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Kerstin SCHÖNAUER Master 2 étude du développement spécialité développement social : santé, éducation, travail DOSSIER Transition nutritionnelle et solutions innovantes de lutte contre la sous-nutrition Module alimentation nutrition Mr Suremain et Mr Janin Institut d'Etude du Developpement Economique et Social juin 2014 1

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Kerstin SCHÖNAUER

Master 2 étude du développement

spécialité développement social :

santé, éducation, travail

DOSSIER

Transition nutritionnelle et

solutions innovantes de lutte contre la sous-nutrition

Module alimentation nutrition

Mr Suremain et Mr Janin

Institut d'Etude du Developpement Economique et Social

juin 2014

1

INTRODUCTION

Les questions de l'alimentation sont au cœur de notre société, qu'il s'agisse de notre propre

consommation, des idéaux de société ou de la pensée pleine de compassion pour « tous ceux qui ne

mangent pas à leur faim ». Les campagnes publicitaires réussissent à émouvoir avec des photos atroces

d'enfants atteins de marasme1. En effet, la sous-nutrition peut faire pitié et émouvoir les donateurs,

contrairement à l'obésité. Le surpoids est par contre lié à de la paresse, à l'image de la personne qui mange

trop, sans faire d'exercice, s'abrutissant derrière la télé. Cette représentation émeut beaucoup moins les

donateurs. Pourtant elle existe, et, contrairement à l'idée véhiculée, l'obésité des pays en développement

n'est nullement due à une paresse d'un certain type de population. C'est une évolution normale de la

société, conséquence du développement économique de certains pays, et de nombreuses villes dans le

monde. La lutte contre la faim continue de mobiliser et propose donc de nouvelles solutions miracles, qui,

non seulement luttent contre les carences de tous types, mais apportent une activité génératrice de revenu,

n'a pas ou peu d'impact sur l'environnement, peu nourrir le bétail, etc. Mais dans le contexte d'un

changement de consommation au niveau mondial, ne faudrait-il pas se méfier des effets pervers de ces

nouveautés ?

Dans un premier temps, la malnutrition est à définir, car plusieurs types se distinguent. Les causes

de la malnutrition doivent également être analysées, puisqu'elles ne sont que rarement due à une pénurie

alimentaire généralisée. Enfin, quelques chiffres et la définition de ce qu'on appelle la transition

nutritionnelle éclairera cette première partie.

Dans un second temps, les traitements de la sous-nutrition seront expliqués, en détaillant quelques

solutions innovantes de lutte contre la malnutrition comme, entre autre, la spiruline ou la farine Faresa I.

Dans un troisième et dernier temps, il sera constaté que la transition nutritionnelle s'inscrit dans un

bouleversement global des comportements en mettant l'accent sur l'importance de traiter tous les effets

négatifs résultant du développement, car les effets indésirables peuvent être dramatiques.

1 Voir campagnes publicitaires d'Action Contre la Faim entre autre

2

I – La malnutrition

A – La malnutrition : définition et principales carences

La malnutrition « est un déséquilibre de l'état nutritionnel causé par l'insuffisance (sous-nutrition)

ou l'excès (surnutrition) d'un ou de plusieurs nutriments essentiels pendant une période prolongée. »2

Il existe plusieurs types de sous-nutrition :

• Le Kwashiorkor est le résultat d'une carence protéique importante, souvent chez les enfants de 1 à

3 ans, à la fin de la période de sevrage, suite à une maladie. Les symptômes sont : l'arrêt de la

croissance, des œdèmes aux pieds et au visage, un manque d'appétit et un ventre ballonné. Puis,

les cheveux se décolorent et tombent, la peau s'éclaircit et des diarrhées s'installent.

• Le Marasme se manifeste à la suite d'une sous-alimentation en protéine et en aliments

énergétiques. Il peut se déclarer dès la naissance, souvent prématurée si la mère est mal nourrie.

L'enfant perds jusqu'à 60% de son poids normal et les muscles s'atrophient, mais malgré cet aspect,

l'enfant reste vif, il a faim, n'a pas d’œdèmes et les cheveux et la peau restent normaux.

• Le Kwashiorkor marasmique combine les symptômes : œdèmes et maigreur extrême.

Selon l'âge, les causes et les conséquences sont à différencier. Les premiers nés peuvent souffrir de

malnutrition, lors de l'arrêt précoce de l'allaitement ou suite à l'utilisation de farines trop raffinées, ce qui

arrête la croissance et fragilise l'enfant. Une maladie simple comme la rougeole ou une diarrhée peut

mener à une malnutrition sévère. Le marasme peut intervenir dès la naissance, lorsque l'enfant n'est pas

allaité tout de suite mais nourri à l'eau simple, ou entre 6 et 12 mois s'il est nourri exclusivement au sein.

A partir de 5 ans on note que la croissance des enfants est en corrélation avec les périodes de

soudure et de récolte dans les familles pauvres des PED (pays en développement). De nombreux enfants

présentent donc des retards de croissance, des difficultés de concentration et d'apprentissage scolaire.

Chez l'adulte, la malnutrition n'apparaît qu'en cas de pénurie touchant l'ensemble de la population.

Il perd du poids, les muscles fondent, la graisse sous-cutanée disparaît et des œdèmes apparaissent au

niveau des jambes, du scrotum ou du visage.3 Il y a très souvent une anémie grave et une tension artérielle

faible. Des troubles du comportements peuvent également apparaître : le malade semble absent. Chez les

adultes, la malnutrition entraîne une chute de la productivité et une détérioration des conditions de vie. Les

familles tombent dans un cercle vicieux qui présente un frein au développement socio-économique.

La surnutrition apparaît lorsque les rations sont trop riches en protéines animales et en lipides, ce

qui peut entraîner l'obésité. Fréquent dans les PD (pays développés), on peut tout de même dénombrer

13% des femmes touchées à Conakry. Cela fait craindre à terme une double charge : persistance de la sous-

nutrition doublée de maladies liées à la surnutrition.4

2 Définition de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, FAO3 La nutrition dans les pays en développement, Partie III, Chapitre 12, archives de documents de la FAO4 Manuel pour la formation en alimentation-nutrition des agents de terrain en Guinée, Première partie, module 3,

3

Les principales carences en micro-nutriments :

Les anémies nutritionnelles sont due à une carence en fer, mais l'acide folique, la vitamine B 12 et

les protéines jouent également un rôle important. L'allaitement au delà de 6 mois peut entraîner l'anémie

du nouveau-né, le lait étant pauvre en fer. Elle entraîne des pâleurs des conjonctives et des muqueuses, de

la fatigue, un essoufflement et des palpitations.

Les carences en iode viennent d'un déficit dans l'alimentation et dans l'eau de boisson, souvent

aggravés par la consommation d'aliments goitrogènes (manioc amer ou mal cuit, navets, choux, …). S'ensuit

un gonflement du cou, nommé goitre, du à un dysfonctionnement de la thyroïde, surtout chez les femmes.

Une femme enceinte avec un goitre risque de donner naissance à un enfant mentalement retardé. Pour

prévenir cette carence, il faut consommer du sel iodé ou du sel de mer.

La carence en vitamine A est rare en région de forêt, grâce à l'huile de palme, aux fruits et aux

feuilles vertes. Cette carence est souvent saisonnière et due à un manque de lait, de foie, d’œufs ou d'huile

de foie de poisson. L'enfant est plus exposé, car elle est souvent associée au marasme ou au kwashiorkor.

B – Trois types de causes

L'état de santé de la population. Indépendamment de la disponibilité alimentaire, la présence

d'infections ou de diarrhée peut entraîner une perte d'appétit ou réduire l'absorption intestinale. L'enfant

entraîné dans ce cercle vicieux peut en mourir si un traitement adapté n'est pas mis en place.

Les facteurs socioculturels. Les grossesses répétées fragilisent l'état de santé de la mère et peuvent

entraîner un arrêt précoce ou total de la production de lait, ce qui expose l'enfant à la malnutrition. De plus,

dans un famille nombreuse, les parts se divisent par le nombre d'enfants. De surcroît, les croyances

ancestrales jouent un rôle important ; en fonction des croyances et des pratiques, certaines sont

inoffensives, mais d'autres peuvent être dangereuses. En Guinée par exemple, l'allaitement au sein est

parfois donné très tardivement après la naissance, des heures ou des jours après l'accouchement. Pendant

ce temps, l'enfant est nourri à l'eau simple. D'autres causes socioculturelles expliquent les situations de

malnutrition, comme la méconnaissance des valeurs nutritives des aliments, la répartition inégale dans la

famille ou la charge de travail importante de la mère.

Les facteurs macroéconomiques et la disponibilité alimentaire. Une corrélation très forte existe

entre la malnutrition et le développement économique d'une région. Les politiques poussent à

l'exportation, ce qui diminue la disponibilité. L'absence totale ou partielle de couverture sanitaire freine la

prévention et le traitement des malnutritions et des infections5. Ces situations sont aggravées en cas de

guerre, de sécheresse ou de cataclysme, parfois indépendamment de la disponibilité alimentaire ou des

capacités de production.

ministère de la santé publique et des affaires sociales, division alimentation-nutrition, République de Guinée, archives de documents de la FAO

5 La nutrition dans les pays en développement, Partie III, Chapitre 12, archives de documents de la FAO

4

C – Statistiques et transition nutritionnelle

Aujourd'hui, on constate dans les PED une double charge de dénutrition et de surnutrition.

Conséquence de la transition nutritionnelle, il est important de définir et comprendre ce phénomène.

Dans le monde, 115 millions d'enfants présentent une insuffisance pondérale, et un tiers des décès

d'enfants sont dus à la dénutrition. 171 millions d'enfants de moins de 5 ans ont un retard de croissance

important et plus d'un tiers des enfants d'âge préscolaire sont carencés en vitamine A. Globalement, la

dénutrition est responsable de 10 % de la morbidité dans le monde. A l'inverse, 1,5 milliards de personnes

sont en surpoids, parmi lesquelles 500 millions d'obèses, dont 43 millions d'enfants. 2,6 millions de

personnes par an meurent à cause de leur surpoids. Dans les deux cas, une mauvaise alimentation

contribue à la mortalité précoce des mères et des enfants et nuisent au bon développement cérébral. Dans

les PED, l'apparition des problèmes de surpoids entraînent des maladies jusque là très rares, comme le

cancer, les maladies cardio-vasculaires ou le diabète : maladies difficiles à traiter, surtout lorsque la

couverture santé est très limitée. Ces changements sont notamment dues à : la transition nutritionnelle.

La transition nutritionnelle se caractérise par le passage d'une alimentation riche en amidon et en

fibres, peu grasse avec une vie très active, à une alimentation plus diversifiée, mais plus riche en sucre, en

sel, en graisses animales saturées et en aliments transformés industriellement. Faible en fruits, en légumes

et en fibres, cette alimentation s'ajoute à un mode de vie plus sédentaire. Cette étape n'est probablement

que passagère dans les PED, mais provoque l'apparition d'obésité et des maladies associées. 6 Dans le cas

idéal, la fin de la transition nutritionnelle serait synonyme d'alimentation saine, diversifiée, riche en fibres,

fruits et légumes, pauvre en gras animal, réduite en sel et liée à une activité physique. Malheureusement,

en observant les PD, force est de constater que très peu de pays ont adoptés ce type de consommation. 7 En

outre, la transition nutritionnelle ne touche pas les populations de façon homogène. Les zones urbaines

offrent un choix alimentaire plus vaste à des prix moins cher qu'en zone rurale. De plus, le travail urbain est

moins physique que le travail rural et les femmes, travaillant davantage dans les villes, consacrent moins de

temps à la préparation des repas. L'urbanisation accentue et aggrave le phénomène.8

D'autres changements ne dépendent pas des influences externes. En Chine par exemple, lorsque le

revenu par tête a quadruplé, la consommation d'aliments gras a fortement augmenté et leur prix a baissé.

Dans d'autres pays comme le Mexique ou le Brésil, l'excès de poids était un signe de richesse, alors

qu'aujourd'hui la disponibilité accrue d'aliments gras pousse l'élite à adopter un style de vie plus sain. 9 La

transition nutritionnelle touche des PED souvent marqués par la dénutrition et des carences. Elle frappe

différemment les populations urbaines et rurales, et arrive au moment où la transition démographique et

l'exode rural sont en plein expansion. Les conséquences peuvent alors être exponentielles et imprévisibles.

6 Double fardeau nutritionnel (DFN) Pôle francophone en Afrique, Dr Maryse Hamelin Raynaud, janvier 20097 Ibid.8 le nouveau fardeau du monde en développement : l'obésité,FOCUS : Transition nutritionnelle et

obésité,Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture9 Ibid.

5

II – prévenir la malnutrition par des solutions innovantes...

A – Quels traitements pour la malnutrition ?

Les enfants souffrant de sous-nutrition sont traités de préférence à domicile, avec des régimes de

récupération. Des bouillies enrichies à base de farine de riz, de maïs, de sorgho, de manioc ou de patate

douce auxquelles des protéines animales doivent être ajoutées. Au début du traitement, il faut donner très

régulièrement des petites quantités, puis augmenter graduellement les calories, et veiller à varier les repas.

La mère doit pouvoir préparer les recettes qu'on lui propose et les trouver bonnes. Les enfants doivent

ensuite être suivis pas un centre de santé pour traiter les autres infections ou les diarrhées et s'assurer de la

pérennité. De plus, les ateliers de sensibilisation sont essentiels, car l'allaitement maternel doit être

pratiqué aussi longtemps que possible, car en dehors des qualités nutritives, celui-ci donne un certain

nombre d'anticorps à l'enfant pour lutter contre les infections et les allergies. L'allaitement renforce le lien

mère-enfant et joue même un rôle contraceptif pour la mère. Même une mère atteinte de tuberculose peut

continuer l'allaitement, si elle est sous traitement et que l'enfant est vacciné. De même, l'on crois souvent

que l'état nutritionnel de la mère influe sur la qualité de son lait ; en réalité très peu, sauf en cas de

malnutrition sévère. Il est alors préférable d'améliorer l'état nutritionnel de la mère, plutôt que d'introduire

un allaitement artificiel ou un sevrage précoce.

Ce n'est qu'à partir de 6 mois, que le lait maternel ne peut plus satisfaire tous les besoins de

l'enfant. Un sevrage trop précoce entraîne une indigestion, des gastro-entérites, des infections et donc une

malnutrition. Au contraire, une introduction tardive peut entraîner une sous-alimentation, avec baisse ou

arrêt de la croissance. Pour le sevrage, il est important d'utiliser le plus possible des aliments disponibles

localement, plutôt que des aliments importés ou d'origine industrielle. Ils doivent être culturellement

acceptés, accessibles, et dont la préparation demande le moins de temps et d'énergie possible. Concernant

l'obésité, le surpoids est trompeur, car de nombreuses personnes sont carencées en micro-nutriments.

Pour réduire la risque de carences, la FAO encourage à lier les domaines de la production

alimentaire et des nutritionnistes, de manière à ne plus raisonner en productivité de matière sèche par

hectare, mais plutôt en terme de productivité de protéines et micro-nutriments. Cela signifie qu'il faut

convaincre l'agro-industrie de prendre en compte la nutrition comme un volet fondamental de la

planification agricole. Une autre initiative se nomme la bio-fortification, qui consiste à identifier les aliments

naturellement riches en oligo-éléments comme le fer ou la vitamine A et les introduire dans les aliments

classiques, de manière à créer des hybrides super-nutritifs.10

10 Le nouveau fardeau du monde en développement : l'obésité, FOCUS : Les priorités de la FAO : d'abord la faim, ensuite l'obésité,Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

6

B – les nouvelles solutions

Dans les projets de développement luttant contre la sous-nutrition, de nouveaux aliments ou

compléments alimentaires voient le jour. Bien souvent les programmes annoncent la découverte du remède

à toutes les carences ; voyons donc plus précisément les plus connues de ces nouvelles solutions.

La Spiruline est un micro-organisme qui croit naturellement dans un milieu aquatique chaud.

Consommée depuis des siècles par certaines populations, elle est utilisée aujourd'hui comme un

complément alimentaire à haute valeur nutritionnelle et thérapeutique. La spiruline est très riche en

micronutriments ( vitamine A, fer, vitamine B12 et acides gras essentiels), en protéines (entre 50% et 70%

de son poids sec sont des protéines, soit presque 2 fois plus que le soja), en lipides essentiels rares et en

minéraux (phosphore, potassium, calcium, magnésium, sélénium et iode). L'expérience a montré qu'un

enfant souffrant de malnutrition modérée pouvait se rétablir avec 1 à 3gr par jour pendant 5 semaines. Elle

se positionne pour une prévention à long-terme de la malnutrition chronique, alors que les autres solutions

(comme le Plum'peanuts) s'adressent plutôt à la malnutrition aiguë. Contrairement aux farines enrichies et

aux compléments alimentaires importés, la spiruline peut se produire localement. Elle est déjà produite à

grande échelle pour les PD, mais sa production à petite échelle pour la consommation des plus pauvres

reste marginale. Cependant, la spiruline reste un complément, qui s'associe à des conseils diététiques. La

culture de la spiruline cherche aussi à apporter une activité génératrice de revenu 11. Mais la spiruline

n'étant qu'un complément, elle n'apporte pas de sensation de satiété. La difficulté réside donc à convaincre

les population de l'utilité de son utilisation.

Le Moringa Oleifera est un arbre originaire de l'Inde, que l'on peut retrouver dans les zones

tropicales et subtropicales. Il grandit aussi bien sur un sol riche que sur un sol pauvre et n'est que peu

affecté par la sécheresse. Les feuilles contiennent une très grande concentration de vitamines A et C, un

complexe de vitamines B, du fer, du calcium, des protéines, du zinc, du sélénium et également 10 acides

aminés essentiels à l'être humain, qui en font un complément alimentaire idéal pour l'être humain. Le

Moringa a également d'autres qualités : ses graines servent de floculant naturel pour clarifier les eaux

troubles, l'huile est comestible et de très bonne qualité (se rapproche d'une huile d'olive de qualité

supérieure). Elle peut être utilisée pour l'alimentation, la cuisson, la cosmétique, l'éclairage ou la fabrication

de peintures fines. Depuis longtemps, le Moringa est utilisé comme plante médicinale traditionnelle, car

considérée comme un traitement entre autre contre l'anémie, la perte d'appétit, les douleurs gastriques, la

diarrhée, la dysenterie, les infections cutanées, la gale et pour la lactation des femmes. Mais toutes ces

utilisations ne sont pas encore scientifiquement prouvée. Pour finir, le moringa sert aussi de fourrage au

bétail, d'aliment pour les poissons, de production de biogaz, de teinture bleue, de tannin pour les peaux de

bêtes, de fertilisant pour les plantes ou pour la fabrication de papier ou de corde12.

11 Dossier spiruline, Antenna nutrition, Antenna12 Potentiel nutritionnel des feuilles de Moringa : une perspective indienne, Dr Vanisha S. Nambiar, department of

Foods and Nutrition, WHO-Collaborating Center for Nutrition Research, novembre 2006

7

La farine MISOLA est produite avec des produits locaux, disponible sur place et à tout moment. Elle

a pour vocation de faire le relais entre les traitements d'urgence de malnutrition sévère afin de prévenir les

rechutes. N'étant pas issue de l'importation, elle sera plus facilement acceptée et produite localement. La

farine est fabriquée à partir de mil, de soja et d'arachide enrichie en micro éléments selon les normes de

l'OMS. L'association MISOLA, à l'origine de cette démarche, a mis en place des Unités de fabrication qui

fonctionnent en « recouvrement de coût », pour que le prix de la farine soit le plus bas possible.13

La farine FARESA I, tout comme Misola, Faresa I est une farine locale, hyper-protidique, qui vise à

lutter contre la malnutrition, fabriquée à base de maïs (ou de mil), de soja, d'arachide et de sucre, puis

enrichie en vitamines et en sels minéraux. Elle contient 16,75% de protéines végétales. Faresa I est indiquée

en cas de maladie, lorsque les enfants sont atteint de Kwashiorkor ou de Marasme, dans les états de

dénutrition, et autres maladies entraînant une perte de poids (infection VIH, tuberculose, cancer...). Faresa I

est également indiqué chez les personnes non malades, les personnes âgées, les enfants adolescents, etc.

(mais à éviter chez toute personne obèse ou ayant des problèmes de surpoids). 14

Les aliments à base d'insectes, sont également une solution promeut par la FAO pour améliorer

l'alimentation, combattre la malnutrition et l'insécurité alimentaire, tout en créant de nouvelles sources de

revenus. Dans certains pays comme au Laos, les insectes représentent 95% de l'alimentation en période de

pénurie alimentaire.15 Mais ce qui est nouveau, c'est que des institutions comme le FAO reconnaissent le

potentiel que représentent ces aliments pour répondre aux problèmes de la sécurité alimentaire humaine

et animale. Ils se reproduisent rapidement et partout et présentent, des taux de conversion alimentaire

élevé (quantité de nourriture requise pour produire un augmentation de poids de 1kg), avec un faible

impact sur l'environnement. Les insectes sont extrêmement nutritifs, avec une haute teneur en protéines

de haute qualité (en comparaison avec la viande ou le poisson), en matières grasses et en minéraux. Ils

peuvent être élevés à partir de déchets organiques et utilisent beaucoup moins d'eau que l'élevage de

bétail conventionnel.16

La croissance démographique, l'urbanisation et la montée des classes moyennes ont fait augmenter

la demande mondiale en aliments, notamment en protéines d'origine animale. La production traditionnelle

d'aliments pour animaux domestiques, comme le soja et les céréales de farine de poisson, doit s'intensifier

encore plus en ce qui concerne l'utilisation efficace des ressources, et en même temps être étendue

moyennant l'utilisation de sources de protéines alternatives.

13 Plus d'informations sur la farine MISOLA en annexe n°I14 Faresa I, farine locale pour lutter contre la malnutrition dans le Grand Nord interview de Esaïe Fotso,

Nutritionniste,Parasitologue, Chef de département Alimentation et Nutrition de l’Association pour l’Etude et laPromotion de la Santé (AEPS) du Réseau Urbain des Habitants de Garoua, O. Lambembe, la tribune du citoyen

15 Les insectes pour lutter contre la malnutrition, UNVolontaires, 26 septembre 201016 Plus d'information de la FAO sur l'alimentation à base d'insecte en annexe n°II

8

III – … une illusion ?

A - Double fardeau

La malnutrition est dangereuse pour la santé. Qu'il s'agisse d'une insuffisance nutritive ou d'un

excès, les deux augmentent le risque de maladies, raccourcissent la durée de vie et baissent la productivité.

Les PED risquent d'être confronté aux deux problèmes en même temps. Par exemple, le nombre de

personnes diabétiques lié à l'obésité devrait doubler et passer à 300 millions entre 1998 et 2025, pour les

trois quarts des pays en développement.17 Si la FAO reconnaît les problèmes croissants liés à l'obésité, sa

priorité reste la lutte contre la faim. Pourtant, l'obésité a le pouvoir d'affaiblir ou même de faire régresser

les avancés d'une nation en matière de développement en diminuant la productivité, en affectant les

ressources aux soins de santé. Il semble donc important de lutter sur les deux tableaux pour éviter que le

problème ne dégénère.

Pour l'obésité, il semble primordial d'admettre son existence en dehors des PD. Dr Prakash Shetty,

chef du Service de planification, analyse et évaluation nutritionnelles de la FAO explique : « on tendait à

penser qu'à mesure que les économies prospéraient, les problèmes de nutrition se seraient résolus d'eux-

mêmes ». Pourtant on observe que ce sont les pays qui passent de PED à PD qui semblent les plus exposés :

« ces pays parviennent à un apport alimentaire suffisant, mais nous devons nous assurer qu'ils ne vont pas

dans la direction opposée ». Donc pour les pays souffrant encore beaucoup de sous-nutrition, le message

ne doit pas être seulement « Plus de nourriture », mais « Mangez des aliments sains »18.

B – un monde en transition : transition nutritionnelle, démographique,

épidémiologique, mondialisation et urbanisation.

Barry. M. Popkin est le premier a avoir décrit la transition nutritionnelle comme le processus qui lie

la transition démographique à la transition épidémiologique. Cette dernière désigne le changement d'un

état de santé de population dominé par les maladies transmissibles à un tableau où prédominent les

maladies chroniques non transmissibles. Or, on constate qu'avec l'amélioration des systèmes de santé

publique, l'hygiène, la production agricole et globalement le développement économique, la mortalité

infantile diminue, les adultes résistent davantage aux infections et l'espérance de vie augmente. La

population vieillit et devient de ce fait plus à risque de développer des maladies chroniques dégénératives.

Dans les PED, la transition démographique a débuté dans la moitié du XXème siècle et l'espérance de

vie augmente lentement, la mortalité maternelle et infantile reste élevée, et les états de carence et les

infections sont toujours mal contrôlés. Robert Fogel a modélisé l'évolution de l'IMC dans les PED comparé à

17 Double fardeau nutritionnel (DFN) Pôle francophone en Afrique, Dr Maryse Hamelin Raynaud, janvier 200918 Le nouveau fardeau du monde en développement : l'obésité, FOCUS Les priorités de la FAO : d'abord la faim,

ensuite l'obésité, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

9

celui qui aurait été observé en Occident si la malnutrition était resté très importante. L'économiste estime

qu'en un siècle, l'IMC moyen a augmenté. Mais, cette augmentation est davantage due à un gain de poids

qu'à un gain de stature. Cela reflète la malnutrition chronique de l'enfance, le déficit de croissance de la

stature et la faible amélioration des conditions socio-économiques 19 et l'arrivée très rapide de la transition

nutritionnelle dans les PED, où elle a mis des générations à s'installer dans les PD.

La transition nutritionnelle est due en grande partie à la mondialisation d'une part et à

l'urbanisation d'autre part. En effet, les marchandises et les technologies circulent plus facilement, la

grande distribution s'intensifie. D'après Barry.M. Popkin, la transition nutritionnelle débute par une forte

augmentation de la consommation d'huile végétale, puis une forte augmentation de la consommation de

sucre ajouté, notamment par l'arrivée des boissons gazeuses. La demande de denrée animale (viande,

poisson et lait) s'accroît, ce qui modifie le marché des céréales, et contribue à dégrader l'environnement. A

la fois cause et conséquence de cette demande, l'offre mondiale se modifie, la production agricole intensive

augmente, les technologies évoluent et les supermarchés et la restauration rapide apparaissent partout.

Outre la mondialisation, l'urbanisation joue également un rôle important. Dans les PED, le

développement des villes n'est plus fonction du développement économique, mais est soumis à

l'accroissement de la population venant à la fois de l'expansion démographique et de l'immigration

d'origine rurale. L'absence d'infrastructures et de bonne gouvernance dans ce contexte génère un

développement incontrôlé et l'augmentation des inégalités. UN-habitat a estimé qu'en 2020, 46% des

habitants d'Afrique Subsaharienne, autant dans la zone Asie-Pacifique et 81% en Amérique latine vivront en

ville. De plus, entre 30% et 60% des citadins des PED vivent dans l'extrême pauvreté. Les villes sont

particulièrement touchées par les nouveaux problèmes d'obésité, car les grands groupes agro-alimentaires

ont jeté leur dévolu sur les nouveaux marché, du Mexique au Maroc. Les fruits et légumes sont de plus en

plus destinés à l'exportation et deviennent plus cher qu'auparavant.20

En ville, l'alimentation de rue est omniprésente, parfois peu hygiénique et très grasse, elle est

commode et peu chère. Elle sert aux personnes qui travaillent, mais également aux familles pauvres qui

manquent de systèmes de cuisson et de conservation. Parallèlement elle est une source de revenu pour de

nombreuses femmes. Mais les zones rurales sont touchées aussi, car l'intensification de la mécanisation de

l'activité agricole réduit l'activité physique, alors que la nourriture devient plus accessible, mais pas plus

variée. Beaucoup d'agriculteurs ont abandonnés l'agriculture de subsistance qui offre une culture plus

variée et donc une alimentation plus équilibrée en faveur d'une culture unique, à plus haut rendement21.

19 Double fardeau nutritionnel (DFN) Pôle francophone en Afrique, Dr Maryse Hamelin Raynaud, janvier 200920 Ibid.21 le nouveau fardeau du monde en développement : l'obésité, FOCUS : Transition nutritionnelle et

obésité,Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

10

C – Les compléments alimentaires dans ce contexte

Parallèlement au contexte que nous venons de décrire, nous savons que la FAO cherche à lutter

contre la sous-nutrition encore présente en développant des nouveaux types de compléments alimentaires.

Il semble donc légitime de se poser certaines question quant aux conséquences d'un développement non

contrôlé de ces compléments. En effet, la spiruline, comme les autres éléments que nous avons vu, visent à

combler une carence. Or cette carence doit être diagnostiquée et un suivi médical est nécessaire, pour

proposer le bon complément. Par exemple, une mère souhaitant bien alimenter son enfant pourrait lui

donner trop de compléments, ce qui peut avoir des effets néfastes importants. La possibilité existe aussi

que la mère arrête l'allaitement pensant que les compléments sont meilleurs pour son enfant que son lait.

Prenons l'exemple de la spiruline, qui malgré son image totalement naturelle et bénéfique doit être

amenée progressivement à l'alimentation habituelle, avec le risque de provoquer des maux de tête. Les

effets secondaires de ce micro organisme ne sont pas graves, mais varient d'un individu à l'autre,

notamment pour les personnes faibles. En effet, suite à une consommation trop importante, l'on peut

observer : des migraines, des douleurs musculaires, de la fièvre légère, des vertiges et des nausées, de la

soif, de la constipation, des problèmes de reins ou un fonctionnement affaibli du foie à cause de la grande

quantité de vitamines et minéraux apportés.

De manière générale, même dans les PD, on observe presque systématiquement une

consommation excessive de compléments alimentaires quand ces derniers sont prescrits. Ne constatant pas

d'effets immédiats, les personnes augmentent la dose, pensant que cela ne peut leur faire de mal. Or la

surconsommation peut-être dangereuse. Le fer pris en quantité trop importantes, augmente le risque de

certaines maladies cardiaques ou hépatiques, tout comme l'excès de calcium est mauvais pour le cœur.

Dans un contexte de transition nutritionnelle, où les habitudes changent, où les inégalités face à la

nourriture se creusent, ne serait-ce pas dangereux d'apporter de manière trop importante de la spiruline,

des farines complémentaires ou des aliments à base d'insectes. Certes, dans les régions souffrant de la faim,

ils sont évidemment bénéfiques surtout pour les enfants. Mais distribués à grande échelle, ils pourraient

être dangereux. Ne faudrait-il pas plutôt lutter contre le fossé qui se creuse entre les sous-nutrit et les sur-

nutrit, et agir sur les deux extrêmes d'un même problème. En se focalisant sur l'un, l'autre en pâtira, peu

importe où est mis la priorité. Il serait important de gérer l'urgence dans un sens, et de l'autre sensibiliser à

l'alimentation variée et saine, et non rester sur une alimentation monotone, tout en ajoutant des

compléments.

11

CONCLUSION

La malnutrition a été définie dans ses deux extrêmes, tout en expliquant davantage les principales

carences et les causes de la sous-nutrition. Cela a mené à décrire et expliquer le phénomène de la transition

alimentaire, conséquence de nombreux autres facteurs. Par la suite, les traitements contre la malnutrition

ont été exposé, en présentant ensuite, succintement, quelques nouvelles solutions pour répondre à toutes

les questions de la sous-nutrition. Enfin, le changement a été observé dans son ensemble, incluant les

questions de mondialisation et d'urbanisation entre autre, afin de démontrer que la sous-nutrition est

certes un problème, mais qu'il est urgent de s'occuper également du problème d'obésité qui va envahir les

pays en développement. De plus, les solutions innovantes proposées pour lutter contre la faim, sont

certainement très efficaces, mais sans accompagnement et suivi médical, elles peuvent aussi faire

beaucoup de dégâts.

Ce travail présente une introduction à une question plus globale nécessitant des travaux de

recherches bien plus approfondit. En effet, il n'a pas été aisé de trouver des documents scientifiques

remettant en question la priorité de la lutte contre la faim ou le miracle des produits naturels et

extrêmement nutritifs que sont la spiruline par exemple. Pourtant il semble essentiel de savoir prendre du

recul, même sur un produit qui semble totalement adapté pour analyser le plus objectivement possible,

une situation qui se dessine.

Plusieurs questions restent en suspens : de quelle manière la sensibilisation aux changements de

comportements alimentaires peuvent-ils deséquilibrer des habitudes centenaires ? Ne faudrait-il pas

travailler en priorité sur l'accès à l'alimentation locale et variée, en gardant à lesprit qu'une mère sait

probablement mieux que n'importe quel spécialiste ce qui est le mieux pour son enfant ?

Ne faudrait-il pas chercher à encourager les activités génératrices de revenus, le maraîchage, la

consommation de produits frais, l'agriculture familiale et variée, ou les initiatives comme les banques

alimentaires pour provoquer un développement vers une alimentation saine, au lieu de se rassurer sur

l'aspect passager de l'obésité avant d'atteindre la phase ultime (et utopique?) de la transition

nutritionnelle ?

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BIBLIOGRAPHIE

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développement : l'obésité, FOCUS : Les priorités de la FAO : d'abord la faim, ensuite l'obésité

UNVolontaires, Les insectes pour lutter contre la malnutrition,26 septembre 2010

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AnnexesAnnexe n°I : Présentation de l'association MISOLA et de leurs actions

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Annexe n°II : La contribution des insectes à la sécurité alimentaire, aux moyens de subsistance et à

l'environnement, FAO

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