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Dossier n° 7 Ecole Pestalozzi Echichens Décembre 2009

Dossier n° 7 - Fondation École Pestalozzi, Echichens · virginisant et angélisant les filles et dia- ... A l’au revoir d’Aurore et de Yolaine, toutes deux parve-nues au terme

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Dossier n° 7Ecole PestalozziEchichensDécembre 2009

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Énoncé de la situation

est lors des promotions du 2 juillet 2009 que le directeur A,Kuenzli prenait avec regret et tristesse congé des deux dernières filles ayant séjourné à l’Ecole

Pestalozzi.

Depuis quelques années déjà on constatait une notable diminution des demandes d’admissi-ons pour en enregistrer aucune pour l’année sco-laire 2009-2010. Cette évolution (régression ?) est loin d’être innocente et impose une réflexion sur le phénomène.

Historique de la mixité à l’Ecole Pestalozzi

Depuis 1974 l’idée de cesser d’être l’asyle rural pour garçons faisait son chemin.

C’est grâce à la réalisation des nouveaux bâtiments que la mixité tant attendue pouvait se réaliser en 1978.

Pendant 20 ans l’Ecole Pestalozzi a accueilli des filles. Par rapport aux garçons leur nombre a toujours été inférieur. Le maximum du groupe filles tournait autour de 12 unités. A l’inverse l’Ecole de Mémise (ancien internat pour filles) qui s’ouvrait aussi à la mixité voyait son effectif de garçons rester inférieur à celui des filles.

Vieilles habitudes ancrées chez les «placeurs» sans doute. Les garçons à Echichens les filles à Lutry. On entendait encore cette affirmation chez les assistants sociaux et autres psys dans les années nonante.

La mixité, dans le cadre d’une prise en charge dite et voulue globale, a représenté un avantage certain en terme qualitatif. La nécessité de différencier les besoins et partant d’enrichir le panel de prestations a été profitable aux deux populations (garçons et filles). L’approche de la sexualité sur un mode moins théo-rique s’est révélée nécessaire pour le bienfait de tous. Les idylles nais-

C’

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santes ont permis la découverte de la tendresse, chez plus d’un garçon, certes bien cachée derrière des langages parfois bien grossiers. L’image de la femme (parfois bien primitive et construite sur des clichés archaïques) s’est peu à peu améliorée. L’image du corps en muta-tion est devenue plus saine. Le soin apporté au propre aspect a vu l’arrivée des déodorants et autres parfums en rupture évidente avec les odeurs de l’ancien asile rural !

Souvent porteuses d’une triste image sociale de la femme, dévalorisée et archaïque, au contact d’une saine mixité celle-ci se révélera moderne, dynamique et riche d’espoirs. Nous avons vérifié que si un projet professionnel était impensable à l’arrivée il est souvent devenu possible après quelque temps. Des dizaines de filles ont trouvé un encadrement adéquat

et thérapeutique à leurs situations de détresse. Les séquelles de traumas subits se sont sinon résorbées du moins atté-nuées. Leur «mal-vivre» s’est étoffé par des projets structurants. Les mauvaises images d’elles-mêmes et d’autrui se sont améliorées. Grandir est devenu sans danger.

A tous ces avantages se sont évidem-ment ajoutés certains effets secondaires négatifs.

Si les dérapages sexuels entre garçons posaient relativement peu de problèmes (les tripotages et autres masturbations entre mecs, puisque sans risque notam-ment de grossesses), dès l’arrivée des filles la perception de ces mêmes jeux a vite été (et parfois outrancièrement) dramatisée. Les adultes n’ont souvent pas résisté aux identifications projectives, virginisant et angélisant les filles et dia-bolisant les garçons. Ces dramatisations ont empêché les actions pertinentes et réfléchies nécessaires à l’action curative de qualité. Trop souvent une «patholo-gisation» inadéquate des faits condui-sait à des mesures inappropriées allant à l’encontre d’une saine prise en charge de l’adolescence.

Cette dimension, cette complexifica-tion, ont induit certains inconforts rela-tionnels entre adultes. La centration (par-

fois excessive voire morbide) de ces dernières années sur la notion d’abus sexuels a suscité des pression très fortes de l’extérieur (services de l’Etat, presse, etc.) et surdéterminé une vision plus complexe que nécessaire des éventuels problèmes posés par la mixité. On peut comprendre que pour certains (au nom du principe de précaution) la mixité ait perdu ses valeurs pédagogiques. ✿ C-A Valsesia

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A l’Ecole Pestalozzi...

On m’a écoutée…

J’ai appris des tas de choses utiles…

On était un groupe génial…

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J’ai rêvé de devenir une jeune femme…

On a fait des camps super…

On pouvait parler librement…

Je me suis épanouie…

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Le 2 juillet 2009, à l’occasion des dernières promotions Valérie Rausis, éducatrice spécialisée et René Sterchi, éducateur spécia-lisé rendaient un hommage aux nombreuses jeunes filles, écolières ayant fréquenté l’école Pestalozzi.

En voici quelques extraits:

En 1999 s’est crée un groupe composé des filles et des garçons les plus jeunes afin de leur aménager un espace plus particulier. Puis, la demande de placement de jeunes filles augmentant, un groupe exclu-sivement « filles » se constituait en 2001.A la rentrée 2003, une équipe entièrement fé-minine se constituait et entourait nos filles dans le but de leur créer ainsi une bulle d’intimité au milieu de la quarantaine de garçons ! Dès janvier 06, l’expé-rience précédente laissait la place à un retour à une nouvelle mixité dans ce groupe spécifique, tant dans la composition de l’équipe éducative que dans la composi-tion du groupe des enfants.Puis, ces dernières années, le nombre des filles a été en diminuant jusqu’au départ aujourd’hui de Yolaine et Aurore.A l’au revoir d’Aurore et de Yolaine, toutes deux parve-nues au terme de leur scolarité obligatoire nous voulions join-dre et raconter quelques souve-nirs et émotions.

Deux éducateurs spécialisés

témoignent

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Nous nous rendons compte que les filles nous ont amené à bien des réflexions et des expérimentations.

Avec les filles apparaissait aussi tout l’as-pect de la coquetterie, de la décoration

des chambres, le côté artistique avec la danse, le théâtre et la création où elles ont toujours prise une part importante jusqu’à aujourd’hui.

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… Aujourd’hui, avec ces départs, nous pouvons dire que nous n’aurons plus:

Des salles de bains remplies de maquillage. / Des tiroirs où se mêlent sous-vêtements et nourriture. / Des soirées tricot devant la télévision. / Des cœurs dessinés sur toutes les parois. / Des touffes de cheveux, après une dispute./ Des confidences sur les amoureux. / Des échanges d’habits entre copines. / Des petites plantes sur le balcon. / Des soirées à se faire les ongles ou un masque de beauté. / Des jalousies pour le même garçon. / Des heures et des heures à se coiffer. / Le petit sac à main pour aller en classe. / Les boums. / Des filles motivées pour monter un spectacle. / Des films à l’eau de rose ou la série « Grand galop » visionnée 100 fois. / Des moments dans le bureau à l’heure du coucher pour prolonger le temps. / Des soirées tisane. / Des défilés de mode. / La curiosité: Il faut tout savoir sur tout.

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…Aurore, Yolaine, Vanessa, Lynn Marine, Kirsten, Justine, Anabelle, Virginie, Lydia, Jessica, Mirian, Isis, Nadia, Guljima, Aurélie, Elodie, Esther, Cynthia, Nicole, Sandra, Anaïs, Johana, Magalie, Miléna, Andreia, Martine, Anne Christine, Sylvie et toutes les autres, vous nous laissez des souvenirs inoubliables.

Des filles, des filles tout simplement.

Valérie Rausis, René Sterchi

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Hypothèse explicative

ans le cadre de l’école publique on a toujours constaté un écart important entre le signalement de garçons présentant des problèmes scolaires et de comportement et celui de filles à pathologie égale.

On a toujours pudiquement glissé sur la question de savoir si vraiment les filles se portent mieux que les garçons occultant l’hypothèse que peut-être leur dépistage est mauvais. En effet seules les problématiques spectaculaires avec des symptômes florides et dérangeants attirent l’atten-tion des enseignants et des psys qui ne déterminent la gravité de la souffrance qu’au travers de sa forme d’expression et non pas de sa structure pathologique.

Je pense qu’il y a autant de filles en souffrance que de garçons mais que leur meilleure adaptation dans le cadre du système scolaire ne permet pas qu’on les prenne en compte. On peut supposer que la forme de cadrage offert par l’Ecole publique apaise, plus que chez les garçons, les symp-tômes mais pour autant ne les guérit pas. C’est souvent à l’âge adulte qu’explose-ront les symptômes en sommeil de lourdes pathologies non perçues.

DConclusions

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Pour maintenir son impact de bonne qualité éducative et curative, et pour répondre à sa mission, l’Ecole Pestalozzi souhaite que rapidement des demandes de prestations concer-nant des filles lui soient renouvelées.

Il apparaît nécessaire que le dépistage des enfants en graves difficultés sur le plan psychique s’étoffe dans le cadre de l’Ecole publique et que des diagnostics fins basés sur les structures de pensée et non seulement sur les indices comportementaux soient posés précocement.

A partir de là, il faut que des évaluations pointues en besoins de soins soient posées incluant également les prestations qui ne peuvent être servies à l’intérieur du système scolaire. Notre institution offre des prestations s’adressant à la globalité de l’enfant, parmi lesquelles on trouve l’internat. Ce statut n’est en rien, contrairement à ce que certains pensent, une exclu-sion puisque les institutions sont aujourd’hui, bien que privées, inclues dans le système de l’Ecole publique.

✿ Charles-Antoine Valsesia, psychologue clinicienAncien directeur de l’Ecole Pestalozzi

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Dossier n° 7– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –Ecole PestalozziEchichensDécembre 2009– – – – – – – – – – – – – – – – – – – – –Réalisation: Brossardesign© Ecole Pestalozzi