68
C.P.P.A.P.: 0715 T83385 Directrice de la publication Myriam de Montis ISSN 1762-9160 N°107 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE 10 ème année 7,60 € WWW . JSS . FR MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique 4 Entreprises Crise et reprise d’entreprise : les précautions à prendre 5 Avocat Secret des affaires et protection juridique 6 Immobilier Un fléchissement relatif des prix de l’immobilier, dans l’ancien, à Paris 53 Étude Produits financiers et publicité trompeuse 63 Fiche pratique La date d’évaluation par expertise des parts sociales de l’associé retrayant d’une société civile

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

  • Upload
    others

  • View
    9

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

C . P. P. A . P. : 0 7 1 5 T 8 3 3 8 5 Directrice de la publication Myriam de Montis I S S N 1 7 6 2 - 9 1 6 0

N°107

M E N S U E L D U J U R I S T E E T D E L ’ E N T R E P R I S E10

ème

ann

ée

7,60 €

W W W . J S S . F R

MARS 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

4 Entreprises Crise et reprise d’entreprise : les précautions à prendre

5 Avocat Secret des affaires et protection juridique

6 Immobilier Un fléchissement relatif des prix de l’immobilier, dans l’ancien, à Paris

53 ÉtudeProduits financiers et publicité trompeuse

63 Fiche pratiqueLa date d’évaluation par expertise des parts sociales de l’associé retrayant d’une société civile

Page 2: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 2 N°107 Mars 2013

S o m m a i r e

Actualité.......................................................... Entreprises

4 Crise et reprise d’entreprise : les précautions à prendre

Avocat5 Secret des affaires et protection juridique

Immobilier6 Un fléchissement relatif des prix de l’immobilier,

dans l’ancien, à Paris

Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique..........................................................

8 La pharmaceutique – Propos introductifsJean-Jacques Ansault, Agrégé des Facultés de droit,Professeur à l’Université de Rouen

10 La nouvelle réglementation du médicament issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santéBenoît Charot, Avocat, Associé gérant, Reed Smith Laura Ferry, Avocat Counsel, Reed Smith

19 L’obligation de déclaration à la charge des fabricants de produits de santé conformément à la loi fédérale américaine du Sunshine Act « Federal Physician Payment Sunshine Act »Katie Pawlitz, Avocat, Reed Smith Washington

21 La vraisemblance de la validité dans les mesures d’interdiction provisoireMarina Cousté, Avocat Associée, Reed SmithFrançois Jonquères, Avocat Associé, Reed SmithHenri Poublan, Elève Avocat, Reed Smith

26 L’hébergement des données de santé à caractère personnel : la question de l’agrémentDaniel Kadar, Avocat Associé, Reed Smith

38 Regard critique sur les moyens de preuve admis en matière de responsabilité des fabricants de médicaments et de vaccinsMarie Albertini, Avocat associé, Reed SmithSolène Darrieu, Avocat, Reed Smith

43 La responsabilité du fait des produits : ce à quoi les laboratoires français commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux doivent s’attendre lorsqu’ils s’implantent aux États-UnisRoxanne M. Wilson, Avocat Associée,Nabil Bisharat, Avocat, Reed Smith Los Angeles

49 Opérations de croissance externe : motivations économiques variables mais caractéristiques juridiques constantes et spécifiques au secteurMarc Fredj, Avocat Associé, Reed Smith

Fiches pratiques..........................................................63 La date d’évaluation par expertise

des parts sociales de l’associé retrayant d’une société civileDeen Gibirila, Professeur à la Faculté de droit et science politique, Université Toulouse 1 Capitole

66 Flash info du Journal Spécial des Sociétés

Etude..........................................................53 Produits financiers et publicité trompeuse

Francis-J.Credot, Ancien professeur associé à l’université Jean Monnet (Paris XI)Emmanuel Jouffin, Docteur en droit

Page 3: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 3 JOURNAL DES SOCIÉTÉ3

E d i t o

les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et non alimentaire interentreprises en Europe

La Commission européenne soumet un Livre vert sur « les pratiques commerciales déloyales dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire et non alimentaire interentreprises en Europe » à une consultation publique à laquelle les entreprises ou organisations intéressées sont invitées à répondre avant le 30 avril 2013 (Com. [2013] 36 final, 31 janv. 2013).

L’objectif est de supprimer les entraves à la réalisation d’un marché unique du commerce de détail, qui résulteraient de la diversité des règles nationales applicables à ces pratiques. Pour la Commission, le commerce de détail est un secteur particulièrement sensible car, représentant 11 % du PIB de l’Union européenne et 29 % des PME, il devrait stimuler la concurrence et créer des emplois dans le cadre de la stratégie Europe 2020. Or la concentration et l’intégration des entreprises dans la chaîne d’approvisionnement, accompagnées du développement des marques de distributeur et du pouvoir de marché de certains acteurs économiques, ont entraîné « un déséquilibre entre partie forte et partie faible » et l’apparition de « pratiques s’écartant manifestement de la bonne conduite commerciale et contraires aux principes de bonne foi et de loyauté ».

Ces pratiques déloyales, révélées par deux rapports nationaux (52 pratiques relevées au Royaume-Uni, 18 en Espagne ; curieusement, aucune référence n’est faite aux rapports publiés en France depuis plus de vingt ans et au dispositif pourtant pléthorique des articles L. 440-1 s. du Code de commerce français) consistent en : clauses ambigües, changement rétroactif dans le contrat, transfert abusif de risque commercial...

Deux questions sont alors posées :

- La première sur le développement de ces pratiques et l’apparition de « nouvelles pratiques » ;- La seconde sur les solutions à privilégier, compte tenu notamment de l’existence du « facteur crainte » dissuadant les victimes d’agir, qui peuvent aller de l’autorégulation à la réglementation.

La démarche contribue à un élargissement du droit européen de la concurrence.

Focalisé sur les atteintes à la concurrence sur le marché : pratiques anticoncurrentielles condamnables, concentrations contrôlables, voilà qu’il s’ouvre aux abus résultant d’un déséquilibre dans la relation entre deux entreprises, sans considération du marché et sous l’argument récurrent d’une intégration du marché européen à laquelle s’opposerait la diversité – et donc la richesse – des droits nationaux. La Commission oppose ici les pratiques commerciales déloyales, trompeuses ou agressives à l’encontre de consommateurs (Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005), et les pratiques commerciales déloyales à l’encontre d’entreprises, alors que les premières peuvent être également nocives pour les entreprises concurrentes qui ne trompent ni n’agressent le consommateur. En réalité, le Livre vert vise moins des pratiques commerciales traduisant une déloyauté que des pratiques commerciales traduisant l’exploitation considérée comme abusive d’une position de force. Le droit européen tend à rejoindre ainsi le droit français qui distingue classiquement les actes de concurrence déloyale et les pratiques restrictives de concurrence dont relèvent au demeurant les retards de paiement déjà visés, au plan européen, par la Directive 2011/7/UE.

Répondre à la consultation pourrait heureusement contribuer à clarifier le droit européen et à simplifier le droit français.

Didier Ferrier,Professeur émérite de l’Université de Montpellier

Page 4: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 4 N°107 Mars 2013

Actualité Entreprises

Crise et reprise d’entreprise : les précautions à prendre

Responsable de formation au CRA (Cédants et repreneurs d’affaires), association nationale pour la reprise d’entreprise, Jean-Jacques Brunet revient sur l’impact de la mauvaise conjoncture sur les cessions d’entreprise et distribue ses conseils pour bien mener son projet de reprise.

Les temps changent et la crise a un impact sur les cessions et reprises d’entreprises. S’il y a toujours eu plus de repreneurs que de cédants, avec la crise qui dure, le CRA constate une raréfaction de l’offre qui inquiète. L’attentisme qui prévaut peut en effet entraîner une diminution de la valeur de la société : certains vendeurs potentiels, « reportant leur projet de cession en attendant des jours meilleurs », risquent l’« endormissement » et un gel de l’investissement. L’entreprise devient alors de moins en moins compétitive et finit par perdre de sa valeur. Pour Jean-Jacques Brunet, attendre que la conjoncture change est une stratégie qui risque de se révéler négative. Dès lors, pour les repreneurs, les chances de dénicher de bons dossiers se réduisent. Pour mener à bien son projet de reprise, l’expert conseille de chercher du soutien partout où il est possible d’en trouver : chez le CRA, les CCI, les Chambres des métiers, les experts-

comptables, les intermédiaires qui ont des mandats de vente ou d’achat, des organismes comme la place de marché Fusacq, les banques, « et surtout faire appel au bouche à oreille via son réseau professionnel ou même sa famille ». Faire travailler différents réseaux permet de ne pas passer à côté des changements récents : sur les 50 000 / 100 000 entreprises à céder en France chaque année (PME de 5 à 100 personnes), les vendeurs ne sont plus forcément des entrepreneurs proches de la retraite, comme c’était le cas traditionnellement. Jean-Jacques Brunet souligne qu’actuellement de nombreux quadragénaires choisissent de revendre leur première société, afin de créer une plus-value qui leur permettra de se lancer dans un autre projet. Quoi qu’il en soit, reprendre une entreprise exige de faire preuve de grande prudence. En particulier, une entreprise en difficulté peut sembler représenter une bonne affaire au premier abord, les prix de cession étant souvent intéressants. Mais il convient d’ « aller creuser les raisons des difficultés ». En effet précise-t-il, « une ardoise laissée par un client peu scrupuleux, c’est moins grave qu’un marché qui s’éteint peu à peu ». L’analyse en profondeur d’un secteur et du positionnement de la société au sein de celui-ci est un facteur

déterminant quant à la possibilité de la reprise. Et Jean-Jacques Brunet met en garde : « Dans le cas de PME défaillantes, il y a peu de chance pour que le tribunal accorde l’affaire à une personne physique. Mieux vaut donc démarrer avec une entreprise saine et ensuite reprendre en tant que personne morale censée présenter davantage de garanties financières avec un accès au crédit plus facile. »Enfin, il conseille aux futurs repreneurs de bien s’entourer d’experts, hommes de lois et experts-comptables, et ce notamment pour démarcher auprès des banques, de plus en plus réticentes à financer les projets des particuliers. Et de ne pas hésiter à présenter son dossier à huit ou neuf établissements en parallèle. Si malgré sa qualité, le dossier est refusé, Jean-Jacques Brunet exhorte à saisir le Médiateur du Crédit aux entreprises, créé pour soutenir toute entreprise qui se retrouve face à ses difficultés de financement. « Même si ce n’est pas le sauveur miracle », prévient-il.

L.B.

JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉSAnnonces Légales et FormalitésAnnonces Légales et Formalités8, rue Saint Augustin, 75080 Paris cedex 02tél. : 01 47 03 10 10 - fax : 01 47 03 99 00 - web : www.jss.fr

Directrice Générale : Myriam DE MONTIS

Page 5: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 5 JOURNAL DES SOCIÉTÉ3

Secret des affaires et protection juridique

Le 23 janvier 2012, une proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires a été adoptée par l’Assemblée nationale. Une première, qui a permis la définition de notions restées tâtonnantes, et qui n’a pas manqué de soulever des craintes - et des doutes.

Le cabinet PricewaterhouseCoopers a dévoilé récemment que 61 % des entreprises françaises interrogées avaient déclaré avoir été victimes d’un incident de sécurité en 2011 (minimum), contre 39 % en 2010. L’année 2012 a vu le secret des affaires et la question de sa protection juridique portés sur le devant de la scène à deux reprises : en janvier à l’occasion de la proposition de loi du député Carayon et en avril quand le Barreau de Paris a signé une convention avec la délégation interministérielle à l’intelligence économique. Un délégué en charge de l’intelligence économique a été nommé et une commission ouverte a été créée, qui doit devenir un espace de travail et d’échanges entre avocats et professionnels du public et du privé.La problématique de l’espionnage économique est en effet de plus en plus évoquée. La mondialisation et le durcissement de la concurrence poussent les Etats à vouloir protéger pénalement les informations sensibles des entreprises et à leur garantir un secret des affaires. Les informations à protéger sont diverses et variées, elles concernent ce qui a amené la société à réussir (sa clientèle, ses pratiques commerciales, ses coûts, ses prix ou sa part de marché), son image et sa crédibilité (sa rentabilité, son chiffre d’affaires), et d’autres données d’ordre commercial. Comme l’explique le juriste Jonathan Quiroga-Galdo, « le savoir-faire, la stratégie ou le lancement d’un nouveau produit, les informations gardées secrètes ont nécessité des investissements et parfois des années de travail, c’est pourquoi elles revêtent une valeur patrimoniale intrinsèque ». Or actuellement les fuites sont extrêmement faciles : une clé USB peut transporter des milliers de données et les nouvelles technologies fragilisent le patrimoine de la même façon que les progrès

techniques permettent de le protéger. De fait, un marché de l’espionnage économique s’est développé en France où près de 250 atteintes au secret des affaires ont été signalées en 2010 - les incursions venant pour la plupart d’états étrangers.

Dès lors la question se pose : à côté des techniques de protection des systèmes informatiques, de la formation et de la sensibilisation des salariés, de quelle protection juridique bénéficient les « affaires » des entreprises ? En droit français, jusqu’à la proposition de loi Carayon, le secret des affaires n’était pas défini, faisant dire au professeur Yann Paclot en 2002 que « tout le monde en parle, certains l’ont vu, mais il n’existe pas ». Bernard Carayon, pour justifier son projet de loi, a également évoqué une législation incomplète, précisément des « trous dans la raquette ». Les textes précédents avaient en effet principalement pour objectif de réparer des dommages et non de réprimer les actes.

Pour exemple, le piratage de fichiers informatiques chez Valeo par une étudiante chinoise en 2005 (fichiers copiés sur une clé USB et transmis à un tiers) a été jugé comme un « abus de confiance ». En 2007, la tentative de vente d’informations confidentielles par un ex-ingénieur de Michelin a également posé des difficultés. Soupçonné d’avoir voulu livrer des secrets de fabrique à un concurrent japonais, après avoir été confondu, il a été mis en examen pour « livraison à une entreprise étrangère de renseignements dont l’exploitation et la divulgation sont de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». L’« abus de confiance » et la « violation des secrets de fabrique » ont également été retenus. Dans ce cas, comme dans plusieurs autres, c’est le concurrent japonais qui a alerté la direction de Michelin, les grands groupes ayant passé des accords de réciprocité et de transparence dans ce domaine tendu. Une équipe de sécurité du groupe Michelin, sous un faux nom japonais, s’était alors dite intéressée par les informations

proposées. L’ex-salarié avait été piégé.

Ce cas a été jugé. Cependant, très souvent, les atteintes sont traitées en interne par les entreprises, d’un côté pour ne pas divulguer davantage le secret, de l’autre parce qu’il est difficile de faire aboutir les procédures judiciaires. Ainsi, pour beaucoup, il était nécessaire de mettre en place des mesures plus dissuasives.

Inspiré du Cohen Act américain, le texte proposé par Bernard Carayon vise à fournir aux entreprises françaises des règles capables d’empêcher leurs concurrentes d’entrer illégalement en possession d’informations sensibles. L’article unique de la loi donne une définition large de la notion de confidentialité, cherchant à englober le patrimoine dématérialisé de l’entreprise, et donc, au-delà des salariés, « leurs idées, leurs savoir-faire, leurs réseaux relationnels et commerciaux, leurs méthodes de gestion », et plus largement le « patrimoine informationnel, c’est-à-dire un ensemble de pratiques non brevetées, résultant de l’expérience, et testées ».

Du moins, l’article 1 de la proposition de loi Carayon donne une définition légale du secret des affaires : « Constituent des informations protégées relevant du secret des affaires d’une entreprise, quel que soit leur support, les procédés, objets, documents, données ou fichiers de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique ne présentant pas un caractère public dont la divulgation non autorisée serait de nature à compromettre gravement les intérêts de cette entreprise en portant atteinte à son potentiel scientifique ou technique, à ses positions stratégiques, à ses intérêts commerciaux ou financiers ou à sa capacité concurrentielle et qui ont, en conséquence, fait l’objet de mesures de protection spécifiques destinées à informer de leur caractère confidentiel et à garantir celui-ci. »

L’article 2 prévoit des sanctions : « Le fait de révéler à une personne non autorisée à

Actualité Avocat

Page 6: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 6 N°107 Mars 2013

Actualité Immobilier

Le volume des ventes parisiennes, dans l’ancien, a chuté de 21 % sur un an atteignant 5 930 ventes à Paris. Beaucoup s’attendent à un ajustement des prix de la pierre.

Celui-ci se confirme mais il se fait plus faible à Paris qu’ailleurs en France : la Chambre des Notaires a enregistré une baisse de 1 % seulement sur un an. Les prix se situaient à 8 270 € du mètre carré en moyenne au 4e trimestre 2012, soit une baisse de 170 € et de 2 % par rapport au 3e trimestre. Hormis sur le secteur de l’immobilier de grand luxe, où la baisse des prix atteint 8 à 15 %, dans la capitale les tarifs ont plutôt tendance à rester stables ou à ne baisser que très légèrement, la tendance étant même restée à la hausse jusqu’au 1er trimestre 2012. Au 4e trimestre, « il fallait compter 306 500 € pour devenir propriétaire d’une maison en Ile-de-France, soit 2 900 € de moins (0,9 %) qu’au 3e trimestre 2012 », peut-on lire dans le communiqué de la Chambre des Notaires, et « les ajustements qui se sont mis en place sur les ventes, et désormais sur les prix, semblent appelés à se poursuivre ». Les notaires relativisent toutefois la baisse

des prix dans la capitale. Le « trou d’air » de 2008-2009 qui avait vu, juste après la crise des subprimes, les volumes de ventes baisser brutalement et le prix du m2 à Paris tomber concomitamment à 6 020 € au 2e trimestre 2009, reste exceptionnel. Selon la Chambre des Notaires, il faudra attendre encore quelque temps avant que l’ajustement ne se fasse réellement. Néanmoins, l’érosion a touché la majorité des arrondissements de la capitale - avec d’importantes disparités. Le cas le plus remarquable est le Ve, avec une baisse de - 4,1 % en un an. Les appartements des VIIe et IVe ont également vu leurs prix reculer de respectivement 1,4 % et 1,3 %. En revanche, certains arrondissements ont continué à subir de fortes hausses, dont le IIe (+ 4,9 %), le XIIIe (+ 4,1 %), le VIe (+ 4 %) et le XIe (+ 2,6 %). Sept arrondissements de la capitale affichent des prix au-dessus des 10 000 € le mètre carré, le plus cher étant le VIe, avec une moyenne de 13 000 €. A l’opposé, l’arrondissement le plus abordable reste le XIXe, où l’on peut acquérir un logement à moins de 7 000 € le mètre carré.En petite couronne également, les prix,

globalement stables, ont quelque peu reculé : de - 0,4 % sur 3 mois et de - 1,3 % sur un an. Ils se situent en moyenne à 4 420 € du mètre carré mais les disparités sont très importantes, entre Neuilly-sur-Seine où le mètre carré reste à plus de 9 000 € et Aubervilliers où il se vend à moins de 3 000 €. Enfin, en grande couronne, la baisse des tarifs a été très limitée : - 0,1 % sur un an pour les appartements, et - 1,1 % sur un an pour les maisons. Si le prix moyen du mètre carré se situe à 3 130 €, en moyenne, pour les appartements, là aussi les disparités peuvent être importantes selon les villes : 5 880 € du mètre carré à Saint-Germain-en-Laye, contre 2 000 € à Evry. L’immobilier parisien a vu ses prix arriver à saturation et le contexte favorise l’attentisme. Mais, traditionnellement valeur refuge, si la baisse attendue par les professionnels est entamée, la demande pourra également soutenir les prix.

L.B.

Un fléchissement relatif des prix de l’immobilier, dans l’ancien, à Paris

en avoir connaissance, sans autorisation de l’entreprise ou de son représentant, une information protégée relevant du secret des affaires de l’entreprise, pour toute personne qui en est dépositaire ou qui a eu connaissance de cette information et des mesures de protection qui l’entourent, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. »

En attendant les décrets d’application, certains doutent que ce texte soit une solution adaptée au problème, particulièrement par l’ampleur des données concernées : l’entreprise pourrait-elle empêcher la sortie de toute information susceptible de la gêner ? Tout ce qui ne serait

pas validé par le service de communication serait-il un secret à respecter ? Le journaliste qui serait jugé complice de divulgation d’informations classées secret des affaires serait passible, comme l’auteur de la fuite, de lourdes sanctions. Certains se demandent alors si ce texte ne cache pas des mesures contre la presse…

D’autres redoutent qu’il ne soit pas réellement efficace. « La proposition de loi Carayon ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. La communauté de l’intelligence économique sait bien que la majorité des faits d’espionnage économique, dont les entreprises françaises et européennes sont victimes, ont pour auteurs

des administrations d’Etats étrangers qui agissent sous le couvert de l’immunité pénale […] La loi ne peut donc pas tout, encore faut-il qu’elle protège les entreprises françaises dans les hypothèses où elles pourraient l’être », conclut Jonathan Quiroga-Galdo. En tout cas, en ces temps de guerre économique, une loi protégeant le savoir-faire français trouverait ses échos dans les discours du ministre Arnaud Montebourg.

L.B.

Page 7: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

DOSSIER LES NOUVEAUX ENJEUX

DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

A l’évidence, le droit se confronte à de multiples difficultés lorsqu’il cherche à appréhender le domaine de la pharmaceutique. Il en résulte un enchevêtrement de normes complexes qui suscitent, par contrecoup, des contentieux épineux. A ceci s’ajoute que l’interprétation des décisions rendues par le juge est souvent délicate. Quant aux conventions censées traduire, ici, les projets économiques des intervenants, elles réclament de leur rédacteur une rigueur toute particulière afin d’éviter les chausse-trapes semées sur leur chemin. Confronté à ces incertitudes juridiques, l’opérateur économique a de quoi être sérieusement déconcerté. C’est dire qu’il trouvera un précieux secours dans les contributions rassemblées dans ce dossier « La pharmaceutique ». Porteuses d’éléments structurants, les différentes études qui le composent offrent des réflexions poussées sur bon nombre de questions sensibles que rencontrent les praticiens dans ce secteur d’activité.

8 La pharmaceutique – Propos introductifsJean-Jacques Ansault, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Université de Rouen

10 La nouvelle réglementation du médicament issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santéBenoît Charot, Avocat, Associé gérant, Reed Smith Laura Ferry, Avocat Counsel, Reed Smith

19 L’obligation de déclaration à la charge des fabricants de produits de santé conformément à la loi fédérale américaine du Sunshine Act « Federal Physician Payment Sunshine Act »Katie Pawlitz, Avocat, Reed Smith Washington

21 La vraisemblance de la validité dans les mesures d’interdiction provisoireMarina Cousté, Avocat Associée, Reed SmithFrançois Jonquères, Avocat Associé, Reed SmithHenri Poublan, Elève Avocat, Reed Smith

26 L’hébergement des données de santé à caractère personnel : la question de l’agrémentDaniel Kadar, Avocat Associé, Reed Smith

38 Regard critique sur les moyens de preuve admis en matière de responsabilité des fabricants de médicaments et de vaccinsMarie Albertini, Avocat associé, Reed SmithSolène Darrieu, Avocat, Reed Smith

43 La responsabilité du fait des produits : ce à quoi les laboratoires français commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux doivent s’attendre lorsqu’ils s’implantent aux États-UnisRoxanne M. Wilson, Avocat Associée, Reed Smith Los AngelesNabil Bisharat, Avocat, Reed Smith Los Angeles

49 Opérations de croissance externe : motivations économiques variables mais caractéristiques juridiques constantes et spécifi ques au secteurMarc Fredj, Avocat Associé, Reed Smith

Page 8: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 8 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

La pharmaceutique – Propos introductifsJean-Jacques Ansault,Agrégé des Facultés de droit,Professeur à l’Université de Rouen

Porteuse du meilleur comme du pire, la pharmaceutique fascine autant qu’elle effraie. Mais les scandales retentissants qui suscitent la méfi ance à l’égard des produits de santé ne doivent pas occulter les progrès sanitaires que ces biens particuliers engendrent. Dans ce domaine, le droit se trouve souvent pris en étau puisque l’on exige de lui qu’il encadre ces produits afi n d’assurer la sécurité de tous mais aussi qu’il favorise l’innovation ou, à tout le moins, qu’il s’abstienne de la brider. Le défi qu’il relève paraît d’autant plus périlleux que l’objet qu’il lui appartient de réglementer présente une spécifi cités telle qu’il lui faut emprunter au droit privé – droit des biens, des personnes, droit de la propriété intellectuelle, droit des contrats ou encore droit de la responsabilité - mais aussi au droit public, comme le montre encore cette récente décision du juge des référés du Conseil d’État qui ordonne la suspension de l’exécution des dispositions de l’article L. 5125-34 du code de la santé publique relatives à la vente de médicaments sur Internet (1). Au plus fort, pour assurer la cohérence de notre système juridique, il convient d’articuler subtilement les concepts en cause issus de ces différentes branches du droit. Ces constats, à eux-seuls, suffi raient amplement à démontrer tout l’intérêt de ce passionnant dossier réalisé par les avocats du cabinet Reed Smith sur le thème de la pharmaceutique. Mais il y a plus. En effet, l’ensemble des travaux apporte un éclairage particulier sur les problématiques que rencontre l’industrie du médicament tant en France qu’à l’étranger. En plaçant cet opérateur économique au centre de leurs réfl exions, les contributeurs s’attellent à la tâche de préciser les contraintes et les risques juridiques auxquels il s’expose. Surtout, ils offrent à cet acteur du droit de la santé de précieux outils pour éviter les chausse-trappes d’une législation souvent complexe ainsi que les éléments pour décrypter une jurisprudence foisonnante.La plongée dans le droit du médicament que propose ce dossier conduit naturellement à entamer les investigations par un examen approfondi de loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (2). C’est à cet exercice délicat que se sont brillamment livrés Maître Benoit Charot et Maître Laura Ferry. Au-delà des changements signifi catifs opérés ici par le législateur, l’étude du nouveau dispositif appelle à s’interroger sur l’adéquation des moyens mis en œuvre par le droit avec l’objectif recherché, à savoir la volonté de restaurer la confi ance du consommateur de médicaments dans les dispositifs médicaux. S’agissant plus spécialement du marché du médicament, les auteurs décortiquent minutieusement les outils destinés à assurer la transparence des liens d’intérêts. Pour ce faire, Maître Benoit Charot et Maître Laura Ferry mettent en exergue le renforcement de l’obligation, déjà présente dans notre droit, de révéler l’existence de liens d’intérêt entre les intervenants mais aussi l’instauration de la publicité des débats des instances collégiales consultatives et le durcissement du régime des avantages consentis par les entreprises à différents agents. En outre, les auteurs

soulignent un autre aspect essentiel de la loi nouvelle qui s’exprime dans l’accroissement de la sécurité des produits de santé. Nouveau bras armé de la lutte contre le risque sanitaire, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, laquelle se substitue à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, voit ses prérogatives étendues et ses pouvoirs de sanction affermis par rapport à son prédécesseur. On l’aura compris, cette contribution offre au praticien exigeant un état précis des nouvelles normes applicables dans le champ de cette étude. Ceci dit, la volonté de promouvoir la transparence dans le domaine du médicament évoqué précédemment déborde largement le droit français et s’exprime aussi aux Etats-Unis. Maître Katie Pawlittz en offre une très judicieuse illustration au travers de son étude qui porte sur le « Federal Physician Payment Sunshine Act », étude traduite en français pour les besoins de ce dossier par Maître Laura Ferry (3). Sous peine de sanctions pécuniaires lourdes, le corps de règles en cause exige, notamment des fabricants de médicaments couverts par certains programmes tels que le Medicare, une déclaration annuelle au Secrétaire du département de la Santé et des services humains des Etats-Unis relative à d’éventuels paiements ou des transferts de valeur effectués par eux au profi t de médecins et hôpitaux universitaires. En outre, il appartient aux mêmes sujets de droit de faire état d’informations spécifi ques concernant les acquisition ou toutes autres prises de participation dans les intérêts détenus par les médecins ainsi que par les membres de leur famille. Après un examen minutieux de ce dispositif qui permet de faire le départ entre les renseignements à fournir et les éléments factuels susceptibles d’être passés sous silence, l’auteur attire avec fi nesse l’attention du lecteur sur la combinaison de cette loi nouvelle avec les règles d’ores et déjà existantes au sein des Etats fédérés. C’est le même souci de guider les différents acteurs du monde de la santé - et tout particulièrement les industriels de ce secteur - dans le labyrinthe normatif contemporain qui anime Maître Daniel Kadar lorsqu’il aborde la délicate réglementation de l’hébergement des données de santé à caractère personnel (4). Malgré un contexte marqué par l’émergence du « Cloud computing », le caractère spécifi que de ces données de santé interdit qu’elles soient emportées par les fl ux indifférenciés d’information qui s’échangent à travers le monde. Et de fait, l’une des spécifi cités du droit français dans ce domaine consiste en ce que l’hébergeur des données de santé se trouve soumis à l’obtention d’un agrément. Reste que, comme le pointe fort utilement Maître Daniel Kadar, une telle exigence suppose de déterminer, en amont, dans quelles mesures certaines structures amenées à collecter, recevoir et transférer des données de santé au cours de leur processus d’exploitation sont tenues de se plier au dispositif en cause. C’est dire toute l’importance de cette étude qui apporte un éclairage salvateur sur ce que recouvre exactement, en droit, les notions de « donnée de santé » et d’« hébergement » afi n de déterminer au plus près le moment où une entreprise qui intervient dans

1) CE, 14 févr. 2013, ord. n° 365946, M.L.

2) Voir dans ce sens, Benoît Charot et Laura Ferry, La nouvelle réglementation du médicament issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 10.

3) Voir dans ce sens, K. Pawlitz, L’obligation de déclaration à la charge des fabricants de produits de santé conformément à la loi fédérale américaine du Sunshine Act « Federal Physician Payment Sunshine Act », Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 19.

4) Voir dans ce sens, D. Kadar, L’hébergement des données de santé à caractère personnel : la question de l’agrément, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 26.

Page 9: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 9 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

le secteur de la santé bascule dans un environnement marqué par une réglementation drastique. Chemin faisant, l’auteur nous initie avec une grande clarté aux arcanes de la procédure d’agrément sans omettre de souligner qu’elle connaît une alternative en ce que les professionnels concernés peuvent aussi envisager un contrat d’hébergement avec un hébergeur agréé, lequel fournira alors la prestation de service d’hébergement. Là encore, fort de son expérience, Maître Daniel Kadar nous livre de précieux conseils pour appréhender au mieux ce type de contrat marqué par un incontestable particularisme. L’outil contractuel est aussi à l’honneur dans l’étude sur les opérations de croissance externe menées par les groupes pharmaceutiques que nous offre Maître Marc Fredj (5). L’on y découvrira avec intérêt comment la technique contractuelle doit servir à coordonner les multiples éléments disparates intervenant à cette occasion. Scellant le plus souvent des accords hybrides qui mêlent transferts d’actifs et mises en commun d’activités, ces contrats requièrent un usage judicieux du droit commun des obligations et tout particulièrement du mécanisme de la condition. Dans le même esprit, il importe que le rédacteur de l’acte, par le recours à des stipulations idoines, s’attache à répartir méticuleusement entre les parties les risques générés par cette opération complexe afi n d’assurer l’équilibre du contrat et d’éviter, à plus ou moins brève échéance, des confl its signifi catifs. Ceci dit, l’étude du droit positif en matière pharmaceutique révèle également des contentieux épineux que le juge est appelé à trancher. Parmi ceux-ci, les mesures d’interdiction provisoire soulèvent de bien belles questions juridiques mais aussi des interrogations susceptibles de fausser l’appréciation des professionnels du droit les plus aguerris dans un domaine où les enjeux économiques apparaissent particulièrement prégnants. Dans une présentation d’une extrême richesse, Maître Marina Couste, Maître François Jonqueres et Maître Henri Poublan nous livrent d’intéressantes pistes de réfl exions pour aborder sereinement les incertitudes jurisprudentielles qui dominent ici (6). Alors que la loi du 29 octobre 2007 cherche, par le truchement du nouvel article L. 615-3 du Code de la propriété intellectuelle, à offrir au titulaire de brevets des prérogatives plus effi caces pour s’opposer aux atteintes à ses droits en bornant la vraisemblance de la validité d’un brevet à l’examen de la titularité de celui-ci, les auteurs observent que certaines décisions du fond se refusent à une lecture littérale du dispositif et lui préfèrent une lecture extensive. Néanmoins, ils soulignent avec justesse que cette position peu orthodoxe apparaît comme une réminiscence de règles antérieures sur lesquelles le législateur a précisément entendu revenir. Adossée à un appareil scientifi que conséquent, la rigueur de l’analyse défendue ici par Maître Marina Couste, Maître François Jonqueres et Monsieur Henri Poublan emporte sans mal la conviction. Dans ces conditions, l’on ne peut que former des vœux à la suite de ces mêmes auteurs pour que la Haute juridiction se prononce en faveur d’un autre courant jurisprudentiel plus soucieux de la lettre et de l’esprit du texte litigieux. D’ailleurs, le législateur n’a jamais caché l’objectif du nouveau corps de règles qui vise à doter le juge d’un instrument juridique plus énergique pour lutter contre les contrefaçons. Cette incursion juridique dans le domaine des confl its qui mettent en cause ces biens spécifi ques que constituent les médicaments ne saurait se poursuivre sans évoquer

l’intense combat probatoire auquel se livrent victimes et producteurs de ces biens particuliers. La convaincante analyse distillée ici par Maître Marie Albertini et Maître Solène Darrieu insiste sur la politique juridique singulière menée par la Cour de cassation lorsqu’elle se trouve confrontée à cette opposition (7). Et de fait, le juge n’hésite pas à faciliter la tâche les victimes dans l’administration de la preuve. A suivre ces auteurs, le processus à l’œuvre ici malmène non seulement l’interprétation que l’on retient traditionnellement du défaut de sécurité d’un produit mais conduit aussi à une imbrication hasardeuse des notions de défaut et de causalité. Pour Maître Marie Albertini et Maître Solène Darrieu, la conjonction de ces deux éléments contribue à vider en grande partie de son sens la preuve du caractère défectueux du produit de santé. Ces intéressants développements se prolongent par une mise en perspective du dévoiement de l’usage des présomptions par le juge dans un certain nombre d’affaires qui touchent au domaine de l’étude. Une telle dérive se manifeste particulièrement lorsqu’il s’agit d’apporter la preuve de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit ou encore lorsqu’il est question de l’imputabilité de ce même dommage au fabriquant du produit. En défi nitive, ce travail méticuleux montre bien que la Haute juridiction altère ici certains concepts afi n d’assurer une meilleure protection au patient sans véritablement mesurer le risque qu’elle prend de générer une casuistique toujours plus grande de nature à menacer sensiblement la sécurité juridique. De là à en conclure que le remède est pire que le mal, il n’y pas qu’un pas que l’on est prêt à franchir.L’appréhension des contentieux en matière de produits de santé et de dispositifs médicaux s’avère particulièrement délicate lorsque le producteur se trouve soumis à un système juridique assez différent du droit français. Toute la diffi culté consiste alors pour l’opérateur économique à mesurer les risques juridiques qu’il prend et corrélativement les actions auxquelles il s’expose à la suite de la commercialisation des biens en cause dans un territoire étranger. Si le producteur envisage de déployer son activité sur le sol américain, la passionnante étude de Maître Roxanne M. Wilson et de Nabil Bisharat, qui présente les principes essentiels du droit de la responsabilité des produits défectueux, non sans avoir dressé au préalable un tableau des spécifi cités du système normatif américain, lui permettra de cheminer avec plus de facilité au sein de ce corpus de règles de fond et de procédure (8). Traduite en français par Maître Solène Darrieu, l’étude insiste notamment sur la nécessité d’avoir recours à un conseil juridique spécialisé dans cette matière tant il est vrai que l’appréciation de l’opportunité d’une transaction ou de la saisine d’un tribunal, au regard de leurs coûts fi nancier respectifs dans une affaire donnée, suppose une connaissance approfondie de la pratique contentieuse dans la place.A l’examen des nombreuses et délicates questions soulevées par ce dossier, un contraste saisissant s’exprime entre les diffi cultés techniques abordées et la clarté des réponses apportées par les différents auteurs. Sans jamais sacrifi er la rigueur, ces contributions présentent aussi des pistes de réfl exions originales qui témoignent d’un grand savoir-faire juridique. En dernière analyse, ce voyage dans l’univers juridique des produits pharmaceutiques ne peut que combler les praticiens les plus scrupuleux et guérir les plus anxieux de leurs troubles parfaitement légitimes face à ce système normatif complexe.

5) Voir dans ce sens, M. Fredj, Opérations de croissance externe : motivations économiques variables mais caractéristiques juridiques constantes et spécifiques au secteur, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 49.

6) Voir dans ce sens, M. Couste, F. Jonqueres et H. Poublan, La vraisemblance de la validité dans les mesures d’interdiction provisoire, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 21.

7) M. Albertini et S. Darrieu, Regard critique sur les moyens de preuve admis en matière de responsabilité des fabricants de médicaments et de vaccins, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 38

8) Voir dans ce sens, Roxanne M. Wilson et N. Bisharat, La responsabilité du fait des produits : ce à quoi les laboratoires français commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux doivent s’attendre lorsqu’ils s’implantent aux Etats-Unis, Journal des sociétés mars 2013 n° 107, p. 43.

Page 10: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 10 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Après les affaires liées au Médiator, la vaccination contre la grippe A H1N1 et les prothèses mammaires PIP, la France a souhaité rétablir la confiance dans son système de sécurité sanitaire par la Loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011.

Cette loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé modifie les dispositions relatives au médicament, à tous les stades de sa vie industrielle, à l’exception de sa fabrication.

L’AFSSAPS, désormais appelée l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (« ANSM »), se voit attribuer de nouveaux pouvoirs et devient une véritable autorité de surveillance.

La procédure de mise sur le marché est quant à elle considérablement renforcée.

La loi nouvelle vient essentiellement transposer des dispositions déjà existantes en droit européen notamment la Directive du 15 décembre 2010.

Le système de pharmacovigilance européen est ainsi consacré.

Le but essentiel de cette nouvelle règlementation est de vouloir restaurer la confiance du consommateur de médicaments et de dispositifs médicaux.

Cependant, on pourrait légitimement se demander si la loi apporte les solutions aux problèmes qu’elle souhaitait régler ?

C’est dans ces conditions que nous étudierons la nouvelle règlementation du médicament issue de la loi « Bertrand ».

La nouvelle règlementation vise à restaurer la confiance dans le domaine de la santé par le biais de trois outils que sont les principes de transparence (I) et de sécurité (II) ainsi que par un encadrement très strict des prescriptions données notamment en dehors de toute autorisation de mise sur le marché du produit (III).

I. La transparence des liens d’intérêts

A. Une obligation de déclaration des liens d’intérêts renforcée

La Loi du 29 décembre 2011 vise tout d’abord à limiter les conflits d’intérêts, sans pour autant les définir de manière précise.

L’appréhension de la nouvelle exigence de déclaration des liens d’intérêts instaurée par la Loi « Bertrand » a été complétée par le décret du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d’intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire (1).

Les dispositions de ce décret sont entrées en vigueur le 1er juillet 2012.

1. L’extension du champ des personnes visées

L’obligation de déclaration d’intérêt rendue publique était déjà consacrée par l’article L. 1451-1 du Code de la santé publique (« CSP ») mais ne s’appliquait qu’aux « membres des commissions et conseils siégeant auprès des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale ».

Désormais, cette obligation s’étend supplémentairement aux « membres des cabinets des ministres ainsi qu’aux dirigeants, personnels de direction et d’encadrement et les membres des instances collégiales, des commissions, des groupes de travail et conseils des autorités et organismes » suivants :

=> Comité de protection des personnes=> Commission de conciliation – ONIAM=> Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation=> Institut de Veille Sanitaire=> Institut National du Cancer=> INPES=> Agence de la biomédecine=> ARS=> Etablissement public de gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves

1) Décret n° 2012-745 du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d’intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire.

La nouvelle réglementation du médicament issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de

santéBenoît Charot, Avocat,Associé gérant, Reed Smith

Laura Ferry, Avocat Counsel,Reed Smith

Page 11: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 11 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

=> ANSM=> HAS=> L’Agence nationale chargé de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

D’après l’article L. 1451-1 II du Code de la santé publique, seront également publiées les déclarations d’intérêts des autres agents « dont les missions ou la nature des fonctions le justifient et qui sont mentionnés sur une liste établie » par l’article R. 1451-1. III du décret du 9 mai 2012 :

· Les agents participant à la préparation des décisions, recommandations, références et avis relatifs à des questions de santé publique ou de sécurité sanitaire des instances suivantes : l’Etablissement français du sang, l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Institut de veille sanitaire, l’Ecole des hautes études en santé publique, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’Agence de la biomédecine, les agences régionales de santé, l’Etablissement public de gestion des moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves, l’ANSM et la HAS ;

· Les mêmes établissements et le même groupement, les agents exerçant des fonctions d’inspection, d’évaluation, de surveillance et de contrôle relatives aux activités, techniques ou produits entrant dans le champ de compétence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire de l’autorité, de l’établissement ou du groupement ;

· Le personnel des commissions de conciliation et d’indemnisation et de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, collaborant à la désignation des experts ;

· Les agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire chargés de l’élaboration d’avis aux autorités compétentes en matière d’évaluation de produits de santé utilisant les propriétés des rayonnements ionisants ou participant à l’inspection, au contrôle ou à la surveillance de ces produits.

Les personnes mentionnées ci-dessus ne pourront prendre part aux travaux, délibérations et aux votes des instances au sein desquelles elles siègent, qu’une fois la déclaration souscrite.

Un arrêté du 2 août 2012 (2) vient fixer la liste des instances dont les membres sont soumis à l’obligation de déclaration publique d’intérêts.

Parmi ces instances figurant aux annexes I et II de l’arrêté du 2 août 2012, sont visées, notamment, le comité économique des produits de santé, la commission scientifique des pharmaciens, ou encore le comité national de santé publique.

La loi étend également aux experts l’obligation de déclaration des liens d’intérêts (3) et prévoit

l’édiction d’une charte de l’expertise sanitaire relative aux modalités de choix des experts, au processus d’expertise et à ses rapports avec le pouvoir de décision (4).

2. Le modèle et le contenu de la déclaration

Cette déclaration devra mentionner les liens d’intérêts de toute nature, directs ou indirects, que le déclarant a, ou aurait eu pendant les cinq années précédant son entrée en fonction avec des entreprises, établissements ou organismes intervenant dans le secteur sanitaire.

Doivent en particulier être déclarées :

· Les activités exercées auprès de sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs ; la participation à une instance décisionnelle d’un organisme public ou privé ; l’exercice d’une activité de consultant, de conseil ou d’expertise auprès d’un organisme ; les travaux scientifiques et études pour des organismes publics ou privés ; la rédaction d’article et les interventions, rémunérées ou prises en charge, dans des congrès, des conférences, des colloques, des réunions publiques ou des formations organisées ou soutenues financièrement par des entreprises privées ; la détention ou l’invention d’un brevet ou l’invention d’un produit, procédé ou tout autre forme de propriété intellectuelle non brevetée, en relation avec le champ de compétence mentionné ci-dessus.

· Les activités qui ont bénéficié d’un financement par un organisme à but lucratif intervenant dans le secteur sanitaire.

· Les participations financières directes, sous forme d’actions ou d’obligations détenues et gérées directement ou de capitaux propres, dans le capital d’une société intervenant dans le secteur sanitaire.

Le décret vise le lien d’intérêts de manière large puisqu’il étend les liens indirects aux parents, enfants, conjoint, concubin, partenaire du PACS ou les parents ou enfants de ce dernier.

L’article R. 1451-2 issu du décret du 9 mai 2012 (5) précise les informations à fournir dans la déclaration ainsi que les modalités de présentation du document.

La déclaration devra être présentée conformément à l’arrêté du 2 août 2012 qui vient fixer le document type de la déclaration publique d’intérêts mentionnée à l’article L. 1451-1 du Code de la santé publique (6).

3. Les conditions de publication de la déclaration

La Loi Bertrand fait preuve d’innovation concernant la publicité de ces déclarations.

L’article R. 1451-3 issu du décret du 9 mai 2012 fixe les modalités de publication de ces déclarations. Elles seront établies et actualisées par

2) Arrêté du 2 août 2012 portant fixation de la liste des instances dont les membres sont soumis à l’obligation de déclaration publique en application de l’article L. 1451-1 du Code de la santé publique (JO 10 août).

3) Article L.1452-3 du Code de la santé publique.

4) Article L.1452-3 du Code de la santé publique.

5) Décret n° 2012-745 du 9 mai 2012 relatif à la déclaration publique d’intérêts et à la transparence en matière de santé publique et de sécurité sanitaire.

6) Arrêté du 2 août 2012 portant fixation du document type de la déclaration publique d’intérêts mentionnée à l’article L. 1451-1 du Code de la santé publique.

Page 12: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 12 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

télédéclaration sur un site internet unique.

L’article R. 1451-4 du même décret précise que ces déclarations sont conservées pendant 10 ans à compter de leur dépôt ou de leur actualisation.

4. Les sanctions alourdies

La principale innovation de la Loi « Bertrand » concerne les sanctions lourdes encourues en cas de manquement à ces déclarations.

Le simple risque de conflit d’intérêt est sanctionné. L’infraction est constituée par la seule existence du lien d’intérêts.

L’article L. 1454-2 du Code de la santé publique prévoit dorénavant une amende de 30 000 euros en cas d’absence de déclaration ainsi que de défaut d’actualisation. Des peines complémentaires pourront être appliquées d’après l’article L. 1454-4 aux personnes physiques, telles que l’interdiction d’exercer une fonction publique, une profession commerciale ou industrielle, ou celle de fabriquer, conditionner ou importer des produits de santé pour une durée maximale de 5 ans.

B. La transparence des débats des instances collégiales consultatives

La Loi permet de rendre publiques les séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise qui sont consultés dans le cadre de procédures de décision administratives d’après l’article L. 1451-1-1 Code de la santé publique.

1. Les instances concernées

Le décret du 9 mai 2012 vient préciser que sont concernées les instances qui conduisent à l’« adoption d’un avis sur une question de santé publique ou de sécurité sanitaire recueilli par l’autorité compétente préalablement à une décision administrative » dans un article R. 1451-6 du Code de la santé publique.

Les participants devront alors être informés de cet enregistrement.

2. Les modalités

L’article R. 1451-7 du Code de la santé publique précise que les procès-verbaux de ces instances seront mis en ligne sur un site internet dans les meilleurs délais.

Ils seront conservés 10 ans et devront être accessibles pendant au moins 1 an selon les articles R. 1451-8 et R. 1451-9 du Code de la santé publique.

C. Une plus grande transparence des avantages consentis par les entreprises

1. Une transparence sur le modèle américain

Sur le modèle du Sunshine Act américain, l’article L. 1453-1 du Code de la santé publique met à la charge des entreprises produisant ou

commercialisant des produits relevant du champ de compétence de l’ANSM, l’obligation de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec les professionnels de santé, ainsi que les avantages en nature ou en espèces qu’elles leur procurent, mais également avec l’ensemble des intervenants dans le domaine de la santé : les étudiants se destinant aux professions de santé et les associations les représentant, les associations de patients, les établissements de santé, les fondations, sociétés savantes, sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits relevant du champ de compétence de l’ANSM, les entreprises éditrices de presse, les éditeurs de services de communication au public en ligne, les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance, les personnes morales assurant la formation initiale des professionnels de santé ou participant à cette formation.

Les décrets d’application de la Loi « Bertrand » relatifs à la déclaration des avantages accordés aux professionnels de santé, et notamment aux médecins, sont toujours en attente.

Le seuil de cette obligation de déclaration n’étant toujours pas fixé, il est difficile d’évaluer l’impact de cette mesure.

Dans un communiqué du 31 juillet 2012, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, affichait l’objectif d’une entrée en vigueur de l’obligation de publication au cours du mois d’octobre 2012.

Le groupe de travail mandaté par la ministre avait proposé un seuil de 60 euros et envisagé une déclaration annuelle ou trimestrielle.

Devant les critiques de certains consistant à dire que ces propositions dénaturaient l’esprit de la loi, une baisse de ces seuils serait envisagée.

Selon ceux-ci, les laboratoires et leurs partenaires devraient être tenus de déclarer tout avantage reçu à partir de 10 euros (7).

Les dispositions réglementaires pourraient donc être durcies par rapport aux versions antérieures.

En dehors de la lenteur de parution des décrets d’application permettant l’effectivité de cette mesure, certains évoquent une certaine fragilité de la Loi, notamment concernant la déclaration des liens d’intérêts.

Certains auteurs (8) s’interrogent aussi sur la conformité de l’obligation de publication des conventions et avantages unissant les professionnels de santé et l’industrie pharmaceutique et le principe européen de proportionnalité au regard du respect du droit à la vie privée et au droit à la protection des données personnelles.

On pourrait en effet s’interroger sur le cas du médecin qui verrait sa réputation d’impartialité mise en cause par l’opinion publique pour s’être

7) Loi Bertrand – Le blog.

8) Analyse critique de l’obligation de publication des conventions et avantages unissant les professionnels ayant un lien avec la santé et l’industrie pharmaceutique à l’épreuve du droit communautaire, Caroline Mascret, Petites Affiches, 29 mars 2012, n° 64, p. 3 et Lamy Droit de la santé, avril 2012, Actualités n° 116.

Page 13: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 13 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

rendu à un congrès médical pris en charge par un laboratoire pharmaceutique ?

En outre, un auteur évoque également « le risque de violation du secret industriel et commercial, ou du droit de la concurrence » (9), dans la mesure où les laboratoires devront fournir non seulement au public mais également à leurs concurrents de nombreux renseignements qui concernent des recherches en cours.

2. L’étendue du dispositif « anti-cadeaux »

La Loi nouvelle étend le champ du dispositif « anti-cadeaux » en incluant les étudiants se destinant aux professions de santé et les associations représentant les membres des professions médicales (10).

3. Les sanctions nouvelles

L’article L. 1454-3 du Code de la santé publique prévoit une amende de 45 000 euros pour les entreprises ne respectant pas cette disposition. Des peines complémentaires pourront être appliquées d’après l’article L.1454-5 du Code de la santé publique aux personnes morales.

La nouvelle réglementation vient également compléter le dispositif par de nouvelles règles en matière de sécurité sanitaire.

II. La Sécurité des produits de santé organisée par la nouvelle législation

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (« ANSM ») qui se substitue à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (« AFSSAPS ») devient l’acteur essentiel de cette nouvelle réglementation.

La nouvelle organisation de l’ANSM prévue par la Loi du 29 décembre 2011 sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé est effective depuis le 3 octobre 2012 (11).

Cette réorganisation offre une meilleure lisibilité des postes de directions.

La Direction générale est désormais composée d’un directeur général et de deux directeurs généraux adjoints.

Le premier directeur général adjoint a la responsabilité des huit directions « produits » et des cinq directions « métiers ».

Le second est en charge des quatre directions « ressources ».

Sont également saluées une meilleure lisibilité au niveau de l’organigramme de l’ANSM, qui permet d’accéder plus facilement aux interlocuteurs concernés, ainsi que la création d’un service de déontologie de l’expertise (12).

Enfin, le financement de l’ANSM est modifié. Alors

que l’AFSSAPS percevait directement les taxes versées par les laboratoires pharmaceutiques, l’ANSM se voit aujourd’hui directement subventionnée par l’Etat.

Selon le Professeur Anne Laude, l’AMM devient une « véritable norme de sécurité sanitaire » (13).

Le dispositif de mise sur le marché vise à être sécurisé par la loi principalement en renforçant les prérogatives de l’ANSM (1) ainsi que ses pouvoirs de sanction (2).

A. Des prérogatives renforcées

1. Une mission de surveillance du risque étendue

L’article L. 5311-1 du Code de la santé publique prévoit que la nouvelle Agence voit ses missions de surveillance du risque et d’évaluation sensiblement élargies.

Elle est principalement chargée de l’évaluation et de la réévaluation des bénéfices et des risques liés à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’homme et des produits à finalité cosmétique.

2. Une nouvelle prérogative de demande d’essais cliniques « pré-AMM »

L’ANSM se voit reconnaître un véritable pouvoir de police pour le contrôle de l’entrée du médicament dans le circuit de la commercialisation. Préalablement à la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché, le médicament devra désormais faire l’objet d’une inscription sur la liste des essais cliniques de la recherche biomédicale (15).

L’Agence peut également demander que soit effectué sur les médicaments pré-AMM des « essais cliniques contre comparateur actif » selon l’article L. 5311-1 Code de la santé publique.

En amont de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament, l’ANSM peut désormais demander que les essais cliniques portant sur ces produits soient effectués sous forme d’essais contre placebo ou contre un autre médicament.

L’inscription sur la base de données nationale des essais cliniques préalables à la délivrance de l’AMM est désormais obligatoire d’après l’article L. 5121-8-2 du Code de la santé publique.

3. Une nouvelle prérogative de demande de réalisation d’études « post-AMM »

L’ANSM pourra exiger l’accomplissement d’études de sécurité et d’efficacité post-autorisation au moment de l’octroi de l’AMM15 mais également après cet octroi.

Ces études post-autorisation pourront être exigées lorsqu’il existe une crainte quant aux risques de sécurité présentés par un médicament autorisé ou lorsqu’il apparaît que les évaluations d’efficacité

9) Caroline Mascret, Petites Affiches, précitée.

10) Article L. 4113-6 du Code de la santé publique.

11) Décision DG n° 2012-237 du 24 septembre 2012 portant organisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

12) Journal de l’Ordre national des pharmaciens, novembre 2012, p. 3.

13) « La nouvelle régulation des produits de santé, A propos de la loi du 29 décembre 2011 », Anne Laude, JCP G, 6 février 2012, 123.

14) Article L. 5121-8-2 du Code de la santé publique.

15) Article L. 5121-8 du Code de la santé publique.

Page 14: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 14 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

antérieures pourraient être revues (16).

Ces dispositions sont directement transposées de la Directive 2010/84/UE (17).

4. Un nouveau plan de gestion des risques

Dans les même conditions que les études « post-AMM », après la délivrance d’une AMM, le directeur général de l’ANSM peut, par décision motivée et notifiée par écrit, lorsqu’il a des préoccupations quant aux risques liés au médicament ou au produit autorisé, exiger du titulaire de cette AMM, la mise en place d’un système de gestion des risques, accompagné de la description détaillée de ce système.

Le titulaire de l’AMM disposera d’un délai de 30 jours pour présenter ses observations.

Si, compte tenu des observations écrites, l’ANSM confirme l’obligation de mettre en place un système de gestion des risques, l’AMM est modifiée de manière à y faire figurer les mesures à prendre.

Les médicaments faisant l’objet d’un plan de gestion des risques doivent désormais comporter dans leur notice la mention « ce médicament fait l’objet d’une surveillance supplémentaire », précédée d’un symbole noir (18).

5. Un pouvoir de suspension, retrait et modification de l’AMM

L’évaluation de la balance bénéfice-risque ne s’arrête pas au niveau de l’AMM. Au terme du nouvel article L. 5121-9 du Code de la santé publique, l’ANSM est en mesure de suspendre, retirer ou modifier toutes autorisations de mise sur le marché (19).

Cette disposition a été insérée afin d’être conforme à la Directive 2010/84/UE.

Une décision de suspension ou de retrait peut désormais intervenir notamment pour l’un des motifs suivants :

- si le médicament est nocif, - si le médicament ne permet pas d’obtenir de résultats thérapeutiques,- si son rapport bénéfice/risques n’est pas favorable, (alors que jusqu’à présent il fallait) que le rapport bénéfice/risques ne soit pas favorable « dans les conditions normales d’emploi », - si la spécialité n’a pas la composition qualitative et quantitative déclarée, - ou encore si l’obligation d’effectuer des études de sécurité ou d’efficacité post AMM n’est pas remplie.

Par conséquent, la suspension ou le retrait pourra également être prononcé même si l’effet indésirable résulte du non-respect par le patient des recommandations d’utilisation, dès lors qu’il peut être considéré que « le médicament est nocif » ou que « le rapport entre les bénéfices et les risques n’est pas favorable », quelles que soient ses conditions d’emploi.

Conformément au principe de transparence, ces décisions seront rendues publiques sans délai, aux frais du titulaire ou du demandeur de l’AMM, par tous moyens.

La procédure de suspension de l’AMM de Diane 35 qui est intervenue le 30 janvier 2013 est la mise en œuvre par l’ANSM de ces dispositions.

En effet, l’AMM de Diane 35 a fait l’objet d’une procédure de suspension de la part de l’ANSM dans « l’intérêt de la sécurité des patientes ».

Diane 35 est un médicament utilisé dans le traitement de l’acné et dispose d’une AMM pour cette indication.

Elle était prescrite régulièrement par les médecins en tant que contraceptif.

L’ANSM, dans le cadre de ses nouveaux pouvoirs, a décidé de suspendre l’AMM en raison du rapport bénéfice/risque de Diane 35 et de ses génériques « défavorable dans le traitement de l’acné au regard notamment du risque thromboembolique et artériel auxquels ils exposent les femmes traitées ».

La suspension prendra effet dans un délai de trois mois.

Cette décision a été publiée sur le site internet de l’ANSM et relayée très rapidement par les médias.

6. Un pouvoir de blocage des produits

L’article L. 5121-14-2 du Code de la santé publique dispose que l’Agence peut interdire la prescription et la délivrance d’une spécialité pharmaceutique et la retirer du marché. Elle pourra également interdire l’exportation de médicaments si le renouvellement de l’AMM n’est pas accordé pour des raisons de santé publique d’après l’article L. 5124-11 du Code de la santé publique.

7. Un pouvoir d’information nouveau

L’article 23 de la Loi dispose que l’ANSM peut, à l’instar de l’Institut de veille sanitaire et du ministre chargé de la Santé, « accéder aux données anonymes relatives aux médicaments qui sont hébergés dans le cadre du dossier pharmaceutique ».

L’article L.5128-28 du Code de la santé publique prévoit également la possibilité d’accéder au système national d’information inter-régimes de l’assurance maladie après autorisation d’un « groupement d’intérêt public constitué à cette fin entre l’Etat, la Haute Autorité de santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’Institut de veille sanitaire et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés » (20).

Toujours dans un souci de transparence et de garantir la sécurité, le législateur confère enfin à

16) Article L. 5121-8-1 du Code de la santé publique.

17) Art 21bis et 22bis.

18) Arrêté du 8 novembre 2012, NOR : AFSP1238370A : JO 9 novembre 2012.

19) Décret n° 2012-1244 du 8 novembre 2012 relatif au renforcement des dispositions en matière de sécurité des médicaments à usage humain soumis à autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance.

20) Article L.5128-28 du Code de la santé publique.

Page 15: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 15 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

l’ANSM un pouvoir d’informer l’opinion publique et le personnel de santé, par tout moyen, lorsque le produit n’a pas obtenu l’autorisation nécessaire et qu’il présente un danger selon l’article L. 5312-4 du Code de la santé publique.

8. Le rôle de l’ANSM dans la pharmacovigilance

La Loi du 29 décembre 2011 vient transposer la Directive 2010/84/UE du 15 décembre 2010 en intégrant un chapitre entier consacré à la pharmacovigilance (21).

La pharmacovigilance a pour « objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain » (22).

L’ANSM est chargée d’assurer la mise en œuvre du système de pharmacovigilance, de définir les orientations de la pharmacovigilance et de veiller au respect des procédures (23).

L’Agence est chargée d’assurer la mise en œuvre au niveau national du système de pharmacovigilance pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de pharmacovigilance et de participer aux activités de l’Union européenne dans ce domaine (24).

Une évaluation périodique du système de pharmacovigilance est réalisée, et les résultats sont transmis à la Commission européenne tous les deux ans.

La loi étend également aux médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens le cercle des personnes tenues de signaler tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament (25).

Une telle possibilité de signalement est laissée aux autres professionnels de santé ainsi qu’aux patients et associations agréées de patient.

Les entreprises sont également associées à ce dispositif puisqu’elles sont tenues de « mettre en œuvre un système de pharmacovigilance ainsi que d’enregistrer, de déclarer et de suivre tout effet indésirable suspecté d’être dû à un médicament ou produit » (26).

A la suite d’un signalement, le médicament entrera dans une procédure de réévaluation.

La publicité commerciale auprès du public fera l’objet d’une suspension sous peine de pénalités financières (27).

Enfin, les prescripteurs seront informés, par les exploitants, des actions mises en œuvre par l’ANSM et de leurs résultats (28).

9. Les nouvelles obligations à la charge du titulaire de l’AMM à l’égard de l’ANSM

Une fois que l’AMM a été accordée, l’exploitant devra :

- Informer l’ANSM de toute interdiction ou restriction imposée dans les pays où le médicament est commercialisé, ainsi que toute autre information nouvelle de nature à influencer l’évaluation du bénéfice/risques, à charge pour l’agence, le cas échéant, de diligenter une réévaluation de ce médicament ainsi que de tous les produits présentant le même mécanisme d’action ou une structure chimique analogue (29).

- Transmettre les données démontrant que le rapport bénéfice/risques d’un médicament reste favorable à la demande de l’ANSM qui peut le solliciter à tout moment (30).

- Transmettre des données démontrant que ce rapport reste favorable en cas d’arrêt de commercialisation d’un médicament dans un autre pays, alors que la commercialisation en France se poursuit (31).

10. Le contrôle de la publicité des médicaments

Il s’agit d’un changement important apporté par la nouvelle réglementation qui organise un contrôle a priori de la promotion pharmaceutique faite auprès des professions de santé.

Jusqu’à maintenant, la publicité auprès des professionnels de santé faisait l’objet d’un contrôle a posteriori par l’AFSSAPS.

Seule la publicité faite auprès du public était soumise à l’obtention d’un visa préalable de l’agence.

Désormais, l’ANSM procède à un contrôle a priori d’après l’article L. 5122-9 du Code de la santé publique.

Il ne s’agit donc plus d’obtenir un avis dans les huit jours de la diffusion mais d’obtenir une autorisation préalable de l’ANSM, cette autorisation constituant un « visa de publicité ».

Par une décision du 23 mai 2012, l’ANSM propose un modèle type de demande de visa de publicité pour les médicaments à usage humain (32).

B. Un nouveau pouvoir de sanction reconnu à l’ANSM

L’ANSM pourra infliger des amendes administratives à l’encontre des personnes physiques ou morales produisant ou commercialisant des produits de santé en cas de manquements à leurs obligations.

Il s’agira notamment de l’absence de mise en œuvre du système de pharmacovigilance, l’absence de déclaration d’un effet indésirable, la non-transmission des informations nécessaires, la diffusion d’une publicité non autorisée, le manquement à l’obligation d’effectuer des

21) Décret du 8 novembre 2012 et Arrêté du 8 novembre 2012 modifiant l’arrêté du 6 mai 2008 pris pour l’application de l’article R.5121-21 du code de la santé publique texte 18; Arrêté du 8 novembre 2012 modifiant l’arrêté du 6 mai 2008 pris pour l’application de l’article R.5121-45 du code de la santé publique et du 2° de l’article 59 du décret n°2008-435 du 6 mai 2008 relatif à la mise sur le marché des spécialités pharmaceutiques à usage humain et relatif au renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché texte 19.

22) Article L. 5121-22 du CSP.

23) Article L. 5121-23 du CSP.

24) Article R. 5121-154 du CSP.

25) Article L.5125-25 du CSP.

26) Article L. 5121-24 du CSP.

27) Article L. 5122-8-1 du CSP.

28) Article L. 5122-3 du CSP.

29) Article L. 5121-9-2 du CSP.

30) Article L. 5121-9-3 du CSP.

31) Article L. 5121-9-4 du CSP.

32) Décision du 23 mai 2012 fixant le calendrier et les périodes de dépôt pour l’année 2012, la forme et le contenu des demandes de visa des publicités pour les médicaments à usage humain.

Page 16: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 16 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

études ou encore le non-respect de l’obligation d’information de rupture de stock selon l’article L. 5421-8 du Code de la santé publique.

Le montant de l’amende est fixé à 10 % du chiffre d’affaires réalisé dans la limite d’un million d’euros (33).

Des peines complémentaires sont dorénavant prévues à l’encontre des personnes physiques (34) et les personnes morales (35), pouvant aller de la publicité de la décision jusqu’à la fermeture de l’établissement.

Ces décisions pourront en effet faire l’objet d’une publicité aux frais du titulaire de l’autorisation, « par tous moyens permettant une large diffusion auprès du grand public et des professionnels et établissement de santé » (36).

L’ANSM pourra désormais informer l’opinion publique dans tous les cas où la protection de la santé publique le justifie (37).

Toujours dicté par le souci de la sécurité des consommateurs de médicaments, la nouvelle réglementation est venue encadrer de manière très stricte la prescription des médicaments en dehors des conditions fixées par l’AMM.

Ceci est aussi un des axes essentiel de la réforme.

III. Un nouvel encadrement de la prescription « hors AMM »

Depuis l’affaire du Médiator, les prescriptions « hors autorisation de mise sur le marché » ont fait l’objet d’une attention particulière de la part du législateur.

En effet, dans cette affaire, le Médiator avait été prescrit au patient dans un but de perte de poids alors que l’indication thérapeutique était le diabète.

La récente affaire du médicament Diane 35, dont l’indication thérapeutique consiste en un traitement de l’acné, et qui a été prescrit à des fins de contraception, n’a fait que raviver la question des prescriptions « hors-AMM ».

La loi nouvelle, sans en interdire le principe, vient cependant encadrer très strictement ces prescriptions en restreignant considérablement les possibilités pour le médecin de prescrire des médicaments hors-AMM.

A. Les dispositions légales et règlementaires

Le principe est que la prescription d’une spécialité pharmaceutique doit être conforme à son AMM ou son autorisation temporaire d’utilisation (« ATU »).

Le nouvel article L.5121-12-1 du Code de la santé publique autorise cependant les prescriptions « hors AMM » dans deux cas :

- le prescripteur juge indispensable, au regard

des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient,

- des recommandations temporaires d’utilisation (RTU) ont été élaborées par l’ANSM.

En outre, cette prescription devra intervenir « en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée » (38) c’est-à-dire d’autre médicament bénéficiant d’une AMM ou d’une ATU.

Le prescripteur devra dorénavant (i) informer son patient, (ii) reporter la prescription dans le dossier médical et (iii) le mentionner clairement sur la prescription elle-même.

La responsabilité du prescripteur est ainsi intensifiée, car il devra être en mesure de justifier les raisons de sa prescription et de son caractère indispensable.

Le prescripteur devra informer le patient que la prescription est faite en dehors des indications de l’AMM, ainsi que des risques encourus, des contraintes, des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et des conditions de prise en charge par l’Assurance maladie.

Il devra enfin porter sur l’ordonnance la mention « prescription hors autorisation de mise sur le marché » et motiver sa prescription dans le dossier médical du patient (39).

L’industriel voit mis à sa charge une obligation de suivi des prescriptions « hors AMM » et d’information des professionnels de santé lorsqu’il constate des prescriptions non conformes au bon usage.

La prescription « hors AMM » d’une spécialité peut être signalée à l’ANSM par :

- Les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale,- La Haute Autorité de Santé,- L’Union nationale des caisses d’assurance maladie,- L’Institut national du cancer,- Les centres de référence et les centres des maladies rares,- Les associations de patients.

B. Les pouvoirs du CEPS

En outre, la loi permet au comité économique des produits de santé (« CEPS ») d’inciter les entreprises à mieux informer les prescripteurs en matière de bon usage du médicament et de prescription « hors AMM ».

Ainsi, le nouvel article L. 162-17-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit désormais que les conventions signées entre le comité et les entreprises peuvent comporter « l’engagement de l’entreprise de mettre en œuvre des moyens tendant à limiter l’usage constaté des médicaments en dehors des indications de leur

33) Article L. 5421-9 du CSP.

34) Article L. 5421-10 du CSP.

35) Article L. 5421-11 du CSP.

36) Article L. 5121-14-2 III du CSP.

37) Article L. 5312-4 du CSP.

38) Article L. 5121-12-1 I du CSP.

39) Article L. 5121-12-1 III du CSP.

Page 17: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 17 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

autorisation de mise sur le marché, lorsque cet usage ne correspond pas à des recommandations des autorités sanitaires compétentes ».

Des pénalités financières ont été instaurées par le décret du 28 septembre 2012 (40).

Il résulte de l’article premier de ce décret que lorsque le CEPS envisage de prononcer une pénalité, il en informe l’entité concernée en lui précisant les motifs pour lesquels une pénalité est envisagée.

Dans le délai d’un mois suivant la réception de cette information, l’entité peut adresser ses observations écrites et demander à être entendue par le Comité.

Dans le même délai, elle doit lui déclarer les éléments de son chiffre d’affaires nécessaires à la fixation de la pénalité.

Puis, le CEPS notifie à cette entité les motifs qui justifient le principe et le montant de la pénalité, le délai de règlement ainsi que les voies de délais de recours.

A compter de la notification, cette entité dispose d’un mois pour s’acquitter de la pénalité.

C. Un contrôle renforcé des Autorisation temporaires d’utilisation

L’article 26 de la loi du 20 décembre 2011 modifie l’article L. 5121-12 du Code de la santé publique, afin de mieux contrôler l’usage des autorisations temporaires d’utilisation (« ATU »).

Une des conditions suivantes doit alors être remplie pour qu’une demande d’ATU individuelle soit recevable :

- le médicament a fait l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché, ou d’une demande d’autorisation de mise sur le marché délivrée par l’Union européenne ;- le titulaire des droits d’exploitation s’engage à déposer l’une des demandes énoncées dans un délai déterminé par l’agence ;- des essais cliniques sont conduits en France ou une demande d’essais cliniques a été déposée.

En cas de rejet de l’une des demandes, l’ATU accordée sur son fondement est retirée pour les indications thérapeutiques sollicitées dans la demande.

L’ATU sera alors subordonnée à la conclusion, entre l’Agence et le titulaire des droits d’exploitation du médicament, d’un protocole d’utilisation thérapeutique et de recueil d’informations concernant l’efficacité, les effets indésirables, les conditions réelles d’utilisation, ainsi que les caractéristiques de la population bénéficiant du médicament ainsi autorisé.

Des dérogations à ces dispositions sont prévues au IV du nouvel article L. 5121-12 du Code de la santé publique, une autorisation pourra être octroyée

dans les cas suivants :

- Lorsque, en l’état des thérapeutiques disponibles, des conséquences graves pour le patient sont très fortement probables ;

- Lorsque l’indication thérapeutique sollicitée diffère de celle de l’autorisation du médicament ayant fait l’objet d’un arrêt, et qu’il existe de fortes présomptions d’efficacité et de sécurité du médicament dans l’indication thérapeutique sollicitée ;

- Si, dans l’indication thérapeutique sollicitée, des essais thérapeutiques ont été effectués mais que la demande a été refusée ou encore qu’une demande d’essai clinique a été rejetée, sous condition d’une information du patient et du praticien sur les motifs de refus de la demande et sous réserve d’un bénéfice individuel pour le patient.

Pour les médicaments autorisés à ce titre, le prescripteur doit transmettre à l’Agence les données de suivi des patients traités à l’occasion de l’expiration de l’autorisation ou de son renouvellement. La nature des données sera précisée par la décision d’autorisation.

D. La création du nouveau dispositif des Recommandations temporaires d’utilisation (RTU)

Ce dispositif concerne les produits ayant déjà obtenu une AMM.

« Les RTU visent à sécuriser les prescriptions de médicaments en dehors du cadre de leur AMM tout en objectivant leur intérêt thérapeutique » (41).

Le nouvel article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique permet à l’ANSM d’élaborer une RTU pour une période maximale de trois ans, autorisant la prescription d’une spécialité pharmaceutique disposant d’une AMM, dans une indication différente ou des conditions d’utilisation non conformes à son AMM, en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée autorisée.

Un décret du 9 mai 2012 (42) vient préciser les conditions d’élaboration de ces recommandations et définit leur régime.

Un décret de la même date (43) encadre la prise en charge dérogatoire prévue à l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale, par l’assurance maladie des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d’une recommandation temporaire d’utilisation ou de certains produits et prestations.

1. La procédure d’élaboration de la RTU

L’ANSM examine tout d’abord l’opportunité d’élaborer une RTU.

Elle demande ensuite au titulaire d’AMM ou à l’exploitant un certain nombre d’informations dans l’hypothèse où elle envisage une RTU.

40) Décret n° 2012-1095 relatif à diverses pénalités financières encourues par des entreprises exploitant des médicaments et des fabricants ou des distributeurs de dispositifs médicaux.

41) « Point sur l’entrée en vigueur des dispositions prévues par la loi visant à renforcer la sécurité des produits de santé », www.ansm.sante.fr

42) Décret n° 2012-742 du 9 mai 2012 relatif aux recommandations temporaires d’utilisation des spécialités pharmaceutiques.

43) Décret n° 2012-740 du 9 mai 2012 relatif à la prise en charge dérogatoire par l’assurance maladie des spécialités pharmaceutiques bénéficiant d’une recommandation temporaire d’utilisation ou de certains produits et prestations.

Page 18: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 18 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Le laboratoire aura alors 3 mois pour délivrer ces informations.

Après évaluation des données disponibles, si le bénéfice/risque est favorable, l’ANSM élabore un projet de RTU et de convention, le transmet à l’exploitant concerné.

L’accord de l’exploitant devra être donné dans le mois, qui peut être prolongé d’un mois sur sa demande.

A l’expiration de ce délai, la RTU ainsi que la convention est signée par le Directeur Général de l’ANSM et mis en ligne sur le site internet de l’ANSM.

2. Le contenu de la RTU

Pour chaque spécialité, la RTU devra mentionner :

- l’indication thérapeutique,- la posologie et le mode d’administration,- les effets indésirables,- les conditions de prescription de la spécialité,- sa durée de validité (3 ans maximum) (44),- la justification du rapport bénéfice/risque favorable.

La RTU comporte en annexe un protocole définissant les modalités de recueil des données et de suivi des patients, portant les données d’efficacité, de sécurité et les conditions réelles d’utilisation du produit.

Le suivi doit comporter :

- les critères permettant d’évaluer le bénéfice thérapeutique du médicament,- le recueil des effets indésirables,- des données relatives aux conditions réelles d’utilisation.

3. Le contenu de la convention

Un modèle type de convention est proposé par le Directeur Général de l’ANSM (45).

Cette convention intervient entre l’ANSM et le titulaire de l’AMM et/ou l’exploitant.

Celle-ci fixe les modalités de suivi des patients et le recueil des informations de sécurité, d’efficacité et les conditions réelles d’utilisation de la spécialité (protocole et fiche de suivi des patients).

Les laboratoires pharmaceutiques sont chargés de prendre des mesures d’information à l’attention des prescripteurs afin que ces derniers participent au protocole de suivi des patients.

Ils doivent alors indiquer que le produit concerné fait l’objet d’une RTU et renvoyer au site de l’ANSM sur lequel cette dernière est publiée (46).

D’autres obligations sont misent à la charge des laboratoires pharmaceutiques par cette décision (47).

Les démarches promotionnelles et publicitaires sont écartées pour les produits bénéficiant de RTU (48).

Le coût du suivi est mis à la charge du titulaire et/ou exploitant.

Si la RTU concerne plusieurs spécialités, le coût du suivi est réparti entre les différents titulaires d’AMM, proportionnellement aux chiffres d’affaires respectifs de ces spécialités, réalisés sur le marché français l’année civile antérieure (49).

Les modalités de résiliation de la convention sont également définies (50).

Aucune disposition n’oblige les titulaires et/ou exploitants à conclure une convention.

Un refus sera cependant mis en ligne sur le site de l’ANSM.

La loi du 29 décembre 2011 a voulu répondre aux attentes du consommateur de médicaments qui souhaite évidemment être protégé.

L’ANSM se voit remettre la totalité des pouvoirs dans le but de garantir la transparence et la sécurité des produits de santé.

Cependant, les objectifs de cette nouvelle réglementation seront-ils atteints alors que ce système est totalement confié entre les mains de la nouvelle autorité ?

Son application dépend encore de l’adoption de nombreux décrets dont la publication se fait attendre.

Alors que 32 décrets d’application étaient prévus en 2012, seuls quelques-uns ont été publiés à ce jour.

Le décret d’application relatif à l’article 2 de la loi concernant les avantages consentis se fait particulièrement attendre par les professionnels de santé.

Les entreprises pharmaceutiques sont bien sûr dans l’attente de ces dispositions règlementaires et sont toutes prêtes à participer à la réussite de cette réforme.

La récente affaire de Diane 35 ravive les inquiétudes des patients consommateurs de produits de santé et démontre qu’un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, celle-ci était absolument nécessaire et qu’il appartiendra à l’ANSM de rappeler en amont les obligations de chacun afin d’éviter nouvelles dérives.

44)

45) Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

46) Article 3 Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

47) Articles 1, 3, 4, 9, 12, 14 Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

48) Article 13 Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

49) Article 5 Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

50) Article 7 Décision du 26 octobre 2012 fixant le modèle type de convention mentionnée à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique.

Page 19: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 19 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Une loi fédérale américaine prise dans le cadre de la loi relative à la protection des patients et des soins abordables, le « Patient Protection and Affordable Care Act » (« ACA »), imposera aux fabricants de produits de santé de déclarer aux autorités fédérales des informations concernant des paiements effectués à certains professionnels de santé. Plus précisément, la Section 6002 de l’ACA, communément appelée « Physician Payment Sunshine Act », impose aux fabricants de médicaments, de dispositifs, de fournitures biologiques ou médicales couverts par les programmes Medicare, Medicaid, ou CHIP de présenter une déclaration annuelle au secrétaire du département de la Santé et des Services humains des États-Unis (le « secrétaire d’État ») de certains paiements ou autres transferts de valeur aux médecins et aux hôpitaux universitaires. Ces obligations de déclaration sont décrites plus en détails ci-dessous. De plus, les fabricants concernés et les organisations de groupement d’achats concernées doivent déclarer certaines informations relatives aux acquisitions ou toute autre prise de participation dans les intérêts détenus par les médecins ou par les membres de leur famille. Les informations déclarées au sens du « Physician Payment Sunshine Act » seront accessibles au public en ligne. Selon le « Physician Payment Sunshine Act », la date d’expiration pour la présentation de la première déclaration est le 31 mars 2013 pour les paiements effectués pour l’année civile débutant au 1er janvier 2012. Toutefois, compte tenu du retard dans la publication des règlements, ce délai statutaire n’a pas été respecté. Le 8 février 2013, le CMS (Centers for Medicare and Medicaid Services) a publié au Registre fédéral américain (Federal Register) une loi finale relative au « Physician Payment Sunshine Act », intitulée déclarations transparentes et déclarations concernant la détention par les médecins de titres de placement, « Transparency Reports and Reporting of Physician Ownership of Investment Interests », (la « Loi Finale »). Selon cette Loi Finale, la première déclaration devra être présentée au CMS le 31 mars 2014 et couvrira la période du 1er août 2013 au 31 décembre 2013. Le « Physician Payment Sunshine Act » exige

de chaque fabricant d’un médicament, dispositif médical, fourniture biologique ou médicale, qui effectue un paiement ou autre transfert de valeur à un bénéficiaire, à savoir un médecin ou un hôpital universitaire, de soumettre au secrétaire d’État, au format électronique, les informations suivantes :

• Le nom et l’adresse professionnelle du bénéficiaire ;• S’agissant d’un médecin, la spécialité du médecin et le code d’identification national du fournisseur ;• Le montant du paiement ou autre transfert de valeur et les dates auxquelles ceux-ci ont été effectués au bénéficiaire ;• Une description concernant la forme du paiement ou autre transfert de valeur (ex. : espèces et équivalent, articles ou services en nature, actions ou options sur actions) ;• Une description concernant la nature du paiement ou autre transfert de valeur (ex. : frais de conseil, honoraires, dons, divertissements, repas, voyages, éducation, recherche, dons de bienfaisance) ; et• Si le paiement ou autre transfert de valeur concerne la commercialisation, l’éducation ou la recherche spécifiquement liée à un médicament, un dispositif, une fourniture biologique ou médicale, le nom du médicament, du dispositif, de la fourniture biologique ou médicale en question.

Si un fabricant effectue un paiement ou un transfert de valeur à une entité ou à une personne physique à la demande d’un bénéficiaire libellé au nom de ce dernier, le fabricant doit déclarer le paiement ou le transfert de valeur au nom du bénéficiaire concerné. Concernant les paiements dans le domaine de la recherche, le « Physician Payment Sunshine Act » prévoit un report de publication des paiements effectués au titre de contrats de recherche de produits ou de contrats de développement de produits et dans le cadre de recherches cliniques. En particulier, les paiements ou autres transferts de valeur effectués à des bénéficiaires au titre de services fournis (i) dans le cadre d’une recherche sur ou du développement d’un nouveau produit ou d’une nouvelle application d’un produit existant et (ii) dans le cadre d’une recherche clinique portant sur un nouveau produit sont éligibles pour un report de publication afin que les informations

L’obligation de déclaration à la charge des fabricants de produits de santé

conformément à la loi fédérale américaine du Sunshine Act « Federal Physician

Payment Sunshine Act »Katie Pawlitz, Avocat, Reed Smith Washington (1)

1) Version française : Laura Ferry, Avocat Counsel, Reed Smith Paris.

Page 20: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 20 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

sur ces paiements et transferts de valeur ne soient pas accessibles au public avant la première des dates à intervenir suivantes : la date d’approbation ou d’autorisation du produit par la FDA ; ou quatre années civiles après la date à laquelle ledit paiement ou autre transfert de valeur a été effectué. La définition de « paiement ou autre transfert de valeur » ne comprend pas les éléments suivants, et, de ce fait, il n’est pas nécessaire de déclarer ces éléments au secrétaire d’État :

• Des paiements ou des transferts de valeur de moins de 10 USD, à moins que le montant global transféré, demandé, ou libellé à l’ordre du bénéficiaire couvert par le fabricant au cours de l’année civile ne dépasse 100 USD (annexé d’année en année suivant l’inflation) ;• Des échantillons de produit qui ne sont pas destinés à la vente et qui sont destinés à être utilisés par les patients ;• Les matériels éducatifs dont bénéficient directement les patients ou qui sont destinés à être utilisés par les patients ;• Le prêt d’un dispositif couvert pour une période d’essai brève ne dépassant pas 90 jours ;• Des articles ou des services fournis sous garantie contractuelle, lorsque les conditions de la garantie sont énoncées dans le contrat d’achat ou de location pour le dispositif couvert ;• Le transfert de quoi que ce soit qui ait de la valeur à un bénéficiaire lorsque le bénéficiaire est un patient et qu’il n’agit pas en sa qualité professionnelle ;• Les remises et les rabais ; • Les articles en nature utilisés pour dispenser des soins de bienfaisance ;• Un dividende ou autre forme de distribution de bénéfices issus de titres de propriété ou de placement dans des titres cotés et dans un fonds commun de placement ; • S’il s’agit d’un fabricant offrant un régime d’assurance autogéré, les paiements liés à la prestation de soins de santé aux employés bénéficiant de ce régime ;• S’il s’agit d’un bénéficiaire qui est un professionnel non médical agréé, le transfert de quoi que ce soit qui ait de la valeur au bénéficiaire si le transfert correspond à un paiement exclusivement destiné aux services professionnels non médicaux rendus par ledit professionnel non médical agréé ; • S’il s’agit d’un bénéficiaire qui est un médecin, le transfert de quoi que ce soit qui ait de la valeur au bénéficiaire si le transfert correspond à un paiement exclusivement destiné aux services du bénéficiaire concernant une procédure administrative, un conseil juridique, une poursuite judiciaire, un accord ou un jugement civil ou pénal ou un arbitrage ;• Un paiement ou transfert de valeur à un bénéficiaire si le payement ou le transfert de valeur intervient exclusivement dans le contexte d’une

relation personnelle extra-professionnelle ; et

• La rémunération versée par un fabricant à un bénéficiaire qui est directement employé par ce fabricant, et pour lequel celui-ci travaille exclusivement.

La Loi Finale a également exclu des déclarations les paiements indirects ou autres transferts de valeur lorsque le fabriquant n’est pas informé de l’identité du bénéficiaire, et les paiements et autres transferts de valeur représentant une compensation pour des interventions dans le cadre d’un programme de formation continue, sous réserve que certains critères soient respectés.

Les sanctions en cas de non-déclaration incluent des sanctions pécuniaires au civil de 1 000 USD au moins, et de 10 000 USD maximum, pour chaque paiement ou autre transfert de valeur ou titre de propriété ou de placement qui ne serait pas déclaré (ne dépassant pas 150 000 USD). Une omission de déclaration « en connaissance de cause » est sanctionnée par des amendes encore plus élevées. Les fonds collectés par le secrétaire d’État issus de sanctions pécuniaires au civil seront utilisés pour l’application de cette loi.Après sa mise en application, la Loi prévaudra sur les lois de tout État fédéré exigeant d’un fabricant qu’il déclare ou rapporte le type d’informations décrites ci-dessus concernant des paiements ou autres transferts de valeur effectués à des bénéficiaires concernés. Toutefois, la loi ne prévaudra pas sur les lois de tout État fédéré imposant de déclarer ou de rapporter des informations non comprises parmi celles qui sont exigées ci-dessus.Actuellement, de très nombreux États fédérés ont pris des lois uniques relatives aux accords financiers passés entre les entreprises de médicaments et/ou de dispositifs médicaux et les professionnels de la santé. Cela signifie qu’en dépit de la clause de suprématie de la Loi, les entreprises pourraient encore être soumises à l’obligation de déclarer certaines dépenses aux autorités des États fédérés. À noter encore que la Loi fédérale ne s’applique qu’aux paiements ou autres transferts de valeur aux médecins et hôpitaux universitaires, alors que de nombreuses lois à l’échelle des États fédérés couvrent des paiements effectués à un éventail plus large de personnes physiques et morales, comprenant hôpitaux, maisons de santé, pharmaciens, et toute personne autorisée à prescrire, administrer, ou acheter des médicaments ou des dispositifs médicaux sur ordonnance. De plus, alors que, d’après la Loi fédérale de nombreux cas sont exemptés de l’obligation de déclaration, comme les prêts de dispositifs médicaux et les dons de bienfaisance, certains États fédérés imposent de déclarer ce type d’avantages avec des bénéficiaires concernés.

Page 21: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 21 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Pour le titulaire d’un brevet ou d’un certificat complémentaire de protection (CCP) (1), chercher à obtenir en France une mesure d’interdiction provisoire afin de se prémunir contre la contrefaçon de ses droits s’avère être aujourd’hui un exercice pour le moins risqué. En effet, l’analyse des derniers développements jurisprudentiels permet de constater un durcissement des décisions à l’égard des titulaires de brevets, résultant de la coexistence de deux approches jurisprudentielles contradictoires. Pourtant, le nouveau régime des mesures d’interdiction provisoire issu de la Loi du 29 octobre 2007 dite « de lutte contre la contrefaçon » qui a transposé la directive européenne 2004/48/CE (2) (transposant elle-même certaines dispositions de l’Accord ADPIC (3)) avait vocation à limiter le niveau d’exigence requis pour l’obtention de telles mesures.

Les mesures d’interdiction provisoire revêtent une importance stratégique, voire décisive en matière de contentieux de brevets. Elles permettent au titulaire d’un brevet d’obtenir à titre provisoire des mesures visant à la sauvegarde effective de ses droits dans l’attente du procès au fond. Ces mesures recouvrent un spectre relativement large, permettant notamment de demander l’interdiction de la poursuite des actes de contrefaçon (offre, mise dans le commerce, utilisation, importation, détention), la constitution de garanties, ou encore que soit ordonnée la saisie ou la remise entre les mains d’un tiers de produits incriminés. Il est enfin possible de demander le gel du compte bancaire de la société suspectée de contrefaçon. Cette dernière mesure a notamment été surnommée « killing order » par le juge anglais Sir Robin Jacob, ce qui témoigne bien de l’importance que peuvent revêtir ces mesures.

Si d’une manière générale l’obtention d’une mesure d’interdiction provisoire par voie de référé ou requête n’est pas monnaie courante en matière de brevets, la rédaction des dispositions issues de la nouvelle loi du 29 octobre 2007 est destinée à doter les titulaires de brevets d’un outils de défense à la fois plus efficace et mieux adapté au contexte économique. Notamment, la nouvelle rédaction a supprimé l’exigence de sérieux de l’action au fond pour y substituer l’exigence, de vraisemblance de la contrefaçon. Le nouvel article L 615-3 du code de la propriété intellectuelle (CPI) dispose dorénavant que le demandeur d’une mesure provisoire doit apporter des « éléments de preuve », qui « rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente ». Ainsi, Philippe Gosselin, le rapporteur du projet de loi,

précisait que « le juge ne sera plus tenu, avant de se prononcer, de s’assurer du sérieux des arguments invoqués par le requérant à l’appui de cette action, comme cela est actuellement le cas : il lui suffira de vérifier que les éléments de preuve excipés par le défendeur rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à son droit ou qu’une telle atteinte est imminente » (4). Il était donc possible de voir là un assouplissement certain du niveau d’exigence antérieurement en vigueur. En effet, selon le nouvel article de loi, le juge des référés n’est désormais plus tenu d’analyser le sérieux de la demande au fond, dont notamment la validité du brevet, mais doit uniquement se fonder sur l’apparence de validité du titre et de la contrefaçon alléguée.

Cependant en pratique, l’octroi d’une mesure d’interdiction provisoire n’est jamais une décision aisée pour le juge saisi de l’affaire. Celui-ci doit procéder à une évaluation des conséquences de la mesure demandée. D’une part, l’octroi peut s’avérer justifié, car cela permet de rapidement mettre un terme à des actes de contrefaçon qui portent préjudice au titulaire du brevet, notamment par rapport aux sommes investies dans la recherche. D’autre part, ordonner de telles mesures peut s’avérer économiquement désastreux pour la société condamnée. Ainsi, l’arrêt de la commercialisation d’un médicament, surtout si cette mesure est déclarée injustifiée par les juges du fond, peut avoir de lourdes conséquences économiques qu’il convient aussi de prendre en compte avant d’octroyer une telle mesure. Le juge doit donc ici trancher entre les demandes qui lui semblent bien fondées et celles qui lui semblent dilatoires.

Apprécier le bien-fondé de la demande qui lui est faite nécessite pour le juge de s’assurer en premier lieu que le demandeur fonde bien sa demande sur un brevet dont il est le titulaire et qui a une apparence de validité. D’ailleurs, le choix du mot « vraisemblable » par le législateur revêt ici toute son importance, puisque celui-ci est défini par le dictionnaire Robert, comme ce qui est apparent (5). Or, la nouvelle rédaction de l’article L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle fournit ici une aide au juge dans son office. En effet, dès lors que le titulaire du brevet est en mesure d’apporter assez d’éléments de preuve permettant de constater l’évidence d’une contrefaçon, alors la mesure devrait être accordée, sans qu’il soit nécessaire de procéder plus avant à une analyse de la validité du brevet en cause, toute contestation concernant la validité devant être examinée ultérieurement au

1) Un certificat complémentaire de protection est un titre de propriété industrielle, qui peut être demandé par le titulaire d’un brevet portant sur un médicament ou un procédé de fabrication d’un médicament et qui a pour objet de prolonger de 5 ans la protection découlant de ce brevet après qu’il a expiré (art. L 611-3 du Code de la propriété intellectuelle).

2) Directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, art. 9.

3) Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC), art. 50.

4) Philippe Gosselin Rapport Ass. nat., n° 178, oct. 2007, p. 70-71.

5) Le Petit Robert, Ed. 2001.

La vraisemblance de la validité dans les mesures d’interdiction provisoire

Marina Cousté, Avocat Associée,Reed Smith

François Jonquères, Avocat Associé,Reed Smith

Henri Poublan, Elève Avocat,Reed Smith

Page 22: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 22 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

fond. Le juge ne doit donc se prononcer que sur l’apparence de la validité, ce qui est conforme au principe selon lequel le juge des référés est le juge de l’évidence.

Toutefois, une analyse de la jurisprudence récente en la matière permet de constater qu’il n’y a pas d’application uniforme de la réforme du 29 octobre 2007 et que deux tendances jurisprudentielles cohabitent lorsqu’il s’agit précisément d’apprécier la vraisemblance de la validité du brevet (6). La première tendance correspond à une lecture littérale du texte de loi, qui implique en pratique un examen de la titularité du brevet. Foi est due au titre selon cette approche et une analyse de la validité ne peut être opérée que dans le cas où une nullité manifeste du brevet serait alléguée en défense. Une telle lecture est conforme à la Directive de 2004 et vient faciliter l’octroi d’une mesure pour le titulaire du brevet. La seconde tendance jurisprudentielle correspond à une lecture plus extensive du texte. Celle-ci amène, sous couvert de l’examen du sérieux de la demande, à analyser la validité du brevet en cause directement au stade du référé. Cette lecture rajoute donc une condition extratextuelle héritée du passé. Une telle position vient indéniablement durcir l’octroi de mesures d’interdiction provisoire. La coexistence de ces deux lectures constitue malheureusement une source d’incertitude judiciaire, tant pour les titulaires de brevets que pour les sociétés en défense. D’autant plus qu’il est possible d’observer que cette divergence jurisprudentielle est liée, non pas à une différence d’interprétation entre Paris et Lyon, comme il aurait été initialement loisible de le penser, mais bien entre différentes sections et chambres de mêmes tribunaux.

Les droits des titulaires de brevets sont-ils affaiblis par cette divergence de jurisprudence ? L’absence d’uniformité de la jurisprudence pourrait bientôt toucher à sa fin. En effet, un pourvoi en cassation a récemment été formé par les sociétés Mylan et Qualimed dans un litige relatif à l’octroi d’une mesure d’interdiction provisoire (7). A cela s’ajoute qu’il est intéressant de constater que la cour d’appel de Paris a récemment rejeté une Question Prioritaire de Constitutionnalité relative aux mesures d’interdiction provisoire, et a affirmé que le fait de demander l’octroi de telles mesures se faisait « aux risques et périls du demandeur » (8). Au vu des divergences de jurisprudence, cette affirmation semble tomber à point nommé.

Ainsi, la coexistence actuelle de deux approches jurisprudentielles contradictoires en matière d’octroi de mesures d’interdiction provisoire (I) rend nécessaire une uniformisation (II).

I. La coexistence de deux approches jurisprudentielles

Il apparaît difficile voire impossible de dresser un portrait cohérent de la jurisprudence, dans la mesure où certaines décisions adoptent une lecture littérale du texte de loi (A), alors que d’autres décisions en adoptent une lecture extensive (B).

A. La lecture littérale : la vraisemblance de la validité limitée à l’examen de la titularité du brevet

Cette approche se fonde sur une appréciation par les juges de l’apparence du titre, entendue comme l’examen de la titularité sur le brevet. Cet examen a trouvé son application dans le cadre de la vérification des cas de nullité manifeste du titre. C’est uniquement dans ce cas précis que le juge statuant en référé va procéder à une analyse de la validité du titre.

La lecture littérale se base sur le principe même du référé qui veut que le juge ne s’attache qu’à l’évidence. Par principe, foi est due au titre, c’est-à-dire qu’il y a une présomption de validité du brevet dès lors que celui-ci a été délivré par un organisme habilité (OEB (9), INPI (10)). Dans un tel cas : l’évidence c’est le titre. Ainsi, selon cette lecture et conformément aux exigences qui s’imposent au juge dans le cadre d’une procédure en référé, il convient pour ce dernier de se limiter strictement à vérifier si les éléments de preuve qui lui sont fournis permettent alors de constater ou non l’apparence d’une contrefaçon. Toute question soulevant un doute sérieux quant à la présomption de validité du brevet dans la cause devant donc être analysée plus tard, lors de l’audience au fond. Ainsi, des questions telles que la présence d’antériorités ou la recherche d’une activité inventive dans les revendications du brevet ne devraient pas être abordées. Cette lecture a notamment été saluée dans un premier temps par la doctrine, pour laquelle la vérification effectuée par le juge dans le cadre du référé devait désormais porter sur la vérification de la titularité du droit (11).

Il peut être constaté que les premières décisions rendues sur le fondement de l’article L 615-3 du CPI en matière pharmaceutique ont adopté cette lecture littérale du texte de loi. Ainsi, l’ordonnance de référé du TGI de Lyon du 21 juillet 2008 (12), confirmée en appel le 20 octobre 2009 (13), énonce que « le contrôle du juge saisi d’une mesure d’interdiction se limite à la constatation de la réalité des droits dont se prévaut le requérant et qu’il n’a pas à se livrer à une analyse critique et approfondie de la validité du brevet allégué, laquelle relève de la juridiction statuant au fond ».

Cette position a été également reprise par le TGI de Strasbourg le 10 mars 2009 (14) et la cour d’appel de Colmar le 22 juin 2010 (15). En tout état de cause, l’ordonnance de référé avait précisé dans cette affaire qu’en accord avec l’esprit et la nature du référé, ne pouvaient être prises en compte que les causes de nullité manifeste du titre. Les juges ne faisaient plus mention de l’ancien texte de loi qui imposait une analyse du sérieux de la demande. L’ordonnance de référé précisait que suite à la reconnaissance de la validité du brevet dans une autre procédure, le défendeur ne pouvait invoquer la nullité du brevet comme argument de défense, alors que par aveu judiciaire la validité avait déjà été constatée. Il est intéressant de noter

6) Pour une lecture littérale: CA Paris, 21 mars 2012, RG n° 11-52963 (CCP en cause) ; pour une lecture extensive : TGI Paris 3e ch., 2e sect., 8 juin 2012, RG 2010/04262, B20120106, (CCP en cause).

7) Pourvoi contre arrêt CA Paris, pôle 1, 3e ch., 15 mars 2011, Mylan Sas et Qualimed Sas c. El Du Pont de Nemours and Co. et, Laboratoires Merck Sharp Snc, 2010/03075 ; PIBD 2011, 943, III-451, (CCP en cause) ; confirmant TGI Paris, Ordonnance de référé, 12 février 2010, EI Du Pont de Nemours and Co. et Laboratoires Merck Sharp Snc c. Mylan Sas et Qualimed Sas (2010/51453 ; B20100236).

8) CA Paris, pôle 5, 2e ch., 6 juillet 2012 Sas Laboratoires Negma c. Sas Biogaran, RG n° 12-05718.

9) Office Européen des Brevets.

10) Institut National de la Propriété Intellectuelle.

11) Jean Christophe Galloux, Recueil Dalloz 2008 p. 711, « Les mesures probatoires, provisoires et conservatoires ».

12) TGI Lyon, Ordonnance de référé, 21 juillet 2008, Mundipharma Laboratories GmbH, Grunenthal GmbH, Sas Laboratoires Grunenthal c. Medochimie Ltd, Farmaceutisch Analystisch Laboratorium Duiven B.v., Sas Mylan, N° RG : 2008-01373.

13) CA Lyon, 20 octobre 2009, Mundipharma Laboratories GmbH, Grunenthal GmbH, Sas Laboratoires Grunenthal c. Medochimie Ltd, Farmaceutisch Analystisch Laboratorium Duiven B.v., Sas Mylan, n° RG : 08-06216.

14) TGI Strasbourg, Ordonnance de référé, 10 mars 2009, Sas Laboratoires Negma c. Sas Biogaran, Minute n° 09-00234.

15) CA Colmar, 22 juin 2010, 1re ch., sect. A, Sas Biogaran, Synteco Spa c. Sas Laboratoires Negma, n° RG : 09-01430.

Page 23: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 23 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

que l’arrêt en appel précise que « la vraisemblance s’apprécie tant dans son élément matériel que dans son élément légal ». L’élément matériel serait la contrefaçon, et l’élément légal la reconnaissance d’un titre de propriété intellectuelle. En effet, dans l’arrêt de la cour d’appel de Colmar, le brevet en cause avait entre-temps été déclaré nul dans une autre procédure. En conséquence, l’arrêt précise alors qu’ « en l’état d’une revendication apparemment abusive, et annulée par un jugement, même frappé d’appel, l’élément légal de la contrefaçon n’est pas suffisamment vraisemblable, et ne justifie donc pas une mesure d’interdiction provisoire ». Cet arrêt colle donc bien à la lettre du référé, puisqu’il se fonde sur une apparence de validité, qui en l’espèce n’existait manifestement pas.

Cette approche a également été reprise à Paris. Ainsi, le TGI de Paris a rendu plusieurs décisions favorables à une telle lecture littérale de la loi, notamment par trois ordonnances de référé rendues le 19 août 2010 (16). Ces ordonnances précisent bien toutes les trois que l’article L 615-3 du CPI ouvre l’action en référé à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon, dès l’instant que la personne justifie être titulaire des droits sur le brevet en cause.

Plus favorable aux titulaires de brevets que sous l’empire de la loi ancienne, cette approche littérale du nouveau texte de loi n’a toutefois pas été suivie par certains juges. En effet, un autre mouvement jurisprudentiel a repris l’ancienne condition de « sérieux » de la demande.

B. L’adoption jurisprudentielle d’une lecture extensive de la vraisemblance de la validité

Certaines juridictions ont continué à se baser sur une analyse du caractère sérieux des contestations avancées en défense par le prétendu contrefacteur. L’une des principales raisons à l’origine de cette jurisprudence a été la volonté d’éviter les abus de la part des titulaires de brevets dont la validité du titre laisserait à désirer. Cette analyse se rapproche de la condition prévue dans l’ancienne législation et selon laquelle pour que le référé aboutisse, l’action au fond devait apparaître sérieuse. Une telle analyse implique tout d’abord une analyse de la validité du titre, puis par la suite une analyse de la vraisemblance de l’atteinte (17).

Dans une ordonnance en référé du TGI de Paris en date du 28 janvier 2011 (18), infirmée en appel le 16 septembre 2011 (19), il a été bien précisé que le juge des référés devait statuer sur les contestations sérieuses élevées devant lui et qui peuvent porter sur la validité du titre. Il s’agit là « d’empêcher l’utilisation de la voie des référés pour obtenir des mesures graves d’interdiction qui fausseraient le jeu de la libre concurrence, sur la base d’un titre trop fragile » (20). Dans une autre affaire, le demandeur a été débouté de sa demande de mesure provisoire d’interdiction au motif

principalement de la contestation de la validité pour défaut d’activité inventive (21). Dans un autre cas encore, le juge tout en reprenant cette lecture extensive a toutefois considéré qu’il n’y avait « pas de doute suffisamment sérieux sur la validité de la revendication principale » (22).

Ayant constaté cette approche jurisprudentielle, certains membres de la doctrine ont émis l’hypothèse selon laquelle, le caractère sérieux de la validité du titre ou de la contrefaçon ne constitue plus aujourd’hui un critère de rejet, mais est devenue une mesure d’appréciation du caractère vraisemblable de l’atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Cette approche est notamment saluée par J. Azema, car elle atténuerait la nocivité des brevets périphériques (23). Toutefois, il parle ici d’une application rigoureuse du droit de la propriété intellectuelle. Or, une application rigoureuse amènerait à appliquer la loi, et rien que la loi, donc à se limiter à l’approche opposée à celle qu’il soutient… Cette approche a ensuite été saluée par J-C. Galloux, qui indique que pour que l’atteinte soit vraisemblable, « il faut que le titre soit vraisemblablement valide, c’est-à-dire valide de manière évidente pour le juge des référés » et pour lequel le demandeur de mesures provisoires ne saurait désormais se contenter d’avancer l’adage « foi est due au titre » (24).

Cette approche diffère cependant du texte de l’article L 615-3 du CPI. De plus, la directive européenne 2004/48/EC prévoyait bien que pour l’octroi d’une mesure provisoire d’interdiction, un examen de la titularité du titre serait à effectuer. En effet, l’article 9 (3) de la Directive précise que le juge saisi de l’affaire peut exiger que la partie qui demande la mesure « fournisse tout élément de preuve raisonnablement accessible afin d’acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu’il est le titulaire du droit ». Ainsi, la vérification porte sur la titularité des droits. Or, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) a décidé qu’ « il appartient à la juridiction nationale de donner à la loi prise pour l’application de la directive, dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national, une interprétation et une application conformes aux exigences du droit communautaire » (25). D’ailleurs, l’article 50 de l’accord ADPIC relatif à l’octroi de mesures d’interdiction provisoire (et sur lequel se fonde la directive pour ce point) prévoyait également une première vérification de la titularité des droits avant l’analyse de l’atteinte au droit. Selon cet article, le demandeur d’une mesure d’interdiction provisoire doit fournir au juge des éléments qui permettent d’ « acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu’il est le détenteur du droit et qu’il est porté atteinte à son droit ». Ainsi, quand bien même l’article L 615-3 du CPI pourrait être interprété par les juges français, sa lecture à la lumière de la directive ne permet pas de confirmer l’approche adoptée par certains juges français qui procèdent à une analyse de la validité du brevet sur lequel le demandeur

16) TGI Paris, Ordonnance de référé, 19 août 2010, Sa Aventis Pharma & Sa Sanfo-Aventis France c. Sas Teva Santé & Teva Pharma B.v., n° RG : 10-56889 (CCP en cause) ; TGI Paris, Ordonnance de référé, 19 août 2010, Sa Aventis Pharma & Sa Sanfo-Aventis France c. Sas Hospira France, n° RG : 10-56902 (CCP en cause) ; TGI Paris, Ordonnance de référé, 19 août 2010, Sa Aventis Pharma & Sa Sanfo-Aventis France c. Intas Pharmaceuticals Limited, n° RG : 10-56899 (CCP en cause).

17) TGI Paris, Ordonnance de Référé 12.02.2010, EI Du Pont de Nemours c/ SNC Laboratoires Merck Sharp, n° RG : 10-51453, (CCP en cause).

18) TGI Paris, Ordonnance de Référé, 28 janvier 2011, Novartis AG, Sas Novartis Pharma c. Actavis Groupe Ptc Ehf, Sas Actavis France, n° RG : 11-50892 (CCP en cause).

19) CA Paris, 16 septembre 2011, Actavis France, Actavis Groupe Ptc Ehf c. Novartis AG, Sas Novartis Pharma, n° RG : 11-02760 (CCP en cause).

20) TGI Paris, Ordonnance de Référé, 28 janvier 2011, Novartis AG, Sas Novartis Pharma c. Actavis Groupe Ptc Ehf, Sas Actavis France, n° RG : 11-50892 (CCP en cause).

21) Ordonnance de référé du TGI de Paris du 21 juin 2011, Novartis AG & Sas Novartis Pharma c. Mylan & Sas Qualimed, n° RG : 11-52963.

22) Ordonnance de référé du TGI de Paris du 10 juin 2011, n° RG : 11/54567, Astra Zenenca c/ Ethypharm.

23) Propriété Industrielle n° 10, octobre 2010, dossier 7, Jacques Azéma, « L’abus dans l’obtention du droit de brevet : “ l’exemple des médicaments génériques” ».

24) Propriétés Intellectuelle, octobre 2009 /N° 33, Jean-Christophe Galloux « Premier bilan de l’application de la loi 2007-1544 du 27 octobre 2007 dite « de lutte contre la contrefaçon ».

25) CJCE, 10 avr. 1984, aff. 14/83, Von Colson et Kamann, points 26 s. : Rec. CJCE 1984, p. 1891.

Page 24: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 24 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

fonde son action, allant ainsi au-delà de l’examen de la titularité requis par la loi. La lecture extensive adoptée par certains juges en est d’autant plus critiquable.

Car, en définitive selon cette lecture extensive, pour que l’atteinte soit vraisemblable, les arguments relatifs à la validité du titre (nouveauté, activité inventive, insuffisance de description) doivent être développés par les parties et faire l’objet d’un examen par le juge. Dans la mesure où elle induit un contrôle plus sévère au stade du référé, cette lecture rend du coup plus improbable l’octroi de mesures d’interdiction provisoire au bénéfice des titulaires de brevets.

II. Vers une nécessaire uniformisation de la jurisprudence ?

A. Les suites incertaines de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mars 2012

Un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 21 mars 2012 (26) est venu affirmer avec force que le juge des référés se doit d’appliquer une lecture littérale de l’article L 615-3 du CPI. Cet arrêt infirme l’ordonnance rendue en première instance par le TGI de Paris le 21 juin 2011 (27) (qui avait rejeté la demande au motif principalement du défaut d’activité inventive) en des termes laissant espérer un changement notoire dans la jurisprudence.

La cour d’appel précise ainsi en premier lieu que « l’atteinte aux droits conférés par le titre est ainsi imminente, sous réserve de la discussion portant sur la validité de ce titre ». S’engage alors une discussion sur la vraisemblance de la validité du brevet, et la cour précise qu’ « un brevet bénéficie d’une présomption de validité », puisqu’il est délivré par des offices de brevets. Dès lors suit une claire condamnation de la lecture extensive, au motif que « l’appréciation du juge des référés ne doit pas conduire celui-ci à se déterminer sur le caractère sérieux de l’action au fond, c’est-à-dire de l’action en nullité du titre lui-même, appréciation que la loi du 29 octobre 2007 a voulu désormais prohiber ; que cette loi a seulement subordonné les mesures de l’article L. 615-3 du CPI au caractère vraisemblable de l’atteinte aux droits protégés et non à la vraisemblance de la validité du brevet dont ils sont issus : que devant le juge des référés, juge de l’évidence, seule la nullité manifeste du titre peut rendre non vraisemblable l’atteinte imminente à ses droits ». Cet arrêt réaffirme donc très clairement le principe voulu par le législateur français et se conforme aux dispositions de la Directive de 2004. La vraisemblance de la validité doit s’apprécier par l’examen de la titularité sur le brevet, et le cas échéant par l’absence de nullité manifeste.

A cet égard, l’arrêt fournit des informations précieuses quant à la manière dont le juge des référés doit constater la vraisemblance de la validité. Selon l’arrêt, « sauf à s’ériger en homme

de science, le juge des référés ne saurait, avec les pouvoirs qui sont les siens » apprécier le caractère manifeste d’une antériorité lorsqu’il convient pour cela de procéder à une « nécessaire interprétation de documents et d’analyses scientifiques ». Ainsi, si le défendeur conteste la validité du brevet, la vraisemblance devrait s’examiner par rapport à ce que le juge des référés en tant qu’homme de droit et non homme de science peut manifestement apprécier. S’il s’avère qu’une analyse technique et scientifique est nécessaire pour trancher sur la validité du brevet, alors cette dernière ne devrait pas être remise en cause au stade du référé mais lors de l’instance au fond.

Cette prise de position a-t-elle porté un coup d’arrêt à la jurisprudence sur la lecture extensive ? Cela n’est pas certain. D’autres décisions semblent encore hésiter, bien que la balance semble pencher du côté de la position rappelée par la cour d’appel de Paris le 21 mars 2012. Ainsi, un jugement rendu par le TGI de Paris le 6 juillet 2012 (28), a précisé que l’analyse de la validité du brevet à laquelle procède le juge avant d’octroyer des mesures provisoires « est limitée à la nullité manifeste du titre, seule susceptible de rendre non vraisemblable l’atteinte aux droits du titulaire ». Toutefois, ce jugement précise également que « la délivrance du brevet par la grande chambre des recours à l’Office européen des brevets n’est pas de nature à démontrer seule son absence de nullité manifeste, le juge n’étant pas lié par les décisions prises par cet organisme administratif ». Il est intéressant de noter ici que si ce jugement reprend bien le critère de la nullité manifeste, il ne considère pas comme suffisant le fait de procéder uniquement à l’examen du titre pour justifier la vraisemblance de son droit sur le brevet. Une position similaire a été retenue dans une ordonnance de référé du TGI de Paris rendue le 3 octobre 2012 et précise bien que « l’appréciation du juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L 615-3 du Code de la propriété intellectuelle, est limitée à la nullité manifeste du titre, seule susceptible de rendre non vraisemblable l’atteinte au droit de son titulaire » (29).

Cependant, une résistance à se conformer à la lecture littérale de la loi a été exprimée dans deux décisions récentes. Tout d’abord, par un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 20 novembre 2012 (30)dans lequel il a été précisé qu’ « il faut vérifier que le brevet opposé a une apparence de validité, sinon l’atteinte aux droits de son titulaire n’est pas vraisemblable ». Alors que cet attendu de principe aurait pu laisser entrevoir une confirmation de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mars 2012, cet arrêt adopte finalement une lecture extensive de la loi. En effet, l’arrêt a apprécié la vraisemblance de la validité, mais entendue comme une validité dépourvue de « contestation sérieuse », et sans faire mention de la nullité manifeste, alors même que la contestation sérieuse est une notion qui ne devrait désormais plus être appliquée au stade du référé. De plus, si ces deux expressions se ressemblent, il n’en demeure pas moins que la « contestation sérieuse » recouvre des situations

26) CA Paris, Pôle 1, ch. 2, 21 mars 2012, Novartis AG & Sas Novartis Pharma c. Mylan & Sas Qualimed, n° RG 11-12942 (CCP en cause).

27) TGI Paris, Ordonnance de référé, 21 juin 2011, n° RG : 11-52963.

28) TGI Paris, 3e ch., 3e sect., Ordonnance du juge de la mise en état, 6 juillet 2012, n° RG : 2012-01870.

29) TGI Paris, Ordonnance de référé, 3 octobre 2012, Société Sanofi c. Société Teva Santé, n° RG : 12-57056.

30) CA Paris, Pôle 1, ch. 3, 20 novembre 2012, Astra Zeneca AB c. Sas Mylan & Sas Ethypharm, n° RG : 11-16328.

Page 25: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 25 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

bien plus larges que la « nullité manifeste ». Si pour déterminer la vraisemblance de la validité, il devait exister une condition supplémentaire à l’examen de la titularité du brevet, cela ne devrait pas être la contestation sérieuse de la validité du brevet, mais bien la preuve manifeste de la nullité du brevet.

Par ailleurs les juges ne semblent pas être allés jusqu’au bout de leur raisonnement dans cet arrêt. En l’espèce, la validité du brevet avait été remise en cause par le défendeur en prenant appui sur des tests, mais ces tests étaient contestés par le demandeur tant sur la méthodologie que sur le fond. Au regard d’une telle contestation, ne pouvant être tranchée qu’au fond, la présomption de validité du brevet n’aurait pas dû être remise en cause.

Enfin, une ordonnance du TGI de Paris rendue le 10 août 2012 s’est également prononcée pour une lecture extensive de l’article L 615-3 du CPI. Le juge a ainsi considéré que la validité du titre devait être appréciée selon le caractère sérieux ou non de la contestation alléguée en défense (31).

Ainsi, alors que l’arrêt de la cour d’appel de Paris avait semblé apporter une solution à la fois raisonnable et articulée à l’incertitude judiciaire existante, les juges persistent à hésiter entre lecture littérale et extensive de l’article L 615-3 du CPI. Or, l’existence même de ces deux tendances porte fortement préjudice à l’ensemble des parties au procès concernant des mesures provisoires, tant demandeurs que défendeurs, puisque ceux-ci n’ont pas de visibilité claire sur la façon dont sera appliquée la loi. En conséquence, une clarification de la mise en œuvre de l’article L 615-3 du CPI s’impose.

B. L’attente d’une prise de position par la Cour de cassation

L’absence d’un arrêt de principe de la Cour de cassation qui viendrait uniformiser les conditions d’octroi d’une mesure d’interdiction provisoire pourrait bientôt être comblée. En effet, plusieurs pourvois en cassation ont été récemment formés.

Tout d’abord, un pourvoi a été formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mars 2012 (32). Cependant suite au désistement de la partie s’étant pourvue, la Cour de cassation ne rendra pas d’arrêt dans cette affaire. Mais tout espoir de clarification n’est pas perdu, car un pourvoi en cassation a été formé par Mylan et Qualimed contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mars 2011 (33).

Quelle va être la position de la Cour de cassation sur l’interprétation de l’article L 615-3 du CPI? En toute logique, la Cour de cassation devrait s’attacher tant à l’esprit qu’à la lettre du texte pour lui donner sa pleine signification, donc toute sa portée sauf à aller à l’encontre de l’interprétation de la directive européenne 2004/48 et de la nature même du référé. Ainsi, il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation se prononce en faveur de la

lecture littérale du texte de loi, tout en conservant le correctif exceptionnel que constitue la nullité manifeste du brevet.

Par ailleurs, il est toujours possible que la Cour de cassation pose une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne pour que soient précisés les critères d’interprétation par les juges français de la directive 2004/48/CE.

C. En attendant : une action aux « risques et périls » du demandeur

Un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 6 juillet 2012 (34) souligne bien que demander une mesure d’interdiction provisoire se fait aujourd’hui « à ses risques et péril ». En l’espèce, suite à une ordonnance de référé (35) infirmée en appel (36), un demandeur en mesure d’interdiction provisoire avait été condamné à rembourser au défendeur le dommage causé par la mesure (en application de l’article 31 alinéa 2 de la loi du 9 juillet 1991 à une mesure prise sur le fondement de l’article L 615-3 du CPI). Le demandeur a alors formé une Question Prioritaire de Constitutionnalité en invoquant le caractère disproportionné de la mesure. Cependant, la cour d’appel a rejeté sa demande au motif que « les dispositions de l’article L 615-3 susvisé ne doivent être mises en œuvre qu’à bon escient et avec un minimum de prudence, le demandeur à l’action devant avoir l’assurance que le brevet qu’il oppose au tiers présumé contrefacteur est juridiquement et techniquement valable et solide ou que les actes de contrefaçon qu’il impute au tiers présumé contrefacteur sont, avec une très forte probabilité, fondés ». L’enseignement à tirer de cet arrêt, précisé par la cour d’appel elle-même, est qu’une telle sanction n’a pas pour but de dissuader le titulaire du brevet de demander des mesures d’interdiction provisoire, mais bien de le responsabiliser en lui rappelant qu’il ne doit pas agir à la légère.

En définitive, les incertitudes qui pèsent actuellement sur la façon dont les juges apprécient la vraisemblance de la validité de brevets lors de l’octroi de mesures d’interdiction provisoire reposent sur la difficulté à concilier des positions antagonistes dans un juste équilibre. Cependant, l’interprétation par trop frileuse adoptée par certains juges a pour conséquence d’interdire à la loi du 29 octobre 2007 de produire son plein effet. L’objectif était pourtant clair : doter les juges d’un outil à la fois meilleur et plus efficace pour lutter résolument contre les contrefaçons.

Gageons que la Cour de cassation, dans sa sagesse, ouvre une voie plus raisonnable mais aussi plus conforme à l’esprit de la loi, suivant en cela l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 mars 2012, mais aussi l’approche adoptée par nos voisins, tant en Europe du Nord (37) que du Sud (38). En effet, le justiciable mérite quelques égards : l’identification et l’utilisation de critères à la fois fiables et prévisibles, ce qui permettrait à la France d’apporter une contribution positive à l’élaboration de la jurisprudence européenne en la matière.

31) TGI Paris, Ordonnance de référé, Société Sanofi c. Société Sandoz, n° RG : 12-55806.

32) CA Paris, Pôle 1, ch. 2, 21 mars 2012, Novartis AG & Sas Novartis Pharma c. Mylan & Sas Qualimed, n° RG 11-12942 (CCP en cause).

33) Pourvoi contre arrêt CA Paris, pôle 1, 3e ch., 15 mars 2011, Mylan Sas et Qualimed Sas c. El Du Pont de Nemours and Co. et Laboratoires Merck Sharp Snc, 2010/03075 ; PIBD 2011, 943, III-451, (CCP en cause) ; confirmant TGI Paris, Ordonnance de référé, 12 février 2010, EI Du Pont de Nemours and Co. et Laboratoires Merck Sharp Snc c. Mylan Sas et Qualimed Sas, 2010/51453, B20100236, (CCP en cause).

34) CA Paris, Pôle 5, ch. 2, 6 juillet 2012, Sas Laboratoires Negma c. Sas Biogaran, n° RG : 12-05718.

35) TGI Strasbourg, Ordonnance de référé, 10 mars 2009, Sas Laboratoires Negma c. Sas Biogaran, Minute n° 09-00234.

36) CA Colmar, 22 juin 2010, 1re ch., sect. A, Sas Biogaran, Synteco Spa c. Sas Laboratoires Negma, n °RG : 09-01430.

37) Landesgericht München (TGI de Munich), 24 novembre 2011, Az. 7 O 22100/10.

38) Barcelone, ch. Com, 17 mai 2012, Astellas Pharma Inc., Astellas Pharma SA, Boehringer Ingelheim c. Laboratoire Q-Pharma, Linfa, Sandoz Pharmaceuticals, Mylan et autres.

Page 26: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 26 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Parmi les grands blocs de réglementation nouvelle s’imposant aux professions de santé ainsi qu’aux industriels du secteur, il en est un dans lequel la France a manifestement une « longueur d’avance » sur la plupart des autres pays occidentaux : le traitement des données de santé et notamment leur hébergement.Cette question prend un relief tout à fait particulier dès lors que l’on réfléchit au sort des données de santé, une fois rappelé que, dans un monde où le « Cloud Computing » est la réponse la plus flexible au phénomène que les Anglo-Saxons appellent désormais le « Big Data », à savoir l’échange de données de plus en plus massives aux quatre coins du monde (2), et que la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) est l’un des plus grands fers de lance dans le monde de la protection des données personnelles.Ce ne sont bien entendu pas des données « comme les autres », dans la mesure où elles sont éminemment privées, et qu’elles rentrent par définition dans la catégorie des données dites « sensibles » telles que la réglementation européenne et française en matière de protection des données personnelles l’entend.Les autorités sanitaires françaises ont rappelé que la réflexion sur la protection des données de santé dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) se justifie à la fois par « la nécessité croissante de coordonner les soins et par l’émergence de nouveaux modèles économiques de gestion, comme l’hébergement de données de santé (3) ».Ce qui change par rapport à d’autres réglementations de santé publique à l’étranger, c’est qu’en France, l’hébergeur de données de santé doit obtenir un agrément du ministère de la Santé (ASIP Santé).C’est donc peu de dire qu’en France, « la rencontre des nouvelles technologies de l’information et de la communication avec la médecine métamorphose l’organisation des soins et la relation médecin/patient (4) ». Toute la question est alors de savoir si, et dans quelle mesure, cette « rencontre » impacte réglementairement parlant les acteurs, industriels, prestataires de services qui, à un moment ou à un autre, collectent, reçoivent, traitent, transfèrent des données de santé dans le cadre de leur process d’exploitation, puisqu’à la clé il y a une obligation d’agrément. L’émergence de la télémédecine est

bien entendu tout particulièrement visée, mais dès lors qu’un acteur commercialise des services ou des produits qui font l’objet d’une prescription médicale permettant de « remonter vers le patient », la question est en réalité posée.Et il n’est pas toujours facile à cet égard d’apporter une réponse immédiate, tant les zones d’ombre sont nombreuses. Tout d’abord, qu’est-ce qu’une donnée de santé ? Quand y a-t-il hébergement de telles données ? A partir de quel moment/stade une société opérant dans le secteur est-elle concernée ? Que faire pour obtenir l’agrément ou travailler avec un hébergeur agréé ?Pour tenter d’y répondre, il convient tout d’abord de procéder à un rappel des réglementations applicables (I) avant de s’interroger sur le principe de la nécessité d’un agrément (II), avant d’examiner la procédure d’agrément (III) et quelques pistes en matière de contractualisation avec un hébergeur agréé (IV).

I. Les réglementations applicables

A. Défi nition des données de santé à caractère personnel

1. Définition des « données à caractère personnel »

L’hébergement de données de santé à caractère personnel pose au préalable une difficulté de définition. Il n’existe pas en effet de liste précise des données de santé à caractère personnel (5), ni même de définition de celles-ci.Au sens de l’article 2 de la Directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, on entend par « données à caractère personnel » « toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification, à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».D’autres éléments d’identification peuvent être cités tels que les listes nominatives ou d’autres fichiers (ex. : numéro de téléphone, initiales du nom et du prénom ou numéro d’ordre renvoyant à une liste nominative de référence même établie sur support papier, prélèvement biologique

1) L’auteur souhaite remercier Mesdames Claire Korsonski et Laura Picoulet pour leur participation à la rédaction de cet article.

2) « Big Data » : à l’aube de l’an 2020, il y aura 10 400 milliards de gigaoctets de données déversées sur internet tous les mois. Le « cloud computing » permet l’hébergement à distance de toutes ces données – in « Vertigineux Big Data », Le Monde du 26/12/2012.

3) Comment organiser aujourd’hui en France la protection des données de santé, Revue de droit sanitaire et social, 2010 p. 208, Jeanne Bossi (Secrétaire Générale de l’ASIP Santé).

4) L’Union européenne et la télésanté, Nathalie Ferraud-Ciandet, Revue trimestrielle de droit européen, 2010 p. 537.

5) Lamy droit du Numérique 2012, Comment gérer un traitement de données personnelles.

L’hébergement des données de santé à caractère personnel :

la question de l’agrémentDaniel Kadar, Avocat Associé, Reed Smith (1)

Page 27: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 27 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

identifiant...) ou recoupement d’informations, surtout si l’échantillon de population concerné est restreint (ex. : date et lieu de naissance, commune de résidence, pathologie rare...).La définition des données personnelles qui est donnée à l’article 2 de la loi Informatiques et Libertés du 6 janvier 1978 est très proche de l’acception en droit communautaire. Au sens de cette loi : « Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. La personne concernée par un traitement de données à caractère personnel est celle à laquelle se rapportent les données qui font l’objet du traitement. »

En conséquence, un fichier de recherche ne saurait être considéré comme anonyme au seul motif qu’il ne comporterait pas de noms. Le caractère « personnel » tient au fait que cette donnée permet une identification, de façon directe ou indirecte (6).

2. Définition des « données de santé »

Quant à la définition de « données de santé », si l’on se réfère à l’article L. 1111-7 du Code de la Santé Publique qui définit les informations relatives à la santé, celle-ci est large, ce qui est confirmé par l’emploi de l’adverbe « notamment ». L’article énumère en effet de façon non exhaustive « des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers ».L’avis de la Conférence Nationale de la Santé du 19 octobre 2010 (7) définit les données de santé comme « des informations sur l’état de santé et les maladies d’un individu ou d’une population donnée mais aussi sur des éléments qui peuvent déterminer l’état de santé et les maladies (facteurs de risques médicaux, biologiques ou génétiques ; comportements de santé ; consommation des soins ; positions sociales ; conditions de travail ; conditions de vie ; environnement physique de l’habitat...) ».La Cour de Justice des Communautés européennes a, dans son arrêt du 6 novembre 2003 (8), considéré qu’au sens de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, « il convient de donner à l’expression données relatives à la santé employé à son article, paragraphe 1, une interprétation

large de sorte qu’elle comprenne des informations concernant tous les aspects tant psychiques que physiques de la santé d’une personne ». D’après cette jurisprudence, « l’indication du fait qu’une personne s’est blessée au pied et est en congé de maladie partiel constitue une donnée à caractère personnel relative à la santé au sens de l’article 8 de la directive ». Dans sa délibération n°97-008 du 4 février 1997 portant adoption d’une recommandation sur le traitement des données de santé à caractère personnel, la CNIL (9) disposait que « considérant que la collecte et le traitement de données qui sont directement ou indirectement nominatives à l’égard du patient ou du professionnel de santé concerné, doivent respecter les dispositions protectrices de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et doivent en particulier faire l’objet de formalités préalables auprès de la CNIL ».

B. Réglementations

1. Réglementations générales en matière de données de santé à caractère personnel

a) En droit international et en droit communautaire

La convention du conseil de l’Europe pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 29 janvier 1981 instaure des « catégories particulières de données » et vise dans son article 6 « les données à caractère personnel relatives à la santé ». Cette convention, sur le modèle de la loi de 1978 pose un principe d’interdiction du traitement de ces données sauf « garanties appropriées » adoptées dans le droit national de chaque Etat signataire.En droit communautaire, les données de santé ont également acquis un statut de « données sensibles ». C’est par la directive (10) 95/46/CE que le droit communautaire s’est emparé de la protection des données de santé en les qualifiant de données sensibles. A l’instar du droit international, la directive a posé un principe d’interdiction du traitement de ces données assorti d’un certain nombre de tempéraments.

b) En droit interne

Les données de santé n’ont pas été intégrées dans la loi Informatique et Libertés originelle en 1978. A cette date, la loi a réservé une protection particulière à certaines données dites « sensibles » (origines raciales, opinions politiques, religieuses…). Mais les données médicales ne figuraient pas au nombre de ces données sensibles.Comme le souligne un auteur (11), le législateur de 1978 a davantage protégé les libertés que la vie privée.En 1994 et 1999, une première étape est franchie puisque la loi Informatique et Libertés a fait l’objet de deux modifications introduisant un

6) Avis 19 octobre 2010, Conférence Nationale de la Santé.

7) Avis 19 octobre 2010, Conférence Nationale de la Santé : Les données de santé sont des informations sur l’état de santé et les maladies d’un individu ou d’une population donnée mais aussi sur des éléments qui peuvent déterminer l’état de santé et les maladies (facteurs de risques médicaux, biologiques ou génétiques ; comportements de santé ; consommation des soins ; positions sociales ; conditions de travail ; conditions de vie ; environnement physique de l’habitat...).

8) CJCE 6 novembre 2003, n° C-101/01, Bodil Lindqvist.

9) Délibération de la CNIL n° 97-008 du 4 février 1997.

10) Directive 95/46/CE Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

11) Revue Lamy droit de l’immatériel, janvier 2008 n° 34, Maitre Jean-Marie JOB.

Page 28: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 28 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

chapitre portant sur les « Traitements de données à caractère personnel ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé » et un autre sur les « Traitements de données de santé à caractère personnel à des fins d’évaluation ou d’analyse des pratiques ou des activités de soins et de prévention ».Ce n’est que par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui a transposé la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 que les données médicales ont été élevées dans la loi Informatique et Libertés au rang de données sensibles (12). Ainsi, en principe et en vertu de l’article 8 de la loi de 1978, il est interdit de « collecter ou de traiter des données à caractère personnel relatives à la santé » ; certaines dérogations légales sont néanmoins prévues notamment au regard de la finalité du traitement qui peut l’exiger (article 8 II de la loi de 1978).Pour compléter ce dispositif relatif à la collecte et au traitement des données personnelles, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades a instauré la procédure particulière d’agrément des hébergeurs de données de santé à caractère personnel. Cette procédure d’agrément était censée entrer en vigueur le 4 janvier 2006 (13), date de parution du décret d’application des dispositions issues de la loi de 2002, mais a fait l’objet de mesures transitoires jusqu’en 2009. Un décret du 15 mai 2007 (14) relatif à la confidentialité des données conservées sur support informatique et échangées par voie électronique est venu compléter le dispositif réglementaire.

2. Réglementation particulière en matière de télémédecine

A côté des réglementations générales, celle relative à la télémédecine a eu tendance à se développer au cours des dernières années.La télémédecine a récemment connu un essor qui va croissant, d’une part pour répondre à l’inégale répartition géographique des médecins permettant d’assurer un relais médical dans des zones qui sont peu médicalisées, d’autre part pour surveiller à domicile certaines maladies chroniques, et enfin pour obtenir des avis très spécialisés. La télémédecine a vocation à permettre de réaliser un acte médical traditionnel dans des conditions favorisant l’accès aux soins, leur qualité et leur sécurité (15). De façon topique, les données de santé à caractère personnel recueillies à l’occasion de cette activité médicale doivent de ce fait être traitées de manière particulière.

a) En droit communautaire

La réglementation communautaire s’intéresse de près, depuis plus d’une décennie, à la protection des données personnelles dans les Technologies de l’Information et de la Communication : la Directive E-Commerce 2000/31/EC s’applique aux Services de la Société de l’Information (TIC) et contient des dérogations spécifiques en matière de santé publique. La Directive 2002/58/CE du 12 juillet

2002 « Vie Privée » (16) rappelle pour sa part le principe de base suivant lequel les Etats membres doivent garantir, par la législation nationale, la confidentialité des communications effectuées au moyen d’un réseau public de communications électroniques. Enfin, une directive récente est à signaler et relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers. La directive dite « soins frontaliers » du 9 mars 2011 (17) s’inscrit dans une démarche active de promotion de la santé en ligne (18).Dans son considérant n° 57, l’Union européenne témoigne sa volonté « de réaliser l’interopérabilité des services de santé en ligne tout en respectant les réglementations nationales relatives à la prestation de services de soins de santé adoptées aux fins de protéger le patient (19) ». L’Article 7(7) de cette Directive vise expressément la télémédecine.L’UE joue donc un rôle fédérateur pour le développement des TIC en matière de santé entre les Etats membres.

b) En droit interne

La télémédecine a été définie pour la première fois en droit interne dans la loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HSPT) du 21 juillet 2009, intégrée au Code de la Santé publique.L’article L. 6316 du Code de la Santé publique définit à cet égard la télémédecine comme « une pratique médicale à distance mobilisant des technologies de l’information et de la communication ». Le décret d’application de la loi HPST, publié en octobre 2010, est venu préciser les conditions de mise en œuvre et d’organisation de la télémédecine. Celles-ci sont désormais inscrites au sein des articles R. 6316-1 à R. 6316-9 du code de la santé publique. L’article R. 6316-1 précise que les actes médicaux suivants relèvent de la télémédecine :

- la téléconsultation : « il s’agit d’un acte médical réalisé en présence du patient qui dialogue à distance avec le médecin sollicitant et ou le médecin sollicité, par l’utilisation de systèmes de télécommunications synchrones ou asynchrones : téléphonie, visioconférence, messageries, sites web spécialisés» ;- la téléexpertise : « C’est une aide à la décision médicale apportée à un médecin par un autre médecin situé à distance à partir d’éléments d’informations médicales de caractère multimédia » ; - la téléassistance médicale : Il s’agit de l’hypothèse ou un médecin assiste un autre médecin ou un autre professionnel de santé qui réalise un acte médical ou chirurgical, un acte de soins ou d’imagerie (ex. : la téléchirurgie à l’aide de robots spécialisés) ;- la régulation médicale (les médecins des centres 15 établissent par téléphone un premier diagnostic afin de déterminer et de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature de l’appel).

12) Article 8 de la loi Informatiques et libertés.

13) Décret du 4 janvier 2006 n° 2006-6.

14) Décret du 15 mai 2007 n° 2007-960.

15) « Télémédecine et responsabilité juridiques engagées », Direction générale de l’offre de soin, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, 18 mai 2012.

16) Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques.

17) Directive 2011/24/UE relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers

18) L’appréhension juridique de la relation de soin au prisme des nouvelles technologies, Claire DEBOST, Jurisdoctoria n° 8, 2012 p. 109.

19) Considérant 57, Directive 2011/24/UE.

Page 29: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 29 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Comme le souligne un auteur, « le nombre et le type d’applications ou de services et produits de télémédecine paraissent illimités (20)». A cet effet, l’article R. 6316-10 du Code de la Santé publique dispose que « les organismes et les professionnels de santé utilisateurs des technologies de l’information et de la communication pour la pratique d’actes de télémédecine s’assurent que l’usage de ces technologies est conforme aux dispositions prévues au quatrième alinéa de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique relatif aux modalités d’hébergement des données de santé à caractère personnel. Le consentement exprès de la personne, prévu au premier alinéa de ce même article L. 1111-8, peut être exprimé par voie électronique. »Ainsi, le décret inscrit la télémédecine dans le droit commun des activités médicales, y compris pour les droits des patients (21).

C. L’hébergement des données de santé prévu par les dispositions de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique

1. Définition d’un hébergeur de données de santé

L’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique donne une définition des plus vastes de l’activité d’hébergement : que « les professionnels de santé ou la personne concernée peuvent déposer des données de santé à caractère personnel, recueillies ou produites à l’occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet.»La très large définition des « données de santé à caractère personnel » implique que l’activité d’hébergement des données de santé et la procédure qui lui est attachée risque d’avoir un champ d’application également très vaste.

Ainsi, deux questions se posent.

Celui qui reçoit des données est-il automatique-ment un hébergeur de données de santé ? Toute personne qui reçoit des données de santé n’a pas vocation à pouvoir les conserver, les traiter, les sécuriser… tout simplement à pouvoir les héber-ger. A cet égard, la question s’est posée de savoir si les compagnies d’assurances qui reçoivent des données de santé peuvent les conserver à des fins de preuve - donc « héberger sans pour autant être agréé » (22).

L’ASIP Santé a précisé les concernant que « le champ d’application de la procédure d’agrément s’applique à toute base de données recueillies ou produites à l’occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins : recherche, secteur assurantiel. (23)»

De ce fait, celui qui reçoit des données de santé n’est pas automatiquement un hébergeur de données de santé : il faut que cette réception

soit en lien avec des « activités de prévention, de diagnostic ou de soins ».

Tout hébergeur de données de santé doit-il être agréé ? Cette question plus large sera traitée ci-après (cf. A à C du II) et mérite une réponse nuancée en fonctions des circonstances de l’espèce.

2. La nécessité d’un consentement de la personne concernée à l’hébergement

a) Le principe du consentement

Suivant les dispositions de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique, l’hébergement de données à caractère personnel ne peut avoir lieu qu’avec le consentement de la personne concernée.Le patient doit être informé des conditions d’utilisation de ses données et des droits qui lui sont reconnus par la loi Informatique et Libertés (droit d’accès, de rectification et d’opposition). Il doit être informé notamment des modalités selon lesquelles les professionnels de santé et les établissements de santé peuvent être autorisées à accéder à ces données ou en demander la transmission.Cette information doit être suffisamment complète, claire et explicite pour permettre au patient d’exercer ses droits. (24)Selon l’article R. 6316-10 du Code de la santé publique, ce consentement doit être exprès et peut être exprimé par voie électronique.

b) Rares exceptions en pratique au principe

Article L. 1111-8 alinéa 5 du Code de la santé publique. -L’article 1111-8 alinéas 5 du Code de la santé publique prévoit une exception à la nécessité d’obtenir le consentement de la personne concernée pour les professionnels et établissements de santé qui utilisent leur propre système ou des systèmes appartenant à des hébergeurs agréés dès lors que l’accès aux données détenues est limité au professionnel de santé ou à l’établissement de santé qui les a déposées, ainsi qu’à la personne concernée. Cela signifie que pour tout accès par un autre professionnel de santé (par exemple un second médecin), l’accès nécessiterait l’accord exprès de la personne. En pratique, les professionnels de santé se dispenseront rarement du consentement de la personne, afin de permettre « l’accès aux professionnels de santé ou établissement de santé qui prennent en charge les personnes concernées et qui ont été désignées par ces dernières» (25).

Article L. 1110-4 du Code de la Santé publique. -L’article 1110-4 du Code de la Santé publique prévoit également une exception concernant l’échange de données médicales relatives à un patient, entre deux ou plusieurs professionnels de santé, lorsque cet échange a pour but de favoriser la prise en charge de la personne concernée. (26)Dans cette hypothèse, l’exception de consentement

20) Confidentialité et sécurité pour les applications de télémédecine en droit européen, Jean Herveg, Lex Electronica, vol. 12 n° 1, printemps 2007.

21) Site du ministère des Affaires sociales et de la Santé.

22) L’hébergement de données de santé : des textes à la pratique, Gazette du Palais 23 juillet 2011 n° 204 p. 21.

23) L’hébergement de données de santé : des textes à la pratique, Gazette du Palais 23 juillet 2011 n° 204 p. 21.

24) Lamy droit de la santé, Partie 2, Section 2, § 2 Modalités de la communication.

25) Article 1111-8 alinéa 7.

26) L’article 1110-4 du code de la Santé publique pose 3 conditions : l’échange d’informations doit avoir lieu entre professionnels de santé, la personne concernée doit en être dûment avertie et ne doit pas avoir formulé d’opposition à cet échange, l’échange de données doit être justifié par la « continuité des soins » ou la détermination de la meilleure prise en charge sanitaire possible.

Page 30: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 30 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

du patient concerne l’utilisation des données de santé à caractère personnel entre professionnels de santé et non pas l’hébergement de celles-ci qui nécessite toujours le consentement du patient sauf hypothèse de l’article 1111-8 alinéa 5 du Code de la Santé publique.

C. Les sanctions

Le défaut d’agrément expose l’hébergeur a une sanction pénale prévue par l’article 1115-1 du Code de la Santé publique qui punit ce fait de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.Le défaut d’agrément entraîne également la nullité du contrat d’hébergement.En outre, la CNIL peut sanctionner un hébergeur si des inexactitudes sont révélées postérieurement à l’agrément.

La CNIL a ainsi prononcé en 2011 un avertissement à l’encontre d’un hébergeur de données de santé au sujet d’une déclaration mensongère contenue dans son dossier de demande d’agrément. En l’espèce, la société prétendait chiffrer les données médicales hébergées, ce qui lui avait permis d’obtenir l’agrément. Or, cette déclaration était mensongère.

II. Le principe de la nécessité d’un agrément

On pourrait considérer que le souci d’assurer la pérennité et la confidentialité des données médicales de santé, dans le respect de l’intimité de la vie privée et de la liberté des personnes ainsi que du secret professionnel (27), est d’ores et déjà assuré par la réglementation applicable aux données personnelles. Par ailleurs, l’élévation des données de santé au rang de données sensibles fait que celles-ci font l’objet d’une attention toute particulière car leur traitement fait l’objet, en France, sui generis, d’une procédure de demande d’autorisation auprès de la CNIL et non pas d’une procédure de simple déclaration.Formalisme déclaratif lourd, entrée en ligne de compte de la protection par le secret professionnel… Il aurait sans doute suffi de recourir à un système prudentiel et à des chartes de qualité, comme c’est le cas pour le « Cloud Computing » en général, pour organiser le dépôt et la conservation (28) des données de santé à caractère personnel auprès d’hébergeurs.Telle n’est pas la voie qui a été retenue : le législateur français a imposé une procédure d’agrément qui est lourde comme on va le voir (cf. III) et qui est de surcroît étroitement contrôlée et limitée dans le temps.Dès lors, la seule question qu’il importe de se poser pour un acteur dans le domaine de la santé amené à héberger des données de santé, est, avant d’examiner les contours de la procédure d’agrément (3) et la contractualisation avec un hébergeur agréé (cf. IV), s’il doit passer par les fourches caudines de l’hébergement agréé. La réponse est moins aisée qu’il n’y paraît.

A. L’exception : l’hébergement des données de santé sans agrément

Par principe, l’hébergement des données de santé à caractère personnel est conditionné à l’obtention d’un agrément, par l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique.

Il existe toutefois quelques tempéraments à cette exigence.

1. Le professionnel de santé héberge lui-même les données de santé

Le professionnel héberge lui-même les données des patients pour lesquels il intervient dans le cadre des activités de prévention, de diagnostic ou de soin. Dans cette hypothèse, l’agrément n’est pas requis (29) puisque celui qui recueille les données est celui qui les héberge : c’est le cas lorsqu’un hôpital conserve les dossiers médicaux de ses patients.

2. Les prestataires de service de santé à domicile (PSAD) (30) et les distributeurs de dispositifs médicaux

Les données de santé à caractère personnel que doit collecter le PSAD (31) sont des données issues de dispositifs médicaux et ou produites ou recueillies par les salariés intervenant pour le compte d’un PSAD. Ces personnes salariées sont soit des professionnels de santé, soit des techniciens, en fonction des actes à effectuer au domicile de la personne.Les données recueillies sont ensuite ordonnées dans un dossier de suivi tenu par le distributeur ou le PSAD.Il résulte de l’article D. 5232-10 du Code de la Santé publique que le « prestataire de services et le distributeur de matériels assurent une prestation globale comportant de façon indissociable l’ensemble des éléments définis par arrêté du ministre chargé de la Santé ». En application de l’article 1er 8° de l’arrêté du 19 décembre 2006 (32), la délivrance des matériels et services recouvre « l’établissement de documents nécessaires à la personne et, pour chaque personne prise en charge, un dossier contenant tous les éléments permettant le suivi de la personne, du matériel et service délivré ».L’arrêté du 19 décembre 2006 impose aux PSAD et distributeurs de dispositifs médicaux d’assurer « le contrôle de la bonne utilisation du matériel, le rappel éventuel des informations, en coordination avec l’équipe médicale et les auxiliaires médicaux en charge de la personne ».

Plusieurs cas de figure ont été définis par l’ASIP Santé à cet égard.

a) Données conservées localement par le PSAD

Les données recueillies par le PSAD sont soit produites par le dispositif médical et récupérées

27) Article 226-13 et 226-14 du Code pénal et article 226-21 du Code pénal qui prévoient que : « Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l’occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l’acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en œuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.»

28) Décret n° 2006-6, 4 janvier 2006, articles R 1111-9 à R 1111-16 du Code de la Santé publique.

29) Foire à questions, E-santé (question 3).

30) Note juridique relative à l’hébergement des données de santé à caractère personnel aux dossiers détenus par les PSAD et les distributeurs de DM, esanté.gouv le 21/03/2012.

31) Site SYNALAM, syndicat des prestataires de service de santé à domicile : les PSAD proposent une large gamme de services et prestations médicotechniques qui s’articulent autour de 3 axes : la prise en charge à domicile des pathologies chroniques, la mise en œuvre à domicile de traitements ambulatoires spécifiques et la mise à disposition d’aides techniques aux personnes en situation de dépendance ou de handicap en vue de leur maintien à domicile.

32) Arrêté du 19 décembre 2006 définissant les modalités de la délivrance mentionnées aux articles D. 5232-10 et D. 5232-12 et fixant la liste des matériels et services prévue à l’article L. 5232-3 du code de la Santé publique.

Page 31: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 31 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

par le PSAD à l’aide son PC portable, soit produites par le professionnel de santé ou le technicien puis consignées dans le dossier informatisé du patient. Ces données sont ensuite envoyées par compte rendu papier au prescripteur.

Dans ce cas, si le PSAD conserve les seules données de santé à caractère personnel qu’il a recueillies ou produites au sein de dossiers informatisés conservés localement dans son propre système, il ne peut être considéré comme un hébergeur de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique.Il en est de même pour le médecin itinérant qui conserve seul les données recueillies, sur son ordinateur portable, à l’occasion de sa visite à domicile et qui n’a donc pas besoin d’agrément.

b) Données échangées par le PSAD et le professionnel de santé

Si le prescripteur peut seulement accéder en consultation au dossier de suivi sans possibilité d’alimenter le dossier tenu par le PSAD, le PSAD n’est pas en situation d’hébergeur de données de santé à caractère personnel.

En revanche, si le prescripteur accède au dossier de suivi de la personne concernée et alimente ce dossier de données de santés relatives à la personne concernée, on se retrouve dans un cas de dossier partagé entre le PSAD ou le distributeur de DM et le prescripteur contenant des données produites par chacun d’eux. Le prescripteur est un établissement de santé, soit un professionnel de santé, qui dépose des données de santé à caractère personnel dans le dossier suivi par un tiers : le PSAD ou le distributeur de DM.Dès lors que le professionnel de santé alimente le dossier tenu par le PSAD ou le distributeur de DM, ces derniers devront être considérés comme hébergeurs au sens de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique.

c) Le PSAD ou le distributeur de DM font appel à un tiers hébergeur

Le PSAD ou distributeur de DM peut choisir de faire héberger ses dossiers de suivi auprès d’un prestataire tiers pour garantir la conservation des dossiers dans des conditions optimales.Dans ce cas, le PSAD ou le distributeur de DM responsable de traitement vont faire appel à un tiers technique pour l’hébergement des données.Ce prestataire qui conservera les données de santé pour le compte du responsable de traitement devra être agréé par le ministre en charge de la santé pour l’hébergement de données de santé à caractère personnel.

B. En principe donc, toutes les autres hypothèses seraient soumises à agrément

Ce n’est que lorsque les données de santé sont confiées à un tiers que se pose la question de l’agrément de celui-ci.

Il est possible de distinguer trois situations différentes, que nous illustrerons ci-dessous.

Ces 3 hypothèses existent au regard de l’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique qui énonce que les parties au contrat sont d’une part un professionnel de santé, un établissement de santé ou le patient et d’autre part l’hébergeur. Ainsi la première hypothèse classique est celle de la conclusion d’un contrat d’hébergement avec soit un professionnel de santé, un établissement de santé ou un patient et un hébergeur classique, c’est-à-dire le plus souvent un professionnel de l’informatique (cf. hypothèse du b).

Toutefois d’autres hypothèses ont émergé de la pratique. Comme le confirme l’ASIP Santé, l’hébergeur peut être un établissement de santé (33). Dès lors, le contrat d’hébergement peut être conclu entre un établissement de santé hébergeur et un autre établissement de santé, un professionnel de santé ou le patient lui-même (a).

Enfin, une autre hypothèse est envisagée par l’ASIP Santé. C’est la possibilité pour le professionnel de santé de conclure un contrat d’hébergement avec soit un éditeur de logiciel qui a obtenu l’agrément, soit un éditeur de logiciel qui déléguera à un tiers agréé l’activité d’hébergement (34).

L’agrément est ainsi exigé lorsque le professionnel de santé constitue un hébergeur pour un autre professionnel de santé, lorsque le professionnel de santé délègue l’activité d’hébergement à un tiers, mais également lorsque ce tiers délègue lui-même cette activité.

a) Le professionnel de santé a besoin d’un agrément quand il est hébergeur pour les autres professionnels de santé ou le patient lui-même, c’est-à-dire quand il met à la disposition des professionnels de santé ou du patient, son propre système d’hébergement

Bien que le professionnel de santé n’ait pas besoin d’agrément lorsqu’il héberge les données personnelles de santé de ses propres patients et pour lui-même, il en va différemment dès lors qu’il est hébergeur pour le compte d’un autre établissement. En l’espèce, les données qu’il conserve étant relatives aux patients de ce second professionnel de santé pour lesquels il n’est pas intervenu dans la prise en charge, ce professionnel devra se soumettre à la procédure d’agrément.

C’est le cas par exemple d’un hôpital qui héberge les données de santé relatives aux patients d’un autre hôpital. Les CHU de Nice et de Nantes sont ainsi agréés hébergeurs de données de santé à caractère personnel (35). Le ministre Xavier Bertrand a ainsi accordé, par une décision du 28 décembre 2010, l’agrément au CHU de Nice, qui est ainsi devenu le premier hôpital public agréé « hébergeur de données de

33) FAQ, Question n° 3.

34) FAQ, Question n° 21.

35) Liste des hébergeurs agréés de données de santé à caractère personnel (mise à jour - 3 décembre 2012) : http://esante.gouv.fr/services/referentiels/securite/hebergeurs-agrees

Page 32: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 32 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

santé à caractère personnel » (36). Le CHU a dû mettre en conformité certaines applications dont notamment « eNadis » (dossier médical VIH) et Alzheimer (dossier médical des patients atteints de la maladie d’Alzheimer). Cet agrément lui donne la possibilité de fournir des services à des établissements extérieurs, ce qui induit de nouveaux marchés à caractère industriel.

b) Le professionnel de santé ou le patient lui-même peuvent déléguer cet hébergement à un tiers technologique : le tiers technologique a besoin d’un agrément

Nous sommes dans le cadre classique selon lequel le professionnel délègue l’hébergement des données de santé relatives à ses patients, à un tiers agréé appelé « prestataire de santé ». Il s’agit d’un organisme dont l’hébergement de données est précisément le métier.

En l’espèce, ce prestataire de service d’hébergement conserve des données personnelles de santé relatives à des patients qu’il n’a pas lui-même pris en charge. C’est pourquoi il doit nécessairement être agréé, afin de préserver la sécurité, la confidentialité des données ainsi que les droits des patients du professionnel de santé déposant.

c) Le professionnel de santé conclut soit le contrat avec un éditeur de logiciel agréé, soit il délègue la conclusion du contrat à l’éditeur de logiciel non agréé avec un tiers organisme agréé

Dans l’hypothèse de la conclusion d’un contrat entre le professionnel de santé et l’éditeur de logiciel non agréé, il convient de souligner que les données ne pourront être hébergées et conservées que chez le tiers agréé, avec lequel l’éditeur de logiciel a conclu le contrat d’hébergement.

La définition des cas dans lesquels l’agrément paraît exigé montre qu’il recouvre la quasi-totalité des hypothèses en théorie. L’ASIP Santé – et ceci mérite d’être souligné – a donc décidé de laisser la possibilité à tout organisme intéressé de la consulter, s’il s’interroge sur la nécessité ou non, pour lui, de solliciter l’agrément :« Les candidats potentiels qui s’interrogeront sur la pertinence d’un dépôt de dossier de demande d’agrément doivent adresser leurs requêtes à l’ASIP Santé. »

III. La procédure d’agrément

L’enjeu d’être ou non « éligible » à l’agrément est de taille : la procédure est longue et ardue. Le processus global de traitement d’une demande d’agrément est défini par le décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006 (repris par l’article R. 1111-10 du Code de la Santé publique).

La durée moyenne de la procédure est de 5 à 8 mois (37).

Avant de détailler la procédure, il est important de noter que l’agrément porte sur une prestation particulière ou sur un « modèle de contrats » utilisé par l’hébergeur. Autrement dit, aucun organisme n’est agréé « en général ».

A. Première étape : le contenu de la demande d’agrément

Le dossier de demande d’agrément est constitué à partir d’un ensemble de formulaires standards mis à la disposition du candidat par les pouvoirs publics, sur le site internet institutionnel de l’ASIP Santé. Ces différents formulaires permettent de couvrir l’ensemble du recueil d’information exigé par les dispositions du décret. En complément de ces formulaires de référence, le candidat dispose en outre d’un guide destiné à faciliter la constitution de sa demande, mis à disposition par l’ASIP Santé (38).L’ASIP Santé, en association avec la CNIL, a en effet élaboré un référentiel destiné à l’instruction des dossiers (39). Ce dernier permet une auto-évaluation par les candidats. Le référentiel de constitution de dossier se compose de six formulaires standards à renseigner par le candidat.Aussi, le formulaire « P1 » fournit une présentation détaillée du candidat. Ce dernier doit indiquer non seulement le lieu de son siège social, mais aussi les lieux dans lesquels sera réalisé l’hébergement. De plus, il doit identifier le médecin qui exercera en son sein (cf. F ci-dessous), ses éventuels sous-traitants, de même que les personnes qui, en raison de leurs fonctions, auront accès aux données. Mais des renseignements précis sont également exigés concernant la situation financière (passée et prévue) du candidat.Le formulaire « P2 » fournit les mêmes renseignements que P1, au sujet cette fois du sous-traitant du candidat. Notons que ce dernier renseigne autant de formulaires différents que de sous-traitants qu’il déclare comme participant à son activité d’hébergeur de données à caractère personnel, susceptibles d’avoir accès aux données hébergées.Le formulaire « P3 » décrit les clauses du contrat exigées par les articles R. 1111-12 alinéa 5 et R. 1111-13 du décret du 4 janvier 2006. A nouveau, le candidat doit renseigner autant de formulaires que de types de modèles de contrat qu’il a prévu de conclure avec les personnes physiques ou morales qui sont à l’origine des dépôts des données.Le formulaire « P4 » décrit le service d’hébergement. Il dresse un portrait de l’architecture fonctionnelle et technique du système. Le formulaire « P5 » présente les résultats de l’analyse des risques relatifs à la sécurité du système. Le candidat doit notamment exposer les risques pesant sur le système, ainsi que les mesures mises en œuvre pour les couvrir.Enfin, le formulaire « P6 » décrit les dispositions de sécurité. Il couvre l’ensemble des thématiques associées à la politique de confidentialité et de

36) Site internet Centre Hospita-lier Universitaire de Nice : http://www.chu-nice.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=485 : le-chu-de-nice-1er-hopital-public-agree-hebergeur-de-don-nees-de-sante&catid=64 : com-munique-de-presse&Itemid=139

37) Actualités JuriSanté n° 74 – juillet 2011.

38) Référentiel de constitu-tion des dossiers de demande d’agrément à l’hébergement des données de santé à caractère personnel : « Guide de constitu-tion des dossiers de demande », Asip Santé.

39) http://esante.gouv.fr/services/referentiels/securite/le-referen-tiel-de-constitution-des-dossiers-de-demande-d-agrement-des.

Page 33: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 33 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

sécurité du candidat conformément aux exigences de l’article R. 1111-14 du Code de la Santé publique.Ces obligations déclaratives doivent être complétées par un engagement du candidat à mettre en œuvre un contrôle régulier de son activité d’hébergeur de données de santé à caractère personnel. On parle ici du rapport « d’auto-évaluation », que le candidat s’engage à produire tous les ans au ministre chargé de la Santé, par le biais du formulaire « C1 » (40). Ainsi, si l’auto-évaluation remet en cause le périmètre de l’agrément initial, l’organisme devra déposer une nouvelle demande d’agrément. Le rapport d’auto-évaluation est fourni non seulement annuellement, deux mois avant la date anniversaire de la décision d’agrément par le ministre chargé de la santé, mais également « sur événement », en cas de modification des statuts de l’hébergeur ou de sa structure capitalistique, ou en cas de modification des prestations réalisées (contenu du service et résultats attendus) (41).Le candidat doit également indiquer sa prise en compte du fait qu’il s’expose à des audits diligentés par les autorités publiques dans les conditions des articles L. 1421-2 et L. 1421-3 du Code de la Santé publique. Ces audits pourront être complétés par des tests d’intrusion. L’objectif est ici de contrôler l’application effective des dispositions déclarées par le candidat dans sa demande d’agrément (42). C’est ce qui fait l’objet du formulaire « C2 ».L’hébergeur doit mettre en place des moyens de vérification des habilitations des professionnels de santé. Cela signifie qu’il doit veiller à ce que seul le personnel intervenant dans la prise en charge du patient ait accès aux données. L’article L. 1110-4 du Code de la Santé publique prévoit pour cela une authentification forte des professionnels de santé par l’utilisation d’une carte de professionnel de santé (CPS), pour toute transmission ou tout accès aux données de santé. La CPS est une carte d’identité professionnelle électronique, obligatoire pour l’accès aux données de santé à caractère personnel, notamment dans le cadre du partage de l’information médicale. Elle constitue un instrument essentiel du dispositif de sécurité des systèmes d’information en sécurisant les échanges et le partage des données médicales (43). L’ASIP Santé a défini des référentiels de sécurité spécifiant les standards à utiliser dans le contexte des échanges de données de santé. De plus, l’hébergeur doit journaliser les accès et les actions effectuées par tous les intervenants sur les systèmes et les données de santé, comme en dispose l’article R. 1111-14 du Code de la Santé publique. Il s’agit là d’une exigence de traçabilité, à laquelle veillent, au même titre que le chiffrement des données, l’ASIP et la CNIL.Dès réception, le candidat reçoit un courrier du comité d’agrément lui indiquant la bonne réception de son dossier. Si le dossier est incomplet, par exemple s’il manque un des formulaires auxquels le candidat doit répondre, un courrier lui est adressé afin qu’il complète sa demande.

B. 2e étape : le dépôt du dossier auprès de l’ASIP Santé et le début de l’instruction

L’ASIP Santé a la charge d’instruire les dossiers de candidature. Pour cela, un comité d’instruction interne à l’ASIP Santé a été mis en place en 2009. Il appartient à ce comité de produire, dans un délai de deux mois à compter de la réception du dossier, un rapport détaillé pour chacune des demandes qui lui sont transmises par le comité d’agrément.Le rapport comprend 3 volets (éthique et juridique, sécurité et technique, économique et financier) qui doivent permettre au Comité d’Agrément des Hébergeurs de rendre son avis motivé au ministre chargé de la Santé.

C. 3e étape : l’avis de la CNIL

Parallèlement, la CNIL instruit également le dossier de demande d’agrément dans un délai de deux mois, renouvelable une fois, sur décision motivée de son président. La CNIL s’assure du déploiement par les candidats hébergeurs de solutions de sécurité effectives et de haut niveau et de l’exercice effectif du droit des patients. Son avis porte donc uniquement sur les aspects de sécurité informatique relative au système présenté par le candidat. Elle transmet cet avis au Comité d’agrément.

D. 4e étape : l’avis du Comité d’Agrément des Hébergeurs placé auprès du ministre en charge de la Santé (CAH)

Dans un délai d’un mois suivant la réception de l’avis de la CNIL (délai renouvelable une fois), le comité d’agrément se réunit. Le CAH se prononce sur tous les aspects du dossier, en particulier sur les garanties d’ordre éthique, déontologique, technique, financier et économique qu’offre le candidat, et rend un avis.Cet avis est transmis par le secrétariat du comité d’agrément au ministre en charge de la Santé.

E. 5e étape : la décision du ministre

Le ministre chargé de la santé dispose d’un délai de deux mois suivant la réception de l’avis du Comité d’agrément pour prendre sa décision. A l’issue de ce délai, son silence vaut décision de rejet.Le candidat reçoit un courrier lui notifiant la décision d’agrément ou le refus d’agrément. En application de la loi du 11 juillet 1979, les motifs d’un éventuel refus sont communiqués au candidat. Les décisions d’agrément sont publiées au Bulletin Officiel du ministère de la Santé.L’agrément est délivré pour une durée de trois ans renouvelable selon les modalités de l’article R. 1111-15 du Code de la Santé publique. Les avis du Comité d’agrément, comme ceux de la CNIL, ne lient pas le ministre de la Santé qui prend la décision d’agrément.

Notons que 44 décisions d’agrément ont été rendues à ce jour dans le cadre de cette procédure

40) « Cela nous permet de suivre l’évolution de [son] activité et de vérifier si elle impacte le péri-mètre de l’agrément. Pour une société, en particulier, des modi-fications substantielles pour-raient conduire à une nouvelle demande », déclare Jeanne Bossi, secrétaire générale de l’Asip, http://www.ticsante.com/show.php?id=868&page=story

41) Formulaire C1 : engagement du candidat.

42) Formulaire C2 : engagement du candidat.

43) http://esante.gouv.fr/print/3318

Page 34: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 34 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

par le ministre en charge de la Santé (44).

En outre, le ministre de la Santé peut décider du retrait de l’agrément d’un hébergeur si des manquements graves à ses obligations sont constatés.

F. La question du médecin chez l’hébergeur agréé

Une attention particulière doit être portée au médecin en charge des activités d’hébergement. Celui-ci doit impérativement être désigné et l’absence de désignation constitue un frein certain à l’examen du dossier de candidature.

1. Le statut contractuel du médecin de l’hébergeur

L’article R. 1111-9 6° du Code de la Santé publique exige la présence d’un médecin chez l’hébergeur candidat à l’agrément.Il découle de cette exigence que ce médecin doit être inscrit à l’Ordre des médecins.

L’article indique que le lien contractuel qui lie le médecin à l’hébergeur doit être précisé dans le dossier pour l’obtention de l’agrément. Ainsi, aucune forme contractuelle n’est imposée.Contrat.-

Le « médecin de l’hébergeur » doit être lié contractuellement avec celui-ci, mais il n’est pas obligatoirement un salarié de l’entreprise. Le contrat peut être un contrat de prestation de service (45), dès lors qu’il existe des clauses d’interdiction d’exercice d’activités incompatibles : médecin des assurances ou médecin du travail par exemple.Le contrat liant ce médecin au candidat à l’agrément doit obligatoirement être transmis au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins. L’Ordre vérifie alors que le médecin ne sacrifie pas l’indépendance de son jugement. Lorsque le médecin de l’hébergeur est déjà salarié du candidat à l’agrément, il convient de prévoir un avenant pour insérer ses missions de médecin de l’hébergeur. Le contrat initial ainsi que l’avenant doit être joint au dossier.

Rémunération du médecin et indépendance. -

Concernant la rémunération et conformément à l’article R. 4127-97 du Code de la Santé publique, l’hébergeur s’interdit de lier l’évolution du salaire du médecin à l’accomplissement d’objectifs susceptibles d’altérer son indépendance. Cette rémunération est fixée dans le contrat qui lie le médecin à l’hébergeur (46).

Lorsque le médecin est salarié du candidat à l’agrément, il exerce sa fonction en toute indépendance sur le plan déontologique. Le comité d’agrément précise que cette indépendance interdit au médecin la possibilité d’exercer des fonctions

de direction associées à une rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires (47).

Toutefois, cette indépendance du médecin ne signifie pas qu’il puisse refuser d’exécuter une action qui fait partie de la prestation d’hébergement promise par l’hébergeur. Dans une telle situation, le médecin engagerait la responsabilité de l’hébergeur vis-à-vis du responsable de traitement.

Le médecin agit pour le compte du responsable de traitement et sous l’autorité de l’hébergeur.

Les missions du médecin sont à la fois contenues dans le contrat qui lie le médecin et l’hébergeur mais également dans le contrat d’hébergement qui lie le responsable du traitement et l’hébergeur.

2. Les missions du médecin de l’hébergeur

Il veille à la confidentialité des données de santé à caractère personnel hébergées et au respect des conditions d’accès à celles-ci telles que définies dans la (ou les) prestation(s) d’hébergement. A cette fin, il peut faire toute recommandation utile. Il veille au respect des droits de la personne dont les données sont hébergées. Il s’assure en particulier de l’exercice effectif des droits ouverts au titre de la loi Informatique et Libertés.

Pour l’exercice de ses missions, le médecin accède aux données de santé à caractère personnel hébergées.

Le comité d’agrément dans son rapport précise que « ces missions s’exercent sous réserve de l’organisation prévue dans le contrat de prestation qui lie l’hébergeur au responsable du traitement à l’exception des missions qui imposent l’accès aux données de santé à caractère personnel qui seules peuvent être satisfaites par le médecin ou du moins en sa présence (48).»

Il peut être saisi de toute demande du responsable du traitement ou de toute personne habilitée visant à procéder aux vérifications de cohérence en cas de soupçons de collision ou de doublon au sein des dossiers médicaux. Il accède, à cet effet, aux données de santé à caractère personnel hébergées (49).

G. L’indépendance de cette procédure d’agrément par rapport à la procédure d’autorisation de la CNIL

La procédure d’agrément décrite ci-dessus doit être distinguée d’une autre procédure d’autorisation de la CNIL.

En effet, le traitement de données sensibles ou à risque pour les droits des personnes nécessite l’autorisation préalable de la CNIL, conformément aux articles 25, 54 et 64 de la loi du 6 janvier 1978. La notion de « traitement » recouvre toute opération ou tout ensemble d’opérations portant

44) Asip Santé, actualités mises à jour au 3 décembre 2012 : http://esante.gouv.fr/services/referen-tiels/securite/hebergeurs-agrees

45) Foire aux questions, Asip Santé, Question 14/ La circu-laire du 13 mars 2012 relative au guide méthodologique pour l’élaboration des contrats et des conventions en télémédecine, évoque elle aussi la possibilité d’un contrat de prestation de ser-vice avec le tiers technologique.

46) Voir « Contrat cadre type entre un médecin et un hébergeur de données personnelles de santé », élaboré par le Conseil National de l’Ordre des Médecins.

47) Premier rapport d’activité du comité d’agrément des hébergeurs, 2006-2011, p. 19.

48) Premier rapport d’activité du comité d’agrément des hébergeurs, 2006-2011, p. 20.

49) Actualités JuriSanté, n° 74 – juillet 2011.

Page 35: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 35 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé. En cela, le traitement entre dans l’activité d’hébergement, mais ne doit pas y être assimilé.

Une demande d’autorisation doit alors être effectuée par le responsable de traitement ou par la personne ayant qualité pour le représenter. La CNIL dispose d’un délai de deux mois, renouvelable une fois, pour se prononcer. Son silence vaut décision implicite de refus. Cette décision de la CNIL peut être contestée devant le Conseil d’Etat par le biais d’un recours pour excès de pouvoir.

Notons que le défaut d’autorisation préalable est passible de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, par application de l’article 226-16 du Code pénal.

IV. Contractualisation

La seule alternative à la procédure d’agrément, lorsque celui-ci est requis, est constituée par la contractualisation avec un hébergeur agréé qui fournira la prestation de service d’hébergement.Le contrat d’hébergement et de stockage prévu à l’article L.1111-8 du Code de la Santé publique comprend une location d’un espace dans le disque dur de l’hébergeur et une mise à disposition des capacités de traitement en « temps passant ». Cette prestation émerge sous le nom de « Cloud computing » qui se définit comme « la mise à disposition de ressources informatiques partagées à distance (stockage des données ou puissance de calcul par exemple) repose sur la dématérialisation, l’externalisation, l’archivage et le partage d’informations. Une sorte de livre personnel (…) dont on peut cependant instantanément et à tout moment consulter chacune des pages à travers un réseau public ou privé. (…) Le développement du Cloud suppose le développement des centres de données, data center, utilisant des techniques de virtualisation du stockage de données. (…) Les besoins de stockage et d’accès instantané aux données personnelles (du patient ou du professionnel) en milieu de santé sont exponentielles (50)».

A. Les spécifi cités du contrat d’hébergement

1. Définition et forme du contrat d’hébergement

L’article L. 1111-8 du Code de la Santé publique précise que la prestation d’hébergement quel qu’en soit le support doit faire l’objet d’un contrat fixant notamment les modalités d’accès aux données, accès limité aux personnes concernées et aux professionnels de santé ou établissement de santé qui les prennent en charge et qui sont désignés par ces personnes concernées.Ce contrat d’hébergement doit être écrit et déterminer les modalités de l’hébergement et se conformer aux dispositions de l’article R. 1111-13 du Code de la Santé publique. Cet écrit ne vaut que promesse unilatérale d’héberger les données

de santé à caractère personnel et ne lie pas l’établissement de santé, qui doit recueillir, pour la perfection du contrat, le consentement exprès du patient. Il convient d’indiquer ici que le consentement devra être porté à la connaissance de l’hébergeur car il conditionne la validité du contrat d’hébergement (51). A cet effet, l’article R. 1111-13 du Code de la Santé publique prévoit que le contrat d’hébergement précisera les conditions de recueil de l’accord des personnes concernées par les données s’agissant tant de leur hébergement que de leurs modalités d’accès et de transmission.Dans le cadre de la télémédecine, la communication des données de santé à caractère personnel à un autre professionnel de santé ne pourra se faire sans que le patient soit averti. L’article 1110-4 du Code de la Santé publique énonce que le patient doit être « dûment averti ». Un haut niveau de sécurité des échanges doit également être assuré compte tenu des risques que comporterait la transmission d’informations dégradées ou la divulgation de celles-ci à des tiers. La CNIL considère que les dispositifs de télémédecine doivent garantir, outre l’authentification des professionnels de santé, la confidentialité des données, le chiffrement des données transmises, la traçabilité des connexions, l’intégrité des données et la mise en place d’un archivage sécurisé des données. Les technologies utilisées dans le cadre de la télémédecine (ex. logiciel) doivent être conformes aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité élaborés par l’ASIP-Santé. De fait, le patient devra être averti de la conclusion d’une convention en vue d’un acte de télémédecine (52). Lorsque le traitement fait appel à un hébergeur de données de santé agréé, le consentement exprès du patient à cet hébergement est requis. Il peut être exprimé par voie électronique.Une fois ce consentement obtenu, l’établissement de santé transmet par voie électronique le dossier médical du patient et cet envoi dématérialisé emporte formation du contrat.L’article R.1111-13 du Code de la Santé publique précise les clauses devant se retrouver a minima dans le contrat d’hébergement.Le contrat d’hébergement est soumis à l’appréciation de différents organismes via la procédure d’agrément ; l’omission de l’une de ces clauses devrait empêcher en tant que telle la délivrance de l’agrément.

2. Obligations essentielles du contrat d’hébergement et responsabilité de l’hébergeur

Le contrat d’hébergement est comparé au contrat de dépôt, et à l’image de ce dernier l’hébergeur doit assurer la surveillance et la conservation des données en prenant toutes les précautions utiles pour préserver leur sécurité et leur confidentialité.L’obligation de mise à disposition de cet espace est une obligation de résultat (53).L’hébergeur est soumis à une obligation légale

50) Cloud computing en santé, quelques réflexions, Ordre des médecins, septembre 2012.

51) L’hébergement des données de santé : entre contrat et statut, Isabelle Vacarie, Revue de droit sanitaire et social 2002 p. 695.

52) Circulaire nº 2012-114 du 13 mars 2012 relative au guide méthodologique pour l’élaboration des contrats et des conventions en télémédecine.

Page 36: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 36 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

de confidentialité. L’hébergeur est « débiteur du droit au respect de la vie privée de la personne prise en charge et du secret des informations la concernant. (54)»La CNIL recommande pour assurer la confidentialité des informations sur le réseau le recours systématique à des moyens de chiffrement.Les deux obligations caractéristiques du dépôt sont : l’obligation de restitution et l’obligation de non-utilisation de la chose déposée (55).

Obligation de résultat pour la sécurité du système ?

La défaillance de l’outil informatique devrait pouvoir engager la responsabilité civile de l’hébergeur. Pourtant les obligations sont généralement qualifiées de moyens et il est stipulé une clause limitative de responsabilité.Dans cette perspective, un auteur a pu préciser que « le fournisseur doit garantir la sécurité et la confidentialité des données du client, de son fait ou de celui de sous-traitants qu’il introduit dans l’exécution du contrat. Il est recommandé de stipuler que l’obligation est de résultat quant à la sécurité contre toute altération ou perte des données (56).» Dès lors que l’analyse des risques a été effectuée et que la copie du système se fait en permanence (desaster recovery) on peut estimer que l’obligation doit être de résultat dès lors que plusieurs copies sont chez l’hébergeur.Comme le souligne justement l’ordre des médecins dans un communiqué de septembre 2012, « la sécurité des données sera le socle de viabilité de cette immense construction numérique via la confiance du patient que l’usager lui apportera (57)»

Obligation de résultat pour la restitution des données ? -

Par essence, l’obligation de restitution est une obligation de résultat. L’hébergeur doit restituer les données dans « leur dernier état connu (58) ».Toutefois, un auteur fait remarquer que si l’on se réfère au dépôt, la réponse est plus nuancée et que « le défaut de restitution, la détérioration des données ou encore l’ingérence de personnes non autorisées à en connaître font présumer la faute de l’hébergeur. Mais c’est une présomption simple qui peut être renversée par la preuve d’un événement de force majeure, mais encore par celle de l’absence de faute. En pratique, les détériorations ou disparitions dont la cause est inconnue engageront la responsabilité de l’hébergeur (59)».

Interdiction pour l’hébergeur d’accéder aux données ?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer les deux types de prestataires qui interviennent sur les données de santé à caractère personnel : ceux qui produisent ces données (les professionnels de santé) et ceux qui participent à la gestion technique de celles-ci (l’hébergeur).L’article 16 de la directive « Vie Privée » indique

que le sous-traitant et toute personne agissant sous son autorité, qui accède à des données à caractère personnel, ne peut les traiter que sur instruction du responsable du traitement, sauf en vertu d’obligation légales.Au sens de la directive est responsable du traitement celui qui détermine, seul ou conjointement les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel. On considère que le responsable du traitement est celui qui prend en charge le patient car il est le seul à disposer des compétences requises et que c’est l’organisation de son activité professionnelle qui est en cause (60).De ce fait, il faut comprendre que par principe l’hébergeur n’est pas autorisé à traiter les données qu’il héberge sauf autorisation du professionnel de santé qui a recueilli le consentement du patient. En revanche, l’accès à ces données est inéluctable c’est la raison pour laquelle l’hébergeur est soumis au secret professionnel. Le comité d’agrément précise d’ailleurs sans ambiguïté que le responsable de traitement (le professionnel de santé) « peut requérir son prestataire hébergeur, dans le cadre de son contrat, pour accéder aux données de santé dès lors qu’il estimé nécessaire pour la bonne gestion des données dont il assure le traitement. (61)»Dans cette hypothèse, c’est le médecin de l’hébergeur qui évaluera « la conduite à tenir dans l’intérêt du patient concerné et rendra compte de son action à son employeur et au client sans rupture de confidentialité (62)».Ainsi, l’hébergeur peut sur demande du professionnel de santé accéder aux données, sous le contrôle du médecin de l’hébergeur, qui se porte garant des modalités d’accès.Le régime ci-dessus énoncé s’applique de manière indifférente quelles que soient les parties au contrat d’hébergement (établissement de soins c/ établissement de soins ; établissement de soins c/ un prestataire de service).

3. Clauses permettant d’aménager la responsabilité de l’hébergeur

L’hébergeur doit couvrir toutes les obligations imposées par le décret. Il peut choisir de répartir la couverture de certaines d’entre elles avec ses clients ou avec ses sous-traitants.La répartition des responsabilités entre les tiers technologiques et les établissements de santé ou les médecins est point essentiel dès la conclusion du contrat car elle permet d’organiser et définir les modalités et conditions d’exécution de leurs prestations respectives, la nature de leurs engagements.Le régime ci-dessus énoncé s’applique de manière indifférente quelles que soient les parties au contrat d’hébergement (établissement de soins c/ établissement de soins ; établissement de soins c/ un prestataire de service). Le contrat conclu avec l’éditeur de logiciel mérite à certains égards d’être abordé compte tenu des certaines spécificités (4.2)

53) Contrats informatiques et électroniques, Dalloz Référence 2012/2013 p. 411.

54) L’appréhension juridique de la relation de soin au prisme des nouvelles technologies, Claire DEBOST, Jurisdoctoria n° 8, 2012 p. 122.

55) Article 1915 du Code civil.

56) Contrats informatiques et électroniques, Dalloz Référence 2012/2013 p. 346.

57) Cloud computing en santé, quelques réflexions, Ordre des médecins, septembre 2012.

58) Contrats informatiques et électroniques, Dalloz Référence 2012/2013 p. 343.

59) « L’hébergement des données de santé : entre contrat et statut », Isabelle Vacarie, Revue de droit sanitaire et social 2002 p. 695.

60) La sous-traitance des données du patient au regard de la directive 95/46, Herveg J. et Van Gyseghem J.M., Lex Electronica, n° 3 été 2004.

61) Premier rapport d’activité du comité d’agrément des hébergeurs, 2006-2011, p. 20.

62) Premier rapport d’activité du comité d’agrément des hébergeurs, 2006-2011, p. 20.

Page 37: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 37 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

B. Cas particulier du contrat d’hébergement avec l’éditeur de logiciel agréé ou l’organisme agréé

L’hypothèse est celle ou le professionnel de santé va confier l’hébergement des données de santé à un éditeur de logiciel qui devra être agréé (cette hypothèse est classique dès lors que la conclusion du contrat se fait avec un tiers agréé).Toutefois, à défaut d’être agréé, l’éditeur de logiciel devra déléguer cette prestation d’hébergement à un tiers agréé. Dans ce cas, il y a conclusion d’un premier contrat entre le professionnel de santé et l’éditeur de logiciel non agréé et d’un second contrat entre l’éditeur de logiciel et l’organisme tiers agréé (63).Dans cette hypothèse, l’éditeur de logiciel confie l’hébergement des données de santé à un organisme tiers agréé hébergeur de données de santé.

Contrat conclu entre le professionnel de santé et l’éditeur de logiciel de santé. -

Ce contrat devra mentionner que le logiciel, objet du contrat et les données gérées par le logiciel sont hébergées chez un hébergeur agréé, l’étendue de la prestation pour laquelle l’hébergeur a été agréé.L’éditeur de logiciel réalise la conception, le développement et la commercialisation du logiciel auprès du professionnel de santé. Le logiciel constitue le software tandis que l’architecture du système c’est-à-dire le matériel nécessaire à l’hébergement, le hardware, se situera chez l’hébergeur. En effet « ce système permet de déporter sur un système tiers des données usuellement traitées sur un serveur local (type établissement de santé) ou sur le poste de l’utilisateur lui-même : une sorte de gigantesque ordinateur externe, à capacité évolutive, mis à l’abri, géré et sécurisé par un tiers (64). »

Contrat d’hébergement conclu entre l’éditeur de logiciel non agréé et le tiers agréé (65). -

L’ASIP Santé a précisé que « le contrat d’hébergement conclu entre l’éditeur de logiciels et l’hébergeur agréé doit garantir le respect d’obligations énoncées à l’article R 1111-13 du code de la Santé publique (issu du décret n° 2006-6 du 4 janvier 2006) relatif au contrat d’hébergement, et notamment prévoir les modalités de recueil du consentement de la personne concernée par les données de santé hébergées. »Cette précision implique que l’intervention d’un éditeur de logiciel ne doit pas avoir pour effet d’éluder les obligations mises à la charge de l’hébergeur qui doit être agréé.La conclusion de ces contrats ne reste possible

qu’avec l’agrément de l’hébergeur. Ce label de l’hébergeur est au cœur du dispositif ; c’est lui qui assure et garantit la confidentialité des données de santé transmises en soumettant les hébergeurs au secret professionnel.Dès lors la perte d’agrément retire, de facto, à l’hébergeur toute qualité pour poursuivre son activité de stockage de données médicales. Les hypothèses de pertes d’agrément sont prévues par l’article 1111-8 alinéa 4 quand il y a :

- violation des prescriptions législatives ou régle-mentaires relatives à cette activité,- violation des prescriptions de l’agrément.

En cas de divulgation non autorisée de données de santé à caractère personnel sur support informatique ou de manquements graves de l’hébergeur à ses obligations mettant notamment en cause l’intégrité, la sécurité et la pérennité des données hébergées, le ministre chargé de la Santé peut, à titre conservatoire, dans l’attente qu’il soit statué définitivement sur le projet de retrait d’agrément, prononcer la suspension de l’activité d’hébergement.

Les risques liés à l’obligation ou non de devoir passer par un hébergement de données de santé agréé sont conséquents : le retrait d’agrément équivaut à l’arrêt pur et simple de l’activité.Les enjeux sont eux aussi d’autant difficilement à appréhender qu’ils sont nombreux, et, il faut bien le dire, complexes :

- tout d’abord, l’identification d’une telle nécessité,- ensuite le choix de l’architecture que devra emprunter cet hébergement et les conséquences réglementaires qui en découlent (procédure d’agrément ou contractualisation),- puis la mise en place des outils nécessaires à la mise en conformité, c’est-à-dire soit la mise en route de la procédure d’agrément, ou la structuration des contrats avec l’hébergeur agréé, ainsi que des contrats avec les établissements de santé et les patients pour le recueil de leur consentement, sans parler des problématiques spécifiques liées à la conformité « CNIL »,- et enfin, parce que ceci relève d’une véritable procédure de conformité/compliance, la mise en place des outils de vérification dans le temps.

Les implications de l’hébergement de données de santé sont à la hauteur de la révolution technologique dans laquelle nous font entrer les nouvelles technologies de l’information et de la communication en matière de santé publique : un véritable défi.

63) Asip FAQ.

64) Cloud computing en santé, quelques réflexions, Ordre des médecins, septembre 2012.

65) Gazette du Palais, 23 juillet 2011 n° 204 p.21.

Page 38: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 38 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Si le régime de la responsabilité du fait des pro-duits défectueux est apparemment favorable aux victimes en ce qu’il instaure une responsabilité de plein droit du fabricant, qui ne peut s’en exonérer que dans des conditions strictes, les victimes se heurtent en pratique à la difficulté de rapporter la preuve du défaut et celle de la causalité mises à leur charge, tout particulièrement dans une situa-tion d’incertitude scientifique.

Les causes de ces difficultés de preuve, s’agissant de certains produits, en particulier les médicaments et les vaccins, sont nombreuses. Tout médicament présente des effets indésirables plus ou moins graves et plus ou moins fréquents. La simple implication d’un médicament ou d’un vaccin dans la réalisation d’un dommage ne saurait donc suffire à établir son défaut. L’appréciation du caractère défectueux d’un médicament ou d’un vaccin rencontre parfois une difficulté supplémentaire tenant à l’incertitude scientifique de l’imputabilité du dommage à la vaccination ou à la prise du produit. Une autre cause de difficulté tient aux délais parfois importants entre l’exposition au produit et l’apparition des symptômes de la maladie.

Au fil des années, la jurisprudence de la Cour de cassation s’est efforcée de résoudre à l’avantage des victimes ces difficultés de preuve. La Cour de cassation a admis que le défaut de sécurité peut résulter de l’insuffisance d’information et de mise en garde contre les dangers potentiels du produit, sans qu’il soit nécessaire qu’il soit affecté d’un défaut intrinsèque (1). Même en présence d’un doute scientifique sérieux relatif au danger potentiel du produit, la preuve de l’aptitude du produit à causer un dommage du type de celui dont se plaint la victime peut être administrée par des présomptions, à condition que ces présomptions soient graves, précises et concordantes (2). La preuve de l’exposition au produit peut être suppléée par la preuve de l’absence de toute autre cause possible du dommage (3). Enfin, lorsque plusieurs fabricants ont mis simultanément sur le marché la molécule incriminée sans que soit identifié celui dont le produit a causé le dommage, la Cour de cassation approuve une condamnation

in solidum (4) de ces fabricants.

L’analyse de la jurisprudence récente révèle un emploi extensif des présomptions graves, précises et concordantes de l’article 1353 du Code civil, aussi bien s’agissant de l’appréciation du caractère défectueux du produit que du lien de causalité entre le défaut et le produit.

La Cour de cassation laisse le soin d’apprécier la valeur des présomptions alléguées aux juridictions du fond. Force est de constater que l’appréciation des présomptions graves, précises et concordantes diverge d’une cour d’appel à une autre, et pour cause, en l’absence de critères précis de définition posés par la Cour de cassation.

L’absence d’uniformité de la jurisprudence est source d’incertitude judiciaire aussi bien pour les victimes que pour les laboratoires pharmaceu-tiques.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en matière de responsabilité du fait des produits le 26 septembre 2012 (5) n’est pas de nature à mettre fin aux divergences entre les juges du fond mais plutôt à les accroître. En effet, la première chambre civile invite les juges du fond à examiner les circonstances concrètes de chaque espèce, sans s’arrêter à des considérations générales sur le rapport bénéfices-risques du produit, pour apprécier le caractère défectueux du produit.

Le pourvoi faisait valoir que « le défaut s’apprécie en la personne de l’usager du produit » et reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le patient « était à ce point exposé au risque d’hépatite B qu’il ait pu se voir opposer un bénéfice attendu du vaccin supérieur à la maladie invalidante et incurable, qu’il a réellement contractée ».

Après avoir rappelé les termes de l’article 1386-4 du Code civil qui dispose qu’un produit est défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre », la Cour de cassation a reproché aux juges du fond d’avoir privé leur décision de base légale en n’examinant

1) Cass. Civ. 1re, 24 janvier 2006, n° 02-16648 à propos de l’Isoméride ; Cass. Civ. 1re, 24 janvier 2006, n° 03-20178 à propos de l’hormone de croissance ; Cass. Civ. 1re, 24 janvier 2006, n° 03-20534 à propos du vaccin contre l’hépatite B.

2) Cass. Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-20317 ; n° 05-10593 ; n° 06-18848 ; n° 06-14952 ; Cass. Civ. 1re, 22 janvier 2009, n° 07-16449 ; Cass. Civ. 1re, 9 juillet 2009, n° 08-11073.

3) Cass. Civ. 1re, 24 septembre 2009, n° 08-10081.

4) Cass. Civ. 1re, 24 septembre 2009, n° 08-16305.

5) Cass. Civ. 1re, 26 septembre 2012, n° 11-17738.

Regard critique sur les moyens de preuve admis en matière de responsabilité des

fabricants de médicaments et de vaccinsMarie Albertini, Avocat associé,Reed Smith

Solène Darrieu,Avocat,Reed Smith

Page 39: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 39 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

pas, pour juger que le lien causal entre la maladie et la prise du produit était suffisamment établi, si « les circonstances particulières » retenues, ne constituaient pas « des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des trois doses administrées à l’intéressé ».

La Cour de cassation invite ainsi les juges du fond à présumer la défectuosité du vaccin des indices relevés pour retenir un lien de causalité entre ce produit et la maladie.

Or, conditionner la responsabilité du fabricant à la preuve par la victime uniquement d’indices factuels afin de présumer non seulement le lien entre la maladie et la prise du produit, mais également le défaut du produit, conduit à admettre la reconnaissance de la responsabilité du fabricant au seul motif que les circonstances de fait sont évocatrices.

Il résulte de ce qui précède que la seule implication du produit dans la réalisation du dommage pourrait permettre la reconnaissance de la responsabilité du fabricant du produit dès lors que les signes cliniques apparaissent quelques semaines après l’administration du produit, que le patient présentait une absence de prédispositions à la maladie, qu’aucune autre cause n’est possible, et que l’effet secondaire est jugé plus grave que l’effet thérapeutique du produit pour le patient.

A force d’assouplir les exigences posées en matière de preuve pour établir la responsabilité civile du fait des produits défectueux, la jurisprudence en arrive à vider de son sens la notion de défaut (I) et se contente d’une vraisemblance de causalité, sans aucune certitude s’agissant de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit (II).

I. La preuve du caractère défectueux du produit vidée de son sens

En admettant que les circonstances faisant présumer le lien de causalité entre la vaccination et le dommage sont également de nature à faire présumer la défectuosité du vaccin, la Cour de cassation invite les juges du fond à abandonner l’approche objective du défaut de sécurité du produit (A), ce qui aboutit à vider de son sens la notion de défaut qui serait comprise dans celle de la causalité (B).

A. L’abandon de l’approche objective du défaut de sécurité du produit

Aux termes de l’article 1386-4 du Code civil, un produit est défectueux « lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitiment s’attendre.

Dans l’appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l’usage qui peut être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation. ». Cette définition ne précise pas les critères à retenir pour apprécier le défaut de sécurité d’un produit.

La Cour de cassation a jugé que le défaut de sécurité peut résulter de l’insuffisance de l’information et de la mise en garde contre les dangers potentiels du produit sans qu’il soit reconnu qu’il soit affecté d’un défaut intrinsèque (6). En revanche, le seul fait que les effets secondaires aient été signalés n’est pas de nature à exonérer le producteur, si ces risques se réalisent ; la mention des risques et effets indésirables n’écarte le défaut que s’ils ne sont pas excessifs, eu égard aux bénéfices attendus : c’est l’examen du bilan bénéfices-risques (7).

Lorsque les études scientifiques confirment en majorité le risque dénoncé, il n’y a pas de difficulté pour admettre le défaut du produit, mais l’appréciation du caractère favorable ou défavorable du bilan bénéfices-risques s’avère en revanche plus délicate en l’absence de certitude scientifique.

Dans ce contexte, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 septembre 2012 mérite une particulière attention.

En l’espèce, après trois injections du vaccin contre l’hépatite B, un patient a présenté des troubles qui ont été imputés à la sclérose en plaques. Tout en admettant l’existence d’un lien de causalité entre la maladie et le vaccin, les juges du fond ont rejeté les demandes en réparation au motif que « le défaut de sécurité objective du produit n’est pas établi et que sa seule implication dans la réalisation du dommage ne suffit pas à mettre en jeu la responsabilité du producteur ».

Au visa des articles 1386-4 (qui définit le défaut) et 1353 (relatif aux présomptions du fait de l’homme) du Code civil, la Cour de cassation a cassé l’arrêt qui lui était soumis au motif que la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision en n’examinant pas si les circonstances particulières qu’elle avait retenues pour dire qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes d’un lien de causalité entre la vaccination et la maladie ne constituaient pas également des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des trois doses de vaccin administrées au demandeur.

Ce faisant, la Cour de cassation a invité les juges du fond à faire l’appréciation du bilan bénéfices-risques en se plaçant du point de vue du patient,

6) Cass. Civ. 1re, 9 juillet 2009, n° 08-11073.

7) Cass. Civ. 1re, 24 janvier 2006, n° 06-20178.

Page 40: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 40 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

c’est-à-dire à comparer la gravité du risque aux effets thérapeutiques du vaccin pour le patient, et non pas de la collectivité en raisonnant en termes de santé publique, ce qui consiste à mettre en balance la fréquence de la réalisation des risques et les bénéfices du produit pour la santé publique.

La preuve du défaut sera désormais rapportée plus aisément, puisque le patient ne s’attend légitimement pas à ce qu’un médicament lui cause une maladie grave.

Il incombera alors au laboratoire pharmaceutique, pour s’exonérer de sa responsabilité, de démontrer de manière certaine que le dommage n’a pu être causé par l’usage de son produit ou que le dommage a une autre cause. Or, on sait qu’il sera dans l’impossibilité d’apporter cette preuve de manière certaine lorsque les parties sont dans une situation d’incertitude scientifique.

Dans le cas particulier du vaccin contre l’hépatite B, dont on sait que les études scientifiques n’ont pas confirmé ni exclu l’aptitude du produit à provoquer la sclérose en plaques ou toute maladie démyélinisante, admettre l’existence d’un défaut intrinsèque du vaccin conduit à faire peser sur les producteurs la responsabilité des effets secondaires supposés d’une vaccination dont l’utilité n’est, par ailleurs, pas contestée. Le vaccin contre l’hépatite B est toujours présent sur le marché des médicaments et demeure recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé pour tous les enfants et les adolescents de moins de 18 ans ainsi que pour les personnes appartenant à des groupes à haut risque.

On peut s’interroger sur l’opportunité de cet assouplissement des exigences probatoires tant il pourrait conduire à une indemnisation quasi-systématique, puisque tous les produits de santé présentent des effets indésirables.

Ce mode d’évaluation du bilan bénéfices-risques a, en outre, pour effet regrettable de créer une disparité entre les victimes dans la mesure où le même vaccin pourra être considéré comme défectueux intrinsèquement pour un patient mais ne le serait pas pour d’autres.

En d’autres termes, la disparité tient à l’appréciation in concreto du caractère défectueux du produit au lieu d’une appréciation des bénéfices pour la population au regard de la fréquence de la réalisation des risques.

Retenir la défectuosité du produit sur la base d’une analyse au cas par cas serait parfaitement compréhensible s’il s’agissait d’apprécier un défaut de fabrication ou de présentation particulier limité à quelques exemplaires du produit. Cette position

est beaucoup plus discutable s’agissant d’apprécier, comme ici, un défaut de conception qui affecterait le produit de manière globale.

Ce mode d’évaluation du bilan bénéfices-risques a également pour effet regrettable d’aboutir à vider de son sens la notion de défaut qui serait comprise dans celle de la causalité.

B. L’imbrication des notions de défaut et de causalité

Le procédé probatoire retenu par la Cour de cassation aboutit en effet à confondre deux conditions distinctes de la responsabilité : le défaut et la causalité.

Afin de résoudre la difficulté de preuve du défaut du produit, la Cour de cassation admet que dès lors que l’existence d’un lien de causalité entre la maladie et la vaccination est reconnu, il s’en déduit que l’une au moins des doses de vaccin qui a été inoculée n’a pas offert la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre.

Cette approche, fondée sur la confusion des notions de défaut et de causalité, en arrive à vider de son sens la notion de défaut. La preuve de l’aptitude du vaccin à causer le dommage dont se plaint la victime suffit, non seulement, à établir, le lien causal entre le dommage et la vaccination mais également « l’atteinte à la sécurité à laquelle on pouvait légitiment s’attendre ».

Aux termes de quatre arrêts rendus le 22 mai 2008, la Cour de cassation avait d’ores et déjà jugé que, à l’instar de la preuve du lien causal entre le dommage et le produit, celle du défaut peut être établie par des présomptions graves, précises et concordantes en application de l’article 1353 du Code civil.

La Cour de cassation avait en effet jugé que « si l’action en responsabilité du fait d’un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes ;

D’où il s’en suit qu’en se déterminant comme elle l’a fait, sans rechercher si les éléments de preuve, qui lui étaient soumis par M. X, constituaient, ou non, des présomptions graves, précises et concordantes du caractère défectueux du vaccin litigieux, comme du lien de causalité entre un éventuel défaut et le dommage subi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 septembre 2012 s’inscrit dans la même logique.

Page 41: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 41 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

La Cour de cassation invite les juges du fond à présumer la défectuosité du vaccin des indices relevés pour établir un lien de causalité entre le produit et la maladie.

Cette absence de critères propres pour caractériser le défaut du produit constitue malheureusement une source d’insécurité juridique, tant pour les victimes que pour les entreprises du médicament, et cela d’autant plus que la responsabilité du laboratoire sera, in fine, retenue uniquement sur la base de présomptions dont les critères ne sont pas fixés précisément par la Cour de cassation.

II. L’abandon de l’exigence de certitude pour apporter la preuve du lien de causalité

L’usage des présomptions graves, précises et concordantes a été admis par la jurisprudence non seulement pour faire la preuve de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit (A) mais également pour établir la preuve de l’imputabilité du dommage au fabricant du produit (B).

A. Une démonstration probatoire de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit largement allégée pour les victimes

La victime doit prouver que le produit de santé est à l’origine de la maladie dont elle est atteinte. Cependant, l’incertitude scientifique pouvant exister sur les effets du produit a conduit les tribunaux à assouplir les exigences légales et à alléger le fardeau de la preuve.

L’examen de la jurisprudence montre que la Cour de cassation a d’abord fait une application stricte des principes régissant la responsabilité en jugeant que dès lors que les juges du fond ont constaté que l’étiologie de la maladie est inconnue et que ni les expertises ni les études scientifiques ne concluent à l’existence d’une association entre la vaccination et la maladie, le lien de causalité entre l’une et l’autre ne pouvait être établi (8).

De son côté, le Conseil d’Etat, saisi sur le fondement des textes concernant la vaccination obligatoire, a admis, quant à lui, une présomption de causalité, le fabricant du vaccin n’étant admis à la combattre qu’en prouvant l’innocuité de son produit (9).

La première chambre civile de la Cour de cassation a, par la suite, admis que le doute scientifique ne fait pas nécessairement obstacle à la preuve requise du demandeur dès lors que celui-ci fait valoir des présomptions graves, précises et concordantes de l’aptitude du produit à causer un dommage du même type que celui dont se plaint la victime (10).

Cette position a d’abord été affirmée à propos d’un cas d’hypertension artérielle pulmonaire (HTAPP) imputée à la prise d’Isoméride, puis dans l’affaire de la maladie de Creutzfeld-Jacob contractée par des enfants traités à l’hormone de croissance. La solution ne soulevait néanmoins pas d’objection dans la mesure où, dans le premier cas, les études scientifiques ont montré que le dexfenfluramine contenu dans l’Isoméride constitue un facteur favorisant l’HTAPP mais n’en est pas la cause exclusive, et dans le second, il n’était pas contesté que tous les patients traités par l’hormone de croissance avaient ensuite développé la maladie de Creutzfeld-Jacob.

En revanche, s’agissant du vaccin contre l’hépatite B, le doute subsiste encore en l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du vaccin. Pourtant, la Cour de cassation a admis que même dans ce cas, la preuve du défaut et du lien de causalité peut résulter de présomptions, pourvu qu’elles soient graves, précises et concordantes, laissant ainsi à la cour d’appel de renvoi le soin d’apprécier la valeur des présomptions alléguées (11).

L’appréciation de la force probante des indices est abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond, la Cour de cassation se limitant à un contrôle de la motivation des arrêts. Néanmoins, elle ne fournit aucune information quant à la manière dont les juges du fond doivent apprécier ces indices.

Jusqu’à présent, les présomptions ont été tirées de la proximité temporelle entre la vaccination et l’apparition de la maladie, du nombre de victimes de la maladie après la vaccination et de l’absence d’autres causes possibles comme, par exemple, l’absence d’antécédents familiaux, ou encore le bon état de santé antérieur de la victime.

Ce sont donc des observations purement factuelles qui ont permis aux juges de retenir l’existence d’un lien de causalité en l’absence de certitude scientifi que.

La jurisprudence se contente donc d’une vraisemblance de causalité, sans aucune certitude s’agissant de l’imputabilité du dommage à l’administration du produit, pour admettre le lien de causalité entre la maladie et la prise du produit.

Une telle position de la jurisprudence allège indéniablement la charge de la preuve incombant aux demandeurs. Néanmoins, il en résulte que l’incertitude scientifique est entièrement supportée par le fabricant.

L’examen de la jurisprudence montre enfin que la Cour de cassation a également assoupli les exigences posées en matière de preuve s’agissant de l’appréciation de l’imputabilité du dommage au fabricant du produit.

8) Cass. Civ. 1re, 23 septembre 2003, n° 01-13063 et 01-13064.

9) Conseil d’Etat, 9 mars 2007, n° 267635, n° 278665, n° 283067, n° 285288.

10) Cass. Civ. 1re, 24 janvier 2006, n° 02-16648.

11) Cass. Civ. 1re, 22 mai 2008, n° 05-20317 et n° 06-10967 ; Cass. Civ. 1re, 9 juillet 2009, n° 08-11073 ; Cass. Civ. 1re, 26 septembre 2012, n° 11-17738.

Page 42: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 42 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

B. L’assouplissement des règles relatives à la preuve de l’imputabilité du dommage au fabricant du produit

En principe, la preuve de l’aptitude du produit à provoquer des dommages du type de celui dont se prévaut le demandeur ne saurait suffire à établir l’imputabilité de ce dommage au fabricant du produit. Encore faut-il que soit rapportée la preuve que c’est bien le défaut du produit qui a, en l’occurrence, causé concrètement le dommage dont la réparation est demandée.

La preuve de l’imputabilité du dommage au fabricant du produit exige au minimum la preuve de l’exposition de la victime à ce produit.

A cet égard, la jurisprudence a une fois encore assoupli les exigences posées en matière de preuve.

Par un arrêt du 24 septembre 2009 (12), la Cour de cassation a jugé dans l’affaire dite du Distilbène que la preuve de l’exposition au médicament devait être rapportée par la victime dès lors qu’il n’est pas établi que la molécule est la seule cause possible de la pathologie. On peut donc en déduire, par un raisonnement a contrario, que si la preuve que la molécule était la seule cause possible de la pathologie avait été rapportée, la demanderesse aurait été dispensée de prouver son exposition au médicament.

Cette preuve de l’exposition au produit peut être établie par tout moyen et, notamment peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes.

Par un deuxième arrêt du même jour (13), la Cour de cassation a admis, s’agissant d’une molécule qui avait été commercialisée à la même époque par deux fabricants distincts, qu’il appartenait à chaque fabricant de prouver que son médicament n’avait pas été administré, dès lors qu’il a été constaté que la molécule avait bien été la cause directe de la pathologie dont il était demandé réparation.

Ce faisant, la Cour de cassation a admis la responsabilité in solidum des deux fabricants bien que la demanderesse ne rapportait pas la preuve que l’un et l’autre des médicaments concurremment commercialisés par ces derniers avaient été administrés à sa mère, dès lors qu’il était constaté qu’ils avaient tous deux mis sur le marché la molécule à l’origine du dommage.

La Cour de cassation a donc levé l’obstacle rencontré par certaines victimes dans la désignation de l’auteur à l’origine de leur dommage en inversant la charge de la preuve dès lors qu’il

est établi qu’elles ont été exposées au produit défectueux entendu de manière extensive – à savoir la molécule et non pas le médicament – mis en circulation par plusieurs fabricants.

Restait en suspens la question de la méthode employée pour régler la contribution à la dette de réparation de chaque fabricant.

Ayant constaté que les parts de marché de chacun des laboratoires étaient inégalement partagées, certains membres de la doctrine ont émis l’hypothèse selon laquelle il serait possible d’envisager une répartition différente de la dette, à proportion des parts de marché de chacun des laboratoires (14).

La cour d’appel de renvoi, par un arrêt du 26 octobre 2012 (15), a tranché la question en fixant à 50 % la part respective de chacun des deux fabricants à la contribution à la dette.

En conclusion, l’évolution de la jurisprudence traduit une volonté de la Cour de cassation de dépasser l’incertitude scientifique afin de permettre l’indemnisation du plus grand nombre de victimes.

D’une façon générale, la Cour de cassation invite les juges du fond à opérer une appréciation au cas par cas du caractère défectueux du produit de santé et du lien de causalité entre la maladie et le produit, qui peut parfois donner l’impression d’une pure casuistique.

Il paraît donc nécessaire que la jurisprudence pose des critères plus précis de définition des « présomptions graves, précises et concordantes » afin d’éviter que les prémices qui justifient de s’interroger sur l’éventuelle responsabilité d’un fabricant de produits de santé suffisent à admettre cette responsabilité.

Les juges du fond ont, jusqu’à présent, été peu enclins à tirer les conséquences en termes d’indemnisation de l’existence de ces présomptions, ce qui révèle leur réticence à abandonner les données scientifiques pour ne se fonder que sur de simples indices factuels.

Il n’est pas certain qu’ils soient plus enclins à abandonner l’appréciation du bilan bénéfices-risques consistant à raisonner en termes de santé publique, pour se placer uniquement du point de vue du patient, tant cette approche s’éloigne des objectifs de la directive 85/374 du 25 juillet 1985 et du système de responsabilité objective qu’elle a introduit.

12) Cass. Civ. 1re, 24 septembre 2009, n° 08-10081.

13) Cass. Civ. 1re, 24 septembre 2009, n° 08-16305.

14) G. Viney, Recueil Dalloz 2010 p. 391, « La responsabilité des fabricants de médicaments et de vaccins : les affres de la preuve » ; C. Quétand-Finet, Recueil Dalloz 2012 p. 2859, « Mise en pratique des orientations données par la Cour de cassation dans le contentieux relatif au Distilbène ».

15) Paris, 26 octobre 2012, RG n° 10/18297.

Page 43: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 43 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Bien des choses paraîtront familières à des observateurs français sur la manière dont les États-Unis (« EU ») opèrent au niveau fédéral (ou national). Pourtant, les États-Unis sont, comme le suggère leur nom, un ensemble de cinquante États uniques et autonomes. Ces États fédérés ont leurs propres lois qui déterminent ce que les entreprises peuvent ou ne peuvent pas faire à l’intérieur de leurs frontières et les interactions entre pouvoir fédéral et pouvoirs des différents États contribuent à créer un paysage juridique dynamique mais qui peut paraître déroutant. La synthèse réalisée ci-dessous permettra aux laboratoires français commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux de mieux appréhender les interactions entre pouvoir fédéral et les pouvoirs des différents Etats ainsi que les problématiques juridiques auxquelles ces sociétés peuvent être confrontées dans le cadre de contentieux, afin de leur permettre d’apprécier le risque que représente la responsabilité du fait des produits aux Etats-Unis.

I. Aperçu du système juridique américain

Tout exposé relatif au droit américain se doit de débuter par sa Constitution. En vigueur depuis 1789, la Constitution des États-Unis prévoit une séparation du gouvernement fédéral en trois branches : la branche exécutive, la branche législative et la branche judiciaire. Ces trois branches participent toutes à la création, à l’application et à l’interprétation des lois aux États-Unis. Parallèlement, nombre de lois affectant les individus dans leur vie de tous les jours, notamment les lois concernant les crimes, les contrats, la santé et la sécurité, etc., sont adoptées par les différents États de manière autonome. En conséquence, les lois varient beaucoup d’un État à l’autre.

La Constitution attribue spécifiquement au gouvernement fédéral une autorité limitée, laissant aux États la capacité de légiférer par eux-mêmes. Tant qu’un État n’adopte pas de lois qui posent conflit avec les lois fédérales ou qui enfreignent des droits accordés à tous les citoyens énoncés par la Constitution (liberté de parole, liberté de réunion, etc.), le gouvernement fédéral ne peut pas empêcher un État d’adopter des lois que son pouvoir législatif estime appropriées. Ainsi, la Constitution fournit un cadre juridique et le gouvernement fédéral y apporte certains compléments, mais la mission de fixer l’essentiel du cadre juridique incombe largement aux seuls États.

La branche législative fédérale. - Comme en France, le pouvoir législatif aux États-Unis est divisé en deux chambres: la Chambre des Représentants (chambre « basse ») et le Sénat (chambre « haute »). Ensemble, ces deux chambres forment le « Congrès ». Le Congrès est chargé d’élaborer et de voter les lois qui seront appliquées dans l’ensemble du pays. Lorsque le Congrès a approuvé un projet de loi, celui-ci est soumis à l’approbation du Président des Etats-Unis, en qualité de chef du pouvoir exécutif. La compétence législative du Congrès est circonscrite aux domaines qui lui sont attribués par la Constitution et qui incluent, entre autres, le pouvoir fiscal, celui d’engager des dépenses et de réguler le « commerce inter-Etats ». Pour règlementer ces domaines, souvent le Congrès crée, finance et délègue ses pouvoirs à des agences fédérales. La branche exécutive fédérale et les agences administratives. - À la tête de la branche exécutive se trouve le président des Etats-Unis (au niveau des États, cette branche est dirigée par le Gouverneur). La branche exécutive est chargée de l’exécution ou de l’application des lois prises par le

La responsabilité du fait des produits : ce à quoi les laboratoires français

commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs

médicaux doivent s’attendre lorsqu’ils s’implantent aux États-Unis

Roxanne M. Wilson,Avocat Associée (1),Reed Smith Los Angeles

Nabil Bisharat, Avocat, Reed Smith Los Angeles

1) Version française : Solène Darrieu, Avocate, Reed Smith Paris.

Page 44: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 44 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Congrès. Bien que le président des Etats-Unis n’ait pas l’autorité de convoquer le Congrès ou de légiférer lui-même, le Congrès peut lui conférer cette autorité par la création des agences fédérales évoquées ci-dessus. Ces agences sont composées de professionnels qualifiés, dirigés par une personne nommée par le président des Etats-Unis. Chaque État peut disposer de ses propres agences en charge de questions de droit spécifiques. Par exemple, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (United States Food and Drug Administration, « FDA ») est l’agence en charge des autorisations de mise sur le marché de tous nouveaux médicaments ou dispositifs médicaux, de la réglementation de ces produits après leur mise sur le marché, et de mener des investigations en cas de réclamation ou de rappel de produits.

La branche judiciaire fédérale. - La Cour suprême est la plus haute instance judiciaire des États-Unis ; elle est garante de la conformité des lois à la Constitution des États-Unis. La Cour suprême est compétente pour décider si les lois des Etats-Unis ou celles des différents Etats sont conformes à la Constitution, dont elle est l’interprète. Sauf exception, une affaire ne sera déférée devant la Cour suprême que si elle a déjà été jugée par tous les degrés de juridictions inférieurs, y compris en appel. Par ailleurs, les décisions au niveau fédéral et des différents États viennent compléter la common law de sorte que les autres tribunaux peuvent se référer au raisonnement légal conduisant à la décision dans leurs propres jugements. Ainsi, la loi est en perpétuelle évolution.

Les gouvernements des États fédérés. - Chaque État a sa propre Constitution, ainsi qu’un pouvoir exécutif (le Gouverneur), une assemblée législative formée de deux branches et une Cour suprême d’État, qui représente le sommet du pouvoir judiciaire. Comme au niveau fédéral, les assemblées législatives au niveau étatique élaborent et votent les lois que le Gouverneur fera exécuter par des agences gouvernementales. Les Cours suprêmes des Etats veillent à la conformité des lois à la Constitution de chaque État et les tribunaux font évoluer les lois par le biais du droit jurisprudentiel. Ces Cours suprêmes peuvent également, dans certains cas, interpréter les lois fédérales et la Constitution fédérale sous réserve d’un examen effectué en dernier ressort par la Cour suprême des États-Unis.

II. Aperçu du système judiciaire

Le droit jurisprudentiel américain s’appuie en grande partie sur le système anglais de common law. Les avocats sont en charge de présenter les preuves et les arguments de leur client au tribunal dans le respect du contradictoire. Le juge agit comme un arbitre à qui il incombe de se prononcer en droit. La common law présente quelques similitudes avec le droit civiliste utilisé en France, en ce que la common law s’appuie aussi sur les lois votées par le Parlement. Cependant, ce droit écrit est très souvent interprété et appliqué au regard de la jurisprudence. Aux Etats-Unis, il y a deux niveaux indépendants de juridictions : le niveau fédéral et le niveau des Etats.

Les juridictions fédérales. - Les juridictions fédérales sont divisées suivant une structure pyramidale à trois niveaux : les juridictions de première instance, les juridictions intermédiaires d’appel et la Cour suprême des États-Unis, qui est la plus haute juridiction du système judiciaire fédéral. Les District Courts sont compétentes en première instance. Elles sont organisées en onze circonscriptions judiciaires (« Circuit ») qui ont chacune une

cour d’appel. En principe, relèvent du ressort d’une juridiction fédérale les litiges impliquant une question relevant de la loi fédérale ainsi que les litiges entre parties n’appartenant pas au même Etat (compétence fondée sur la diversité de citoyenneté) lorsque le montant du litige est supérieur à 75 000 USD.

Les juridictions des États fédérés. - La plupart des États disposent d’un système judiciaire similaire au système fédéral. Les noms des différentes juridictions varient d’un État à un autre, et certains États ne disposent que de deux degrés de juridiction (une juridiction de première instance et une cour d’appel) au lieu de trois. Contrairement aux juridictions fédérales, les juridictions de première instance des différents États ont une « compétence universelle » et sont compétentes pour presque tous les litiges, à l’exception de certaines catégories de litige très circonscrites (par exemple, les affaires relevant du droit des faillites et du droit maritime).

Les juridictions de première instance (« trial courts »). - Que ce soit au niveau fédéral ou des différents Etats, les juridictions de première instance accomplissent des missions semblables. Les juridictions de première instance ont la charge de déterminer les faits et de déterminer comment ces faits doivent être appréhendés en droit ; par exemple, elles déterminent si une entreprise est responsable ou non du préjudice subi par le demandeur et fixent le montant des dommages et intérêts devant être accordé. Les juridictions de première instance sont composées soit d’un jury soit d’un juge unique (« bench trial »). Le rôle dévolu aux cours d’appel est de veiller à l’application correcte des lois aux faits par les juridictions de première instance ; il n’appartient que très exceptionnellement aux cours d’appel de revenir sur l’appréciation des faits.

III. Compétence et lieu du procès

Il est important de prendre en compte les règles de compétence pour apprécier devant quelle juridiction peuvent être attraites une société mère française et sa filiale américaine. En principe, la seule présence du défendeur étranger sur le territoire américain ne suffit pas à établir la compétence du tribunal américain, à moins d’établir que la société étrangère entretient « des liens suffisants » (« minimum contact ») avec l’État dans le ressort duquel siège le tribunal saisi, de sorte qu’il ne serait pas déraisonnable pour la société étrangère de se défendre et/ou d’être liée par un jugement prononcé par ce tribunal. Afin d’apprécier ces « liens suffisants », les tribunaux ont habituellement recours au critère du flux du commerce vers les Etats-Unis (« stream of commerce theory ») pour déterminer si la société étrangère a mis en vente des produits sur le sol de l’État dont la juridiction est saisie. Les tribunaux apprécient également si la société est enregistrée dans l’Etat en question et si elle possède un établissement secondaire ou une filiale localisée sur ce territoire des Etats-Unis. Les tribunaux peuvent également tenir compte de ce que la société exerce des activités continues et répétées ou fait la promotion de ses produits sur le sol de l’État dont la juridiction est saisie. Enfin, l’existence d’une filiale aux États-Unis peut placer la société mère étrangère sous la juridiction de l’État concerné si le demandeur est en mesure de prouver que la filiale agit soit comme « mandataire général » de la société mère étrangère (à savoir, la filiale a été constituée pour mener des activités - ou de fait elle les mène - que la société mère devrait entreprendre d’elle-même si la filiale n’existait pas) ou comme l’« alter ego » de la société mère étrangère (la filiale n’est quasiment qu’une

Page 45: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 45 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

société coquille par le biais de laquelle la société mère mène ses activités). Les sociétés de capitaux sont généralement réputées « résider » dans l’État dans lequel elles sont immatriculées et dans tout État dans lequel est situé leur « siège d’activité principal ». Par conséquent, avant d’exporter et de s’implanter aux États-Unis, il est préférable que les entreprises françaises vérifient les rôles respectifs de la société mère et de sa filiale américaine.

IV. Qui peut être poursuivi ?

Tous les intervenants de la chaîne de distribution peuvent encourir la responsabilité du fait des produits aux Etats-Unis. Cela inclut le concepteur, le fabricant, le vendeur et le distributeur du produit ou de tout composant de ce dernier. S’il est possible qu’une seule et même société remplisse tous ces rôles, ce point mérite d’être vérifié en tout début de procédure au cas où d’autres parties devraient être mises en cause. La possibilité de poursuivre tous les intervenants de la chaîne de distribution offerte au demandeur tend à lui permettre d’être indemnisé. Cela étant, de nombreux États ont adopté des lois qui limitent les risques de procès des intervenants de la chaîne de distribution, mais ces mesures varient d’un État à l’autre.

V. Les principaux fondements de la responsabilité civile du fait des produits

De nombreux fondements permettent de voir reconnaître la responsabilité d’un fabricant de produits pharmaceutiques ou de dispositifs médicaux. Les principaux fondements sont les suivants : la responsabilité sans faute, la responsabilité pour faute, la responsabilité pour violation de garantie implicite et/ou expresse contractuelle, la fraude, la dissimulation frauduleuse et les fausses déclarations intentionnelles. La responsabilité sans faute, la responsabilité pour faute et la responsabilité pour violation de garantie contractuelle constituent les principaux fondements généraux de la responsabilité du fait des produits ; dans les litiges relatifs à la responsabilité civile du fait des produits, le demandeur utilise souvent la documentation de l’entreprise pour prouver que les avertissements et instructions étaient insuffisants ou pas suffisamment précis et détaillés afin d’obtenir des dommages et intérêts punitifs.

A. La responsabilité sans faute (« Strict liability »)

La responsabilité sans faute d’un fabricant peut être engagée si le produit en question est défectueux ou déraisonnablement dangereux en raison d’un défaut de mise en garde, d’un défaut de conception ou de fabrication. Il n’est pas nécessaire de prouver la faute du fabricant. Pour prouver la responsabilité sans faute d’un fabricant de produits médicamenteux prescrits sur ordonnance, le demandeur doit prouver que le produit était déraisonnablement dangereux et que le danger n’était pas connu du médecin prescripteur. La très grande majorité des juridictions a adopté la définition de la responsabilité sans faute figurant à la Section 402A du « Restatement (Second) of Torts ». La Section 402A dispose que le vendeur de quelque produit que ce soit, dès lors qu’il est défectueux, est responsable à l’égard du consommateur, malgré le fait qu’il ait usé de tous les soins possibles lors de la préparation et de la vente du produit pour éviter que le produit soit défectueux, dès lors que la défectuosité du produit est la cause directe d’un préjudice corporel et que le produit est parvenu au consommateur sans changements substantiels de

son état. Quelques juridictions ont adopté des versions modifiées de la définition standard de la responsabilité sans faute, et d’autres encore ont adopté leurs propres règles en matière de responsabilité sans faute fondées sur la présomption qu’un produit, approuvé par la FDA et délivré sur ordonnance, n’est pas défectueux. La majorité des juridictions interdit d’imposer une responsabilité sans faute au fabricant d’un médicament prescrit sur ordonnance dans la mesure où un médicament est un produit inévitablement dangereux à la condition que celui-ci soit accompagné d’une information suffisante quant à ses effets secondaires. Ce type de produit ne peut être ni défectueux ni déraisonnablement dangereux par principe.

B. La responsabilité pour faute (« Negligence »)

La responsabilité pour faute consiste à apprécier si une obligation de sécurité incombe au défendeur et s’il a pris des précautions raisonnables pour remplir son obligation. Dans le domaine des médicaments et des dispositifs médicaux, le fabricant a l’obligation de prendre des précautions raisonnables pour que la prise ou l’usage du produit ne crée aucun risque déraisonnable de dommage sérieux. Il est possible de rapporter la preuve de ces précautions raisonnables en établissant la conformité du produit aux normes législatives, aux normes réglementaires ainsi qu’à celles de l’industrie de la santé en vigueur, mais cela est parfois insuffisant. Un certain nombre d’Etats ont posé un principe de présomption d’absence de faute lorsque la conformité à de telles normes est prouvée. Néanmoins, cette présomption peut être renversée dès lors qu’il est établi qu’une personne raisonnable aurait pris des précautions supplémentaires. En raison de la primauté des lois fédérales en matière de responsabilité du fait des produits (cf. « La primauté des lois fédérales » § VI ci-dessous : Les moyens de défense), le respect des règles écrites permet de limiter les risques de responsabilité du fait des produits.

C. La responsabilité pour violation de garantie contractuelle (« Breach of warranty »)

La responsabilité pour violation de garantie contractuelle est un fondement tiré du droit commercial américain. Cette responsabilité se fonde sur deux concepts : la rupture des garanties contractuelles implicites et la rupture des garanties contractuelles expresses.Par garanties implicites, on entend les promesses implicites que le produit sera conforme à l’utilisation ordinaire à laquelle il est destiné ou aux besoins particuliers formulés par l’acheteur lors de la vente. Ces garanties sont indiquées à la Section 2-315 du « Uniform Commercial Code ». Le concept de responsabilité sans faute découle de ces garanties implicites. Comme pour la responsabilité sans faute, en matière de responsabilité pour violation de garantie contractuelle implicite, il n’est pas nécessaire de prouver la faute du fabricant ou que le fabricant avait connaissance d’un défaut du produit. Pour certaines juridictions, la responsabilité pour violation de garantie implicite est englobée dans la responsabilité sans faute et ne constitue donc plus un fondement de responsabilité civile autonome. Pour d’autres, il n’y a aucune garantie implicite que le produit sera conforme à l’utilisation à laquelle il est destiné si le demandeur a fait davantage confiance au médecin prescripteur plutôt qu’au fabricant du médicament. Devant les juridictions qui admettent encore que la responsabilité pour violation de garanties contractuelles implicites constitue un fondement distinct de

Page 46: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 46 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

responsabilité, il y a violation des garanties implicites lorsque le produit est défectueux ou en présence d’un défaut de fabrication. Pour prouver qu’il y a eu violation de garantie implicite contractuelle, il faut démontrer que le médecin prescripteur a fait confiance au fabricant. Par opposition, par garanties expresses, on entend les promesses et descriptions faites par le vendeur sur les caractéristiques du produit. Ces garanties vont généralement de pair avec les actions pour fraude et fausse déclaration. Selon la Section 2-315 du « Uniform Commercial Code », le vendeur doit faire une description écrite ou orale sur les caractéristiques du produit ou une promesse ayant pour objectif d’induire l’acheteur à l’achat (exemple : le médicament est sans danger et efficace pour les utilisations envisagées). On peut trouver des garanties expresses dans les notices d’utilisation des médicaments, au niveau des informations posologiques et dans les brochures commerciales. Les juridictions ne sont pas unanimes quant à la nécessité de prouver à la fois que le médecin et le consommateur final ont été induits en erreur ou uniquement que le médecin a été induit en erreur, ni sur le point de savoir s’il doit être prouvé un lien contractuel dans le cadre des actions en responsabilité pour violation de garantie contractuelle expresse.

D. La responsabilité pour fraude/Dissimulation frauduleuse/Déclaration trompeuse

Les actions pour fraude peuvent découler de l’information des notices, des brochures commerciales et des documents publicitaires ou des actions intentées par les commerciaux qui commercialisent les produits aux médecins prescripteurs. Ces actions surviennent souvent dans le cadre d’un excès de promotion commerciale d’un produit (survente) ou d’une promotion non conforme au contenu des étiquettes des médicaments sur ordonnance. La charge de la preuve dans le cadre des actions pour fraude est lourde pour le demandeur qui doit prouver que le fabricant a intentionnellement fait une déclaration trompeuse, qu’il a été fait confiance à cette déclaration trompeuse et qu’en conséquence, le demandeur a subi un préjudice. Devant certaines juridictions, la déclaration trompeuse doit avoir été faite directement à l’intention du consommateur alors que d’autres juridictions admettent des actions dans lesquelles la déclaration trompeuse a été faite à l’intention de l’intermédiaire averti. La dissimulation frauduleuse est voisine de la fraude, mais elle nécessite que soit prouvé le fait que le fabricant a intentionnellement dissimulé ou supprimé un fait qui a induit en erreur le demandeur de sorte qu’il a subi en conséquence un préjudice. Une autre forme de fraude est la « Fraud-on-the-FDA ». La responsabilité est fondée sur la rétention d’informations ou la déclaration trompeuse sur des informations requises par la FDA par le fabricant, de sorte qu’un tiers a été induit en erreur et a subi un préjudice. La Cour suprême des États-Unis a établi la primauté de la loi fédérale dans le cadre des actions fondées sur des déclarations frauduleuses faites par un fabricant à la FDA au sujet d’un dispositif médical. Cependant, tous les tribunaux n’ont pas admis que les actions pour « fraud-on-the-FDA » seraient soumises à la primauté de la loi fédérale. Certaines juridictions permettent que ces actions soient intentées dans le cadre d’une action en responsabilité civile délictuelle traditionnelle soumise aux lois d’un État fédéré ; c’est le cas des actions pour déclaration trompeuse, rétention d’informations, des actions en responsabilité pour faute, et des actions consécutives à des mises en garde inadéquates.Les actions pour déclarations trompeuses sont étroitement liées

aux actions pour fraude ; toutefois, le demandeur n’a pas besoin de prouver que le défendeur a intentionnellement fourni une information trompeuse mais il doit, en revanche, prouver que le défendeur devait raisonnablement savoir que la déclaration était trompeuse.

VI. Les moyens de défense

Les moyens de défense dans les affaires impliquant des médicaments ou des dispositifs médicaux varient en fonction de la juridiction.

A. La primauté des lois fédérales

Le concept de primauté des lois fédérales est énoncé dans la Clause de suprématie de la Constitution des États-Unis. La suprématie peut revêtir deux formes : la suprématie expresse et la suprématie implicite. Il y a suprématie expresse lorsqu’une loi fédérale déclare expressément qu’elle prévaut sur la loi d’un État fédéré. Il y a suprématie implicite lorsque la loi ou les règlements fédéraux ne laissent pas la possibilité aux États de venir les compléter ou lorsque la loi d’un État fédéré est incompatible avec l’accomplissement des finalités et des objectifs du Congrès pris dans leur globalité.La primauté des lois fédérales est l’un des rares domaines du droit de la responsabilité civile délictuelle dans lequel la Cour suprême des États-Unis a été active. La Cour suprême a ainsi jugé qu’en l’absence d’intention expresse du Congrès de faire prévaloir la loi fédérale, il y a une présomption en faveur de la validité de la loi de l’Etat. La Cour a également jugé que la loi sur les dispositifs médicaux, le « Medical Device Act », en vertu de sa clause de suprématie, prévaut expressément sur la loi d’un Etat fédéré dès lors que l’action en justice met en cause l’innocuité et l’efficacité d’un dispositif médical commercialisé sous une forme ayant reçu de la FDA l’approbation préalable de mise sur le marché. De telles actions ne sont jugées en application de la loi fédérale que dans la mesure où elles abordent des domaines dans lesquels il est tenté d’imposer des prescriptions propres à un État fédéré qui diffèrent ou qui s’ajoutent aux prescriptions de la loi fédérale.

B. L’identifi cation du fabricant

L’identification du produit revient à établir un lien de causalité. Le demandeur doit établir un lien suffisant entre le médicament ingéré ou le dispositif médical, utilisé ou implanté, et le défendeur. Lorsque des demandeurs ont eu du mal à identifier le fabricant ou le fournisseur effectif du produit à l’origine du préjudice (exemple : dans les contentieux impliquant le diéthylstilbestrol [DES]), certaines juridictions ont imposé des mécanismes de réparation prévoyant un renversement de la charge de la preuve.

C. L’exception de prescription

Les demandeurs doivent introduire leur action dans des délais impartis dits de prescription. Si tel n’est pas le cas, la prescription sera soulevée en défense. Devant certaines juridictions, une action ne peut être intentée que dans un laps de temps déterminé. Devant d’autres juridictions, le délai de prescription peut être suspendu jusqu’à ce que soit découverte l’origine des souffrances endurées, ou qu’il soit considéré que l’origine des souffrances endurées aurait dû raisonnablement être découverte par le biais d’une enquête. Certains États fédérés prévoient des

Page 47: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 47 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

« délais de forclusion », qui interdisent les actions intentées lorsque les produits ont atteint une ancienneté, peu important le moment auquel le demandeur a découvert ce qui l’a poussé à agir en justice. Souvent aussi, les délais de prescription sont suspendus tant que la partie lésée est mineure. Si le demandeur intente un procès en invoquant différents fondements (exemple : responsabilité du fait des produits, responsabilité pour violation de garantie contractuelle et fraude), chacun de ces fondements peut être soumis à des délais de prescription différents. Les juridictions fédérales se rangent au droit de l’État dans lequel elles siègent, et les délais de prescription peuvent donc varier d’une juridiction à l’autre, ce qui requiert une analyse au cas par cas.

E. Le caractère adéquat des mises en garde

Un produit est défectueux au plan juridique s’il est établi un défaut de mise en garde adéquate du fabricant contre les dangers que le produit peut comporter. Plus spécifiquement, un fabricant a le devoir de mettre en garde contre des risques connus ou raisonnablement connaissables au plan scientifique au moment de la distribution du produit.

F. La doctrine de l’intermédiaire averti

Dans le contexte des médicaments prescrits sur ordonnance, dans la mesure où le médecin prescripteur se pose en intermédiaire averti entre le fabricant et le consommateur, il doit être considéré que les mises en garde du fabricant s’adressent de fait au médecin prescripteur et non au patient. Si, lorsqu’il prescrit un traitement, le médecin ne tient pas compte des mises en garde du fabricant, le fabricant ne peut pas être tenu pour responsable des souffrances endurées par le demandeur.

G. La causalité médicale

Les États fédérés font généralement appel aux critères de la condition sine qua non (« but for test ») et de la prépondérance (« substantial factor test »), ou aux deux critères ensemble, pour déterminer si un médicament ou un dispositif médical a été la cause directe des préjudices subis. Devant les juridictions appliquant le critère dit de la condition sine qua non, il incombe au demandeur de prouver que s’il n’avait pas été exposé au médicament en question, il n’aurait pas subi de préjudice. Un facteur de préjudice est considéré comme prépondérant si, de l’avis d’une personne raisonnable, il a contribué au préjudice. Sans qu’il puisse s’agir d’un facteur banal ou éloigné, ce facteur de préjudice qualifié de prépondérant ne doit pas pour autant être l’unique cause du préjudice. Le lien de causalité apprécié in abstracto (l’appréciation in abstracto consiste à déterminer si le produit fabriqué par le défendeur a pu causer le préjudice en question) et le lien de causalité apprécié in concreto (l’appréciation in concreto consiste à déterminer si le produit a, en l’espèce, causé le préjudice) sont tous les deux des éléments essentiels de l’action en responsabilité du fait des produits. Le lien de causalité doit être prouvé avec un degré de probabilité ou de certitude médicale raisonnable (qui sera apprécié selon les normes de chaque juridiction) sur la base d’un témoignage d’un expert compétent. Les souffrances endurées ou la maladie d’un demandeur peuvent avoir plus d’une cause directe. S’il y a plus d’une cause de préjudice, le comportement du défendeur peut constituer la cause réelle du préjudice subi s’il est estimé qu’il s’agit d’un facteur déterminant des souffrances endurées par le demandeur. Une autre cause de

préjudice, considérée comme prépondérante, peut venir rompre le lien de causalité entre le produit et les souffrances endurées par le demandeur (par exemple, dans certains États fédérés, le suicide est une cause prépondérante de décès).

H. Le mésusage ou l’utilisation non conforme du produit

Toute utilisation qui n’est pas raisonnablement prévisible constitue une utilisation non conforme d’un produit. Le fabricant doit anticiper les utilisations anormales mais prévisibles du produit pour assurer la sécurité des produits. Concernant la plupart des médicaments et des dispositifs médicaux délivrés sur ordonnance, cette obligation de mise en garde incombe au médecin. Si un patient subit un préjudice ou décède parce que le médecin a ignoré l’étiquette du médicament, le mésusage du produit par le médecin sera considéré comme la cause directe des souffrances endurées par le patient. Dans certains États, le mésusage constitue un moyen de défense dit « affirmative defense » dont la preuve est à la charge du vendeur, alors que dans d’autres, le consommateur supporte la charge de la preuve de l’utilisation conforme du produit.

I. La faute relative de la victime (« Comparative Negligence ») / la faute de la victime (« Contributory Negligence »)

Les concepts de faute et de faute relative de la victime sont deux concepts qui tiennent compte du fait qu’une personne ayant subi un préjudice à cause d’un produit pharmaceutique ou d’un dispositif médical peut également avoir commis une faute et avoir, de fait, en partie causé le préjudice. La différence fondamentale entre ces deux concepts réside en ce que le concept de la faute relative de la victime tend à dédommager la victime pour une partie au moins des préjudices subis, alors que le concept de la faute de la victime interdit tout dédommagement du demandeur. Cette règle étant extrêmement dure, la plupart des États s’en sont détournés pour adopter le concept de la faute relative de la victime, qui permet le dédommagement de la victime en fonction de la comparaison entre la conduite du défendeur et de celle du demandeur.

VII. La « discovery » (avant-procès)

Le processus qui consiste à rassembler des preuves avant l’introduction de l’instance proprement dite s’appelle la « discovery ». Sauf dans de rares circonstances, ce n’est pas le tribunal qui se charge de la « discovery ». Ce sont, au contraire, les avocats représentant les parties qui sont responsables de rassembler les preuves par le biais de procédures de « discovery » écrites et orales. Certaines preuves ne seront pas admises au procès parce que les règles en matière d’administration des preuves interdisent qu’elles soient vues ou entendues du jury. Cependant, la recevabilité d’une pièce au procès n’est pas un élément d’appréciation pertinent pour apprécier si une partie doit produire ou non cette preuve à l’autre partie pendant la « discovery ». D’une manière générale, les preuves doivent être produites dès lors qu’elles pourraient être admissibles au procès ou qu’elles peuvent conduire à l’établissement de preuves supplémentaires. Comme telle, la « discovery » peut conduire à demander un nombre très important de documents (apparemment sans pertinence) et d’informations qui peuvent être particulièrement pénibles pour les sociétés étrangères.La partie destinataire de la requête de communication de pièces

Page 48: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 48 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

peut objecter que les demandes enfreignent le code régissant l’administration des preuves et/ou qu’elles sont excessivement pénibles. Sous réserve de toute objection à la requête formulée, la partie chargée de communiquer les pièces doit y procéder en adressant une réponse écrite sous serment. Les litiges en cours de « discovery » découlant d’objections sont fréquents et peuvent être coûteux.

A. La « discovery » écrite

Il existe trois types de « discovery » écrite : les interrogatoires, les requêtes d’admission («Requests for Admission», RFA) et les requêtes de production/inspection de documents ou de choses («Requests for Production/ Inspection of Documents or Things», RFP/RFI). Les interrogatoires sont des questions écrites imposant à la partie chargée d’y répondre de fournir des informations ou d’en expliquer les points litigieux. Les RFA sont des requêtes écrites qu’une partie adresse à l’autre partie pour qu’elle admette les assertions faites dans la RFA. Cette procédure de « discovery » est habituellement utilisée pour établir les faits qui ne font pas l’objet d’un désaccord, tels que la date de survenance d’un accident par exemple. Une RFP est une requête écrite invitant une partie à produire des copies de documents, alors qu’une RFI est une requête invitant à produire ou à mettre à disposition un document, un objet ou un lieu pour qu’ils soient inspectés. Ces requêtes de production ne sont pas circonscrites à des documents américains. Des documents détenus par la société mère française ou par ses filiales dans des pays autres que les États-Unis peuvent également devoir être produits. De plus, certains tribunaux peuvent exiger que des documents établis en langue étrangère soient traduits, et les coûts engendrés sont généralement à la charge du défendeur en tant que personne morale. Ces productions peuvent poser, et c’est le cas bien souvent, des soucis en termes de confidentialité ; c’est le cas des secrets industriels par exemple. Parce que chaque pays a ses propres règles en matière de confidentialité, notamment concernant les informations conservées au format électronique, ces productions finissent souvent par coûter des centaines de milliers d’euros.

B. La « discovery » orale – Dépositions

Une déposition est un témoignage enregistré livré par une partie ou un témoin et porté devant un tribunal. Une partie va demander au déclarant de comparaître (et, si nécessaire, va lui délivrer une citation à comparaître) à une date et en un lieu donné pour être interrogé. Les dépositions sont transcrites par un sténographe et peuvent être enregistrées sur bande vidéo. Les dépositions sont rendues sous serment, ce qui signifie qu’elles sont traitées comme si le témoignage était rendu en cours d’instance devant un tribunal. Mentir au cours d’une déposition est passible de poursuites pour parjure et le déclarant encourt des sanctions au civil et au pénal. Les dépositions ont lieu sous forme de questions-réponses. Le déclarant a le droit de demander la présence d’un avocat et l’avocat peut faire des objections à certaines questions et, dans quelques rares circonstances, donner instruction au déclarant de ne pas

répondre. Les dépositions franchissent aisément les frontières nationales, ce qui peut constituer un coût supplémentaire induit par la « discovery ».

VIII. Les dommages et intérêts

Dans la plupart des affaires de dommage corporel, le demandeur a droit d’obtenir des dommages et intérêts à titre de réparation pour l’entier préjudice subi en raison du comportement fautif d’une autre partie. L’attribution de « dommages et intérêts compensatoires » a pour but principal de rétablir l’état dans lequel se trouvait la victime si l’acte fautif n’avait pas eu lieu. Les deux catégories d’indemnité visant à réparer l’entier préjudice de la victime sont les suivantes : (1) les dommages et intérêts généraux pour les souffrances physiques et le préjudice moral (exemple : détresse mentale, perte des plaisirs de la vie) et (2) les dommages et intérêts spéciaux, incluant les pertes financières, comme par exemple les dépenses courantes (exemple : les factures pour soins médicaux) et les pertes économiques, telles que la perte de revenus ou de capacité de gain. De plus, des dommages et intérêts punitifs peuvent être accordés pour punir un défendeur en raison d’une conduite malveillante, injustifiée et imprudente et pour dissuader la réitération de l’acte fautif à l’avenir, tant par le défendeur que par d’autres sociétés.Il existe d’autres catégories de dommages et intérêts qui sont de par leur nature indirects. Par exemple, la privation de la compagnie conjugale peut être reconnue au conjoint de la victime en réparation de l’impact que les blessures ont sur la relation existant entre le demandeur et son conjoint ; il peut s’agir de la privation de la compagnie d’autrui ou de l’incapacité d’avoir des rapports sexuels.Les dommages et intérêts alloués peuvent être réduits en cas de comparaison de la faute commise par le défendeur par rapport à celle du demandeur. Les dommages et intérêts peuvent également être réduits si le demandeur omet de prendre des mesures raisonnables pour réduire au minimum ou atténuer l’impact financier des torts causés. Le demandeur n’a pas le droit de recouvrer les honoraires d’avocats dans les actions pour dommage corporel.

Les États-Unis offrent aux sociétés commercialisant des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux un vaste marché diversifié. Mais, ainsi qu’il a été démontré, s’implanter aux États-Unis peut exposer les entreprises françaises à de nombreux risques de contentieux. En cas de litige, il est vivement conseillé de faire appel à un conseil juridique du ressort de la juridiction saisie. Etre assisté d’un conseil juridique spécialisé en matière de responsabilité du fait des produits dans le domaine des produits pharmaceutiques et/ou des dispositifs médicaux est au demeurant crucial. Ces conseils analyseront à la fois l’opportunité d’une transaction et les chances de succès du demandeur. Ils pourront apporter leurs avis quant à la meilleure stratégie à suivre et quant à la meilleure position à adopter, si une transaction est envisagée, au vu du montant des demandes et des dépenses occasionnées par le litige afin de réduire au minimum les risques de responsabilité du fait des produits.

Page 49: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 49 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Opérations de croissance externe : motivations économiques variables mais caractéristiques juridiques constantes et

spécifiques au secteurMarc Fredj, Avocat Associé, Reed Smith

Si les motivations économiques et opérationnelles qui sous-tendent les décisions de groupes pharmaceutiques de procéder à des opérations de croissance externes et déterminent dans une large mesure leur structuration sont multiples et variables, d’un point de vue juridique, on peut observer une certaine constance des points-clés et des spécifi cités de ces opérations. Dans un marché global pour lequel la croissance ne provient, pour une grande partie, plus que des marchés émergents (en particulier la Chine) et s’agissant des marchés plus mûrs, où tous les espoirs sont placés sur les nouveaux médicaments et où l’on assiste à une restructuration de la chaîne de valeur qui a poussé certains consultants à faire une analogie avec l’industrie automobile, les facteurs amenant à la réalisation de transactions sont en effet pluriels, souvent combinés. Ils peuvent être regroupés en quatre catégories principales : les synergies permettant des économies d’échelle et réduction de coûts, l’accès à l’innovation et à des produits de choix, l’accès à de nouveaux marchés géographiques, et les rationalisations/spin-offs permettant d’améliorer le profi l d’investissement de la société. En effet, alors que les prévisions de croissance des marchés matures sur 2010-2015 ne sont que de 2,1 %, contre 5,1 % sur les cinq années précédentes, les ventes des marchés émergents (Chine Brésil, Inde, Russie et 13 autres pays) (1) doublent au cours des mêmes périodes. Il est cependant à remarquer que plus de la moitié de la croissance 153 milliards de dollars US est censée provenir de la Chine, où les grands laboratoires pharmaceutiques sont encore peu implantés, et où les profi ts sont faibles. Sur les marchés matures, la faible croissance attendue est loin d’être certaine. On anticipe qu’environ 119 milliards de dollars US de revenus provenant de médicaments originaux vont disparaître du fait de la perte de l’exclusivité, soit environ 18 % des ventes totales sur les marchés matures. Ces pertes devraient être compensées par les ventes de nouveaux produits originaux lancés entre 2010 et 2013, dont on attend environ 120 milliards de dollars US de nouvelles ventes. Cependant, les pressions sur les coûts exercées sur ces marchés par les payeurs pourraient limiter ces ventes, voire empêcher la mise sur le marché ou retarder son développement. Ces nouvelles politiques d’évaluation du rapport coût/bénéfi ce d’un médicament, ainsi que les crises fi scales de nombreux pays conduiront probablement à une réévaluation et potentiellement à un abandon de certains nouveaux médicaments en développement, et pourraient même entraîner une réduction du marché du médicament dans les pays développés. Ces évolutions ont conduit certains consultants à prédire

que l’industrie pharmaceutique va subir un changement structurel similaire à celui qui a affecté l’industrie automobile, à savoir quelques grandes marques servies par une constellation de fournisseurs et fabricants de petite taille et hautement spécialisés. En effet, bien que les laboratoires pharmaceutiques continuent d’effectuer par eux-mêmes la plupart des taches relatives à leur cœur de métier, la tendance déjà amorcée est à l’externalisation et à la fragmentation. Par exemple, Pfi zer a décidé d’externaliser la gestion et l’initiation de son programme d’essais cliniques, la gestion de ses données, la logistique des études deux CROs : ICON et Parexel. De même, Takeda a externalisé tout R&D à Covance. Les fonctions essentielles des laboratoires pharmaceutiques se déplacent vers la gestion, la coordination et le fi nancement. Dans ce contexte, les opérations de croissance externe ont lieu pour la plupart (et pour les plus importantes en taille) dans les pays développés. Dans les pays émergents, on assiste plutôt à des ouvertures de centres de R&D ou à la conclusion de contrats d’externalisation de certaines fonctions. Les transactions conclues dans les pays développés, notamment la France peuvent répondre à des motivations diverses et prendre des formes multiples : on a ainsi assisté ces dernières années à de nombreuses cessions de sites industriels de fabrication afi n de réduire les coûts (notamment sociaux) induits par ces activités et pouvant être externalisés et/ou délocalisés, à des cessions de produits (sous forme de cession de fonds de commerce) en raison de leur déremboursement. D’autres opérations ont pour objectif d’améliorer le profi l d’investissement de la société, par la cession d’actifs jugés non essentiels ou hors du cœur d’activité de la société, ou pour permettre à certaines branches d’activité d’évoluer séparément du reste du groupe et ainsi trouver des fi nancements plus facilement qu’en devant composer avec des profi ls d’investissements divers (Abbot), ou à l’inverse par l’acquisition d’actifs en vue d’une diversifi cation (Novartis – Alcon). Par ailleurs, la course au remplissage du pipeline de produits s’intensifi e et, la concurrence devenant de plus en plus féroce, les laboratoires pharmaceutiques sont amenés à rechercher des acquisitions à un stade de plus en plus précoce, et à proposer à leurs vendeurs des structures d’acquisition de plus en plus innovantes afi n de limiter leur risque de développement et rendre leurs offres plus attractives que celles de leurs concurrents. En France particulièrement, les diffi cultés des biotechs à trouver des fi nancements alternatifs (VC, IPO) leur permettant de rester indépendantes des laboratoires pharmaceutiques favorisent ce type de transaction.

1) Marchés matures : USA, Japon, Allemagne, France, Italie, Espagne, Canada, Royaume-Uni, Corée du Sud. Marchés émergents : Chine, Brésil, Inde, Russie, Mexico, Turquie, Pologne, Venezuela, Argentine, Indonésie, Afrique du Sud, Thaïlande, Roumanie, Egypte, Ukraine, Pakistan et Vietnam.

Page 50: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 50 N°107 Mars 2013

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

Si les motivations économiques de ces transactions sont multiples, sur le plan juridique elles présentent toutes deux caractères constants et spécifi ques au secteur : d’une part, elles présentent quasi-systématiquement une structure complexe présentant des contraintes inhérentes à l’actif sous-jacent, immatériel, technologique et strictement réglementé, et hybride, combinant une cession (de titres ou d’actifs) avec des contrats commerciaux, et d’autre part impliquant une continuation des relations entre vendeur/cible et investisseur postérieurement à la réalisation de la transaction. Il est par ailleurs à noter que ces opérations sont le plus souvent multi-juridictionnelles, a minima s’agissant des aspects relatifs à la propriété intellectuelle, à la réglementation relative à la mise sur le marché et à la distribution des produits. Ainsi, les accords passés en vue d’acquérir de nouveaux produits sont de plus en plus fréquemment des accords hybrides, combinant un transfert d’actif (ou une option pour un tel transfert d’actif, y compris des titres de participation) et un accord commercial, de licence et/ou de coopération et/ou de recherche et développement. De même, les accords de cession de sites industriels s’accompagnent quasi systématiquement d’accords de transition visant tant au transfert du savoir-faire du cédant, qu’au maintien de son approvisionnement et au maintien des emplois de l’activité cédée. Il en résulte que les parties seront amenées à faire vivre leurs accords postérieurement à la réalisation, et ce sur plusieurs aspects à la fois fi nanciers et opérationnels, nécessitant sur le plan transactionnel une connaissance spécifi que afi n de procéder à la répartition de ces risques entre les parties. Il en résulte que les opérations de croissance externe du secteur pharmaceutiques sont complexes tant sur le plan de leur structure en raison de la nature de l’actif sous-jacent (I), que sur le plan de la répartition des risques entre les parties, du fait des éléments futurs et/ou conditionnels que comportent ces transactions (II).

I.— Des structures d’investissement complexes en raison de la nature du sous-jacent : restrictions, options et conditions

Outre considérations discales et sociales propres à toute transaction et fonction de chaque situation, Les structures peuvent tout d’abord être impactées par les aspects concurrentiels, tant par application de la réglementation applicable à toute activité, que par l’application de la réglementation propre à toute transaction impliquant un transfert de technologie et comme telle soumise au Règlement (CE) n° 772/2004 de la Commission du 27 avril 2004. Ces contraintes impactent tant le champ que la durée de la transaction. Par ailleurs, la forte composante immatérielle et technologique de l’actif de toute activité de vente de médicament ou de dispositifs médicaux et le coût de son développement et de sa protection impliquent la mise en place de structures complexes afi n de réaliser ce type d’investissement, particulièrement à un stade de développement précoce du médicament ou du dispositif médical objet de l’investissement. Enfi n, ces activités étant fortement et strictement réglementées, il en résulte une couche supplémentaire de complexité structurelle liée aux contraintes réglementaires. Ces contraintes sont en général traitées par le biais de conditions et d’options.

En raison d’une part, de la longue durée de développement des produits des laboratoires pharmaceutiques et du coût et des incertitudes de ce développement, et d’autre part de la nécessité pour les laboratoires pharmaceutiques de sécuriser leur pipeline de produits à un stade de développement du produit de plus en plus précoce en raison de la concurrence accrue des autres laboratoires, les structures des opérations de croissance externe entre biotech et laboratoire pharmaceutique font lourdement appel à des mécanismes de conditions et d’options : option d’acquérir des titres de capital de la biotech, option d’octroi ou d’extension du champ d’une licence, exclusive ou non, ou de cession des droits de propriété intellectuelle sur les produits développés par la biotech, option de participer au co-développement ou engagement de participer au co-développement en fonction des résultats de certains essais, engagements de paiement d’étapes en fonction de l’atteinte d’objectifs de développement, et ce, à chaque stade du développement du produit. De même, les contraintes réglementaires s’imposant à tous les stades de la vie d’un produit, depuis son développement (essais cliniques) jusqu’à leur fabrication (autorisations de mise sur le marché), leur marketing et leur distribution (pharmacovigilance), constituent fréquemment la justifi cation d’une condition, qu’il s’agisse d’une condition suspensive au transfert d’actifs ou de fonds de commerce (pour lesquelles la connaissance du fonctionnement de l’autorité compétente est essentielle), ou d’une condition au paiement de tout ou partie d’un prix ou d’une souscription au capital de la cible de l’investissement titulaire des droits sur le produit. Ces mêmes contraintes peuvent également constituer les évènements déclencheurs de droit d’option au même titre que les résultats de recherches ou dépôts de droits de propriété intellectuelle. De plus, la question de la sécurisation fi nancière de ces options ajoute à la complexité de la structure contractuelle (2).Les options ainsi accordées sont particulièrement mises en lumière par la récente jurisprudence de la Cour de Cassation du 13.09.2011 relative à la rétractation des promesses unilatérales, et les rédacteurs des actes juridiques leur donnant effet auront à prendre en compte les enseignements de cette jurisprudence afi n de rédiger ces promesses comme de réels contrats d’option non susceptibles de rétractation. Par ailleurs, même lorsque le produit est développé et commercialisé, il est fréquent que le vendeur et l’acheteur, notamment s’agissant de cessions de sites industriels, assortissent leurs accords de conditions de maintien de l’approvisionnement du vendeur en produits fabriqués sur le site cédé et de maintien de l’emploi des salariés transférés, ou de fourniture de services de transition ou de transfert de savoir-faire demandés par l’acquéreur pendant un temps plus ou moins long après la reprise, résultant en un ensemble contractuel complexe et souvent interdépendant. (Il n’est rare non plus dans ces circonstances que le prix de cession soit également pour une grande partie conditionnel en cas de résultats positifs de l’activité après la réalisation de la cession.) Outre la complexité des structures mises en place pour prendre en compte les spécifi cités de l’actif objet de la transaction, ces structures induisent la nécessité de prévoir la relation entre les parties sur une durée parfois longue en raison de l’existence de ces conditions et options sur la durée de développement du produit, ou de l’existence de contrats à exécution successive accessoires à une cession produisant des effets après celle-ci. Il en

2) Cette question se pose particulièrement pour les paiements de sommes forfaitaires importantes, (upfront payments) déclenchés par l’exercice d’une option, elle est moins aiguë s’agissant de paiements assis sur le chiffre d’affaires réalisé avec le produit objet de l’option.

Page 51: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 51 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique

résulte une répartition des risques qui ne se limite pas aux risques fi nanciers et commerciaux, mais inclut également des risques opérationnels.

II.— Une répartition des risques complexe en raison des éléments futurs et/ou conditionnels de la transaction

Comme indiqué ci-dessus, cette répartition porte à la fois sur les risques fi nanciers et commerciaux résultant de la transaction, et sur les risques opérationnels induits par la fourniture de services parfois croisés, entre les parties, les rendant dépendantes l’une de l’autre au plan, opérationnel.

A.– Risques fi nanciers et commerciaux

S’agissant des risques fi nanciers, il s’agit essentiellement de la sécurisation de la partie du prix qui, fréquemment dans les transactions portant sur des produits en cours de développement, et parfois s’agissant de transaction relative à des activités incluant déjà des produits commercialisés, est différée et/ou contingente. Une telle sécurisation est d’une part juridique, afi n d’éviter les risques liés à l’indétermination du prix ou à sa détermination par un tiers expert trop libre de choisir la méthode de détermination du prix, et d’autre part fi nancière. En effet, lorsque le fi nancement de l’opération fait en tout ou partie appel à un concours bancaire, il est à prévoir que tout paiement de la part du prix conditionnelle ou différée sera subordonné au remboursement de la dette mise en pace et au respect de ratios et engagements bancaires. S’agissant du risque juridique, il conviendra d’une part de s’assurer que la méthode de calcul du prix répond aux exigences de l’article 1591 du Code civil sur le caractère déterminable du prix, et d’autre part s’agissant des cessions de titres, qu’en cas de recours à un expert, l’application de l’article 1592 du Code civil sera autant que possible retenue à l’exclusion de l’article 1843-4 du Code civil. En effet, les dernières décisions de la Cour de Cassation qui tendent à l’application de l’article 1843-4 du Code civil dans tous les cas, statutaires où extrastatutaires, où une cession de titres est prévue et où le prix de ces titres est contesté entre les parties, et qui donnent à l’expert ainsi nommé toute latitude pour choisir la méthode de détermination du prix qu’il jugera appropriée, génère une incertitude pour les parties qu’il convient au maximum de prévenir. S’agissant des risques commerciaux, cela porte non seulement sur des questions usuelles de non-concurrence, dont on connaît les limites temporelles et géographiques fi xées par la jurisprudence, et sur des questions de non-sollicitation de salariés, mais surtout sur des questions de protection et partage de la valeur acquise ou développée en application de la transaction. Les parties vont en effet devoir prévoir les conditions dans lesquelles la propriété intellectuelle, antérieure aux accords comme postérieure aux accords, sera répartie entre elles, tant en termes de propriété que d’utilisation, et protégée par les parties, par des dépôts ou le cas échéant par les actions nécessaires. La question du partage et de la protection de la propriété intellectuelle nouvellement développée dans le cadre des accords peut donner lieu à des questions épineuses en raison de la nécessité d’évaluer la liberté d’exploitation

(freedom to operate) de cette nouvelle découverte. Les parties s’en remettront souvent à la décision du comité de pilotage, et en cas de blocage, un mécanisme de résolution des confl its (pouvant inclure l’avis d’un tiers expert) devra être prévu dans les accords. Par ailleurs, d’autres questions délicates, notamment en termes de preuves, se posent s’agissant de la propriété intellectuelle qui ne peut faire l’objet d’une protection juridique organisée par un dépôt tel que le savoir-faire. Ces questions sont particulièrement aiguës lorsque la transaction implique une coopération sous quelque forme que ce soit, les clauses usuelles étant insuffi santes afi n de protéger les intérêts respectifs des parties. Il convient alors de décrire précisément les conditions dans lesquelles les taches respectives donnant lieu à acquisition de savoir-faire seront réparties, soit dans le contrat soit par un comité de pilotage, et celles dans lesquelles les résultats seront conservés et le cas échéant échangés entre les parties.

B.– Risques opérationnels

Plusieurs risques opérationnels sont à prendre en compte durant l’exécution de la transaction, tant du fait de la nature de l’actif que de l’interdépendance des parties entre elles, en particulier un risque réglementaire dont la bonne ou mauvaise gestion peut avoir un impact signifi catif sur la durée du développement du produit, sa commercialisation ou sa distribution, et un risque d’approvisionnement. Le risque de défaillance de l’autre partie doit alors être couvert dans les accords, selon les cas par la possibilité pour une partie de se substituer à l’autre en cas de défaillance, ou par des clauses de responsabilité prévoyant des sanctions spécifi ques incitatives, ou encore par des clauses de résiliation permettant de lier entre eux différents accords de l’ensemble contractuels au choix de la partie non défaillante. Pour ces mêmes raisons, les clauses de force majeure et plus particulièrement la défi nition des cas de force majeure sont regardées attentivement dans ces accords. Enfi n, il peut exister dans certaines transactions un risque social, lorsque le vendeur peut craindre l’application de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 5 mai 2011, selon laquelle les salariés du vendeur peuvent être fondés à demander indemnisation au vendeur des titres de la société cédée dont la liquidation a été prononcée après la cession, au motif que le vendeur peut avoir commis une faute en cédant sa fi liale dont la pérennité n’était pas assurée et ainsi aggravé le préjudice subi par les salariés dans la liquidation. Dans ces circonstances, le vendeur cherchera d’une part à structurer la transaction de sorte à assurer autant que possible la pérennité de la société ou de l’activité cédée, mais aussi à obtenir de son acheteur une garantie de maintien de l’emploi diffi cile à négocier et à mettre en œuvre.Comme on le voit, les opérations de croissance externe dans le secteur pharmaceutique sont généralement plus complexes que la plupart des opérations de M&A « classiques » et plusieurs mécanismes du droit des contrats trouvent à s’appliquer avec des conséquences concrètes sur les positions respectives des parties. La diversité des matières abordées et les implications transfrontalières quasi-systématiques nécessitent la mise en place d’équipes pluridisciplinaires et souvent multi-juridictionnelles pour traiter ces opérations.

Page 52: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

MARDI 28 MAI 2013

LA TRANSMISSION DE DROITS SOCIAUXMatinée de formation juridique de 9 h 00 à 13 h 00

Dorothée GALLOIS-COCHET,Agrégée des facultés de droit

Professeur à l’Université de Poitiers

PROGRAMME

Accueil des participants à partir de 8 h 30Journal Spécial des Sociétés - 8 rue Saint Augustin, 75002 Paris

F O R M A T I O N J U R I D I Q U EO R G A N I S É E P A R

8 rue Saint Augustin 75002 ParisTél : 01 47 03 10 10 - Fax : 01 47 03 99 31

www.jss.fr

JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS

I.— Restrictions à la liberté de transmettre

1.– AgrémentDomaine quant aux opérationsProcédureDésignation du tiers estimateurObligation de rachat et droit de repentirDécès : agrément ou éviction des héritiers

2.– Autres clauses PréemptionInaliénabilitéInterdiction d’acquérir

3.– Promesse de vente et promesses d’achatExécution forcée

II.— Prix de cession

1.– Clauses d’earn out

2.– Article 1843-4 du Code civilChamp d’applicationMission du tiers estimateur

3.– Obligation de loyauté du dirigeant

4.– Droit aux dividendes

III.— Garanties

1.– Garanties de passifNature de la garantie – incidence de l’identité

Etendue de la garantie et fait générateur des dettesFormalisme Transmission de la garantie

2.– Déclarations du cédant

IV.— Obligation de conseil du rédacteur d’acte

Page 53: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 53 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

É t u d e

Le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne (1) a eu à connaître d’une affaire relative aux conditions de commercialisation d’un fonds «à formule» dénommé « Doubl’ Ô » et « Doubl’Ô Monde », d’une durée de six ans. Ce fonds garantissait, en substance, la meilleure rémunération entre le doublement du capital investit (mentionnant un rendement annuel de 12.25 %) ou 100 % de la hausse du panier de valeurs de référence calculé à l’échéance du fonds, pour autant que ne soit enregistrée, lors des dates d’arrêté de chacun des 8 derniers trimestres, aucune baisse d’au moins 40 % de l’une des 12 actions de référence par rapport à sa valeur initiale. Ce fonds ayant une durée de 6 ans, sa performance était ainsi déterminée au cours des deux dernières années, à raison d’un bilan effectué à l’issue de chacun des trimestres.

Plus précisément, les faits relatifs à la commercialisation de ces fonds sont résumés comme suit dans la décision de la commission des sanctions de l’AMF (Autorité des marchés fi nanciers) du 16 avril 2012 concernant la Caisse d’épargne et de prévoyance Ile-de-France, la Caisse d’épargne et de prévoyance Normandie, la Caisse d’épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse, la Caisse d’épargne et de prévoyance Loire Drome Ardèche (Caisse objet du jugement dont il est ici question) et la société X venant aux droits de la société Ecureuil gestion ; sociétés qui avaient été poursuivies par l’AMF pour manquement aux obligations professionnelles en matière de commercialisation de fonds à formule dénommés «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde».

«La société de gestion Ecureuil Gestion, dont la dénomination a été modifi ée en 23 septembre 2008, avant qu’elle ne soit absorbée par une autre société en 2010, était jusqu’au 23 septembre 2008, une société agréée pour exercer le service d’investissement et de gestion de portefeuille pour le compte de tiers. Son activité était centrée sur la création et la gestion de fonds structurés, dits à promesses ou garantis, principalement distribués par le réseau Caisse d’Epargne. Au cours des années 2001 et 2002, elle a structuré six fonds formule dénommés « Doubl’Ô « et «Doubl’Ô Monde», d’une durée de six ans, ayant pour principales caractéristiques de garantir le capital à l’échéance en permettant de bénéfi cier de la croissance d’actions internationales dans des secteurs d’activité diversifi és.

Ainsi, pour chacun des fonds de la gamme «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde», était constitué un panier de référence de douze actions internationales à grosse capitalisation, avec des zones géographiques et des secteurs d’activité diversifi és. Sans être investis directement dans les actions qui composaient ce panier et sur lesquelles reposaient leurs performances, ces fonds, éligibles au PEA, comprenaient, dans une proportion d’au moins 75 %, des actions européennes et titres assimilés.

Destinés à une clientèle «grand public», ils offraient au souscripteur une garantie du montant du capital minoré des droits d’entrée (1 % pour la gamme « Doubl’Ô » et 2 % pour la gamme « Doubl’Ô Monde » à l’échéance, à condition que le client ait souscrit à l’OPCVM dans la période de réservation et conservé son investissement durant six ans. Dans le cas contraire, s’appliquaient des commissions de souscription plus élevées (6 % pour la gamme « Doubl’Ô » et 4 % pour la « Doubl’Ô Monde », ainsi que des commissions de rachat.

La rentabilité de ces fonds était subordonnée à la réalisation d’une condition (1) ; si celle-ci ne se réalisait pas, entrait en jeu le mécanisme dit de la « barrière désactivante » (2).Deux scenarii étaient donc prévus :

1. Si, à l’une des huit dates de constatation trimestrielles, la première intervenant 4 ans et 3 mois après la première date de valorisation du fonds, aucune des 12 actions constituant le panier de référence n’enregistrait une baisse d’au moins 40 % par rapport à son cours lors de la première date de valorisation, le porteur recevait, à l’échéance, le meilleur remboursement entre :

- 200 % de son investissement initial, hors commission de souscription, soit un rendement annuel de 12,25 % ;- 100 % de son investissement initial, hors commission de souscription, multiplié par l’évolution du panier calculée à l’échéance.

2. Si, à l’une des huit dates de constatation trimestrielles, une des 12 actions constituant le panier de référence du fonds enregistrait une baisse d’au moins 40 % par rapport à son cours lors de la première date de valorisation, le porteur recevait, à l’échéance, le meilleur remboursement entre :

100 % de son investissement initial, hors

1) TC Saint-Etienne, 13 décembre 2012, n° Parquet 09000003063. Bull. Joly Bourse 1er avril 2013, n° 4, p. 176, note Lasserre Capdeville.

Produits financiers et publicité trompeuseFonds à promesse et pratiques commerciales déloyales, les risques d’un délit occulte - A propos du jugement du Tribunal correctionnel de Saint-Etienne du 13 décembre 2012

Francis-J. Credot,Ancien professeur associé,à l’université Jean Monnet (Paris XI)

Emmanuel Jouffin,Docteur en droit

Page 54: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 54 N°107 Mars 2013

É t u d e

commission de souscription, majoré d’un coupon qui progressait de 12,5 % par trimestre échu à compter de la première date de constatation trimestrielle et ce jusqu’à la date de constatation où il était observé qu’une action du panier avait enregistré une baisse d’au moins 40 % ;100 % de son investissement initial, hors commission de souscription, multiplié par un pourcentage (de 60 % à la première date de constatation et augmentant de 5 % à chacune des dates de constatation suivantes, jusqu’à 95 %) de l’évolution du panier calculée à l’échéance.

Il résulte de ce mécanisme, dont l’énoncé est à lui seul révélateur d’une particulière complexité, que :- dans l’hypothèse la meilleure, où aucune ne baisse d’au moins 40 % de la valeur de l’une quelconque des actions constituant le panier de référence, différent pour chacun des fonds, ne serait intervenue à aucune des huit dates de constatation trimestrielle, le souscripteur bénéfi cierait au minimum, à l’échéance, du doublement de son capital, calculé hors commission de souscription ou droits d’entrée ;- à l’inverse, dans l’hypothèse la moins favorable, où serait intervenue dès la première date de constatation trimestrielle, c’est-à-dire après quatre ans et trois mois, une baisse d’au moins 40 % de la valeur de l’une quelconque des actions constituant le panier de référence et où, à l’échéance, ce panier connaîtrait une évolution négative ou nulle, le souscripteur ne recevrait, à l’issue d’un délai de six ans, que le remboursement de son capital, amputé des frais de souscription ou droits d’entrée.

La société Ecureuil Gestion, qui avait conçu les fonds de la gamme «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde», a établi la documentation réglementaire, à savoir la notice d’information et le règlement des différents fonds, et a sollicité leur agrément auprès de la Commission des opérations de bourse (ci-après «COB»). Elle a également préparé la documentation commerciale destinée aux clients du réseau Caisse d’Epargne ainsi que les documents à usage interne destinés aux commerciaux des différentes Caisses d’Epargne.

Les fonds de la gamme «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde» ont été agréés par la COB, conformément à l’article 6 du règlement COB n° 89-02 et à l’instruction du 15 décembre 1998 relative aux OPCVM, entre le 3 mai 2001 et le 12 mars 2002, sur la base des documents suivants :

- la notice d’information ;- les annexes référencées dans la notice : annexe A (exemples chiffrés d’évolution du panier) et annexe B (exemples d’évènements susceptibles d’affecter le panier d’actions) ;- le règlement du fonds commun de placement (ci-après «FCP»).La notice mentionne que la note d’information complète de l’OPCVM ainsi que le dernier document périodique sont disponibles auprès de la société de gestion et des établissements désignés pour percevoir les souscriptions et les rachats. Elle indique également qu’un exemple chiffré de l’évolution du panier d’actions est mis à la

disposition des porteurs dans les locaux de la société de gestion (Annexe A).

La publicité sur les lieux de vente à destination des clients était composée d’une affi che, d’une affi chette, d’un dépliant et du paperboard.La commercialisation des fonds a été réalisée entre le 7 juin 2001 et le 25 avril 2002.A la première constatation trimestrielle des cours des valeurs de référence des paniers d’actions, soit quatre ans et trois mois après l’agrément de chaque fonds, il s’est avéré que tous les FCP de la gamme «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde» avaient subi les effets de la «barrière désactivante» ; à l’issue de six années de placement dans les FCP des gammes «Doubl’Ô» et «Doubl’Ô Monde», les porteurs ont récupéré 100,89 % à 101,9 % des montants investis, diminués des droits d’entrée de 1 à 2 %, soit une somme équivalente et même, notamment pour les souscripteurs à «Doubl’Ô Monde», inférieure au capital de départ, qui a en outre subi une érosion monétaire de l’ordre de 13 %.Pour le FCP «Doubl’Ô» la date de lancement a été fi xée au 5 juillet 2001, la première date de constatation trimestrielle au 5 octobre 2005 et l’échéance de la formule au 5 juillet 2007.Pour le FCP «Doubl’Ô Monde», la date de lancement a été fi xée au 8 novembre 2001, la première date de constatation trimestrielle au 8 février 2006 et l’échéance de la formule au 8 novembre 2007.Pour le FCP «Doubl’Ô Monde 2» la date de lancement a été fi xée au 7 février 2002, la première date de constatation trimestrielle au 7 mai 2006 et l’échéance de la formule au 7 février 2008.Pour le FCP «Dubl’Ô Monde 3» la date de lancement a été fi xée au 28 février 2002, la première date de constatation trimestrielle au 28 mai 2006 et l’échéance de la formule au 28 février 2008.Pour le FCP «Dubl’Ô Monde 4» la date de lancement a été fi xée au 28 mars 2002, la première date de constatation trimestrielle au 28 juin 2006 et l’échéance de la formule au 28 mars 2008.Pour le FCP «Dubl’Ô Monde 5» la date de lancement a été fi xée au 25 avril 2002, la première date de constatation trimestrielle au 25 juillet 2006 et l’échéance de la formule au 25 avril 2008.Le dispositif commercial de grande ampleur établi au plan national par la société Ecureuil Gestion a permis de collecter en tout 2,49 milliards d’euros auprès de 240.000 souscripteurs, 99 % d’entre eux étant des personnes physiques, et de prélever chaque année des «frais de gestion» s’élevant à 1,7 % du capital initialement investi.»

Ces fonds, commercialisés entre le 7 juin 2001 et le 25 avril 2002, n’ayant pas rempli leurs promesses, la Caisse d’épargne Loire Drome Ardèche qui les com-mercialisait a été assignée pour publicité mensongère.

L’intérêt de cette décision, très détaillée, est de mettre en lumière un certain nombre de questions susceptibles de concerner la commercialisation de produits fi nanciers, dont notamment celle relative au point de départ de la prescription des actions pénales relatives aux pratiques commerciales trompeuses (lesquelles ont succédé au délit de publicité trompeuse (2)).

2) Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 (pour le développement de la concurrence au service des consommateurs – dite loi Chatel) D. Fenouillet, Commentaire de la loi du 3 janvier 2008, RDC 2008, p 345 ; S. Fournier, De la publicité fausse aux pratiques commerciales trompeuses : Dr. pén. 2008, étude 4. L. Leveneur, Un peu de concurrence, beaucoup de droit de la consommation. À propos de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 : JCP G 2008, act. 69 ; A. Lepage, Un an de droit pénal de la consommation : Dr. pén. 2008, chron. 4; G. Raymond, Les modifications au droit de la consommation apportées par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs : Contrats, conc. consom. 2008, étude 3 ; M. Cannarsa, La réforme des pratiques commerciales déloyales par la loi Chatel : le droit commun à la rencontre du droit de la consommation : JCP G 2008, I, 180.

Page 55: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 55 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

É t u d e

L’examen de cette décision sera l’occasion de rappeler quelques uns des principes les plus importants en matière de pratiques non moins déloyales, spécialement en matière de commercialisation de produits et d’instruments de paiement.

I.– La question de la prescription

Par-delà les griefs adressés à la communication entourant la commercialisation des fonds «Doubl’Ô» et «Doub’Ô Monde» la question importante est en effet celle du point de départ du délai de prescription de l’action pénale. En l’espèce, la Caisse arguait du fait que le délit de pratique commerciale trompeuse était un délit instantané et que, ce faisant, le point de départ de la prescription de trois ans (3), devait être fi xé à la date ultime de commercialisation du dernier FCP «Doubl’Ô Monde».

C’est, on le sait, la position de la commission des sanctions de l’AMF dans la décision susvisée (4), qui a refusé de prendre une sanction à l’encontre des établissements ayant commercialisé les fonds au motif que l’article L.621-15 I du Code monétaire et fi nancier énonce que : «La commission des sanctions ne peut être saisie de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait pendant ce délai aucun acte tendant à leur recherche, à leur constatation ou à leur sanction.» Pour la Commission des sanctions de l’AMF, le point de départ de la prescription est la fi n de commercialisation des fonds au motif qu’ « il serait artifi ciel de subordonner l’action de l’AMF à la prise de conscience, par les investisseurs, de ce que les résultats fi nanciers n’ont pas atteint ceux que les documents promotionnels leur avaient laissé espérer ». Cette décision a fait l’objet, le 19 juin 2013, d’un recours devant le conseil d’Etat formé par le Président de l’AMF.

La décision a été approuvée par les commentateurs.

Ainsi, selon le commentateur de la décision à la Revue trimestrielle de droit fi nancier «ni la lettre ni l’esprit de l’article L.621-15 ,I du code monétaire et fi nancier ne laisse place à un tel décalage du point de départ de la prescription», ce dernier précisant : «Il est heureux que la commission des sanctions ait refusé de transposer une telle règle (i.e. la création prétorienne du cours décalé de la prescription pénale à la date où «le délit est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l’exercice de l’action publique») au domaine de la répression des manquements boursiers».

L’annotateur de la décision au Bulletin Jolly Bourse qualifi e quant à lui la décision «d’implacable techniquement», observant cependant que «la brièveté du délai jumelée à l’objectivité du point de départ retenu semble en effet rendre illusoire la répression des manquements fi nanciers en présence de fonds à formule». Mais d’observer aussi justement que «les victimes des manquements fi nanciers ne sont pas totalement démunies. Rien ne les empêche en effet d’agir devant une juridiction civile en vue d’obtenir indemnisation du préjudice qu’elles estiment avoir subi… La prescription de droit commun retrouverait alors son empire, pour

permettre aux victimes d’agir dans les cinq années suivant le jour où elles ont connu ou auraient dû connaitre les faits leur permettant d’agir, évènement qui ne pourrait être fi xé avant le jour de la première constatation trimestrielle des cours des valeurs de référence du panier d’actions».

Aussi bien, les recours contentieux sur le terrain civil ne sont pas inexistants. A titre d’exemple, le Tribunal d’Instance de Chollet, par jugement du 28 mai 2010, a jugé que : «Il ne peut qu’être constaté que la présentation succincte et particulièrement avantageuse du produit dans la plaquette publicitaire ne refl ète que très imparfaitement les caractéristiques du produit, les possibilités réelles de rendement et les risques de perte. Au contraire, outre le nom du produit, il est promis par deux fois le «doublement» du capital, lequel doit se faire «en toute sérénité» et «sans risque», ce qui n’incite pas à la prudence qui doit présider pourtant à tout investissement boursier.La fi nalité de cette publicité est à l’évidence d’emporter le consentement de clients qui n’ayant jusqu’alors effectué que des placements sécuritaires, ne sont pas avertis des avantages et inconvénients des placements en Bourse et qui se méfi eraient spontanément de ce type de placement en raison de ses risques et aléas.Le respect de l’obligation d’informer le client ne se réduit pas pour le banquier à porter à la connaissance du souscripteur la notice d’information approuvée par la COB lorsque, par ailleurs, il utilise d’autres instruments d’information des clients.Le contour de cette obligation est défi ni par un ensemble de règles, précisées et éclairées par la jurisprudence. Il résulte de ces règles et notamment des règles de «bonne conduite» de l’article L533-4 du code monétaire et fi nancier et de la directive européenne 2004/39/CE du 21 avril 2009 que cette information doit être exacte, complète, claire et loyale. La responsabilité du banquier est donc mise en cause si cette information est inexacte, incomplète, ambigüe ou trompeuse.Il apparaît donc suffi samment établi le manquement de la Caisse d’Epargne à son obligation d’information.»Ainsi, le tribunal d’instance de Metz (5) a condamné une Caisse d’épargne au profi t d’une cliente défendue par l’UFC Que Choisir pour manquement à l’obligation de conseil et d’information, l’indemnisation étant égale à ce qu’aurait rapporté l’assurance-vie de la cliente si la somme y afférente n’avait pas été retirée pour être placée dans le fond «Doubl’Ô».Ainsi encore, la cour d’appel de Riom qui, dans un arrêt du 20 avril 2011 a condamné la Caisse d’épargne Auvergne Limousin en ces termes :« Attendu qu’il n’en demeure pas moins que cette publicité énonce un objectif présenté comme à l’évidence sinon acquis, et ce «en toute sécurité» ; qu’elle ne rappelle pas au minimum qu’en toute hypothèse tout se joue sur la fl uctuation des marchés fi nanciers dont la banque n’est pas maître ; que cela rend déloyale l’affi rmation d’un doublement présenté sinon comme acquis ou certain, du moins accessible avec un degré de probabilité important ;

3) Article 8 du Code de procédure pénale : En matière de délit, la prescription de l’action publique est de trois années révolues.

4) Décision du 19 avril 2012 de la Commission des sanctions de l’AMF (accessible sur le site de l’AMF); RTDF n° 2012 p. 123, note ED ; Bulletin Jolly Bourse, juillet -août 2012 note J. Klein.

5) Le Républicain lorrain du 13 janvier 2011.

Page 56: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 56 N°107 Mars 2013

É t u d e

que cette probabilité quasi certaine de doublement provient d’un nom signifi catif (Doublo Monde) et de formules publicitaires dépourvues, dans leur formulation grammaticale et syntaxique, de doute sur le résultat; que la publicité doit être cohérente avec l’investissement proposé ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que l’absence de loyauté de ces documents publicitaires - dignes de jeux de loterie publicitaires des commerces par correspondance qu’une banque ne saurait permettre - constitue une faute dont un client non spécialiste est en droit d’obtenir réparation.»On notera que, sur le terrain civil, la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle établit qu’elle n’en avait pas eu connaissance avant. Le Tribunal de grande instance de Versailles (6) a d’ailleurs jugé qu’ «en l’espèce, le dommage dont se prévaut Mr. Gérard Apruzzese est apparu au terme du contrat du prêt, le 5 octobre 2011, date à laquelle la valeur du contrat d’assurance-vie devait lui permettre de rembourser l’intégralité du contrat de prêt souscrit».Mais le terrain pénal est également exploité, ainsi que l’attestent, le jugement du tribunal de Saint-Etienne ici commenté, mais aussi les nombreuses plaintes déposées par les souscripteurs de fonds à formule n’ayant pas produit ce que ceux-ci en espéraient.A cet égard, BNP Paribas ferait-elle l’objet d’une enquête des services de la répression des fraudes menée après la plainte d’un souscripteur d’un produit baptisé BNP Garantie Jet 3 (7). La banque proposerait, selon le quotidien Libération (8) de rembourser des frais de gestion à plusieurs milliers d’épargnants. La question du point de départ de la prescription du délit de publicité mensongère, trompeuse, est connue. Le délit, qualifi é désormais de pratique commerciale trompeuse, doit-il être considéré comme étant occulte au motif que les destinataires de la publicité (ou les autorités judiciaires) ne peuvent découvrir le caractère mensonger de cette dernière qu’au moment où il devient évident que les promesses ne seront pas tenues ? Autrement dit, le délit de publicité trompeuse serait considéré comme un délit occulte du point de vue de la prescription, comme l’est le délit d’abus de confi ance.

Les articles 9 et 10 du code du 3 Brumaire an IV fi xaient le point de départ de la prescription, non pas au jour de la commission de l’infraction mais, au jour où le ministère public en a eu connaissance et s’est trouvé en mesure de la poursuivre (9).

En 1935 (10), la Cour de cassation, s’agissant du délit d’abus de confi ance, a fi xé un principe de report du point de départ de la prescription au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. Autrement dit, le point de départ de la prescription de l’abus de confi ance peut débuter, soit du jour de la consommation de l’infraction, soit de celui de sa révélation en cas de dissimulation.

S’agissant de publicité trompeuse (mais le raisonnement vaut identiquement pour les pratiques

commerciales trompeuses), la Cour de cassation a jugé que le point de départ du délai de prescription doit être le jour où le délit peut être constaté. Ainsi, dans deux espèces jugées le 20 février 1986 (11), la Cour de cassation a estimé qu’»en matière de publicité fausse ou de nature à induire en erreur le point de départ du délai de prescription de l’action publique doit être fi xé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l’exercice de l’action publique».

En l’espèce, un particulier avait acquis un appartement au vu de renseignements contenus dans des dépliants publicitaires. Le point de départ de la prescription a été fi xé au jour où lors de son entrée dans les lieux, l’acheteur avait constaté que les renseignements étaient mensongers.

Cette même analyse a également prévalu dans un arrêt du 22 mai 2002 (12), la Cour de cassation jugeant que «le délai de prescription de l’action publique ne peut commencer à courir tant que les victimes n’ont pas été en mesure de constater le défaut de conformité entre ce qui était promis et qui est réalisé». Et dans un arrêt du 7 juillet 2005 (13), la même chambre criminelle a considéré que «la prescription du délit de tromperie, aggravée ou non, doit partir du jour où l’infraction est apparue ou a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique ; que le délit ne devient pas pour autant imprescriptible, puisque dès que les conditions ci-dessus évoquées se réalisent, la prescription commence à courir «.

Cette même logique se retrouve dans un arrêt du 4 novembre 2008 (14). Au cas d’espèce, était jugée une publicité vantant les rendements élevés d’un investissement immobilier. Or, les premiers relevés trimestriels mettaient en évidence un rendement inférieur à celui promis. Le tribunal, puis la cour d’appel, ont jugé à cette occasion que le délai de prescription avait débuté dès les premiers relevés qui permettaient de constater le hiatus entres documents publicitaires et la réalité.

Saisie d’un pourvoi, la chambre criminelle a rappelé que le point de départ de la prescription de l’action publique est, en matière de publicité trompeuse, le jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique.

On notera par ailleurs que dans une affaire concernant un autre fonds à formule (il s’agissait du fonds Benefi c), la cour d’appel de Paris (15) avait jugé que ce fonds «étant un produit adossé aux marchés actions, donc fl uctuant, la comparaison entre les promesses faites et le résultat atteint ne pouvait se faire qu’à l’échéance».

Ce qui est certain, c’est que les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour décider du report du point de départ de la prescription au jour où la victime a pu avoir connaissance du délit et non au jour de la commission de ce dernier (16). Ce pouvoir abandonné aux juges du fond peut paraître dangereux au regard du respect de principes tel que

6) TGI Versailles, 2e ch. 5 février 2013, R.G. n° 12/OO753.

7) Le Monde.fr, 9 janvier 2013.

8) 2 mars 2013.

9) Cette solution avait été par la suite reprise par le projet de Code d’instruction criminelle de 1949 (article 6 alinéa 2) Roger Merle André Vitu Traité de droit criminel (procédure pénale), 8° édition page 66.

10) Crim., 4 janvier 1935, Gaz. Pal., 1935.I.358 ; Rev. sc. crim., 1936, p. 86, obs. E.-F. Carrive. Solution maintes fois reprises : Crim., 11 février 1981, Bull. crim. 1981, n° 53, et, pour une application récente, 8 février 2006, Bull. crim. 2006, n° 34 ; D. 2006, p. 2297, note L. Saenko.

11) Cass. crim., 20 février 1986, n° de pourvois 85-91357 et 84-91600 : Bull. crim. 1986, n° 70, p. 167 ; JCP éd. G, n° 18, 30 avril 1986, 100984 ; D. 1986. IR. 398, obs. G. Roujou de Boubée.

12) Cass. crim., 22 mai 2002, n° 01-85.763 : Rev. sc. crim. 2003, p. 108, obs. J.-F. Renucci et C. Ambroise-Castérot.

13) Arrêt n° 3800 du 7 juillet 2005.

14) Cass. Crim. 4 novembre 2008, pourvoi n° 08-81.618, Dr. pén. 2009. comm. 24, obs. J.-H. Robert; RTD Com. 2009 p. 473.

15) CA Paris, 27 septembre 2006, n° 05/04646.

16) Notamment Cass Crim, 7 mai 2002 Bull. Crim. n° 107 ; Cass. Crim 8 février 2006, Cass. Crim 27 janvier 2010, Dr Pén. Comm. 60 M. Véron.

Page 57: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 57 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

É t u d e

celui de la prévisibilité de la loi, de la légalité des délits et peines ou bien encore d’intelligibilité de la loi pénale.

Le 20 mai 2011, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation (17) avait à se prononcer à propos de quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives au régime de la prescription de l’action publique. Trois de ces QPC concernaient des infractions d’abus de confi ance et de biens sociaux et, plus précisément, les règles relatives au point de départ de la prescription de l’action publique, qui est, rappelons-le, de 3 ans en matière délictuelle.

Les trois premières décisions ont jugé que «la prescription de l’action publique ne revêt pas le caractère d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République et ne procède pas des articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ni d’aucune disposition, règle ou principe de valeur constitutionnelle» (18). Autant dire que le juge a toute latitude pour déterminer le point de départ d’un délai de prescription. Nous sommes assez loin de la maxime «La prescription est la protectrice du genre humain introduite pour l’utilité publique» (19).

On peut être étonné par la réponse péremptoire de la Cour de Cassation, dans la mesure où le conseil d’État a, quant à lui, énoncé la nature de principe fondamental de la prescription (20). Cette divergence de vue atteste a minima du caractère sérieux de la question, ce qui aurait pu conduire à son examen par le Conseil constitutionnel.

Le grief tiré de la violation du principe de prévisibilité de la loi en matière de procédure pénale n’a rencontré guère plus de succès au motif que les règles relatives, notamment au point de départ de la prescription de l’action publique, sont «anciennes, connues, constantes et reposent sur des critères précis et objectifs». Là encore, on peut s’étonner de la réponse apportée par la Haute juridiction. Ni l’ancienneté, ni la connaissance, ni la constance de la jurisprudence portant sur cette question n’étaient contestés, le débat portait sur l’insécurité que fait planer un point de départ «glissant».

Enfi n, s’agissant du grief issu de la violation du principe d’application légale de la loi, la Cour de cassation se borne à constater que si, selon l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi « légalement appliquée », cette exigence est satisfaite par le droit à un recours effectif devant une juridiction, qui découle de l’article 16 de la même Déclaration. Une fois encore, on peut s’étonner d’un discours consistant à énoncer qu’il importe peu que la loi ne soit pas suffi samment précise, dès lors qu’elle peut être déférée librement au juge. En l’état, seule une intervention législative semble pouvoir faire évoluer la question. Dans un rapport d’information du Sénat sur le régime des prescriptions civiles et pénales (21), deux propositions avaient été faites au sujet du point de départ de la prescription. La première était « de

repousser le point de départ du délai de prescription au jour où l’infraction est révélée, et étendre cette solution à d’autres infractions occultes ou dissimulées dans d’autres domaines du droit pénal et, en particulier, la matière criminelle ». La seconde était d’établir, s’agissant des les infractions occultes ou dissimulées, «à compter de la commission de l’infraction, un délai butoir de dix ans en matière délictuelle et de trente ans en matière criminelle, soumis aux mêmes conditions d’interruption et de suspension que les délais de prescription». En janvier 2008, le rapport Coulon relatif à la dépénalisation de la vie des affaires proposait que, sauf disposition législative contraire «le délai de la prescription parte à compter de la date à laquelle l’infraction a été consommée quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée, d’autre part que le délai de la prescription pour les délits passibles d’au moins trois années d’emprisonnement soit fi xé à sept années» (22). Enfi n, un avant-projet de réforme du 1er mars 2010 envisageait une réforme globale de la prescription inspirée des travaux précédents (23). En tout état de cause, la question demeure posée. Le caractère trompeur d’une publicité relative à des produits fi nanciers peut-il apparaître vraiment avant sa constatation possible par la victime, laquelle se situe normalement à l’échéance du produit ? Peut-on vraiment considérer qu’il appartient à la victime de déceler ce caractère trompeur dès la souscription du produit ou du moins dans les trois ans de celle-ci ? On a du mal à adhérer cette dernière proposition, car elle paraît peu réaliste. Le souscripteur du produit fait confi ance à sa banque et ce n’est qu’ultérieurement qu’il peut découvrir que le résultat n’est pas à la hauteur de la publicité qui lui vantait ledit produit. Et c’est particulièrement le cas si l’échéance du produit est à plus de trois ans. S’agissant de fonds à promesse, ces derniers sont diffi ciles à comprendre et il est au moins aussi diffi cile pour les souscripteurs de se plonger dans les notices d’information. L’éthique des affaires n’y trouverait sans doute pas son compte. Voire la morale tout court. Décider que la prescription débute lors du dernier acte de commercialisation, ne serait-ce pas une prime à une certaine impunité ? Aussi bien, est-il douteux que la solution de la jurisprudence pénale soit ici remise en cause car l’on peut raisonnablement considérer qu’une publicité trompeuse n’a pas épuisé ses effets tant que son caractère trompeur ne s’est pas révélé.L’arrêt de la chambre criminelle du 4 novembre 2008 cité plus haut est très éclairant en ce sens et justifi e la reproduction de ses attendus: « Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Michel Z... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de publicité de nature à induire en erreur sur les avantages et rendements d’une opération immobilière et d’investissement permettant des revenus locatifs annuels nets garantis, à l’occasion de laquelle les époux Y... ont acquis, dans les Landes, une villa avec piscine au bord d’un golf ; que le prévenu a été relaxé par les premiers juges ;Attendu que, pour constater la prescription de l’action publique, l’arrêt retient que le délai de prescription a commencé à courir le 1er octobre 2000, date à laquelle les époux Y..., destinataires du

17) Cass. Ass. Plén. Arrêt n° 595 du 20 mai 2011 (11-90.025), Arrêt n° 596 du 20 mai 2011 (11-90.032), Arrêt n° 597 du 20 mai 2011 (11-90.033), Arrêt n° 598 du 20 mai 2011 (11-90.042).

18) B. Mathieu, La prescription de l’action publique ne constitue pas un principe constitutionnel : JCP G 2011, 670.

19) «Prescriptio est patrona generis humani ad utilitatem publicam introducta.» Ce texte, mentionné par A. Bruneau (Observations et maximes sur les matières criminelles, Paris, Guillaume Cavelier, 1716, p. 283) comme tiré de Cassiodore, est une adaptation de l’original, que voici : «Tricennalis autem humano generi patrona praescriptio, eo quo cunctis, vobis jure servabitur.» Soit «La prescription de trente ans est une protectrice pour le genre humain, en ce qu’on l’observera de droit pour vous tous.» Adde Lex Base Hebdo, éd. Privée n° 492, 5 juill. 2012, C.Leibovitch, « Tempus fugit,une reflexion plurielle sur la prescription en droit pénal des affaires ».

20) CE, avis, 29 févr. 1996, n° 385597, in Les grands avis du conseil d’État : D. 2008, 3e éd., n° 28, comm. C. Santelli.

21) Rapport d’information du 20 juin 2007 fait au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par la mission d’information sur le régime des prescriptions civiles et pénales, Par MM. Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung.

22) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/084000090/0000.pdf. Spéc. p. 129.

23) Article 121-6 : « Le délai de prescription de l’action pénale est, (...) en matière délictuelle de six ans lorsque le délit est puni d’une peine supérieure à trois ans d’emprisonnement. » - Article 121-7 : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, la prescription de l’action publique court du jour où l’infraction a été commise, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée. »

Page 58: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 58 N°107 Mars 2013

É t u d e

premier relevé trimestriel couvrant la période du 1er juillet au 30 septembre 2000, disposaient de tous les éléments comptables et fi nanciers leur permettant de constater que les tarifs pratiqués n’étaient pas ceux annoncés par les documents publicitaires ; que les juges ajoutent que les plaignants n’ont pas attendu le 1er juin 2002, date à laquelle la société gérant leur villa leur a confi rmé qu’elle ne pouvait pas leur verser les loyers prévus, pour se plaindre auprès de cette dernière, du montant insuffi sant des loyers versés en 2000 et 2001 ; qu’ils relèvent enfi n qu’il n’y a eu aucun acte interruptif de prescription entre le 1er octobre 2000 et le 12 novembre 2003, date de la plainte déposée auprès du procureur de la République ;Attendu qu’en l’état de ces motifs, déduits d’une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, la cour d’appel, qui a justement rappelé qu’en matière de publicité de nature à induire en erreur, devenue pratique commerciale trompeuse, le point de départ du délai de prescription de l’action publique est fi xé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans les conditions permettant l’exercice de cette action, la cour d’appel a justifi é sa décision ;D’où il suit que le moyen doit être écarté.»

II.– La pratique commerciale contestée

A.- L’élément matériel. La déloyauté de la communication

1 - Qu’est-ce qu’une pratique commerciale trompeuse ?D’un point de vue formel, l’article L.120-1 du Code de la consommation est, à lui seul, le chapitre préliminaire du titre II – Pratiques commerciales – du Livre I – information des consommateurs et formation des contrats du Code de la consommation et fi xe un principe général de prohibition de la déloyauté (24). L’analyse du contenu des pratiques commerciales trompeuses doit donc se conduire en contemplation du contenu de cet article L. 120-1.On rappellera que la jurisprudence, se plaçant du point de vue du consommateur, adopte une défi nition large de la notion de «pratique commerciale». La Chambre criminelle de la Cour de Cassation estime qu’est une publicité «tout moyen d’information permettant aux consommateurs de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui leur sont proposés» (25).

On notera par ailleurs que la DGCCRF, dans la note de service du 29 janvier 2009 (26), énonce : « Les pratiques commerciales déloyales sont donc envisagées de manière très large : elles visent la publicité mais également tous les procédés liés au commerce, c’est-à-dire toute forme d’acte en relation avec la vente d’un produit. Toutes les conditions de la vente, manœuvres, subterfuges pourront être utilisées pour caractériser une pratique commerciale déloyale. Cette défi nition vise également la «fourniture» d’un produit ce qui signifi e que la déloyauté commerciale peut être constatée à l’occasion de la remise à titre gratuit d’un produit. »

Par ailleurs l’alinéa premier de l’article L. 120-1 énonce ainsi un principe général : «Les pratiques commerciales déloyales sont interdites», en précisant qu’est déloyale la pratique qui, non seulement est «contraire aux exigences de la diligence professionnelle», mais qui de plus, critère cumulatif (27), «altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service «. A aucun moment le tribunal correctionnel de Saint-Etienne ne relève ici la contrariété à la diligence professionnelle. Pour autant, il paraît diffi cile d’articuler un moyen de défense autour de cet oubli. En effet, la «diligence professionnelle» est vue par la Directive 2005/29 du 11 mai 2005 (28), comme «le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité» (29).

On soulignera que le rapport Delétré II (30) de juillet 2009 évoque la notion de «conduite des affaires» qui «doit répondre à un objectif de loyauté vis-à-vis de la clientèle. Il s’agit d’un engagement du vendeur à ne pas tromper son client en abusant de l’asymétrie d’information dont il bénéfi cie». Il paraît clair que le fait de remettre à sa clientèle une communication commerciale biaisée est objectivement déloyal (31).

2 – Qu’en est-il au cas d’espèce ?

Le jugement, rédigé de manière très précise, énumère les divers griefs d’une communication commerciale estimée partiale, rendant les supports de communication justiciables des dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la consommation.

Outre la performance des FCP très éloignée de la promesse faite à la clientèle, le tribunal correctionnel relève au titre des pratiques trompeuses, des plaquettes commerciales au contenu «orienté». Tout d’abord, sur le dépliant publicitaire, apparaissent en caractères très apparents l’appellation «Doubl’Ô» associée à un sigle «X2», tandis que les réserves n’apparaissent que dans une police de caractères beaucoup plus petite, de telle sorte que la garantie du capital investi et son doublement sont identiquement présentés. Le tribunal précise en outre, qu’à cette présentation s’ajoute l’emploi de termes lénifi ants «sérénité», «vous êtes assurés». Autrement dit, ces supports publicitaires mettaient en avant, de manière disproportionnée, le doublement du capital, sans toutefois faire apparaître les caractéristiques défavorables ainsi que les risques de ne récupérer, à l’échéance, que le montant du capital investi déduction faite des frais.

Le nom même du produit « Doubl’Ô » n’était sans doute pas neutre dans l’accroche commerciale et l’on sait que «le caractère trompeur peut résulter de la marque donnée au produit» (32). De même, faut-il rappeler que «l’astérisque renvoyant, à la suite de mentions attractives, à des inscriptions discrètes,

24) E. Bazin, L’exigence de loyauté dans les contrats de consommation : Rev. Lamy dr. aff. octobre 2008, 117.

25) Cass. Crim., 6 mai 1998, n° 97-83.023, Bull. Actu. Lamy Droit Economique 1998, Juillet, n° 108, p. 11.

26) Note de service n° 2009-07 du 29 janvier 2009, p. 3.

27) CJUE, 9 novembre 2010, no C-540/08, Mediaprint : D. 2010, 2829 ; Contrats, conc. consomm. 2011 no 1, p. 42 et s., obs. G. Raymond ; D. 2011, no 14, p. 975 et 976, obs. N. Sauphanor-Brouillaud.

28) Directive relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur JOUE du 11 juin n° L. 149.

29) Directive n° 2005/29/CE, article 2 - h.

30) Rapport n° 2009-M-040-03 de la mission de conseil sur le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier p. 16. Cf. Th. Bonneau, introduction au Hors- Série Banque et Droit, La loyauté dans la commercialisation des produits financiers, Banque et Droit décembre 2011, p. 4.

31) La Protection de l’épargnant et de l’investisseur, droit commun et nouvelles règles légales. Un cadre protecteur. F.Crédot, cf. hors-série Banque et Droit décembre 2011, «La loyauté dans la commercialisation des produits financiers», spéc. p. 13. Ibid., p. 43, J.-J. Daigre et P. Pailler : «De la loyauté de la publicité accompagnant la commercialisation des parts ou actions d’OPCVM».

32) Mémento pratique Francis Lefebvre, Concurrence Consommation, 2009-2010 n° 2277.

Page 59: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 59 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

É t u d e

restrictives ou contradictoires, est de nature à induire en erreur» (33). Plus généralement, « les présentations typographiques ne doivent pas être trompeuses. La disproportion entre les mentions attractives et les mentions restrictives peut justifi er la condamnation pour publicité trompeuse En général, les premières mentions sont en gros caractères, les secondes en petits souvent illisibles» (34).

Les principes en matière de communication relative aux instruments fi nanciers sont notamment déterminés, par un «Guide des bonnes pratiques pour la rédaction des documents commerciaux et la commercialisation des instruments fi nanciers» du 21 juin 2010 diffusé par l’AMF (35) et un guide de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) en matière de mentions et renvois (36). A cet égard, l’AMF, sous le visa de l’article 314-11 de son règlement général, exige une information équilibrée ne travestissant, n’occultant ni ne minimisant «les avertissements importants». Au cas d’espèce, il est reproché une absence d’affi chage claire et loyale des risques du produit commercialisé.

Si le statut de ces guides de bonne pratique reste problématique, sa «juridicité» est évidente. Tout d’abord, la jurisprudence affi rme que tout manquement déontologique conduit nécessairement à une faute civile sur le terrain de l’article 1382 du Code civil (37). Par ailleurs, la pratique commerciale déloyale est contraire à la «diligence professionnelle». Or, un tel manquement est vu par la directive n° 2005/29 comme «le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité» (38).

En tout état de cause, à la date de commercialisation du fonds Doubl’Ô, était en vigueur le règlement n° 89-02 de la COB dont l’article 33 énonçait : « La publicité concernant des OPCVM ou des compartiments doit être cohérente avec l’investissement proposé et mentionner, le cas échéant, les caractéristiques moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés » et en prévoyant que l’autorité de régulation «peut exiger communication de tous les documents établis ou diffusés par un OPCVM, sa société de gestion et toute personne le distribuant. Elle peut en faire modifi er à tout moment la présentation et la teneur».

On soulignera qu’à partir de 2008, la Cour de cassation (39), sous le visa conjoint des articles 1147 du Code civil et 33, alinéa 2 du règlement COB n° 89-02, a jugé que «la publicité délivrée par la personne qui propose à son client de souscrire des parts de FCP doit être cohérente avec l’investissement proposé et mentionner le cas échéant les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ; l’obligation d’information qui pèse sur ce professionnel ne peut être considérée

comme remplie par la remise de la notice visée par la COB lorsque la publicité ne répond pas à ces exigences». Cette exigence de cohérence est par ailleurs rappelée par l’article 411-50 du Règlement général de l’AMF.

Ce que dit la Cour de cassation de manière directe et que sous-entend le tribunal, est que la publicité en matière de produits fi nanciers doit être cohérente, cette cohérence s’appréciant par rapport aux autres informations que le professionnel doit délivrer à ses clients. La Cour de cassation, dans un arrêt «Bénéfi c» du 12 octobre 2010 (40), a ainsi jugé que les documents publicitaires remis «étaient cohérents avec la notice». On soulignera que la Cour de Cassation souligne que «même si le risque d’une baisse supérieure au taux mentionné n’a pas été particulièrement mis en exergue, le risque d’une baisse supérieure au taux mentionné n’a pas été exclu».

Ce que cet arrêt dit Bénéfi c souligne est élémentaire, mais d’importance. Il ne suffi t pas que l’information soit cohérente, encore faut-il qu’elle ait été remise à la clientèle, chose qui ne semble pas avoir été, selon les constatations du juge, une pratique systématique s’agissant du FCP « Doubl’Ô ».

Sans doute, à l’époque de la confection de la documentation commerciale des produits « Doubl’Ô » et « Doubl’Ô Monde », ses auteurs croyaient les promesses réalistes et par conséquent en leur caractère non trompeur. Mais c’était avant la crise fi nancière que l’on a connu à compter des années 2007/2008 et cela ne saurait être pour eux une excuse.

B.- L’élément intentionnel de l’infraction

Le tribunal correctionnel de Saint-Etienne souligne que la banque «avait pleinement conscience du caractère trompeur du document publicitaire incriminé», affi rmation s’appuyant notamment sur le fait que ladite banque «n’avait pas tout mis en œuvre pour éviter de tromper le consommateur».

La répression des pratiques commerciales trompeuses prend la suite de celle applicable aux publicités fausses ou de nature à induire en erreur (41).

A cet égard, l’article L. 121-1 du Code de la consommation, dans son ancienne rédaction, était absolument muet relativement à la question du caractère intentionnel de l’infraction. La mauvaise foi n’y fi gurait pas en tant qu’élément moral requis. A défaut de mention de la négligence ou de l’imprudence, il était cependant diffi cile de retenir le caractère nécessairement intentionnel conformément à l’article 121-3 alinéa 1er du Code pénal, selon lequel «il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre».

Aussi bien la loi d’adaptation du 16 décembre 1992 (42) relative à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal prévoyait, dans son article 339, que «tous les délits non intentionnels réprimés par des textes

33) Ibid., n° 2276, citant Cass. Crim., 8 février 1983,n° 82-91.200.

34) Ibid.

35) http://www.amf-france.org/documents/general/8304_1.pdf.

36) http://www.arpp-pub.org/IMG/pdf/Recommandation_mentions_et_renvois-2.pdf.

37) Cass. Com. 12 juillet 2011, n° 10-25386. Idem Cass. Com. 22 mai 2001, n° 95-14.909 ; Cass. Com 18 avril 2000, n° 97-17.719 ; Cass. Com. 29 avril 1997, n° 94-21.424, D. 1997. 459, note Serra ; RTD civ. 1998. 218, obs. Libchaber; JCP 1997. I. 4068, obs. Viney. Sur cette question, cf. hors série Banque et Droit décembre 2011, «La loyauté dans la commercialisation des produits financiers».

38) Directive n° 2005/29/CE, article 2- h.

39) Cass. com. 24 juin 2008, n° 06-21798, Bull. civ., 2008, IV, n° 127; RTD civ., 2008, p. 670, note B. Fages ; RTD com., 2008, p. 590, note M. Storck ; JCP E, 2008, 2244, note N. Mathey ; D. 2009, p. 1054, note D. R. Martin ; RDBF, 2008, étude 17, note H. Causse ; D. 2008, 2697, note D. Houtcief; Rev. Dr Bancaire et Fin, 2008, étude 27; RTD. Civ. 2008, 670, obs. B. Fages. Idem, Cass. com. 19 janvier 2010, n° 09-10627, RDBF, 2010, comm. 77, note M. Storck ; Cass. com. 13 avril. 2010, n° 08-21334 ; Cass. com. 12 oct. 2010, n° 09-16961.

40) Cass. Com. 12 octobre 2010, n° 09-16.961. Dans un sens identique s’agissant de la promotion de parts de fonds communs de placements, Cass. Com. 24 juin 2008.

41) J. Lasserre Capdeville, La substitution du délit de pratiques commerciales trompeuses au délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, PA 21 novembre 2008 n° 234, p. 8.

42) Loi d’adaptation n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur : JO 23 déc. 1992.

Page 60: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 60 N°107 Mars 2013

É t u d e

antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent constitués en cas d’imprudence, de négligence et de mise en danger délibérée de la personne d’autrui, même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément». Or, le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur était, antérieurement à la réforme du Code pénal, un délit non intentionnel, nature qu’il a conservée ensuite.La jurisprudence a dès lors affi rmé le caractère de délit d’imprudence de la publicité trompeuse (43).

Si un arrêt de la Chambre criminelle du 15 décembre 2009 (44) exige la démonstration d’une intention coupable s’agissant de pratiques commerciales trompeuses, la lecture du principal attendu conduit à pondérer l’apparente exigence d’une telle intention.

La Cour de cassation relève en effet :»En l’état de ces énonciations, d’où il résulte que le prévenu n’a pas pris toutes les précautions propres à assurer la véracité des messages publicitaires, et dès lors que la seule constatation de la violation en connaissance de cause d’une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l’intention coupable exigée par l’article 121-3, alinéa 1er du Code pénal, la cour d’appel a justifi é sa décision.»

L’absence de précautions ou la violation de prescriptions légales, réglementaires ou déontologiques, en «connaissance de cause» suffi t donc pour caractériser l’intention coupable (45), ce qui conduit à une présomption d’intention dispensant les juges du fond de constater l’imprudence du prévenu. Cette «connaissance de cause» sera d’autant plus aisément rapportée que l’auteur de la pratique trompeuse sera un professionnel (46), soit un résultat fi nal sensiblement identique à celui obtenu au travers du recours à un «simple» délit d’imprudence.

La DGCCRF, dans sa note de service du 29 janvier 2009 (47), adopte une position conforme à cette jurisprudence. En effet, après avoir benoîtement énoncé la nécessité de «caractériser l’élément intentionnel au-delà de la simple négligence (notamment par la connaissance qu’avait le professionnel du caractère trompeur de la pratique)», elle souligne : «Toutefois, il convient d’observer que la déloyauté du procédé utilisé par le professionnel caractérise l’intention de commettre l’infraction. La déloyauté d’une pratique pourra être établie à partir d’éléments tels que le non-respect de la lettre et de l’esprit de certaines règles tels que les codes de conduite, les usages inhérents à la profession, ou des conséquences prévisibles de la présentation trompeuse sur le consommateur, ou bien encore la connaissance qu’avait le professionnel de l’aspect trompeur de la pratique.»

Où l’on voit bien que les pratiques commerciales déloyales sont constitutives d’un délit «quasi non intentionnel».Pour autant, il était diffi cile effet d’exiger une intention frauduleuse. C’eût été trop favorable aux annonceurs comme la conception d’un délit purement objectif eût été très sévère pour ces derniers.

C.- Infl uence de la communication sur le comportement des clients

La Caisse d’épargne soulevait pour sa défense que certaines des partes civiles n’ayant pas eu connaissance de la plaquette commerciale litigieuse, la «publicité présentée comme mensongère n’aurait de toute façon pas revêtu un caractère déterminant».

Le tribunal correctionnel relève toutefois que l’instruction avait démontré que la plaquette était «largement diffusée» et systématiquement remise, déduisant ainsi que «cette diffusion erronée était susceptible d’avoir été prise en compte et d’avoir incité les clients à souscrire». Les juges concluent ainsi au fait que cette diffusion d’information avait bien revêtu un «caractère déterminant» sur un consommateur qualifi é de «moyen» ou de «non initié».

Deux remarques s’imposent.La première remarque est relative à l’infl uence exercée par la pratique commerciale sur le comportement du consommateur. Nous l’avons vu, aux termes de l’alinéa premier de l’article L. 120-1 du Code de la consommation, la pratique commerciale déloyale est celle qui «altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service «.L’article 2-e de la directive 2005/29 vise une «altération substantielle du Comportement économique des consommateurs», la pratique commerciale répréhensible «compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement».

La notion de décision commerciale est délicate à circonscrire et semble aller au-delà de la décision de contracter, la Directive 2005/29 dans son article 2 précisant que la décision commerciale est «toute décision prise par un consommateur concernant l’opportunité, les modalités et les conditions relatives au fait d’acheter, de faire un paiement intégral ou partiel pour un produit, de conserver ou de se défaire de ce produit ou d’exercer un droit contractuel en rapport avec le produit, une telle décision pouvant amener le consommateur soit à agir, soit à s’abstenir».

Il importe peu que la pratique commerciale ait été déterminante (ainsi que le dit le tribunal), du consentement (comme le serait le dol (48)), il suffi t qu’elle ait été «susceptible» d’altérer le comportement d’un consommateur.

Au cas d’espèce, les juges ont estimé qu’il importait peu que soit établie une prise de connaissance individualisée par les plaignants, certains ayant affi rmé ne pas avoir eu connaissance de la plaquette commerciale. Cette position du tribunal correctionnel de Saint-Etienne n’est pas sans rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation

43) Cf. Mémento Francis Lefebvre précité n° 2307.

44) Cass. Crim. 15 décembre 2010; Dr. pén. 2010, comm. 41, obs. J.-H. Robert ; D. 2010, p. 203, obs. X. Delpech ; AJP 2010, p. 73, note N. Eréséo et J. Lasserre.

45) En ce sens, C. Ambroise-Castérot, Droit pénal de la consommation : Rev. sc. crim. janvier-mars 2010, n° 1, p. 146 et s.

46) En ce sens, Cass. Crim., 27 octobre 2009, n° 09-82.346, F-P+F : JurisData n° 2009-050361, Droit pénal n° 1, Janvier 2010, comm. 3, note M. Véron.

47) Note de service n° 2009-07 du 29 janvier 2009, p. 8.

48) Le considérant 9 et l’article 3.2 de la directive 2005/29 prennent soin de distinguer le contenu de ladite directive et des droits voisins, ce dernier article énonçant «La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats».

Page 61: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 61 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

É t u d e

estimant qu’une infraction n’a pu être commise «que» par un organe ou représentant de la personne morale (49), dès lors que les infractions retenues s’inscrivaient «dans le cadre de la politique commerciale» des sociétés impliquées.

En présence de pratiques commerciales trompeuses, la référence à une «politique commerciale» dépendra de la constatation par les juges du fond du caractère ou non accidentel du recours à de telles pratiques. On peut raisonnablement penser que les juges du fond adopteront une attitude très rigoriste les conduisant à estimer que la violation, par un professionnel en «connaissance de cause», sur une période étendue, des obligations s’imposant à lui en matière de commercialisation constitue la démonstration d’une politique commerciale déviante.

La seconde remarque est relative aux «qualités» des consommateurs victimes de la pratique commerciale déloyale.

Non seulement la pratique doit être déloyale, mais encore doit-elle être déloyale pour un consommateur “moyen”. Ceci emporte deux conséquences. La protection de la loi est écartée s’agissant d’un consommateur insuffi samment diligent. On citera une excellente décision du tribunal correctionnel de Metz du 27 mai 1982 (50) qui, citant la maxime de Planiol : “Le Droit ne doit pas se soucier de protéger les imbéciles», juge que «tout individu entrant dans le commerce juridique doit veiller à sa propre sûreté et ne pas avaler comme argent comptant les couleuvres que la «réclame» aimerait lui voir avaler». La connaissance qu’aurait pu avoir la victime lorsqu’elle a contracté de l’inexactitude des informations données fait également obstacle à la répression, la victime ne pouvant prétendre alors avoir été trompée par son interlocuteur (51).

Dans le même ordre d’idée, les communications hyperboliques ne sont pas sanctionnables, le consommateur devant être capable de déceler le caractère humoristique ou emphatique d’une publicité (52).On notera que l’article 5-3 de la directive 2005/29 souligne que l’interdiction des pratiques déloyales est «sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral». Toute la question est de déterminer le niveau moyen de compréhension des destinataires de la communication commerciale.

Au cas d’espèce, le tribunal correctionnel se réfère tantôt à un consommateur «moyen», tantôt à la notion de «grand public non averti». En réalité, il suffi t d’être un consommateur «digne» d’être protégé, c’est-à-dire «normalement informé et raisonnablement attentif et avisé». Ce consommateur ressemble fort au consommateur « moyen » (53) évoqué dans une circulaire (54) du 1er octobre 1974 qui indiquait : « L’appréciation de la publicité mensongère doit être faite au regard

de la psychologie du consommateur moyen. » On notera par ailleurs que l’article 5-2 §b de la Directive 2005/29 vise également un «consommateur moyen» ainsi que le «membre moyen» du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs (55).

En conclusion, en l’espèce, la Caisse d’épargne, prise en la personne de son représentant légal, a été condamnée au paiement d’une amende de 40.000 euros et les plaignants, à l’exception d’un seul, ont été déclarés recevables dans leur constitution de partie civile.

La banque devra les indemniser. Elle a fait appel. Ses chances de voir le jugement infi rmé paraissent cependant assez faibles au regard de ce que nous avons pu ici rappeler ou faire observer.

La condamnation de la personne morale pour publicité trompeuse était rendue possible depuis la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001. Cette loi a en effet inséré à l’article L.121-6 du code de la consommation un alinéa 3 ainsi rédigé : «Les dispositions de l’article L.213-6 prévoyant la responsabilité des personnes morales sont applicables à ces infractions».

Enfi n, relativement à la commercialisation loyale des produits fi nanciers, on ne peut pas ne pas faire mention ici de la recommandation de L’autorité de contrôle prudentiel (ACP) 2003-R-01 du 8 janvier 2013, applicable à compter du 1er octobre prochain, sur le recueil des informations relatives à la connaissance du client dans le cadre du devoir de conseil en assurance-vie (56) et de la position de l’Autorité des marchés fi nanciers AMF) n° 2013-02 applicable à la commercialisation des instruments fi nanciers (57) et relative au recueil des informations relatives à la connaissance des clients.

Il s’agit en effet de faire en sorte que les produits fi nanciers souscrits par les clients soient bien en adéquation avec leurs besoins, leurs objectifs, leur sensibilité au risque, en un mot à leurs attentes. Ces prescriptions s’ajoutent, on le rappelle aussi, à la mission de surveillance par ailleurs de l’ACP et de l’AMF des campagnes publicitaires en matière de produits bancaires, d’assurance, d’épargne ou fi nanciers (58).

La transparence, l’information claire et la loyauté sont d’autant plus impératives que l’on sait que 80 % des Français ont un sentiment d’incompétence dans le domaine des placements fi nanciers. C’est ce que montre une étude publiée en 2011 par l’AMF, le Credoc et La Finance pour Tous (59). Ces personnes font le plus souvent confi ance à leurs conseillers fi nanciers, même lorsqu’elles ne comprennent pas ce que la banque leur propose. Un quart de la population pense qu’un produit fi nancier peut procurer un rendement élevé sans prise de risque. Mais heureusement, la plupart des Français souhaitent vivement perfectionner leur connaissance... Aux banques de les y aider.

49) Cass. Crim., 25 juin 2008, n° 07-80.261, FS-P+F, Rev. sociétés 2008, p. 873, note H. Matsopoulou.

50) Trib. corr. Metz, D. 1983, jurispr. p. 422, note M. Mayer ; Gaz. Pal. 1983, 1, p. 79, note J.-L. Fourgoux.

51) Cass. Crim., 3 septembre 2002, n°01-84.006.

52) CA Paris, 4 mai 2006 : Gaz. Pal. 2006, 2, somm. p. 4166. – Cass. Crim., 5 avril 1990 : JCP E 1991, I, 2. - CA Paris, 12 avril 1983 : Gaz. Pal. 1983, 1, jurispr. p. 341. – TGI Paris, 22 juin 1983 : Gaz. Pal. 1983, 1, jur. p. 343. CA Grenoble, 21 octobre 2010, Rép. Gén. n° 08/03251, Kelkoo c/ Concurrence. La Cour évoque une publicité hyperbolique, marquée par l’emphase n’excédant pas «la capacité de discernement et le sens critique de la moyenne des consommateurs».

53) V. Wester-Ouisse, La notion de consommateur à la lumière de la jurisprudence pénale : JCP G 1999, I, 176. M.A., Frison-Roche, Les principes originels du droit de la concurrence déloyale et du parasitisme : RJDA, 6/94, p. 484.

54) Circulaire du ministère de la justice, D. 1975, législ. p. 52. En jurisrpudence, Cass. Civ. 1°, 11 mars 1997; Contrats, conc. consom. 1997, comm. 89.

55) Le considérant 18 de la Directive 2005/29 énonce : «….la présente directive prend comme critère d’évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques…».45 - Source Revue Banque, janvier 2013.

56) Accessible sur le site de l’ACP.

57) Accessible sur le site de l’AMF.

58) Voir convention entre ces deux autorités du 30 avril 2010, préambule, I -3°).

59) http://www.amf-france.org/documents/general/10198_1.pdf

Page 62: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JEUDI 25 AVRIL 2013

ACTUALITÉ DU DROIT DES SURETÉSAprès-midi de formation juridique de 14 h 00 à 18 h 00

Jean–Jacques ANSAULTAgrégé des Faculté de droit

Professeur à l’Université de Rouen

PROGRAMME

Accueil des participants à partir de 13 h 45Journal Spécial des Sociétés - 8 rue Saint Augustin, 75002 Paris

F O R M A T I O N J U R I D I Q U EO R G A N I S É E P A R

8 rue Saint Augustin 75002 ParisTél : 01 47 03 10 10 - Fax : 01 47 03 99 31

www.jss.fr

JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS

I.— Les sûretés personnelles– Le formalisme imposé par la loi Dutreil du 1er aout 2003.Comment la jurisprudence interprète–t–elle les textes de ce dispositif quant à l’exigence des mentions manuscrites ? Quelles sont les évolutions récentes en la matière ? Quels contentieux futurs se dessinent ?

– Le principe de proportionnalité et le devoir de mise en garde de la caution. Quels sont les contours exacts des règles légales et jurisprudentielles dans ce domaine ? Quels sont les éléments à prendre en considération pour apprécier la solvabilité de la caution ?

– L’imbrication du droit du cautionnement et du droit des sociétés. De quelles protections jouit un dirigeant ou un associé caution au vu du dernier état du droit positif ? Dans quelle mesure une société peut–elle valablement souscrire un cautionnement en garantie de la dette d’un tiers au regard des nouvelles exigences posées par la Cour de cassation ?

– La distinction entre le cautionnement et la garantie autonome. La jurisprudence fait–elle preuve de plus de souplesse

autonome ?Y–a–il une concurrence possible entre les deux mécanismes en droit interne ?

exprime une obligation de moyen ou une obligation de résultat ?

l’engagement en cause ?

II.— Les sûretés réelles– L’objet de l’hypothèque. Est–il envisageable de faire porter une hypothèque sur un démembrement de propriété ? Un bien immobilier frappé d’inaliénabilité peut–il faire l’objet d’une hypothèque ?

– Indivisibilité du gage. Dans quelle mesure la jurisprudence permet–elle aux parties de renoncer à l’indivisibilité du gage ?

de propriété. Quelle portée le juge donne–t–il à une clause de substitution ?

– Le gage sur stocks du Code de commerce et le gage de droit commun sans dépossession. Comment interpréter la récente décision de la Cour de cassation qui confère un caractère exclusif au gage sur stocks du droit commercial dans son domaine d’application ? Quelles en sont les conséquences pratiques ?

– Les sûretés réelles pour autrui. Quel régime appliquer à de telles garanties ? Le droit du cautionnement se trouve–t–il systématiquement écarté ?

– La cession de créances professionnelles. La cession Dailly échappe–t–elle à l’impérialisme des procédures collectives ?

– L’agent des sûretés.Quelle place accordée à l’agent des sûretés de droit

Page 63: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 63 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

F i c h e p r a t i q u e

La date d’évaluation par expertise des parts sociales de l’associé retrayant d’une société civile

Deen Gibirila,Professeur à la Faculté de droit et science politique,Université Toulouse 1 Capitole

Encore et toujours l’article 1843-4 du Code civil selon lequel toute contestation relative à l’évaluation des droits sociaux d’un associé cédés ou rachetés implique la nomination d’un expert chargé de les apprécier. En effet, durant ces trois dernières années, les tribunaux, en particulier la Cour de cassation, ont été saisis de litiges dont l’importance pour cette dernière a été souvent signalée par la publication au Bulletin, ce qui n’a pas manqué d’éveiller l’attention de la doctrine et de susciter ses observations (1).Pour ne pas briser cette chaîne, l’année 2013 « ouvre le feu » avec un arrêt de la chambre commerciale du 15 janvier (2) qui se rapporte à l’évaluation par expertise des parts sociales de l’associé retrayant d’une société civile immobilière. Le différend a pour origine un arrêt irrévocable du 4 octobre 2002 qui a autorisé le retrait d’une associée d’une telle société.Faute d’accord amiable avec ses coassociés sur la valeur de ses droits sociaux, l’associée retrayante a obtenu en justice la désignation d’un expert à l’appui de l’article 1843-4 du Code civil. Dans le cadre de sa mission, celui-ci a déposé un rapport le 25 octobre 2007 retenant comme date d’évaluation des parts sociales de l’intéressée, celle de la décision de justice qui a autorisé son retrait. Cette dernière a sollicité que ses parts détenues dans la société soient évaluées à la date la plus proche de leur remboursement effectif. Sa demande a été accueillie par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 20 octobre 2011 infirmatif du jugement rendu le 15 septembre 2010 par le tribunal de grande instance de Paris.La juridiction de seconde instance a décidé que le rapport d’expertise était entaché d’une erreur grossière en raison de la détermination erronée du prix des parts sociales à la date de l’arrêt ayant autorisé le retrait, alors que l’appréciation de celles-ci devait intervenir à la date la plus proche de celle du remboursement effectif desdites parts.La société a alors formé un recours en cassation soutenant que l’expert ayant déposé son rapport le 25 octobre 2007, ce n’est que par arrêt du 4 octobre 2010 que la Cour de cassation a jugé qu’en l’absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être

déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ses droits. Dès lors, selon elle, ne saurait être qualifiée d’erreur grossière l’ignorance par l’expert d’une jurisprudence postérieure au dépôt de son rapport.La chambre commerciale qui rejette le pourvoi en l’espèce, considère que l’arrêt du 4 mai 2010 (3) ne constitue ni un revirement, ni même l’expression d’une évolution imprévisible de la jurisprudence ; la société n’est donc pas fondée à s’en prévaloir pour contester l’erreur grossière reprochée à l’expert judiciaire. Elle ajoute « qu’ayant à bon droit retenu que la valeur des droits sociaux de l’associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits, la cour d’appel en a exactement déduit que l’expert avait commis une erreur grossière en évaluant les parts sociales de [la retrayante] à la date de l’arrêt ayant autorisé le retrait ».La présente décision de la juridiction du droit consacre le principe auparavant admis à propos de la date d’évaluation des droits sociaux de l’associée retrayante (I) lequel, à défaut d’être respecté, caractérise l’erreur grossière commise par l’expert (II).

I. – La détermination de la valeur des droits sociaux à la date la plus proche de leur remboursement

Une jurisprudence constante confère toute latitude à l’expert de l’article 1843-4 du Code civil pour évaluer des parts sociales, notamment pour déterminer les critères d’appréciation de celles-ci. A ce sujet, l’arrêt de principe du 5 mai 2009, très largement diffusé (P + B + R + I) et amplement commenté, a reconnu toute compétence à l’expert pour retenir les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, dont ceux susceptibles d’être mentionnés dans les statuts (4). C’est dire que l’expert n’est pas lié par les critères prévus par les parties à la cession contestée ou même ceux indiqués par le juge dans l’ordonnance qui le désigne, ce dernier ayant pour seule compétence de le nommer. A défaut de se cantonner dans cette fonction, notamment s’il se hasardait à définir la mission de l’expert, le juge se rendrait

1) Pour les dernières décisions en 2012, Cass. 3e civ., 28 mars 2012 : Lexbase hebdo éd. affaires n° 291, 5 avr. 2012, qui rappelle la compétence exclusive du président du tribunal pour désigner un expert chargé de l’évaluation des droits sociaux. – Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-16.349, F-P + B, Société civile des Mousquetaires (SCM) c/ Dufour : Lexbase hebdo éd. affaires n° 299, 7 juin 2012, note D. Gibirila ; Dr. sociétés août 2012, n° 136, obs. R. Mortier, relatif au recours contre la décision du président d’un TGI procédant à la désignation d’un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux. – Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-12.999, F-P + B : Lexbase hebdo éd. affaires n° 299, 7 juin 2012, note D. Gibirila, selon lequel l’impossibilité du recours contre la décision de désignation d’un expert chargé de déterminer la valeur de droits sociaux s’applique au remplacement d’un premier expert ayant renoncé à sa mission. – Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-17.866 : Lexbase hebdo éd. affaires n° 299, 7 juin 2012, note D. Gibirila, selon lequel l’inobservation par le président du tribunal des conditions d’application de l’article 1843-4 du Code civil ne constitue pas un excès de pouvoir. - Cass. com., 4 déc. 2012 : BRDA 1/2013, n° 1 ; Lexbase hebdo éd. affaires n° 324, 24 janv. 2013, note D. Gibirila ; D. 2013. Jur. p. 147, note A. Couret ; JCP E 2013, n° 1, 1000, note B. Dondero, qui traite du domaine d’application de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil.

2) n° 12-11.666, F-P + B.

3) Bull. civ. IV, n° 85.

4) Cass. com., 5 mai 2009 : BRDA 9/2009, n° 1 ; D. 2009, p. 1349, obs. A. Lienhard ; Dr. sociétés juin 2009, n° 114, obs. R. Mortier ; Bull. Joly Sociétés 2009, p. 728, note A. Couret ; Gaz. Pal. 16 juin 2009, n° 167, p. 8, note M. Zavaro. – Sur cet arrêt, D. Gibirila, La libre évaluation des droits sociaux par l’expert de l’article 1843-4 du Code civil : RLDA juill. 2009, n° 2346. – J. Moury, Réflexions sur l’article 1843-4 du Code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 par la chambre commerciale de la Cour de cassation : Rev. sociétés 2009, p. 503.

5) CA Paris, 14 nov. 2007 : Dr. sociétés mars 2008, n° 47, obs. R. Mortier, annulant pour excès de pouvoir l’ordonnance désignant un tiers estimateur en vue de fixer le prix de rachat de parts sociales en « écartant l’application de la méthode de calcul prévue dans les statuts ». - Sur cette question en

Page 64: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 64 N°107 Mars 2013

F i c h e p r a t i q u e

coupable d’un excès de pouvoir (5).Cette situation de quasi-omnipotence de l’expert de l’article 1843-4 du Code civil prenant le pas sur les stipulations statutaires a fait l’objet de critiques (6). Elle supporte tout de même deux limites : d’une part, l’erreur grossière commise par l’expert dans l’évaluation des parts sociales, qui est susceptible de remettre en cause celle-ci ; d’autre part, la date d’évaluation des parts sociales qui, contrairement aux critères d’évaluation, ne relève pas de sa décision discrétionnaire.L’arrêt rapporté du 15 janvier 2013 le rappelle bien en se reférant à une précédente décision du 4 mai 2010 (7) par laquelle la chambre commerciale estime qu’en cas de retrait d’un associé, faute de dispositions statutaires, les parts sociales de ce dernier sont évaluées à « la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ces droits ». Tel est justement l’argument initialement invoqué à bon escient et avec succès par l’associée retrayante, à l’appui de l’appel formé contre le jugement du tribunal de grande instance de Paris. Elle a reproché au rapport d’expertise d’avoir fixé la valeur de ses parts sociales à la date de l’arrêt qui a autorisé son retrait.La solution retenue en l’espèce par la juridiction d’appel, consacrée par la Haute juridiction, relève à la fois de la simplicité et de la logique. En effet, celle-ci décide constamment, en particulier à propos des sociétés civiles dans lesquelles le retrait d’un associé est traditionnellement admis, que la perte de la qualité d’associé ne saurait précéder le remboursement de la valeur des droits sociaux (8). Autrement dit, aussi longtemps qu’il n’a pas été remboursé de ses parts sociales, le retrayant conserve sa qualité d’associé avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent.Quant à savoir ce qu’il convient d’entendre par date « la plus proche » du remboursement, elle pourrait être celle de la perte de la qualité d’associé, c’est-à-dire celle du remboursement. Néanmoins, un remboursement des droits sociaux est inenvisageable tant qu’ils n’ont pas été évalués, si bien que l’évaluation doit impérativement précéder le remboursement. Il y a donc lieu d’admettre que l’expert doit, pour se placer à la date la plus proche de l’évaluation, tenir compte des éléments les plus récents dont il dispose, ce qui n’exclut pas un remboursement tardif pour une quelconque raison, en dépit d’une évaluation déjà réalisée. Il est bien évident qu’un remboursement effectué à une date trop éloignée de celle de l’évaluation ne saurait remettre en cause la validité de celle-ci et, encore moins, la responsabilité de l’expert, mais éventuellement celle de la société débitrice du prix des parts sociales.Ladite solution n’est cependant pas exempte d’importants inconvénients mis en exergue par la doctrine. Ainsi, la décision de l’associé de quitter la société est tributaire de la valeur

de ses parts au jour du retrait. Par conséquent, établir un tel décalage dans le temps entre les conséquences patrimoniales du retrait et la manifestation par l’associé de son intention de partir peut avoir des incidences néfastes, de sorte que si l’intéressé les avait connus auparavant, peut-être n’aurait-il pas décidé de se retirer (9).Ce décalage dans le temps est assez fréquent étant donné la durée des différends soulevés en matière d’expertise de parts sociales d’associés cédants ou retrayants. Il est en tout cas manifeste dans la présente affaire dont le contentieux a duré plus de dix ans avant d’aboutir à l’arrêt du 15 janvier 2013 rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel qui a invalidé le rapport d’expertise des parts sociales de l’associé retrayant. Il s’ensuit qu’en attendant le dénouement de l’affaire par le remboursement de ses droits sociaux, il conserve sa qualité d’associé.Il est vrai que le présent litige aurait pu être évité si, comme la Cour de cassation l’admet, les statuts avaient prévu une date d’évaluation des droits sociaux à laquelle les intéressés se seraient conformés. Encore faudrait-il éviter toute clause statutaire évaluant les parts sociales à la date de retrait d’un associé, car elle pourrait s’exposer à la prohibition des clauses léonines en raison de l’exonération des pertes ou de la privation des gains produits par la société à la personne qui conserverait la qualité d’associé jusqu’au remboursement de ses parts sociales (10).Pareille difficulté ne se rencontre pas dans les sociétés civiles professionnelles d’officiers publics et ministériels, notamment d’huissiers de justice (11) et de notaires (12), pour lesquelles la perte des droits attachés à la qualité d’associé intervient à dater de la publication de l’arrêté constatant le retrait.

II. – L’erreur grossière de l’expert liée à l’évaluation des droits sociaux à la date de l’arrêt ayant autorisé le retrait

La jurisprudence enseigne qu’à la suite de leur désaccord sur le prix des parts sociales cédées, les parties font leur loi de la décision de l’expert de l’article 1843-4 du Code civil auquel elles ont recouru (13). Les intéressés, cédant et cessionnaire des parts sociales, demeurent liés par le prix fixé par l’expert désigné, après le refus d’agrément d’un tiers acquéreur (14).En contrepartie, l’évaluation des parts sociales litigieuses peut être remise en cause à la suite du dol, de la violence, de l’outrepassement de son mandat ou de l’erreur grossière commise par « l’homme de l’art ». Il a été ainsi jugé qu’en modifiant le sens de sa mission qui lui a été confiée et en sortant du cadre juridique qui en a été le fondement, dépassant ainsi cette mission, l’expert s’est rendu coupable d’une erreur grossière (15) justifiant que soit écartée l’évaluation des titres sociaux (16). En

général, C. Charruault, L’excès de pouvoir du juge civil, dans Etudes offertes au Doyen P. Simler, p. 857 : Dalloz 2006.

6) J. Moury, art. préc., note 4.

7) Rev. sociétés 2010, p. 577, note J. Moury ; Bull. Joly Sociétés 2010, p. 660, note F.-X. Lucas. – Contra, Cass. 1re civ., 11 févr. 2003 : Rev. sociétés 2003, p. 142, note Y. Chartier, selon qui l’évaluation des droits sociaux de l’associé retrayant doit se faire à la date où s’effectue le transfert de propriété.

8) V. notamment, Cass. com., 17 juin 2008, deux arrêts : D. 2008, act. jur. p. 1818, obs. A Lienhard ; Bull Joly sociétés, 2008, p. 265, note F.-X. Lucas ; Dr. sociétés 2008, n° 176, obs. R. Mortier.

9) F.-X. Lucas, note s/s Cass. com., 4 mai 2010 : préc., note 7.

10) F.-X. Lucas, note s/s Cass. com., 4 mai 2010 : préc., note 7.

11) D. n° 69-1274, 31 déc. 1969, art. 31. - Cass. 1re civ., 28 oct. 2010 : RJDA 2/2011, n° 164 ; Lexbase hebdo éd. affaires n° 226, 7 sept. 2010 ; D. 2010, p. 2577, obs. A. Lienhard ; Defrénois 2011, p. 357, obs. B. Thullier ; LPA 8 mars 2011, n° 47, p. 9, obs. D. Gibirila.

12) D. n° 67-268, 2 oct. 1967, art. 31. – Cass. 1re civ., 28 juin 2007 : Lexbase hebdo éd. privée n° 267, 5 juill. 2007, « l’estimation des parts du notaire qui se retire de la SCP s’opère au jour de la publication de l’arrêté ministériel acceptant le retrait [et] il appartient au seul expert désigné de procéder à cette évaluation, sans que le juge puisse y procéder lui-même ».

13) Cass. com., 4 nov. 1987 : Bull. civ. IV, n° 226 ; JCP E 1988, 15212, obs. A. Viandier. – 9 avr. 1991 : Bull. Joly Sociétés 1991, p. 1130 ; Rev. sociétés 1992, p. 50. – CA Paris, 22 mars 2002 : Bull. Joly Sociétés 2002, p. 820, note A. Constantin.

14) Cass. com., 13 oct. 1992 : JCP E 1993, I, 212 , n° 13, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain ; Rev. sociétés 1993, p. 578, note D. Randoux.

15) Sur la notion d’erreur grossière, Cass. 1re civ., 25 janv. 2005 : Bull. civ. I, n° 49 ; D. 2005, act. jur. p. 432, obs. A. Lienhard ; Defrénois 2005, p. 1146, note D. Gibirila ; Bull. Joly Sociétés 2005, p. 637, note J.-J. Daigre ; Rev. sociétés 2005, p. 608, note Y. Chartier ; Dr. sociétés avr. 2005, n° 62, obs. F.-G. Trébulle.

16) Cass. 1re civ., 25 nov. 2003 : Bull. civ. I, n° 243 ; D. 2003, act. jur. p. 3053, obs. A. Lienhard ; Defrénois 2004, p. 1152, note D. Gibirila ; Rev. sociétés 2004, p. 93, note Y. Chartier ; Bull. Joly Sociétés 2004, p. 286, note A. Couret ; RTD civ. 2004, p. 308, obs. P.-Y. Gautier.

Page 65: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 65 JOURNAL DES SOCIÉTÉS

F i c h e p r a t i q u e

outre, revêt un caractère grossier l’erreur qui, reposant sur les prémisses erronées, a consisté à apprécier les parts, non point sur la base de leur valeur liquidative comme l’avaient convenu les parties, mais pour la valeur qui aurait été la leur en cas de cessation d’activité (17).Enfin, la Cour de cassation a dernièrement considéré que l’expert qui a évalué les droits sociaux des retrayants à la date indiquée par le président du tribunal, n’a pas disposé d’une entière liberté d’évaluation des droits cédés et, par conséquent, a été l’auteur d’une erreur grossière issue de la méconnaissance de ses pouvoirs (18). Il y a lieu de relever la singularité de cette décision de justice : si d’une part, le président du tribunal n’a pas le pouvoir de fixer la date d’appréciation des parts sociales, d’autre part, l’expert peut se voir reprocher d’avoir commis une erreur grossière pour s’être conformé aux directives du président.A l’inverse, faute d’une quelconque indication dans la convention des parties sur la méthode à appliquer, l’expert a pu à bon droit apprécier la valeur commerciale d’une société d’après ses résultats nets au jour de la cession, en retenant qu’il n’y a pas lieu, pour évaluer des parts sociales en vue d’une cession, de diminuer ces résultats du montant de l’impôt sur les sociétés. Autrement dit, l’erreur grossière n’a pu être constituée du seul fait pour l’expert de n’avoir pas tenu compte de l’incidence de l’impôt sur les sociétés dans le calcul de la rentabilité de la société concernée (19). Pareillement, la contestation des méthodes de l’expert ne caractérise absolument pas une erreur grossière (20).Par ailleurs, l’expert étant investi du pouvoir de déterminer la valeur des droits sociaux litigieux, selon les critères qu’il juge appropriés à l’espèce, sans être tenu par la convention ou les directives des parties, il ne commet pas d’erreur grossière en écartant les directives d’évaluation contenues dans les statuts et le règlement intérieur de la société (21).En définitive, eu égard aux précédents arrêts, l’actuelle décision de la chambre commerciale du 13 janvier 2013 ne saurait surprendre. Dans le prolongement de cette tendance jurisprudentielle, mais en dépit de sa teneur particulière, elle considère que le fait d’évaluer les parts sociales à la date du retrait, et non à la date la plus proche du remboursement, constitue une erreur grossière.De toute évidence, l’argumentation de la société civile immobilière demanderesse au pourvoi ne pouvait prospérer. Elle fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir considéré que le rapport d’expertise est entaché d’une erreur grossière et d’avoir convié les parties à saisir la juridiction compétente afin de désigner l’expert chargé d’apprécier les droits sociaux litigieux. Elle prétend que l’expert n’a pu avoir commis d’erreur grossière dès lors que le

principe selon lequel les parts sociales doivent être évaluées à la date la plus proche du remboursement résulte d’un arrêt postérieur (celui du 4 mai 2010) au rapport d’expertise (datant du 25 octobre 2007). Il n’en est rien en réalité ; il ne s’agit effectivement pas d’un revirement de jurisprudence, car la Haute juridiction ne s’étant jamais expressément prononcée sur cette question, n’a pu préalablement adopter une position différente de celle retenue par l’arrêt du 4 mai 2010.La solution ne traduit pas davantage une évolution imprévisible de la jurisprudence. Dès lors que l’erreur grossière est caractérisée, la juridiction statuant sur le litige ne peut la réparer puisqu’elle ne peut se substituer à l’expert pour évaluer les droits sociaux (22), ni désigner un expert en vue d’une actualisation du rapport, laquelle peut être confiée au même expert par le conseiller de la mise en état (23).Que reste-t-il donc à faire pour la société civile dont le pourvoi est ici rejeté, sinon saisir à nouveau le président du tribunal de commerce aux fins de désignation d’un autre expert, pour qu’il procède à son tour à une évaluation des parts sociales litigieuses.Ce nouvel épisode jurisprudentiel, certainement pas le dernier, tant la question de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil paraît intarissable, devrait inviter les parties à ne pas négliger d’inscrire dans les statuts des sociétés civiles la date d’évaluation des parts sociales des associés retrayants. Cela permettrait d’éviter des situations identiques à celle de l’espèce où, plus de dix ans après la manifestation de son retrait, un associé fasse encore partie d’une société qu’il a été judiciairement autorisé à quitter.A cet égard, l’actuel arrêt revêt une certaine importance : à notre connaissance, il émet pour la première fois l’idée selon laquelle est l’auteur d’une erreur grossière l’expert qui ne respecte pas la jurisprudence relative à la date d’évaluation des droits sociaux, en retenant celle de son choix, en l’occurrence, celle de la décision de justice autorisant le retrait de l’associé au lieu de celle de la date la plus proche du remboursement de ces droits ou, ce qui n’est pas ici le cas, celle mentionnée dans les statuts. Cet arrêt se range aux côtés des très rares décisions de justice qui consacrent l’erreur grossière de l’expert de l’article 1843-4 du Code civil, une semblable erreur étant très fréquemment écartée par le juge, compte tenu de la difficulté d’en donner une définition générale. Un arrêt récent illustre parfaitement cette difficulté en affirmant que l’expert n’a pas commis d’erreur grossière faute de preuve de l’existence d’une telle erreur, d’autant plus qu’il a « expliqué et justifié sa méthodologie » (24). Peut-être justement, compte tenu de la rareté des décisions invalidant le rapport d’expertise, l’actuel arrêt du 15 janvier 2013 aurait mérité une diffusion plus large que celle qui lui est réservée.

17) Cass. com., 19 déc. 2000 : Dr. et patrimoine avr. 2001, p. 110, obs. D. Poracchia.

18) Cass. com., 3 mai 2012, n° 11-12.717, F-D, Sté Bayard Montaigne : JCP E 2012, n° 25, 1395, note A. Viandier ; Bull. Joly Sociétés 2012, p. 701, note R. Mortier.

19) Cass. com., 4 avr. 1995 : Dr. sociétés 1995, n° 143 ; RJDA 1995, n° 1102.

20) CA Paris, 11 déc. 2008, 3e ch. sect. 8, n° 08/05951.

21) Cass. com., 16 févr. 2010, n° 09-11.668, F-D, rejetant le pourvoi contre CA Paris, 9 déc. 2008 : Dr. sociétés mai 2009, n° 93, obs. R. Mortier ; Rev. sociétés 2009, p. 187, obs. I. Urbain-Parléani.

22) Cass. 1re civ., 25 janv. 2005 : préc., note 15.

23) Cass. 1re civ., 9 déc. 2010 : BRDA 24/2010, n° 2 ; RJDA 3/2011, n° 245 ; Lexbase hebdo éd. affaires n° 232, 19 oct. 2010 ; LPA 8 mars 2011, n° 47, p. 11, obs. D. Gibirila ; Rev. sociétés 2011, p. 339, note J. Moury.

24) Cass. com., 4 déc. 2012 : préc., note 2.

Page 66: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

JOURNAL DES SOCIÉTÉS 66 N°107 Mars 2013

F i c h e p r a t i q u e

FLASH INFO DU JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS

R e t r o u v e z t o u s n o s f l a s h i n f o s u r l e s i t e i n t e r n e t w w w . j s s . f r

Le Journal des Sociétés 8, rue Saint Augustin 75002 Paris

Tel : 01 47 03 10 10Fax : 01 47 03 99 31

Editeur S.P.P.S. 8, rue Saint-Augustin 75002 Paris SIRET : 552 074 627 R.C.S. Paris

Directrice de publication Myriam de Montis

Rédactrice en chef Cécile Leseur [email protected]

Publicité commerciale / Abonnements Marie-Louise Bona [email protected]

Prix au Numéro 7,60 euros

Abonnements six mois : 46 euros un an : 72 euros trois ans : 199 euros

Fabrication A.S.P.

Dépôt Légal à parutionCommission paritaire 0715 T83385N° national 03 3 229 768

LA RÉFORME DES ANNONCES LÉGALES (AJL)

La Loi Warsmann du 22 mars 2012 a simplifié les règles de parution des AJL. Un arrêté et un décret parus en décembre 2012 sont venus mettre en application cette réforme. La Loi confie aux ministres de la Communication et de l’Economie la fixation du prix de la ligne d’annonces légales et les AJL pouvant faire l’objet de tarifs réduits, prérogative qui appartenait jusqu’à présent au préfet de chaque département sur avis d’une commission paritaire.L’arrêté ministériel relatif au tarif annuel, aux règles de présentation et aux modalités de publication des annonces judiciaires et légales est paru le 30 décembre 2012 et applicable au 1er janvier 2013.L’article 1er de la loi n° 5-4 du 4 janvier 1955 relative aux annonces judiciaires et légales prévoit qu’à compter du 1er janvier 2013, les annonces relatives aux sociétés et fonds de commerce publiées par les journaux habilités seront également mises en ligne dans une base de données numérique centrale.Le décret n° 2012-1547 du 28 décembre 2012 relatif à l’insertion des annonces légales portant sur les sociétés et fonds de commerce dans une base de données numérique centrale fixe les conditions de mise en œuvre de cette mesure. La base de données est organisée et exploitée par un organisme regroupant les éditeurs et leurs organisations professionnelles, agréée par le Ministre de la Justice et le Ministre chargé de la Communication.Les annonces mises en ligne sont identiques à celles publiées dans les journaux d’annonces légales.Elles font l’objet d’un classement selon des critères chronologiques et géographiques.La recherche permet de retrouver des annonces parues depuis le 1er janvier 2010. Cette plateforme nationale de recherche des annonces légales sur Internet est accessible à tous www.actulegales.fr. De quérable, la publicité légale devient portable. Un pas de plus est fait pour la transparence dans le monde des affaires.

LE REPRÉSENTANT PERMANENT

Le représentant permanent doit être obligatoirement déclaré lorsque la société a l’une des qualités suivantes (art. 123-54 du Code de commerce) :

- Administrateur dans une SA,- Membre du Conseil de Surveillance dans une SA,- Administrateur d’un GIE,- Gérant d’un GEIE,- Société de gestion de SPPICAV.

Les mentions à déclarer concernant ces représentants permanents sont : les nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, date et lieu de naissance, domicile personnel et nationalité.Il est à noter qu’au sein d’un conseil d’administration d’une société anonyme, une même personne physique ne peut pas être à la fois représentant permanent d’un administrateur personne morale et administrateur en son nom propre. Cette règle d’incompatibilité s’applique également aux sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance. (Avis du comité de coordination n° 95-31 du 19/07/1995).Pour les personnes morales non immatriculées au RCS (par exemple une association, établissements publics, mutuelles) ou immatriculées dans un Etat hors de l’Union européenne, elles doivent obligatoirement déclarer leurs représentants légaux, et éventuellement si elles le souhaitent, adjoindre un représentant permanent.Pour mettre à jour le représentant permanent sur le K bis de la société, il convient de transmettre au Journal Spécial des Sociétés un pouvoir ;une lettre désignant le nouveau représentant permanent (mentionnant le nom du représentant permanent remplacé) ; une copie recto-verso de la carte d’identité ou du passeport en cours de validité ; une déclaration sur l’honneur de non-condamnation pénale datée et signée de moins de 3 mois ainsi que la filiation et une annonce légale que nous rédigerons et publierons.

MdM

Page 67: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

N°107 Mars 2013 67 JOURNAL DES SOCIÉTÉ3

Monsieur le Président Guy CANIVET,

Membre du Conseil constitutionnel

Monsieur le Président Daniel TRICOT,

Président Honoraire de la Chambre Commerciale, Financière

et Economique de la Cour de Cassation,

Agrégé des Facultés de Droit

Monsieur le Président Jean-Pierre DUMAS,

Président Honoraire de la Chambre Commerciale Financière

et Economique de la Cour de Cassation

Madame Françoise KAMARA,

Conseiller à la Cour de Cassation

Madame le Professeur Florence DEBOISSY,

Professeur à l’Université Montesquieu Bordeaux IV

Monsieur le Professeur Bruno DONDERO,

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

Monsieur le Professeur Didier FERRIER,

Professeur à l’Université Montpellier I

Monsieur le Professeur Jérôme HUET,

Professeur à l’Université Paris II Panthéon Assas

Monsieur le Professeur Hervé LECUYER,

Professeur à l’Université Paris II Panthéon Assas

Monsieur le Professeur François-Xavier LUCAS,

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

Monsieur le Professeur Michel MENJUCQ,

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS,

Professeur à l’Université Paris II Panthéon Assas

Monsieur le Professeur Pierre MOUSSERON,

Professeur à l’Université Montpellier I

Monsieur le Professeur Didier PORACCHIA,

Professeur à l’Université Aix Marseille III

Monsieur le Professeur Dominique SCHMIDT,

Professeur agrégé des Facultés de Droit, Avocat à la Cour

Maître Jean-Paul DECORPS,

Notaire Associé, Etude Decorps, Jumelet, Decorps

Maître Michel GIRAY,

Notaire Associé, Etude Jusot Giray Luzu Trokner & Duparc

Maître Bertrand SAVOURE,

Notaire Associé, Julien Saint-Amand, Savouré, Soreau

Maître Éric CAPRIOLI,

Avocat Associé, Cabinet Caprioli

Maître Béatrice CASTELLANE,

Avocat Associé, Castellane Avocats

Maître Xavier DELCROS,

Avocat, Cabinet Delcros - Peyrical,

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

Maître Dominique FERRE,

Avocat Associé, Fidal

Maître Jacques-Philippe GUNTHER,

Avocat Associé, Willkie Farr & Gallagher

Maître Christian HAUSMANN,

Avocat Associé, Hammonds Hausmann

Maître Thierry MONTERAN,

Avocat Associé, UGGC & Associés

Maître Bruno PICHARD,

Avocat Associé, Pichard et Associés

Maître Luc SAUCIER,

Avocat Associé, Saucier Avocats

Maître Jean-Jacques UETTWILLER,

Avocat Associé, UGGC & Associés

Monsieur Didier KLING,

Commissaire aux comptes, Cabinet Didier Kling et Associés

Monsieur Patrick MORGENSTERN,

Commissaire aux comptes, Morgenstern et Associés

Monsieur Luc ATHLAN,

Responsable Droit des Sociétés, France Telecom

Monsieur Philippe COEN,

Directeur Juridique, Walt Disney Company (Europe)Monsieur

Francis J. CREDOT,

Senior of counsel, Salans

Comité de rédaction

Président: Monsieur le Professeur Jean-Jacques DAIGRE,

Professeur à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne

Page 68: Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie pharmaceutique · 10 MENSUEL DU JURISTE ET DE L’ENTREPRISE ème année 7,60 € MARS 2013 Dossier Les nouveaux enjeux de l’industrie

Depuis 1898

JOURNAL SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS