de sécurité juridique est absente, en tant que telle, de notre corpus

constitutionnel. Elle ne figure ni dans le texte de la Constitution de 1958, ni

dans celui du Préambule de 1946, ni même dans la Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen de 1789.

Pour le Conseil constitutionnel, la sécurité juridique se rattache cependant à

deux notions qui, bien que proches de celle de sécurité juridique, ne

coïncident pas exactement avec celle-ci :

˗ la première est la notion de « sûreté » qui, aux termes de l’article 2 de

la Déclaration, est l’un des droits naturels et imprescriptibles de

l’homme avec la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression.

Mais, dans la Déclaration de 1789, la notion de sûreté correspond

principalement à la notion d’habeas corpus, comme le précise

expressément l’article 7 : « Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni

détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes

qu’elle a prescrites » ;

˗ la seconde notion est la notion de « garantie des droits » inscrite à

l’article 16 de la déclaration : « Toute société dans laquelle la

garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs

déterminée, n’a point de constitution »306

.

305 MODERNE (F.), À la recherche d’un fondement constitutionnel du principe de confiance légitime,

du droit communautaire au droit interne, in Au carrefour des droits, Mélanges L. DUBOUIS, Dalloz,

2012, 608 p., p. 595. 306

DUTHEILLET DE LAMOTHE, (O.), membre du Conseil constitutionnel, La sécurité juridique, le

point de vue du juge constitutionnel, à l’occasion de l’accueil de hauts magistrats brésiliens, le

20 septembre 2005, disponible sur le site du Conseil constitutionnel.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Dans sa décision du 30 décembre 1996307

, le Conseil constitutionnel affirme

qu’« aucune norme constitutionnelle ne garantit par ailleurs un principe dit “de

confiance légitime”308

». Cependant, la notion de sécurité juridique existe dans la

jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’il l’utilise tantôt pour limiter les

possibilités de rétroactivité de la loi et tantôt pour le maintien d’une certaine qualité

de lisibilité et d’intelligibilité de la loi.

En ce sens, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a, depuis plus d’une décennie,

pris en compte le « risque d’instabilité juridique309

» causé par la « multiplicité des

contestations de la légalité externe310

» des actes d’urbanisme. Ce risque justifie

l’adoption de l’article L. 600-1 du Code de l’urbanisme et donc « la restriction

apportée par les dispositions contestées est limitée à certains actes relevant du seul

droit de l’urbanisme311

». Ainsi, ayant à apprécier la validité du nouvel article L. 600-

1 du Code de l’urbanisme, le Conseil constitutionnel considère, dans sa décision312

du 21 janvier 1994, que :

La restriction apportée par les dispositions contestées est limitée à certains

actes relevant du seul droit de l’urbanisme ; qu’elle a été justifiée par le

législateur eu égard à la multiplicité des contestations de la légalité externe

de ces actes ; qu’en effet, le législateur a entendu prendre en compte le risque

d’instabilité juridique en résultant, qui est particulièrement marqué en

matière d’urbanisme, s’agissant des décisions prises sur la base de ces

actes ; qu’il a fait réserve des vices de forme ou de procédure qu’il a

considérés comme substantiels ; qu’il a maintenu un délai de six mois au

cours duquel toute exception d’illégalité peut être invoquée ; que les

dispositions qu’il a prises n’ont ni pour objet ni pour effet de limiter la

possibilité ouverte à tout requérant de demander l’abrogation d’actes

réglementaires illégaux ou devenus illégaux et de former des recours pour

excès de pouvoir contre d’éventuelles décisions de refus explicites ou

implicites ; que dès lors il n’est pas porté d’atteinte substantielle au droit des

307 Cons. const., 30 déc. 1996, n

o 96-385 DC, Loi de finances pour 1997, JO 31 déc. 1996, p. 19557 ;

Com. Cah. Cons. Const. no 2.

308 Ibid. pt. 18.

309 Expression du Conseil constitutionnel.

310 Idem.

311 Idem.

312 Cons. const., 21 janv. 1994, n

o 93-335 DC, Loi portant diverses dispositions en matière

d’urbanisme et de construction, MORAND-DEVILLER (J.), RDA, 1994, p. 75 ; chron. PICARD (E.),

JCP 1994, I. p., 3761, no 35.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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intéressés d’exercer des recours ; qu’ainsi le moyen tiré d’une

méconnaissance de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du

citoyen manque en fait313

.

En dépit de tous les attraits que revêt la notion de sécurité juridique, le Conseil

constitutionnel se défie de succomber à ses charmes. Prudent, il admet

ponctuellement et indirectement la sécurité juridique en urbanisme. Ainsi, dans sa

décision no 2011-138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry, le Conseil

constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article L. 600-1-1 du Code de

l’urbanisme, en vertu duquel le droit d’agir contre une décision relative à

l’occupation ou à l’utilisation des sols n’est ouvert aux associations que si le dépôt de

leurs statuts en préfecture est intervenu avant l’affichage en mairie de la demande du

pétitionnaire.

Rappelons que l’article L. 600-1-1 a été inséré dans le Code de l’urbanisme par la loi

no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, dite loi

ENL Disposition demandée par l’Association des maires de France, l’article

L. 600­1-1 devait « interpeller le Gouvernement sur le problème des recours abusifs

engagés par certaines associations dans le but de se donner les moyens de négocier

les prix de terrains où des projets doivent être réalisés314

». Cet article dispose que :

Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à

l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de

l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en

mairie de la demande du pétitionnaire315

.

Ne sont visées par l’article que les décisions individuelles soumises à l’obligation

d’affichage en mairie. En d’autres termes l’article vise les permis de construire, les

permis d’aménager, les permis de démolir et les décisions de non-opposition à des

déclarations préalables316

. Cette volonté de lutter contre la paralysie des programmes

immobiliers causée par des « recours incessants et manifestement abusifs317

»

313 Préc. Cons. const., 21 janv. 1994, n

o 93-335 DC, Loi portant diverses dispositions en matière

d’urbanisme et de construction, 4e considérant.

314 V. l’amendement présenté par MM. HERISSON, JARLIER, BETEILLE, GIROD et DETRAIGNE

(JO débats du Sénat, 7 avr. 2006, p. 3001). 315

Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1. 316

V. Code de l’urbanisme, art. R. 423-1 et R. 423-6. 317

AMOUDRY (J.-P.), rapporteur au Sénat du projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs

relations avec les administrations (JO débats du Sénat, séance du 10 mars 1999).

Page 133: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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explique la modification de l’article L. 142-1 du Code de l’environnement par la loi

ENL Cet article dispose désormais que :

Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de

l’environnement peut engager des instances devant les juridictions

administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci.

Toute association de protection de l’environnement agréée au titre de

l’article L. 141-1 justifie d’un intérêt pour agir contre toute décision

administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités

statutaires et produisant des effets dommageables pour l’environnement sur

tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l’agrément dès lors

que cette décision est intervenue après la date de son agrément318

.

Aux termes de cette rédaction, la décision attaquée doit avoir été adoptée

postérieurement à la date d’obtention de l’agrément. L’esprit du législateur était

clairement de mettre un frein au libéralisme de la jurisprudence administrative quant

à la capacité des associations à agir par la voie du recours pour excès de pouvoir. En

effet, le Conseil d’État admettait qu’une association pouvait être constituée après la

délivrance du permis de construire attaqué319

et considérait notamment que :

L’intérêt donnant qualité pour introduire un recours pour excès de pouvoir

s’apprécie à la date à laquelle ce recours est introduit ; que, par suite, la

SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE « LE SOLEIL LEVANT » n’est pas fondée

à se prévaloir de ce que l’association requérante a été constituée

postérieurement à l’intervention de l’arrêté attaqué, pour soutenir que sa

demande n’est pas recevable320

.

En pratique, les recours associatifs recouvrent un intérêt à agir distinct des recours

individuels et qui revient souvent à proposer un autre type d’aménagement que celui

envisagé et retenu. Le professeur BOUYSSOU, dès 1980, soulignait que « le recours

associatif transforme le rôle du juge, qui n’est plus dans sa position traditionnelle

d’arbitre entre l’intérêt général et les intérêts privés, mais qui doit choisir entre deux

318 Code de l’environnement, art. L. 142-1.

319 CE, 25 mars 1991, SCI Le Soleil Levant, n

o 112031, inédit.

320 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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rationalités d’aménagement, entre deux conceptions de l’intérêt général, celle que

propose l’Administration, et celle qu’oppose l’association321

. »

Dans le prolongement de sa position sur le principe de sécurité juridique, le Conseil

constitutionnel refuse d’admettre le principe de confiance légitime dans sa

jurisprudence. En effet, il juge qu’« aucune norme de valeur constitutionnelle ne

garantit un principe dit de confiance légitime322

. »

Cependant, récemment le Conseil constitutionnel a semblé légèrement infléchir la

rigueur de son rejet du principe de confiance légitime323

. À l’examen de la loi de

financement de la Sécurité sociale pour 2014, le Conseil constitutionnel a confirmé

sa jurisprudence en considérant « qu’il est à tout moment loisible au législateur,

statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou

d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ; que, ce

faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences

constitutionnelles ; qu’en particulier, il ne saurait, sans motif d’intérêt général

suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises324

». Mais, il ne s’est

pas borné à confirmer sa jurisprudence. Sans opérer de revirement, il opère

néanmoins une évolution en reconnaissant une protection aux « effets qui peuvent

légitimement être attendus325

. » Certes ni le syntagme « sécurité juridique » ni celui

de « confiance légitime » n’apparaissent, mais il n’en demeure pas moins qu’avec

cette formule « effets qui peuvent légitimement être attendus », le Conseil

constitutionnel admet une forme de sécurité juridique, et plus précisément une forme

subjective, ce qui correspond, il faut le souligner, à la définition du principe de

confiance légitime. Comme le souligne le professeur DELAUNAY, cette évolution

tend à intégrer le concept complexe qu’est la confiance légitime qui « découle

directement du droit européen lequel fait voisiner la confiance légitime stricto sensu

321 BOUYSSOU, (F.), Le rôle des associations en matière d’urbanisme, AJDA, 1980, p. 149.

322 Cons. const., 7 nov. 1997, n

o 97-391 DC, Loi portant diverses mesures urgentes à caractère fiscal

et financier (MUCFF), Rec. CC, p. 232 ; note SCHOETTL (J-E), La rétroactivité d’une législation

fiscale n’est pas anticonstitutionnelle, A.J., 1997, p. 969 ; note MATHIEU (B.), LPA, 4 mars 1998 ;

note MEINDL (T.), RA, 1997, p. 634 ; note PHILIP (L.), RFDC, 1998, p. 157. 323

Cons. const., 19 déc. 2013, no 2013-682 DC, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

324 Ibid. Cons. n

o 14.

325 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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en droit de l’Union et la théorie des espérances légitimes promue par la Convention

européenne des droits de l’homme326

. »

Nonobstant ce qui précède, la notion de sécurité juridique demeure une notion

absente du corpus constitutionnel même s’il ne fait aucun doute que le Conseil

constitutionnel ne l’ignore pas. Il en résulte que le bénéficiaire d’un permis attaqué

ne peut pas invoquer la sécurité juridique en tant que valeur constitutionnelle

puisqu’elle n’existe pas en tant que telle. Cela étant, la question se pose de savoir si

la sécurité juridique qui ne peut pas être invoquée devant le juge du permis en tant

que principe communautaire ni en tant que principe constitutionnel, pourrait être

invoquée devant le juge administratif comme principe général du droit. La réponse

est presque aussi nuancée que devant le juge constitutionnel.

C. Une finalité idéale de la jurisprudence

administrative

Certes, le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas le principe de sécurité juridique.

Mais cela signifie-t-il pour autant que la sécurité juridique constitue un miroir aux

alouettes du champ d’application du droit administratif ? La réponse est négative. En

effet, le Conseil d’État reconnaît le principe de sécurité juridique, bien qu’il ait

récemment et expressément considéré que ce principe ne figure pas « au nombre des

droits et libertés garantis par la Constitution au sens de son article 61-1327

». Cette

inexistence constitutionnelle et cette ambiguïté du juge administratif ont pu conduire

certains auteurs à qualifier la sécurité juridique de concept « clandestin328

».

Solennellement, le Conseil d’État a pourtant pris soin, dans son rapport public 2006,

de définir la notion de sécurité juridique et dire que : « Le principe de sécurité

juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des

326 DELAUNAY (B.), La confiance légitime entre discrètement au Conseil constitutionnel, AJDA,

no 12, 31 mars 2014, p. 649.

327 CE, 10

e et 9

e SSR, 17 déc. 2010, Syndicat mixte de Papeete, n

o 343800, inédit, relatif à la QPC,

« Considérant que le principe de sécurité juridique n’est pas au nombre des droits et libertés garantis

par la Constitution au sens de son article 61-1 », v. BRONDEL (S.), AJDA, 2010, p. 2456. 328

MATHIEU (B.), La sécurité juridique, un principe constitutionnel clandestin mais efficient,

Mélanges P. GELARD, LGDJ, Montchrestien, 2000, p. 301.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est

défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées

doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des

variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles329

. » Le Conseil d’État, qui

rappelle qu’elle « constitue l’un des fondements de l’État de droit », dégage deux

approches : l’une formelle, l’autre temporelle.

La sécurité juridique n’est pas stricto sensu incorporée aux principes du droit

administratif330

. À son sujet, le doyen CARBONNIER écrit « C’est le besoin

juridique élémentaire et, si l’on ose dire, animal331

. »

Pourtant, il existe un contraste évident entre l’intérêt que suscitent ce principe et la

« rigidité332

» de la réponse jurisprudentielle. Ainsi, en droit administratif, le principe

de sécurité juridique n’existe pas de manière autonome. À la base de cette réticence,

il est souvent souligné que la prise en compte du principe de sécurité juridique, voire

de son pendant plus subjectif, le principe de confiance légitime, conduirait le juge

administratif à remettre en cause le caractère objectif du recours pour excès de

pouvoir. Pourtant, cet attachement classique du juge administratif à ce caractère

d’objectivité est susceptible de ralentir l’évolution jurisprudentielle dans le sens

d’une plus ample intégration de la jurisprudence communautaire333

.

Par ailleurs, explique la réticence du juge à l’égard de ce principe, l’idée que la

confiance légitime est une menace pour le système juridique français334

susceptible

de créer un déséquilibre en faveur des intérêts privés335

. Dans le même sens, un tel

principe reviendrait à remettre en question le statut du juge. C’est-à-dire que

l’adoption du principe de sécurité juridique et de son pendant subjectif, le principe de

confiance légitime, conduirait le juge à devoir mettre en balance les intérêts en

329 Conseil d’État, Rapport public, Doc. Fr., Paris, 2006, p. 281.

330 Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.

331 CARBONNIER, (J.), Flexible droit, LGDJ, 7

e éd. 1992, p. 172.

332 WOEHRLING (J.-M.), La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in

Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002,797 p.,

p. 763. 333

V. en ce sens SEILLER (B.), Droit administratif, 1. Les sources et le juge, 5e éd., Champs

université, 2013, 345 p., p. 326. 334

CALMES (S.), Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand,

communautaire et français, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p., p. 490. 335

WOEHRLING (J.-M.), op. cit., La France peut-elle se passer du principe de confiance légitime ? in

Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002,797 p.,

p. 763.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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présence à travers le prisme de sa propre conception de l’équilibre raisonnable336

alors que le système juridique français préfère l’objectivité que véhicule une règle

formelle et univoque qui ne laisse pas au juge une telle marge d’appréciation337

.

Cependant, le principe de confiance influence la jurisprudence. Par exemple, il

justifie l’interdiction du retrait des actes administratifs individuels créateurs de droit

devenus définitifs, quand bien même seraient-ils illégaux. Pour autant, le juge

administratif n’est que le juge de la légalité de l’action administrative. Ainsi, il ne

s’autorise pas à prendre parti sur l’opportunité de celle-ci ni sur la nécessité d’édicter

ou de modifier tel ou tel acte338

. En effet, le juge administratif se borne à contrôler

l’activité administrative. S’il peut, à ce titre, annuler pour excès de pouvoir les

décisions explicites ou implicites prises par l’Administration, ou s’il peut condamner

l’Administration à s’acquitter d’un dédommagement de l’administré, il ne peut pas,

en revanche porter atteinte à l’indépendance de l’Administration en raison non pas de

la sécurité juridique mais des principes du droit public qu’il a lui-même dégagés. En

particulier, il s’interdit de porter atteinte à l’indépendance de l’Administration339

.

La question de la sécurité juridique a également été posée en droit de l’urbanisme.

Ainsi nombreux sont les auteurs qui ont déploré l’insécurité juridique qui règne dans

ce domaine340

.

Afin d’améliorer ce besoin de sécurité juridique, l’article 37 de la loi no 2000-1208

du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)341

a

créé l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme. Cet article dispose :

336 Ibid. p. 769.

337 Ibid.

338 SEILLER (B.), op. cit. Droit administratif, 1. Les sources et le juge, 5

e éd., Champs université,

2013, 345 p., p. 325. 339

ODENT (R.), Contentieux administratif, T. 1, Dalloz, Paris, 2007, 1051 p., p.1013 ; RIVERO (J.),

Le Huron du Palais Royal ou quelques réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir, Dalloz,

1962, Chron, p. 37 ; CHEVALLIER (J.), L’élaboration historique du principe de séparation de la

juridiction administrative et de l’administration active, LGDJ, Paris, 1970 ; CHEVALLIER (J.),

L’interdiction pour le juge administratif de faire acte d’administrateur, AJ, 1972, p. 67. 340

Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique. Un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151 ;

MORAND-DEVILLER, (J.), Travaux du Notariat français résumant les rapports présentés au 89e

Congrès des notaires à Cannes, Urbanisme et sécurité juridique, Defrénois 1993, art. 35608, p. 953 ;

LIET-VEAUX, (G.), La pochette-surprise des « sites remarquables », LPA, 21 nov. 1997, p. 17 ;

J.­Cl. Administratif, Fasc. 418, Urbanisme – Définitions. Principes. Orientations. 341

NOR : EQUX9900145L, en vigueur le 14 janvier 2001.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

138/480

Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière

d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se

prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles

de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier342

.

L’esprit du législateur est explicitement celui de « prévenir la multiplication des

contentieux successifs sur un même dossier343

». Le juge BONICHOT344

conclut à ce

sujet que « le législateur a su maintenir l’indispensable équilibre entre légalité et

sécurité juridique en laissant de côté ce qui aurait porté une atteinte trop grave au

droit au recours juridictionnel345

».

Cependant, une certaine instabilité est née de la jurisprudence administrative. En

effet, si le législateur a su maintenir un équilibre entre légalité et sécurité, c’est le

juge administratif qui a dû arbitrer entre les exigences de sécurité juridique et celles

imposées par le contrôle de légalité. Cet arbitrage a, quant à lui, donné lieu à un

certain déséquilibre face auquel, le législateur a fait le choix de dissocier le

contentieux des actes individuels du contentieux des normes346

.

II. Un principe en mal de reconnaissance

Le principe de sécurité juridique, fondement de l’État de droit347

, n’est, en tout état

de cause, pas un principe constitutionnel. Le questionnement juridique qui l’entoure

divise les plus hautes juridictions nationales (A.). Et cette division n’est pas sans

incidence pour le contentieux de l’urbanisme et donc pour la sécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme (B.).

342 Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1.

343 Rapporteur RIMBERT, (P.), JOAN, Année 2000, n

o 92 [2] AN (C.R.), 22 nov. 2000, Compte

rendu intégral, 2e séance, 21 nov. 2000, p. 9169.

344 Jean-Claude BONICHOT, ancien président de la sous-section à la section du contentieux (2000-

2006) au Conseil d’État, est juge à la Cour de justice depuis le 7 octobre 2006. 345

BONICHOT (J.-Cl.), Vers une plus grande sécurité juridique ? BJDU, no 6, 2000, p. 405 et s.

346 LECOQ, (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale d’urbanisme, coll. Droit public,

Publim, 2004, Paris, 565 p., p. 514. 347

Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité du

droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 281.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A. Présentation du questionnement juridique

Le principe de sécurité juridique souffre de sa polysémie. En effet la polysémie de la

notion en complique l’articulation avec le droit au recours. En outre, la base légale

du principe est encore mal cernée. Il en résulte une approche prudente du Conseil

constitutionnel, gardien des principes fondamentaux (1.) tandis que le Conseil d’État

se distingue par une approche engagée (2.).

1) Consécration d’une approche prudente

Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés publiques et des droits

fondamentaux, consacre le droit au recours mais pas la sécurité juridique. Plus

précisément, il ne consacre par la sécurité juridique de manière explicite348

. En effet,

il ressort de sa jurisprudence que le principe de sécurité juridique apparaît de manière

indirecte, signe que le Conseil constitutionnel ne méconnaît pas l’existence de cette

notion. Mais c’est aussi le signe qu’il refuse, en l’état actuel, de la consacrer en tant

que telle. Ainsi, le Conseil constitutionnel reconnaît depuis une décision de 1999349

une valeur constitutionnelle à l’objectif « d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi »

fondé sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen intégrée

au bloc de constitutionnalité.

La notion a beau être dans l’air du temps, le Conseil constitutionnel n’a pas encore

cédé à « l’effet de mode350

». Cette position prudente s’explique par le caractère

nébuleux voire hasardeux de la notion de sécurité juridique. Il faut dire que la notion

est même accusée d’être une notion « vague et non dépourvue d’un certain

verbalisme351

». Plurivoque, la sécurité juridique n’est pas pour autant équivoque352

.

348 Préc. MATHIEU (B.), La sécurité juridique, un principe constitutionnel clandestin mais efficient,

in Mélanges GELARD, LGDJ, Montchrestien, Paris, 2000, 520 p., p. 301 à 305. 349

Cons. const., 16 déc. 1999, no 99-421 DC, JO, 22 déc. 1999, p. 19041, Rec. CC, p. 136, chron.

SCHOETTL (J.-E.), Contrôle de la constitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale

pour 1999, AJDA, 2000, p. 31 ; com. FRISON-ROCHE (Mie-A.) et BARANES (W.), D., 2000,

p. 362 ; note RIBES (D.), Rev. Fr. Dr. constit. 2000, p. 120 ; v. également Cons. const., 12 janv. 2002,

no 2001-455 DC, Rec. CC, p. 49.

350 MOLFESSIS (N.), Sur trois facettes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Cah. Cons.

const., no 31, avril 2011.

351 POLLAUD-DULIAN (F.), À propos de la sécurité juridique, RTD civ., 2001, p. 491.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Certains disent qu’elle est à la fois savoir et prévoir353

. Cependant, pour le Conseil

constitutionnel, l’argument tenant à l’insécurité l’emporte. En effet, conférer à la

sécurité juridique la valeur d’un principe constitutionnel serait, sans doute, dans une

certaine mesure une source d’insécurité juridique. En effet, le syntagme sécurité

juridique est une notion polymorphe et difficile à cerner354

. De plus, un principe

constitutionnel est source de droit subjectif et s’accommode donc mal d’une notion

fuyante355

et susceptible de se retourner, paradoxalement, contre l’exigence même de

sécurité juridique, ancrant un conservatisme mal venu. Plus précisément, la sécurité

juridique peut justifier des solutions diamétralement opposées tant dans les rapports

entre l’État et les administrés que dans les rapports entre administrés. Dès lors la

sécurité des uns peut dans certaines hypothèses caractériser l’insécurité juridique des

autres356

. Comme le souligne Bertrand MATHIEU357

, la sécurité juridique d’un

administré peut s’exercer au détriment d’un autre administré. En matière de recours

pour excès de pouvoir, la sécurité juridique de ceux qui peuvent agir est renforcée

par l’existence du contrôle de légalité. En revanche, par un effet de vases

communicants, l’exercice du recours pour excès de pouvoir est un facteur

d’insécurité juridique pour les tiers358

, notamment lorsqu’ils bénéficient des effets de

l’acte attaqué.

Plus optimistes, d’autres voient dans cette position non pas une position de réserve

prudentielle mais plutôt le premier élan d’un mouvement plus large et à venir d’une

constitutionnalisation du principe de sécurité juridique359

. En effet, pour Anne-Laure

VALEMBOIS, le principe de sécurité juridique fait l’objet d’un processus de

constitutionnalisation. Plus précisément, l’exigence de sécurité juridique ferait l’objet

d’un processus d’« autonomisation » par rapport à l’État de droit. Ce processus serait

352 Préc. PACTEAU (B.), La sécurité juridique un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151.

353 Ibid.

354 CRISTAU (A.), L’exigence de sécurité juridique, Rec. Dalloz, 2002, p. 2814.

355 Ibid.

356 Ibid.

357 MATHIEU (B.), Réflexions en guise de conclusion sur le principe de sécurité juridique, Dossier :

Le principe de sécurité juridique, Cah. Cons. Const., no 11, Déc. 2001.

358 V. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans

priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de

légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.

Cons. Const., no 11, Déc. 2001.

359 V. en ce sens VALEMBOIS (A.-L.), La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique

en droit français, V.41, LGDJ, Paris, 2005, 534 p., p. 231

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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la traduction de l’émancipation de la notion de sécurité juridique en réponse à

l’insécurité juridique intrinsèque au système juridique360

.

Cependant, cette analyse optimiste appelle à être nuancée. En effet, si processus de

constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique, il y a, celui-ci est resté

bloqué à la reconnaissance de manifestation de la sécurité juridique (prévisibilité,

stabilité, accessibilité, intelligibilité des normes). Pour autant, la nation n’a pas

encore été consacrée en tant que notion constitutionnelle autonome. Par suite, il reste

difficile d’en voir l’émancipation puisqu’il nous semble que la sécurité juridique est

bien l’un des principes fondateurs de l’État de droit, ainsi que le Conseil d’État,

quant à lui, l’admet.

En l’état actuel de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l’exigence de sécurité

juridique n’est pas un principe fondamental à valeur constitutionnelle361

. Et si tant est

qu’il y ait effectivement un début de commencement de processus de

constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique, la valeur constitutionnelle

qui en résulte n’est qu’une valeur en germe, et donc en tout état de cause,

insusceptible de contrebalancer la valeur incontestable et incontestée du droit au

recours. Enfin, comme le relève Jean-Éric SCHOETTL, la sécurité juridique n’est

pas encore une norme constitutionnelle, « tout au plus peut-elle jouer un rôle en

matière de validation législative362

».

2) Consécration d’une approche engagée

Le Conseil d’État, quant à lui, a consacré le principe de sécurité juridique. Remis en

mars 2006, le rapport public pour 2006 est consacré à la notion de sécurité juridique.

Le Conseil d’État y indique notamment que le principe de sécurité juridique

« constitue l’un des fondements de l’État de droit363

». Il précise encore que « le

principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle

de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et

360 Ibid.

361 V en ce sens BEN MERZOUK (E.), La fausse consécration du « principe de sécurité juridique »,

Rec. Dalloz, 2003, Jurisprudence, p. 2722. 362

Préc. chron. SCHOETTL (J.-E.), Contrôle de la constitutionnalité de la loi de financement de la

sécurité sociale pour 1999, AJDA, 2000, p. 31. 363

Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité

du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 281.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes

édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à

des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles364

. » Le Conseil d’État

articule sa consécration de la sécurité juridique autour de deux axes. Le premier axe

correspond à une approche formelle365

de la notion. En ce sens, la qualité de la loi

garantit la sécurité juridique. Le second axe correspond, quant à lui, à une approche

temporelle366

. En ce sens, c’est la prévisibilité de la loi qui, ici, garantit la sécurité

juridique. Sans tomber dans le conservatisme, cette approche consiste à viser une

certaine prévisibilité du droit et une certaine stabilité des situations juridiques367

. Il

appuie sa consécration du rappel de la position communautaire. En effet, il souligne

que le principe de sécurité juridique constitue un principe général du droit

communautaire depuis l’arrêt De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH368

du 6 avril

1962 de la Cour de justice des Communautés européennes (aujourd’hui C.J.U.E.). Le

juge communautaire en tire des exigences de stabilité et de prévisibilité de la norme,

de détermination claire et précise des délais de recours ainsi que la possibilité de

moduler dans le temps les effets des décisions369

. En outre, le Conseil d’État rappelle

encore que, pour le juge communautaire, « le retrait des actes illégaux n’est autorisé

que s’il intervient dans un délai raisonnable et si l’institution dont il émane tient

suffisamment compte de la mesure dans laquelle le destinataire de l’acte a

éventuellement pu se fier à la légalité de celui-ci » depuis l’arrêt Consorzio

Cooperative d’ABRUZZO c/Commission du 26 février 1987370

.

Et quelques mois après la remise du rapport de 2006, le Conseil d’État juge, par une

décision du 24 mars 2006, plus connue sous le nom de l’arrêt K.P.M.G.371

, qu’il

364 Ibid.

365 Ibid. p. 282.

366 Ibid.

367 Ibid.

368 Préc. CJCE, 6 avr. 1962, C-13/61, De Geus en UITDENBOGERD/BOSCH e.a., aff. 13/61, Rec.

JC, p. 89, D. 1962. 357, note ROBERT (J.), J.D.I., 1963, p. 528 et obs. FRANÇON (A.), p. 390, JCP

1962, II, p. 12726. 369

Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité

du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p., p. 283.

370 CJCE, 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’ABRUZZO c/Commission aff. 15/85, Rec CJCE,

1987, p. 1005, obs. LETEMENDIA (M.), Cah. De droit européen, 1989, p. 632- à 645. 371

CE, 24 mars 2006, Société KPMG, nos

288460, 288465, 288474 et 288485, Dalloz, 2006, p. 1224 ;

CASSIA (P.), La sécurité juridique, un « nouveau » principe général du droit aux multiples facettes,

Dalloz, 2006, p. 1190 ; DAMMANN (R.), L’indépendance des commissaires aux comptes, ibid.,

p.1226 ; Sécurité juridique : la consécration, AJDA, 2006, p. 1028 ; MELLERAY (F.), L’arrêt KPMG

consacre-t-il vraiment le principe de sécurité juridique ?, ibid., p. 897 ; MATHIEU (B.), Le principe

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de

sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une

réglementation nouvelle. Cela vaut en particulier lorsque les règles nouvelles sont

susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours

légalement conclues. Cette décision introduit expressément dans l’ordre juridique

administratif le principe de sécurité juridique en tant que norme de référence du

contrôle de légalité372

.

Comme le soulignent les maîtres des requêtes au Conseil d’État, Claire LANDAIS et

Frédéric LENICA, la consécration du principe de sécurité juridique est un « signal

fort » quant à l’orientation de la jurisprudence administrative373

. Cependant il ne faut

pas surestimer ce signal car les requérants peuvent parfois tirer des conséquences

contradictoires de ce principe de sécurité juridique374

.

Par ailleurs, si la consécration a pour mérite d’expliciter le principe, de lui

reconnaître une existence légitime et officielle. Il faut dire qu’il n’est pas nouveau

mais, au contraire, existe dans l’ombre du prétoire de longue date. En effet, c’est bien

le principe de sécurité juridique qui a irrigué la reconnaissance du principe de non-

rétroactivité des actes administratifs ou encore l’encadrement du retrait des décisions

créatrices de droit, comme la modulation des effets dans le temps des annulations

contentieuses375

. Dès lors, la consécration du Conseil d’État a surtout une valeur

symbolique aux effets limités.

D’ailleurs, certains auteurs dont Fabrice MELLERAY, n’ont pas hésité à nuancer

l’apport et la réalité de la consécration du principe. En effet, comme le souligne

Fabrice MELLERAY376

, à bien lire l’arrêt, aucun principe général ou matriciel de

sécurité juridique n’y est posé dans le considérant de principe. Le Conseil d’État se

borne à exiger du pouvoir réglementaire qu’il prenne des dispositions transitoires en

cas de changement de la norme, spécialement lorsque sont en cause des situations

contractuelles.

de sécurité juridique entre au Conseil d’État, ibid., p. 841 ; LANDAIS (Cl.) et LENICA (F.), Sécurité

juridique : la consécration, ibid., p. 1028. 372

Préc. MATHIEU (B.), Le principe de sécurité juridique entre au Conseil d’État, AJDA, 2006,

p. 841. 373

Préc. LANDAIS (Cl.) et LENICA (F.), Sécurité juridique : la consécration, AJDA, 2006, p. 1028. 374

Ibid. ; v. également préc. PACTEAU (B.), La sécurité juridique un principe qui nous manque ?

AJDA, 1995, p. 151. 375

Ibid. 376

Préc. MELLERAY (F.), L’arrêt KPMG consacre-t-il vraiment le principe de sécurité juridique ?,

AJDA, 2006, p. 897.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Nonobstant cette nuance liée à la lecture littérale de l’arrêt, la solution de l’arrêt n’en

constitue pas moins une avancée remarquable et remarquée de la jurisprudence

administrative. En outre, l’arrêt précise que l’exigence faite au pouvoir réglementaire

de prévoir des mesures transitoires repose sur des « motifs de sécurité juridique » et

nomme explicitement le « principe de sécurité juridique ».

Finalement, l’arrêt K.P.M.G. est majoritairement considéré comme le signal de

l’avènement du principe de confiance légitime en droit français. Certains en font la

lecture de l’entrée du principe de confiance légitime « à la française » dans le droit

procédural administratif377

, une heureuse forme métissée du principe de sécurité

juridique et du principe de confiance légitime dont les liaisons sont tourmentées378

.

B. Souhait unanime d’une reconnaissance

constitutionnelle

En matière de contentieux de l’urbanisme, le souhait d’une reconnaissance

constitutionnelle expresse de l’exigence de sécurité juridique est unanimement

partagé par les tiers et les associations et par les bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme. Chacun pour des raisons qui lui sont propres souhaite voir l’exigence

de sécurité juridique explicitement consacrée par le Conseil constitutionnel. Les tiers

et les associations y voient le gage d’une meilleure sécurité juridique contre les

autorisations d’urbanisme dont les effets sont susceptibles de se répercuter sur leur

environnement (1.). Tandis que les bénéficiaires de ces autorisations y voient, quant

à eux, le gage d’une meilleure sécurité juridique contre les recours injustifiés des

tiers et des associations (2.).

377 Ibid.

378 GAUTRON (J.-Cl.), Le principe de protection de la confiance légitime, in Mélanges Jean RAUX,

éd. Apogée, 2006, p.199.

Page 145: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

145/480

1) Par les tiers et les associations

En 1993, la sécurité juridique des tiers faisait l’objet d’une considération

particulière379

. La certification d’urbanisme, le droit de préemption, le renfort des

effets du déféré préfectoral et des pouvoirs du juge administratif ont été introduits

dans le but de renforcer la sécurité juridique des tiers. Puis la crise des matières

premières et de la construction est passée. La priorité a alors été de relancer la

construction. Et il a été décidé de mettre le droit de l’urbanisme au service de la

construction. En ce sens, des dispositifs ont été imaginés et introduits pour encadrer

davantage les recours des tiers et des associations susceptibles de ralentir la

construction. C’est dans ce contexte que l’article L. 600-3 a été introduit dans le

Code de l’urbanisme faisant obligation aux tiers de notifier leur recours à l’auteur de

la décision ainsi qu’au titulaire de l’autorisation. Ce dispositif a été dénoncé comme

une atteinte à la sécurité juridique des tiers380

.

Par ailleurs, la redéfinition plus stricte de la notion de l’intérêt à agir des tiers et des

associations381

, redéfinition parfois qualifiée de « fermeture de l’intérêt à agir382

»

pose la question de la réalité du maintien de l’accès au juge383

. S’agissant des

associations, c’est l’article L. 600-1-1, issu de la loi Engagement national pour le

logement (ENL) du 13 juillet 2006 qui encadre leur intérêt à agir. S’agissant des

tiers, hors associations, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a récemment redéfini les

critères de leur intérêt à agir en vue de limiter les recours malveillants. Ces

dispositions participent d’un processus de régulation de l’accès au prétoire qui

nécessairement a un effet négatif sur la sécurité juridique des tiers et des

associations, dans le but avoué et recherché d’accroître la sécurité juridique des

379 DUTREIL (R.), Projet de loi portant réforme du Code de l’urbanisme, RFDA, 1993, p. 315.

380 WILLIAMSON (S.), La sécurité juridique contentieuse à l’épreuve de l’article L. 600-3 du Code

de l’urbanisme, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, GRIDAUH, Mémoire de D.E.A., Droit public

général, 1998, 114 p. 381

LANZA (A.), Paradoxes sur l’accès au prétoire dans le contentieux de l’urbanisme, in Mélanges

dédiés à J. MAS, Economica, Paris, 1996, 416 p., p. 215 à 238. 382

HELIN (J.-Cl.), Urbanisme et démocratie, AJDA, 1993, p. 184. 383

V. MELLERAY (F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif,

AJDA, 2014, p. 1530.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme384

. Décidément, la « sécurité juridique des

uns n’est pas celle des autres385

».

Ainsi, la sécurité juridique des tiers et association semble peu à peu rognée au fil du

temps. Et finalement, le résultat n’est peut-être même pas à la hauteur de ce

grignotage puisque le contentieux de l’urbanisme se porte toujours bien386

, tandis que

les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme souffrent encore de recours malveillants.

Face aux grignotages de leur propre sécurité juridique, les associations et les tiers

souhaitent la reconnaissance constitutionnelle de la sécurité juridique. À titre

d’illustration, la question de la conformité à la constitution de l’article L. 600-1-1 du

Code de l’urbanisme a été soulevée. Le fait que la question ait été posée est le signe

de la conscience de ce grignotage de la sécurité juridique des associations et aussi le

signe qu’elle demande une protection renforcée de leur sécurité juridique.

Cependant, en dépit de ces réserves et des interrogations relatives au maintien

effectif de l’accès au juge, le Conseil constitutionnel a validé les dispositifs. À tout le

moins, il a validé l’encadrement de l’intérêt à agir des associations considérant que

cet encadrement visait à limiter le risque d’insécurité juridique et que, par ailleurs,

elle ne portait pas une atteinte substantielle au droit des associations d’exercer des

recours387

. De son côté, le juge administratif a admis la compatibilité de l’article

L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme avec l’article 6 de la Convention européenne des

droits de l’homme388

. Pour autant, les associations comme les tiers demeurent en

attente d’une reconnaissance explicite par le Conseil constitutionnel de la sécurité

juridique.

384 TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir, AJDA,

2013, p. 1901. 385

Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151. 386

Selon le Rapport public 2014 du Conseil d’État, le contentieux de l’urbanisme représentait, encore

en 2013, 6,7 % de l’ensemble des contentieux en dépit d’une baisse de 2 % (cf. p. 24). 387

Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note

LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,

p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.

388 CAA Bordeaux, 3 févr. 2009, n

o 08BX00890, SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2009, p. 559.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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2) Par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme

S’agissant des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme, ils sont également en tête de

ceux à qui profiterait a priori la reconnaissance constitutionnelle de l’exigence de

sécurité juridique. Et pour cause, dès lors que l’exigence de sécurité juridique aurait

valeur constitutionnelle, ils seraient à armes égales avec les tiers armés, quant à eux,

du droit fondamental au recours.

Cependant, à y regarder de plus près, il n’est pourtant pas certain que la consécration

par Conseil constitutionnel de l’exigence de sécurité juridique soit véritablement le

gage d’une meilleure sécurité juridique pour les uns ou pour les autres. En effet, la

sécurité juridique consacrée serait tout aussi invocable par les tiers et les

associations. Dès lors, des débats sans fin seraient à craindre. Et au final, la

consécration constitutionnelle de la sécurité juridique aboutirait paradoxalement à

créer plus encore d’insécurité juridique. D’ailleurs certains n’hésitent pas à

considérer que la reconnaissance constitutionnelle serait « superfétatoire389

», pis

encore, elle conduirait à scléroser le droit et à le figer dans l’immobilisme390

.

En outre, comme le relève Sophie BOISSARD, maître des requêtes au Conseil

d’État, la notion de sécurité juridique est un concept « si général que l’on peut lui

faire dire ce que l’on veut391

». Dès lors, la notion de sécurité juridique n’est pas une

notion opérationnelle pour le juge de la légalité. Ce dernier a besoin, pour exercer

son contrôle de légalité, de « principes dérivés plus ciblés392

», tels sont les cas des

principes d’intelligibilité, de stabilité, ou encore d’accessibilité de la norme. En

d’autres termes, et à l’instar de Sophie BOISSARD, il faut encore souligner que la

consécration du principe de sécurité juridique par le Conseil constitutionnel aurait

une portée hautement symbolique393

mais qu’elle ne compléterait en rien l’arsenal

des moyens de contrôle du juge de la légalité tandis qu’en pratique, il serait à

389 Préc. BEN MERZOUK (E.), La fausse consécration du « principe de sécurité juridique », Rec.

Dalloz, 2003, Jurisprudence, p. 2722. 390

V. en ce sens FAVOREU (L.), GAÏE (P.), GHEVONTIAN (R.), Droit constitutionnel, Dalloz,

1998, no 1349, p. 869.

391 Préc. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans

priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de

légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.

Cons. Const., no 11, Déc. 2001.

392 Ibid.

393 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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craindre plus d’insécurité juridique encore pour les administrés, tiers, associations et

bénéficiaires des autorisations d’urbanisme compris.

En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que la

sécurité juridique des administrés, en contentieux administratif et plus

particulièrement en contentieux de l’urbanisme est victime de sa clandestinité. Bien

qu’elle soit un principe général du droit découvert par le juge lui-même, et aussi un

principe de droit communautaire, la sécurité juridique demeure absente du bloc de

constitutionnalité. Certes la notion de sécurité juridique irradie les décisions du

Conseil constitutionnel et les décisions des juridictions administratives, mais il n’y a

pas de principe de sécurité juridique nommé dans le bloc constitutionnel. Elle est, en

l’état actuel du droit, cantonnée à un rôle de finalité idéale de la jurisprudence

administrative. Et pourtant, il apparaît de plus en plus qu’elle est un principe en mal

de reconnaissance en dépit d’une consécration engagée du Conseil d’État qui se

démarque ainsi de la prudence qui caractérise la position du Conseil constitutionnel

qui se défend de céder à un « effet de mode ». Quoi qu’il en soit, la reconnaissance

constitutionnelle du principe de sécurité juridique en tant que telle est unanimement

souhaitée tant par les bénéficiaires des autorisations d’urbanisme que par les tiers.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

« On ne sort jamais indemne d’un dilemme » dit la sagesse populaire. En effet, pour

sortir du dilemme entre le droit au recours et l’exigence de sécurité, un choix

cornélien a été opéré par les juridictions administratives et constitutionnelle La raison

l’a donc emporté sur la passion. Et le choix a été fait de ne pas remettre en cause, en

l’état actuel du droit, le caractère quasi sacré du droit au recours.

Ainsi, le droit au recours demeure un droit constitutionnel implicite et sans aucune

ambiguïté. Il bénéficie d’une valeur symboliquement forte dans la hiérarchie des

normes. Puisqu’il est à la fois un principe à valeur constitutionnelle et un principe

fondamental. Son importance est telle qu’il est rappelé sur les panneaux des chantiers

de construction. Sa valeur constitutionnelle, européenne et onusienne en fait un droit

quasi sacré qui rend particulièrement difficile l’identification de remèdes au

phénomène de multiplication des recours abusifs contre les autorisations

d’urbanisme. Pourtant, en dépit de son caractère quasi sacré, des abus du droit au

recours existent. Ils se manifestent à différents niveaux. Les manifestations les plus

caricaturales sont sans doute les cas de recours processifs exercés par des requérants

quérulents. Mais il existe d’autres motivations aux abus du droit au recours, le

phénomène NIMBY en est une des illustrations. La recherche du lucre est une autre

illustration du moteur des recours malveillants. Et c’est sans doute le cas le plus

problématique. En effet, les administrés qui agissent avec des motivations vénales

savent avec ingéniosité habiller leur recours. En outre, et dès lors qu’ils décèlent un

vice dans la légalité de l’autorisation d’urbanisme attaquée, le juge de la légalité doit

censurer l’acte indépendamment de la motivation du requérant quand bien même

serait-elle inavouable. Il est vrai que le juge de la légalité n’a pas à contrôler la bonne

ou mauvaise foi du requérant puisqu’il se borne à apprécier la légalité de l’acte

déféré. Cependant, l’absence de régulation des motivations vénales est contraire à

l’idée de bonne administration de la justice. D’autant qu’en pratique, les recours ne

vont parfois pas jusqu’au bout, comme si finalement avec une transaction

intéressante le vice de légalité devenait supportable. En outre, le désistement à l’issue

de transaction apparaît comme la manifestation que le vice de légalité n’était pas le

moteur de l’action du requérant.

De son côté, le principe de sécurité juridique irrigue incontestablement l’État de

droit. Cependant, il souffre d’une reconnaissance expresse de sa constitutionnalité.

S’il est un principe général du droit et un principe de droit communautaire, il n’est

pas en revanche un principe constitutionnel opérationnel, c’est-à-dire invocable en

tant que tel. Il est donc davantage une finalité idéale, une muse du juge administratif

et non un instrument opérationnel du contrôle de légalité. Pourtant, l’exigence de

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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sécurité juridique fait parler d’elle. Elle séduit autant qu’elle effraye. En un mot, elle

divise. Le Conseil constitutionnel se défie de succomber à ses attraits et adopte une

position prudente de réserve de bon aloi au regard des justifications mises en avant.

À l’inverse, plus audacieuse est la position adoptée par le Conseil d’État influencé

par la jurisprudence communautaire et européenne. Par ailleurs, en dépit de la

polymorphie caractéristique de l’exigence de sécurité juridique, le souhait d’une

reconnaissance constitutionnelle est unanime alors qu’un courant doctrinal souligne

le caractère superfétatoire voire dangereux d’une consécration constitutionnelle au-

delà de la valeur symbolique qu’aurait une telle consécration.

Cependant, la consécration expresse par le Conseil constitutionnel n’étant pas à

l’ordre du jour, le déséquilibre entre le droit au recours et l’exigence de sécurité

juridique demeure et continue, dans une certaine mesure, d’être source d’insécurité

pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Alors même qu’il n’est pas certain

qu’une consécration constitutionnelle de l’exigence de sécurité juridique diminuerait

l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

C’est donc qu’il faut chercher ailleurs les solutions. Le législateur en a, depuis plus

de deux décennies, pris la mesure. Et il a donc cherché, par la norme, à résoudre ce

dilemme en vue d’améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme et en vue de contrebalancer autant que possible les dérives attachées au

droit constitutionnel et fondamental au recours. La difficulté de la matière, les

critiques de ces mesures, le manque parfois de cohérence entre elles, ont abouti, en

vingt ans, à l’adoption de nombreuses réformes. Le résultat est un empilement de

réformes en contentieux de l’urbanisme. La conséquence est que le droit de

l’urbanisme est devenu un droit incantatoire difficile d’accès.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur

d’insécurité

L’inflation législative ou plus largement l’inflation normative et ses inconvénients ne

sont pas nouveaux. Au XVIe siècle, MONTAIGNE, déplorait déjà que « nous avons

en France plus de lois que tout le reste monde ensemble et plus qu’il n’en faudrait

pour régler tous les mondes d’Épicure394

». L’essayiste avait déjà bien perçu que

l’inflation législative ne peut pas régler le problème de l’application de la loi aux cas

concrets offerts par la réalité ; et qu’en tout état de cause, la loi ne peut pas régler les

comportements humains ou appréhender des cas trop particuliers395

. L’inspirateur de

la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen396

, Louis Antoine de SAINT-

JUST disait, quant à lui, avec justesse qu’« il est impossible que l’on gouverne sans

laconisme397

».

Le constat de l’inflation législative et de ses dangers demeure d’actualité. Et il

s’accompagne d’un constat unanime d’impuissance à endiguer le phénomène. Cela

ressort encore du récent rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative

d’Alain LAMBERT et Jean-Claude BOULARD du 26 mars 2013398

. Les auteurs

relèvent en introduction de leur rapport que la « situation exige un choc de

compétitivité juridique399

», et les mêmes de préciser qu’il ne s’agit pas de « prôner

une dérégulation générale400

» mais bien de « retrouver, là comme ailleurs, le sens

394 MONTAIGNE (de) (M.-E.), Les Essais, T. 1, Livre III, chap. XIII, « De l’expérience », Folio,

p. 353. 395

CHAPIRO (F.), HUPE (A.), SAADOUN (D.), GOLDZINK (J.), La justice, Chap. Les

philosophies de la justice, Dunod, 2011, Paris, 229 p., p. 33. 396

MONTET (J.-M.), Langages de la Révolution (1770-1815) : actes du 4e Colloque international de

lexicologie politique, éd. E.N.S., 1995 (« La Déclaration des droits de l’homme de 1793 : apports de

la lexicologie quantitative aux problèmes de sa genèse », p. 281). 397

SAINT JUST (de) (L.-A.), Œuvres de SAINT-JUST, représentant du peuple à la Convention

Nationale, PREBOT, LIBRAIRE-ÉDITEUR, Paris, 1834, 424 p., p. 186. 398

LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative,

Paris, mars 2013, 116 p., p. 7. 399

Ibid. 400

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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des proportions401

». Paradoxe structurel, l’inflation législative poursuit des buts

louables tels que la recherche de simplification de la norme ou la recherche d’un

perfectionnement de la sécurité juridique. Or, plus le législateur veut y parvenir, plus

la simplification et la sécurité juridique semblent lui échapper. C’est un remake

parlementaire du supplice de Tantale.

Inflation normative, instabilité, imprévisibilité dans le temps de la norme sont autant

de facteurs qui grèvent la sécurité juridique402

. Et cette maladie n’a pas épargné la

branche du droit de l’urbanisme. Plus précisément, Alain LAMBERT et Jean-Claude

BOULARD, dans leur rapport, ont identifié des centres de ralentissements qui

méritent un signalement particulier. Au titre des foyers de blocage ou de lenteur, la

législation sur l’urbanisme et certaines dispositions de la loi dite Grenelle II403

.

Il convient d’analyser l’inflation législative qui touche le droit de l’urbanisme et a un

effet négatif sur la sécurité juridique des autorisations d’urbanisme (Section 1) et

d’analyser pourquoi l’identification des remèdes est délicate (Section 2).

SECTION 1 : L’inflation législative et l’insécurité juridique

« Simplifions nos lois pour guérir un mal français404

», le titre du rapport de Jean-Luc

WARSMANN s’appliquerait parfaitement au droit de l’urbanisme tel qu’il est

devenu en quelques années tant il a subi une complexification et un empilement de

normes405

au niveau national, régional, intercommunal et communal.

De manière générale, il est incontestable que le législateur ne peut se soustraire à la

nécessité de légiférer, d’actualiser le droit, et de transposer les directives. La mise en

401 Ibid.

402 « L’insécurité juridique se nourrit de l’inflation normative comme de l’instabilité des règles ou

encore du déclin de l’art de légiférer », MOLFESSIS (N.), in Combattre l’insécurité juridique ou la

lutte du système juridique contre lui-même, EDCE, 2006, no 58, pp.391-406.

403 Préc. LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre l’inflation

normative, Paris, mars 2013, 116 p., p. 10. 404

WARSMANN (J.-L.), Simplifions nos lois pour guérir un mal français, Rapport au Premier

Ministre, Doc. Fr., Paris, 2009, p. 240. 405

V. Synthèse chronologique de l’empilement des réformes en urbanisme, depuis 2000, p. 175.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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œuvre d’un urbanisme décentralisé avec les lois des 7 janvier, 22 juillet 1983 et

18 juillet 1985 a eu des effets négatifs sur le droit de l’urbanisme et a également

rendu nécessaire l’intervention du législateur. Celui-ci a dû procéder à un important

travail de refonte du droit de l’urbanisme. Ainsi, ce n’est pas moins de 85 % des

articles du Code de l’urbanisme qui ont été modifiés ou supprimés entre 1974

et 1984406

. Mais l’importance des réformes a accentué l’inflation législative. Cette

dernière coïncide avec la fin de l’âge d’or de la construction qui connaît une crise

profonde. « Quand le bâtiment va, tout va407

», mais quand il ne va plus, le droit de

l’urbanisme se fait plus libéral en vue de relancer la construction. À la suite de la loi

de simplification du 6 janvier 1986, la loi MEHAIGNERIE du 23 décembre 1986

réduit le champ d’application du droit de préemption et du plafond légal de densité

(PLD) pour relancer la construction. Le phénomène d’urbanisation s’accroît. Il

creuse les inégalités spatiales et sociales. Une réflexion globale est menée au niveau

de l’État. Il en ressort que le droit de l’urbanisme est indissociable des

préoccupations sociales, économiques et environnementales408

.

Politiquement et sociologiquement, le droit de l’urbanisme doit être le vecteur de la

diversité et de la solidarité sociale. En bref, il doit être le moteur juridique de la

cohésion sociale. Pour cela, il doit nécessairement être aussi un droit plus efficace409

.

Décentralisé, le droit de l’urbanisme est « l’affaire de tous410

», mais libéralisé, il est

surtout une « affaire d’État411

» et la traduction juridique des politiques urbaines de

planification.

Le législateur légifère, il légifère trop. L’inflation législative devient problématique.

(I.). Ce millefeuille normatif est peu à peu le signe annonciateur, voire l’aveu, d’un

mal plus profond à savoir l’insécurité juridique. Cette dernière ronge, en dépit des

réformes successives, le droit de l’urbanisme (II.).

Dans un souci de lisibilité, nous avons opté pour une analyse chronologique des

différentes réformes qui vont être rappelées et présentées dans le présent chapitre.

406 MORAND-DEVILLER (J.), Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones, ESTEM, Paris,

2000, 251 p., p. 11. 407

Dicton popularisé issu du discours du député, maçon et franc-maçon Martin NADAUD (discours,

AN, 5 mai 1850) : « Vous le savez, à Paris, lorsque le bâtiment va, tout profite de son activité. » 408

MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones,

ESTEM, Paris, 2000, 251 p., p. 11. 409

Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, Doc. Fr., Paris, 1992, 203 p. 410

MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit de l’urbanisme, coll. Universités francophones,

ESTEM, Paris, 2000, 251 p., p. 12. 411

Ibid., p. 13.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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I. L’inflation législative

La prise en compte successivement de la décentralisation, de la cohésion sociale, de

l’efficacité juridique, des mobilités de l’environnement, a contraint le législateur à

légiférer et à ajuster le droit de l’urbanisme aux nouvelles gouvernances urbaines

(A.). Mais rapidement, ces ajustements se sont traduits par une inflation législative

entraînant le déclin de la qualité et de la lisibilité du droit de l’urbanisme (B.).

A. Nécessité initiale de légiférer

Au cours du XXe siècle, l’urbanisation s’est généralisée sur une grande partie du

territoire. Le rythme extrêmement rapide de cette urbanisation a engendré une

urbanisation à deux vitesses et a creusé les inégalités spatiales. Il est donc apparu

nécessaire d’actualiser le droit de l’urbanisme pour encadrer davantage l’urbanisation

sur le plan de la consommation des territoires, de la qualité des constructions, de

l’accessibilité et de la mobilité. Traduction juridique des politiques de gouvernance

urbaines, une première loi a été adoptée le 13 décembre 2000 en vue notamment de

réduire les inégalités urbaines (1.). Mais l’encadrement et les nouvelles conditions et

contraintes d’urbanisation imposées par cette réforme ont « tétanisé » les élus locaux,

et la réforme a été globalement mal accueillie. Une seconde réforme est donc

apparue nécessaire pour assouplir des contraintes jugées excessives afin de relancer

la construction (2.).

1) Légiférer pour réduire les inégalités urbaines

Avec la révolution de l’automobile, l’urbanisation des territoires s’est grandement

accentuée au cours de la seconde moitié du XXe siècle sans que le droit de

l’urbanisme ne connaisse une adaptation symétrique significative412

. L’exposé des

412 Le législateur est intervenu sur les grandes lignes des intercommunalités et de l’aménagement du

territoire avec pour objectif de renforcer la solidarité intercommunale en milieu urbain, de renforcer

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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motifs relatifs au projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains413

,

préalablement à l’adoption de la loi du même nom le 13 décembre 2000414

, souligne

qu’en 2000, le mode de vie urbain concerne alors trois Français sur quatre, dont une

partie vit dans des communes ou agglomérations de tailles modestes, voire réside en

milieu périurbain ou rural, au sein d’un même bassin de vie. De plus, il relève que la

ville est marquée par une distinction plus forte qu’autrefois entre les lieux de vie et

les lieux de travail, entre les lieux de chalandise et les lieux de détente ou de loisirs.

En outre, il pointe la mobilité comme le reflet d’une contrainte ou d’un facteur de

liberté. Cette mobilité se développe à travers des déplacements plus nombreux et sur

de plus longues distances. Avec la croissance urbaine, les formes d’habitat et les

modes d’urbanisation se sont transformés. D’un côté de grands ensembles, des

rénovations de centres anciens et des lotissements ont redessiné les villes. De l’autre

l’accessibilité aux services publics, de simplifier les lois, et d’accroître la légitimité des établissements

publics territoriaux avec d’une part la loi no 99-533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement

et le développement durable du territoire (dite loi VOYNET) et d’autre part la loi no 99-586 du

12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale (dite

loi CHEVENEMENT) et en complémentarité avec les orientations des futurs contrats de plan et de la

politique de la ville ; V. commentaires : DEGOFFE (M.), commentaire de la loi no 99-586 du

12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale,

AJDA, 1999, p. 911 ; DANTONEL-COR (N.), Le régime juridique de l’intercommunalité après

l’adoption de la loi no 99-586 du 12 juillet 1999, D., 2000, p. 395 ; GROUD (H.), L’intérêt

communautaire au lendemain de la loi CHEVENEMENT, AJDA, 2000, p. 967 ; CHAUVIN (F.),

Commentaire des décrets no 99-895 et n

o 99-896 du 20 octobre 1999 relatifs aux nouveaux pouvoirs

préfectoraux et à la réforme de l’État, AJDA, 2000, p. 143. 413

Projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, Doc. AN no 2131, 2 févr. 2000,

p. 3, exposé des motifs. 414

Loi no 2000-1208, 13 déc. 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains (JORF n

o 289,

14 déc. 2000, p. 19777, texte no 2, LOI) ; V. commentaires : SOLER-COUTEAUX (P.), L’entrée en

vigueur du volet urbanisme de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains : la gestion de

la transition, RDI, 2001, p. 1 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C.) et TOMASIN (D.), L’article 72 de la loi

SRU et les contrats de construction, ibid., p. 13 ; JEGOUZO (Y.), La loi du 13 décembre 2000 apporte

diverses modifications au régime juridique des parcs naturels régionaux, ibid., p. 45 ; BROUANT (J.-

Ph.), Quotas de logements sociaux dans les communes urbanisées et principe de libre administration

des collectivités locales, ibid., p. 52 ; Dossier AJDA : JEGOUZO (Y.) La loi Solidarité et

renouvellement urbains, AJDA, 2001, p. 9 ; SCHOETTL (J.-E.), Le Conseil constitutionnel et la loi

relative à la solidarité et au renouvellement urbains, ibid., p. 18 ; JACQUOT (H.) et LEBRETON (J.-

P.), La refonte de la planification urbaine, ibid., p. 27 ; BOUYSSOU (F.), La réforme des procédures

et du financement de l’aménagement, ibid., p. 41 ; PERIGNON (S.), Le nouveau certificat

d’urbanisme, ibid., p. 51, BROUANT (J.-Ph.), la loi SRU et l’habitat, ibid., p. 56 ; DUPERON (O.),

La réforme du régime des transports et des déplacements urbains, ibid., p. 69 ; BENOIT-CATTIN

(Ph.), BERNARD (A.), BOUGOIS (J.-L.), BOUYSSOU (F.), CELERIER (Th.), CHAUVIN (N.),

CORNILLE (N.), CORNILLE (P.), DRIARD (J.-H.), DURANCE (A.) et autres, La loi SRU et le

droit de l’urbanisme, Litec Immo Juris classeur, Paris, 2002, 558 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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côté, reflet des inégalités sociales, des immeubles vieillis, dégradés témoignent d’une

urbanisation à deux vitesses.

Face à ce constat, le législateur entend réagir et plus précisément « agir415

» sur les

villes, « agir pour réduire les inégalités416

», pour protéger les « couches populaires

[qui] subissent davantage les désagréments de la ville : déplacements, bruit,

pollution, habitat non choisi417

». Le législateur a pour dessein de refréner le

gaspillage d’espaces résultant d’une urbanisation mal maîtrisée et coûteuse qui

favorise le dépérissement de certains quartiers et la croissance des transports

individuels. Il veut également refréner les phénomènes de ségrégations spatiales

susceptibles d’accroître les inégalités sociales et de remettre en cause les bases du

« contrat républicain et du fonctionnement de la démocratie418

». En 2000, la réforme

alors envisagée s’articule autour de trois axes. Le premier axe vise l’exigence de

solidarité entre les territoires urbains, périurbains et ruraux qui forment un même

bassin de vie d’habitat et d’emploi afin d’engager le renouvellement urbain et la

mixité sociale. Le deuxième axe vise le développement durable et de la qualité de vie

pour donner notamment la priorité au développement des modes de transport

alternatifs à l’automobile. Le dernier axe vise la démocratie et la décentralisation,

« le droit doit être lisible : il faut donc simplifier les règles et les rendre accessibles à

chacun419

».

La réforme poursuit trois objectifs420

. Le premier objectif consiste à définir un

meilleur équilibre des agglomérations via les schémas de cohérence territoriale et via

la simplification des documents d’urbanisme. Le deuxième consiste à réussir la

mixité urbaine via la réalisation de logements sociaux là où il y en a peu ou pas, y

compris dans les communes qui continuent, alors, à refuser la construction de

logements sociaux. Enfin, le troisième objectif consiste à assurer une forme d’habitat

diversifié et de qualité.

Il n’est pas question ici de commenter les 208 articles de la loi, mais uniquement de

souligner que le premier de cette réforme profonde tend au renforcement de la

sécurité juridique des citoyens et au renforcement de la planification sociale. Afin de

415 Préc. projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains, Doc. AN n

o 2131, 2 fév.

2000, p. 3, exposé des motifs. 416

Ibid. 417

Ibid. 418

Ibid. 419

Ibid. 420

Ibid.

Page 157: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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parvenir à son premier objectif de meilleur équilibre et de simplification des

documents d’urbanisme, le législateur ambitionne de simplifier les procédures et

d’améliorer l’information des citoyens et donc la sécurité juridique421

. Finalement, la

loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement

urbains est une réforme en profondeur du droit de l’urbanisme et de la planification

urbaine. Elle témoigne de la volonté du législateur de renforcer le droit de

l’urbanisme de principes éthiques422

plus en adéquation avec la devise423

de la

République. Cette réforme doit être lue comme la continuité et la traduction juridique

et urbanistique de la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement

durable du territoire du 25 juin 1999 et de la loi du 12 juillet 1999 relative au

renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale.

2) Légiférer pour assouplir les contraintes excessives

Mise en application, la loi du 13 décembre 2000 pose des difficultés qui ralentissent

la construction. Cela ressort du rapport FLEURIEU424

du 30 juin 2003 portant sur

l’évaluation de l’intervention des services de l’État dans le domaine de l’application

du droit des sols. Ce rapport dresse un bilan alarmiste. En effet, ce rapport relève que

le droit est vécu comme une « contrainte pour les projets de construction des

particuliers et des professionnels425

», comme une « activité qui comporte une part

d’interprétation et d’arbitrage426

», comme un droit dont l’application est « difficile à

contrôler et à sanctionner427

».

Ce rapport fait un bilan négatif et alarmiste de la situation juridique et plus encore de

la perception des politiques urbaines. Il se fait le relais de nombreuses observations

acerbes entendues au cours des travaux préparatoires. Ces observations pointent le

manque de visibilité de la stratégie de l’État, le manque de valorisation de l’activité

en dépit des enjeux, le manque d’homogénéité du droit, le manque de lisibilité de la

répartition des compétences, le manque d’information des professionnels, le manque

de communication qui pourrait permettre d’éviter des conflits, le manque de

prévisibilité des délais d’instruction, le manque de clarté des formulaires. Le rapport

421 Ibid. Titre 1

er – Renforcer la cohérence des politiques urbaines, Sect.1, 6

e « Simplifier les

procédures, améliorer l’information des citoyens et la sécurité juridique ». 422

SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in

Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,

2007, 1122 p., p. 941. 423

Constitution 4 oct.1958, art. 2, al. 3, « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Page 158: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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dénonce un droit complexe qui comporte des lacunes et le manque d’efficacité du

dispositif de contrôle et de répression. En conclusion, le rapport propose deux grands

axes d’amélioration428

. Le premier axe s’articule autour d’une redéfinition d’une

stratégie pour l’exercice des activités d’application du droit des sols en interne. Il

s’agit essentiellement de clarifier les rôles et responsabilités des communes et

services de l’État. Le second axe s’articule autour du développement d’une approche

globale de service à l’usage en matière d’application du droit des sols. Il s’agit

essentiellement d’améliorer l’accueil et le conseil, de prévoir les délais d’instruction,

et enfin de « renforcer la sécurité juridique des opérations, simplifier et clarifier les

conditions d’application du droit429

».

Influencé par ce rapport, et constatant que la loi du 13 décembre 2000 pose des

difficultés qui ralentissent la construction, le législateur veut réagir et corriger le

système mis en place par la loi du 13 décembre 2000 sans en bouleverser l’équilibre

général. Cinq sources de difficultés sont identifiées dans l’exposé des motifs du

projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la

construction430

préalablement à l’adoption de la loi du même nom le 2 juillet 2003431

.

La première source de difficultés découle de la règle limitant l’extension de

l’urbanisation en l’absence de schéma de cohérence territoriale, dans les communes

situées à moins de 15 km des agglomérations et du littoral. La deuxième source de

difficultés découle des risques juridiques liés à l’opposabilité directe des « projets

d’aménagement et de développement durable » aux actes d’urbanisme. La troisième

424 FLEURIEU (de) (A.), Rapport sur l’évaluation de l’intervention des services du ministère de

l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer dans le domaine de

l’application du droit des sols, 2003, 257 p. 425

Ibid. p. 4. 426

Ibid. p. 4. 427

Ibid. p. 5. 428

Ibid. p. 25. 429

Ibid. p. 30. 430

Projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction,

Doc. AN no 402, 27 nov. 2002, p. 3, exposé des motifs.

431 Loi n

o 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat (JORF n

o 152, 3 juill. 2003, p. 11176, texte

no 1. LOI) ; V. commentaires : JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du

2 juillet 2003, AJDA, 2003, p. 1607 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme

et habitat : continuité dans la lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1 ; Dossier AJDA :

LEBRETON (J.-P.), Le contenu du plan local d’urbanisme après la loi du 3 juillet 2003, AJDA, no 29,

2003, p. 1542 ; SOLER-COUTEAUX (P.), L’ardente obligation du schéma de cohérence territoriale,

ibid., p. 1528 ; JACQUOT (H.), La gestion des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des POS/PLU,

ibid., p. 1534 ; RAUNET (M.), Zone d’aménagement concerté et plan local d’urbanisme, ibid.,

p. 1552.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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source de difficultés découle, quant à elle, des incertitudes juridiques liées à la

distinction entre révision et modification des plans locaux d’urbanisme. La quatrième

source de difficultés évoquée résulte des difficultés à mettre en place la transition

entre les plans d’occupation des sols et les plans locaux d’urbanisme. Enfin, la

cinquième source de difficultés est financière, elle résulte de la mise en œuvre de la

participation pour voies nouvelles et réseaux.

Afin de réagir à ces difficultés, le législateur veut assouplir les règles d’urbanisme. Il

veut notamment permettre aux collectivités locales de dégager les terrains

nécessaires à la construction de logements dans le respect des grands objectifs de la

loi du 13 décembre 2000. Soucieux de procéder à des assouplissements censés

relancer la construction, et ne pouvant pas rester sourd aux critiques amères relayées

par le rapport FLEURIEU, le législateur veut lever des contraintes jugées excessives,

simplifier, clarifier les dispositions législatives afin d’éviter que des ambiguïtés ou

des incompréhensions ne retardent ou n’empêchent la réalisation de projets. Ce

faisant, il reprend une partie des propositions du rapport FLEURIEU.

Cette réforme n’a pas surpris. Elle est alors attendue eu égard à l’accueil plus que

réservé des élus locaux432

. Elle est même annoncée par la circulaire du Ministre de

l’Équipement du 21 janvier 2003. Moins en profondeur que la réforme du

13 décembre 2000, la loi porte tout de même sur un grand nombre d’articles433

. Et les

assouplissements annoncés dépassent parfois le toilettage pour ressembler à un

détricotage partiel de la réforme de 2000.

Nous ne commenterons pas, ici, les quatre-vingt-dix-huit articles de la loi, mais nous

nous bornerons à souligner que cette réforme en nuances était nécessaire pour

remédier aux difficultés posées par la mise en œuvre de la loi du 13 décembre 2000

mais tout autant pour éteindre le foyer d’hostilité parmi les élus locaux434

. Ce dernier

objectif plus ou moins avoué de la réforme a eu pour conséquence que les correctifs

432 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la

lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1. 433

Préc. SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in

Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,

2007, 1122 p., p. 941. 434

Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la

lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1.

Page 160: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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apportés à la réforme de 2000 ont « érodé435

», selon le terme de Jean-Pierre

LEBRETON, les dispositions innovantes de la loi SRU

Par ailleurs, la loi du 2 juillet 2003 retouche également les dispositions relatives aux

contentieux de l’urbanisme. Celle-ci ajoute un cinquième alinéa à l’article L. 300-2

du Code de l’urbanisme :

Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a) b) et c) ne

sont pas illégaux du seul fait des vices de procédure susceptibles d’entacher

la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue

au premier alinéa ont été respectées.

Comme le souligne Yves JEGOUZO, la concertation demeure ainsi le « laboratoire

des dispositifs anti-contentieux dans le domaine de l’urbanisme436

». Cependant, le

législateur avait prévu, dès l’origine, que les autorisations d’urbanisme ne seraient

pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les

modalités de son exécution437

.

En conclusion, si une nouvelle intervention était nécessaire pour parvenir à la

réalisation des objectifs de politiques urbaines en conformité avec la démocratie et

les exigences républicaines, des réserves peuvent être élevées sur les modalités de

cette intervention de 2003. Le détricotage des dispositions novatrices de la réforme

de 2000, et l’ajout d’une nouvelle strate de dispositions à une architecture législative

encore jeune et donc peu maîtrisée accroît alors le risque d’insécurité juridique et de

contentieux.

B. L’apparition d’une surlégislation

À partir de 2005, le droit de l’urbanisme connaît une frénésie législative. S’il peut

sembler louable que le législateur veuille imaginer un droit de l’urbanisme flexible et

435 Préc. LEBRETON (J.-P.), Le contenu du plan local d’urbanisme après la loi du 3 juillet 2003,

AJDA, no 29, 2003, p. 1542.

436 Préc. JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du 2 juillet 2003, AJDA,

2003, p. 1607. 437

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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adaptable, cela aboutit en réalité à créer l’illusion d’une flexibilité contentiogène438

.

Les rapports, les lois, les décrets s’empilent les uns sur les autres. Ils viennent

complexifier un droit qui avait jusqu’alors à peu près échappé à cette spécificité

française du tout réglementé. Comble du paradoxe, cette complexification et cette

stratification résultent essentiellement de la volonté du législateur de simplifier et de

clarifier le droit de l’urbanisme en vue d’améliorer la sécurité juridique des

administrés. Pour justifier toutes ces lois, le législateur invoque toujours des objectifs

louables qui sont autant d’alibis pour masquer son goût immodéré pour la

réglementation et qui sont aussi, hélas, autant d’alibis pour masquer l’échec de

clarification et de simplification de la norme précédente. Et au bout du compte, c’est

la sécurité juridique des administrés qui en souffre. Parmi les objectifs avancés par le

législateur pour réformer le droit de l’urbanisme, quatre principaux objectifs ont été

successivement recherchés par le législateur. Il s’agit de la sécurité juridique (1.), du

respect et de la protection de l’environnement (2.), de corriger les dispositifs

précédents (3.), et enfin de mieux équilibrer les droits des administrés entre eux (4.).

1) L’objectif de sécurité juridique

La complexification et la haute technicité des mécanismes élaborés en droit de

l’urbanisme ainsi que le manque de prévisibilité des délais de recours ont provoqué

l’apparition de nombreux contentieux. Forts de ce constat, le garde des Sceaux et le

Ministre de l’Équipement ont souhaité rechercher des remèdes. Le 29 juin 2004, ils

désignent Philippe PELLETIER comme président du groupe de travail et lui confient

la mission de proposer une amélioration de la sécurité juridique des autorisations

d’urbanisme autour notamment de trois axes majeurs : l’amélioration de la gestion

des contentieux, la régularisation des vices de procédure mineurs, et l’accroissement

de la lisibilité des délais de recours. Le 25 janvier 2005, le groupe de travail remet le

rapport PELLETIER intitulé « Propositions pour une meilleure sécurité juridique des

autorisations d’urbanisme439

». Il contient trente-quatre propositions440

relatives à

l’amélioration de la qualité juridique des autorisations d’urbanisme, aux modalités de

438 V. en ce sens TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures

d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 1.

439 PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail créé par M.

PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions pour une meilleure sécurité

juridique des autorisations d’urbanisme », dit rapport PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janv. 2005. 440

Ibid. p. 71.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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remise en cause des autorisations, à l’amélioration du traitement des recours

juridictionnels, avec un mécanisme de suspension de la durée de validité d’une

autorisation pendant toute la procédure contentieuse, au sort des constructions

achevées en instituant un délai de prescription de dix ans pour les constructions

achevées.

Ne pouvant rester sourd aux critiques, le législateur se range à l’opinion commune

qui veut que la « complexité des procédures, produit de nombreuses années de

stratifications juridiques, et l’insécurité qu’elle génère handicapent aujourd’hui

gravement la relance de la construction441

». Une « refonte profonde442

» est alors

décrite comme « indispensable443

» et est annoncée par la loi no 2004-1343 du

9 décembre 2004 de simplification du droit. Cette dernière a autorisé le

Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour redéfinir le champ

d’application et simplifier les règles de délivrance des déclarations et autorisations

d’utiliser le sol, regrouper les procédures de délivrance des actes et de redéfinir les

procédures de contrôle de la conformité des travaux. La refonte s’articule autour de

trois axes majeurs. Elle doit clarifier le droit de l’urbanisme par la réduction du

nombre des autorisations et la précision de leur champ d’application. De plus, elle

doit simplifier les procédures et améliorer la sécurité juridique des autorisations

d’urbanisme figurant dans le rapport PELLETIER. Enfin, elle doit favoriser la

qualité de l’urbanisme et de l’architecture444

. Le 8 décembre 2005, l’ordonnance

no 2005-1527 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme est

prise sur le fondement de l’article 20 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification

du droit. L’ordonnance est ratifiée par la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant

engagement national pour le logement (ENL).

Là encore, il n’est pas question ici de commenter les quarante-deux articles de cette

ordonnance, mais uniquement de souligner qu’un volet d’articles vise à améliorer la

lisibilité du Code de l’urbanisme (art. 2, 15), un autre vise à simplifier (11, 15), et

enfin, un dernier volet d’articles vise à rafraîchir, ordonner et toiletter le Code (tous

les autres articles). L’article 15 de l’ordonnance constitue le cœur de la réforme et

réécrit le livre IV du Code de l’urbanisme445

. Annoncée comme une « refonte

441 Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n

o 2005-1527, 8 déc. 2005, relative au

permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 286, 9 déc. 2005, p.18994, texte n

o 29.

442 Ibid.

443 Ibid.

444 Ibid.

445 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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profonde », l’ordonnance déçoit. Ordonnance de clarification et rangement, elle n’est

que cela. À sa décharge, relève Pierre SOLER-COUTEAUX, le cadre législatif fixé

par la loi du 9 décembre 2004 est peut-être trop étroit446

. Écrivant en 2006, l’auteur

souligne encore que cette ordonnance, ajoutée à la loi SRU du 13 décembre 2000 et à

la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003, a amené le droit de l’urbanisme à ses

« ultimes » perfectionnement. Cependant, l’auteur n’a pas dû être lu puisqu’à la suite

de cette ordonnance de nombreux textes de réformes suivent.

La loi ENL du 13 juillet 2006447

qui ratifie l’ordonnance du 8 décembre 2005 vise à

sécuriser les autorisations d’urbanisme en retouchant le régime de retrait et le

contentieux des autorisations d’urbanisme. Ainsi, elle harmonise le délai de retrait

qu’elle fixe à trois mois.

De plus, elle permet au juge de prononcer une annulation partielle et admet ainsi le

principe de divisibilité au contentieux des autorisations d’urbanisme. L’admission de

ce principe est jusqu’alors réclamée sans succès par la doctrine et les patriciens. Ces

derniers considèrent que le caractère inéluctable de l’annulation est parfois une

sanction disproportionnée eu égard au vice entachant l’autorisation d’urbanisme448

.

Le principe de divisibilité des autorisations d’urbanisme figure au rang des

recommandations du rapport PELLETIER lequel propose de reconnaître au juge

administratif la faculté de moduler les effets de l’annulation soit en prononçant une

annulation conditionnelle soit en prononçant une annulation partielle. Seule cette

dernière modalité est retenue par la loi :

Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou

d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale,

la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette

autorisation.

446 SOLER-COUTEAUX (P.), Le nouveau régime des autorisations d’utilisation du sol : lisibilité ;

sécurité ; conformité, RDI, 2006, p. 23. 447

JEGOUZO (Y.), La loi Engagement national pour le logement, AJDA, 2006, p. 1534 ; JACQUOT

(H.), la loi ENL échappe à la règle de l’entonnoir, ibid., p. 1521 ; SOLER-COUTEAUX (P.),

L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006, p. 407. 448

Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006,

p. 407.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation,

un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue

définitive449

.

Le rejet de l’introduction d’un pouvoir « d’annulation conditionnelle » implique,

alors, pour le juge l’impossibilité de prononcer une annulation lorsque les vices ne

portent pas sur la construction mais sur le dossier de la demande de permis de

construire450

. Mais ce vide juridique vient d’être comblé par la nouvelle mouture de

l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme et l’introduction dans ce même Code d’un

article L. 600-5-1 par l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au

contentieux de l’urbanisme451

. Ce dernier permet désormais au juge administratif, en

présence d’une illégalité entachant une autorisation d’urbanisme mais susceptible

d’être régularisée par un permis modificatif, de surseoir à statuer pour inviter les

parties à la régulariser, dans le délai qu’il fixe. En outre, le juge administratif admet

explicitement dans une décision Association Bois-Guillaume Réflexion contre

Commune Bois-Guillaume, du 27 novembre 2013452

, au visa de l’article L. 600-5 du

Code de l’urbanisme, que l’annulation partielle peut être prononcée pour un vice qui

ne porte pas sur la construction mais sur la procédure de délivrance de l’autorisation

d’urbanisme, l’en espèce, pour un vice d’incompétence.

Considérant que la circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit

entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas

obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5453

.

Par ailleurs, la loi agit sur l’intérêt à agir et les pouvoirs du juge. L’intérêt pour agir

des associations est redéfini. Contre l’avis du Gouvernement, la loi introduit dans le

Code de l’urbanisme un article L. 600-1-1. Cet article limite la recevabilité des

actions contentieuses des associations contre une décision relative à l’occupation ou

à l’utilisation des sols à celles dont le dépôt des statuts en préfecture est intervenu

antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Le but est de

449 Code de l’urbanisme, art. L. 600-5, ancien.

450 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), L’impact de la loi ENL sur le droit de l’urbanisme, RDI, 2006,

p. 407. 451

Une présentation de ce nouveau mécanisme est développée en page 284 § c. 452

CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765, Rec.

Lebon, T. ; Concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe

n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 ; CORNILLE (P.), Annulation

seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1,

p. 24, no 6.

453 Préc. CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, n

o 358765.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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lutter contre les recours abusifs. Mais la mesure est critiquée. Elle apparaît

disproportionnée et est dénoncée comme une restriction du droit d’accès au juge une

mesure inappropriée454

. En revanche, est rejeté l’amendement qui proposait de

conditionner la recevabilité d’une requête contre une autorisation d’urbanisme

portant sur un projet de logement social à la consignation d’une somme fixée par le

juge.

La même année, deux décrets suivent. Le décret no 2006-958 du 31 juillet 2006

relatif aux règles de caducité du permis de construire et modifiant le Code de

l’urbanisme et le décret no 2006-1220 du 4 octobre 2006 relatif aux permis de

construire délivrés à titre précaire viennent compléter le régime des autorisations

d’urbanisme. Puis en 2007, le décret no 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour

l’application de l’ordonnance no 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis

de construire et aux autorisations d’urbanisme permet l’entrée en vigueur de

l’ordonnance du 8 décembre 2005.

Après cette période de recherche d’une meilleure sécurité juridique, le législateur

poursuit un objectif environnemental.

2) L’objectif environnemental

La loi no 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour

l’environnement, dite « Grenelle II455

» vise à mettre en œuvre les objectifs du

Grenelle de l’environnement et plus particulièrement la recherche d’un autre mode

de croissance. À ce titre, elle modifie de nombreux chapitres du Code de

l’environnement et la première partie du Code de l’urbanisme. Avec ses deux cent

cinquante-sept articles, il s’agit d’une importante loi qui s’inscrit dans la

prolongation de la loi du 3 août 2009 de programmation de la mise en œuvre du

Grenelle de l’environnement. Cette loi du 3 août 2009 fixe, rappelons-le, des

objectifs enthousiastes dont la loi du 12 juillet assure la mise en œuvre quoiqu’avec

un enthousiasme plus nuancé456

. C’est en raison de ces deux lois que les patriciens

distinguent la loi Grenelle I et la loi Grenelle II457

.

Dans le prolongement d’Yves JEGOUZO, soulignons que la méthode qui a consisté

à dissocier les deux textes présente un inconvénient évident de lisibilité. Une fois

454 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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n’est pas coutume, et le législateur nous y a habitués. Pourquoi faire simple, quand il

sait faire compliqué ? La loi est décrite comme une loi certes « intelligente458

» mais

aussi comme une « grosse459

» loi (à défaut d’être « grande loi »),

« encyclopédique460

» couvrant l’entier champ du développement durable, « trop

ambitieuse » avec un « certain nombre de contradictions et d’ambiguïtés461

». En un

mot, la loi est une strate de plus dans l’édification du droit de l’urbanisme.

Participent également au millefeuille législatif du droit de l’urbanisme les récents

textes qui ont pour objectif d’apporter des corrections aux imperfections des textes

précédents.

3) L’objectif correctif

En matière d’urbanisme, la loi Grenelle II habilite le Gouvernement à apporter au

régime des permis de construire et des autorisations d’urbanisme « les corrections

dont la mise en œuvre de la réforme pourrait faire apparaître la nécessité ». À cet

effet, le Gouvernement élabore l’ordonnance no 2011-196 du 22 décembre 2011

relative aux corrections à apporter au régime des autorisations d’urbanisme. Celle-ci

concerne principalement la définition et le régime des lotissements462

.

Elle est suivie par le décret no 2012-274 du 28 février 2012 qui apporte des

précisions et des ajustements limités au régime des autorisations d’urbanisme. Le

ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a mis en ligne un

tableau instructif intitulé « avant/après et commentaires des modifications apportées

par le décret no 2012-274 du 28 février 2012 relatif à certaines corrections à apporter

455 Cf. Dossier dans la revue, AJDA, n

o 30/2010, intitulé « La loi Grenelle II [Première partie], avec

les contributions de JEGOUZO (Y.), L’ambitieuse loi portant engagement national pour

l’environnement, p. 1681 ; Philippe BAFFERT (Ph.), La planification stratégique, p. 1688 ;

JACQUOT (H.) et LEBRETON (J.-P.), La réforme du plan local d’urbanisme, p. 1697 ; PLANCHET

(P.), Le patrimoine et le paysage face au défi environnemental, p. 1705. 456

BILLET (Ph.), Grenelle II de l’environnement : les principales mesures, JCP Adm., 2010, no 2237.

457 Préc. JEGOUZO (Y.), L’ambitieuse loi portant engagement national pour l’environnement, ibid.,

p. 1681. 458

Ibid. 459

Ibid. 460

Ibid. 461

Ibid. 462

SOLER-COUTEAUX (P.), Réforme des autorisations d’urbanisme : correction de la copie, RDI,

2012, p. 308.

Page 167: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

167/480

au régime des autorisations d’urbanisme463

». Ce tableau met en lumière les neuf

objectifs poursuivis au travers des retouches et introductions de nouveaux articles.

Ces neuf objectifs sont la clarification, la sécurisation, la cohérence, la mise à jour du

code, la réduction des délais, la sécurité juridique (délai de recours contentieux pour

une autorisation tacite d’urbanisme en particulier), la correction, la réforme du

lotissement, la réforme de la fiscalité (COS et versement pour sous densité en

particulier).

Empreint d’humilité, ce décret « corrige464

» essentiellement le régime du

lotissement. En outre, il réduit un certain nombre de délais d’instructions des

demandes d’autorisation d’urbanisme. Il dispense de toute formalité les travaux de

construction dont la surface est inférieure ou égale à cinq mètres carrés (contre deux

mètres carrés auparavant) et répondant aux critères de l’article R.* 421-2 du Code de

l’urbanisme.

Facile d’accès et synthétique, ce décret se distingue par son pragmatisme d’un

nouveau genre. Il réduit, en outre, le champ des autorisations d’urbanisme dont il fait

sortir les constructions sans grand enjeu. Et il réduit et précise les délais. C’est

finalement un texte qui participe réellement, en toute modestie, à l’objectif de

simplification et de sécurisation juridique des autorisations d’urbanisme. Toutefois,

sa portée est limitée, tandis qu’il constitue une strate de plus dans l’édification du

droit de l’urbanisme.

4) L’objectif d’un meilleur équilibre

En 2012, les ventes au détail de logements neufs baissent de 18 % par rapport à

l’année 2011465

, le nombre de logements commencés chute de 20 %466

et les mises en

chantier chutent globalement dans le résidentiel et dans le non résidentiel comme le

montrent les tendances des courbes du graphique467

ci-dessous.

463 Tableau consultable sur le lien : www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/TABLEAU_avant

_apres_Decret_ADS_commente.pdf. 464

GRAND (R.), Un décret « corrige » le régime de certaines autorisations d’urbanisme, D. actu.,

5 mars 2012. 465

Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer

les projets de construction, exposé des motifs, in dossier législatif relatif à la loi no 2013-569 du

1er

juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer

les projets de construction (NOR : ETLX1309053L). 466

Ibid. 467

Les données qui ont servi à l’élaboration de ce graphique et du tableau proviennent de l’INSEE.

Page 168: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

168/480

Champ : France.

r : données révisées.

(1) : comprend les logements en résidence (résidences pour personnes âgées, étudiants et touristes).

(2) : transport, enseignement-recherche, action sociale, ouvrage spécial, santé, culture-loisirs.

Source : SOeS et Insee – N.B. : Les chiffres retenus sont ceux de la base de données Sit@del mise en ligne par le

SOeS. Mais le graphique est l’œuvre de l’auteur.

Face à cette situation, et plus particulièrement dans le cadre du plan d’investissement

pour le logement, le Gouvernement veut prendre des mesures d’urgence destinées à

faciliter les projets de construction. Dans le même sens, il relève que le contentieux

de l’urbanisme demeure un sujet récurrent qui n’a pas été traité précisément par les

réformes précédentes. Aussi, il veut présenter une ambitieuse réforme dans ce

domaine468

. La réforme doit permettre de faciliter la réalisation de projets permettant

la production de logements en sécurisant les opérations de construction et en luttant

contre les recours regardés comme abusifs tout en préservant l’accès au juge et la

participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’urbanisme469

. Face

à la complexité du sujet et aux difficultés constitutionnelles qu’il présente, le

Gouvernement constitue, le 11 février 2013, un groupe de travail d’éminents

praticiens et érudits en la matière, et présidé par Daniel LABETOULLE.

468 Cf. DUFLOT (C.), Lettre de mission du 11 février 2013 au groupe de travail, réf n

o D13009886.

469 Ibid.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

2009 (r) 2010 (r) 2011 (r) 2012

En

mil

lion

s d

e m

²

Mises en chantier de bâtiments

Industrie et

entrepôts

Service public ou

d'intérêt collectif (2)

Commerce et

artisanat

Bureaux

Hébergement

hôtelier

Logements

individuels

Logements

collectifs (1)

Evolution des mises en

chantier entre 2011 et 2012en %

Industrie et entrepôts -14%

Service public ou d'intérêt

collectif (2) -14%

Commerce et artisanat -12%

Bureaux 2%

Hébergement hôtelier -11%

Logements individuels -15%

Logements collectifs (1) -14%

Page 169: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

169/480

Le groupe de travail dépose le 25 avril 2013 un rapport intitulé « Construction et

droit au recours : pour un meilleur équilibre470

». Ce rapport contient un nombre

important de propositions et de recommandations pertinentes. Plusieurs d’entre elles

sont à l’origine des dispositions adoptées dans le cadre de la réforme de 2013. Cette

section étant consacrée à la rétrospective des dernières réformes en matière

d’urbanisme et du contentieux de l’urbanisme, à son aspect inflationniste facteur

d’insécurité pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme, nous nous limitons,

ici, à cette brève présentation de l’ordonnance. Compte tenu de son ampleur, de son

intérêt pour notre sujet et de son actualité, un développement particulier lui est

consacré dans notre titre second. C’est dans ce contexte que le Gouvernement

dépose, le 2 mai 2013, un projet de loi l’habilitant à adopter des mesures de nature

législative pour accélérer les projets de construction471

. La matière relevant du

domaine de la loi472

, le Gouvernement doit nécessairement être autorisé par le

Parlement à légiférer par voie d’ordonnances. Ces ordonnances n’ont dans un

premier temps qu’une valeur réglementaire. Ce n’est que dans un second temps, et

sous réserve d’une ratification explicite473

par le Parlement, qu’elles prennent valeur

de loi. S’agissant de leur entrée en vigueur, l’auteur du texte réglementaire a le choix

entre une entrée automatique en vigueur le lendemain de la publication du texte ou

une entrée en vigueur différée à une date qu’il fixe474

.

En objet de son projet de loi d’habilitation, le Gouvernement ne vise pas moins de

huit mesures475

. En effet, il entend mettre en place une procédure intégrée pour le

logement qui rassemble l’ensemble des procédures d’autorisation nécessaires pour un

projet, le but est d’aboutir plus rapidement à la délivrance des permis de construire,

dans le respect de la protection de l’environnement. Il s’agit également d’accroître la

densification en favorisant la transformation de bureaux en logements, en limitant les

470 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par M

me DUFLOT

(C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au recours : pour un

meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013. 471

Préc. Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour

accélérer les projets de construction, exposé des motifs, in dossier législatif relatif à la loi no 2013-569

du 1er

juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour

accélérer les projets de construction (NOR : ETLX1309053L). 472

Constitution, 4 oct. 1958, art. 38. 473

Cf. Loi constitutionnelle no 2008-724, 23 juill. 2008, de modernisation des institutions de la

Ve République (NOR : JUSX0807076L).

474 Code civil, art. 1.

475 Projet de loi habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer

les projets de construction, objet du texte, in Travaux parlementaires, Sénat, Les étapes de la

discussion.

Page 170: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

170/480

obligations en matière de places de stationnement, en autorisant un alignement sur la

hauteur d’un bâtiment contigu ou la surélévation d’immeubles pour la création de

logements. Il s’agit encore de réduire le délai de traitement des recours contentieux et

lutter contre les recours abusifs. Il s’agit aussi d’encourager le développement de

logements intermédiaires à prix maîtrisé, entre logement social et parc privé, par la

création d’un statut spécifique et d’un bail de longue durée dédié. Il s’agit, de plus,

de créer un portail national de l’urbanisme pour améliorer l’accès aux documents

d’urbanisme. Il s’agit, enfin, d’augmenter le taux maximal de garantie d’emprunt que

les collectivités territoriales peuvent consentir pour faciliter le financement de projets

d’aménagement ; de supprimer progressivement la possibilité de garantie intrinsèque

pour les opérations de vente de logements en l’état futur d’achèvement (V.E.F.A.)

afin de protéger les accédants en cas de défaillance du promoteur en cours de

chantier ; et de faciliter la gestion de la trésorerie des entreprises du bâtiment.

À l’issue d’une procédure accélérée le 2 mai 2013 par le Gouvernement476

, la loi

no 2013-569 du 1

er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de

nature législative pour accélérer les projets de construction477

ne tarde pas. Le

Gouvernement obtient ainsi rapidement les moyens qu’il demande pour mettre en

œuvre les huit mesures de la réforme envisagée. Plusieurs ordonnances sont prises

rapidement.

La première d’entre elles retient notre attention en ce qu’elle fait directement écho à

notre problématique. C’est l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au

contentieux de l’urbanisme478

, ratifiée par la loi ALUR du 24 mars 2014479

. Cette

ordonnance qui s’inspire largement des propositions et des recommandations du

rapport LABETOULLE est présentée comme une « ambitieuse réforme480

». Ce qui

nous semble qu’elle est. L’ordonnance ambitionne, en particulier, de prendre des

mesures de nature à accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme

et à prévenir les contestations dilatoires ou abusives.

476 Ibid.

477 Loi n

o 2013-569, 1

er juill. 2013, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature

législative pour accélérer les projets de construction, JORF, no 0151, 2 juill. 2013, p. 10985, texte n

o 1

(NOR : ETLX1309053L). 478

V. obs. PASTOR (J.-M.), D. actu., 26 juill. 2013 ; AJDA, 2013, p. 1540. 479

Préc. Loi no 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (1), JORF

no 0072, 26 mars 2014, p. 5809, texte n

o 1 (NOR : ETLX1313501L).

480 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n

o 2013-638, 18 juill. 2013, relative

au contentieux de l’urbanisme, JORF, no 0166, 19 juill. 2013, p. 12069, texte n

o 23 (NOR :

ETLX1317296P).

Page 171: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

171/480

Pour y parvenir, le Gouvernement veut encadrer les conditions dans lesquelles le

juge peut être saisi d’un recours en annulation ou d’une demande de suspension,

notamment en exigeant des requérants un intérêt suffisamment direct à agir. Il veut,

en outre, réaménager les compétences et les pouvoirs des juridictions en vue de leur

permettre de condamner à dommages et intérêts l’auteur d’un recours abusif, et

réduire les délais de traitement des procédures juridictionnelles481

. Cependant

l’écueil constitutionnel demeure. Ne pas tomber de Charybde en Scylla, tel est le défi

du Gouvernement qui doit trouver un équilibre entre le droit au recours de valeur

constitutionnelle et la sécurisation des autorisations d’urbanisme afin de parvenir à

son réel objectif, à savoir produire cinq cent mille logements par an dont cent

cinquante mille sociaux482

.

Si cette ordonnance est une feuille de plus dans le millefeuille du droit de

l’urbanisme, il nous semble qu’elle constitue une avancée notable pour notre

problématique, malgré quelques interrogations subsistantes. Nous avons fait le choix

de consacrer un développement en particulier aux innovations qu’elle comporte dans

notre titre second consacré aux remèdes à l’insécurité juridique des bénéficiaires

d’urbanisme.

Pour conclure sur ce point, ajoutons qu’un décret no 2013-879 du 1

er octobre 2013

relatif au contentieux de l’urbanisme a été publié483

. Ce décret met en place la

cristallisation des moyens et attribue, dans les zones sur lesquelles la crise du

logement est la plus aiguë, compétence en premier et dernier ressort au juge

administratif pour connaître de certains recours en contentieux de l’urbanisme. Il est

à son niveau une traduction complémentaire de l’une des recommandations du

rapport LABETOULLE. Il introduit dans la procédure du contentieux de l’urbanisme

un mécanisme de cristallisation des moyens. Le rapport LABETOULLE relève que

l’un des facteurs de l’allongement des délais d’instruction des recours contentieux en

matière d’urbanisme devant le juge administratif réside dans le fait que les requérants

égrenaient leurs moyens au fil de la procédure. Pour contrer cette pratique, le décret

du 1er

octobre 2013 crée un nouvel article R.* 600-4 du Code de l’urbanisme qui

donne la faculté au juge saisi d’un contentieux portant sur une autorisation

d’urbanisme de fixer une date au-delà de laquelle aucun moyen nouveau ne pourra

481 Ibid.

482 Communiqué, ministère du Logement de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, Objectifs

500 000 : simplifier et gagner en qualité, site du ministère, Paris, 20 mars 2014. 483

JO, 2 oct. 2013 ; v. GRAND (R.), Publication du décret relatif au contentieux de l’urbanisme,

D. actu., 3 oct. 2013.

Page 172: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

172/480

être introduit. Là encore, le décret participe à l’empilement des normes en matière

d’urbanisme. Et cette participation à l’inflation législative contribue dans une

certaine mesure à l’insécurité juridique. Cependant, le fond du décret, c’est-à-dire

essentiellement l’introduction du mécanisme de cristallisation des moyens, nous

semble être un remède à l’insécurité juridique au bénéfice d’autorisation

d’urbanisme. Aussi, un développement en ce sens est consacré à ce décret dans notre

titre second.

Le 4 octobre 2013, trois ordonnances complètent la réforme. L’une est relative à la

procédure intégrée pour le logement484

et l’ordonnance, l’autre est relative au

développement de la construction de logement485

, et enfin la dernière de ce volet est

relative à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement

(V.E.F.A.)486

. Ces trois ordonnances visent à accélérer la construction du logement.

La première vise à unifier, au sein d’une même procédure, l’autorisation de réaliser

une opération de logement, la mise en compatibilité des documents d’urbanisme et

l’adaptation des normes supérieures487

. La nouvelle procédure est entrée en vigueur

au 1er

janvier 2014. La seconde vise, dans les zones « tendues », à offrir à l’autorité

compétente pour délivrer le permis de construire la possibilité d’accorder des

dérogations au règlement du plan local d’urbanisme (PLU) ou du document en tenant

lieu. Les zones « tendues » sont les communes visées par l’article 232 du Code

général des impôts. Il s’agit des communes sur le territoire desquelles est applicable

la taxe annuelle sur les logements vacants. Sont également comprises dans les zones

« tendues » les communes de plus de quinze mille habitants en forte croissance

démographique figurant sur la liste prévue à l’alinéa 7 de l’article L. 302-5 du Code

de la construction et de l’habitation488

. Des décrets permettent la mise en œuvre de

l’ordonnance. La dernière, de ce volet, rend obligatoire, pour le vendeur en V.E.F.A.,

de souscrire avant la conclusion de la V.E.F.A. une garantie financière d’achèvement

484 Ordonnance n

o 2013-888, 3 oct. 2013, relative à la procédure intégrée pour le logement et

l’ordonnance, JO, 4 oct. 2013. 485

Ordonnance no 2013-889, 3 oct. 2013, relative au développement de la construction de logement,

JO, 4 oct. 2013. 486

Ordonnance no 2013-890, 3 oct. 2013, relative à la garantie financière en cas de vente en l’état

futur d’achèvement, JO, 4 oct. 2013. 487

V. préc. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles ordonnances

publiées, Dalloz, actu., 7 oct. 2013. 488

Sur l’identification des communes au regard de « l’indicateur global de logement locatif social »,

v. décret no 2013-670 et décret n

o 2013-671, 24 juill. 2013, JO, 26 juill. 2013, obs. GRAND (R.),

Renforcement des obligations de production de logements sociaux, D. actu., 26 juill. 2013 ; AJDA,

2013, p. 1596.

Page 173: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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de l’immeuble ou une garantie financière du remboursement des versements

effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement de l’immeuble. Cette

disposition supprime la garantie intrinsèque d’achèvement. Cette dernière faisait

d’ailleurs l’objet d’une critique doctrinale489

. Cette suppression s’applique aux

opérations pour lesquelles la demande d’autorisation d’urbanisme est déposée à

compter du 1er

janvier 2015.

Une cinquième ordonnance490

est prise le 19 décembre 2013 et concerne

l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes

publiques. Ratifiée le 24 mars 2014 par la loi ALUR491

, elle a valeur de loi. Elle vise

la création d’un portail national de l’urbanisme destiné à la consultation des

informations en matière de documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité

publique et précise les conditions dans lesquelles ces informations sont mises en

ligne. Elle impose, en outre, aux autorités compétentes l’obligation de transmettre à

l’autorité gestionnaire du portail les informations nécessaires. Enfin, elle répond à

une exigence européenne consistant dans la mise en œuvre de la directive

européenne 2007/2/CE du 14 mars 2007, dite « directive INSPIRE ». Cette directive

vise à établir une infrastructure d’information géographique dans la Communauté

européenne pour favoriser la protection de l’environnement492

.

Une sixième ordonnance493

est également prise le 19 décembre 2013. Elle est relative

au taux de garantie que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent

apporter à des emprunts souscrits par un concessionnaire d’aménagement. Elle vise à

faciliter le financement de projets comprenant du logement social ou à coûts

maîtrisés. Cette ordonnance est également ratifiée le 24 mars 2014 par la loi

ALUR494

. Elle a, elle aussi, valeur de loi.

489 V. préc. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles ordonnances

publiées, Dalloz, actu., 7 oct. 2013 ; v. spé. TOMASSIN (D.), Faut-il supprimer la garantie

intrinsèque dans la VEFA ?, RDI, 2008, p. 187. 490

Ordonnance no 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux

documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique, JO, 20 décembre 2013 ; ratifiée par

L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 172, IV, 8

o : JO, 26 mars (NOR : ETLX1327949R).

491 Loi n

o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.

492 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n

o 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à

l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique,

JORF, no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n

o 24 (NOR : ETLX1327949P).

493 Ordonnance n

o 2013-1185, 19 déc. 2013, relative au taux de garantie que les collectivités

territoriales et leurs groupements peuvent apporter à des emprunts souscrits par un concessionnaire

d’aménagement, JORF no 0295, 20 déc. 2013 p. 20781, texte n

o 27 (NOR : ETLX1327951R).

494 Loi n

o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.

Page 174: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

174/480

Enfin, une septième ordonnance495

est prise le 20 février 2014 et concerne, quant à

elle, le logement intermédiaire. C’est la dernière des sept ordonnances prises dans le

cadre de l’habilitation de la loi du 1er

juillet 2013 en vue d’accélérer la construction

de logements et de faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement. Le processus

de cette dernière ordonnance de ratification est en cours496

. Cette ordonnance a pour

objet de répondre à la crise actuelle du logement en développant une nouvelle offre

de logements dits « intermédiaires497

» en raison notamment de l’inflation des prix

dans les zones « tendues » et eu égard la saturation du parc social et à la quasi-

inexistence d’un parc locatif de logement intermédiaire à des prix abordables.

En conclusion, l’inflation législative a grandement alourdi et complexifié le droit de

l’urbanisme. Cette accumulation de normes engendre l’insécurité des administrés

pour qui le droit de l’urbanisme est devenu une matière nébuleuse, mouvante et

imprévisible. Plus particulièrement, l’inflation est un facteur de l’insécurité juridique

des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Le schéma qui suit montre une synthèse, aussi lisible que possible, des réformes

successives en la matière.

495 Ordonnance n

o 2014-159, 20 févr. 2014, relatif au logement intermédiaire, JO, 21 févr.2014

(NOR : ETLX1401145R). 496

Projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2014-159, 20 févr.2014, relative au logement intermédiaire,

Doc. AN no 2150, 16 juill. 2014, p. 1.

497 Ibid., exposé des motifs, p. 3.

Page 175: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

175/480

Synthèse de l’empilement des réformes en droit de l’urbanisme

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Page 176: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

176/480

II. Le prodrome de l’insécurité juridique

Signe avant-coureur, l’accumulation des réformes annonce une crise aiguë de

l’insécurité juridique en matière d’urbanisme (A.). « Quod di omen avertant498

! » se

sont pourtant alarmés nombre d’auteurs dénonçant très tôt les dérives de cette

inflation législative et notamment le risque subséquent d’insécurité juridique (B.).

A. L’insécurité juridique annoncée

Une telle accumulation de réformes pose nécessairement la question de l’incidence

sur la sécurité juridique. Une telle multiplication de normes et de procédures de

simplification est paradoxalement de complications juridiques et donc logiquement

de contentieux499

. Conscient du problème, il ressort clairement de l’intitulé des

mesures que le législateur court après la sécurité juridique tel Gauvain après la biche

blanche ou Indiana Jones après le Saint Graal.

Pourtant, en dépit des ambitions du législateur, l’« extension tentaculaire » du champ

normatif500

que connaît le droit de l’urbanisme, ces dernières années, n’est pas

nécessairement synonyme de gain de sécurité juridique. Et il est banal de rappeler la

célèbre formule du rapport public du Conseil d’État consacré à la sécurité

juridique501

: « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille

distraite »… et il est tentant de conclure… et surtout il n’y comprend plus rien !

Une telle extension n’est-elle pas de nature à faire perdre au droit de l’urbanisme sa

légitimité ou à tout le moins son intelligibilité ? Tout porte à le croire. Sylvain

498 Que les Dieux détournent ce présage ! CICÉRON (M.-T.), Philippiques, III, 35, Loeb Classical

Library 189, Philippics 1-6, Harvard University Press, 2010, 400 p., p. 212. 499

Préc. TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures

d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 4.

500 Préc. SAVARIT-BOURGEOIS (I.), op. cit. Remarque sur quelques dérives du droit de

l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,

Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 948. 501

Conseil d’État, Rap. public, La sécurité juridique, Doc. Fr., Paris, 1991.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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PERIGNON fustige cette surlégislation et souligne qu’« à vouloir prédéterminer ce

que doivent être les choix en matière d’urbanisme, à vouloir imposer autoritairement

un ordre urbanistique dédaigneux des besoins et des demandes de la société civile, à

plaquer des schémas abstraits sur la complexité et la diversité des espaces, ce droit

finira par perdre beaucoup de sa légitimité et sera perçu par les citoyens comme un

discours idéaliste masquant une tyrannie doucereuse502

. »

Ainsi, il est constant que l’accumulation de normes dessert la sécurité juridique. En

outre, les réformes elles-mêmes ont été perçues comme génératrices d’insécurité

juridique tantôt pour les tiers (associations ou non), tantôt pour le bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme.

B. L’insécurité juridique dénoncée

Le thème de l’insécurité juridique en droit administratif comme en droit de

l’urbanisme est aujourd’hui un thème classique et récurrent503

qui a donné lieu à de

remarquables études504

et rapports505

.

En 1991, avant la vague de réformes du droit de l’urbanisme, le Conseil d’État dans

son rapport consacré à la sécurité juridique dénonce déjà les effets d’une

« prolifération des textes », « l’instabilité des règles » et « la dégradation de la

norme ». Il n’hésite alors pas à dénoncer une « logorrhée législative et

502 PERIGNON (S.), Le nouvel ordre urbanistique, Urbanisme, propriété, Libertés, Les Éditions du

CRIDON, Répertoire Defrénois, 2004, 221 p. 503

SOLER-COUTEAUX (P.), Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif ou la

dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges

J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 378. 504

Préc. PACTEAU, (B.), La sécurité juridique, un principe qui nous manque ? AJDA, 1995, p. 151 ;

Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Vers une plus grande sécurité juridique ? BJDU, no 6, 2000, p. 405 s. ;

LABETOULLE (D.), Principe de légalité et principe de sécurité in Mélanges BRAIBANT, Dalloz,

Paris, 1996, 817 p., p. 403 ; SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de

l’insécurité du droit administratif ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner,

Administrer, Juger, Liber amicorum, Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 378. 505

Préc Conseil d’État, Rap. public, 1991 ; Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis

2005, sécurité juridique et complexité du droit ; Préc. Rapport PELLETIER « Propositions pour une

meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », 25 janv. 2005 ; Préc. Rapport

LABETOULLE « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », 25 avr. 2013.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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réglementaire », des « raffinements byzantins », un « droit flou », et même un état de

« droit à l’état gazeux506

». Les qualifications sévères n’ont rien perdu de leur

actualité.

En 2007, Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS pose, pour sa part, la question : « Que

penser de cet empilement incessant de normes et de documents ? N’est-il pas

finalement l’aveu d’un échec507

? » Là encore, l’interrogation n’a rien perdu de son

actualité. Si l’urbanisme est nécessairement un droit planificateur car il ne peut se

concevoir que de façon prospective et évolutive, Isabelle SAVARIT-BOURGEOIS

relève, à raison, que « l’engouement frôle la pathologie508

». La planification urbaine,

sous sa forme la plus large, peut être définie comme l’ensemble des démarches que

les collectivités publiques mettent en œuvre pour exercer un contrôle sur la

configuration des espaces urbains, sur leurs usages, et plus largement sur les devenirs

des villes509

.

Pourquoi un tel besoin de normes ? Est-ce nécessaire à la réalisation de l’objet du

droit de l’urbanisme ?

L’objet du droit de l’urbanisme est de déterminer les conditions d’occupation du sol

et de l’espace, dans un souci d’équilibre entre les modes de vies, les centres

d’activités et la préservation de l’environnement. Pour assurer le respect de cette

réglementation, ce droit comporte nécessairement un volet répressif constitué de

règles spécifiques510

. Le droit de l’urbanisme est l’expression d’une politique

publique destinée à organiser l’utilisation équilibrée du sol et de l’espace. C’est

pourquoi tantôt ce sont les techniques et les prérogatives du droit administratif qui

s’appliquent tantôt les règles du contrat et des partenariats511

. À cela s’ajoute une

articulation de mesures de police, des règles propres au contentieux administratif

mais aussi judiciaire et des règles relatives à la responsabilité administrative512

.

506 Préc. Conseil d’État, Rap. public, La sécurité juridique, Doc. Fr., Paris, 1991.

507 Préc. SAVARIT BOURGEOIS (I.), op. cit., Remarque sur quelques dérives du droit de

l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,

Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 948. 508

Ibid. 509

GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), Sociologie urbaine, coll. Domaines et approches,

Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 100.

510 V. pour une présentation synthétique DROBENKO (B.), Droit de l’urbanisme 2014-2015,

Mémento, Ed. Gualino Lextenso-Éditions, 9e éd., Paris, 2014, 320 p.

511 Ibid.

512 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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En principe, le droit de l’urbanisme doit répondre à un critère de fonctionnalisme de

la norme d’urbanisme. Le fonctionnalisme est une école de pensée de la sociologie

qui assimile le corps social à un organisme vivant où chaque membre est absolument

utile au fonctionnement global. Selon cette théorie, le dysfonctionnement se

traduisant, le cas échéant, par la non-intégration dans une organisation de la

société513

, et où les institutions, au sens large, ont vocation à satisfaire les besoins et

les aspirations des individus514

. C’est pourquoi la norme d’urbanisme a vocation à

s’inscrire dans la durée515

.

« Toute politique décadente multiplie sans fin le nombre des lois516

» écrit le

philosophe Raymond ABELLIO. La multiplication à outrance des normes en matière

d’urbanisme serait-elle le signe d’une politique décadente ? Est-il possible de se

passer de nouvelles normes ? La réponse n’est pas si simple. Le Conseil d’État a

rappelé dans son rapport public de 2006 consacré à la sécurité juridique et

complexité du droit517

que :

L’élaboration des normes juridiques est, pour la France comme pour les

autres pays développés, à la fois tributaire de contraintes objectives et plus

ou moins inéluctables, et de fonctionnements ou de comportements

« pathogènes ».

Certaines des contraintes objectives sont externes et liées aux engagements

internationaux de la France […]

L’apparition de nouveaux domaines de législation parfois complexes et

difficiles comme […] la protection de l’environnement, contribue également à

la multiplication et à la révision fréquente des normes. […]

D’autres contraintes résultent de choix du constituant ou du législateur :

ainsi en est-il des transferts successifs de pouvoirs et de compétences en

513 Définition du fonctionnalisme, in LAKEHAL (M.), Le grand livre de l’économie contemporaine,

et des principaux faits de société, 11 500 entrées, 9 000 définitions, Eyrolles, Paris, 2012, 790 p.,

p. 334. 514

Définition du fonctionnalisme, in BRAUD (Ph.), Sociologie Politique, manuel, LGDJ, 7e éd., Paris,

2004, 710 p., p. 679. 515

LECOQ (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale d’urbanisme, coll. Drt. public,

Publim, Presses universitaires, Limoges, 2004, 563 p., p. 322. 516

ABELLIO (R.), Ma dernière mémoire, coll. Blanche, éd. Gallimard, 1971, T. II, partie Les

Militants, 1927-1939, 320 p., p. 16. 517

Préc. Conseil d’État, Rap. public 2006, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et complexité

du droit, no 57, Doc. Fr., Paris, 2006, 412 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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faveur des collectivités territoriales, du choix d’un statut spécifique pour

chaque collectivité d’outre-mer, ou encore de la création d’autorités

administratives indépendantes518

.

Ainsi, le droit de l’urbanisme est, lui aussi, tributaire de contraintes objectives liées

aux engagements internationaux de la France, à la décentralisation et de contraintes

subjectives faites de comportements pathogènes et d’effets de mode. Il en résulte une

insécurité juridique systémique tant pour le bénéficiaire de l’autorisation

d’urbanisme que pour les tiers. En outre, la complexification de l’accessibilité à la

norme favorise la multiplication des recours abusifs. En effet, Sylvain PERIGNON

pose la question en ces termes : « Comment parler de sécurité juridique lorsque l’on

peut ultérieurement à la réalisation d’une construction faire constater l’illégalité d’un

permis de construire non pas par rapport aux règles existantes au jour de sa

délivrance mais par rapport à des règles antérieures qui revivent du fait de

l’annulation d’un document d’urbanisme ou de son constat d’illégalité519

? »

En conclusion de la présente section, la rétrospective des réformes récentes subies

par le droit de l’urbanisme montre que la surréglementation du droit de l’urbanisme

génère de l’insécurité juridique. La complexification croissante et le problème de

cohérence des normes et de leur intelligibilité ainsi que leur brièveté sont des facteurs

supplémentaires d’insécurité juridique du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme.

En effet, ces réformes successives comportant des ramifications à plusieurs niveaux,

de plus ou moins longue durée, favorisent les recours dans un contexte où chacun

peut croire qu’il a raison tant l’accessibilité à la règle de droit de l’urbanisme est

devenue complexe. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires520

» écrit

MONTESQUIEU.

Alors que faire ? Abroger ? Créer une loi pour en supprimer une autre ? Des

correctifs ont été tentés à plusieurs reprises sans laisser un sentiment de problème

résolu. L’identification des remèdes à l’insécurité juridique en droit de l’urbanisme et

plus particulièrement, en ce qui nous concerne, des remèdes à l’insécurité juridique

518 Ibid. p. 233.

519 PERIGNON (S.), op. cit. Le nouvel ordre urbanistique, Urbanisme, propriété, Libertés, Les

Éditions du CRIDON, Répertoire Defrénois, 2004, 221 p., p. 221. 520

MONTESQUIEU (Ch. de S.), L’esprit des Lois, T. 2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par VERNET

(J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme en conflit avec des tiers qui soutiennent

des recours abusifs apparaît complexe et délicate.

SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes

Bien que le contentieux de l’urbanisme soit un sujet récurrent, le problème de

l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme perdure. Et bien

que la sécurité juridique soit un sujet à la mode, les remèdes à l’insécurité juridique

tardent à se mettre en place, tandis que les mesures s’empilent les unes sur les autres.

Et pour cause, les remèdes sont difficiles à identifier et donc, a fortiori, il est difficile

de les mettre en place. L’inflation législative est dans une certaine mesure un mal

nécessaire, car il faut bien actualiser, moderniser, européaniser, verdir, toiletter,

parfaire le droit de l’urbanisme. L’inflation législative n’est pas responsable à elle

seule de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation dans le cadre des

recours abusifs exercés par des tiers. Il serait inexact de le soutenir. Toutefois, elle y

concourt dans la mesure où l’instabilité et l’imprévisibilité de la norme donnent des

moyens alimentant les recours de tiers malveillants qui peuvent ainsi « jouer la

carte » de l’interprétation ou porter la discussion sur une appréciation de telle ou telle

lecture notamment en jouant sur l’application dans le temps des mesures ; car s’il

existe des règles de procédure sur l’application dans le temps des règles nouvelles, il

n’est en pratique pas toujours évident de s’y retrouver, y compris pour les requérants

de bonne foi.

La part d’échec de ces réformes successives résulte en partie d’une certaine

déconnexion des textes et de la réalité urbanistique. Cette déconnexion ralentit, en

outre, l’identification de remèdes efficaces et adéquats. Afin de mieux embrasser la

réalité et de mieux répondre à l’attente du terrain, il est décidé de réformer, oui, mais

avec l’implication de tous les acteurs. Une réflexion est engagée, en lien étroit avec

l’association des maires de France, avec les ministères de l’Intérieur et de la Justice

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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pour éradiquer les recours dits « mafieux521

». Le 23 juin 2010, une démarche

d’« urbanisme de projet522

» est officiellement lancée par Benoist APPARU523

. Cette

démarche s’appuie sur la concertation en amont de la réforme. Cette méthode est

« basée sur la concertation et l’implication de tous les acteurs524

». Elle comporte un

comité de pilotage, un groupe « miroir parlementaire » et quatre groupes de travail

par thème. À ces quatre groupes, s’ajoutait un comité d’experts juridiques525

dit

« Comité des sages » présidé par Thierry TUOT526

. Le Comité des sages dégage un

plan d’action pour la réduction des contentieux eu égard aux conséquences jugées

« particulièrement lourdes en ce qu’ils retardent d’un an (voire plus) la réalisation

des nombreuses opérations527

». Ce plan n’a pas vocation à « restreindre le droit au

recours528

».

Certaines de ces propositions ont été sources d’inspiration et, en tout état de cause,

ont permis d’alimenter la réflexion sur la problématique de lutte contre les recours

abusifs en matière de contentieux de l’urbanisme. Il convient de présenter ces

propositions qui se sont ajoutées à d’autres propositions ressortant de questions

ministérielles (I.). Parmi ces propositions, il en est une qui fait figure de sirène

d’Ulysse, solution a priori séduisante mais en réalité dangereuse, il s’agit de

l’amende pour recours abusif, qui ne constitue pas selon nous un remède acceptable,

en l’état, à la lutte contre les recours abusifs en matière d’urbanisme (II.).

521 APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche « Urbanisme

de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les discours dans

l’actualité. 522

Dossier de presse, Benoist Apparu installe le comité de pilotage « Pour un urbanisme de projet »,

Paris, 23 juin, 2010, 14 p., site internet du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de

l’Énergie. 523

Secrétaire d’État chargé du logement. 524

Actualités, Passer d’un urbanisme de normes à un urbanisme de projet, Paris, 23 juin 2010 (mis à

jour le 4 juillet 2012), site internet du Ministère de l’écologie, du développement durable et de

l’énergie. 525

Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche

« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les

discours dans l’actualité. 526

Conseiller d’État. 527

Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche

« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les

discours dans l’actualité. 528

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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I. Les propositions

Des propositions sur le contentieux de l’urbanisme ont été effectuées par le Comité

des sages et de manière plus ponctuelle par le biais de questions ministérielles. Ces

propositions visent à favoriser de façon équilibrée la lutte contre les recours abusifs,

la limitation des vices de forme, et à accélérer le traitement des recours.

A. Les propositions du Comité des sages

Dans le cadre de la réflexion menée sur le thème « Pour un urbanisme de projet », le

Comité des sages propose un plan d’action qui vise à réduire le contentieux des

autorisations d’urbanisme529

. Ce plan d’action a pour objectif de « pallier l’absence

de logements530

». Ce plan vise à prévenir les contentieux et à sécuriser les

procédures. Il vise, en outre, à accélérer le traitement des contentieux. Aussi, en vue

de prévenir les contentieux et de sécuriser les procédures, le Comité des sages émet

une douzaine de propositions qu’il convient de présenter (1.) avant d’en analyser la

portée et limite (2.).

1) Présentation des propositions

Le Comité des sages fait une douzaine de propositions dont un certain nombre est

assez « éclectique » comme le souligne David GILLIG531

. Deux catégories peuvent

être distinguées. La première est composée des neuf premières propositions. Elle vise

à prévenir et limiter le contentieux. La seconde catégorie vise à accélérer le

traitement des procédures contentieuses.

529 GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-Urb., n

o 9,

sept. 2011, alerte 85. 530

Discours de clôture du séminaire « Urbanisme de projet » le 27 mai 2011. 531

Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-

Urb., no 9, sept. 2011, alerte 85.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Dans sa première préconisation, le Comité propose d’assurer un meilleur accès aux

pièces du dossier de demande des autorisations d’urbanisme pendant l’instruction.

Par une deuxième préconisation, il propose d’afficher en mairie les certificats

d’urbanisme opérationnels pour permettre le déclenchement des délais de recours et

rendre le certificat définitif. Sa troisième préconisation vise à permettre aux

constructions de plus de dix ans, non contestées, de bénéficier d’une autorisation lors

de leur extension ou de leur rénovation alors même que la preuve de l’autorisation

initiale ne peut être apportée. Une quatrième préconisation vise à imposer au

requérant d’expliciter dans sa requête la qualité lui donnant intérêt pour agir. Une

cinquième vise à permettre de faire régulariser l’avis non motivé du commissaire-

enquêteur, pour éviter l’annulation pour un vice de forme qui n’est imputable ni à

l’autorité administrative, ni au maître d’ouvrage. Une sixième proposition vise à

sensibiliser sur la possibilité offerte au juge administratif de prononcer des

annulations partielles pour éviter l’annulation d’une décision dans sa totalité. Une

septième vise à admettre l’utilisation de procédures alternatives à celles initialement

prévues dans des cas bien précis. Une huitième vise à modifier l’article R. 111-21 du

Code de l’urbanisme, pour informer le requérant sur l’étendue du contrôle du juge.

Une neuvième proposition préconise l’augmentation du seuil maximal de l’amende

pour recours abusif. Nous verrons en deuxième partie de cette section que l’amende

pour recours suscite toujours la controverse et que son régime demeure débattu. Il en

résulte un contexte peu propice au durcissement de cette amende.

Enfin, les trois dernières préconisations intéressent l’accélération du traitement des

contentieux. Le Comité préconise d’une part d’inciter au recours à la conciliation,

d’autre part de généraliser la fixation d’un calendrier prévisionnel d’instruction, et de

sensibiliser les juridictions administratives pour que les ordonnances de désistement

soient prononcées rapidement.

2) Portée et limite de ces propositions

Ces douze propositions ne sont pas toutes satisfaisantes. Comme le souligne David

GILLIG532

, ces propositions ne semblent pas susceptibles d’atteindre l’objectif de

prévention et d’accélération du traitement des recours contre les autorisations

d’urbanisme en particulier lorsqu’ils sont malveillants. Toutefois, à contre-courant

532 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’une partie de la doctrine533

, ces propositions ont le mérite d’exister et de faire

avancer la réflexion. Il nous semble que le manque d’intérêt que peuvent présenter

certaines de ces propositions n’est pas nécessairement un échec ou de la perte de

temps mais est au contraire intéressant en ce qu’il permet de resserrer le champ des

propositions pertinentes et de faire avancer la réflexion534

.

Certaines de ces mesures sont, néanmoins, insatisfaisantes en ce qu’elles n’apportent

pas les remèdes espérés de nature à sécuriser les autorisations d’urbanisme ou limiter

les recours abusifs. Certaines de ces propositions ne peuvent pas utilement constituer

des remèdes aux recours abusifs ni contribuer à renforcer la sécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Il en est ainsi de la proposition d’affichage

des certificats d’urbanisme ou encore de la proposition de la communication des

pièces du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme ou encore de l’information

sur l’étendue du contrôle du juge.

Les autres propositions pèchent par leur date de fraîcheur En effet, ce comité

« d’experts juridiques535

» ne semble pas très à jour du droit en vigueur. Par exemple,

il propose de mettre en place une mesure de conciliation. Or, cette dernière existe

déjà536

. Pis encore, cette mesure n’a manifestement pas permis de prévenir ni

d’endiguer le phénomène des recours abusifs en contentieux d’urbanisme. De la

même manière, la possibilité pour le juge administratif de fixer un calendrier est déjà

prévue537

. Il en va encore de même pour ce qui est de « sensibiliser » les juges à

l’annulation partielle déjà possible538

au moment où le Comité des sages fait ses

533 Ibid.

534 Après tout, Thomas Edison dut effectuer près de dix mille essais infructueux avant d’inventer

l’ampoule électrique, « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé dix mille solutions qui ne

fonctionnent pas », disait-il avec optimisme. 535

Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche

« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les

discours dans l’actualité. 536

Cf. Code de justice administrative, art. L 211-4, ancien : « Les tribunaux administratifs peuvent

exercer une mission de conciliation », il a été étendu depuis. 537

Cf. Code de justice administrative, art. R 611-11 : « Lorsque les circonstances de l’affaire le

justifient le président de la formation de jugement peut, dès l’enregistrement de la requête, faire usage

du pouvoir prévu au premier alinéa de l’article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l’instruction sera

close. Lors de la notification de cette ordonnance aux parties, celles-ci sont informées de la date

prévue pour l’audience. Cette information ne tient pas lieu de l’avertissement prévu à l’article R. 711-

2. » 538

Code de l’urbanisme, art. L. 600-5 : « Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de

construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la

juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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préconisations, puisque le juge administratif « pratique » déjà l’annulation partielle539

dans sa jurisprudence.

Seule la proposition visant à ce que les juridictions administratives prennent acte

dans un délai bref du désistement de la requête présente un intérêt. En effet, à défaut

de prévenir ou de neutraliser les contentieux abusifs, elle répond à l’objectif

d’accélérer le traitement des contentieux d’urbanisme et est réaliste. En effet, comme

le souligne David GILLIG, en pratique, trop souvent les ordonnances constatant les

désistements sont rendues plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le dépôt des

actes de désistement. De tels délais sont incompatibles avec les impératifs des

professionnels de l’immobilier, notamment les promoteurs, qui doivent justifier au

plus vite de la délivrance d’un permis de construire définitif, c’est-à-dire purgé de

tous recours540

.

Enfin, s’agissant de la proposition d’augmenter le montant de l’amende pour recours

abusif, si certains auteurs ont en leur temps loué cette mesure541

, nous prendrons une

fois de plus une position à contre-courant. Cette amende existe déjà et n’a pas permis

d’éviter les contentieux abusifs. En outre, son existence et plus encore son

application s’accommode mal du droit au recours comme le montre notre analyse en

deuxième partie de cette section.

En conclusion des observations qui précèdent, l’identification des remèdes même

pour un comité d’experts juridiques est une mission difficile. L’identification de tels

remèdes relève-t-elle pour autant de l’utopie ? Pas nécessairement, les propositions

permettent de mieux cadrer la réflexion et de la faire avancer. D’autres propositions

plus ponctuelles et moins médiatiques font aussi avancer la réflexion et montrent

elles aussi combien sécuriser les autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs

est une tâche complexe.

L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif

tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. » 539

CE, 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, no 325179, Rec. Lebon, T., p. 1068, 1104

et 1200 ; note SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 238 ; CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2011,

no 52 ; obs. PERRIN (A.), RDA, 2001, n

o 54 ; obs. MORITZ (M.), JCP Adm., 2011, p. 2201.

540 Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-

Urb., no 9, sept. 2011, alerte 85, spé. § 3.5.

541 Ibid., spé § 3.6.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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B. Les autres propositions alternatives

De nombreuses questions aux Ministres rédigées dans des termes similaires542

demandent au Gouvernement de bien vouloir examiner en urgence la possibilité et

tous les moyens possibles pour remédier d’une part à la longueur des délais

déraisonnables, suite aux recours des tiers à l’encontre des autorisations d’urbanisme,

et d’autre part aux recours abusifs qui mettent à mal l’économie et privent des

administrés d’un logement ou d’un local d’activité. Dans un premier temps, en

février 2011, le Gouvernement n’est pas disposé à faire des propositions en ce sens et

indique ne pas envisager de modifier l’état du droit existant543

. Mais face aux enjeux

économiques et sociaux que pose la problématique des recours abusifs, le

Gouvernement annonce, le 1er

mars 2011, avoir saisi le Conseil d’État afin d’apporter

un appui dans la définition des mesures complémentaires susceptibles de réduire le

risque et d’améliorer le traitement des contentieux544

. Face à la difficulté de trouver

des solutions, des députés font aussi des propositions. Parmi celles-ci, se distinguent

en particulier la proposition du référé recevabilité (1.) et la consignation (2.).

1) Le référé recevabilité

S’agissant des délais de traitement des recours contentieux par les juridictions

administratives contre les autorisations d’urbanisme, le député Joël REGNAULT

propose de créer une procédure de référé-recevabilité545

. Cette procédure permettrait,

selon le député, aux tiers requérants d’obtenir du juge administratif une décision

provisoire, dans des délais brefs, et au terme d’une instruction adaptée à l’urgence

sans qu’il soit, par hypothèse, statué sur le fond.

Cette proposition séduisante en apparence a, certes, le mérite d’exister mais nous

paraît contestable. L’imprécision de la question laisse libre cours à l’imagination du

juriste d’envisager comment en pratique la procédure pourrait s’articuler. Il nous

semble que cette procédure serait sans aucun doute une atteinte au droit au recours,

542 Q., 1

er mars 2011, n

o. 94237 ; Q., 3 mai 2011, n

o 10605, Q., 20 mars 2012, n

o 131085.

543 Rép. min. n

o 15684 Q, JO Sénat 8 mars 2011, p. 2313.

544 Rép. min. n

o 93623 Q, JO Ass N. 1 mars 2011, p. 2048.

545 Q., n

o 130062, JO Ass N. 6 mars 2012, p. 2026.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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sans pour autant apporter un gain de sécurité aux bénéficiaires des autorisations

d’urbanisme. En effet, le problème des recours abusifs, c’est qu’ils ont en général a

priori l’apparence de ne pas en être. Ce qui revient à dire, que les requérants

malveillants passeraient presque sans difficulté ce filtre lequel, in fine, serait

seulement un mécanisme de plus rallongeant encore des délais déjà dénoncés comme

déraisonnables.

Nous n’avons pas trouvé la réponse à cette question. Et la proposition n’a pas été

reprise dans la réforme. Au surplus, la question a été retirée en raison de la fin du

mandat de son auteur.

2) La consignation

Dans la même configuration que les autres questions aux Ministres que nous avons

rappelées, à savoir des communes désemparées face aux recours abusifs qui

ralentissent les chantiers de plusieurs années et freinent leur développement

économique, social et urbanistique, le sénateur Jacques GAUTIER cherche un

remède à ce phénomène546

. S’adressant au Sénat et à la garde des Sceaux, Ministre

de la Justice, en décembre 2012, le sénateur rappelle que les recours abusifs nuisent à

la bonne administration de la justice et encombrent inutilement les juridictions

administratives tout en malmenant le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.

Il rappelle notamment que des règles spécifiques ont été introduites.

En effet, à cette date ces règles sont déjà nombreuses. Ainsi, l’article L. 600-3 du

Code de l’urbanisme impose au juge des référés de statuer dans un délai d’un mois

lorsqu’il est saisi par une personne autre que l’État, la commune ou l’établissement

public de coopération intercommunale, d’une demande de suspension assortissant un

recours dirigé contre une décision relative à un permis de construire ou d’aménager.

L’article L. 600-5 du même Code donne quant à lui la possibilité au juge de

prononcer une annulation partielle du permis et prévoit que l’autorité compétente

peut prendre, à la demande du bénéficiaire du permis, un arrêté modificatif tenant

compte de la décision juridictionnelle devenue définitive.

546 Q., n

o 03754, JO Sénat, 20 déc. 2012, p. 2948.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

189/480

En outre, l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme impose aux tiers de notifier leurs

recours au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme. Cette mesure, reprise à l’article

R. 411-7 du Code de justice administrative, a pour objectif de renforcer la sécurité

juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Par ailleurs, l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme prévoit la suspension du

délai de validité des autorisations en cas de recours devant la juridiction

administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la

déclaration préalable jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable,

écartant ainsi la menace d’une éventuelle caducité de l’autorisation d’urbanisme

litigieuse.

S’agissant des associations, l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme précise

qu’une association ne peut introduire un recours contre un permis de construire que

si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à

l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. À ces règles spécifiques,

s’ajoute l’exception à l’économie des moyens prévue par l’article L. 600-4-1 du

Code de l’urbanisme. De plus, l’article R. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit

qu’aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager

n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la

construction ou de l’aménagement. Enfin, l’article R. 741-12 du Code de justice

administrative prévoit une amende de 3 000 euros pour les auteurs de recours

abusifs.

En dépit de ces mécanismes, les recours abusifs se multiplient et la sécurité juridique

des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme en souffre. Le sénateur souligne qu’il

est du devoir du législateur de renforcer la procédure afin de responsabiliser les

requérants dans la présentation de leurs recours. Il propose d’introduire une

consignation comme élément nécessaire à la recevabilité de la requête, fixée par le

juge administratif en fonction des ressources, correspondant à l’amende pouvant être

infligée547

.

Cette proposition apparemment facile dans sa mise en œuvre pourrait séduire

précisément par sa simplicité. Mais là encore, si cette proposition a le mérite

d’exister, elle nous paraît contestable en ce qu’elle met à mal le droit à l’accès au

juge et constitue de ce fait une atteinte d’ordre pécuniaire au droit au recours qui a

547 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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valeur constitutionnelle et fondamentale. Cependant, une proposition de loi relative à

l’encadrement des recours en matière de permis de construire a été déposée en

juin 2011 à l’Assemblée Nationale548

en ce sens. Mais la proposition549

n’a pas

abouti. Et cela nous paraît une bonne chose, car il ne nous semble pas qu’elle aurait

permis de sécuriser les autorisations d’urbanisme, alors qu’en revanche, elle aurait

constitué une atteinte certaine au droit au recours.

Le ministère de la Justice répond à cette proposition550

en octobre 2013. Il ne dit rien

de la proposition du sénateur mais indique que le Gouvernement a missionné le

groupe de travail présidé par Daniel LABETOULLE pour formuler les propositions

pour lutter contre les recours abusifs tout en veillant à la préservation du droit au

recours. Il indique, en outre, que le rapport de ce groupe de travail a été remis le

25 avril 2013. Il n’est pas question de développer davantage ces propositions dans

cette partie consacrée aux remèdes inefficaces, puisqu’il nous semble que les

propositions du rapport LABETOULLE constituent des remèdes réalistes et

réalisables. Par ailleurs, le ministère indique que, sur la base de la loi d’habilitation

no 2013-569 du 1

er juillet 2013, une série de sept ordonnances pour faciliter la

réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements

doivent permettre d’endiguer et de refréner les recours abusifs contre les

autorisations d’urbanisme.

Les développements qui précèdent montrent que la question de la sanction pécuniaire

est presque une solution réflexe quand il s’agit d’empêcher ou de punir. Et il est vrai

que la plupart du temps, toucher au portefeuille, nerf de la guerre, est un remède

efficace sinon dissuasif. Pourtant, en matière de droit administratif et plus

précisément en matière d’urbanisme, la sanction pécuniaire d’un tiers ou l’obligation

de consigner qui pourrait lui être faite pour vouloir exercer son droit au recours et

son droit d’accès au juge pose un problème de droit.

548 Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en matière de permis de construire : Doc

AN no 3483, 1

er juin 2011 ; GILLIG (D.), Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en

matière de permis de construire, Constr.-Urb., no 9, sept. 2011, alerte 90.

549 La proposition de loi visait à instaurer une consignation comme élément nécessaire à la recevabilité

de la requête. Le montant de la consignation aurait été fixé par le juge administratif en fonction des

ressources du requérant, sans pouvoir excéder 5 000 euros. Le cas échéant, le juge aurait pu dispenser

le requérant de toute consignation, et la somme déposée lui aurait été intégralement reversée si la

requête n’était pas abusive. Par ailleurs, l’amende que le juge administratif aurait pu infliger à l’auteur

d’une requête estimée abusive aurait été portée de 3 000 à 5 000 euros. 550

Rép. min. no 03754Q, JO Sénat, 3 oct. 2013, p. 2894.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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II. Le cas particulier de l’amende pour recours abusif

L’amende pour recours abusif existe parce que l’article R. 741-12 Code de justice

administrative la prévoit. Nous avons indiqué plus haut que cette amende est

inadéquate pour faire face à la multiplication des recours abusifs. D’une part, parce

qu’elle n’a aucun effet dissuasif et d’autre part, parce qu’elle n’est, dans les faits, que

rarement appliquée. Pourtant, le rapport PELLETIER préconisait son développement

et le durcissement de son régime. Ce qui était, du reste, surprenant compte tenu des

réserves doctrinales, plus que fondées, il nous semble, au sujet de cette amende.

Aussi, il convient de présenter plus en détail le cadre juridique de cette amende (A.)

avant de présenter la controverse que cette amende suscite et qui explique en partie

pourquoi cette amende ne peut utilement être retenue au rang des remèdes à

l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours

abusifs des tiers (B.)

A. Présentation du cadre juridique

Sanction pécuniaire récente dans l’histoire du contentieux administratif, l’amende

pour recours abusif est destinée aux requérants qui abusent de leur droit au recours.

Sa nature juridique particulière a permis que son existence et son régime juridique

soient validés au regard des textes constitutionnels et des engagements

internationaux, en particulier au regard de l’article 6 § 1er

de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme (1.). Le rapport PELLETIER avait

émis des propositions en vue de durcir ce régime mais ces propositions sont restées

lettre morte (2.).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1) Nature et régime juridique

Originellement, l’amende est une sanction pécuniaire prévue par la loi civile et

prononcée par une juridiction civile pour sanctionner, soit le fait de se soustraire à

une charge, soit un abus dans l’usage des voies de droit551

. Mais par une loi du 4 août

1956552

, l’article 1016 du Code général des impôts a autorisé les juridictions

administratives à condamner à une amende l’auteur d’une requête jugée abusive.

L’article R. 741-12553

du Code de justice administrative prévoit une amende pour

recours abusif devant les juridictions administratives depuis le décret du 20 janvier

1978. Initialement, le montant de cette amende était plafonné au montant maximum

des frais de justice, mais le décret du 20 janvier 1978 a fixé ce montant maximum à

10 000 francs. Le montant a été porté à 20 000 francs par le décret du 15 mai 1990.

Aujourd’hui et depuis un décret du 27 avril 2001, ce montant est fixé à 3 000 euros.

L’amende pour recours abusif n’est pas de nature fiscale554

ni pénale555

. Elle n’est

pas non plus de nature disciplinaire ou professionnelle556

. En outre, elle n’est pas

conçue pour être dissuasive557

. Elle se borne à sanctionner un requérant qui aurait dû

s’aviser de lui-même du caractère abusif de son recours558

. De ce fait, l’amende pour

recours abusif n’est pas jugée contraire559

aux articles 2560

et 17561

de la Déclaration

551 CABRILLAC (R.), Le dictionnaire de vocabulaire juridique de l’étudiant en licence de droit,

Lexis Nexis, Litec, Paris, 2009, 383 p. 552

Loi no 56-780, 4 août 1956, art. 48.

553 V. Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p.20 ;

KHDIR (M.), Le recours abusif devant le juge administratif, Rev. adm., 1991, p. 520 ; RICHER (L.),

L’amende pour recours abusif devant le Conseil d’État et les tribunaux administratifs, AJDA, 1983,

p. 451. 554

CE, ass., 12 oct. 1979, Rassemblement des nouveaux avocats de France et a., Rec. Lebon, p. 370 ;

concl. FRANC (M.), JCP, 1980. II, no 19288 ; note BORE (J.), ibid. ; note BENABENT (A.), D.,

1979, p. 606 ; DUBOUY (L.), AJDA, 1980, p. 248. 555

Ibid. 556

CE, 9 nov. 1984, R.VIENNOT, no 37032 ; CE 5 avr. 1993, COZ, n

o 99656, Rec. Lebon, T., p. 970.

557 En sens contraire, René CHAPUS indique que cette amende est d’abord destinée à dissuader, dans

l’intérêt d’une bonne administration de la justice les requérants processifs, et ensuite à punir ceux que

leur tempérament processif a entrainés jusqu’à l’acharnement procédural. Cf. CHAPUS (R.), op. cit.,

Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public, Montchrestien Lextenso

éditions, 13e éd., Paris, 2008, p. 1077, n

o 1187.

558 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 208, Rub. Frais de justice,

in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 559

CE, 18 oct. 2000, POILLY, no 194029, Rec. Lebon, T., p. 1173.

560 DDHC 1789, art. 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels

et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à

l’oppression ».

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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des droits de l’homme et du citoyen, ni aux principes constitutionnels562

, ni aux

principes généraux du droit563

, ni à l’article 6 § 1er

, de la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme564

, ni au Pacte international des droits civils et

politiques565

.

La compatibilité de l’amende avec l’article 6, § 1er

de la Convention européenne de

sauvegarde des droits de l’homme a été admise successivement par la Commission566

et par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière a jugé que

« l’article 6 n’interdit pas aux États contractants d’édicter les réglementations

régissant l’accès des justiciables à une juridiction, pourvu que ces réglementations

aient pour but d’assurer une bonne administration de la justice ; tel est sans nul doute

l’objet des réglementations relatives à la saisine d’une juridiction de recours et,

notamment, celles dont le but est de se prémunir contre des plaideurs téméraires567

».

L’amende pour recours abusif n’existe pas sans texte. Cela signifie que l’amende

suppose donc nécessairement l’existence d’une instance contentieuse. En outre, elle

ne peut être infligée qu’au requérant fautif d’avoir abusivement agi. Elle vise à

sanctionner l’acharnement et les chicaneurs568

En droit administratif, elle est prévue

par l’article R. 741-12 du Code de justice administrative qui dispose :

Le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une

amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros.

C’est pourquoi elle est applicable dans le cadre des contentieux d’urbanisme.

Par ailleurs, cette amende peut être prononcée par toutes les instances ou formations

de la juridiction. En d’autres termes, et comme nous l’avons dit plus haut, ont donc

compétence pour prononcer cette sanction la formation collégiale comme le juge des

référés, les présidents des tribunaux administratifs, les présidents des cours

561 DDHC 1789, art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si

ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition

d’une juste et préalable indemnité ». 562

CE, 31 oct. 1980, Féd. Nat. des unions de jeunes avocats, Rec. Lebon, p. 394. 563

Préc. CE, 25 juill. 1986, CASANOVAS, Rec. Lebon, T., 1986, p. 669, Drt adm., 1986, no 552 ; note

MOUSSA (T.), Quot. Jur., 15 mars 1988. 564

Ibid. 565

Préc. CE, 6 mai 1988, BARQUE et MELKI, Rec. Lebon, T., p. 964. 566

Comm. EDH 2 juill. 1991, Sté Les travaux du Midi, note FLAUSS (J.-F.) et PIETRI (J.-P.), AJDA,

1991, p. 809. 567

CEDH, 15 oct. 2005, MAILLARD c. France, aff. no 35009/02, § 35, Constr.-Urb., 2011, Focus 46.

568 Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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administratives d’appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les

présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours lorsqu’ils statuent par

ordonnance en application des dispositions de l’article R. 222-1 du Code de justice

administrative reprises de l’article L. 9 du Code des tribunaux administratifs et des

cours administratives d’appel569 et 570

. Seul le juge peut décider d’infliger cette

amende571

. En outre, le pouvoir d’infliger une amende pour recours abusif qui lui est

conféré n’est pas soumis à une exigence de motivation spéciale572

.

Cette amende, lorsqu’elle est prononcée, ne peut être infligée qu’au seul requérant

qui a initié la procédure. Sont donc, par conséquent, exclues du champ d’application

de la sanction les tierces personnes qui ont assisté le requérant, y compris si elles ont

cosigné la requête avec le requérant573

. Sont également exclus de son champ les

intervenants et les défendeurs574

. De plus, en toute hypothèse, l’État ne commet

jamais d’abus575

.

S’agissant des critères du caractère « abusif » au sens de l’article R. 741-12, il faut

procéder par une définition négative de ces critères et dire ce que n’est pas une

requête abusive au sens dudit article. La requête ne peut être qualifiée d’abusive dès

lors que le requérant a pleinement obtenu satisfaction576

. En revanche, la requête peut

être considérée comme abusive dans une hypothèse où le requérant a partiellement

569 HAIM (V.), op. cit., Nature juridique de l’amende pour recours abusif, § 212, Rub. Frais de justice,

in Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, Paris, mars 2014. 570

V. CAA Lyon, 28 janv. 1997, D. COUDERC, no 96LY02412.

571 CE, 27 février 1987, BERTIN, n

o 38482, Rec. Lebon, T., p. 892.

572 CE, 17 nov. 1999, Sté SODEX, n

o 199098 ; CE, sect., 9 nov. 2007, Mme POLLART, n

o 293987,

Rec. Lebon, T., p. 1024, concl. OLSON (T.), RFDA, 2008, p. 137 ; note DELZANGLES (B.), AJDA,

2008, p. 821, note MELLERAY (F.), RDA, 1/2008, no 11.

573 CE, 11 oct. 1996, Mme EL HAJJZAIN, Assoc. « La défense libre » et A. BERTIN, n

o 168545,

inédit ; CE, 10 mars 1995, A. BERTIN, no 127751, inédit.

574 CE, 3

e et 5

e SSR, 15 mars 1988, Cne de Lompnieu, n

o 69313, Rec. Lebon, p. 969 ; OSLON (T.),

L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137. 575

CE, ass. 27 avril 1979, Ministre délégué à l’économie et aux finances c. Mme LESTRADE,

no 11485, Rec. Lebon, T., p.172, concl. THERY (J.-F.) ; WALINE (M.), RDP, 1980, p. 1165.

Commentant cette décision, Marcel WALINE souligne que condamner l’État à l’amende serait aussi

utile qu’un « coup d’épée dans l’eau ». En effet, l’État condamné, il devrait se verser l’amende à lui-

même. En sens contraire, Jean-François THERY souligne qu’une condamnation de principe de l’État

permettrait de condamner moralement les dysfonctionnements internes, ce à quoi l’opinion publique

pourrait être sensible. 576

CE, 21 oct. 1994, Comité de défense intercommunal de Maisons-Mesnil-le-Pecq,

no 144617, Rec. Lebon, T., p. 1130 ; D.A., 1993, n

o 676, RDP, 1995, p. 1665 ; v. également préc.

FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif ; AJDA, 2000, p. 20 ; préc. OLSON

(T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137 ; DELZANGLES (B.), Le contrôle du

Conseil d’État sur l’amende pour recours abusif, AJDA, 2008, p. 821.

Page 195: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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obtenu satisfaction577

et a fortiori lorsqu’il n’a pas obtenu satisfaction. En matière de

contentieux de l’urbanisme, l’amende est peu appliquée et correspond à des cas

d’abus manifestes578

.

La faculté prévue par les dispositions de l’article R. 741-12 précité constitue un

pouvoir propre du juge. Les conclusions d’une des parties tendant à voir condamner

le requérant à une telle amende ne sont pas recevables et ne peuvent qu’être

rejetées579

. La possibilité d’admettre que les parties puissent inviter le juge à

prononcer cette amende a pourtant été envisagée par le rapport PELLETIER580

dans

le cadre des propositions formulées pour une meilleure sécurité juridique des

autorisations d’urbanisme.

2) La proposition du rapport PELLETIER

L’une des propositions du rapport PELLETIER vise à faciliter la sanction des

recours abusifs. Mais, après avoir constaté la « répugnance » traditionnelle des

juridictions administratives à infliger cette amende, l’idée d’augmenter le quantum

de l’amende est écartée tout comme l’idée d’introduire une procédure de demande de

dommages-intérêts (a.). En revanche, il est proposé de faciliter la sanction des

recours abusifs en permettant aux parties de solliciter dans leurs conclusions que le

juge relève l’abus de droit (b.).

a. Les solutions rejetées

Il ressort du rapport PELLETIER que la majoration substantielle du quantum de

l’amende (i.) et l’introduction d’une procédure de demande d’allocation de

577 CE, 28 juin 1993, PADRITGE, n

o 66031, Rec. Lebon, p. 969 ; Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au

juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 578

CE, 6e et 5

e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de Marseille, n

o 354026, inédit ; concl.

VIALETTES (M.), BJDU, no 5/2013, p. 376.

579 Pour une illustration en matière de permis de construire, cf. CAA Marseille, 7 mai 2010,

no 08MA03457 ; CAA Versailles, 14 mars 2013, n

o 11VE01304 ; CE, 23 janv. 2008, Époux MAZO,

no 308591, Rec. Lebon, T. ; note MONTECLER (de) (M.-C.), Le recours abusif devant le juge des

référés, D. actu., 4 févr. 2008. 580

Préc. PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail créé par

M. PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions pour une meilleure

sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », dit rapport PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janv.2005.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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dommages-intérêts devant le juge administratif (ii.) ont été écartées des solutions

jugées satisfaisantes.

i. Rejet d’une majoration du quantum de l’amende

Les auteurs du rapport PELLETIER prennent tout d’abord acte de la « répugnance »

des juridictions administratives à infliger une amende d’un montant « modeste581

».

Ils en tirent, et avec justesse nous semble-t-il, la conséquence qu’une majoration du

quantum de l’amende ne devrait pas davantage inciter ces mêmes juridictions à

modifier leurs comportements et à faire plus souvent application de l’amende. Dès

lors, une majoration substantielle de l’amende pour recours abusif prévue par

l’article R. 741-12 précité ne peut pas constituer une solution satisfaisante.

En outre, les auteurs du rapport observent que dans les rares cas où elle est

prononcée, l’amende est encaissée par le Trésor public. Il en résulte que le

mécanisme de cette amende pour recours abusif est par essence insusceptible de

réparer le préjudice subi par la victime du recours abusif582

.

ii. Rejet d’une procédure de dommages-intérêts

Les auteurs du rapport indiquent avoir été invités lors des auditions à proposer que le

défendeur-bénéficiaire de l’autorisation « contestée dans des conditions constitutives

d’un abus de droit, puisse solliciter du juge administratif saisi de la demande

d’annulation, la condamnation du requérant à des dommages-intérêts583

».

Mais, ils indiquent encore que cette solution n’a pas été jugée satisfaisante. En effet,

selon les auteurs du rapport, l’intérêt de la recommandation ne justifiait pas une

« telle entorse aux règles traditionnelles de répartition des compétences entre les

deux ordres de juridictions584

».

Cependant, la même recommandation a été faite aux auteurs du rapport

LABETOULLE. Et les mœurs évoluant, ces derniers ont quant à eux jugé l’intérêt de

581 Ibid. p. 60.

582 Ibid. p. 61.

583 Ibid.

584 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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la recommandation suffisant pour en faire une proposition. Et cette dernière n’est pas

restée lettre morte puisqu’elle a inspiré la création de l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme. Cet article introduit dans le Code de l’urbanisme une procédure de

demande reconventionnelle en dommages-intérêts devant le juge administratif, au

cours du procès intenté contre l’autorisation d’urbanisme585

.

b. La solution préconisée

En revanche, les auteurs du rapport PELLETIER observent qu’il serait plus aisé pour

la victime d’un recours abusif d’exercer une action en responsabilité devant le juge

judiciaire, si le juge administratif, en rejetant le recours, l’avait précisément qualifié

de recours abusif.

En pratique, les conclusions invitant le juge à infliger une amende pour recours

abusif sont irrecevables586

. Aussi les auteurs du rapport indiquent, de manière

alambiquée, d’une part que le juge serait peut-être plus à l’aise s’il n’avait qu’à

qualifier le recours abusif en tant que tel sans être tenu de prononcer une amende. Et

d’autre part ils indiquent que, si les conclusions invitant le juge à infliger l’amende

pour recours abusif sont irrecevables, il serait néanmoins souhaitable que la

procédure permette aux défendeurs d’inciter le juge à relever l’abus de droit du

requérant, là aussi, indépendamment du prononcé d’une amende pour recours abusif.

À ce titre, les auteurs émettent la recommandation consistant à permettre au

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme critiquée de demander au juge

administratif de relever, lorsqu’il y a lieu, l’abus de droit du requérant et inciter le

juge à y procéder587

.

Restée lettre morte, cette proposition appellent deux observations nuancées.

Tout d’abord, s’il est vrai qu’introduire un mécanisme pour aider le juge à identifier

l’abus peut sembler une solution intéressante, car elle permettrait peut-être de

qualifier plus souvent les abus quand il y en a. En cela, il nous semble que la

585 Ce nouveau mécanisme fait l’objet d’un développement spécifique dans le titre second.

586 Préc. CE, 23 janv. 2008, Époux MAZO, n

o 308591, Rec. Lebon, T. ; note MONTECLER (de) (M.-

C.), Le recours abusif devant le juge des référés, D. actu., 4 févr. 2008. 587

Préc. Rapport PELLETIER, p. 61.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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proposition présente un certain intérêt, notamment dans une perspective de suivi

statistique.

Ensuite, s’il est vrai également que les juridictions administratives répugnent à

prononcer l’amende pour recours abusif, il ne peut en être déduit qu’il faut saborder

pour autant le dispositif de sanction de l’article R. 741-12. En d’autres termes, on

imagine mal quel intérêt il y aurait à maintenir un article R. 741-12 prévoyant une

sanction qui, par l’effet d’une sorte d’accord tacite commun, ne serait jamais

appliquée. Et par suite on imagine mal quel intérêt il y aurait à dispenser les juges

administratifs de tirer les conséquences de leurs constatations et de leurs propres

qualifications. L’argument avancé par les auteurs est celui d’inciter, par cette

qualification, le juge judiciaire, mais là encore, on voit mal en quoi le juge judiciaire

serait lié par une qualification dont même son auteur n’a pas voulu tirer les

conséquences.

C’est donc sans doute une bonne chose que cette proposition soit restée lettre morte.

B. Présentation de la controverse

Faut-il maintenir le dispositif de l’amende pour recours abusif ? À la lueur des

commentaires doctrinaux et de la pratique juridictionnelle relative à l’amende

abusive, la question du maintien du dispositif peut être posée. Presque unanimement,

la doctrine se montre réticente à l’égard du dispositif de l’amende pour recours abusif

(1.). Toutefois, il nous semble que sa suppression pure et simple ne peut être

envisagée sans appeler un certain nombre d’éléments de nuance (2.).

1) Les réticences de la doctrine

Le libre accès des administrés au juge et la liberté d’user des droits de recours

juridictionnels offerts par la loi sont des principes inscrits de longue date dans la

tradition républicaine et démocratique. Il en résulte que, en principe, le juge

administratif ne peut priver un administré du droit de former au moins un recours

Page 199: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

199/480

pour excès de pouvoir contre tout acte administratif lui faisant grief588

. De même,

l’administré ne peut pas être privé du droit de former au minimum un pourvoi en

cassation devant le Conseil d’État contre toute décision d’une juridiction

administrative589

.

En outre, ainsi qu’il a été rappelé, l’accès au juge est un principe de valeur

constitutionnelle. Rappelons que le Conseil constitutionnel a déduit de l’article 16 de

la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qu’« il résulte de cette

disposition qu’en principe il ne doit pas être porté d’atteintes substantielles au droit

des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction590

».

Mais comme le rappelle Terry OLSON dans ses conclusions dans l’affaire

POLLART591

, le droit d’accès au juge n’est pas absolu et trouve sa limite naturelle

dans une « utilisation excessive, abusive de ce droit592

».

Cette amende a pour objet de punir. Mais plus précisément, et ainsi que Marc

HEINIS, conseiller à la cour administrative d’appel de Bordeaux, a pu le préciser,

l’amende pour recours abusif vise à « compenser le coût pour la collectivité du

service public de la justice, aujourd’hui gratuit, qui a inutilement fonctionné, à

sanctionner la désinvolture à l’égard du juge ou le refus de s’incliner devant ses

décisions, à dissuader les plaideurs d’introduire des recours abusifs qui encombrent

les juridictions et donc retardent le jugement des requêtes fondées des tiers et à

sanctionner un comportement préjudiciable à l’adversaire inutilement pris à partie

devant la justice593

».

Dans le même sens, certains auteurs indiquent que l’amende pour procédure abusive

repose sur des fondements théoriques complexes, mais les textes juridiques qui

l’établissent sont contestables594

. Ainsi, Éric CALLON souligne que le droit au juge

est une liberté publique équivalente à un principe général du droit et que, par

conséquent, seule une loi peut limiter ou restreindre ce principe. Par voie de

conséquence, le droit au juge étant une liberté publique qui relève du champ

588 Préc. CE, ass., 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon, p. 110 ; concl. DELVOLVE (J.), note

WALINE (M.) ; RDP, 1951, p. 478 ; S. 1950, III, p. 65 ; GAJA, 18e éd., D. 2011, n

o 61, p. 394.

589 CE, ass., 7 févr. 1947, M. D’AILLIERES, Rec. Lebon, p. 50, note MORANGE (G.) JCP, 1947, II,

p. 3509 ; concl. ODENT (R.), RDP, 1947 et note WALINE (J.), ibid. 590

Cons. const., 9 avr. 1996, no 96-373 DC ; Cons. const., 23 juill. 1999, n

o 99-416 DC.

591 Préc. OSLON (T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137.

592 Ibid.

593 Note HEINIS (M.), ibid.

594 CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, n

o 62, p. 4,

réf. no PA200006201.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’application de l’article 34 de la Constitution, elle relève de la sauvegarde du

législateur. Il en résulte que seul le Parlement peut établir les limites au droit au juge

et indiquer le seuil à partir duquel un individu abuse de cette liberté et doit être

sanctionné. Or, les dispositions du Code de justice administrative et celles du décret

de 1963 relatif à la procédure devant le Conseil d’État sont de nature réglementaire.

Alors que, souligne Éric CALLON, aucun texte législatif n’a autorisé le pouvoir

réglementaire à restreindre une liberté publique595

. Cependant, et en sens contraire,

Marc HEINIS, observe que « le pouvoir réglementaire a pu fixer cette règle générale

de procédure sans méconnaître l’article 34 de la Constitution, alors même qu’en

vertu de cet article le libre exercice du droit d’agir en justice relève de la loi, dès lors

que l’amende n’est ni une sanction pénale, ni un impôt596

». À ces observations, il

peut encore être souligné que l’amende pour recours abusif n’est rien d’autre que la

sanction d’une faute, la faute commise par un justiciable qui a fait une utilisation

excessive injustifiée du droit de saisir le juge597

.

Mais en réponse à cet argument de légitimité ou à tout le moins de régularité de

l’amende qui n’est pas une sanction pénale ni un impôt, les détracteurs de cette

amende, comme l’illustre la note d’Éric CALLON, invoquent le caractère illégal de

l’amende. En effet, indique l’auteur, même si la loi de 1956 pouvait être considérée

pour justifier cette limitation réglementaire du droit d’agir en justice, les dispositions

du Code de justice administrative et du décret de 1963 sont devenues illégales598

. En

outre, seule la loi peut restreindre ou limiter un principe général du droit puisque les

principes généraux du droit s’imposent à toute autorité réglementaire même en

l’absence de dispositions législatives. En ce sens, le commissaire du gouvernement,

Jean FOURNIER, dans ses conclusions dans l’affaire Syndicat des ingénieurs-

conseils599

, indique qu’il faut « ranger l’égalité des citoyens, la garantie des libertés

essentielles, la séparation des pouvoirs et l’autorité de la chose jugée, la non-

rétroactivité des actes de la puissance publique et l’intangibilité des droits acquis, le

droit pour le citoyen de contester les actes du pouvoir, droit qui a une forme passive

595 Ibid.

596 HEINIS (M.), L’amende pour requête abusive devant le juge administratif, Gaz. Pal., 29 janv.

1999, p. 2. C’est l’explication donnée par le Conseil d’État, ass., 31 octobre 1980, FNUJA, Rec.

Lebon., p. 395 ; mais cet arrêt est antérieur à la décision du Conseil constitutionnel du 2 décembre

1980. 597

Préc. OLSON (T.), L’amende pour recours abusif, RFDA, 2008, p. 137. 598

Préc. CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, no 62,

p. 4, réf. no PA200006201.

599 CE, 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs-conseils, Rec. Lebon, p. 94 ; chron. COMBARNOUS

(M.), AJDA, 1959, I., p. 153 ; concl. FOURNIER (J.), RDP, 1959, p. 1004.

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(respect de la défense) et une forme active (faculté de former un recours pour excès

de pouvoir) » dans la catégorie des règles qui s’imposent à l’autorité réglementaire

même lorsqu’elle n’est pas limitée par la loi.

De plus, et sous réserve que la loi de 1956 soit encore valide, le montant de l’amende

en constante augmentation depuis 1977 par la voie réglementaire pose également une

difficulté. En effet, une telle augmentation n’est pas comprise dans les limites de la

dérogation instituée par la loi de 1956. En ce sens, Jean-François FLAUSS indique

que l’amende pour recours abusif « en tant que limite inhérente du droit d’agir en

justice, elle n’est pas à l’abri de tout risque de censure dès lors qu’elle frapperait au

maximum de son quantum, dans une affaire dépourvue d’enjeu financier direct, un

requérant peu fortuné600

».

En outre, Jean-François FLAUSS et Jean-Paul PIETRI soulignent que l’absence de

motivation du caractère abusif du recours pose également un problème. Si elle

contribue à préserver le pouvoir d’appréciation du juge, l’absence de motivation

apparaît critiquable au regard du respect des droits du justiciable. En effet, il est

difficile d’identifier les circonstances de l’espèce qui ont conduit le juge à retenir le

caractère abusif du recours du requérant et au prononcé de la sanction601

.

Enfin, d’autres auteurs s’étonnent, pour leur part, qu’il puisse y avoir abus d’un droit

fondamental. La jurisprudence n’est pas figée, et chacun peut croire d’une part qu’il

a raison, et d’autre part, qu’un revirement jurisprudentiel est possible602

. Au surplus,

l’amende prononcée en première instance malmène le principe de double degré de

juridiction603

. Tout ceci conduit in fine à déprécier la qualité du droit alors même que

le droit au recours, droit fondamental, avait pour but de la renforcer604

.

Il ressort de cette présentation des éléments de controverse que l’amende pour

recours abusif semble reposer sur des bases théoriques friables et discutables, et

établie par des textes ne respectant pas la hiérarchie des normes. Les arguments des

détracteurs de l’amende pour recours abusifs montrent la nature contestable de cette

procédure. En outre, peu appliquée, la question de sa mise en cause a pu être

600 FLAUSS (J.-F.) et PIETRI (J.-P.), L’amende pour recours abusif ne porte pas atteinte au droit à un

procès équitable, AJDA, 1991, p. 811. 601

Ibid. 602

Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20. 603

Ibid. 604

LE FRIANT (M.), L’accès à la justice, in Droits et libertés fondamentaux, sous la dir. de

CABRILLAC (R.), FRISON-ROCHE (M.-A.) et REVET (T.), Dalloz, 4e éd. 1997, n

o 529, p. 355.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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évoquée. Enfin, un auteur a pu se demander si la méfiance que traduit l’amende

envers le justiciable est encore justifiée à l’époque contemporaine605

.

2) Éléments de nuance

Faut-il encore se méfier du justiciable à l’époque contemporaine ? Il semble qu’il le

faille. En effet, les requérants processifs, même s’ils représentent une faible

proportion des recours, sont toujours plus ingénieux, plus retors pour chercher la

chicane606

. Par ailleurs, les recours abusifs d’ordre « mafieux » se sont développés

ces dernières années paralysant les projets, retardant les communes dans l’attente de

leurs objectifs de construction et instrumentalisant le juge.

S’agissant de la régularité de l’origine réglementaire de l’amende, il a été jugé que

l’amende qui n’a ni le caractère d’une sanction pénale, ni celui d’un impôt, relève du

pouvoir réglementaire et non du législateur607

.

S’agissant de la question de la remise en cause de l’amende pour recours abusif, un

peu d’optimisme608

conduit à considérer que si la Commission européenne des droits

de l’homme et le Conseil d’État ont validé à plusieurs reprises et sous des angles

différents le dispositif, ils n’ont quand même pas pu totalement se fourvoyer.

En effet, la Commission européenne des droits de l’homme admet que l’abus du droit

d’agir soit sanctionné en droit interne par une amende pour recours abusif609

et admet

que « l’amende pour recours abusif constitue un système similaire à ceux en vigueur

dans d’autres États contractants et dont le but est de se prémunir contre des plaideurs

téméraires, assurant une bonne administration de la justice en évitant l’engorgement

du rôle des juridictions, source d’allongement des procédures610

». En outre, si la

Commission accepte l’absence de motivation propre à justifier le prononcé de

605 Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.

606 Cf. préc., LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554 ; CASSIA (P.), Entre

droit et psychiatrie : la quérulence processuelle, AJDA, 2006, p. 1185. 607

CE, ass., 11 févr. 1977, Groupe des industries métallurgiques et minières de la région parisienne

et autres, nos

97407, 97408 et 97413, Rec. Lebon, p. 81 ; concl. GENTOT, Drt soc., 1978, p. 39. 608

V. CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, p. 1076, n

o 1187.

609 Comm. EDH, avis, 14 juill. 1987, P. c/France, DR 52, N

o 10-412/83 ; Comm. EDH, 2 juill. 1991,

RIO c/France, No 13-487/88 ; Comm. EDH, 16 mai 1997, N

o 7674/76.

610 Comm. EDH, avis du 2 juill. 1991, Sté Les Travaux du Midi c/France, v. préc. FLAUSS (J.-F.) et

PIETRI (J.-P.), AJDA, 1991, p. 809.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

203/480

l’amende, c’est parce que celle-ci n’a pas d’effet dissuasif et parce que le Conseil

d’État a « amplement examiné les moyens qui lui étaient soumis ».

De plus, comme le souligne sur ce point Patrick FRAISSEIX, l’amende pour recours

abusif est une technique de bonne administration de la justice611

. En effet, explique

l’auteur, avec justesse, « si “différer la justice est faire acte d’injustice” selon La

Bruyère, il convient de favoriser toute mesure susceptible d’éviter un engorgement

paralysant (pour la société) et démoralisant (pour les justiciables) des prétoires612

».

Or, la bonne administration de la justice doit être entendue comme un principe

directeur de l’organisation du contentieux administratif613

même si une partie de la

doctrine considère que la bonne administration de la justice n’est qu’une formule

commode et incantatoire permettant d’imposer des solutions de manière

péremptoire614

. Il faut entendre cette notion de bonne administration de la justice

comme un instrument du juge et non comme un droit du justiciable615

. C’est la raison

pour laquelle l’amende pour recours abusif relève du pouvoir du juge et ne peut être

relevée par l’une ou l’autre des parties au procès. La Commission européenne des

droits de l’homme valide cette analyse retenant que l’article 6 § 1er

de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen n’empêche pas les

États contractants de réglementer l’accès aux juridictions de recours, pour assurer

une bonne administration de la justice616

, notamment par l’imposition d’une amende

pour recours abusif617

.

En outre, dans la mesure où l’amende pour recours abusif ne porte pas atteinte, par

son montant (assez faible618

aux regards des enjeux des projets de construction619

) et

611 Préc. FRAISSEIX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.

612 Ibid.

613 BOISSARD (S.), La notion d’acte dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul

tribunal administratif, concl. sur CE, 25 avr. 2001, Association Choisir la vie, no 216521 (deux

espèces), AJDA, 2002, p. 544. 614

MEYNAUD (A.), La bonne administration de la justice et le juge administratif, RFDA, 2013,

p. 1029 ; GONOD (P.), Introduction à la notion de bonne administration de la justice en droit public,

Just. et cass., 2013, p. 31. 615

Ibid. 616

Comm. EDH, 9 mai 1994, (It.), No 15384/89, 75/5 ; Comm. EDH, 29 juin 1994, HAVAZ c/CZ,

No 23256/94, 78/139 ; Comm. EDH, 9 janv. 1995, (Fra.), N

o 20373/92, 80/56 ; Comm. EDH, 16 avril

1998, MARTINS COELHO c/Portugal, No36944/97, 93/116.

617 Préc. Comm. EDH, 9 mai 1994, (It.), N

o 15384/89, 75/5.

618 V. en ce sens, GUINCHARD (S.), Procès équitable, in Répertoire de procédure civile, Dalloz,

janv. 2014, art. 4 § 172.

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par son caractère non automatique puisque les juges rechignent à la prononcer, à la

substance même du droit d’accès à un tribunal, il n’y a pas de raison assez fondée

pour justifier de la remise en cause pure et simple de l’amende dans son principe620

.

Enfin, la finalité du mécanisme de l’amende pour recours abusif mérite une attention

particulière et permet de nuancer les critiques des détracteurs du dispositif. En effet,

l’amende pour recours abusif ne pénalise pas le droit au recours proprement dit. Elle

ne punit que l’abus. Et c’est en cela, que l’amende n’est pas contraire à la

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen.

En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent qu’identifier

des remèdes est une tâche délicate. Des propositions ont été faites. Mais elles se sont,

pour la plupart, révélées insatisfaisantes qu’il s’agisse de la proposition d’instaurer

une procédure de référé recevabilité, ou d’une consignation préalable au recours en

annulation, ou encore de l’aggravation du régime de l’amende pour recours abusif.

Plusieurs rapports ont été déposés sur le sujet. Le rapport PELLETIER a fait un

certain nombre de propositions qui sont pour l’essentiel restées lettre morte. Il a

notamment proposé d’augmenter le quantum du montant de l’amende pour recours

abusif. Mais l’essence de ce régime suscitant toujours le débat, la proposition n’a pas

été retenue. Le rapport a également proposé d’instaurer une procédure de dommages-

intérêts. Cette proposition n’a pas été suivie. Pourtant, elle est reproposée dans le

rapport LABETOULLE et se traduit, dans la réforme de 2013, par l’introduction

d’une faculté de demander des dommages-intérêts de manière reconventionnelle.

619 Même si, comme l’indique Éric CALLON, le montant représente un bon mois de salaire. Cf. Préc.

CALLON (E.), L’abus du droit au juge peut-il être sanctionné ?, LPA, 28 mars 2000, no 62, p. 4, réf.

no PA200006201.

620 V. en ce sens, préc. GUINCHARD (S.), Procès équitable, in Répertoire de procédure civile,

Dalloz, janv. 2014, art. 4 § 172.

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CONCLUSION DU CHAPITRE 3

Ut olim flagitiis, sic nunc legibus laboramus

Tacite, Ier

s. ap. J.-C.621

« Autrefois, nous souffrions de nos vices, maintenant des lois » disait Tacite622

au

Ier

siècle après Jésus-Christ. Et nous ne pouvons que nous en faire l’écho vingt

siècles plus tard.

Il est certain que l’inflation législative est un facteur de l’insécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. En outre, il ne fait aucun doute que la

multiplication de ces procédures constitue un risque juridique et que des solutions de

simplification doivent être recherchées en vue de renforcer la sécurité juridique de

processus très complexes623

. Par ailleurs, le réflexe consistant à recourir à l’amende

doit être écarté des remèdes potentiels. En effet, le mécanisme de l’amende pour

recours abusif ne fonctionne pas. En outre, il en ressort que l’insécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme dans leur recours contre les tiers est une

réalité.

Il est nécessaire de ne pas laisser perdurer cette situation d’insécurité tant pour des

raisons économiques et que sociales. Il est également nécessaire de ne pas laisser ce

développement de l’instrumentalisation du juge administratif, et ce quand bien même

les recours abusifs ne représentent qu’une faible partie de l’ensemble des recours. Le

législateur a conscience de cette nécessité. C’est pourquoi, il a cherché à réagir. Il a

étudié la problématique. Il a requis des rapports sur la simplification et la

sécurisation du droit. Il a adopté nombre de mesures. Il a raboté par certaines

mesures le droit au recours des tiers et a fait du contentieux de l’urbanisme un droit

sui generis. Ce faisant, il est sans doute bel et bien tombé de Charybde en Scylla.

621 Tacite, Annales, T. 1, Livre III, chap. XXV, Les Belles Lettres, 7

e éd., 2013, Paris, 402 p.

622 Ibid.

623 Préc. JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du 2 juillet 2003, AJDA,

2003, p. 1607.

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206/480

Au fil de ces réformes successives, et exception faite de l’ordonnance du 18 juillet

2013624

, plusieurs mécanismes ont été instaurés pour tenter de refréner les recours (et

pas seulement abusifs) et ainsi tenter de relancer la construction. Il s’agit notamment

des articles L. 600-3 et R.* 600-1 imposant une notification préalable à l’introduction

de tout recours. Cette obligation a été introduite par la loi du 9 février 1994, et de

l’exception au principe de l’économie des moyens introduite par la même loi. Il

s’agit également de l’article L. 600-1-1 introduit dans le Code de l’urbanisme par la

loi du 13 juillet 2006 limitant la recevabilité des associations à agir contre une

autorisation d’urbanisme à celles ayant déposé leurs statuts en préfecture

antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire, et de l’article

L. 600-5, admettant le principe de divisibilité du permis et permettant au juge de

prononcer une annulation partielle, introduit par la même loi.

Sous l’effet de cette inflation législative, le droit de l’urbanisme est devenu un droit

complexe, difficile d’accès et en fin de compte un droit propice aux conflits

d’interprétation, aux erreurs des acteurs qui ont des difficultés à se tenir informés de

règles éphémères et subtiles à articuler entre elles et dans le temps. In fine, il en a

résulté une plus grande insécurité juridique encore pour le bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme.

Pourtant, des propositions ont été formulées. Mais lorsqu’elles n’étaient pas déjà

dépassées, elles n’étaient pas pour autant satisfaisantes. Cela s’explique par la nature

de la sécurité juridique à protéger et par la nature du recours à maîtriser. Le droit au

recours est un droit constitutionnel et fondamental. Tandis que la sécurité juridique

d’une autorisation administrative portant sur des droits à construire en période de

purge des recours (et donc, par hypothèse, une autorisation administrative non

définitive) n’est, pour ainsi dire, rien. Mais la sécurité juridique de l’administré est

plus large. La sécurité juridique de l’administré, et donc aussi lorsqu’il est le

bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, consiste aussi dans la prévisibilité des

normes et de leur clarté. Elle consiste, en outre, dans le droit de ne pas se laisser

entraîner dans une spirale contentieuse et dans le droit de pouvoir compter sur le juge

pour mettre un holà aux abus d’autres administrés qui se jouent du juge. Mais pour le

juge de la légalité d’un acte, l’appréciation de l’abus du requérant est délicate. Pour

un peu, c’est à peine son rôle, bien qu’il dispose du pouvoir de condamner le plaideur

abusif à une amende. Et l’inflation législative favorisant les conflits d’interprétation,

chacun peut croire avec acharnement et de bonne foi qu’il a raison.

624 Nous analysons cette ordonnance dans notre titre second.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Pour conclure sur ces observations, l’inflation législative concourt à créer de

l’insécurité juridique pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Elle favorise

le contentieux et donc favorise également les contentieux abusifs. Par conséquent,

elle est un facteur de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme. Et paradoxalement, il faut « faire quelque chose » pour remédier à cette

problématique, c’est-à-dire prendre encore d’autres règles, sauf à révolutionner

purement et simplement le droit de l’urbanisme. Tout remettre à plat. En finir avec

les petites retouches ponctuelles…

Certes, mais quelles solutions faut-il retenir ? Les bons remèdes sont difficiles à

trouver. Et l’heure n’est pas à la révolution du droit de l’urbanisme puisque le

Gouvernement, habilité à légiférer par la loi du 1er

juillet 2013625

, vient à peine

d’adopter pas moins de sept ordonnances pour accélérer la construction. L’une de ces

ordonnances, l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de

l’urbanisme626

mérite une attention toute particulière au regard de notre

problématique relative à la sécurisation des autorisations d’urbanisme contre les

recours abusifs. Les mesures de cette ordonnance sont, pour certaines, innovantes et

devraient, au moins par leur écho médiatique, avoir un effet négatif sur les recours

abusifs, et espérons-le, un effet positif.

625 Préc. Loi, n

o 2013-569, 1

er juill. 2013, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature

législative pour accélérer les projets de construction, JORF, no 0151, 2 juill. 2013, p. 10985, texte n

o 1

(NOR : ETLX1309053L). 626

Préc. Ordonnance no 2013-638 du 18 juill. 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, NOR :

ETLX1317296R, JORF, no 0166 du 19 juillet 2013, p. 12070, texte n

o 24, art.-2.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU TITRE 1er

Il résulte de l’ensemble des observations qui précèdent que l’insécurité juridique est

bien une réalité. C’est une autorisation administrative particulière qui est aussi une

autorisation fragile. En effet, quoique nécessaire pour purger le droit d’actes illégaux,

le contrôle de légalité ouvert aux tiers la fragilise et rend la sécurité juridique des

autorisations d’urbanisme incertaine. Cette fragilité est, en outre, accrue de manière

déraisonnable lorsque le contrôle de légalité n’est qu’un prétexte à des recours

abusifs permis par une absence de régulation efficace. En effet, l’amende pour

recours abusif est une sanction inadéquate, et ne permet que rarement de punir les

requérants abusifs. Dès lors, sans régulation, les recours abusifs se multiplient. Ce

qui a pour conséquence de faire de l’insécurité juridique des autorisations

d’urbanisme une réalité.

Toutefois, l’absence d’une sanction réellement adaptée n’est pas le seul facteur de

cette insécurité subie par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux

recours abusifs des tiers. En effet, le dilemme qui existe entre le droit au recours et le

principe de sécurité est également un facteur structurel (et donc difficile à résoudre)

de l’insécurité juridique que subissent les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Le droit au recours et le principe de sécurité juridique sont de valeur inégale. D’un

côté, le droit au recours a une valeur constitutionnelle et fondamentale. Il a presque

une valeur sacrée. Tandis que de l’autre, la sécurité juridique souffre du manque de

reconnaissance officielle d’une valeur constitutionnelle. Elle n’est pas invocable en

tant que telle. En outre, elle s’accommode mal de la gestation des droits acquis que

peut faire naître une autorisation d’urbanisme qui ne devient définitive qu’après la

purge des recours. Or, c’est précisément dans cette période de purge des recours,

quand l’autorisation d’urbanisme peut encore être contestée, que l’insécurité de

l’autorisation d’urbanisme est la plus prégnante, et c’est bien pendant cette période

que le bénéficiaire ne peut invoquer utilement le droit à la sécurité juridique d’une

autorisation en gestation de droit acquis. Mais, il faut aussi dire que la sécurité

juridique ne consiste pas seulement au maintien d’une autorisation d’urbanisme. Elle

consiste aussi pour le bénéficiaire-défendeur au procès fait à son autorisation à ne pas

subir un procès dicté par l’acharnement, par la malveillance ou par la vénalité du

demandeur ; ou à tout le moins à ne pas la subir sans pouvoir faire reconnaître l’abus

dont il est victime. Bien sûr, il peut saisir le juge civil et engager lui-même un procès

pour faire constater l’abus dont il a été la victime, démontrer son préjudice (retard de

chantier et surcoûts sont aisés à démontrer). Et il peut, ainsi, espérer se voir allouer

une petite indemnisation. Mais, ce système est long, coûteux, incertain pour un

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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bénéficiaire déjà lassé d’une procédure acharnée qui a pu, et cela arrive souvent en

pratique, déboucher sur une transaction elle-même coûteuse. L’application de

l’amende pour recours abusif qui relève des pouvoirs du juge ne peut pas être

utilement invoquée par le bénéficiaire-défendeur. Il en résulte un sentiment de

« laisser pour compte » de l’administré bénéficiaire de l’autorisation litigieuse. Et ce

sentiment renforce le sentiment d’insécurité juridique que ressent le bénéficiaire qui,

désemparé, n’a pas les moyens de contre-attaquer face à l’abus. C’est pourquoi,

l’ordonnance du 18 juillet 2014 a introduit un mécanisme innovant consistant pour le

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme lorsqu’il se trouve entraîné dans une

spirale contentieuse abusive à pouvoir demander reconventionnellement au juge

administratif l’allocation de dommages-intérêts pour le préjudice subi causé par

l’abus du requérant.

L’abus du requérant n’est pas simple à appréhender. C’est une notion polymorphe

dont les critères sont difficiles à théoriser. Par conséquent, l’abus est une notion

délicate à manier et plus encore à sanctionner. En témoignent les réformes

successives qui ont, jusqu’à présent, toutes échoué à sécuriser les autorisations

d’urbanisme face à l’abus du droit au recours des tiers. Certes, identifier un remède

pour en finir avec cette insécurité et ce sentiment d’insécurité juridique est une

nécessité. Mais cette identification est une mission difficile pour le législateur, en

témoignent là les réformes successives et l’inflation normative qui trahit tacitement

un aveu d’échec en la matière tout comme le caractère insatisfaisant des propositions

émises par les uns ou les autres.

Pourtant, eu égard aux enjeux économiques, sociétaux, et juridiques, une meilleure

sécurité des autorisations d’urbanisme face aux recours abusifs est une nécessité. Si

les recours abusifs ne représentent qu’une faible part sur le nombre total des recours,

les enjeux qu’ils mettent à mal sont, quant à eux, conséquents. Et, il n’est pas

acceptable que des requérants usent du prétoire comme d’un marché pour négocier le

prix de leur désistement, et où le juge est instrumentalisé. Il n’est pas non plus

acceptable que le phénomène se multiplie et paralyse de nombreux projets de

construction, ce qui nuit à l’emploi, à l’économie et empêche les collectivités

d’atteindre leurs objectifs de construction de cinq cent mille logements dont cent

cinquante mille logements sociaux.

Après avoir montré la réalité de l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme face aux recours abusifs des tiers et après avoir souligné la nécessité

d’une meilleure sécurité juridique, il convient de poursuivre la réflexion avec

l’analyse des remèdes retenus ou à retenir pour une meilleure sécurité juridique.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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TITRE 2nd

: UN DROIT POSITIF À

ACTUALISER POUR ENDIGUER LES

RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES

PERMIS DE CONSTRUIRE

Il est vrai que, par une bizarrerie qui vient plutôt

de la nature que de l’esprit des hommes, il est

quelquefois nécessaire de changer certaines lois.

Mais le cas est rare ; et lorsqu’il arrive, il n’y faut

toucher que d’une main tremblante.

USDEK à RHEDI, 1719627

L’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours

abusifs des tiers est une réalité. Elle s’explique par divers facteurs. La pérennité

d’une telle situation ne saurait être admise. Dès lors, il convient d’identifier des

remèdes pour améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme contre les recours abusifs. Mais ces remèdes doivent être respectueux

du droit au recours des tiers, et plus largement de leurs droits. L’ordonnance du

18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme628

, largement inspiré du

627 Lettre CXXIX, USDEK à RHEDI, Venise, in MONTESQUIEU (Ch. de S.), Lettres persanes,

Livre VIII, Œuvres de MONTESQUIEU, DUPRAT-DUVERGER, ÉDITEUR 1823, Paris, 836 p.,

p. 70. 628

Préc. Ordo. no 2013-638, 18 juill. 2013, relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n

o 0166, 19

juill. 2013, p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R. V. commentaires : PASTOR (J.-M.),

Contentieux de l’urbanisme : moralisation et accélération du traitement des recours, D. actu, 26 juill.

2013 ; Avis CE, 6e et 1

re SSR, 18 juin 2014, Contentieux de l’urbanisme (ordonnance du 18 juillet

2013) : applicabilité immédiate aux instances en cours, Rec. Dalloz, 2014, p. 1378 ; MELLERAY

(F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif, AJDA, 2014, p. 1530 ;

LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897 Dossier AJDA, no 33/2013,

intitulé « La réforme du contentieux de l’urbanisme », avec les contributions de TREMEAU (J.), La

régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir, p. 1901 ; CREPEY (E.), Les

nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, p. 1905 ; MARIE (S.), Recours abusifs et recours

« mafieux » : la chasse est ouverte !, p. 1909.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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rapport LABETOULLE629

a récemment modifié le paysage des procédures du

contentieux de l’urbanisme en profondeur. L’ordonnance a introduit des dispositions

innovantes soufflées par le rapport LABETOULLE. Sans pour autant transformer

l’analyse en un commentaire de cette ordonnance, il est nécessaire de présenter le

rapport LABETOULLE et les nouveaux mécanismes introduits par l’ordonnance du

18 juillet 2013 en vue d’améliorer précisément la sécurité juridique des bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme contre les recours malveillants. Cette ordonnance a, en

outre, accentué les particularismes du droit de l’urbanisme en dépit des

préconisations reprises par l’ordonnance de « ne pas accentuer le particularisme, déjà

très marqué du contentieux de l’urbanisme sans de solides justifications même s’il ne

faut pas exclure que, sur tel ou tel point, il puisse montrer la voie630

».

L’ordonnance du 18 juillet 2013 visant à introduire des mesures en vue de lutter

contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des contentieux s’inscrit

dans un processus plus large et plus global visant à faciliter la réalisation

d’opérations d’aménagement et à accélérer la construction de logements. Ce

processus de réforme ne comprend pas moins de sept ordonnances631

sans compter

les décrets qui participent également au processus de réforme632

.

Dans le cadre de l’analyse des remèdes opérationnels susceptibles d’améliorer la

sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme contre les recours

abusifs sans malmener davantage le droit au recours des tiers, il convient de

présenter et d’analyser les nouveaux instruments de lutte contre les recours abusifs

(Chapitre 1). Ces nouveaux instruments ont donné naissance à un nouvel équilibre

entre les droits et les pouvoirs d’actions des tiers et les pouvoirs de réactions des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme litigieuses (Chapitre 2). Enfin, d’autres

sources de sécurisation doivent être évoquées. Certaines existent et pourraient être

développées ou adaptées, d’autres sont à créer (Chapitre 3).

629 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013. 630

Préc. LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897. 631

Présentées au chapitre précédent. 632

Préc. Dossier de presse, Ordonnances visant à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement

et à accélérer la construction de logement, Paris, 21 févr. 2014, http://www.territoires.gouv.fr/IMG/

pdf/140221_dp_ordonnances.pdf.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte

contre les recours abusifs

Pierre angulaire du carnet de route du deuxième Gouvernement AYRAULT mis en

place à compter de la deuxième nomination de Jean-Marc AYRAULT au poste de

Premier Ministre633

, la réforme des procédures administratives en matière urbaine a

pris forme de manière réfléchie et de manière concertée. Après un certain nombre de

déclarations à caractère plus ou moins officiel634

, c’est le 14 mai 2013, en réunion

ministérielle consacrée à la simplification des normes et procédures administratives

sous l’égide de François HOLLANDE, président de la République, que le Ministre

de l’Égalité des territoires et du Logement, Cécile DUFLOT, présente les principales

mesures envisagées dans le secteur du logement. Parmi ces mesures, le

Gouvernement envisage une sorte d’audit des normes existantes de construction afin

d’éliminer les réglementations présentant le rapport coût/efficacité le moins probant.

Et parallèlement à cet audit, des normes destinées à améliorer la stabilité juridique

des pétitionnaires devraient voir le jour.

L’ambition du Gouvernement dans cette réforme vise dans un premier volet les

rapports entre les bailleurs et les locataires. Dans un deuxième volet, il vise

l’amélioration du parc existant. Dans un troisième volet, il vise la transparence

d’attribution de logements sociaux. Enfin, dans un quatrième volet, pour tenir son

engagement de construire cinq cent mille logements par an, dont cent cinquante mille

logements sociaux, le Gouvernement propose des mesures en matière d’urbanisme

visant à accroître l’effort de construction de logements. Le traitement des contentieux

n’est donc pas expressément visé par un volet en particulier.

633 Déc. 18 juin 2012, portant nomination du Premier Ministre, NOR : HRUX1226329D, JORF

no 014, 19 juin 2012, p. 10160.

634 Émissions radio, presse écrite, 42

e congrès de la Fédération des promoteurs immobiliers à

Deauville.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Cependant, le 18 juillet 2013, l’ordonnance no 2013-638 relative au contentieux de

l’urbanisme635

est adoptée. Et les nouvelles dispositions relatives à la lutte contre les

recours abusifs entrent en vigueur au 19 août 2013. S’agissant des règles de

procédure, ces nouvelles dispositions sont d’application immédiate aux instances en

cours. En revanche, s’agissant des règles de restriction du droit au recours, ces

dispositions ne sont applicables qu’aux recours introduits après l’entrée en vigueur

de l’ordonnance.

Les nouveaux instruments de lutte contre les recours abusifs introduits contre les

autorisations d’urbanisme sont le fruit d’une réponse juridique réfléchie (Section 1).

Cependant, des interrogations subsistent (Section 2).

SECTION 1 : Une réponse juridique réfléchie

En 2013, les chiffres avancés par le Gouvernement sont alarmants. Et l’effet

économique est considérable. Les recours pendants devant les juridictions concernent

environ vingt-cinq mille à trente mille logements et mettent en péril près de quinze

mille emplois636

.

Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs ne sont pas le fruit du

hasard. En effet, habilité à légiférer par voie d’ordonnance en amont de sa réforme, le

Gouvernement a privilégié la voie consensuelle. Il a ainsi pris conseil auprès de

praticiens et de sommités en la matière (I.). Cette préparation en amont de la réforme

a consacré une approche pragmatique (II.).

635 Ordo. n

o 2013-638, 18 juill. 2013, relative au contentieux de l’urbanisme, JORF n

o 0166, 19 juill.

2013, p. 12070, texte no 24, NOR : ETLX1317296R.

636 Préc. Dossier de presse, Ordonnances visant à faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement

et à accélérer la construction de logement, Paris, 21 févr. 2014, http://www.territoires.gouv.fr/IMG/

pdf/140221_dp_ordonnances.pdf.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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I. Consécration d’une approche consensuelle

L’approche consensuelle a été marquée par la concertation et la consultation

préalablement à la réforme (A.). La réforme du contentieux de l’urbanisme, portée

par l’ordonnance du 18 juillet 2013, a été très largement influencée par le rapport

LABETOULLE (B.).

A. Concertation et consultation à l’honneur

Le Gouvernement a souhaité réagir rapidement au phénomène de multiplication des

recours abusifs. Toutefois, il n’a pas agi dans la précipitation. En effet, il a su prendre

conseil au préalable et organiser la consultation. Et surtout, il a créé le groupe de

travail présidé par Daniel LABETOULLE. Le groupe de travail s’est vu confier une

mission difficile aux lourdes implications constitutionnelles. En effet, il a pour

mission de proposer des mesures concrètes à traduire dans la loi dans les délais les

plus brefs tout en préservant le droit au recours (1.). Le 25 avril 2013, le groupe

remet son rapport. Il est intitulé « Construction et droit au recours : pour un meilleur

équilibre637

». Il retient sept propositions et ces propositions sont à l’origine de la

plupart des innovations de la réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013

(2.).

1) Un groupe d’experts

Le 11 février 2013, le Gouvernement, par la voix de Cécile DUFLOT, alors Ministre

de l’Égalité des territoires et du Logement, charge le groupe de travail de présenter

des mesures concrètes et propres à sécuriser les opérations de construction contre les

recours abusifs qui devront préserver l’accès au juge et la participation du public.

637 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par Mme DUFLOT

(C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au recours : pour un

meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Expliquant à notre avis la qualité des propositions, le groupe de travail est constitué

d’éminents spécialistes. Ainsi rappelons pour être complet que Daniel

LABETOULLE qui préside ce groupe de travail est président honoraire de la section

du contentieux du Conseil d’État638

. Édouard CREPEY, maître des requêtes au

Conseil d’État, est le rapporteur du groupe. Enfin, composent ce groupe Jean‐Michel

BÉRARD, préfet honoraire, conseiller d’État en service extraordinaire ; Julien

BOUCHER, directeur des affaires juridiques au secrétariat général du ministère de

l’Égalité des territoires et du Logement et du ministère de l’Écologie, du

Développement durable et de l’Énergie ; Étienne CRÉPON, directeur de l’Habitat, de

l’Urbanisme et des Paysages au ministère de l’Égalité des territoires et du

Logement ; Yves JEGOUZO, professeur émérite à l’université Paris I, ancien

conseiller d’État en service extraordinaire ; Alain LECOMTE, président de la

troisième section du Conseil général de l’environnement et du développement

durable ; et Laurent VALLÉE, directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère

de la Justice. Le groupe auditionne de nombreux praticiens de la matière qui

connaissent bien le phénomène des recours abusifs. Il s’agit de notaires, d’avocats,

de professeurs et de magistrats ou encore d’élus ou chefs d’entreprise du B.T.P. ou

de l’immobilier.

Dans la lettre de mission adressée au groupe de travail, le Gouvernement indique

qu’il souhaite présenter une « ambitieuse réforme639

». Plus précisément, le

Gouvernement ambitionne, alors, de « faciliter la réalisation des projets permettant à

la production de logements en sécurisant les opérations de construction et en luttant

contre les recours regardés comme abusifs tout en préservant l’accès au juge et la

participation du public à l’élaboration des décisions en matière d’urbanisme640

». Le

Gouvernement confie au groupe de travail la mission de présenter des « mesures

concrètes à traduire dans la loi dans les délais les plus brefs641

».

638 Daniel LABETOULLE, ancien président de la section du contentieux du Conseil d’État (1998-

2004). 639

Lettre de mission du 11 février 2013, adressée par Madame Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité

des territoires et du Logement, au président honoraire Daniel LABETOULLE ; V. également, Annexe

du Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame Cécile DUFLOT,

Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au recours : pour un

meilleur équilibre, p. 33, consultable sur www.territoires.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Labetoulle.pdf. 640

Ibid. 641

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Déposé le 25 avril 2013, le rapport du groupe de travail est intitulé « Construction et

droit au recours : pour un meilleur équilibre ». Il est aussi plus souvent désigné

comme le rapport LABETOULLE. Ce rapport dégage sept propositions :

Sept mesures qui, en définitive, ne se limitent pas à, ni même ne se

concentrent sur la procédure contentieuse d’examen des recours dirigés

contre les autorisations d’urbanisme, pour laquelle beaucoup a déjà été fait,

mais touchent, plus largement, aux pouvoirs du juge et aux comportements

des acteurs642

.

Ces propositions sont alors un premier débrouillage. Il faut, ici, se ranger à l’avis de

Jean-Claude BONICHOT qui souligne que « certaines vont assez loin ». Tandis que

d’autres « méritent d’être discutées et affinées643

».

Les mesures proposées sont à mettre sur différents plans. En effet, si certaines sont

vouées à produire des effets relativement rapides, d’autres sont destinées à modifier

durablement, à moyen terme, les comportements tandis que d’autres encore sont

destinées à la lutte proprement dite contre les recours abusifs ou à l’accélération du

cours de la justice.

Plus précisément, le groupe de travail expose des mesures qui consistent à clarifier

les règles de l’intérêt pour agir ; à introduire une procédure de cristallisation des

moyens ; à organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance à

l’initiative du juge ; permettre au défendeur à l’instance de présenter des conclusions

reconventionnelles à caractère indemnitaire ; à encadrer le régime des transactions

par lesquelles il est mis fin à l’instance ; et recentrer l’action en démolition sur son

objet premier ; ainsi qu’à donner aux cours administratives d’appel une compétence

de premier et dernier ressort pour certains projets de construction de logements644

.

Le groupe de travail s’est manifestement voulu pragmatique. On criait haro sur les

failles de l’intérêt à agir, l’égrenage des moyens au fil des échanges de conclusions,

642 V. Conclusion, in Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame

Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre. 643

BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU, 4/2013,

p. 243. 644

Introduction, p. 6 et 7, Rapport du groupe de travail créé par lettre du 11 février 2013 de Madame

Cécile DUFLOT, Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’impossibilité de couvrir une illégalité, l’impossibilité de demander des dommages-

intérêts au juge administratif, des transactions coûteuses proches de l’extorsion de

fonds, l’allongement de la durée des procédures. Qu’à cela ne tienne, le groupe de

travail a cherché des palliatifs à chacune de ces failles.

2) Les sept propositions du rapport LABETOULLE

Les sept propositions dégagées par le rapport LABETOULLE appellent des

observations suivantes.

a. Clarifier les règles de l’intérêt pour agir

Partant du libéralisme traditionnel du juge administratif dans l’appréciation de

l’intérêt pour agir, le groupe de travail propose une redéfinition de l’intérêt pour agir.

S’il est vrai, comme le souligne Jean-Claude BONICHOT645

, que le libéralisme du

juge administratif en la matière est classiquement présenté comme une victoire sur

l’arbitraire de l’Administration, mais en matière de contentieux d’urbanisme, le

combat mené par le tiers requérant est moins un combat contre l’arbitraire de

l’Administration que le procès fait à un acte où la partie perdante n’est pas

l’Administration mais le bénéficiaire du permis de construire litigieux.

Le groupe propose que l’intérêt pour agir soit défini par référence aux conditions

d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien. Cette proposition consisterait

concrètement à prendre acte de manière réglementaire de la jurisprudence qui s’est

développée ces dernières années autour de la notion de l’intérêt pour agir en matière

d’urbanisme.

De plus, dans le but précis de prévenir les recours malveillants, le groupe de travail

propose de permettre au juge de se placer à la date d’affichage en mairie de la

demande du pétitionnaire pour apprécier l’intérêt pour agir sauf circonstances

particulières dont le requérant pourrait justifier. Par ce renforcement du pouvoir du

juge, le groupe cherche à faire échec au procédé par lequel certains requérants se

645 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,

4/2013, p. 243.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

219/480

constituent artificiellement un intérêt pour agir en se portant acquéreur ou locataire

d’immeubles dans le voisinage du projet de construction.

Ainsi, le groupe propose d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article L. 600-1-2

encadrant l’intérêt à agir des requérants en matière d’urbanisme. Aux termes de la

rédaction proposée, d’une part, toute personne physique ou morale autre qu’une

association serait recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une

autorisation délivrée que « si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de

nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de

jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle

bénéfice d’une promesse de vente ou de bail646

». D’autre part, « sauf pour le

requérant à justifier de circonstances particulières », l’intérêt pour agir s’apprécierait

à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.

b. Introduire une procédure de cristallisation des

moyens

Les recours malveillants se caractérisent aussi par la pratique qui consiste, pour les

requérants, « à égrener les moyens qu’ils invoquent à l’appui de leurs conclusions

d’annulation au fil des mois647

». En effet, ce procédé oblige la juridiction, tenue

d’assurer le caractère contradictoire de la procédure, à inviter les autres parties à

produire leurs observations, ce qui est de nature à ralentir la procédure.

Le groupe de travail propose d’introduire dans le Code de l’urbanisme une procédure

de « cristallisation des moyens ». Il s’agirait en quelque sorte de l’aménagement

d’une jurisprudence Société Intercopie648

, jurisprudence ancienne posée par un arrêt

de section du Conseil d’État en 1953. Selon cette jurisprudence, un moyen relevant

d’une cause juridique autre que celles déjà en débat ne peut être présenté que dans le

délai de recours. Le groupe précise que cette solution, initialement dégagée pour les

646 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 7 et 8. 647

Ibid. p. 8 et 9. 648

CE, Sect. 20 févr. 1953, Société Intercopie, no 9772, Rec. Lebon, p. 88 ; S., 1953, III., p. 77, note

M. L ; pour une critique de la jurisprudence, concl. KOLBERT sur TA Lyon, 9 déc. 1998, AJDA,

1999, p. 448 ; KELLER (R.), Application de la jurisprudence Intercopie par le juge ordinal, AJDA,

2011, p. 2023.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

220/480

pourvois en cassation, a été transposée aux recours pour excès de pouvoir par un

arrêt Société des aciéries et forges de Saint-François en 1954649

.

Ainsi, le groupe propose d’insérer dans le Code de l’urbanisme un article R. 600-4

encadrant la cristallisation des moyens. En matière de contentieux de l’urbanisme, et

plus précisément dans une instance où serait en cause une autorisation d’urbanisme,

le juge administratif pourrait « pour tenir compte des effets d’une prolongation de

l’instance sur la situation du bénéficiaire, fixer une date au-delà de laquelle des

moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués ».

Pour Jean-Claude BONICHOT, une telle solution serait une application du principe

de loyauté au procès administratif650

. Cependant, nous ne partageons pas cette

lecture. En effet, la rédaction proposée par le groupe de travail n’exige pas une

attitude de loyauté ou une moralité particulière du tiers requérant mais se borne à

étendre les prérogatives du juge administratif qui peut, discrétionnairement, décider

de fixer un calendrier et surtout une date butoir pour la présentation de moyens

nouveaux.

c. Organiser un mécanisme de régularisation en

cours d’instance

Couvrir l’illégalité pour revenir dans le droit chemin de la légalité, telle est la

troisième proposition du groupe de travail. Toujours pragmatique, le groupe veut

souligner l’intérêt et le gain de temps à régulariser un acte plutôt que de l’annuler.

Aux termes du rapport, la solution est encore trop marginale en jurisprudence. C’est

pourquoi, il propose l’introduction d’un mécanisme légal autorisant le juge, saisi

d’une demande d’annulation d’un permis et constatant qu’un seul moyen affectant

l’ensemble du projet est fondé, « de surseoir à statuer après avoir expressément

écarté les autres651

». Selon cette proposition, un délai serait fixé pour régulariser

l’autorisation initiale. Et il appartiendrait au bénéficiaire du permis et à l’autorité de

649 CE, Ass, 15 juill. 1954, Société des aciéries et forges de Saint-François, Rec. Lebon, p. 482 ;

concl. LAURENT (P.), Dalloz Adm., 1954, p. 205. 650

Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,

4/2013, p. 245. 651

Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 14.

Page 221: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

221/480

procéder à cette régularisation. En outre, à l’issue de ce délai, le juge tirerait les

conséquences de ce qui a été fait (rejet des conclusions initiales) ou pas fait

(annulation)652

.

Un tel mécanisme se veut être un aménagement de la jurisprudence TITRAN du

27 juillet 2001653

. Par cette décision, le juge prononçait l’annulation d’un refus du

Ministre de la Justice d’abroger des arrêtés relatifs à la mise en œuvre d’un système

de gestion automatisé des procédures dans les tribunaux de grande instance, tandis

qu’il imposait, en parallèle, au garde des Sceaux un délai de deux mois pour purger

lesdits arrêtés de leur illégalité selon des modalités prédéterminées par l’arrêt.

Le groupe de travail propose de modifier l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme et

d’introduire un article L. 600-5-1 dans le même code. En substance, l’article L. 600-5

modifié disposerait qu’après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés,

si le juge constate qu’il y a effectivement un vice, et plus précisément un vice qui

affecte une partie du projet, et que ce vice peut être régularisé par un permis

modificatif, alors le juge pourrait limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il

prononce et fixer le délai dans lequel le bénéficiaire du permis pourrait en demander

la régularisation.

Le nouvel article L. 600-5-1 proposé introduirait, dans le Code de l’urbanisme, la

possibilité pour le juge de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il

fixerait dans l’attente d’une régularisation qu’il estimerait possible. Enfin, la

proposition d’un tel mécanisme de régularisation en cours d’instance témoigne de

l’influence communautaire sur les auteurs du rapport654

.

652 Ibid.

653 CE, 6

e et 4

e SSR, 27 juill. 2001, TITRAN, n

o 222509, Rec. Lebon, p. 401 ; chron. GUYOMAR

(M.) et COLLIN (P.), AJDA, 2011, p. 1046 ; note DAMAREY (S.), LPA, 24 oct. 2001, p. 12. 654

CJCE, 3 juill. 2008, Commission c/Irlande, C-215/06, chron. BROUSSY (E.) et DONNAT (F.),

AJDA, 2008, p. 1536 ; BONICHOT (J.-Cl.) et DONNAT (F.), Urbanisme et droit de l’Union : les

apports de la jurisprudence récente de la Cour de justice, Droit de l’aménagement, de l’urbanisme, de

l’habitat, 2011, p. 4.

Page 222: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

222/480

d. Autoriser les conclusions reconventionnelles à

caractère indemnitaire

Fer de lance des propositions, la proposition d’introduire la possibilité de présenter

des conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire sonne comme une

remise en cause d’une règle procédurale classique du contentieux administratif.

En principe, les conclusions reconventionnelles en dommages-intérêts ne sont pas

recevables dans les contentieux de l’excès de pouvoir. Ainsi le doyen Maurice

HAURIOU a pu écrire, dans une note sous un arrêt du Conseil d’État de 1928, Époux

de SIGALAS, que « le contentieux administratif n’admet pas les demandes

reconventionnelles655

». En outre, cette solution est celle retenue par le Conseil

d’État lui-même, depuis un arrêt de section Sieur NOBLE de 1967656

.

Toutefois, cette époque est révolue ainsi que le relève Jean-Philippe THIELLAY

dans ses conclusions sous l’arrêt Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-

dentistes de Paris657

. Les auteurs du rapport LABETOULLE soulignent, en ce sens,

que « la conception du recours pour excès de pouvoir qui s’exprime dans la décision

NOBLE précitée n’est plus complètement en phase avec diverses innovations

jurisprudentielles intervenues depuis lors », et ils ajoutent encore qu’en matière

d’urbanisme, il serait « utile et légitime d’offrir aux titulaires d’autorisation un

instrument d’indemnisation d’usage plus direct que l’action civile658

».

Ainsi, sans préjuger la question de savoir s’il faudrait maintenir ou non le recours

judiciaire, le groupe de travail propose d’introduire dans le Code de l’urbanisme un

article L. 600-7. Tel que ses auteurs l’imaginent, cet article introduirait un dispositif

permettant au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée de demander au

juge administratif de condamner le requérant à des dommages-intérêts s’il est

démontré que le requérant a mis en œuvre le recours pour excès de pouvoir dans des

655 CE, 22 juin 1928, Époux de SIGALAS, Rec. Sirey, S., 1928, III., p. 43, note HAURIOU (M.).

656 CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n

o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN (J.), D.,

1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 657

CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes, no 283141, v.

spé. Concl. THIELLAY (J.-Ph.), RFDA, 2008, p. 689 ; chron. GEFFRAY (E.) et BOURGEOIS-

MACHUREAU (B.), De minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, p. 1316. 658

Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 16.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

223/480

conditions qui, d’une part, « excèdent la défense des intérêts légitimes » du requérant

et d’autre part qui causent un « préjudice anormal » au bénéficiaire de l’autorisation

litigieuse659

.

Ici, nous nous ferons l’écho d’une critique660

de Jean-Claude BONICHOT et

déplorons à sa suite le choix du terme « anormal ». En effet, le syntagme « dommage

anormal » renvoie classiquement au régime de la responsabilité sans faute où le

« dommage anormal » est un dommage grave et spécial et surtout de nature à

engager la responsabilité de la puissance publique. Cependant, il est vrai que dans le

contexte, le caractère « anormal » du dommage renvoie à l’idée que si tout procès

comporte un minimum d’agressivité et de trouble, il ne doit pas être toléré que cette

agressivité soit disproportionnée. Sur ce point, une sorte de loyauté semble donc être

attendue des parties au procès qui doivent intégrer que tous les coups ne sont pas

permis.

e. Encadrer le régime des transactions par lesquelles

il est mis fin à l’instance

Dans le contentieux de l’urbanisme, il est souvent mis fin à l’instance par le

désistement du requérant. En pratique, le juge prend acte du désistement et ne

cherche pas à en connaître ni à en rechercher les motifs. Or, il arrive que la

transaction soit l’aboutissement d’un « processus de chantage » exercé par un

requérant. Comme le soulignent les auteurs du rapport, il est difficile d’avoir des

données précises sur le phénomène. Néanmoins, le groupe de travail a pu déduire de

ses auditions « la conviction que ces pratiques qui dévoient le recours en justice,

désorganisent l’économie du secteur et renchérissent le coût de la construction ne

sont pas que marginales, sont plus que marginales661

».

Le groupe de travail propose de soumettre les transactions à une obligation

d’enregistrement auprès de l’administration des impôts directs.

659 Ibid. p. 17.

660 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,

4/2013, p. 246. 661

Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 18.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

224/480

Aux termes du rapport, ce n’est pas un quelconque effet dissuasif lié au droit

d’enregistrement qui est recherché, mais l’idée de transparence vis-à-vis du fisc. En

effet, pour le groupe de travail, cette transparence vis-à-vis du fisc semble pouvoir

faire « réfléchir les quelques requérants qui font profession des désistements contre

rémunération et préserver, pour le reste, les espaces de négociation qui sont

nécessaires dans des opérations complexes telles que les projets de construction662

».

La sanction du défaut du respect de l’enregistrement serait radicale puisqu’une

transaction non enregistrée serait réputée sans cause et les sommes perçues sujettes à

répétition par une action prescrite par cinq ans.

f. Recentrer l’action en démolition sur son objet

premier

Le permis de construire ou d’aménager est exécutoire. Pourtant en pratique, tant que

le permis n’est pas purgé, le bénéficiaire de l’autorisation ne commence pas les

travaux. À l’issue des auditions, le groupe de travail a acquis la conviction que cette

situation s’expliquait, au moins en partie, par le risque de démolition que l’article

L. 480-13 du Code de l’urbanisme fait peser sur le projet en cas d’annulation du

permis par le juge administratif. Certes, cette menace de démolition a permis de

contribuer à éviter les dérives qu’ont connues certains pays voisins. Mais, là encore,

les auteurs du rapport relèvent que le contexte juridique a changé. En effet, il existe

désormais des procédures d’urgence. En outre, le risque de démolition étant

susceptible de priver les financeurs du projet de toutes garanties explique l’arrêt des

travaux à la moindre notification du dépôt d’un recours. Ce risque par ricochet de

disparition de partenaire « collatéral », c’est-à-dire de la garantie de financement,

bloque la réalisation des travaux tant que le permis n’est pas purgé du risque de

recours.

Le groupe de travail propose donc de limiter le champ de la démolition afin de

« remettre de l’ordre dans la chaîne des contrôles663

». Le groupe espère ainsi que le

permis de construire retrouve son caractère exécutoire. Il propose donc de réécrire

l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme en limitant l’action en démolition.

662 Ibid. p. 19.

663 Ibid. p. 24.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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g. Donner aux cours administratives d’appel une

compétence de premier et dernier ressort pour

certains projets de construction de logements

Décidément pragmatique, le groupe de travail a cherché un moyen d’accélérer les

procédures. Pour ce faire, et sous réserve d’une étude d’impact complémentaire, le

groupe propose d’utiliser la possibilité offerte par l’article L. 311-1 du Code de

justice administrative664

dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2011665

.

Cette possibilité serait limitée à des permis autorisant des constructions d’une surface

de logement supérieure à 1 500 m² dans les communes visées à l’article 232 du Code

général des impôts666

.

Ces sept propositions vont inspirer en profondeur les dispositions introduites par la

réforme des procédures contentieuses en urbanisme. Il convient, à présent, de

présenter cette réforme.

B. Présentation de la réforme du contentieux de

l’urbanisme

La réforme du contentieux de l’urbanisme s’est faite en deux temps.

664 Code de justice administrative : « Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de

droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou

l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer à une autre juridiction

administrative. » 665

Loi no 2011-1862, relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures

juridictionnelles. 666

Soit « dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de cinquante

mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant

des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant, qui se

caractérisent notamment par le niveau élevé des loyers, le niveau élevé des prix d’acquisition des

logements anciens ou le nombre élevé de demandes de logement par rapport au nombre

d’emménagements annuels dans le parc locatif social ».

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

226/480

L’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a posé les

grandes lignes de la réforme du contentieux de l’urbanisme (1.). Ella a été suivie par

le décret du 1er

octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme qui a parachevé le

processus de réforme du contentieux de l’urbanisme (2.).

1) Présentation de l’ordonnance du 18 juillet 2013

Très largement inspiré du rapport LABETOULLE, l’ordonnance no 2013-638 du

18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme opère une réforme de la

matière en profondeur. Le but est expressément de lutter contre les recours abusifs667

.

En effet, il ressort de la note de présentation de l’ordonnance que le Gouvernement a

entendu « lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement des

contentieux » en retenant plusieurs des recommandations du rapport

LABETOULLE. Ainsi, la réforme encadre davantage, dans le temps et dans l’espace,

l’intérêt à agir des tiers. Elle introduit la possibilité pour le bénéficiaire de demander

des dommages-intérêts directement au juge administratif. En outre, dans un souci de

moralisation avoué, la réforme encadre également davantage les transactions par

lesquelles il est mis fin à l’instance. Et dans un souci d’efficacité, la possibilité de

régulariser le permis de construire en cours d’instance est désormais codifiée. Nous

nous bornons ici à cette succincte présentation des apports de l’ordonnance dans la

mesure où nous analysons plus en détail, dans le chapitre suivant, ces apports sous

l’angle de l’avènement d’un nouvel équilibre entre droit au recours et sécurité

juridique.

Ceci étant exposé, il est à noter que l’ordonnance du 18 juillet 2013 n’a pas retenu

certaines des propositions du rapport LABETOULLE. Ainsi, la proposition no 6

relative au recentrage de l’action en démolition sur son objet premier n’a pas été

retenue. Or, un mécanisme susceptible de prévenir les contestations dilatoires et de

manière générale, de prévenir les recours abusifs aurait été utile. En effet, comme le

souligne Nicolas FOUILLEUL668

, imposer au requérant qui conteste l’autorisation

d’urbanisme d’annexer à sa requête un recours en référé suspension eût été un filtre

667 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 1. 668

FOUILLEUL (N.), Recours abusifs : du rapport LABETOULLE à l’ordonnance relative au

contentieux de l’urbanisme, chron., BJDU, 5/2013, p. 323.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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bienvenu à l’abus dans la mesure où le requérant aurait ainsi été tenu de développer

son argumentaire. Et de cet argumentaire, il aurait transpiré sa bonne ou mauvaise

foi. Quoique d’avant-garde, le mécanisme aurait eu le mérite de « remettre de l’ordre

dans la chaîne des contrôles » ainsi que le soulignait Jean-Claude BONICHOT669

.

2) Présentation du décret du 1er

octobre 2013

Également largement inspiré du rapport LABETOULLE, le décret no 2013-879 du

1er

octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme est le deuxième véhicule de la

réforme du contentieux de l’urbanisme670

. L’apport du décret est double.

D’une part, il est la traduction réglementaire de la proposition du rapport

LABETOULLE relative à la compétence de premier et de dernier ressort des cours

administratives d’appel pour certains projets de construction de logements. En effet,

le décret modifie le Code de justice administrative et permet aux tribunaux

administratifs de statuer en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis

de construire et de démolir un logement ou d’aménager un lotissement lorsque ces

permis sont situés dans les communes mentionnées à l’article 232 du Code général

des impôts. Il s’agit des communes qui entrent dans le champ d’application de la taxe

« d’inhabitation671

». Le décret prévoit que la nouvelle disposition672

s’applique aux

recours introduits entre le 1er

décembre 2013 et le 1er

décembre 2018.

Une telle mesure suscite le doute. En effet, sur le plan de la lutte ou de la prévention

des recours abusifs, la mesure laisse perplexe. En revanche, la mesure prive

indéniablement l’administré de son droit à un double degré de juridiction673

. De plus,

le rapport LABETOULLE avait émis avec prudence la proposition puisqu’il avait

pris le soin de souligner qu’une « étude complémentaire » serait nécessaire. Or,

669 Préc. BONICHOT, (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chroniques – dossier spécial,

4/2013, p. 243 et s. 670

V. GILLIG (D.), Le décret du 1er

oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple

réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71. 671

Cons. const., 29 juill. 1998, no 98-403 DC, Taxe d’inhabitation, R.J.C., I-76 ; Cons. const., 29 déc.

2012, no 2012-662 DC, JO 30 déc. 2012 ; sur la légalité du décret : CE, 24 mai 2000, n

o 204657, Dr.

fisc., 2000, p. 742 ; Commentaire administratif de la taxe : BOI-IF-AUT-60, 12 sept. 2012. 672

Codifiée à l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative. 673

CREPEY (E.), Les nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, AJDA, 2013 p. 1905.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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comme le souligne Nicolas FOUILLEUL674

, le Gouvernement n’a pas procédé à

cette étude complémentaire. Mais encore, il a attribué une compétence de premier et

dernier ressort à des tribunaux administratifs pour toutes les opérations de

construction dans les communes soumises à la taxe d’inhabitation indépendamment

de la surface projetée. Pourtant, là encore, le rapport LABETOULLE avait pris soin

de poser comme critérium la surface projetée (1 500 m²). Le Gouvernement a donc

fait le choix de ne pas retenir le critère de la surface et de conserver la compétence de

premier ressort des tribunaux administratifs, mais de supprimer l’appel. De l’objectif

avoué du Gouvernement, le but de la mesure est moins la lutte contre les recours

abusifs que l’accélération des procédures contentieuses. En effet, le Gouvernement

espère par cette mesure « diviser par trois les délais de traitement des

contentieux675

». Il est difficile de partager un tel optimisme, car, comme l’explique

David GILLIG, le délai de traitement d’un pourvoi en appel formé contre un

jugement de première instance statuant en matière d’urbanisme s’est

considérablement raccourci ces dernières années pour n’atteindre qu’une année. Le

« gain de temps espéré » avec la nouvelle mesure sera donc, écrit le praticien, « de

seulement une année qui correspond à la durée moyenne de jugement des affaires

d’urbanisme par les juridictions d’appel676

».

D’autre part, l’autre apport du décret du 1er

octobre 2013 consiste en l’introduction

réglementaire du mécanisme de cristallisation des moyens. En effet, le décret

introduit dans le Code de l’urbanisme un article R.*600-4 qui dispose en substance

que le juge, devant lequel a été formé un recours contre un permis de construire, de

démolir ou d’aménager, peut désormais fixer une date au-delà de laquelle des

moyens nouveaux ne peuvent plus être invoqués. Ainsi que le précise le rapport

LABETOULLE, la mesure a pour but d’empêcher la dilution dilatoire des moyens au

fil de la procédure. Elle traduit également la quête de moralisation du contentieux de

l’urbanisme. En effet, la mesure doit permettre in fine de modifier le comportement

des acteurs677

. À court terme, la mesure vise à contenir la durée de l’instruction des

674 Préc. FOUILLEUL (N.), Recours abusifs : du rapport LABETOULLE à l’ordonnance relative au

contentieux de l’urbanisme, chron., BJDU, 5/2013, p. 324. 675

Rap. fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi habilitant le

Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction : Doc. AN no 1041, 16 mai 2013,

p. 22. 676

Préc. GILLIG (D.), Le décret du 1er

oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple

réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71. 677

Préc. LABETOULLE (D.), Bande à part ou éclaireur ?, AJDA, 2013, p. 1897.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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dossiers678

. Nous nous bornons à cette succincte présentation du mécanisme de

cristallisation dans la mesure où nous analysons plus en détail, dans le chapitre

suivant, ce mécanisme sous l’angle de l’avènement d’un nouvel équilibre entre droit

au recours et sécurité juridique.

II. Consécration d’une approche pragmatique

La réforme du contentieux de l’urbanisme met l’accent sur la régulation et

l’accélération du traitement des procédures contentieuses (A.) et témoigne d’une

volonté de moraliser les procédures contentieuses (B.).

A. Réguler et fluidifier le traitement des contentieux

Afin d’endiguer le phénomène des recours abusifs, la réforme met l’accent sur la

régulation des contentieux en encadrant davantage la notion de l’intérêt à agir (1.).

Dans un contexte de pénurie de logements et pour relancer l’économie de la

construction, l’accent est également mis sur l’accélération des procédures

contentieuses. Pour ce faire, la réforme entend empêcher les requérants de pouvoir

égrener leurs moyens au fil de la procédure (2.).

1) Réguler les procédures contentieuses

La reforme reflète l’état d’esprit de ses auteurs. Éclairés par le rapport

LABETOULLE et soucieux de montrer qu’ils ont entendu les doléances des

bénéficiaires des permis de construire, notamment portées par les voix des

678 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 4.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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promoteurs, la FFB, du Centre national des centres commerciaux679

(CNCC) ainsi

que des praticiens, les auteurs ont cherché à lutter contre les recours abusifs mais

dans un état d’esprit particulier. En effet, la réforme du contentieux de l’urbanisme,

tout en luttant contre les recours abusifs, doit avant tout permettre de réguler les

procédures contentieuses. Pour ce faire, c’est l’intérêt à agir des tiers que la pratique

prétorienne a progressivement étendu (a.) qui doit être encadré davantage, tant dans

le temps que dans l’espace (b.).

a. Un intérêt à agir trop large

Dénoncé par les avocats comme la première cause de la prolifération des recours

abusifs680

, l’intérêt à agir a bénéficié d’une lecture extensive de la part de la

jurisprudence administrative. Du point de vue de l’avocat681

, cette extension du droit

d’agir a favorisé la multiplication des recours abusifs. Le principe est que tout tiers

lésé par l’octroi d’une autorisation d’urbanisme et qui justifie d’un intérêt personnel

et direct peut former un recours en annulation pour excès de pouvoir contre cette

autorisation qui lui cause un préjudice. Le juge administratif a progressivement

étendu la notion de l’intérêt à agir, favorisant indirectement la possibilité de former

des recours abusifs et malveillants contre les autorisations d’urbanisme. Ainsi,

souligne Carol GALIVEL682

, la jurisprudence administrative a admis l’intérêt à agir

d’un riverain titulaire d’une simple promesse de vente683

, le locataire d’un immeuble

à usage de bureau avoisinant le chantier autorisé par le permis684

, le syndicat des

copropriétaires ayant agi en vertu de l’article 15 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le

statut de la copropriété des immeubles bâtis685

, ou encore l’intérêt à agir d’une

association de défense des commerçants et artisans dont l’objet statutaire visait « la

679 Pour une synthèse des propositions du CNCC v. GALIVEL (C.), Au secours, les recours !, La

contestation abusive des permis de construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du

Mécènes, Paris, 2014, 123 p., p. 98. 680

GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de

construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, p. 104. 681

Ibid. 682

Ibid. p. 105. 683

CE, 29 nov. 1999, Époux BOULANGER, no 182214, Rec. Lebon ; concl. BONICHOT (J.-Cl.),

BJDU, 1999, p. 470 ; obs. C.D.B., ibid. 684

CE, 11 déc. 1991, GAUDIN, no 103369, Rec. Lebon, T., p. 1264 ; RDA, 1992, n

o 56.

685 CE, 10 mai 1995, Syndicat des copropriétaires de la Résidence les Charmilles, n

o 139729, inédit ;

CE, 29 déc. 1993, Syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Gonfanon c. Commune de Saint-

Raphaël et autres, no 140385, Rec. Lebon, T., p. 943-1115.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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défense de l’environnement, du cadre de vie, de l’urbanisme commercial, de

l’indépendance et de l’équipe du petit commerce et de l’artisanat de la région de

Miramas686

», ou encore enfin, l’intérêt à agir du maire d’une commune contre les

décisions des autorités de l’État687

.

Cependant, la jurisprudence administrative a en matière de contentieux d’urbanisme

une appréciation plus stricte de l’intérêt à agir688

que dans le contentieux général qui

exige « seulement que la lésion de l’intérêt ne soit ni exagérément indirecte ni

exagérément incertaine689

». En effet, en dépit d’une lecture extensive de la notion de

l’intérêt à agir, le juge combine différents critères pour apprécier l’intérêt à agir

contre une autorisation d’urbanisme. Ainsi, il prend en compte la « proximité

géographique, c’est-à-dire la distance entre la situation du requérant (propriété,

domicile, occupation…) et l’assiette de l’autorisation690

». Cette proximité est mise

en balance avec l’importance et la nature de la construction autorisée par le permis

litigieux. La configuration des lieux est également prise en considération dans cette

balance691

. Or de cette technique du faisceau d’indices, aucune définition objective et

abstraite de la notion de l’intérêt à agir des tiers ne peut être dégagée. Comme l’écrit

le commissaire du gouvernement, Denis PIVETEAU, en définitive, « ce n’est jamais

le voisinage en tant que tel qui confère qualité pour agir, mais les intérêts révélés par

ce voisinage692

». Dès lors, une telle jurisprudence favorise la multiplication des

recours abusifs en permettant à des requérants malveillants, mais avisés, de se

constituer artificiellement un intérêt à agir en faisant l’acquisition ou tout simplement

en louant un bien dans le périmètre géographique de l’opération autorisée dans le

686 CE, 4

e SS, du 20 octobre 1995, 110993, inédit.

687 CAA, Nancy, 1

re ch., 7 nov. 2013, Cne de Lidrezing, n

o 12NC01484 ; Drt. Envir., 2014, p. 172.

688 V. NICOUD (F.), À propos de l’interprétation de la notion de l’intérêt à agir dans le contentieux de

l’urbanisme, AJDA, 2007, p. 629 ; v. également NOGUELLOU (R.), L’intérêt à agir, actes pratiques

et ingénierie immobilière, janv-mars 2013, p. 7. 689

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 483, n

o 577.

690 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les

intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 624, n

o 2083.

691 Ibid.

692 Concl. PIVETEAU (D.), sur CE, 7

e et 5

e SSR, 22 févr. 2002, Société France Quick, n

o 216088,

B.J.D.U, no 2/2002, p.143 ; commentaire de la décision v. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2002,

p.263.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

232/480

seul but de la contester, et ainsi d’exercer un chantage pour monnayer leur

désistement693

.

L’intérêt à agir des associations a, au début des années 2000, concentré le débat de la

sécurisation des permis de construire contre des recours abusifs. En particulier, la

question se posait de savoir s’il suffisait de créer une association de défense pour

pouvoir former un recours en annulation pour excès de pouvoir contre une

autorisation d’urbanisme. Il semblait, en effet, qu’un certain nombre d’associations

se constituaient spécifiquement, à la suite d’un affichage d’une demande de

construire, dans le but de former des recours malveillants à l’encore des autorisations

d’urbanisme. La loi du 13 juillet 2006 portant Engagement national pour le logement

(ENL) a donc introduit dans le Code de l’urbanisme une disposition encadrant

l’intérêt à agir des associations. Applicable depuis le 17 juillet 2006, le dispositif

codifié à l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme, prévoit qu’une association

n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des

sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu

antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Saisi d’une

question prioritaire de constitutionnalité sur la validité du dispositif, le Conseil

constitutionnel a validé le dispositif694

. Il a plus précisément jugé que la loi dont le

but est de « limiter le risque d’insécurité » ne portait pas « d’atteinte substantielle au

droit des associations d’exercer des recours ». En d’autres termes, comme le souligne

Frédéric ROUVILLOIS, l’objectif d’intérêt général, ici, la sécurisation des permis de

construire des titulaires, peut justifier une « atteinte limitée695

» aux droits des

associations, ici, le droit à exercer des recours. Ainsi, l’article L. 600-1-1 définit

l’intérêt à agir ratione temporis des associations. Mais, c’est la jurisprudence qui

définit l’intérêt à agir ratione materiae696

. En outre, s’agissant des associations

agréées, sous l’empire de loi du 13 juillet 2006, l’agrément devait être délivré avant

l’autorisation d’urbanisme litigieuse697

. Mais l’ordonnance du 18 juillet 2013 a, sur

ce point, précisé que l’association agréée qui forme un recours en annulation contre

693 Préc. concl. VIALETTES (M.), sur CE, 6

e et 5

e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de

Marseille, no 354026, inédit, BJDU, n

o 5/2013, p. 376.

694 Préc. Cons. const., 17 juin 2011, n

o 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ;

note LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,

p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.

695 ROUVILLOIS (F.), Libertés Fondamentales, Champs Université, Flammarion, Paris, 2012, 405 p.

696 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 631, n

o 2095.

697 Code de l’environnement, art. L. 142-1, al. 2.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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une autorisation d’urbanisme est présumée agir dans les limites de la défense de ses

seuls intérêts légitimes698

. Sur ce point, et par opposition aux réformes précédentes,

la réforme de 2013 marque une garantie pour les associations.

b. Un nouvel intérêt à agir dans l’espace et dans le

temps

La réforme introduite par l’ordonnance du 18 juillet 2013 poursuit l’objectif de

réguler l’accès au prétoire. Le terme « réguler » renvoie à la fois à l’idée d’assurer un

fonctionnement correct mais également à l’idée de régler et de corriger un

dysfonctionnement. Ainsi, le Larousse définit la « régulation » comme l’action de

régler un appareil, d’en corriger le fonctionnement, et comme le fait d’assurer un

fonctionnement correct, à un rythme régulier. Dès lors, la réforme doit permettre de

corriger les dysfonctionnements de l’accès au prétoire pour endiguer la prolifération

des recours abusifs. Et la clé de cet ajustement n’est autre que l’intérêt à agir699

.

L’avenir seul dira si cet ajustement au niveau de l’intérêt à agir sera effectivement le

« point d’appui pour donner plus de hardiesse aux juridictions dans le sens d’une

restriction de l’intérêt à agir700

».

En effet, la note de présentation701

indique en substance que pour limiter les recours

abusifs contre les autorisations d’urbanisme qui « engorgent » les prétoires, l’intérêt

à agir des personnes physiques ou morales, autres que les associations, a été précisé.

Plus précisément, leur intérêt à agir est désormais défini dans le temps et dans

l’espace. Dans l’espace, cet intérêt à agir s’apprécie au regard du préjudice subi par

le requérant au niveau des conditions d’occupation ou d’utilisation de son propre

bien702

. Dans le temps, cet intérêt à agir s’apprécie au regard de la situation du

requérant à partir de la date d’affichage en mairie de la demande de permis de

construire703

. Cet intérêt à agir ratione temporis s’inscrit, comme le souligne Fabrice

698 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al. 2.

699 V. en ce sens préc. TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt

à agir, AJDA, 2013, p. 1901. 700

Ibid. 701

Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 2. 702

Code de l’urbanisme, L. 600-1-2. 703

Code de l’urbanisme, L. 600-1-3.

Page 234: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

234/480

MELLERAY704

, dans la même logique que celle initiée pour les associations par la

loi du 13 juillet 2006.

Par ailleurs, sur ce point, le Conseil d’État a d’ores et déjà jugé que les nouvelles

dispositions codifiées aux articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code l’urbanisme

« affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre

une décision administrative », dès lors « elles sont, en l’absence de dispositions

contraires expresses, applicables aux recours formés contre les décisions intervenues

après leur entrée en vigueur705

». Au surplus, il se déduit de cet avis, que la nouvelle

définition, plus abstraite de l’intérêt à agir des tiers, est, il faut le dire, une atteinte au

droit au recours dans une certaine mesure. Et là encore, seul l’avenir dira si cette

atteinte a atteint le but de sécurisation des permis de construire souhaité.

Enfin, ayant fait l’objet d’une réforme encore relativement récente706

et parce que les

recours abusifs sont, aux dires des praticiens707

, le fait de particuliers ou de groupes

isolés, la nouvelle définition de l’intérêt à agir n’a pas d’effet négatif sur l’intérêt à

agir des associations708

. L’intérêt à agir de ces dernières a déjà fait l’objet d’un

encadrement spécifique. En effet, la loi no 2006-872 du 13 juillet 2006 portant

engagement national pour le logement a introduit dans le Code de l’urbanisme

l’article L. 600-1-1 selon lequel une association n’est recevable à agir contre une

décision relative à l’occupation ou à l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts

de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de

la demande du pétitionnaire. Cet encadrement de l’intérêt à agir ratione temporis a

été validé par le Conseil constitutionnel709

. Toutefois, l’ordonnance du 18 juillet

2013 est venu préciser que l’association agrée, lorsqu’elle est l’auteur d’un recours

704 Préc. MELLERAY (F.), À propos de l’intérêt donnant qualité à agir en contentieux administratif,

AJDA, 2014, p. 1530. 705

CE, avis, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, no 376113, AJDA, 2014, p. 1292 ; Dalloz, 2014, p. 137.

706 Loi du 13 juillet 2006 portant Engagement national pour le logement (ENL).

707 Cf. la conviction forgée par les auteurs du rapport LABETOULLE à l’issue des auditions réalisées,

ou encore les publications FFB 708

Exception faite de la précision de l’alinéa 2 de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme qui

dispose que lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection

de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement est l’auteur du recours,

elle est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes (à l’exclusion, donc, de

tous autres intérêts). 709

Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138 QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note

LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs. TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron. FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011,

p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011, Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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contre une décision d’urbanisme, est « présumée agir dans les limites de la défense

de ses intérêts légitimes710

».

2) Accélérer le traitement des contentieux

La réforme témoigne également de la volonté de ses auteurs d’accélérer le traitement

des contentieux. En effet, là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme, tout

en luttant contre les recours abusifs, doit permettre de « fluidifier », c’est-à-dire

d’accélérer les procédures contentieuses. Pour ce faire, la possibilité de régulariser

des autorisations d’urbanisme en cours d’instance est codifiée (a.) et dans un second

temps, le mécanisme de cristallisation des moyens est introduit dans la procédure

contentieuse de l’urbanisme (b.).

a. L’introduction d’une procédure de régularisation

L’ordonnance du 18 juillet 2013 introduit une procédure de régularisation en cours

d’instance. Le régime de cette nouvelle procédure est régi par la combinaison des

articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme.

La note de présentation de la réforme indique en substance qu’avant la réforme,

l’annulation d’un permis pour un « vice même mineur711

» contraignait son titulaire à

« repartir à zéro712

» dans la procédure d’instruction administrative, à déposer un

nouveau dossier et à obtenir une nouvelle autorisation. Cette mesure comme les

autres est inspirée d’une des propositions du rapport LABETOULLE. Dès le 3 mai

2013, la FFB salue, dans son communiqué de presse, une réforme pragmatique

élaborée pour remédier aux procédures de plus en plus longues qui affectent les

programmes de construction. Rappelons que la FFB représente cinquante-sept mille

adhérents dont quarante-deux mille entreprises de taille artisanale, soit deux tiers (⅔)

de la production annuelle du bâtiment et deux tiers (⅔) des salariés du bâtiment. Elle

note « avec satisfaction le pragmatisme d’un texte qui répond à de nombreuses

attentes des professionnels du Bâtiment » à savoir accélérer la construction de

710 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al. 2.

711 Ibid.

712 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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logements et de réduire les délais de traitement des litiges dans le domaine de

l’urbanisme713

.

La régularisation en cours d’instance s’inscrit dans l’évolution de l’appréhension des

autorisations d’urbanisme. Longtemps considérées comme indivisibles, les

autorisations d’urbanisme ont progressivement été considérées comme divisibles.

L’admission de ce caractère de divisibilité a ainsi permis au juge administratif de

prononcer des annulations partielles. En effet, une jurisprudence constante et

relativement ancienne avait un temps considéré que les autorisations d’urbanisme

étaient des actes indivisibles. Cette jurisprudence avait pour conséquence de rendre

irrecevables les conclusions tendant à l’annulation partielle d’une autorisation

d’urbanisme dont les dispositions formaient un tout indivisible et ce quels que

fussent les moyens invoqués contre la décision attaquée714

.

La loi no 85-729 du 18 juillet 1985 a introduit dans le Code de l’urbanisme un article

L. 332-7 précisant que « l’illégalité des prescriptions exigeant des taxes ou des

contributions aux dépenses d’équipements publics est sans effet sur la légalité des

autres dispositions de l’autorisation de construire715

». Dès lors, le contentieux des

participations d’urbanisme doit être distingué du contentieux de la légalité des

autorisations d’urbanisme qui en constituent l’assiette716

. De plus, la divisibilité a

aussi été admise lorsque des éléments d’un projet de construction ou d’aménagement

à vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, « en raison de leur ampleur et de

la complexité du projet », l’objet d’autorisations d’urbanisme distinctes717

. Ce

caractère de divisibilité admis dans un cadre jurisprudentiel a permis au législateur,

inspiré du rapport PELLETIER, d’introduire par la loi ENL du 13 juillet 2006 au

Code de l’urbanisme un article L. 600-5 consacrant légalement la possibilité pour le

juge de prononcer des annulations partielles. En effet, l’article L. 600-5 dispose en

substance que lorsque le juge constate que seule une partie d’un projet de

713 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 1. 714

CE, 8 janv. 1988, M. MAZAR, no 73051, inédit ; CE, 12 oct. 1979, Min. Environnement

c/POIDEVIN, no 12957, Rec. Lebon, T., p. 929 ; AJDA, 1980, p. 252.

715 V. également sur ce point : DURAND (P.), L’annulation partielle des autorisations d’urbanisme,

cinq années d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme », AJDA, 2012, p. 129. 716

VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 648, n

o 2121.

717 CE, 1

er mars 2013, FRITOT, n

o 350306, D. actu., 6 mars 2013, obs. GRAND (R.) ; AJDA, 2013,

p. 495 ; obs. SOLER-COUTEAUX, RDI, 2013, p. 226, concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2013,

p. 221.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est

illégale, il peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.

Toutefois, l’annulation même partielle s’avère être une sanction parfois trop radicale.

Comme le souligne la note de présentation de la réforme, un « vice même

mineur718

» contraignait son titulaire à « repartir à zéro719

». Aussi, depuis

l’ordonnance du 18 juillet 2013, les juridictions administratives peuvent autoriser la

régularisation d’un permis de construire en cours d’instance dès lors que le vice peut

être couvert par un permis modificatif. Cette mesure vise à « gagner du temps de

procédure administrative, sans restreindre les droits des requérants720

».

Le régime de la mise en œuvre concrète de cette procédure de régulation est analysé

plus en détail dans le chapitre suivant, sous l’angle de l’avènement d’un nouvel

équilibre entre le droit au recours et le droit à la sécurité juridique.

b. Les autres outils réglementaires de l’accélération

Le décret no 2013-879 du 1

er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme

introduit deux mesures visant précisément la réduction des délais de traitement721

. La

première vise « à contenir la durée d’instruction des dossiers », c’est le mécanisme

de la « cristallisation des moyens ». La seconde vise l’expérimentation de la

compétence de premier et de dernier ressort des tribunaux administratifs, sur une

durée de cinq ans, à compter du 1er

décembre 2013, et dans la trentaine

d’agglomérations de plus de cinquante mille habitants soumises à la taxe

d’« inhabitation », c’est-à-dire à la taxe sur les logements vacants, soit en d’autres

termes sur les zones tendues où les besoins de création de logements sont les plus

importants.

En dépit des différences avec la proposition formulée par le rapport

LABETOULLE722

, cette expérimentation s’inspire tout de même largement, comme

718 Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 1. 719

Ibid. p.4. 720

Ibid. 721

Ibid. 722

Ainsi que nous l’avons précédemment souligné, le rapport LABETOULLE avait frileusement

assorti cette proposition de réserve et notamment de la nécessité de réaliser une étude complémentaire

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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les autres éléments de la réforme, du rapport LABETOULLE. Soulignons encore que

dans le cadre de cette expérimentation, la voie de l’appel est désormais fermée pour

des jugements statuant sur les permis de construire, même si le recours en cassation

auprès du Conseil d’État demeure possible.

L’acteur phare dont dépend finalement la sécurisation des autorisations d’urbanisme

ainsi que l’accélération du traitement des procédures contentieuses est le juge

administratif. Ce dernier bénéficie de ce mouvement de « rationalisation du

contentieux de l’urbanisme723

» et se voit doté de nouvelles prérogatives. Mais ne

nous leurrons pas. Derrière ces aspects juridiques, il s’agit essentiellement de

relancer l’économie de la construction724

, mais encore faut-il que l’offre suive725

.

Le régime de la mise en œuvre concrète du mécanisme de cristallisation des moyens

est analysé plus en détail dans le chapitre suivant, sous l’angle de l’avènement d’un

nouvel équilibre entre le droit au recours et le droit à la sécurité juridique.

B. Moraliser les procédures contentieuses

La réforme des procédures contentieuses en matière d’urbanisme entend lutter contre

les recours abusifs en moralisant la procédure. À ce titre, elle introduit un régime

procédural innovant (1.) qui mérite, toutefois d’être nuancé (2.).

sur le sujet et circonscrivait la mesure à un critère de surface (1 500 m²). Ni l’étude complémentaire ni

le critère de surface n’ont été retenus par les auteurs de la réforme. 723

VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 655, n

o 2131.

724 V. BRONDEL (S.), Des ordonnances annoncées pour relancer la construction de logements,

AJDA, 2013, p. 656 ; JEGOUZO (Y.) et LEBRETON (J.-P.), Le droit de l’urbanisme au défi de

l’accélération de la construction ?, AJDA, 2013, p. 2487 ; GRAND (R.), Les annonces du

Gouvernement pour relancer la construction de logements, Dalloz actu., 5 sept. 2014. 725

TIBERGHIEN (F.), Voter des lois à un rythme accéléré relève d’un geste désespérant si l’offre ne

suit pas, AJDA, 2009, p. 1299.

Page 239: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

239/480

1) Des mécanismes innovants

La réforme du contentieux de l’urbanisme reflète aussi la volonté de moraliser les

comportements. En effet, là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme, tout

en luttant contre les recours abusifs, doit aussi provoquer le changement de

comportement des acteurs à moyen terme726

. La réforme entend ainsi responsabiliser

les requérants et indiquer que l’abus préjudiciable au bénéficiaire de l’autorisation

d’urbanisme attaquée doit pouvoir être réparé à hauteur du préjudice causé. Et c’est

le juge administratif qui apprécie cette indemnisation (a.). La réforme entend

également moraliser, par la transparence, les transactions amiables qui mettent fin

aux instances. Et les gardiens de cette transparence sont les centres des impôts directs

(b.).

a. Le juge administratif, juge du prix de l’abus

Les conséquences pécuniaires des recours abusifs obligent les bénéficiaires

professionnels des autorisations d’urbanisme, essentiellement les promoteurs, à

provisionner dans leur bilan comptable la charge financière ou le risque financier lié

aux délais des procédures contentieuses. Lesquelles peuvent durer de quinze mois à

quatre ans727

. De la même manière, ils provisionnent comptablement la charge

financière ou le risque financier lié à l’aléa judiciaire. Cette estimation peut, parfois

être chiffrée à proportion du coût estimé que représenterait une éventuelle solution

amiable. Dès lors, il est apparu nécessaire de moraliser le contentieux de l’urbanisme

« parfois pollué par des recours [entrepris] par des requérants qui, bénéficiant du

libéralisme caractérisant le contentieux de l’excès de pouvoir, instrumentalisant le

juge administratif, bloquent une opération immobilière et négocient avec son

promoteur un désistement, en contrepartie d’une somme d’argent déconnectée de

l’étendue du préjudice éventuellement subi728

».

726 LABETOULLE (D.), Contentieux de l’urbanisme : « il faut modifier le comportement des

acteurs », AJDA, 2013, p. 1188. 727

Préc. Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013

relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et fluidifier le traitement

des contentieux, p. 2. 728

JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits sans

fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation.

Page 240: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

240/480

L’ordonnance du 18 juillet 2013 a introduit dans le Code de l’urbanisme la

possibilité pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme de demander de manière

reconventionnelle l’allocation de dommages-intérêts au juge administratif. En effet,

en vertu des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, le bénéficiaire

du permis attaqué peut demander, par mémoire distinct mais bien dans la même

instance, et donc au juge administratif saisi du recours, de condamner l’auteur du

recours à lui allouer des dommages-intérêts. Cette possibilité suppose la réunion

cumulative de deux éléments. D’une part, le droit de former un recours pour excès de

pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager doit avoir été mis

en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du

requérant. D’autre part, les conditions de cette mise en œuvre doivent avoir causé un

préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Par ailleurs, la demande peut être

présentée pour la première fois en appel729

.

Là encore, l’acteur phare, dont dépend manifestement le succès de la sécurisation des

autorisations d’urbanisme, est le juge administratif. Cette nouvelle prérogative rompt

avec le caractère objectif du contrôle de la légalité qui est l’essence de la mission du

juge dans les procédures pour excès de pouvoir730

. Compte tenu de cette rupture au

profit d’une subjectivisation du contrôle de légalité, la question a été posée de savoir

si cette nouvelle prérogative ne dépossède pas le juge judiciaire. A priori, tel n’est

pas le cas, puisque le juge judiciaire demeure compétent pour connaître une action en

responsabilité délictuelle sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, pour un

préjudice causé par un recours abusif731

.

Pourtant, la question mérite une attention particulière. En effet, la subjectivisation

progressive du droit administratif conduit à se demander s’il existe encore une

distinction entre le recours pour excès de pouvoir et le recours de plein contentieux.

Évidemment, le sujet n’est pas nouveau, puisque, déjà, dans sa note sous l’arrêt

BOUSSUGE du 29 novembre 1912, Maurice HAURIOU écrivait732

au sujet du

recours pour excès de pouvoir : « Nous l’admirons encore de confiance, mais il est

729 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7, al.1

er.

730 En effet, comme l’explique Fabrice MELLEREY, classiquement, en matière de recours pour excès

de pouvoir, « le recours vise avant tout à assurer la bonne administration et ne satisfait les intérêts

personnels du requérant qu’éventuellement par ricochet, accessoirement » in MELLERAY (F.), Essai

sur la structure du contentieux administratif français, LGDJ, Paris, 2001, 466 p., p. 386. 731

Préc. JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits

sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation. 732

Certes finalement de manière prématurée puisque les recours pour excès de pouvoir n’ont pas

encore tari… peut-être en partie grâce aux recours abusifs.

Page 241: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

241/480

comme cette étoile temporaire des Gémeaux, que nous voyons dans le ciel, et dont

l’exaltation lumineuse a peut-être disparu depuis déjà des centaines d’années,

tellement elle est loin de nous. Nous l’admirons encore, et il n’est déjà plus ou, du

moins, il n’est plus qu’une pièce de musée, un objet d’art délicat, une merveille de

l’archéologie juridique733

. » La métamorphose de « la plus merveilleuse création des

juristes734

», la métamorphose du recours pour excès de pouvoir en recours de plein

contentieux est en marche. Mais la procédure pour excès de pouvoir n’est pas pour

autant moribonde735

. René CHAPUS privilégie plutôt l’idée d’une lune

« éclipsée736

» en réponse à la métaphore filée de Maurice HAURIOU.

b. Les services fiscaux, gardiens de la transparence

des transactions

L’ordonnance du 18 juillet 2013 a introduit dans le Code de l’urbanisme un nouvel

article L. 600-8 qui impose une formalité ad validitatem aux transactions. Cette

formalité passe par la voie de l’enregistrement. Plus précisément, désormais, toute

transaction par laquelle un tiers ayant demandé au juge administratif l’annulation

d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce

recours en contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un

avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du Code

général des impôts. Le Code de l’urbanisme prévoit, en outre, que la contrepartie

convenue dans une transaction non enregistrée est réputée sans cause. Il en résulte

que les sommes versées dans ce cadre sont sujettes à répétition. Cette action en

733 CE, 29 nov. 1912, BOUSSUGE, n

o 45893, Rec. Lebon, p. 1128 ; concl. BLUM, S., 1914, III.,

p. 33, note HAURIOU (M.) ; GAJA 19e éd., n

o 26 ; Drt. Publ., 1916, III., p. 49 ; LIEBER (S.-J.) et

BOTTEGHI (D.), L’étoile du recours pour excès de pouvoir pâlirait-elle encore ?, AJDA, 2009,

p. 583. 734

Expression empruntée à Gaston JEZE qui décrit le recours pour excès de pouvoir comme « la plus

merveilleuse création des juristes » in Rap. à l’Institut international de droit public, Annuaire, 1929,

p. 180. 735

V. sur ce sujet, BAILLEUL (D.), L’efficacité comparée des recours pour excès de pouvoir et de

plein contentieux objectif en droit public français, LGDJ, Publication Univ Rouen Havre, 2002, 428 p.

et v. également WOEHRLING (J.-M.), Vers la fin du recours pour excès de pouvoir, in Mélanges

BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 777. 736

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 247, n

o 268.

Page 242: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

242/480

répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention

de l’avantage en nature737

.

La nouvelle disposition du Code de l’urbanisme renvoie à l’article 635 du Code

général des impôts. Cet article est un article catalogue relatif à l’obligation

d’enregistrement, dans le délai d’un mois à compter de leur date, d’un certain

nombre d’actes publics et sous-seing privés. Cet article, modifié par l’ordonnance du

18 juillet 2013, prévoit ainsi l’enregistrement des transactions prévoyant, en

contrepartie du versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en

nature, le désistement du recours pour excès de pouvoir formé contre un permis de

construire, de démolir ou d’aménager738

.

Il faut encore combiner ces dispositions à l’article 680 du Code général des impôts,

également modifié par l’ordonnance du 18 juillet 2013. Cet article 680 prévoit que

tous les actes qui ne se trouvent ni exonérés, ni tarifés par un aucun autre article du

présent code et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou

progressive sont soumis à une imposition fixe de 125 euros. Toutefois, l’ordonnance

du 18 juillet 2013 a précisé que les transactions sont exonérées de ce droit fixe739

. En

pratique, désormais, les transactions conclues dans ce cadre doivent être enregistrées

indistinctement740

au service des enregistrements du centre des impôts. La plus

diligente des parties doit s’y rendre avec un exemplaire original de la transaction

conclue741

pour la faire enregistrer dans le délai d’un mois à compter de la

signature742

.

Le service des impôts est ainsi érigé en gardien de la transparence des transactions. Il

est ainsi, indirectement, appelé à participer au processus de lutte contre les recours

abusifs et à limiter les chantages de requérants malveillants. Il doit à cet effet jouer

un rôle qui se veut dissuasif. Par ailleurs, comme le relève Isabelle SAVARIT-

BOURGEOIS, l’introduction de ce mécanisme de combinaison du nouvel article du

Code de l’urbanisme aux dispositions du Code général des impôts doit permettre

737 Code de l’urbanisme, art. L. 600-8.

738 Code général des impôts, art. 635, 9

o.

739 Code général des impôts, art. 680, al. 2.

740 Code général des impôts, art. 654 : « Les actes sous signature privée autres que ceux visés à

l’article 652 et les actes passés en pays étrangers peuvent être enregistrés dans tous les services des

impôts indistinctement. » 741

Code général des impôts, art. 658, I. 742

Code général des impôts, art. 635, 1.

Page 243: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

243/480

d’« espérer une moralisation des rapports entre les constructeurs et les

requérants743

».

Soumettre les transactions à la formalité de l’enregistrement est une innovation en ce

que cela n’existait pas auparavant en matière de contentieux de l’urbanisme.

Cependant, c’est une innovation limitée. En effet, la formalité de l’enregistrement en

elle-même est d’essence féodale. Ainsi, Jean-Baptiste SIMONET définit

l’enregistrement comme l’inscription d’actes et de certains faits juridiques sur des

registres spécifiques. La nature de l’enregistrement est double. Il est à la fois un

impôt dans l’intérêt de l’État et un service public au bénéfice des parties.

Par ailleurs, il donne date certaine à l’égard des tiers aux actes sous seings privés.

Enfin, s’il n’est pas une condition de l’authenticité des actes authentiques et des

jugements, leur mention au registre constitue une présomption grave de leur

existence et de la certitude de leur date744

. Si l’encadrement des transactions est une

recommandation du rapport LABETOULLE, en revanche, cette modification du

Code général des impôts ne l’est pas.

2) Éléments de tempérance

Le caractère innovant des mécanismes de moralisation introduits par la réforme des

procédures contentieuses en matière d’urbanisme doit être nuancé.

D’une part, l’introduction de l’article L. 600-7 dans le Code de l’urbanisme écarte la

jurisprudence selon laquelle « en raison de la nature particulière du recours en excès

de pouvoir745

» des conclusions reconventionnelles ne sont pas recevables dans cette

branche du contentieux. Le mécanisme innovant réside dans l’extension des

prérogatives du juge administratif qui est désormais compétent pour interpréter les

conditions d’allocation de dommages-intérêts746

. Mais la logique d’indemnisation du

bénéficiaire du permis attaqué devant le juge administratif saisi d’une demande

743 SAVARIT-BOURGEOIS (I.), L’essentiel du droit de l’urbanisme 2014-2015, Les Carrés, Gualino

éditeur, Paris, 2014, 180 p., p. 24. 744

SIMONET (J.-B.), Traité élémentaire de droit public et administratif, F. Pichon, Paris, 1902, 965

p., p. 848. 745

Préc. CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, no 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN

(J.), D., 1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. 746

LABETOULLE (D.), Une nouvelle réforme du droit du contentieux de l’urbanisme, RDI, 2013,

p. 508.

Page 244: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

244/480

d’annulation de l’autorisation d’urbanisme s’articule autour du droit de la

responsabilité délictuelle. En d’autres termes, l’indemnisation suppose, comme en

matière civile, l’existence d’une faute747

, d’un préjudice et d’un lien de causalité

entre les deux748

. D’ailleurs, l’article vise une faute constituée par la formation d’un

recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou

d’aménager dans « des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du

requérant ». En outre, le texte semble ici admettre que tout contentieux induit, par

essence, un minimum de préjudice tolérable, c’est-à-dire de préjudice non

indemnisable. En effet, ici, bien que calquée sur la responsabilité délictuelle, le

nouvel article ne prévoit l’indemnisation que du « préjudice excessif » subi par le

bénéficiaire du permis litigieux. Cette précision risque sans doute de limiter la portée

de la nouvelle disposition. Et l’avenir seul, via la pratique jurisprudentielle, viendra

préciser la notion de « préjudice excessif », hélas, encore trop abstraite à ce jour et

donc « contentiogène ». Or, nous l’avons déjà évoqué, les premières décisions

donnent les signes d’une lecture restrictive des nouveaux critères749

. Nous

consacrons un développement particulier à cette lecture jurisprudentielle dans le

chapitre suivant, consacré à l’étude du nouvel équilibre mis en place par le

législateur et l’accueil jurisprudentiel qui lui est fait.

En outre, si l’ordonnance prévoit l’action en répétition de l’indu comme sanction des

transactions non enregistrées, elle ne dit rien, en revanche, des transactions conclues

pour des montants injustifiés mais « blanchies » par un enregistrement en bonne et

due forme. Comme le souligne Carol GALIVEL, il est regrettable que l’ordonnance

n’ait pas assorti ce mécanisme d’un contrôle des dérives des transactions qui

demeurent possibles, en dépit de l’enregistrement750

.

747 Contrairement, rappelons-le, à ce que pouvait laisser croire à tort l’expression « préjudice

anormal » laquelle expression renvoie classiquement, en droit administratif, au régime de la

responsabilité sans faute. 748

GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de

construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,

p. 63. 749

Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars

2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,

Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application

restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,

RDI, 2014, p. 588. 750

GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de

construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,

p. 66.

Page 245: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

245/480

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que la

réforme du contentieux de l’urbanisme vise expressément la lutte contre les recours

abusifs et la sécurisation des permis de construire. Éclairée et pragmatique, la

réforme a été largement inspirée du remarquable travail du groupe de travail présidé

par Daniel LABETOULLE. Pour lutter contre les recours abusifs et sécuriser les

autorisations d’urbanisme, la réforme entend rationaliser et moraliser le contentieux

de l’urbanisme. Pour sa mise en œuvre, la réforme a, en outre, introduit des

dispositions novatrices mais aussi, hélas, relativement abstraites. Toutefois, malgré

des éléments d’une qualité certaine, la réforme du contentieux de l’urbanisme laisse

sans réponse un certain nombre d’interrogations juridiques.

SECTION 2 : Des interrogations juridiques subsistantes

Malgré les consultations en amont et les auditions faites de professionnels751

, les

récentes mesures réglementaires accentuent le caractère « incantatoire752

» du droit

de l’urbanisme et en l’occurrence de ses procédures contentieuses. D’une manière

générale, en dépit du pragmatisme de la réforme, des interrogations juridiques

subsistent. Ainsi, il convient de s’interroger, d’une part, sur l’articulation dans le

temps de la réforme (I.) et, d’autre part, sur la portée de l’extension des pouvoirs du

juge administratif (II.).

751 Cf. Le Rapport LABETOULLE et l’ensemble des travaux préparatoires.

752 SAVARIT BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, Mélanges

J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007,

1122 p., p. 939.

Page 246: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

246/480

I. L’articulation dans le temps de la réforme

La réforme du contentieux de l’urbanisme est encore récente. Et sa fraîcheur laisse

en suspens ou à tout le moins sans réponses un certain nombre de points juridiques

qu’il convient de présenter (A.). Des éléments de réponse ont d’ores et déjà pu être

apportés par le Conseil d’État qui éclaire sur l’articulation de la réforme dans le

temps (B.).

A. Présentation des points d’interrogation

Ce sont les conditions d’applications dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 qui ont le plus mobilisé la doctrine753

. En effet, sur

ce point l’ordonnance ne donnant que peu de précisions techniques, elle a laissé le

soin aux juridictions de circonscrire les modalités de la mise en œuvre de ces

nouvelles procédures contentieuses spéciales. Comme l’écrit avec justesse, Jean-

Christophe LE COUSTUMER, l’ordonnance du 18 juillet 2013 et le décret du

1er

octobre 2013 ont « apporté des changements dont il est, pour certains, difficile

753 Parmi de nombreux articles, v. en particulier les excellentes conclusions du rapporteur public,

Xavier de LESQUEN, sur les affaires SCI MOUNOU (CE, avis, 6e et 1

re SSR, 18 juin 2014,

no 376113) et Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo (CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014,

no 376760), Rec. Lebon, concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le

temps des dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de

l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317, suivies

d’observations anonymes ; GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du

18 juillet 2013, Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n

o 113 ; EVEILLARD (G.), L’application dans le

temps des dispositions nouvelles du Code de l’urbanisme, Semaine Juridique Éd. Gén., no 38, 15 sept.

2014, p. 950 ; v. également TESSIER (V.), Recours abusifs, appliquer les nouvelles procédures

contentieuses, La Gazette, 14 juill. 2014, p. 44 ; v. aussi concl. VIALETTES (M.), Comment

apprécier l’intérêt à agir contre un permis de construire, BJDU, 5/2013, p. 376, sur l’arrêt CE, 1re

et 6e

SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de Marseille, no 354026 ; TA, Toulon, 19 déc. 2013,

no 1300797, concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la réforme du contentieux de

l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300.

Page 247: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

247/480

d’évaluer aujourd’hui totalement la portée754

». Ce sont les articles L. 600-1-2 relatif

à l’intérêt à agir et L. 600-1-3 relatif à la date d’appréciation de cet intérêt qui ont le

plus suscité des interrogations755

.

En vertu des dispositions de son article 5, l’ordonnance du 18 juillet 2013 est entrée

en vigueur un mois après sa publication au Journal officiel. Cette entrée en vigueur

est intervenue le 19 juillet 2013. Par conséquent, les dispositions de l’ordonnance

sont en vigueur, en principe, depuis le 19 août 2013. Ainsi que le rappelle756

Xavier

de LESQUEN, en principe, sauf dispositions transitoires contraires, la nouvelle

ordonnance est d’application immédiate757

et s’impose aux situations en cours. Le

même principe s’applique au règlement. Il est, en effet, de jurisprudence constante

que nul n’a de droit acquis au maintien d’une disposition réglementaire758

.

Sur ce point, deux régimes doivent être distingués s’agissant de la mise en œuvre de

la règle nouvelle.

Le premier régime s’applique aux dispositions d’organisation des formes de recours

et de leur introduction. Ces dispositions n’entrent en conflit avec aucune situation

définitivement constituée ni n’affectent aucun droit acquis759

.

Le second régime s’applique aux dispositions qui « affectent la substance du droit au

recours des parties et sont susceptibles de porter atteinte à leurs droits acquis760

».

Les nouvelles dispositions qui entrent dans le champ de ce régime ne sont

754 LE COUSTUMER (J.-C.), Les documents de planification à l’épreuve du contentieux, La

recherche d’un juste équilibre entre sécurité juridique et droit au recours, in Quel Droit pour un

urbanisme durable ?, direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 45. 755

V. CAA, Marseille, 3 oct. 2013, no 11MA04815, concl. REVERT (M.), AJDA, 2013, p. 2392 ; TA

Toulon, 19 déc. 2013, no 1300797, concl. GAUTRON (A.), AJDA, 2014, p. 300.

756 Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des

dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel

est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 757

Cons. const., 29 déc. 2005, no 2005-530 DC, Les Cah. du Cons. const., n

o 20, p. 8 ; Cons. const.,

24 mai 2013, no 2013-317 QPC, Syndicat français de l’industrie cimentière et a., TREBULLE (F.-G.),

Droit de l’environnement, Dalloz, 2014, p. 104 ; CE, Sect., 19 déc. 1980, Mme REVILLOD et a.,

no 12387, Rec. Lebon, p. 479, concl. GENEVOIS (B.).

758 CE, 2

e et 6

e SSR, 10 mars 1995, Association des pilotes professionnels français, n

o 117094, Rec.

Lebon, T., p. 645, note GEFFRAY (E.), L’application aux contrats en cours de dispositions nouvelles

sur la durée des contrats, RFDA, 2009, p. 449 ; DELVOLVE (P.), Retrait et obligation : le cas des

actes à objet pécuniaire et des actes obtenus par fraude, RFDA, 2003, p. 240. 759

Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des

dispositions issues de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel

est le mode d’emploi du nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 760

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

248/480

applicables qu’aux recours formés postérieurement à leur entrée en vigueur. Relèvent

de ce second régime les dispositions relatives à l’appréciation de la qualité pour agir

des requérants761

, les dispositions relatives à l’ouverture d’une nouvelle voie de

recours762

, ou d’une suppression d’une voie de recours763

, ainsi que les dispositions

relatives au délai de recours contre une décision juridictionnelle764

.

L’ordonnance du 18 juillet 2013 ne comportant aucune disposition particulière, ces

principes s’appliquent. Mais loin de faciliter la mise en œuvre des nouveaux articles,

l’absence de disposition particulière transitoire définissant les modalités de leur

application dans le temps, rend leur mise en œuvre plus délicate encore765

.

Rapidement après l’entrée en vigueur des dispositions de l’ordonnance, le tribunal

administratif de Pau766

et la cour administrative d’appel de Nantes767

demandent

l’avis du Conseil d’État sur l’application dans le temps des dispositions de

l’ordonnance ainsi que sur la mise en œuvre de l’article L. 600-5-1 du Code de

l’urbanisme768

.

761 CE, 11 juill. 2008, Association des amis des paysages bourganiauds, n

o 313386, Rec. Lebon, T.,

p. 845, AJDA, 2008, p. 1413, concl. COURREGES (A.), Application dans le temps de la limitation

des recours des associations, ibid., p. 2025, SOLER-COUTEAUX (P.), L’article L. 600-1-1

s’applique aux recours introduits contre les décisions intervenues postérieurement à l’entrée en

vigueur de la loi ENL, RDI, 2008, p. 461. 762

CE, Sect., 10 févr. 1995, M. Albert RIEHL et Cne de Coudekerque-Branche, no 129168 et 147378,

Rec. Lebon, p. 66 et 67, AJDA, 1995, p. 370, chron. TOUVET (L.) et STAHL (J.-H.), LPA, 12 juill.

1995, p. 33, note VERDIER, RFDA, 1995, p. 343, concl. SAVOIE (H). 763

CE, 11 juin 2003, M. et Mme HALIMI Veuve GUEREL, no 246456, Rec. Lebon, T., AJDA, 2003,

p. 1677. 764

CE, Sect., 13 nov. 1959, Secrétaire d’État à la Reconstruction et au logement c. Sieur BACQUE,

nos

38805 et 39949 bis, Rec. Lebon, p. 593, et CE, 27 mars 2000, Mme LEROY, no 196836, Rec.

Lebon, p. 139, R.D.A, 6/2000, no 143, R.J.F. 5/2000, n

o 676 ; rappr. CE 7 juin 2010, MAHIEU,

no 322555, Rec. Lebon. T.

765 Préc. EVEILLARD (G.), L’application dans le temps des dispositions nouvelles du Code de

l’urbanisme, JCP Semaine Juridique Ed. Gén., no 38, 15 sept. 2014, p. 950.

766 Sous le n

o 376113.

767 Sous le n

o 376760.

768 V. préc. CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317.

Page 249: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

249/480

B. Éléments de réponse apportés par le Conseil d’État

S’agissant de l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme relatif à l’intérêt à agir et

de l’article L. 600-1-3 du même Code relatif à la date d’appréciation de l’intérêt à

agir, le Conseil d’État estime que « s’agissant de dispositions nouvelles qui affectent

la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre une décision

administrative, elles sont, en l’absence de dispositions contraires expresses,

applicables aux recours formés contre les décisions intervenues après leur entrée en

vigueur769

». Ainsi, s’agissant des nouveaux articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du

Code de l’urbanisme qui encadrent l’appréciation de l’intérêt pour agir contre les

autorisations d’urbanisme, le Conseil d’État considère, sans surprise, s’agissant de

dispositions qui affectent la substance même du droit au recours, que les nouveaux

articles ne sont applicables qu’aux recours formés postérieurement à l’entrée en

vigueur desdits articles.

Dans le même sens, s’agissant de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme, relatif à

la régularisation en cours d’instance, et de l’article L. 600-7 du même code, relatif à

la possibilité pour le défendeur de présenter une demande d’indemnisation

reconventionnelle, le Conseil d’État estime que « ces nouvelles dispositions, qui

instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge

administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, sont en l’absence de

dispositions expresses contraires, d’application immédiate aux instances en cours,

quelle que soit la date à laquelle est intervenue la décision administrative contestée.

Elles peuvent être appliquées pour la première fois en appel770

. »

Ainsi, s’agissant, ici, des nouveaux articles L. 600-5 et L. 600-7 du Code de

l’urbanisme qui affectent seulement des règles de procédures contentieuses, le

Conseil d’État considère, là encore sans surprise, que les nouveaux articles sont

applicables aux procès en cours dès l’entrée en vigueur desdits articles.

Cependant, l’article L. 600-7 pouvait poser une difficulté. En effet, il ouvre au

défendeur, titulaire de l’autorisation d’urbanisme litigieux, une voie de demande

d’indemnisation reconventionnelle devant le juge administratif. Or, il eût été possible

769 Préc. CE, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, n

o 376113, v. not. AJDA, 2014, p. 1292.

770 Ibid.

Page 250: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

250/480

que le Conseil d’État retînt une autre lecture et considérât que la nouvelle disposition

affectait le droit au recours771

.

Or, certaines décisions ont d’ailleurs initialement estimé que le nouvel article

affectait effectivement la substance du droit au recours et ne pouvait donc

s’appliquer qu’au recours postérieur à l’entrée en vigueur des nouvelles

dispositions772

. Cependant, comme le souligne le rapporteur public, Allan

GAUTRON, l’approche majoritaire est conforme à la position adoptée par le Conseil

d’État, dans les avis du 18 juin 2014. Ainsi, un certain nombre de décisions jugeant

immédiatement recevables les conclusions présentées sur le fondement de l’article

L. 600-7 du Code de l’urbanisme peuvent d’ores et déjà être recensées773

. Le tribunal

administratif de Dijon, a rendu un jugement particulièrement didactique sur ce point,

se référant explicitement au rapport LABETOULLE ainsi qu’aux travaux

préparatoires des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme où il juge

que :

Considérant qu’il résulte des travaux préparatoires des dispositions de

l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, qui reprennent l’une des

propositions faites par le rapport du groupe de travail « Construction et droit

au recours : pour un meilleur équilibre » créé par lettre du 11 février 2013

de la Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, qu’elles n’ont pas

eu pour objet d’affecter le droit de former un recours pour excès de pouvoir

contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ; qu’en admettant

même que la condamnation de l’auteur d’un tel recours, sur le fondement de

ces dispositions, puisse être regardée comme affectant ce droit et les voies

selon lesquelles il peut être exercé, d’une part, une telle condamnation

pouvait déjà être prononcée par les juridictions de l’ordre judiciaire avant

même l’entrée en vigueur de ces dispositions, d’autre part, lesdites

dispositions subordonnent la condamnation qu’elles envisagent aux

771 Préc. Obs. anonymes, BJDU, 4/2014, p. 317.

772 TA, Strasbourg, 15 oct. 2013, Époux RUDOLF, EARL RUDOLF, n

o 1003775, AJDA, 2013,

p. 2058 et M. NOBLAT, no 1005486 ; v. préc. concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la

réforme du contentieux de l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300. 773

V. à titre d’illustration les décisions suivantes : CAA Lyon, 1er

oct. 2013, Société Jean-Luc

SCATAMACCHIA, Cne de Beaune, no 12LY00735 ; TA Grenoble, 10 oct. 2013, SCI Genièvres,

no 1102108 ; TA Poitiers, 10 oct. 2013, Association aigrefeuillaise de défense du patrimoine

communal et de l’environnement et a., no 1001956 ; TA Lyon, 26 sept. 2013, M. DIATCHENKO

no 1105523 ; TA Montpellier, 16 oct. 2013, M. KUBIAK, n

o 1105372 ; TA Dijon, 10 oct. 2013,

M. FRITSCH, no 1201224.

Page 251: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

251/480

conditions cumulatives que la demande de condamnation ait été présentée

par un « mémoire distinct » et que le recours en cause ait été « mis en œuvre

dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du

requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis »,

enfin, il se déduit des travaux préparatoires des dispositions en cause que ces

conditions doivent être strictement respectées ; que, dans un tel contexte, les

dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme ne peuvent pas être

regardées comme ayant eu pour effet d’affecter de manière substantielle le

droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de

construire, de démolir ou d’aménager ainsi que les voies selon lesquelles ce

droit peut être exercé et, par suite, elles ne peuvent pas être regardées comme

ayant eu pour effet de porter atteinte aux droits acquis par les parties ; qu’il

suit de là, en l’absence de dispositions expresses contraires dans

l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013, que les dispositions de l’article

L. 600-7 du Code de l’urbanisme sont applicables aux situations en cours à

la date d’entrée en vigueur de ces dispositions774

.

Ainsi, si l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme crée une nouvelle voie de droit

devant le juge administratif, il n’y a pas techniquement de réelle atteinte au droit au

recours dans la mesure où un recours indemnitaire existait déjà devant le juge civil.

Le nouvel article doit donc être compris comme une mesure de facilitation de la

gestion des procédures contentieuses. Dès lors, il doit être analysé comme affectant,

non pas le droit au recours, mais uniquement les modalités des procédures

contentieuses.

II. La portée de l’extension des pouvoirs du juge administratif

Là encore, la réforme du contentieux de l’urbanisme étant encore très récente, cela

laisse en suspens un certain nombre d’interrogations relatives à la portée de

l’extension des pouvoirs du juge administratif. Il convient de présenter ces points

d’interrogation (A.) avant de tenter d’apporter des éléments de réponse (B.).

774 Préc. TA Dijon, 10 oct. 2013, M. FRITSCH, n

o 1201224.

Page 252: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

252/480

A. Présentation des points d’interrogation

L’ordonnance du 18 juillet 2014 a introduit de nouvelles prérogatives à l’office du

juge administratif. Le Conseil d’État a, dans les avis du 18 juin 2014, précisé que les

dispositions L. 600-5 du Code de l’urbanisme relatives à la possibilité pour le juge de

surseoir à statuer afin de permettre la régularisation de l’autorisation d’urbanisme

litigieuse sont applicables immédiatement, et de même pour les dispositions de

l’article L. 600-7 du même Code s’agissant de la possibilité pour le juge administratif

d’allouer des dommages-intérêts775

.

S’agissant des dispositions de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, l’avis du

Conseil d’État est sollicité quant au « mode d’emploi » du nouveau dispositif776

. De

même, la motivation du sursis et la rédaction de la décision sont des points

d’interrogation sur lesquels le Conseil d’État a rapidement été appelé à donner son

éclairage. S’agissant des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, la

question se pose, en outre, de savoir si les nouveaux pouvoirs indemnitaires du juge

administratif ne « dépossèdent » pas le juge judiciaire777

.

À ces dispositions, il faut également associer les précisions apportées par le décret du

1er

octobre 2013 sur la cristallisation des moyens et la suppression du double degré

de juridiction dans les zones tendues.

Sur ces points, des interrogations sont également laissées en suspens par le décret. Il

est, en effet, permis de s’interroger sur le point de savoir si la demande de

cristallisation des moyens doit nécessairement être formée par mémoire distinct du

défendeur, ou encore de savoir quelle doit être la motivation déterminante pour que

le juge fasse droit à la demande, ou enfin, si la demande de cristallisation peut être

775 Préc. CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 776

Ibid. 777

Préc. JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 : un puits

sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct. 2014, Dalloz formation.

Page 253: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

253/480

demandée systématiquement en début d’instance et ainsi automatiser de facto la

pratique778

.

Comme le relève Valentine TESSIER, quelques mois après l’entrée en vigueur des

nouvelles dispositions introduites par la réforme du contentieux de l’urbanisme, les

juridictions administratives apparaissaient « quelque peu perdues779

».

B. Éléments de réponse

S’agissant du « mode d’emploi » de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, le

Conseil d’État, amené à donner son éclairage dans deux avis rendus en date du

18 juin 2014, a apporté des précisions sur la mise en œuvre du nouveau dispositif. La

mise en œuvre du nouveau dispositif suppose préalablement que le juge ait identifié

une possible régularisation de l’autorisation d’urbanisme soumise à son contrôle.

En outre, cette régularisation doit permettre de faire échapper ladite autorisation à

l’annulation encourue. Comme l’écrit Xavier de LESQUEN, le juge doit ainsi se

placer « intellectuellement dans la posture d’un juge qui se prépare in fine à rejeter

les conclusions à des fins d’annulation de l’autorisation780

». Le juge qui s’apprête à

surseoir à statuer doit ainsi « avoir acquis la conviction781

» que le permis peut être

sauvé.

En ce sens, en matière d’appel, le Conseil d’État considère que lorsque le juge

d’appel estime qu’un moyen ayant fondé l’annulation de l’autorisation d’urbanisme

par le juge de première instance est tiré d’un vice susceptible d’être régularisé et

qu’il décide de faire application de la faculté qui lui est offerte par le nouveau

778 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 656, n

o 2132.

779 Préc. TESSIER (V.), Recours abusifs, appliquer les nouvelles procédures contentieuses, La

Gazette, 14 juill. 2014, p. 44. 780

Préc. CE, avis, 6e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 321. 781

Ibid.

Page 254: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

254/480

dispositif de l’article L. 600-5-1, il doit, avant de surseoir à statuer, constater

préalablement qu’aucun des autres moyens ayant fondé le jugement d’annulation, ni

aucun de ceux qui ont été écartés en première instance, ni aucun des moyens

nouveaux et recevables présentés en appel, n’est fondé ou n’est susceptible d’être

régularisé. Le juge doit ainsi indiquer dans sa décision de sursis pour quels motifs ces

moyens doivent être écartés782

.

De même, les conclusions du rapporteur public, Xavier de LESQUEN, sur les deux

avis du 18 juin 2014, apportent là aussi des indications précieuses quant à la

technique de rédaction de la décision par le juge d’appel. Le rapporteur public

recommande ainsi au juge d’appel de se prononcer en premier lieu sur le bien-fondé

de l’ensemble des moyens d’annulation retenus par le juge de première instance. Et

en second lieu, et uniquement si les moyens fondés identifiés sont régularisables (les

autres moyens étant rejetés car non fondés), le juge d’appel peut alors entrer dans la

démarche de l’article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme783

. Ainsi, de cette manière,

le juge se prononce sur tous les moyens dont il est saisi par l’effet dévolutif de

l’appel.

S’agissant des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, et de la

question de savoir si le nouveau dispositif soustrait le juge civil de son pouvoir

indemnitaire, il n’y a pas encore d’éclairage juridictionnel sur ce point. Aussi, était-il

permis d’imaginer que sur le plan théorique, les voies indemnitaires coexistent

désormais. Cependant, sur le plan pratique, la voie indemnitaire pour recours abusif

contre une autorisation d’urbanisme dans les conditions de l’article L. 600-7 du Code

de l’urbanisme784

devant le juge civil devrait probablement tomber en désuétude au

profit de la nouvelle voie indemnitaire devant le juge administratif. En effet, en

réponse aux critiques avant son introduction, la nouvelle voie vise à faciliter les

demandes indemnitaires. Enfin, rappelons qu’avant la création de cette nouvelle voie

indemnitaire, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, s’estimant victime d’un

recours abusif, ne pouvait espérer qu’une indemnisation a posteriori et après avoir

initié un nouveau procès devant le juge civil. Cela l’obligeait à déclencher une

782 Ibid.

783 Ibid. p. 323.

784 À savoir l’exercice par le requérant de son droit au recours dans des conditions qui excèdent la

défense des intérêts légitimes et le préjudice excessif au bénéficiaire du permis.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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nouvelle procédure, et donc à engager de nouveaux frais et ce, sans aucune garantie

de succès judiciaire785

.

Désormais, aux termes des dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme,

les demandes reconventionnelles en indemnisation du préjudice « excessif » causé

par l’exercice exagéré du droit au recours par le requérant peuvent être présentées au

cours de l’instance en cours devant le juge de l’excès de pouvoir, y compris pour la

première fois en appel. Il s’agit là d’un nouveau particularisme du droit administratif

qui déroge, ici, aux procédures du contentieux administratif général. En effet, cette

voie indemnitaire devant le juge administratif est limitée aux cas des recours

abusivement exercés contre les autorisations d’urbanisme.

S’agissant des interrogations posées par le mécanisme de la cristallisation des

moyens, les modalités d’application demeurent en attente des précisions des

juridictions administratives. Même la circulaire F.P.I. no 1410-008 diffusée en fin

d’année 2014, par la Fédération des promoteurs immobiliers et relative aux recours

contre les permis de construire786 échoue à apporter des éléments de réponse. Elle se

borne à rappeler le texte du décret. En effet, elle souligne seulement que la procédure

de cristallisation relève d’une faculté du juge saisi d’une demande motivée en ce sens

ce qui suppose que la collectivité ou le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme

litigieuse présente donc une demande en ce sens.

Il apparaît donc primordial que les juridictions administratives interviennent

rapidement sur ce sujet pour préciser le régime et les principes applicables à ce

nouveau dispositif.

En conclusion de cette section, il résulte des observations qui précèdent que la

réforme s’est voulue efficace dans les plus brefs délais. Nonobstant cet axe majeur de

la réforme, cette dernière a laissé subsister un certain nombre d’interrogations

juridiques. Lors de son entrée vigueur, la question de l’application dans le temps de

la réforme a cristallisé une partie des interrogations de la doctrine et des praticiens. À

785 VIDAL (A.), La nécessité de lutter contre les recours abusifs en matière d’urbanisme, Droit de

l’urbanisme, LPA, 20 juin 2013, no 123, p. 4, réf. n

o PA201312306.

786 Circulaire F.P.I. N

o 1410-008, et F.P.I. 1403-005, 30 oct. 2014, relative aux recours contre les

permis de construire et à l’évolution de la réglementation et de la jurisprudence ; consultable sur

www.fpifrance.fr/Article/1410-008.pdf.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

256/480

l’aune de deux avis importants787

, le Conseil d’État apporté un éclairage précieux.

Cet éclairage combiné aux conclusions particulièrement didactiques de son

commissaire au gouvernement instruit sur le mode d’emploi de certaines nouvelles

dispositions introduites par la réforme.

Autre axe majeur de la réforme, la rénovation des pouvoirs du juge administratif

marque symboliquement une volonté de doter le juge administratif non seulement

des moyens de lutter contre les recours abusifs mais encore de rénover l’office du

juge pour accélérer les délais de traitement des contentieux. La pierre angulaire de

l’extension des prérogatives se traduit par l’habilitation nouvelle du juge

administratif de pouvoir accueillir des demandes indemnitaires des bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme en raison du préjudice que ces derniers subissent du fait

des recours abusifs. Mais cette nouvelle habilitation laisse subsister une interrogation

quant à l’articulation de cette habilitation avec la voie indemnitaire séculaire civile.

787 Préc. CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 321.

Page 257: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU CHAPITRE 1

Le perfectionnement du droit public est

décidément un art difficile ! C’est l’incessant

défi qu’il faut relever.

Bernard PACTEAU, 2007788

La réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013 est donc une réforme

réfléchie et éclairée. En effet, l’accent a été mis sur la consultation de praticiens et

d’érudits en la matière. La composition du groupe de travail présidé par Daniel

LABETOULLE et l’expertise des personnalités auditionnées ont permis au groupe

de travail de dégager des propositions de qualité.

Si certaines des propositions du rapport LABETOULLE sont restées lettre morte, la

plupart des propositions ont influencé la réforme de 2013, que ce soit dans

l’ordonnance du 13 juillet 2013 ou dans le décret du 1er

octobre 2013.

Le remarquable travail du groupe a permis à la réforme d’introduire des dispositions

marquées par un pragmatisme certain. Ainsi, pour lutter contre les recours abusifs et

sécuriser les autorisations d’urbanisme, la réforme a fait le choix également de la

rationalisation du contentieux de l’urbanisme. Cette rationalisation doit, en pratique,

se traduire par la régulation et l’accélération du traitement des contentieux. À cette

rationalisation, une volonté de moraliser le contentieux de l’urbanisme et d’induire

des changements de comportements des actes est aussi portée par la réforme du

contentieux de l’urbanisme.

Pour mettre en œuvre cette réforme, des dispositions novatrices ont été introduites.

Mais elles demeurent encore, en partie, abstraites. Ainsi en dépit des éléments de

qualité indéniable que présente la réforme de 2013, un certain nombre

d’interrogations subsistent.

788 Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.

LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,

p. 822.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

258/480

Au rang des premiers points d’interrogation laissés sans réponse par la réforme, il y a

la question de l’articulation de la réforme dans le temps. Selon que les nouvelles

dispositions affectent ou non le droit au recours des justiciables, la mise en œuvre des

nouvelles dispositions varie.

Le Conseil d’État a d’ores et déjà apporté des éclairages sur cette articulation dans le

temps. Toutefois, se pose encore la question du maintien de l’action civile

indemnitaire devant le juge judiciaire et de son articulation avec la nouvelle

procédure de demande indemnitaire par la voie de la demande reconventionnelle. Par

conséquent, sur un certain nombre de points posés par les interrogations qui

subsistent encore, il apparaît indispensable que les juridictions administratives

précisent rapidement le régime et les principes applicables au contentieux de

l’urbanisme réformé.

Au-delà de certains points encore abstraits qu’elle pose, la réforme du contentieux de

l’urbanisme aboutit à la mise en place d’un nouvel équilibre entre le droit au recours

des tiers et la sécurité juridique des titulaires d’autorisation d’urbanisme. Il convient,

dans le chapitre qui suit, de présenter et d’analyser ce nouvel équilibre.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre

Depuis plus d’une décennie, les réformes en droit de l’urbanisme se succèdent. Plus

ou moins efficaces, plus ou moins bienvenues selon qu’on est tiers ou bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme, ces réformes cumulées ont globalement contribué à

renforcer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

L’équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique n’est pas que l’affaire

du Conseil constitutionnel. Le législateur et les juges l’ont bien compris. Comme

l’écrit Bertrand MATHIEU « le juge constitutionnel n’est qu’un acteur parmi

d’autres dans cette construction du principe de sécurité juridique à laquelle

participent l’ensemble des juridictions nationales, essentiellement sous l’aiguillon

des juges européens et selon un plan de marche paradoxalement assez désordonné et

pourtant convergent789

. »

En outre, la singularité de l’équilibre entre le principe de légalité et la sécurité

juridique en droit de l’urbanisme s’explique par le fait que le juge administratif a à

connaître non pas seulement d’un différend entre l’administration et un de ses

administrés, mais d’un différend triangulaire. En effet, ce différend intéresse, en

premier lieu, l’administration, en tant qu’auteur d’une décision contestée. Il intéresse,

en second lieu, le bénéficiaire de cette décision. En troisième lieu, il intéresse un tiers

qui, par hypothèse, est ici auteur de la contestation. Et la propre sécurité juridique de

ce tiers dépend du respect du principe de légalité par l’autorisation d’urbanisme

litigieuse. Ainsi, comme le souligne Sophie BOISSARD, maître des requêtes au

Conseil d’État, alors même que les voies de recours du tiers visent à le rétablir dans

ses droits lorsque ceux-ci ont été lésés et renforcent ainsi la sécurité juridique, elles

représentent un facteur d’insécurité évident pour le bénéficiaire de l’autorisation790

.

789 Préc. MATHIEU (B.), Réflexions en guise de conclusion sur le principe de sécurité juridique,

Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah. Cons. Const., no 11, Déc. 2001.

790 Préc. BOISSARD (S.), Comment garantir la stabilité des situations juridiques individuelles sans

priver l’autorité administrative de tous moyens d’action et sans transiger sur le respect du principe de

légalité ? Le difficile dilemme du juge administratif, Dossier : Le principe de sécurité juridique, Cah.

Cons. Const., no 11, Déc. 2001.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

260/480

Jusqu’à l’introduction en 1994 de l’obligation de notifier le recours791

, « le

contentieux de l’urbanisme avait été conçu et construit autour du requérant792

». Par

plusieurs réformes, précédemment rappelées, le législateur a essayé d’inverser cette

tendance. Cependant, il n’y est pas totalement parvenu puisque nombre de recours

malveillants, dilatoires, en un mot abusifs, encombrent les juridictions. Ces recours

fragilisent la sécurité juridique des bénéficiaires de permis. Ils augmentent les délais

de construction dans une période de pénurie de logements. De plus, ils accroissent le

coût global des constructions. Le législateur a donc tenu à remédier à cette situation

et à chercher un meilleur équilibre793

entre la sécurité juridique et le droit au recours.

Y est-il parvenu à travers sa dernière réforme du contentieux de l’urbanisme de

2013 ?

Il est sans doute trop tôt pour connaître les effets concrets de cette réforme. Mais

d’ores et déjà, il est possible d’indiquer que cette réforme participe à la tendance

amorcée par les précédentes réformes. Elle participe au renforcement certain des

moyens de défense du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme cible des recours

des tiers (Section 1). Innovante, la réforme n’en marque pas moins un durcissement

de ton. Les outils de la réponse juridictionnelle se font plus sévères. Et ils

aboutissent, en outre, au placement sous un « quasi-contrôle judiciaire » les

transactions. Parallèlement, le juge pénal rappelle qu’il est, lui aussi, le gardien du

principe de légalité et de la sécurité juridique (Section 2).

SECTION 1 : Le renforcement limité des moyens de défense

À l’appui de son recours contre l’autorisation d’urbanisme, le requérant doit motiver

sa requête. Il peut invoquer des moyens de légalité externe tels que l’incompétence

de l’auteur de la décision, les irrégularités commises lors de l’instruction, ou encore

des irrégularités formelles tenant à l’absence ou à l’insuffisance de motivation. De

791 Code de l’urbanisme, art. R.* 600‐1 ; décret n

o 94‐701du 16 août 1994.

792 Préc. Rapport LABETTOULLE (D.), Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre,

25 avr. 2013, p. 3. 793

En témoigne le titre du rapport remis par le groupe de travail présidé par Daniel LABETTOULLE.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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plus, il peut invoquer des moyens de légalité interne tels que l’application inexacte

d’une réglementation d’urbanisme, l’inexactitude des faits sur laquelle s’est fondée

l’instruction de la décision, ou encore le détournement de pouvoir.

Le requérant a intérêt à présenter conjointement des moyens de légalité externe et des

moyens de légalité interne dès sa requête introductive d’instance. En effet, si les

moyens invoqués dans la requête introductive d’instance ne portent que sur la

légalité externe de l’autorisation litigieuse, le requérant ne pourra pas après

l’expiration du délai de recours soulever des moyens de légalité interne et

inversement. De même, si les moyens invoqués dans la requête introductive

d’instance ne portent que sur la légalité interne de l’autorisation litigieuse, le

requérant ne pourra pas, non plus, après l’expiration du délai de recours soulever des

moyens de légalité externe. Il s’agit là de la règle de cristallisation des moyens.

Règle redoutable du contentieux administratif, et ainsi qu’il a été expliqué ce

mécanisme initialement jurisprudentiel a été récemment réglementé, par décret, ainsi

que le préconisait le rapport LABETOULLE. Cette consécration réglementaire du

mécanisme devrait contribuer à l’amélioration de la sécurité juridique du bénéficiaire

de l’autorisation d’urbanisme sans pour autant révolutionner l’articulation classique

de la requête en annulation ou des requêtes pour excès de pouvoir et des conclusions

présentées au juge.

Le schéma classique des moyens de défense des défendeurs est donc inchangé et

demeure d’actualité (I.). En revanche, la problématique de l’indemnisation du

préjudice causé par le recours abusif a été révolutionnée par la réforme de 2013

imposant un renouvellement de la défense dans l’articulation de sa demande de

dommages-intérêts (II.).

I. Le maintien des moyens de défense classiques

Le tiers qui s’estime lésé par une autorisation d’urbanisme a plusieurs voies de

recours possibles. Il peut choisir d’opter pour une demande de déféré préfectoral, ou

pour un recours hiérarchique adressé au supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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litigieux794

, ou pour un référé suspension (en cas d’urgence et s’il y a un recours en

annulation en parallèle) ou encore pour un recours de plein contentieux. Ces

procédures peuvent se combiner. Le cas échéant, une telle combinaison a pour effet

de prolonger le délai contentieux.

En pratique, le tiers qui veut obtenir l’annulation d’une autorisation d’urbanisme doit

donc le plus souvent se tourner vers le juge administratif. Sa requête doit se

conformer à un formalisme procédural classique. Ce formalisme requiert de la part

du bénéficiaire un mémoire en défense obéissant lui-même à un schéma classique

imposé par la pratique contentieuse et qu’il convient de présenter (A.). Le plus grand

soin doit être apporté à chacun des moyens soulevés de part et d’autre car le

contentieux de l’urbanisme échappe au principe d’économie des moyens. Cette

exception qu’il convient d’expliquer vise à renforcer la sécurité juridique du

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme au même titre que l’obligation de justifier

de la notification. Ces mécanismes sont relativement récents et concourent au

processus de rééquilibrage entre le principe de légalité et la sécurité des moyens à

travers le renforcement des moyens de défense. Ils sont aussi des particularismes du

contentieux de l’urbanisme (B.).

A. L’exemple du mémoire en défense

Le bénéficiaire de l’autorisation attaquée a la qualité de défendeur dans l’instance. Il

doit à ce titre répondre aux conclusions présentées dans la requête de ses détracteurs.

Cette réponse est matérialisée par la production d’un mémoire en défense. Ce

mémoire en défense consiste dans la présentation des propres conclusions du

bénéficiaire de l’autorisation. Ces conclusions tendent évidemment au rejet de la

requête, et par hypothèse, au rejet du recours en annulation introduit par les

requérants à l’encontre du permis de construire ainsi que dans certains cas à

l’encontre d’éventuels arrêtés rectificatifs.

794 En matière d’urbanisme, le recours hiérarchique présente un intérêt que lorsque la décision

d’urbanisme est prise au nom de l’État. Plus précisément, la décision du maire peut faire l’objet d’un

courrier hiérarchique auprès du préfet, voire auprès du Ministre chargé de l’urbanisme. VITAL-

DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les intégrales,

no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n

o 2066, p. 619.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

263/480

La relation demeure triangulaire puisque la commune ou à tout le moins l’autorité

qui a délivré l’autorisation d’urbanisme est partie au procès et présente elle-même

ses propres conclusions dans son propre mémoire en défense.

Les conclusions du mémoire en défense sont importantes. Elles peuvent permettre de

sauver l’autorisation d’urbanisme en contrant les moyens soulevés par les requérants.

Et ces moyens peuvent être nombreux et complexes.

Afin de mieux cerner la problématique du contentieux de l’urbanisme, il convient de

présenter le squelette classique d’un mémoire en défense. Cette présentation n’a pas

pour ambition d’être exhaustive. Elle se borne à reprendre un squelette fréquemment

rencontré dans la pratique contentieuse. En outre, c’est volontairement que la

présentation qui suit fait abstraction de la nouvelle faculté offerte aux défendeurs de

demander, reconventionnellement, l’allocation de dommages-intérêts étant trop

récente pour refléter un schéma de défense classique (1.). De plus, quoiqu’elle ne

relève pas d’une stratégie d’attaque ou de défense, la question des frais irrépétibles

doit être posée avant la clôture de l’instance (2.).

1) Présentation de la défense classique

Usuellement, la discussion porte classiquement sur les moyens soulevés par les

requérants. Or, et nous reviendrons sur ce point, le contentieux de l’urbanisme

échappe à la règle de l’économie des moyens. Cette exception de droit contraint le

juge à se prononcer sur chaque moyen soulevé.

La discussion porte, dans nombre d’hypothèses, sur les points suivants795

. Elle porte

d’abord presque toujours sur la prétendue incompétence de l’auteur de l’arrêté

contesté (a.). Ensuite, elle porte nécessairement sur la prétendue violation d’une règle

d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, ou plus simplement d’une règle

contenue dans un document d’urbanisme local tel qu’un plan local d’urbanisme

795 Nous soulignons que cette présentation n’a pas l’ambition d’être exhaustive mais de présenter un

schéma récurrent dans la pratique. Pour une illustration de mémoire en défense sur d’autres moyens

que ceux que nous avons choisi de développer v. ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès

administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012, p. 1122, § 1000-15, l’exemple porte sur la révision

des documents d’urbanisme et l’appréciation du permis de construire, en fonction des règles en

vigueur à la délivrance du permis, sur l’impact de la proximité d’espace boisé classé (EBC), sur

l’absence de modification du cadre de vie, sur l’absence d’enclavement, sur l’absence de qualité de

propriétaire.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

264/480

(PLU)796

(b.). Enfin, elle peut viser la violation de telle ou de telle règle du règlement

national d’urbanisme (RNU)797

(c.).

a. La prétendue incompétence de l’auteur

Moyen de légalité externe, la compétence ou plus exactement la prétendue

incompétence de l’auteur de l’autorisation d’urbanisme est, en pratique, presque

systématiquement invoquée. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de

commenter la pratique contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).

i. Cadre juridique

La compétence de l’auteur de l’autorisation d’urbanisme impose de distinguer entre

plusieurs hypothèses de configuration de l’autorité administrative compétente. En

796 Issu pour la première génération de la loi du 13 décembre 2000 pour la Solidarité et le

renouvellement urbain, dite SRU, et pour la deuxième génération de la loi no 2010-788 du 12 juillet

2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, le plan local d’urbanisme

(PLU) est un document d’urbanisme en « chantier permanent » selon l’expression de Steve HERCE.

À l’aune de ces réformes successives, il existe un panorama varié de documents d’urbanismes tels que

des POS, des PLU-loi SRU, des PLU-loi Grenelle, des PLU communaux ou encore de PLU

intercommunaux. Cette diversité est elle-même source d’insécurité pour l’administré qui s’y perd. Le

PLU est régi par les articles L. 123-1 et suivants du Code de l’urbanisme et par les articles R. 123-1 et

suivants du même code. Il est composé de cinq parties comprenant un rapport de présentations

(obligatoire mais dépourvu de valeur réglementaire quoiqu’il soit indirectement opposable en tant

qu’outil d’interprétation), un projet d’aménagement et de développement durable (P.A.D.D.), des

orientations d’aménagement et de programmation (facultatif au niveau communal), un plan des

servitudes urbaines, un règlement comprenant une partie écrite en 16 articles et une partie graphique,

et des annexes telles que plan local de l’habitat (PLH) ou le plan de déplacement urbain (PDU.).

V. HERCE (S.), Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux, Guides

Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, 344 p. ; v. également GODFRIN (G.),

cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014. 797

Le Règlement national d’urbanisme (RNU) constitue un ensemble de règles générales applicables

sur la totalité du territoire français. Ces règles visent à encadrer les constructions et les aménagements.

Certaines de ces règles sont d’ordre public, notamment en matière de salubrité et de sécurité publique

(Code de l’urbanisme, art. R. 111-2), en matière de préservation et mise en valeur de vestiges

archéologique (Code de l’urbanisme, art. R. 111-4), en matière de respect des principes

environnementaux (Code de l’urbanisme, art. R. 111-15), et en matière d’aspect extérieur des

constructions (Code de l’urbanisme, art. R. 111-21). V. HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau

régime, élaboration, modification-révision, contentieux, Guides Juridiques Construction, Éditions Le

Moniteur, Paris, 2011, p. 173 ; v. également GODFRIN (G.), cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H.

Paris, 2014.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

265/480

outre, elle suppose de souligner que les cas fréquents de délégations de signature sont

des éléments de complication supplémentaire de la discussion contentieuse. Enfin, la

question de l’identification de l’auteur peut elle aussi prêter à discussion d’autant que

la jurisprudence se montre hésitante.

Compétence de l’auteur de l’acte

La loi distingue selon que la commune s’est dotée ou non d’un document

d’urbanisme (PLU ou carte communale). L’article L. 422-1 du Code de l’urbanisme

dispose que l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme est le

maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d’un plan local

d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les

communes qui se sont dotées d’une carte communale après la date de publication de

la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme

rénové. Dans les communes qui se sont dotées d’une carte communale avant cette

date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil

municipal. En l’absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au

nom de la commune, à compter du 1er

janvier 2017798

. Lorsque le transfert de

compétence à la commune est intervenu, il est définitif. Dans les autres cas, c’est le

préfet ou le maire au nom de l’État qui sont compétents, plus précisément le préfet

est compétent en cas de désaccord entre le maire et la Direction départementale des

territoires et lorsque le pétitionnaire est l’État799

.

Les demandes d’autorisation d’urbanisme sur lesquelles il n’a pas été statué à la date

du transfert de compétence restent soumises aux règles d’instruction et de

compétence applicables à la date de leur dépôt800

.

C’est dans ce cadre juridique que sont délivrées les autorisations d’urbanisme. À cela

s’ajoutent les cas de délégations de fonctions.

Lorsqu’une commune fait partie d’un établissement public de coopération

intercommunale (EPCI), elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer la

compétence prévue au a de l’article L. 422-1 qui est alors exercée par le président de

798 Code de l’urbanisme, art. L. 422-1.

799 Ibid. al. b).

800 Ibid. in fine.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’établissement public au nom de l’établissement801

. Le maire doit, alors, adresser au

président de l’établissement public son avis sur chaque demande d’autorisation

d’urbanisme802

. Il existe une incompatibilité dont le pétitionnaire doit avoir

conscience. Si le maire ou le président de l’EPCI est intéressé au projet faisant l’objet

de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel,

soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l’organe délibérant

de l’établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la

décision803

. Cependant, le juge fait preuve de bon sens et de pragmatisme, il ne se

borne pas aux apparences de partialité et recourt à un faisceau d’indices pour

identifier un intérêt du maire susceptible d’entraîner son incompétence804

.

La délégation, élément de complication

Si le maire est en principe seul chargé de l’administration, il peut, sous sa

surveillance et sa responsabilité, consentir, par arrêté, des délégations de sa fonction.

Il peut ainsi déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints. Et,

en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous

titulaires d’une délégation, le maire peut aussi consentir des délégations de sa

fonction à des membres du conseil municipal805

.

Techniquement, il s’agit d’une délégation de fonction. Toutefois la doctrine assimile

cette délégation de fonction à une délégation de signature806

. La délégation de

signature est une forme de mesure d’organisation interne du service permettant à

l’autorité administrative de se décharger de certaines tâches, sans qu’elle soit

dessaisie de ses pouvoirs. Elle est faite intuitu personae. Et elle prend fin à la

cessation des fonctions du délégant ou du délégataire807

.

801 Code de l’urbanisme, art. L. 422-3, al. 1

er.

802 Ibid. in fine.

803 Code de l’urbanisme, art. L. 422-7.

804 CE, 1

er oct. 2001, COPEDE, n

o 234908, Rec. Lebon, T., p. 1119 ; note DEREPAS (L.) RDI, 2002,

p. 167 ; concl. MITJAVILE (M-H), BJDU, 2001, p. 465 ; obs. CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2001,

no 265.

805 Code général des collectivités territoriales, art. L. 2122-18 al. 1

er.

806 CE, 2 févr. 1951, Préfet de la Marne, Rec. Lebon, p. 60 ; concl. GREVISSE (Y.), RDP 1955,

p. 395, LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.-Cl.), GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif,

LGDJ, 15e éd., Paris, 1999, 1107 p.

807 Rép. min. n

o 10284 : JO Sénat Q, 4 mai 1995, p. 1046.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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En principe, la délégation de signature s’exerce sous le contrôle et la responsabilité

du délégant qui peut intervenir à tout moment dans les affaires déléguées808

.

Toutefois, pour être exécutoire cette délégation doit avoir fait l’objet des formalités

légales809

. À défaut, les autorisations d’urbanisme délivrées par un conseiller

municipal sont entachées d’un vice de forme et ipso facto considérées comme

délivrées par une autorité incompétente810

.

Cependant, par exception au principe de présomption que l’auteur de l’acte est le

signataire, lorsqu’il y une délégation de signature, le maire-délégant est réputé être

l’auteur de l’acte. En pratique, le délégataire doit faire mention de cette délégation de

signature mais son omission n’est pas de nature à entacher de nullité l’acte si la

délégation est régulière811

. Dans le même sens, la copie de la décision peut ne pas

faire mention de cette délégation812

.

L’identification de l’auteur

En outre, l’auteur de l’acte doit être identifiable conformément aux dispositions de la

loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les

administrations. En effet, dans ses relations avec l’Administration, et exception faite

des cas où l’anonymat est justifié par la sécurité publique ou par la sécurité des

personnes, tout administré a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et

l’adresse administrative de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter

l’affaire qui le concerne813

. Tout acte administratif doit ainsi comporter, outre la

signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la

qualité de celui-ci814

.

808 Ibid.

809 Code général des collectivités territoriales, art. L2131-3, al. 1

er : « Les actes pris au nom de la

commune autres que ceux mentionnés à l’article L. 2131-2 sont exécutoires de plein droit dès qu’il a

été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ». 810

En ce sens v. CE, 12 déc. 2012, AR.DITTY, no 340581, inédit, AJDA, 2013, p. 607.

811 FRIER (P-L), Vice de forme, Dalloz Répertoire de droit administratif, n

o 40, 2014.

812 CE, sect., 1

er avr. 1955, DELARUE, Rec. Lebon, p. 95 ; CE, 11 juill. 1982, LE DUFF, Rec. Lebon,

p. 220, concl. GENEVOIS (B.), JCP, 1983, no 19953.

813 Loi n

o 2000-321, 12 avr. 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les

administrations, art. 4. al. 1er

. 814

Ibid. al. 2nd

.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Si l’illisibilité ou l’absence de signature fait obstacle à l’identification de l’auteur de

l’acte, le juge sanctionne pour incompétence l’autorisation d’urbanisme ainsi

délivrée. Une telle irrégularité est lourde de conséquences puisque le juge peut

soulever d’office ce moyen qui est d’ordre public815

. Le juge a d’ailleurs pu juger que

le non-respect des exigences posées par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative

aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations peut entraîner

l’annulation du permis de construire816

.

ii. Pratique contentieuse

En pratique, dans les requêtes perçues comme abusives par les bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme, la discussion porte, de manière récurrente, soit sur

l’irrégularité de la délégation de fonction du signataire, soit sur l’impossibilité

d’identifier l’auteur de l’autorisation délivrée.

Démontrer et prouver la compétence de l’auteur de l’acte

Dans leur requête, les requérants invoquent fréquemment l’illégalité de l’autorisation

d’urbanisme au motif que son signataire ne disposait pas d’une délégation de

l’autorité administrative compétente, le maire dans bien des cas. Dans une telle

hypothèse, il ne fait aucun doute que l’incompétence de l’auteur de l’acte est un

moyen d’ordre public dont l’invocation peut amener le juge à exiger la production de

tous justificatifs requis817

. En réponse, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme

argue, alors, classiquement qu’il est de jurisprudence constante que les erreurs,

imprécisions ou omissions affectant les visas d’un arrêté de permis de construire

815 CE, 19 oct. 1988, Fédération nationale SOS environnement, Rec. Lebon, p. 343 : est entaché

d’incompétence l’arrêté interministériel non signé par l’un des Ministres requis par les textes. 816

TA, Strasbourg, 4 mars 2004, no 02-00222, le tribunal administratif juge que le non-respect des

exigences posées par l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs

relations avec les administrations peut entraîner l’annulation du permis de construire. En l’espèce, ne

respecte pas ces exigences l’arrêté municipal qui comporte seulement une signature sous la mention

« le maire » à côté du cachet officiel de la mairie et n’indique ni le nom ni le prénom de son auteur ;

GILLE (A.), Annulation du permis de construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA, no 24,

28 juin 2004, p. 1297. 817

Préc. GILLE (A.), Annulation du permis de construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA,

no 24, 28 juin 2004, p. 1297.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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n’ont en elles-mêmes aucune incidence sur la légalité de cette autorisation818

. Et s’il

le peut, le défendeur s’appuie sur les pièces produites par l’autorité administrative

dans son propre mémoire en défense. En effet, l’administration assure la défense de

son acte par la production de pièces attestant l’existence et l’opposabilité de l’arrêté

habilitant l’auteur de l’acte contesté.

En outre, la preuve du caractère exécutoire de l’arrêté de délégation doit être faite.

Pour ce faire, le défendeur et l’Administration doivent rapporter la preuve que les

formalités de publicité prescrites par le Code général des collectivités territoriales819

ont

bien été effectuées.

Défendre l’interprétation « réaliste » de l’identification de

l’acte

La question de la signature, du cachet, de l’identification de l’auteur est aussi

fréquemment mise en cause. Cette question a donné lieu à une jurisprudence

importante notamment sur l’interprétation de l’article 4820

de la loi du 12 avril 2000

relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Hésitante, cette jurisprudence offre des moyens de droit aux requérants et expose le

818 Préc. TA, Strasbourg, 4 mars 2004, n

o 02-00222, préc. GILLE (A.), Annulation du permis de

construire dont l’auteur n’est pas identifiable, AJDA, no 24, 28 juin 2004, p. 1297 ; V. également en

sens contraire CE, 4e et 6

e SSR, 5 nov. 2003, Bricorama, n

o 245164, en matière d’urbanisme

commercial ; CE, 28 nov. 2003, RAHOU Epouse DOUIDI, no 249389, Rec. Lebon, p. 628, Gazette du

Palais, 12 août 2004, no 225, p. 8 ; CE, 8 déc. 2004, M. SAÏD X., n

o 249900 ;

CE, 15 nov. 2006, Mme DEVOIS, no 280424, Rec. Lebon, p. 696, concl. GUYOMAR (M.), AJDA,

2007, p. 254. 819

Préc. Code général des collectivités territoriales, art. L 2131-3, al. 1er

. 820

Loi no 2000-321, 12 avr. 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les

administrations, art. 4 : « Dans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à

l’article 1er

, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse

administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ; ces

éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité

publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté.

Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er

comporte, outre

la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de

celui-ci. »

Page 270: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

270/480

défendeur à un fort aléa judiciaire. En effet, la jurisprudence est relativement encore

oscillante821

.

Tantôt elle retient une lecture pragmatique dite « réaliste822

» des textes. Elle retient

cette approche dès lors que l’auteur de l’autorisation d’urbanisme est identifiable.

Tantôt elle retient une lecture plus stricte dite « formaliste823

».

La lecture réaliste a été largement accueillie et saluée par la doctrine ainsi que par les

rapporteurs publics824

. Dans ce contexte, le Conseil d’État n’a pas pu rester

indifférent à ce courant. Partant, il semble adopter depuis un arrêt Commune

d’Auvers-sur-Oise, une position de compromis825

. La doctrine, sous la plume de

Sébastien SAUNIER826

, relève que le Conseil d’État maintient le principe de la

signature complète de l’auteur d’une décision administrative en indiquant sa qualité,

son nom et son prénom, conformément à l’article 4 de la loi relative aux droits des

citoyens dans leurs relations avec les administrations. Ce faisant, il confirme sa

position formaliste. Mais, il admet, par exception, une équivalence possible entre les

formes prévues par l’article 4 et une signature lisible ou une mention du document

signé827

.

821 SAUNIER (S.) Les hésitations du juge sur le caractère substantiel de l’exigence de la mention du

nom et du prénom de l’auteur de l’acte, AJDA, 2010, p. 1488. 822

Préc. CE, 4e et 6

e SSR, 5 nov. 2003, Bricorama, n

o 245164, en matière d’urbanisme commercial ;

CE, 28 nov. 2003, RAHOU, no 249389, Rec. Lebon, p. 628 ; DOUIDI, n

o 249390 ; CE, 28 nov. 2003,

RAHOU, no 249389, Gazette du Palais, 12 août 2004, n

o 225, p. 8 ; CE, 8 déc. 2004, M. SAÏD X.,

no 249900 ; CE, 15 nov. 2006, Mme DEVOIS, n

o 280424, Rec. Lebon, p. 696, concl. GUYOMAR

(M.), AJDA, 2007, p. 254. 823

CE, 29 juin 2005, M. André LUSIGNET, no 276808, note CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2005,

no 224.

824 V. MONTE (de) (P.), L’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne s’applique pas aux relations entre

personnes publiques, AJDA, 2009, p. 990. 825

CE, 11 mars 2009, Cne d’Auvers-sur-Oisee, no 307656, Rec. Lebon, T. ; CORNILLE (P.), Constr.-

Urb., 2009, no 56 ; RDI, 2009, p. 375 ; AJDA, 2009, p. 511 ; SAUNIER (S.) Les hésitations du juge

sur le caractère substantiel de l’exigence de la mention du nom et du prénom de l’auteur de l’acte,

AJDA, 2010, p. 1488 ; SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, no 7, 10 juill. 2009, p. 435.

826 Préc. SAUNIER (S.) Les hésitations du juge sur le caractère substantiel de l’exigence de la

mention du nom et du prénom de l’auteur de l’acte, AJDA, 2010, p. 1488. 827

Ibid.

Page 271: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

271/480

b. La prétendue violation d’une règle d’urbanisme

ou d’une servitude d’utilité publique

Moyen de légalité interne, l’inexactitude de l’application de la réglementation, d’une

règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique est, en pratique, presque

systématiquement invoquée à la suite du moyen d’incompétence de l’auteur. Il

convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de commenter la pratique

contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).

i. Cadre juridique

Au cours du processus qui a précédé la délivrance de l’autorisation d’urbanisme,

l’administration et plus précisément le service instructeur de l’administration, qu’il

soit communal, intercommunal ou au niveau de la Direction départementale des

territoires828

, a eu à valider la demande d’autorisation au regard des règles

d’utilisation du sol. Ces règles comprennent à la fois des servitudes d’urbanisme et

des servitudes d’utilité publique. Les premières sont issues du Code de

l’urbanisme829

. Elles constituent les règles générales d’urbanisme et sont par nature

non indemnisables830

. De plus, elles sont, à l’égard des plans locaux d’urbanisme,

palliatives, complétives, ou substitutives. Les secondes ne sont, à l’inverse, pas dans

le Code de l’urbanisme. Et elles sont, quant à elles, en principe indemnisables831

sauf

lois contraires.

828 En effet, la représentation du service instructeur dépend de l’existence ou non d’un document

d’urbanisme. S’il existe un document d’urbanisme, la commune a le choix de confier l’instruction des

autorisations du sol soit au service communal, soit à un service intercommunal, soit à la Direction

départementale des territoires. À défaut de document d’urbanisme, il n’y a pas de décentralisation, par

conséquent, le service instructeur est nécessairement la Direction départementale des territoires. Il en

va de même lorsque les communes de moins de dix mille habitants. V. Préc. GODFRIN (G.), cours

d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014. 829

Exception faite de la servitude piétonnière du littoral (Code de l’urbanisme, art. L. 160-6-1) qui est

une servitude d’utilité publique. 830

Code de l’urbanisme, art. L. 160-5. 831

Cette solution n’a pas toujours existé. De 1857 à 1919, il est en effet jugé que les servitudes

d’utilité publique n’ouvraient pas droit à indemnisation. Mais depuis un avis du Conseil d’État du

18 décembre 1924, les servitudes d’utilité publique sont soumises au principe général selon lequel tout

acte de la puissance publique ouvre droit à réparation lorsqu’il en résulte un dommage direct, matériel

et spécial. Le chiffrage et les modalités de cette indemnisation ont donné lieu à un panorama

Page 272: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

272/480

C’est après avoir confronté le projet à l’ensemble de ces règles que le service

instructeur a, par hypothèse, validé, puisque l’autorisation a été délivrée. En outre, le

service instructeur est tenu de faire application de la règle la plus sévère. Ainsi, s’il

existe une divergence entre deux documents, il convient de faire prévaloir celui qui

prévoit les dispositions les plus sévères832

.

Toutefois, des erreurs sont possibles. Des divergences d’interprétation sont

également possibles. Et la disparition d’une norme supérieure telle qu’un PLU 833

ou

un POS834

, peut également venir remettre en cause, par ricochet, la légalité de

l’autorisation d’urbanisme délivrée. Selon la date à laquelle cette disparition survient,

les conséquences pour l’autorisation d’urbanisme ne sont pas les mêmes notamment

si elle n’est pas encore définitive835

.

Dans ce domaine, la jurisprudence a un temps été sévère avant de s’assouplir au

profit d’un meilleur équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique.

Rappelons brièvement les louvoiements de la jurisprudence du Conseil d’État sur ce

point.

Dans un premier temps, le juge considère que l’autorisation d’urbanisme constitue un

acte d’application du document d’urbanisme alors en vigueur alors que ce document

hétérogène de régimes spéciaux qui ne facilitent guère l’accessibilité à la matière. V. sur ce point

GUETTIER (Ch.), Irresponsabilité de la puissance publique (régimes législatifs, réglementaires et

jurisprudentiels), in Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, Dalloz, 2014, no 67 et

suivants ; v. également préc. LECOQ (V.), Contribution à l’étude juridique de la norme locale

d’urbanisme, coll. Drt. public, Publim, Presses universitaires, Limoges, 2004, p. 64. 832

En ce sens v. CE, 20 mars 1991, no 104258, inédit ; CE, 4 janv. 1946, Dame VEUVE SAINT, Rec.

Lebon, p. 4 ; TA Nice, 18 juin 1976, PANNETIER, Rec. Lebon, T., p. 1181, note DAUSSIN-

CHARPENTIER (P.), JCP, 1977, II, 18670. 833

Pour une illustration d’annulation d’un PLU, v. TA Strasbourg, 10 mai 2011, nos

0703274,

0703042, 0703045 et 0703046 ; pour une illustration d’une annulation d’un POS, v. CE, 18 déc. 2009,

Cne de Bois-Guillaume, no 307272, note CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2010, n

o 38, SOLER-

COUTEAUX (P.), Annulation du POS et délivrance des permis de construire dans un lotissement,

RDI, no 5, 10 mai 2010, p. 278.

834 Le plan d’occupation des sols, le POS est l’ancêtre du PLU, V. POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-

C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien, Paris, 2006, 183 p., spé. 129-130. 835

V. en ce sens CAA Paris, 15 févr. 2001, Cne de Mesnil-le-Roi, no 99PA03161, Constr.-Urb., 2001,

no 158 ; concl. BARBILLON (J.-Y.), BJDU, 2001, p. 322 : une autorisation de lotissement devenue

définitive fait obstacle au rétablissement du principe de constructibilité limitée dans le cas

d’annulation du POS ; CAA Nancy, 13 mai 2004, Cne de Durningen, nos

99NC01265 et 99NC01266,

obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2006, p. 314 : même solution en ce qui concerne le droit des

sols.

Page 273: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

273/480

vient d’être annulé836

et 837

ou alors que l’illégalité de ce document vient d’être

constatée838

. Mais cette jurisprudence aggrave la fragilité des autorisations

d’urbanisme.

Aussi, dans un deuxième temps, le Conseil d’État revient sur cette position initiale au

profit d’un meilleur équilibre entre le principe de légalité et la sécurité juridique839

. Il

considère alors que le permis de construire n’est pas un acte d’application du

document d’urbanisme. En conséquence, la disparition d’un document d’urbanisme

n’entraîne pas de plein droit l’autorisation d’urbanisme délivrée sous son empire840

.

Un nouveau contrôle de légalité est effectué par le juge au regard des dispositions

d’urbanisme redevenues applicables. Ainsi, par une interprétation extensive, la

jurisprudence dégage une exception créatrice d’une nouvelle insécurité juridique. En

effet, l’annulation d’un document d’urbanisme entraîne la disparition de

l’autorisation d’urbanisme lorsque cette dernière n’a été rendue possible que par la

disposition illégale. L’imprécision de ce critère de lien indissociable est

intrinsèquement source d’une nouvelle insécurité juridique841

. Ce courant

jurisprudentiel est donc lui aussi abandonné en 2008842

par le Conseil d’État.

836 HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,

Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 317. 837

En ce sens v. CE, 5 janv. 1979, Assoc. pour la protection et l’embellissement du site de La Baule

Escoublac et Dame ROBINET et FLANDRE, Rec. Lebon, T., p. 928, note CHARLES (H.), AJDA,

1979. 45, no 4.

838 En ce sens v. CE, 17 oct. 1980, LAUDRAIN, Rec. Lebon, T., p. 926 ; CE, Sect., 23 avr. 1982,

CHANTEBOUT, Rec. Lebon, p. 158. 839

HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,

Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 317. 840

CE, 12 déc. 1986, Société GEPRO, no 54701, Rec. Lebon, p. 282, VIGOUROUX (Ch.) et CE, 28

janv. 1987, Comité de défense des espaces verts c. SA Le Lama, concl. VIGOUROUX (Ch.), AJDA,

1987, p. 279 : Si un permis de construire ne peut être délivré que pour un projet conforme à la

réglementation d’urbanisme, il ne constitue pas pour autant un acte d’application de cette

réglementation ; CE, 8 juin 1990, ASSAUPAMAR, nos

93191 et 93193 : L’autorisation de créer un

lotissement ne constitue pas un acte d’application d’un plan d’occupation des sols. Il suit de là que la

constatation par le juge de l’illégalité d’un plan d’occupation des sols n’entraîne pas de plein droit

celle d’une autorisation de lotir. 841

HERCE (S.), op. cit., Le PLU, nouveau régime, élaboration, modification-révision, contentieux,

Guides Juridiques Construction, Éditions Le Moniteur, Paris, 2011, p. 318. 842

CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie, no 297227, Rec. Lebon, p. 41 ; note BOUCHER (J.) et

BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), AJDA, 2008, p. 582 ; étude SOLER-COUTEAUX (P.), RDI,

2008, p. 240 ; concl. COURREGES (A.), BJDU, 2007, p. 459 ; étude FATOME (E.), BJDU, 2009,

p. 2 ; note BENOIT-CATTIN (P.), Defrénois, 2008, p. 2300 ; concl. COURREGES (A.), RFDA,

2008, p. 559 ; note BRENET (F.), LPA, 1er

déc. 2008 ; note BAILLEUL (D.), JCP Adm., 2008,

Page 274: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

274/480

Dans un troisième temps, le Conseil d’État revient à l’exception d’illégalité de la

règle d’urbanisme soulevée à l’occasion d’un recours contre l’autorisation

d’urbanisme dans l’économie générale de ce mécanisme. Mais, il subordonne

dorénavant l’efficacité de l’exception d’illégalité à une double condition. D’une part

le requérant doit invoquer l’illégalité de la règle sur la base de laquelle l’autorisation

a été instruite et délivrée. D’autre part, il doit invoquer l’illégalité de la règle qui lui

serait substituée au cas où la première serait déclarée illégale. Il s’agit là d’un

mécanisme d’« exception d’illégalité à double détente », écrit Pierre SOLER-

COUTEAUX843

, ainsi énoncé par le Conseil d’État :

Si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte

la réglementation d’urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte

d’application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant

demandant l’annulation d’un permis de construire ne saurait utilement se

borner à soutenir qu’il a été délivré sous l’empire d’un document

d’urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l’illégalité dont il se

prévaut ; que, cependant, il résulte de l’article L. 125-5 devenu L. 121-8 du

Code de l’urbanisme que la déclaration d’illégalité d’un document

d’urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour

effet de remettre en vigueur le document d’urbanisme immédiatement

antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu’un

permis de construire a été délivré sous l’empire d’un document d’urbanisme

illégal – sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure,

des dispositions de l’article L. 600-1 du même code –, à la condition que le

requérant fasse en outre valoir que ce permis méconnaît les dispositions

pertinentes ainsi remises en vigueur844

.

Par ailleurs, en vertu de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, l’illégalité du

document d’urbanisme entraîne la remise en vigueur des dispositions du document

antérieur. Il n’y a donc pas de vide juridique. C’est à la lueur de ce document

antérieur que la légalité de l’autorisation d’urbanisme est contrôlée. Cette analyse a

pour conséquence que le moyen du requérant portant sur l’exception d’illégalité du

document d’urbanisme n’est recevable que s’il soulève en parallèle l’irrégularité du

p. 2113 ; chron. DEMOUVEAUX (J.-P.), LEBRETON (J.-P.) et NOURY (A.), DAUH 2009, p. 360,

no 290 ; étude PLANCHET (P.), DAUH, 2010, p.29.

843 SOLER-COUTEAUX (P.), L’arrêt Commune de Courbevoie : une occasion manquée ? RDI, n

o 5,

10 juin 2008, p. 240. 844

Préc. CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie, no 297227, Rec. Lebon, p. 4.

Page 275: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

275/480

permis au regard des dispositions du document antérieur845

. Cette jurisprudence a été

étendue aux hypothèses des recours contre les autorisations d’urbanisme par la

procédure pour excès de pouvoir. Cette extension est admise dès lors que le recours

est exercé dans les mêmes conditions que celles posées par la décision Commune de

Courbevoie. En effet, le requérant peut soutenir à l’appui de son recours contre

l’autorisation d’urbanisme que cette dernière a été délivrée sous l’empire d’un

document d’urbanisme annulé. Mais il doit démontrer que cette autorisation

méconnaît également les dispositions remises en vigueur846

.

Par ailleurs, faire revivre un document ancien n’est pas nécessairement un gage de

sécurité juridique notamment si ce document comporte des dispositions obsolètes.

C’est pourquoi la jurisprudence de tempérance consacrée par la décision AC !847

a

été étendue aux contentieux d’urbanisme. Cette jurisprudence tempère la portée de

l’annulation d’un acte administratif et elle en module les effets. Il convient de

rappeler l’apport de cette jurisprudence. Le principe lorsqu’un acte administratif est

annulé est que cet acte est réputé n’avoir jamais existé. Par exception à ce principe, la

jurisprudence AC ! admet que s’il apparaît que l’effet rétroactif de l’annulation

emporte des conséquences manifestement excessives, le juge peut moduler les effets

de l’annulation de cet acte.

Considérant que l’annulation d’un acte administratif implique en principe

que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ; que, toutefois, s’il apparaît

que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des

conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte

a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur

que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses

effets, il appartient au juge administratif – après avoir recueilli sur ce point

les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre

public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause –

de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité

de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et,

845 CAA, Marseille, 30 juin 2011, Cne d’Arles, n

o 09MA01080, inédit.

846 CE, 16 nov. 2009, SARL Les résidences de Cavalière, n

o 308623, Rec. Lebon, 2009 ; concl.

COURREGES (A.), AJDA, 2010, p. 454 ; VINCENT (A.), AJDA, 2009, p. 2198 ; obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), RDI, 2010, p. 115. 847

CE, 11 mai 2004, Association AC !, no 255886 Rec. Lebon, n

o 3, 2005, concl. DEVYS (Ch.), ibid. ;

chron. LANDAIS (C.) et LENICA (F.), AJDA, 2004, p. 1183 ; note STAHL (J-H) et COURREGES

(A.), RFDA, 2004, p. 438.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

276/480

d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de

légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le

temps des effets de l’annulation ; qu’il lui revient d’apprécier, en

rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé à titre

exceptionnel au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et,

dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve

des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris

sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte

antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même,

le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure

qu’il détermine848

.

Mise en œuvre en matière de contentieux de l’urbanisme, cette jurisprudence a donné

lieu à un certain nombre d’illustrations849

. Des auteurs ont souligné qu’« on peut être

circonspect quant au pouvoir immense ainsi reconnu au juge de délimiter, réduire,

gommer, atténuer, les conséquences des annulations850

». Cependant, cette extension

de jurisprudence est un gain en sécurité juridique pour le bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme.

ii. Pratique contentieuse

En pratique, les requérants arguent fréquemment que le permis de construire contesté

méconnaît tel ou tel article du document d’urbanisme en vigueur. Avec la

848 Ibid.

849 CAA Lyon, 29 juin 2010, PAYERNE, n

o 09LY02176, chron. VINET, AJDA, 2010, p. 2104 :

L’annulation du POS remet en vigueur le POS antérieur, et ne crée donc pas de vide juridique. La

nécessité d’élaborer un nouveau PLU en raison de l’incohérence de certains zonages et de

l’inadaptation des règles d’urbanisation remises en vigueur au contexte d’expansion démographique

de la commune et d’entrée en vigueur de la loi du 13 déc. 2000 n’est pas au nombre des motifs

d’intérêt général susceptibles de fonder légalement un effet différé de l’annulation, à une date

déterminée, au demeurant sans justification par les premiers juges. Dans ces conditions, il ne ressort

pas des pièces du dossier que la disparition rétroactive de la délibération approuvant la modification

du PLU entraînerait des conséquences manifestement excessives, eu égard aux intérêts en présence et

aux inconvénients que présenterait une annulation différée de cette délibération ; v. également pour un

rejet de la demande de modulation des effets de l’annulation, CAA Bordeaux, 11 juill. 2013, SCI Les

Chevêches, no 11BX02706.

850 Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.

LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,

p. 818.

Page 277: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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généralisation du PLU, il s’agit dans de nombreuses hypothèses de la prétendue

violation de tel ou tel article du PLU Là encore, le défendeur doit réfuter le moyen de

son adversaire et démontrer qu’il manque en droit, production de pièces851

à l’appui

de son argumentaire.

Là encore, l’enjeu n’est pas neutre. Le non-respect d’une règle d’urbanisme ou d’une

servitude d’utilité publique est susceptible d’engager la responsabilité délictuelle du

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme jugée illégale.

En outre, si les travaux ont commencé et que l’autorisation d’urbanisme est annulée

pour violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité publique, les tiers

sont en droit de se constituer devant le juge judiciaire et de demander la démolition

de la construction. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en pratique, les

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attendent, avant de commencer les travaux,

la purge des recours (soit deux mois à compter des mesures de publicité sur le

chantier852

) et l’expiration du droit de retrait (soit trois mois à compter de la date la

décision853

).

c. La prétendue violation d’une règle d’ordre public

du RNU

Moyen de légalité interne, comme pour l’application de la réglementation des règles

d’urbanisme locales ou des servitudes d’utilité publique, l’inexactitude de

l’application du RNU ou la violation d’une de ses règles d’ordre public est, en

pratique, fréquemment invoquée à la suite des autres moyens de légalité interne et

externe. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.) avant de commenter la

pratique contentieuse la plus fréquemment observée (ii.).

851 Au rang de ces justificatifs, citons par exemple, le formulaire « CERFA » qui constitue en partie le

« dossier PC ». 852

Code de l’urbanisme, art. R.* 600-2. 853

Code de l’urbanisme, art. L. 424-5.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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i. Cadre juridique

Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité

publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin

d’aménager le cadre de vie, de gérer le sol de façon économe, d’assurer la protection

des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment

par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que

la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l’équilibre entre les populations

résidant dans les zones urbaines et rurales, les collectivités publiques harmonisent,

dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions

d’utilisation de l’espace854

. La politique nationale d’aménagement et de

développement durable du territoire concourt à l’unité de la nation, aux solidarités

entre citoyens et à l’intégration des populations. Elle est déterminée au niveau

national par l’État, après consultation des partenaires intéressés, des régions ainsi que

des départements. Elle a vocation à participer, dans le respect du principe de

subsidiarité, à la construction de l’Union européenne. De plus, elle est conduite par

l’État et par les collectivités territoriales dans le respect des principes de la

décentralisation. Elle renforce la coopération entre l’État, les collectivités

territoriales, les organismes publics et les acteurs économiques et sociaux du

développement855

. En outre, ces règles ont été réaménagées à l’occasion de la

réforme des autorisations d’urbanisme et sont applicables depuis le 1er

octobre 2007

et se cumulent, le cas échéant avec d’autres réglementations.

Le règlement national d’urbanisme (RNU) est intégré aux règles générales de

l’urbanisme856

applicables à l’aménagement du territoire, aux constructions et aux

travaux faisant l’objet d’une autorisation d’urbanisme ou d’une déclaration préalable

ou autres utilisations du sol régies par le Code de l’urbanisme857

. À l’origine, la loi

de décentralisation no 83-8 du 7 janvier 1983 qui prévoit les modalités d’application

du RNU vise notamment à écarter la règle de constructibilité limitée dans les

854 Code de l’urbanisme, art. L. 110.

855 Loi n

o 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du

territoire, art. 1. Dans sa version initiale, l’article disposait que « La politique d’aménagement et de

développement du territoire [était] déterminée au niveau national par l’État. » 856

Code de l’urbanisme, art. L.111-1. 857

Ibid., art. R.* 111-1.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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communes dépourvues de documents d’urbanisme mais qui s’engageaient à en

adopter858

.

Régi par les dispositions réglementaires du Code de l’urbanisme859

, il présente un

caractère supplétif. Ceci signifie qu’il ne s’applique, en principe, que dans les

territoires qui ne sont pas régis par un document d’urbanisme. En cas d’annulation du

PLU ou du document d’urbanisme en tenant – comme il a été vu plus haut – le RNU

peut devenir applicable.

Cependant, certaines dispositions du RNU sont d’ordre public et s’imposent au PLU

ou au document d’urbanisme en tenant lieu. L’autorisation d’urbanisme délivrée doit

donc également être en légalité à l’égard des règles du RNU Il en va ainsi en matière

de salubrité et de sécurité, de préservation et mise en valeur de vestiges

archéologique860

, de respect des principes environnementaux861

, d’aspect extérieur

des constructions862

. En cas de manquement à l’une de ces règles, les tiers sont

fondés à intenter une action en démolition.

Le RNU réglemente la localisation et la desserte des constructions, des

aménagements et des installations et travaux863

; l’implantation et le volume des

constructions864

et l’aspect extérieur des constructions865

. Ces règles sont ou

impératives (« le projet doit être refusé » en cas de non-respect de la règle) ou

permissives (« le projet peut être refusé… »). Cette distinction n’empêche pas les

tiers de fonder leur recours contre une autorisation d’urbanisme sur la violation d’une

règle même permissive du RNU866

.

858 POUJADE (B.) et BONICHOT (J.-C.), op. cit. Droit de l’urbanisme, Focus droit, Montchrestien,

Paris, 2006, 183 p., p. 96. 859

Ibid., art. R.* 111-2 et s. 860

Ibid., art. R. 111-4 861

Ibid., art. R. 111-15 862

Ibid., art. R. 111-21 863

Ibid., art. R.* 111-2 à -15. 864

Ibid., art. R. 111-16 à -20. 865

Ibid., art. R.* 111-21 à -24. 866

Pour une illustration de la sanction d’une règle permissive v. CE, 29 oct. 2012, Association

cultures et citoyenneté, no 332257, Rec. Lebon, T., SOLER-COUTEAUX (P.), Sur l’invocabilité des

dispositions d’ordre public du RNU en présence d’un PLU, RDI, 2013, p. 111 ; AJDA, 2012, p. 2088.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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ii. Pratique contentieuse

En pratique, les requérants invoquent le non-respect d’une des quatre règles d’ordre

public du RNU867

. Ainsi, ils peuvent invoquer le non-respect de la règle relative à

l’aspect extérieur des constructions868

. Cette règle implique « d’apprécier, dans un

premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer,

dans un second temps, l’effet que cette construction, compte tenu de sa nature et de

ses effets, pourrait avoir sur le site869

». Elle confère une marge de manœuvre à

l’autorité administrative compétente. Cette dernière s’en sert comme garde-fou pour

des projets non souhaités mais pour lesquels il n’y a pas de raison juridique de

refuser l’autorisation d’urbanisme même si la jurisprudence juge la seule

circonstance qu’une construction présente un style architectural, une emprise ou un

volume différent des bâtiments existants aux environs du terrain à construire ne

saurait suffire à caractériser le non-respect de cette règle870

. L’aspect extérieur des

constructions et son appréhension sont un talon d’Achille pour un projet car il repose

sur un certain subjectivisme871

.

Dans d’autres hypothèses, c’est l’avis de l’architecte des bâtiments de France,

l’A.B.F., qui est décortiqué par chacune des parties. Cet avis est requis lorsque le

terrain à construire se situe au sein du périmètre de 500 mètres généré par la présence

de monuments historiques, et que le projet en cause se situe dans le champ de

867 En matière de salubrité et de sécurité publique (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-2), de

préservation et mise en valeur de vestiges archéologique (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-4), de

respect des principes environnementaux (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-15), d’aspect extérieur des

constructions (Code de l’urbanisme, art. R.* 111-21). 868

Code de l’urbanisme, art. R. 111-21. 869

CE, 13 juill. 2012, Association ENGOULEVENT, no 345970, Rec. Lebon, T., p. 778 ; concl.

LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2012, p. 362 ; obs. LANDAIS (C.), AJDA, 2013, p. 755. 870

CAA Nantes, 28 oct. 2008, Assoc. Vert pays blanc et noir et a.,, no 08NT00426 concl.

DEGOMMIER (S.), BJDU, 2009, p. 12 ; obs. Geffray (E.), ibid. ; DAUH, 2009, p. 395, no 378 ; CAA

Nancy, 22 juin 2006, Cne de Hombourg-Haut, no 04NC00275 ; CAA Lyon, 26 juill. 2002,

LEFEVRE, no 01LY02501 ; CAA Nantes, 22 juin 2010, DOMINIQUE X., n

o 09NT01022.

871 V. pour une illustration d’annulation d’un permis de construire de la SAMARITAINE (îlot Rivoli)

prise sur le fondement du non-respect de l’article UG.11.1.3 du PLU de Paris relatif aux constructions

nouvelles, TA, Paris, 13 mai 2014, Assoc. SPPEF et a., no 1302162, le juge considère que « la façade

sur rue en verre plissé ne s’insère pas dans le tissu urbain existant » et que le « choix d’une façade

ondulante exclusivement réalisée en verre compromet l’insertion de la construction nouvelle dans une

artère représentative de l’urbanisme du XIXe siècle bordée d’immeubles en pierre où la notion

classique de façade n’a pas été abolie et ne contribue guère à mettre en valeur les édifices

environnants » ; v. GRAND (R.), Samaritaine : la « dissonance » du projet conduit à l’annulation du

permis de construire, Dalloz, actualité, 16 mai 2014.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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visibilité d’un monument historique. Le cas échéant, et si les requérants contestent la

légalité de ce chef, le défendeur doit réfuter le moyen adverse via bien entendu des

moyens de droits mais encore et surtout par la production des éléments du dossier PC

tels que la notice architecturale, des photographies et autres documents graphiques.

2) Les frais irrépétibles

Les conclusions ne sont pas indispensables sur ce point mais elles sont utiles. Elles

visent à faire supporter le frais de l’instance au perdant. Les conclusions en ce sens

marquent la date à partir de laquelle ces frais portent intérêts. Plus la procédure est

longue et complexe, plus elle nécessite des frais d’instruction, des mesures

d’expertises. Ces frais constituent les frais irrépétibles qu’il convient de préciser par

un bref rappel de généralités (a.). Ces frais sont susceptibles de constituer un enjeu

financier important y compris pour l’Administration (b.).

a. Généralités

Le défendeur, si tant est qu’il soit bien conseillé, demande que les frais irrépétibles

soient supportés par le requérant. Selon la formule consacrée, cette demande est

souvent formulée de la manière suivante. « Dans les circonstances de l’espèce, il

serait inéquitable de laisser à la charge de l’exposante les frais qu’elle a dû engager

au titre de la présente instance. »

À cette formule s’ajoute la demande de condamnation in solidum des requérants à

verser au défendeur, telle somme au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice

administrative872

. En effet, l’article L. 761-1 du Code de justice administrative est la

transposition en contentieux administratif du mécanisme prévu par l’article 700 du

Code de procédure civile.

872 Code de justice administrative, art. L. 761-1 : « Dans toutes les instances, le juge condamne la

partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il

détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité

ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées

des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Ces « frais irrépétibles » doivent être expressément sollicités. La demande doit être

chiffrée en précisant l’unité monétaire qui doit être celle en vigueur sur le territoire

national. Ils peuvent être demandés à tout moment dès lors que cette demande

survient avant la clôture de l’instruction. En revanche, la jurisprudence n’exige pas

de justification. Il suffit d’indiquer la nature des dépenses873

. Sont compris dans ces

frais, les frais d’expertise, les frais d’enquête ou encore les frais liés aux autres

mesures d’instruction qui ont été, dans la plupart des cas, fixés par voie

d’ordonnance. Si la procédure nécessite une mesure d’expertise, en principe, les

règles générales de procédure imposent que le requérant avance les frais des mesures

d’instruction. Toutefois, par exception, le président de la juridiction précise la ou les

parties qui prennent à leur charge les frais provisionnels de l’expertise874

. Les frais

irrépétibles sont à distinguer des dépens. Plus précisément, ils ne sont pas compris

dans les dépens875

.

Seule la partie perdante ou celle qui aurait dû perdre peut être condamnée au

paiement de ces frais. Cependant, pour des raisons d’équité ou eu égard à la situation

économique de la partie perdante, le juge peut ne pas faire droit à la demande au titre

de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative, et cela se voit souvent dans la

pratique.

Si une aide juridictionnelle a été mise en place, la demande de l’attribution de la

condamnation doit être faite au bénéfice de l’avocat876

. Les personnes publiques

étant toujours solvables, les avocats assurant l’aide juridictionnelle en droit

administratif ont intérêt à demander le bénéfice de cette disposition877

. En principe,

sauf s’il a payé des frais non compris dans les dépens (par exemple dans l’hypothèse

873 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit traité du Procès Administratif, Contentieux administratif,

juridictions générales et spéciales, Praxis Dalloz, 5e éd., Paris, 2012, 1288 p., p. 373, § 322-83.

874 Code de justice administrative, art. R. 621-13.

875 Ces frais recouvrent essentiellement les frais d’avocats.

876 L’article 37 al. 2 de la loi n

o 91-647 du 10 juillet 1991 permet aux avocats prêtant leur concours au

titre de l’aide juridictionnelle de déposer des conclusions tendant à ce que la partie perdante leur paye

directement une somme qu’ils auraient demandée au gagnant s’il n’avait pas été bénéficiaire de l’aide

juridictionnelle, à la seule condition qu’ils renoncent dans ce cas à percevoir l’indemnité due par

l’État aux avocats assistant un bénéficiaire de l’aide juridictionnelle. Le délai d’option est de douze

mois. Les modalités pratiques sont précisées par l’article 108 (modifié) du décret no 91-1266 du 19

déc. 1991. 877

ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit traité du Procès Administratif, Contentieux administratif,

juridictions générales et spéciales, Praxis Dalloz, 5e éd., Paris, 2012, 1288 p., p. 373, § 322-83.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’une aide juridictionnelle partielle), le bénéficiaire de l’aide ne peut obtenir une

condamnation à son bénéfice878

.

b. Conséquences pour l’Administration

L’enjeu des frais irrépétibles n’est pas neutre pour l’Administration puisque dans

cette relation triangulaire, plus il y a de recours contre les autorisations d’urbanisme

dont elle est l’auteur, plus elle doit assurer sa représentation et donc faire face à des

frais de justice. Sur ce point, Michel MERCIER, ès qualités de garde des Sceaux,

Ministre de la Justice et des Libertés, a précisé dans une réponse ministérielle879

que

« s’agissant du coût, pour les collectivités, des recours contre leurs autorisations

d’urbanisme, il convient de rappeler que, s’agissant d’un contentieux de la légalité,

elles peuvent assurer elles-mêmes leur défense, la représentation par un avocat

devant le tribunal administratif n’étant pas obligatoire pour ce type de contentieux

(art. R. 431-2 du Code de justice administrative)880

». L’ingénuité de la réponse prête

à sourire, et impose de souligner que rares sont les auteurs d’autorisation

d’urbanisme qui ont les compétences et les moyens d’assurer leur défense dans des

dossiers aux problèmes juridiques et urbanistiques complexes qui requièrent des

compétences de spécialistes du droit de l’urbanisme. Il faut encore préciser que dans

ce procès, les requérants sont, quant à eux, représentés par des avocats, spécialistes

du droit de l’urbanisme et rompus à la procédure administrative et à la pratique

judiciaire. Par suite, s’ils choisissent de ne pas saisir un avocat, la crainte est que tout

repose sur le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et plus particulièrement sur

les talents de son conseil. Le risque est alors d’aggraver davantage le déséquilibre

entre les parties au procès.

À l’inverse, si l’autorité administrative s’investit dans sa défense elle peut demander

que le requérant perdant supporte les frais exposés pour cette défense. Le garde des

Sceaux conclut en ce sens en précisant qu’il n’y a « cependant pas obstacle à ce que

878 CE, 10 janv. 2000, BOUALAOUI, n

o 197591, Rec. Lebon, p. 18 ; Cah. fonct. publ. 2000, n

o 191,

p. 25. 879

Rép. Min., no 104982, JOAN Q 19 juill. 2001, p. 7879.

880 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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la collectivité défenderesse porte à la connaissance du tribunal administratif la nature

et le montant des frais qu’elle a été amenée à exposer à raison de l’instance881

».

B. Les particularismes du contentieux de l’urbanisme

accentués

La recherche de remèdes à l’insécurité juridique rencontrée par les bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme dans les recours abusifs exercés par les tiers conduit à

relever qu’il existe déjà des mécanismes propres au droit de l’urbanisme. Il s’agit de

particularismes conçus précisément pour améliorer la sécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme à l’égard des recours des tiers. Ces

particularismes loin d’être remis en cause, en dépit de leurs détracteurs, sont

maintenus par la réforme de 2013 (1.), ils sont même accentués (2.).

1) Des particularismes maintenus

Le droit de l’urbanisme est une branche du droit public sans pour autant que le juge

administratif ne puisse se prévaloir d’un monopole juridictionnel. Il se distingue du

droit administratif par un certain nombre de dérogations et de particularismes

propres. Ainsi la notification du recours (a.) et l’exclusion du principe d’économie

des moyens (b.) sont des particularismes imaginés dans une optique d’amélioration

de la sécurité juridique du bénéficiaire du permis de l’autorisation d’urbanisme. Ces

mécanismes antérieurs à la réforme de 2013 demeurent maintenus en l’état.

a. La notification du recours

À la suite de la décentralisation, la multiplication des recours a surpris par son

ampleur et inquiété les élus et les professionnels de la construction. Le droit de

l’urbanisme paraissait « malade de son contentieux administratif882

».

881 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Des idées de réformes sont alors évoquées. L’une d’elle porte sur le rétablissement

d’une situation plus équilibrée entre le bénéficiaire du permis et celui qui conteste cet

acte en instaurant une plus grande transparence des recours. En 1994, la loi883

institue

une obligation de notification des recours gracieux et contentieux, à la charge des

requérants, enserrée dans un très bref délai (quinze jours). Proposée initialement pour

les seules autorisations individuelles, l’obligation de notification porte aujourd’hui

sur l’ensemble des recours dirigés contre les documents d’urbanisme.

Codifiée à l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme884

, l’obligation de notifier le

recours est un particularisme du droit de l’urbanisme. Elle obéit donc à un régime

juridique spécifique (i.). L’introduction de ce particularisme suscite en son temps de

nombreuses interrogations au sein de la doctrine. Ces interrogations portent

notamment sur la question de la pertinence et du bien-fondé d’une telle obligation

(ii.).

i. Cadre juridique

À la suite d’un rapport du Conseil d’État885

, le législateur a par, une loi no 94-112 du

9 février 1994, cherché à limiter le déséquilibre constaté entre le bénéficiaire d’une

autorisation de construire et les requérants, tiers à l’autorisation. L’un des dispositifs

mis en place est l’obligation de notification des recours au titulaire de l’autorisation

d’urbanisme contestée886

. Abondamment critiqué par un courant doctrinal, un nouvel

équilibre entre le requérant et le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme est

recherché et conduit à une simplification du régime de l’obligation de notification.

Cette simplification consiste en deux modifications : la première, apportée par

l’article 12 du décret no 2007-18 du 5 janvier 2007, porte sur une clarification des

décisions individuelles soumises à l’obligation de notification et l’exclusion,

désormais, de cette formalité pour les recours formés contre les documents

d’urbanisme ; la deuxième porte sur l’obligation d’en rappeler l’existence sur le

panneau d’affichage des autorisations individuelles.

882 AUBY (J.-B.), La loi du 9 févr. 1994 et le contentieux de l’urbanisme, RFDA, 1995, p. 25.

883 La loi n

o 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de

construction. 884

Auparavant, il était codifié à l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme. 885

Rap. du Conseil d’État, « L’urbanisme : pour un droit plus efficace », Doc. Fr., 1992. 886

Code de l’urbanisme, art. R.*600-1.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Avant tout recours, le tiers doit justifier d’une notification de recours. En effet, le

tiers, auteur d’un recours contentieux à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme,

doit, dans un très bref délai de quinze jours, notifier ce recours par lettre

recommandée avec avis de réception à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire887

.

Cette obligation de notification s’applique au recours pour excès de pouvoir mais

également aux demandes de déféré préfectoral sous peine d’irrecevabilité du recours,

ainsi que d’une manière générale aux recours administratifs, gracieux ou

hiérarchiques. Une tempérance jurisprudentielle à cette exigence dispense de

notification lorsque le recours contentieux est notifié dans les deux mois de

l’autorisation litigieuse888

. En outre, cette obligation de notification vaut également

pour les demandes tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision

juridictionnelle889

notamment si cette décision autorise au moins partiellement le

droit de construire du bénéficiaire de l’autorisation890

. Cette obligation de

notification qui pèse sur le tiers a pour objet de renforcer la sécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Pour que le recours qu’il introduit devant le

juge soit recevable, il doit, de plus, justifier de l’accomplissement de ces formalités

de notification par la production d’un certificat de dépôt de la lettre recommandée ou

de documents présentant des garanties équivalentes891

.

Par exemple, si le tiers choisit la voie du déféré préfectoral avant la voie contentieuse

en cas d’échec du déféré, ce choix peut avoir une répercussion sur le délai de recours.

En principe, dans le cadre du déféré, le tiers doit présenter ses griefs, il peut assortir

sa demande d’une demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision. Le

préfet exerce alors un contrôle de légalité de l’autorisation d’urbanisme litigieuse par

rapport aux lois et règlements en vigueur. Le recours contentieux de droit commun

demeure possible. Par ailleurs, et c’est aussi l’intérêt de cette procédure pour les

tiers. Le délai de recours contentieux est interrompu lorsque le préfet indique au

maire que l’autorisation d’urbanisme en cause est entachée d’illégalité et lui

887 Ibid.

888 CE, Sect., avis, 1

er mars 1993, Association Soisy Etiolles Environnement, n

o 17126, Rec. Lebon,

p. 60. 889

CE, 26 mai 1999, SCI KERROY, no 181581, concl. HONORAT (E.), BJDU, 1999, p. 2016, note

LARRALDE (J.-M.), Constr.-Urb., 1999, no 258.

890 CE, 19 avr. 2000, Cne de Breuil-Bois-Robert, n

o 176148, Rec. Lebon, p. 301 ; concl. HONORAT

(E.), BJDU, 2000, P. 127 ; Dr. Adm., 2000, nos

149 et 197 ; RFDA, 2000, p. 710 ; Coll. terr., 2000, o 223 ; Mon. TP, 28 avr. 2000, p. 89 ; RDI, 2000, p. 328.

891 CE, Sect., avis, 6 mai 1996, ANDERSEN, n

o 178473, Rec. Lebon, p. 150 ; chron. CHAUVAUX

(D.) et GIRARDOT (T-X), AJDA, 1996, p. 566 et 513 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.), RFDA, 1996,

p. 1027 ; étude PACTEAU (B.), LPA, 16 oct. 1996, p. 10.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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demande de la retirer car cette demande vaut recours gracieux892

. Et si le préfet n’agit

pas spontanément, le tiers peut saisir lui-même le tribunal dans un nouveau délai de

deux mois courant à compter de la notification d’un refus exprès du préfet ou, au

plus tard, à compter de la naissance d’un refus implicite deux mois à compter de la

réception de la demande en préfecture.

En revanche, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme n’est pas soumis à cette

obligation de notification. Cela n’aurait pas beaucoup de sens. Par conséquent, il

n’est pas tenu de notifier même lorsqu’il fait appel de la décision qui a annulé

l’autorisation d’urbanisme893

.

ii. Discussion de la portée juridique

La finalité de cet arsenal anti-abus est de maîtriser le contentieux de l’urbanisme et

ainsi d’apporter aux bénéficiaires des permis de construire une meilleure sécurité

juridique894

. Cet arsenal profite essentiellement aux constructeurs professionnels. Il

s’agit donc des promoteurs et des communes Par ailleurs, le but est aussi de garantir

la rentabilité économique des opérations d’urbanisme895

.

Aux termes de l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme, la notification doit

nécessairement être faite à l’auteur de la décision ainsi qu’au bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme896

. Le défaut de notification entraîne l’irrecevabilité de

l’action contentieuse897

. Et, afin que le dispositif anti-abus fonctionne pleinement, la

régularisation a posteriori n’est pas permise898

. Ainsi, dans un avis du 1er

mars

892 CE, 18 avril 1986, Préfet d’Ille-et-Vilaine, n

o 62470, Rec. Lebon, p. 423 ; concl. ROUX (A.),

RFDA, 1987, p. 206 ; note CHABANOL (D.), AJDA, 1986, p. 455 ; note NEGRIN (J.-P.), D., 1987,

p. 70. 893

CE, Sect., avis, 26 juill. 1996, Cne de Triel-Sur-Seine et Société Horde-Bâtisseurs, no 180373, Rec.

Lebon, p. 30 ; BJDU, 1996, p. 286. 894

PIETRI (J.-P.), COURTIAL (J.), et CADENAT (P.), Portée de l’obligation de notification

incombant à l’auteur d’un recours contre une décision d’urbanisme, AJDA, 1996, p. 200. 895

Ibid. 896

CAA Nantes, 20 déc. 1995, VERNHES-DAVID, AJDA, 1996, p. 244, chron. J. BRENIER, p. 200 ;

CAA Marseille, 6 mai 1999, Epx BAUDIER, RFDA, 2001, p. 203. 897

CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT (Th.-X.), Portée de l’obligation de notification incombant à

l’auteur d’un recours contre une décision d’urbanisme, AJDA, 1996, p. 513. 898

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

288/480

1996899

, le Conseil d’État précise, pour un déféré préfectoral ou un autre recours

contentieux, que « l’omission des formalités de notification dans le délai légal de

quinze jours entraîne dans tous les cas l’irrecevabilité de ce déféré ou de ce

recours ».

Par ailleurs, certains auteurs, dont Simon WILLIAMSON, ont pu relever que le

dispositif anti-abus pouvait sans doute constituer une restriction du droit à l’accès au

juge. Ainsi, selon Simon WILLIAMSON, l’obligation de notifier dans le délai

impératif est une méconnaissance du « caractère “démocratique” du recours pour

excès de pouvoir, qui est “l’honneur du contentieux administratif, le meilleur rempart

du citoyen contre les abus de l’administration”900

».

Cependant, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif dès l’origine901

. Par

ailleurs, le dispositif n’est pas jugé contraire à l’article 6 § 1er

de la Convention de

sauvegarde des droits de l’homme au regard de la jurisprudence des juridictions

administratives902

mais également au regard de la jurisprudence de la Cour

européenne des droits de l’homme.

Dans une espèce903

relative à la recevabilité d’une requête introduite par une

association parisienne de défense du cadre de la vie et de préservation du patrimoine

architectural contre un permis de construire déposé par le ministère de la Culture

française concernant l’École Nationale des Arts Décoratifs, les requérants invoquent

l’article 6 § 1er

précité. Ils soutiennent que l’article R.*600-1904

du Code de

l’urbanisme viole leur droit d’accès au juge. Mais la Cour européenne déclare la

requête irrecevable considérant que l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme a été

« introduit par le législateur à des fins de sécurité juridique » et que la règle imposée

par le dispositif est « claire, accessible et prévisible ».

899 Préc. CE, Sect., avis, 1

er mars 1996, Association Soisy Etiolles Environnement, n

o 975389, Rec.

Lebon, p. 61 ; concl. BONICHOT (J.-Cl.), RFDA, 1996, p. 1022 ; préc. chron. CHAUVAUX (D.) et

GIRARDOT (Th.-X.), AJDA, 1996, p. 513. 900

WILLIAMSON (S.), op. cit., La sécurité juridique contentieuse à l’épreuve de l’article L. 600-3 du

Code de l’urbanisme, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, GRIDAUH, Mémoire de D.E.A., Droit

public général, 1998, 114 p. 901

Cons. const., 21 janv. 1994, no 93-355 DC, MORAND-DEVILLER (J.), Le conseil constitutionnel

et la « petite loi » portant diverses dispositions en matière d’urbanisme, Rev. Adm., 1995, p. 75,

HOCRETIERE (D.), Le juge constitutionnel et la loi du 9 fév. 1994, RFDA, 1995, p. 7. 902

TA Poitiers, 2 déc. 1997, Cts BOURGEOIS c. Cne de Saint-Palais-sur-Mer, AFDUH., 1998,

p. 332 903

CEDH, 3e Sect., 21 nov. 2000, Comité des quartiers Mouffetard et des bords de Seine et a.

c/France, no 56188/00 ; RUDH, 2000, vol. 12, n

o 10-12, 31 déc., 2, Jurisprudence, p. 435.

904 Alors codifié à l’article L. 600-3 du même code.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

289/480

b. L’exclusion du principe d’économie des moyens

Si le dispositif de notification poursuit un objectif de sécurité juridique en amont du

procès, le législateur a également entendu concevoir un mécanisme destiné à

améliorer la sécurité juridique au cœur du procès. C’est pourquoi la loi du

13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a

ajouté au Code de l’urbanisme un article L. 600-4-1 qui introduit dans le contentieux

de l’urbanisme une exception au principe d’économie des moyens. C’est une

spécificité du contentieux de l’urbanisme (i.) dont la portée juridique n’est pas neutre

(ii.).

i. Régime juridique

En principe, les contentieux administratifs sont subordonnés au principe d’économie

des moyens. Mais par exception, les contentieux administratifs en matière

d’urbanisme n’y sont pas soumis. Il semble que le législateur ait voulu attribuer au

juge de la légalité une mission particulière905

ou qu’il ait estimé que le droit de

l’urbanisme est un droit spécial, trop « sulfureux906

», pour se satisfaire des

procédures contentieuses du droit administratif907

.

Le principe d’économie des moyens

En contentieux administratif, les pouvoirs du juge à l’égard des moyens soulevés par

le requérant et à l’égard des motifs de la décision contestée sont subordonnés au

principe de l’économie des moyens908

. Ce principe permet au juge administratif de

905 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,

juill. 2012, 296 p., p. 245 et s., no519.

906 Expression empruntée à Jean Bernard AUBY qui écrit au sujet de ce particularisme qu’on s’en est

ému, ici et là, en considérant que ces quelques règles particulières contribuaient à placer le

contentieux de l’urbanisme dans une position de particularisme injuste, voire suspect : le sulfureux

droit de l’urbanisme ne pourrait pas s’accommoder des vertueuses procédures ordinaires », in AUBY

(J.-B.), La loi du 9 février 1994 et le contentieux de l’urbanisme : RFDA, V. 11, 1995, p. 26. 907

V. en ce sens comm. TRAORE (S.), Obligation de se prononcer sur tous les moyens en matière

d’urbanisme, Drt Adm., 2001, comm. no 129.

908 CE, 29 mai 1963, Min. Santé publique et population et MAUREL, Rec. Lebon, p. 334.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

290/480

limiter son contrôle de légalité en arrêtant son examen dès qu’un des moyens lui

paraît donner raison au requérant. En d’autres termes ce principe dispense le juge

d’examiner les autres moyens invoqués909

. Or, l’article L. 600-4-1 du Code de

l’urbanisme fait échapper le contentieux de l’urbanisme à ce principe.

Plus précisément, lorsque le requérant obtient satisfaction, le juge subordonne sa

motivation à l’économie des moyens et motive sa décision par un seul moyen,

généralement le plus efficace910

, ou à tout le moins le plus éclairant conformément à

l’usage911

. Et si pour accueillir la requête du demandeur, le juge relève d’office un

moyen d’ordre public tant que ce moyen ne se heurte pas à la chose jugée912

, le

principe d’économie des moyens s’applique également. Le juge se prononce alors

« sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête » ou « sans qu’il

soit besoin d’examiner les moyens de la requête » selon l’expression consacrée par la

jurisprudence. Cependant, l’obligation de relever d’office le moyen n’impose pas

nécessairement au juge de se prononcer sur lui de façon explicite, son silence vaut

rejet du moyen.

En revanche, en cas de rejet de la demande du requérant, tous les moyens doivent

être examinés. Leur rejet doit être motivé à l’exception des moyens inopérants913

lesquels sont des moyens recevables et fondés mais sans influence sur l’issue du

litige914

. En effet, tous les moyens invoqués par le requérant, même s’ils sont fondés,

n’entraînent pas automatiquement l’annulation de la décision attaquée. Ainsi, dès

qu’un moyen est soit sans influence sur l’issue du litige, soit sans rapport avec lui, il

est qualifié d’inopérant par le juge915

. Plus précisément, le juge a l’obligation de faire

mention des moyens irrecevables et de les écarter explicitement. Cependant, il est

909 RICCI (J.-Cl.), Droit administratif général, Hachette supérieur, 4

e éd., Paris, 2011, 320 p., p. 294,

§ 548. 910

MONERA (F.) et ASSO (B.), Contentieux administratif, Panorama du Droit, Studyrama, Paris,

2006, p. 330. 911

KAHN (J.), concl. sur CE, ass., 12 déc. 1969, DE TALLEGRAND PERIGORD, AJDA, 1970, p. 42. 912

CE, 16 oct. 1992, Mme DUPUIS, Rec. Lebon, p. 371, RFDA, 1992, p. 1088. 913

CE, Sect., 25 mars 1960, BOILEAU, Rec. Lebon, p. 234 ; chron. COMBARNOUS (M.) et

GALABERT (J.-M.), AJ, 1960, I, p. 96 ; CE, Sect., 10 juin 1996, Elect. Mun. De BALAINVILLIERS,

concl. ARRIGHI de CASANOVA (J.), JCP, 1997, II, p. 22765. 914

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 809, n

o 921.

915 DEBBASCH (C.) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz, 8e éd., Paris, 2001,

p. 783, § 893 ; AUBY (J.-M.), Les moyens inopérants dans la jurisprudence administrative, AJDA,

1966, p. 5.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

291/480

dispensé de cette obligation à l’égard des moyens inopérants qui peuvent être rejetés

par prétérition916

.

L’exclusion de l’économie des moyens

Le juge administratif, dans le contentieux de l’urbanisme, a l’obligation de répondre

à tous les moyens invoqués917

. Cette exception au principe de l’économie des

moyens est régie par l’article L. 600-4-1 du Code l’urbanisme. L’article dispose que :

Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière

d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se

prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles

de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier918

.

La lettre du texte appelle deux observations. D’une part, le champ d’application de

l’exception au principe de l’économie des moyens est relativement large, et d’autre

part, le juge est tenu de se prononcer sur tous les moyens de la requête mais rien que

les moyens de la requête.

Il s’agit d’une règle dérogatoire919

. Son champ d’application est donc étroitement

circonscrit aux contentieux de l’urbanisme. L’exception au principe de l’économie

des moyens concerne le recours pour excès de pouvoir et le référé suspension.

Toutefois, le juge d’appel qui annule un jugement et confirme un moyen retenu par le

juge de première instance n’est pas tenu de se conformer à cette dérogation920

.

Le juge porte son examen sur l’ensemble des moyens soulevés par le requérant ou

sur les moyens d’ordre public qu’il peut relever d’office. En revanche, il ne se

prononce pas sur les moyens non soulevés ni même sur les moyens soulevés dont le

916 CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 809, n

o 921.

917 CE, 28 mai 2001, Cne de Bohars, SARL MINOTERIE Francès, n

o 218374, Rec. Lebon, p. 249 ;

concl. PIVETEAU (D.), BJDU, 2001, p. 212 ; Coll. terr., 2001, no 196 ; RFDA, 2001, p. 957 ; obs.

GUYOMAR (M.) et COLLIN (P.), AJDA, 2001, p. 652 ; Mon. TP, 10 août 2001, p. 47 ; note

PIVETEAU (D.), RDA, 2001, no 203 ; DEREPAS (L.), RDI, 2001, p. 405.

918 Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1.

919 ROUQUETTE (R.), op. cit. Petit Traité du Procès administratif, 5

e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 921 – § 821-50. 920

Ibid.

Page 292: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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bien-fondé suppose une mesure d’instruction à moins qu’aucun moyen ne soit

fondé921

.

Cette dérogation a pour objet de permettre que les parties à un litige mettant en cause

un acte intervenu en matière d’urbanisme soient éclairées922

sur « l’ensemble des

vices susceptibles d’entacher la légalité de cet acte923

». Ainsi, cela évite que des

vices « contentiogènes » demeurent dans l’ombre et soient reproduits dans une

éventuelle autorisation qui n’aurait corrigé que le moyen retenu pour l’annulation.

Comme le souligne Seydou TRAORE, ce particularisme doit être rapproché de « la

tentation des autorités décentralisées de faire du juge administratif celui qui dit le

droit, non pas tant pour trancher les litiges qui lui sont soumis que pour “guider”

l’action des élus924

». Le législateur a ainsi privé le juge de la légalité, dans le cas

précis du contentieux des actes d’urbanisme, de la marge de manœuvre dont il

bénéficie dans les autres contentieux administratifs925

.

Il y a donc une visée pédagogique à travers ce particularisme. Il y a aussi le souhait

de mettre fin à la critique selon laquelle le juge alimenterait le contentieux en se

taisant, par application du principe de l’économie des moyens, sur d’autres vices926

.

ii. Portée juridique

« Intention louable927

» pour les uns, « réponse dangereuse à un problème à la

mode928

» pour d’autres. La mission du juge est-elle une mission de pédagogie ? Y a-

921 Ibid.

922 GUYOMAR (M.) et SEILLER (B.), Contentieux administratif, HyperCours Dalloz, 3

e éd., 2014,

p. 433, § 890. 923

CE, 16 juin 2004, Société Laboratoire de biologie végétale Yves Rocher, no 254172, Rec. Lebon,

p. 913, SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2004, p. 459 : « Considérant aux termes de l’article L. 600-4-

1 du Code de l’urbanisme : Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière

d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l’ensemble des

moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du

dossier ; que ces dispositions ont pour objet de permettre que les parties à un litige mettant en cause

un acte intervenu en matière d’urbanisme soient éclairées sur l’ensemble des vices susceptibles

d’entacher la légalité de cet acte ». 924

Préc. TRAORE (S.), Obligation de se prononcer sur tous les moyens en matière d’urbanisme, Drt

Adm., 2001, comm. no 129.

925 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,

juill. 2012, 296 p., p. 247, no 522.

926 Ibid.

Page 293: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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t-il mélange des genres ? Est-ce une volonté déguisée d’abandonner le principe

d’économie des moyens ? Existe-t-il un risque d’effet d’entraînement sur le reste du

contentieux administratif ?

Telles sont les interrogations que suscite un tel dispositif.

S’agissant de la dérive pédagogique de la mission du juge, la pratique connaît déjà

une tendance au développement des motivations essentiellement à des fins

« pédagogiques en direction de l’administration et des justiciables929

». Et, sur un

plan intellectuel comme sur un plan prophylactique, un peu de pédagogie ne peut pas

nuire. Certes, il y a l’encombrement des tribunaux, et les juges croulent sur les

dossiers. Néanmoins, un éclairage sur telle ou telle lecture d’une norme urbanistique

ou la qualification de telle ou telle pratique de « vice » de légalité permet d’améliorer

la pratique et de gagner en sécurité juridique et à long terme doit permettre un

désengorgement des tribunaux. Toutefois, comme le relève Seydou TRAORE, aux

termes de l’article L. 600-4-1 précité, il n’est pas exigé du juge administratif qu’il se

prononce sur chacun des moyens soulevés par la requête, mais seulement de se

prononcer sur ceux dont il estime qu’ils fondent l’annulation ou la suspension de

l’acte d’urbanisme critiqué930

.

c. Le principe de divisibilité

Introduit par la loi du 13 juillet 2006931

et récemment modifié par l’ordonnance du

18 juillet 2013, l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme permet à la juridiction

administrative de prononcer une annulation partielle lorsque seule une partie d’un

projet de construction est illégale. Cette disposition a suscité de nombreux

commentaires. Il convient de présenter l’extension de l’exception au principe

927 GUYOMAR (M.) et COLLIN (P.), Les obligations découlant, pour le juge d’appel, des

dispositions de l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme issu de la loi du 13 décembre 2000,

AJDA, 2001, p.652. 928

CHABANOL (D.), L’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme, une réponse dangereuse à un

problème à la mode, AJDA, 2001, p. 216. 929

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 967, n

o 1083.

930 TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,

juill. 2012, 296 p., p. 247, no 523.

931 Loi n

o 2006-872, 13 juill. 2006, portant engagement national pour le logement.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’indivisibilité opérée par la réforme (i.), son champ d’application (ii.) et son

application dans le temps (iii.).

i. Extension de l’exception au principe d’indivisibilité

En principe, une autorisation est indivisible. Dès lors, en vertu de ce principe, le

requérant ne peut solliciter une annulation partielle puisque, par hypothèse,

l’autorisation est indivisible. Par conséquent, le juge ne peut pas annuler

partiellement une autorisation. Il en résulte que l’irrégularité d’un seul élément dit

« indivisible » de l’autorisation d’urbanisme entache d’illégalité l’ensemble de

l’autorisation. Toutefois, ce principe d’indivisibilité comporte de longue date un

certain nombre d’exceptions.

Par exemple, en présence de participations financières ou de constructions distinctes,

une divisibilité de l’autorisation est admise. Ainsi, lorsque l’autorisation contestée

porte sur des éléments d’aménagement ou de construction autonomes les uns par

rapport aux autres, lesquels auraient pu en raison de leur complexité faire l’objet

d’une autorisation propre, le juge a la faculté d’annuler partiellement l’autorisation

contestée. En dehors de ces exceptions, la nécessité d’obtenir des annulations

partielles est rapidement apparue.

C’est pourquoi, reprenant une proposition du rapport PELLETIER, la loi du 13 juillet

2006 a d’abord étendu, par un nouveau dispositif, codifié à l’article L. 600-5,

l’exception au principe d’indivisibilité des autorisations. Puis, l’ordonnance du

18 juillet 2013 a refondu l’article mais sans remettre en cause les fondements du

dispositif. Désormais, le juge peut prononcer une annulation partielle des

autorisations d’urbanisme. Plus précisément, depuis 2013 cela comprend les permis

de démolir. Le dispositif est d’application est immédiate.

La faculté attribuée à la juridiction de prononcer une annulation partielle semble

conférer un large pouvoir d’appréciation au juge932

. En outre, la nouvelle rédaction

met fin à l’imprécision de la formulation de 2006 sur le point de savoir si

l’annulation était possible uniquement si une régularisation était envisageable. Le

texte prévoit désormais explicitement que lorsqu’une illégalité affecte une partie

932 ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5

e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 922, § 821-55.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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identifiable du projet d’aménagement ou de construction et que cette illégalité est

susceptible d’être régularisée par un arrêté modificatif de l’autorité compétente. Il

n’est donc pas nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste du

projet. Cette nouvelle rédaction confirme la jurisprudence sur ce point933

.

ii. Champ d’application

Avec ce nouvel article L. 600-5-1 du Code de l’urbanisme, l’ordonnance du 18 juillet

2013 répond aux interrogations de la doctrine934

. Sous l’ancienne rédaction, seule

l’annulation partielle en raison d’une illégalité interne semblait possible puisqu’une

annulation partielle semblait, quant à elle, difficilement envisageable dans le cas

d’une illégalité externe935

. Mais c’est finalement une solution contraire que retient le

Conseil d’État. Ce dernier, soucieux de ne pas faire obstacle à l’esprit de la réforme

du contentieux en matière d’urbanisme, juge qu’une annulation partielle peut être

prononcée même pour une illégalité externe.

En effet, par un arrêt Association Bois-Guillaume Réflexion contre Commune Bois-

Guillaume, du 27 novembre 2013936

, au visa de l’article L. 600-5 du Code de

l’urbanisme, il prononce l’annulation partielle d’un aménagement pour illégalité

externe, en l’occurrence pour vice d’incompétence :

933 CE, 1

er mars 2013, M. et Mme FRITOT et a., n

o 350306, Rec. Lebon ; AJDA, 2013, p. 495 ; obs.

SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2013, p. 226 ; CE, 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie,

no 325179, Rec. Lebon, T., p. 1068, 1104 et 1200 ; note SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011,

p. 238 ; CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2011, no 52 ; obs. PERRIN (A.), RDA, 2001, n

o 54 ; obs.

MORITZ (M.), JCP Adm., 2011, p. 2201. 934

ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 922, § 821-55 ; PERIGNON (S.), La sécurisation des autorisations d’urbanisme et des constructions

existantes, AJDA, 2006, p. 1549 ; BERNARD (F.-C.) et DURAND, Autorisations d’urbanisme

annulations partielles : premier bilan mitigé, Mon. TP, 10 avr. 2009, p. 82 ; préc. DURAND (P.),

L’annulation partielle des autorisations d’urbanisme, cinq années d’application de l’article L. 600-5

du Code de l’urbanisme », AJDA, 2012, p. 129. 935

ROUQUETTE (R.), op. cit., Petit Traité du Procès administratif, 5e éd., Praxis Dalloz, Paris, 2012,

p. 922, § 821-55. 936

Préc. CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765, Rec.

Lebon, T. ; Concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe

n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 ; CORNILLE (P.), Annulation

seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1,

p. 24, no 6.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

296/480

Considérant que la circonstance qu’une autorisation d’urbanisme soit

entachée d’une illégalité externe, notamment d’incompétence, ne fait pas

obstacle à l’application des dispositions de l’article L. 600-5.

C’est une décision novatrice. Elle a, en outre, le mérite de préciser le champ

d’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme. Comme le souligne

Patrice CORNILLE937

, le Conseil d’État considère que la faculté du juge

administratif de prononcer une annulation partielle, au visa de l’article L. 600-5 du

Code de l’urbanisme, n’est pas limitée aux seules illégalités internes. Ce faisant, le

Conseil d’État adopte une position favorable de « neutralisation938

» des moyens de

légalité externe. Il marque, ainsi, une volonté de donner plein effet au dispositif de

sécurisation des autorisations d’urbanisme. Cela ressort, du reste, des conclusions

d’Alexandre LALLET. Le rapporteur public relève qu’une « lecture restrictive de

l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme pénaliserait sans raison les seuls

propriétaires qui construisent sur un terrain situé à cheval entre deux communes, et

irait en outre à rebours des initiatives récemment prises pour sécuriser juridiquement

les autorisations d’urbanisme939

».

Par ailleurs, autre mérite de cette décision, l’office du juge dans le cadre du dispositif

L. 600-5 du Code de l’urbanisme est précisé. Ainsi, la faculté d’annulation dont le

juge dispose en vertu du nouveau dispositif de sécurisation des autorisations

d’urbanisme, relève des pouvoirs du juge dès lors qu’il y existe une régularisation

possible. Le caractère régularisable ou non d’une illégalité entachant un permis de

construire relève de l’appréciation souveraine des juges du fond940

. Toutefois, la

démonstration de la possibilité ou de l’impossibilité de cette régularisation incombe

aux parties. Alexandre LALLET souligne dans ses conclusions941

qu’il appartient au

requérant qui a soulevé un moyen débouchant sur une annulation partielle de

convaincre le juge que la régularisation n’est pas possible en produisant les éléments

937 Préc. CORNILLE (P.), Annulation seulement partielle d’une AOS pour illégalité externe : c’est

possible, Constr.-Urb., janv. 2014, no 1, p. 24, n

o 6.

938 Ibid.

939 Préc. concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe

n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 sur CE, 27 nov. 2013, Assoc.

Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765.

940 CE, 4 oct. 2013, M. ANDRIEU et Mme PERREE, n

o 358401, Rec. Lebon, T. ; BIGET (C.), AJDA,

2013, p. 1941 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2013, p. 607. 941

Préc. concl. LALLET (A.), L’article L. 600-5 s’applique-t-il lorsqu’un vice de légalité externe

n’affectant qu’une partie de l’acte est en cause ? BJDU, no 2/14, p. 133 sur CE, 27 nov. 2013, Assoc.

Bois-Guillaume Réflexion c. Cne Bois-Guillaume, no 358765.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

297/480

qui le démontrent. À défaut, le juge est fondé à présumer que la régularisation est

possible. Pour reprendre la formule de Xavier de LESQUEN dans ses conclusions

sur l’arrêt FRITOT942

, il suffit que le juge « soit suffisamment convaincu que

l’autorisation est régularisable pour admettre de prononcer une annulation

partielle943

».

Cette disposition fait véritablement l’objet d’un accueil globalement enthousiaste des

juridictions au regard du nombre de décisions sous l’article L. 600-5 dans sa nouvelle

mouture. La longévité de la nouvelle disposition est certainement à prévoir car

l’application de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme n’est pas seulement un

pouvoir propre du juge administratif, c’est aussi un moyen d’ordre public. À ce titre,

le Conseil d’État juge944

qu’il appartient à la juridiction d’appel de contrôler d’office

l’application, par les premiers juges, de l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme.

Cette solution conforte la solution de principe945

adoptée en mars 2013, dans l’arrêt

FRITOT, soit avant que l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme ne soit refondu.

iii. Application dans le temps

L’ordonnance du 18 juillet 2013 prévoit son entrée en vigueur un mois après sa

publication946

. Cette dernière étant intervenue le 19 juillet 2013947

, l’ordonnance est

entrée en application le 19 août 2013. Et ainsi que nous l’avons exposé

précédemment, la question de l’application dans le temps des nouvelles règles de

procédure contentieuse introduites par l’ordonnance a pu être posée. Sans trop nous

répéter, nous nous bornons à rappeler ici, que le Conseil d’État a précisé, par deux

importantes décisions948

du 18 juin 2014, que l’article L. 600-5 du Code de

942 Préc. CE, 1

er mars 2013, FRITOT, n

o 350306, D. actu., 6 mars 2013, obs. GRAND (R.) ; AJDA,

2013, p. 495 ; obs. SOLER-COUTEAUX, RDI, 2013, p. 226, concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU,

2013, p. 221. 943

Préc. concl. LESQUEN (de) (X.), BJDU, 2013, p. 221. 944

CE, 9e et 10

e SSR, 9 avr. 2014, Cne de Saint-Martin-le-Vinoux, n

o 338363, Rec. Lebon ; AJDA,

2014, p. 822 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une annulation partielle ne peut être prononcée lorsque

l’irrégularité affecte le permis en son entier, RDI, 2014, p. 364 ; LEGRAS (Cl), Appartient-il à la

juridiction d’appel de contrôler d’office l’application, par les premiers juges, de l’article L. 600-5 ?,

BJDU 3/14, p. 215 ; obs. VIALETTES (M.), BJDU 3/14, p. 227. 945

Préc. obs. VIALETTES (M.), BJDU 3/14, p. 227. 946

Ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, art. 5.

947 JORF n

o 0166, 19 juill. 2013, p. 12070, texte n

o 24.

948 Préc. CE, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU et a, n

o 376113 ; et CE, 6

e et 1

re SSR, 18 juin

2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760 ; préc. GILLIG (D.), Réforme du

Page 298: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

298/480

l’urbanisme, étant une règle contentieuse intéressant non pas le droit au recours du

requérant mais les pouvoirs du juge administratif, est d’application immédiate aux

instances en cours à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 juillet 2013.

De plus, ces dispositions peuvent être appliquées pour la première fois en appel949

.

2) Des particularismes innovants

De plus en plus autonome, de plus en plus spécialisé, le droit de l’urbanisme aime

décidément à cultiver un certain particularisme juridique. En effet, l’intérêt à agir (a.)

et la cristallisation des moyens (b.) renforcent encore le caractère sui generis du

contentieux de l’urbanisme.

a. L’intérêt pour agir

Suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme de 2013 a

codifié la notion de l’intérêt à agir. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.),

les mécanismes de son application dans le temps (ii.) ainsi que la portée de cette

codification (iii.).

i. Cadre juridique

La nouvelle définition légale de l’intérêt pour agir en matière de contentieux de

l’urbanisme a deux conséquences. La première consiste en un gain de sécurité

juridique pour les associations. La seconde est de placer les autres requérants dans un

cadre moins favorable qu’auparavant.

contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013, Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24,

no 113.

949 Préc. GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013,

Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n

o 113.

Page 299: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

299/480

Un gain de sécurité juridique pour les associations

L’intérêt pour agir des associations est inchangé. Et il demeure encadré par les

dispositions de l’article L. 600-1-1950

du Code de l’urbanisme tel qu’il a été créé par

la loi du 13 juillet 2006. Mais à la différence des simples particuliers ou des autres

personnes morales, les associations bénéficient d’une présomption d’intérêt à agir.

En effet, les dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de

l’urbanisme doivent être rapprochées de l’article L. 600-7 du même code également

créé par l’ordonnance du 18 juillet 2013. Cet article dispose, en substance, que

lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la

protection de l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de

l’environnement951

, forme un recours, elle est « présumée952

» agir dans les limites de

la défense de ses intérêts. Cette présomption vient contrebalancer953

la rigidité de

l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme qui impose pour que les recours d’une

association soient recevables que les statuts de celle-ci aient été déposés en

préfecture avant l’affichage en mairie de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Le sort plus nuancé des autres requérants

S’agissant des requérants autres que les associations et autres que l’État, les

collectivités territoriales ou leurs groupements, la réforme a répondu à une demande

tenace des constructeurs. Suivant l’une des recommandations du rapport

950 Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1 : « Une association n’est recevable à agir contre une décision

relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture

est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. » 951

Code de l’environnement, art. L. 141-1 (Extrait) : al. 1 « Lorsqu’elles exercent leurs activités

depuis au moins trois ans, les associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités

statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de

l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de

l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière

générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement, peuvent faire l’objet d’un

agrément motivé de l’autorité administrative. | al. 2, La Fédération nationale des chasseurs, les

fédérations régionales des chasseurs, les fédérations interdépartementales des chasseurs et les

fédérations départementales des chasseurs sont éligibles à l’agrément mentionné au premier alinéa. » 952

Terme expressément employé dans l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. 953

V. obs. LOUCHE (A.) et BRACQ (S.), L’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet 2013, une nouvelle

approche du contentieux de l’urbanisme, réf. 144u5, Gazette du Palais, 12 sept. 2013, no 255, p. 5.

Page 300: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

300/480

LABETOULLE, il se traduit par un nouveau « croc-en-jambe954

» procédural pour

les requérants. Le but est explicitement d’accroître la sécurité juridique des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. En effet, l’ordonnance du 18 juillet 2013

précise l’intérêt pour agir des personnes autres que l’État, les collectivités

territoriales ou leurs groupements ou une association. L’ordonnance introduit ainsi

les articles L. 600-1-2 et L. 600-1-2 au sein du Code de l’urbanisme.

L’intérêt pour agir des personnes morales955

, autres que les associations et autres que

l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, demeure inchangé. La

recevabilité de leur action demeure strictement encadrée. Et leur intérêt pour agir

s’apprécie au regard d’un critère urbanistique et environnemental956

. Ceci est à

rapprocher de la position récemment adoptée par le Conseil d’État957

qui a ouvert, en

matière de contrat administratif, à tout tiers intéressé le recours dit « TROPIC958

»,

dont il a également durci le régime959

. Dans le recours dit « TROPIC », le Conseil

d’État a jugé que les tiers sont recevables à former un recours devant le juge

administratif pour contester directement la validité d’un contrat administratif ou de

certaines de ses clauses indivisibles. Cette solution a mis fin à l’ancienne solution qui

954 Selon l’expression employée par Camille MIALOT. Cf. MIALOT (C.), La réforme du contentieux

de l’urbanisme du point de vue du requérant, AJDA, 2013, p. 2337. 955

Entrent dans cette catégorie les syndicats de copropriétaires par exemple, ou encore un syndicat

viticole. V. pour une illustration récente s’agissant d’un syndicat de copropriétaires : CAA Lyon,

4 févr. 2014, KRIEF, no 13LY01727.

956 VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les

intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n

o 2089, p. 628.

957 CE, ass., 4 avr. 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n

o 358994 ; Rec. Lebon, p. 70 ; concl.

DACOSTA (B.), B.JCP, 2014, p. 204 ; chron. BRETONNEAU (A.) et LESSI (J.), La révolution

rentre au port, AJDA, 2014, p. 1035 ; LAFAIX (J.-F.), R.J.E.P., juill. 2014, no 31 ; BRENET (F.), Dr.

adm., juin 2014, no 36 ; Étude REES (Ph.), Tropic II est arrivé. – À propos de l’arrêt Département de

Tarn-et-Garonne (CE, ass., 4 avr. 2014, no 358994) Rev. Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5 ;

JurisData no 2014-006635.

958 CE, 16 juill. 2007, Sté TROPIC travaux de signalisation, n

o 291545, Rec. Lebon, p. 360 ; LENICA

(F.) et BOUCHER (J.), AJDA, 2007, p. 1577 ; Tribune BRACONNIER (S.), GAJA, no 113 et 116,

19e éd, p. 1497 ; tribune WOEHRLING (J.-M.) ibid., p. 1777 ; note CAPITANT (D.), D., 2007,

p. 2500 ; obs. DREYFUS (J.-D.), RDI, 2007, p. 429, obs. NOGUELLOU (R.), ibid., 2008, p. 42, obs.

NOGUELLOU (R.), ibid., 2009, p. 246 ; concl. CASAS (D.), RFDA, 2007, p. 696 ; étude

MODERNE (F.), p. 917 ; note POUYAUD (D.), ibid., p. 923 ; étude M. CANEDO-PARIS (M.) ibid.,

p. 935 ; obs. DEUMIER (P.), RTD civ., 2007, p. 531 ; chron. RITLENG (D.), BOUVERESSE (A.) et

KOVAR (J.-P.), RTD eur., 2008, p. 835 ; LLORENS (F.) et SOLER-COUTEAUX (P.), Contrats-

Marchés publ. 2007, repère 8 ; PIETRI (J.-P.), comm. 257 ; note DELVOLVE (P.), R.J.E.P., 2007,

dossier 1, p. 327 et concl. CASAS (D.), ibid., p. 337. 959

Préc. Étude REES (Ph.), Tropic II est arrivé. – À propos de l’arrêt Département de Tarn-et-

Garonne (CE, ass., 4 avr. 2014, no 358994) Rev. Contrats-Marchés publ. 2014, étude 5 ; JurisData

no 2014-006635.

Page 301: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

301/480

fermait le recours direct contre le contrat et ne permettait le recours que contre les

actes détachables. Dans la nouvelle décision960

, le Conseil d’État décide que le

recours de pleine juridiction en contestation de validité du contrat ne pourra être

exercé par les tiers qui n’en bénéficiaient pas auparavant qu’à l’encontre des contrats

signés à compter de la lecture de sa décision. L’existence d’un recours contre le

contrat, qui, hormis le déféré préfectoral, n’était ouvert avant cette décision qu’aux

seuls concurrents évincés, ne prive pas d’objet les recours pour excès de pouvoir

déposés par d’autres tiers contre les actes détachables de contrats signés jusqu’à la

date de lecture de la décision. De plus, il juge qu’indépendamment des actions dont

disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge

de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge

du référé contractuel, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans

ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses

est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction

contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui

en sont divisibles. Ainsi, le Conseil d’État dégage deux critères. Le tiers n’est fondé à

agir que si, d’une part, il se prévaut d’un intérêt susceptible d’être lésé de façon

suffisamment directe et certaine ; et si, d’autre part, les irrégularités qu’il critique

sont de celles qu’il peut utilement invoquer. Sur ce point, le Conseil d’État précise,

dans un communiqué, que « sur le fond, [les tiers] ne peuvent se plaindre que des

vices du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou de ceux

d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. […] C’est seulement dans

les cas où le contrat a un contenu illicite, ou s’il se trouve affecté d’un vice de

consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, que le juge, après avoir

vérifié que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général, en

prononce l’annulation totale. Il peut dans certains cas condamner les parties à verser

une indemnité à l’auteur du recours qui a subi un préjudice961

. »

L’article L. 600-1-2 dispose en substance qu’une personne physique ou morale autre

que l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est

recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation

d’urbanisme que si le projet de construction, d’aménagement ou les travaux sont de

nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de

jouissance du bien détenu ou occupé par cette personne. Elle a également intérêt pour

960 Préc. CE, ass., 4 avr. 2014, Département du Tarn-et-Garonne, n

o 358994.

961 Extrait du communiqué du Conseil d’État, 4 avr. 2014, rub. Contestation de contrats administratifs,

Le Conseil d’État ouvre aux tiers de nouvelles voies de contestation des contrats administratifs.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

302/480

agir s’il s’agit d’un bien pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail,

ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15962

du Code de la

construction et de l’habitation.

Cette définition doit être combinée avec l’article L. 600-1-3 du même code qui

précise quant à lui, en substance, que sauf à justifier de circonstances particulières,

l’intérêt pour agir du requérant s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la

demande du pétitionnaire.

Traditionnellement, le juge utilise un faisceau d’indices pour apprécier l’intérêt à agir

d’un requérant contre une autorisation d’urbanisme en combinant entre eux différents

critères963

. Dans le contentieux général, le juge exige « seulement que la lésion de

l’intérêt ne soit ni exagérément indirecte ni exagérément incertaine964

». Mais, dans

le contentieux de l’urbanisme, le juge adopte une approche concrète. Il retient ainsi

traditionnellement le critère de la proximité géographique. Mais comme le souligne

Jérôme TREMEAU, ce critère seul est insuffisant965

. C’est pourquoi le juge met en

balance la proximité géographique, l’importance du projet, la nature du projet, ainsi

que la configuration des lieux966

. Cette approche in concreto explique pourquoi il

n’existe pas de distance uniforme permettant de donner une définition abstraite de la

notion de l’intérêt à agir des tiers avoisinants967

.

ii. Application dans le temps

Ainsi que nous l’avons évoqué dans le chapitre précèdent, la question de

l’application dans le temps de ces nouvelles dispositions s’est posée. Afin de ne point

trop faire écho avec le chapitre précédent, nous nous bornerons seulement, ici, à

souligner que le Conseil d’État a estimé que, « s’agissant de dispositions nouvelles

962 Il s’agit des contrats de réservation préliminaires en matière de vente d’immeuble à construire.

963 V. concl. VEROT (C.) sur CE, 27 févr. 2006, SCI LA TILLEULIERE, n

o 284349, Rec. Lebon, T.,

obs. BONICHOT (J.-Cl.), BJDU, 2006, p. 254. 964

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso éditions, 13e éd., Paris, 2008, 1540 p., p. 483, n

o 577.

965 Préc. TREMEAU (J.), La régulation de l’accès au prétoire : la redéfinition de l’intérêt à agir,

AJDA, 2013, p. 1901. 966

CE, 27 oct. 2006, DREYSSE, no 286569, Rec. Lebon, T., concl. OLLEON (L.), BJDU, 2006,

p. 474, obs. BONICHOT (J.-Cl.), ibid. 967

VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations d’urbanisme, Les

intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n

o 2083, p. 624.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

303/480

qui affectent la substance du droit de former un recours pour excès de pouvoir contre

une décision administrative, elles sont, en l’absence de dispositions contraires

expresses, applicables aux recours formés contre les décisions intervenues après leur

entrée en vigueur968

».

iii. Portée

Désormais, la date de l’intérêt pour agir s’apprécie de la même manière pour tout

requérant. En effet, il n’y a désormais plus de distinction entre les associations et les

autres requérants969

.

S’agissant des associations, la loi ENL du 13 juillet 2006 a précisé qu’une

« association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou

l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est

intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire970

».

Cependant, si le nouveau cadre législatif s’inspire dans les grandes lignes du rapport

LABETOULLE, il convient de souligner que la rédaction adoptée, notamment de

l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme, a été adaptée afin de permettre à l’État

et aux collectivités territoriales et à leurs groupements de bénéficier de la même

présomption d’intérêt pour agir que les associations971

. En effet, les associations ne

sont pas assujetties au nouveau cadre de la notion de l’intérêt pour agir. De plus, elles

apparaissent ainsi sur un pied d’égalité avec l’État, les collectivités territoriales et

leurs groupements972

.

968 Préc. CE, 18 juin 2014, SCI MOUNOU, n

o 376113, v. not. AJDA, 2014, p. 1292.

969 SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 970

Code de l’urbanisme, art. L. 600-1-1. V. également préc. Cons. const., 17 juin 2011, no 2011-138

QPC, Association Vivraviry, AJDA, 2011, p. 1228 ; note LE BOT (O.), Dalloz, 2011, p. 1942 ; obs.

TREBULLE (F.-G.), ibid., p. 2694 ; obs. SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 465 ; chron.

FARO (A.), Constitutions, 2011, p. 577 ; BJDU, 2011, p. 299. V. également CE, 6 avr. 2011,

Association Vivraviry, no 345980, AJDA, 2011, p. 761.

971 Préc. LOUCHE (A.) et BRACQ (S.), L’ordonnance n

o 2013-638 du 18 juillet 2013, une nouvelle

approche du contentieux de l’urbanisme, réf. 144u5, Gazette du Palais, 12 sept. 2013, no 255, p. 5.

972 Ibid.

Page 304: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

304/480

Ce nouveau cadre, strict, devrait venir limiter la fabrication artificielle des intérêts à

agir973

. Par ailleurs, le Conseil d’État juge974

que les dispositions de l’article L. 600-

1-2 du Code de l’urbanisme ne portent pas atteinte aux garanties de l’article 16975

de

la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ne constituent donc pas une

restriction excessive du droit au recours.

b. Cristallisation des moyens

Suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme de 2013 a

également introduit dans la procédure des contentieux de l’urbanisme le mécanisme

de cristallisation des moyens. Il convient d’en présenter le cadre juridique (i.), les

mécanismes de son application dans le temps (ii.) ainsi que la portée de cette

codification (iii.).

i. Cadre juridique

Le décret no 2013-879 du 1

er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme

introduit au sein de la partie réglementaire du Code de l’urbanisme un article

R.*600-4 codifiant ainsi le mécanisme dit de « cristallisation des moyens ». Ledit

article dispose en substance que saisi d’une demande motivée en ce sens, le juge

administratif, devant lequel a été formé un recours contre une autorisation

d’urbanisme (à l’exclusion des décisions de non-opposition à déclaration

préalable976

), peut fixer une date au-delà de laquelle des moyens nouveaux ne

peuvent plus être invoqués.

973 Pour une illustration de requérants s’étant constitués artificiellement un intérêt pour agir v. C. cass.,

Crim., 22 janv. 2014, no 12-88.042, inédit au Bull., v. obs. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours

abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351 ; préc. étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.),

Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9 ; DUBOUY (Ch.), Vingt ans de réformes depuis la loi Bosson :

construction d’un contentieux administratif spécial de l’urbanisme ?, JCP La Semaine Juridique

Administrations et Collectivités territoriales, no 29, 21 juill. 2014, p. 2233.

974 CE, 27 juin 2014, n

o 380645, inédit.

975 DDHC 1789, art. 16 : « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la

séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». 976

V. sur ce point les obs. GILLIG (D.), préc. Le décret du 1er

oct. 2013 relatif au contentieux de

l’urbanisme : une simple réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71.

Page 305: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

305/480

Ce dispositif de rationalisation des contentieux nécessite de rappeler pourquoi il est

apparu nécessaire de l’introduire dans la panoplie des outils anti-abus. La pratique

contentieuse, avant l’introduction du dispositif, permettait à un requérant de

présenter tout au long de l’instance des moyens nouveaux se rattachant peu ou prou à

l’une des causes précédemment invoquées dans le délai de recours977

. Des

manœuvres dilatoires consistant à égrener les moyens au fil de l’instance étaient

permises par le détournement d’une jurisprudence libérale. Suivant les préconisations

du rapport LABETOULLE, le nouveau mécanisme revient sur la jurisprudence

Société Intercopie978

posée par un arrêt de section du Conseil d’État le 20 février

1953. Cette jurisprudence admettait l’existence de deux causes juridiques possibles à

un recours pour excès de pouvoir, à savoir la légalité externe visant l’incompétence

et le vice de forme, et la légalité interne visant la violation de la loi et le

détournement de pouvoir. Concrètement, le requérant pouvait invoquer, dans le délai,

un moyen de légalité externe et un moyen de légalité interne pour qu’il puisse, par la

suite, et donc hors délai, recourir à n’importe lequel des cas d’ouverture.

L’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme vise donc à empêcher cette pratique.

Mais la cristallisation des moyens ne peut pas être relevée d’office par le juge. Aux

termes de l’article, il faut que l’une des parties, a priori celle qui a intérêt, c’est-à-

dire le défendeur, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée, présente une

demande au juge en ce sens979

. Et cette demande doit être motivée980

. Cependant,

comme nous l’avons souligné dans le chapitre précédent, une zone d’ombre demeure

sur l’importance et les critères d’appréciation de cette motivation981

.

ii. Application dans le temps

Ainsi que nous avons pu l’évoquer dans le chapitre précédent, les nouvelles

dispositions de l’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme laissent subsister un

977 V. commentaire VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, n

o 2132, p. 656.

978 CE, Sect., 20 févr. 1953, Société Intercopie, n

o 9772, Rec. Lebon, p. 88 ; S., 1953, III., p. 77, note

M. L ; pour une critique de la jurisprudence, concl. KOLBERT sur TA Lyon, 9 déc. 1998, AJDA,

1999, p. 448 ; KELLER (R.), Application de la jurisprudence Intercopie par le juge ordinal, AJDA,

2011, p. 2023. 979

Code de l’urbanisme, art. R.*600-4. 980

Ibid. 981

VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), op. cit., Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 656, n

o 2132.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

306/480

certain nombre d’interrogations. Et si les précieux avis du Conseil d’État du 18 juin

2013982

ont apporté des éléments de réponses sur d’autres interrogations posées par

la réforme, les dispositions de l’article R.*600-4 du Code de l’urbanisme font partie

des dispositions983

qui n’ont pas vu la question de leur application dans le temps

soumise au Conseil d’État984

. Il apparaît, dès lors, nécessaire de rester vigilant quant

aux positions qui seront prises par les juridictions administratives et qui mettront en

lumière les principes applicables à ce nouvel outil anti-abus.

iii. Portée

Quelle est la véritable valeur ajoutée de ce dispositif ? Au-delà de l’esthétique du

nom du dispositif, ce dernier est-il aussi innovant qu’il y paraît ? Il est permis d’en

douter.

Le juge administratif disposait déjà de la possibilité de fixer la date à partir de

laquelle l’instruction serait close avec l’article R. 613-1985

du Code de justice

administrative. Le même article prévoit encore in fine que lorsqu’une partie appelée à

produire un mémoire n’a pas respecté, depuis plus d’un mois, le délai qui lui a été

assigné, l’instruction peut être close986

. En écho à l’observation de David GILLIG987

,

982 Préc. CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 983

C’est également le cas des dispositions de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme relatives à

l’enregistrement des transactions, auprès de l’administration des impôts directs, conclues en matière

de contentieux de l’urbanisme. 984

GRAND (R.), Application dans le temps de la réforme du contentieux de l’urbanisme : suite et fin,

Dalloz actu., 20 juin 2014. 985

Code de justice administrative, art. R. 613-1, al. 1er : « Le président de la formation de jugement

peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l’instruction sera close. Cette ordonnance

n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. » 986

Code de justice administrative, art. R. 613-1, in fine : « Lorsqu’une partie appelée à produire un

mémoire n’a pas respecté, depuis plus d’un mois, le délai qui lui a été assigné par une mise en

demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l’article R. 612-3 ou lorsque la

date prévue par l’article R. 611-11-1 est échue, l’instruction peut être close à la date d’émission de

l’ordonnance prévue au premier alinéa. » 987

Préc. GILLIG (D.), Le décret du 1er

oct. 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme : une simple

réformette ?, Constr.-Urb., 2013, alerte 71.

Page 307: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

307/480

nous observons que les nouvelles dispositions n’apportent pas une réelle innovation

par rapport aux dispositions préexistantes que nous avons rappelées.

II. L’articulation rénovée de la demande d’indemnité

Là encore, suivant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, la

réforme de 2013 a rénové la position du contentieux administratif en matière de

demande de dommages-intérêts. La compétence classique du juge civil est maintenue

et il convient de la présenter (A.). Mais, à cette compétence classique du juge civil, la

réforme donne une compétence autonome au juge administratif en matière de

dommages-intérêts dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir en matière

d’urbanisme (B.).

A. La compétence du juge civil, une désuétude

calculée

Le droit offre, de longue date, la possibilité au pétitionnaire de se défendre contre le

recours abusif, mais a posteriori par une demande en dommages-intérêts en

réparation du préjudice causé par le recours abusif devant le juge civil. Il s’agit là

d’une compétence classique du juge civil (1.). Toutefois, il est permis de se

demander si cette compétence n’a pas vocation à tomber en désuétude avec

l’extension de l’office du juge administratif (2.).

1) Une compétence traditionnelle déconnectée du

contentieux de l’autorisation d’urbanisme

Le juge civil est classiquement compétent pour connaître d’une demande en

dommages-intérêts du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme abusivement

critiquée par un tiers. Cependant l’issue de cette demande indemnitaire suppose la

démonstration d’une faute simple, même sans intention de nuire (a.). Cette faute est

indépendante de la décision du juge administratif (b.) a fortiori si le recours n’a

aucune considération relative à une règle d’urbanisme (c.).

Page 308: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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a. Une faute simple même sans intention de nuire

La jurisprudence civile, relativement libérale en la matière, ne conditionne pas

l’indemnisation du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme abusivement attaquée à

la démonstration d’un dol ou d’une faute équivalente, ni même d’une intention de

nuire (i.). En effet, elle admet qu’une simple légèreté blâmable dans l’exercice d’une

action en justice peut constituer une faute (ii.).

i. L’absence de nécessité de démontrer un dol ou faute

assimilée

Auparavant, la jurisprudence considérait que l’exercice d’une action en justice ne

dégénérait en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages-

intérêts que si cette action procédait d’une erreur grossière équivalente au dol. En

effet, la Cour de cassation jugeait que « l’exercice d’une action en justice ne

[dégénérait] en faute susceptible d’entraîner une condamnation à des dommages-

intérêts que s’il [constituait] un acte de malice ou de mauvaise foi, ou, s’il [était] tout

au moins, le résultat d’une erreur grossière équipollente au dol988

».

Mais depuis, la position du juge civil a évolué. En effet, ce dernier admet qu’une

action en dommages-intérêts pour abus du droit d’agir en justice puisse être engagée

devant lui à l’encontre du tiers qui a agi abusivement devant le juge administratif en

vue d’obtenir l’annulation injustifiée d’une autorisation d’urbanisme. Bien entendu,

si le comportement de ce tiers est fautif, le juge civil est compétent pour juger de

l’indemnisation du préjudice causé par ce comportement au bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme attaquée989

. De plus, la jurisprudence civile admet que

l’abus du droit d’ester en justice n’implique pas nécessairement que le requérant ait

été animé par une intention de nuire990

.

988 Cass., civ., 19 oct. 1943, S. 1944, I, p. 43.

989 C’est l’application logique de la théorie classique sous les articles 1382 et 1383 du Code civil,

fondant la responsabilité civile délictuelle. 990

Cass., 2e civ., 11 sept. 2008, n

o 07-18843, BPIM, 2/09, inf. 101.

Page 309: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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ii. Démontrer une simple légèreté blâmable

La Cour de cassation admet l’indemnisation du préjudice subi par le bénéficiaire

d’une autorisation d’urbanisme abusivement attaquée devant le juge administratif en

prenant en considération une simple légèreté blâmable, dès lors que celle-ci a causé

un préjudice particulièrement grave991

.

Il n’y a pas lieu, au regard de cette jurisprudence, de démontrer le caractère excessif

du préjudice subi.

b. Une faute décelable indépendamment de la

décision du juge administratif

Pour se prononcer sur le caractère abusif d’un recours présenté à l’encontre d’une

autorisation d’urbanisme, le juge civil n’a aucunement besoin d’attendre que le juge

administratif saisi ait statué sur la recevabilité ou sur le bien-fondé de ce recours.

Ainsi, pour confirmer la décision des juges du fond, la Cour de cassation juge en

substance que, d’une part, les juridictions de l’ordre judiciaire sont en principe

compétentes pour connaître des actions en responsabilité civile exercées par une

personne privée à l’encontre d’une autre personne privée. Et d’autre part, une

éventuelle exception à ces principes ne saurait résulter de la seule nature particulière

du recours pour excès de pouvoir ni de la simple application de la règle selon

laquelle le juge saisi d’une instance serait nécessairement celui devant connaître du

caractère abusif de la saisine992

.

Dès lors, la caractérisation de cette faute est indépendante de toute considération liée

à la recevabilité ou au bien-fondé des moyens d’annulation présentés à l’appui de ce

recours en excès de pouvoir devant le juge administratif.

991 Cass., civ., 4 oct. 1954, Bull. cass. I, n

o 262 ; Cass., civ., 6 janv. 1966, Cts AUMARECHAL c/SCI

94, rue du Château à Boulogne, Bull. cass. III, no 10 ; Cass. civ. 10 décembre 1968, Paul DURAND

c. Louis DURAND, D. 1969, p. 165 ; Cass., com. 12 janv. 1976, Dame AMIOT c/Ets LAGEZE ET

GAZES, note CHARTIER (Y.), D. 1977, p. 14 ; v. également GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le

droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55. 992

Cass., 3e civ., 9 mai 2012, n

o 11-13597, Bull.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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c. Le caractère fautif du recours exempt de

considérations relatives aux règles d’urbanisme

Indépendamment de toute considération liée à sa recevabilité et à son bien-fondé, la

Cour de cassation a récemment jugé qu’un recours présenté à l’encontre d’une

autorisation d’urbanisme est fautif et abusif dès lors qu’il n’est pas motivé par des

considérations visant à l’observation des règles d’urbanisme.

C’est notamment la position adoptée dans un arrêt rendu en date du 5 juin 2012 par

la Cour de cassation993

. En l’espèce, la SCI Mandelieu Estérel est titulaire d’un

permis de construire qu’elle entend mettre en œuvre pour réaliser son opération

immobilière. À côté, la société FINAREAL envisage, elle aussi, de réaliser sur son

propre terrain, situé à proximité de celui de la SCI Mandelieu Estérel, un programme

immobilier de nature équivalente. La société FINAREAL forme un recours pour

excès de pouvoir et demande l’annulation du permis de construire de la SCI

Mandelieu Estérel. La société FINAREAL expose notamment que le projet de la SCI

Mandelieu Estérel fait peser des risques d’urbanisme indéniables sur sa propriété,

compte tenu du fait que, dans le contexte urbain concerné, la réalisation du

programme immobilier de la SCI Mandelieu Estérel implique un apport

supplémentaire de véhicules et de résidents, ce qui menacerait de provoquer

l’insuffisance des réseaux et de la voirie aux dimensionnements et aux capacités

limités. Or, par cette argumentation la société FINAREAL se place dans une optique

commerciale dictée par la volonté compréhensible de protéger ses propres intérêts.

En outre, la SA FINAREAL conteste également le choix de la mairie de Mandelieu-

la-Napoule d’autoriser l’opération immobilière dite « d’envergure » de la SCI

Mandelieu Estérel au détriment de son projet de nature équivalente et plus important

en nombre de logements. Enfin, les courriers adressés au maire par la société

FINAREAL révèlent une motivation éloignée des considérations visant à

l’observation des règles d’urbanisme mais encore la recherche d’un avantage

concurrentiel.

Les juges du fond constatent le caractère abusif des démarches engagées par la SA

FINAREAL et la condamnent à payer à la SCI Mandelieu Estérel les sommes de

385 873,15 euros au titre de l’ensemble des préjudices subis et de 7 500,00 et

2 500,00 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

993 Cass., 3

e civ., 5 juin 2012, n

o 11-17.919, inédit.

Page 311: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

311/480

La Cour de cassation valide cette décision et juge précisément que le recours pour

excès de pouvoir formé par la société FINAREAL contre le permis de construire

délivré à la SCI Mandelieu Estérel a été inspiré non par des considérations visant à

l’observation des règles d’urbanisme mais par la volonté de nuire aux droits du

bénéficiaire. Cette affaire donne, ainsi, l’occasion à la Cour de cassation de souligner

qu’un recours contentieux contre un permis de construire qui n’est pas motivé par

des considérations relatives aux règles d’urbanisme est une faute994

.

2) Une compétence traditionnelle vouée à tomber en

désuétude

Bien que la réforme n’ait pas directement d’effet négatif sur la compétence du juge

civil, elle semble planifier la désuétude de la compétence du juge civil en la matière

(a.). N’en déplaisent aux juridictions administratives. Ces dernières persistent à

assurer la pérennité et l’utilité de la compétence du juge civil (b.).

a. Une désuétude calculée

Si l’office du juge civil sur cette question indemnitaire du bénéficiaire d’une

autorisation d’urbanisme abusivement attaquée n’a pas été remis en cause par la

réforme des procédures contentieuses de l’urbanisme en 2013, il est, néanmoins,

permis de douter désormais de la pérennité à moyen terme de la compétence

indemnitaire du juge civil en la matière. En effet, l’attribution d’une compétence

indemnitaire semblable au juge administratif peut laisser penser qu’il y a une

planification tacite de la désuétude de la compétence indemnitaire du juge civil en la

matière.

Le Larousse définit la « désuétude calculée » comme une technique se proposant

d’abréger délibérément la durée de vie d’une chose ou de la faire apparaître comme

vieillie, alors qu’elle se trouve encore en mesure de servir. Au cas particulier, il ne

fait aucun doute que si en théorie, la procédure indemnitaire devant le juge civil

demeure parfaitement opérationnelle. Pourtant, la rationalisation des contentieux,

c’est-à-dire le gain de temps permis par la faculté nouvelle de demander des

994 Cass., 3

e civ., 5 juin 2012, n

o 11-17.919, inédit.

Page 312: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

312/480

dommages-intérêts directement au juge administratif déjà saisi de l’affaire, laisse

présager qu’en pratique la procédure indemnitaire devant le juge civil est vouée à

apparaître rapidement comme une procédure vieillie, et donc à être abandonnée par

l’usage contentieux.

Est-ce volontaire de la part du législateur ? Ou le juge civil n’est-il qu’une victime

collatérale ? Eu égard aux objectifs de rationalisation, d’accélération des procédures,

de désengorgement des tribunaux judiciaires995

, il est permis de penser que c’est bien

une « désuétude calculée » rampante qui a été mise en œuvre par le législateur. Et du

point de vue de la qualité du traitement des dossiers contentieux, c’est une bonne

chose, tant pour les parties qui gagnent ainsi du temps et économisent des procédures

supplémentaires que pour le juge administratif. Celui-ci voit ainsi sa compétence

élargie voire modernisée. De son côté, le juge civil peut ainsi se concentrer sur

d’autres dossiers d’autres justiciables.

b. Éléments de nuance

Toutefois, l’analyse qui précède doit être nuancée car quelle qu’eût été l’intention du

législateur, c’était sans compter sur l’appréhension pusillanime par les juridictions

administratives des nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme. En effet, pas moins de trois décisions996

récentes rendues par la cour

administrative d’appel de Marseille permettent de relativiser cette impression de

désuétude programmée. Comme le commente Pierre SOLER-COUTEAUX, ces

décisions permettent « d’appréhender l’esprit dans lequel les juridictions

administratives » s’approprient le nouvel article L. 600-7 du Code de l’urbanisme997

.

995 V. débats réguliers au Sénat. Pour une illustration, v. Séance du 23 janv. 2014, propos de M.

DETRAIGNE. V. également Cela vaut également pour les juridictions administratives. Cf. préc.

MARIE (S.), Recours abusifs et recours « mafieux » : la chasse est ouverte !, AJDA, 2013, p. 1909 ;

AUBY (J.-B.), Restreindre la recevabilité du recours pour excès de pouvoir ?, RDA, juill. 2005,

repère 7, p. 5 ; UNTERMAIER-KERLEO (E.), Le tiers à l’acte administratif unilatéral : un administré

et un justiciable de second rang, RFDA, 2013, p. 285 996

Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars

2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,

Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application

restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,

RDI, 2014, p. 588. 997

Pour mémoire, celui-ci dispose que « Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir

contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Dans ces récentes décisions, la cour administrative d’appel de Marseille fait une

lecture restrictive et critiquable des nouvelles dispositions au motif que ces dernières

constituent une atteinte au droit au recours.

Selon la cour, le nouvel article L. 600-7 du Code de l’urbanisme ne prévoit la faculté

d’une demande reconventionnelle que pour les recours abusifs formés directement

contre une autorisation d’urbanisme. Cette faculté ne saurait être étendue à

l’hypothèse d’un recours, quoique malveillant, pour caducité d’une autorisation

d’urbanisme998

.

En outre, cette faculté n’est ouverte que pour le cas où le recours a été formé dans

des conditions qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis. Or, la

cour rejette la demande indemnitaire considérant que le bénéficiaire « ne justifie pas

du caractère excessif de ce préjudice au regard de celui qu’aurait pu causer un

recours exercé dans des conditions n’excédant pas la défense des intérêts légitimes

d’un quelconque requérant999

». En d’autres termes, dès lors qu’un requérant de

bonne foi aurait pu former un recours aboutissant au même préjudice pour le

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée, ce dernier ne justifie pas d’un

préjudice excessif causé par le requérant malveillant1000

.

Cette lecture restrictive est décevante et tend à vider de son intérêt le nouveau

dispositif. Et si cette appréciation devait être validée par le Conseil d’État, il ne fait

excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au

bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du

recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut

être présentée pour la première fois en appel.

Lorsqu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de

l’environnement au sens de l’article L. 141-1 du Code de l’environnement est l’auteur du recours, elle

est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. » 998

V. préc. 1ère

espèce CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 : Un

architecte, qui s’est vu retiré le projet par le maître d’ouvrage, attaque ledit maître d’ouvrage en vue

de faire constater la caducité de l’autorisation d’urbanisme. Son recours est rejeté comme malveillant.

La demande reconventionnelle indemnitaire formée par le maître de l’ouvrage est elle aussi rejetée au

motif qu’elle ne rentre pas dans le champ d’application de l’article L. 600-7 du cCode de l’urbanisme

(qui ne prévoit pas le cas d’un recours formé pour cause de caducité). V. spé. préc. obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 999

V. préc. 2e

espèce CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques,

no 13MA02161.

1000 Préc. obs. SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle

ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

314/480

aucun doute que la procédure indemnitaire devant le juge civil resterait effectivement

utile, en dépit de l’esprit de la réforme de 2013.

Par ailleurs, la concentration des compétences contentieuses dans les mains du juge

administratif témoigne d’une volonté d’ancrer le droit de l’urbanisme dans le droit

public, et donc de rompre avec le caractère hybride de ce droit parfois à la frontière

du droit public et du droit privé. S’il en était besoin, la réforme rappelle que le droit

de l’urbanisme est, certes un droit hyperspécial, mais une branche du droit public. À

ceux qui se demandaient s’il ne faudrait pas envisager des chambres spécialisées

comme en matière de concurrence1001

, le législateur répond que le droit de

l’urbanisme relève de la compétence du juge administratif et balaye1002

ainsi la

proposition de créer des chambres spécialisées1003

.

B. Compétence désormais autonome du juge

administratif

La réforme de 2013 introduit la possibilité pour le bénéficiaire du permis de

construire de présenter une demande reconventionnelle en dommages-intérêts

directement devant le juge administratif (1.). Ce dernier voit ses compétences

étendues par la réforme du contentieux de l’urbanisme (2.).

1001 Préc. GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55.

V. également, PÉRINET-MARQUET (H.), L’inefficacité des sanctions du droit de l’urbanisme,

D. 1991, p. 37 1002

Confirmant une réponse ministérielle sur le même sujet, cf. Rép. Min. Justice et des libertés, JO

Sénat, 19 avr. 2012, p. 995 : « Si leur taille le leur permet, les tribunaux administratifs sont d’ores et

déjà organisés en chambres spécialisées et, dans les tribunaux d’au moins cinq chambres, il est

commun de trouver une chambre essentiellement dédiée au contentieux de l’urbanisme, de

l’aménagement et de l’environnement. Cette organisation relève, toutefois, de la responsabilité du

chef de juridiction, après concertation avec l’assemblée générale des magistrats. Il ne paraît pas

souhaitable de la cristalliser par des dispositions normatives, au risque de mettre en péril la capacité

des juridictions administratives à s’adapter, de façon souple et immédiate, aux évolutions, parfois très

conjoncturelles, de tel ou tel domaine du contentieux administratif. » 1003

Le juge judiciaire demeure compétent pour toutes les questions pénales en matière d’urbanisme.

Page 315: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

315/480

1) La demande reconventionnelle de dommages-

intérêts

Rompant avec une jurisprudence cinquantenaire, l’article L. 600-7, introduit dans le

Code de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013, prévoit que le bénéficiaire

du permis de construire peut, sous réserves de certaines conditions, présenter

reconventionnellement au juge administratif une demande de dommages-intérêts. Il

convient de présenter le cadre juridique de ce dispositif (a.) avant d’en présenter

l’application dans le temps (b.).

a. Cadre juridique

Le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme abusivement attaquée peut dorénavant

présenter une demande de dommages-intérêts au juge administratif saisi par le

recours en excès de pouvoir par le tiers requérant. Il convient de présenter le régime

novateur de la réparation du dommage du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme

causé par l’abus du droit d’agir du requérant (i.) ainsi que les zones d’ombre de ce

régime inédit (ii.).

i. La réparation du dommage a priori facilitée

Ce mécanisme marque une rupture avec la jurisprudence Sieur NOBLE de 1967.

Suivant notre postulat de départ, c’est-à-dire dans la configuration d’un recours

abusif formé par un tiers malveillant, il était apparu « utile et légitime » aux auteurs

du rapport LABETOULLE d’introduire, dans le cadre de la lutte contre les recours

abusifs, un dispositif à caractère indemnitaire. Le dispositif imaginé présente le

double avantage de permettre aux pétitionnaires victimes d’un recours abusif de

présenter une demande indemnitaire d’une part devant le juge administratif et d’autre

part dans la même instance que celle ouverte par le tiers requérant. En d’autres

termes, le bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme qui s’estime victime d’un

recours abusif a désormais la possibilité de saisir non seulement le juge civil mais

également le juge administratif. Pour saisir ce dernier, il suffit de présenter un

mémoire distinct au cours de la même instance que celle ouverte par le tiers qui

attaque l’autorisation d’urbanisme litigieuse.

Pour appréhender le cadre de ce nouveau régime, il faut en revenir à la lettre du

texte. L’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme dispose en son alinéa 1er

que :

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un

permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des

conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui

causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut

demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de

condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La

demande peut être présentée pour la première fois en appel.

Ainsi, la faculté de faire une demande reconventionnelle, par un mémoire distinct et

éventuellement pour la première fois en appel, au juge administratif suppose la

réunion de trois conditions cumulatives. D’une part, l’abus doit porter sur l’exercice

d’un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou

d’aménager. Ceci a pour conséquence d’exclure les certificats d’urbanisme ou encore

les procédures motivées sur la caducité d’une autorisation d’urbanisme1004

. D’autre

part, l’abus de l’exercice du droit d’agir en justice doit être caractérisé par des

conditions excédant la défense des intérêts légitimes du tiers requérant. Enfin, le

préjudice subi par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme doit être excessif.

Par ailleurs, soulignons ici encore que, sur le point de savoir si le dispositif porte ou

non atteinte au droit au recours, le Conseil d’État juge1005

que les nouvelles

dispositions affectent les pouvoirs du juge administratif. Il ne s’agit donc pas de la

création d’un droit nouveau1006

. Plus précisément, la faculté de demande

indemnitaire reconventionnelle introduite par l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme se borne à aménager les conséquences susceptibles de résulter de

l’exercice de ce recours au plan indemnitaire1007

.

1004 Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, n

o 12MA03175, préc. obs. SOLER-

COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 1005

Préc. CE, avis, 6e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 1006

Solutions déjà retenues par les juges du fond : CAA Marseille, 24 mars 2014, no 12MA01160,

inédit, et préc. CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques,

no 13MA02161.

1007 Préc. GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme par l’ordonnance du 18 juillet 2013,

Constr.-Urb., sept. 2014, no 9, p. 24, n

o 113.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A priori, la possibilité offerte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme litigieuse

d’obtenir réparation du préjudice causé par l’abus du tiers semble plus aisée. C’est

d’ailleurs bien l’objet de ces nouvelles dispositions de permettre une réparation plus

rapide, dans le cadre d’une seule et même instance, et avec l’avantage pratique que

les frais de procédures sont essentiellement supportés par le requérant qui a pris

l’initiative d’ouvrir cette procédure.

Cependant, le dispositif laisse plusieurs questions en suspens. Ceci a eu pour

conséquence, d’une part, de susciter un accueil mitigé de la doctrine1008

et d’autre

part, et aussi plus grave, de susciter une lecture restrictive de la jurisprudence1009

vidant par voie de conséquence le dispositif de son intérêt. C’est précisément cet

accueil par les juridictions qui autorise à nuancer l’intérêt du nouveau dispositif

indemnitaire. En effet, eu égard à la jurisprudence de la cour d’appel de Marseille, il

ne semble pas si aisé d’obtenir réparation pour le bénéficiaire de l’autorisation

abusivement attaquée sous l’égide du nouvel article.

ii. Les interrogations subsistantes d’un régime inédit

Comme évoqué sous l’angle de l’extension des pouvoirs du juge administratif au

chapitre précédent, nous soulignons que la question de l’articulation de la demande

indemnitaire entre le juge civil et désormais le juge administratif n’est pas tranchée

par les textes. Au regard de la récente jurisprudence, notamment de la cour

administrative d’appel de Marseille1010

, nous rejoignons Pierre SOLER-

COUTEAUX1011

et estimons à sa suite, que, ceteris paribus sic stantibus1012

, la voie

1008 GILLIG (D.), Réforme du contentieux de l’urbanisme, JCP Semaine Juridique Adm., n

o 39-40, 23

sept. 2013, p. 2279. 1009

Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars

2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,

Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Une application

restrictive de la demande reconventionnelle ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme,

RDI, 2014, p. 588. 1010

Préc. CAA Marseille, 25 juill. 2014, M. LACLAVERIE, no 12MA03175 ; CAA Marseille, 20 mars

2014, Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA02161 ; CAA Marseille, 20 mars 2014,

Association Bien vivre aux Restanques, no 13MA03143.

1011 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Une application restrictive de la demande reconventionnelle

ouverte au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, RDI, 2014, p. 588. 1012

Ceteris paribus sic stantibus : toutes choses étant égales par ailleurs.

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de la réparation devant le juge civil demeure utile1013

. Il apparaît donc primordial que

le Conseil d’État vienne fixer les principes directeurs sur ce point.

Par ailleurs, une autre zone d’ombre réside dans le contenu du mémoire distinct1014

.

Comment doit-il être motivé ? Le silence du texte et la rigidité des premières

décisions laissent penser que les conseils des bénéficiaires victimes d’abus doivent

redoubler d’adresse et d’habileté pour démontrer, d’une part, que le tiers a agi dans

des conditions dépassant la défense des intérêts légitimes et d’autre part, que ces

conditions ont causé un préjudice excessif au bénéficiaire de l’autorisation et, en

outre, un préjudice qui n’aurait pas pu être causé dans les mêmes proportions si c’eût

été un tiers de bonne foi qui eût agi1015

.

Certes, un certain nombre de jugements de première instance essentiellement1016

éclairent sur ce qui ne relève pas du dépassement de la défense des intérêts légitimes

et sur ce que n’est pas un préjudice excessif. Toutefois, il demeure encore à établir ce

qui relève du dépassement de la défense des intérêts légitimes et ce qui relève du

préjudice excessif. En un mot, il reste à savoir quand l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme peut véritablement être appliqué. Il est ainsi primordial que le Conseil

d’État débrouille le sujet, non seulement pour satisfaire le juriste toujours avide de

précision, mais encore, et surtout, pour préciser les modalités concrètes de mise en

œuvre du nouveau dispositif afin qu’il ne soit pas un article oiseux parmi tant

d’autres.

b. Application dans le temps

Au même titre que les autres innovations de l’arsenal anti-contentieux introduites par

la réforme de 2013, le dispositif introduit par l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme a, dans les premiers temps, suscité une interrogation quant à son

application dans le temps.

1013 Nuançant notre propos quant à l’éventuelle planification d’une désuétude calculée de l’office

indemnitaire du juge civil en la matière. 1014

V. pour une illustration CAA Marseille, 7 janv. 2014, SCI La Maison Blanche, no 11MA03795 ou

encore CAA Marseille, 6 juin 2014, M. et Mme EVORA, no 12MA03608.

1015 Préc. CAA Marseille, 20 mars 2014, Association Bien vivre aux Restanques, n

o 13MA02161.

1016 V. nombreuses jurisprudences citées sous l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, édition

Dalloz, spé. Jurispr. nos

43 à 45.

Page 319: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Il n’est point le lieu de répéter ce que nous avons déjà pu souligner dans les limites

d’une réforme pourtant réfléchie que nous avons développées dans le chapitre

précédent. Toutefois, pour la clarté de la démonstration, nous soulignons, brièvement

que le Conseil d’État estime que les nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du

Code de l’urbanisme, qui « instituent des règles de procédure concernant

exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de

l’urbanisme, sont en l’absence de dispositions expresses contraires, d’application

immédiate aux instances en cours, quelle que soit la date à laquelle est intervenue la

décision administrative contestée. Elles peuvent être appliquées pour la première fois

en appel1017

». En d’autres termes, les dispositions de l’article L. 600-7 du Code de

l’urbanisme n’affectent pas le droit au recours mais seulement des règles de

procédures contentieuses. Dès lors, le Conseil d’État considère que les nouveaux

articles sont applicables aux procès en cours dès l’entrée en vigueur desdits articles.

Ce faisant il se range à l’analyse majoritaire1018

et donne tort à l’analyse contraire

consistant à considérer qu’il y avait atteinte au droit au recours1019

.

2) Le juge administratif, juge du dommages-intérêts

Classiquement la compétence pour allouer des dommages-intérêts est celle du juge

de plein contentieux et en matière d’urbanisme, elle relevait jusqu’à la réforme de

2013 de la seule compétence du juge civil. Une jurisprudence constante refusait les

demandes reconventionnelles en dommages-intérêts. Suivant l’une des

recommandations du rapport LABETOULLE, la réforme opère une révolution

procédurale infirmant par la même occasion la jurisprudence en vigueur de l’arrêt

Sieur NOBLE (a.). Ce mécanisme procédural pose la question de la place du juge

dans le processus de lutte contre les recours abusifs (b.).

1017 Préc. CE, avis, 6

e et 1

re SSR, 18 juin 2014, SCI MOUNOU n

o 376113 et CE, avis, 6

e et 1

re SSR,

18 juin 2014, Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo, no 376760, Rec. Lebon, concl. LESQUEN

(de) (X.), Quelles sont les conditions d’application dans le temps des dispositions issues de

l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme ? Quel est le mode d’emploi du

nouvel article L. 600-5-1 ?, BJDU, 4/2014, p. 317. 1018

V. pour un jugement particulièrement didactique : préc. TA Dijon, 10 oct. 2013, M. FRITSCH,

no 1201224.

1019 Préc. TA, Strasbourg, 15 oct. 2013, Époux RUDOLF, EARL RUDOLF, n

o 1003775, AJDA, 2013,

p. 2058 et M. NOBLAT, no 1005486 ; v. préc. concl. GAUTRON (A.), Application dans le temps de la

réforme du contentieux de l’urbanisme, AJDA, 2014, p. 300.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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a. Une révolution contra jurisprudentiam

Les nouvelles dispositions de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme rénovent la

mission du juge administratif. Et cette rénovation met un terme à une jurisprudence

ancienne imposant que les recours indemnitaires soient nécessairement régularisés

dans le cadre d’une instance séparée, et plus précisément devant les juridictions

judiciaires1020

.

Là encore, il n’est point le lieu de répéter les observations développées au chapitre

précédent sous l’angle des innovations majeures apportées par la réforme du

contentieux de l’urbanisme opérée en 2013. Toutefois, pour la clarté de la

démonstration, il convient de souligner derechef que l’habilitation désormais légale

du juge administratif à juger de demandes reconventionnelles indemnitaires pour un

préjudice causé par l’abus du droit d’agir est une révolution contra jurisprudentiam.

En effet, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a mis un terme à la pratique

jurisprudentielle de rejeter les conclusions indemnitaires dans un tel cadre. En effet,

depuis un arrêt Sieur NOBLE1021

du 24 novembre 1967, le juge administratif avait

fermé la voie de l’allocation de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme pour le préjudice causé par le recours abusif d’un tiers

excessif ou malveillant :

Considérant qu’en raison de la nature particulière du recours pour excès de

pouvoir des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur

soit condamné à payer à une personne mise en cause des dommages-intérêts

pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une

instance en annulation pour excès de pouvoir1022

.

Cette vénérable jurisprudence trouvait sa justification, non de l’absence de parties,

comme le souligne René CHAPUS, mais dans la structure même du procès pour

excès de pouvoir. En effet, la particularité de ce procès réside dans le fait que l’action

1020 Préc. Cass., 3

e civ., 5 juin 2012, Société FINAREL c. SCI MANDELIEU Esterel, n

o 11-17.919, F-

D ; chron ZALEWSKI (V.), Recours contre le permis de construire et retard du programme, Gazette

du Palais, no 61, 2 mars 2013, p. 42.

1021 Préc. CE, Sect., 24 nov. 1967, Sieur NOBLE, n

o 66271, Rec. Lebon, p. 443 ; concl. BAUDOUIN

(J.), D., 1968, p. 142 ; RDP, 1968 ; note LANDON (P.), AJDA, 1980, p. 549. Dans le même sens. CE,

Sect., 7 déc. 1979, DELARUE, p. 847, LANDON (P.), A.J., 1980, p. 549. V. également CE, 25 avr.

1986, PAUL, R.D.A., 1986, no 304.

1022 Ibid.

Page 321: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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contentieuse est techniquement dirigée contre l’acte, en l’occurrence l’autorisation

d’urbanisme litigieuse, et non contre la partie défenderesse, en l’occurrence le

bénéficiaire de ladite autorisation. Dès lors, il était considéré qu’il n’y avait pas lieu

de permettre à la partie défenderesse de présenter une réclamation contre le

requérant1023

. Évidemment, avec le temps, et en matière urbaine, une telle analyse

apparaît aujourd’hui déconnectée de la réalité économique1024

et des dérives

malveillantes de certains requérants qui visent précisément la partie défenderesse à

travers l’acte qu’ils critiquent.

Toutefois, l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme n’ouvre expressément la faculté

de présenter une demande reconventionnelle indemnitaire que dans le cadre des

recours pour excès de pouvoir formés exclusivement contre un permis de construire,

de démolir ou d’aménager. Ce n’est donc pas tous les cas d’abus qui pourraient

apparaître dans n’importe quel recours pour excès de pouvoir. Par ailleurs, en

matière de plein contentieux, les demandes reconventionnelles à des fins

indemnitaires pour recours abusifs sont déjà admises de longue date par la

jurisprudence1025

.

En outre, il ressort de la jurisprudence récente que les juridictions administratives ont

fait leur les nouvelles dispositions consacrant l’abandon de la jurisprudence Sieur

NOBLE. En effet, le juge administratif considère désormais que le bénéficiaire du

recours doit présenter ses conclusions en dommages et intérêts par un mémoire

distinct, et non par un nouveau recours. Ce mémoire doit être exposé devant le juge

administratif saisi du recours. À défaut, sa demande est irrecevable1026

.

1023 CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e édition, 2008, 1540 p., p. 229, § 250-2

o.

1024 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013, p. 15. 1025

CE, ass., 10 juin 1994, Cne de Cabourg, no 141633, Rec. p. 300 ; CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil

départemental de l’ordre des chirurgiens‐dentistes, no 283141, Rec. p. 204 ; CE, 22 fév. 2012,

Mme SAINT‐SEVER, no 333713, Rec. p. 156 ; CE, Sect., 24 oct. 1952, Sieur COMBAZ, n

o 12029, Rec.

p. 461 ou CE, Sect., 4 nov. 1966, no 66779, Ministre de l’intérieur c. Société « Le Témoignage

chrétien », Rec. p. 584. 1026

Préc. CAA Marseille, 16 janv. 2014, SCI La Maison Blanche, no 11MA03795 ; Préc. CAA

Marseille, 6 juin 2014, M. et Mme EVORA, no 12MA03608.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

322/480

b. Position renforcée du juge administratif

La réforme a clairement pour ambition de renforcer l’office du juge administratif.

Cependant, et c’est d’ailleurs ce que n’a pas manqué de souligner, avec lucidité, le

rapport LABETOULLE, cette volonté est essentiellement « symbolique1027

» et

« dissuasive1028

». Elle n’a, hélas, pas vocation à « trancher la question de savoir s’il

resterait une place pour une action devant le juge civil1029

».

De plus, le renfort de la position du juge administratif dans son office et dans ses

prérogatives participe au processus rampant1030

de « subjectivisation » du contrôle de

légalité opéré par le juge administratif et plus largement du droit administratif1031

. En

effet, et nous l’avons déjà évoqué, la nouvelle compétence indemnitaire, dans ce

cadre procédural, conférée au juge administratif rompt avec le caractère objectif du

contrôle de la légalité, cœur de la mission du juge dans les procédures pour excès de

pouvoir1032

.

Cependant soutenir que la position du juge administratif se trouve renforcée par ces

dispositions de « subjectivisation » du recours pour excès de pouvoir suppose de

définir le terme même de « subjectivisation ». Or, comme le souligne Pierre

DELVOLVE, le terme est un « néologisme qui ne trouve encore sa place dans un

aucun dictionnaire1033

». Toutefois, la « subjectivisation » peut être définie comme la

prise en compte du droit subjectif des administrés. Ceci implique une prise en

compte au-delà de ce que la norme a pu déclarer expressément comme droit concret,

1027 Préc. LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avr. 2013, p. 16. 1028

Ibid. 1029

Ibid. 1030

FOULQUIER (N.), Les droits publics subjectifs des administrés. Émergence d’un concept en droit

administratif français du XIXe au XX

e siècle, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses,

2003, 805 p. 1031

SCHMIDT-ASSMANN (E.), Principes de base d’une réforme du droit administratif, RFDA,

2008, p. 427 ; SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des administrés et transformations

contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des administrés, colloque de l’AFDA,

Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193. 1032

Préc. MELLERAY (F.), Essai sur la structure du contentieux administratif français, LGDJ, Paris,

2001, 466 p., p. 386. 1033

DELVOLVE (P.) Droits publics subjectifs des administrés et subjectivisation du droit

administratifs, propos introductifs in op. cit. Les droits publics subjectifs des administrés, colloque de

l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193.

Page 323: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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objectif, et attribué à l’administré. Et ceci implique aussi que la légalité objective a

eu pour effet de reconnaître implicitement qu’un intérêt individuel est digne de

protection1034

.

Cette « subjectivisation » clandestine du contentieux administratif semble

symptomatique de la recherche de l’équilibre des intérêts des parties en présence.

Cette recherche substitue la quête d’équilibre au contrôle objectif, abstrait, du

contrôle de légalité1035

. Cette « subjectivisation » conduit le juge à devoir faire la

balance entre les intérêts publics et les différents intérêts privés en cause. Cette

balance doit désormais être faite par le juge administratif. Cette tendance à la

« subjectivisation » renforce le rôle du juge administratif. Dorénavant celui-ci est

jugé apte à apprécier les intérêts individuels en présence dans le procès fait à une

autorisation administrative. Cette aptitude est expressément limitée aux procédures

fondées sur l’excès de pouvoir et aux cas où la légalité d’une autorisation

d’urbanisme est en doute. En renforçant l’office du juge administratif, cette

« subjectivisation », et concrètement cette balance des intérêts des administrés en

présence, a vocation à renforcer l’effectivité du principe de sécurité juridique1036

. Ce

mouvement traduit une influence de la jurisprudence de la C.J.U.E.1037

.

Cependant, et nonobstant le renforcement (quoiqu’essentiellement symbolique) de

l’office du juge administratif, il faut se garder de croire que la prise en compte des

intérêts des administrés parties au procès serait nécessairement une bonne chose pour

la justice. En effet, la « subjectivisation » du contentieux administratif, si elle fait la

part belle au juge administratif qui se voit ainsi rehaussé dans ses prérogatives, peut

parfois conduire à restreindre les droits des administrés notamment en rendant la

1034 Doctrine des normes de protection. V. préc. SCHMIDT-ASSMANN (E.), Principes de base d’une

réforme du droit administratif, RFDA, 2008, p. 427 ; SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des

administrés et transformations contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des

administrés, colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193. 1035

Il semble, en effet, que dès lors qu’il y a recherche d’équilibre entre sécurité juridique d’un

administré et le droit au recours d’un autre administré, il y a subjectivisation du contentieux

administratif. Ceci s’explique par la prise en compte des individualités en présence, c’est-à-dire la

prise en compte des intérêts individuels affectés par la procédure en cours et dépassant le caractère

objectif qui constitue, en principe, l’essence même du contrôle de légalité du juge administratif saisi

d’un recours pour excès de pouvoir. V. en ce sens CE, 7 avr. 2009, Bouygues Telecom. V. tout spé.

Étude NIVARD (C.), L’ambivalence du traitement jurisprudentiel de la sécurité juridique, RDA, no 2,

févr. 2010, Étude no 3.

1036 Ibid.

1037 V. en ce sens obs. PELLISSIER (G.), Développements récents de l’impératif de sécurité juridique,

LPA, 20 févr. 1998, no 22, p. 6, réf n

o PA199802202.

Page 324: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

324/480

jurisprudence encore plus imprévisible1038

. Après avoir essentiellement marqué le

plein contentieux et le contentieux des contrats publics1039

, la « subjectivisation »

rénove l’office du juge en matière de contentieux de l’urbanisme et plus précisément

en matière de recours pour excès de pouvoir formés contre une autorisation

d’urbanisme.

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent, qu’à

l’échelle individuelle, la réforme a un effet limité sur les moyens de défense

classiques du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée. Comme avant la

réforme, les moyens de défense demeurent la réponse aux moyens développés par le

requérant. Ces moyens portent classiquement sur la compétence de l’auteur de

l’autorisation d’urbanisme attaquée, sur la légalité de l’autorisation et sur le montant

des frais irrépétibles.

En revanche, la réforme a un véritable effet sur le déroulement de la procédure

contentieuse administrative en matière d’urbanisme. Elle rénove cette procédure en

accentuant les particularismes déjà caractéristiques du droit de l’urbanisme

(obligation de notifier les recours, exclusion du principe de l’économie des moyens

en particulier). En outre, elle introduit un cadre légal strict de la notion d’intérêt pour

agir des tiers et du mécanisme de cristallisation des moyens.

De même, elle rénove l’office du juge administratif. Celui-ci voit son arsenal de

maîtrise du calendrier contentieux complété. Et surtout, il se voit habilité à se

prononcer sur la réparation d’un préjudice excessif subi par le bénéficiaire d’une

autorisation d’urbanisme attaquée par un requérant qui a exagéré. Cette habilitation

indemnitaire est une extension des prérogatives du juge. Elle met un terme à une

jurisprudence ancienne et renforce symboliquement l’office du juge administratif.

1038 V. en ce sens obs. MARTINEZ-MEHLINGER (J.), Vers « L’atomisation » du recours pour excès

de pouvoir dans le contentieux des sanctions administratives, RFDA, 2012, p. 257. 1039

POUYAUD (D.), L’office du juge du contrat, RFDA, 2010, p. 519. V. pr une illustration CE, ass.,

28 déc. 2009, Cne de Béziers, no 304802, Rec. Lebon, p. 509 ; CE, 29 janv. 2003, Syndicat

départemental de l’électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Cne de Clans, no 245239, Rec. Lebon,

p. 21, SABLIERE (P), AJDA, 2003, p. 784.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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SECTION 2 : Le durcissement des voies alternatives

Les voies alternatives au recours pour excès de pouvoir abusifs sont, en pratique, la

voie transactionnelle et la voie pénale. En effet, nombre des recours contre les

autorisations d’urbanisme se résolvent par des transactions qui mettent fin à

l’instance. Le requérant se désiste après avoir obtenu un désintéressement suffisant.

Tout le monde a d’une certaine manière à y gagner, le juge parce qu’il peut passer à

un autre dossier, le requérant parce qu’il a trouvé une source de satisfaction, et le

bénéficiaire du permis parce qu’il fait un pas de plus dans la purge des recours de son

autorisation d’urbanisme. Pourtant, il y a dans ce procès inachevé, mort-né, quelque

chose de frustrant au titre de la rigueur juridique.

Par ailleurs, comme le soulignaient les auteurs du rapport LABETOULLE, dans la

majorité des cas, les transactions n’ont rien de malhonnête mais sont un instrument

utile permettant d’aboutir à des compromis raisonnables entre des intérêts divergents.

Néanmoins, il arrive que la transaction soit l’aboutissement d’un processus de

chantage exercé par un requérant qui a pu se construire un intérêt à agir artificiel1040

.

Aussi, sans remettre en cause la possibilité de résoudre le procès de l’autorisation

d’urbanisme par la voie transactionnelle, la réforme de 2013 a suivi la

recommandation du rapport LABETOULLE qui estimait « indispensable de

moraliser le régime des transactions1041

». Et cette moralisation passe par la formalité

de l’enregistrement auprès du centre des impôts directs.

Ainsi, le nouvel article L. 600-8 du Code de l’urbanisme place la transaction sous

surveillance (I.). De son côté, en parallèle de la réforme du contentieux de

l’urbanisme qui n’a pas apporté de modification en matière pénale, le juge pénal a,

par un hasard de calendrier ou par volonté de marquer un accueil favorable au

processus de lutte contre les recours abusifs, adopté une position de sévérité à l’égard

des requérants malveillants (II.).

1040 LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du Logement, « Construction et droit au

recours : pour un meilleur équilibre », dit rapport LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013, p. 18. 1041

Ibid.

Page 326: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

326/480

I. La transaction surveillée

« Tenez, un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès… » souffle avec

lucidité le magistrat imaginé par BALZAC au justiciable1042. La donne n’a pas

changé depuis le XIXe siècle. Un arrangement vaut toujours mieux qu’un long et

coûteux procès dont l’issue reste toujours soumise à l’aléa judiciaire (A.). Mais

désormais la transaction est placée sous surveillance. La réforme impose

l’enregistrement comme condition ad validitatem des transactions (B.).

A. Un mauvais arrangement, mieux qu’un bon procès

Tout arrangement susceptible de donner la tranquillité est bon1043

. La transaction

présente un intérêt multiple (1.) mais exige des concessions réciproques (2.).

1) L’intérêt de la transaction

L’intérêt de la transaction est de mettre fin au recours formé contre l’autorisation

d’urbanisme sans prendre le risque d’une censure radicale prononcée par le juge

administratif. Étymologiquement la transaction vient du latin transactio de l’infinitif

transigere signifiant transiger1044

.

En effet, la transaction permet de mettre fin amiablement au différend procédural qui

oppose les parties. En pratique, les parties et leurs conseils se rapprochent autour

d’un protocole d’accord transactionnel pour mettre fin au contentieux procédural. Le

1042 BALZAC (H.), Ève et David, Souffrances de l’inventeur, Scènes de la vie de province, in Illusions

perdues, in La Comédie humaine, T. IV, éd. publiée sous la direction de CASTEX (P.-G.) avec la

collaboration de BARBERIS (P.), GUISE (R.), MEININGER (A-M), MOZET (N.) et TRITTER (J.-

L.), Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1976-1981, 1 600 p., p. 1054. 1043

Ibid. 1044

Collectif, Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et les personnes

privées, Conciliation, médiation et arbitrage, Actes, Lisbonne, juin 1999, Étude, Éditions du Conseil

de l’Europe, juill. 2000, p. 174, p. 91.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

327/480

Larousse définit la transaction comme le contrat par lequel les parties terminent une

contestation ou en préviennent une autre, moyennant un prix ou des concessions

réciproques. En droit civil, l’article 20441045

du Code civil définit la transaction

comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou

préviennent une contestation à naître. Le même article dispose encore que la

transaction doit être écrite1046

.

La transaction est pleinement et traditionnellement admise par le juge

administratif1047

. Elle est même largement plébiscitée comme mode de règlement

amiable des conflits1048

. Les parties en litige s’entendent et concluent un accord, la

transaction. Elles mettent ainsi fin à leur différend. Cet accord emporte

l’irrecevabilité du recours que l’une des parties exercerait ultérieurement et qui

tendrait à soumettre au juge les questions sur lesquelles porte précisément l’accord

transactionnel. Dès lors, ce nouveau recours se heurterait à l’« exception de chose

transigée1049

».

Il faut combiner ce régime avec la formule de l’article 2052 du Code civil lequel

dispose que « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en

dernier ressort ». Et le juge administratif s’y réfère. Le Conseil d’État considère

même qu’en vertu de cet article, non seulement le contrat de transaction, par lequel

les parties mettent fin à leur différend, a entre ces parties l’autorité de la chose jugée

en dernier ressort mais encore « il est exécutoire de plein droit1050

».

1045 Code civil, art. 2044 : « La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une

contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

Ce contrat doit être rédigé par écrit. » 1046

Ibid. al. 2. 1047

Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 653, n

o 2128.

1048 Cf. Circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler

amiablement les conflits, JORF, no 0083, 8 avr. 2011, p. 6248, texte n

o 1 (NOR : PRMX1109903C) ;

v. également Étude du CE, 4 févr. 1993, Régler autrement les conflits : conciliation, transaction,

arbitrage en matière administrative. Cette étude préconisait l’adoption par le Premier Ministre d’une

circulaire sur la transaction avec pour objectif de présenter ce mode de règlement et d’inciter son

développement par les services publics. V. également VINCI (N.) Guide de la transaction en droit

administratif, Réglementation, no 264, 2012, 62 p.

1049 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 390, § 471.

1050 CE, avis, ass., 6 déc. 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second cycle degré du

district de l’Hay-Les-Roses, no 249153, Rec. Lebon, p. 433 ; LE CHATELIER (G.), RFDA, 2003,

p. 291 ; PACTEAU (B.), ibid. ; chron. DONNAT (F.) et CASAS (D.), AJDA, 2003, p. 280,

KENFACK (H.), ibid., 2004, p. 242 ; MENEMENIS (A.), RDA, 2003, no 44 ; SABIANI (F.), ibid.,

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

328/480

Comme l’écrit Pascal PUIG, la transaction réussit ce pari improbable de contracter le

temps du procès dans celui du contrat1051

. Plus rapide et plus discrète1052

aussi qu’un

procès, la transaction présente un intérêt certain pour toutes les parties au procès.

Et c’est bien là l’intérêt pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée de

parvenir à une transaction avec le tiers requérant. Mais cet arrangement amiable a un

coût car le désistement du tiers requiert une compensation. En effet, la validité d’une

transaction repose sur l’existence de concessions réciproques.

2) L’exigence de concessions réciproques

L’exigence de concessions réciproques est une exigence jurisprudentielle qui

présente des avantages mais aussi des inconvénients réciproques pour les parties (a.).

Par ailleurs, si la transaction aboutit à clore le contentieux, elle présente une

difficulté particulière propre à la nature du recours pour excès de pouvoir. En effet, la

fin amiable du contentieux laisse planer le doute sur la légalité de l’acte (b.).

a. Avantages et inconvénients pour les parties

La transaction présente l’avantage d’être un mode de règlement amiable du

contentieux procédural. Elle est plus rapide qu’un procès. Et surtout, elle est

confidentielle. Elle permet ainsi de conserver une certaine discrétion sur les termes

de ces transactions. Et cette discrétion est bienvenue, notamment pour les

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme professionnels1053

. Jouissant d’un

formalisme souple, la transaction ne requiert pas une homologation par le juge1054

.

Elle est un moyen de gestion du temps et de maîtriser le risque de l’aléa judiciaire.

Mais elle est aussi le risque de gagner moins, tout de suite, que plus, dans un certain

2003, Chron. 8 ; note GOURDOU (J.) et TEMEYRE (Ph.), R.J.E.P., 2003, p. 543 ; note MAHINGA

(J.-G.), LPA, 2003, no 119.

1051 PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, n

o 241, p. 29,

réf. PA200924107. 1052

Ibid. 1053

Tels que les promoteurs ou les aménageurs titulaires de l’autorisation d’urbanisme critiquée. 1054

TA Paris, 2 avr. 2003, no 0304030 ; SPITZ (E.), AJDA, 2003, p. 1286.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

329/480

temps. Réciproquement, elle est aussi le risque de perdre plus, tout de suite, que

moins, dans un certain temps1055

.

Pierre angulaire du régime, la transaction suppose des concessions réciproques entre

les parties. Selon le droit civil, et en dépit du silence de l’article 2044 du Code civil,

des concessions réciproques sont un élément constitutif du contrat de transaction1056

.

Et la jurisprudence administrative exige explicitement qu’il y ait effectivement des

concessions réciproques1057

. Ainsi, la transaction est à mi-chemin entre le contrat

synallagmatique et le jugement. Chacun transige pour son intérêt propre mais aussi

pour l’autre. Chacun perd ce qu’il concède et réciproquement. Et dans le même

temps gagne ce quoi l’autre renonce1058

. En pratique, et c’est bien là l’intérêt de ce

contrat, le requérant s’engage au désistement d’instance1059

et d’action1060

. De son

côté, le bénéficiaire offre une contrepartie à la hauteur du désistement du requérant.

Il peut s’agir d’un dédommagement financier ou de l’offre à un coût minoré dans le

programme projeté d’un lot ou d’une unité de parking.

De plus, la transaction est un jeu d’équilibre1061

. En pratique, cet équilibre est lui-

même source de contentieux1062

. Et c’est l’un des inconvénients de la transaction.

1055 Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, n

o 241,

p. 29, réf. PA200924107. 1056

CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 954, § 1075.

1057 CE, 7

e et 2

e SSR, 11 sept. 2006, Cne de Théoule-sur-Mer, n

o 255273, Rec. Lebon, p. 395,

DREYFUS (J.-D.), AJDA, 2006, p. 2125 ; DU MARAIS, Gaz. Pal., 2007, p. 29 : « lorsqu’il entend

autoriser le maire à conclure une transaction, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue

de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre

desquels figurent notamment la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de

terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin ». 1058

Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, no 241,

p. 29, réf. PA200924107. 1059

La demande peut être renouvelée, dans la mesure où le requérant n’a pas renoncé à son droit à

agir. 1060

La demande ne peut plus être renouvelée, dans la mesure où par son désistement d’action, le

requérant a renoncé à son droit d’agir. Tout désistement est désormais réputé être un désistement

d’instance (cf. CE, Sect., 1er

oct. 2010, RIGOT, no 314297 ; CE, 10 déc. 2010, Min. Int., n

o 340909) et

non plus d’action (cf. CE, 4 nov. 1995, CANCRE, no 22761 ; CE, sect., 24 mai 1957, CAFFOT, Rec.

Lebon, p. 341). 1061

Préc. PUIG (P.), La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage, LPA, 3 déc. 2009, no 241,

p. 29, réf. PA200924107. 1062

V. en ce sens les obs. KENFACK (H.), Actualité de la transaction, Droit des contrats, LPA,

30 juin 2004, no 130, p. 5, réf. PA200413002.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

330/480

Nombre de contentieux naissent de la contestation de la réciprocité des concessions,

ce qui peut aboutir à des requalifications et in fine à la nullité de la transaction1063

.

Par ailleurs, ces transactions existent de longue date et il est parfaitement admis

qu’une transaction mette fin à un recours pour excès de pouvoir1064

. Toutefois, le

tribunal administratif d’Amiens1065

a pu rappeler, isolément, l’impossibilité de

renoncer, par transaction, à exercer le recours pour excès de pouvoir. Certes une telle

solution semble aller à contre-courant de l’attachement du droit et du contentieux

administratif à ce mode de règlement alternatif, au formalisme souple1066

. Mais les

termes de l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme ne laissent plus guère de doute :

la transaction est bien admise pour mettre fin à l’instance où le juge administratif a

été appelé à se prononcer sur l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou

d’aménager1067

.

b. Le doute persistant sur la légalité de l’acte

La transaction, c’est aussi « un procès qui n’aura jamais lieu, un jugement qui ne sera

jamais rendu1068

». Par conséquent, c’est admettre qu’un acte potentiellement vicié

subsiste. Or, sur le plan de la bonne administration de la justice, il n’est pas

satisfaisant que par un arrangement transactionnel aux conditions occultes des

administrés puissent s’entendre pour laisser subsister un acte dénoncé comme illégal.

Une loi doit avoir son effet, et il ne faut pas permettre d’y déroger par une

convention particulière1069

. Ainsi, si le recours n’est pas malveillant (ce qui suppose

1063 V. pour une illustration : Cass., 1

re civ., 9 juill. 2003, JCP, 2003, II, p. 10171, obs. DESGORCES

(R.) ; Cass., soc., 4 janv. 2000, Bull. civ. IV, no 8.

1064 En dépit du spectre théorique de l’impossibilité de renoncer par transaction à exercer le recours

pour excès de pouvoir planait sur ces transactions. 1065

TA Amiens, 14 avr. 2007, no 0400871, V. com. NICOUD (F.), L’impossibilité de renoncer par

transaction à exercer le recours pour excès de pouvoir, D. A., no 1, janv. 2008, com. n

o8 ; DREYFUS

(J.-D.), L’office du juge de l’homologation d’une transaction, AJDA, 2009, p. 487 ;

GUILLAUMONT (O.), Le recours au contrat de transaction en matière de licenciement illégal, AJFP,

2008, p. 106. 1066

Préc. com. NICOUD (F.), L’impossibilité de renoncer par transaction à exercer le recours pour

excès de pouvoir, D. A., no 1, janv. 2008, com. n

o8.

1067 Code de l’urbanisme, L. 600-8 al. 1

er.

1068 Expression empruntée à PUIG (P.), in préc. La transaction : atouts et risques, Droit de l’arbitrage,

LPA, 3 déc. 2009, no 241, p. 29, réf. PA200924107.

1069 MONTESQUIEU (Ch. de S.), op. cit. L’esprit des Lois, T.2, Liv. 29, Chap. XVL, publié par

VERNET (J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

331/480

là encore de le qualifier comme tel), la transaction aboutit à soustraire une

autorisation peut-être illégale de la censure du juge administratif.

Bien entendu, d’aucuns diront que si c’est un recours abusif, l’acte n’est pas

nécessairement vicié, et donc la transaction aboutit seulement à clore un procès qui

n’a pas lieu d’être et non pas à laisser subsister un acte d’une légalité douteuse. Mais

dans ce cas, une telle transaction donne l’impression qu’« il y a quelque chose de

pourri dans l’empire1070

» de la justice. En effet, dans notre postulat de départ, le

recours est malveillant. Il n’y a donc, par hypothèse, pas de réel doute quant à la

légalité de l’autorisation d’urbanisme. Et dans ce cas la transaction n’est pas

pleinement satisfaisante puisqu’elle permet le développement de recours malveillants

pour des coûts de transaction bien souvent onéreux pour le pétitionnaire.

Et c’est précisément à ce problème que le législateur, suivant l’une des

recommandations du rapport LABETOULLE, a entendu remédier en imposant

l’enregistrement des transactions.

B. La publicité de la transaction

La publicité de la transaction consiste en l’enregistrement au centre des impôts

directs (1.). La transparence qu’elle doit véhiculer est présentée par le rapport

LABETOULLE comme un outil de dissuasion pour les requérants malveillants.

Toutefois, il est à craindre que cette publicité marque également l’avènement d’un

élément de complication (2.).

1) Régime de cette publicité

En réaction au racket transactionnel dénoncé par les bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme victimes de recours malveillants, le législateur a durci la procédure

contentieuse en imposant la publicité des transactions. Ainsi l’article L. 600-8 du

Code de l’urbanisme dispose :

1070 MARCELLUS ; SHAKESPEARE (W.) in Hamlet, Acte I, scène 4.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

332/480

Toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge

administratif l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou

d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du

versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit

être enregistrée conformément à l’article 635 du Code général des impôts.

La contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans

cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des

avantages consentis sont sujettes à répétition. L’action en répétition se

prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l’obtention de

l’avantage en nature.

Les acquéreurs successifs de biens ayant fait l’objet du permis mentionné au

premier alinéa peuvent également exercer l’action en répétition prévue à

l’alinéa précédent à raison du préjudice qu’ils ont subi.

Il n’est point le lieu de reproduire les observations développées au chapitre précédent

sous l’angle des services fiscaux mis au service de la transparence transactionnelle.

Cependant, il convient de souligner, ici, que toute transaction par laquelle un tiers

ayant demandé au juge administratif l’annulation d’un permis de construire, de

démolir ou d’aménager s’engage à se désister de ce recours en contrepartie du

versement d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit,

désormais, être enregistrée conformément à l’article 635 du Code général des impôts.

La sanction du défaut d’enregistrement est radicale puisque la contrepartie prévue

par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées dans

ce cadre sont sujettes à répétition. Cette action en répétition se prescrit par cinq ans à

compter du dernier versement ou de l’obtention de l’avantage en nature1071

.

Ce régime est inspiré de l’obligation d’enregistrement prescrite à peine de nullité en

matière de promesses de vente passées par acte sous seing privé1072

. Cette obligation

a pour objet et pour effet de réputer sans cause les contreparties prévues par une

transaction qui n’aurait pas été enregistrée. À défaut, l’indemnité transactionnelle

versée en contrepartie du désistement est susceptible d’être récupérée à tout

1071 Code de l’urbanisme, art. L. 600-8.

1072 Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 654, n

o 2130.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

333/480

moment1073

non seulement par le titulaire du permis de construire litigieux qui l’a

versée, mais encore par les acquéreurs successifs du bien immobilier qui auraient

indirectement supporté le coût de la transaction, répercuté par l’opérateur dans le prix

d’achat du bien immobilier1074

.

Par ailleurs, les indemnités transactionnelles sont soumises à traitement fiscal. Et ce

traitement fiscal doit être analysé tant chez la personne qui reçoit l’indemnité que

chez celle qui la verse, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale1075

.

L’indemnité reçue est analysée comme une indemnité reçue en réparation d’un

préjudice. Si l’indemnisé est une entreprise, l’indemnité est traitée comme un produit

imposable dès lors qu’elle compense la perte ou la dépréciation d’un actif. En

revanche, elle constitue une charge déductible que dans la mesure où elle porte sur

un actif donnant lieu à déduction fiscale1076

. Si l’indemnisé est un particulier, il faut

distinguer selon que l’indemnité répare un préjudice économique ou un préjudice

moral ou de jouissance1077

. S’il s’agit d’un préjudice économique, l’indemnité est

soumise à l’impôt sur le revenu. En revanche, si l’indemnité répare un préjudice

moral ou de jouissance, elle n’est pas imposable1078

.

L’indemnité versée est, quant à elle, analysée par rapport à l’importance des

concessions réciproques1079

. La déductibilité de l’indemnité est conditionnée à

l’existence d’une contrepartie réelle1080

. De plus, s’agissant des entreprises soumises

à la TVA., l’administration fiscale considère que « le fait que le versement de

l’indemnité soit subordonné à la renonciation par le bénéficiaire à tout recours

juridictionnel ne saurait être assimilé à un service rendu à la partie versante1081

».

Ainsi, en s’engageant à se désister et en renonçant à agir en justice, le requérant qui

perçoit l’indemnité ne rend pas fiscalement un service au bénéficiaire de

l’autorisation attaquée. Dès lors, l’indemnité transactionnelle ne doit pas être

1073 Sauf bien entendu si le tiers-requérant malveillant a aussi organisé son insolvabilité. Ce qui se voit

fréquemment dans la pratique contentieuse. 1074

Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 654, n

o 2130.

1075 Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., n

o 10, oct. 2014, étude 9.

1076 CAA Nantes, 21 oct. 1992, François X., n

o 90NT00392.

1077 V. Code général des impôts, art. 12.

1078 Cass., 2

e civ., 28 avr. 2011, n

o 08-13.760, RCA, 2011, n

o 254 (privation d’ensoleillement).

1079 Cass., soc., 5 janv. 1994, n

o 89-40.961 ; PUIGELIER (C.), D., 1994, p. 586 ; TAQUET (F.), JCP

Semaine Juridique, 1994, II, p. 22259 ; SERRA (Y.), D., 1995, p. 205. 1080

Préc. Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9.

1081 BOI-TVA-BASE-10-10-10, n

o 270.

Page 334: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

334/480

soumise à la TVA1082

. S’agissant des particuliers, le versement d’une indemnité

transactionnelle en matière d’autorisation de construire ne constitue pas une charge

déductible prévue par la loi1083

.

2) L’avènement d’un élément de complication

Si l’enregistrement semble être une mesure anti-abus « astucieuse1084

», il n’en

demeure pas moins que cette transparence a un revers négatif, lequel marque

l’avènement d’un élément de complication.

En effet, il est à craindre que cette publicité aboutisse assez rapidement à construire

de facto une échelle de valeur, un barème au coût du désistement. Dès lors, le

mécanisme est susceptible d’aboutir à la valorisation du prix des désistements. Et au

lieu de refréner les recours abusifs, cette publicité est susceptible d’aboutir à

l’amélioration d’un argumentaire du requérant malveillant qui pourra s’appuyer sur

des précédents et ainsi justifier et argumenter le prix de son désistement.

Dès lors la publicité inhérente à l’enregistrement des transactions risque de faire

manquer sa cible au dispositif anti-abus. Il risque d’aboutir à une « barémisation1085

»

du prix du désistement, c’est-à-dire à une « barémisation » des concessions

réciproques et des indemnités de désistement. Ce dispositif va aboutir à la

compilation des transactions et donc à la constitution d’un référentiel indicatif des

valeurs d’indemnisation. Et il est à craindre que ce référentiel permette à des

requérants malveillants d’étayer leur argumentaire.

Si en matière de dommages corporels objectifs, pour les accidentés de la route ou

dans le milieu médical1086

, la constitution d’un tel référentiel indicatif

d’indemnisation des préjudices peut sembler une bonne chose, il n’en est rien dans

un domaine exposé aux abus des requérants pour lesquels le préjudice est artificiel.

1082 Préc. Étude AILLET (J.) et VITAL-DURAND (E.), Constr.-Urb., n

o 10, oct. 2014, étude 9.

1083 Ibid.

1084 Préc. BONICHOT (J.-Cl.), Le traitement des recours abusifs, chron., Dossier spécial, BJDU,

4/2013, p. 247. 1085

Néologisme de l’auteur désignant l’action d’établir un barème pour évaluer quelque chose. Le

terme fait hélas défaut dans le Larousse. 1086

Cf. Rap. « L’indemnisation du dommage corporel », 22 juill. 2003, Comité national d’aide aux

victimes ; cf. également nomenclature des préjudices corporels, juill. 2005, Groupe de travail

DINTILHAC ;

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

335/480

Par suite, le risque est aussi de voir que cette nomenclature devient à terme un

barème contraignant le juge en cas de contentieux sur la transaction, déjà fréquent

sur la notion de concessions réciproques. En matière de dommages corporels, cette

solution a été officiellement écartée1087

, mais il en demeure pas moins qu’un tel

barème s’inscrit dans le faisceau d’indices susceptible d’éclairer le juge qui a à

contrôler une transaction.

En matière civile, alimentant notre crainte, la doctrine civiliste est d’ailleurs

favorable à l’introduction d’une « barémisation » contraignante des indemnités des

préjudices à réparer. Geneviève VINEY a ainsi suggéré que la Cour de cassation

impose aux tribunaux et aux cours d’appel « une ventilation détaillée des indemnités

correspondant à chacun des chefs de dommage constatés1088

». En matière

prud’homale, c’est chose faite avec notamment le décret no 2013-721 du 2 août 2013,

publié le 7 août 2013, qui fixe le barème nécessaire au calcul de l’indemnité

forfaitaire versée par l’employeur au salarié en cas de conciliation devant les

prud’hommes. Ce barème ne s’applique de manière obligatoire que dans l’hypothèse

où le salarié et l’employeur en font conjointement la demande. Toutefois, il ne fait

aucun doute que ce barème s’imposera rapidement comme un référentiel

incontournable des conseils.

Ce courant favorable à la « barémisation » irradie désormais le contentieux

administratif par le contentieux de l’urbanisme. Il y a là un risque pervers, d’une part,

de voir se constituer un référentiel de valeur au désistement et, d’autre part, de

déposséder le juge d’une partie de son pouvoir d’appréciation de la réciprocité des

concessions consenties par les parties à la transaction.

II. La menace pénale mobilisée

La voie pénale est également une alternative à la régulation des recours abusifs. Le

juge pénal a récemment indiqué qu’il entend jouer lui aussi un rôle dans le processus

1087 LE PRADO (D.), Équité et effectivité du droit à la réparation, colloques, 2006, site de la Cour de

cassation. 1088

VINEY (G.), La responsabilité dans la jurisprudence de la Cour de cassation, in site internet de la

Cour de cassation.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

336/480

de lutte contre les recours abusifs. Par un arrêt fort, le juge pénal donne la garantie

d’un contrôle réaffirmé (A.) mais dont la portée demeure toutefois, sans doute,

limitée (B.).

A. Une nouvelle garantie prétorienne

Le 22 janvier 2014, pour la première fois, la chambre criminelle de la Cour de

cassation juge qu’un recours contre une autorisation d’urbanisme additionné aux

autres manœuvres destinées à se voir remettre des fonds peut être constitutif du délit

de tentative d’escroquerie (1.). Cette solution nouvelle apporte une alternative

bienvenue aux bénéficiaires de permis de construire victimes de stratagèmes

frauduleux élaborés par des requérants malveillants (2.).

1) Le stratagème crapuleux de requérants

malveillants et le délit d’escroquerie

Par un arrêt du 22 janvier 20141089

, la chambre criminelle de la Cour de cassation

juge qu’un stratagème crapuleux de requérants malveillants visant à obtenir des

sommes d’argent importantes de la part du bénéficiaire d’un permis de construire

qu’ils attaquent constitue une escroquerie ou une tentative d’escroquerie. L’arrêt n’a

pas fait l’objet d’une publication au bulletin car il n’apporte pas d’innovation

majeure sur la mise en œuvre de l’article 313-1 du Code pénal1090

. Cependant, en

matière de contentieux d’urbanisme, il envoie un message fort aux requérants

1089 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88.042, inédit au Bull., v. obs. ROUJOU DE BOUBEE

(G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351 ; préc. étude AILLET (J.) et VITAL-

DURAND (E.), Constr.-Urb., no 10, oct. 2014, étude 9 ; DUBOUY (Ch.), Vingt ans de réformes

depuis la loi Bosson : construction d’un contentieux administratif spécial de l’urbanisme ?, JCP La

Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, no 29, 21 Juill. 2014, p. 2233.

1090 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

337/480

malveillants qui se constituent un intérêt à agir artificiel par des actes constitutifs du

délit d’escroquerie1091

.

Les faits de l’arrêt sont simples. Sur l’espace de quelques mois, une équipe de pieds

nickelés, comprenant des anciens professionnels de la construction, forme une série

de recours en annulation contre des permis de construire accordés pour des projets

immobiliers en matière commerciale. À chaque fois, ces recours sont intentés la

veille ou l’avant-veille de l’expiration du délai pour agir. Et ces mêmes recours sont

le fait de titulaires de droits réels immobiliers acquis très peu de temps après la

délivrance des autorisations d’urbanisme contestées. Et chacun de ces recours a été

suivi d’une proposition de désistement moyennant le versement d’une somme

d’argent, dont une partie a été remise par le bénéficiaire du permis attaqué.

Par cette dernière manœuvre, les requérants se soustrayaient ainsi à la jurisprudence

bien établie relative à l’escroquerie au jugement1092

qui vise le cas où un justiciable

parvient à tromper le tribunal par la production d’une pièce fausse et à en obtenir une

décision portant atteinte au patrimoine d’autrui. En l’espèce, le but était d’obtenir des

fonds par une transaction et non par un jugement.

La Cour de cassation confirme la solution des juges d’appel qui ont, quant à eux,

infirmé le jugement rendu en première instance. Elle retient, à la suite de la cour

d’appel que l’existence de manœuvres frauduleuses est caractérisée et que ces

manœuvres visaient effectivement à se voir remettre une somme d’argent. Dès lors,

le stratagème constituait bien une tentative d’escroquerie.

Cette solution apporte en cela un élément d’optimisme pour les victimes d’extorsion

par des requérants malveillants.

1091 Code pénal, art. 313-1 : « L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse

qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper

une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers,

à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte

opérant obligation ou décharge.

L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. » 1092

Cass., Crim., 23 janv. 1919, Bull. no 21 ; Cass., Crim., 7 janv. 1970, n

o 69-90.114, Bull. Crim.

no 14, p. 30.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

338/480

2) Éléments d’optimisme

Les termes de l’arrêt éclairent l’articulation de la sanction du recours abusif et le délit

d’escroquerie.

Attendu que les juges relèvent qu’ont eu l’initiative des recours MM. X… et

Y… qui, en leur qualité d’anciens directeurs d’une société de promotion

immobilière intervenue dans deux des projets en cause, ont eu accès à des

informations privilégiées exploitées par M. C…, avocat, le premier ayant fait

appel à MM. Olivier et Pascal Z…, à la tête d’une société immobilière sans

activité, pour acquérir un bien dans la zone de travaux d’une des opérations,

et à M. A…, déjà propriétaire d’un immeuble dans le périmètre d’un des

autres projets, pour déposer les recours au nom de ces derniers, M. Y… ayant

agi de même et aucun n’étant apparu dans ces opérations ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et dire établies les escroqueries et

tentatives d’escroquerie reprochées aux prévenus, l’arrêt énonce, notamment,

que, si l’exercice d’une action en justice constitue un droit, son utilisation,

hors le dessein de faire assurer ou protéger un droit légitime et après qu’un

intérêt à agir eut été artificiellement créé dans le seul but d’obtenir le

versement de sommes au titre d’une transaction, constitue une manœuvre

déterminante de la remise des fonds ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a caractérisé, sans

insuffisance ni contradiction, l’existence de manœuvres frauduleuses et

répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a

justifié sa décision1093

.

Il ressort de cette décision que certes l’exercice d’une action en justice constitue un

droit. Néanmoins son utilisation dans un but autre que celui de faire assurer ou de

protéger un droit légitime et la constitution artificielle d’un intérêt à agir dans le seul

but d’obtenir le versement de sommes au titre d’une transaction constituent une

manœuvre déterminante de la remise des fonds. C’est la combinaison des deux

aspects qui constitue l’élément matériel de l’infraction.

1093 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88.042, inédit au Bull.

Page 339: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

339/480

Ainsi, l’exercice malveillant n’est pas par lui-même constitutif d’une escroquerie.

Pour que la qualification d’escroquerie soit retenue, il faut que le recours abusif

s’inscrive dans un stratagème crapuleux1094

. Et c’est l’ensemble des manœuvres

déployées dans le cadre de ce stratagème et qui plus est, dans le but de se voir

remettre des fonds, qui caractérise l’escroquerie ou la tentative d’escroquerie.

Si cette solution pénale envoie un message sécurisant aux bénéficiaires de permis de

construire victimes de stratagèmes frauduleux élaborés par des requérants

malveillants, il convient de relativiser la portée de cet arrêt.

B. Une portée limitée

La portée de cet arrêt du 22 janvier 2014 doit, toutefois, être nuancée. La décision de

la chambre criminelle de la Cour de cassation est notable parce que pour la première

fois le juge condamne pénalement l’utilisation frauduleuse de l’action en justice (1.).

Mais, dans l’attente d’une confirmation, cette solution doit sans doute être comprise

à ce qu’elle semble être, c’est-à-dire un arrêt d’espèce (2.).

1) Une protection contre l’« escroquerie par

stratagème »

Une action en justice constitue un droit, sa mise en œuvre peut constituer une

manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie. Et la solution n’est pas

nouvelle1095

.

En l’espèce, le recours en annulation contre les autorisations d’urbanisme est une

manœuvre frauduleuse parmi d’autres. Il vise à exercer un moyen de pression

économique sur le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme. En effet, dans les faits,

les recours ont été suivis d’une proposition de désistement moyennant le versement

1094 Préc. ROUJOU DE BOUBEE (G.), Recours abusifs et escroquerie, RDI, 2014, p. 351.

1095 Préc. Cass., Crim., 7 janv. 1970, n

o 69-90.114, Bull. Crim. n

o 14, p. 30.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d’une somme d’argent. Par cette dernière manœuvre, les requérants échappaient à la

jurisprudence bien établie relative à l’« escroquerie au jugement1096

».

La notion d’« escroquerie au jugement » vise le cas où un justiciable parvient à

tromper le tribunal par la production d’une pièce fausse et à en obtenir une décision

portant atteinte au patrimoine d’autrui. En l’espèce, le but était d’obtenir des fonds

par une transaction et non par un jugement. La solution donnée, au cas particulier, est

certes une protection pénale en matière de recours abusifs contre une autorisation

d’urbanisme, mais cette protection pénale suppose que les agissements des

détracteurs malveillants de l’autorisation d’urbanisme visent l’extorsion de fonds au

bénéficiaire de l’autorisation en cause. Cette protection suppose que ces agissements

témoignent de la mise en place d’un stratagème plus ou moins élaboré dans ce but.

Or, en matière bancaire1097

, il ressort de la jurisprudence1098

de la chambre criminelle

de la Cour de cassation que l’« escroquerie par stratagème » peut être définie comme

la mise en scène destinée à donner l’apparence d’une vérité aux mensonges de

l’escroc dans le but de se voir remettre des fonds1099

. Il faut que la mise en scène

dépasse le mensonge et même qu’elle constitue une véritable « machination, c’est-à-

dire la combinaison de faits, l’arrangement de stratagèmes, l’organisation de ruses,

soit une mise en scène ayant pour but de donner crédit au mensonge1100

».

La notion d’« escroquerie par stratagème » telle qu’elle ressort de la jurisprudence

bancaire peut parfaitement est transposée à ce contentieux de l’urbanisme par un

raisonnement analogue. Et c’est d’ailleurs la notion retenue par la chambre

criminelle en matière d’urbanisme1101

.

Ainsi, dès lors que les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme s’estiment victimes

non pas seulement d’un recours malveillant mais d’une véritable machination, la voie

1096 Cass., Crim., 23 janv. 1919, Bull. n

o 21 ; Cass., Crim., 7 janv. 1970, n

o 69-90.114, Bull. Crim.

no 14, p. 30.

1097 LASSERRE CAPDEVILLE (J.), Escroquerie par stratagème, D., 2011, p. 2008.

1098 Cass., crim., 1

er juin 2011, n

o 10-83.568 (n

o 2672 FS-P + B + R) : « L’ouverture du compte

bancaire avait pour seul but de se faire délivrer un chéquier destiné à créer l’apparence d’une

solvabilité, et les chèques n’ont été utilisés que pour obtenir la remise de la marchandise avec le

dessein formé dès l’origine de ne pas en payer le prix, ce stratagème caractérisant les manœuvres

frauduleuses constitutives de l’escroquerie ». 1099

BOMBLED (M.), Escroquerie : ouverture d’un compte bancaire, sur Cass., crim., 1er

juin 2011,

no 10-83.568, D., 2011, p. 2008.

1100 Cass. Crim., 11 mai 1971, Bull. crim. n

o 145.

1101 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88.042, inédit au Bull.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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pénale sur le fondement de l’« escroquerie par stratagème » est explicitement

ouverte. Cette solution, à défaut d’être nouvelle, marque un durcissement global des

juridictions administratives et civiles à l’encontre de la manipulation de la justice.

2) Un arrêt d’espèce

Inédit au bulletin, l’arrêt est presque passé inaperçu dans la doctrine. Et ce sont

essentiellement les avocats qui, via des blogs, s’en sont fait l’écho.

Bien que la solution soit intéressante et éclairante sur l’application de la notion

d’« escroquerie par stratagème » en matière de contentieux d’urbanisme abusif, elle

doit sans doute être comprise comme une solution d’espèce.

Il est vrai que cette décision répond bien à la définition de l’arrêt d’espèce. En effet,

l’arrêt doit sans doute être compris comme une décision de justice dont la solution

s’explique par les particularités de l’espèce et qui, contrairement à un arrêt de

principe, n’a certainement pas vocation à être repris de façon générale dans d’autres

cas d’espèce. En effet, les faits de l’arrêt sont assez caricaturaux. La qualité des

requérants (entre autres, un ancien employé licencié de la société de promotion

titulaire du permis attaqué et un avocat), la présence de sociétés écrans gérées par des

hommes ou femmes de paille, et la mise en scène d’une vaste machination pour se

constituer des intérêts à agir et ainsi négocier leur désistement sont autant de

particularités liées à l’espèce. Tous ces éléments militent pour une relativisation de la

portée de la protection pénale ainsi affirmée.

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent qu’il y a, en

parallèle de la réforme de l’équilibre entre le droit au recours des tiers et de la

sécurité juridique des bénéficiaires des autorisations d’urbanisme attaquées, un

durcissement des voies alternatives. Ce durcissement se traduit par le contrôle

silencieux des transactions désormais placées sous surveillance. La transaction

demeure comme par le passé une alternative amiable intéressante pour l’ensemble

des parties pour le procès. Elle est une maîtrise contractuelle de l’issue incertaine

d’un procès qui repose sur des concessions réciproques. Cependant, le dispositif anti-

abus a parallèlement une répercussion négative sur la transaction, puisque le

dispositif anti-abus prescrit l’enregistrement aux centres des impôts. D’une part, elles

devraient voir le contrôle des concessions réciproques renouvelé par la

« barémisation » du prix du désistement de leur enregistrement. D’autre part, elles

laissent planer, sinon un doute sur la légalité d’un acte administratif, une défiance

quant à la légitimité de la transaction.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Par ailleurs, le durcissement des voies alternatives se manifeste également dans une

décision récente de la chambre criminelle du Quai de l’horloge. En effet, la Cour de

cassation fait application, pour la première fois, en matière de contentieux de

l’urbanisme, d’une jurisprudence ancienne relative à la sanction de l’escroquerie par

stratagème1102

. Elle considère qu’une machination crapuleuse déployée par des

requérants malveillants dans le but d’obtenir des fonds du bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme attaquée peut être constitutive d’une escroquerie ou d’une

tentative d’escroquerie. Mais la portée de cet arrêt1103

nous paraît limitée.

1102 V. en matière bancaire, Cass., Crim, 11 mai 1971, Bull. crim., n

o 145, constitue le délit

d’escroquerie par manœuvres frauduleuses « une machination, c’est-à-dire la combinaison de faits,

l’arrangement de stratagèmes, l’organisation de ruses, soit une mise en scène ayant pour but de donner

crédit au mensonge » ; et plus récemment : Cass., Crim, 1er

juin 2011, no 10-83.568, Bull. ;

BOMBLED (M.), D., 2011, p. 2008 ; préc. note LASSERRE CAPDEVILLE (J.), Escroquerie par

stratagème, ibid. ; obs. ROUJOU de BOUBEE (G.), GARE (T.), MIRABAIL (S.) et POTASZKIN

(T.), ibid., p. 2823, obs. GALLOIS (J.), A.J. Pénal, 2011, p. 523 ; BOULOC (B.), RTD com., 2011,

p. 653 ; LEGEAIS (D.), ibid., p. 780 ; note VERO (M.), Dr. pénal 2011, comm. no 117 ;

MATSOPOULOU (H.), Escroquerie : la caractérisation du stratagème constitutif des manœuvres

frauduleuses au sens de l’article 313-1 du Code pénal, R.S.C., 2011, p.839 ; V. également autre

secteur, Cass., Crim. 11 juin 1953, Bull. crim. no 203 et Cass., Crim., 17 juill. 1968, Bull. crim.,

no 228.

1103 Préc. Cass., Crim., 22 janv. 2014, n

o 12-88.042, inédit au Bull.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU CHAPITRE 2

La réforme de 2013 portée à la fois par l’ordonnance du 18 juillet 2013 et par le

décret du 1er

octobre 2013 a donc abouti à redéfinir l’équilibre entre la sécurité

juridique et le droit au recours. Il en résulte une accentuation des particularismes du

droit de l’urbanisme et plus précisément des procédures contentieuses de

l’urbanisme. Il en résulte également une restriction accrue du droit au recours des

tiers à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales et de leurs

groupements. Pour autant, il est trop tôt pour mesurer le gain réel en termes de

sécurité juridique au profit des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Cependant, en tout état de cause, il ne fait aucun doute que l’arsenal anti-abus a été

rénové et renforcé. Si globalement les moyens de défense du bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme demeurent inchangés, les moyens d’action des tiers ont

quant à eux grandement été modifiés. En dépit du souhait officiel contraire du

législateur, le droit au recours se réduit en peau de chagrin au gré des réformes

successives visant à sécuriser les autorisations d’urbanisme, et visant, peut-être

davantage encore, à relancer la construction et le nombre des mises en chantier.

Ainsi, à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales et de

leurs groupements, les tiers voient désormais leur intérêt pour agir encadré par un

régime strict.

La cristallisation des moyens fait également figure de symbole de rationalisation du

contentieux de l’urbanisme. Quoique le fond du dispositif ne soit pas réellement une

nouveauté, l’esthétique du dispositif et de son nom séduit. Mais il requiert l’éclairage

des juridictions administratives. Dans cette attente, il convient de rester vigilant à

l’appréhension prétorienne du dispositif.

À l’origine du nouvel équilibre entre la sécurité des bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme et le droit au recours de tiers, l’introduction de la faculté pour les

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attaquée de pouvoir demander

reconventionnellement des dommages-intérêts au juge administratif au sein de la

même instance marque très certainement l’acmé de la réforme. En effet, la

disposition est remarquable. D’une part, elle n’aggrave pas les restrictions déjà

portées au droit au recours des tiers. D’autre part, elle permet de simplifier le

traitement des contentieux. Enfin, tout en donnant satisfaction aux constructeurs et

tout en envoyant un signal fort de responsabilisation aux requérants abusifs, elle

rénove l’office du juge administratif qui fait ainsi un bond dans la modernité.

Enfin, le dernier aspect de la réforme laisse perplexe. Le placement sous contrôle non

pas judiciaire mais fiscal des transactions consacre la défiance du législateur à

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’égard des parties, demandeur comme défendeur, qui s’arrangeraient entre elles pour

convenir de mettre fin à l’instance. Il est permis de s’interroger sur l’efficacité

véritable de cette mesure qui semble comporter, en réalité, un triple effet pervers.

D’une part, c’est certainement le début d’une immixtion de l’administration fiscale

dans les processus de résolution amiable des conflits. D’autre part, c’est permettre la

pondération des troubles de voisinages et du prix du désistement. Enfin, c’est laisser

persister un doute quant à la légalité de l’acte, ce qui n’est pas satisfaisant sur le plan

d’une bonne administration de la justice.

Hasard de calendrier ou signal d’un éveil prétorien sur le sujet, le juge pénal a

montré sa mobilisation. Par une décision forte, le juge pénal a, en effet, donné le

signe qu’il entendait, lui aussi, demeurer un acteur actif des garanties des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face à des requérants malveillants dont les

agissements peuvent tomber sous le coup d’une qualification pénale.

Globalement la réforme emporte la création d’un nouvel équilibre intéressant au

détriment de l’ensemble des tiers (y compris ceux qui n’auraient pas d’intention

malveillante), et peut-être au profit des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Mais seul l’avenir peut en apporter la confirmation ou l’infirmation. Cela étant, il eût

été souhaitable que le législateur explore d’autres sources de sécurisation, juridiques

et moins juridiques.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation

Le savant juriste ne se bornait pas à émettre

un vœu, il proposait des remèdes juridiques

pour obvier au mal.

Édouard CLUNET, 19141104

En 2013, le législateur a introduit, nous l’avons vu, un certain nombre de nouveaux

particularismes dans la procédure contentieuse du droit de l’urbanisme dans le but

avoué de sécuriser les autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs et de

réduire ainsi les délais de construction. Cette réforme opérée en 2013 est intéressante

à bien des égards en dépit d’une atteinte incontestable portée au droit au recours des

tiers à l’exception des associations, de l’État, des collectivités territoriales, et de leurs

groupements.

La réforme a-t-elle, pour autant, exploité tout le champ des possibles ou d’autres

sources de sécurisation sont-elles, voire étaient-elles, envisageables ? Quels en sont

les obstacles et les limites ?

Arrivant presque au terme de notre réflexion, il nous semble que des solutions

auraient mérité une attention particulière du législateur. Certes, si certaines solutions

peuvent apparaître relativement aisées et peu coûteuses à mettre en place, d’autres

supposent une réflexion plus profonde et un recul plus global sur l’ensemble des

procédures contentieuses administratives. La mise en œuvre de ces solutions, pour

certaines d’entre elles, induit certainement une élaboration longue et donc un coût

élevé.

Ainsi, l’objet du présent chapitre est, d’une part, de présenter et d’analyser des

solutions préexistantes qui nous semblent pouvoir être optimisées (Section 1).

D’autre part, il vise à présenter et à analyser des solutions encore inexistantes mais

qui nous paraissent devoir être mises en place pour participer au processus de lutte

1104 CLUNET (E.), Journal du droit international privé, chron. de l’actualité p. 1212, Éditeur COSSE,

MARCHAL et BILLARD, Paris, 1874-1914, consultable sur Gallica.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

346/480

contre les recours abusifs et ainsi contribuer à la sécurisation des autorisations

d’urbanisme (Section 2).

SECTION 1 : Des solutions à optimiser

Le droit au recours est un droit relativement récent à l’échelle du temps juridique. Le

droit spécial de l’urbanisme l’est encore plus. L’articulation du droit au recours et

des droits des administrés en matière d’urbanisme est donc encore en construction.

La tendance est au renforcement du caractère dérogatoire du droit de l’urbanisme.

Plus précisément, le droit de l’urbanisme devient, au fil des réformes, un droit de

plus en plus spécial dans le droit administratif. Certes, un certain nombre de remèdes

au phénomène des recours abusifs doit pouvoir être apporté par le droit de

l’urbanisme lui-même, mais pas seulement. D’autres solutions doivent pouvoir être

identifiées en droit interne. Il convient d’analyser les solutions que peut apporter le

droit interne, y compris le droit de l’urbanisme (I.).

La recherche de solutions pour endiguer le phénomène des recours abusifs conduit,

par ailleurs, à s’interroger sur les solutions retenues par nos voisins. Des solutions en

droit externe doivent donc également être analysées (II.).

I. Des solutions en droit interne

Pour remédier au phénomène des recours abusifs en matière d’urbanisme, il est

naturel et logique de considérer que c’est le droit de l’urbanisme qui doit apporter les

solutions (A.). Cependant, c’est une erreur de considérer que le droit de l’urbanisme

peut seul résoudre ce phénomène. D’autres voies juridiques et non juridiques

existantes méritent d’être envisagées car certaines pourraient être optimisées (B.).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A. Le droit de l’urbanisme

La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité1105

». À ce titre, la

République doit veiller à l’équilibre de ses territoires tant en matière de populations,

de richesses que d’activités. À l’aune de cette devise, et dans une période de règne de

l’urbain, le droit de l’urbanisme a été mis en avant comme le droit susceptible de

permettre la réalisation de l’idéal républicain en planifiant la cohérence et

l’intégration des territoires (1.). En quelques années, le droit de l’urbanisme a pris

une ampleur considérable mais aussi trompeuse en ce qu’elle laisse à penser que le

droit de l’urbanisme aurait pour mission de résoudre tous les maux contemporains de

la société (2.).

1) Le droit de l’ère urbaine

À l’heure de l’urbanisation contrôlée des territoires, garder le contrôle de

l’avancement de l’urbanisation est un enjeu essentiel des politiques de gouvernances

urbaines. La limitation de la progression de l’urbanisation aléatoire est un enjeu

stratégique pour les politiques de gouvernances urbaines (a.). Ces dernières doivent

veiller à l’équilibre entre les territoires. Ceci implique, entre autres choses, de

pouvoir imposer une certaine planification d’opérations d’urbanisme y compris en

milieu hostile1106

. À ce titre, la sécurisation des autorisations d’urbanisme apparaît

comme un enjeu stratégique. Un tel enjeu justifie le maintien et le développement

des particularismes du droit de l’urbanisme dans une juste mesure (b.).

a. L’ère urbaine

La globalisation et la croissance de la population sur la planète marquent

l’avènement de l’ère urbaine1107

. En un siècle, le nombre de citadins à l’échelle

1105 Constitution 4 oct. 1958, art. 2, al. 3.

1106 Dans le jargon de la pratique, le milieu hostile désigne un environnement contentiogène, c’est-à-

dire un périmètre avoisinant sensiblement opposé à l’arrivé d’un programme immobilier (notamment

lorsqu’il présente un caractère social). 1107

V. LEFEBVRE (H.), La révolution urbaine, Gallimard, Paris, 1970, 255 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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planétaire a été multiplié par douze. En 2009, la population est devenue

majoritairement citadine avec 3,7 milliards de citadins soit 50 % de la population

mondiale1108

.

En France métropolitaine, trois personnes sur quatre habitent en ville. Les

agglomérations et les communes rurales dans leur mouvance représentent 82 % de la

population. Celle-ci se trouve distribuée dans l’espace à dominante urbaine1109

. La

densification des villes et des zones urbaines coïncide, en outre, avec des migrations

économiques internes et externes. L’urbanisme français doit ainsi relever de

nombreux défis tels que la durabilité et la compétitivité écologique,

environnementale, politique, administrative, religieuse et économique de son

développement. Ces défis exposent l’urbain à des tensions. Il s’agit de tensions entre

la distance et la proximité, entre les localités et les mobilités, entre l’hétérogénéité et

l’intégration1110

, entre paupérisation1111

et gentrification, entre pauvreté et richesse,

et entre insécurité et sécurité1112

. Ces tensions sont nombreuses et polymorphes. Les

politiques urbaines, les gouvernances urbaines et le droit de l’urbanisme visent, dans

ce contexte, à rationaliser ces tensions en limitant les dysfonctionnements. Ils visent

à lisser les disparités spatiales, sociales et économiques entre les territoires français.

En outre, ils doivent nécessairement s’inscrire dans une optique européenne

conformément à l’objectif européen de réduction des disparités à l’intérieur du

marché européen1113

.

La notion de gouvernance urbaine intègre la multiplicité des acteurs (l’État, les

pouvoirs locaux, la société civile, et les individus), elle met l’accent sur la solidarité,

le partenariat, la coopération, la transparence des décisions, l’évaluation de leurs

effets, et leur contrôle1114

.

1108 STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.

Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 1.

1109 GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), Sociologie urbaine, coll. Domaines et approches,

Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 7.

1110 PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration

« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1111

V. ZITOUNI (F.), Logement social et droit au logement, AJDI, 2011, p. 421 ; LIPIETZ (H.) et

ROUQUETTE (R.), La fiscalité au secours du logement social, AJDI, 1991, p. 414. 1112

GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et

approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 8.

1113 Préc. PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration

« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1114

GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et

approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 114.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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La notion de « politique de ville » anime, coordonne et stimule les partenariats

participatifs1115

. Le droit de l’urbanisme apparaît donc comme l’outil de la régulation

des tensions, comme le moyen d’équilibrer ces dualités. Il en résulte une idée de

solidarités « territoriales ». Bien qu’elle ne soit pas intégrée explicitement dans le

bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, n’ignore

pas cette idée de solidarités « territoriales1116

». La notion apparaît explicitement dans

l’un des trois projets de loi présentés en Conseil des Ministres le 10 avril 2013

puisque l’un d’eux est intitulé « Projet de loi de développement des solidarités

territoriales et de la démocratie du 10 avril 2013 ». Derrière cette idée de « solidarités

territoriales », il y a la volonté de renforcer les solidarités entre les territoires et entre

les générations. Ces solidarités ont vocation à faire émerger une nouvelle croissance

économique par un soutien local aux entreprises et à leur créativité. Elles ont aussi

pour vocation de renforcer la cohésion nationale et l’accès aux services publics dans

des territoires fragilisés par la crise, en luttant contre le sentiment de relégation d’un

nombre grandissant des administrés1117

.

De plus, l’urbanisation implique l’agrégation de la vie sociale laquelle se complexifie

et se stratifie par agglomérats au gré de condensations inégales des populations, des

activités et des richesses sur l’ensemble du territoire1118

. Cette « mosaïque », pour

reprendre l’image développée par les sociologues de l’École de Chicago1119

, d’aires

urbaines aléatoires et hétérogènes nécessite des opérations d’urbanisme

réglementées. Le but est d’apporter de la cohérence et de la cohésion à des aires

d’urbanisation aléatoires caractérisées souvent par un cloisonnement moral et social

naturel1120

.

En terme juridique, c’est l’image d’un territoire « fractionnable1121

» qui est retenue.

Ce territoire peut être divisé en fonction d’impératifs politiques, économiques,

administratifs ou sociaux divers. Il peut être divisé en circonscriptions, en ressorts

1115 Ibid.

1116 ROUSSEAU (D.), La France de 2015 : une révolution par la loi ou par la Constitution ?, Pouvoirs

locaux, no 22, oct. 1994, p. 66.

1117 Cf. Exposé des motifs, Projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la

démocratie locale, Sénat, no 497, 10 avr. 2013.

1118 GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et

approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 13.

1119 GRAFMEYER (Y.) et JOSEPH (I.), L’École de Chicago, Naissance de l’écologie urbaine, coll.

Champs Essais, Flammarion, Paris, 2009, 377 p. 1120

GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et

approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 14.

1121 MADIOT (Y.), Vers une « territorialisation » du droit, RFDA, 1995, p. 946.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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territoriaux, en zones, en « bassins de vie », en « bassins d’emploi », en « pays », en

régions, en départements, en communes, en collectivités territoriales, en

établissements publics territoriaux1122

. Cette division est le reflet d’un État

providence moderne1123

et européen1124

. À ce titre, le droit de l’urbanisme doit

aujourd’hui être l’outil du logement, du peuplement, de l’intégration, de la

socialisation, de la planification, de l’homogénéisation, de la rénovation, de la

gouvernance, de la démocratisation et de l’internationalisation des territoires. Cela

fait de nombreux objectifs très hétéroclites.

Avec la globalisation1125

, l’urbanisme des intercommunalités1126

est présenté comme

l’instruction de la mise en œuvre de l’action sociale planificatrice de l’État

providence. Pierre ROSANVALLON précise que l’État providence se caractérise

classiquement par des procédures de redistributions sociales basées sur la

reconnaissance de droits sociaux. Mais cette notion d’État providence a évolué pour

prendre la forme que nous lui connaissons actuellement. L’État providence ne se

borne plus aux redistributions. Son action sociale a désormais de nouvelles

caractéristiques. Il s’agit de la distribution sociale non plus seulement de droits mais

de contreparties. Le sociologue souligne, en outre, que l’État providence a changé de

nature puisque la décentralisation des droits et des procédures l’a conduit à

développer des politiques sociales gérées au niveau local alors qu’initialement les

droits sociaux étaient gérés au niveau national1127

.

Cependant, Jacques MOREAU relève que la théorie des blocs, inscrite comme

principe fondamental dans la loi du 7 janvier 1983, paraît peu compatible avec l’État

providence. Cette notion suppose que les compétences soient entremêlées. Or, la

division des compétences entre le département et la région crée des tensions.

Lesquelles placent nécessairement l’État en position d’arbitre1128

. C’est pourquoi,

1122 Ibid.

1123 ROSANVALLON (P.), MAZERES (J-A) et MOREAU (J.), Débat : le processus de

décentralisation HS, AJDA, 20 avr. 1992, p. 6. 1124

Préc. PASTOREL (J.-P.), Réflexions sur l’aménagement du territoire : vers l’intégration

« interrégionale » européenne ?, RFDA, 2005, p. 269. 1125

V. JEGOUZO (Y.), La loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance

pour la ville et la globalisation des politiques urbaines, in Annuaire français du droit de l’urbanisme et

de l’habitat, Dalloz, Paris, 1997, p. 5 à 28. 1126

MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de l’urbanisme, in

« Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1127

ROSANVALLON (P.), MAZERES (J-A) et MOREAU (J.), Débat : le processus de

décentralisation HS, AJDA, 20 avr. 1992, p. 6. 1128

Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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l’urbanisme intercommunal se développe. Il présente l’avantage de permettre un

urbanisme à une « échelle plus cohérente » tandis que l’État se fait alors plus discret

même s’il « pilote » précisément cette mouvance du développement de l’urbanisme

intercommunal1129

. Cette volonté de cohésion se retrouve également dans les intitulés

des dispositifs législatifs. Ainsi, la loi de programmation pour la ville et la cohésion

urbaine du 21 février 20141130

prévoit l’emploi d’outils juridiques spécifiques pour

intervenir dans les quartiers urbains en difficultés. Le zonage joue un rôle

déterminant tout comme l’intercommunalité dont la portée est de plus en plus

renforcée1131

.

Par ailleurs, la France connaît une importante crise du logement. Et cette crise,

souligne Rozen NOGUELLOU, se manifeste par un accroissement des besoins1132

et

une baisse de la construction de logements neufs depuis 20081133

. Ainsi, en 2013, le

nombre de logements autorisés à la construction a baissé pour la deuxième année

consécutive en France métropolitaine de 11,3 %1134

tandis qu’est constatée une très

importante hausse des prix immobiliers, pour les logements anciens, avec une

augmentation de 110 % entre 2000 et 2010 en moyenne nationale (135 % en Île-de-

France)1135

même si un léger repli des prix est observé à partir de 20121136

.

À ce titre, et au regard de l’importance de l’urbanisation qui doit compter avec une

population de plus en plus mobile et dense, le droit de l’urbanisme s’impose comme

une nécessité pour encadrer l’occupation des sols. La réglementation des

autorisations du sol et la régulation des projets de construction de manière organisée

sont nécessaires pour éviter l’urbanisation sauvage aléatoire. En parallèle, les

1129 Préc. MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de

l’urbanisme, in « Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1130

Loi no 2014-173 du 21 févr. 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (JO du

22 févr. 2014, p. 3138). 1131

BROUANT (J.-Ph.), La continuité dans le changement, c’est maintenant !, Ville et cohésion

urbaine, AJDA, 2014, p. 973. 1132

Cf. l’étude d’impact au projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du

logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui relève que : « les

besoins de construction de logements en France sont estimés aux alentours de quatre cent mille à cinq

cent mille logements par an pendant dix ans. Ce besoin s’explique notamment par la diminution

continue de la taille moyenne des ménages et par une croissance démographique qui s’établit à 2,1 %,

la plus forte d’Europe ». 1133

NOGUELLOU (R.), Présentation, in Où en est le droit de l’urbanisme ?, RFDA, 5/2012, p. 849. 1134

Insee 1135

Préc. NOGUELLOU (R.), Présentation, in Où en est le droit de l’urbanisme ?, RFDA, 5/2012,

p. 849. 1136

Insee

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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objectifs de logement, de planification, de cohésion, et d’intégration imposent que le

droit de l’urbanisme puisse, de manière exorbitante du droit commun, autoriser des

projets répondant à ces objectifs. En d’autres termes, lorsque le milieu est hostile, le

droit de l’urbanisme doit pouvoir imposer un projet qui répond à ces objectifs

hétéroclites. C’est pourquoi les particularismes du droit de l’urbanisme au secours

d’une meilleure sécurité des autorisations d’urbanisme sont justifiés dans une

certaine mesure.

b. L’optimisation du droit de l’urbanisme

Les dernières réformes ont mis l’accent sur l’ajout ou le renforcement des

particularismes du droit de l’urbanisme. Le but est de renforcer la sécurité des

autorisations d’urbanisme. Il en existe aujourd’hui un nombre important qui

ressemble presque à une liste à la PRÉVERT (notification du recours, délais,

exclusion du principe de l’économie des moyens, exclusion du principe de

divisibilité, redéfinition de l’intérêt à agir, enregistrement auprès des services fiscaux

des transactions, cristallisation des moyens, demande reconventionnelle devant le

juge administratif de dommages-intérêts). Par conséquent, il ne nous semble pas

raisonnable ni utile de proposer d’autres particularismes au droit de l’urbanisme.

En revanche, un mouvement inverse consistant en une simplification du droit de

l’urbanisme nous semble pouvoir renforcer la sécurité des autorisations d’urbanisme

(i.). De même, la reconnaissance de la relation triangulaire qui caractérise le

contentieux des autorisations d’urbanisme doit également être envisagée (ii.).

i. Simplification du droit de l’urbanisme

L’une des faiblesses des autorisations d’urbanisme tient au nombre de

réglementations à respecter et à leur complexité. Comme le souligne Bertrand

SEILLER, « nul ne conteste que les règles de forme et de procédure sont

exagérément complexes en matière d’urbanisme et qu’elles ne sont quasiment pas

susceptibles d’être respectées strictement1137

». Cette complexité s’explique par les

1137 SEILLER (B.), Les limites de la simplification, LPA, 24 mai 2007, n

o 104, p. 28,

réf. PA200710405.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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difficultés d’interprétation et d’articulation entre les réglementations existantes, ou

encore par les difficultés parfois d’application dans le temps. Ainsi qu’il a été

évoqué, la surlégislation en matière d’urbanisme est propice à la fragilisation des

autorisations d’urbanisme.

Or, citons, ici, de nouveau MONTESQUIEU : « Les lois inutiles affaiblissent les lois

nécessaires1138

. » L’idée même d’un choc de simplification circule mais reste

invisible. Au contraire, l’inflation législative demeure le mal français qui ronge le

droit de l’urbanisme en dépit des alarmes du Conseil d’État et des alertes unanimes

de la doctrine. Comme le souligne Philippe MALINVAUD, il faut pourtant rappeler

que la clarté de la loi constitue un principe constitutionnel et que l’accessibilité

comme l’intelligibilité de la loi ont été promues par le Conseil constitutionnel

comme étant des objectifs de valeur constitutionnelle1139

. Force est de constater que

l’objectif a été manifestement manqué1140

. Plusieurs tentatives de simplification ont

pourtant été mises en œuvre à différents niveaux1141

.

L’ordonnance du 8 décembre 2005 a tenté de simplifier les autorisations

d’urbanisme. La loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit a tenté

d’apporter de la souplesse à la procédure d’instruction des autorisations d’urbanisme

disposant que les agents des services instructeurs peuvent recevoir délégation du

maire. La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du

droit a tenté de réduire les risques d’annulation d’une autorisation d’urbanisme au

motif d’un vice de procédure. Le décret du 14 février 2013 pris pour l’application de

l’ordonnance du 5 janvier 2012 portant clarification et simplification des procédures

d’élaboration, de modification et de révision des documents d’urbanisme a également

tenté d’apporter une simplification des procédures d’autorisation d’urbanisme. Plus

récemment la loi PINEL1142

du 18 juin 2014 réformant l’aménagement commercial et

la loi ALUR1143

du 24 mars 2014 font une nouvelle fois figure d’essai manqué de

1138 Loc. cit. MONTESQUIEU (Ch. de S.), op.cit., L’esprit des Lois, T.2, Liv. 29, Chap. XVL, publié

par VERNET (J.-J.), Barillot & Fils, Genève, 1748, 564 p., p. 408. 1139

MALINVAUD (Ph.), De l’art de légiférer en général, et en particulier en droit immobilier, RDI,

2014, p. 293. 1140

Ibid. 1141

V. GERARD (P.), Pratique du droit de l’urbanisme, Urbanisme réglementaire, individuel et

opérationnel, EYROLLES, 6e éd., Paris, 2013, 328 p.

1142 Loi n

o 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

dite « loi ACTPE » ou encore « loi PINEL » du nom du Ministre du Logement, de l’Égalité des

territoires et de la Ruralité, Sylvia PINEL, qui l’a portée (JORF no 0140, 19 juin 2014 p. 10105).

1143 Loi n

o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (JORF

no 0072, 26 mars 2014, p. 5809).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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simplification et en revanche constituent sans aucun doute deux nouvelles strates de

complexification du droit de l’urbanisme1144

.

Une refonte totale des textes applicables en urbanisme et une codification logique et

simplifiée apparaissent être une solution de sécurisation des autorisations

d’urbanisme à la fois pragmatique et économique. Simplifier pour sécuriser, vœu

pieu, mais l’énoncé du remède peut même apparaître simpliste au regard de la

stratification des réglementations et des documents d’urbanisme. En outre, il ne faut

pas oublier qu’il existe des limites structurelles à la simplification à l’extrême

lorsque la simplification s’oppose à des principes constitutionnels tels que le droit au

recours1145

. En effet, la simplification du millefeuille du droit de l’urbanisme à

l’échelle de la décentralisation1146

, de la régionalisation et des communautés de

communes relève de la gageure.

Certains soutiennent que la simplification du droit de l’urbanisme est un mythe1147

.

Et il faut bien admettre que l’inflation et la complexification croissante du droit de

l’urbanisme leur donnent raison. Pourtant une refonte à grande échelle des règles

d’urbanismes nationales et locales permettrait une meilleure lisibilité et intelligibilité

de la règle d’urbanisme. Dès lors, le contrôle de légalité gagnerait également en

qualité. Il en résulterait une meilleure sécurité pour les bénéficiaires d’autorisation

d’urbanisme mais également pour les tiers. En effet, l’écumage des écueils de

complexité de la règle d’urbanisme permettrait de limiter les subtilités ingénieuses

des moyens des requérants malveillants.

La nécessité d’une refonte « profonde » d’une réglementation « inadaptée » était déjà

soulignée dans le rapport au président de la République relatif à l’ordonnance du

8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme.

Influencée par les propositions du rapport PELLETIER, la réforme proposée en 2005

visait à clarifier le droit de l’urbanisme par la réduction du nombre des autorisations

et par la précision de leur champ d’application. Elle visait aussi à simplifier les

1144 DAUDRE (G.) et MENG (J.-Ph.), L’aménagement commercial réformé par la loi Pinel du 18 juin

2014, Defrénois, 15 sept. 2014, no 17, p. 891, rub. Commerces, réf. DEF117c8 ; v. également plus

nuancé, DAUDRE (G.) ET MENG (J.-Ph.), Loi ALUR et urbanisme, Protéger, densifier et aménager,

Defrénois, 30 mai 2014, no 10, p. 582, rub. Commerce, réf. DEF116e8.

1145 Préc. SEILLER (B.), Les limites de la simplification, LPA, 24 mai 2007 n

o 104, p. 28,

réf. PA200710405. 1146

Préc. MARIE (S.), La décentralisation à l’épreuve des évolutions récentes du droit de

l’urbanisme, in « Où en est le droit de l’urbanisme ? », RFDA, 5/2012, p. 854. 1147

Cf. L’Actualité juridique : Droit administratif, Vol. 40, Moniteur, 1984, p. 313.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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procédures et à améliorer la sécurité juridique pour les collectivités et les citoyens.

Tandis que le rapport LABETOULLE conclut que « si le fond du droit de

l’urbanisme était plus simple, plus clair et plus stable, si les documents d’urbanisme

étaient mieux conçus et mieux écrits, ils n’offriraient pas tant de prises aux plaideurs.

L’amélioration du traitement des recours contentieux ne pourra jamais, à elle seule,

pallier des failles qui s’attachent, d’abord et avant tout, à la règle de droit elle-

même1148

. »

L’objectif de simplification et de clarification du droit de l’urbanisme pour sécuriser

les autorisations d’urbanisme demeure d’actualité et il est évident que la sécurisation

des autorisations d’urbanisme ne peut se faire qu’au travers d’une refonte globale des

règles d’urbanisme tant de fond que des procédures. Ceci implique la nécessité

d’accepter que des règles devront être abrogées et donc d’accepter de rompre avec la

stratification du droit de l’urbanisme, avec cette image de millefeuille législatif et

réglementaire bien compliqué qui caractérise aujourd’hui le droit de l’urbanisme. Et

pour être totalement complet, ajoutons que la simplification ne peut avoir de sens que

si elle est associée à une certaine stabilité1149

.

En outre, les nouvelles moutures des règles d’urbanisme amélioreraient la sécurité

des autorisations d’urbanisme si elles privilégiaient davantage les règles d’urbanisme

subjectives plutôt que les règles objectives1150

. Ainsi, l’introduction de cette

souplesse permettrait d’introduire une plus grande marge de manœuvre pour

l’urbanisation. En effet, l’urbanisme, c’est surtout du cas par cas qui s’apprécie dans

des environnements différents les uns des autres, selon les quartiers ou selon les

zones d’un PLU

ii. Reconnaissance d’une relation triangulaire

L’une des particularités du contentieux des autorisations d’urbanisme réside dans la

relation triangulaire qui caractérise le recours pour excès de pouvoir du contentieux

1148 Préc. Rapport LABETOULLE, « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre »,

2013, p. 28. 1149

Préc. TRAORE (S.), Réflexions sur la prolifération et les déclinaisons des procédures

d’urbanisme, Perspectives études, RLCT, 2009, no 49, 8 p., p. 6.

1150 GODFRIN (G.), cours d’urbanisme, cours du soir, I.C.H. Paris, 2014.

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de l’urbanisme. Si « tout procès se joue à trois1151

», la particularité dans le

contentieux des autorisations d’urbanisme est que le tiers change de qualité à

l’introduction de sa requête en excès de pouvoir à l’encontre de l’autorisation

d’urbanisme contestée. Il devient requérant, plus précisément demandeur. Le

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme devient, quant à lui, défendeur1152

au

même titre que l’administration auteur de l’acte litigieux.

En outre, certains auteurs, dont Vincent TOMKIEWICZ, ont précisé que le contrôle

de la légalité semble désormais se rapprocher de la notion de justice romaine laquelle

suppose qu’il faut rendre à chacun ce qui lui appartient (suum cuique tribuere)1153

et

1154. Si le juge administratif est le juge de la légalité de l’autorisation d’urbanisme

critiquée, il est aussi l’arbitre d’un différend entre des administrés au sujet d’une

décision de l’Administration. Dans cette configuration, le véritable défendeur n’est

plus l’Administration mais le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme1155

. De ce

fait, l’Administration a une position, de facto, relativement secondaire. La discussion

est essentiellement entre les administrés. À ce titre, elle porte principalement sur des

intérêts d’ordre privés. Le procès fait à l’acte n’est alors que le moyen pour des

administrés de s’affronter sur des problématiques d’ordre privé avec des moyens de

droit public. Bien que cet affrontement puisse participer au respect de la légalité, son

intervention fragilise aussi incontestablement la situation juridique du bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme contestée1156

.

Les réformes ont tenté de résoudre cette problématique juridique sans remettre en

cause l’équilibre traditionnel du procès administratif, et donc sans restreindre l’accès

au juge des tiers. Mais, la recherche d’une amélioration de la sécurité juridique,

comme d’une manière plus générale la recherche d’une meilleure stabilité des

situations juridiques (tant pour les tiers que pour le bénéficiaire de l’autorisation

1151 FOULQUIER (N.), Les droits publics subjectifs des administrés. Emergence d’un concept en droit

administratif français du XIXe au XX

e siècle, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des Thèses,

2003, 805 p., p. 169. 1152

Préc. TOMKIEWICZ (V.), La protection du tiers dans le contentieux de la légalité des actes

administratifs individuels créateurs de droit, RDP, 2006, no 5, p. 1275.

1153 Ibid.

1154 Suum cuique tribuere : abrégé du principe de droit romain « Juris praecepta sunt haec : honeste

vivere, alterum non laedere, suum cuique tribuere. » signifiant « les principes fondamentaux du droit

sont les suivants : vivre honnêtement, ne pas faire de tort à autrui, donner à chacun ce qui lui revient ». 1155

LABETOULLE (D.), Débats : questions pour le droit administratif, AJDA, 1995, no spécial, p. 20.

1156TOMKIEWICZ (V.), La protection du tiers dans le contentieux de la légalité des actes

administratifs individuels créateurs de droit, RDP, 2006, no 5, p. 1275.

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d’urbanisme), ne peut pas se limiter à l’élaboration, plus ou moins ingénieuse, des

techniques de restrictions des voies d’accès au juge pour les tiers.

Le juge administratif ne peut pas ignorer que le procès fait à l’autorisation

d’urbanisme est aussi le théâtre de l’affrontement d’intérêts privés entre un tiers

requérant et un bénéficiaire d’autorisation d’urbanisme devenu défendeur. Toutefois,

dorénavant, un coup de théâtre est possible avec un renversement des rôles si le

bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme fait une demande reconventionnelle de

dommages-intérêts pour recours abusif. Le contentieux administratif ne peut se

passer d’une mutation voire d’une modernisation pour prendre en compte cette

particularité du procès des autorisations d’urbanisme. Ainsi que le souligne Jacques-

Henri STAHL, l’exigence de stabilité des situations juridiques apparaît sensiblement

plus lourde dans le cas de ces contentieux triangulaires que dans les contentieux

bilatéraux plus classiques1157

.

Cette mutation du contentieux dépasse le balancier traditionnel1158

. Ce dernier

consiste traditionnellement à développer tantôt des garanties de stabilité juridique au

profit des tiers, tantôt des garanties de sécurité juridique au profit des bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme. La nécessaire mutation implique la reconnaissance d’une

relation triangulaire particulière et caractéristique du recours pour excès de pouvoir

en matière de contentieux d’urbanisme.

Dans le même sens, elle implique la reconnaissance d’un statut spécifique au profit

du tiers ainsi qu’au profit du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme, l’un par

rapport à l’autre, et réciproquement. La reconnaissance d’un statut du tiers requérant

et du bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme défendeur implique également de

reconnaître la mutation du contentieux de l’urbanisme en un procès hybride parce

que ce procès concerne des intérêts privés même si la procédure est décrite comme le

procès fait à un acte. Il en résulte que la reconnaissance de statut spécifique doit

coïncider avec la reconnaissance de la possibilité d’invoquer des intérêts privés qui

motivent l’intérêt à agir, notamment, du tiers requérant. Certes, le juge administratif

n’est pas le juge du trouble du voisinage, mais le contrôle de l’intérêt à agir en serait

facilité et l’identification d’une hypocrisie éventuelle d’un tiers malveillant serait

1157 STAHL (J-H), Principe de légalité et stabilité des situations juridiques, RFDA, 2004, p. 890, à

propos des délais de recours contentieux régis par la loi du 12 avr. 2000 ; Concl. sur CE, Sect., avis,

15 juill. 2004, no 266479, M. et Mme SIMON, note LANDAIS (C.) et LENICA (F.), AJDA, 2004,

p. 1926. 1158

Ibid.

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également facilitée pour le juge de la légalité. En outre, le droit au recours du tiers

s’en trouverait renforcé, tandis que le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme

gagnerait, à travers cette transparence des motivations à l’action, en sécurité

juridique.

2) Le droit de l’urbanisme, ce nouvel orviétan

Depuis plus d’une décennie, le droit de l’urbanisme est présenté comme la réponse à

tous les maux de la société contemporaine exposée à la conscience environnementale

des uns, à la conscience sociomigratoire des autres. Mais cette tendance qui abuse de

la crédulité publique n’est qu’un orviétan politique1159

, car il est faux de croire que le

droit de l’urbanisme peut résoudre tous les maux d’une société. Le droit de

l’urbanisme est « invité1160

» à favoriser le renouvellement urbain, la diversité des

fonctions urbaines et de la mixité locale dans l’habitation. Il doit également parvenir

à une utilisation économe, équilibrée et cohérente des espaces1161

. À cela vient

encore s’ajouter la gestion des risques naturels. En effet, le droit de l’urbanisme est

également présenté comme le droit qui doit anticiper, prévenir, limiter voire

combattre les aléas liés aux risques naturels1162

.

En effet, si les recours abusifs en droit de l’urbanisme reflètent souvent la

gentrification des quartiers et par suite le refus de voir venir dans son voisinage des

blocs sociaux ou des entreprises douteuses pour l’environnement ou une nouvelle

autoroute ou une nouvelle voie de chemin de fer, ce n’est pas le droit de l’urbanisme

qui est en cause, mais des problèmes sociétaux. En effet, les questions sociales

débordent de la vie urbaine1163

.

Dès 1992, le Conseil d’État lui-même relève que « dans l’esprit de beaucoup, ce droit

aurait ainsi vocation à résoudre l’ensemble des maux de la société urbaine. Les

problèmes de cohésion sociale et la question de l’immigration ne trouveraient de

1159 Expression empruntée à BALZAC (H.), Œuvres diverses, T. II, éd. publiée sous la direction de

CASTEX (P.-G.) et autres, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, 1996, 1852 p., p. 466. 1160

TRAORE (S.), op. cit., Les documents d’urbanisme, Lamy, coll. Axe Droit, Rueil-Malmaison,

juill. 2012, 296 p., p. 17, § 5. 1161

Ibid. 1162

GODBILLON (B.), L’autorisation de construire et le risque naturel. Le devoir de vigilance en

droit de l’urbanisme, AJDI, 1999, p. 768, 1163

STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.

Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 13.

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solution que par le droit de l’urbanisme1164

. » Et force est de constater qu’au regard

de l’empilement des réformes, une sorte de « raison urbanistique1165

» émerge peu à

peu, alors que ça ne devrait pas être le rôle du droit de l’urbanisme. Cette raison

urbanistique fait peu à peu apparaître un ensemble de principes censés dicter la

manière de penser et indiquer ce qu’est le bien agir ou le bien juger autour de la

préservation des écosystèmes, de la durabilité de l’environnement urbain, de la prise

en compte de l’environnement et de la mixité sociale1166

.

Pourtant, la vocation de l’urbanisme n’est pas de définir, par une planification1167

aux

forceps, ce qui convient ou ne convient pas. Le droit de l’urbanisme ne peut pas

résoudre tous les maux de la société. Si à la base des recours abusifs ce sont souvent

des projets de grande ampleur susceptibles de modifier le voisinage1168

sur le plan

environnemental ou encore sur le plan de la mixité sociale, ce n’est pas

nécessairement au droit de l’urbanisme d’apporter des réponses. En effet, les

solutions concernant les recours survenant lors de l’implantation d’activités ou de

réseaux de transports réputés polluants ou à risques pour l’environnement ne relèvent

pas nécessairement du droit de l’urbanisme mais d’une approche plus économique

(voir pédagogique) du développement des activités et réseaux de transports.

Quant aux recours systématiques à l’encontre des blocs de logements sociaux, cela

révèle moins d’une problématique de rejet de la mixité sociale que d’une

problématique plus complexe d’une certaine réaction à l’image négative1169

véhiculée par les médias et reprise par le sens commun1170

des solutions de

gouvernances pratiquées et de gestion des inégalités sociales1171

, des problèmes

sociaux1172

, des populations issues de l’immigration1173

, de la réinsertion des repris

1164 Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, Doc. Fr., Paris, 1992, p. 30.

1165 PERIGNON (S.), Le nouvel ordre urbanistique, Les Éditions du CRIDON, Répertoire Defrénois

2004. 1166

V. également SAVARIT BOURGEOIS (I.), op. cit., Remarque sur quelques dérives du droit de

l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences,

Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 941. 1167

V. CORNILLE (P.), ALUR vs BIMBY, Constr.-Urb., juin. 2014, no 6, p. 1.

1168 « On choisit sans doute moins son immeuble que ses voisins », MAURIN (E.), in Le Ghetto

français : Enquête sur le séparatisme social, coll. La République des idées, Le Seuil, Paris, 2004, 95p. 1169

GRAFMEYER (Y.) et AUTHIER (J.-Y.), op. cit., Sociologie urbaine, coll. Domaines et

approches, Armand COLIN, 3e éd., Paris, 2011, 127 p., p. 111.

1170 STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.

Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 12.

1171 Ibid.

1172 V. STEBE (J.-M.), La crise des banlieues, Que sais-je ?, coll. Encyclopédique, PUF, 4

e éd., Paris,

2007, 128 p.

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de justice, du « stockage » de malades en phase terminale ou relevant de la

psychiatrie qui n’ont pas eu de place en centre médicalisé. Imposer la mixité sociale,

comme objectif1174

des politiques urbaines, par la planification1175

, par la réforme de

la carte des régions et d’une manière générale par le droit de l’urbanisme1176

, c’est

contourner le problème et finalement accentuer la mauvaise image1177

que véhicule la

mixité sociale qui dans l’esprit de beaucoup1178

est synonyme d’insalubrité1179

, de

délinquance1180

, d’insécurité1181

pour les biens et les personnes1182

, d’incivisme1183

,

de dévaluation des prix immobiliers1184

, de ghettos1185

, de ségrégations religieuses1186

et d’islamisation1187

.

1173 SOMMAIRE (J.-C.), La crise du modèle français d’intégration, une proposition d’outil, Vie

sociale, ERES 2006/4, no 4, 134 p.

1174 Cf. Loi n

o 2003-710 du 1

er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la

rénovation urbaine, dite loi « Borloo ». 1175

V. LEBRETON (J.-P.), La mobilisation du droit de l’urbanisme pour le logement, AJDA, 2006,

p. 1540. 1176

Le 3 octobre 2013, trois nouvelles ordonnances visant à accélérer la construction de logements

sont publiées : l’ordonnance no 2013-889 « relative au développement de la construction de

logement » vise à offrir à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire la possibilité

d’accorder, sur certaines zones « tendues », des dérogations au règlement du PLU ou du document en

tenant lieu ; l’ordonnance no 2013-888 « relative à la procédure intégrée pour le logement » vise à

unifier, au sein d’une même procédure, l’autorisation de réaliser une opération de logement, la mise

en compatibilité des documents d’urbanisme et l’adaptation des normes supérieures ; et l’ordonnance

no 2013-890 « relative à la garantie financière en cas de vente en l’état futur d’achèvement » supprime

l’exigence de garantie intrinsèque et rend obligatoire, pour le vendeur, préalablement à la conclusion

d’une VEFA, la souscription d’une garantie financière de l’achèvement de l’immeuble ou une garantie

financière du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut

d’achèvement. V. obs. GRAND (R.), Accélération des projets de construction : trois nouvelles

ordonnances publiées, D. actu., 7 oct. 2013. 1177

STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit. La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.

Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 85 et s. ; spé. p. 100.

1178 CHAMPAGNE (P.), La construction médiatique des « malaises sociaux », Actes de la recherche

en sciences sociales, 1991, Vol. 90, no 90, p. 64-76.

1179 V. BONELLI (L.), La France a peur, une histoire sociale de l’insécurité, La Découverte, coll.

Poche, Paris, 2010, 422 p. 1180

STEBE (J.-M.) et MARCHAL (H.), op. cit., La sociologie urbaine, Que sais-je ?, coll.

Encyclopédique, PUF, 4e éd., Paris, 2007, 127 p., p. 99.

1181 Ibid. p. 12.

1182 V. BOUSQUET (R.), Insécurité : nouveaux risques, les quartiers de tous les dangers,

L’Harmattan, Paris, 1998, 232 p. 1183

Ibid. 1184

CAZALDA (Ch.) et DECREMER (R.), La ligne à grande vitesse Est européenne : évaluation de

l’impact sur les prix de l’immobilier, Thème, Insee : « Certaines études montrent que les prix des

logements individuels diminuent lorsqu’ils se situent à proximité de logements sociaux ». 1185

MASCLET (O.), Du « bastion » au « ghetto », Actes de la recherche en sciences sociales, Le

Seuil, 2005/4 (no 159), p. 128.

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Sécuriser les autorisations d’urbanisme suppose donc de travailler d’autres champs

que le droit de l’urbanisme. Cette sécurisation suppose entre autres choses de réduire

les milieux hostiles et les hostilités à certains types de projets de construction

traditionnellement mal accueillis eu égard aux nouveaux types de voisins qu’ils sont

susceptibles d’apporter dans le milieu préexistant (des nouveaux voisins polluants,

bruyants, insécurisants…).

B. Les autres voies juridiques et non juridiques

Rapidité et simplicité pourraient aussi être deux axes de renfort de l’artillerie anti-

abus mise en place. D’une part, il s’agirait d’aménager une procédure existante à

savoir le référé-suspension ou d’adapter la technique de rescrit fiscal au contentieux

de l’urbanisme pour filtrer les recours abusifs (1.). D’autre part, il s’agirait de

simplifier le contentieux de l’urbanisme. Bien entendu, cela supposerait une refonte

globale et en profondeur (2.).

1) Le référé-suspension, le rescrit et le pétitionnaire

Le Code de justice administrative prévoit une procédure d’urgence pour suspendre la

mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme sur laquelle il existe un doute sérieux

quant à sa légalité. Cette procédure de référé-suspension est régie par l’article

1186 V. FITOUSSI (J.-P.), LAURENT (E.) et MAURICE (J.), Rapport du Conseil d’analyse

économique, Ségrégation urbaine et intégration sociale, no 45, 2003, Doc. Fr ; PAPI (S.), Les

musulmans et le droit de l’urbanisme : vers une plus grande reconnaissance juridique des

discriminations ?, AJDA, 2010, p. 1350. 1187

V. MASCLET (O.), Du « bastion » au « ghetto », Actes de la recherche en sciences sociales, Le

Seuil, 2005/4 (no 159), p. 128 ; V. également, BOUMAZA (N.), Relations interethniques dans

l’habitat et dans la ville, L’Harmattan, coll. Habitat et Société, Paris, 2003, 460 p. ; BEKKAR (R.) et

REMY (J.), Ethnicité et lien social : politiques publiques et stratégies résidentielles, Immigration,

interculturel, urbanisme, aménagement, sociologie urbaine, L’Harmattan, Paris, 2005, 276 ;

BONELLI (L.), op. cit., La France a peur, une histoire sociale de l’insécurité, La Découverte, coll.

Poche, Paris, 2010, 422 p.

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L. 521­1 du Code de justice administrative1188

. En vertu du régime de cet article, le

requérant doit démontrer l’« urgence » d’une suspension judiciaire et un « doute

sérieux1189

». Ces deux conditions sont cumulatives1190

.

En pratique, cette procédure bénéficie aux tiers et non aux bénéficiaires de

l’autorisation d’urbanisme. Elle est, en effet, pour les tiers un moyen d’obtenir une

décision judiciaire d’urgence face à un projet de construction ou de démolition

imminent. Par exemple, face aux risques de voir démolir un bâtiment avoisinant, ou

d’un abattage d’arbre, puis de voir s’édifier une construction, un tribunal peut être

saisi d’une demande de suspension1191

par les tiers avoisinants. Le but est de stopper,

en urgence, la mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme.

S’agissant de la condition d’urgence, la demande de suspension vise la mise en

œuvre d’une autorisation d’urbanisme, la condition d’urgence est présumée dès lors

qu’une construction présente un caractère irréversible1192

. Cette présomption est

encore plus forte lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre d’une autorisation de

démolir1193

.

Plus précisément, la condition d’« urgence » est, en principe, constatée lorsque les

travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés1194

.

Toutefois, le juge des référés est tenu de procéder à une « appréciation globale des

1188 Code de justice administrative, art. L. 521-1 : « Quand une décision administrative, même de rejet,

fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en

ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets,

lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction,

un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la

décision dans les meilleurs délais. La suspension prend fin au plus tard lorsqu’il est statué sur la

requête en annulation ou en réformation de la décision. » 1189

CE, 28 déc. 2001, Cne de Béziers, no 237137, Rec. Lebon, T., p. 1123-1231, Mon. T.P., 8 mars

2002, p. 81 ; CELERIER, coll. terr. 2002, no 69 ; Constr.-Urb., 2002, n

o 76.

1190 CE, 23 nov. 2001, M. et Mme FABRE, n

o 236724, inédit.

1191 Laquelle s’est en quelque sorte substituée à l’ancienne procédure de sursis à exécution.

1192 CE, 27 juillet 2001, Cne de Tulle, n

o 230231, Rec. Lebon, T., p. 1115, obs. CORNILLE (P.),

Constr.-Urb., 2001, no 236, SOLER-COUTEAUX (P.), Le caractère difficilement réversible d’une

construction susceptible d’être incorporée au domaine public justifie l’urgence, RDI, p. 542 ; CE, 21

oct. 2005, M. MAREL, no 280188, concl. MITJAVILE (M.-H.), BJDU, n

o 1/2006, p. 55 ; FEVRIER

(J.-M.), Urgence et référés en matière d’autorisations d’urbanisme », Constr.-Urb., mai 2008, p. 24. 1193

Préc. VITAL-DURAND (E.), VANDERMEEREN (R.), GAUTHIER (A.), Opérations

d’urbanisme, Les intégrales, no 9, Lextenso éditions, Paris, 2014, 698 p., p. 668, n

o 2161.

1194 CE, 25 juill. 2013, n

o 363537, SARL Lodge at Val, Rec. Lebon, GRAND (R.), AJDA, 2013,

p. 1603, AJDI, 2013, p. 781. SCHMITZ (J.) Le juge du référé-liberté à la croisée des contentieux de

l’urgence et du fond, RFDA, 2014, p. 502.

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circonstances de l’espèce qui lui est soumise1195

». Cette urgence peut être liée à

l’exécution matérielle des travaux ou à l’imminence de leur réalisation1196

. Elle peut

également1197

être liée aux atteintes portées aux droits des tiers1198

. Bien qu’il

s’agisse d’une présomption simple que le titulaire de l’autorisation peut renverser en

démontrant l’urgence à réaliser son projet1199

, l’urgence peut être retenue quand bien

même les travaux seraient déjà largement avancés1200

, ou au contraire, non

commencés1201

.

S’agissant de la condition de l’existence d’un « doute sérieux ». La jurisprudence est

fournie. En outre, soulignons les dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice

administrative doivent être combinées avec les dispositions des articles L. 600-31202

et L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme1203

. Notamment, s’agissant de ce dernier qui

impose au juge une exception à l’économie des moyens lorsqu’il rend sa décision, le

1195 Ibid.

1196 V. pour une illustration préc. CE, 27 août 2001, SCI du Lac « Les Balcons de Châtel », n

o 235715,

préc. également CE, 21 déc. 2001, Société Fun Music Center, nos

237133 et 237179. 1197

Elle peut également être liée à la réalisation de travaux sans autorisation de construire, mais notre

étude se concentre sur les freins à la mise en œuvre d’une autorisation d’urbanisme. 1198

Préc. CE, 28 déc. 2001, Cne de Béziers, no 237137, Rec. Lebon, T., p. 1123-1231, Mon. T.P.,

8 mars 2002, p. 81 ; CELERIER, coll. terr. 2002, no 69 ; Constr.-Urb., 2002, n

o 76 ; CE, 27 juill. 2001,

Cne de Meudon, no 231991, Rec. Lebon, T., p. 1115, CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2001, n

o 236 ;

SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2001, p. 541. Pour plus d’illustration, consulter les nombreuses

jurisprudences sous l’article L. 600-3 du code l’urbanisme, éd. Dalloz. 1199

CE, 5 sept. 2008, Cne de Chanaz, no 313867, CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2008, n

o 154 ; CE,

16 fév. 2011, Les Bleuets, no 341422, Rec. Lebon, 2011 ; CE, 28 sept. 2011, SCI 30, Rue de

THIONVILLE, nos

347736 et 345699, Rec. Lebon, T., p. 1078, concl. GUYOMAR (M.), BJCL, 2011,

p. 839. 1200

CE, 27 août 2001, SCI du Lac « Les Balcons de Châtel », no 235715 : projet de construction

portant sur 55 logements, et dont les travaux étaient déjà commencés en vertu de précédents permis de

construire. 1201

CE, 21 déc. 2001, Société Fun Music Center, nos

237133 et 237179 : projet de construction portant

sur une salle de danse et de musique pour une SHON de 5 715 m² représentant un danger imminent

pour de nombreux arbres à abattre. 1202

Code de l’urbanisme, art. L. 600-3 : « L’État, la commune ou l’établissement public de

coopération intercommunale, lorsqu’ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un

permis de construire ou d’aménager et assortissent leur recours d’une demande de suspension,

peuvent demander qu’il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième

alinéas de l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.

Lorsqu’une personne autre que celles mentionnées à l’alinéa précédent défère une décision relative à

un permis de construire ou d’aménager et assortit son recours d’une demande de suspension, le juge

des référés statue sur cette demande dans un délai d’un mois. » 1203

Code de l’urbanisme, art. L. 600-4-1 : « Lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte

intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se

prononce sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation

ou la suspension, en l’état du dossier. »

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

364/480

juge des référés doit désigner « avec précision le moyen dont il considère qu’il crée

un doute sérieux » quant à la légalité de la décision attaquée1204

.

Mesure provisoire destinée à préserver l’avenir, la suspension n’a pas l’effet d’une

annulation. Elle n’est donc pas rétroactive. Cependant, elle fait figure d’achoppement

pour le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme suspendue, la suspension ne

prenant fin « au plus tard » qu’au moment où il est statué sur le recours principal en

annulation ou réformation1205

.

Structurellement et de par son essence, cette procédure bénéficie donc aux tiers. Or,

pour le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), il y a là un déséquilibre.

Le Conseil a donc suggéré d’instaurer un « référé défensif1206

». Selon cette

proposition, il pourrait être envisagé de prévoir une procédure inspirée de la

procédure de référé d’urgence désignée dans le jargon procédural sous l’appellation

« référé d’heure à heure ». Ce régime doit être combiné à l’article 485 du Code de

procédure civile. Cet article dispose qu’une demande est, en principe, portée par voie

d’assignation à une audience ad hoc aux jour et heure habituels des référés. Mais par

exception, en cas d’urgence, si « le cas requiert la célérité, le juge des référés peut

permettre d’assigner, à heure indiquée même les jours fériés et chômés1207

».

Relayant cette suggestion du CNCC, Carol GALIVEL souligne que ce « référé

défensif » permettrait au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme « d’avoir une

décision de justice rapide [et] la décision du juge [du fond] ayant de grandes chances

d’être la même que celle obtenue lors du référé, cela aurait un aspect préventif très

intéressant pour le promoteur et les investisseurs1208

». En l’état, la proposition

semble pécher par manque de précision et de base légale.

Cependant, il y a dans cette idée de « référé défensif » une idée intéressante tant dans

l’équilibre symbolique qu’elle tendrait à rétablir que dans la fonction pratique anti-

abus qu’elle pourrait jouer. Il pourrait être imaginé une procédure analogue à ce qui

1204 CE, 14 mars 2001, Min. de l’Intérieur c. M. MASSAMBA, n

o 229864, Rec. Lebon, T., p. 1099.

1205 CHAPUS (R.), op. cit., Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 1415, § 1583.

1206 GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de

construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,

p. 99. 1207

Code de procédure civile, art. 485 in fine. 1208

GALIVEL (C.), op. cit., Au secours, les recours !, La contestation abusive des permis de

construire un mal français, Prado-Louvre Éditeur, Les Éditions du Mécènes, Paris, 2014, 123 p.,

p. 100.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

365/480

existe en matière fiscale. En effet, en droit fiscal, il existe une procédure de rescrit

fiscal. Cette technique permet au contribuable d’obtenir l’interprétation de

l’administration fiscale sur le sens et sur la portée d’un texte fiscal. Et cette prise de

position engage l’Administration1209

.

Ainsi, il pourrait être imaginé un « rescrit urbanistique » ou un « référé préventif » de

procédures existantes. Ce rescrit permettrait de saisir le juge des référés à titre

préventif pour des projets dans des milieux hostiles et de lui demander de se

prononcer sur l’interprétation de tel ou tel article du PLU ou sur l’interprétation de la

situation de fait du projet autorisé, dans son milieu hostile, au regard du droit en

vigueur applicable. Compte tenu du double degré de juridiction, et à la différence du

rescrit fiscal, la justice ne sera pas engagée comme l’est l’Administration.

La position du juge des référés sur la régularité de la procédure suivie, préalablement

à la délivrance de l’autorisation d’urbanisme, permettrait, ainsi, au pétitionnaire de

corriger et d’ajuster, en amont, le projet envisagé. Cette mesure préventive et

prophylactique permettrait une meilleure insertion du projet dans son milieu de

destination, et ce, à un moment où la colle de la maquette de l’urbaniste comme

l’encre des croquis du maître d’œuvre ne sont pas encore sèches. Enfin, une telle

mesure n’écorcherait en rien le droit au recours des tiers.

2) Simplifier la norme

Simplifier la norme, vœu pieu, s’il en est. En l’espace d’une décennie, le droit de

l’urbanisme est devenu un droit hyperspécial du droit administratif. Il a connu un

empilement de normes qui ont complexifié à outrance les règles à respecter par les

constructeurs. En effet, ces derniers doivent respecter des normes locales, des

servitudes tacites, des règles nationales relatives non seulement à l’urbanisme

proprement dit, mais également à l’environnement, au littoral, à la montagne… Outil

de conception et de mise en œuvre de planification intercommunale, le schéma de

cohérence territoriale (SCOT) joue un rôle central en ce qu’il intègre un nombre

important de normes supérieures et en ce que les normes qui lui sont inférieures

(telles que le plan local d’urbanisme (PLU) et la carte communale) doivent être

compatibles avec lui. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’une multitude de

1209 Livre des procédures fiscales, art. L. 80 A, 1

o.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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normes doit être vérifiée, interprétée et respectée pour que l’autorisation d’urbanisme

soit régulière.

Comme le montre le schéma ci-après1210

, obtenir la validité d’une autorisation

d’urbanisme requiert les services d’experts. Mais errare humanum est, même les

experts peuvent se tromper. Dès lors, des irrégularités peuvent survenir tout comme

des divergences d’interprétation. En outre, parce que le droit de l’urbanisme est

mouvant, il devient de plus en plus difficile à intégrer. Par conséquent, il devient de

plus en plus difficile à respecter. Et finalement, cela favorise le contentieux. Eu égard

à l’ampleur de la stratification du droit de l’urbanisme, la simplification ne peut

passer que par une réforme profonde et globale. Il ne peut être envisagé qu’une

remise à plat de l’ensemble du droit de l’urbanisme et d’une refonte totale.

La proposition de ce remède n’est pas nouvelle. Mais le législateur renâcle à se saisir

du sujet à bras-le-corps. Pourtant, il devient urgent de simplifier un droit devenu

byzantin. Déjà en 1996, Hubert CHARLES, après l’abandon du projet de réforme du

permis de construire, soulignait avec lucidité que :

Le droit français de l’urbanisme ne peut pas rester dans l’état où il est parvenu.

Il ne peut plus s’agir d’une réforme de détail, il importe de rechercher la voie du

salut qui implique une remise à plat du Code dans son entier à partir d’une

conception claire et totale de ce que doit être le droit du sol dans notre pays1211

.

Par ailleurs, en dehors du droit de l’urbanisme, il importe également de simplifier et

de purger les textes des dispositions inutiles d’autant qu’elles donnent l’apparence

d’un laxisme de la part du juge administratif. Nous pensons, en particulier, à

l’amende pour recours abusif prévue par l’article R. 714-12 du Code de justice

administrative1212

.

1210 V. schéma synthétisant la hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme, p. 367.

1211 CHARLES (H.), Feue la réforme du permis de construire ? AFDUH., 1998, p. 8.

1212 V. en ce sens préc. DEBBASCH (C) et RICCI (J.-Cl.), Contentieux Administratif, précis, Dalloz,

8e éd., Paris, 2001, p. 616 s, § 693.

Page 367: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Hiérarchie des normes en droit de l’urbanisme

Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT)

Code de l'urbanisme et Réglement national d'urbanisme (RNU)

Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion de

l'eau (SDAGE) et Schéma d'Aménagement et de Gestion de

l'eau (SAGE)

Directives de protection et de mise en valeur des

paysages

Plan de Gestion des Risques d'inondations ( PGRI)

Chartes des parcs naturels nationaux

(PNR) et Régionaux (PR)

Projets d'intérêt général (PIG) et opérations d'intérêt général

(OIN)

Plans Climat-Energie territoriaux (PCET)

Schéma Régional du Climat, de l'air et de l'Energie (SRCAE)

Schémas Régionaux de Cohérence

Ecologique (SRCE)

Directive d'Aménagement du

Territoire (DTA)

Planification sectorielle

Programme local de l'Habitat (PLH)

Plan de Déplacements Urbains (PDU)

Schéma de Développement Commercial

Délimitation des périmètres d'intervention prévus à l'article L.

143-1 du Code de l'urbanisme (protection et mise en valeur des

espaces agricoles et naturels périurbains)

Planification communale

Plan local d'urbanisme (PLU)

Carte communale

Plan de sauvegarde et de mise en valeur

Planification d'opérations foncières et d'aménagement (Code de l'urbanisme, art. L.

122-1-15 et R*122-5)

Zones d'Aménagement Différé (ZAD) et périmètres provisoires

Zones d'aménagement concerté (ZAC)

Constitution, par les collectivités et les établissements publics, de

réserves foncières de plus de 5 Ha en un seul tenant

Autorisation d'urbanisme commercial

Lotissements, remembrements réalisés par des associations

foncières urbaines (AFU) et les constructions soumises à

autorisations lorsqu'elles portent sur une surface plancher supérieure

à 5000 m²

Schéma Régional du

Climat, de l'air et de

l'Energie (SRCAE)

La norme inférieure doit être « compatible » avec la norme supérieure.

La norme inférieure doit « prendre en compte » la norme supérieure.

Le schéma ci-dessus est l’œuvre de l’auteur.

Page 368: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

368/480

II. Des solutions en droit externe

La recherche de solutions pour endiguer le phénomène des recours abusifs mène à

l’analyse des solutions retenues par nos voisins. Tout d’abord, la notion de sécurité

juridique, qui irradie depuis le début notre réflexion, conduit naturellement à revenir

sur la notion allemande de Vertrauensschutz classiquement présentée comme la

notion originelle de la sécurité juridique (A.). Ensuite, dans le cadre de nos

recherches sur des remèdes à l’abus du recours, c’est l’idée sous-jacente de loyauté

des parties qui irradie également le débat relatif à la sécurisation des permis de

construire. Cette idée de loyauté des parties renvoie à une notion anglaise dite

estoppel. Cette dernière fascine nombre de juristes français dont certains voient, à

tort selon nous, une solution idoine à la problématique des recours abusifs (B.).

A. Interrogation sur la notion allemande de

Vertrauensschutz

Nos voisins allemands disposent dans leurs règles processuelles d’une notion de

Vertrauensschutz qui peut être traduite par l’idée de protection de la confiance. Il

convient de présenter cette notion complexe (1.). Le concept est séduisant. Toutefois,

il doit, selon nous, rester cantonné à une source d’inspiration limitée en matière de

contentieux de l’urbanisme. En effet, le droit allemand ne s’encombre pas du

dualisme entre la sécurité juridique des pétitionnaires et le droit au recours des tiers,

puisque ces derniers n’ont pas de voie de recours en la matière (2.).

1) Présentation du Vertrauensschutz

Der Vertrauensschutz est un principe général du droit allemand et du droit

communautaire („Der Vertrauensschutz ist ein allgemeiner Grundsatz des

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

369/480

Gemeinschaftsrechts“1213

). Le droit allemand est le seul1214

avec le droit néerlandais

à connaître un tel principe aussi élaboré1215

. Ce principe peut être littéralement traduit

en français par « protection de la confiance ». Mais la doctrine le traduit plus

fréquemment par « principe de la confiance légitime » ou « protection de la

confiance légitime1216

». En effet, la transposition française ajoute l’épithète

« légitime » que la notion allemande contient implicitement1217

.

Pour expliquer la signification de Vertrauensschutz, deux voies sont

envisageables1218

. Plus précisément, Otto PFERSMANN explique qu’il faut

distinguer la « définition stipulative1219

» et la « définition conceptuelle ». La

première définition consiste à examiner s’il existe quelque chose qui correspond à

l’entité ainsi déterminée. La seconde consiste, quant à elle, à analyser l’articulation

de la notion de confiance légitime dans un système donné1220

. Le professeur

PFERSMANN souligne encore que la Cour constitutionnelle fédérale allemande

(„Bundesverfassungsgerichts“ (BVerfGE)) a développé un concept technique de la

protection de la confiance légitime sans pour autant la différencier des droits

fondamentaux et sans l’intégrer dans les données structurantes du système

juridique1221

.

Ainsi il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale que le

principe de Vertrauensschutz est une composante fondamentale de la sécurité

juridique essentielle à l’État de droit. Selon la Cour, « pour le citoyen, la sécurité

1213 Commission, 7 déc. 2005, investissements de Shetland Leasing and Property Developments Ltd

dans les îles Shetland (Royaume-Uni), aff. C (2005) 4649 (2006/226/CE), no 62.

1214 Le principe est aussi connu des droits suisse, hollandais et luxembourgeois. Cf. CALMES (S.), Du

principe de protection de la confiance légitime en droits allemand, communautaire et français, coll.

Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p. 1215

PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance légitime

en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., p. 582. 1216

VALEMBOIS (A.-L.), op. cit., La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en

droit français, V.41, LGDJ, Paris, 2005, 534 p., p. 231 ; préc. WOEHRLING (J.-M.), La France peut-

elle se passer du principe de confiance légitime ? in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,

Mélanges J. WALINE, Dalloz, Paris, 2002, 797 p., p. 749 ; SCHWARZE (J.), État actuel et les

perspectives du droit administratif européen, droit comparé, coll. Droit administratif, Bruylant,

Bruxelles, 2010, 366 p., p. 281. 1217

HUBEAU (F.), Le principe de la confiance légitime dans la jurisprudence de la Cour de justice

des Communautés européennes, CDE, 1983, p. 145. 1218

PFERSMANN (O.), Regard externe sur la protection de la confiance légitime en droit

constitutionnel allemand, RFDA, p. 236. 1219

Ibid. 1220

Ibid. 1221

Ibid.

Page 370: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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juridique consiste en premier lieu dans la protection de la confiance1222

». Cette

sécurité consiste dans le droit des administrés à se prévaloir de la stabilité des normes

législatives qui leur sont applicables1223

. Elle implique que les bénéficiaires des

droits puissent avoir confiance dans la continuité juridique, laquelle doit donc être

protégée1224

. Ce principe constitue une ligne directrice d’interprétation pour le juge.

Son importance est telle qu’il vient « contrebalancer » le principe constitutionnel de

légalité. À ce titre, le principe conditionne la légalité des actes individuels comme les

actes à portée générale1225

.

Ainsi, les règles de retrait des actes administratifs en droit fédéral allemand

requièrent une attention particulière du juge. En droit fédéral allemand, le retrait1226

vise aussi bien le retrait1227

proprement dit que l’annulation1228

d’un acte illégal.

Si en vertu du principe de légalité, tout acte illégal qui n’a pas créé de droits peut

être, en tout état de cause, retiré, il en va différemment lorsque l’acte illégal a créé

des droits. Lorsque l’acte illégal est créateur de droits, le principe de confiance

légitime limite les possibilités de retirer cet acte. Comme l’explique Jean-Pierre

PUISSOCHET, le principe de confiance légitime combiné au principe de sécurité

juridique peut empêcher le retrait des actes octroyant des prestations matérielles ou

pécuniaires, en revanche, les actes créateurs d’autres droits ouvrent droit à une

compensation indemnitaire1229

. Le juge à la Cour de justice des communautés

européennes précise que pour les actes octroyant des prestations matérielles, le

principe de confiance impose le respect de la protection de la confiance de son

bénéficiaire dès lors que « l’irrégularité de l’acte n’était pas clairement apparente ou

était imputable à des facteurs extérieurs » au bénéficiaire. Il en est de même lorsque

l’Administration, par son comportement, démontre sa propre croyance dans la

régularité de l’acte. Enfin, il en est encore de même lorsque l’acte litigieux a été

élaboré dans le cadre d’une « procédure spéciale caractérisée par des garanties de

1222 „Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts “(BVerfGE) 13, 215 (224). (Décision de la Cour

constitutionnelle fédérale allemande). 1223

Préc. PFERSMANN (O.), Regard externe sur la protection de la confiance légitime en droit

constitutionnel allemand, RFDA, p. 236. 1224

Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance

légitime en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582. 1225

Ibid. 1226

Verwaltungsverfahrensgesetz (VwVfG), art. 48 (Procédure administrative générale). 1227

Le retrait des actes légaux est appelé « abrogation » en droit allemand, cf. VwVfG, art. 49. 1228

Le retrait, au sens du droit allemand, peut donc avoir un effet rétroactif. 1229

Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance

légitime en droit communautaire, Mélanges in G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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légalité spécifique (comme c’est le cas dans la procédure administrative formelle

utilisée, par exemple, pour les plans d’urbanisme)1230

». La durée de l’existence de

l’acte irrégulier et de la situation qui en découle, ainsi que la situation personnelle et

sociale de l’intéressé sont également prises en compte.

Le droit communautaire assimile la notion de « confiance légitime » à celle de

« droits acquis1231

», lesquels sont interprétés comme des droits intangibles.

Toutefois, à la différence du droit communautaire, le principe de confiance englobe

les droits acquis. Il a donc une portée plus large qu’en droit communautaire. Comme

le souligne le juge MACKENZIE STUART1232

, le principe allemand protège, ainsi,

également les droits en cours d’acquisition1233

(par exemple, promesses ou

engagements de l’Administration1234

, ou en matière d’urbanisme, une autorisation

d’urbanisme pendant le délai ouvert aux recours).

Enfin, en droit de l’urbanisme allemand (composante du Baurecht, droit de la

construction), la confiance du citoyen dans la planification urbaine est également

protégée, et ce, alors même que l’effectivité de cette protection peut avoir des

conséquences financières parfois élevées1235

.

2) L’intérêt limité d’une transposition en droit

français

De plus en plus, le droit administratif subit une « européanisation » sous l’influence

du droit communautaire. Comme l’écrit Paraskevi MOUZOURAKI, il existe une

1230 Ibid.

1231 CJCE, 19 janv. 1984, Michel ADVERNIER et autres c/Commission, aff. n

o 211/80, Rec., 1984,

p. 131, concl. ROZES. 1232

Préc. PUISSOCHET (J-P), « Vous avez dit confiance légitime ? » in Le principe de confiance

légitime en droit communautaire, Mélanges G. BRAIBANT, Dalloz, Paris, 1996, 817 p., 582. 1233

Ibid. 1234

YANNAKOPOULOS (C.), op. cit., La notion de droits acquis en droit administratif français,

LGDJ, Paris, 1998, 604 p., p. 274-275. 1235

ROSSI (M.), Vue d’ensemble du droit de l’urbanisme allemand, Droit comparé, GRIDAUH,

p. 773.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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convergence des droits administratifs français et allemand en matière de confiance

légitime1236

.

Pour autant, le principe de confiance légitime apporterait-il une plus-value au droit

administratif français ? Sylvia CALMES qui a consacré sa thèse à la comparaison du

droit allemand et du droit français soutient qu’une transposition du principe allemand

dans le droit français serait dangereuse. Et le résultat d’une telle transposition serait

minime. Enfin, elle serait peu utile dans la mesure où il existe des mécanismes

concurrents efficaces1237

. L’apport de la transposition serait limité à l’obligation de

moduler les dispositions transitoires en cas de changement de réglementation. En

revanche, l’introduction de la logique subjective qui lui est attachée perturberait

largement le contrôle de légalité qui est par essence objectif1238

.

Cependant, la subjectivisation qu’a introduite l’ordonnance du 18 juillet 2013 au

contrôle de légalité dans le contentieux urbain malmène la thèse de Sylvia CALMES,

tout au moins dans le contentieux de l’urbanisme. En effet, le risque souligné

consistant à perturber le contrôle de légalité au motif qu’il est un contrôle objectif par

essence doit être relativisé dans le contentieux de l’urbanisme.

En effet, l’une des particularités d’une autorisation d’urbanisme attaquée est que

cette autorisation ne fait pas naître de droits acquis tant que le délai de recours est

ouvert. Or, le principe allemand protège les droits en cours d’acquisition. Ce qui est

bien le cas en la matière. Il y aurait donc un intérêt pour les bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme à ce que le principe de confiance allemand soit transposé

dans le contentieux urbain.

Cependant, à quel niveau se situerait l’intérêt ? La confiance de l’intéressé serait

vraisemblablement limitée à la croyance en la régularité de l’autorisation délivrée.

Cette confiance serait donc un moyen défensif uniquement contre l’Administration,

par exemple, en cas de retrait. Mais sur ce point le droit administratif français a déjà

1236 MOUZOURAKI (P.), Le principe de confiance légitime en droit allemand, français et anglais :

un exemple de convergence des droits administratifs des pays européens, Bruylant, Bruxelles, 2012,

816 p. 1237

CALMES (S.), op. cit., Du principe de protection de la confiance légitime en droits allemand,

communautaire et français, coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, Dalloz, Paris, 2001, 711 p. 1238

AUBY (J.-A.), Confiance légitime, RDA, no 6, juin 2001, 100005.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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des mécanismes encadrant le retrait1239

. En effet, on voit mal comment une telle

confiance de la régularité fausse d’un acte pourrait être opposée à un tiers.

Mais, dorénavant, le juge administratif est compétent pour juger du « préjudice

excessif1240

» que peut subir un défendeur du fait de l’exercice du droit au recours par

le requérant dans « des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes1241

».

Cette part du contrôle du juge administratif sort du champ du contrôle de légalité pur.

Ce contrôle s’inscrit dans le subjectivisme des administrés. Il renvoie bien à la prise

en compte des attentes légitimes d’un administré ou de ce qu’il a pu légitimement

croire qu’il pouvait attendre.

Dans quelle mesure la transposition du principe allemand en contentieux de

l’urbanisme pourrait-elle contribuer à endiguer les recours abusifs ? La

subjectivisation qui vient de faire son entrée dans l’office du juge administratif par

l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme milite pour une cooptation du principe

allemand dans l’arsenal des principes applicables au contentieux de l’urbanisme. En

effet, lorsqu’une demande reconventionnelle indemnitaire est présentée, le débat

porte, d’une part, sur les conditions excessives de l’exercice du droit au recours par

le requérant et, d’autre part, sur l’excessivité du préjudice subi par le bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme attaquée. Ce n’est que par un contrôle subjectif que le

juge administratif peut apprécier l’excessivité de part et d’autre. Le requérant abusif

est alors en position pour se prévaloir d’une confiance légitime dans les textes, lui

donnant l’impression qu’il n’agissait pas de manière excessive pour la défense de ses

intérêts qu’il pouvait croire légitimes eu égard à la jurisprudence, à la

réglementation, ou encore au comportement de l’Administration. Tandis que le

bénéficiaire de l’autorisation attaquée est lui-même en position de se prévaloir de sa

propre confiance légitime en la régularité de l’autorisation.

1239 Cf. Code de l’urbanisme, art. L. 424-5 ; en matière d’autorisation obtenue par fraude, v. CE, 10

oct. 1990, M et Mme ALARCON, no 86379, Rec. Lebon, T. p. 1039 ; D., 1990, IR, p. 262 ;

GAUDEMET (Y.), RDI, 1991, p. 198 ; CE, 5 mai 2011, Ministre d’État, Ministre de l’Écologie, du

développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le

climat, no 336893, Rec. Lebon, p. 207 ; concl. LEGRAS (C.), BJDU, 2011, n

o 3, p. 225 ; PRIET (F.),

AJDA, 2011, p. 1971 ; ANDREANI, (J.), AJDA., 2011, p. 2084 ; CAA Nantes, 10 mai 2013, M et

Mme VIEL, no 12NT00134.

1240 Code de l’urbanisme, art. L. 600-7.

1241 Ibid.

Page 374: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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À ce titre, c’est-à-dire pour les cas où il est fait application de l’article L. 600-7 du

Code de l’urbanisme, la transposition du principe allemand en contentieux de

l’urbanisme présente un intérêt.

Toutefois, une telle transposition n’aurait pas d’effet dissuasif dans la lutte contre les

recours abusifs. Elle ne jouerait qu’un rôle défensif au stade de la demande

reconventionnelle indemnitaire et qui plus est, au profit du requérant abusif.

B. Interrogation sur la notion anglaise d’estoppel

Nos voisins anglo-saxons disposent dans leurs règles processuelles d’une théorie de

non-contradiction dite théorie de l’estoppel qu’il convient de présenter (1.).

L’application de cette théorie est rejetée en droit français par le juge administratif

(2.). Pourtant, elle n’en demeure pas moins un élément de réflexion sur les outils

d’une meilleure sécurisation des autorisations d’urbanisme (3.).

1) Présentation de l’estoppel

Étymologiquement, le terme anglo-saxon estoppel vient du vieux français

« estouper » signifiant boucher, bloquer1242

, fermer, interdire l’accès1243

mais il

signifie aussi, quand il est employé au participe passé « qui n’a pas le droit de1244

».

Concept développé dans les juridictions d’Equity pour pallier les insuffisances de la

Common Law et de la consideration, c’est aujourd’hui une règle légale du Common

law qui n’a pas son équivalent en droit procédural français. En Common law, cette

règle sanctionne les contradictions d’un plaideur au cours des phases successives

d’un procès. Par extension, elle sanctionne la mauvaise foi comme la déloyauté au

cours d’un procès.

1242 FAUVARQUE-COSSON (B.), L’estoppel, concept étrange et pénétrant, R.D.C., 2006, p. 1279.

1243 VIOLLET (P.), Les Établissements de saint Louis : accompagnés des textes primitifs et des textes

dérivés, Éditeur RENOUARD, Paris, 1881, T.4, 395 p., p. 358, consultable sur Gallica. 1244

GODEFROY (F.), Lexique de l’ancien français, Librairies universitaires françaises et étrangères,

Paris, 1901, 544 p., p. 216, consultable sur Gallica.

Page 375: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

375/480

L’estoppel est lié au concept de reliance qui renvoie à l’idée que l’obligation,

contractuelle en général, ne doit pas causer un dommage à autrui. L’action sur

l’existence d’une obligation est dictée par l’idée que l’obligation réciproque sera

respectée. De par cette action, des mesures sont prises. Des dépenses sont faites. Si le

partenaire ne respecte pas l’obligation réciproque, il en résulte un préjudice pour

l’autre partie qui a pris ses dispositions et fait des dépenses.

L’estoppel peut également éclairer cette même idée de reliance en matière de

responsabilité délictuelle. C’est l’hypothèse où une partie fait une promesse à une

autre partie ou l’hypothèse où une partie fait une déclaration d’intention à une autre.

Le bénéficiaire de la promesse ou de la déclaration d’intention ne peut pas assigner

l’autre partie qui n’a pas accompli sa promesse ou son intention car en droit anglais,

en matière de promesse nue, il n’y a pas la consideration. C’est pourquoi le droit

anglais va utiliser l’estoppel pour combler cette lacune, notamment si l’une des

parties a déjà agi et subi un préjudice, appelé detrimental reliance, du fait du manque

de parole de l’autre promettant.

Principe de cohérence de justice et d’Equity redécouvert par Lord DENNING1245

l’estoppel permet donc d’insister sur le comportement cohérent des parties.

Résultant d’une construction éminemment jurisprudentielle, quatre reliance based

estoppel peuvent être distinguées : l’estoppel by representation (a.), l’estoppel by

convention (b.), le promissory estoppel (c.) et le proprietary estoppel (d.).

a. L’estoppel by representation

L’estoppel by representation peut être définie comme l’empêchement d’une

personne de revenir sur ses dires après avoir donné une affirmation erronée mais

donnée comme vraie à une personne qui a agi eu égard à cette affirmation.

Emmanuel GAILLARD définit l’estoppel by representation comme l’interdiction

faite à la personne qui, par ses déclarations, ses actes ou son attitude, c’est-à-dire par

la représentation qu’elle a pu donner d’une situation, a conduit une autre personne à

modifier son comportement à son propre préjudice mais au bénéfice de la première

1245 McIlkenny v Chief Constable of the West Midlands (1980), QB 283 at 316-317, concernant une

affaire faisant appel à la notion de l’estoppel per rem judicatam, fin de non-recevoir pour chose jugée,

soit qu’elle a fait l’objet d’une procédure antérieure (estoppel by record) soit, alors que la cause

d’action est différente mais que des points ou questions de fait ont déjà été décidés (estoppel by issue).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

376/480

de revenir sur cette representation en cours de procès1246

. Cette forme d’estoppel

exige une bonne foi interdisant de profiter de ses propres contradictions ou, selon la

formule retenue par le juge anglais de « souffler à la fois le chaud et le froid,

d’affirmer d’un côté et de dénier de l’autre1247

».

b. L’estoppel by convention

L’estoppel by convention1248

survient lorsque deux parties négocient ou concluent un

contrat, mais font une erreur1249

. Si les parties partagent une supposition, une

croyance, ou une compréhension de l’interprétation du contrat ou de l’effet légal,

alors les parties sont liées par cette supposition, croyance ou interprétation quand

bien même celle-ci serait erronée. Cette relation de cause à effet est subordonnée à la

condition que les parties aient toutes les deux la même supposition, croyance ou

interprétation et qu’elles aient toutes les deux basé leur engagement sur celle-ci1250

.

L’estoppel by convention est plus généralement invoquée lorsqu’une des parties

souhaite se référer à un avant-contrat1251

. En d’autres termes, si les parties

conviennent, par exemple, que le contrat veut dire noir, elles ne peuvent pas y

revenir. L’estoppel by convention est le mécanisme qui empêche les parties de

revenir sur leur accord.

1246 GAILLARD (E.), L’Interdiction de se Contredire au Détriment d’Autrui comme Principe Général

du Droit du Commerce International, Rev.d.Arb. 1985, at 241 et seq. 1247

Cour de l’Echiquier : Cave v. Mills (1862), Hurlstone et Norman, p. 927. 1248

V. SPENCER BOWER (G.) and TURNER (Sir) (A.), Estoppel by Representation, Butterworth’s

Law, 3e éd., 1977, 520 p.

1249 V. note Lord DENNING, aff. Amalgamated Investment & Property Co Ltd (In Liquidation) v

Texas Commercial Bank Ltd (1982), QB 84 : “when the parties to a contract are both under a

common mistake as to the meaning or effect of it – and thereafter embark on a course of dealing on

the footing of that mistake – thereby replacing the original terms of the contract by a conventional

basis on which they both conduct their affairs, then the original contract is replaced by the

conventional basis. Either party can sue or be sued upon it just as if it had been expressly agreed

between them.” (at 121 – 122). 1250

SALZEDO (S.), BRUNER (P.), OTTLEY (M.), Contract law, Briefcase, Routledge-Cavendish, 3e

éd., 2004, 304 p., p. 76. 1251

CHARTBROOK Ltd and another v PERSIMMON Homes Ltd and another (2009) UKHL, 38.

Page 377: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

377/480

c. Le promissory estoppel

Développée par un obiter statement1252

du Juge DENNING1253

, la promissory

estoppel est un principe d’Equity qui pose une exigence de bonne foi selon laquelle

une personne ne peut pas revenir sur une promesse faite1254

.

Cette forme d’estoppel exige la réunion de quatre conditions. Il doit y avoir un

contrat préexistant que la promesse modifie1255

. Ensuite, il doit y avoir une promesse

sans équivoque de renoncer à telle application du contrat1256

. Et il doit y avoir un

non-respect de la promesse, ou à tout le moins un changement de position1257

. Enfin,

ce revirement doit être injuste et inéquitable1258

.

L’effet de la promissory estoppel est suspensif et non extinctif. Cela signifie que

cette notion suspend et n’éteint pas l’obligation. Dans l’avenir, le promettant peut

reprendre ses droits et revenir sur son engagement mais il faut donner un préavis.

La promissory estoppel n’est pas une cause d’action. C’est un concept défensif qui

ne donne pas de nouveaux droits au bénéficiaire. L’estoppel est « un bouclier et non

comme une épée » (estoppel is “a shield not a sword” selon l’expression du Juge

DENNING1259

).

1252 Synonyme de la locution Obiter dictum qui signifie également « soit dit en passant ». Expression

de la procédure anglaise, l’obiter qualifie l’argument qui n’entre pas dans le ratio decidendi, qui n’est

pas invoqué pour faire la décision, il s’applique à un raisonnement dénué de force obligatoire de

nature à éclairer l’espèce et à guider le juge (cf. Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14e éd., Paris,

2003, 619 p.). 1253

Central London Property Trust Ltd v High Trees Ltd (1947), KB 130 ; v. également Hughes v

Metropolitan Railway (1876-77), LR, 2 App. Cas. 439 ; et pour une affirmation par la Chambre des

Lords en droit des contrats, v. Tool Metal Manufacturing v TUNGSTEN (1955), 1 WLR, 761. 1254

V. préc. pour une illustration d’une promesse d’un bailleur à son locataire de ne pas demander le

remboursement des frais concernant le toit en mauvais état prévu à la charge du locataire empêchant le

bailleur d’expulser le locataire pour non-paiement : HUGHES v Metropolitan Railway (1876-77), LR,

2 App. Cas. 439 ; v. également pour une illustration d’une promesse de ne demander que la moitié du

loyer pour la période de la 2nde

Guerre empêchant d’appliquer un arriéré au locataire après la guerre :

Central London Property Trust v High Trees House (1947), KB 130 High Court. 1255

COMBE v COMBE (1951), 2 KB 215. 1256

Woodhouse A.C. Israel Cocoa Ltd. v. Nigerian Product Marketing Co. Ltd. (1972), AC 741. 1257

ALAN v. EL NASR (1972), 2 WLR 800. 1258

D & C Builders v. REES (1966), 2 WLR 28. 1259

COMBE v. COMBE (1951), 2 KB 215.

Page 378: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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d. La proprietary estoppel

La proprietary estoppel, à la différence de la promissory estoppel, peut être une

cause d’action, et non pas seulement un concept défensif1260

. La proprietary estoppel

donne de nouveaux droits au bénéficiaire. C’est l’hypothèse où le fils promet à sa

mère qu’il va l’accueillir chez lui et qu’elle peut venir habiter chez lui. Forte de cette

promesse, la mère vend sa maison mais les relations entre la mère et le fils

deviennent conflictuelles. Et le fils ne veut plus accueillir sa mère qui a vendu sa

maison. La proprietary estoppel permet, alors, à la mère d’agir en justice sur la base

de la reliance. Si cette mère n’avait pas vendu sa maison, elle ne pourrait pas

bénéficier de ce concept. En droit français, la mère est bénéficiaire d’une l’obligation

naturelle qui est reconnue par les tribunaux, c’est la même idée de reliance qui existe

même si cette notion n’est pas clairement énoncée en tant que telle. Le concept

anglais s’applique à une multitude d’hypothèses1261

qui vont de la promesse de

vendre la maison à la gouvernante si elle s’occupe de toute la famille pendant des

années1262

, à la remise en cause d’un legs au profit d’une fille lésée alors qu’elle

s’était bien occupée de sa mère décédée1263

. Le droit français a ses propres

mécanismes qui permettent d’aboutir à des raisonnements équivalents, notamment

avec la notion d’obligation naturelle, et de novation en obligation civile.

Ainsi s’achève cette présentation sommaire de la notion d’estoppel qui recouvre, en

pratique, tout un champ de possibles1264

et de nuances que la traduction française

peine souvent à retranscrire et qui ne peuvent être développées ici.

En droit international public, l’estoppel existe en tant qu’objection péremptoire

faisant obstacle à ce qu’un État, partie à un procès, puisse contredire une position

prise auparavant et dans laquelle les tiers ont placé leur confiance légitime. Cette

1260 SALZEDO (S.), BRUNER (P.), OTTLEY (M.), op. cit., Contract law, Briefcase, Routledge-

Cavendish, 3e éd., 2004, 304 p., p. 76.

1261 V. RAMJOHN (M.), Text, Cases and Materials on Equity and Trusts, Routledge-Cavendish, 4

e

éd., 2008, 752 p. 1262

GREASLEY and others v. COOKE (1980), 3 A II ER 710, CA. 1263

GRIFFITHS v WILLIAMS (1977), 248 EG 947, CA. 1264

V. RAMJOHN (M.), op. cit., Text, Cases and Materials on Equity and Trusts, Routledge-

Cavendish, 4e éd., 2008, 752 p.

Page 379: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

379/480

notion est, en outre, très développée en droit commercial international1265

où il

apparaît également polymorphe1266

.

2) Rejet de l’estoppel par le juge de la légalité

Contrairement au juge civil qui l’admet en matière commerciale1267

et en matière de

contrefaçon1268

sous la formule d’un « principe selon lequel nul ne peut se contredire

au détriment d’autrui1269

», la notion d’estoppel, parfois retranscrite sous

l’appellation de principe de non-contradiction, n’est pas admise par le Conseil

d’État1270

qui a eu l’occasion de la rejeter dans le cadre d’un contentieux fiscal1271

,

dans le contentieux général1272

et récemment dans le contentieux administratif1273

.

1265 MORAND-DEVILLER (J.), Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, Lextenso-Éditions,

Paris, 2013, 800 p., p. 341. 1266

MARTIN (A.), L’estoppel en droit international public précédé d’un aperçu de la théorie de

l’estoppel en droit anglais, préf. VIRALLY (M.), thèse, Pedone, Paris, 1979, 384 p. 1267

V. PIERRE-MAURICE (S.), « Nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » : la timide et

discrète avancée de la chambre commerciale, Dalloz, 2012, p. 2942. 1268

Cass., Com., ass. plén., 27 févr. 2009, note DELPECH (X.) Dalloz 2009, p. 723 ; note

HOUTCIEFF (D.), L’importance d’être constant : vers une consécration du principe de cohérence,

ibid., p. 1245 ; v. également, Cass., Com., 20 sept. 2011, F-P + B, no 10-22.888, DELPECH (X.),

Consécration jurisprudentielle de l’estoppel à la française, D. actu., 29 sept. 2011. 1269

Préc. Cass., Com., 20 sept. 2011, F-P + B, no 10-22.888.

1270 MORAND-DEVILLER (J.), op. cit., Droit administratif, Cours – L.M.D., LGDJ, Lextenso-

Éditions, Paris, 2013, p. 341. 1271

CE, 1er

avr. 2010, SAS MARSADIS, no 334465, MONTECLER (de) (M-C), Le Conseil d’État

refuse d’adopter l’estoppel, D. actu., 13 avril 2010. 1272

CE, 7 mai 2012, SCP MERCADIER et KRANTZ, no 342107, Rec. Lebon ; FOULQUIER (N.),

AJDA, 2013, p. 1172. 1273

CE, 4e et 5

e SSR, 2 juill. 2014, Société PACE EUROPE, n

o 368590, Rec. Lebon, 2015, PASTOR

(J.-M.), Le juge de la légalité opposé à l’estoppel, D. actu., 10 juill. 2014 ; Gaz. du Pal., 17 juill. 2014

no 198, p. 27, GPL187c6 ; SELLIER (B.), Ibid., 6 sept. 2014, n

o 249, p. 13, GPL190v7.

Page 380: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

380/480

Sur ce dernier, le Conseil d’État a ébranlé les espoirs certains1274

par un très récent

arrêt Société PACE EUROPE du 2 juillet 20141275

, par lequel il juge, en contentieux

administratif, qu’

il n’existe pas, dans le contentieux de la légalité, de principe général en vertu

duquel une partie ne saurait se contredire dans la procédure contentieuse au

détriment d’une autre partie ; que, dès lors, c’est également à bon droit que le

tribunal administratif de Grenoble a jugé que la fin de non-recevoir opposée par

la société requérante sur le fondement d’un tel principe ne pouvait, en tout état

de cause, qu’être écartée1276

.

Dès lors, il n’y a pas d’ambiguïté sur la position actuelle du Conseil d’État. Il

n’existe pas, dans le contentieux de la légalité, de principe général en vertu duquel

une partie ne saurait se contredire dans la procédure contentieuse au détriment d’une

autre partie. Cette formulation, bien plus large que les précédentes1277

, rejette dans le

contentieux de la légalité, tout principe général en vertu duquel une partie ne saurait

se contredire dans la procédure contentieuse au détriment d’une autre partie. Une

telle formule inclut l’ensemble des hypothèses dans lesquelles le juge administratif

statue sur des questions de légalité, ce qui inclut donc aussi bien les recours en

appréciation de légalité que les recours pour excès de pouvoir et les recours de plein

contentieux objectifs (tels que les contentieux fiscaux)1278

.

Une interrogation demeure toutefois. La notion d’estoppel peut-elle être invoquée

dans les contentieux de la répression et en plein contentieux subjectifs, c’est-à-dire

en matière de contentieux contractuel et de la responsabilité ? Bertrand SEILLER

relève que le soin apporté par le Conseil d’État à cette formulation qui circonscrit sa

position pourrait laisser croire que l’estoppel pourrait être importée dans des

contentieux plus subjectifs même si cette importation paraît relativement peu

probable1279

.

1274 CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,

AJDA, 2010, p. 479. 1275

Préc. CE, 4e et 5

e SSR, 2 juill. 2014, Société PACE EUROPE, n

o 368590, Rec. Lebon, 2015,

PASTOR (J.-M.), Le juge de la légalité opposé à l’estoppel, D. actu., 10 juill. 2014 ; Gaz. Pal., 17

juill. 2014 no 198, p. 27, GPL187c6 ; SEILLER (B.), Ibid., 6 sept. 2014, n

o 249, p. 13, GPL190v7.

1276 Ibid.

1277 Cf. préc. CE, 1

er avr. 2010, SAS MARSADIS, n

o 334465 et CE, 7 mai 2012, SCP MERCADIER et

KRANTZ, no 342107.

1278 Préc. SEILLER (B.), Gaz. Pal, 6 sept. 2014, n

o 249, p. 13, GPL190v7.

1279 Ibid.

Page 381: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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3) Réflexion sur une adaptation à la française

La notion anglo-saxonne d’estoppel est une notion inadaptée au droit administratif

français (a.). Il n’est donc pas envisageable de la transposer telle quelle dans la

procédure contentieuse française. Cependant, il convient d’analyser les éléments qui

pourraient permettre l’adaptation de la notion au droit administratif et plus

particulièrement d’analyser son potentiel éventuel en matière de contentieux de

l’urbanisme (b.).

a. Une notion inadaptée

L’estoppel est essentiellement un concept de droit civil qui s’accommode mal des

exigences du contrôle de légalité et qui s’avère inadapté aux spécificités du droit de

l’urbanisme. En effet, de récentes études montrent que le droit anglais cherche à se

constituer un droit de l’urbanisme comprenant un volet de dispositions de contrôle,

de sanction et de règlement des litiges. Ceci démontre que le droit anglais ne peut pas

se satisfaire du concept de l’estoppel dans les contentieux de l’urbanisme. Il convient

de présenter brièvement le droit de l’urbanisme anglais1280

.

Le droit de l’urbanisme en droit anglais (d’Angleterre) existe depuis le début du

XXe siècle

1281. La loi de 1909, dite Housing, Town Planning Act, est venue donner un

cadre au droit de l’urbanisme anglais. Cette loi est destinée à réglementer via des

schemes les aménagements non seulement dans un but sanitaire mais encore dans

une logique de bonne insertion des constructions dans l’environnement urbain1282

.

Cette loi est largement inappliquée. Aussi une autre loi de 1919 est venue imposer les

schemes dans les agglomérations de plus de vingt mille habitants1283

. Le Town and

1280 Pour une présentation détaillée v. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne,

Droit comparé, Étude du GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p. ; BOOTH (Ph.), Les

évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002, Étude du GRIDAUH, cyber

bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. ; BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-

Bretagne en 2004, Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. ; BOOTH (Ph.), Le

droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne, Refonte de la présentation générale (2006), Étude du

GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 24 p. 1281

AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du GRIDAUH,

AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 497.

1282 Ibid. p. 498.

1283 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Country Planning Act de 1947 est ensuite venu imposer un contrôle d’urbanisme par

secteur. Cette loi correspond essentiellement au mécanisme du permis de construire.

Par la suite, divers textes ont renforcé les pouvoirs de contrôle sur les respects des

règles d’urbanisme. Puis en 1990, un nouveau Town and Country Planning Act

consolide le droit de l’urbanisme anglais lui donnant sa forme moderne, outre

d’autres textes relatifs aux monuments historiques et, bien entendu, outre le rôle

toujours majeur que joue la jurisprudence en droit anglais1284

.

Il y a donc en droit anglais, comme en droit français, un mécanisme d’autorisation

d’urbanisme, mais son champ est relativement large puisqu’il inclut des

aménagements sans construction1285

.

En 2004, le droit de l’urbanisme anglais est marqué par une profonde refonte

présentée en décembre 2001 dans le planning green paper1286

. À cette époque, une

réforme est nécessaire car le droit de l’urbanisme aussi souffre d’une trop grande

complexité et de mécanismes lents générateurs d’insécurité juridique. Cette réforme,

c’est le Planning and Compulsory Purchase Act1287

. L’un des sujets de réforme

concerne le droit des tiers en matière de recours administratifs auprès du Ministre,

mais ce sujet n’a pas porté. Ainsi, le droit anglais opte peu à peu pour une

construction, écrite et réglementée, du droit de l’urbanisme. De la même manière, le

contentieux de l’urbanisme anglais est encadré par des mécanismes précis.

D’une part, le non-respect des règles d’urbanisme est sanctionné. Plus précisément,

les mécanismes des sanctions des règles d’urbanisme sont regroupés sous le concept

d’enforcement1288

. Avant d’envisager des sanctions pénales, l’enforcement prévoit un

système de rappels à l’ordre par l’administration dits enforcement notices, et le non-

respect de ces rappels à l’ordre est sanctionné pénalement.

D’autre part, en cas de refus de permis d’urbanisme, le pétitionnaire peut déposer un

recours administratif auprès du Ministre (actuellement le Deputy Prime Minister).

1284 MOORE (V.) et HUGHES (D.), Statutes on Planning Law, Blackstone, Press Limited, 2

e éd.,

1995, 560 p. 1285

Préc. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du

GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 505.

1286 BOOTH (Ph.), Les évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002, Étude

du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. 1287

BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2004, Étude du

GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. 1288

Préc. AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude du

GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p., p. 505.

Page 383: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

383/480

L’examen du recours est confié à un inspecteur qui se prononce lui-même, par

délégation du Ministre, après soit un échange d’écrits, soit une enquête publique

formelle, soit une audience publique informelle.

Enfin, les tiers peuvent faire valoir leur point de vue à l’occasion de ces recours

administratifs déposés auprès du Ministre1289

. Mais, en dehors de ces circonstances,

les tiers sont démunis de recours puisqu’ils ne disposent pas de la possibilité de faire

un recours administratif, seul un examen judiciaire de l’autorisation d’urbanisme

contestée est envisageable mais il est subordonné à des conditions très

restrictives1290

.

Toutefois, les tiers disposent du droit d’être consultés lors de l’instruction de

l’autorisation d’urbanisme et les collectivités sont tenues de prendre en compte leurs

avis1291

. La question du recours des tiers a pourtant été évoquée, au cours des travaux

préparatoires au Planning and Compulsory Purchase Act de 2004, mais l’idée

d’instaurer un système dans lequel un tiers pourrait faire appel au Ministre pour

contester une autorisation d’urbanisme a été rejetée1292

. Philips BOOTH souligne que

sur ce point « le Gouvernement a fermement maintenu sa position et n’a pas cédé à la

demande exprimée avec énergie d’instaurer un tel recours au profit des tiers1293

».

Actuellement, il n’y a donc, pour les tiers, aucune possibilité de recours contre les

décisions1294

.

Plus précisément, si ce recours administratif n’a pas été ouvert, il n’en demeure pas

moins qu’un tiers peut contester un permis de construire à l'appui d'un recours en

judicial review. Mais ce recours obéit à des conditions rigoureuses. En effet, le tiers

doit avoir préalablement émis des réserves. De plus, contrairement au délai de droit

commun de 3 mois, le recours en la matière doit être exercé dans un délai de 6

semaines à compter de la délivrance et sous réserve de démontrer un intérêt à agir.

Ce dernier a été défini par la jurisprudence1295

. Ainsi, a un intérêt à agir toute

1289 Préc. BOOTH (Ph.), Les évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001 et 2002,

Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 10 p. 1290

Ibid. 1291

Ibid. 1292

Préc. BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2004, Étude du

GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p. 1293

Ibid. 1294

BOOTH (Ph.), Le droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne, Refonte de la présentation générale

(2006), Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 24 p. 1295

Morbaine Ltd v First Secretary of State rendue par la Queen's Bench Division (19 juillet 2004),

Administrative Court. En l’espèce, le juge a considéré que les deux requérantes n’avaient pas intérêt à

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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personne qui possède ou détient une part de propriété affectée par la délivrance dudit

permis de construire1296

.

Il ressort de ces observations que le principe de l’estoppel n’est pas utilisé en droit de

l’urbanisme anglais. En outre, il est à noter que rompant avec ses traditions, le droit

anglais opte de plus en plus pour un cadre réglementaire et spécifique du droit de

l’urbanisme. Enfin, le concept d’estoppel n’a d’ailleurs aucune raison d’être sollicité

en la matière, c’est-à-dire dans une relation triangulaire {administration auteur

d’autorisation d’urbanisme/bénéficiaire d’autorisation d’urbanisme/tiers} car il n’y a

pas ce type de relation. Les tiers n’ont (presque) pas de droit d’agir contre une

autorisation d’urbanisme. Dès lors, il n’y a pas de problématique sur des recours

abusifs des tiers.

Par ailleurs, la notion d’estoppel repose sur l’idée de faire échec à une contradiction.

Or, en matière de recours intentés par des tiers contre une autorisation d’urbanisme,

le caractère abusif ne découle pas d’une tergiversation de l’Administration ou de

l’une ou l’autre des autres parties. La seule tergiversation, quand il y en a une, réside

dans le comportement du tiers susceptible de se désister moyennant un arrangement

intéressant.

Enfin, le juriste de droit écrit peut craindre qu’une notion telle que l’estoppel,

manquant de base légale et reposant sur la jurisprudence ne soit pas nécessairement

un gage de sécurité juridique puisque la jurisprudence est par essence fluctuante, « la

vraie sécurité, diront les cyniques, c’est de s’en méfier1297

».

b. Éléments de réflexion pour une adaptation

Si pour certains l’importation de l’estoppel ne présente aucune utilité1298

et n’est que

la révélation d’une fascination du juriste français à l’égard de cette notion1299

, un

agir. En effet, la société Morbaine n’avait pas intérêt à agir au motif qu'elle n'avait émis aucune

réserve à la candidature pour l'obtention du permis de construire par la société Lear, ni pris part à

l'enquête publique et n'avait aucun terrain ni domaine affecté par le projet de construction. Et Mme

Robert, l’autre requérante, n'avait aucun intérêt direct à exercer un recours contre la délivrance de ce

permis de construire. 1296

Si la parcelle est détenue en commun, l’intérêt à agir peut alors inclure le public interest litigant. 1297

Préc. PACTEAU (B.), La rétroactivité jurisprudentielle insupportable ? in Mélanges J.-F.

LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p.,

p. 827.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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concept à la mode1300

, pour d’autres la notion adaptée au droit administratif français

pourrait présenter un intérêt.

Alexandre CIAUDO et Alexis FRANK1301

défendent l’utilisation de l’estoppel en

droit administratif. Selon eux, en dehors, de deux irrecevabilités déjà consacrées dans

le procès administratif tenant, d’une part, au moyen nouveau insusceptible d’être

discuté devant le juge de cassation et, d’autre part, au défaut d’intérêt, il y a un

intérêt à importer l’estoppel en droit administratif. À retracer leur analyse,

l’introduction de l’estoppel dans le procès administratif serait l’occasion pour le

Conseil d’État « d’ériger le principe de loyauté des débats au rang de principe

directeur du procès administratif1302

» qui éventuellement s’accompagnerait d’une

importation de règles de procédure civile susceptibles de garantir une meilleure

protection du principe.

De son côté, le juge civil a consacré le principe de loyauté en tant principe directeur

du procès civil1303

. Codifiés aux articles 1er

à 24 du Code de procédure civile et à

l’article préliminaire du Code de procédure pénale, les principes directeurs d’une

procédure sont l’ensemble des principes qui inspirent les dispositions légales et

assurent une cohérence entre elles1304

. Leurs pendants publicistes sont considérés

comme étant codifiés aux articles L. 2 à L. 111305

du Code de justice

administrative1306

formant une sorte de « décalogue1307

» incantatoire au titre duquel

1298 Préc. SEILLER (B.), Gaz. Pal, 6 sept. 2014, n

o 249, p. 13, GPL190v7.

1299 Rapport de M. BOVAL, Conseiller rapporteur, sur les pourvois n

os 07-12.551 et 07-19.841.

1300 Ibid.

1301 Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,

AJDA, 2010, p. 479. 1302

Ibid. 1303

Ibid. et v. GUINCHARD (S.), Vers une démocratie procédurale, Justices, 1999, p. 115 ;

BOURSIER (M.-E.), Le principe de loyauté en droit processuel, Dalloz, 2003, NBT, T. 23, p. 227. 1304

SOLUS (H.) et PERROT (R.), Droit judiciaire privé, Paris, Sirey, t. 3, 1991, no 74.

1305 Sont ainsi notamment codifiés les principes de la collégialité, de la contradiction, de la publicité

des débats, de la motivation des jugements, de l’absence d’effet suspensif des recours, ainsi que le

secret des délibérés. 1306

CHAPUS (R.), La justice administrative : évolution et codification, Lecture du Code de justice

administrative, RFDA, 2000, p. 929 ; GOHIN (O.), Les principes directeurs du procès administratif en

droit français, RDP, 2005, p. 171. 1307

RICCI (A.), Le « Décalogue » du Code de justice administrative, Préf. ROUX (A.), Presses

Universitaires d’Aix Marseille, 2003, 156 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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le Conseil d’État aurait la mission de « définir, par sa jurisprudence, les règles de

droit applicables aux litiges administratifs1308

».

Cependant, tous les principes directeurs d’une procédure juridictionnelle ne sont pas

nécessairement codifiés. Par conséquent, le juge administratif peut découvrir un

nouveau principe directeur du procès administratif, en l’occurrence un principe de

loyauté1309

. Le juge pourrait ainsi pointer la mauvaise foi ou l’intention dilatoire

d’une partie qui viendrait à se contredire au détriment d’une autre1310

. Mais au-delà

du symbole, ce serait sans doute pour le juge administratif une difficulté

supplémentaire dans l’exercice de sa mission car le principe de loyauté aurait pour

effet d’en faire un juge moralisateur1311

. Sur ce point, Alexandre CIAUDO et Alexis

FRANK considèrent qu’il ressort de l’office du juge administratif de réprimer le

comportement déloyal des parties1312

.

Ainsi, l’argument selon lequel il pourrait y avoir une certaine confusion des genres

doit, selon eux, être écarté. En effet, s’il n’y a pas explicitement de principe de

loyauté, en revanche son pendant, la sanction de la déloyauté existe. Et il incombe au

juge administratif de sanctionner la déloyauté. Cette sanction de la déloyauté se

manifeste ainsi par la condamnation d’un requérant à une amende pour recours

abusif, et ce pouvoir de sanction appartient au juge administratif, c’est une « faculté

[…] constituant un pouvoir propre du juge1313

», le défendeur ne pouvant requérir

l’application de la sanction. Dans le même sens, la fixation du montant de l’amende

relève de l’appréciation souveraine des juges du fond1314

.

Pourtant transposer l’estoppel dans le contentieux des autorisations d’urbanisme

ouvert au tiers présente-t-il véritablement un intérêt puisque le juge peut sanctionner

par une amende, le comportement déloyal, processif, du tiers ? Si le juge

1308 LAFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, T. I, Paris ;

1887, 700 p., p. VII, consultable sur Gallica. 1309

Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,

AJDA, 2010, p. 479. 1310

Ibid. 1311

BOURSIER (M.-E.), Le principe de loyauté en droit processuel, Nouvelle Bibliothèque de Thèses,

Vol. 23, Dalloz, 2003, 527 p. 1312

Préc. CIAUDO (A.) et FRANCK (A.), Pour l’utilisation de l’estoppel dans le procès administratif,

AJDA, 2010, p. 479. 1313

Préc. CE, 27 févr. 1987, BERTIN, no 38482, Rec. Lebon, T., p. 892.

1314 CE, sect., 9 nov. 2007, Mme POLLART, n

o 293987, Rec. Lebon, T., p. 1024, concl. OLSON (T.),

RFDA, 2008, p. 137 ; note DELZANGLES (B.), AJDA, 2008, p. 821, note MELLERAY (F.), RDA,

1/2008, no 11.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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administratif est aussi le juge de la loyauté, le contrôle de la loyauté reste conditionné

par le choix du juge de faire application ou non d’un pouvoir qui lui est propre. Tout

l’intérêt de la notion d’estoppel est de permettre à une partie victime de la déloyauté

d’agir contre cette déloyauté.

Cependant, quoique l’estoppel soit une notion polymorphe, elle repose toujours sur

l’idée d’une contradiction. Dans le cadre des recours abusifs exercés à l’encontre

d’autorisation d’urbanisme, la contradiction ne vise, en pratique, que le

comportement des tiers susceptibles. S’il faut mettre à part les ajustements

d’argumentation liés à la stratégie contentieuse, cette contradiction se manifeste

lorsque le requérant est prêt à se désister de l’instance et de l’action après être

parvenu à la conclusion d’un arrangement, trouvant grâce à ses yeux. Si ce

désistement a l’avantage de mettre fin au recours, il a aussi pour effet de refléter

l’incohérence de comportement du requérant qui finalement ne serait pas vraiment

affecté par le vice de légalité de l’autorisation contestée, vice pourtant suffisamment

important pour justifier d’un intérêt à agir. L’admission d’un principe de loyauté,

entendu comme un principe de non-contradiction reviendrait donc à empêcher le

requérant de se contredire et de se satisfaire d’une transaction. Cela reviendrait

finalement l’empêcher de se désister.

Mais alors, ne serait-ce pas renoncer à l’un des moyens les plus utiles pour mettre fin

à des procédures abusives ? La réponse n’est pas nécessairement positive. En effet,

empêcher la contradiction par l’empêchement d’une transaction pourrait dissuader un

requérant dont l’action serait essentiellement dictée par le souhait de conclure une

transaction intéressante et non dictée par le souhait de voir corriger la légalité

douteuse d’un acte qu’il lui cause un préjudice au prix d’une procédure longue et

coûteuse.

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent qu’il existe

des solutions en droit interne mais également dans le droit des pays voisins. En droit

interne, le droit de l’urbanisme est incontournable à un moment où nous vivons une

ère urbaine. Il convient de le simplifier et de reconnaître la relation triangulaire qui

existe autour de l’autorisation d’urbanisme avec, bien entendu, son auteur

administratif, son titulaire et le tiers. Mais il est faux de croire que l’urbanisme

concentre tous les remèdes. Il existe, en effet, d’autres solutions en droit interne.

Enfin, s’agissant des solutions qui existent dans le droit de pays voisins, nous avons

concentré notre analyse sur le droit allemand et sur le droit anglais. Il apparaît que

ces droits peuvent être source d’inspiration mais qu’ils véhiculent des solutions

difficilement transposables en l’état.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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SECTION 2 : Des solutions à créer

Au-delà des solutions existantes qui pourraient être optimisées pour remédier au

phénomène des recours abusifs en matière d’urbanisme, il faut également

s’interroger sur la possibilité de créer des solutions nouvelles. Ainsi, la création

d’une procédure de régulation pourrait présenter un intérêt anti-abus essentiellement

préventif (I.). De même, d’autres voies juridiques doivent pouvoir être envisagées

ainsi que des voies non juridiques à créer qui toutes participeraient au processus de

sécurisation des autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs tout en

n’aggravant pas davantage les atteintes déjà portées au droit au recours des tiers (II.).

I. Créer une procédure de la régulation

Parler d’une procédure de régulation pour lutter contre les recours abusifs formés

contre les autorisations d’urbanisme peut a priori surprendre. Il est vrai que la notion

est a priori plus économique que juridique et que son usage est classiquement

réservé à la matière économique et aux activités concurrentielles.

Pourtant, notion éminemment protéiforme, la notion de régulation est aussi une

notion juridique. Et cette notion permet le maintien d’un équilibre au sein d’un

système complexe entre les administrés, compte tenu, d’une part, de l’évolution des

pratiques contentieuses de ces administrés et compte tenu, d’autre part, de

l’appréhension d’un intérêt général supérieur tenant à l’idée de permettre un

urbanisme durable.

Il convient de présenter les rapports entre la protection des administrés et la

régulation en tant que notion juridique (A.). Il convient également d’analyser, par

suite, quel rôle peut jouer la régulation dans le contentieux de l’urbanisme et

comment elle peut lutter contre le phénomène des recours abusifs contre les

autorisations d’urbanisme (B.).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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A. La régulation et la protection des administrés

« Le concept de la régulation ne se laisse pas aisément définir1315

». Il est

classiquement restreint à un concept économique, pourtant c’est aussi un concept

juridique1316

qui peut être employé pour lutter contre les recours abusifs (1.). En

effet, la régulation est un mode sous-estimé de protection de l’intérêt général des

administrés (2.).

1) La régulation, une notion juridique

Du latin regulare, signifiant régler, diriger, le verbe réguler désigne le fait d’assurer

le fonctionnement correct, le rythme régulier d’un mécanisme, le développement

d’un processus1317

.

Originellement, la régulation est une notion économique1318

descriptive qui renvoie à

l’utilisation des procédés de police en matière économique1319

. Elle peut aussi

renvoyer à des polices spéciales de la concurrence1320

.

Concept en pleine expansion des sociétés modernes, lié à la complexification

sociale1321

, le concept de régulation juridique apparaît comme un concept flou,

polysémique et recouvrant plusieurs acceptions1322

. Et cette polysémie en fait un

concept fuyant1323

. Comme l’explique Jacques CHEVALLIER, trois significations

peuvent être identifiées. D’une part la régulation peut être comprise comme un

1315 CE, Rap. Public, 2001, Les autorités administratives indépendantes, Doc. Fr., p. 279.

1316 MARCOU (G.), La notion juridique de régulation, AJDA, 2006, p. 347.

1317 Larousse.

1318 FRISON-ROCHE (Mie-A.), La régulation, objet d’une branche du droit, Droit de la régulation,

LPA, 3 juin 2002, no 110, p. 3, réf. PA200211001.

1319 MESCHERIAKOFF (A.-S.), Droit public économique, PUF, coll. Droit fondamental, 1994 ;

LINOTTE (D.) et ROMI (R.), Services publics et droit économique, Litec, 4e éd., 2001

1320 DELVOLVE (P.), Droit public de l’économie, Dalloz, 1998, p. 561.

1321 COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), Les autorités administratives indépendantes, PUF, Paris,

1988, 319 p., p. 26. 1322

CHEVALLIER (J.), La régulation juridique en question, Droit et société, Étude no 49, 2011,

p. 827-846. 1323

CALANDRI (L.), préf. REGOURD (S.), Recherche sur la notion de régulation en droit

administratif français, Thèse, Bibliothèque de droit public, T. 259, LGDJ, Paris 2009, 732 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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attribut substantiel de tout droit. D’autre part, elle peut encore être entendue comme

la caractéristique du droit de l’État providence. Enfin, elle peut être perçue comme

l’indicateur des transformations en cours du phénomène juridique1324

. Sur ce dernier

point, la régulation exprime une « mutation du système juridique caractérisée par le

passage du droit abstrait à un droit concret1325

». Gérard MARCOU a démontré que

la régulation juridique existe. Il a même démontré qu’il existe un « noyau commun »

à tous les États européens. Il la définit comme une fonction nouvelle de la puissance

publique, aux côtés de la police et du service public1326

.

L’acception qui intéresse notre analyse est celle de la régulation comme fonction

régulatrice du droit. Dans cette perspective, le concept de régulation implique

l’existence d’une instance capable, de par sa position d’extériorité et d’impartialité,

d’assurer le maintien de l’équilibre du système en cause. Or, comme le souligne

Jacques CHEVALLIER, cette figure du tiers régulateur, nécessaire au maintien de

l’ordre et inhérente au droit, s’inscrit dans une relation juridique basée sur la

« triangulation » selon l’expression d’Alexandre KOJEVE1327

.

Par ailleurs, cette régulation juridique ne passe pas nécessairement uniquement par

l’État ou les juridictions. Il existe, en effet, des autorités dites indépendantes et des

groupes socioprofessionnels habilités à réguler et réglementer les comportements.

Contrairement à la tradition administrative française, ces régulateurs ne sont pas

soumis à l’autorité hiérarchique d’un Ministre1328

. Ce sont des autorités habilitées à

faire des recommandations, rendre des décisions, réglementer un secteur particulier,

ou encore à sanctionner. Pour la plupart, ces autorités sont administratives, et

agissent donc indirectement au nom de l’État qui leur a dévolu, à ce titre, un certain

nombre de compétences déléguées telles que le pouvoir réglementaire1329

. Ces

autorités régulatrices participent à l’élaboration d’un droit souple qui facilite le

fonctionnement des institutions et les mises en œuvre des règles1330

. À ce titre, la

1324 CHEVALLIER (J.), op.cit., La régulation juridique en question, Droit et société, Étude n

o 49,

2011, p. 827-846. 1325

Préc. MARCOU (G.), La notion juridique de régulation, AJDA, 2006, p. 347. 1326

Ibid. 1327

KOJEVE (A.), Esquisse d’une phénoménologie du droit, Paris, Gallimard, 1981, 588 p. 1328

Par exception à l’article 20 de la Constitution selon lequel le Gouvernement dispose de

l’administration. 1329

www.vie-publique.fr. 1330

On observe sur ce point l’influence du soft law (droit mou) sur le droit public français. Cf. Conseil

d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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régulation apparaît comme un mode alternatif à la protection de l’intérêt général et

des intérêts des administrés.

2) La régulation, un mode alternatif de protection de

l’intérêt général

La régulation est un mode de protection de l’intérêt général et des intérêts des

administrés en ce qu’elle participe à l’élaboration d’un droit souple dont elle veille au

respect. Le Conseil d’État définit le droit souple (soft law) à partir de l’examen des

trois instruments cumulatifs dont doit être dotée l’autorité de régulation. Ces

instruments doivent avoir pour objet de modifier ou d’orienter les comportements de

leurs destinataires en suscitant l’adhésion, ils ne doivent pas créer par eux-mêmes de

droits ou d’obligations pour leurs destinataires. Enfin, ils doivent présenter, par leur

contenu et leur mode d’élaboration, un degré de formalisation et un degré de

structuration qui les apparentent aux règles de droit1331

.

Caractérisée par sa souplesse, la régulation vise à influencer les comportements1332

et

à fixer des règles de conduite là où la régulation étatique s’expose à des

réticences1333

.

En outre, elle a l’avantage de ne pas aggraver l’inflation normative1334

. Plus

précisément, le Conseil d’État, dans ces fiches thématiques sur l’utilisation du droit

souple dans sept domaines significatifs1335

, explique que le droit souple doit répondre

aux préoccupations contemporaines de lutte contre l’inflation normative. Il souligne

également que l’inflation normative est souvent dénoncée comme une charge mal

supportée par les collectivités au moment où leurs ressources diminuent. De plus, la

profusion du droit dur est dénoncée comme une entrave à la construction des

logements comme à la réalisation de projets d’aménagement et d’équipement.

1331 Préc. Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.

1332 TALEC (Mie), La régulation en droit administratif, la régulation existe-t-elle ?, Academia edu.

1333 Comme en matière d’internet.

1334 Comme en matière de programmation des collectivités territoriales dans les domaines de

l’environnement, de la santé ou de l’aménagement (cf. schémas de cohérence territoriale, schémas

directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, schémas régionaux d’organisation sanitaire). 1335

Conseil d’État., 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines significatifs,

9 p., p. 5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Induire et influencer les comportements sans contraindre, tel est l’objet de la

régulation juridique. Comme l’écrit Paule QUILICHINI, « réguler n’est pas

juger1336

». La régulation constitue une alternative « douce » là où l’État ne peut pas

agir trop directement mais là aussi, où il faut néanmoins surveiller les comportements

des opérateurs. Ainsi, la régulation est un moyen de compléter le contrôle du juge qui

connaît des limites en la matière1337

. Permanente et essentiellement préventive,

contrairement au contrôle juridictionnel qui intervient ponctuellement et a

posteriori1338

, la régulation est un instrument de prophylaxie des dérives

comportementales dans un secteur donné.

B. La régulation du contentieux de l’urbanisme

La régulation est un mode juridique de protection de l’intérêt général trop peu

exploité dans l’urbanisme comme mode de prévention des contentieux. Or, la

flexibilité de cette notion s’adapte à la fois à la nécessité de protéger l’intérêt général

ainsi qu’à l’appréhension de l’évolution des pratiques contentieuses des administrés

(1.). De plus, pour la protection et l’arbitrage l’intérêt général consistant à

l’élaboration d’un urbanisme durable et abordable, le juge administratif n’est pas le

plus à même de faire figure de régulateur (2.).

1) L’appréhension de l’évolution des pratiques

contentieuses

Certes l’urbanisme, l’aménagement des territoires, la planification de l’aménagement

connaissent des instruments de régulation non juridictionnels et non directement

étatiques. Les schémas et documents de programmation en sont la manifestation.

Comme le souligne le Conseil d’État, cela s’explique par un « besoin de

1336 QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.

1337 Ibid.

1338 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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coordination, lié à la plus grande complexité de la gouvernance des politiques dans

un contexte décentralisé1339

».

Mais, la régulation juridique n’existe pas comme instrument de prévention du

contentieux. Il n’y a pas d’entité habilitée à présenter des avis, des recommandations

ou des réserves sur des projets en amont, ce qui présenterait un intérêt prophylactique

en termes de contentieux.

En outre, les collectivités territoriales sont de plus en plus contraintes par des

exigences et des objectifs en matière d’aménagement et de construction de logement.

Or, le droit dur de l’urbanisme apparaît de plus en plus comme un obstacle à la

marge de manœuvre nécessaire pour atteindre ces exigences et ces objectifs. Face à

ce constat problématique, le Conseil d’État recommande de favoriser la rédaction de

textes législatifs et réglementaires plus brefs, et de rationaliser le recours aux

schémas et programmation. Il recommande, également d’encourager l’élaboration de

recommandations de bonnes pratiques par opposition à l’édiction de nouvelles

normes plus contraignantes1340

.

Compte tenu de l’ensemble de ces observations, l’instauration d’une autorité de

régulation pourrait présenter plusieurs intérêts. Permanente et préventive, une telle

autorité pourrait analyser un projet de construction et faire des recommandations au

pétitionnaire ou à l’inverse émettre des réserves. Les tiers pourraient se manifester et

faire valoir leurs griefs en amont. Dès lors, la régulation apparaîtrait comme un

moyen de lutter, très en amont, contre les recours abusifs, d’une part en veillant à une

intégration la plus optimale possible du projet dans son environnement d’accueil et,

d’autre part en intégrant dès l’origine les observations des tiers (en sus des

concertations publiques qui existent déjà1341

).

L’instauration d’une autorité régulatrice permettrait de prendre en compte de manière

souple l’évolution des pratiques des administrés. Et cette prise compte souple se

ferait sans aggraver le phénomène de l’inflation législative déjà marqué en matière

d’urbanisme. Elle se ferait aussi sans rogner davantage le droit au recours des tiers.

1339 Préc. Conseil d’État, 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines

significatifs, 9 p., p. 5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales. 1340

Ibid. p. 6. 1341

En matière de ZAC, Code de l’urbanisme, art. L. 300-2.I.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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2) Un régulateur non juridictionnel pour un

urbanisme durable

En matière de contentieux d’urbanisme, c’est le juge administratif qui fait figure

d’arbitre. Mais, en tant que juge de la légalité, et malgré un mouvement de

subjectivisation de son office, le juge administratif est contraint par le droit dur. Or,

l’une des particularités des contentieux de l’urbanisme, et notamment des recours

abusifs quand ils ne sont pas mercantiles, est le refus du projet. Cela vise

essentiellement les logements sociaux. Dans de telles hypothèses, le juge

administratif qui intervient a posteriori et ponctuellement n’est pas le mieux placé1342

pour prévenir les contentieux et défendre un urbanisme durable1343

.

En revanche, un régulateur a priori et permanent peut être l’instrument de la

prévention des contentieux et de la défense d’un urbanisme durable par la souplesse

de la marge de manœuvre dont il dispose par hypothèse.

« Le mou, le doux et le flou sont-ils des garde-fous de nos sociétés post-

modernes1344

? » En effet, la rigueur, la complexité et le manque de souplesse du

droit de l’urbanisme1345

sont décriés comme l’une des causes du contentieux de

l’urbanisme. Ainsi, laisser une marge de manœuvre au cas par cas, projet par projet,

en fonction de l’environnement peut être un garde-fou utile. Et sortir du cadre

habituel du prétoire peut faciliter le changement des comportements, car c’est aussi

l’objet de la dernière réforme, « modifier le comportement des acteurs1346

». Or, la

régulation vise précisément à encadrer un secteur de la vie sociale, en l’occurrence

l’aménagement du territoire. Elle vise également à réaliser dans le respect de

l’équilibre entre les intérêts voulus par le législateur et dans ce cadre à arbitrer ces

intérêts en présence1347

.

1342 Préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.

1343 Ce n’est du reste pas sa mission, puisqu’il est tenu au seul contrôle de la légalité de l’acte.

1344 Selon les termes de Mireille DELMAS-MARTY. Cf. DELMAS-MARTY (M.), Introduction : les

nouveaux lieux et les nouvelles formes de régulation des conflits, in Les transformations de la

régulation juridique, LGDJ, 1998, p. 212. 1345

Préc. LABETOULLE (D.), Contentieux de l’urbanisme : « il faut modifier le comportement des

acteurs », AJDA, 2013, p. 1188. 1346

Ibid. 1347

TEITGEN-COLLY (C.), Les autorités administratives indépendantes : histoire d’une institution,

p. 22. in COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), op. cit., Les autorités administratives indépendantes,

PUF, Paris, 1988, 319 p., p. 26.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

395/480

Outre, la non-aggravation de l’inflation législative, la « déjuridictionnalisation1348

»

d’une partie du contrôle de légalité des autorisations d’urbanisme présenterait

l’avantage de l’efficacité, de la simplicité et de la prévention. Mais cette « stratégie

du mistigri1349

», par laquelle l’État se déchargerait de la responsabilité de certaines

décisions en faisant des autorités régulatrices locales les boucs émissaires du

changement1350

, ne doit pas laisser croire que le juge administratif n’aurait plus de

rôle à jouer1351

.

Au contraire, le régulateur aurait un rôle d’intermédiaire entre l’Administration, la

justice, le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et les tiers. En aucun cas, le

régulateur ne se substituerait ni à l’Administration, ni au juge administratif. À l’heure

où la gouvernance des territoires est repensée et les intercommunalités renforcées1352

,

le régulateur aurait seulement pour objet de compléter le dispositif normé existant1353

et de renforcer le dispositif d’encadrement souple des projets urbains à l’échelle des

intercommunalités1354

.

II. Les autres voies juridiques et non juridiques

En vue d’endiguer le phénomène de multiplication des recours abusifs contre les

autorisations d’urbanisme, la création d’autres voies juridiques, en parallèle d’une

procédure de régulation, peut être envisagée (A.). En outre, des outils non juridiques,

1348 Préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA, 2004, p. 1060.

1349 JOBERT (B.), La régulation politique : le point de vue d’un politiste, in COMMAILLE (J.) et

JOBERT (B.), Les métamorphoses de la régulation politique, coll. Droit et société, LGDJ, Paris,

2000, vol. no 24, 381 p., p. 119.

1350 CHEVALLIER (J.), La régulation juridique en question, Droit et société, Étude n

o 49, 2011,

p. 827-846. 1351

SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif

ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,

Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 393. 1352

JARLIER (P.), Quel droit pour un urbanisme durable in Quel Droit pour un urbanisme durable ?,

direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 179. 1353

CHEVALLIER (J.), Autorités administratives indépendantes et la régulation des marchés,

Justices, janvier-juin 1995, p. 90, cité par préc. QUILICHINI (P.), Réguler n’est pas juger, AJDA,

2004, p. 1060. 1354

LE GRAND (V.), L’intercommunalité creuset de l’urbanisme durable in Quel Droit pour un

urbanisme durable ?, direction LE GRAND (V.), 182 p. p. 141 v. spécialement p. 159.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

396/480

mais facilitant le travail du juge administratif et du législateur, devraient être mis en

place (B.).

A. Les autres voies juridiques

Au rang des autres voies juridiques qui pourraient être explorées pour lutter contre

les recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme et ainsi améliorer la

sécurité des bénéficiaires de ces autorisations, il nous semble qu’il pourrait être mené

une réflexion plus globale sur l’accès au juge administratif. En effet, des réponses en

trompe-l’œil ne suffisent plus (1.). Le temps est venu d’envisager de « vraies »

solutions (2).

1) En finir avec les solutions en trompe-l’œil

Une autre cause d’insécurité résulte de ce que le droit administratif n’est plus

monolithique. Il ne forme plus, comme par le passé, un tout cohérent. Au contraire, il

doit aujourd’hui concilier deux séries de considérations désormais égales à ses yeux,

mais largement antagonistes. La première série relève l’action de l’Administration et

la seconde relève des droits des administrés1355

. Face à l’évolution de la dynamique

du droit administratif qui n’est plus seulement verticale (administration

administré), il s’impose de repenser l’accès au juge administratif et d’envisager

une réflexion plus globale sur l’accès au juge administratif en considérant

l’insuffisance des solutions retenues jusqu’à présent.

Depuis les années 19701356

, le contentieux administratif n’a cessé de croître1357

. Ces

dix dernières années, le nombre d’affaires portées devant le juge administratif a

1355 SOLER-COUTEAUX (P.), op. cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif

ou la dualité moderne du droit administratif in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,

Mélanges J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 400. 1356

GOHIN, (O.), Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p., p. 155,

§ 168 ; PAILLET (M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER,

Bruxelles, 2010, 321 p.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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augmenté de 96 % devant les tribunaux administratifs et de 164 % devant les cours

administratives d’appel1358

. Depuis le début des années 2000, le contentieux

administratif progresse annuellement de 6,5 % en moyenne pour les tribunaux

administratifs et de 10 % pour les cours administratives d’appel1359

. Cette croissance

est la conséquence d’une forte activité dans les domaines traditionnels du contentieux

administratifs (fiscalité, contrats administratifs, fonction publique, libertés publiques,

police administrative), mais pas seulement. En effet, cette croissance est aussi la

conséquence de la progression du contentieux de l’environnement, de

l’aménagement du territoire et de l’urbanisme en parallèle de la progression

également notable en matière de régulation de l’audiovisuel, de protection des

citoyens à l’égard du traitement nominatif des données individuelles comme en

matière socio-économique ainsi, enfin, qu’en matière de droit au logement

opposable1360

.

Jusqu’à présent des « fausses réponses1361

» ont été recherchées du côté de la

procédure juridictionnelle administrative. Mais ces solutions n’ont pas permis de

répondre ni à l’encombrement des tribunaux d’une manière générale ni à la

multiplication des recours abusifs dans le contentieux de l’urbanisme.

Parmi ces solutions en trompe-l’œil, il y a bien sûr l’amende pour recours abusif dont

le principe remonte à la loi du 4 août 19561362

et qui est régie en droit positif par

l’article R. 741-12 du Code de justice administrative. Son montant a régulièrement

été actualisé mais sans a jamais donné de signes d’efficacité1363

.

Il y a eu également la suppression temporaire des conclusions du commissaire du

gouvernement sur chaque affaire1364

avant que la loi du 6 janvier 19861365

fixant les

1357 SAUVE (J.-M.), Je me sens pleinement responsable de tous les degrés de la juridiction

administrative, AJDA, 2007, p. 556. 1358

Conseil d’État, site, rub. En Bref, Le juge administratif, au cœur de la vie publique, est saisi d’un

contentieux qui progresse fortement et se diversifie, 29 oct. 2014 ; v. également plaquette Conseil

d’État, La justice administrative, en bref, 6 p., spé. p. 5. 1359

Ibid. 1360

Ibid. 1361

Expression utilisée par Olivier GOHIN, in GOHIN, (O.), op. cit., Contentieux administratif,

manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p., p. 147, § 157.

1362 Code général des impôts, art. 1016.

1363 Préc. FRAISSEX (P.), Droit au juge et amende pour recours abusif, AJDA, 2000, p. 20.

1364 Prononcée sur décision du président à l’initiative d’abord du président lui-même (décret, 17 juin

1980) puis du commissaire (décret, 27 oct. 1982). 1365

Loi no 86-14 du 6 janvier 1986 fixant les règles garantissant l’indépendance des membres des

tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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règles garantissant l’indépendance des membres des tribunaux administratifs ne

rétablisse ces conclusions1366

. Dans le même registre, il y a eu le rétablissement

« malencontreux mais temporaire1367

» du droit du timbre1368

dont l’institution a

encombré davantage encore les juridictions administratives et dont, comme le

souligne René CHAPUS, « l’inattendue complexité a valeur de leçon1369

».

Dans le même sens, il y a eu l’introduction d’un mécanisme de désistement forcé des

requérants négligents1370

, à moins que dans le délai imparti, l’intéressé renonce à la

production de l’ampliatif annoncé dans son recours ou dans un mémoire1371

, ou s’il

produit un mémoire complémentaire avec le même contenu que la requête

initiale1372

.

Enfin, au titre de ces réformes en trompe-l’œil, il y a la suppression de la possibilité

d’appel dans un certain nombre de litiges1373

. Force est de constater que le double

degré de juridiction connaît une « lente érosion1374

». Et la réforme du contentieux de

l’urbanisme ne déroge pas à la règle. En effet, rappelons que le décret no 2013-879

du 1er

octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme permet aux tribunaux

administratifs de statuer en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis

de construire, de démolir un logement ou d’aménager un lotissement lorsque ces

permis sont situés dans les communes mentionnées à l’article 232 du Code général

des impôts1375

. Ce sont les communes entrant dans le champ d’application de la taxe

1366 Loi n

o 86-14 du 6 janvier 1986, art. 18 : […] « Ses conclusions sont publiques, elles sont

prononcées sur chaque affaire ». 1367

GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,

p. 147, § 157. 1368

Code de justice administrative, art. R. 411-2, abrogé, décret, 26 déc. 2003, art. 3. 1369

CHAPUS (R.), op. cit. Droit du contentieux administratif, manuel, Paris, Domat droit public,

Montchrestien Lextenso-Éditions, 13e éd., 2008, 1540 p., p. 526 et s., § 624.

1370 Devant le Conseil d’État, Code de justice administrative, art. R. 611-22 ; devant les juridictions

inférieures, Code de justice administrative, art. R. 612-5. 1371

CE, Sect., 26 juill. 1996, Société Entrepositaire parisienne, no 160269, Rec. Lebon, p. 312, note

PACTEAU (B.), LPA, 18 oct. 1996, p. 24 1372

CE, 9 juill. 1997, Sté SIMESCOL, no 179047, Rec. Lebon, T., p. 1009, note PACTEAU (B.), LPA

18 mars 1998, p. 15 ; PACTEAU (B.), Le désistement d’office en contentieux administratif. Regards

et reproches de la Cour européenne, AJDA, 2009, p. 547. 1373

GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,

p. 147, § 157 ; v. également pour une illustration sur le décret du 24 juin 2003, BOISSARD (S.), Vers

un désencombrement des cours administratives d’appel ?, AJDA 2003, p. 1375. 1374

Expression de Maryse DEGUERGUE, in. DEGUERGUE (M.), Le double degré de juridiction,

AJDA, 2006, p. 1308. 1375

Codifiée à l’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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« d’inhabitation1376

». Cette mesure prive indéniablement l’administré de son droit à

un double degré de juridiction1377

. Certes le Conseil d’État refuse toujours de

reconnaître une valeur constitutionnelle au double degré de juridiction1378

, mais la

suppression du double degré de juridiction remet en cause l’effectivité d’autres

principes à valeur constitutionnelle tels que le principe d’égalité des usagers devant

la justice, dès lors que le pouvoir d’interjeter appel n’est pas supprimé pour tous les

justiciables1379

. Sans oublier, ainsi qu’il a été rappelé au début de nos

développements que le Conseil constitutionnel a jugé que le principe d’égalité devant

la justice interdit au législateur de supprimer pour l’une des parties l’exercice du

double degré de juridiction1380

. Finalement, ainsi que l’observe Maryse

DEGUERGUE, le double degré de juridiction fait figure de variable d’ajustement de

la productivité des juridictions administratives1381

, ce qui est à déplorer.

Ces solutions en trompe-l’œil ne suffisent plus, si tant est qu’elles aient un jour suffi.

Il faut se tourner vers d’autres solutions en élargissant le spectre des solutions au-

delà de la procédure juridictionnelle administrative proprement dite.

2) Repenser l’accès au juge avec de « vraies »

solutions

Les réformes faites jusqu’à présent ont complexifié le droit de l’urbanisme, renforcé

ses particularismes et hyperspécialisé la procédure contentieuse qui lui est applicable.

1376 Cons const., 29 juill. 1998, n

o 98-403 DC, Taxe d’inhabitation, R.J.C., I-76 ; Cons. const., 29 déc.

2012, no 2012-662 DC, JO 30 déc. 2012 ; sur la légalité du décret : CE, 24 mai 2000, n

o 204657, Dr.

fisc., 2000, p. 742 ; Commentaire administratif de la taxe : BOI-IF-AUT-60, 12 sept. 2012. 1377

Préc. CREPEY (E.), Les nouvelles règles du procès en matière d’urbanisme, AJDA, 2013 p. 1905. 1378

Le Conseil d’État juge, en effet, qu’il ne fait aucun doute que les stipulations de l’article 6 § 1

CED.S.D.H. « n’imposent pas l’existence d’un double degré de juridiction », cf. CE, 5e et 7

e SSR,

9 fév. 2000, COMPAROIS, no 185667, Rec. Lebon, p. 38, RFDA, 2000, p. 480 ; dans le même sens, le

Conseil constitutionnel juge que « le principe du double degré de juridiction n’a pas, en lui-même,

valeur constitutionnelle », cf. Cons. const., 12 fév. 2004, no 2004-491 DC, Loi complétant le statut

d’autonomie de la Polynésie française, JO 2 mars 2004, p. 4227. 1379

DEGUERGUE (M.), Le double degré de juridiction, AJDA, 2006, p. 1308. 1380

Préc. Cons. const., 20 janv. 1981, no 80-127 DC, Sécurité et Liberté ; Rec. Cons. const., p. 15 ;

R.J.C. p. I-90 ; JO 22 janv. 1981, p. 308 ; FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), les grandes décisions du

Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, Grands Arrêts, 13e éd., 2005, p. 426.

1381 Ibid.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

400/480

Les « vraies » solutions sont, et nous nous faisons ici l’écho d’Olivier GOHIN, d’une

part, le recrutement de nouveaux magistrats mieux formés aux problématiques de

l’urbanisme, et d’autre part, le renforcement de la fourmilière des greffiers1382

et des

assistants1383

de justice comme des fonctions supports dont il ne faut pas sous-

estimer l’utilité1384

. En effet, des moyens accrus, des équipes mises en valeurs et des

personnels mieux formés sont le gage d’une meilleure justice. Dans le même sens, il

faut sans doute séduire davantage d’avocats dont le désintérêt pour la juridiction

administrative est flagrant1385

, obligeant des requérants quérulents1386

à se défendre

eux-mêmes avec la ténacité qui les caractérise.

De plus, s’agissant d’une réforme plus globale des juridictions administratives,

Olivier GOHIN préconise la création de nouvelles juridictions inférieures1387

comme

d’autres préconisent la création d’un tribunal spécialisée pour les marchés

financiers1388

. Hugues PÉRINET-MARQUET et Jean-Paul GILLI suggèrent la

1382 Même si une première charte, charte dite de gestion, a été signée en décembre 2010 permettant

aux agents de greffe d’être mieux reconnus dans leur ministère d’origine en particulier en matière de

formation, de mobilité et d’évolution de carrière. La seconde charte dite charte du dialogue social des

greffes des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel a été signée en mai 2011.

Cette dernière définit les conditions favorisant l’instauration et la pérennisation d’un dialogue social

harmonieux au sein des greffes dans les relations de travail entre l’Administration et les représentants

du personnel. Cf. SAUVE (J.-M.), Conclusions et perspectives, AJDA, 2012, p. 1220 in dossier

AJDA, no 22/2012, Les mutations de la justice administrative.

1383 GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6

e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,

p. 158, § 172. 1384

Il s’agit de la direction des ressources humaines et de formation continue, de la direction des

services généraux (matériels et bureautiques), de la direction des systèmes d’information, de la

direction de la documentation (bibliothèque et archives). 1385

VILLETORTE (A.), op. cit., Les utilisateurs des tribunaux administratifs, in Trentième

anniversaire des tribunaux administratifs, Institut français des sciences administratives, édition du

CNRS, 1986, 380 p., p. 136, note no 3 ; BLAIS (H.), op. cit., « Compte rendu d’une enquête auprès

des justiciables », in Les transformations de la justice administrative, Economica, IDL, Paris, 1995,

254 p., p. 90, note no 39.

1386 PAILLET-AUGEY (C.), Compte rendu de colloque, Modernisation de la juridiction

administrative et qualité de la justice, 23 nov. 2009, Blog Droit Administratif. V. également PAILLET

(M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER, Paris, 2010, 322 p. 1387

GOHIN, (O.), op. cit. Contentieux administratif, manuel, 6e éd., LITEC, Paris, 2009, 485 p.,

p. 158, § 172. 1388

SCHMIDT (D.) et LE FUR (A.-V.), Pour un tribunal des marchés financiers, Bull. Joly Bourse,

31 janv. 2015, no 1, p. 24, réf. n

o JBB-112a1.

Page 401: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

401/480

création de chambres spécialisées1389

. Quant à nous, nous avons évoqué la création

d’une autorité de régulation et de validation des projets.

Il ressort de la combinaison de ces idées qu’il y a là un manque. Face à

l’hyperspécialisation du droit de l’urbanisme, un besoin d’une structure spécialisée se

fait sentir. La doctrine rappelée préconise de réagir à l’hyperspécialisation du droit de

l’urbanisme par une hyperspécialisation de la juridiction administrative tandis que

nous préconisons une entité extérieure, semblable à une autorité administrative

indépendante. Le vecteur commun de ces préconisations réside dans l’idée d’un

besoin d’une structure spécialisée aux contentieux de l’urbanisme. En pratique, les

tribunaux administratifs suffisamment importants s’organisent en pratique en

chambres spécialisées dont l’une est dédiée au contentieux de l’urbanisme, de

l’aménagement et de l’environnement1390

, mais cette organisation ne semble pas

suffire.

En outre, il s’agirait aussi de s’interroger sur le maintien de l’hétérogénéité des

procédures et des modes de saisines. L’introduction du guichet unique de greffe1391

a

déjà permis de gommer légèrement l’hétérogénéité des procédures. Dans le même

sens, les abus via l’aide juridictionnelle1392

ne doivent pas être minorés1393

, ces abus

facilitent le même esprit d’abus dans l’exercice du droit au recours.

1389 Préc. GILLI (J.-P.), Le juge judiciaire et le droit de l’urbanisme, AJDA, 1993, p. 55.

V. également, PÉRINET-MARQUET (H.), L’inefficacité des sanctions du droit de l’urbanisme,

D. 1991, p. 37 1390

Préc. Rép. Min. Justice et des libertés, JO Sénat, 19 avr. 2012, p. 995. 1391

Suite à la recommandation du rapport CASORLA, Réflexions sur l’amélioration de l’accès à la

justice par la mise en place d’un guichet unique de greffe et la simplification de juridictions de

première instance : rapport à M. le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Doc. Fr., 152 p., p. 68. 1392

DONIER (V.) et LAPEROU-SCHENEIDER (B.), L’accès au juge : recherche sur l’effectivité

d’un droit, Bruylant, Bruxelles, 2013, 1000 p. 1393

Question écrite no 95213 de M. GUILLAUME GAROT, JOAN, 7 déc. 2010, p. 13278 ; Rép Min

garde des Sceaux, min. de la Justice et des libertés, JOAN, 15 fév. 2011, p. 15555 : extrait de la

réponse « Aucun justiciable ne doit être empêché de défendre ses droits par des difficultés financières.

Cependant, le principe de gratuité absolue inhérent à l’aide juridictionnelle totale peut parfois

conduire à des abus dans l’usage de ce droit. Plusieurs parlementaires ont alerté la chancellerie sur le

comportement de certains justiciables engageant des actions judiciaires à répétition en raison de leur

éligibilité à l’aide juridictionnelle. Au-delà du coût pour la justice, cet usage répété de l’aide

juridictionnelle pénalise les victimes de comportements procéduriers qui doivent régler des honoraires

d’avocat pour se défendre ou demander l’aide juridictionnelle. »

Page 402: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

402/480

Enfin, le phénomène d’« e-justice » avec la dématérialisation1394

des pièces de

procédures et l’introduction des visioconférences peut être un moyen de faciliter la

mise en place d’une autorité de régulation ou autorité de prévalidation du projet avec

une généralisation d’une consultation dématérialisée des tiers, via par exemple un

portail ou une data room pour les personnes justifiant d’un intérêt pour agir. Ces

dernières pourraient ainsi faire valoir leurs observations en amont des projets (en

dehors des cas prévus par la loi concernant essentiellement les ZAC). Un premier pas

vers la concrétisation de cette solution a été fait avec l’ordonnance1395

du

19 décembre 2013. En effet, cette ordonnance concerne l’amélioration des conditions

d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes publiques. Ratifiée le 24 mars

2014 par la loi ALUR1396

, elle a valeur de loi. Elle vise la création d’un portail

national de l’urbanisme destiné à la consultation des informations en matière de

documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique. Elle précise les

conditions dans lesquelles ces informations sont mises en ligne et impose aux

autorités compétentes l’obligation de transmettre à l’autorité gestionnaire du portail

les informations nécessaires. Enfin, soulignons qu’il s’agit là de la réponse à une

exigence européenne consistant dans la mise en œuvre de la directive européenne

2007/2/CE du 14 mars 2007, dite « directive INSPIRE ». Cette directive vise à

établir une infrastructure d’information géographique dans la Communauté

européenne pour favoriser la protection de l’environnement1397

.

Dans le même sens, il faut élaborer une base de données fiable et récapitulative de

l’ensemble des normes urbaines et servitudes applicables par parcelle. Ceci peut se

faire par le développement informatique au niveau national via le cadastre

éventuellement ou au niveau des intercommunalités via les PLU Concrètement,

d’abord il est indispensable que tous les territoires mettent en accès libre les

documents d’urbanisme sur internet. Ensuite, il faut déployer un outil où il suffirait

de cliquer sur la parcelle visée par le projet pour connaître l’ensemble des règles

d’urbanisme qui lui sont applicables y compris les schémas divers qui peuvent

1394 V. pour les atouts et les risques de la dématérialisation de la justice, Étude FOREY (E.), La

dématérialisation de la justice et l’accès au juge, in DONIER (V.) et LAPEROU-SCHENEIDER (B.),

L’accès au juge : recherche sur l’effectivité d’un droit, Bruylant, Bruxelles, 2013, 1000 p. 1395

Ordonnance no 2013-1184, 19 déc. 2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux

documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité publique, JO, 20 décembre 2013 ; ratifiée par

L. no 2014-366, 24 mars 2014, art. 172, IV, 8

o, JO, 26 mars (NOR : ETLX1327949R).

1396 Loi n

o 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 172.

1397 Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n

o 2013-1184, 19 déc. 2013, relative

à l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et aux servitudes d’utilité

publique, JORF, no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n

o 24 (NOR : ETLX1327949P).

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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exister, et y compris l’indication des servitudes privées1398

, publiques1399

, ou d’utilité

publique1400

(par exemple, transport ou distribution d’eau et d’électricité, conduite de

gaz). Les coordonnées et la qualité de la personne compétente pour délivrer

l’autorisation pour la parcelle devraient également figurer sur le récapitulatif des

données en vigueur applicables à la parcelle. La ville de Paris déploie un excellent

outil proche de ce que nous décrivons. Cet outil fonctionne via le document

graphique du PLU de la ville de Paris. Développer un tel outil pour tous les

territoires serait un gain de sécurité juridique pour les pétitionnaires comme pour les

tiers. En effet, un tel outil rend lisible et accessible l’ensemble des normes et

servitudes applicables à la parcelle visée par le projet en amont. Dès lors, des erreurs

et des vices de légalité de l’autorisation d’urbanisme seraient ainsi évités.

B. Les voies non juridiques

Sans doute existe-t-il moult voies non juridiques qui pourraient participer au

processus de lutte contre les recours abusifs formés contre les autorisations

d’urbanisme. Nous avons identifié deux principales voies qui ne sont pas directement

normatives. Eu égard au nombre de recours que déclenchent les projets de

construction de logements sociaux, il nous semble primordial de redorer l’image de

ces logements (1.). En outre, afin de mesurer l’efficacité ou l’inefficacité de la

réforme anti-abus, il nous paraît également primordial de mettre en place un outil de

statistiques efficace (2.).

1) Redorer l’image des logements sociaux

Le logement social véhicule une image hautement négative1401

dans l’opinion

publique et souvent dans l’esprit des élus communaux1402

. Nombre de recours abusifs

1398 Code civil, art. 637 à 710.

1399 Code de l’urbanisme, art. L. 123-1-5 (sur les emplacements réservés), L. 123-2 (servitude de

mixité sociale et autres), art. L. 130-1 (espaces boisés classés). 1400

Code de l’urbanisme, art. L. 126-1 et art. R.* 126-1. 1401

CHARMES (E.) La rue, village ou décor ? : Parcours dans les deux rues de Belleville,

CREAPHIS, Paris, 2006, 128 p., p. 40 ; DRIANT (J.-C.), Crise du logement et mutations de politiques

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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sont exercés contre des projets de construction parce que ces projets portent sur des

logements sociaux.

Des politiques publiques ont déjà été amorcées pour améliorer l’image du logement

social. Ainsi, un pan du processus a été engagé avec le PLH, c’est-à-dire le

Programme local de l’habitat1403

. Ce programme a pour objet de maintenir l’accès à

l’habitat pour tous dans un marché tendu, de poursuivre le renouvellement urbain et

de conserver un environnement urbain de qualité et améliorer l’image des logements

sociaux.

Dans le même sens, l’USH, l’Union sociale pour l’habitat1404

, lors de sa première

campagne, participe à ce processus d’amélioration de l’image du logement social

dans l’opinion publique. L’USH est l’organisation représentative du secteur HLM

qui représente quelque sept cent cinquante-cinq organismes HLM à travers cinq

fédérations1405

. L’USH a pour principale mission de représenter et de proposer les

contributions à la politique du logement. Elle a également pour mission d’agir en

concertation, d’accompagner, de conseiller, de former les professionnels des

organismes HLM et de promouvoir l’information des organismes et la sensibilisation

des publics.

Joachim SOËTARD, directeur de la communication et des revues de l’USH explique

qu’il est nécessaire d’améliorer l’image des HLM auprès du grand public :

Depuis les années 1970, les HLM ont une mauvaise image – sécurité, ascenseurs

en panne, faits-divers, précarisation et paupérisation des populations – et sont

devenues une victime du discours médiatique. Du coup, pendant près de trente

ans, l’USH a surtout mené des actions de lobbying fortes sans chercher à

communiquer. Jusqu’en 2011, il n’y avait pas de lettre aux élus, de site internet,

du logement en France in FEE (D.) et NATIVEL (C.), Crises et politiques du logement en France et

Royaume Uni, Presses de la Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008, p. 255 p., spé p. 53-54 ; GUESLIN (A.),

Les gens de rien : une histoire de la grande pauvreté dans la France du XXe siècle (Nouvelles Études

Historiques), FAYARD, Paris, 2004, 456 p. ; CLERVAL (A.), Paris sans le peuple : la gentrification

de la capitale, La Découverte, Paris, 2013, 254 p. 1402

DRIANT (J.-C.), op. cit., Crise du logement et mutations de politiques du logement en France in

FEE (D.) et NATIVEL (C.), Crises et politiques du logement en France et Royaume Uni, Presses de la

Sorbonne Nouvelle, Paris, 2008, p. 255 p., spé p. 53-54. 1403

Créé par la loi no 83-8 du 7 janvier 1983 ; Code de la construction et de l’habitation, art. L. 302-1

et suivants ; Circulaire no 92-86 du 22 décembre 1992 relative aux programmes locaux de l’habitat

(BOMELT no 93/3).

1404 Anciennement connue comme l’Union des habitations bon marché (HBM).

1405Union-habitat.org, rub. qui sommes-nous ?

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

405/480

de film pédagogique, de newsletter, etc. L’USH a maintenant une signature :

« Habiter mieux, bien vivre ensemble »1406

.

Au-delà de cette stratégie de communication, indispensable, visant à faire évoluer

l’opinion commune à l’égard du logement social et à transformer la réputation de ces

logements, il nous semble que cela ne peut se faire que par une meilleure

assimilation concrète dans le paysage local. Pour pallier cette mauvaise réputation et

ainsi « tuer dans l’œuf » l’aversion1407

à l’égard de l’arrivée d’un programme à

caractère social et donc pour limiter les recours abusifs motivés par cette aversion, il

faut rétablir la sécurité dans les HLM1408

. Il faut améliorer l’hygiène et la propreté en

responsabilisant les locataires contre les incivilités. Cela suppose d’améliorer la

qualité et l’esthétique architecturale1409

des blocs sociaux. Le programme national de

rénovation urbaine (PNRU) a déjà permis de dégager des résultats1410

. Cependant, les

efforts doivent être poursuivis.

En résumé, pour limiter les recours abusifs exercés contre les projets de construction

de logements sociaux, il faut lutter contre le processus de « ghettoïsation active1411

»

qui caractérise les blocs sociaux marqués par d’importants « effets de lieux1412

»,

1406 LEITHUS (C.) Relations publiques : les HLM gagnent en pédagogie, Strategies.fr, rub. études-

tendances, dossiers, 12 sept. 2014 à l’occasion de la remise du Grand prix Stratégies de relations

publiques 2014 pour la création de la Semaine nation des HLM à l’Union sociale pour l’habitat et son

agence Confluence. 1407

Pour des illustrations v. POUYAT (A.), HLM : La fronde du 16e, le Journal du Dimanche, 16 juin

2010, art. consultable sur www.lejdd.fr/Politique/Actualite, s’agissant d’une opposition des habitants

du 16e arrondissement de Paris contre la construction de 407 HLM, alors que l’arrondissement n’en

comptait, au moment des faits que 2,5 % alors que la loi en exige 20 % ; v. également pr une illus.

dans les Yvelines à Jouy-en-Josas, BEAUGRAND (V.), Près de 1 500 signatures contre les HLM, Le

Parisien, 25 nov. 2005, consultable sur le parisien.fr, les « frondeurs » invoquaient le caractère

inondable des sous-sols. 1408

V. Rapport PEYRAT (D.), intitulé Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement social,

Doc. Fr., Fév. 2002, 175 p., v. p. 44 et suivantes. 1409

Les programmes de réhabilitation et les nouveaux programmes sont plus exigeants que par le

passé en termes de qualité, de performances énergétiques et d’esthétique architecturale. Mais l’image

négative véhiculée par les nouveaux programmes sociaux demeure. Cf. préc. CAZALDA (Ch.) et

DECREMER (R.), La ligne à grande vitesse Est européenne : évaluation de l’impact sur les prix de

l’immobilier, Thème, Insee : « Certaines études montrent que les prix des logements individuels

diminuent lorsqu’ils se situent à proximité de logements sociaux. » 1410

V. site de l’USH, union-habitat.org, Premier bilan de la rénovation urbaine, rub. Accueil, Le Mag,

Dossiers, fév. 2012, Les chiffres clés de la rénovation urbaine. 1411

Préc. rap. PEYRAT, p. 45. 1412

BOURDIEU (P.), Les effets de lieux, in La misère du monde, coll. Libre Examen politique, Seuil,

1993, 947 p., p. 161 ; Le sociologue analyse, les « effets de lieu » dans les ghettos américains en ces

termes : « ces lieux à l’abandon, qui se définissent, fondamentalement, par une absence –

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c’est-à-dire les interactions positives ou négatives des lieux, des classes et des

cultures avec les individus.

En d’autres termes, les « effets de lieux » peuvent être schématisés de la manière

suivante. Les classes dominantes occupent des lieux valorisés par leur

environnement, leur exposition, leur situation géographique. Cette occupation par les

classes dominantes accroît la valeur de ces lieux. Et cette augmentation de valeur

renforce encore l’attractivité de ces lieux à l’égard des classes dominantes (rentes de

situation, prestige des adresses).

Réciproquement, les classes « dominées », moins favorisées, sont reléguées aux

espaces moins valorisés, c’est-à-dire des lieux dévalorisés, des adresses décotées,

pauvres et souvent criminalisées. Cette occupation par ces classes défavorisées

aggrave le caractère répulsif de ces lieux décotés. Et ceci a pour conséquence de

rendre ces lieux encore plus sinistrés et d’accroître la paupérisation locale1413

.

2) Créer un outil de statistiques efficace

L’outil statistique pour mesurer scientifiquement et publiquement1414

la réalité et

l’ampleur du phénomène des recours abusifs fait cruellement défaut1415

. De ce fait, il

n’est pas possible de connaître de manière objective et publique quelle est l’efficacité

de la réforme. L’insuffisance des outils statistiques est également présente en matière

de mesure de la réputation et de la sécurité des logements sociaux1416

.

essentiellement celle de l’État, et de tout ce qui s’ensuit, la police, l’école, les institutions de santé, les

associations, etc. ». 1413

V. en ce sens le postulat de Pierre BOURDIEU selon lequel la position dominante ou dominée des

groupes dans une société est confortée par des « effets de lieu » subordonnés à la qualité des structures

et des dynamiques de l’espace géographique ainsi qu’à la qualité des structures et des dynamiques

géographiques, in BOURDIEU (P.), op. cit., Les effets de lieu, in La misère du monde, coll. Libre

Examen politique, Seuil, 1993, 947 p., p. 161. 1414

Les professionnels de la construction, notamment les promoteurs et les bailleurs sociaux, tiennent

des statistiques internes et confidentielles. 1415

La difficulté liée à l’absence d’un outil statistique dans ce domaine a d’ailleurs été évoquée au

Sénat. Cf. Sénateur ALTHAPE (L.), Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires

économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme, no 265,

Sénat, Session ordinaire 1999-2000, Paris, 101 p., spé p. 54. 1416

Préc. PEYRAT (D.), pr la secrétaire d’État au Logement et le min. de l’Équipement, des

Transports et du Logement, Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement social, Doc. Fr.,

Fév. 2002, 175 p. 62.

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Pour mesurer la lutte et surtout l’avancement de celle-ci contre les recours abusifs

exercés contre les autorisations d’urbanisme, il faut que l’État et les auteurs de ces

autorisations d’urbanisme se dotent d’un outil statistique efficace pour mesurer les

recours contentieux dont leurs autorisations sont l’objet et ainsi recenser ceux qui

sont abusifs. Sans un tel outil, il n’est pas possible de mesurer l’efficacité des

réformes de sécurisation des autorisations d’urbanisme. Pourtant, la proposition a été

faite au Sénat par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme.

Ce dernier a expressément préconisé de « doter l’État de moyens de suivi statistique

de l’ensemble du contentieux de l’urbanisme1417

». Force est de constater qu’il s’agit

d’une proposition pertinente restée lettre morte. Et nous le déplorons vivement.

En conclusion de cette section, il ressort des observations qui précèdent que plusieurs

solutions peuvent être envisagées pour participer au processus de lutte contre les

recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme.

Ainsi créer une procédure de la régulation apparaît comme une solution pertinente

dans le cadre de la lutte contre les recours abusifs et pour le développement d’un

urbanisme durable. En effet, la régulation juridique participe à la protection des

administrés. Elle fait figure de mode alternatif et préventif de résolution des conflits

et de protection de l’intérêt général comme des intérêts des administrés. De plus, les

autorités de régulation, souvent incarnées en pratique par des autorités

administratives indépendantes, contribuent au renouvellement de la réflexion sur les

voies de droit1418

. La régulation du contentieux de l’urbanisme n’existe pas. Pourtant

une autorité de régulation pourrait concourir à limiter, par prévention, les recours

contentieux en urbanisme. Une autorité de régulation permanente et proactive

permettrait, en outre, de développer un urbanisme durable en intégrant mieux les

projets urbains dans leur environnement d’accueil et dans leur voisinage. D’autres

voies juridiques sont également à envisager. Ces voies conduisent à envisager une

spécialisation du staff juridictionnel administratif mais également à préconiser le

développement et le déploiement, à l’échelle nationale ou intercommunale, d’un outil

1417 Préc. Sénateur ALTHAPE (L.), Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires

économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’urbanisme, no 265,

Sénat, Session ordinaire 1999-2000, Paris, 101 p., p. 8. 1418

En ce sens v. COLLIARD (Cl.-Al.) et TIMSIT (G.), op. cit., Les autorités administratives

indépendantes, PUF, Paris, 1988, 319 p., spé. p. 24 à p. 26.

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informatique recensant les normes urbaines, plans, programmes et servitudes

applicables à une parcelle donnée.

Enfin, des voies non juridiques conduisent elles aussi à identifier des solutions à

créer. Nous avons identifié la nécessité de redorer matériellement et concrètement

l’image des logements sociaux. Des actions existent et sont en cours. Mais il reste

encore à rendre les logements sociaux attractifs et à faire en sorte qu’ils ne soient pas

synonymes de moins-value des quartiers d’implantation. Par ailleurs, il est

indispensable que l’État et les auteurs d’autorisation d’urbanisme se dotent d’un outil

de statistiques du contentieux de l’urbanisme afin de mesurer l’efficacité ou

l’inefficacité de la réforme.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU CHAPITRE 3

Au terme de cette étude, nous ne voudrions pas avoir donné l’impression que

l’insécurité du droit administratif tient à une cause unique et qu’il existerait un

remède radical.

SOLER-COUTEAUX, 20021419

Bien que la réforme du contentieux de l’urbanisme réalisée en 2013 soit une réforme

intéressante à bien des égards, elle n’a pas exploité tout le champ des possibles. En

effet, d’autres sources de sécurisation sont envisageables ainsi que les

développements qui précédent le montrent. Néanmoins, et pour paraphraser Pierre

SOLER-COUTEAUX cité en épigraphe de notre conclusion, nous ne prétendons pas

qu’il existe un remède unique et radical.

Des solutions préexistantes peuvent être optimisées. Ainsi, le droit de l’urbanisme est

un incontournable dans l’ère urbaine faite de tensions multiples que traverse la

France depuis l’après-guerre. La prégnance de l’urbain, le développement des

systèmes d’information, la complexification des normes et l’évolution des rapports

administratifs (administration administré et désormais aussi administré

administré) conduit à repenser la structure descendante de l’analyse classique des

rapports administratifs contentieux. Il convient de la simplifier et de reconnaître la

relation triangulaire désormais dans le contentieux de l’urbanisme (l’auteur

administratif le titulaire de l’autorisation le tiers).

Mais en dehors de la ressource rassurante que peut offrir le droit de l’urbanisme pour

résoudre un problème d’urbanisme, il faut, en parallèle, envisager de tirer un

bénéfice des solutions retenues par les pays voisins sans pour autant leur accorder

une importance disproportionnée. Le droit allemand avec son concept de

Vertrauensschutz et le droit anglais avec son concept d’estoppel, sur lesquels nous

avons concentré nos développements, peuvent être source d’inspiration bien qu’ils

véhiculent des solutions difficilement transposables sans une adaptation sur mesure

voire haute couture au droit administratif français.

1419 SOLER-COUTEAUX (P.), op.cit., Réflexions sur le thème de l’insécurité du droit administratif

ou la dualité moderne du droit administratif, in Gouverner, Administrer, Juger, Liber amicorum,

J. WALINE, Dalloz Paris, 2002, 797 p., p. 377.

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De plus, des solutions inexistantes peuvent être créées. Ainsi, créer une procédure de

la régulation apparaît comme une solution pertinente dans le cadre de la lutte contre

les recours abusifs et pour le développement d’un urbanisme durable. La création et

le déploiement, à l’échelle nationale ou intercommunale, d’un outil informatique

interactif recensant les normes urbaines, plans, programmes et servitudes applicables

à une parcelle donnée doivent être envisagés.

Enfin, sur un plan non juridique, il est indispensable de redorer l’image des

logements sociaux pour limiter les recours abusifs contre les projets sociaux. En

outre, il est également indispensable qu’un outil de statistiques du contentieux de

l’urbanisme soit mise en place pour mesurer l’efficacité de la lutte contre les recours

abusifs.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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CONCLUSION DU TITRE 2nd

Nous savons tous ici que le droit est la plus puissante des écoles de

l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste

la réalité.

Jean GIRAUDOUX, 19351420

L’analyse développée dans ce titre qui s’achève a permis d’examiner les remèdes

opérationnels susceptibles d’améliorer la sécurité juridique des bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme contre les recours abusifs.

L’importante réforme du contentieux de l’urbanisme opérée en 2013 a abouti à

l’introduction de nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs. L’analyse

de cette réforme montre qu’il s’agit d’une réforme réfléchie et pertinente à plusieurs

égards grâce en partie à la qualité des propositions du rapport LABETOULLE.

Toutefois, les contours des dispositions novatrices introduites par la réforme

demeurent abstraits en dépit de certains éclairages d’ores et déjà apportés par le

Conseil d’État.

Cette réforme a permis, ainsi que cela était souhaité par le législateur, de mettre en

place un nouvel équilibre entre le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme et les

tiers qui attaquent ladite autorisation. À l’origine de ce nouvel équilibre, il y a

l’accentuation des particularismes des procédures contentieuses du droit de

l’urbanisme. Il y a également un rognage évident du droit au recours de l’ensemble

des tiers particuliers personnes physiques dans la redéfinition de leur intérêt pour

agir. Pour redéfinir l’équilibre des droits du bénéficiaire de l’autorisation

d’urbanisme et du tiers malveillant, l’arsenal anti-abus a été renforcé avec

l’introduction de la cristallisation des moyens dans la procédure, avec également

l’introduction de la faculté pour les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme attaquée

de pouvoir demander reconventionnellement des dommages-intérêts et avec le

placement sous contrôle fiscal des transactions. La portée de ce dernier point laisse

1420 GIRAUDOUX (J.), La guerre de Troie n’aura pas lieu, II, 5, Hector, 1935.

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perplexe en ce qu’il fait craindre une « barémisation » du prix du désistement. Enfin,

une vibration pénale achève l’édification de cet équilibre favorable au bénéficiaire de

l’autorisation d’urbanisme avec la reconnaissance que le recours abusif inscrit dans

un stratagème crapuleux peut constituer une escroquerie.

Si l’avènement du nouvel équilibre permis par la réforme de 2013 doit permettre

d’endiguer le phénomène de multiplication des recours abusifs, d’autres solutions

demeurent à envisager en sus. Des solutions préexistantes peuvent être optimisées.

Bien entendu, des solutions résident dans le droit de l’urbanisme, mais également

dans le droit de nos pays voisins. Ainsi le droit allemand et le droit anglais peuvent

inspirer une idée de loyauté et de sanction de la déloyauté des requérants malveillants

(découlant respectivement des concepts de Vertrauensschutz et d’estoppel).

De plus, des solutions inexistantes peuvent être créées. Ainsi, il faut envisager la

création d’une procédure de régulation. Il faut également développer la consultation

locale via des data-room dématérialisées ou non. Enfin, il est indispensable de

déployer largement un outil informatique interactif recensant les normes urbaines, les

plans, les programmes publics et les servitudes applicables à une parcelle donnée. Il

est également indispensable de créer un outil de statistiques du contentieux de

l’urbanisme afin de faire face à une hausse prévisible du contentieux administratif et

une augmentation du nombre de permis délivrés, et donc afin de pouvoir mesurer ces

fluctuations et l’efficacité des politiques publiques de sécurisation en la matière.

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CONCLUSION GÉNÉRALE

Il y a toujours quelque tristesse, pour une intelligence libre, à constater, le

travail terminé, combien il demeure inégal au monument qu’elle avait rêvé

d’édifier.

Julien BONNECASE, 19281421

À ce moment précis où le temps est venu de clore notre réflexion, nous ne pouvons

que nous faire l’écho d’une telle lucidité et nous imprégner de cette humilité.

Les développements des deux titres qui précèdent nous permettent à présent de

répondre à la problématique posée en exorde. Rappelons que cette problématique

porte sur le point de savoir quelle est la réalité du phénomène de multiplication des

recours abusifs formés contre les autorisations d’urbanisme et sur le point de savoir

quel en est l’effet pour la sécurité juridique des bénéficiaires de ces autorisations

attaquées. Elle porte, également, sur le point de savoir quels en sont les remèdes, et

quelles sont les limites de ces remèdes.

Nous avons pu démontrer que, facilité par l’accessibilité de la procédure pour excès

de pouvoir comme par l’accessibilité à l’information ainsi que par l’hyper-

complexification du droit de l’urbanisme, le phénomène de multiplication des

recours abusifs en droit de l’urbanisme est une réalité. Si par essence, l’existence des

recours en droit de l’urbanisme est un gage de respect du droit au recours et une

garantie de légalité des actes administratifs individuels, il n’en demeure pas moins

qu’il existe également, dans ces recours, des abus. Si aucun recours n’est ainsi inutile

en ce qu’il doit attirer l’attention du juge ou de l’Administration sur la façon d’agir

de cette dernière1422

. L’abus du droit au recours ne peut être admis. Par-delà les

considérations égoïstes visant à préserver une ligne de vue ou un voisinage

bourgeois, nombre de recours sont exercés de mauvaise foi à des fins mercantiles.

1421 BONNECASE (J.), Science du Droit et Romantisme. Le conflit des conceptions juridiques en

France de 1880 à l’heure actuelle, Paris, Librairie du Rec. Sirey, Bordeaux, 1928, 745 p., préf.

p. XVI. 1422

Préc. LEMAIRE (F.), Les requérants d’habitude, RFDA, 2004, p. 554.

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Quoiqu’ils représentent une minorité sur l’ensemble des recours contentieux en

urbanisme qui du reste sont en baisse de 2 % en 20141423

, ils se démarquent par

l’importance de leurs conséquences en termes de coûts et de délais pour les titulaires

de l’autorisation attaquée mais aussi in fine pour les utilisateurs finaux.

En effet, allongeant la durée des programmes de construction, les tiers de mauvaise

foi paralysent des programmes entiers. Ils empêchent les bénéficiaires de

l’autorisation de construire de commencer les travaux, de commercialiser les lots

quand il s’agit de professionnels de la construction tels que des promoteurs. Ils

retardent le logement de familles déjà en difficultés quand le maître d’ouvrage du

programme est un bailleur social. Les travaux ainsi paralysés, toute levée de fonds

est impossible.

De plus, les entreprises ne peuvent pas être payées, et ceci explique également un

certain nombre d’ouvertures de procédures collectives. In fine, ce sont bien les

acquéreurs qui en supportent les coûts. C’est donc bien toute une économie qui est

mise à mal par ces tiers qui cherchent à monnayer le prix de leur désistement.

Nous avons également pu voir que l’identification des limites et des remèdes n’est

pas simple. La réforme opérée par l’ordonnance du 18 juillet 2013 et complétée par

le décret du 1er

octobre 2013 a introduit des dispositions intéressantes et novatrices

pour certaines d’entre elles. Il s’agit d’une réforme de qualité grâce au travail de fond

réalisé par le groupe de travail LABETOULLE. Cette réforme a abouti à la création

d’un nouvel équilibre entre les bénéficiaires d’une autorisation d’urbanisme et les

tiers en réécrivant les rapports de force. Pour ce faire, elle a notamment renforcé les

particularismes du droit contentieux de l’urbanisme. C’est donc une réforme

réfléchie et intéressante.

Toutefois, des incertitudes demeurent. Ainsi, il est permis de s’interroger sur le réel

apport de la procédure de cristallisation des moyens codifié à l’article R.* 600-4 du

Code de l’urbanisme dans la mesure où l’article R. 613-1 du Code de justice

administrative permettait déjà d’aboutir au même résultat. Tandis que le régime

juridique de certaines des nouvelles dispositions n’est pas encore parfaitement clair.

Ainsi en est-il du mémoire distinct en demande reconventionnelle indemnitaire,

codifié à l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. L’éclairage de la jurisprudence

1423 Conseil d’État, Rap. public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions

administratives, no 65, Doc. Fr., Paris, 2014, 400 p., p. 24. Le contentieux d’urbanisme représente

6,7 % et a diminué de 2 %.

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sur la notion de préjudice excessif et d’exercice du recours dans des conditions qui

excèdent la défense des intérêts légitimes est encore attendu. En outre, est également

attendu l’éclairage jurisprudentiel sur l’articulation du pouvoir d’allocation

indemnitaire désormais autonome du juge administratif avec le pouvoir traditionnel

du juge civil dans ce domaine. Enfin, le mécanisme d’enregistrement aux centres des

impôts des transactions prévu par l’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme fait

craindre une « barémisation » du prix du désistement et, par suite, fait craindre

l’accentuation de la « mercantilisation1424

» de la procédure contentieuse en

urbanisme. Cette crainte renforce le risque de voir naître un marché juridictionnalisé.

Par ailleurs, et en dépit de l’avènement de ce nouvel équilibre des rapports de force

entre les pétitionnaires et les tiers, d’autres solutions doivent dès à présent être

envisagées car il est prévisible, qu’avec la politique de pression à la construction, le

contentieux de l’urbanisme croisse1425

encore dans les prochaines années. Des

solutions préexistantes peuvent être optimisées. Tandis que des solutions inexistantes

sont à créer au rang desquelles figurent la création d’une procédure de régulation,

d’un outil informatique recensant les normes urbaines, plans, programmes et

servitudes applicables à une parcelle donnée et d’un outil de statistiques du

contentieux de l’urbanisme. En effet, faute d’un outil statistique, il est pour l’heure

trop tôt pour mesurer l’efficacité ou l’inefficacité de la réforme, pour ne pas dire

impossible. En revanche, il est d’ores et déjà incontestable que le renforcement des

particularismes complexifie encore un droit de l’urbanisme déjà hyperspécialisé.

Enfin, pour conclure cet épilogue, nous soulignons que l’urbanisme devient un droit

« incantatoire1426

» tandis que les administrés et le juge administratif assistent

progressivement à l’émergence d’une raison urbanistique. Cette raison aboutit à

l’émergence d’une ligne de conduite dogmatique dessinant peu à peu les principes

censés dicter la manière de penser des administrés comme du juge administratif. Et

cette raison urbanistique dogmatique croit pouvoir indiquer ce qu’est le bien agir en

1424 « La “mercantilisation” est la dynamique qui transforme les pratiques sociales, les objets et les

services en marchandises, c’est-à-dire qui les fait entrer dans le champ du marché », selon la

définition de François ASCHER (1946-2009) urbaniste et sociologue, in ASHER (F.), La société

évolue, la politique aussi, coll. Sciences humaines, Odile JACOB, Paris, 2007, 250 p., p. 40. 1425

Même si 2014 a observé une baisse du contentieux de l’urbanisme, Préc. Conseil d’État, Rap.

public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives, no 65, Doc. Fr., Paris,

2014, 400 p., p. 24. Le contentieux d’urbanisme représente 6,7 % et a diminué de 2 %. 1426

Préc. SAVARIT BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in

Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,

2007, 1122 p., p. 939.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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justice, le bien ester et le bien juger pour la permission du développement de la

construction autour finalement d’une préservation à géométrie variable des

écosystèmes, de la durabilité de l’environnement urbain et de la mixité sociale.

Cette tendance dogmatique et incantatoire devrait encore se renforcer. En effet, le

pouvoir exécutif est déjà à pied d’œuvre pour élaborer des mesures visant à

poursuivre des réformes en matière de contentieux de l’urbanisme. En ce sens, une

mission sur la simplification et la réduction des délais des procédures d’obtention des

permis de construire a été confiée au préfet Jean-Pierre DUPORT1427

.

Dans l’optique d’améliorer les délais de traitement des recours, trois mesures sont

déjà à l’étude. Il s’agit, d’une part, de l’aménagement des pouvoirs du juge

administratif, en cas d’annulation par ses soins d’un refus de permis, pour qu’il

puisse rétablir directement l’autorisation sans qu’un nouveau dépôt de permis soit

nécessaire. D’autre part, une deuxième mesure à l’étude vise à définir les conditions

dans lesquelles, en cas d’annulation du refus de délivrance d’une autorisation

d’urbanisme, le représentant de l’État se substitue à l’autorité compétente pour

délivrer cette autorisation. Enfin, une troisième mesure, également à l’étude et

reprenant l’une des recommandations du rapport LABETOULLE, vise à sécuriser les

projets de construction en recentrant l’action en démolition1428

.

Ces mesures font pressentir l’avènement d’un déséquilibre dangereux pour les droits

des tiers en dépit d’une sécurisation, prochainement et certainement

disproportionnée, de l’autorisation d’urbanisme des bénéficiaires. En outre

l’immixtion de l’État, avec une mesure qui envisage la substitution du représentant

de l’État à l’autorité compétente est susceptible de poser d’autres problématiques de

remise en cause des pouvoirs décentralisés.

Au surplus, il est à déplorer que ces mesures ne visent encore une fois qu’une action

a posteriori, quand le projet est déjà « ficelé ». Or, nous soulignons qu’il est

désormais nécessaire d’agir a priori, c’est-à-dire en amont, en instaurant des outils

innovants tels que la mise en place d’une autorité de prévalidation des projets avec

des concertations systématiques et avec des outils dématérialisés recensant les règles

1427 V. site officiel, simplication.modernisation.gouv.fr, rub. Encadrer et réduire les délais

d’instruction des autorisations d’urbanisme et des permis de construire, 28 oct. 2014. 1428

Dossier de presse, Réunion du Comité de pilotage « Objectif relance construction », 4 déc. 2014,

16 p., p. 10 et 11. Les conclusions de la mission sont attendues pour mars 2015.

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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urbaines et les servitudes sur l’ensemble du territoire et bien entendu, en instaurant

un outil de statistiques pour mesurer l’efficacité des réformes.

« Ah ! Mon cher ami, qu’il est difficile de réformer, lorsqu’on n’a que la plume pour

pousser l’action1429

. » C’est sur ces mots que nous achevons notre péroraison.

1429 Dr. Léon AUDAIN, Lettre à BENITO, Port-au-Prince, 8 juill. 1894, in. La Fraternité, consultable

sur Gallica.

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BIBLIOGRAPHIE

De l’appareil bibliographique qui a permis l’avancement et l’aboutissement des

recherches, la bibliographie ci-dessous est sélective et reprend les sources mobilisées

le plus fréquemment. Certaines d’entre elles ont été citées dans le corps du texte qui

précède. D’autres n’ont pas forcément été souvent citées mais ont permis d’enrichir

la qualité des recherches.

Concernant la jurisprudence, les arrêts figurent en index par leur nom et sont

précédés d’un astérisque. Ils sont également cités dans le corps du texte. Concernant

les décisions et les arrêts qui n’ont pas été publiés et n’ont pas de nom, ils ne figurent

pas dans l’index mais ils sont également cités dans le corps du texte avec leur

numéro de requête ce qui permet de les retrouver sur la base internet des juridictions.

Sous les rubriques, les sources sont classées par nom d’auteur et par ordre

alphabétique.

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ARRIGHI de CASANOVA (J.), concl. sur CE, Sect., 10 juin 1996, Elect. Mun. De

BALAINVILLIERS, concl. JCP, 1997, II, p. 22765.

BARBILLON (J.-Y.), concl. sur C.A.A. Paris, 15 févr. 2001, Cne de Mesnil-le-Roi,

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lotissement devenue définitive fait obstacle au rétablissement du principe de

constructibilité limitée dans le cas d’annulation du POS

BAUDOUIN (J.), concl. sur CE, S., 24 novembre 1967, no 66271, Rec. Lebon,

p. 443 ; D., 1968, p. 142.

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BJDU, 2000, p. 123.

BONICHOT (J.-Cl.), concl. sur CE, Sect., Avis, 6 mai 1996, ANDERSEN,

no 178473, Rec. Lebon, p. 150 ; chron. CHAUVAUX (D.) et GIRARDOT (T-X),

AJDA, 1996, p. 566 et 513 ; concl., RFDA, 1996, p. 1027 ; étude PACTEAU (B.),

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BONICHOT (J.-Cl.), concl. sur CE, 29 nov. 1999, Époux BOULANGER, no 182214,

Rec. Lebon ; concl. BJDU, 1999, p. 470 ; obs. C.D.B.

BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), concl. sur CE, avis, 19 nov. 2008, Société

SAHELAC et JUVENTIN, no 317279, BJDU, 2009, p. 48.

COURREGES (A.), concl. sur CE, 7 févr. 2008, Commune de Courbevoie,

no 297227, Rec. Lebon, p. 41 ; note BOUCHER (J.) et BOURGEOIS-

MACHUREAU (B.), AJDA, 2008, p. 582 ; étude SOLER-COUTEAUX (P.), RDI,

2008, p. 240 ; concl. BJDU, 2007, p. 459.

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no 308623, Rec. Lebon, 2009 ; concl. AJDA, 2010, p. 454 ; VINCENT (A.), AJDA,

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DEGOMMIER (S.), concl. sur C.A.A. Nantes, 28 oct. 2008, Assoc. Vert pays blanc

et noir et a., no 08NT00426, BJDU, 2009, p. 12 ; obs. Geffray (E.), ibid. ; DAUH,

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DELVOLVE (J.), concl. sur CE, Ass, 17 févr. 1950, Dame LAMOTTE, Rec. Lebon,

p. 110.

DEVYS (Ch.), concl. sur CE, 11 mai 2004, Association AC !, no 255886, Rec.

Lebon, no 3, 2005 ; concl. ibid. ; chron. LANDAIS (C.) et LENICA (F.), AJDA,

2004, p. 1183 ; note STAHL (J-H) et COURREGES (A.), RFDA, 2004, p. 438.

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pharmaceutique (SNIP) et autres, no 226514, Rec. Lebon, p. 624.

FOURNIER (J.), concl. sur CE, 26 juin 1959, Syndicat des ingénieurs-conseils, Rec.

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FRANC (M.), concl. sur CE, ass., 12 oct. 1979, Rassemblement des nouveaux

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GUYOMAR (M.), concl. sur CE, 28 sept. 2011, SCI 30, Rue de THIONVILLE, noo

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HONORAT (E.), concl. sur CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert,

no 176148, Rec. Lebon, p. 158 ; BJDU, 2000, p. 127.

HONORAT (E.), concl. sur CE, 26 mai 1999, SCI KERROY, no 181581, concl.,

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HONORAT (E.), concl. sur CE, 19 avr. 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert,

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oo

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LALLET (A.), concl. sur CE, 27 nov. 2013, Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne

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ENGOULEVENT, BJDU, 2012, p. 362 ; obs. LANDAIS (C.), AJDA, 2013, p. 755.

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MOUNOU, no 376113 et CE, avis, 6

e et 1

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

456/480

MAUGÜE (C.), concl. sur CE, Ass, 5 mars 1999, ROUQUETTE, Rec. 347 ; RFDA,

1999, p. 357.

MITJAVILE (M.-H.), concl. sur CE, 1er

oct. 2001, COPEDE, no 234908, Rec.

Lebon, T., p. 1119 ; note DEREPAS (L.) RDI, 2002, p. 167 ; concl. BJDU, 2001,

p. 465 ; obs. CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2001, no 265.

MITJAVILE (M.-H.), concl. sur CE, 21 oct. 2005, M. MAREL, no 280188, BJDU,

no 1/2006, p. 55.

OLLEON (L.), concl. sur CE, sect., 27 sept. 2006, Société JANFIN, no 260050,

concl., B.D.C.F., 12/06, no 156.

PIETRI (J.-P.), concl. sur C.A.A. Nancy, 1re ch., 19 oct. 1995, SCI du Rouillon, no

95NC00960, AJDA, 1996, p.199, note PIETRI (J.-P.) ; BJDU, 1995, no 6, p. 481.

PIVETEAU (D.), concl. sur CE, 28 mai 2001, Cne de Bohars, SARL MINOTERIE

Francès, no 218374, Rec. Lebon, p. 249 ; concl., BJDU, 2001, p. 212 ; Coll. terr.,

2001, no 196 ; RFDA, 2001, p. 957 ; obs. GUYOMAR (M.) et COLLIN (P.), AJDA,

2001, p. 652 ; Mon. T.P., 10 août 2001, p. 47 ; note PIVETEAU (D.), RDA, 2001,

no 203 ; DEREPAS (L.), RDI, 2001, p. 405.

PIVETEAU (D.), concl. sur CE, 7e et 5

e SSR, 22 févr. 2002, Société France Quick,

no 216088, B.J.D.U, n

o 2/2002, p.143 ; commentaire de la décision v. SOLER-

COUTEAUX (P.), RDI, 2002, p.263.

POMMIER (J.), concl. sur TA Strasbourg, 8 déc. 1994, Entreprise Freymuth c. Min.

Environnement, no 931085, concl. AJDA, 1995, p. 555.

ROMIEU (J.), concl. sur CE, 28 décembre 1906, Syndicat des patrons-coiffeurs de

Limoges, no 25521, Rec. Lebon, p. 977.

SAVOIE (H.), concl. sur CE, Ass., 1er

sept. 2000, LARROUTUROU, MEYET et

autres, noo

223890, 223949, 224054, 224066, RFDA, 2000, p. 990 ;

Jurisprudence/Décision commentée ou citée, Dalloz.

SENERS (F.), conclu. sur CE, Ass., 26 oct. 2001, TERNON, concl. RFDA, 2002,

p. 77, spé. p. 79.

ROUX (A.), concl. sur CE, 18 avril 1986, Préfet d’Ille-et-Vilaine, no 62470, Rec.

Lebon, p. 423 ; concl. RFDA, 1987, p. 206 ; note CHABANOL (D.), AJDA, 1986,

p. 455 ; note NEGRIN (J.-P.), D., 1987, p. 70.

THIELLAY (J.-Ph.), concl. sur CE, Sect., 6 juin 2008, Conseil départemental de

l’ordre des chirurgiens-dentistes de Paris c. BANON, no 283141, concl., RFDA,

Page 457: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

457/480

2008, p. 689 ; chron. GEFFRAY (E.) et BOURGEOIS-MACHUREAU (B.), De

minimis aliquando curat praetor, AJDA, 2008, p. 1316.

UNTERMAIER-KERLEO (E.), Le tiers à l’acte administratif unilatéral : un

administré et un justiciable de second rang, RFDA, 2013, p. 285.

VEROT (C.), concl sur CE, 27 févr. 2006, SCI LA TILLEULIERE, BJDU, 2006,

p. 254, obs. BONICHOT (J.-Cl.)

VIALETTES (M.), concl. sur CE, 1ère

et 6e SSR, 5 juill. 2013, SCI Liberty c. Cne de

Marseille, no 354026 ; concl, BJDU, 5/2013, p. 376.

VOYAME (J.), COTTIER (B.) et ROCHA (J.), L’abus de droit en droit comparé, in

L’abus de droit et les concepts équivalents : principes et applications actuelles, Actes

du 19e Colloque de drt. Europ., Conseil de l’Europe au Luxembourg, 6-9 nov. 1989,

Strasbourg, 1990, p. 23.

VII. Études et rapports et colloques

A. Études

Collectif, Les solutions alternatives aux litiges entre les autorités administratives et

les personnes privées, Conciliation, médiation et arbitrage – Actes, Lisbonne,

juin 1999, Étude, Éditions du Conseil de l’Europe, juill. 2000, p. 174.

ALVES CORREIA (F.), MORAND-DEVILLER (J.), TANQUEREL (Th.), La

contractualisation dans le droit de l’urbanisme, La documentation française, coll. Les

Cahiers du GRIDAUH, sous-collection Droit comparé, Paris, nov. 2014, 334 p.

GRIDAUH, Droit de l’aménagement, de l’urbanisme, de l’habitat, Dossier spécial,

Éditions Le Moniteur, 2009, Paris, 933 p.

AUBY (J.-B.), Le Droit de l’urbanisme en Grande Bretagne, Droit comparé, Étude

du GRIDAUH, AFDUH., 1999, no 3, p. 497-513, 17 p.

BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 1999

et 2000, Étude du GRIDAUH, DAUH, 2001, no 5, p. 645-653, 9 p.

BOOTH (Ph.), Les évolutions du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2001

et 2002, Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 10 p.

Page 458: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

458/480

BOOTH (Ph.), L’évolution du droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne en 2004,

Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du GRIDAUH, 14 p.

BOOTH (Ph.), Le droit de l’urbanisme en Grande-Bretagne, Refonte de la

présentation générale (2006), Étude du GRIDAUH, cyber bibliothèque du

GRIDAUH, 24 p.

Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris – CCIP, Commerce et urbanisme –

Entre liberté et régulation, La documentation française, coll. développer et

entreprendre, sous-collection Rapports et études de la Chambre de commerce et

d’industrie de Paris, Paris, nov. 2008, 154 p.

Collectif, Documents d’études No6.24, Jurisprudence du Conseil d’État 2009-2011,

La documentation française, coll. Documents d’études, Paris, janv. 2013, 88 p.

DRIANT (J.-Cl.), Les études de la documentation française No5304-05, Les

politiques du logement en France, La documentation française, coll. Les études de la

documentation Française, Paris, janv. 2010, 184 p.

GRIDAUH, Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de l’Habitat (DAUH),

T. 1996-2006 : 10 ans de droit de l’urbanisme, Le Moniteur, coll. Groupement de

Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de

l’Habitat – GRIDAUH, Paris, Juillet 2006, 676 p.

GRIDAUH, Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme de l’Habitat 2011, Textes,

jurisprudence, doctrine et pratiques, 15e éd., Le Moniteur, coll. Groupement de

Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de

l’Habitat – GRIDAUH, Paris, juill. 2011, 658 p.

GRIDAUH, Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme de l’Habitat 2012, Textes,

jurisprudence, doctrine et pratiques, 16e éd., Le Moniteur, coll. Groupement de

Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de

l’Habitat – GRIDAUH, Paris, juin 2012, 666 p.

GRIDAUH, Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme de l’Habitat 2013, Textes,

jurisprudence, doctrine et pratiques, 17e éd., Le Moniteur, coll. Groupement de

Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de

l’Habitat – GRIDAUH, Paris, juin 2013, 616 p.

GRIDAUH, Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de l’Habitat (DAUH),

Textes, jurisprudence, doctrine et pratiques, 18e éd., Le Moniteur, coll. Groupement

de Recherche sur les Institutions et le Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme et de

l’Habitat – GRIDAUH, Paris, Juin 2014, 666 p.

Page 459: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

459/480

JACQUOT (H.), La dimension juridique de l’écriture du plan local d’urbanisme, La

documentation française, coll. Les Cahiers du GRIDAUH, sous-collection Droit de

l’urbanisme, Paris, mars 2013, 908 p.

JEGOUZO (Y.), LEBRETON (J.-P.), MORAND-DEVILLER (J.), TANQUEREL

(Th.), Risque et droit de l’urbanisme en Europe, La documentation française, Les

Cahiers du GRIDAUH, Droit comparé, Paris, avr. 2011, 338 p.

LEBRETON (J.-P.), État de droit et urbanisme, La documentation française, coll.

Les Cahiers du GRIDAUH, sous-collection Droit de l’urbanisme, déc. 2004, 292 p.

MOLFESSIS (N.), Sur trois facettes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel,

Cah. Cons. const., no 31, avril 2011.

MORENO (D.), L’urbanisme, Nouvel atout pour le commerce, La documentation

française, coll. Développer et entreprendre, sous-collection Rapports et études de la

Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Paris, nov. 2011, 114 p.

NIVARD (C.), L’ambivalence du traitement jurisprudentiel de la sécurité juridique,

D.A., no 2, févr. 2010, Étude n

o 3.

ROSSI (M.), Vue d’ensemble du droit de l’urbanisme allemand, Droit comparé,

GRIDAUH, p. 773.

VINEY (G.), La responsabilité dans la jurisprudence de la Cour de cassation, in site

internet de la Cour de cassation.

B. Rapports et réponses ministérielles

1) Rapports

ALTHAPE (L.), Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires

économiques et du plan par le groupe de travail sur la modernisation du droit de

l’urbanisme, no 265, Sénat, Session ordinaire 1999-2000, Paris, 101 p.

Conseil d’État, Étude annuelle 2013 : Le droit souple, 2 oct. 2013, Doc. Fr.

Conseil d’État, Rap. public, L’urbanisme : pour un droit plus efficace,

Documentation Française, Paris, 1992, 203 p.

Conseil d’État, Rap. public, Jurisprudence et avis 2005, sécurité juridique et

complexité du droit, no 57, Documentation Française, Paris, 2006, 412 p.

Page 460: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

460/480

Conseil d’État, Rap. public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions

administratives, Documentation Française, Paris, 2013, 384 p.

Conseil d’État, Rap. public, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions

administratives, no 65, Documentation Française, Paris, 2014, 400 p.

Conseil d’État, 7 fiches thématiques sur l’utilisation du droit souple dans 7 domaines

significatifs, 9 p., p.5, § 4, le droit souple et les collectivités territoriales.

FITOUSSI (J.-P.), LAURENT (E.) et MAURICE (J.), Rapport du Conseil d’analyse

économique, Ségrégation urbaine et intégration sociale, no 45, 2003, Doc. Fr.

PELLETIER (Ph.), FATOME (E.), PÉRINET-MARQUET (H.), groupe de travail

créé par M. PERBEN (D.), garde des Sceaux et Ministre de la justice, « Propositions

pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme », dit Rapport

PELLETIER, 2005, 86 p., 25 janvier 2005.

PEYRAT (D.), pr la secrétaire d’État au logement et le Min. de l’équipement, des

transports et logement, Rapport Habiter, cohabiter : la sécurité dans le logement

social, Doc. Fr., Fév. 2002, 175 p.

LABETOULLE (D.), CREPEY (E.), BERARD, (J.-M.), groupe de travail créé par

Mme DUFLOT (C.), Ministre de l’Égalité des territoires et du logement,

« Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre », dit Rapport

LABETOULLE, 2013, 28 p., 25 avril 2013.

LAMBERT (A.) et BOULARD (J.-Cl.), Rapport de la mission de lutte contre

l’inflation normative, Paris, mars 2013, 116 p.

FLEURIEU (de) (A.), Rapport sur l’évaluation de l’intervention des services du

ministère de l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer

dans le domaine de l’application du droit des sols, 2003, 257 p., 20 juin 2003.

Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2005-1527, 8 déc. 2005,

relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, JORF no 286, 9

déc. 2005, p.18994, texte no 29.

Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2013-638, 18 juill. 2013,

relative au contentieux de l’urbanisme, JORF, no 0166, 19 juill. 2013, p. 12069, texte

no 23 (NOR : ETLX1317296P).

Rap. au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2013-1184, 19 déc.

2013, relative à l’amélioration des conditions d’accès aux documents d’urbanisme et

aux servitudes d’utilité publique, JORF no 0295, 20 déc. 2013, p. 20779, texte n

o 24

(NOR : ETLX1327949P).

Page 461: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

461/480

Rap. fait au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi

habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction :

Doc. AN no 1041, 16 mai 2013, p. 22.

2) Réponses et notes ministérielles

Rép. Min., no 104982, JOAN Q. 19 juill. 2001, p. 7879.

Rép. Min., no 30335, JOAN Q. 20 oct. 2009, p. 9936 ; BJDU, 2009, p. 406.

Note de présentation, 2 oct. 2013, relative à l’ordonnance no 2013-638 du 18 juillet

2013 relative au contentieux de l’urbanisme : lutter contre les recours malveillants et

fluidifier le traitement des contentieux.

Ministère de l’Égalité, des Territoires et du logement, Dossier, Dossier, une loi

historique pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, Paris, accessible depuis

le portail du gouvernement, 2013, 4 p.

C. Colloques et Conférences

DELVOLVE (P.) Droits publics subjectifs des administrés et subjectivisation du

droit administratifs, propos introductifs in, Les droits publics subjectifs des

administrés, colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011,

p. 193.

JEGOUZO (Y.) et GUINOT (V.), L’actualité législative de l’urbanisme 2013-2014 :

un puits sans fond, Actualité de la procédure civile, Atelier Omnidroit 2014, 17 oct.

2014, Dalloz formation.

PAILLET (M.), La modernisation de la justice administrative en France, LARCIER,

Paris, 2010, 322 p., suite au colloque des 23 et 24 novembre 2009 à Toulon.

LE PRADO (D.), Equité et effectivité du droit à la réparation, colloques, 2006, site

de la Cour de cassation.

SEILLER (B.), Droits publics subjectifs des administrés et transformations

contemporaines du contentieux, in Les droits publics subjectifs des administrés,

colloque de l’AFDA, Bordeaux, 2010, Litec, Colloques & débats, 2011, p. 193.

TUVIGNON (O.) et SAUNIER (E.), Compte rendu collectif, sous la direction de

NAPPI-CHOULET (I.), SACHREITER (C.), Actes des conférences, SIMI 2012,

rédigés par les étudiants de la Chaire Immobilier et Développement Durable de

Page 462: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

462/480

l’ESSEC, Promotion 2013, 75 p., Cycle Marchés de l’immobilier – Les recours dans

l’immobilier : nécessité ou abus ? 5 décembre 2012, p. 25 à 31, débat animé par

THOMAS (G.), Directeur de la rédaction Business Immo, intervenants : BORNE

(E.), Directrice Générale de l’Urbanisme – Ville de Paris ; CAGOL (C.), Président

Directeur Général – SEFRI-CIME ; DE SAUZA (D.), Président – Union des

Constructeurs Immobiliers de la Fédération Française du Bâtiment (UCI-FFB) ;

ISKENDEROV (E.), Président Directeur Général – HERMITAGE SAS ; RANJARD

(E.), Président – Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC) ; SERVEL DE

COSMI (M.), Président – Associations de Sauvegarde de l’Environnement de Paris

XVI.

Page 463: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

463/480

INDEX

L’index ci-dessous est sélectif et reprend les notions et les arrêts clés mobilisés pour

mener à bien le travail de réflexion. Les arrêts sont indiqués par leur nom et sont

précédés d’un astérisque. Ils sont cités dans le corps du texte. Les notions sont

indiquées à la suite des arrêts, elles sont rangées par ordre alphabétique.

Concernant les décisions et les arrêts qui n’ont pas été publiés ou n’ont pas de nom,

ils ne figurent pas dans l’index mais ils sont également cités dans le corps du texte

avec leur numéro de requête ce qui permet de les retrouver sur la base internet des

juridictions.

Les pages en gras renvoient aux définitions de notion.

*A. BERTIN .............................................. 194

*Assoc. Bois-Guillaume Réflexion c. Cne

Bois-Guillaume .................................. 164, 296

*Association AC ! ...................................... 275

*Association aigrefeuillaise de défense du

patrimoine communal et de l'environnement et

a. ................................................................. 250

*Association Bien vivre aux Restanques .. 121,

244, 312, 313, 316, 317

*Association Collectif Cité Benoît ............... 60

*Association des amis des paysages

bourganiauds .............................................. 248

*Association des habitants de Vésegnin ...... 60

*Association des pilotes professionnels

français ....................................................... 247

*Association Soisy Etiolles Environnement

.................................................................... 288

*Association Soisy Étiolles Environnement 60

*Association Vivraviry ...... 146, 232, 234, 303

*BARQUE et MELKI .......................... 67, 193

*BERTIN ........................................... 194, 386

*BOISDET ................................................. 128

*BOTELLA ................................................. 56

*BOUSSUGE ............................................ 241

*CAFFOT .................................................. 329

*CANCRE ................................................. 329

*CASANOVAS ................................... 67, 193

*Cne d'Auvers-sur-Oise ............................. 270

*Cne de Béziers .......................... 324, 362, 363

*Cne de Bohars, SARL MINOTERIE Francès

................................................................... 291

*Cne de Bois-Guillaume ........................... 272

*Cne de Breuil-Bois-Robert ........................ 59

*Cne de Cabourg ....................................... 321

*Cne de Chanaz ......................................... 363

*Cne de Coudekerque-Branche ................. 248

*Cne de Courbevoie .......................... 273, 274

*Cne de Lidrezing ..................................... 231

*Cne de Lompnieu .................................... 194

*Cne de Meudon........................................ 363

*Cne de Saint-Martin-le-Vinoux ............... 297

*Cne de Théoule-sur-Mer .......................... 329

*Cne de Tulle ............................................ 362

*COLOMBEAU ........................................ 102

*Comité de défense intercommunal de

Maisons-Mesnil-le-Pecq ............................ 194

Page 464: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

464/480

*Comité des quartiers Mouffetard et des bords

de Seine et a. c/ France ............................... 288

*Commission c/ Irlande ............................. 221

*COMPAROIS .......................................... 399

*Conseil départemental de l’ordre des

chirurgiens‐dentistes .......................... 222, 321

*Consorzio Cooperative d’ABRUZZO ...... 142

*COPEDE .................................................. 266

*CSA ............................................................ 80

*Cts AUMARECHAL c/ SCI 94, rue du

Château à Boulogne ................................... 309

*Cts BOURGEOIS c. Cne de Saint-Palais-sur-

Mer ............................................................. 288

*Cts HADDAD ...................................... 69, 71

*Dame AMIOT c/ Ets LAGEZE et GAZES

................................................................... 309

*Dame LAMOTTE .............................. 82, 199

*Dame VEUVE SAINT ............................ 272

*De Geus en UITDENBOGERD / BOSCH

................................................... 124, 125, 142

*DELARUE ............................................... 320

*Département du Tarn-et-Garonne .... 300, 301

*DOUIDI ................................................... 270

*DREYSSE ................................................ 302

*Entreprise Freymuth c. Min. Environnement

................................................................... 127

*Epoux BOULANGER .............................. 230

*Epoux de SIGALAS................................. 222

*Epoux MAZO .................................. 195, 197

*Epoux RUDOLF, EARL RUDOLF . 250, 319

*Epx BAUDIER ........................................ 287

*Féd. nat. des unions de jeunes avocats ..... 193

*Fédération nationale SOS environnement 268

*FEN et Union des jeunes avocats ............... 67

*FRITOT............................................ 236, 297

*GAUDIN .................................................. 230

*GEOUFFRE de la PRADELLE c. France . 67

*GOLDER c. Royaume-Uni ........................ 67

*Groupe des industries métallurgiques et

minières de la région parisienne et autres ... 202

*HARISSIOS TAGARAS c. Cour de Justice

.................................................................... 125

*HEYLENS .................................................. 67

*HORNSBY c. Grèce ................................... 67

*Internationale HANDELSGESELLSCHAFT

...................................................................... 94

*JOHNSTON c. Chief Constable of the RUC

................................................................ 67, 94

*LARROUTUROU, MEYET et autres ...... 102

*Les Bleuets ............................................... 363

*M et Mme ALARCON ............................. 373

*M et Mme FABRE ................................... 362

*M et Mme VIEL ....................................... 373

*M. Albert RIEHL ..................................... 248

*M. ANDRIEU et Mme PERREE ............. 296

*M. D'AILLIERES ..................................... 199

*M. DIATCHENKO .................................. 250

*M. et Mme EVORA ......................... 318, 321

*M. et Mme FRITOT et a .......................... 295

*M. et Mme HALIMI Veuve GUEREL ..... 248

*M. et Mme HOFMANN ............................. 84

*M. FRITSCH ............................................ 250

*M. KUBIAK ............................................. 250

*M. LACLAVERIE ........... 121, 244, 312, 317

*M. MAREL .............................................. 362

*M. MAZAR .............................................. 236

*M. NOBLAT .................................... 250, 319

*MAHIEU .................................................. 248

*MAILLARD c. France ............................. 193

*Michel ADVERNIER et autres c/

Commission ................................................ 371

*Min. de l'Intérieur c. M. MASSAMBA .... 364

*Min. Environnement c/ POIDEVIN ......... 236

*Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, du

développement durable et de la mer, en charge

des technologies vertes et des négociations sur

le climat ...................................................... 373

Page 465: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

465/480

*Ministre de l’intérieur c. Société « Le

Témoignage chrétien » ............................... 321

*Ministre délégué à l'économie et aux

finances c. Mme LESTRADE .................... 194

*Mlle DANIELLE S. ................................... 79

*Mme EL HAJJZAIN, Assoc. « La défense

libre » et A. BERTIN ................................. 194

*Mme LEROY ........................................... 248

*Mme POLLART .............................. 194, 386

*Mme REVILLOD et a., ............................ 247

*Mme SAINT‐SEVER ............................... 321

*NICOLO ................................................... 128

*OLEIFINI BORELLI SPA c. Commission 67

*PADRITGE ........................................ 68, 195

*PAUL ....................................................... 320

*Paul DURAND c. Louis DURAND ......... 309

*POILLY ................................................... 192

*Préfet de la Marne .................................... 266

*R. VIENNOT ........................................... 192

*RAHOU ........................................... 269, 270

*Rassemblement des nouveaux avocats de

France ......................................................... 192

*RIGOT ..................................................... 329

*ROMBI et ARKOPHARMA ................... 126

*ROUQUETTE .......................................... 129

*SA Grands travaux et constructions

immobilières ................................................. 44

*SA ROTHMANS International France .... 129

*SARL Les résidences de Cavalière .......... 275

*SARL Lodge at Val .................................. 362

*SCI du 73 av. du Commandant BERRI à

Viry-Chatillon .............................................. 69

*SCI du Lac « Les Balcons de Châtel » ..... 363

*SCI Genièvres .......................................... 250

*SCI KAROUS ...................................... 68, 70

*SCI La Maison Blanche ................... 318, 321

*SCI LA TILLEULIERE ........................... 302

*SCI Liberty c. Cne de Marseille195, 232,

246

*SCI MOUNOU...234, 246, 248, 249, 252,

253, 256, 297, 303, 306, 316, 319

*SCI, Rue de THIONVILLE ..................... 363

*SCP MERCADIER et KRANTZ..... 379, 380

*SDC de la Résidence le Gonfanon........... 230

*SDC de la Résidence les Charmilles ....... 230

*Secrétaire d’Etat à la Reconstruction et au

logement c. Sieur BACQUE ...................... 248

*Sécurité et Liberté .............................. 80, 399

*Sieur COMBAZ....................................... 321

*Sieur NOBLE ................... 119, 222, 243, 320

*SNC Hôtel de la Bretonnerie ........... 186, 295

*Société BATIMALO et Cne de Saint-Malo

.... 246, 248, 252, 253, 256, 297, 306, 316, 319

*Société des aciéries et forges de Saint-

François ..................................................... 220

*Société FINAREL c. SCI MANDELIEU

Esterel ................................................ 119, 320

*Société France Quick ............................... 231

*Société Fun Music Center........................ 363

*Société GEPRO ....................................... 273

*Société Industrielle de construction ........... 42

*Société Intercopie ............................ 219, 305

*Société JANFIN....................................... 109

*Société Jean-Luc SCATAMACCHIA, Cne

de Beaune .................................................. 250

*Société KPMG ............................94, 129, 142

*Société Laboratoire de biologie végétale

Yves Rocher .............................................. 292

*Société PACE EUROPE .......................... 379

*Société SAHELAC et JUVENTIN .50, 52, 60

*Société SODEX ....................................... 194

*Statut de la Polynésie française ................. 80

*Sté Entrepositaire parisienne ................... 398

*Sté SIMESCOL ....................................... 398

*Syndicat départemental de l'électricité et du

gaz des Alpes-Maritimes et Cne de Clans . 324

*Syndicat des ingénieurs conseils ............. 200

*Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges 43

Page 466: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

466/480

*Syndicat français de l’industrie cimentière et

a. ................................................................. 247

*Syndicat intercommunal des établissements

du second cycle degré du district de l’Hay-

Les-Roses ................................................... 327

*Syndicat mixte de Papeete ....................... 135

*Syndicat National de l’Industrie

Pharmaceutique ............................ 94, 128, 129

*Taxe d'inhabitation ........................... 227, 399

*TERNON ................................................. 102

*TITRAN ................................................... 221

*TOMADINI c. Amministrazione delle

finanze dello Stato ...................................... 126

*TÖPFLER c. Commission ....................... 126

*Tropic Travaux de Signalisation .............. 300

*Union des propriétaires pour la défense des

Arcs .............................................................. 44

*VERNHES-DAVID ................................. 287

*Ville de Bagneux ........................................ 61

Abus de droit ................................................ 99

Principe d'interdiction ........................... 111

Théorie de l'abus de droit ..................... 110

Amende pour recours abusif ........................ 66

Controverse .......................................... 198

Nature ................................................... 192

Proposition PELLETIER ...................... 195

Punition .................................................. 67

Régime ................................................. 192

Sanction de l'abus de droit .................... 115

Sanction inadéquate ........................ 69, 192

Association

Intérêt à agir ......................................... 164

Recevabilité de l'action ......................... 164

CALAS (affaire) .......................................... 78

Chevalier de LA BARRE (affaire) ............... 78

Coefficient d'occupation des sols ......... 64, 167

Comité des sages ........................................ 182

Confiance légitime ..................................... 126

Consignation .............................................. 188

Contentieux du permis de construire ............ 40

Intérêt à agir .................................... 41, 298

Recours contentieux ................................ 47

Recours des tiers ..................................... 46

Recours gracieux .................................... 46

Recours hiérarchique .............................. 46

Recours pour excès de pouvoir ........... Voir

Recours pour excès de pouvoir

Tiers ........................................................ 41

COS ..... Voir Coefficient d'occupation des sols

Cristallisation des moyens .......................... 219

Cristallisation des moyens .......................... 304

Déféré préfectoral ......................................... 46

Droit à la sécurité juridique

Principe général de droit ....................... 123

Droit au recours ............................................ 76

Définition ................................................ 77

Droit constitutionnel ............................... 77

Droit fondamental ................................... 89

Principe général du droit (PGD) ............. 82

Emprise au sol .............................................. 36

Enregistrement

Publication des transactions .................. 223

Enregistrement

Définition .............................................. 243

Environnement

Loi Grenelle I ........................................ 165

Loi Grenelle II ...................................... 165

Ere urbaine ................................................. 347

Escroquerie

Définition .............................................. 337

Escroquerie au jugement ....................... 340

Escroquerie par stratagème ................... 340

Estoppel ...................................................... 374

Estoppel by convention ......................... 376

Estoppel by representation .................... 375

Position du juge de la légalité ............... 379

Promissory estoppel .............................. 377

Proprietary estoppel .............................. 378

Page 467: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

467/480

Réflexion sur une adaptation éventuelle

.............................................................. 381

Gentrification ............................. 105, 348, 358

Graphiques et autres illustrations

Hiérarchie des normes en droit de

l'urbanisme ............................................ 367

Nombre de PC délivrés ........................... 20

Nombre de permis autorisés annulés ...... 21

Nombre de permis délivrés ..................... 20

Synthèse de l'empilement des réformes en

urbanisme ............................................. 175

Inflation législative ..................... 152, 154, 160

Intérêt à agir ......................................... 41, 298

Judicare system ............................................ 81

Marché

Notion de marché juridictionnalisé ......... 24

Notion économique ................................ 25

NIMBY ...................................................... 104

NIMFOS..................................................... 106

Notification du recours ............................... 284

Ordonnance

Date d’entrée en vigueur ....................... 169

Définition .............................................. 169

Ratification ........................................... 169

Valeur de loi ......................................... 169

Valeur de réglement.............................. 169

Permis d'aménager ....................................... 35

Permis de construire

Autorité compétente ............................... 37

Recours ................................................... 40

Principe d’économie des moyens (exclusion)

............................................................ 289, 291

Principe de divisibilité ............................... 293

Extension de l’exception ...................... 294

Quérulence processuelle ............................ 100

Racket .......................................................... 18

Recours abusifs ............................................ 53

Recours contentieux .................................... 47

Recours des tiers .......................................... 46

Recours gracieux ......................................... 46

Recours hiérarchique ................................... 46

Recours pour excès de pouvoir .................... 54

Reconventionnelle (demande de d-i) ... 315

Relation triangulaire............................. 355

Référé recevabilité ..................................... 187

Référé-suspension...................................... 361

"Référé défensif" .................................. 364

Doute sérieux ....................................... 363

Urgence ................................................ 362

Régulation ................................................. 389

Requérants d’habitude ............................... 101

Staff system ................................................. 81

Surface de plancher ..................................... 35

Transaction ................................................ 326

"Barémisation" ..................................... 334

Concessions réciproques ...................... 329

Enregistrement ..................................... 331

Enregistrement (Définition) ................. 243

Exception de la chose transigée ........... 328

Vertrauensschutz ............................... 126, 368

Définition ............................................. 369

Intérêt en droit français ........................ 371

Zones "tendues" .................... 26, 172, 174, 360

Page 468: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

468/480

Page 469: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

469/480

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT____________________________________________________ 3

REMERCIEMENTS ___________________________________________________ 7

TABLE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES ________________ 13

SOMMAIRE ________________________________________________________ 15

INTRODUCTION ____________________________________________________ 17

A. Le contexte en chiffre _______________________________________________ 19

1) Nombre de permis délivrés pour l’ensemble des logements sur la France _____ 20

2) Augmentation du nombre de permis annulés pour l’ensemble des logements __ 21

B. Les enjeux en cause _________________________________________________ 24

1) Endiguer un marché juridictionnel ___________________________________ 24

2) Remédier à la crise du logement _____________________________________ 26

C. Problématique et annonce du plan ______________________________________ 29

TITRE 1er : UN DROIT AFFAIBLI, IMPROPRE À GARANTIR LA SÉCURITÉ

DES PERMIS DE CONSTRUIRE _______________________________________ 31

CHAPITRE 1 : L’insécurité juridique, une réalité ________________________ 33

SECTION 1 : Une autorisation administrative fragile ________________________________ 34

I. Une autorisation administrative __________________________________________ 34

A. Objet de l’autorisation _______________________________________________ 35

B. Nature et régime de l’autorisation ______________________________________ 36

1) Nature de l’autorisation ____________________________________________ 36

2) Régime juridique _________________________________________________ 39

II. Une autorisation fragile ________________________________________________ 40

A. Les tiers __________________________________________________________ 41

B. L’intérêt à agir _____________________________________________________ 41

Page 470: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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1) Régime antérieur à l’ordonnance du 18 juillet 2013 _______________________ 42

2) Régime introduit par l’ordonnance du 18 juillet 2013 _____________________ 44

3) Les voies de recours des tiers ________________________________________ 46

a. Le recours gracieux _____________________________________________ 46

b. Le recours hiérarchique __________________________________________ 46

c. Le recours contentieux ___________________________________________ 47

i. L’objet du recours _____________________________________________ 48

ii. Le délai du recours ____________________________________________ 48

SECTION 2 : La procédure de prédilection des recours abusifs ________________________ 53

I. Le recours pour excès de pouvoir en urbanisme ______________________________ 53

A. Les recours objectifs peu susceptibles d’abus ______________________________ 54

1) Le déféré préfectoral_______________________________________________ 54

2) Le recours en interprétation _________________________________________ 57

B. Les recours vecteurs de l’abus _________________________________________ 57

1) Le formalisme du recours pour excès de pouvoir en urbanisme______________ 58

2) Le sursis des droits « acquis » du pétitionnaire __________________________ 61

II. L’apparition de l’abus du droit au recours __________________________________ 62

A. La difficile qualification de l’abus ______________________________________ 63

B. L’inadéquation de la sanction traditionnelle _______________________________ 66

1) L’amende pour recours abusif _______________________________________ 67

2) Un châtiment inadéquat ____________________________________________ 69

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 ______________________________________________ 73

CHAPITRE 2 : Un dilemme cornélien, facteur d’insécurité _________________ 75

SECTION 1 : Le droit fondamental au recours, créateur d’insécurité juridique ____________ 76

I. Un droit constitutionnel et fondamental ____________________________________ 77

A. Le droit au recours, un droit constitutionnel _______________________________ 77

1) Une garantie constitutionnelle _______________________________________ 79

a. Une garantie constitutionnelle implicite ______________________________ 79

b. Une garantie constitutionnelle sans ambiguïté _________________________ 80

2) Un principe général du droit à valeur constitutionnelle ____________________ 82

a. Un principe général du droit_______________________________________ 82

b. Un principe à valeur constitutionnelle _______________________________ 84

3) Un principe rappelé jusque sous la poussière du chantier __________________ 85

B. Le droit au recours, un droit fondamental _________________________________ 89

1) Le droit au recours, un droit onusien __________________________________ 89

a. La Déclaration universelle des droits de l’homme ______________________ 89

Page 471: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

471/480

b. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ______________ 90

2) Un droit européen et communautaire__________________________________ 91

a. La garantie de l’Union européenne _________________________________ 91

b. Incompétence de l’Union européenne sur les permis de construire ________ 91

i. La non-invocabilité du droit au recours garanti par l’Union européenne ___ 94

ii. La garantie du Conseil de l’Europe _______________________________ 95

3) Un droit fondamental, obstacle de réforme _____________________________ 98

II. Un droit susceptible d’abus _____________________________________________ 99

A. Les manifestations de l’abus __________________________________________ 99

1) La quérulence processuelle ________________________________________ 100

2) Le phénomène NIMBY ___________________________________________ 104

3) La recherche du lucre ____________________________________________ 107

B. L’interdiction de l’abus de droit et l’obligation de bonne foi ________________ 109

1) L’interdiction de l’abus de droit ____________________________________ 110

a. La finalité du recours pour excès de pouvoir ________________________ 110

b. Le principe d’interdiction de l’abus de droit _________________________ 111

2) La bonne foi du tiers, un critère à géométrie variable en droit administratif ___ 116

a. Une notion protéiforme et marginalisée ____________________________ 117

b. Le contrôle de la bonne foi ______________________________________ 118

SECTION 2 : La sécurité juridique victime de sa clandestinité _______________________ 123

I. Un principe général du droit découvert par le juge __________________________ 123

A. Un principe de droit communautaire ___________________________________ 123

B. Une notion absente du bloc de constitutionnalité __________________________ 130

C. Une finalité idéale de la jurisprudence administrative ______________________ 135

II. Un principe en mal de reconnaissance ____________________________________ 138

A. Présentation du questionnement juridique _______________________________ 139

1) Consécration d’une approche prudente _______________________________ 139

2) Consécration d’une approche engagée _______________________________ 141

B. Souhait unanime d’une reconnaissance constitutionnelle ___________________ 144

1) Par les tiers et les associations ______________________________________ 145

2) Par les bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme ________________________ 147

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 _____________________________________________ 149

CHAPITRE 3 : L’inflation législative, autre facteur d’insécurité ____________ 151

SECTION 1 : L’inflation législative et l’insécurité juridique _________________________ 152

I. L’inflation législative _________________________________________________ 154

A. Nécessité initiale de légiférer _________________________________________ 154

Page 472: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

472/480

1) Légiférer pour réduire les inégalités urbaines___________________________ 154

2) Légiférer pour assouplir les contraintes excessives ______________________ 157

B. L’apparition d’une surlégislation ______________________________________ 160

1) L’objectif de sécurité juridique ______________________________________ 161

2) L’objectif environnemental ________________________________________ 165

3) L’objectif correctif _______________________________________________ 166

4) L’objectif d’un meilleur équilibre ___________________________________ 167

II. Le prodrome de l’insécurité juridique _____________________________________ 176

A. L’insécurité juridique annoncée _______________________________________ 176

B. L’insécurité juridique dénoncée _______________________________________ 177

SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes ________________________________ 181

I. Les propositions _____________________________________________________ 183

A. Les propositions du Comité des sages __________________________________ 183

1) Présentation des propositions _______________________________________ 183

2) Portée et limite de ces propositions __________________________________ 184

B. Les autres propositions alternatives ____________________________________ 187

1) Le référé recevabilité _____________________________________________ 187

2) La consignation _________________________________________________ 188

II. Le cas particulier de l’amende pour recours abusif ___________________________ 191

A. Présentation du cadre juridique ________________________________________ 191

1) Nature et régime juridique _________________________________________ 192

2) La proposition du rapport PELLETIER _______________________________ 195

a. Les solutions rejetées ___________________________________________ 195

i. Rejet d’une majoration du quantum de l’amende ____________________ 196

ii. Rejet d’une procédure de dommages-intérêts _______________________ 196

b. La solution préconisée __________________________________________ 197

B. Présentation de la controverse ________________________________________ 198

1) Les réticences de la doctrine ________________________________________ 198

2) Éléments de nuance ______________________________________________ 202

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 _____________________________________________ 205

CONCLUSION DU TITRE 1er _________________________________________ 209

TITRE 2nd : UN DROIT POSITIF À ACTUALISER POUR ENDIGUER LES

RECOURS ABUSIFS ET SÉCURISER LES PERMIS DE CONSTRUIRE ____ 211

CHAPITRE 1 : Les nouvelles dispositions de lutte contre les recours abusifs __ 213

Page 473: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

473/480

SECTION 1 : Une réponse juridique réfléchie ____________________________________ 214

I. Consécration d’une approche consensuelle ________________________________ 215

A. Concertation et consultation à l’honneur ________________________________ 215

1) Un groupe d’experts _____________________________________________ 215

2) Les sept propositions du rapport LABETOULLE _______________________ 218

a. Clarifier les règles de l’intérêt pour agir ____________________________ 218

b. Introduire une procédure de cristallisation des moyens ________________ 219

c. Organiser un mécanisme de régularisation en cours d’instance __________ 220

d. Autoriser les conclusions reconventionnelles à caractère indemnitaire ____ 222

e. Encadrer le régime des transactions par lesquelles il est mis fin à l’instance 223

f. Recentrer l’action en démolition sur son objet premier _________________ 224

g. Donner aux cours administratives d’appel une compétence de premier et dernier

ressort pour certains projets de construction de logements __________________ 225

B. Présentation de la réforme du contentieux de l’urbanisme __________________ 225

1) Présentation de l’ordonnance du 18 juillet 2013 ________________________ 226

2) Présentation du décret du 1er

octobre 2013 ____________________________ 227

II. Consécration d’une approche pragmatique ________________________________ 229

A. Réguler et fluidifier le traitement des contentieux _________________________ 229

1) Réguler les procédures contentieuses ________________________________ 229

a. Un intérêt à agir trop large ______________________________________ 230

b. Un nouvel intérêt à agir dans l’espace et dans le temps ________________ 233

2) Accélérer le traitement des contentieux _______________________________ 235

a. L’introduction d’une procédure de régularisation _____________________ 235

b. Les autres outils réglementaires de l’accélération _____________________ 237

B. Moraliser les procédures contentieuses _________________________________ 238

1) Des mécanismes innovants ________________________________________ 239

a. Le juge administratif, juge du prix de l’abus _________________________ 239

b. Les services fiscaux, gardiens de la transparence des transactions ________ 241

2) Éléments de tempérance __________________________________________ 243

SECTION 2 : Des interrogations juridiques subsistantes ____________________________ 245

I. L’articulation dans le temps de la réforme _________________________________ 246

A. Présentation des points d’interrogation _________________________________ 246

B. Éléments de réponse apportés par le Conseil d’État _______________________ 249

II. La portée de l’extension des pouvoirs du juge administratif ___________________ 251

A. Présentation des points d’interrogation _________________________________ 252

B. Éléments de réponse _______________________________________________ 253

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 _____________________________________________ 257

Page 474: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

474/480

CHAPITRE 2 : Un nouvel équilibre __________________________________ 259

SECTION 1 : Le renforcement limité des moyens de défense _________________________ 260

I. Le maintien des moyens de défense classiques ______________________________ 261

A. L’exemple du mémoire en défense _____________________________________ 262

1) Présentation de la défense classique __________________________________ 263

a. La prétendue incompétence de l’auteur _____________________________ 264

i. Cadre juridique_______________________________________________ 264

Compétence de l’auteur de l’acte _______________________________ 265

La délégation, élément de complication __________________________ 266

L’identification de l’auteur ___________________________________ 267

ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 268

Démontrer et prouver la compétence de l’auteur de l’acte ___________ 268

Défendre l’interprétation « réaliste » de l’identification de l’acte ______ 269

b. La prétendue violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’utilité

publique _________________________________________________________ 271

i. Cadre juridique_______________________________________________ 271

ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 276

c. La prétendue violation d’une règle d’ordre public du RNU ______________ 277

i. Cadre juridique_______________________________________________ 278

ii. Pratique contentieuse _________________________________________ 280

2) Les frais irrépétibles ______________________________________________ 281

a. Généralités ___________________________________________________ 281

b. Conséquences pour l’Administration _______________________________ 283

B. Les particularismes du contentieux de l’urbanisme accentués ________________ 284

1) Des particularismes maintenus ______________________________________ 284

a. La notification du recours _______________________________________ 284

i. Cadre juridique_______________________________________________ 285

ii. Discussion de la portée juridique ________________________________ 287

b. L’exclusion du principe d’économie des moyens _____________________ 289

i. Régime juridique _____________________________________________ 289

Le principe d’économie des moyens ____________________________ 289

L’exclusion de l’économie des moyens __________________________ 291

ii. Portée juridique ______________________________________________ 292

c. Le principe de divisibilité ________________________________________ 293

i. Extension de l’exception au principe d’indivisibilité __________________ 294

ii. Champ d’application __________________________________________ 295

iii. Application dans le temps _____________________________________ 297

Page 475: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

475/480

2) Des particularismes innovants ______________________________________ 298

a. L’intérêt pour agir _____________________________________________ 298

i. Cadre juridique ______________________________________________ 298

Un gain de sécurité juridique pour les associations_________________ 299

Le sort plus nuancé des autres requérants ________________________ 299

ii. Application dans le temps _____________________________________ 302

iii. Portée ____________________________________________________ 303

b. Cristallisation des moyens _______________________________________ 304

i. Cadre juridique ______________________________________________ 304

ii. Application dans le temps _____________________________________ 305

iii. Portée ____________________________________________________ 306

II. L’articulation rénovée de la demande d’indemnité __________________________ 307

A. La compétence du juge civil, une désuétude calculée ______________________ 307

1) Une compétence traditionnelle déconnectée du contentieux de l’autorisation

d’urbanisme ________________________________________________________ 307

a. Une faute simple même sans intention de nuire ______________________ 308

i. L’absence de nécessité de démontrer un dol ou faute assimilée _________ 308

ii. Démontrer une simple légèreté blâmable __________________________ 309

b. Une faute décelable indépendamment de la décision du juge administratif _ 309

c. Le caractère fautif du recours exempt de considérations relatives aux règles

d’urbanisme ______________________________________________________ 310

2) Une compétence traditionnelle vouée à tomber en désuétude ______________ 311

a. Une désuétude calculée _________________________________________ 311

b. Éléments de nuance ____________________________________________ 312

B. Compétence désormais autonome du juge administratif ____________________ 314

1) La demande reconventionnelle de dommages-intérêts ___________________ 315

a. Cadre juridique _______________________________________________ 315

i. La réparation du dommage a priori facilitée ________________________ 315

ii. Les interrogations subsistantes d’un régime inédit __________________ 317

b. Application dans le temps _______________________________________ 318

2) Le juge administratif, juge du dommages-intérêts _______________________ 319

a. Une révolution contra jurisprudentiam _____________________________ 320

b. Position renforcée du juge administratif ____________________________ 322

SECTION 2 : Le durcissement des voies alternatives _______________________________ 325

I. La transaction surveillée _______________________________________________ 326

A. Un mauvais arrangement, mieux qu’un bon procès ________________________ 326

1) L’intérêt de la transaction _________________________________________ 326

2) L’exigence de concessions réciproques _______________________________ 328

Page 476: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

476/480

a. Avantages et inconvénients pour les parties __________________________ 328

b. Le doute persistant sur la légalité de l’acte __________________________ 330

B. La publicité de la transaction _________________________________________ 331

1) Régime de cette publicité __________________________________________ 331

2) L’avènement d’un élément de complication ____________________________ 334

II. La menace pénale mobilisée ____________________________________________ 335

A. Une nouvelle garantie prétorienne _____________________________________ 336

1) Le stratagème crapuleux de requérants malveillants et le délit d’escroquerie __ 336

2) Éléments d’optimisme ____________________________________________ 338

B. Une portée limitée __________________________________________________ 339

1) Une protection contre l’« escroquerie par stratagème » ___________________ 339

2) Un arrêt d’espèce ________________________________________________ 341

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 _____________________________________________ 343

CHAPITRE 3 : Les autres sources de sécurisation _______________________ 345

SECTION 1 : Des solutions à optimiser __________________________________________ 346

I. Des solutions en droit interne ___________________________________________ 346

A. Le droit de l’urbanisme ______________________________________________ 347

1) Le droit de l’ère urbaine ___________________________________________ 347

a. L’ère urbaine _________________________________________________ 347

b. L’optimisation du droit de l’urbanisme _____________________________ 352

i. Simplification du droit de l’urbanisme ____________________________ 352

ii. Reconnaissance d’une relation triangulaire_________________________ 355

2) Le droit de l’urbanisme, ce nouvel orviétan ____________________________ 358

B. Les autres voies juridiques et non juridiques _____________________________ 361

1) Le référé-suspension, le rescrit et le pétitionnaire _______________________ 361

2) Simplifier la norme _______________________________________________ 365

II. Des solutions en droit externe ___________________________________________ 368

A. Interrogation sur la notion allemande de Vertrauensschutz __________________ 368

1) Présentation du Vertrauensschutz ____________________________________ 368

2) L’intérêt limité d’une transposition en droit français _____________________ 371

B. Interrogation sur la notion anglaise d’estoppel ____________________________ 374

1) Présentation de l’estoppel __________________________________________ 374

a. L’estoppel by representation _____________________________________ 375

b. L’estoppel by convention ________________________________________ 376

c. Le promissory estoppel _________________________________________ 377

d. La proprietary estoppel _________________________________________ 378

2) Rejet de l’estoppel par le juge de la légalité ____________________________ 379

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

477/480

3) Réflexion sur une adaptation à la française ____________________________ 381

a. Une notion inadaptée ___________________________________________ 381

b. Éléments de réflexion pour une adaptation __________________________ 384

SECTION 2 : Des solutions à créer _____________________________________________ 388

I. Créer une procédure de la régulation _____________________________________ 388

A. La régulation et la protection des administrés ____________________________ 389

1) La régulation, une notion juridique __________________________________ 389

2) La régulation, un mode alternatif de protection de l’intérêt général _________ 391

B. La régulation du contentieux de l’urbanisme _____________________________ 392

1) L’appréhension de l’évolution des pratiques contentieuses ________________ 392

2) Un régulateur non juridictionnel pour un urbanisme durable ______________ 394

II. Les autres voies juridiques et non juridiques _______________________________ 395

A. Les autres voies juridiques ___________________________________________ 396

1) En finir avec les solutions en trompe-l’œil ____________________________ 396

2) Repenser l’accès au juge avec de « vraies » solutions ____________________ 399

B. Les voies non juridiques ____________________________________________ 403

1) Redorer l’image des logements sociaux ______________________________ 403

2) Créer un outil de statistiques efficace ________________________________ 406

CONCLUSION DU CHAPITRE 3 _____________________________________________ 409

CONCLUSION DU TITRE 2nd ________________________________________ 411

CONCLUSION GÉNÉRALE __________________________________________ 413

BIBLIOGRAPHIE __________________________________________________ 419

I. Ouvrages___________________________________________________________ 419

A. Ouvrages Généraux ________________________________________________ 419

B. Ouvrages Spécialisés _______________________________________________ 421

C. Ouvrages Collectifs ________________________________________________ 428

II. Thèses _____________________________________________________________ 433

III. Mémoire _________________________________________________________ 435

IV. Articles __________________________________________________________ 435

A. Articles Généraux _________________________________________________ 435

B. Articles spécialisés ou tirés des Mélanges _______________________________ 435

C. Articles Collectifs _________________________________________________ 437

V. Périodiques et Revues ________________________________________________ 438

Page 478: DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ PARIS DESCARTES Discipline

BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

478/480

VI. Conclusions _______________________________________________________ 453

VII. Études et rapports et colloques ________________________________________ 457

A. Études ___________________________________________________________ 457

B. Rapports et réponses ministérielles _____________________________________ 459

C. Colloques et Conférences ____________________________________________ 461

INDEX _____________________________________________________________ 463

TABLE DES MATIÈRES _____________________________________________ 469

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BOUSSEMART Déborah – Thèse de doctorat – 2015

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Ecole Doctorale de Sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion

Centre Maurice HAURIOU pour la Recherche en Droit Public

Université Paris Descartes

Faculté de Droit - CMH

10, avenue Pierre Larousse

92240 Malakoff

RESUME :

La présente thèse s’intéresse à la systématisation des menaces d’annulation des permis de

construire. Elle a pour objet d’analyser la réalité des recours abusifs devant le juge

administratif français. Le phénomène de multiplication des recours abusifs pose le problème

de l’instrumentalisation du juge par des requérants malveillants. Cette instrumentalisation

transforme le prétoire en une sorte de marché juridictionnel et se traduit en pratique par des

coûts contentieux et transactionnels de plus en plus lourds pour les bénéficiaires

d’autorisation d’urbanisme. Des instruments de régulation procédurale existent mais sont

apparus insuffisants jusqu’à la réforme du contentieux d’urbanisme de 2013. Cette réforme

apporte des solutions innovantes. L’optimisme pousse à croire que ces mesures seront

efficaces, mais un brin de pessimisme conduit à l’analyse d’autres solutions. Ainsi, le but de

cette thèse est, d’une part, d’analyser les écueils actuels qui ont conduit à l’insécurité des

bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme et, d’autre part, d’analyser la pertinence des

instruments juridiques régissant le droit de l’urbanisme avec un focus particulier sur les

apports de la réforme des procédures contentieuses en urbanisme de 2013.

Keys in order to secure legal certainty of construction authorizations

against the overuse of the right of individual recourse

ABSTRACT:

The present dissertation is interested in the systematization of the threats of construction

authorizations cancellation. This discussion examines the reality of overuses of the right of

individual recourse in order to examine issues which could enhance the legal certainty of

construction authorizations. The rapid growth of the overused recourses number leads to the

manipulation of the law and of the judge. This transforms the courtroom in an odd market

where the judge is the tool of a bad regulation. The result is significant. The reason for that is

very simple : litigation is quite expensive and amicable settlements too. However, regulatory

measures exist but they are not effective. The 2013 reform brought several innovative

changes. Optimism leads us to believe these changes will be effective. But a more

pessimistic viewpoint leads to highlight the other solutions. Hence, the purpose of this thesis

work is to analyze the obstacles and limits of the existing tool which have led to insecure

construction authorizations. Furthermore, it aims to analyze the relevance of existing legal

instruments in urban planning law.

DROIT PUBLIC

MOTS-CLES :

Permis de construire – Sécurisation – Recours abusifs – Juge administratif – Contrôle de

légalité – Contentieux d’urbanisme – Recours en excès de pouvoir.