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RUDE François & Sophie Un couple d’artistes au XIX e siècle, citoyens de la Liberté musée des beaux-arts dijon du 12 octobre 2012 au 28 janvier 2013 DOSSIER D’ACCOMPAGNEMENT pour les enseignants du second degré BIBLIOGRAPHIE Geiger, Monique, Sophie Rude, peine et femme de sculpur : une vie d’ars au XIX e siècle (Dijon-Bruxelles-Paris), Société des amis des musées de Dijon, Dijon, 2004 Boyer, Andréas, L’art du porait, Citadelle et Mazenod, Paris, 2003 Calmee, Joseph, François Rude, H Floury, 1920 Dossier pédagogique Jacques Villeglé, La Comédie Urbaine, Parcours d’exposion (septembre 2008 - janvier 2009), Cene Georges Pompidou La Marseillaise de Rude, dans Beaux-Arts magazine, n°36, juin 1986, pp 56-59 Ces ouvrages sont consultables au pôle documentaire du musée des beaux-arts La Nef, 1 place du éâe à Dijon Bibliothèque : 03 80 74 59 92 ou tsebillon@ville-dijon. Documentaon : 03 80 74 59 21 ou dbardinbontemps@ville-dijon. Rédacon : F. Gaveau, C. Levrey, C. Mehdaoui - 2012 Visuels : ©MBA Dijon, photo : F. Jay (sauf menon conaire) Mise en page : agence les Pistoleros INFORMATIONS PRATIQUES Musée des beaux-arts François et Sophie Rude. Un couple d’arss au XIX e siècle, citoyens de la Liberté. 12 octobre 2012 - 28 janvier 2013 Palais des Ducs et des États de Bourgogne ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 17h Tarifs groupes scolaires Enée gratuite Visite commentée (1h ou 1h30) gratuite Atelier-promenade (1h30) gratuit Réservaon obligatoire Contacts Catherine Levrey professeure d’arts plasques clevrey@ville-dijon. Chrisne Mehdaoui professeure d’histoire-géographie cmehdaoui@ville-dijon. Jacqueline Barnabé chargée des réservaons 03 80 74 53 59 ou jbarnabe@ville-dijon. Archives municipales Les Dijonnais François et Sophie Rude : l’enfance, les relaons avec la ville nale, l’hommage de la ville 12 octobre - 25 novembre 2012 Salon d’Apollon Palais des Ducs et des États de Bourgogne ouvert tous les jours de 13h à 18h Tarifs groupes scolaires Enée gratuite Visite commentée (1h) gratuite Réservaon obligatoire Contact Fabien Gaveau professeur d’histoire 03 80 74 53 82 archives-municipales@ville-dijon. Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication / Direction générale des patrimoines / Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’Etat. BOURGOGNE V O YA G E S, PAT R I MO I N E S E T AR T D E VIVRE EN MAGAZINE

dossieR - Histoire-géographie Dijon

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Page 1: dossieR - Histoire-géographie Dijon

RudeFrançois & Sophie

Un couple d’artistes au XIXe siècle, citoyens de la Liberté

musée des beaux-arts dijon du 12 octobre 2012 au 28 janvier 2013

dossieR d’accompagnementpour les enseignants du second degré

BiBLiogRaphie

Geiger, Monique, Sophie Rude, peintre et femme de sculpteur : une vie d’artiste au XIXe siècle (Dijon-Bruxelles-Paris), Société des amis des musées de Dijon, Dijon, 2004Boyer, Andréas, L’art du portrait, Citadelle et Mazenod, Paris, 2003Calmette, Joseph, François Rude, H Floury, 1920Dossier pédagogique Jacques Villeglé, La Comédie Urbaine, Parcours d’exposition (septembre 2008 - janvier 2009), Centre Georges PompidouLa Marseillaise de Rude, dans Beaux-Arts magazine, n°36, juin 1986, pp 56-59

Ces ouvrages sont consultables au pôle documentaire du musée des beaux-artsLa Nef, 1 place du Théâtre à DijonBibliothèque : 03 80 74 59 92 ou [email protected] : 03 80 74 59 21 ou [email protected]

Rédaction : F. Gaveau, C. Levrey, C. Mehdaoui - 2012 Visuels : ©MBA Dijon, photo : F. Jay(sauf mention contraire) Mise en page : agence les Pistoleros

infoRmations pRatiques

Musée des beaux-artsFrançois et Sophie Rude. Un couple d’artistes au XIXe siècle, citoyens de la Liberté.

12 octobre 2012 - 28 janvier 2013 Palais des Ducs et des États de Bourgogneouvert tous les jours sauf le mardide 10h à 17h

Tarifs groupes scolairesEntrée gratuite Visite commentée (1h ou 1h30) gratuiteAtelier-promenade (1h30) gratuitRéservation obligatoire

ContactsCatherine Levrey professeure d’arts plastiques [email protected]

Christine Mehdaoui professeure d’histoire-géographie [email protected]

Jacqueline Barnabé chargée des réservations 03 80 74 53 59 ou [email protected]

Archives municipales Les Dijonnais François et Sophie Rude : l’enfance, les relations avec la ville natale, l’hommage de la ville

12 octobre - 25 novembre 2012 Salon d’Apollon Palais des Ducs et des États de Bourgogne ouvert tous les jours de 13h à 18h

Tarifs groupes scolairesEntrée gratuiteVisite commentée (1h) gratuite Réservation obligatoire

ContactFabien Gaveau professeur d’histoire03 80 74 53 82 [email protected]

Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture

et de la Communication / Direction générale des patrimoines / Service des musées de France.

Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’Etat.

BOURGOGNEV O Y A G E S , P A T R I M O I N E S E T A R T D E V I V R E E N

M A G A Z I N E

Page 2: dossieR - Histoire-géographie Dijon

néo-cLassicisme & Romantisme à TravErS qUaTrE œUvrES DE SophIE & FrançoIS rUDE

a. Sophie rude, Ariane abandonnée dans l’île de Naxos, 1826, 170 x 226 cm

B. Sophie rude, La Duchesse de Bourgogne arrêtée aux portes de Bruges, 1841, 183 x 150 cm c. François rude, Hébé et l’Aigle de Jupiter, 1847-1855, 253 x 120 x 80 cm - © MBa Dijon, photo : h. Maertens

d. François rude, Le Départ des Volontaires de 1792, 1836, moulage réalisé en 1938

Néo-

clas

sici

sme

rom

aNti

sme

mythoLogie antiqueL’Antiquité gréco-romaine, qui a vu l’avènement de la raison et de la mesure, est source d’inspiration. Ariane et Hébé sont deux personnages issus de la mythologie. Les décors et accessoires correspondent à la vision de l’Antiquité au XIXe siècle.a. : motif grec sur étoffe rouge, fibule, bracelets, trépied c. : coupe ornée d’amphores et de guirlandes végétales, noms de poètes antiques gravés sur le soclea. & c. : couronne de fleurs dans les cheveux

idéaL intempoReLVisages lisses, pureté des traits. Représentation d’un idéal intemporel dénué d’expression ; il est question de l’homme dans ce qu’il a de permanent et fondamental.

attentionSi l’esquisse du Départ des Volontaires semble correspondre au romantisme par un modelé plus libre, il faut la replacer dans son contexte de création : c’est une étude préparatoire et non une œuvre achevée destinée à être vue du public. Pour étudier la facture de cette sculpture, c’est au moulage de l’œuvre achevée, exposé au musée Rude, qu’il faut se référer.

immoBiLitéAttitude figée. Impression de stabilité. Caractère artificiel de la pose. a. : mer calme

un styLe dominé paR La RaisonUniformité du traitement : tout est détaillé, rien n’est esquissé ou laissé flou en peinture comme en sculpture. a. : primauté du dessin. Le sujet occupe un seul plan, comme sur une frise antique (schéma ci-contre). La surface du voile transparent est la seule transition entre le premier plan et l’arrière plan. Touche lisse et neutre qui tend à l’invisibilité. B. : modelé lisse

événement histoRiqueB. & d. : représentation d’un événement historique au paroxysmede la tension ; sujet romantique car propice à la figuration des émotions B. : une duchesse assaillie par une foule révoltée d. : départ à la guerreB. : Moyen-âge prisé par les Romantiques qui le perçoivent comme l’époque des mystères et des sentiments. Cet intérêt est en réaction à la rationalité de l’Antique. Fidélité dans la représentation des costumes et accessoires, inspirée du style troubadour (reconstitution minutieuse d’un Moyen-âge idéalisé)

instantanés d’individusL’extrême expressivité caractérise le style romantique. Les expressions sont saisies dans l’instant. Cris, traits tendus, expression de peur, haine, colère...Traits individualisés, parfois outrés.

factuRe expRessivea. : importance de la couleur, contrastes violents (rouge, noir et blanc)Le rouge accentue l’effet dramatique. La touche (manière d’appliquer la peinture) est plus libre dans La Duchesse (...) que dans Ariane (...). Arrière-plan esquissé, la foule devient une masse inquiétante. Chez François Rude, la veine romantique s’exprime surtout dans l’impression de mouvement et le choix du sujet. En effet, il conserve le modelé lisse de la sculpture néoclassique, seul le traitement des drapés présente plus de nervosité.

mouvementScènes animées, tous les personnages sont en action B. & d. : figure du cheval effrayé, gueule ouverte et yeux écarquillés B. : La position cabrée et la couleur du cheval font penser à celui de La Mort de Sardanapale d’Eugène Delacroix (exposé au Salon de 1827).d. : construction selon des lignes diagonales et obliques, drapé bouillonnant,jambes très écartées de la figure de la Liberté

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Le poRtRait BouRgeois chez sophie & fRançois Rude : EnTrE ConvEnTIon ET EXprESSIon pErSonnEllE

le XIXe siècle est celui de l’affirmation d’une bourgeoisie qui, forte de sa nouvelle place dans la société

d’après 1789, cherche à laisser une image d’elle-même empreinte de sa réussite. avant l’invention

de la photographie, les artistes permettent à cette catégorie sociale d’afficher leur prospérité et d’assurer

leur postérité. les portraits envahissent les intérieurs bourgeois, même s’ils restent un genre mineur

face à la peinture d’histoire. peintres et sculpteurs réalisent de nombreuses œuvres de commande,

sources de revenus. C’est ainsi qu’ils doivent trouver un compromis entre leur expression artistique

personnelle et les attentes du commanditaire, souvent conditionnées par les codes

(moraux, esthétiques...) en vigueur.

une paRt de convention

Les codes du goût bourgeois en matière de portrait sont avant tout la mesure, le respect des conventions sociales que l’on peut associer à un certain attachement à l’ordre établi. Le portrait doit être ressemblant et non emphatique. Il peut aussi exprimer les valeurs du commanditaire, sa fonction et donc sa place dans la société. Sophie et François Rude appliquent ces codes de façon plus ou moins marquée selon qu’ils font une œuvre de pure commande ou plus personnelle, comme les portraits de leurs proches.

Le portrait d’un statut socialSophie Rude, Portrait de Rose Lorin, 1844, 105 x 80 cm, coll. particulière (Œuvre visible dans l’exposition mais non reproduite)Dans son Portrait de Rose Lorin (fille d’un conseiller à la cour d’appel de Dijon), Sophie Rude traduit la représentation conventionnelle de la jeune fille et son statut social : son attitude est tout en retenue, ses mains croisées devant elle peuvent exprimer une prude bienséance. Son visage est animé d’un léger sourire, sans excès. Sa robe reste simple, d’un blanc uniforme (celui de la virginité ?). L’absence de bijoux est un code courant pour représenter une jeune fille, mais l’étoffe et les dentelles dénotent une certaine richesse.

La jeune fille est debout, comme si sa situation sociale en devenir ne lui permettait pas de se (re-)poser sur un siège. L’arrière-plan composé de draperies relève aussi d’une

esthétique courante. Ici, il crée un environnement faste pour cette jeune Rose.

Une esthétique du vraisemblable et de la mesure Sophie Rude peint en 1855 un portrait en buste de Mme Bassereau (femme du médecin de François Rude). Elle est assise de trois quarts, ce qui est une convention, dans une pose naturelle. La palette, sobre et fermée avec des bruns, noirs et beiges dominants, est en adéquation avec cette image de retenue que la bourgeoisie cherche à donner d’elle-même. Ce code est souligné par l’expression au sourire contenu et les cheveux soigneusement attachés. Cette sobriété sied aussi au statut de la femme d’intérieur qui se doit d’être discrète. Pourtant, le personnage et son rang social sont mis en valeur. Un fond sobre, sans profondeur permet de donner au portrait une quasi-autonomie. La pose

de Mme Bassereau, bien installée sur son fauteuil rouge et or, ses quelques bijoux précieux, les fines dentelles de sa robe et de sa coiffe la placent

sans équivoque parmi les nantis.

une quête d’expRession aRtistique peRsonneLLe

à côté des conventions imposées souvent par le goût stéréotypé de leurs commanditaires, les deux artistes tentent de trouver un plus grand espace de liberté pour faire vivre leur touche ou leur coup de ciseau personnels, ce qu’ils se permettent probablement davantage quand il s’agit de représenter leur entourage.

Une expression plus libre dans les portraits intimesDans ses deux portraits du couple peints en 1841 et 1842, Sophie Rude cherche à souligner des traits de caractères ou de situation, voie ouverte par David et Ingres puis suivie par les Romantiques. Dans son autoportrait, l’artiste exprime une certaine gravité, souvent soulignée par son entourage. Son visage et le col de dentelle qui lui sert d’écrin sont mis en valeur par un jeu de lumière. Contrairement au Portrait de Mme Bassereau, la personnalité plus que le statut social est ici mise en valeur. Le portrait de son mari reprend le même schéma pictural avec une lumière centrée sur le visage. Mais cette fois, les mains sont visibles et elles aussi dans la lumière, comme pour incarner symboliquement la virtuosité du sculpteur. La pose et les mains pourraient être librement inspirées du Portrait du pape Jules II par Raphaël, ce qui reflèterait les goûts personnels de l’artiste.

Des portraits... de caractère Sophie Rude explore cette quête de la personnalité dans ce Portrait de Jean-Auguste Devillebichot (1838), peintre et ami (il sera plus tard directeur de l’École des beaux-arts de Dijon). En dehors de la pose et des draperies relativement conventionnelles, cette représentation cherche surtout à souligner le caractère du personnage. Sophie Rude met en scène l’indécision, peut-être même la timidité de son ami dont le regard semble perdu. Ses mains sont crispées et croisées devant lui. Il incarne ainsi une bourgeoise provinciale effacée, un caractère hésitant, humble. Cette volonté de l’artiste de représenter non seulement une personne mais aussi son état d’esprit relève d’une démarche beaucoup plus personnelle que dans ses portraits de pure commande.

Piste pédagogique [histoire, arts plastiques, histoire des arts, lettres...] : comparaison avec le portrait de Monsieur Bertin par Ingres (1832). D’un côté on note l’assurance, voire même la suffisance du modèle de Ingres, ses mains campées sur ses genoux pour mieux renforcer son assise de bourgeois parisien. De l’autre, le sujet de Sophie Rude, par son regard, son attitude, son expression, reste beaucoup plus modeste. Mais le visage et les mains sont éclairés de la même façon et le costume est dans les deux cas de couleur sombre. Cette comparaison permet de mettre en valeur l’opposition des personnages (bourgeoisie parisienne versus bourgeoisie provinciale ?). Mais la démarche des deux artistes est la même, à savoir mettre en lumière le caractère du modèle par des procédés picturaux.

François Rude sculpte un portrait de Jacques-Louis David (1826), qui fut le maître de sa femme et qu’il côtoie dans son exil à Bruxelles. Alors que souvent les portraits flattent leur modèle, Rude représente la déformation du visage de David, que celui-ci, dans ses autoportraits, cachait systématiquement par un jeu d’ombres. Le sculpteur exécute cette œuvre après la mort de David. Il mise sur la ressemblance, peut-être pour souligner à la postérité que l’humanité de son sujet, sa force morale, perceptibles ici, sont plus importantes que la perfection physique. Il a donc dépassé les conventions pour rendre un hommage à l’artiste et à l’homme.

Sophie rude, Portrait de Mme Bassereau, 1852, 84 x 70 cm

François rude, Jacques-Louis David, 1826, 67 x 48 x 30 cm

Sophie rude, Portrait de Jean-Auguste Devillebichot, 1838, 41 x 31 cm

Sophie rude, Autoportrait, 1841, 65 x 54 cm

Sophie rude, Portrait de François Rude, 1842, 100 x 81,5 cm

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aux aRchives municipaLes de dijonFrançoIS rUDE

François rude est une des personnalités dijonnaises marquantes et de nombreuses traces de ses liens

privilégiés avec la ville demeurent dans les archives municipales. Il peut donc être intéressant d’y venir

avec des élèves pour suivre les traces de cet illustre personnage et ainsi les initier aux modalités

de classement et aux recherches historiques.

dijon, viLLe nataLe de fRançois Rude

Le 4 janvier 1784, François Rude naît à Dijon, ville des Parlementaires et du pouvoir royal.D’une famille d’artisans du fer, il atteint l’âge de raison quand l’Europe des Princes déclare la guerre à la Révolution en août 1792. Telle est la matrice d’où sort Rude.

L’enfance de fRançois Rude maRquée paR L’atmosphèRe RévoLutionnaiRe

De 1789 à 1792, Dijon promulgue les décrets des Assemblées révolutionnaires auxquelles elle ne peut se soustraire. Le monde de la boutique et les artisans entrent pleinement dans la vie publique. La garde nationale s’organise. Les clubs patriotes ouvrent et chacun peut s’exprimer. Antoine Rude, père de François, y est actif.La défense de la Nation requiert la mobilisation générale. Le jeune Rude est inscrit le 6 août 1792 sur la liste des volontaires contre toutes les menaces, la Prusse et l’Autriche en particulier. Il n’a que 8 ans, certes. Son père offre un témoignage de l’engagement familial à l’effort de guerre, tandis que l’écho du manifeste de Brunswick annonce des jours sombres. De la chose militaire, François n’a guère connu que les visages des gardes nationaux et des soldats qui arpentent les rues de Dijon et parcourent le pays.Les bouleversements de son époque ne lui sont pourtant pas étrangers. De ses yeux d’enfant, il saisit la destruction de la statue équestre du roi Louis XIV qui trônait depuis le début du XVIIIe siècle sur la Place Royale, rebaptisée pour l’occasion Place de la Liberté.

La pRemièRe RencontRe de fRançois Rude avec La RépuBLiqueet Les BRuits de La gueRRe

De même, il entend, non seulement de son père, engagé dans l’animation des groupes patriotes, mais aussi par la voix de la municipalité, l’annonce de la chute de la monarchie et de la proclamation de la République, le lundi 24 septembre 1792. Le « trompette » de la ville clame alors dans toutes les rues « l’an 1er de la République » tandis que sur les terres de l’Est, les armées étrangères sont stoppées par les volontaires en armes.Le Consulat et l’Empire sont pour François le moment de sa formation à l’École de dessin que François Devosge a ouvert dans la ville. C’est une période marquée à chaque instant par le bruit des guerres, les mobilisations, les appels à la défense de la Grande Nation. Mais son sort échappe rapidement à sa ville natale pour lui ouvrir une autre carrière à Paris où il part en 1807.

dijon honoRe Le taLent puis La mémoiRe de fRançois Rude

La ville de Dijon l’oublie longtemps. à la fin du mois de novembre 1846, le conseil municipal, à l’initiative du maire Victor Dumay décide de s’adresser à « cet artiste, élève de notre École des beaux arts, né à Dijon (…) un des statuaires les plus distingués de notre époque » avec l’idée d’acquitter une « véritable dette en même temps qu’on enrichirait la Ville d’un objet d’art, dont le talent consciencieux de M. Rude garantit d’avance le haut mérite ». Le souhait est en effet de lui commander une statue, libre de son choix, pour le musée de Dijon. Cette statue, Hébé, a été achevée après le décès de François Rude par son élève et neveu, Paul Cabet. Le sculpteur est décédé à Paris en 1855 ; aussitôt la ville de Dijon lui rend hommage : la rue Petite Poissonnerie, où il est né, est renommée en son honneur et un buste réalisé par Paul Cabet orne la maison natale. Ce buste est toujours visible 5 rue François Rude.

acte de baptême de François rude, paroisse Saint-Jean de Dijon, le 4 janvier 1784 © archives de la ville de Dijon, BB 625

Inscription de François rude comme Jeune volontaire de Dijon, 1792© archives de la ville de Dijon, 1111/15

Extrait des registres de délibérations municipales, 14 août 1792© archives de la ville de Dijon, ID1/3 fol 161

vue de la place royale ornée de la statue de louis XIv, XvIIIe siècleDessin de Jean-Baptiste lallemand© archives de la ville de Dijon, 14 Fi 413

paul Cabet, buste de François Rude, maison natale© archives de la ville de Dijon

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Page 5: dossieR - Histoire-géographie Dijon

& Les pRemieRs pas du Roman nationaLFrançoIS rUDE

la révolution de 1789 met près d’un siècle à trouver son épilogue. le XIXe siècle politique est en effet

dans une interrogation permanente : monarchistes plus ou moins libéraux, bonapartistes, républicains

tentent d’imposer leur modèle. Chacun cherche dans le passé une source de légitimité et le signe d’un

destin. les pouvoirs successifs rédigent les premières pages d’un véritable roman national, c’est-à-dire

une reconstruction du passé, à travers des figures mythifiées et une lecture partiale et partielle de l’histoire.

Celle-ci, recomposée, sert alors à fonder et à justifier le régime en place et à créer du lien national.

Rude et Le pRojet de L’aRc de tRiomphe : Les hésitations du Roman nationaL

François Rude évolue dans un milieu politisé : il est donc touché par les changements de régime de la première moitié du XIXe siècle. Dans ses œuvres en lien avec les grands thèmes historiques, le sculpteur se trouve pris entre les balbutiements du roman national, ses propres convictions et ses recherches artistiques.

L’aRc de tRiomphe : un Roman nationaL en gestation

1806 : projet initié par Napoléon pour glorifier la Grande Armée. Roman national construit autour de la gloire de l’Empire

Projet pour une apothéose de la Restauration, rupture avec l’Empire

Charles X veut détourner le projet pour glorifier la Restauration et son fils le duc d’Angoulême (victoire contre l’Espagne en 1823)

1832 : Louis Philippe reprend le projet. Quatre nouveaux thèmes : 1792 Le Départ des volontaires, 1810 Le Triomphe de Napoléon, 1814 La Défense du sol, 1815 La Paix. Nouveau roman national : faire une synthèse entre le passé révolutionnaire et l’Empire, ce qu’incarnerait le nouveau régime. Il faut donc glorifier les armées de la Révolution et celles de l’Empire.

1836 : inauguration de l’Arc de triomphe de l’Étoile à Paris

fRançois Rude : des opinions et des œuvRes évoLutives

1814 : François Rude participe à des manifestations favorables au retour de Napoléon (l’Empire étant souvent perçu comme la poursuite de la Révolution).

1815 : Rude doit s’exiler à Bruxelles à cause de son soutien à Napoléon.

1827 : retour de François Rude en France. Reçoit des commandes de l’ État

1833 : François Rude se voit confier une seule des quatre réalisations (Le Départ des Volontaires de 1792), contrairement à ses espérances.Le projet de synthèse est en phase avec les convictions de François Rude qui se reconnaît à la fois dans les idéaux de la Révolution et reste attaché à l’épopée impériale. Il a donc accepté la Monarchie de Juillet.

au-deLà du Roman nationaL, une œuvRe à visée univeRseLLe

L’Arc de triomphe est inauguré en 1836, pour le sixième anniversaire des Trois Glorieuses (1830). Cette pièce à vocation démonstrative doit incarner l’aboutissement de la Révolution et ainsi conforter le régime en place. Le Départ des Volontaires de 1792 présente les révolutionnaires partis combattre les monarchies européennes. La tâche de l’artiste n’est pas simple : il doit donner de la Révolution une image guerrière mais aussi consensuelle, sans perdre son âme d’artiste dans une simple œuvre de propagande. Peut-être est-ce pour cela qu’il efface un certain nombre de repères historiques. Son œuvre devient alors plus métaphorique et atemporelle.

Ses contemporains ont souvent reproché au trophée de Rude l’anachronisme des vêtements et des armes, plus nombreux dans l’œuvre finale que dans la maquette. L’artiste mêle aux costumes romains, comme celui de l’homme central, des coiffures et des armes gauloises (les références au passé gaulois de la France commencent à séduire les Romantiques). Les combattants ne sont alors plus seulement les Révolutionnaires de 1792 (aucune arme à feu n’est présente) mais des héros plus atemporels.

L’œuvre est presque une allégorie du sacrifice et de l’union nécessaires pour sauver la France : au centre de la composition un chef déterminé entraîne un jeune guerrier, à la nudité fragile, alors qu’un vieillard à l’arrière-plan semble plus prudent. Toutes les tranches d’âge, peut-être même différentes origines (évoquées par ce mélange de références romaines et gauloises ?) sont réunies dans un même élan. Le croisement des regards renforcent les solidarités.

La représentation du groupe d’hommes est tout en force, en équilibre, en puissance. Elle donne presque l’illusion d’une foule dense. Le cheval complète le bataillon et introduit une dimension épique et de la profondeur à la composition. Une figure féminine ailée domine ce groupe d’hommes. Selon les interprétations, elle incarne le génie de la guerre, de la victoire, de la liberté. Son cri galvanisant est peut être un chant de guerre, La Marseillaise (surnom fréquent de l’œuvre).

Lorsque l’on compare l’œuvre achevée à la maquette initiale, on remarque que le sculpteur a davantage ordonné les soldats, comme pour renforcer leur cohésion et leur détermination.

L’artiste respecte la commande officielle : ancrer le régime dans une révolution forte, guerrière et rassembleuse. Mais il va plus loin : il sculpte une allégorie du sacrifice nécessaire à la cause commune et lui donne une dimension universelle. C’est probablement ce qui explique sa postérité : après la Grande Guerre, cette sculpture commence à incarner l’œuvre nationale par excellence (elle est alors reproduite sur les timbres de la Croix rouge, sur des médailles et des diplômes commémoratifs). Elle devient un symbole de la patrie, au même titre que le tableau qui lui est contemporain, La Liberté guidant le peuple de Delacroix. On peut noter que la nation prend chair à travers des œuvres guerrières, comme s’il fallait sans cesse rappeler les sacrifices nécessaires à sa construction.

Le Départ des Volontaires de 1792 a donc un double lien avec le roman national : l’œuvre a contribué à ses premiers pas pour devenir au XXe siècle une des images fortes de la République, cette fois enracinée.

Après avoir travaillé pour la Monarchie libérale, Rude accueille favorablement la Seconde République (1848-1852). Il est pressenti un temps comme candidat républicain aux législatives ; l’État lui commande une statue du Maréchal Ney, fusillé par la Restauration. Les œuvres de Rude témoignent des interrogations politiques de son temps.

Piste pédagogique [histoire, arts plastiques, histoire des arts, lettres...] : • Étudier en parallèle l’histoire croisée de l’Arc de triomphe et de François Rude pour concrétiser la difficile naissance de la République et de l’esprit républicain dans ce premier XIXe siècle • Autres pistes : les liens entre artistes, art et politique ; les images de la nation ; les « lieux de mémoire ».

François rude, Le Retour de l’Armée d’Égypte, 1833, dessin

empiRe(1804-1814/15)

RestauRationLouis xviii(1814/15-1824)

RestauRationchaRLes x(1824-1830)

monaRchie de juiLLetLouis phiLippe (1830-1848)

Maquette pour Le Départ des Volontaires de 1792, 1830-1835

François rude, Le Départ des Volontaires de 1792, 1836, moulage réalisé en 1938

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Page 6: dossieR - Histoire-géographie Dijon

le Départ Des VoloNtaires : EMprUnT & CITaTIon

Le Départ des Volontaires de 1792, communément appelé La Marseillaise, de François rude est une image forte

qui jouit d’une grande notoriété. Elle a été reprise à différentes époques par des affichistes, des artistes

et des caricaturistes.

La maRseiLLaise et Les affiches

Dans le haut-relief original, une femme harangue les combattants volontaires de son cri et de ses bras ouverts ; son pas énergique l’engage dans une direction qu’elle désigne de son épée brandie. Elle est souvent assimilée au Génie de la Liberté qui guide des hommes armés. Le Départ des Volontaires représente un événement précis : en 1792, les Français volontaires partent en guerre contre les monarchies européennes afin de défendre les frontières du Nord-Est de la France. (Pour plus de précisions sur l’œuvre, se référer à la fiche François Rude et les premiers pas du roman national).

Deux affiches montrent cette figure extraite de son contexte, servant d’icône à d’autres combats. En 1936, elle guide le peuple vers un vote communiste. à l’opposé, pendant le régime de Vichy, on la retrouve luttant contre le bolchévisme par l’intermédiaire de la légion tricolore. Les affichistes ont utilisé la force dégagée par cette figure pour soutenir des conceptions antagonistes de la liberté. Confrontons ces deux récupérations politiques à une œuvre d’art de Jacques Villeglé : l’Hommage à la Marseillaise de Rude.

Jacques Villeglé prélève ses œuvres dans la rue. Au gré de ses promenades, il arrache des couches d’affiches superposées. Celles-ci ont auparavant été lacérées par des passants anonymes. L’artiste les expose telles quelles, se contentant parfois d’aider un peu le hasard en ajoutant sa propre lacération. Dans Hommage à la Marseillaise de Rude, peu d’éléments nous rappellent l’œuvre de référence. C’est le titre qui créé un lien. L’acte artistique est alors un prélèvement de réalité et la suggestion d’un sens par ce titre. Quel rapport peut-on voir entre cette superposition d’affiches et la sculpture citée ?

Tout d’abord, suggérons quelques analogies plastiques. La violence des lacérations renvoie-t-elle à la fougue du personnage de Rude ? Les lacérations et certaines lignes de l’affiche forment un V : Villeglé y a-t-il vu un écho aux bras écartés de la figure allégorique ?

Mais la première association d’idées est le rapport entre deux symboles de la France, La Marseillaise et les couleurs dominantes bleu blanc rouge. Ces couleurs ne viennent pas d’une même affiche mais de la juxtaposition de différentes couches qui émergent au gré des lacérations. On identifie clairement une affiche rouge du Parti Communiste français. Vraisemblablement, le bleu et le blanc proviennent d’une affiche d’un parti opposé. L’artiste considérait ces affiches électorales lacérées comme un instantané de la France politique. Dans Hommage à La Marseillaise de Rude, ce sont les couleurs de ce pluralisme d’opinions qui compose le drapeau français. Peut-être est-ce là une certaine vision de la liberté ?

Piste pédagogique [éducation civique] : la confrontation des deux affiches avec l’œuvre composée d’affiches lacérées est un bon point de départ pour une définition de la liberté. Qu’est-ce que la liberté ? Cette valeur est-elle parfois instrumentalisée pour servir une idéologie ?

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Jean Bazaine, La Marseillaise, lithographie, 79,8 x 59,8 cm, Paris, BNF(Œuvre visible dans l’exposition mais non reproduite)

Jean Bazaine est un artiste français actif au sein de la Nouvelle École de Paris (ou Seconde École de Paris). Il est connu pour ses œuvres non-figuratives, (terme qu’il préfère à celui « d’œuvres abstraites » car son point de départ, même s’il s’en éloigne beaucoup est toujours le réel). La Marseillaise est une de ses très rares œuvres figuratives.Quand un artiste cite ou représente l’œuvre d’un autre, il nous montre comment il la voit, ce qu’elle lui inspire. Il exprime un point de vue. Quelle vision de l’œuvre de Rude Jean Bazaine nous donne-t-il ici ? Ce qui frappe c’est l’exacerbation de l’expression du visage : la rage est ici immensément violente, plus encore que dans l’œuvre de référence ou que dans d’autres dessins de l’exposition. Le geste de Bazaine est nerveux, les lignes brisées ne cloisonnent pas la figure, qui apparaît vibrante, presque possédée. La pupille figurée d’un trait sec semble sortir des yeux exorbités. Les traits ne sont pas pleins : les manques renforcent l’impression de dynamisme. L’exécution de l’artiste est porteuse de sens, la violence de la gestuelle venant s’ajouter à celle du sujet figuré.

La comBattante ou L’amante ?

Jiří Kolář est un artiste et poète tchèque, connu pour ses collages. Il expérimenta différentes manières de découper, recomposer, intercaler des images préexistantes.Ici, il combine deux images, reproductions de deux œuvres d’art : Le Départ des Volontaires de 1792 de Rude et un détail du Nu rouge de Modigliani (1917), qu’il a fait pivoter. Chacune des images a été découpée en bandes verticales égales. Kolář crée son œuvre en recollant les bandes dans le bon ordre et en intercalant une bande de la première image et une de la seconde.Une femme nue, offerte, cœxiste alors avec une combattante, l’épée au poing, entourée de sa troupe de soldats. Les deux femmes sont à une échelle différente, mais leurs visages coïncident. Les bras sont ouverts, mais l’appel lancé n’est pas le même. L’artiste nous laisse la liberté d’interpréter cette rencontre étonnante et poétique.

Piste pédagogique [arts plastiques] : créer une image à partir d’une ou plusieurs images préexistantes (par exemple une reproduction du Départ des Volontaires). Explorer les possibilités du collage, pour créer du sens ou des effets plastiques.

Piste pédagogique [arts plastiques] : travail sur l’expressivité du geste. Modifier l’impression donnée par un même référent en variant les techniques employées et la qualité des gestes.

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Jacques villeglé, Hommage à la Marseillaise de Rude,

décembre 1957, affiches lacérées marouflées sur contreplaqué,

67,5 x 46,5 cm, Centre pompidou, Musée national d’art moderne

roland hugon, Affiche pour la légion tricolore contre le bolchévisme, commande du régime de Vichy, 1942, paris, Musée Carnavalet

J. Joël, Pour la liberté... Votez communiste... élections législatives 1936, 1936, lithographie, paris, Bibliothèque Forney

Jirí Kolár, La Guerre, 1964, prollage sur papier, 2002