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1 Don et dette ou les fonctions du contre-don dans la construction des relations sociales Aline Gohard-Radenkovic - Université de Fribourg, Suisse Citation: Gohard-Radenkovic, Aline (2016), “Don et dette ou les fonctions du contre-don dans la construction des relations sociales”, in Laura Santone (a cura di), Il dono come paradigma linguistico-culturale, mediAzioni 20, http://mediazioni.sitlec.unibo.it, ISSN 1974-4382. Introduction Interroger la construction des liens sociaux entre des individus ou des groupes possédant des langues et des appartenances différentes, dans son propre contexte ou dans un contexte étranger, c’est aussi s’interroger sur comment se construit la relation à l’autre dans de telles configurations qui sont en fait les plus courantes. Il est donc utile et nécessaire d’appréhender les divers processus participant à la construction de ce rapport à l’altérité. Face à cette complexité 1 , nous partons du postulat que le « don contre-don » est un concept opératoire, un « phénomène social total » comme le propose Marcel Mauss, et de ce fait incontournable à étudier dans les sciences sociales axées sur l’étude des relations, qu’elles qu’en soient les diverses interprétations des spécialistes de la communication. Ces échanges ritualisés sous- tendent toute forme de commerce entre les hommes. C’est pourquoi, nous avons conçu dans le cadre de nos programmes de formation 2 de futurs enseignants de langues et de cultures étrangères mais aussi de futurs médiateurs linguistiques et (inter)culturels pour des entreprises ou organisations 1 Et dotée de 40 ans d’expérience en immersion longue dans différents pays étrangers. 2 Aussi bien dans nos postes l’étranger que dans notre poste en Suisse.

Don et dette ou les fonctions du contre-don dans la ... · ... tribus, familles), mais aussi à des fins de cohésion du groupe, que nous illustrerons, ... L’un de cavaliers fait

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Don et dette ou les fonctions du contre-don dans la construction des

relations sociales

Aline Gohard-Radenkovic - Université de Fribourg, Suisse

Citation: Gohard-Radenkovic, Aline (2016), “Don et dette ou les fonctions du contre-don dans

la construction des relations sociales”, in Laura Santone (a cura di), Il dono come paradigma

linguistico-culturale, mediAzioni 20, http://mediazioni.sitlec.unibo.it, ISSN 1974-4382.

Introduction

Interroger la construction des liens sociaux entre des individus ou des groupes

possédant des langues et des appartenances différentes, dans son propre contexte

ou dans un contexte étranger, c’est aussi s’interroger sur comment se construit la

relation à l’autre dans de telles configurations qui sont en fait les plus courantes. Il est

donc utile et nécessaire d’appréhender les divers processus participant à la

construction de ce rapport à l’altérité. Face à cette complexité1, nous partons du

postulat que le « don contre-don » est un concept opératoire, un « phénomène social

total » comme le propose Marcel Mauss, et de ce fait incontournable à étudier dans

les sciences sociales axées sur l’étude des relations, qu’elles qu’en soient les diverses

interprétations des spécialistes de la communication. Ces échanges ritualisés sous-

tendent toute forme de commerce entre les hommes.

C’est pourquoi, nous avons conçu dans le cadre de nos programmes de formation2 de

futurs enseignants de langues et de cultures étrangères mais aussi de futurs

médiateurs linguistiques et (inter)culturels pour des entreprises ou organisations

1 Et dotée de 40 ans d’expérience en immersion longue dans différents pays étrangers.

2 Aussi bien dans nos postes l’étranger que dans notre poste en Suisse.

2

internationales, une initiation à l’anthropologie de la communication3. Cette

anthropologie est de nos jours dominée par des conceptions interactionnistes4, où les

échanges verbaux et non verbaux (soit comportementaux quand ces derniers sont du

tout analysées), sont étudiées le plus souvent de manière décontextualisée, sans

prendre en compte le fait que les pratiques sociales et langagières sont enculturées.

Notre souci a toujours été de faire observer des situations de communication

recontextualisées en regard des langues en jeu, de l’époque et du contexte et du type

de situation (formelle, informelle, semi-formelle)5, tout en nourrissant la réflexion de

nos étudiants par des extraits de textes en sciences sociales6. Au risque de passer

pour une professeure « dépassée », nous nous sommes donc appuyée sur de grands

classiques comme Marcel Mauss pour le don et contre-don, Bourdieu pour les

concepts de capitaux et d‘habitus ou encore Goffman pour les concepts de statut et

de face7, pour ne citer ici que ces textes fondateurs.

Notre article se composera de deux grandes étapes partant des théories et

conceptions pour nous acheminer vers l’observation des pratiques sociales du don

contre-don dans diverses sphères de la vie quotidienne et professionnelle, en illustrant

chaque étape de notre texte par des exemples ou des études de cas.

3 Démarche issue de notre propre parcours de mobilité internationale mais aussi de nos études en

socio-anthropologie. Voir Gohard-Radenkovic, 2009.

4 Conceptions le plus souvent inspirées de l’ethnométhodologie : voir Gohard-Radenkovic et

Radenkovic, 2013.

5 Interactions que nous avons fait observer aux étudiants dans de petits extraits de films documentaires

ou de fiction, en articulation avec une grille de lecture s’appuyant sur un ou plusieurs concepts comme

par exemple le don, le conflit, la dénomination, l’identité, les appartenances, le statut, la « culture », les

pratiques (alimentaires, corporelles, de voisinage), etc. Voir Gohard-Radenkovic, 2010.

6 En socio-ethnologie, en anthropologie sociale et en anthropologie de la communication.

7 En rappelant que Marcel Mauss dans son texte don contre don avait déjà abordé la notion de face

dans les interactions interpersonnelles et intergroupales.

3

1. Les diverses conceptions de la théorie du don contre-don et leur évolution

1.1. Le don contre-don de Marcel Mauss ou la triple obligation : le rééquilibrage

permanent d’un rapport de forces

Rappelons rapidement8 ici la conception de Marcel Mauss qui constate que les

échanges dans les sociétés dites archaïques sont complexes : il ne s’agit pas de

simples échanges de biens de richesse et de produits ; il ne s’agit pas d’échanges

entre des d’individus mais entre des collectivités « qui s’obligent mutuellement,

échangent et contractent» qui peuvent s’affronter et s’opposer à travers leur chefs ;

enfin ce ne sont pas seulement des richesses ou des choses utiles économiquement

qu’elles échangent mais « des politesse, des festins, des rites, de danses, des fêtes,

des foires… » (Mauss 1923 : 151), traduisant non pas un marché mais un contrat plus

permanent et plus général, pour ajouter un peu plus loin :

Ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire,

par des présents, de cadeaux, bien qu’elles soient au fond rigoureusement

obligatoires, à peine de guerre privée ou publique. Nous avons proposé d’appeler

tout ceci le système de prestations totales. (Ibidem)

Marcel Mauss constate en effet que ces formes d’échanges existent dans un certain

nombre de tribus mais la forme la plus typique et la plus évoluée de ces prestations

totales se trouverait celle des deux dernières tribus du nord-ouest américain, qu’il

définira pour sa part « potlatch ». Il considère ces actes comme les plus ritualisés, les

plus achevés car ils proposent (imposent ?) une « triple obligation » (donner - recevoir

– rendre)». Mauss postule la pratique du don contre-don comme acte fondateur à tout

lien social, à des fins de rééquilibrage permanent des rapports de force existant entre

des groupes (clans, tribus, familles), mais aussi à des fins de cohésion du groupe, que

nous illustrerons, quant à nous, par un extrait de film de fiction.

8 … puisque d’autres textes aborderont également la conception de Marcel Mauss.

4

L’extrait que nous avons choisi est issu du film intitulé, Mongol (2008)9, et met en scène

la pratique du don contre-don dans le cadre d’une rencontre inopinée entre deux

groupes de cavaliers appartenant à des clans différents et qui se considèrent ennemis.

Un groupe de cavaliers mené par le chef Temujin voit un autre groupe de cavaliers

entourant leur chef assis en train de manger. Le groupe à cheval s’arrête et l’un

des cavaliers dit : « Ce sont nos ennemis là-bas ! »

Temujin répond : « Qu’est- ce que ça peut faire ? On ne répand pas le sang dans

les moments de repos. Allons-nous asseoir !

Ils s’assoient à une distance respectable de manière symétrique en demi-cercle

(le chef entouré par ses cavaliers, son fils assis près de lui) et chaque groupe se

jauge et évalue le danger que peut représenter l’autre. Puis un serviteur du groupe

déjà installé est envoyé comme émissaire par le chef de la tribu « ennemie ».

Le serviteur dit : « Mon maître t’offre ce bol de lait »

Temujin : « Bien je te remercie. Installe-toi ! » Le serviteur s’assoit face au groupe.

Temujin, tendant un bol de lait et un plateau de viande bien fourni, dit à son tour :

« Tiens, voilà pour ton Maître ! »

Le serviteur prend les deux présents, se lève et dit : « Merci pour mon Maître !

L’un de cavaliers fait signe au serviteur : « Tu peux y aller ! ». Le serviteur part en

s’inclinant : « Merci pour lui ! ». Le serviteur se presse pour retourner vers son

groupe et remet les cadeaux.

Temujin s’apprête à boire mais l’un de ses cavaliers retient son geste et lui dit :

« Ne bois pas, attends laisse le faire… Il nous regarde d’une drôle de manière ».

Un des cavaliers ajoute : « Tous ces hommes sont nos ennemis ! »

Temujin répond : « Si Kamoukaï enfreint les règles le premier, le monde entier en

paiera les conséquences… car toute chose sera bouleversée… ».

9 Synopsis : le film (semi-historique) raconte l'incroyable destinée de Gengis Khan. De son vrai nom

Temujin, ce chef des Mongols fut l'un des plus grands conquérants de l'histoire. Entre la fin du XIIe

siècle et le début du XIIIe, il réussit à unir les tribus tuques et mongoles et créa un empire largement

supérieur en taille à celui d’Alexandre. Voir http://www.dailymotion.com/video/x5kca3_don-et-contre-

don_tech

5

Puis sans se quitter du regard, les deux chefs boivent leur son bol de lait en même

temps et le renversent ostensiblement d’un même mouvement pour montrer que

chacun l’a bien bu jusqu’à la dernière goutte.

Nous venons de le voir, la séquence retenue met en scène la théorie maussienne de

la triple obligation de donner, comme le fait le chef de la tribu installée, de recevoir

mais aussi de rendre, comme le fait l'autre chef de tribu arrivé plus tard. Face au conflit

latent entre les deux chefs de guerre, ces présents – ici de la nourriture – échangés

selon des règles attendues et codifiées, sont là pour désarmer l’autre (dans le sens

fort du terme) et déconstruire la méfiance. On donne et on reçoit pour montrer sa

confiance en buvant du lait (qui pourrait être empoisonné), tout en s’observant

réciproquement. Mais le chef qui a reçu doit rendre et fera à son tour un don, plus

généreux, en proposant également un bol de lait et un plateau de viande, denrée

précieuse. Nous voyons ici toute l’ambivalence du don contre-don : il est à la fois

l’instauration d’un rapport de confiance, qui permet de « sublimer la violence », selon

l’expression de Frédéric Lordon (2006)10, même si cette sublimation est provisoire,

mais qui est aussi expression tacite d’un rapport de force où chacun fera de la

surenchère pour garder le pouvoir, maintenir l’autre dans son statut inférieur, tout en

protégeant son territoire. Cette sublimation de la violence peut s’accompagner d’un

sentiment de l’honneur, nous dirions une logique de l’honneur en anthropologie, quand

Temujin répond à l’interjection : « Des ennemis là-bas ! « , « Qu’est-ce que ça peut

faire ? On ne répand pas le sang dans les moments de repos. Allons-nous asseoir ! »

10 Cet auteur se positionne contre le conatus de Spinoza (soit l’hégémonie du soi et préservation de son

existence par tous les moyens), en invoquant le rituel du don contre-don non pas comme un acte

uniquement intéressé mais comme un acte de sublimation de la violence. Dans cette optique, il

différencie trois types d’échanges : le don de pacification (don cérémoniel), de don de coopération (don

de sociation) ou de don unilatéral (don de charité).

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1.2. Le don contre-don selon Marcel Hénaff : distinguer « rivalité de

reconnaissance » et « dette »

Nous continuerons avec la conception de Marcel Hénaff qui distingue dans la pratique

du don-contre don entre « rivalité de reconnaissance » et « dette », l’un relevant pour

lui du symbolique et l’autre du juridique.

Dans ces sociétés (archaïques), la réciprocité du don ne s’inscrit pas dans une

logique de dette mais de rivalité et de reconnaissance réciproque à caractère

obligatoire. Le contre-don n’est pas un « remboursement », un « bénéfice », une

« récompense » du don initial mais un acte établissant une réciproque qui confirme

le lien établi. Ce n’est pas une dette mais, comme l’écrit Malinowski, un « défi ».

(Hénaff 2002 : 171)

Nous ne souscrivons pas à cette distinction entre ces deux concepts, faite par Hénaff,

car nous retrouvons ces deux notions, reconnaissance liée à celle de redevabilité,

dans un certain nombre de travaux celui de chez Raymonde Carroll, ethnologue sur

l’île de Nukuoro11. Ainsi, dans son Introduction, elle montre que le rapport qui se

construit et se maintient par rapport à son informateur, dans un contexte donné et à

un moment donné, passe toujours par une grille d’interprétation socioculturelle des

deux côtés. Elle raconte avoir offert « une belle pièce de tissu » à sa voisine, « une

vieille femme importante dans la communauté, à cause de sa connaissance des

traditions, contes et légendes, et médecine indigène » (Carroll 1987 : 24) pour la

remercier, ce qui est un usage courant et quotidien entre les membres mêmes de cette

communauté.

Mais cet échange obéit à des règles cachées. « Je n’oublierai jamais, cependant, la

manière dont le mien a été reçu à cette occasion. La femme a jeté de côté mon beau

tissu, puis s’est littéralement mise à ‘m’engueuler’ pour lui avoir fait ce cadeau. Je suis

rentée dans ma cabane, très secouée et près des larmes » (ibidem). Le cadeau ne lui

11 Nous dirions dans la plus pure tradition depuis Malinowski, soit comme une ethnologue immergée

dans le groupe étudié (en en parlant la langue) pendant plusieurs années mais qui a été l’une des

premières capable de transférer ses observations vers nos sociétés dites modernes, ici à travers une

comparaison des rituels de communication entre Américains et Français, donnant de nouvelles pistes

d’analyse sur les origines possibles des malentendus et d’incompréhensions dans l’interprétation des

actes quotidiens des uns et des autres.

7

plaisait-il pas ? Voulait-elle la rejeter ? Remettre en question la relation ?, etc. Bref,

quelle(s) raison(s) sous-tendai(en)t cette colère soudaine, se demandait-elle ?

Elle rencontre quelques jours plus tard la fille de son informatrice, qui, à sa grande

surprise, lui demande si sa mère ne l’avait pas « enguelée »12 et ajoute « de ne pas

s’inquiéter si elle l’avait fait, car sa mère avait beaucoup aimé le tissus, et qu’elle le

porterait sûrement à l’église le dimanche suivant » (Carroll 1987 : 25). La première

réaction est toujours ethnocentrique (même une anthropologue n’y échappe pas !!) ; il

faut donc prendre une distance et réfléchir sur le sens que la communauté donne à

l’échange et au don et se poser les bonnes questions : qui fait un cadeau à qui ? Dans

quelles circonstances ? De quelle nature ? se demande l’auteur du texte, et nous

ajouterons quant à nous : à quelle fréquence ? Immédiatement ou en différé ? Y a-t-il

des cadeaux pensables, impensables ? Y a-t-il obligation de cadeau ?, etc. ».

Pour tenter de comprendre, l’ethnologue restitue en un premier temps les paroles de

son interlocutrice quand elle lui a tendu son cadeau : « Pourquoi est-ce que tu me

donnes cela ? Est-ce parce que je t’ai raconté la légende de Vavé ? Est-ce parce que

je t’ai apporté du taro ?... etc. » (ibidem) pour commenter un peu plus loin : « Ce

faisant, elle me rappelait une longue liste, que je n’avais pas épuisé ma dette à son

égard, que j’étais donc encore son « inférieure », que j’étais encore liée à elle »

(ibidem). Nous avons là une première explication.

Raymonde Carroll pousse toutefois un peu plus loin son interprétation : « Disons qu’en

criant, et en s’indignant, elle rétablissait l’ordre : elle n’avait aucun besoin de ce tissu

et traitait comme insignifiant, et l’acceptait, en quelque sorte, pour me faire plaisir,

parce qu’en refusant elle m’insulterait et couperait les liens quasi familiaux que nous

avions établis. » (ibidem). De quel ordre s’agit-il ? L’ordre social fondé sur des rapports

d’autorité : dans sa communauté, elle est « l’ancienne », possède donc l’âge mais

aussi le savoir et donc le pouvoir. En allant dans le même sens, nous ajouterons, pour

notre part, que son informatrice connaît bien son statut supérieur - le respect qui y est

12 L’ethnologue précise : le mot « engueuler » en nukuoro se traduit par « bouillir à gros bouillons »

(1987 : 25).

8

attaché - et ne tient pas à le perdre. Or cet ordre a été perturbé, de plus par une

étrangère au groupe (même si des liens affectifs se sont noués).

Cet échange « conflictuel » pour le moins inattendu, car tout cadeau est pensé comme

une un acte de reconnaissance envers une personne qui vous a rendu service, nous

oblige à penser autrement ce processus : c’est la question de la redevabilité qui

s’inscrit de facto dans des relations hiérarchiques. Le cadeau ici (qui correspond au

contre don) est pour le débiteur une manière d’honorer sa dette et de rétablir son statut,

sa « face positive », comme dirait Goffman (voir plus loin), vis-à-vis de lui et des autres.

Or, le receveur peut ne pas vouloir voir ce statut se rétablir et maintenir l’autre dans

un statut inférieur, comme le comprend, à juste titre, Carroll. L’ethnologue n’a donc

pas droit au contre-don vécu comme acte de réciprocité.

Cet exemple nous permet de lire l’ambivalence même attachée au don - contre don.

Toutefois on voit bien ici qu’il serait erroné d’y voir seulement un conflit ou un refus car

cette triple obligation de « donner-recevoir-rendre » s’inscrit dans un réseau de règles

et de comportements socioculturels codifiés, liés à un contexte précis et à une époque

précise.

1.3. Contre la conception du don intéressé, le don comme « acte de liberté » de

Jacques T. Godbout

Nous terminerons avec Jacques Godbout qui, lui aussi, s’insurge contre cette

conception prédominante du don intéressé ou « l’hypocrisie du don », s’exprimant

notamment par le langage et des formules toutes faites, « un langage du don »

(entendre : un langage spécifique au don) qui « camouflerait derrière la gratuité et la

générosité, le contraire de ce qu'il exprime réellement » :

Vous avez sûrement tous entendu, et vous avez peut-être même prononcé vous-

même ces phrases quasiment rituelles à l'occasion d'un cadeau. Quelqu'un offre

un cadeau à une personne et alors, celui qui le reçoit dit : « Mais voyons donc ! Tu

n'aurais pas dû ! C'est bien trop ! C'était pas nécessaire de faire ça. » Et l'autre,

celui qui a donné, rétorque : « Mais non, penses-tu, c'est rien du tout, voyons ! »

Alors que chacun pense, souvent, le contraire. Celui qui dit que ce n'est rien du

tout, pense plutôt qu'il a fait un très beau cadeau. Et le receveur peut penser que

9

ce n'est pas si extraordinaire ; à tout le moins, il ne pense probablement pas que

le donneur n'aurait pas dû, surtout s'il croit par ailleurs, comme il le dit, que c'est

un cadeau magnifique. Donc le langage du don serait un langage hypocrite, un

langage faux qui servirait à cacher l'intérêt et mettrait en évidence l'hypocrisie du

geste lui-même. Si on donne de moins en moins pour obéir à la morale, c'est tout

simplement parce qu'on le fait de plus en plus par intérêt. (Godbout 1992 : 17)

A l’opposé de ces conceptions du don que le donneur ferait par morale, par égoïsme,

par intérêt, l’auteur revendique la liberté du don dans nos sociétés modernes.

Mais si on accepte l'idée de la liberté, l'idée de la nécessité de la liberté dans le

don, on constate que ça n'a rien à voir avec l'hypocrisie. Tous ces échanges de

mots autour du don servent à maintenir la liberté qui est essentielle au don. Le

langage du don, pour revenir à la question de départ, loin d'être hypocrite, sert à

libérer l'autre en permanence de l'obligation de réciprocité qui découle du don. Ce

langage, qui a l'air hypocrite, fait en sorte que le retour, si jamais il y a retour, sera

aussi un don. Ce qui revient à dire qu'il va être libre lui aussi. C'est un langage qui

est complètement à l'opposé de la négociation qui, elle, veut aboutir à un contrat,

à une entente qui oblige chacune des parties à un engagement réciproque. Dans

le don, au contraire, plus on libère l'autre de son obligation de donner, plus le don

qu'il fera aura de la valeur pour nous. Au point où on dira aussi souvent qu'on

préfère ne rien avoir plutôt que de recevoir un cadeau d'une personne qui s'est

sentie obligée de le faire. (Ibid. : 21)

Un groupe de participants au projet de recherche sur la médiation (inter)culturelle, mis

en place dans le cadre du Conseil de l’Europe (2000-2003)13, va s’intéresser aux

pratiques de l’hospitalité qu’ils postulent comme une pratique universelle et déclarent

à ce sujet :

La réflexion sur les pratiques d’hospitalité a été trop longtemps dominée par la

conception de Marcel Mauss relative au don. Aussi bien, des chercheurs y verront-

ils essentiellement l’échange d’un don symbolique, en insistant sur la réciprocité,

avec la reproduction du cycle en trois mouvements (donner, recevoir, rendre) et la

réversibilité des statuts de donneur et de bénéficiaire. (2000-2003 : 147)

Selon eux, la recherche contemporaine, notamment celle de Jacques Godbout, « non

seulement élargit sensiblement ce cadre, certainement trop étroit, mais en plus le

13 Voir plus loin les conditions et les résultats de leur recherche.

10

nuance, en mettant l’accent sur les spécificités de cette pratique » (ibid.), qu’ils

déclinent de manière très concise comme suit :

. elle est essentiellement célébration de lien entre partenaires et a pour fonction –

plus que le don – de maintenir ce lien, voire de l’amplifier à l’avenir ;

. elle est vécue comme un moment de sociabilité et suppose le partage en

convivialité d’un événement privilégié : elle peut marquer les étapes importantes

du cycle de vie de H114 ou les célébrations annuelles ;

. dans tous les cas, la pratique de l’hospitalité a, en principe, un caractère libre : si

elle relève d’une obligation, celle-ci est plutôt d’ordre moral que légal ou formel –

cette liberté aussi bien H1 que H215 et elle est particulièrement manifeste en

dehors du réseau de parenté ou de relation de type utilitaire où elle peut suivre un

rythme plus ou moins régulier, déterminé par les partenaires ;

. elle s’exerce dans l’espace de celui qui reçoit, comme signe de sa disponibilité et

de son bon vouloir – à quoi le partenaire reçu doit répondre par des marques de

gratitude et par un comportement adapté ;

. elle est soumise à des conventions, d’habitude plus rigides et plus formelles entre

des partenaires moins proches. En fait, il s’agit d’une sorte de contrat honoraire

est instauré lors de l’acte d’invitation ». (Godbout 1993 : 147)

Malgré l’apport reconnu de Godbout sur les motivations du don, nous devons admettre

que dans les études de cas que nous avons analysées, les exemples trouvés dans

des travaux sur le don ou encore tirés de nos propres expériences, nous n’avons pas

retrouvé sur le terrain ces conceptions relativement euphoriques du don.

2. Le don contre-don et ses manifestations spécifiques dans la construction

des liens sociaux : le cadeau et l’hospitalité

Cette partie, partant du postulat de l’utilité de la théorie du don-contre-don, fondatrice

de la co-construction des relations sociales, s’interrogera sur les fonctions actuelles

dans nos « sociétés modernes », en identifiant les manifestations sociales mais aussi

14 H1 = l’hôte qui invite, qui reçoit.

15 H2 = l’hôte qui est invité, qui est reçu.

11

symboliques de la pratique du don contre-don dans différentes sphères de la société

à travers des exemples contextualisés. Ainsi, nous investiguerons les pratiques du

cadeau, lieu d’analyse des liens lors d’occasions ou d’étapes-clés d’un individu ou d’un

groupe puis celles de l’hospitalité, s’inscrivant par excellence dans cette obligation de

« donner, recevoir et rendre » comme l’a observée Mauss, mettant en jeu des attentes

implicites, des objectifs déclarés et non déclarés, en d’autres termes des processus

relationnels complexes.

2.1. Dans les relations quotidiennes : le cadeau comme réaffirmation des liens

sociaux

Nous abordons ici le cadeau comme l’une des pratiques les plus privilégiées du don

contre-don dans les relations quotidiennes, dans les sphères tant publiques que

privées. Ces cadeaux, circulant au sein d’un groupe, d’un réseau, prennent des formes

différentes selon les situations, les générations, les statuts des acteurs en présence,

mais partagent une même fonction, celle de « maintien » mais aussi de

« réaffirmation » des liens sociaux.

Nous illustrerons en un premier temps cette notion de « cadeau » par un extrait de film

de fiction qui met en scène le « cadeau d’anniversaire » en famille entre plusieurs

protagonistes dont nous analyserons les moments-clés des interactions et ce qu’ils

veulent dire en termes de liens interpersonnels.

La séquence retenue du film, « Un air de famille » de Cédric Klapisch (1996)16,

met en scène la célébration de l’anniversaire de Yolande, à l’occasion duquel la

16 Synopsis : la famille Ménard se réunit toutes les semaines « Au Père Tranquille », le café tenu par

Henri, le fils aîné. Cette fois-ci, elle s'y rassemble pour célébrer le 35e anniversaire de Yolande, épouse

de Philippe, le cadet. Pendant que l'on attend Arlette, la femme d'Henri qui, on l'apprendra en début de

film, vient tout juste de quitter le domicile conjugal, les petites préoccupations de Philippe, cadre dans

une société d'informatique, prennent rapidement le pas sur les politesses d'usage. Comme sa mère ne

manque jamais de le rappeler, celui-ci occupe une position importante dans une grande entreprise de

programmation de la région. Elle s'inquiète également du célibat de sa fille Betty, la benjamine, qui sort

secrètement avec Denis, le serveur du bistro. Alors que les vieilles rancunes ressurgissent, le ton ne

cesse de monter jusqu'à l'avènement d'un nouvel ordre familial. Voir :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_air_de_famille_%28film,_1996%29

12

famille a décidé de se réunir et de se rendre dans un bon restaurant. Le petit

groupe est composé de la mère de son fils aîné Henri, de son fils cadet Philippe,

mari de Yolande, et de sa fille Betty, la benjamine. Elle est donc belle-mère de

Yolande. Mais cette sortie est compromise par le refus de Henri de se joindre au

groupe parce qu’il vient d’être quitté par sa femme, Arlette. Après quelques

tergiversations, les membres de la famille décident de rester avec lui et son

employé Denis, l’amoureux secret de la benjamine, qui passera une partie de la

séquence à réparer le juke-box en panne. Tout se joue donc entre les membres

de la famille dans le cadre d’un anniversaire improvisé et constitué d’un maigre

cake surmonté de quelques bougies et d’une bouteille de champagne.

Les cadeaux pour Yolande sont pour le moins surprenants :

- en premier, un bon pour aller chercher un chien dans un foyer pour animaux, une

race qui a tendance à s’effondrer, offert par sa belle-mère qui aime beaucoup les

chiens et surtout cette race ; Yolande ne sait pas bien comment réagir à ce cadeau

pour ne pas froisser sa belle-mère et a des stratégies d’évitement pour ne pas

montrer sa déception mais ne peut s’empêcher de fondre en larmes…

- en deuxième, une laisse avec des boutons en plaqué argent, destinée au chien,

offert pas son beau-frère Henri qui insiste sur la valeur des boutons ; Yolande se

résigne : encore un cadeau pour le chien : tout semble concentré autour de lui ;

- enfin un tour-du-cou avec des diamants, offert par son mari, que Yolande croit

également réservé au chien et s’exclame : « Oh ! Mais c’est beaucoup trop beau

pour un chien ! » ; méprise que rectifie son mari sur un ton agressif, méchant.

Yolande se remet à pleurer, en prétextant qu’elle a trop bu de champagne.

Dans cette scène, les cadeaux ne remplissent pas la fonction première de faire plaisir

et de célébrer l’anniversaire de la personne qui devrait se trouver en principe au centre

de la fête, bref de l’honorer. En outre, loin d’être des dons « désintéressés », à

l’opposé ces cadeaux ne correspondent pas du tout aux attentes de Yolande mais

plutôt aux préférences de la belle-mère autour de laquelle tout tourne. Ces cadeaux

qui ne lui sont pas en fait destinés, va déclencher chez Yolande tour à tour,

étonnements, hésitations, incompréhensions, larmes. Elle prend alors conscience de

son statut au sein de sa famille : soit plus qu’un statut inférieur, un statut d’inexistence.

Les cadeaux dans cette scène ne participent pas à la fonction habituelle de

resserrement des liens ni de réaffirmation de la cohésion familiale. Au contraire, ils

13

vont déclencher des ressentiments, des reproches, des disputes et des conflits qui

iront crescendo.

2.2. Dans les relations quotidiennes : le cadeau comme réassurance et

contention des tensions sociales

Nous avons pu observer par ailleurs dans nos différents postes que la pratique du don

contre-don était courante dans la sphère professionnelle et qu’elle était mobilisée à

certaines occasions festives qui ponctuent la vie de l’organisation. Ainsi le cadeau a

pour fonction de remercier une personne pour ses « bons et loyaux services » quand

celle-ci quitte l’entreprise ou l’administration quand elle va partir à la retraite ou occuper

un autre poste. Ces rituels se révèlent paradoxaux : ils traduisent à la fois le

« maintien » et la « réaffirmation » des liens sociaux entre individus et entre services

(ceux qui restent du moins), en créant un événement collectif à caractère unitaire. On

pourrait même parler de fonction de réassurance collective sur la cohésion du groupe

et de réassurance individuelle sur son appartenance au groupe.

Parallèlement, et de manière moins visible, ces rituels traduisent le « renforcement »

des rôles et des statuts eux-mêmes s’inscrivant dans des rapports hiérarchiques. Ces

rituels ont aussi pour objectif non déclaré de lisser ces dissymétries et de contenir les

tensions sociales latentes à des fins pragmatiques ou ce que Norbert Alter (2002,

2012) appelle « l’utilité de la théorie du don au service d’un bon management ».

Ce rituel du cadeau n’est pas sans nous rappeler une pratique très répandue parmi

nos collègues russes qui distribuent systématiquement de petits cadeaux tant dans

la sphère professionnelle que dans la sphère privée. Chargée de leur préparation

à un stage en immersion complète dans une entreprise française pendant un

mois17, je les forme à la culture d’entreprise à la française mais aussi aux pratiques

socioculturelles. Je travaille plus spécifiquement sur les rituels du cadeau dans la

société française et insiste sur le fait qu’il n’est en aucun cas attendu qu’un

employé ou qu’un stagiaire fasse un cadeau à son employeur ou à son conseiller

17 J’étais alors Attachée linguistique à l’Ambassade de de France à Moscou de 1990 à 1993 et j’ai

accompagné l’ouverture du pays à l’économie de marché par des formations sur objectifs spécifiques

et des stages professionnels, destinés à des enseignants de langue, spécialisés dans une discipline

autre que la langue (ex. économie, gestion, droit international, diplomatie, chimie, biologie, etc.)

14

de stage, comme on a l’habitude de la faire en Russie, sinon son interlocuteur

risquait d’être fort embarrassé ou pourrait même très mal interpréter ce « don ».

Peine perdue. Quand les rites sont intériorisés, on ne peut les transformer d’un

coup de baguette anthropologique. Ces professeurs (hommes et femmes

confondues) avaient tous emporté dans leur valise le « petit cadeau pour leur

supérieur » qu’ils ont donné au début du stage et non en fin de stage. Ce cadeau

avait donc une tout autre fonction que celle de remerciement. Cette pratique

anticipatrice, soit mettre l’autre, qui sera votre chef, dans de « bonnes

dispositions », ne s’inscrit pas dans l’échange de services. Cette pratique s’inscrit

dans un rapport de pouvoir consenti par le débiteur et dans la construction des

liens à venir que l’on souhaite favorables pour soi.

Nous retrouvons ces pratiques du cadeau omniprésentes dans la société japonaise.

Calqués sur un rythme calendaire très strict et très soutenu, Jane Cobbi (1993) voit

l’échange de cadeaux comme une pratique spécifique, à caractère obligatoire :

« Attentifs à leurs propres coutumes, les auteurs japonais ont tôt fait de relever un

aspect majeur de leurs relations sociales, l’échange des cadeaux (Yanagida 1928). Le

sociologue Kato Hidetoshi (1976), pour souligner le caractère contraignant, a recours

à des formules imagées : « Tous les Japonais sans exception sont pris dans les

mailles du filet de l’échange des cadeaux » (1976 : 103). Cette anthropologue ajoute

plus loin : « La richesse des termes relatifs au cadeau, la rigueur des règles de

présentation, la réciprocité du don et l’enregistrement des cadeaux reçus que celle-ci

entraîne, sont autant d’aspects fondamentaux dans l’univers du cadeau japonais »

(ibid. : 104).

Le soin apporté au choix du cadeau est lié à la prise en compte du statut de son

interlocuteur mais aussi de son propre statut selon les circonstances et au fait qu’il

existe la perspective d’un « retour » qui doit être équivalent ce qui occasionne

l’habitude d’enregistrer le don et le nom du donateur dans un carnet ou sur une liste :

Le principe de réciprocité du don est donc à la base de la pratique d’enregistrer

les cadeaux reçus : on tient compte de ce qu’on a reçu pour évaluer le don que

l’on doit faire à son tour en circonstance analogue. Cela donne lieu à un

phénomène que l’on peut voir partout au Japon, même dans les milieux les plus

modernes, sr le lieu des cérémonies (de mariage, de funérailles, d’inauguration,

etc.) : les convives défilent devant un bureau installé à la réception où sont

enregistrés au fur et à mesure les dons qu’ils apportent. (ibid. : 111)

Malgré cette « pratique pesante d’échange de cadeaux », marqué par un

« formalisme vidé de tout sens » (p.114), la poussée de la consommation, le souhait

15

de « faire de son mieux », et nous ajouterons pour notre part, le désir de ne pas perdre

la face et de garder sa place, encouragent fortement ce principe de l’échange de dons

et « contribuent à en faire un système irréversible » (ibid. : 115).

Jane Cobbi n’exagère pas cette obsession du cadeau dans les sociétés asiatiques.

J’ai été moi-même « confrontée » au retour obligé du cadeau en Corée du sud.

Après avoir rendu service à leur fille18, ses parents n’ont eu de cesse de me

contacter pour me « rembourser » sous une forme ou une autre. Après avoir fait

plusieurs propositions que j’ai refusées19, j’ai fini par trouver un jour sur le seuil de

ma porte un très beau coffre coréen avec une étiquette à l’intérieur, indiquant le

prix. Les parents avaient ainsi non seulement honoré leur dette mais aussi évalué

mon service. Je n’ai plus eu un seul signe de vie de leur part jusqu’à mon départ

du pays, d’autant plus que j’étais étrangère et ne pouvais pas vraiment faire partie

des réseaux locaux, qui se sont construits dans le temps et l’espace à travers des

alliances familiales de type clanique. Cet échange n’a donc créé du lien.

2.2. Les liens entre don contre-don et le sens de l’hospitalité

Peu de travaux ont investigué les liens entre don et contre-don et ce qu’Anne Gotman

(2001) dénomme « le sens de l’hospitalité ». Accueillir l’autre chez soi, dans son

espace (privé ou collectif) pour un temps plus ou moins long, convoque de facto des

rituels du don et contre-don qui s’inscrivent dans un rapport pré-pensé, c’est-à-dire

fondé sur la réciprocité, immédiate ou différée. Toutefois Gotman s’interroge sur cette

hospitalité et ses liens avec cette réciprocité « évidente » ? Existe-t-elle toujours de

nos jours et sous quelles formes ?

Selon elle, tout le monde parle actuellement du déclin de l’hospitalité, en faisant une

nette distinction entre hospitalité publique, celle des agents de l’Etat, des

professionnels de l’hospitalité20, celle des associations caritatives, philanthropiques,

sociales, etc., intermédiaires relayant les politiques d’accueil ou palliant la pénurie de

18 En la logeant à Paris.

19 Par exemple un abonnement d’un an dans un sauna très cher que j’ai refusé, estimant ce cadeau

disproportionné par rapport au service rendu.

20On parlera dans ce cas-là d’accueil des migrants, des réfugiés, des indigents, etc. soit une hospitalité

organisée selon des lois étatiques et des structures qui y sont liées.

16

structures, et l’hospitalité privée, perçue résiduelle et occasionnelle. Mais Gotman ne

souscrit pas à cette séparation et déclare que « l’hospitalité répond à une nécessité

équivalente à l’exogamie : nécessité de s’allier avec l’extérieur », se référant aux

propos de Mauss qui explique ce besoin crucial d’hospitalité : « Dans toutes les

sociétés qui nous ont précédés, et même dans de nombreux usages de notre moralité

populaire, il n’y a pas de milieu : se confier entièrement ou se défier entièrement ;

déposer les armes et renoncer à sa magie, ou donner tout : depuis l’hospitalité fugace

jusqu’aux filles et aux biens », « substituer l’alliance, le don, le commerce à la guerre,

à l’isolement et à la stagnation» (Gotman 2001 : 49).

Gotman rappelle les règles fondamentales invariables de l’hospitalité au-delà des

époques et des contextes :

Ses règles, par-delà leurs nombreuses déclinaisons, restent invariables : l’hôte de

doit pas montrer d’hostilité au maître de maison mais l’honorer ; il ne doit pas

usurper la place en faisant comme chez lui, ni refuser ce qu’on lui offre ; le maître

de maison ne doit pas non plus montrer d’hostilité à son hôte mais l’honorer, il doit

le protéger et s’occuper de lui accorder une préséance. (ibidem)

En décrivant les conceptions maximales et minimales de l’hospitalité, l’auteur parvient

à dégager une règle fondamentale inhérente à l’hospitalité, soit l’asymétrie

permanente des positions entre les protagonistes qu’ils soient hôtes ou invités. « Pour

la plupart des gens, dit-elle, il n’y a pas hospitalité véritable que lorsqu’il y a

dérangement, inconfort, coût et lorsqu’elle est pour ainsi dire cédée à l’autre : il s’agit

là d’une conception maximale de l’hospitalité qui implique une redistribution (même

symbolique) de richesses, un don ou une dépense (selon la théorie), une cession,

même partielle, de souveraineté et une prise en compte de l’altérité (ce en quoi elle

est épreuve).

Cette conception de l’hospitalité maximale me rappelle plusieurs

expériences vécues en Turquie dans les années 80, quand mon mari et moi

étions invités par les familles de nos amis. Je donnerai ici exemple d’une

expérience dans les monts du Taurus, qui nous a marqués, auprès d’une

famille d’éleveurs, en fait semi-nomade, qui restait l’hiver dans la vallée et

l’été dans les « alpages ». La cabane sobrement aménagée avait deux

pièces : une pièce centrale pour la cuisine, les repas et les rencontres, et

une grande pièce avec des tapis pour y dormir. Toute la famille, composée

de six personnes, s’était serrée dans la cuisine et nous, les invités,

bénéficions, à notre grand embarras, de la grande pièce pour dormir. Cette

17

conception de l’hospitalité maximale est liée à deux principes

fondamentaux : au fait que l’étranger doit être honoré et donc traité comme

un roi et au fait que nous nous trouvions dans des solidarités rurales de type

encore traditionnel. Comment remercier à notre tour pour le don de leur

espace et de leur temps sans partage aux hôtes que nous étions. Que

rendre à notre tour ? J’avais pris beaucoup de photos des personnes de la

maison et de leur vie quotidienne… la photo est très prisée en Turquie.

Quelques mois plus tard, j’ai donné en cadeau un album de photos qui leur

était entièrement dédié. Notre ami nous a dit que sa famille tenait tellement

à ce cadeau qu’elle l’emportait avec elle l’été dans la cabane et l’hiver dans

leur maison où cet album trônait sur la table du salon, témoin de notre

reconnaissance.

Qu’appelle-t-on alors l’hospitalité minimale ? Anne Gotman en propose la définition

suivante :

Cette conception de l’hospitalité véritable (ou maximale) décrit a contrario le

fonctionnement de l’hospitalité normale (ou minimale), qui est l’initiative du maître

de maison, et dont les anthropologues se font plus fréquemment l’écho lorsqu’ils

mettent en avant cette première caractéristique fondamentale de l’hospitalité qui

est l’asymétrie…. (…) Asymétrie des positions entre protagonistes21 qui est à son

maximum dans l’hospitalité minimale – lorsque l’hôte arrive à l’heure du maître de

maison ; mais qui peut se trouver bousculée dans l’hospitalité maximale, lorsque

l’arrivant survient à son heure. L’asymétrie se poursuit pendant tout le séjour au

profit du maître de maison, quoique contestée par les revendications égalitaires,

qui, de toutes parts, remodèlent la scène domestique ». (Ibid. : 85)

Nous avions vu au début que, dans les sociétés dites archaïques, le don contre-don

reposait sur des relations de facto asymétriques (et vécues comme telles), voire des

rapports de force, qui se confortaient ou non selon les situations. On retrouve

également cette loi fondamentale d’asymétrie des positions dans l’espace domestique

qui se joue, de manière cette fois-ci implicite, entre l’hôte invitant et l’hôte l’invité. Cette

conception de Gotman remet en question les perceptions naïves des rapports, perçus

comme affectifs et donc égalitaires, entre les individus se recevant dans le cercle

amical ou familial.

21 C’est nous qui soulignons.

18

Dans un projet de recherche menée de 2000 à 2003, portant sur médiation

(inter)culturelle et langues, des chercheurs22. Cette enquête s’inscrivait dans un

contexte spécifique, soit celui d’un projet de recherche, réunissant 23 participants des

pays d’Europe de l’Ouest et d’Europe centrale et orientale, pays-membres du Conseil

de l’Europe, représentant différentes institutions. Chaque groupe, nationalement

mixte, a choisi son sujet dans le cadre de ce projet. Le groupe qui s’est investi dans la

lecture des rituels d’hospitalité s’est concentré sur les pratiques mises en œuvre lors

d’un dîner. Ils pu montrer que les codes d’hospitalité dans divers pays d’Europe

mettaient en jeu des pratiques du don ou contre-don, à la fois évidentes et implicites,

qui différaient d’un contexte socioculturel à un autre.

Ces chercheurs, comme nous l’avons vu plus haut, s’appuient sur une conception plus

large de la notion de don contre-don, liée à celle d’hospitalité, que celle développée

par Mauss en adhérant plutôt à la conception de Godbout23. Dans les quatre contextes

choisis (soit la Grèce, la Lettonie, l’Espagne, l’Autriche), les membres de ce groupe

ont postulé la variation interculturelle mais aussi intraculturelle des modèles. Ainsi ils

annoncent prendre en compte la diversité des contextes, celle des partenaires en

contact ayant des statuts plus ou moins égaux (relations symétriques et relations

dissymétriques) ainsi que la variation des pratiques selon que les buts sont plus ou

moins utilitaires et plus ou moins intéressés.

Nous retiendrons, pour notre part, les questions posées plutôt que les analyses des

réponses menées selon une approche qualitative24, afin de mieux appréhender ce qui

constitue les rituels d’hospitalité de l’arrivée jusqu’au départ. Leur choix s’est porté sur

une invitation à dîner dans un cadre amical et donc familier.

1. Arrivée

1. Quel est le jour de la semaine typiquement choisi ?

2. A quelle heure de la journée ?

22 Plus exactement : Wilczynska, W., Liskova, L., Edvardsdottir, S. et Speitz, H.

23 Voir leur résumé des conceptions de Godbout plus haut.

24 Analyses que nous trouvons néanmoins superficielles et incomplètes par rapport à la densité des

témoignages recueillis dans les 4 contextes.

19

3. Vous attendez-vous à ce que les invités arrivent à l’heure ?

4. Quel est le délai toléré ?

5. Comment se font les salutations verbalement et non verbalement ?

2. Cadeau

pour les hôtes

1. Vous attendez-vous à ce que les invités vous apportent un cadeau ?

2. Quels sont les cadeaux typiques ?

3. Déballez-vous immédiatement un cadeau ?

4. Si le cadeau est par exemple une bouteille de vin ou une boîte de

chocolats, l’ouvrez-vous et l’offrez-vous à vos invités ?

5. Etes-vous supposé montrer votre satisfaction par rapport aux

cadeaux ? Si oui, comment ?

3. Plats et

boissons

1. Quels sont les plats typiques ?

2. Comment ces plats sont-ils servis ? Simultanément ou dans un ordre

donné ?

3. Y a –t-il des rituels ou formules pour le début et la fin du repas ?

4. Les invités sont-ils encouragés à se resservir, ou à manger davantage ?

Si oui, comment ?

5. Quels sont les boissons typiques ? Sert-on habituellement de l’eau/des

boissons sans alcool / des boissons alcoolisées/des boissons chaudes ?

4.

Conversation

1. Quels sujets sont considérés sans risque ?

2. Quels sujets convient-il d’éviter ?

5. Offre d’aide 1. Les invités sont-ils supposés offrir leur aide, par exemple pour la

vaisselle ?

2. S’ils le font, cette offre est-elle acceptée ?

6. Départ 1. Quand les invités sont-ils supposés partir ?

2. Comment prend-on congé verbalement et non verbalement ?

20

3. Y a-t-il une façon de remercier pour le repas, soit au moment du départ,

soit ultérieurement ?

Arrêtons-nous un instant sur leur conclusion, pour le moins surprenante :

Au terme de notre réflexion, l’hospitalité – pratique hautement symbolique – nous

apparaît comme régie par un contrat où chaque partie est liée par des obligations

spécifiques, ayant en commun de contribuer à la satisfaction et au plaisir de l’autre.

Vu l’inégalité des statuts, ces rôles sont largement complémentaires et suivent un

scénario dont le déroulement est prédéterminé socialement, ce qui permet de

formuler les attentes, régit les comportements et interprétations, et permet de

déboucher sur des évaluations. (162)

Ces auteurs s’éloignent en fait de la conception de Godbout, pourtant revendiquée au

départ, qui postule la pratique de l’hospitalité comme un acte libre. Ils se rapprochent

en fait, sans le savoir, de la conception théâtrale d’Erving Goffman (1973 ; 1974). Cet

anthropologue de la communication conçoit les échanges entre les individus comme

une « mise-en-scène » des discours et comportements qui obéissent à des

conventions et à des codes collectifs mais aussi à un langage gestuel et verbal,

intériorisé dans son groupe social. Les ressources des divers acteurs de la scène

sociale seront mobilisées en fonction du statut de la personne, de celui des autres

acteurs, en fonction de la situation (formelle ou non), en fonction du rôle à jouer ou du

rôle assigné dans la rencontre auquel l’invité se conformer ou non, etc.

Une autre dimension, essentielle à la compréhension des modalités d’échanges, et qui

a échappé à ces chercheurs, c’est que toute communication dans toute situation fait

l’objet de renégociations constantes du statut et du rôle de chacun, surtout si l’invité

n’appartient pas au même contexte socioculturel, ne parle pas la même langue, et

donc ne partage pas les mêmes références que son hôte.

Conclusion

Nous l’avons vu, il existe diverses conceptions et fonctions du don contre-don dans

les sociétés archaïques et dans nos sociétés modernes mais les ethnologues et

anthropologues sont d’accord avec l’idée que, s’il y a eu évolution, voire diversification

des pratiques, il n’y a jamais eu de rupture mais plutôt une continuité.

21

Nous l’avons vu également, les rituels de don et contre-don, sous forme de cadeau,

de service, d’échange, d’hospitalité, etc., participent aux relations asymétriques et aux

rapports de force mais portent toutefois en eux des espaces de rééquilibrage et de

renégociation au cœur des dissymétries. Ils permettent donc de construire du lien

social, même dans l’adversité, mais ce lien est fragile et demande à être sans cesse

actualisé, renouvelé, confirmé, vérifié, testé à travers tout échange. Ils peuvent aussi

dévoiler les tensions entre les individus ou les groupes.

La pratique du don contre-don est donc un puissant révélateur non seulement de l’état

des liens sociaux à un moment donné dans un espace donné mais est aussi un

régulateur potentiel des conflits entre les individus et les groupes. Ayant des enjeux et

des intérêts divergents, ces acteurs obéissent le plus souvent à des logiques propres

tant collectives qu’individuelles, souvent invisibles aux protagonistes eux-mêmes,

même ceux partageant une même communauté de langue.

Dans ce sens, nous rejoignons Dominique Picard (1995), quand celle-ci prône la

connaissance des enjeux des partenaires en présence car elle est nécessaire au

savoir-vivre. Elle écrit dans sa conclusion :

Le savoir-vivre tend à constituer un répertoire des acteurs, des lieux, des

moments et des situations ; inventaire méthodologique permettant de

catégoriser sans ambiguïté selon une logique binaire : homme/femme,

inférieur /supérieur, public/privé. ouvert/fermé, temps domestique /temps

social… A chacune des catégories – qui se combinent entre elles –

correspondent des règles spécifiques : par exemple, on ne salue pas de la

même façon un homme ou une femme, un supérieur ou un subordonné,

dans la rue ou chez soi… On a montré aussi que deux modèles relationnels,

fondés sur la symétrie et l’asymétrie, orientent les règles de conduite :

Cependant, l’ordre social n’obéit pas seulement à une logique

classificatoire qui guide et facilite le choix de comportements à tenir. « La

mise en scène de la vie quotidienne » répond aussi à des ressorts

dramatiques : ils sont liés aux finalités et enjeux de toute relation

interpersonnelle. Ces enjeux concernent deux grandes problématiques :

- une problématique identitaire, symbolisée par l’expression « garder la

face » ;

- une problématique relationnelle qui concerne le contact et la distance,

l’ouverture te la fermeture, le lien et la réserve : elle tourne autour de la

notion de « territorialité ».

22

Reconnaissance des faces et respect des territoires apparaissent comme

des enjeux fondamentaux la dramaturgie sociale. (Picard 1995 : 251)

Nous l’avons dit, cette mise-en-scène de soi et de l’autre, selon une partition bien

réglée et apprise par cœur, s’inscrit de facto dans un rapport asymétrique. Ce principe

fondateur remet en question les conceptions iréniques qui sévissent dans le champ de

l’interculturel ou les conceptions décontextualisées et désocialisées dans le champ

interactionniste. Il nous faut donc retenir que les processus en tension entre le maintien

de son statut et le rétablissement de celui de l’autre sont le moteur même de ces

échanges. Dans ce sens, Picard prédit que « celui qui ne se conforme pas au rituel

s’exclut des relations sociales par une sorte de sanction intrinsèque qui accompagne

toute forme d’écart » (ibid. : 252).

La méconnaissance des pratiques, que ce soit dans son propre pays ou dans un pays

étranger, peut en effet engendrer malentendus, déceptions, conflits, voire rupture du

lien social. C’est pourquoi je suis toujours perplexe quand je constate que les

institutions ou les organisations envoient de manière aveugle des élèves, des

étudiants, des professionnels, etc. qui partent à l’étranger, perplexe quand je vois

comment fonctionne de manière inconsciente ou incohérente l’accueil des personnes

en situation d’immigration et d’installation.

Si l’on est conscient des pratiques et des enjeux de cohabitations et de cohésion, de

savoir-vivre et de survie, qu’elles sous-tendent, il est alors indispensable de proposer

une formation, ou du moins une initiation en anthropologie à tous les acteurs

concernés. L’anthropologie ne devrait pas rester l’apanage des seuls spécialistes et

ne devrait en aucun cas être dissociée de la langue (Gohard-Radenkovic, 2000, 2014).

C’est la condition sine qua non sine pour construire la connaissance de l’autre et de

soi.

Bibliographie

Alter, Norbert (2002) « Théorie du don et sociologie du monde du travail », Revue du

MAUSS, vol. 53, n°20(2) : 263-285.

23

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24

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Site consulté :

http://www.laviedesidees.fr/Essai-contre-le-don.html

25

Films cités :

Mongol de Sergueï BODROV, 2007 (sorti en Mongolie en 2007 puis en Europe et aux

Etats-Unis en 2008. A reçu 4 nominations).

Un air de famille, de Cédric KLAPISCH, 2007 (reprenant la pièce de théâtre

éponyme d’Agnès Jaoui et Jean-Claude Baccri).