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N 0 136 automne 2014 8,95 $ PSEUDOS DOUBLES et CAMÉLÉONS DOSSIER ROMAIN GARY Je est un autre NUIT BLANCHE magazine littéraire René LÉVESQUE journaliste Acadie : Claude LE BOUTHILLIER André OBEY Nuit blanche, 1026, rue Saint-Jean, bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7 PP40038870 E09023

DOSSIER PSEUDOS · 2018-04-13 · N0 136.NUITBLANCHE.3 «Nousreconnaissonsl’aide financièredugouvernement duCanadaparl’entremise ARTICLE 6 Nouveautésquébécoises 63 Nouveautésétrangères

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N0 136 automne 2014 8,95 $

PSEUDOSDOUBLES

et CAMÉLÉONS

DOSSIER

ROMAIN

GARY

Jeestun

autre

NUIT BLANCHEmagazine l i t té ra i re

René LÉVESQUEjournaliste

Acadie :ClaudeLE BOUTHILLIER

André OBEY

Nuit blanche, 1026, rue Saint-Jean, bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7

PP40038870 E09023

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N0 136. NUIT BLANCHE . 3

«Nous reconnaissons l’aidefinancière du gouvernementdu Canada par l’entremise

ARTICLE

6 Nouveautés québécoises

63 Nouveautés étrangères

ACTUALITÉS

RUBRIQUES

4 Sommairedes livres commentés

5 Présentation

48 « Écrivains franco-canadiens »Claude Le BouthillierUne œuvre militantepar David Lonergan

60 « Écrivains méconnusdu XXe siècle »André Obey (1892-1975)par Paul Renard

Claude Le Bouthillier

36 Fiction

51 Essai

COMMENTAIRES DE LECTURE

©ChristineBo

urgier

11 Chroniques politiquesde René Lévesquepar Laurent Laplante

NUMÉRO 136– AUTOMNE 2014

DOSSIER

33 UNE ALCHIMIEDE L’IMPOSTUREpar Thierry Bissonnette

Nuit blanche remercie le Conseil des arts et des lettres du Québec,le Conseil des arts du Canada de l’aide accordée à notre programmede publication et le Service de la culture de la Ville de Québec ;il est répertorié dans l’Index des périodiques canadiens et dans Repère.

magazine l i ttéraireNUIT BLANCHE

Nuit blanche est membre de la Société de développementdes périodiques culturels québécois (SODEP).www.sodep.qc.ca [email protected]

Directrice de la publication : Suzanne Leclerc.Rédacteur en chef : Alain Lessard.Direction artistique : Anne-Marie Guérineau.Comité de rédaction : Jean-Paul Beaumier,Hélène Gaudreau, Anne-Marie Guérineau,Louis Jolicœur, Alain Lessard, François Ouellet.

Responsable de la rubrique « Écrivains méconnusdu XXe siècle » : François Ouellet.

Ont collaboré à ce numéro : Jean-Paul Beaumier,Gaétan Bélanger, Françoise Belu, Ève Dubois-Bergeron,Patrick Bergeron, Michèle Bernard, Thierry Bissonnette,Pierrette Boivin, Yvan Cliche, Thierry Dimanche,Jean-Guy Hudon, Yves Laberge, Laurent Laplante, DavidLaporte, David Lonergan, Michel Nareau, Marie-Ève Pilote,Michel Pleau, Judy Quinn, Pierre Rajotte, Paul Renard,Simon Roy, Cyril Schreiber, Mathieu Simoneau.

Couverture : A.-M. Guérineau d’après une photode Romain Gary offerte par Gallimard.

Actualités : Judy Quinn, Yvon Poulin.Révision : Judy Quinn, Suzanne Leclerc.Infographie : Perfection Design.Abonnements, publicité :Marie-Pia Alexis.Campagne d’abonnement : Lucie Leclerc.Conseiller en informatique :Nicolas Bégin (Somitel).Impression : Lithochic.

Distribution au Canada, en kiosque et en librairie :Messageries Dynamiques inc.

Nuit blanche, magazine littéraire : 1026, rue Saint-Jean,bureau 403, Québec (Québec) G1R 1R7 ;téléphone : 418 692-1354 ; télécopieur : 418 692-1355.Courrier électronique : [email protected]

Les opinions émises dans les articleset les commentaires n’engagent pas la rédaction.

Périodicité : 4 numéros par année.Numéro 136 : automne 2014.Date de publication : octobre 2014.

Envoi de Poste publications :Enregistrement no 09023 ; Convention no 40038870.

ISSN : 0823-2490.

ISBN : 978-2-9814175-7-2 (PDF).

Dépôt légal : Bibliothèqueet Archives nationales du Québec, 2014.

«Nous reconnaissons l’appui financier du gouvernement du Canada par l’entremisedu Fonds du Canada pour les périodiques, qui relève de Patrimoine canadien. »

DOUBLES, PSEUDOSet CAMÉLÉONS

15 HAUT LES MASQUES !par Patrick Bergeron

Romain Gary

©Corbis/Sy

gma

©Patrice Remia

ROMAIN GARY18 Beaucoup caméléon,

davantage Prométhéepar Laurent Laplante

22 Je est un autrepar Patrick Bergeron

WEB Lectures de Romain Garypar Gaétan Bélanger

26 L’ÉVANGILE JETABLEUn feuilleton laïcpar Thierry Dimanche

28 ENTREVUEL’autre et le poèmepar Michel Pleau

31 NOUVELLE INÉDITEL’allée brèvepar Judy Quinn

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AKOUNINE, Boris : Le monde entier estun théâtre, Presses de la Cité, 2013,par M. Bernard.BARNES, Julian : Quand tout est déjàarrivé, Mercure de France, 2014,par J.-P. Beaumier, p. 38.BEAUMIER, Jean-Paul : Fais pas cettetête, Druide, 2014, par P. Boivin, p. 37.BOUCHARD, Georges : Vieilles choses...vieilles gens, Silhouettes campagnardes,Bibliothèque québécoise, 2014,par D. Laporte, p. 43.BOURBONNAIS, Claudine :Métis Beach,Boréal, 2014, par Y. Laberge, p. 41.BRETON, Pierre : Sous le radar, Boréal,2014, par D. Laporte.COBEN, Harlan : Six ans déjà, Belfond,2014, par S. Roy.COETZEE, J. M. : Une enfance de Jésus,Seuil, 2013, par P. Bergeron.DELERM, Philippe : Elle marchait sur unfil, Seuil, 2014, par J.-P. Beaumier, p. 46.DONNER, Christophe : Quiconqueexerce ce métier stupide mérite tout cequi lui arrive, Grasset, 2014,par Y. Laberge.ECHENOZ, Jean : Caprice de la reine,Minuit, 2014, par M.-È. Pilote, p. 45.GARY, Romain : Le vin des morts,Gallimard, 2014, par P. Bergeron, p. 22.GILBERT-DUMAS, Mylène : Détours surla route de Compostelle, VLB, 2014,par P. Rajotte, p. 45.HÉBERT, Anne :Œuvres complètesd’Anne Hébert, T. 1, Poésie suivi deDialogue sur la traduction à propos duTombeau des rois, Presses de l’Universitéde Montréal, 2013,par È. Dubois-Bergeron, p. 40.INDRIDASON, Arnaldur : Le duel,Métailié, 2014, par S. Roy, p. 38.KUNDERA, Milan : La fête del’insignifiance, Gallimard, 2014,par J.-P. Beaumier.LABINE, Marcel : Promenades dans nosdépôts lapidaires, Les Herbes rouges,2013, par J. Quinn, p. 37.LAMARTINE, Thérèse : Le silence desfemmes, Triptyque, 2014, par P. Boivin,p. 42.LANGEVIN, André : Poussière sur laville, Boréal, 2014, par Y. Laberge.LAROCQUE, Marie : Jeanne chez lesautres, Tête première, 2013,par G. Bélanger.LEMIEUX, Bruno : Dans le ventre la nuit,Le Noroît, 2013, par M. Simoneau,p. 43.

LEON, Donna : Deux veuves pour untestament, Calmann-Lévy, 2014,par M. Bernard.LETARTE, Geneviève : L’année d’après,Écrits des Forges, 2014, par J. Quinn,p. 44.LÉTOURNEAU, Sophie : Chansonfrançaise, Le Quartanier, 2013,par C. Schreiber.LÉVY, Bernard : Le souffle court,Triptyque, 2014, par F. Belu, p. 47.MOORE, Lisa : Piégé, Boréal, 2014,par M. Bernard, p. 39.NESBØ, Jo : Police, Gallimard, 2014,par L. Laplante, p. 39.ORSENNA, Erik :Mali, ô Mali, Stock,2014, par Y. Cliche, p. 42.PAQUIN, Jacques : Anthologie scienceet poésie, Écrits des Forges, 2014,par J. Quinn.PLEAU, Michel : Le ciel de la basse-ville,David, 2014, par T. Bissonnette, p. 36.SIPPLEY, Cyrille : Les deux rêves, GML,2014, par G. Bélanger, p. 36.TEND, Arata : L’homme qui pleurait lesmorts, Seuil, 2014, par L. Laplante.VIVIER, Mario : Dieu et le docteurGrübbel, Triptyque, 2014,par C. Schreiber.

BAILLARGEON, Normand (sous la dir.de) :Mutations de l’univers médiatique,M éditeur, 2014, par L. Laplante, p. 57.BARRETTE, Yanick : L’idéal républicain,Du Québécois, 2014, par L. Laplante.BEAUDOIN, Raymonde : La vie dansles camps de bûcherons au temps dela pitoune, Septentrion, 2014,par D. Laporte, p. 58.BÉDARD, Éric et GÉLINAS, Xavier (sousla dir. de) : Chroniques politiquesde René Lévesque, Hurtubise, 2014,par L. Laplante, p. 11.BORCH-JACOBSEN, Mikkel (sous la dir.de) : La vérité sur les médicaments,Édito, 2014, par G. Bélanger, p. 56.BOUCHARD, Roméo : Constituerle Québec, Atelier 10, 2014,par L. Laplante, p. 14.BOWEN, John R. : L’islam, un ennemiidéal, Albin Michel, 2014, par Y. Cliche,p. 51.BRENOT, Philippe : Romain Gary deKacew à Ajar, L’Esprit du Temps, 2014,par P. Bergeron, p. 22.CANETTI, Elias et VON MOTESICZKY,Marie-Louise : Amant sans adresse,Correspondance 1942-1992, AlbinMichel, 2013, par P. Bergeron.

CANTY, Daniel : Les États-Unis du vent,La Peuplade, 2014, par D. Laporte, p. 52.CATOZZELLA, Giuseppe : « Ne me dispas que tu as peur », Seuil, 2014,par Y. Cliche.COLLECTIF : Le RIN, partiindépendantiste 1963-1968, VLB, 2014,par L. Laplante, p. 13.COLLECTIF : Lectures de Romain Gary,Gallimard, 2010, par G. Bélanger.DE BAECQUE, Antoine et HERPE, Noël :Éric Rohmer, Stock, 2014,par Y. Laberge.EL ALAOUI, Moulay Hicham : Journald’un prince banni, Grasset, 2014,par Y. Cliche, p. 52.FORGUES, Martin : L’Afghanicide, VLB,2014, par L. Laplante, p. 53.GARY, Romain : Le sens de ma vie,Gallimard, 2014, par P. Bergeron,p. 22.GERVAIS, Bertrand : Un défautde fabrication, Boréal, 2014,par J.-P. Beaumier, p. 56.GOODRIDGE, Mike :Métier :réalisateur, Dunod, 2014,par Y. Laberge.HENRIE, Maurice : Aveux etconfidences, Prise de parole, 2014,par L. Laplante, p. 51.LA ROCHELLE, Réal : Denys Arcand,Presses de l’Université Laval, 2014,par Y. Laberge, p. 57.LÜSEBRINK, Hans-Jürgen : « Le livreaimé du peuple », Presses de l’UniversitéLaval, 2014, par J.-G. Hudon, p. 54.MELANÇON, Benoît : Langue de puck,Del Busso, 2014, par M. Nareau.MORIN, Edgar :Mon Paris, mamémoire, Pluriel, 2014, par Y. Laberge,p. 58.MORIN, Edgar et CERUTI, Mauro :Notre Europe, Fayard, 2014, par Y.Laberge.ORHON, Jean-Nicolas et REEVES,Nicolas : La maison, la ville et les gens,Le phénomène bidonville, Du Passage,2014, par G. Bélanger, p. 53.QUEFFÉLEC, Yann : On l’appelaitBugaled Breizh, Du Rocher/L’Archipel,2014, par G. Bélanger.SAUVÉ, JRM : Défense territoriale pourla nation et l’État du Québec,Du Québécois, 2011, par L. Laplante.SCOTT, Corrie : De Groulx à Laferrière,XYZ, 2014, par D. Laporte, p. 54.VAILLANCOURT, Claude : L’empiredu libre-échange, M éditeur, 2014,par G. Bélanger, p. 59.

essaifiction

En rouge : exclusivités Web en accès gratuit

N0 136 . NUIT BLANCHE . 4

Sommaire des livres commentés

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P r é s e n t a t i o n

CAMBRONNE*

Olivar Asselin, La Patrie, Le Nationaliste et L’Action, 1908-1912

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D’hier à demain les pseudonymes vont et viennent, pour cause politique, esthétique, psychologique, érotique… voire

« édifiante » !? De moi à l’autre, tous les trans sont permis, ou même forcés, à une autre époque, par la non-déclinaison du

mot auteur au féminin. « Haut les masques ! », donc, à l’occasion de la cinquième édition du festival Québec en toutes lettres,

placé cette année sous le signe du Double et du Pseudo. Bienvenue au royaume de l’Autre et de la mystification, façon 2014.

Un type étonnant que Claude Le Bouthillier, romancier, poète mais aussi psychologue, qui fait de l’Acadie un État

indépendant rayonnant sur le monde, et des Acadiens les sauveurs de la planète. Par David Lonergan, un tour de son « œuvre

militante », de L’Acadien reprend son pays (1977) à Éros en thérapie (2010).

Paul Renard tire de l’oubli André Obey (1892-1975), dramaturge, sportif de haut niveau, mais surtout auteur de quatre

romans, dont Le joueur de triangle (1928 ; prix Renaudot) : un chef-d’œuvre ?

« Étonnant par son ampleur, le chantier ouvert par Éric Bédard et Xavier Gélinas corrige enfin une perception trop floue »

qui fait de René Lévesque un homme de la parole avant tout, négligeant sa contribution au journalisme écrit. Laurent Laplante

s’est plongé dans les 700 pages du premier tome des Chroniques politiques de René Lévesque, parues dans Dimanche-Matin et

dans Le Clairon de Saint-Hyacinthe de 1966 à 1970. NB

Bonne lecture ! Suzanne Leclerc

* Bernard Vinet, Pseudonymes québécois, Garneau, Québec, 1974 (édition basée sur l’ouvrage Pseudonymes canadiensde Francis-J. Audet et Gérard Malchelosse paru en 1936).

OSSIERD

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nouveautés

québécoises

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500 livresUn 500e titre s’ajoutaitdernièrement au cataloguedes éditions JCL : Le scandaledes eaux folles de Marie-Bernadette Dupuy.Depuis1977, la maison publie chaqueannée une quinzaine de romans,dont plusieurs connaissentun succès populaire.

Une feuilleAprès seulement deux ansd’activité, l’Association desauteurs de la Montérégie publiedéjà un recueil collectif : Leslittérailleries montérégiennes,La feuille (GID), sous ladirection de Gaétane Dufour.Le terme « littéraillerie »signifiait dans le françaisd’autrefois une littératureamusante ou plaisante.

Cheval d’aoûtUne nouvelle maison d’éditionconsacrée à la fiction vientd’apparaître dans le paysagelittéraire québécois : Chevald’août.Deux titres inaugurentle catalogue : Les filles bleuesde l’été de la jeune auteureMikella Nicol et le deuxième ettrès attendu roman de SophieBienvenu,Chercher Sam.

Liberté, fraîcheurUne quarantaines d’élèvesde troisième année de l’Écolede la Grande-Hermine, àLimoilou, voient leurs textespubliés après avoir participéà un atelier d’écriture animépar Gabriel Marcoux-Chabot.« Magnifique et très audacieux »,écrit Sylvie Nicolas dans lapréface du livre,Les héritiersdu fou, vol. 4 (La nef des fous).

CalendrierrévolutionnaireLe projet de Nicolas Dickneret de Dominique Fortier nemanque pas d’originalité :tous les jours pendant un an,chacun devait écrire à partird’un mot choisi deux cents ansplus tôt par Fabre d’Églantineet André Thoüin. Créateursdu calendrier révolutionnaireutilisé de 1793 à 1806,d’Églantine et Thoüinrattachèrent en effet chaquejour de l’année à une plante,un animal ou un outil exaltantles vertus républicaines. Lerésultat de cette entreprisevient de paraître chez Altosous le titre de Révolutions.

Québec en haïkusLa ville de Québec a inspirésix auteurs de haïkus dont lestextes sont réunis dans un petitlivre publié par le groupe« six plumes ».Là où le fleuverétrécit, étendre son regardcontient aussi quelques courtspoèmes et tankas.

Meilleur roman policierLe prix Arthur-Ellis,récompensant le meilleurroman policier francophonecanadien, revient cette annéeà Maureen Martineau pour sonefficace roman L’enfant promis(La courte échelle). ChrystineBrouillet, Jacques Côté etJacques Savoie étaientégalement en lice.

40 ans pourQuébec AmériqueUn automne chargé pourles éditions Québec Amérique,dont on souligne les 40 ansd’existence. La maison publieentre autres le récit de l’auteureDominique Demers sur soncombat contre le cancer dusein, intitulé Chroniquesd’un cancer ordinaire ;Nu, un recueil de textesérotiques écrits par unequinzaine d’auteurs, sous ladirection de StéphaneDompierre ; et Voix migrantes,Naître ailleurs, vivre ici,un ouvrage de Paul Kunigiset Véronique Marcotte, avecles photographies de FrançoisFortin, présentant dix-septportraits de migrants.

Livres anciens et d’occasion418 648-6210

[email protected]

169, rue Crémazie Ouest, Québec (QC) G1R 1X6

LIBRAIRIE au LIEU du LIVRE

Dernier BlaisMarie-Claire Blais reprend lepersonnage de Petites Cendres dansun nouveau roman polyphoniqueoù se mêlent aussi les destinsdu compositeur Fleur, du poèteAdrien, de Christophe le tueur,de Daniel le romancier… Tousce beau monde est uni par le grand

rêve d’une croisière en mer.Aux Jardins des Acacias est publiésimultanément au Seuil, pour la France, et chez Boréal,pour le Québec.

TrashWilliam Lessard Morin est un jeune auteur originairede la Côte-Nord. Il signe à La Mèche un premier roman trashintitulé Ici la chair est partout. Le livre dépeint différentspersonnages liés par leur quête de l’amour.

Marie-Claire Blais

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DOSSIER

a littérature va à la rencontre de l’autre ;

l’écrivain, par ses livres, expérimente

« d’autres vies que la sienne », comme

dirait Emmanuel Carrère. Aussi n’est-il pas

surprenant que l’usage de pseudonymes

et la fabrication d’identités fictives jalonnent

le cours de l’histoire littéraire.

Parfois, le nom de plume a pris toute la place.

insi les Molière, Voltaire, Stendhal, Lautréamont, Mark Twain, Lewis Carroll

et Julien Gracq éclipsent presque complètement les Jean-Baptiste Poquelin,

François-Marie Arouet, Henri Beyle, Isidore Ducasse, Samuel Langhorne

Clemens, Charles Lutwidge Dodgson et Louis Poirier qui se cachent

derrière. Le Québec n’y échappe pas : on connaît mieux Laure Conan, Louis Dantin, Ringuet, Louky

Bersianik et Nelly Arcan que Félicité Angers, Eugène Seers, Philippe Panneton, Lucille Durand et Isabelle

Fortier. Alors que la sonorité harmonieuse de certains patronymes aurait rendu inutile le recours à la

pseudonymie (Baudelaire, Lovecraft, Tolkien, Nelligan, Miron), certains écrivains ont simplifié la

résonance de leur nom. Guillaume de Kostrowitzky est ainsi devenu Guillaume Apollinaire ; Emmanuel

Bobovnikoff a fait place à Emmanuel Bove ; Marguerite Cleenewerck de Crayencour s’est transformée

Haut les masques !DOUBLES, PSEUDOS et CAMÉLÉONS

L

A

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DOSSIER

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« Je me suis toujours été un autre », affirmait Romain Garydans Vie et mort d’Émile Ajar (posth., 1981).Peu d’écrivains ont eu, autant que lui,

la passion (ou l’impulsion) de la métamorphose.

Photo:©

Gallim

ard

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Préambule1 Au début, ça bavardait intensément. Lebavardage était devenu la réalité même, et la réalité seprenait pour du bavardage.

Tout ce qu’on apprendra ici fut tiré des journaux, caril n’y a plus d’autre manière de prouver rapidement,sinon que d’emprunter la manufacture de la rumeuret du consentement agitée par les quotidiens.

Dans le ouï-dire, il y a quand même une vérité sur leshommes. Une lumière diffuse.

Il vaudrait d’ailleurs mieux lire les journaux dans lenoir, afin que les ténèbres s’exercent à comprendre.

C’est pourquoi vint un type nommé Thierry, quifournirait un reflet de l’incompréhension où laparole a sombré.

Ce n’était pas tout à fait une lumière, mais il serviraità éclairer, à souligner la retaille d’intelligence quiroupille partout.

L’évidence crue, elle, était en route. On disait mêmequ’elle était disponible sous les kiosques, mais qu’ellen’intéressait pas grand-monde.

Pourtant, il suffisait de se mettre à l’écoute comme ilfaut, pour devenir un enfant du réel.

C’est pourquoi Jean-Claude s’est habillé, a circuléparmi nous. Et nous en avons retrouvé un senscommun.

C’est lui, qui vient après moi, mais qui en fait passeavant moi. Car c’est lui qui est plein. L’agent de ladistribution. La langue qui pèse une tonne.

Le bonheur va demeurer caché. Mais grâce à Jean-Claude et selon son expression, on peut maintenantse cacher avec.

Jean-Claude se manifeste au SyndicatTout a commencé par un avertissement de Jean-Guy.« Je ne suis pas Jean-Claude, mais laissez-moi vousdire qu’il vaut mieux vous préparer à ce que Jean-Claude va venir vous annoncer. » Devant son ton devérité, ils ne manquèrent pas de lui demander :« Mais qui es-tu, toi ? un sauveur ? T’as gagné tesélections ? Tu vas nous révéler comment faire sourireles mortels ? » Et il répondit non. « Je suis la voix decelui qui a mal à la gorge pour tout le bruit qui faitmur dans nos murs, et je vous suggère de vousgargariser radicalement. Ce gars-là, je pourrais àpeine marcher dans ses traces sans m’enfouir, chersmembres, et il convient qu’une sorte d’introductionvous l’amène. » C’est ce que Jean-Guy baragouinadevant le fleuve visible des fenêtres du trentièmeétage, en cet avant-midi où il énonça distinctement lenom de chacun afin d’officialiser le membership.

Le lendemain, Jean-Claude vint le voir et fut directavec lui devant tous : « Vrai comme tu me vois, voicila lessiveuse de notre communauté, par quoi toute lasaleté disparaît selon une hygiène parfaite. » Jean-Guy, qui ne l’avait jamais vu en personne, reconnutaussitôt la pesanteur réelle du bagout de l’homme,une verve à débloquer les tuyaux. « Je l’ai vu sortir del’ascenseur et j’entends dans sa voix que son discoursdonne sens au sens de mes mots. C’est pourquoi jevous recommande de voter pour lui et d’en faire lechef opératif du développement communica-tionnel. »

Plus tard, Jean-Guy fixa Jean-Claude, qui venait de seresservir du café, et s’écria : « Voici notre homme,

L’Évangile jetable : Un feuilleton laïcPar

Thierry Dimanche*

La Parole faite chair

Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.

Évangile selon saint Jean

DOSSIER

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é parmi la bohème québécoise de 1972, jeme suis retrouvé seul avec ma mère un anplus tard. « Étant mauvais cultivateur jeperdis mon père / non, n’apportez pas de

lumière / donc je le perdis » : ces paroles d’HenriMichaux1, qui allaient m’accompagner au long coursdans vingt ans, évoquent sans doute l’attrait quim’habite pour l’obscur, sans compter mon peud’aptitudes manuelles. Pour moi, elles signifient aussila génération, dans la noirceur de l’encre, d’un autrepère. Mais celui-ci est un troisième type du pluriel, àla fois fils du fils et entité amovible, partageable,connectée à ce labyrinthe souterrain dont la face visiblese présente sous forme de bibliothèque universelle.Étrange labour que développe alors la main. Imprévi-sibles semences. Littérature.Le père partit, son nom resta. Non sans une trouble

suspicion autour du mot, de son adéquation avec leréel, comme si chaque vocable était à moitié orphelin,en passe de se disjoindre.Au premier jour sur les bancs de l’école mater-

nelle, l’éducatrice nous invite à nous identifier. Montour venu, elle aura beau insister, je m’appelle…Napoléon. « Voyons, mon petit, quel est ton nom ? –

J’m’appelle Napoléon. » Si j’avais entenduparler des faits d’armes del’Empereur, ainsi que d’un

grand-oncle ayant le même prénom, j’ignorais encorequ’une certaine catégorie d’hôpitaux regorgeaitd’individus revendiquant une telle identité, la mainglissée dans la chemise et le regard enWaterloo.Il faut dire que les grand-tantes m’avaient bien

préparé, en me prédisant, à l’âge où je me cachaissous la table pendant qu’on jouait aux cartes,que j’allais devenir le premier pape canadien...Et quand on m’instruisit plus à fond des alléeset venues de Jésus-Christ, je n’eus aucun malà l’ajouter à ma légion d’amis imaginaires.Il m’apparaissait effectivement normal qu’ily ait d’autres voix dans la tête, même si onne les entendait pas vraiment, et qu’unesorte de dédoublement intérieur soità la base de l’évolution personnelle.Cela dit, comme l’âne d’Orwell1

à qui l’on disait de remercierDieu d’avoir obtenu une queuelui permettant de chasser lesmouches, je me serais d’abordbien contenté du fait qu’il n’yait ni queue ni mouches, etque règne le monisme leplus complet. L’univers utérinm’avait pleinementsatisfait,

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PatriceRe

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COLBERT BOUCHERRodolphe Laplante, La Revue Desjardins, 1943 et L’Épargne, 1949

Une alchimie de l’impostureTout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur Thierry Dimanche

ParThierry Bissonnette*

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu recommencer ma vie, dans

une sorte de bégaiement à cheval entre l’esprit et le corps. Virus de l’écriture, de la réécriture,

quand en retrait de la parole on peut reprendre mille fois la bouche, multiplier les repentirs,

scarifier la page et ses carences avant que sonne l’heure de tombée, ou qu’on déclare simplement

forfait en donnant ses mots à lire, faute de soi-même être définitif.

Ndans vingt ans, évoquent sans doute l’attrait quim’habite pour l’obscur, sans compter mon peud’aptitudes manuelles. Pour moi, elles signifient aussila génération, dans la noirceur de l’encre, d’un autrepère. Mais celui-ci est un troisième type du pluriel, àla fois fils du fils et entité amovible, partageable,connectée à ce labyrinthe souterrain dont la face visiblese présente sous forme de bibliothèque universelle.Étrange labour que développe alors la main. Imprévi-sibles semences. Littérature.Le père partit, son nom resta. Non sans une trouble

suspicion autour du mot, de son adéquation avec leréel, comme si chaque vocable était à moitié orphelin,en passe de se disjoindre.Au premier jour sur les bancs de l’école mater-

nelle, l’éducatrice nous invite à nous identifier. Montour venu, elle aura beau insister, je m’appelle…Napoléon. « Voyons, mon petit, quel est ton nom ? –

J’m’appelle Napoléon. » Si j’avais entenduparler des faits d’armes del’Empereur, ainsi que d’un

sous la table pendant qu’on jouait aux cartes,que j’allais devenir le premier pape canadien...Et quand on m’instruisit plus à fond des alléeset venues de Jésus-Christ, je n’eus aucun malà l’ajouter à ma légion d’amis imaginaires.Il m’apparaissait effectivement normal qu’ily ait d’autres voix dans la tête, même si onne les entendait pas vraiment, et qu’unesorte de dédoublement intérieur soità la base de l’évolution personnelle.Cela dit, comme l’âne d’Orwell1

à qui l’on disait de remercierDieu d’avoir obtenu une queuelui permettant de chasser lesmouches, je me serais d’abordbien contenté du fait qu’il n’yait ni queue ni mouches, etque règne le monisme leplus complet. L’univers utérinm’avait pleinementsatisfait,

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tues, d’amours interdites, de trahison,d’un drame vécu par un couple âgé. Desthèmes très divers sont ainsi abordésavec beaucoup d’imagination et une écri-ture aux couleurs de l’Acadie. Et l’auteurlance même un défi à ses lecteurs !

Il ne faut pas oublier de mentionnerque Les deux rêves a été retenu pour fairepartie des cinq finalistes du prix France-Acadie 2014.

Gaétan Bélanger

Marcel LabinePROMENADES DANSNOS DÉPÔTS LAPIDAIRESLes Herbes rouges, Montréal, 2013,108 p. ; 15,95 $

Nous avons rêvé de poésie, « ce graalinutile la pierre de Rosette ». Qu’estdevenu ce rêve ? demande gravementMarcel Labine. Une pièce de musée ? Dela poussière sur la table ? Au fil de cesPromenades dans nos dépôts lapidaires,nous visitons ces « lieux usés par letemps / où la poésie a cessé d’exister ». Ilsse présentent à nous comme les multiplessalles d’un pavillon ancien. Les pavés, où

étaient peut-être gravées des sentencesfaisant figure de lois morales, s’effritent.Tout y est stèles, et gravats, et poudre,même le vieil artisan s’est changé enpierre. À l’intérieur de ces salles, les mots,la poésie, sont des reliques « exposéessans finalité / connue ainsi soustraite àtoute vie ». Le constat est terrible : « [I]ln’y a plus de lecteur pour eux ».

Il y a sans doute quelque chose deparadoxal à parler de la mort du poème àl’intérieur du poème. Et le poète en estconscient, en insistant sur ce sentimentd’enfermement, en évoquant dans desvers bien sentis, mais toujours sobres, ladouleur que provoque cet isolement dans

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ais pas cette tête, un recueil de dix-sept nouvelles, est le cinquième de l’écrivain, occupé par ailleursà de multiples tâches liées à la littérature, à la rédaction et à l’édition. Également grand lecteur, Jean-Paul Beaumier cite en exergue au recueil, mais aussi à la plupart des nouvelles, des auteurs tels les

Christian Bobin, René Char, Georges Perec, Patrick Süskind, pour ne nommer que ceux-là, épigraphes quinous mettent sur la piste de l’intention des textes. Ainsi peut-on lire en tête du livre une citation tirée deL’habitude d’être de l’Américaine Flannery O’Connor : ‹‹ Rappelez-vous simplement qu’on n’écrit pas àpartir d’une idée mais à partir d’un personnage plausible, ou simplement parce que l’histoire est là, aucomplet ››. Des personnages plausibles dans ce recueil, assurément ! Chaque lecteur pourra y trouver unepart de son côté sombre et plus facilement encore les petites manies d’autrui. L’usure du couple, le démondu midi d’un professeur amoureux de son étudiante, le voisin intolérant, le refus du fonctionnaire en fin de carrière de sepréparer à la retraite voisinent la douleur d’une enfant, les « guéguerres » fraternelles, le meurtre d’une adolescente, ou encorela solitude d’une vieille mère endeuillée. Le ton spirituel actualise cependant le titre du recueil, qui suggère un sourire en coinde la part de l’auteur : Fais pas cette tête, qui s’adresse aussi bien aux personnages-narrateurs des nouvelles qu’aux lecteurs,soit : souris donc quand même ! On est charmé par une langue qui fait envie et qui, en quelques traits de plume, traduit latendre moquerie ou la compassion et dédramatise les situations.

Si la richesse linguistique et stylistique du recueil est remarquable, son sceau d’originalité lui vient de la structure desnouvelles.Qu’il s’agisse d’intertextualité, alors que l’écrivain va à la rencontre d’autres textes comme dans « Objets abandonnés »(titre inspiré du roman Sunset Park de Paul Auster), « Comme un gros chien tout chaud » (référence à L’élégance du hérisson deMuriel Barbery), « Femme à la fenêtre » (allusion au personnage d’Agnès dans L’immortalité de Milan Kundera), ou de ce quej’appellerais, faute de mieux, de parallélisme réfléchissant, comme dans « Fourrière » (vieille Mazda à bout de souffle/rupturedu couple), « Quand on aime » (étudiant éconduit la veille par un simple texto et devant disserter à partir d’une citation deRobert Lalonde où il est question de la malédiction d’aimer, en se remémorant les règles énoncées aux cours par le professeur.Un bijou !), la structure des textes additionne les couches de sens. Et c’est sans compter les jeux de mots (« Nouveauté ») et lejeu des apparences (« Baiser à la fenêtre »). Chaque nouvelle communique son étincelle d’intelligence au lecteur.Fais pas cette tête témoigne d’une finesse d’observation, d’une maîtrise du genre et d’un art littéraire réjouissant.

Pierrette Boivin

Jean-Paul BeaumierFAIS PAS CETTE TÊTEDruide, Montréal, 2014, 144 p. ; 17,95 $

Pur délice

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Claude Le Bouthillier manie la plume comme d’autres les armes. L’écriture, qu’elle soit

romanesque ou poétique, est pour lui l’occasion de défendre ses idées et sa vision de l’Acadie.

Ce qui donne une pulsion à ses textes et un sens à l’ensemble de son œuvre.

Claude Le BouthillierUne œuvre militante

on roman initial, un des premiers publiés par leséditions d’Acadie, L’Acadien reprend son pays(1977), donne le ton. Nous sommes dans un futurproche. Le Québec est indépendant et une cellule

révolutionnaire acadienne a décidé d’enlever le pape Jospour qu’éclatent au grand jour la situation des Acadienset celle du monde, qui est au bord d’une guerre totale.L’enlèvement réussit et le pape fait un discours relayépartout sur la planète, qui permettra l’instauration d’unordre nouveau, tandis que les Acadiens pourront orga-niser un référendum sur leur avenir. Curieux roman quifait des Acadiens les sauveurs du monde en s’appuyantsur la papauté.Isabelle-sur-Mer (1979) se situe dans le futur d’une

façon plus explicite que L’Acadie reprend son pays.L’Acadie est indépendante et elle rayonne sur le monde.Cette société charmante, paisible, bucolique s’exprimepar les arts et a pour mission de porter un message depaix au monde entier. Cette Acadie, véritable paradisterrestre, est celle de la Péninsule acadienne et non pascelle des autres régions du Nouveau-Brunswick. Le romana de nombreuses faiblesses, mais il demeure étrangementenvoûtant par la détermination du romancier à présenterune Acadie victorieuse et non plus victime et prisonnièrede son destin tragique.

Avec C’est pour quand le paradis (1984), Le Bouthillierexplore ce qui deviendra le second axe de son œuvre,les blessures intérieures, alors que le premier tournaitautour de la situation de l’Acadie et des blessures socialesqui résultent de la déportation. Autant pour Le Bouthillierl’Acadie doit s’affirmer comme État, autant l’Acadiendoit vaincre ses difficultés relationnelles et affronter lesséquelles de son éducation puritaine. Le Bouthillier estaussi psychologue et dans ce roman, son personnageutilisera différentes approches tant psychologiques quepsychiatriques pour vaincre ses problèmes, ce qu’ilréussira. Cette plongée au cœur de l’âme trouvera sarésolution dans l’importance des arts comme sourced’harmonie, ce qui nous ramène à Isabelle.Militant, Claude Le Bouthillier intègre tout ce qu’il

espère de l’Acadie dans Le feu du mauvais temps (1989 ;prix Champlain et France-Acadie) et sa suite, Les maréesdu Grand Dérangement (1994). Cette saga retient duroman historique son caractère populaire et ne se gênepas pour broder autour de la réalité de manière à cequ’elle corresponde aux valeurs que veut véhiculer l’auteur.Le premier tome, qui se déroule entre 1740 et 1763, meten scène Joseph Le Bouthillier, un personnage inspirétrès librement de l’ancêtre de l’auteur. Au-delà des nom-breuses péripéties, tant guerrières qu’affectives, c’est de la

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ParDavid Lonergan*

Le roman [...] demeure étrangement envoûtant par la détermination du romancierà présenter une Acadie victorieuse et non plus victime et prisonnière de son destin tragique.

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n 1936, Gallimard publia, pour marquerle dixième anniversaire de ce prix,Neuf et une,où dix lauréats présentaient des inédits.Obey (comme Louis-Ferdinand Céline)

retint une œuvre théâtrale, Vénus et Adonis, et, dansla présentation de celle-ci, renia ses romans : « […]une seule chose m’intéresse dans l’art : le théâtre […]j’ai mis cinq ans à m’apercevoir que je n’étais pas unromancier […] depuis dix ans (Le joueur de triangleest un accident), je m’acharne à redécouvrir lethéâtre ». Obey a tort de rejeter ses romans, car ily manifeste une technique et une vision originaleset personnelles.Ces quatre romans se distinguent par la technique

de narration qui y est utilisée. Le gardien de la villeest un récit à la troisième personne où abondentles dialogues entre des Géants1 : le ménage Gayant etses enfants qui, enfermés dans un grenier, s’informentavec inquiétude des désastres de la Première Guerremondiale à Douai – occupation par les Allemands,destructions, pillages. Si L’enfant inquiet est aussi unrécit hétérodiégétique, sur les sautes d’humeur d’unadolescent, les épisodes narratifs sont présentés pardes passages descriptifs, de longueur variable, dontla typographie est différente de celle du récit, etles nombreux dialogues sont introduits par des

didascalies (on n’est pas loin du théâtre). Savreuxvainqueur raconte, de manière plus classique, toujoursà la troisième personne, les tribulations du héroséponyme, revenu de la guerre complètement inadaptéet incapable de discipliner l’énergie dont il a faitpreuve sur le front. Quant au Joueur de triangle, ils’agit d’un récit autodiégétique où le jeune narrateurévoque son initiation à la vie, à l’amour et à la musique.Malgré cette diversité des modes narratifs, les

thèmes sont souvent les mêmes. Obey s’intéresse auxpremières années, souvent tourmentées, de l’existence.Un des personnages principaux du Gardien de la villeest l’espiègle Binbin, fils de Gayant.Arnaud, protagonistede L’enfant inquiet, passe sa quatorzième annéeen compagnie de sa mère, de sa petite sœur, de sescamarades de classe et de la jeune Henriette par qui ilse sent attiré. Le narrateur du Joueur de triangle, âgéde dix-sept ans, partage ses jours entre la vie familialeauprès d’une mère peu compréhensive et l’École demusique. Quant à Savreux, s’il est adulte par l’étatcivil, il se comporte comme un enfant qui joue à laguerre, une fois la paix revenue. L’action des quatreromans se passe dans le nord de la France, en particulierà Douai, ville natale de l’auteur. Celle-ci est nomméedans Le gardien de la ville et, en plus des géantsemblématiques de la cité, des personnages illustres

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André Obey (Douai, 1892 – Montsoreau, 1975) est surtout connu pour son activité théâtrale :

ses pièces, qui obtinrent un grand succès de son vivant mais ne sont plus jouées, sont inspirées

du travail de Jacques Copeau et de Charles Dullin ; il fut administrateur de la Comédie-Française

de 1945 à 1947. Sportif de haut niveau, il écrivit sur l’athlétisme et les Jeux olympiques

(L’orgue du stade, 1924). Il ne publia que quatre romans, au début de sa carrière :

Le gardien de la ville (1919), L’enfant inquiet (1920), Savreux vainqueur,Mœurs d’après-guerre (1923)

et Le joueur de triangle (1928), qui obtint le prix Renaudot.

ParPaul Renard*

André Obey

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