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1 DOSSIER : MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES Quelques articles par André Noël, La Presse Les deux premiers articles constituent le dossier d’enquête publié le 22 février 2003. Les autres articles constituent le suivi de cette enquête. La Presse Nouvelles générales, samedi 22 février 2003, p. A1 Des millions en primes illégales versés aux pharmaciens Noël, André Les fabricants de médicaments génériques versent chaque année environ 500 millions de dollars en ristournes, primes et rabais à 85 % des pharmaciens du Québec et d'autres provinces canadiennes plutôt que de baisser le prix de leurs médicaments, selon une enquête menée depuis deux mois par La Presse. Cette pratique est carrément illégale au Québec. La Régie de l'assurance- maladie ( RAMQ ) prépare à ce sujet d'importantes poursuites judiciaires. Le Bureau de lutte contre l'évasion fiscale du ministère québécois du Revenu a également ouvert un dossier. Le montant des remises varie entre 35 et 50 % du prix des médicaments, indique un document interne et confidentiel d'un fabricant reconnu, que La Presse a obtenu. Plus conservateur, l'Ordre des pharmaciens du Québec évalue ce pourcentage à 28 %: cette corporation professionnelle n'a pourtant pris aucune sanction contre ses membres qui acceptent les ristournes en violation du code de déontologie. Les ventes annuelles de médicaments génériques ont dépassé 1,8 milliard au Canada l'année dernière, selon la firme IMS Health. Cela donne une idée de l'ampleur des rabais, dont ne profite pas la population. Les génériques sont des copies de médicaments innovateurs dont le brevet est tombé dans le domaine public. Par exemple, depuis 1998, au moins 10 compagnies ont mis sur le marché des antidépresseurs identiques au Prozac breveté par la société Eli Lilly en 1976 et commercialisé en 1989. À elle seule, la RAMQ a remboursé l'année dernière 196 millions de dollars de médicaments génériques aux personnes qui ne sont pas couvertes par une police d'assurance privée. Le ministre de la Santé demande aux fabricants de lui garantir les meilleurs prix et remet les listes de prix à jour trois ou quatre fois par année. Or, les prix des génériques ne reflètent en rien les frais de production. Ces derniers ne représentent qu'une toute petite fraction du prix, peut-être 10 %, selon Neil Palmer, de la firme de consultants Palmer d'Angelo, spécialisée dans l'industrie pharmaceutique et basée à Ottawa. En effet, les fabricants de génériques ont peu de recherches, d'études cliniques et de développement à faire:

DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

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1

DOSSIER : MÉDICAMENTS

GÉNÉRIQUES

Quelques articles par André Noël, La

Presse

Les deux premiers articles constituent le

dossier d’enquête publié le 22 février

2003. Les autres articles constituent le

suivi de cette enquête.

La Presse

Nouvelles générales, samedi 22 février

2003, p. A1

Des millions en primes illégales

versés aux pharmaciens

Noël, André

Les fabricants de médicaments

génériques versent chaque année

environ 500 millions de dollars en

ristournes, primes et rabais à 85 % des

pharmaciens du Québec et d'autres

provinces canadiennes plutôt que de

baisser le prix de leurs médicaments,

selon une enquête menée depuis deux

mois par La Presse.

Cette pratique est carrément illégale au

Québec. La Régie de l'assurance-

maladie ( RAMQ ) prépare à ce sujet

d'importantes poursuites judiciaires. Le

Bureau de lutte contre l'évasion fiscale

du ministère québécois du Revenu a

également ouvert un dossier.

Le montant des remises varie entre 35

et 50 % du prix des médicaments,

indique un document interne et

confidentiel d'un fabricant reconnu,

que La Presse a obtenu.

Plus conservateur, l'Ordre des

pharmaciens du Québec évalue ce

pourcentage à 28 %: cette corporation

professionnelle n'a pourtant pris

aucune sanction contre ses membres

qui acceptent les ristournes en violation

du code de déontologie.

Les ventes annuelles de médicaments

génériques ont dépassé 1,8 milliard au

Canada l'année dernière, selon la firme

IMS Health. Cela donne une idée de

l'ampleur des rabais, dont ne profite

pas la population.

Les génériques sont des copies de

médicaments innovateurs dont le

brevet est tombé dans le domaine

public. Par exemple, depuis 1998, au

moins 10 compagnies ont mis sur le

marché des antidépresseurs identiques

au Prozac breveté par la société Eli

Lilly en 1976 et commercialisé en

1989.

À elle seule, la RAMQ a remboursé

l'année dernière 196 millions de dollars

de médicaments génériques aux

personnes qui ne sont pas couvertes par

une police d'assurance privée. Le

ministre de la Santé demande aux

fabricants de lui garantir les meilleurs

prix et remet les listes de prix à jour

trois ou quatre fois par année.

Or, les prix des génériques ne reflètent

en rien les frais de production. Ces

derniers ne représentent qu'une toute

petite fraction du prix, peut-être 10 %,

selon Neil Palmer, de la firme de

consultants Palmer d'Angelo,

spécialisée dans l'industrie

pharmaceutique et basée à Ottawa.

En effet, les fabricants de génériques

ont peu de recherches, d'études

cliniques et de développement à faire:

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les molécules sont décrites en détail

dans les brevets publics. Il reste à

effectuer les tests de bioéquivalence,

qui garantissent à Santé Canada que les

molécules sont identiques à celles des

médicaments d'origine.

"Au Canada, parce que les prix des

génériques sont fixés ( par les

gouvernements ), les fabricants ne se

font pas concurrence sur les prix, mais

sur les autres services et bénéfices

qu'ils peuvent offrir à leurs clients

pharmaciens", note M. Palmer dans un

rapport intitulé Generic Drug Prices: A

Canada US Comparison.

"Ces services et bénéfices peuvent

faire baisser le vrai prix pour les

pharmaciens, mais pas pour les payeurs

ultimes ( les régimes d'assurance-

médicaments gouvernementaux, les

tierces parties ou les patients ), qui

payent les prix publiés."

Les ristournes signifient que la

RAMQ- et les autres polices

d'assurance-médicaments provinciales-

payent des prix artificiellement

gonflés, 156 % plus élevés qu'aux

États-Unis. À titre de comparaison, le

flacon de 500 comprimés de Captopril

de 50 milligrammes- un

antihypertenseur- peut se vendre

seulement 23 $ canadiens aux États-

Unis. Les hôpitaux de Montréal, qui

procèdent par appel d'offres, paient ce

flacon 92 $. La RAMQ, elle, le paie

279 $!

Comme les médicaments génériques

ont tous le même prix, la même

composition, la même forme et la

même couleur, les vendeurs tendent de

se distinguer auprès des pharmaciens

en leur offrant les meilleurs rabais et

cadeaux.

"Pour que tu acceptes ( les

médicaments ) d'une compagnie plutôt

que d'une autre, il faut que tu aies un

avantage à passer leurs produits, a

reconnu un pharmacien de Laval, qui a

requis l'anonymat, lors d'un entretien.

C'est aussi simple que ça. C'est pas

légal de faire ça. Si ça paraît dans le

journal, on va avoir l'air de Joe Bloe,

nous autres."

Informé que La Presse s'apprêtait à

publier un dossier sur ce sujet, hier,

Normand Bonin, président de

l'Association québécoise des

pharmaciens propriétaires, a défendu

l'acceptation des ristournes par la

grande majorité de ses 1500 membres.

"Les fabricants de médicaments

génériques ont recours à des pratiques

commerciales similaires à ce qui se

trouve dans n'importe quel domaine de

distribution de produits de

consommation, a-t-il dit, hier. En

aucun temps, ça n'influence le

jugement des pharmaciens ou

défavorise le patient. Pour les

fabricants, il s'agit d'une dépense de

marketing. La population n'est pas

lésée."

De son côté, Me André-Gaétan

Corneau affirme que cette pratique

entraîne des pertes importantes pour la

RAMQ, mais il se dit incapable d'en

mesurer l'ampleur. Selon l'enquête de

La Presse, ces pertes varient entre 55

et 80 millions par année pour le régime

public québécois seulement.

La Régie doit ensuite partager la

facture entre les contribuables et ses

cotisants, c'est-à-dire 3,2 millions de

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Québécois parmi les moins fortunés,

comme les personnes âgées, les

assistés sociaux et les travailleurs

autonomes ou à faible revenu. Les

compagnies d'assurance-médicaments

privées suivent les prix publiés par la

RAMQ et, par conséquent, paient

également les médicaments trop cher et

doivent elles aussi augmenter leurs

primes.

© 2003 La Presse. Tous droits

réservés.

Numéro de document :

news·20030222·LA·0004

La Presse

Nouvelles générales, samedi 22 février

2003, p. A8

Médicaments: La facture gonflée

Des chèques-cadeaux et des voyages

dans le sud

Noël, André

Quatre fois par année, le représentant

d'une importante compagnie de

médicaments génériques reçoit à son

appartement des liasses de chèques-

cadeaux de la Société des alcools du

Québec, de Loblaws- Provigo, de La

Baie, des Ailes de la mode et de

Costco, d'une valeur totale d'environ

100 000 $.

Le vendeur classe les bons et les insère

dans des enveloppes au nom de

pharmaciens du Grand Montréal. Puis,

au cours des jours suivants, il fait sa

livraison, s'arrêtant à chacune des

pharmacies qui ont vendu les

médicaments au cours des trois mois

précédents. Ses clients échangent

ensuite les chèques contre des

bouteilles de vin à la SAQ, des

vêtements aux Ailes de la mode, etc.

ou encore les offrent à leurs amis ou

aux membres de leurs familles.

Pour convaincre les pharmaciens de

vendre leurs médicaments plutôt que

les médicaments identiques de leurs

concurrents, les vendeurs de

génériques rivalisent d'imagination.

Les ristournes prennent toutes les

formes : chèques-cadeaux, argent

liquide, voyages dans le Sud, appareils

de cinéma-maison, ordinateurs,

voitures, motocyclettes, etc. Peu de ces

rabais sont déclarés à l'impôt.

Les remises les plus " propres "

prennent la forme de " journées santé ".

Des fabricants payent aux pharmaciens

des visites d'infirmières ou de

diététistes dans leurs pharmacies, ainsi

que des tests de diabète ou de

cholestérol. Souvent, les fabricants

remboursent les frais de ces journées

aux pharmaciens à un prix totalement

démesuré, qui n'a rien à voir avec les

services rendus. Par exemple, si un

pharmacien a déboursé 300 $ pour

faire venir une infirmière dans sa

pharmacie, il réclame 1000 $ au

fabricant de génériques.

D'autres vendeurs confient des mots de

passe électroniques à des pharmaciens

pour leur permettre de commander à

peu près n'importe quel bien de

consommation dans des sites Web

confidentiels, selon un système de

points très complexe. Toutes les

commandes de médicaments sont

consignées dans des banques de

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données, ce qui donne droit à un

certain nombre de points et donc

d'achats en ligne.

En décembre dernier, un fabricant a

offert à ses clients pharmaciens et à

leurs conjoints un banquet de Noël à

500 $ le couvert au marché Bonsecours

dans le Vieux-Montréal, suivi d'un

spectacle.

" On estime que le montant des

ristournes est d'environ 500 millions de

dollars par année au Canada, en

excluant les hôpitaux, qui n'en

reçoivent pas, et les quelque 15 % de

pharmaciens qui les refusent pour des

raisons d'éthique professionnelle ", a

indiqué une source très bien informée

au sein de l'industrie, qui a requis

l'anonymat.

" À mon avis, c'est un des scandales les

plus importants au pays. Des centaines

de personnes sont au courant : les

dirigeants et les représentants des

compagnies, la majorité des

pharmaciens et presque toutes les

bannières, comme Pharmaprix et Jean-

Coutu. Pourtant, très peu

d'informations ont circulé jusqu'à

maintenant dans le public. "

La Régie de l'assurance-maladie du

Québec (RAMQ) a lancé une

investigation en profondeur, la

deuxième en cinq ans. Les enquêteurs

ont remis leur rapport le 31 janvier. À

moins d'un revirement inattendu, une

série de poursuites judiciaires seront

déposées contre les principaux

fabricants au printemps prochain, a

confié à La Presse Me André-Gaétan

Corneau, qui est à la fois secrétaire et

procureur en chef de la RAMQ.

Revenu Québec mène également sa

propre enquête.

" Le ministère du Revenu est

sensibilisé au phénomène des

avantages reçus par certains

pharmaciens en lien avec leurs achats

de médicaments, a indiqué à La Presse

Alain Dufour, directeur principal des

enquêtes de Revenu Québec. Le

Bureau de lutte contre l'évasion fiscale

est très conscient de la problématique.

Un dossier a été ouvert à ce sujet."

" À noter que le ministère du Revenu

s'intéresse au traitement fiscal de ces

ristournes par les pharmaciens, lors de

la production de leur rapport d'impôt.

Si le Ministère découvre que l'impôt

n'a pas été payé ou que les taxes n'ont

pas été remises, des cotisations seront

adressées aux personnes fautives. "

Un rappel à l'ordre

Le 23 avril 2002, Me Corneau et

Denyse Demers, directrice du Conseil

consultatif de pharmacologie du

Québec, ainsi que Duc Vu, président

de la RAMQ, ont convoqué les

fabricants de génériques à une réunion

d'information à l'hôtel Delta à

Montréal. Les fabricants étaient

représentés par plus de 50 personnes,

dont certains présidents et vice-

présidents de compagnies établies en

Ontario, parfois accompagnés de leurs

avocats.

"Notre premier objectif, c'est de vous

faire un rappel des dispositions de la

Loi sur l'assurance-médicaments et du

règlement", a alors déclaré Me

Corneau, selon les propos qu'il a

rapportés ensuite à La Presse.

"Notre deuxième objectif, c'est ceci: on

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va relire ensemble l'engagement du

fabricant, ce qu'il contient, pour bien

nous assurer que vous en compreniez à

la fois les limites et la portée... On vous

annonce qu'en ce qui nous concerne, à

la suite des rapports de nos enquêteurs

(sur le système de ristournes), c'est

tolérance zéro. Cette fois-ci, compte

tenu qu'il y a des fabricants qui ont

signé un engagement de ne plus

pécher, nous n'accepterons pas de

discussions avant le dépôt des

procédures judiciaires."

L'engagement du fabricant- inclus dans

un règlement découlant de la loi sur

l'assurance-médicaments- stipule que

le fabricant "ne peut accorder à un

acheteur aucun bien à titre gratuit ou

réduction sous forme de rabais, de

ristourne ou de prime".

Par la suite, Me Corneau a rencontré

les dirigeants de l'Ordre des

pharmaciens à trois reprises, soit les 31

mai, 12 août et 19 novembre. Il les a

informés que la RAMQ est au courant

que de nombreux membres de cette

corporation professionnelle acceptent

des ristournes.

Des ristournes centralisées

Or, le Code de déontologie est limpide

à cet égard: "Un pharmacien doit

s'abstenir de recevoir, en plus de la

rémunération à laquelle il a droit, tout

avantage, ristourne ou commission

relatif à l'exercice de sa profession."

Pourtant, l'Ordre des pharmaciens n'a

déposé aucune poursuite disciplinaire

contre un de ses membres, ce qui

étonne autant les enquêteurs de la

RAMQ que de Revenu Québec.

Mais il y a pire. Me Corneau et Mme

Demers ont confié à La Presse qu'ils

avaient eu vent, l'automne dernier, que

des bannières importantes avaient

décidé de centraliser les ristournes.

Selon ce système, les vendeurs de

génériques n'accorderaient plus les

rabais directement aux pharmaciens

propriétaires, mais les enverraient au

siège social des bannières ou à des

filiales, éventuellement situées hors du

Québec.

Pour les bannières, l'avantage de la

centralisation serait de pouvoir

négocier avec les fabricants de

génériques plus durement que des

pharmaciens propriétaires dispersés,

afin d'obtenir des ristournes encore

plus élevées. Cela pourrait se traduire

par une hausse de profit substantielle,

d'autant plus intéressante si ces revenus

ne sont pas déclarés à l'impôt.

"J'ai demandé à la bannière de trouver

une façon pour qu'elle rende ça légal

(les ristournes), pour que tout le monde

puisse en profiter, a confié un

pharmacien qui détient une franchise

d'une bannière. On a des concurrents

qui peuvent l'utiliser (le système de

ristournes), puis nous autres, on

n'aurait pas le droit? Je vois pas

(pourquoi)."

Selon un scénario à l'étude chez ces

compétiteurs, les détenteurs de

franchise ne toucheraient plus

directement les ristournes, mais

pourraient se voir offrir des actions

dans leur bannière pour compenser la

perte des bénéfices illégaux. Autre

avantage: les risques de voir des

pharmaciens dénoncer ce système de

ristournes aux enquêteurs de la RAMQ

seraient diminués.

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Une enquête en profondeur

La poursuite contre Novopharm révèle

que les enquêteurs ont fait le tour de

150 pharmacies à travers le Québec et

recueilli autant de déclarations

assermentées des pharmaciens, de leurs

comptables ou de leurs employés:

presque tous ont reconnu avoir reçu

des ristournes sous une forme ou une

autre.

Par exemple, le responsable des achats

pour six pharmacies du Saguenay

admettait que Novopharm versait 1200

$ par mois, par pharmacie, depuis

janvier 1995, huit mois par année, pour

"des programmes d'éducation

continue". Au printemps de 1996, trois

pharmaciens et l'épouse d'un quatrième

pharmacien (qui ne pouvait pas y aller)

ont fait un voyage de quatre jours à

San Francisco, voyage payé par

Novopharm.

Selon la poursuite de la RAMQ, Jean

Servais et sa femme Guylaine Leclerc,

également pharmaciens au Saguenay,

reconnaissaient que Novopharm leur

avait remis des chèques pour des

"journées santé" ou des factures

blanches "No Charge" pour des

médicaments, c'est-à-dire ne réclamant

aucun montant.

Toujours selon la poursuite, le gérant

d'une pharmacie de Bedford, en

Montérégie, révélait que, lorsqu'il avait

changé de fournisseur pour

Novopharm, cette compagnie lui avait

remis pour 150 000 $ de médicaments

"No Charge" après lui avoir fait une

vente de 100 000 $. Un pharmacien de

Shawinigan déclarait qu'il obtenait

trois ou six flacons de médicaments

gratuits à chaque achat de 12 flacons.

Toujours selon les déclarations, un

pharmacien d'Amqui, en Gaspésie,

affirmait que Novopharm avait

contribué à la construction de sa

nouvelle pharmacie.

Les enquêteurs de la RAMQ ont dressé

une liste partielle des ristournes: hottes

aseptiques, voyages à l'étranger,

appareils micro-ondes, etc. Le

pourcentage des escomptes semblait

augmenter d'année en année; la RAMQ

l'estimait à environ 15 % en 1997, bien

que les ristournes pouvaient atteindre

25 % sur certains médicaments.

Dans sa poursuite, la RAMQ souligne

que la compagnie Novopharm s'était

engagée à accorder le meilleur prix au

programme public d'assurances-

médicaments. Mais Novopharm "l'a

accordé aux pharmaciens, le meilleur

prix, et le régime public a ainsi perdu

une somme de 10 051 024 $ que la

demanderesse (la RAMQ) a payé en

surplus auprès des pharmaciens",

ajoutait la poursuite. La RAMQ

accusait Novopharm de ne pas avoir

respecté le prix de vente garanti "de

manière délibérée, intentionnelle et

insouciante" et réclamait les 10

millions perdus.

Peu après, le ministre de la Santé Jean

Rochon écrivait au directeur général de

Novopharm, Jacques J. Boisvert, pour

l'informer de son intention de retirer

temporairement à cette firme sa

reconnaissance de fabricant, étant

donné qu'elle avait si allègrement violé

la loi. En clair, cela aurait signifié que

la RAMQ aurait cessé de rembourser

les médicaments Novopharm.

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Des aveux

Novopharm a alors demandé une

injonction. Dans sa re quête, elle faisait

certains aveux, mais en soulignant que

la pratique des ristournes était

généralisée. "Il est en effet de

commune renommée dans le secteur

pharmaceutique de détail au Québec

que le Règlement (sur le prix de vente

garanti) ne serait pas respecté par une

partie importante des fabricants, et ce

au moins depuis le début de 1995 et de

façon constante et croissante depuis".

Novopharm accusait toutefois la

RAMQ de s'être fermé les yeux, puis

de l'avoir seulement ciblée, elle. "Cette

tolérance des autorités réglementaires a

ainsi forcé les fabricants à accroître

leurs méthodes de vente non

respectueuses du Règlement, de crainte

de perdre leurs parts de marché,

contribuant ainsi à une dégradation

générale."

Le retrait de la reconnaissance par le

ministre de la Santé, même temporaire,

aurait été désastreux pour la

compagnie. Le tribunal lui a donc

accordé l'injonction. Par la suite, la

compagnie a négocié une entente à

l'amiable.

Cette entente est secrète, tout comme

les ententes avec les autres fabricants

qui avaient fait l'objet d'une enquête.

Cependant, Me Corneau a dit à La

Presse que les fabricants avaient versé

des dédommagements "de plusieurs

millions de dollars", supérieurs, en fait,

à 10 millions de dollars. Les preuves,

en effet, étaient accablantes. "On avait

des fondements très sérieux, a attesté

Me Corneau. On a déposé 43 caisses

d'exhibits à la Cour!"

La poursuite contre AltiMed

(aujourd'hui Ratiopharm) est toujours

active. Le dossier comprend une lettre

signée par Peter Stevens, directeur

national des ventes. "AltiMed encourt à

l'occasion des dépenses reliées au

divertissement de clients, tel que des

billets de hockey, une partie de golf ou

une soirée au théâtre, écrit M. Stevens.

Ce genre de dépenses fait partie d'une

pratique normale de développement de

la clientèle et n'est pas relié de quelque

manière que ce soit à l'achat de

produits spécifiques."

M. Stevens souligne aussi que

"AltiMed et l'Académie Jean Coutu,

une organisation à but non lucratif,

sont commanditaires d'un programme

visant à conscientiser et renseigner le

public, ce qui implique l'installation

des appareils de mesure de la pression

artérielle CHESS dans les pharmacies

Jean Coutu". Là encore, M. Stevens

assure que "ce programme n'est

aucunement basé sur les ventes".

La loi est pourtant limpide: s'il y a des

"cadeaux" à donner, qu'ils le soient

sous forme de baisse de prix. De

surcroît, le dossier de cour est rempli

de "pièces à conviction": des factures

remises par AltiMed à divers

pharmaciens et marquées du mot

"Rebate", en caractères gras, alors que

les rabais sont clairement illégaux.

Les points sur les i

Lorsqu'elle a accepté de régler les

litiges à l'amiable, la RAMQ a

demandé aux fabri cants de s'engager à

ne plus ja mais accorder de ristournes

et à véritablement garantir le meilleur

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prix de vente. Les représentants de la

RAMQ ont rencontré les dirigeants de

Novopharm à 13 reprises pour mettre

les points sur les i.

Me Corneau, le secrétaire de la

RAMQ, rappelle qu'il a tenu à peu près

ces propos aux représentants des

fabricants: "On a dit bon, nous, dans le

fond, on veut bien régler avec vous

autres. La première condition d'un

règlement, c'est que vous acceptiez de

signer un nouvel engagement, comme

fabricant de médicament, à respecter

les conditions du règlement et la loi sur

l'assurance-médicaments. En d'autre

mots, à reconnaître que les règles de

commercialité au Québec sont très

strictes: c'est tolérance zéro (aucune

ristourne)".

"Après cet épisode-là, on a pensé qu'il

y aurait eu une accalmie sur le terrain,

mais on a lancé d'autres enquêtes,

parce que là, il y avait encore de la

délation qui se faisait, mais de façon

plus discrète, peut-être parce qu'il y

avait du raffinement dans la façon de

faire. Nos enquêtes nous ont amenés à

faire encore des constats de

manquements, même chez ceux qui

avaient été très très très repentants."

Me Corneau a joint les mains dans un

geste de prière et ajouté ceci: "Quand

je mets mes mains comme ça, c'est

parce que j'ai vu, moi, des

représentants de compagnies

pharmaceutiques nous dire: "Bon, eh

puis je veux continuer à vivre sur le

marché, etc. Alors là, on a pris la

décision de convoquer une réunion (la

réunion du 23 avril 2002 à l'hôtel

Delta)."

Des écarts de prix étonnants

Les enquêteurs de la RAMQ ont vérifié

les prix des médica ments génériques

demandés par les pharmacies (et

réclamés à la RAMQ) et les prix payés

par les régies régionales de la santé. Ils

ont constaté un écart impressionnant,

qui prouvait que la RAMQ payait ces

médicaments beaucoup trop chers.

Une pièce déposée au tribunal montre

que, en 1998, Novopharm vendait un

flacon de 500 comprimés de Ranitidine

(un gastro-intestinal) de 150

milligrammes trois fois et demi moins

cher aux hôpitaux des Cantons-de-l'Est

qu'à la RAMQ, soit 60 $ au lieu de 202

$.

La situation n'a guère changé depuis.

Après des semaines de démarche, La

Presse a fini par obtenir la liste de prix

obtenus par Approvisionnements

Montréal, un organisme d'achats

regroupés pour les hôpitaux

montréalais. La comparaison avec les

prix demandés en pharmacie reste

considérable. Dans certains cas, l'écart

s'est même creusé. Les hôpitaux de

Montréal paient 33 $ pour le même

flacon de Ranitidine... et la RAMQ

paie toujours 202 $.

La grande différence, c'est que les

hôpitaux ne se contentent pas de

demander le "meilleur prix", comme le

fait le ministre de la Santé. Ils lancent

des appels d'offre et cherchent à casser

les prix en plaçant les fabricants en

concurrence les uns envers les autres.

En moyenne, les hôpitaux obtiennent

des prix de 40 % moins élevé: or, cela

correspond justement à la moyenne des

ristournes.

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Comment expliquer un tel écart? "On

fonctionne à partir d'un processus

d'achat regroupé, et on octroie au plus

bas soumissionnaire dans un marché où

il s'exerce une certaine compétition",

explique Jean-François Bussières,

pharmacien chef du département de

pharmacie de l'Hôpital Sainte-Justine

et vice-président du comité

médicaments chez Approvisionnement

Montréal.

La province au complet ne devrait-elle

pas procéder elle aussi par appel

d'offres? "Compte tenu de

l'augmentation des coûts de

médicaments, il n'y a pas de doute qu'il

faut envisager de nouvelles approches

pour obtenir les meilleurs prix pour la

population", répond M. Bussières. Des

propos bien diplomatiques... mais qui

ouvrent peut-être la voie à une révision

en profondeur de la Loi sur l'assurance-

médicaments.

COMMENT ÇA MARCHE

LE QUÉBEC, comme les autres

provinces, gère un régime d'assurance-

médicaments public. Trois ou quatre

fois par année, le ministre de la Santé

dresse la liste des médicaments qu'il

accepte de rembourser, après avoir

consulté le Conseil consultatif de

pharmacologie.

Dans les faits, comme les prix des

médicaments brevetés sont fixés par un

organisme fédéral, les provinces

établissent seulement les prix des

génériques.

La Régie de l'assurance-maladie du

Québec (RAMQ) paye le prix le plus

bas, soit celui du produit du fabricant

qui a soumis le prix de vente garanti le

moins cher dans des programmes

provinciaux d'assurance-médicaments.

En pratique, le Québec se fie souvent

aux prix établis en Ontario.

Pour bien des médicaments, l'Ontario

établit le prix des premiers génériques

qui arrivent sur le marché à 70 % du

prix des innovateurs, puis à 63 % pour

les génériques suivants. Ainsi, le

Prozac original, de la compagnie Eli

Lilly, est remboursé à 802,50 $ pour un

format de 500 comprimés de 20

milligrammes. Le premier générique se

vend 541,65 $, soit 70 % de ce prix, et

tous les autres se vendent 505,60 $, ou

63 %.

Les fabricants de génériques n'ont bien

sûr aucun intérêt à offrir des prix plus

bas, puisque la RAMQ et les autres

régimes provinciaux assurent des

remboursements à des prix fixes. En

général, les compagnies d'assurances

privées se basent sur ces prix pour

rembourser leurs clients.

Les Québécois qui ne sont pas couverts

par une police privée- 3,2 millions de

personnes- doivent payer une prime

pour être couverts par le régime public

lors de leur déclaration d'impôt. La

prime varie de 0 $ à 422 $ en fonction

du revenu familial.

La personne couverte par le régime

public doit de surcroît payer une

contribution lorsqu'elle achète un

médicament assuré en pharmacie.

Celle-ci varie de 0 $ (pour les enfants

et les assistés sociaux qui ne peuvent

pas travailler) à 68,50 $ par mois (pour

les adultes qui ne vivent pas de

l'assistance sociale).

Le pharmacien présente ensuite des

Page 10: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

10

factures pour les médicaments à la

RAMQ. La RAMQ lui verse 7,65 $

pour chaque ordonnance délivrée. Au

delà de 20 000 ordonnances, cet

honoraire est diminé à 7,15 $. La

RAMQ rembourse aussi le médicament

au prix fixé par le ministre. Cela doit

correspondre au vrai prix que le

pharmacien a payé au fabricant, d'où

l'interdiction des rabais, primes et

ristournes.

En effet, dès 1996, la RAMQ a eu vent

que des ristournes étaient offertes par

plusieurs grands fabricants et vendeurs

de génériques. Neuf enquêteurs ont

travaillé d'arrache-pied pour accumuler

assez de preuves pour que des

poursuites soient intentées. Ils se sont

intéressés aux compagnies suivantes :

Apotex, Novopharm, Genpharm,

Pharmascience, Prodoc, AltiMed et

Technilab (depuis, AltiMed a été

acheté par Technilab, qui a à son tour

été acheté par Ratiopharm).

Certains d'entre eux ont consacré plus

d'une année de travail à cette tâche.

L'investigation s'est terminée le 31 août

1998. Trois fabricants, non identifiés,

ont accepté de payer des

dédommagements à la RAMQ avant

même le dépôt des poursuites.

Cependant, des poursuites ont été

déposées contre Novopharm le 15

septembre 1998 et contre AltiMed le

22 février 1999.

L'INDUSTRIE DÉFEND SES

PRATIQUES

ACCUSÉS de pratiques illégales, les

fabricants de médicaments génériques

répliquent en faisant valoir que toute

industrie a le droit d'avoir des

stratégies de mise en marché.

C'est en tout cas la position de David

Windross, vice-président aux affaires

gouvernementales et professionnelles

chez Novopharm, un des fabricants les

plus importants avec Apotex,

Genpharm et Pharmascience.

"Les représentants des fabricants de

médicaments brevetés tentent

d'influencer les médecins par tous les

moyens- programmes d'éducation

continue, repas, voyages- pour qu'ils

prescrivent leurs médicaments, et les

pharmaciens n'ont pas d'autre choix

que de vendre ces médicaments",

affirme M. Windross.

"Pour ce qui est du marché, les

pharmaciens font plus affaire avec les

compagnies génériques. Nous traitons

avec ces professionnels en leur offrant

des programmes, des services et

d'autres moyens de marketing pour

nous assurer que nos produits sont bien

positionnés en termes d'efficacité, de

qualité et de disponibilité."

Jim Keon, président de l'Association

canadienne du médicament générique,

a déclaré ceci: "Je sais que des

compagnies se concurrencent entre

elles et qu'elles offrent des primes et

des programmes éducatifs. Elles

essaient de développer la loyauté de

leurs clients (les pharmaciens). Les

compagnies discutent (de ces

pratiques) avec la RAMQ de façon

continue."

Richard Mayrand, vice-président,

activités professionnelles, chez la

bannière Jean Coutu, affirme que la

Loi sur l'assurance-médicaments du

Québec est ainsi faite qu'elle pousse

Page 11: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

11

tout le monde- fabricants et

pharmaciens- à commettre des gestes

non réglementaires. Le principal

concurrent de Jean Coutu a centralisé

la distribution des médicaments... ainsi

que les ristournes, a-t-il ajouté.

"Quand nos concurrents ont des

pratiques que nous, on dénonce depuis

quatre ans, et qu'il ne se passe rien,

qu'est-ce qu'on est censé faire? On est

une compagnie publique... Nos

actionnaires s'attendent à ce qu'on fasse

tout en notre pouvoir, de façon légale,

pour maximiser le retour sur

l'investissement. C'est sûr qu'on a

étudié la centralisation (des ristournes),

mais le problème n'est pas là. Le

problème, c'est qu'on a un système

(réglementaire) totalement déficient".

De son côté, le président de l'Ordre des

pharmaciens, Paul Fernet, a déclaré

ceci: "Nous avons des informations à

l'effet que des pharmaciens reçoivent

des sommes qui leur sont versées par

des compagnies génériques ou d'autres

compagnies. Nous avons écrit à

plusieurs reprises à nos membres pour

leur souligner leurs obligations

déontologiques."

"D'autre part, nous travaillons en

collaboration déjà depuis plusieurs

mois avec la RAMQ pour trouver des

façons d'améliorer, quand il y a lieu,

les comportements de nos membres

dans ce dossier. Et nous faisons tout ce

qu'il est possible de faire, comme ordre

professionnel, pour nous assurer, car

c'est notre seul mandat, la protection

du public, ce qui implique que nos

membres doivent avoir une conduite

respectueuse et intègre dans l'exercice

de leur profession."

M. Fernet a ajouté que, à sa

connaissance, aucune plainte n'a été

déposée par le syndic contre des

membres de l'Ordre en rapport avec les

ristournes, bien que des preuves à cet

égard aient été recueillies par des

enquêteurs de la RAMQ et déposées au

tribunal.

LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS

COURANTS EN PHARMACIE ET

DANS LES HÔPITAUX

Médicament / Fabricant / Prix payé

par la RAMQ (100 comprimés) /

Prix payé par les hôpitaux (100

comprimés)

Amoxicilline-250 mg / Apotex /

10,32$ / 3,40$

Atenolol-50 mg / Genpharm / 35,13$ /

11,31$

Carbamazepine-400 mg /

Pharmascience / 41,94$ / 11,66$

Fluoxetine-10 mg / Genpharm /

117,73$ / 48,12$

Lorazepam-2 mg / Novopharm / 7,74$

/ 1,16$

Note : Les hôpitaux de Montréal,

comme tous les hôpitaux au Québec, se

regroupent et obtiennent des prix plus

bas que la Régie de l'assurance-

maladie du Québec parce qu'ils lancent

des appels d'offres.

Source : RAMQ et Approvisionnements

Montréal

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LES PRIX DE 5 MÉDICAMENTS

COURANTS AU CANADA ET

AUX ÉTATS-UNIS

Médicament / Prix au Canada (100

comprimés) / Prix aux É.-U. en $

canadiens (100 comprimés)

Acyclovir-200 mg / 87,83$ / 12,44$

Captopril-50 mg / 55,90$ / 4,64$

Cyclobenzaprine-10 mg / 37,65$ /

12,29$

Famotidine / 106,12$ / 19,40$

Ipratopium-0,25mg/ml / 75,50$ /

18,04$

Source : Palmer D'Angelo Consulting

Inc., Generic Drug Prices : A Canada

US Comparison, Août 2002.

© 2003 La Presse. Tous droits

réservés.

Numéro de document :

news·20030222·LA·0015

La Presse

Nouvelles générales, mardi 25 février

2003, p. A5

Médicaments: les Québécois sont

indignés

Noël, André

MICHEL Tessier est un des nombreux

Québécois qui ont réagi avec

indignation en apprenant, dans La

Presse, que les fabricants de

médicaments génériques offrent des

centaines de millions de dollars chaque

année en primes, rabais et ristournes

aux pharmaciens propriétaires plutôt

que de baisser le prix des médicaments.

"Mon travail consiste entre autres à

expliquer aux gens les plus vulnérables

de la société, c'est-à-dire des retraités

et des contribuables avec des emplois à

statut précaire, la justification et le

mécanisme des primes propres à

l'assurance-médicaments du Québec

via leurs déclarations de revenus",

explique M. Tessier, qui est agent de

renseignements pour Revenu Québec à

Saint-Jean-sur-Richelieu.

"Désormais, comment justifier cette

contribution, lorsqu'on voit que les prix

élevés des médicaments et des primes

s'expliquent en partie par des

magouilles? a-t-il demandé lors d'un

entretien. L'année dernière, le

gouvernement a décidé d'embaucher du

personnel supplémentaire afin de

traquer les fraudeurs de l'impôt qui ne

payaient pas leurs primes à l'assurance-

médicaments du Québec."

"Eh! bien, que le gouvernement

s'attaque maintenant à tous ces bonzes

de l'industrie qui ont violé les lois et

leur code déontologique afin que les

montants soient récupérés et que les

primes des cotisants soient réduites

pour les prochaines années."

La Presse a reçu un important courrier

de lecteurs outrés par ces révélations

(voir page A-13). "Le pire, c'est que le

même gouvernement qui paye 33 $

pour une bouteille de pilules pour un

hôpital de Montréal accepte de payer

202 $ lorsque ces pilules sont vendues

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par une pharmacie", s'indigne Réjean

Rioux, de Saint-Luc.

"Plutôt que de convoquer des réunions

et demander aux compagnies de cesser

ce petit jeu, qu'attend le gouvernement

pour décréter une baisse immédiate des

prix des génériques d'au moins 40 %,

l'industrie ayant prouvé hors de tout

doute qu'elle peut faire des profits sans

cet argent."

"Les abus des pharmaciens

(propriétaires) sont d'autant plus

odieux que ces marchands traquent

avec hargne les chapardeurs à l'étalage,

ajoute Michel Thibault, de

Châteauguay. Ouvrir une simple boîte

dans une pharmacie et la remettre sur

la tablette peut coûter très cher.

L'automne dernier, une pharmacie de

Châteauguay a mis en demeure un

client de lui payer 165 $ pour avoir

enlevé l'étiquette de sécurité d'une

boîte sans l'acheter. L'article valait 4,99

$."

"Exigeons que les pharmaciens fautifs

remboursent à l'État, c'est-à-dire à

l'ensemble des Québécois, tous les

dommages causés, incluant les salaires

des enquêteurs de la Régie de

l'assurance-maladie et du ministère du

Revenu. Un recours collectif ne serait-

il pas envisageable?"

Dans une lettre ouverte aux

pharmaciens propriétaires du Canada,

François Tremblay, de Montréal, écrit:

"Vous volez les contribuables et les

gouvernements par centaines de

millions et en plus vous avez le front

de nous dire: La population n'est pas

lésée! Vous devriez avoir honte de

profiter non seulement des

contribuables, mais en plus de le faire

sur le portefeuille de ceux qui sont

malades, à l'heure où nos services de

santé souffrent de sous-financement.

Ces sommes volées auraient

grandement contribué à réduire les

listes d'attente."

"J'ai compris enfin pourquoi les

mamans oiseaux réussissent toujours à

nourrir leurs petits; elles ne passent

jamais chez le pharmacien", écrit, avec

une pointe d'humour, Serge

Vaillancourt, de Montréal.

Le président de l'Ordre des

pharmaciens du Québec, Paul Fernet, a

refusé de faire des déclarations hier,

même s'il avait lui-même donné

rendez-vous à un journaliste de La

Presse dans ses bureaux.

© 2003 La Presse. Tous droits

réservés.

Numéro de document :

news·20030225·LA·0013

La Presse

Nouvelles générales, mercredi 26

février 2003, p. A1

Legault veut faire baisser le prix des

médicaments génériques

Noël, André

LE GOUVERNEMENT du Québec a

décidé de faire baisser le prix des

médicaments génériques, trop élevés

lorsqu'on les compare aux prix payés

aux États-Unis et dans d'autres pays, a

indiqué le ministre de la Santé,

François Legault, au cours d'un

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entretien avec La Presse, hier.

Autre développement: deux requêtes

pour autorisation d'exercer un recours

collectif ont été déposées au palais de

justice de Montréal contre les

principaux fabricants de médicaments

génériques, qui préfèrent verser des

primes illégales aux pharmaciens

plutôt que de diminuer leurs prix.

Citant une enquête publiée par La

Presse samedi, une des deux requêtes

réclame une somme de 250 millions de

dollars qui serait distribuée parmi tous

les Québécois qui ont vu leurs primes

d'assurance-médicaments augmenter à

cause des primes illégales. La requête

vise également l'Ordre des

pharmaciens, accusé de n'avoir pas agi

pour mettre fin à cette pratique.

De son côté, le président de l'Ordre,

Paul Fernet, a reconnu en conférence

de presse que la pratique des ristournes

s'était aggravée ces derniers mois. Le

syndic de cette corporation mène des

investigations et déposera

vraisemblablement des plaintes au

comité de discipline de l'Ordre, a

ajouté M. Fernet.

Réagissant également à l'enquête de La

Presse, M. Legault a déclaré ceci: "On

va s'assurer de revoir les mécanismes

des prix des médicaments génériques,

car il semble qu'il y aurait une marge

de manoeuvre qui pourrait nous

permettre de diminuer ces prix. Est-ce

que ce sera des mécanismes d'appels

d'offres? Est-ce que ce sera une

comparaison avec d'autre pays? Je ne

le sais pas."

"Par contre, j'avoue que l'approche

qu'on avait prise- de négocier le prix le

plus bas au Canada-, ça nous a joué des

tours", a ajouté le ministre, les prix

étant trop élevés dans l'ensemble des

provinces canadiennes. Selon la firme

de consultants Palmer d'Angelo,

d'Ottawa, les prix des 25 médicaments

génériques les plus vendus sont 156 %

moins élevés aux États-Unis qu'au

Canada.

"J'ai demandé au ministère et à la

Régie de l'assurance-maladie du

Québec de me faire des

recommandations. Lorsqu'on compare

les prix des médicaments innovateurs

(brevetés) avec les États-Unis, ils sont

très compétitifs (au Québec). Par

contre, le prix des génériques est plus

élevé. Il semble y avoir des ristournes

offertes sur une base assez étendue

pour nous questionner sur le fait qu'on

devrait peut-être revoir les pratiques.

On n'exclut rien. Il faudrait avoir

d'autres bases de comparaison qu'avec

les autres provinces."

Le ministre a ajouté que la RAMQ

allait déposer d'ici juin des poursuites

contre les fabricants de médicaments

génériques qui ont violé la Loi sur

l'assurance-médicaments en offrant des

ristournes. "La RAMQ sera intraitable,

a-t-il assuré. Toutes les poursuites qui

devront être prises seront prises. On ne

s'arrêtera pas en chemin. On a

accumulé une preuve, et on va aller

jusqu'au bout avec des poursuites

contre les compagnies concernées."

Le premier ministre Bernard Landry a

juré qu'il entendait aller au fond de

l'histoire révélée par La Presse,

"d'abord pour une question de finances

publiques, mais aussi pour une

question d'éthique". Comme bien

d'autres personnes, M. Legault a reçu

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15

des informations selon lesquelles

d'importantes chaînes de pharmacies

auraient décidé de centraliser les

ristournes. "Si c'est le cas, ce serait

inacceptable", a martelé le ministre.

M. Fernet a tenu des propos

semblables. Il a averti hier que ces

chaînes s'exposeraient à des poursuites.

"Si des tiers non pharmaciens

s'immiscent dans un processus d'achat

des médicaments pour en tirer des

bénéfices, ils sont très certainement en

infraction", a dit M. Fernet. Seuls les

pharmaciens-propriétaires sont

autorisés légalement à acheter des

médicaments.

Le code de déontologie interdit aux

pharmaciens d'accepter ces ristournes,

mais, donnant une interprétation très

large de cette disposition, M. Fernet a

dit que l'interdiction s'appliquait

seulement si les patients étaient lésés.

Giuseppina Piro, une résidante de

Laval, affirme, dans sa requête pour

recours collectif, que l'Ordre n'a pas

appliqué le code de déontologie, qui a

pourtant force de loi. La requête,

déposée par le cabinet d'avocats Kugler

Kandestin, vise également les

compagnies Novopharm, Genpharm,

Apotex, Ratiopharm et Pharmascience.

La requête de Julie Ladouceur, une

résidante de Lachine, déposée par le

cabinet Belleau Lapointe, ajoute la

compagnie Pro-Doc.

© 2003 La Presse. Tous droits

réservés.

Numéro de document :

news·20030226·LA·0002

La Presse

Nouvelles générales, jeudi 27 mars

2003, p. A1

Québec subventionne une compagnie

à qui la RAMQ réclame un million

Noël, André

LE GOUVERNEMENT québécois a

accordé une subvention de 2,4 millions

à un fabricant de médicaments

génériques à qui la Régie de

l'assurance-maladie du Québec réclame

un million de dollars, dans une

poursuite qu'elle laisse traîner depuis

quatre ans, a appris La Presse

En février 1999, la RAMQ réclamait

984 656 $ à la firme Altimed. Le motif:

cette entreprise aurait offert des rabais

et des ristournes aux pharmaciens

plutôt que d'en faire profiter la RAMQ,

qui remboursait ensuite les

pharmaciens au prix fort. Si, un jour,

cette allégation est prouvée devant le

tribunal, il s'agirait d'une violation

flagrante de la loi sur l'assurance-

médicaments.

Quatre ans plus tard, la poursuite dort

toujours dans la salle des dossiers du

palais de justice de Québec. La RAMQ

est beaucoup plus diligente lorsqu'il

s'agit de poursuivre des citoyens. Par

exemple, elle a donné 45 jours à un

diabétique pour lui payer une dette de

10 000 $, soit le montant d'un

remboursement auquel ce diabétique

n'aurait pas eu droit pour ses

médicaments, a révélé un reportage de

l'émission La Facture à Radio-Canada,

mardi.

L'année dernière, la RAMQ a envoyé

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des missives à des enfants de 12, 14, et

17 ans en les menaçant de les priver de

la gratuité des soins de santé s'ils ne

remboursaient pas une dette qu'ils

auraient contractée auprès du régime

public d'assurance-médicaments.

La compagnie Altimed a fait l'objet

d'une enquête de la RAMQ en 1997,

qui visait également quatre autres

fabricants de médicaments génériques.

En vertu de règlements à l'amiable, ces

quatre fabricants ont payé plus de 10

millions de dollars à la RAMQ parce

qu'ils avaient violé la loi sur

l'assurance-médicaments, en offrant

des rabais illégaux aux pharmaciens.

Altimed fait figure d'exception, n'ayant

rien eu à payer jusqu'à maintenant.

Toujours au cours de l'hiver 1999,

Altimed a été achetée par la firme

Technilab, qui héritait de la poursuite

d'un million. Fait à signaler: avant

d'entrer en politique, le ministre

François Legault a été membre du

conseil d'administration et actionnaire

de Technilab en 1997 et en 1998.

M. Legault a indiqué à La Presse, cette

semaine, qu'il s'était retiré du conseil

d'administration et départi de ses

actions de Technilab avant d'accéder

au Conseil des ministres en septembre

1998, six mois avant le dépôt de la

poursuite.

Néanmoins, les principaux dirigeants

de Technilab ont contribué à la caisse

électorale du Parti québécois dans sa

circonscription de Rousseau ( région de

Lanaudière ), en 1998, 1999 et 2001.

Technilab a par la suite été achetée par

l'entreprise allemande Ratiopharm, qui,

à son tour, a hérité de la poursuite

déposée un an et demi plus tôt par la

RAMQ contre Altimed. En mai

dernier, la ministre des Finances,

Pauline Marois, a annoncé le

versement d'une subvention de 2,4

millions à Ratiopharm, par le

truchement d'Investissement Québec...

alors que la RAMQ réclamait toujours

de cette société la somme de 984 656 $

( plus les intérêts ).

"Le gouvernement du Québec est fier

d'appuyer Ratiopharm, une entreprise

qui contribue de manière importante

non seulement au développement

économique de la région ( Ratiopharm

a une usine à Mirabel, NDLR ), mais

aussi à celui du Québec", a déclaré

Mme Marois à cette occasion.

"J'ai pris connaissance de la subvention

d'Investissement Québec à Ratiopharm

en lisant le journal, a dit M. Legault,

ministre de la Santé depuis janvier

2002, au cours d'un entretien avec La

Presse cette semaine. Je n'ai jamais été

consulté à ce sujet." ( Le Devoir a

publié la nouvelle de la subvention le 7

mai 2002, sans mentionner la poursuite

de la RAMQ, une information alors

méconnue. )

M. Legault a par ailleurs assuré qu'il

n'est jamais intervenu auprès du

contentieux de la RAMQ, par exemple

pour protéger une compagnie. La

Presse n'a d'ailleurs aucune indication

quant à une pareille intervention. M.

Legault a ajouté qu'il trouvait injuste

que l'on rappelle, dans le présent

article, qu'il a été administrateur et

actionnaire de Technilab ( qui a acheté

Altimed ).

"Le fait de mettre ces informations

bout à bout laisse entendre des choses

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qui sont fausses, a-t-il dit. Je n'ai plus

aucun intérêt dans aucune compagnie

depuis que je suis ministre. Jusqu'à ce

que vous me l'appreniez, j'ignorais

même qu'Altimed avait été achetée par

Technilab. Des dirigeants de Technilab

ont contribué à ma caisse électorale

parce qu'il s'agissait d'amis: il n'y a là

rien d'anormal."

Me Guy Corneau, secrétaire et

procureur de la RAMQ, a dit à La

Presse qu'il n'avait jamais subi de

pressions de M. Legault ou d'aucun

autre ministre dans ses dossiers.

"Même si aucune procédure n'apparaît

dans le dossier d'Altimed depuis le 1er

juin 1999, cela ne signifie pas que nous

n'avons rien fait", s'est-il défendu.

"Altimed a tenté de faire une

proposition d'entente, mais nous

l'avons trouvée inacceptable, a-t- il

ajouté. Par la suite, il y a eu plusieurs

discussions entre les procureurs des

deux parties. La défenderesse (

Altimed, qui est devenue Technilab,

puis Ratiopharm ) a fait valoir qu'elle a

proposé des rabais avant que les

médicaments ne soient publiés dans la

Liste des médicaments remboursés par

la Régie."

Selon la poursuite, toutefois, les rabais

et ristournes ont été accordés aux

pharmaciens après que les

médicaments aient été publiés dans la

liste. Les pharmaciens ont réclamé des

remboursements à la RAMQ à des prix

plus élevés que ce qu'ils avaient payé à

Altimed.

Me Corneau a convoqué Me Philippe

Frère, avocat d'Altimed (maintenant

Ratiopharm), le 6 février dernier.

"Nous lui avons dit: ou bien vous

proposez un règlement acceptable pour

nous, ou bien vous produisez votre

défense, au plus tard en avril ou en mai

prochain", a confié Me Corneau, cette

semaine.

En mars 1999, un mois après la

signification de la poursuite, Altimed a

déposé une requête en irrecevabilité.

Un juge a rejeté la requête le 27 mai

suivant, en indiquant que la cause

devrait être débattue sur le fond.

Altimed avait ensuite 10 jours pour

produire sa défense, mais la compagnie

ne l'a pas fait. La RAMQ aurait pu

demander une inscription "ex-parte"

pour défaut de produire une défense,

mais elle n'a pas fait cette démarche. Il

n'y a pas eu d'interrogatoires

préalables, ni d'entente à l'amiable.

Quatre juristes qui connaissent bien le

Code de procédure civile ont indiqué

qu'il était inhabituel qu'un demandeur-

en l'occurrence la RAMQ- ne fasse

aucune démarche au tribunal pour

accélérer les procédures, quatre ans

après avoir déposé sa poursuite.

"Ce n'est sûrement pas normal", a

déclaré Me Marie-France Bich,

professeur à la faculté de droit de

l'Université de Montréal ( Me Bich ne

répondait pas à des questions précises

sur le litige entre la RAMQ et Altimed,

mais à des questions théoriques. Les

trois autres juristes, informés du litige,

ont cependant eu la même réaction,

mais ont demandé de ne pas être cités.)

Me Philippe Frère, avocat d'Altimed

(maintenant Ratiopharm), a dit qu'il

ignorait pourquoi la RAMQ n'avait pas

tenté d'accélérer les procédures contre

son client. "C'est au demandeur (la

RAMQ) de mener son dossier de façon

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diligente s'il veut le mener de façon

diligente, ou de se traîner les pieds s'il

veut se traîner les pieds. Je ne sais pas

pourquoi il n'y a pas diligence."

La RAMQ s'apprête à déposer une

série de nouvelles poursuites contre les

fabricants de médicaments génériques

qui ont offert des primes, ristournes et

rabais illégaux, en violation de la loi

sur l'assurance-médicaments. Selon

une enquête réalisée par La Presse,

cette pratique de rabais prive la RAMQ

d'environ 80 millions de dollars par

année, une facture que doivent ensuite

éponger les contribuables et les

cotisants au régime d'assurance-

médicaments public.

Lorsque La Presse a révélé ce

scandale, le 22 février dernier, le

ministre François Legault avait déclaré

ceci: "La RAMQ sera intraitable.

Toutes les poursuites qui devront être

prises seront prises. On ne s'arrêtera

pas en chemin. On a accumulé une

preuve, et on va aller jusqu'au bout

avec des poursuites contre les

compagnies concernées."

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Numéro de document :

news·20030327·LA·0002

La Presse

Actualités, vendredi 28 mars 2003, p.

B5

Élections 2003

Le PLQ exige des explications sur

une poursuite qui traîne à la RAMQ

Noël, André

LE PARTI libéral du Québec a exigé

des explications hier sur une poursuite

d'un million de dollars déposée il y a

plus de quatre ans par la Régie de

l'assurance-maladie du Québec contre

un fabricant de médicaments

génériques, et qui semble traîner en

longueur.

Selon la poursuite, la compagnie

Altimed a offert des rabais aux

pharmaciens plutôt que d'en faire

profiter la RAMQ, qui a remboursé

ensuite les pharmaciens au prix fort.

Une telle pratique est interdite par la

Loi sur l'assurance-médicaments.

Altimed a par la suite été rachetée par

Technilab, une compagnie dont

François Legault a été administrateur et

actionnaire avant d'entrer en politique.

M. Legault a indiqué à La Presse,

mardi, qu'il avait coupé tous ses liens

avec cette compagnie lorsqu'il est

devenu ministre. Il n'existe d'ailleurs

aucune preuve qu'il soit intervenu

auprès des services juridiques de la

RAMQ.

"Il ne suffit pas de dire qu'il n'a plus de

lien avec cette compagnie, a déclaré

hier Jean-Marc Fournier, candidat du

PLQ dans la circonscription de

Châteauguay. M. Legault doit

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19

expliquer pourquoi la poursuite est

arrêtée depuis quatre ans alors que les

avocats de la compagnie avouent que

la RAMQ se traîne les pieds et que les

juristes interrogés estiment que cela est

anormal. Pourquoi cette compagnie

est-elle la seule qui bénéficie d'un tel

arrêt?"

Le procureur en chef de la RAMQ, Me

Guy Corneau, a répliqué hier que la

poursuite était toujours active. "À titre

d'exemple, la Régie a mis trois ans et

demi avant de conclure un règlement à

son avantage avec la société

Novopharm", a souligné Me Corneau.

M. Fournier a dit que cette

comparaison ne tenait pas. Il a indiqué

qu'il y avait eu 32 inscriptions au

dossier de Novopharm, alors qu'il y en

a eu seulement neuf à celui d'Altimed,

et aucune depuis juin 1999. Le député

libéral a par ailleurs accusé le premier

ministre Bernard Landry d'avoir laissé

traîner tout le dossier des ristournes

illégales qui, selon une enquête publiée

par La Presse en février, pourrait

coûter 80 millions de dollars par année

à la RAMQ et, par ricochet, aux

Québécois.

Un communiqué publié par

Investissement Québec et daté du 6

mai 2002, diffusé sur le site Web de

cette agence gouvernementale, indique

une subvention de 2,4 millions à la

compagnie Novopharm, qui a hérité de

la poursuite d'un million en achetant à

son tour Technilab (qui avait acheté

Altimed). Nicole Bastien, l'attachée de

presse de la ministre des Finances

Pauline Marois, a affirmé hier que la

subvention avait été annoncée, mais

n'avait finalement pas été versée.

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Numéro de document :

news·20030328·LA·0046

La Presse

Actualités, mardi 22 avril 2003, p. A9

SCANDALE DES MÉDICAMENTS

GÉNÉRIQUES

Un important fabricant refuse de

dévoiler ses contrats avec les

pharmacies Pharmascience s'adressera à la Cour

supérieure pour contrecarrer l'ordre

judiciaire de la RAMQ

Noël, André

Pharmascience, principal fabricant de

médicaments génériques au Québec,

s'adresse à la Cour supérieure pour ne

pas avoir à remettre des documents

potentiellement compromettants à la

Régie de l'assurance-maladie du

Québec (RAMQ). Selon la Régie, ces

documents prouveraient que cette

compagnie verse des primes illégales

aux pharmacies.

La RAMQ a ouvert une vaste enquête

sur plusieurs fabricants de

médicaments génériques (des copies de

médicaments brevetés), dont

Pharmascience, Ratiopharm,

Novopharm et Apotex. Elle croit que

plutôt que de baisser leurs prix, ils

offrent tous des rabais et des ristournes

aux pharmacies pour les convaincre de

vendre leurs produits.

La loi sur l'assurance-médicaments

exige que les fabricants offrent le prix

le plus bas à la RAMQ, et non aux

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20

pharmaciens, lorsqu'ils veulent inscrire

leurs produits à la liste des

médicaments remboursés par le régime

public. Sinon, la RAMQ se trouve à

payer des dizaines de millions en trop-

probablement plus de 60 millions par

année- parce que les prix sont gonflés.

Le 11 novembre dernier, l'enquêteur

André Simard a envoyé un subpoena

duces tecum (un ordre judiciaire de

remettre un document) à

Pharmacience, dont l'usine est située

près de l'Hippodrome de Montréal. M.

Simard demandait la liste des

pourcentages de rabais accordés pour

chacun de ses médicaments et des

produits des autres compagnies qu'elle

fabrique sous licence (Alcon, Berlex,

Fournier, Hoffman-Laroche, Lily,

Novartis et Shering).

L'enquêteur de la RAMQ exigeait "une

copie du système informatique qui sert

à calculer les pourcentages accordés

aux pharmaciens, aux grossistes et aux

chaînes de magasin (Zellers, Wal-Mart

et Costco)", ainsi que la liste des codes

pour déchiffrer les données

informatiques. La requête était très

précise. M. Simard demandait un

système informatique intitulé System

Ross for Trade Allowance. Enfin, il

réclamait des copies de contrats signés

par Pharmascience relativement aux

rabais.

Entre-temps, La Presse a publié une

enquête-choc sur les ristournes, qui a

semé un vent de panique chez les

fabricants de médicaments génériques

et les chaînes de pharmacies. Selon un

document interne d'un fabricant,

obtenu par notre journal, les ristournes

s'élèvent à 500 millions de dollars par

année au Canada. Les victimes de ce

scandale sont les clients des régimes

d'assurance privés et publics (soit

presque tout le monde): les prix

artificiellement élevés des

médicaments se répercutent sur les

primes.

Les ristournes prennent plusieurs

formes: voyages et croisières (en

Russie, en Italie, dans les pays chauds),

appareils de cinéma maison, voitures,

camping-cars, motocyclettes, oeuvres

d'arts, certificats cadeaux de la Société

des alcools, de la Baie, Costco,

Loblaws, etc.

Souvent, ces primes sont calculées par

d'astucieux programmes informatiques.

La grande majorité des pharmaciens

propriétaires les acceptent, même si

cela leur est interdit par leur code de

déontologie. Seule une minorité

déclarent ces revenus à l'impôt.

Le ministère québécois du Revenu

enquête sur les fausses déclarations de

nombreux pharmaciens. La RAMQ,

elle, prépare des poursuites judiciaires

contre les principaux fabricants, afin de

leur réclamer des dédommagements de

millions de dollars. C'est dans ce but

qu'elle a demandé des documents et

des copies de systèmes informatiques à

Pharmascience.

Ce fabricant a carrément refusé

d'obtempérer, ce qui ne s'est jamais vu.

Pharmascience a déposé sa requête

"pour faire annuler un subpeona duces

tecum" le 2 avril dernier au palais de

justice de Montréal. La compagnie

conteste la constitutionnalité des

démarches entreprises par le service

d'enquête de la RAMQ.

Pharmascience invoque les chartes

Page 21: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

21

canadienne et québécoise des droits

ainsi que la Loi constitutionnelle de

1982. La requête cite ces articles de la

Charte canadienne: "Chacun a droit à

la vie, à la liberté et à la sécurité de sa

personne; il ne peut être porté atteinte à

ce droit qu'en conformité avec les

principes de justice fondamentale";

"Chacun a droit à la protection contre

les fouilles, les perquisitions ou les

saisies abusives".

De son côté, le subpoena présenté par

l'enquêteur André Simard- reproduit

dans la requête de Pharmascience- cite

la Loi sur la RAMQ, qui "interdit

d'entraver un inspecteur ou un

enquêteur de la Régie dans l'exercice

de ses fonctions". Les enquêteurs de la

Régie sont par ailleurs couverts par la

Loi sur les commissions d'enquête,

laquelle interdit à quiconque de refuser

de produire des documents lorsque

ceux-ci sont requis.

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Numéro de document :

news·20030422·LA·0025

La Presse

Actualités, vendredi 9 mai 2003, p. A5

Coût des médicaments: une coalition

demande une enquête

Noël, André

LES DÉPENSES en médicaments

d'ordonnance, par habitant, sont plus

élevées au Québec que dans toutes les

autres provinces canadiennes, selon de

récentes statistiques. La forte

croissance de ces débours doit faire

l'objet d'une enquête publique, a

déclaré hier une coalition de 85

dirigeants d'organisations sociales,

médecins et personnalités, dont

l'ancien ministre de la Santé, Denis

Lazure.

Il s'est dépensé 420 $ par habitant en

médicaments au Québec en 2000,

contre une moyenne canadienne de 380

$, selon des données de l'Institut

canadien de santé publique. Le régime

québécois d'assurance-médicaments et

les autres programmes publics de

services pharmaceutiques ont coûté 1,7

milliard en 2001-02, contre 876

millions en 1997-98: une augmentation

de presque 20 % par année.

Les médecins pour la justice sociale,

comme le Dr Amir Khadir, et les autres

membres de la Coalition Solidarité

Santé croient que ces augmentations

faramineuses sont provoquées en

bonne partie par des pratiques

douteuses de l'industrie

pharmaceutique.

"Il est connu que les compagnies

pharmaceutiques investissent deux fois

plus en marketing qu'en recherche, a

déclaré hier la porte-parole de la

Coalition, Marie Pelchat. Or, la facture

de cette surenchère est directement

refilée aux consommateurs. Elle a une

incidence sur le coût des primes des

différents régimes d'assurance-

médicaments dans le secteur public

comme dans le secteur privé. La

croissance du coût des médicaments est

l'élément le plus inflationniste du

système de santé."

Depuis 1996, les primes des adhérents

du régime public sont passées de 175 $

à 425 $ par année, a noté Mme Pelchat.

Page 22: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

22

Une étude menée à l'Université McGill

a prouvé que des milliers de personnes

âgées et démunies se privent de

médicaments parce qu'elles n'ont plus

les moyens de payer ce qu'il faut.

Pendant ce temps, des compagnies

pharmaceutiques dépensent des

millions de dollars pour faire mousser

leurs ventes auprès des médecins, des

pharmaciens et des politiciens, a

souligné Mme Pelchat en donnant de

nombreux exemples. Elles réussissent à

vendre leurs médicaments à des prix

artificiellement élevés.

Le Dr Martin Plaisance, médecin

spécialiste de Sherbrooke, a dit que ses

collègues et lui sont constamment

courtisés par les vendeurs des

compagnies pharmaceutiques. "J'ai

encouragé mes confrères à cesser

d'accepter les repas gratuits et les

week-ends dans des hôtels de luxe, a

raconté le jeune médecin, hier. On me

dit: oui, continue ton combat! Mais en

pratique, il y a une telle force

d'inertie..."

Mme Pelchat a cité l'enquête publiée

par La Presse, cette année, montrant

que les fabricants de médicaments

génériques versent 500 millions de

dollars en cadeaux illégaux aux

pharmaciens, chaque année au Canada,

plutôt que de baisser leurs prix. Ces

cadeaux prennent toutes sortes de

formes, comme des croisières en

Russie, des camping-cars, des chèques

cadeaux de la Société des alcools, etc.

Nicole Jetté, porte-parole du Front

commun des personnes assistées

sociales, a demandé au gouvernement

d'annuler la hausse des primes

d'assurance-médicaments prévue pour

le 1er juillet. "Ce serait une injustice de

demander encore aux plus pauvres de

subventionner des compagnies

extraordinairement rentables", a-t-elle

déclaré.

Au Québec, les autorités

gouvernementales acceptent de

rembourser 85 % des médicaments qui

leur sont soumis, contre 40 %

seulement en Ontario. La Coalition a

cité une autre étude montrant que 92 %

des nouveaux médicaments mis sur le

marché n'améliorent pas

substantiellement la thérapie.

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Numéro de document :

news·20030509·LA·0016

La Presse

Actualités, mercredi 14 mai 2003, p.

A6

Un voyage en Italie gratuit pour 79

pharmaciens La Régie de l'assurance-maladie

poursuit un fabricant de médicaments

génériques

Noël, André

UN IMPORTANT fabricant de

médicaments génériques- Altimed,

fusionné depuis avec Ratiopharm- a

payé un voyage en Italie à 79

pharmaciens et 75 "accompagnateurs"

(les conjoints) en mai dernier, affirme

la Régie de l'assurance-maladie du

Québec dans une poursuite déposée

hier.

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Altimed a offert ce voyage à Venise,

Florence et Rome en guise de cadeau

aux pharmaciens qui avaient vendu ses

médicaments au prix fort, explique la

requête, déposée à la Cour supérieure,

au palais de justice de Montréal.

La loi sur l'assurance-médicaments

interdit aux compagnies

pharmaceutiques d'offrir des primes,

rabais et ristournes aux pharmaciens

lorsqu'elles veulent se faire rembourser

leurs médicaments par la RAMQ. Les

fabricants s'engagent à offrir le prix le

plus bas au régime d'assurance public,

et non aux pharmaciens, quand ils

veulent que leurs médicaments soient

inscrits sur la liste de la Régie.

Mais une enquête publiée par La

Presse cet hiver, et citée dans la

poursuite de la RAMQ, a montré que

les fabricants de médicaments

génériques payent des centaines de

millions de dollars par année en rabais,

au Canada, plutôt que de baisser leurs

prix. Les génériques sont des copies de

médicaments brevetés.

Selon un document d'un fabricant

obtenu par notre journal, le montant

des remises varie entre 35 % et 50 %

du prix des médicaments. Mais les

pharmaciens propriétaires qui en

profitent- la grande majorité d'entre

eux- déclarent le plein prix à la RAMQ

pour se faire rembourser ces

médicaments.

Au bout du compte, ce sont les

contribuables et les assurés qui payent

pour ces cadeaux par les impôts et les

primes d'assurance. Seulement pour la

RAMQ, les pertes varient autour de 60

millions de dollars par année, estimait

l'enquête de La Presse

Le voyage en Italie

Selon la requête déposée hier par la

RAMQ, le voyage en Italie a été

organisé par Michel Girard, de la

compagnie Altimed, qui a signé une

"entente de collaboration" avec

l'agence Club Voyages Marinair. "Ce

voyage a coûté 810 505 $ à la

compagnie Altimed pour le bénéfice de

ces pharmaciens", précise la poursuite.

L'enquêteur de la RAMQ, André

Simard, a mis la main sur le

programme du voyage. Officiellement,

il s'agissait d'un séminaire. Mais la

"conférence sur l'asthme", dans le

cadre de ce programme d'"éducation

continue", a duré de 7 h à 11 h, le 7

mai 2002, à Venise, alors que le

voyage s'est étalé entre le 30 avril et le

10 mai 2002.

Ce n'était pas le seul cadeau. "La

défenderesse a, de façon générale, sur

le territoire du Québec, de manière

régulière et délibérée, accordé des

rabais et des gratuités à sa clientèle de

pharmaciens, de janvier 2000 au 24

avril 2003, le tout contrairement à son

engagement souscrit... au prix de vente

garanti".

Ces pratiques "ont fait en sorte que le

prix assumé par la Régie et prévu à la

liste (des médicaments) n'était pas un

prix de vente garanti diminué de toute

réduction, gratuités ou primes de toutes

formes". L'enquête, qui a débuté en

septembre 2000, a révélé que la

compagnie Altimed a également payé

des appareils à plusieurs pharmaciens.

Ainsi, la compagnie a fourni des

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appareils "Fillmaster" d'une valeur

moyenne de 3500 $ à une cinquantaine

de pharmaciens. Dans la région de

Montréal, les pharmaciens qui auraient

accepté ces primes illégales sont:

André Saint-Onge (Saint-Hubert),

Réjeanne Gingras (Sainte-Adèle),

Patrice Mayrand (Boisbriand), J.

Chiasson et S. Bessette (Saint-

Lambert), J.-Y. Houle et M. Trottier

(Sainte-Catherine), D. Lord (Rawdon),

D. Busque (Boucherville), P.

Dumontier et E. McDermott

(Rosemère), F. Faubert et G. Couillard

(Sainte-Agathe-des-Monts), Y. Lauzon

et R. Thibaut (Lafontaine, Saint-

Jérôme et Blainville).

Pourtant, le président de l'Ordre des

pharmaciens, Paul Fernet, avait

clairement indiqué aux membres de la

corporation, dans un bulletin de l'hiver

2002, qu'ils ne pouvaient recevoir des

avantages des compagnies

pharmaceutiques, rappelle la poursuite:

"Un pharmacien doit s'abstenir de

recevoir, en plus de la rémunération à

laquelle il a droit, tout avantage,

ristourne ou commissions relatifs à

l'exercice de sa profession", indiquait

M. Fernet. (La RAMQ verse 7,65 $ au

pharmacien pour chaque ordonnance

délivrée.) L'Ordre des pharmaciens est

revenu à la charge après la publication

de l'enquête dans La Presse, en

souhaitant que "l'industrie

pharmaceutique utilise dorénavant cet

argent, non pas pour gratifier ses

proches, mais pour avantager le

public".

Au Québec, Altimed, Technilab et

Ratiopharm ont fusionné sous le nom

de Ratiopharm. Cette compagnie

allemande exploite une usine à

Mirabel, au nord de Montréal. En

février 1999, la RAMQ réclamait déjà

984 656 $ à la firme Altimed; la

poursuite est toujours en cours. Cette

fois, la RAMQ réclame 1 014 314 $,

représentant les sommes payées en trop

pour les médicaments, ainsi qu'une

somme de 21 460 $ représentant le

coût de l'enquête.

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Numéro de document :

news·20030514·LA·0017

La Presse

Nouvelles générales, samedi 17 mai

2003, p. A1

Des cadeaux interdits pour la

pharmacienne devenue ministre

Noël, André

AU COURS des trois dernières années,

la pharmacie de la ministre déléguée à

la Santé, Julie Boulet, a reçu de petits

cadeaux d'au moins un fabricant de

médicaments génériques, a appris La

Presse hier. Il s'agit là d'avantages

illégaux, affirme une poursuite déposée

hier par la Régie de l'assurance-

maladie du Québec.

Selon la RAMQ, les fabricants

devraient baisser leurs prix plutôt que

d'offrir des objets et des appareils

gratuits aux pharmaciens. Les prix se

répercutent sur les primes d'assurance,

dont la hausse constante a été dénoncée

par Mme Boulet après son élection à

l'Assemblée nationale en 2001 (d'abord

dans l'opposition libérale).

Page 25: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

25

Pharmacienne propriétaire à Saint-Tite,

en Mauricie, Mme Boulet a été

nommée ministre déléguée le mois

dernier. Apotex a donné à sa pharmacie

pour environ 1500 $ de distributeurs de

comprimés utilisés surtout par les

personnes âgées dans le but de

l'encourager à vendre ses médicaments

plutôt que les produits des concurrents.

La poursuite déposée hier par la

RAMQ contre Apotex reproche à cette

compagnie d'avoir donné ces appareils

à de nombreux pharmaciens du

Québec, pour une valeur totale

supérieure à 3 millions de dollars

depuis 2000.

Interrogée par La Presse, Christiane

Bombardier, attachée de presse de

Mme Boulet, a confirmé du bout des

lèvres que la pharmacie J. Boulet et Y.

Rousseau ( fonctionnant sous la

bannière Familiprix ) avait déjà reçu

des objets gratuits de la part de

fabricants de médicaments.

"On ne dit pas qu'elle n'a rien reçu, a

dit Mme Bombardier, visiblement

embarrassée. Mais c'était pour le

service à la clientèle. Mme Boulet n'a

jamais touché d'avantages personnels.

Elle n'est pas allée se promener en

voyage, comme certains ( pharmaciens

)."

Parmi les objets offerts par les

fabricants, Mme Bombardier a nommé

un appareil de mesure de la masse

corporelle, un autre pour mesurer la

pression et divers "instruments pour

dispenser des services".

Quant aux distributeurs de

médicaments, s'il y en a eu, ils ont été

remis aux foyers pour personnes âgées

"pour qu'elles ne soient pas mêlées

quand elles prennent leurs

médicaments", a dit l'attachée de

presse.

Cependant, la Loi sur l'assurance-

médicaments et le code de déontologie

des pharmaciens n'interdisent pas

seulement les "avantages personnels",

mais les primes de toutes sortes. À

preuve, dans les poursuites qu'elle a

déposées cette semaine contre les

compagnies Ratiopharm et Apotex, la

RAMQ donne de nombreux exemples

de "gratuités" illégales, comme divers

appareils utilisés dans les pharmacies.

La poursuite contre Apotex cite une

mise en garde faite en 2002 par le

président de l'Ordre des pharmaciens,

Paul Fernet, selon qui "un pharmacien

doit s'abstenir de recevoir, en plus de la

rémunération à laquelle il a droit, tout

avantage, ristourne ou commission

relatifs à l'exercice de sa profession".

La rémunération de 7,65 $ que la

RAMQ verse au pharmacien pour

chaque ordonnance remplie couvre les

dépenses courantes comme les

contenants des médicaments, selon

l'entente conclue entre la RAMQ et

l'Association québécoise des

pharmaciens propriétaires.

Lorsqu'un fabricant veut faire inscrire

ses produits dans la liste des

médicaments remboursés par la

RAMQ, il doit s'engager à ne pas offrir

de cadeaux aux pharmaciens et à

garantir plutôt le prix le plus bas à la

RAMQ. Mais les fabricants violent

systématiquement leurs engagements.

Au bout du compte, ce sont les patients

et les contribuables qui payent pour ces

cadeaux aux pharmaciens par les

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26

primes d'assurance et des taxes.

Le cabinet d'avocats Kugler Kandestin,

de Montréal, a d'ailleurs déposé une

requête en recours collectif contre les

principaux fabricants de génériques.

Les avocats ont modifié leur requête il

y a deux jours pour porter le recours de

250 millions à 3,8 milliards de dollars.

La RAMQ, elle, est bien décidée à

mettre fin à la pratique des cadeaux,

petits ou grands. Dans la poursuite

déposée hier contre Apotex en Cour

supérieure, à Montréal, elle soutient

que la compagnie a payé un voyage en

France à 17 pharmaciens. Ce voyage

aurait coûté 133 214 $ à Apotex, soit

presque 8000 $ par pharmacien.

Le voyage s'est déroulé entre le 16 et le

24 juin 2002 et portait le nom de Projet

Florensia. Officiellement, il s'agissait

d'une "introduction à la phytothérapie

et aux huiles essentielles au laboratoire

de Pierre Fabre, de la Vitrine Dermo-

Cosmétique P. Fabre et du Centre de

production des extraits végétaux, le 17

juin 2002". Selon le site Web de cette

compagnie française, le centre "dermo-

cosmétique" se trouve à Lavaur, petite

ville du sud de la France.

Toujours selon la poursuite, Apotex

aurait également acheté pour 45 660 $

de cartes à puce auprès du groupe San

Francisco- Les Ailes de la mode,

présumément au profit des

pharmaciens qui vendaient ses

médicaments. Au total, la RAMQ

réclame 3,4 millions à cette firme de

Toronto, plus 53 032 $ en frais

d'enquête.

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Numéro de document :

news·20030517·LA·0004

La Presse

Actualités, mercredi 21 mai 2003, p. A7

MÉDICAMENTS ET CADEAUX

ILLÉGAUX Le président de l'Ordre des pharmaciens

sur la sellette

Noël, André

Enquêtant sur les ristournes illégales

versées aux pharmaciens, la Régie de

l'assurance-maladie du Québec (RAMQ)

s'intéresse à nul autre que le président de

l'Ordre des pharmaciens, Paul Fernet,

propriétaire d'une pharmacie à

Chicoutimi (Saguenay), a appris La

Presse

Un enquêteur de la RAMQ, Yvon

Rhéaume, a téléphoné la semaine

dernière à M. Fernet pour lui poser des

questions sur des "dosettes" de

médicaments reçues à sa pharmacie. Ces

petits systèmes de distribution de

médicaments avaient été payés par la

firme Apotex, principal fabricant de

médicaments génériques au Canada.

Dans la poursuite qu'elle a déposée

contre Apotex à la Cour supérieure,

vendredi, la RAMQ indique que ces

cadeaux sont illégaux. S'il y a des

cadeaux à donner, qu'ils le soient aux

patients et à la RAMQ sous forme de

baisse des prix des médicaments,

soutient la Régie, qui rembourse à peu

près la moitié des médicaments vendus

au Québec.

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27

Les médicaments génériques ont tous la

même composition, la même forme, la

même couleur et le même prix. Pour un

fabricant, la seule façon de se distinguer

des concurrents est d'offrir des primes,

des rabais et des ristournes aux

pharmaciens, même si c'est interdit. Les

cadeaux prennent plusieurs formes. Des

plus gros- voyages en Italie, croisières en

Russie, dons de motos- aux plus petits,

comme des appareils pour mesurer la

pression ou des "dosettes" de

médicaments.

La RAMQ affirme qu'Apotex a déboursé

plus de trois millions de dollars de 2000

à 2003 pour acheter ces "dosettes" à la

compagnie Dispill, de Granby, et les

donner ensuite à ses clients pharmaciens.

Il s'agit d'un système simple et

ingénieux, qui permet aux vieillards de

prendre leurs médicaments à la bonne

fréquence. Une liste des pharmaciens qui

les ont reçus est annexée à la poursuite.

M. Fernet a cependant déclaré à La

Presse, hier, que ce n'est pas à sa

pharmacie, mais à un foyer pour

personnes âgées que ces "dosettes"

avaient été données. "Elles ont abouti à

ma pharmacie parce qu'il fallait bien

qu'un pharmacien place les médicaments

dans les dosettes", a-t-il expliqué. C'est

M. Fernet lui-même qui a confié à La

Presse avoir été questionné à ce sujet par

un enquêteur de la RAMQ.

"Il ne s'agit en aucun cas d'une prime ou

d'un rabais, a ajouté le président de

l'Ordre. Je n'ai profité en aucune façon

d'un avantage personnel. J'ai dit et je

répète que je n'ai jamais reçu de

ristournes, comme des voyages, ou

d'autres avantages personnels qui sont

clairement interdits par notre code de

déontologie."

Le code stipule que: "Un pharmacien

doit s'abstenir de recevoir, en plus de la

rémunération à laquelle il a droit, tout

avantage, ristourne ou commission

relatif à l'exercice de sa profession." La

rémunération de 7,65 $ que la RAMQ

verse au pharmacien pour chaque

ordonnance remplie couvre non

seulement les honoraires, mais aussi les

dépenses courantes comme les

contenants des médicaments, selon les

ententes conclues avec l'Association

québécoise des pharmaciens

propriétaires.

La RAMQ estime que les dons

d'appareils, de "dosettes", de "journées

santé", par exemple, sont des primes

illégales. L'Ordre des pharmaciens fait

une interprétation plus large de la loi.

La nouvelle ministre déléguée à la Santé,

Julie Boulet, a elle aussi reçu pour

environ 1500 $ de ces "dosettes", ainsi

que divers appareils, à sa pharmacie de

Saint-Tite (Mauricie). Cette information,

publiée dans La Presse samedi,

n'embarrasse pas le gouvernement outre

mesure. "Il y a là une zone grise, a dit

Christian Barrette, attaché de presse du

premier ministre Jean Charest, au cours

d'un entretien hier. Mme Boulet n'a pas

profité d'un avantage personnel. Nous

devrons probablement éclaircir les

règles."

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Numéro de document :

news·20030521·LA·0017

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28

La Presse

Nouvelles générales, mardi 27 mai

2003, p. A3

Poursuite de 36 millions contre

Pharmascience La RAMQ soupçonne le principal

fabricant de médicaments génériques

d'avoir versé des millions en ristournes

illégales aux pharmaciens

Noël, André

LA RÉGIE de l'assurance-maladie du

Québec vient de déposer une poursuite

de 36,2 millions de dollars contre la

compagnie Pharmascience, le principal

fabricant de médicaments génériques

au Québec. L'entreprise est soupçonnée

d'avoir versé des millions de dollars en

ristournes illégales aux pharmaciens.

Comme la plupart des autres

fabricants, Phamascience préfère

donner des primes, rabais et ristournes

aux pharmaciens qui vendent ses

produits plutôt que de baisser les prix

de ses médicaments. Cette stratégie de

marketing illégale coûte cher à la

RAMQ, qui rembourse les

médicaments au prix fort pour environ

la moitié des Québécois.

Les ristournes prennent plusieurs

formes. Selon la poursuite, déposée

vendredi à la Cour supérieure à

Montréal, l'enquête de la RAMQ a

révélé que Pharmascience "donnait aux

pharmacies des cartes à puces

(notamment) de la compagnie Groupe

San Francisco/Les Ailes de la Mode".

Pharmascience achetait ces cartes au

Groupe San Francisco et les remettait

aux pharmaciens qui pouvaient alors se

procurer des biens dans les magasins

de cette compagnie sans rien

débourser. Les enquêteurs ont

d'ailleurs rencontré le vice-président du

groupe San Francisco, Jacques

Fournier. M. Fournier leur a remis un

document, montrant que

Pharmascience a acheté des cartes à

puces pour un montant de 243 169 $ de

mars 2000 à janvier 2002.

Le fabricant de médicaments

génériques a aussi donné des appareils

à au moins trois pharmaciens de la

région de Montréal, soit Maryse

Lepage (Sainte-Anne-des-Monts),

Marie-Josée Caron (Sainte-Rose-de-

Laval) et Yves Tremblay (Saint-

Jérôme). Selon leur code de

déontologie, les pharmaciens n'ont pas

le droit de recevoir des biens matériels

de la part des vendeurs de

médicaments, mais leur corporation

professionnelle n'a jusqu'à maintenant

jamais sévi.

Tout sur ordinateur...

Toujours dans sa poursuite, la RAMQ

indique que Pharmascience utilise un

programme informatique, le "System

Ross for Trade Allowance", qui

indique en détail les rabais, ristournes

ou biens qu'elle donne à titre gratuit

aux pharmaciens du Québec.

"Les enquêteurs ont obtenu des

informations précises et pertinentes à la

présente requête qui démontre que la

défenderesse (Pharmascience) a versé

ou assumé, au cours de septembre 2000

et juin à septembre 2001, un montant

moyen d'un million de dollars par mois

pour des escomptes, rabais, ristournes

ou autres biens gratuits."

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29

Les enquêteurs ont demandé à la

compagnie de leur remettre le code

pour identifier les pharmaciens qui ont

bénéficié de ces primes illégales, mais

Pharmascience "refuse absolument de

fournir ce code et son fonctionnement

aux enquêteurs de la Régie qui l'ont

exigé dans le cadre de leurs pouvoirs

légaux".

Le fabricant s'est adressé aux tribunaux

pour faire casser la requête des

enquêteurs, en contestant la

constitutionnalité de leur pouvoir

d'enquête prévu par la Loi sur la Régie

et par la Loi sur les commissions

d'enquête.

La RAMQ se base donc sur plusieurs

sources pour affirmer que

Pharmascience verse un million de

dollars par mois en ristournes illégales:

l'expérience de septembre 2000 et de

juin à septembre 2001, les déclarations

de l'Ordre des pharmaciens du Québec

(qui évalue le niveau des ristournes à

28 % du total des ventes) et une

enquête réalisée par La Presse (un

document confidentiel d'un fabricant

obtenu par notre journal affirme que le

niveau des ristournes varie entre 35 %

et 50 % des ventes).

De 2000 à 2003, la RAMQ a versé

96,7 millions aux pharmaciens du

Québec pour les produits

pharmaceutiques de Pharmascience,

une compagnie qui a une usine à

Montréal; la somme réclamée de 36,2

millions équivaut à 37 % d'escompte.

Depuis un mois, la Régie a intenté des

poursuites semblables contre les

fabricants Ratiopharm et Apotex.

D'autres pourraient suivre.

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Numéro de document :

news·20030527·LA·0006

La Presse

Actualités, mercredi 28 mai 2003, p.

A10

CADEAUX AUX PHARMACIENS Charest accusé de légèreté

Noël, André

UNE COALITION de groupes sociaux

accuse le premier ministre Jean Charest

de prendre bien à la légère la pratique

des cadeaux offerts aux pharmaciens

par les fabricants de médicaments

génériques, et notamment à la

pharmacie de la ministre déléguée à la

Santé, Julie Boulet.

"Le premier ministre ne semble pas

prendre au sérieux le problème des

pratiques douteuses de l'industrie

pharmaceutique en venant à la

rescousse de sa nouvelle ministre

déléguée à la Santé et en disant que

celle-ci n'avait pas bénéficié d'un

avantage substantiel", a déclaré hier

Marie Pelchat, porte-parole de la

Coalition Solidarité Santé.

La pharmacie de Mme Boulet à Saint-

Tite a reçu, entre autre choses, pour

environ 1500 $ de piluliers de la firme

Apotex. Ces petits distributeurs de

médicaments étaient ensuite

redistribués parmi les foyers pour

personnes âgées. Dans une poursuite

déposée il y a deux semaines contre

Apotex, la Régie de l'assurance-

maladie du Québec (RAMQ) souligne

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qu'il s'agit là d'un cadeau illégal.

S'il y a des cadeaux à donner, soutient

la RAMQ, qu'ils le soient sous forme

de baisse du prix des médicaments.

Une entente conclue entre la RAMQ et

l'Association des pharmaciens

propriétaires du Québec prévoit que les

coûts des contenants des médicaments

sont couverts par la rémunération de

7,65 $ que la RAMQ verse aux

pharmaciens pour chaque ordonnance.

La pharmacie de Mme Boulet, qui

fonctionne sous la bannière Familiprix,

a également reçu un appareil de mesure

de la masse corporelle, un autre pour

mesurer la pression et divers

"instruments pour dispenser des

services", selon son attaché de presse.

Mme Boulet s'est défendue en

affirmant qu'elle n'avait pas profité

d'avantages personnels, comme des

voyages ou des croisières.

"Les cadeaux de piluliers ne sont

qu'une des multiples manifestations des

largesses des compagnies, qui

expliquent une croissance annuelle des

coûts de 19,3 % par année dans le

régime public et dans les régimes

privés d'assurance-médicaments",

affirme la Coalition Solidarité Santé

dans un communiqué.

"Les médicaments coûtent au Trésor

public un milliard de plus qu'il y a cinq

ans et le premier ministre ne peut en

faire une question banale. La

pertinence d'une enquête publique,

demandée par 85 organisations et

personnalités, demeure entière, malgré

les commentaires du premier ministre."

M. Charest a déclaré, lundi, qu'il n'y

avait pas lieu de sévir contre la

ministre Julie Boulet, compte tenu que

les piluliers reçus à sa pharmacie ne

constituent pas une faveur personnelle.

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Numéro de document :

news·20030528·LA·0022

La Presse

Actualités, jeudi 29 mai 2003, p. A7

CADEAUX AUX PHARMACIENS Le PQ demande que Julie Boulet soit

relevée de ses fonctions de ministre

Noël, André

LES TÉNORS du Parti québécois

reviennent à la charge contre la

ministre déléguée à la Santé, Julie

Boulet, dont la pharmacie a reçu d'un

fabricant de médicaments des cadeaux

jugés illégaux par la Régie de

l'assurance-maladie du Québec

(RAMQ). Bernard Landry, chef de

l'opposition officielle, affirme qu'elle

ne devrait pas être ministre.

Le PQ vient de divulguer une lettre

écrite sur ce sujet par la député Louise

Harel, critique de l'opposition en

matière de santé, et adressée au

premier ministre Jean Charest vendredi

dernier.

Dans le quotidien La Presse,

"l'attachée de presse de la ministre

déléguée confirmait que la pharmacie

dont Mme Boulet est copropriétaire

avait bénéficié de cadeaux offerts par

des compagnies pharmaceutiques, écrit

Mme Harel. De telles allégations

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31

remettent sérieusement en question la

capacité de la ministre déléguée à

exercer ses fonctions dans le secteur de

la santé et des services sociaux,

notamment à l'égard de l'assurance-

médicaments."

"L'influence qu'elle pourrait exercer à

l'égard de poursuites judiciaires

impliquant la RAMQ et des

compagnies pharmaceutiques constitue

une apparence flagrante de conflit

d'intérêts et il serait par conséquent

inapproprié qu'elle conserve ses

responsabilités ministérielles

actuelles", poursuit le document.

"Advenant l'inaction de votre part, la

population pourrait conclure que votre

gouvernement approuve cette pratique

contraire à l'éthique. Une compagnie

pharmaceutique qui offre des cadeaux

aux pharmaciens charge indirectement

aux citoyens, au gouvernement et aux

assurances le coût de cette technique

agressive de marketing en l'incluant

dans le prix du médicament. Cela

entraîne une hausse appréciable des

médicaments pour tous les Québécois",

conclut la lettre de Mme Harel.

Interrogé hier, M. Landry a déclaré

hier que, dans ce cas, "le gouvernement

ne s'est pas comporté en

gouvernement". "À la place de M.

Charest, j'aurais retiré ses

responsabilités à Mme Boulet", a

ajouté l'ancien premier ministre.

L'attaché de presse de M. Charest,

Christian Barrette, a dit que le point de

vue du nouveau premier ministre

n'avait pas changé. "Plus tôt cette

semaine, M. Charest a indiqué qu'il

avait eu une discussion avec Mme

Boulet et qu'il jugeait ses explications

satisfaisantes".

Mme Boulet a fait valoir qu'elle n'a pas

profité d'avantages personnels. Les

cadeaux étaient des piluliers (des

contenants de médicaments) et divers

appareils utilisés par les patients,

clients de sa pharmacie de Saint-Tite.

La RAMQ estime toutefois que ce

genre de services gratuits sont des

cadeaux illégaux: elle évoque de telles

largesses dans les poursuites qu'elle a

déposées ce printemps contre des

fabricants de médicaments génériques.

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Numéro de document :

news·20030529·LA·0017

La Presse

Actualités, mardi 3 juin 2003, p. A3

RISTOURNES ET CADEAUX

OFFERTS AUX PHARMACIENS Le fisc se met de la partie

Lessard, Denis; Noël, André

Québec - Revenu Québec s'est mis aux

trousses des pharmaciens qui ont

bénéficié de ristournes et de cadeaux

offerts par les compagnies de

médicaments génériques. Le

volumineux dossier d'enquête de la

Régie d'assurance-maladie du Québec a

été transmis, vendredi, au fisc québécois

qui se chargera d'émettre des avis de

cotisations pour des revenus pouvant

excéder 200 millions sur trois ans.

"Déjà une cinquantaine de pharmaciens

sont venus régulariser leur situation; ces

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divulgations volontaires sont assez

inusitées", a indiqué hier à La Presse

Chantale Tremblay, porte-parole de

Revenu Québec. "Ceux qui se sont

donné la peine de venir rencontrer les

agents du ministère pour discuter de leur

cas, j'imagine que c'est pour des

montants substantiels", a ajouté Mme

Tremblay.

Les cadeaux offerts aux pharmaciens par

les firmes de médicaments génériques

pour les inciter à promouvoir leurs

produits auraient dû être inclus comme

revenu par les pharmaciens-

propriétaires. "Un voyage ou une prime,

c'est un avantage imposable et la

personne doit l'inscrire comme tel dans

son revenu", a précisé Mme Tremblay.

Dans le cas d'un particulier qui exploite

une pharmacie comme propriétaire, le

fisc peut aller fouiller trois ans

rétroactivement. Et ces pharmaciens ne

sont pas au bout de leur peine car, une

fois que Revenu Québec a émis un avis

de cotisation, il transmet les

renseignements dont il dispose au fisc

fédéral.

Publiquement, l'Ordre des pharmaciens

a déjà estimé que 85 % environ des 1500

pharmaciens-propriétaires avaient déjà

bénéficié de tels avantages à des degrés

divers.

Chaque année, la Régie d'assurance-

maladie paye pour les assurés du régime

public d'assurance-médicaments, 200

millions de dollars de ces médicaments

génériques. Il faut ajouter environ 100

millions facturés aux régimes privés. Le

président de l'Ordre des pharmaciens,

Paul Fernet, estimait publiquement que

c'est près de 30 % du prix de ces

ordonnances qui est renvoyé aux

pharmaciens. Sur trois ans, les revenus

ainsi soustraits à l'impôt dépassent les

200 millions de dollars.

D'ailleurs l'Ordre entrera aujourd'hui

dans la mêlée, alors que le cerbère du

code de déontologie des pharmaciens

doit émettre une déclaration.

L'organisme, qui contrôle le respect des

règles par les membres de la profession,

prévoit qu'un "pharmacien doit s'abstenir

de recevoir, en plus de la rémunération à

laquelle il a droit, un avantage, ristourne

ou commissions relatifs à l'exercice de

sa profession".

Une première victime de poids

Julie Boulet est la première victime des

retombées de l'enquête déclenchée par la

RAMQ, qui a débouché sur des

poursuites contre Pharmasciense,

Ratiopharm et Apotex, trois

manufacturiers de médicaments

génériques- et d'autres compagnies

seront visées sous peu. L'ex-ministre

déléguée à la Santé a expliqué les

raisons qui l'avaient poussée à offrir sa

démission du Conseil des ministres,

vendredi dernier.

En conférence de presse, à Shawinigan,

la pharmacienne de Saint-Tite a souligné

qu'elle ne savait pas que l'équipement

fourni par les compagnies

pharmaceutiques- deux

sphygmomanomètres pour mesurer la

tension artérielle et les fameuses

"dosettes"- pouvaient constituer des

avantages contraires aux règles de son

ordre professionnel.

"Je suis entrée en politique pour

contribuer au développement de la

société", a expliqué hier Mme Boulet.

En coulisses, à Québec, on laisse

entendre qu'elle sera réintégrée au sein

Page 33: DOSSIER : MÉDICAMENTS pharmaciens du Québec …uniondesconsommateurs.ca/docu/sante/21oct/UC21oct2010...Un dossier a été ouvert à ce sujet." " À noter que le ministère du Revenu

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du Conseil des ministres et elle-même se

dit confiante d'être ramenée au cabinet.

Refusant de donner des détails sur les

bénéfices obtenus, Mme Boulet a

souligné que les dosettes, des boîtes de

plastique pour diviser les doses

quotidiennes de médicaments que doit

prendre une personne, étaient utiles aux

aînés.

"Et en aucun temps je n'ai su que c'était

donné (par les compagnies de

médicaments). Je n'ai jamais bénéficié

d'avantages personnels ou de cadeaux.

Je n'ai jamais reçu de billet pour un

restaurant, une partie de hockey, encore

moins un voyage. Si j'ai démissionné,

c'est parce que la population a droit

d'avoir des élus à l'abri des conflits

d'intérêts, réels ou perçus. Je ne veux

pas que ma carrière politique commence

sur une mauvaise perception", a-t-elle

déclaré.

Elle a soutenu avoir offert spontanément

sa démission au premier ministre

Charest. "Je n'ai pas à le mettre dans une

situation délicate", a-t-elle précisé.

L'opposition péquistes se proposait

d'aborder les avantages obtenus par la

politicienne-pharmacienne à la première

occasion.

"C'est au gouvernement de revoir sa

politique du médicament, d'établir des

balises et de dire ce qui est permis ou

non", a expliqué Mme Boulet. Elle a

souligné avoir remis sa démission "avec

beaucoup de tristesse", souhaitant que

les gens de sa circonscription de

Laviolette verront dans ce geste

"quelque chose qui ressemble à Julie".

"Je songeais sérieusement à me départir

de mon commerce, je suis encore en

réflexion sur ce que j'en ferai. J'ai fait le

choix de faire de la politique, mon

expérience va profiter à d'autres et

j'espère sortir plus forte de cette

aventure."

Tout en déplorant le départ de la

ministre déléguée à la Santé, le ministre

en titre, Philippe Couillard, estime que

cela concrétise la volonté du

gouvernement de contrer la hausse du

coût du régime d'assurance-

médicaments. "On a décidé qu'on allait

envoyer un message très clair", a dit le

ministre, qui a qualifié Mme Boulet de

"collaboratrice très intègre, très efficace"

qui a dû prendre "une décision

déchirante".

LE FISC AUX TROUSSES

Les pharmaciens propriétaires qui ont

accepté des cadeaux illégaux de la part

de fabricants de médicaments

génériques ont le fisc aux trousses. Ils

pourraient devoir payer des impôts sur

les avantages qu'ils ont reçus, en plus

d'une pénalité imposée par l'Ordre des

pharmaciens.

L'EX-MINISTRE S'EXPLIQUE

L'ex-ministre et toujours pharmacienne

Julie Boulet s'explique. Elle dit avoir

ignoré que sa pharmacie de Saint-Tite

avait reçu des avantages équivalents à

1500 $ de la part de la compagnie

pharmaceutique Apotex. Si elle a

démissionné, c'est parce qu'elle "ne

voulait pas commencer sa carrière

politique sur une mauvaise impression".

PLUS CHER AU CANADA

Selon un rapport réalisé l'automne

dernier par un comité fédéral, et rendu

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public par le National Post, les

médicaments génériques se vendent

entre 21 % et 51 % plus cher au Canada

qu'en Australie, en Nouvelle-Zélande et

dans la plupart des pays d'Europe

occidentale.

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Numéro de document :

news·20030603·LA·0008

La Presse

Nouvelles générales, vendredi 27

octobre 2006, p. A5

"Cadeaux" remis à des pharmaciens

Un fabricant de médicaments sommé

de collaborer avec l'Ordre

Noël, André

Pendant des années, un fabricant de

médicaments génériques,

Pharmascience, a donné des cadeaux à

des pharmaciens pour les convaincre de

vendre ses pilules plutôt que celles de

ses concurrents. Le syndic de l'Ordre des

pharmaciens a ouvert une enquête et lui

a demandé des documents.

Pharmascience a refusé. Dans un

jugement rendu hier, la Cour suprême

lui ordonne d'obtempérer.

Pharmascience n'était pas la seule à agir

ainsi. Mais son cas fera jurisprudence.

Presque toutes les compagnies de

génériques ont donné des piscines, des

motos, des autos, des voyages, des

maisons, de l'argent comptant, etc. La

grande majorité des pharmaciens ont

accepté ces cadeaux. Pourtant, leur code

d'éthique le leur interdit.

Les médicaments sont en bonne partie

remboursés par la Régie de l'assurance

maladie du Québec. Plutôt que de

donner des cadeaux aux pharmaciens,

les fabricants auraient pu baisser leurs

prix, parfois de 40%, estime la Régie.

Celle-ci aurait pu faire de grosses

économies, et en faire profiter les

Québécois qui cotisent à sa caisse. La

Régie a d'ailleurs déposé des poursuites

de 200 millions de dollars contre les

fabricants de génériques, car ils s'étaient

engagés à offrir les plus bas prix

possible. À elle seule, Pharmascience

aurait versé 39 millions en ristournes.

Le scandale a éclaté à la une de La

Presse en février 2003. Le syndic de

l'Ordre des pharmaciens a alors ouvert

une enquête. Il a demandé aux fabricants

de génériques de lui remettre des

documents, afin de savoir quels

pharmaciens avaient accepté des

cadeaux illégaux. Quatre fabricants ont

refusé.

Le syndic a obtenu une injonction en

Cour supérieure contre Pharmascience.

Cette compagnie a fait casser

l'injonction en Cour d'appel. Le syndic a

porté sa cause devant la Cour suprême.

Il vient de gagner. L'effet est immédiat:

tous les fabricants, et pas juste

Pharmascience, devront remettre les

documents demandés.

Pharmascience plaidait que le syndic

avait autorité seulement sur les membres

de l'Ordre, et pas sur les tiers comme les

fabricants de médicaments. Faux,

rétorque le juge Louis LeBel au nom de

la majorité des juges de la Cour

suprême. Les ordres professionnels

jouent un rôle important de protection

du public, dit-il: les syndics ont besoin

de la collaboration des tiers pour savoir

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35

si des infractions ont été commises.

"Un syndic pourrait avoir besoin

d'obtenir des renseignements d'une

infirmière ou d'un préposé, témoins de

certains événements, afin de déterminer

si une plainte pour harcèlement sexuel

doit être portée contre un médecin, écrit

le juge. L'enquête d'un syndic pourrait

exiger l'accès à des renseignements

détenus par une banque ou un comptable

sur l'utilisation dérogatoire d'un compte

en fidéicommis par un avocat."

Le syndic de l'Ordre des pharmaciens,

Jocelyn Binet, a souligné la portée du

jugement pour tous les ordres

professionnels du Québec. En plus de

l'aider à mener son enquête sur les

ristournes illégales, ce jugement aidera

M. Binet à fouiller d'autres dossiers.

Notamment celui des loyers gratuits

offerts aux médecins par les chaînes de

pharmacies, ou des ententes conclues

entre ces chaînes et des foyers pour

personnes âgées.

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Numéro de document :

news·20061027·LA·0012

La Presse

Actualités, lundi 13 septembre 2010, p.

A19

Cadeaux reçus de la part de fabricants

de médicaments génériques

L'Ordre des pharmaciens déclare un

des siens coupable

Noël, André

Après des années d'enquête, un premier

pharmacien vient d'être déclaré coupable

par l'Ordre des pharmaciens d'avoir

violé son code de déontologie parce qu'il

a accepté les nombreux cadeaux offerts

par des fabricants de médicaments

génériques.

Cette décision vient sanctionner une

pratique illégale qui a eu des impacts

majeurs pour les contribuables

québécois. En 2003, une vaste enquête

de La Presse a révélé que les fabricants

de médicaments génériques versaient

des ristournes de plus de 100 millions de

dollars aux pharmaciens, chaque année,

plutôt que de baisser le prix de leurs

médicaments.

Au bout du compte, ce sont les acheteurs

qui payaient ces gigantesques cadeaux.

Les ristournes ont pris toutes les formes:

chèques-cadeaux, argent liquide,

voyages dans le Sud, appareils de

cinéma maison, ordinateurs, voitures,

motocyclettes, rabais, produits gratuits,

etc.

La Régie de l'assurance maladie du

Québec (RAMQ) a déposé des

poursuites contre les fabricants. L'Ordre

des pharmaciens a ouvert sa propre

enquête et décidé de poursuivre

plusieurs de ses membres.

Luc Archambault, pharmacien à Saint-

Charles-Borromée, dans Lanaudière, est

le premier à être déclaré coupable. Dans

une décision rendue le 31 août, le

conseil de discipline de l'Ordre affirme

qu'il a commis 11 infractions. Son

dossier fait partie d'un groupe de 20

plaintes de même nature déposées contre

d'autres pharmaciens.

M. Archambault a admis avoir reçu des

cadeaux et des ristournes des fabricants

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36

Apotex, Genpharm, Pharmascience et

Ratiopharm de 2000 à 2004. Il a

cependant plaidé qu'il avait le droit de

recevoir des "rabais-volume".

Un de ses témoins, Daniel Larouche,

ancien conseiller et négociateur de

l'Association québécoise des

pharmaciens propriétaires, a affirmé

qu'"exploiter une pharmacie, c'est

comme exploiter un magasin Rona".

Selon lui, il est normal qu'un

pharmacien, tout comme un quincaillier,

profite de rabais quand il achète en gros.

Le procureur du syndic de l'Ordre s'est

dit choqué par un tel argument. La

pharmacie n'est pas un commerce

comme les autres, a-t-il dit. Il a affirmé

que la "pratique des rabais-volume a

pour effet d'augmenter les coûts des

médicaments et qu'en bout de piste, le

patient paie plus cher ses médicaments".

Le gouvernement québécois et

l'ensemble des contribuables québécois

ont été les principales victimes de la

pratique des ristournes. Chaque année,

la RAMQ remboursait de 200 à 300

millions de dollars de médicaments

génériques aux personnes qui n'étaient

pas couvertes par une police d'assurance

privée. Le ministre de la Santé

demandait aux fabricants de lui garantir

les meilleurs prix.

Pendant ces années-là, ces prix

correspondaient à environ 60% des prix

des médicaments d'origine

correspondants. Le Québec s'alignait

ainsi sur ce qui était payé en Ontario. En

vérité, ces prix étaient 10 fois plus

élevés que les frais de production. Les

profits étaient tellement importants que

les fabricants se menaient une guerre

commerciale pour convaincre les

pharmaciens de choisir leurs

médicaments plutôt que ceux de leurs

concurrents. Comme les génériques sont

tous identiques et sont tous vendus au

même prix, la seule façon de les séduire

consistait à leur offrir des ristournes.

Las de se faire avoir, le gouvernement

ontarien a décidé, cette année, de couper

en deux les prix payés aux fabricants de

médicaments génériques. Le

gouvernement québécois a emboîté le

pas. Désormais, la RAMQ paiera

seulement 25% du prix des médicaments

d'origine. Les économies pourraient

dépasser les 160 millions de dollars par

année.

La Presse a tenté de joindre Luc

Archambault à sa pharmacie, mais on

nous a indiqué qu'il n'en est plus le

propriétaire.

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Numéro de document :

news·20100913·LA·0022