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Violence et réglementation Entretien avec Éric Debarbieux De façon directe ou indirecte, la violence fait partie de notre quotidien. Quelle que soit sa nature, elle doit être combattue par tous et ne pas servir à masquer d’autres sources de problèmes, eux-mêmes générateurs de violence en milieu scolaire. Affronter la violence supplément dossiers n°94 avril 2006 l’enseignant La violence à l’École DOSSIER Faites la différence !

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Violence etréglementation

Entretien avecÉric Debarbieux

De façon directe ou indirecte, la violence fait partiede notre quotidien. Quelle que soit sa nature, elle doit être combattue par tous et ne pas servir à masquer d’autres sources de problèmes, eux-mêmesgénérateurs de violence en milieu scolaire.

Affronterla violence

supplément dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

La violenceà l’École

DOSSIER

Faites la différence !

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> La violence scolaire en chiffres. Selon le ministère de l’Éducation nationale, pour mille élèves, on dénombre en 200528,6 actes de violence grave signalés en collège, 10,7 en lycée général et 32,8 en lycée professionnel. Cette proportion est stable par rapport à 2004 et en légère aggravation par rapport à 2003.Elle était alors de 25,7 en collège,9,8 en lycée général et 30,5 en lycée professionnel. Ces constats confirment les travaux de l’Observatoire européen de la violence scolaire. Conduits en 1995, 1998 et 2003,ces travaux montrent que le climat scolaire s’est globalementpeu dégradé dans l’enseignementsecondaire et amélioré dans le primaire. Ils révèlent également un décalageinquiétant entre le secteur ordinaireet les Zep ; dans ces dernières, les relations entre enseignants et élèves se détériorent et se durcissent alors qu’elles s’améliorent ailleurs. D’autre part, entre fin 2003et fin 2004, selon le signalement des chefs d’établissements, la violence a augmenté de 10%dans les lycées professionnels et a diminué d’autant dans les lycéesgénéraux et technologiques.

Écl

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2

l’élection présidentielle, elle a donnélieu à une mise en scène médiatique,parfois sans nuances ni vérificationpréalable des faits incriminés. Laviolence demeure aujourd’hui un sujetessentiel. Elle sert à masquer plus oumoins d’autres sujets (ex : emploi,logement, santé...) qui font problèmeet qui sont en partie générateurs deviolence. Au sein de l’École, les disputes, lesbagarres, les affrontements entre élèvesou bandes d’élèves n’ont rien denouveau. Il suffit d’avoir en mémoireLa guerre des boutons de LouisPergaud. En revanche, la violencecontre l’institution scolaire est pluspréoccupante. Des locaux sont mis àsac et incendiés, des personnels insultéset agressés. Cette situation est intolé-rable.

La formation initiale etcontinue doit apprendre auxenseignants à prévenir et appréhenderla violence et à y répondre, plutôt quede les placer sous la protection d’unpolicier référent. C’est ainsi qu’ils

recouvriront l’autorité nécessaire àleur mission. Mais ce traitement de laviolence à l’École ne peut à lui seulsuffire. Il a besoin de l’accompa-gnement de politiques publiquesglobales qui associent des mesureséconomiques, sociales, d’urbanismeet d’aménagement du territoire, desécurité... L’objectif premier devraitêtre d’établir une plus grande mixitédes populations et activités dans leszones et quartiers sensibles. On en esttrès loin actuellement. Il faut aussi raison garder et ne pasattribuer à la violence une dimensiondémesurée. Dans le contexte actuel,la plupart des soixante-dix mille écoleset établissements scolaires publicsvivent dans un climat plutôt serein.Mais là où elle est présente, la violencepollue la vie des élèves et despersonnels. L’action, notammentcollective, des acteurs concernés, despersonnels soutenus par la hiérarchie,permet de mieux l’affronter et de lafaire reculer. Ce dossier en apportedes illustrations encourageantes.

Jean-Louis Biot

> La violence est une force brutale utilisée poursoumettre quelqu’un. Elle faitpartie de la vie et de notre environ-nement. Pas un jour sans des imagesinsoutenables de pays en guerre oufrappés d’attentats meurtriers. Violences sociales avec des agressionsdans les transports ou à l’encontre defonctionnaires ou d’employés. Vio-lence crapuleuse encore, telle celle quia tué Ilan Halimi. Plus discrètes etaussi inacceptables, les violences fa-miliales, entre adultes ou d’adultes surdes enfants. La liste est longue. Lerecensement précis de toutes lesformes et manifestations de violencess’avère impossible. Des victimes lasubissent sans parvenir à surmonterla peur et à dénoncer les auteurs. Dansune démocratie, la sécurité despersonnes et des biens est légitime etdoit être garantie. C’est une évidence.Mais cette condition ne peut êtreremplie à n’importe quel prix. Cesdernières années, le thème de la violenceest devenu un enjeu politique de taille.En 2002, lors de la campagne pour

Dans une démocratie, la sécurité des personnes et des biens doit être garantie.

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Point de vueLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Affronter la violencepour la faire reculer

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La violence est l’affaire de tousles adultes dans et hors l’ÉcoleParce que les facteurs de violence à l’École sont multiples,penser que la seule répression va régler le problème est une erreur d’analyse considérable. Il faut au contrairedévelopper les liens entre l’École et son environnement et faire que tous les personnels d’un établissementassument leurs missions éducatives. C’est ce que nousexplique Éric Debarbieux(*).

de victimation». On demande à unéchantillon donné d’élèves ou d’ensei-gnants s’ils ont été victimes deviolences, lesquelles et à quellefréquence. Notre Observatoire de laviolence a ainsi interrogé plus detrente mille jeunes. Les résultatsmettent en évidence une réelle stabilitédepuis quinze ans dans la plupart desétablissements, en particulier dans lesécoles. Nos établissements restent trèsmajoritairement sûrs. Par contre, on constate une augmen-tation très préoccupante dans uneminorité d’établissements (moins de10%), avec un changement de lanature de la violence depuis la fin desannées 90. On a affaire à une violenced’exclusion, violence d’un groupe endirection de celui qui n’est pas de labonne origine, du bon quartier, dubon immeuble...

Que pensez-vous de l’annonce parGilles de Robien d’un «plan contre

la violence» incluant un partenariat plusresserré entre établissements-police-gendarmerie, une note de vie scolaireet un enseignement de l’autorité àl’IUFM ? É. D. : On est là, très précisément,dans une politique réactive, et nonproactive qui essaie de véritablementprévenir les problèmes. La restau-ration d’une autorité qui n’est mêmepas définie paraît bien utopique. Quiva apprendre l’autorité dans les IUFM ?Est-ce la solution la plus efficace ? Ily a un degré «d’impréparation»politique qui est véritablementconsternant. Faire appel à des parte-nariats (éducation-police-justice) n’estpas une idée nouvelle : elle a été miseen place dès 1991. Le problème de lapolice dans les établissementsscolaires, c’est quelle police ? Unepolice de répression ? Ce serait contre-productif car cela donnerait l’imaged’une École alliée à la police, laquelleest bien souvent considérée commeune ennemie des jeunes des quartierspopulaires. Penser que c’est larépression qui va régler tous lesproblèmes de violence à l’École, c’estfaire une erreur d’analyse considé-rable. Les expériences de lienPolice-Éducation sont positives

L’Enseignant : Les violencesrécentes envers les enseignants

ont fait la Une des médias, donnant lesentiment d’une augmentation de laviolence à l’École. Vos travauxconfirment-ils cette impression ?Éric Debarbieux : À chaque incidentgrave, on annonce une augmentationde la violence. Il faut faire attentionaux exploitations médiatiques :l’agression au couteau d’une ensei-gnante dans un lycée professionnel,c’est quelque chose d’extraordinai-rement rare et fort heureusement. Ils’agit là d’une vision réactive etirrationnelle. La violence à l’École estplutôt une violence moins spectacu-laire, mais répétitive et usante, uneviolence de routine qui n’est pasmesurée par les relevés administratifs.La seule méthode scientifique pourmesurer cette violence est «l’enquête

dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

▲Interview

LA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Éric Debarbieux, professeur en sciences de l’éducation à Bordeaux.

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efficaces. La sanction par la note et larépression policière vont à l’encontredes bonnes pratiques mises enévidence par toutes les recherchesinternationales.

Vous parlez dans votre dernierouvrage d’échec français. Existe-

t-il des facteurs spécifiques qui justifient,pour vous, cet échec particulier ?É. D. : L’échec français est relatif.Rappelons-le, la question de laviolence scolaire ne se pose pas dansla majorité des établissements. Il fautdonc profiter de cette situationfavorable pour mettre en place desactions de prévention des micro-violences, comme le harcèlement entreélèves. Ce qui est spécifique à laFrance, c’est cette augmentation trèsforte dans une minorité d’établisse-ments, liée à des facteurs d’exclusionsociale renforcés par des facteursinternes à l’organisation scolaire. L’undes facteurs de risque importants, c’estl’instabilité des équipes enseignantes.Or, en France, le mouvement national

des enseignants du second degréenvoie une bonne partie des jeunesdébutant dans les établissementsscolaires les plus difficiles et le turn-over des équipes est énorme. Pourmoi, la manière dont est organisé lemouvement des enseignants est«criminogène». Le mot est dur maisjustifié. La solitude de l’enseignantdébutant qui arrive dans un établis-sement où il ne voulait pas être dansune région qui n’est pas la sienne, quin’est pas intégré dans une équipe, enfait une cible disponible. Autre facteurimportant : notre idéologie scolaireconduit à un refus massif des tâcheséducatives par les enseignants. Celuidu secondaire s’identifie à sa matièrebeaucoup plus qu’à son rôle éducatif.Or il faut que tous les adultes traitentla violence quotidienne. Cela nenécessite pas un grand plan minis-tériel, spécialité très française qui faitbeaucoup rire à l’étranger, maisbeaucoup plus une prévention quoti-dienne et répétée dans l’établissement.La suspicion dans laquelle on tient la

dans certains pays, comme leQuébec ou l’Angleterre, parce

qu’il s’agit d’une vraie police deproximité, une police très proche descommunautés au sens de quartier. Elleconnaît parfaitement les parents, lescommerçants, les enseignants, lesenfants et peut ainsi jouer un rôle derégulation, de dissuasion et deprévention, beaucoup plus que derépression. Il faut dix ans pour mettreen place une telle police de proximité.Un policier «épouvantail» dans lescollèges traduit une erreur d’analysetrès profonde : la violence viendraitde l’extérieur et les forces de l’ordredevraient protéger l’établissementscolaire ; on peut alors supprimer lesaides-éducateurs, réduire le nombrede surveillants : ils ne servent à rienpuisque la violence vient de l’exté-rieur ! Or tous les chiffres montrentque la violence d’origine extérieure,c’est moins de 5% des cas. Quant àla note de vie scolaire, techniquement,elle ne fonctionne pas non plus. Cesont les renforcements positifs qui sont

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InterviewLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

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pédagogie et les sciences de l’éducation,ne permet pas de former les ensei-gnants à ces aspects de leur métier. Leséchéances politiques vont ramener laviolence sur le devant de la scène etcertains vont dénoncer le soi-disant«tout préventif». Je pose la question :quand y a-t-il eu une véritable politiquede prévention suivie en France ?

Les recherches que vous venez demener dans certains pays du sud

apportent-elles de nouveaux éclairages ?É. D. : Nos recherches nous ontmontré que dans des pays très pauvres

et dans des environnements trèsviolents, comme certaines favela auBrésil, la question de la violence àl’École ne se posait pas. Pourquoi ?Parce que le lien communautaire, eten particulier le lien École-parents, esttrès fort ; le lien École-quartier est trèsétroit, à l’opposé de la conceptiond’une École sanctuaire à l’écart duquartier.On sait que la violence à l’École peutavoir des causes familiales, on saitaussi qu’aucun facteur pris isolémentn’est explicatif. Les facteurs deviolence forment un système danslequel rentrent la famille, l’École et lecapital social d’un quartier. Prendreles parents comme un élément dusystème est indispensable et des aidesà la parentalité sont nécessaires. Maisle choix de culpabiliser ou de pénaliserla famille quand cela ne marche pasest un choix catastrophique quirenforce les difficultés. L’une des directions de la rechercheinternationale sur la violence à l’Écoleporte sur l’importance du capitalsocial du quartier, lequel est composédu capital matériel et du capitalhumain. Le capital matériel, ce sont leséquipements (piscine, lieux de culte,maison des jeunes...). Si un quartierest bien équipé, il y a moins deviolence. Mais à condition que leséquipements soient effectivement à ladisposition des habitants et que cesderniers soient fortement associés àleur gestion. S’il n’y a pas cogestion,ces équipements deviennent lesymbole du monde extérieur, une cibleà détruire, d’où quelquefois cettechose déconcertante qui est de voirune maternelle brûler. Le capital humain, ce sont des valeurscollectives fortes partagées, quipeuvent être des valeurs «cultuelles»et pas simplement «culturelles» ; c’estla façon dont les habitants du quartierconsidèrent leur École. Se servir ducapital social pour prévenir la violenceà l’École, c’est une direction qu’il fautréussir à prendre, non pas en seraidissant, ce qui fait de l’École une cible potentielle, parce que l’École,«c’est pas pour nous, c’est pas cheznous, c’est pas nous». Si nous voulons progresser, nous

devons interroger notre manière deconcevoir et de prendre en compte lesdifférences.

Propos recueillis par Claire Krepper et Fabrice Coquelin

(*) Successivement éducateur scolaire, instituteurspécialisé, maître de conférence puis professeur

en sciences de l’éducation, Éric Debarbieux est aussi directeur de l’Observatoire international

de la violence scolaire qui regroupe des chercheurs d’une trentaine de pays.

Parmi ses derniers ouvrages :«Violences à l’école : un défi mondial ?»,

Armand Colin, 2006, 300 pages - 25 €. «L’oppression quotidienne. Recherches sur unedélinquance des mineurs», La documentation

française, 2002, 252 pages - 25 €.

supplément dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

Interview

Les violences n’épargnent pas l’École.Ce n’est pas un phénomène nouveau,même si la forte médiatisation d’évènements récents peut laissercroire le contraire. Les premièresvictimes sont les élèves eux-mêmesmais il arrive de plus en plusfréquemment que des enseignantssoient agressés. Comment réagir face à la violence ? Les sanctionsdisciplinaires à l’égard de l’élèveresponsable, le renforcement desmoyens d’encadrement sont bien sûr les premières réponses qui viennent à l’esprit. On ne remet pas assezsouvent en cause le fonctionnementéducatif. Les établissements les plustouchés sont en général ceux quicumulent les plus grandes difficultés :forte concentration d’élèves ensituation d’échec, équipe éducativeinexistante ou connaissant d’importants conflits internes. À contexte socio-économiqueéquivalent, certaines écolesfonctionnent mieux que d’autres. Les tensions sont moindres, les résultats sont meilleurs là où les membres de l’équipe se sontregroupés autour d’une table pour poser les questions ensemble et chercher des réponses concertéesaux différents problèmes relationnelsau sein de l’établissement. Sans renvoyer l’échec ou la violencescolaire au seul déterminismesocioculturel.

Notre avis

LA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Les facteurs de violence forment un système complexe.

Tous les adultes doiventcombattre la violence.

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perspectives renforçant le désarroi desjeunes sont autant de problèmesauxquels sont confrontés nos collèguesdans l'exercice de leur métier.

Le SE-UNSA a donc insistésur la nécessité d'avoir dans lesécoles, collèges et lycées, des équipesde direction complètes, des personnelsd'encadrement éducatif stables. Nousavons dénoncé à nouveau la politiquede suppression des MI-SE, la dispa-rition des emplois jeunes au profit decontrats de plus en plus précaires.La formation des enseignants estégalement au cœur de nos préoccu-pations, et tout particulièrement lanécessité d'un véritable accompa-gnement de l'entrée dans le métier. Enfin, par-dessus tout, l'absenced'écoute et de soutien par notrehiérarchie est insupportable quandnous rencontrons des difficultés aveccertains élèves.

Dominique Thoby

par sa politique de restriction budgé-taire qui diminue l’encadrementéducatif. De plus, la crédibilité de l'ins-titution est forcément affaiblie quand,à la suite du grand débat sur l'Écolequi a mobilisé enseignants, parents etélus, les décisions prises conduisent àmultiplier les cas de relégation scolaire.

Suite aux dernières agres-sions, le ministère a annoncé denouvelles mesures «anti-violence» etreçu les différentes fédérations syndi-cales de l'Éducation nationale. À cetteoccasion, le SE-UNSA n'a pas manquéde souligner les points suivants :• La fracture sociale vécue par leshabitants des périphéries des grandesvilles est une des causes de la violenceen milieu scolaire. • L'hétérogénéité importante despublics scolaires, l'absentéisme decertains élèves, la difficulté à entreren contact avec l'environnementfamilial, le manque de repères ou de

> Les phénomènes deviolence auxquels nous som-mes confrontés dans l'exercice denotre métier d’enseignant ne sont pasnouveaux. Ce qui se développe, enrevanche, c'est le passage à des actesgraves contre l'institution, y compriscontre ses personnels. Les agressionsphysiques entre jeunes, de la part deparents contre des personnels, d'élèvescontre leurs enseignants, ne sont plusdes exceptions. La tentation du «tout sécuritaire»guette. Certains politiques profitentde ce contexte pour mettre en avantleurs idéaux rétrogrades et répressifs.Syndicalement, à l'UNSA, nous ne som-mes pas partisans du laxisme face àde tels comportements inacceptables.Pour autant, nous constatons que dansce contexte, alors qu’il conviendrait des'interroger sur la prévention et l'ac-compagnement éducatif dans lesétablissements, le gouvernement fait lechoix délibéré d'aggraver la situation

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Éclairage

LA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Le débat né de la récente agression d’Étampes conduit le gouvernement à annoncer de nouvelles mesures «anti-violence».

Renforcer l’encadrement éducatif et la formation

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CLIN D’ŒIL

> La violence à l'École estdevenu un sujet de préoccu-pation internationale depuis unequinzaine d'années, principalementdans les démocraties occidentales. Lesactions mises en place ne sont paségalement efficaces. Certaines tiennentplus de la stratégie de communicationpolitique que d'une véritable réponseéducative. Quand, en France, on privilégie les«plans contre la violence» dont la miseen œuvre concrète et l'efficacité sontrarement évaluées, dans d'autres payson opte pour des démarches pluspragmatiques où l'évaluation despratiques tient une place centrale. Larecherche distingue ainsi des stratégiesefficaces (par exemple l'apprentissagecoopératif, les interventions compor-tementales, les services sociaux deproximité) et des stratégies inefficaces(par exemple les programmes avec

hébergement ou la médiation par despairs). Même si les stratégies ne sontpas toujours directement transpo-sables, l'expérience capitalisée, enparticulier dans les pays anglo-saxons,peut nous être utile.

Claire Krepper

La Norvège pionnière. DanOlweus, universitaire, a mené

la première «enquête de victimation»d'envergure en 1973. Il a ensuiteconstruit un programme quidéveloppe écoute de l'autre etempathie, repris dans de nombreuxpays. Règles établies en commun,travail collaboratif, jeux de rôle,sanctions sans caractère humiliant,soutien aux victimes en sont les bases.

Le Canada pragmatique.Les chercheurs collaborent

avec la communauté éducative pourélaborer, mettre en œuvre et évaluerde nombreux programmes dont la plupart font appel à des techniquescomportementales. Citons Répit-Conseil et Répit-Transitdont l'objectif est le maintien d'élèvesprésentant de graves troubles ducomportement dans l'école, ou PleinsFeux, sur l'intimidation, programme deprévention de la violence entre élèvesà l'intention des écoles primaires.

supplément dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

ÉclairageLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Préoccupation internationale

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Les écoles qui réussissentfavorisent le «vivre les unsavec les autres» plutôt que«les uns contre les autres».

Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, l’École subitl’influence de la société et de ses évolutions. La violence y estgénérée ou s’y introduit. Quelles sont les solutions pour luttercontre cette violence scolaire ? La réponse n’est ni simple, ni immédiate. Rémi Casanova nous en apporte des éléments.

lorsque les élèves ne reconnaissentplus l’École comme lieu d’apprentis-sages et que l’École ne perçoit plus lesélèves comme pouvant être éduqués.Une enquête(1) de l’Irrav(2) sur lesréussites individuelles des enseignantsface à la violence dans la classe a étéprolongée. Après cinq années decollecte de données, elle décline,analyse, théorise la complexité desréponses réussies d’établissementsscolaires (écoles, collèges, lycées,établissements spécialisés) confrontésaux nouvelles problématiques liéesà la violence(3) comprise à la foiscomme problème et symptôme.

La première des réussitesréside dans le fait d’être capable derégler le problème (sanctionner lesauteurs, réparer les victimes) etcomprendre le sens du symptôme. Lasanction éducative qui rejoint in fine

la réparation des acteurs, se pense surles court, moyen et long termes. Demême, elle implique les dimensionsindividuelles, collectives et institu-tionnelles. Les écoles qui réussissentconsidèrent et favorisent le fait queles acteurs (personnels et usagers) nese vivent pas les uns contre les autresmais les uns avec les autres. Ellesconsidèrent les individus (profes-sionnels et usagers) comme relevantde collectifs variés, construisant desidentités et appartenances multiplesqui favorisent le décloisonnement dela pensée et du jugement. La violence est également symptôme.L’École qui réussit est celle qui estcapable de voir ce qui est en jeu, pardelà l’acte lui-même, dans les rapportsde pouvoir, dans la communication,dans le rapport au savoir, dansl’insertion sociale, culturelle voireprofessionnelle, etc. Elle est capable

> L’École est plus quejamais nécessaire, tant pourl’apprentissage des savoirs sociauxque des savoirs disciplinaires.Pourtant, comme les autres institu-tions, elle doit également prendre enconsidération les conditions quipermettent de répondre réellement àses missions, dans le respect de sesusagers. Et en ces temps où elle estmalmenée, où la violence qu’elle intra-génère côtoie celle qui est importée,il convient de penser les réponsesqu’elle trouve pour perdurer.De la question étiologique, abordonssimplement sa manifestation dans la«violence des décalages», lorsque ladistance s’accroît entre les profes-sionnels et les usagers de l’École quantaux missions, fonctions, désirs, aspira-tions et représentations de l’utilitéréelle ou supposée des uns et desautres. Le décalage absolu réside

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Ces écoles qui réussissentface à la violence

Point de vueLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

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de développer des dispositifs àgéométrie variable, dans le temps,l’espace et le partenariat, quirépondent à la réalité du problème.

Une autre réussite consisteà articuler les réponses. Là,le pédagogique se joint aux dimen-sions éducatives, psychologiques,sociales, et pourquoi pas policières,judiciaires et psychiatriques. Elle peutdéboucher par exemple sur la veilleéducative qui, lorsqu’elle fonctionnesans arrière-pensées de pouvoir insti-tutionnel, est un bon exemple deréponse réussie aux phénomènes deviolence, tant dans l’anticipation quedans l’adaptation aux événements. Enfin, la perception des enjeux et lacréation de réponses liées aux problé-matiques qui touchent l’ensemble desinstitutions aujourd’hui permet uneréelle prévention. À ces enjeux répond

une posture institutionnelle -rarementmonolithique- qui fera de la réponseune réussite ou un échec. Quelquesthématiques disent les institutionsaujourd’hui : «l’accueil», par exemple,doit articuler logique procédurale etlogique processuelle dans un soucid’expliciter tout en se renouvelant auquotidien ; la gestion de «l’hyperspé-cialisation» mérite de quitter uneposture cloisonnante pour devenirconvergente au sein d’un projetcommun ; «l’événement spontané»(on pourrait dire «incertain, fortuit,inattendu») mérite d’être accueilliplutôt que d’être nié, rejeté, craint ;les «rituels», éléments essentiels desinstitutions, peuvent osciller entrehumanisation ou mécanisation desrelations au sein des écoles ; la«vision» que développe l’École sur etchez ses acteurs, mérite d’être panora-mique alors qu’elle est bien souvent

tubulaire et processionnaire ; enfin,la «fonction interstitielle» de certainslieux (l’infirmerie, la machine à café,la grille d’entrée de l’établissement)mérite d’être connue, encouragée maissurtout pas institutionnalisée.

En conclusion, les écoles quiréussissent aujourd’hui sont cellesqui parviennent à s’adapter sans serenier. Mais, de même que la diffi-culté, voire l’échec, ne sont jamaisdéfinitifs et ne relèvent pas de lafatalité, la réussite est toujours fragileet contextualisée. C’est alors au jourle jour, patiemment, dans la durée,souvent modestement et avec humilité,que se construisent les parcours deréussite face à la violence. C’estlorsque les écoles font «expérience»,au sens étymologique du terme, deleurs phénomènes institutionnels,qu’elles sont sur la voie de la réussite.

Propos recueillis par Claire Krepper(1) «Face à la violence dans la classe,

ces enseignants qui réussissent !», R. Casanova, J. Pain, J-P. Bagur, éditions Matrice,

2004, 266 pages - 24 €.(2) Institut de recherche de réflexion et d’action

sur les violences, situé à Parmain (95).(3) Un événement qualifié par le Code pénal et

traumatisant pour les acteurs de la situation.

Xxxxxx

supplément dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

Point de vueLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Il a enseigné pendant vingt ans enprimaire, en Zep : instituteur, maîtreformateur, professeur des écolesspécialisé puis directeur d’écoleélémentaire, il a aussi dirigé un institut médico-éducatif. Auteur d’une thèse en sciences de l’Éducation sur la violence dans la classe, il coordonne et anime denombreuses formations sur ce thème.Il est aujourd’hui maître de conférence à Lille où il anime des séminaires sur «L’analyse des logiques d’acteursdans les institutions».

Contact : [email protected] : «La classe spécialisée, une classe

ordinaire ?», R. Casanova, ESF éditeur, 1999, 128 pages - 13,42 €.

«Prévenir et agir contre la violence dans la classe», R. Casanova, Hatier, 2000 - 6 €.«Situations violentes à l’école : comprendre

et agir», R. Casanova, H. Celllier et B. Robbes,Hachette éducation, 2005, 222 p. - 22,30 €.

Rémi Casanova

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d’hygiène et sécurité (CHS) dans lesétablissements pour suivre cesquestions de sécurité.Le SE-UNSA a aussi insisté sur :• la nécessité d’une formationjuridique des personnels ;• l’application effective de la loi de1983 (voir brève ci-dessous) ;• la protection juridique des fonction-naires ;• la nécessaire écoute de la hiérarchieet l’assurance d’un soutien sans failleaux enseignants victimes de violencesou d’incivilités. La question de la présence de policiersdans les établissements a été posée,ainsi que celle de la nécessité deconnaître le passé des élèves. Nousavons mis en garde le ministère contreune systématisation de ce type dedémarche. Nous sommes opposés àl’idée de transformer les établissementsen «annexe de commissariat». Pourautant, le partenariat avec la police etla justice sont nécessaires. Mais, déjà,la décision gouvernementale desuppression de la police de proximitédans les quartiers va à contresens !

Dominique Thoby

prévention et de l’approche éducative,le projet d’établissement apportant dela cohérence dans l’action de l’équipeéducative, le rôle des personnelssociaux et de santé aux côtés despersonnels d’éducation. Nous avons demandé la création etla tenue régulière de commissions

> En décembre 2005, suite à l’émotion causée parl’agression de notre collègue d’Étampes, le ministre avait annoncéune nouvelle circulaire sur les violen-ces en milieu scolaire. Début mars, leministère a donc reçu les différentesfédérations syndicales pour présenterles axes d’un nouveau texte intermi-nistériel. Sept plans «violence» se sont succédésces dernières années sans qu’aucunbilan ne soit fait. Mais la publicationde nouveaux textes ne peut être la seuleréponse qu’attendent les collègues.D’autant que la lutte contre la violen-ce en milieu scolaire a déjà fait l’objetde publications, comme la circulaired’octobre 1998. Ce texte, spécifique àl’Éducation nationale, a servi de pointd’appui dans les mois qui ont suivi sapublication. Mais en 2006, quels sontles chefs d’établissement et les ensei-gnants qui le connaissent et l’utilisent ?

Nous avons demandé auministère que cette circulaire de1998 soit réactivée et mise à jour, touten gardant une approche globaleassociant la prévention aux mesuresde sécurité et à la conduite à tenir encas d’actes de violence. Nous avonsinsisté sur l’importance de la

Éclairage

LA VIOLENCE À L’ÉCOLE

Les axes de réflexion proposés par le ministère : • Soutenir et accompagner personnels et élèves victimes de violence.

• Assurer la sécurité des personnels et élèves.• Organiser les signalements et le suivi.• Associer plus étroitement les parents et responsabiliser les élèves.• Améliorer l’efficacité des partenariats.• Mettre à disposition des outils, développer la formation.

Les missions de la commission hygiène et sécurité :• Promouvoir la formation à la sécurité pour les élèves et les personnels.

• Contribuer à l’amélioration des conditions d’hygiène et de sécurité dansl’établissement.• S’intéresser aux conditions de travail des élèves et des personnels.• Effectuer des études et des enquêtes sur la nature des risques, les accidentsqui ont eu lieu ou pourraient être sur le point de survenir, ainsi que les moyenspour y remédier, etc.

L’article 11 de la loi de juillet 1983 prévoit que les fonctionnairesbénéficient, durant leurs fonctions, d’une protection organisée par le

ministère dont ils dépendent. Le SE-UNSA revendique l’application systématiquede cet article qui implique non seulement l’indemnisation, mais aussil’accompagnement dans les démarches, l’écoute et le soutien qui doivent êtreapportés aux enseignants victimes de violences ou d’incivilités. C’est le sensdes interventions multiples que nous avons faites auprès de la direction des affaires juridiques du ministère de l’Éducation nationale.

Violence et réglementation

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> CPE dans un collègede région parisienne, j’aiappris que deux élèvesavaient été victimes d’un violcollectif à l’extérieur du collège. Une forte tensionétait perceptible dans l’établissement. Au départ,cette situation a été gérée à vue, sans véritables consignes et peu d’explications enversl’équipe pédagogique. Deux policiers, venus mechercher directement dans la cour de récréation, ontattiré l’attention de certainsélèves. J’ai alors été menacée et intimidée par l’un desélèves concernés par l’affaire.Quelques semaines plus tard un professeur a été frappé en classe. Je ne me sentaisvraiment plus en sécurité. En dehors de ma direction,un peu attentiste à cemoment-là, j’en ai parlé au SE-UNSA qui m’a recommandé d’écrire au recteur pour l’avertir de cette nouvelle escalade de violence et demanderl’aide d’une cellule d’écoute. Enfin, après deux mois de tension, les collègues et moi-même avons obtenusatisfaction. Grâce au travaild’équipe et à l’abnégation de tous, la sérénité revientdoucement.

M. H. (95)

> Assistantd’éducation, j’ai étévictime d’une intimidationphysique avec menacesde mort réitérées alorsque je demandais à despersonnes extérieures au lycée de sortir. Celafaisait déjà plus d’un anet demi que je sortais ces intrus des toilettes de l’établissement scolaire. Ils étaient systématiquement menaçants, insultantset diffamants, mais n’avaient jamais menacé de mort.J’ai déposé une plainteauprès du commissariat de police le jour-même pour atteinte à un agent

> Policier exerçantdepuis 1977 en Seine-Saint-Denis (93), je suisintervenu souvent au coursde forums sur les métiersdans les établissementsscolaires pour présenter le métier de policier. Mais je pense que la Police n’a pas sa place au sein de l’Éducation nationale en tant que telle. Elle estgarante des loisrépublicaines. Son devoirest de protéger les libertés et les biens. Son rôle de prévention devientforcément répressif à un moment donné. Ses représentants, pourbeaucoup, sont enuniforme. Qui dit uniformepense militaire et aussi,

parfois, provocation. Alors ce qui m’inquiète, c’est de voir la Police dansun établissement scolaire.Le seul devoir de la Policedans l’Éducation est, etdevra rester, l’informationet la prévention. Sa mission reste, et doitrester, l’éducation au codede la route et l’information des élèves sur ce qu’ilsencourent en dehors de l’établissement, et rien d’autre.Laissons aux professionnelsde l’Éducation toute leurplace dans l’établissement.Un établissement peut gérerles problèmes en son sein sion lui en donne les moyensen terme d’encadrementéducatif.

Alors pour conclure, je vousremercie, Mesdames etMessieurs les enseignants,de m’avoir donné monsavoir car, grâce à vous, je suis un professionnel quidésire rester à sa place, etnon pas prendre celle desautres.

Marcel Grosch, policier depuistrente ans (UNSA-Police 93)

de l’État dans l’exercice de ses fonctions et menacesde mort réitérées. L’un des intrus était élèvedans l’établissement pendantl’année scolaire 2003-2004.Il avait fait l’objet d’unesanction pour être venu en cours avec une armeblanche. Le commissariatm’a convoqué pour uneconfrontation. Ce fut trèsviolent verbalement. Ils ont nié et décidé dedéposer une plainte contre

moi pour diffamation. Les jeunes furent convoquésen février pour un rappel à la loi. Je saurai d’ici peu si les charges de diffamationsont retenues à monencontre. P. B., assistant d’éducation (94)

> L’éducateur dela PJJ mène une actionindividuelle auprès desmineurs et jeunes majeursconfiés par l’autorité

judiciaire. En travaillant à partir des actes commis,son intervention éducative spécifique, en prise avec laréalité quotidienne, vise aussià restaurer chez l’adolescentune confiance en lui souventperdue, dans l’objectif d’uneinsertion sociale durable.Son implication directe avec un binôme enseignantdans les classes relais permetune prise en charge soutenuedes jeunes qui, pour un temps, ne trouvent plusleur place dans un cadre scolaire classique.Par ailleurs, de nombreuxéducateurs de la PJJ sontinvestis dans l’animationd’outils pédagogiquescollectifs tels que «13/18questions de justice», «Moijeune citoyen» ou autres au sein des établissements.Ils participent également aux journées ou ateliers misen œuvre dans les collèges et lycées pour sensibiliser les jeunes à leurs droits et obligations et les amener à réfléchir aux causes et conséquences de leurs actes.

H. L., éducateur PJJ (94)

Ils en disentLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

supplément dossiers n°94 • avril 2006 • l’enseignant

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Ils en disentLA VIOLENCE À L’ÉCOLE

> Jeune directriceen 1999, j’ai été confrontée à un problème de maltraitance concernanttrois enfants de l’école. Au-delà des démarchesadministratives et judiciaireslourdes, j’ai eu à gérer des réactions extrêmementviolentes du côté du beau-père des enfants, principal accusé de sévices,sous forme de menaces de mort, et, de l’autre, de manière plus surprenante,de la part du maire de la commune dans laquelle la famille résidait. En effet, il m’a bien fait comprendreque je me mêlais de ce qui neme regardait pas et qu’àcause de mes agissements, je jetais l’opprobre sur sa commune. Cette réactionne faisait que mettre à jourl’inertie et la lâcheté dont cetélu avait fait preuve, commed’autres citoyens d’ailleurs,eu égard à leur connaissancedes faits reprochés auxparents depuis très longtemps déjà... Il m’a déjà été difficile d’enclencher cette procédurede signalement car cela

de situations difficiles. Cet atelier associe leur étude,leur mise en scène à travers l’intervention d’un théâtreinteractif, des débats à partirde vidéos et l’interventiond’un psychiatre. Les stagiaires déplorent leurmanque de compétencesrelationnelles. De fait, àl’IUFM, il y a un déséquilibreentre «apprendre à transmettre un savoir»et «apprendre à travailleravec et sur autrui».

a fait émerger toute la réalitéd’actes sordides que nos élèves peuvent subir,mais en plus, j’ai dû gérercette pression au «silence»,autre forme de violence,moins palpable mais toutaussi insupportable.

S. V-D. (24)

> L’IUFM d’Aquitainepropose aux PLC2 uneformation optionnelle de deux jours à la gestion

En deux jours, les formateurs proposent un travail sur les techniquescorporelles de gestion du stress et de posture en classe (voix et corps),amorcent une réflexion chez les stagiaires quantà leur personnalité, leurs facteurs de vulnérabilité(anxiété, perfectionnisme...),leur représentation du métierpour qu’ils puissent mieuxappréhender le choc de la réalité. Ils travaillent

sur la dimension émotionnelle dumétier, dimensionessentielle mais «taboue», Il s’agit, à terme, de mettre en place une nouvelleorganisation du travail dans les établissements pour sortir de l’isolement et dela culpabilisation par l’idée d’unapprentissagemutuel entre collègues.

C. K. (33)

> «Prévenir la violencescolaire» édition 2005.Ce CD-ROM,coproduit parl’Autonome de Solidarité,l’Adosen et la MGEN, contient des interviews, des reportages, des questions-réponses, des simulations et propositions, des adresses et desliens Internet pour savoir commentprévenir, comment agir, quels sontles principaux dispositifs réglementaires, les actions concrètes,les attitudes qui permettent de mieuxgérer les tensions, les conflits et les actes violents. Renseignements sur www.adosen-sante.com

Le logiciel Signa, mis en place à la rentrée 2001, a pour objectif de recenser les actes graves de violence survenus

à l’école et ses abords, et «répond à la volonté de disposer de statistiquesfiables et faciles à exploiter». Ceci est la théorie. Dans la réalité, il existe un décalage très important entre les résultats fournis par Signa et ceuxfournis par les enquêtes de victimation d’équipes scientifiquesindépendantes comme celles du professeur Debarbieux. L’institutionscolaire a en effet tendance à traiter en interne les faits de délinquance et les transgressions de l’ordre, voire à les cacher ou à les minorer. La plupart des pays ont d’ailleurs renoncé à ce compte officiel et administratif de la violence.

Violence à l’école : un défi mondial ? Une présentationobjective du phénomène de la violence en milieu scolaire dans toute

sa complexité, et des stratégies possibles pour y faire face par un expertinternationalement reconnu. Cet ouvrage très accessible est aussi un cri de colère contre l’hystérie médiatique, la surenchère sécuritaire de certainsà droite, mais aussi contre le déni de la réalité de la violence à gauche. «Une vision qui ne s’enferme pas dans un débat franco-français, une visionplus large du problème où l’autre nous aide à nous connaître».

«Violence à l’école : un défi mondial ?», Eric Debarbieux, Armand Colin, 2006, 300 pages - 25 €.

En savoir

Syndicat des enseignants - UNSA