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40 Travail & Sécurité – Octobre 2009 entreprise déplacements Prévention du risque trajet et mobilité Domicile-travail Située au Nord de Strasbourg, la zone d’activités « Espace européen de l’entreprise » a connu une forte croissance ces dernières années. Afin d’accompagner ce développement par une offre en transport collectif ou en site propre adaptée, une association des utilisateurs et un Plan de déplacement interentreprise ont été mis en place en 2007. Retour sur une expérience d’amélioration des conditions de déplacement domicile-travail. P ionnière dans le déve- loppement des modes de déplacement alter- natifs à la voiture individuelle, notamment avec la mise en œuvre de son tram et ses kilo- mètres de pistes cyclables, la Communauté urbaine de Strasbourg pousse son avan- tage. La charte pour la mise en œuvre du Plan de dépla- cement interentreprise (PDIE) de l’Espace européen de l’entreprise et du Mittelfeld, une zone d’activité située au Nord de la ville et regroupant 400 entreprises et 5 000 sala- riés, commence à porter ses fruits. Signée voilà plus d’un an par les pouvoirs publics et un certain nombre d’acteurs de l’économie locale ( 1 ), cette charte d’engagements a été accompagnée par la création de l’Association des utilisa- teurs de l’Espace européen de l’entreprise et du Mittelfeld (AUEEEM) et une meilleure prise en compte du risque lié au trajet domicile-travail à tra- vers le PDIE. Élaboré en 2007 par la CCI de Strasbourg et du Bas-Rhin, il s’agit du premier PDIE réalisé à l’échelle d’une importante zone d’activités dans le département. « Cette zone d’activités s’est développée à une époque où les préoccupations environ- nementales et énergétiques n’étaient pas aussi fortes que maintenant, explique Joël Steffen, chargé de mis- sion déplacements pour le compte de la CCI. Distante d’une dizaine de kilomètres du centre de Strasbourg, elle a été conçue, il y a près de vingt ans, en s’appuyant sur une voie autoroutière. » De fait, mal- gré une desserte directe de la zone par trois lignes de bus, les déplacements en transports collectifs restent aujourd’hui minoritaires. L’état des lieux effectué lors de la préparation du PDIE s’avérait indispen- sable. Le diagnostic déplace- ments et mobilité réalisé par l’AUEEEM, confirme l’impor- tance du recours à la voiture : près de deux salariés sur trois utilisent un véhicule pour leur déplacement domicile-travail. Un chiffre à comparer avec le résultat d’une récente enquête qui donne un salarié sur deux pour la Communauté urbaine de Strasbourg. La CCI de Strasbourg et du Bas- Rhin a fait part de ce constat au groupe de travail multi- partenarial copiloté par la préfecture et la CRAM Alsace- Moselle. « Ce groupe œuvre depuis 2002 pour la prévention du risque routier professionnel, explique Marc Peter, contrô- leur de sécurité à la CRAM. Il a également pour vocation de proposer des actions à inscrire au Plan départemental d’action de sécurité routière (PDASR). » Dans cet esprit, l’AUEEEM et la CRAM ont lancé, en 2008, une enquête centrée sur le risque routier lié au déplacement domicile-travail. Cette étude, conduite par l’Automobile club d’Alsace (ACA) auprès de sept entreprises employant au total 650 salariés et cofinancée par la CNAMTS à titre expérimen- tal, va alimenter les différen- tes actions menées, soit dans le cadre du plan interentrepri- ses, soit dans les entreprises. « Le recueil de données a été réalisé grâce à l’outil internet Pedro trajet, commente Marc Peter, et constitue un préala- ble afin de mieux évaluer l’ex- position des salariés au risque trajet et définir les priorités des actions. » « Cette enquête montre une

Domicile-travail Prévention du risque trajet et mobilité

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Page 1: Domicile-travail Prévention du risque trajet et mobilité

40 Travail & Sécurité – Octobre 2009

entreprise déplacements

Prévention du risque trajet et mobilité durable se conjuguent Domicile-travail

Située au Nord de Strasbourg, la zone d’activités « Espace européen de l’entreprise » a connu une forte croissance ces dernières années. Afin d’accompagner ce développement par une offre en transport collectif ou en site propre adaptée, une association des utilisateurs et un Plan de déplacement interentreprise ont été mis en place en 2007. Retour sur une expérience d’amélioration des conditions de déplacement domicile-travail.

P ionnière dans le déve­loppement des modes de déplacement alter­

natifs à la voiture individuelle, notamment avec la mise en œuvre de son tram et ses kilo­mètres de pistes cyclables, la Communauté urbaine de Strasbourg pousse son avan­tage. La charte pour la mise en œuvre du Plan de dépla­cement interentreprise (PDIE) de l’Espace européen de l’entreprise et du Mittelfeld, une zone d’activité située au Nord de la ville et regroupant 400 entreprises et 5 000 sala­riés, commence à porter ses fruits. Signée voilà plus d’un an par les pouvoirs publics et un certain nombre d’acteurs de l’économie locale (1), cette charte d’engagements a été accompagnée par la création de l’Association des utilisa­teurs de l’Espace européen de l’entreprise et du Mittelfeld (AUEEEM) et une meilleure prise en compte du risque lié au trajet domicile­travail à tra­vers le PDIE. Élaboré en 2007 par la CCI de Strasbourg et du Bas­Rhin, il s’agit du premier PDIE réalisé à l’échelle d’une importante zone d’activités dans le département.« Cette zone d’activités s’est

développée à une époque où les préoccupations environ-nementales et énergétiques n’étaient pas aussi fortes que maintenant, explique Joël Steffen, chargé de mis­sion déplacements pour le compte de la CCI. Distante d’une dizaine de kilomètres du centre de Strasbourg, elle a été conçue, il y a près de vingt ans, en s’appuyant sur une voie autoroutière. » De fait, mal­gré une desserte directe de la zone par trois lignes de bus, les déplacements en transports collectifs restent aujourd’hui minoritaires. L’état des lieux effectué lors de la préparation du PDIE s’avérait indispen­sable. Le diagnostic déplace­ments et mobilité réalisé par l’AUEEEM, confirme l’impor­tance du recours à la voiture : près de deux salariés sur trois utilisent un véhicule pour leur déplacement domicile­travail. Un chiffre à comparer avec le résultat d’une récente enquête qui donne un salarié sur deux pour la Communauté urbaine de Strasbourg. La CCI de Strasbourg et du Bas­Rhin a fait part de ce constat au groupe de travail multi­partenarial copiloté par la préfecture et la CRAM Alsace­

Moselle. « Ce groupe œuvre depuis 2002 pour la prévention du risque routier professionnel, explique Marc Peter, contrô­leur de sécurité à la CRAM. Il a également pour vocation de proposer des actions à inscrire au Plan départemental d’action de sécurité routière (PDASR). » Dans cet esprit, l’AUEEEM et la CRAM ont lancé, en 2008, une enquête centrée sur le risque routier lié au déplacement domicile­travail. Cette étude, conduite par l’Automobile club d’Alsace (ACA) auprès de sept

entreprises employant au total 650 salariés et cofinancée par la CNAMTS à titre expérimen­tal, va alimenter les différen­tes actions menées, soit dans le cadre du plan interentrepri­ses, soit dans les entreprises. « Le recueil de données a été réalisé grâce à l’outil internet Pedro trajet, commente Marc Peter, et constitue un préala-ble afin de mieux évaluer l’ex-position des salariés au risque trajet et définir les priorités des actions. » « Cette enquête montre une

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Prévention du risque trajet et mobilité durable se conjuguent grande diversité des situations et des attentes selon les entre-prises et leur lieu d’implan-tation », commente Vincent Clévenot, directeur de la for­mation­sécurité routière à l’ACA. Parmi elles, B2S, Bio­Rad, et Steelcase, trois entreprises implantées récemment sur le site. B2S, 230 salariés dont 170 sur le site de Schiltigheim, assure un service en centre d’appels téléphoniques spé­cialisé dans la relation client de 8 h à 20 h et six jours sur sept. « Notre établissement est

implanté à proximité d’un carre-four qui constitue un des points noirs de la zone d’activités en termes de sécurité, commente Marie­Claude Palenne, respon­sable des ressources humai­nes. Nous souhaitons la mise en place de ralentisseurs ainsi que l’amélioration de l’éclairage et de la signalisation. »

Déplacements à deux-roues

Bio­Rad, 50 salariés, est spé­cialisée dans la conception et la réalisation d’instruments de diagnostic. Ses salariés tra­vaillent en horaires variables, cinq jours sur sept. « En ce qui me concerne, indique Nathalie Lebourg, comptable, je suis tributaire du train qui dessert mon lieu d’habitation, et la liaison avec l’entreprise exige-rait de prendre en plus le tram, puis le bus. L’offre de services n’est pas satisfaisante et j’uti-lise ma voiture personnelle. » Alain Bartkowiak, technicien contrôle qualité, évoque, quant à lui, des difficultés pour se rendre au travail en fauteuil roulant : « Le bus est bien équipé d’une plate-forme de mise à niveau, mais les trot-toirs ne sont pas aménagés. » Steelcase International est une entreprise spécialisée dans la fabrication et la com­mercialisation de mobi lier de bureau. Ses 330 salariés travaillent en horaires libres

dans des plages horaires adaptées aux missions admi­nistratives et commercia ­les. L’entreprise, qui compte actuellement 40 cyclistes réguliers dont un membre du CHSCT, a, par exemple, tenu compte de la prise de ris­que liée aux déplacements à deux­roues, en organisant des réunions de sensibilisation à leur intention.

Le plan de déplacement interentreprise vise à favoriser l’émergence de solutions collectives ainsi que le développement de modes de déplacement doux.

Après Pedro mission,

Pedro trajet L’outil Pedro trajet, disponible via internet, repose sur un questionnaire qui permet de réaliser l’évaluation du risque routier en intégrant les difficultés rencontrées habituellement lors des déplacements sur le trajet domicile-travail. Un questionnaire complémentaire destiné aux salariés a également été utilisé pour cerner de manière plus approfondie les modalités de déplacement. « L’intérêt de Pedro trajet est sa simplicité d’utilisation : un quart d’heure suffit pour remplir le questionnaire », souligne Vincent Clévenot, directeur formation et sécurité routière de l’Automobile club d’Alsace. Ce travail d’enquête permet d’affiner le plan de déplacement de l’entreprise tout en enrichissant les réflexions globales.

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entreprise déplacements

Ces trois entreprises ont pris en compte la demande des nom­breux salariés favorables aux modes de transport alterna­tifs à la voiture à l’occasion de leur emménagement : choix de l’emplacement à proximité d’une ligne de bus, aménage­ment de parkings ou d’abris pour les vélos, construction de vestiaires avec douches, voire prime incitative pour les abonnés au bus. Plus générale­ment, les efforts consentis par de nombreuses entreprises du site sont réels. Cependant, l’of­fre de transports en commun reste insuffisante, notam­ment aux horaires atypiques liés à la nature de l’activité, ou aux heures de pointe. En outre, l’éloignement de l’arrêt de la ligne de tram reliant la zone au réseau ferroviaire a un effet dissuasif.

Tisser des réseauxLes deux enquêtes – celle menée dans le cadre du PDIE et celle sur le risque trajet – vont dans le même sens. « Au-delà des actions loca-les de sécurisation des zones, nous souhaitons que le travail collectif engagé crée un effet boule de neige et accélère la prise de décisions des autorités publiques, insiste la responsa­ble du personnel de B2S. Nous attendons une amélioration de l’offre de transports en com-mun tant en ce qui concerne la fréquence qu’en matière d’horaires, notamment en fin

de journée. » Enfin, la phase de restitution de l’enquête AUEEEM­CRAM, qui consiste à présenter les résultats au personnel, permet d’instaurer

un dialogue au sein des entre­prises. La démarche inter­entreprise permet, en outre, aux PME­TPE de s’appuyer sur l’expérience des sociétés dont

l’effectif salarié est plus impor­tant. L’effet d’entraînement et l’effet de masse se conjuguent et favorisent l’émergence de solutions collectives. Pour Marc Peter, « il est essentiel de tisser un réseau pour permet-tre aux petites entreprises pré-sentes sur une zone d’activités d’entrer dans une dynamique de prévention du risque trajet ». Dans cet esprit, le site internet « Prévention du risque profes­sionnel » de la CRAM Alsace­Moselle héberge depuis 2009 un blog permettant à tous les salariés d’échanger leurs points de vue sur la prise en compte du risque trajet au sein de l’entreprise (2).

1. Outre les collectivités publiques, les engagements pris impliquent de nombreux autres partenaires et notamment l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, la CCI de Strasbourg et du Bas­Rhin et la Chambre de métiers d’Alsace, section Bas­Rhin et, bien entendu, l‘Association des utilisateurs de l’E puissance 3 – Mittelfeld (AUEEEM) créée à cette à occasion. 2. www.cram­alsace­moselle.fr/risque­routier.

Jean-Paul Richez

Plans de déplacements d’entreprise et interentreprises

Les Plans de déplacement interentreprises (PDIE) ont pour objectif de faciliter la mise en œuvre de partenariats

avec les autorités organisatrices des transports ou bien celles qui sont en charge de la sécurité publique. Ils permettent de mutualiser les moyens humains et matériels mobilisés en regroupant les usagers. C’est dans cet esprit qu’ont été élaborés, en 2007, le PDIE de l’Espace européen de l’entreprise et du Mittelfeld ainsi qu’une charte d’engagements. Les engagements du PDIE et les actions de prévention du risque routier trajet et mission encouru par les salariés se confortent. Au sein des établissements, celles qui sont définies par un plan de déplacements d’entreprise préconisent des mesures de différentes natures : mise en œuvre de transports collectifs ; organisation du travail et des horaires ; aménagement des accès des entreprises et des infrastructures ; actions de sensibilisation. Il facilite également les démarches de prévention des établissements de petite taille. Les quinze engagements pris dans le cadre de la charte du PDIE portent sur trois volets principaux : transports publics (6 points) ; mobilités douces (5 points) ; développement de modes de déplacement alternatifs à la voiture (3 points). Le dernier engagement vise à garantir la pérennisation du PDIE.

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L’objectif du PDIE est une meilleure prise en compte du risque lié au

trajet domicile-travail.