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L’Europe Un chantier à reprendre À quelques jours du renouvellement du Parlement euro- péen, votre mensuel veut apporter sa contribution au débat électoral. Les peurs, les désespérances ne peuvent être les balises guidant nos choix dans l’isoloir, car ceux qui nous ont précédés dans notre mouvance syndicale ont porté sur les fonds baptismaux les valeurs des premières coopératives et des gaec. Les pères fondateurs de la Communauté économique euro- péenne, Jean Monet et Robert Schumann, ont relayé dans un espace macroéconomique, ce désir du vivre ensemble, tournant la page à plusieurs siècles de règlement des différents par les armes. La solidarité financière, la protection du marché européen, l’or- ganisation des productions vont être terrassés trente ans plus tard. L’abandon du contrôle des changes, la libre circulation des capi- taux, l’influence de Milton Friedman (prix Nobel d’économie) consacrant «la main invisible du marché» et les contraintes de l’organisation mondiale du commerce (dont l’UE a été actrice dans les règles du jeu) vont voir s’évanouir toutes ambitions poli- tiques, au profit des nouveaux maîtres du monde. À la Confédération paysanne, nous avons toujours affirmé que le commerce est acceptable quand il s’opère entre pays à niveau de développement comparable, sans dumping fiscal et social, et sans paradis fiscaux. Un commerce inégal est devenu destruc- teur et un moyen de chantage des transnationales pour défaire les acquis sociaux et syndicaux. Les courants populistes, xéno- phobes, nationalistes reprennent du service, surfant sur la crise, la dénonciation du bouc émissaire. Nos propres élus politiques – du moins trop d’entre eux – se dédouanent à bon compte de leur médiocrité. Les exclusions multiples, les scandales alimentaires, les suspicions quant aux conséquences sur la santé, et la spéculation sur les prix agricoles contrai- gnent une population plus nombreuse à sortir de la torpeur consumériste. Quatre grands acteurs et témoins apportent leur contribution à ces pages: Gérard Choplin qui a accompagné trente années de syndicalisme pour une autre agriculture, Geneviève Savigny, actuelle représentante à la Coordination européenne Via cam- pesina, Aurélie Trouvé et Frédéric Lemaire, deux économistes militants d’Attac. Berlin vient de connaître (en février) une mobi- lisation de 30 000 personnes réclamant une autre agriculture et l’arrêt des négocia- tions de libre-échange avec les États- Unis, montrant le chemin à suivre pour les peuples. Ainsi va le balancier de l’histoire. Nous sommes de moins en moins seuls. L’avenir de l’UE est forcément entre nos mains. n Christian Boisgontier Dossier Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / I

Dossier L’Europe Un chantier à reprendre À 295 dossier.pdfet le bloc soviétique. Le premier moteur de la construction euro-péenne a donc été stratégique: faire la paix entre

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L’Europe Un chantier à reprendreÀquelques jours du renouvellement du Parlement euro-

péen, votre mensuel veut apporter sa contribution audébat électoral. Les peurs, les désespérances ne peuvent

être les balises guidant nos choix dans l’isoloir, car ceux qui nousont précédés dans notre mouvance syndicale ont porté sur lesfonds baptismaux les valeurs des premières coopératives et desgaec. Les pères fondateurs de la Communauté économique euro-péenne, Jean Monet et Robert Schumann, ont relayé dans un espacemacroéconomique, ce désir du vivre ensemble, tournant la pageà plusieurs siècles de règlement des différents par les armes.

La solidarité financière, la protection du marché européen, l’or-ganisation des productions vont être terrassés trente ans plus tard.L’abandon du contrôle des changes, la libre circulation des capi-taux, l’influence de Milton Friedman (prix Nobel d’économie)consacrant «la main invisible du marché» et les contraintes del’organisation mondiale du commerce (dont l’UE a été actrice dansles règles du jeu) vont voir s’évanouir toutes ambitions poli-tiques, au profit des nouveaux maîtres du monde.

À la Confédération paysanne, nous avons toujours affirmé quele commerce est acceptable quand il s’opère entre pays à niveaude développement comparable, sans dumping fiscal et social, etsans paradis fiscaux. Un commerce inégal est devenu destruc-teur et un moyen de chantage des transnationales pour défaireles acquis sociaux et syndicaux. Les courants populistes, xéno-phobes, nationalistes reprennent du service, surfant sur la crise,la dénonciation du bouc émissaire.

Nos propres élus politiques – du moins trop d’entre eux –se dédouanent à bon compte de leur médiocrité. Lesexclusions multiples, les scandales alimentaires, lessuspicions quant aux conséquences sur la santé,et la spéculation sur les prix agricoles contrai-

gnent une population plus nombreuse à sortir de la torpeurconsumériste.

Quatre grands acteurs et témoins apportent leur contributionà ces pages : Gérard Choplin qui a accompagné trente années desyndicalisme pour une autre agriculture, Geneviève Savigny,actuelle représentante à la Coordination européenne Via cam-pesina, Aurélie Trouvé et Frédéric Lemaire, deux économistesmilitants d’Attac.

Berlin vient de connaître (en février) une mobi-lisation de 30000 personnes réclamant uneautre agriculture et l’arrêt des négocia-tions de libre-échange avec les États-Unis, montrant le chemin à suivrepour les peuples. Ainsi va lebalancier de l’histoire. Noussommes de moins en moinsseuls. L’avenir de l’UE estforcément entre nosmains. n

Christian Boisgontier

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / I

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Si le navire Europe est aussi peu attrac-tif, c’est peut-être que sa destinationn’est pas claire, ou que la destination

affichée ne correspond pas à la réalité.L’Union européenne est née sur les cendres

de deux guerres mondiales qui ont ravagéle continent, coupé ensuite en deux par la« guerre froide » entre le bloc atlantiqueet le bloc soviétique.

Le premier moteur de la construction euro-péenne a donc été stratégique : faire la paixentre la France et l’Allemagne et faire faceà l’empire soviétique, dont les chars et lesfusées étaient à 500 kilomètres de Stras-bourg. La première initiative a été celle dela Communauté européenne de défense,refusée en 1954 par le Parlement français.On s’est donc rabattu sur l’économique : lecharbon, l’acier puis l’agriculture, que l’ona mis en commun, pour imbriquer de plusen plus les économies des six pays fonda-teurs (1).

Le deuxième moteur, à partir de 1985, aété le lancement du marché unique en1988, réalisé en 1993. Ce qui avait été faitpour l’agriculture, on le faisait maintenantpour toute l’économie. L’économiqueconduirait ensuite au politique, vers unevraie Union européenne.

C’était sans compter sur l’histoire, quin’avance jamais de façon linéaire.

La démolition du Mur de Berlin en 1989,puis la chute de l’empire soviétique, ontsurpris les Européens et cassé le premiermoteur, stratégique. L’ennemi d’en faceavait disparu.

Cette victoire sans guerre du bloc atlan-tique a accéléré la mise en œuvre des poli-tiques néolibérales impulsées depuis peupar les États-Unis de Reagan et le Royaume-Uni de Thatcher. Ils n’avaient plus peur queleur politique jette les Européens dans lesbras de Moscou. Le néolibéralisme a alorsdominé la scène à partir des années quatre-vingt-dix et deux mille, brisant le deuxièmemoteur: le marché unique européen s’est dis-sous dans la mondialisation, les frontièreséconomiques ont quasi disparu. La cour dejeu de Unilever, GDF-Suez, Shell, Danone,etc… ce n’est pas l’Europe, c’est le monde.

Et le navire va, sans que l’on ait remplacéles moteurs, au risque de s’échouer au pre-mier récif. L’erreur majeure des dirigeantseuropéens à partir des années quatre-vingt-dix est de n’avoir pas initié un débat sur lenouveau sens à donner à l’Union euro-péenne (UE) après la chute du Mur, quipuisse mobiliser les citoyens, et d’avoir laisséles grandes firmes, de plus en plus multi-nationales désormais, écrire les règles à laplace des politiques et confisquer l’Europe.

Dès les années quatre-vingt, le club de la« Table Ronde Européenne » (2) des indus-triels a plus que « conseillé » la Commis-sion et n’aura de cesse que les propositionsde la Commission ressemblent étrange-ment aux leurs : plus de marché, moins d’É-tat, et pas d’harmonisation fiscale ou sociale,ni de transparence du lobbying.

Le lancement de la négociation transat-lantique illustre parfaitement la mainmise dubusiness sur la définition des politiques et desaccords commerciaux. L’Union européenneest devenue la sienne, et les citoyens s’endétournent. D’autant plus que les gouver-nements et parlementaires nationaux conti-nuent trop souvent d’accuser « Bruxelles »quand ils ne veulent pas assumer les déci-sions prises avec leurs collègues européens.

Pour que l’Union européenne deviennenôtre, il nous faut l’occuper, nous la réap-proprier. Car elle reste encore un levier (3),où des politiques solidaires et durables sontpossibles, loin de réactions anti-européennessimplistes.

Le 25 mai et tous les jours suivants, occu-pons l’Europe. n

Gérard Choplin,

formateur, rédacteur, consultant sur les questions

agricoles, ancien chargé de politique agricole

à la Coordination européenne Via Campesina

(1) Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas.(2) Voir le film « The Brussels business »- version F :www.youtube.com/watch?v=NbXcPpM86Tk(3) Voir « Hold-up à Bruxelles » – José Bové & GillesLuneau, p 235 – La Découverte, février 2014, 17 euros.

Décryptage Se réapproprier une Europe confisquéeAlors qu’une partie croissante de la législation s’écrit au niveau européen, que les ministres et députés européens la co-décident, l’élection du 25 mai doit marquer plus que jamais l’intérêt des citoyens. Ils ont entre leurs mains un levier où despolitiques solidaires sont encore possibles.

Dossier

Manifestation à Montpellier, en mars 2014, contre le projet d’accord de libre échange entre l’Union européenneet les États-Unis : le lancement de la négociation transatlantique illustre la mainmise du business sur la défi-nition des politiques et des accords commerciaux. L’UE est devenue la sienne, et les citoyens s’en détournent.

Dans ce livre, à travers des cas concrets vécus au quo-tidien, José Bové livre la réalité des couloirs de Bruxelleset braque le projecteur sur les connivences dont béné-ficient, au plus haut niveau de l’organigramme admi-nistratif, les lobbyistes de l’industrie (voir CS n° 293).

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Au lieu de réduire la valeur de l’europour redonner de la compétitivité auxentreprises européennes, l’Unioneuropéenne laisse ses États membrescreuser les déficits budgétaires et faireappel à des emprunts colossaux.

50milliards d’euros pour le pactede compétitivité viennentd’être attribués aux entre-

prises, mais le silence est le plus total surles différentiels monétaires entre les grandesmonnaies (euro, dollar, yuan) régissant leséchanges internationaux.

Notre monnaie, utilisée dans 18 Étatsmembres de l’Union européenne, est rééva-luée à 1,37 dollar – contre 1 dollar à sacréation en 1999 –, renchérissant de plusde 30 % tous nos produits quittant la zoneeuro. Petit avantage quand même, notremonnaie adoucit le prix de la facture éner-gétique (pétrole et gaz) et de nos impor-tations contraintes de soja.

La Banque centrale européenne, gardiennede l’orthodoxie budgétaire, refuse d’utiliserles leviers qui réduiraient la valeur de l’euro,comme savent le faire les USA et les Chi-nois. Historiquement pourtant, le leviermajeur pour redonner un avantage com-pétitif et se protéger des pays à monnaiesfaibles était la dévaluation.

Un outil historique :la dévaluation

Notre pays ne s’en est pas privé : sous leFront populaire (dévaluation de 60 % dufranc Poincarré) ; sous de Gaulle (20 % dedévaluation en juin 1958, au lendemain del’investiture, et 17,55 % en décembre, dès

l’annonce du plan de stabilisation « Pinay-Rueff ») ; sous la IVe République (60 % en1945, 45 % en 1948, 22 % en 1949).

Mais l’outil n’est pas propre à la France :les dévaluations des autres pays (la lire ita-lienne, la peseta espagnole et l’escudo por-tugais) vont impacter lourdement la viti-culture, les fruits et légumes, l’industrie dutextile et de la chaussure tricolore.

Pour mettre un peu d’ordre dans la mai-son, la CEE (Communauté économiqueeuropéenne) invente en 1972 le « serpentmonétaire », contraignant les monnaies àne pas s’écarter d’un « tunnel de parités ».Mais la trop forte réévaluation du mark faitnaître une énième mesure, le franc vert etles « montants compensatoires moné-taires » (MCM) contre lesquels notre orga-nisation syndicale s’est mobilisée. À causede ces MCM, nos produits à l’export devaientacquitter des pénalités pour ne pas désa-vantager les pays à monnaie forte (Alle-magne et Pays-Bas). Inversement, leurs pro-duits bénéficiaient de ces MCM pour seretrouver compétitifs sur nos marchés.

La création de l’euro apparaît comme l’ou-til qui va mettre fin aux désordres moné-taires, avec en contrepartie la contrainte des« critères de Maastricht », définis en 1992,pour faire converger les économies de la zoneeuro. Mais depuis, cette monnaie oppose leseuropéistes et les souverainistes, car elleprive les décideurs politiques de chaqueÉtat membres du levier monétaire. Le défi-cit budgétaire et le recours colossal à l’em-prunt vont devenir l’outil de la pseudo-compétitivité pour tous les pays.

La France emprunte chaque jour 200 mil-lions d’euros (le prix d’un airbus), soit 70 mil-

liards par an pour équilibrer son budget. Ladette cumulée va atteindre 2 000 milliardsau cours de l’année 2014. Tous les pays dela zone euro sont lourdement endettés, etseules les balances commerciales (excé-dentaires ou déficitaires) révèlent les mieuxou moins bien portants.

Parallèlement, la situation particulière dela France, championne du monde del’épargne des particuliers avec un montantsupérieur à la dette du pays, traduit l’inef-ficience dans la collecte de l’impôt.

La dette et la charge de la dette – au cœurde la justification de la rigueur, de la luttecontre le coût du travail, et en contrepar-tie du ralentissement économique –, vont-elles conduire nos pays dans une impasse ?Là encore, l’histoire nous rappelle qu’en1929, l’Allemagne est en cessation de paie-ment, qu’en 1932 la dette française atteint150 % du PIB (90 % aujourd’hui), et qu’en1934, ces deux pays n’ont pas assumé leurdette à l’égard des États-Unis.

Plus récemment, en août 1982, le Mexiqueet une trentaine de pays latino-américainset africains se sont déclarés en faillite. En1998, la Russie a fait effacer 35 % de sa detteet l’Argentine, en défaut de paiement, aobtenu un effacement de 55 % de sa dette.

Reste l’inflation puisque les économistesaffirment qu’une inflation à 6 % pendantcinq ans réduirait la dette de 20 %, mais cesont les classes sociales les moins favoriséesqui seraient en première ligne. Reste encorele protectionnisme européen à l’image dece que viennent de décider plusieurs paysd’Amérique du Sud pour lutter contre lesmonnaies « démesurément dépréciées » quesont le dollar et le yuan.

À quand un débatcitoyen sur toutes cesquestions pour recons-truire une souverainetéeuropéenne ? n

Christian Boisgontier

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / III

L’euro et la compétitivité

Dix-huit pays de l’Unioneuropéenne, représentantprès de 324 millionsd’habitants, font partie de lazone euro depuis l’arrivée dela Lettonie le 1er janvier2014. C’est aussi la monnaiede micro Etats européens :Andorre, Saint-Marin,Monaco et Vatican et, defait, la monnaie encirculation au Kosovo etMonténégro, pourtant non-membres de l’UE.

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Une des premières visions en débar-quant à l’aéroport de Bruxelles estl’immense panneau lumineux van-

tant les bienfaits de Syngenta pour les petitsproducteurs du Sud, où les enfants, libérésdes corvées du désherbage, peuvent aller àl ‘école. À la gare du Midi, si l’on arrive parle train, ce sont les nombreux mendiants,femmes, enfants, zonards, musiciens roms,tous humains marginalisés par un systèmenéolibéral qui s’impose en Europe. Le quar-tier des institutions européennes est à partde cette ville, au demeurant très sympa-thique.

Depuis le début de mon mandat au comitéde la Coordination européenne Via campe-sina en 2009, j’ai pu mesurer la difficultépour nos petites structures de se battreface à des institutions fabriquées pour lesgros joueurs.

Le dossier de la Pac post 2014 a sansdoute été le plus prenant de ces dernièresannées.

Les négociations pour la réforme ont com-mencé dès la mise en place de la Commis-sion Barroso 2, le président restant le même.ECVC a répondu rapidement à la consulta-tion publique des « parties prenantes »,consultation informatique très large menéepar la Commission au printemps 2010, quiaboutit en juillet à la première déclarationpolitique de Dacian Ciolos, commissaire àl’Agriculture, lors d’une grande conférenceoù l’on parle positivement des petites fermeset de valoriser toutes les agricultures en

Europe. C’est un signe réel d’ouverture, enrupture avec les positions très entrepre-neuriales de l’ancienne commissaire,Marianne Fischer Boel.

En novembre 2010, la Commission euro-péenne publie un document présentant lesobjectifs et trois scénarios pour la Politiqueagricole commune de l’Union européennepour la période 2014-2020. ECVC, avec ses

partenaires du réseau « FoodSovCap (1) »,tout en appréciant les objectifs, proposeune option fondée sur la souveraineté ali-mentaire, avec des outils de régulation desmarchés pour obtenir des prix justes, enlieu et place du présent cadre libéral.

Notre option a peu de chance d’aboutir,mais c’est un positionnement fondamen-tal pour nos organisations membres, quenous défendons devant les députés du Par-lement européen qui, de leur côté, tra-vaillent à la rédaction d’un document surleur positionnement quant à la future Pac.

En novembre 2011, le Commissaire à l’agri-culture présente les propositions législa-tives : la structure de la Pac reste assez sem-blable, avec les prix de marché et lessubventions à l’hectare. À l’objectif poli-tique d’assurer la sécurité alimentaire répon-dent les mesures pour « assurer la compé-titivité ». Mauvais départ! Le développementrural, auparavant structuré en trois axesaura six objectifs prioritaires. Étonnant : bienque participant depuis plusieurs mois auxgroupes consultatifs sur le développementrural, je n’ai jamais eu l’occasion de discu-

L’Europe paysanneSemer des graines de politiques alternativesGrâce à un travail sans relâche de rencontres de parlementaires, de rédaction d’amendements pour construire une politiqueagricole légitime, durable et solidaire, la Coordination européenne Via campesina (ECVC) donne une voix aux petits et moyenspaysans. Aperçu sur cinq années passées au sein d’ECVC par Geneviève Savigny, y représentant la Confédération paysanne

IV \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

ECVC, une force d’actionLa Coordination européenne Via campesina a été créée le 26 juin 2009 à partir des organi-sations paysannes regroupées jusque-là dans la CPE (Coordination paysanne européenne).Elle est composée de 26 organisations provenant de 17 pays, rassemblant plus de 100 000membres. L’objectif essentiel de la Coordination est de renforcer le mouvement paysan euro-péen pour faire changer la politique agricole en défendant le droit de souveraineté alimen-taire. Avec des valeurs comme :• la solidarité, à la place de la concurrence,• la justice sociale,• l’égalité des droits entre hommes et femmes,• l’utilisation durable des ressources naturelles,• la santé des producteurs et des consommateurs,• la diversité régionale des produits et des agricultures.Sa reconnaissance au niveau européen, son appartenance au mouvement international de laVia campesina, et ses alliés dans la société civile lui donnent de réelles possibilités d’action.www.eurovia.org

Arrivée de la Good Food March à Bruxelles, le 19 septembre 2012. La marche, partie le 25 août, portait àBruxelles les revendications de 80 organisations citoyennes – dont la Coordination européenne Via cam-pesina – sur la réforme de la Pac.

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ter de cette proposition dans ces lieux derencontre entre la Commission et les par-ties prenantes. Il reste ce mystère de savoir« où ça se passe », où naissent les propo-sitions structurantes dont je verrai plus tardqu’elles changent peu une fois écrites.

S’ensuit un long parcours du texte légis-latif, qui passe de la Commission euro-péenne au Parlement européen – qui depuisle traité de Lisbonne codécide sur les sujetsagricoles – et le Conseil européen agricole,qui réunit une fois par mois les 28 ministresde l’agriculture. Le texte est divisé en quatrepropositions de règlements portés au niveauparlementaire par plusieurs rapporteurs qu’ils’agira de rencontrer, de même que les dif-férents groupes politiques.

À plusieurs reprises, nous proposerons desamendements à la Comagri (commissionagricole du Parlement dont José Bové estvice-président) afin de gagner des amélio-rations pour les structures les plus modesteset l’agriculture paysanne. Plafonnement desaides directes à 100 000 euros – la Confé-dération paysanne demande 45 000 et laCommission 300 000 –, meilleure prise encompte des petites fermes : nous tentonsde nous concentrer sur des points clés dutexte et mobilisons toute notre énergiepour rencontrer les différents protagonisteset rédiger des propositions.

Le texte est finalement adopté fin 2013,laissant une grande marge de manœuvre auxÉtats, mais aussi à la Commission euro-péenne dans le cadre des « actes délé-gués » (voir p 12), « détails » pas toujours

techniques, que la Commission propose enbloc, après l’accord politique à prendre ouà laisser par le Parlement européen et leConseil agricole.

Tous les détails comptent, toutes lesmesures peuvent, sous l’effet d’amende-ments défavorables ou de rédactions sub-tiles, se tourner en outils d’exclusion ou aucontraire apporter quelques bénéfices. Lesuivi de tous les textes (il n’y a pas que laPac qui concerne les paysans) demande untravail considérable, et nous avons peu demoyens matériels et humains face aux lob-bies agroalimentaires et aux représentantsmajoritaires de l’agriculture d’entreprise(dont la Fnsea est affiliée), le Copa-Cogeca,qui a tout fait pour que rien ne change dansl’injustice historique de la politique agricolecommunautaire.

Les alliances sont essentielles, tant pourrenforcer les capacités d’analyse que pouraccroître l’impact des mobilisations. Desliens bâtis depuis plusieurs décennies, desmobilisations comme la Good Food Marchà l’automne 2012, ont permis d’avoir plus

de visibilité et plus d’impact auprès desdéputés notamment.

Les institutions bruxelloises ne sont pasles seules où défendre la cause paysanne.ECVC est également actif au sein de la Viacampesina, à Rome auprès de la FAO, au seindu Comité de sécurité alimentaire, ou àGenève au Conseil international des droitsde l’homme. Mais Bruxelles reste le centreoù se prend l’essentiel des décisions quiconditionnent notre existence européenne.Cela mérite d’y consacrer plus d’effort etde constance. Car cette vertu est essen-tielle dans un milieu complexe, envahi delobbyistes aux intérêts contraires et auxmoyens incomparables.

Il reste que nous sommes reconnus commeinterlocuteurs pour représenter les paysanset que la Coordination européenne Via cam-pesina donne une voix aux petits-moyensproducteurs dont il est de plus en plus dif-ficile d’ignorer l’existence en Europe.

Nous semons des graines, des graines dedoute sur les bienfaits des politiques sui-vies, des graines de politiques alternatives.Il faudra encore des mobilisations, dansles régions comme au cœur des institutions,et dans l’immédiat, voter avec vigueurpour porter au Parlement des député-e-spartageant nos valeurs, et parvenir à mois-sonner. n

Geneviève Savigny,

coordination européenne Via campesina

(1)European movement for food sovereignty and anothercommon agricultural policy.

Dossier

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / V

Assemblée générale de la Coordination européenne Via campesina (ECVC) à Evenstad (Norvège), les 3 et 4 mars 2014. Publication de « la Déclaration d’Evens-tad » sur les sept mesures pour renforcer l’agriculture familiale paysanne : www.eurovia.org

Des mobilisationscomme la Good FoodMarch permettentd’avoir plus de visibilitéet plus d’impact auprèsdes députés.

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Marina est bulgare, présidente deYouth. movement for développe-ment of rural area in Bulgarie.

Cette organisation, créée en 2007, est unedes plus actives de Bulgarie par son tra-vail avec les jeunes sur la politique, l’en-vironnement et l’éducation populaire. Elleest affiliée au Mijarc (Mouvement inter-national de la jeunesse agricole et ruralecatholique), représenté à cette assembléegénérale d’ECVC par son président : OlivierDugrain.

« Je fais parti de l’équipe européenne duMijarc depuis trois ans. Différentes théma-tiques y sont abordées : l’agriculture et laruralité, la participation des jeunes à l’édu-cation, la religion et la spiritualité. Avec cesobjectifs :

• coordonner et se tenir informé des mou-vements du réseau ;

• faire du lobby politique : rencontrer etinterpeller des gens, notamment sur lesmigrations ;

• s’entendre sur une position communeentre tous les membres du mouvement, enparticulier l’année dernière nous avons réflé-chi sur « comment les jeunes sont moteursdes changements en politique ».

Nous arrivons à nous faire entendre et àêtre reconnus en adhérant au Forum euro-péen pour la jeunesse.

Nous nous intéressons particulièrementaux problématiques vécues dans les pays del’Est, migrations et accaparement de terres.Dans ces pays, l’image du paysan est mau-vaise, il faut travailler là-dessus, en orga-nisant des échanges, des partages entrepaysans.

Le Mijarc a été à la création d’ECVC. Celien continue à nourrir notre réflexion,notamment sur l’agroécologie, la souve-raineté alimentaire, sans compter larichesse des partages au sein de ce réseaude paysans. On a envie d’y apporter unedynamique jeune et d’éducation popu-laire. » n JC

Voilà 23 ans que Federico, argentind’origine, a décidé de poser sesguêtres en Espagne. Très rapidement,

il poursuit le chemin des luttes aux côtés duSoc (Syndicat des ouvriers de la campagneandalouse).

Il participe à une communauté agricole deGrenade, accompagne les journaliers immi-grés d’Alméria dans le rétablissement de leursdroits, porte le travail sur la souveraineté ali-mentaire du syndicat, soutien les nombreusesluttes foncières de son organisation.

Le Soc, créé à la sortie de la dictature fran-quiste pour protéger les ouvriers des nom-

breuses latifundia, s’intéresse également àla situation des travailleurs migrants. ÀAlméria, des immigrés sont devenus res-ponsables syndicaux, et la lutte pour lesdroits du travail et sociaux (alimentation,logement…) s’est élargie aux problèmes desdroits administratifs (droits des étrangers,carte de séjour…).

Mais l’action du syndicat, c’est aussi le par-tage et le droit d’usage de la terre pour lesjournaliers. Après l’expérience de Marinaleda(1200 hectares autogérés par les travailleurs),les luttes foncières s’intensifient : Las Tur-quillas, la Rueda, Somonte, Alméria…

Celles et ceux qui construisent notre Europe au quotidienTémoignages de paysans rencontrés lors de l’assemblée générale des 3 et 4 mars de la Coordination européenne Via campesina (ECVC)à Evenstad (Norvège). Interviewés par Judith Carmona et Romain Balandier, membres de la Confédération paysanne(1).

VI \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

Federico Pachecho : les luttes des travailleursrejoignent celles des petits paysans

Andoni est éleveur laitier dans le PaysBasque. Membre du syndicat basqueespagnol EHNE, il siège également

au comité exécutif de la COAG, l’importantsyndicat espagnol des agriculteurs et des éle-veurs, pour lequel il est en partie « libéré »(de la ferme).

Si la COAG travaille également avec leCopa-Cogeca (syndicalisme agricole euro-péen dont est membre la Fnsea), Andonidéfend sans réserve l’appartenance de sonsyndicat à la Coordination européenne Viacampesina. Pour lui, il faut « dénoncer sanslimite le modèle libéral. L’alternative, c’estla souveraineté alimentaire ! » A ceux quipourraient douter de cet engagement, ilsuffit de rappeler la position ferme de laCOAG contre les cultures d’OGM alors queson pays reste de loin le plus grand pro-ducteur d’OGM d’Europe.

Ce n’est pas la première assemblée géné-rale d’ECVC à laquelle Andoni participe. C’estpour lui l’opportunité d’analyser les diffé-rentes situations que vivent les paysans etles paysannes. « Il s’agit d’additionner lesefforts de millions d’Européens à ceux de laVia campesina, et de s’attaquer à toutes lesinstitutions qui détruisent les agricultures pay-sannes. Avec nos alliés de lutte, nous devonsêtre garants de l’emploi, de la qualité des ali-ments, de la biodiversité. » n RB

Andoni Garcia :« additionnernos efforts »

Marina Grigorova : inciter une dynamique jeuneet d’éducation populaire

Olivier et Marina

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Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / VII

Dossier

Jyoti est paysanne dans le Dorset (Sud-Ouest de l’Angleterre). Elle élève2 vaches, 50 brebis, des cochons, des

poules et produit des fruits et des légumes.Elle fabrique du fromage et vend de laviande. La transformation est assurée dansune coopérative de 52 producteurs et lavente par un magasin ambulant. Elle estprésidente de Land worker’s alliance.

« Notre organisation syndicale existe depuisdeux ans, créée par des militants issus demouvements écologistes, œuvrant pour lasouveraineté alimentaire. Adhérer à la Coor-dination européenne Via campesina était unbon moyen pour avoir un impact sur la poli-

tique agricole et mettre en place une alter-native à la voie dominante.

Le syndicat majoritaire au Royaume-Unipromeut une agriculture industrielle qui nousécrase. Certains parlementaires font la pro-motion de l’intensification durable et desOGM, disent que les fermes moyennes sontbonnes pour le musée… Le chemin à suivre,prétend ce syndicat, est celui des systèmeslaitiers intensifs, avec des fermes gigan-tesques où la traite est robotisée.

Les grandes exploitations sont favorisées parla politique européenne, et ses aides liéesau nombre d’hectares. La terre devient unobjet de spéculation pour les plus riches : ils

l’achètent, la louent et accaparent la sub-vention.

Une politique désastreuse, mais nous avonsespoir de construire autre chose, notam-ment par notre lien avec la Coordinationeuropéenne Via campesina. » n JC

Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014 / VII

Henrik Maaß: jeune, mais déjà militantindéboulonnable

Merete Furuberg : « nos choixpolitiques en phase avec la Viacampesina »Étudiant en master agriculture

biologique et fils d’un couple depaysans du centre de l’Alle-

magne, Henrik milite depuis quatreans au sein du « groupe jeune » d’ABL(syndicat allemand des petits agricul-teurs, environ 2 000 membres). Sonprojet : s’installer… et militer !

À l’entendre, Henrik est pleinementen phase avec les actions de son syn-dicat. Il y a d’abord les luttes contrel’appropriation des semences parl’agro-industrie : des actions de sensi-bilisation jusqu’à la Cour européennede justice, la détermination est demise. ABL est également engagé sur laPac, les OGM, le projet d’accord de libreéchange UE-USA, le dossier lait, l’en-seignement agricole, l’autonomie desfermes…

Mais la force de l’organisation agri-cole, ce sont ses alliés : une large coali-tion d’acteurs sociaux, d’écologistes,

d’élus et autres acteurs du territoire quidonne un élan aux mobilisations.

Henrik explique qu’« ils ne peuventpas faire confiance à un seul parti poli-tique, il faut agir de même manière surchacun ». Il partage la crainte grandis-sante de ses concitoyens d’une dérivedroitière du Parlement européen.

Le lien entre ABL et ECVC connaît unrenouveau avec l’engagement desjeunes et leur intérêt porté autour deséchanges européens sur l’agroécolo-gie. Pour Henrik, ECVC est essentielpour peser au niveau des institutionseuropéennes sur les discussions sur laPac ou la souveraineté alimentaire.

À l’évidence, le « groupe jeune »d’ECVC, dont est membre Henrik,témoigne de la formidable résistanceau développement de l’agricultureindustrielle et de la transmission desvaleurs de l’agriculture paysanne enEurope. n RB

Depuis trois ans, Merete Furuberg est présidentede Norwegian Farmers and Smallholders Union,membre d’ECVC. Propriétaire forestière, elle

élève des moutons pour la laine et la viande, des chèvresmohair et des lapins angora. Comme de nombreuxpaysans norvégiens, elle connaît de gros problèmesavec les prédateurs (loups, ours, lynx…) : la totalité deson cheptel a été décimée il y a deux ans.

« Notre syndicat comporte environ 7 000 à 8 000membres.

Nous consacrons beaucoup d’efforts à l’augmentationdes adhésions, nous faisons du bon travail et je crois ennos choix politiques en phase avec la Via campesina : pro-duire de la nourriture saine, prendre soin des animauxet des plantes.

La manne pétrolière en Norvège induit des salaires etdes coûts de production très élevés.

Alors que notre pays produit de tout, la politiqueactuelle est d’importer de la nourriture pour avoir unealimentation de moins en moins chère… » n JC

(1) Judith Carmona, paysanne dans les Pyrénées-Orientales, secrétairenationale, et Romain Balandier, paysan dans les Vosges, membre du Comiténational de la Confédération paysanne.

Oliver et Jyoti Rodker(Land workers alliance)

Jyoti Fernandez : l’espoir de bâtir une autre politique

Federico défend le projet de loiagraire portée par son organisation :« La terre est un bien public, qui doitrester en dehors du commerce et dela spéculation pour être confiée àdes coopératives de travailleurs etpour des pratiques agricoles respec-tueuses de l’agroécologie, la biodi-versité et la souveraineté alimen-taire. »

Quant à ECVC, ce doit être le lieud’une alliance forte entre les tra-vailleurs et les petits paysans en faveurde la transformation sociale ! n RB

Merete Furuberg

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Page 8: Dossier L’Europe Un chantier à reprendre À 295 dossier.pdfet le bloc soviétique. Le premier moteur de la construction euro-péenne a donc été stratégique: faire la paix entre

Les successives réformes de la Pac ontvidé de sa substance l’envie communede faire une Europe unie au service de

paysans nombreux. Réformes aprèsréformes, nous assistons à la renationali-sation des politiques communes. L’évolutiongéopolitique du nombre de pays membresde l’Union a changé la donne. Effective-ment, on ne négocie pas de la même façonla Pac à 16 pays ou à 28. Entre les nouveauxentrants et les « historiques », les attentesne sont visiblement pas les mêmes, lesbesoins non plus.

N’a-t-on pas perdu le fil de la construc-tion européenne au fur et à mesure desréformes ?

Fait-on aujourd’hui des politiques au ser-vice de l’intérêt de chaque État et de seslobbies, au service de l’industrie agroali-

mentaire, de la finance? Émergent-elles durapport de force politique entre chaque Étatmembre ?

Nous, à la Confédération paysanne, nousrevendiquons des politiques au service despaysans, des humains ! Tout simplement.

Les budgets monumentaux alloués à la Pacse doivent de répondre aux attentes descitoyens, de prendre en compte la santé

publique, de préserver l’environnement. Etaussi d’assurer un revenu correct aux pay-sans afin qu’ils puissent être nombreux àanimer et faire vivre les territoires.

À la veille des élections européennes, à laveille de nouveaux mandats qui verront leseurodéputés préparer la future Pac de 2020(et oui, déjà) et se prononcer sur les accordsde libre-échange (ALE) en cours de négo-ciation, alors il est temps de nous projeterà notre tour.

Sans régulation et protection des mar-chés, rendues impossibles avec les accordsde libre-échange, il ne peut y avoir de véri-table politique agricole européenne. Parailleurs, cette politique ne pourra être légi-time et juste qu’avec une remise en causedes aides à la surface et un plafonnementdes soutiens.

Ces revendications historiques de la Confé-dération paysanne doivent être enfin misesen place. Les eurodéputés veulent-ils main-tenir une agriculture paysanne, qui seratoujours incompatible avec les ALE ? L’ar-gent de la Pac doit-il continuer à servir lesappétits sans fin de quelques agrimana-gers, ou alors être plus justement reparti àl’ensemble des paysans ?

De même, nous attendons une fortevolonté de l’Union européenne pour la miseen œuvre d’une véritable politique au ser-vice des territoires.

Si rien ne change, le tableau de l’Europeagricole dans quelques années va être tristeà pleurer.

Comment peut-on imaginer faire une poli-tique agricole en massacrant les emploispaysans, en détruisant des vies humainesdes travailleurs de la terre ?

Comment peut-on supporter leseffroyables injustices de cette Europe au ser-vice du capitalisme acharné ?

Comment peut-on encore envisager l’ave-nir en envoyant sur les routes européennesdes paysans migrants ou émigrants versd’autres contrées que les leurs ?

Va-t-on enfin prendre la problématiquesous un angle global ?

Il est temps, il est plus que temps… maispas trop tard !

Que veut-on au juste? Oui, que veut-on?On veut, forcément, des paysans heureux,des paysans nombreux, qui produisent desaliments de qualité, de bons produits aussi.On revendique que notre environnementsoit préservé, soit respecté, tout comme lasanté de nos concitoyens.

Nous militons donc pour un changementde cap, un changement de Pac. Une Pac quiamorce enfin l’indispensable transition agri-cole vers des pratiques plus respectueusesdes hommes, des sols, de la nature et ducadre de vie.

Alors, il est temps. Il est temps que les élusécoutent et entendent la demande desconcitoyens, respectent la volonté despeuples pour une agriculture qui emploie,préserve et produise… slogan ancien de laConfédération paysanne, mais plus quejamais d’actualité !

Nous croyons à la force démocratique.Nous avons confiance en nos institutions,à condition que les élus que nous manda-tons pour nous représenter et exercer ennotre nom l’exercice du pouvoir soientdignes de notre confiance…

Alors, chiche, on va y arriver : une Europeau service des femmes et des hommes quila composent. On prend date et on enrecause ? n

Laurent Pinatel, paysan dans la Loire

et porte-parole de la Confédération paysanne

PerspectivesPolitiques agricoles européennes : stop ou encore ?L’Europe : joli projet, formidable ambition. Certes, mais qu’attendons-nous réellement de l’Europe, nous, paysans ?

VIII \ Campagnes solidaires • N° 295 mai 2014

Dossier

Nombreux sont les paysans qui militent pour un changement de cap, un changement de Pac. Ils veulentune agriculture qui emploie, préserve et produise… slogan ancien de la Confédération paysanne, plus quejamais d’actualité !

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