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dossier L’hypothyroïdie 25 26 28 Pleins feux sur l’hypothyroïdie : quand l’organisme se met en «sous régime» Dr Benoît Claeys : «Il est possible d’en finir aec l’hypothyroïdie» 35 Michel Odoul : «La thyroïde nous parle de notre capacité d’envol» Dossier réalisé par Myriam Marino

Dossier réalisé par Myriam Marino...dossier L’hypothyroïdie 25 26 28 Pleins feux sur l’hypothyroïdie : quand l’organisme se met en «sous régime» • Dr Benoît Claeys

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Page 1: Dossier réalisé par Myriam Marino...dossier L’hypothyroïdie 25 26 28 Pleins feux sur l’hypothyroïdie : quand l’organisme se met en «sous régime» • Dr Benoît Claeys

dossier L’hypothyroïdie25

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● Pleins feux sur l’hypothyroïdie : quand l’organisme se met en «sous régime»

● Dr Benoît Claeys : «Il est possible d’en finir aec l’hypothyroïdie»•35 ● Michel Odoul : «La thyroïde nous parle de notre capacité d’envol»•

Dossier réalisé par Myriam Marino

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1 - L’hypothyroïdie expliquée par l’Assurance maladie : http://www.ameli-sante.fr/hypothyroidie/quest-ce-que-lhypothyroidie.html2 - «Thyroidology in the Medieval Medu-ical School of Salerno», Maurizio Bifulco et Paolo Cavallo, Mary Ann Liebert, Inc. publishers, fev. 2007

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Quand l’organisme se met en«sous régime»...La glande thyroïde joue un rôle fondamental sur notre organisme. Seshormones régulent le métabolisme de base des cellules de notre corps,contrôlent l’énergie musculaire, l’humeur, la température du corps,augmentent le rythme cardiaque, ont un rôle dans l’utilisation et latransformation des glucides, des lipides et des protides. Enfin, chezl’enfant, elles sont indispensables à la croissance et au développement,en particulier du système nerveux central et des os1. Parfois, cette belleet essentielle «mécanique» se dérègle : l’hypothyroïdie, le sujet denotre dossier, en est un exemple.

Pleins feux surl’hypothyroïdie

Un peu d’histoire avant tout,parce que c’est toujours inté-ressant... Les références histo-

riques sur ce que nous connaissonsmaintenant comme la glande thyroïdeapparaîssent assez tôt dans l’histoiremédicale. En médecine ayurvédique, le livreSushruta Samhita, écrit vers 1500avant JC, mentionne le goitre dans unemaladie appelée «Galaganda», ainsique son traitement. En 1600 avant JC,les Chinois utilisaient une éponge brû-lée et des algues pour le traitementdes goitres. Celse, de son côté, a décrit pour la pre-mière fois un bronchocèle (tumeur vo-lumineuse de la gorge) en 15 après JC.Dans ce même temps, Pline faisait ré-férence aux épidémies de goitre dans

les Alpes et mentionnait égalementl’utilisation d’algues brûlées dans leurtraitement, ce de la même manièreque les Chinois l’avaient fait 1600 ansplus tôt. Galien quant à lui fait référence à la«Spongia usta» (éponge brûlée) pourle traitement du goitre. Il a aussi sug-géré que le rôle de la thyroïde était delubrifier le larynx, ce qui n’est pas lecas...L’école de médecine médiévale de Sa-lerne montra également un grand in-térêt pour les troubles de la thyroïde,avec notamment le chirurgien Roge-rius Salernitanus, auteur d’un travailmédical intitulé : «Post lundi fabri-cam» Practica Chirurgiae (La pratiquede la chirurgie), vers 1180. Il étaitconsidéré à cette éqoque comme le

texte chirugical par excellence danstoute l’Europe. Au chapitre «De boc-cio» de son opus magnum, il décritplusieurs cures pharmacologiques etchirurgicales, dont certaines sont au-jourd’hui réévaluées comme scientifi-quement efficaces2.Il a fallu attendre 1475 pour que queWang Hei décrive anatomiquement laglande thyroïde et recommande pourle traitement du goitre l’assèchementde la thyroïde. La thyroïde a été identifiée pour la pre-mière fois en 1656 par l’anatomisteThomas Wharton (qui a également dé-crit cette même année le canal quiporte son nom : le canal d’évacuationde la salive produite par la glande sub-mandibulaire). Il a donné à cetteglande le nom de thyroïde,

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signifiant bouclier, car sa forme res-semblait aux boucliers courammentutilisés dans la Grèce antique.En 1811, Bernard Courtois, chimiste etfabricant de salpêtre découvrait l’iodedans des cendres d’algues marines etl’idée que c’était l’ingrédient actif destraitements qui étaient prescrits pourgoitre a été développée.Enfin, pour conclure ce petit volet his-torique, en 1909, le Dr Emil TheodorKocher, chirurgien suisse, remportaitle prix Nobel de physiologie ou méde-cine «pour son travail sur la physiolo-gie, la pathologie et la chirurgie de laglande thyroïde».

L’hypothyroïdie en questionVenons-en maintenant à notre sujet :l’hypothyroïdie. En France, elle esttrois fois plus répandue chez lesfemmes que chez les hommes, sou-ligne l’Assurance maladie1. Sa fré-quence augmente avec l’âge,particulièrement après 65 ans. Lenombre de nouveau cas chaque annéen’excède pas 4/1000 chez les femmes.Il est inférieur à 1/1000 chez leshommes. L’hypothyroidie est le trou-ble le plus fréquent de la thyroïde.La carence en iode est la premièrecause d’hypothyroïdie dans le monde.Dans les pays à niveau socio-écono-mique élevé, où l’iode est suffisam-ment présent dans l’alimentation, lescauses principales sont les maladiesauto-immunes et les causes iatro-gènes (dues à des médicaments ou àun acte médical).Et l’Assurance maladie de préciser : lescauses auto-immunes (dues à une hy-peractivité du système immunitaire)sont une explixation du déclenche-ment de l’hypothyroïdie. Dans ce cas

précis, l’organisme produit des anti-corps dirigés contre les cellules thy-roïdiennes, ce qui provoque unediminution de la production d’hor-mones par la thyroïde. La thyroïdite deHashimoto en est l’exemple le plusfréquent.Il existe aussi la thyroïdite du post-par-tum (période qui suit l’accouchement) :elle associe une hypothyroïdie, consta-tée en post-partum, la présence d’unpetit goitre, et des anticorps antithy-roïdiens positifs dans 90% des cas.Cette hypothyroïdie est le plus sou-vent transitoire et dure moins d’un an.Elle peut réapparaître ultérieurementdans 40% des cas. Pour la détecter, on mesure classique-ment les taux de TSH et de T4 : le DrBenoît Claeys nous en donnera une ex-plication détaillée. Il nous dira aussipourquoi ces mesures sont, selon lui,inefficaces ; ce qui fait que de nom-breux hypothyroïdiens ne sont pas dé-tectés. Il nous expliquera ainsicomment faire le bon diagnostic ettraiter efficacement. n

Cancer de la thyroïde et nucléaire

En 2015, en France, on estime le nombre de nouveaux cas de cancer de la thy-roïde à 2 783 chez les hommes et 7 317 chez les femmes, tandis que 143hommes et 215 femmes en sont décédés. Son incidence est plus élevée chezles femmes que chez les hommes, surtout entre 30 et 50-60 ans.Dans le monde, l’incidence de ce cancer, relativement rare il y a 25-30 ans, abeaucoup augmenté ces dernières décennies, ce dans la plupart des pays,avec cependant d’importantes variations géographiques y compris au seinde la France. En Europe, les taux observés pour la période 2003-2007 sont très variablesd’un pays à l’autre : ils varient de 1 à 10 pour 100 000 chez l’homme et de 2,5à 30 pour 100 000 chez la femme. Les taux les plus élevés sont observés dansdes registres français et italiens, et les plus faibles au Royaume-Uni, aux Pays-Bas,en Suède et dans quelques registres en Allemagne. Aux États-Unis, sur cette même période, les taux d’incidence varient entre 2et 6 pour 100 000 chez l’homme et entre 7 et 20 chez la femme. Une incidence particulièrement élevéeest observée dans certaines îles du Pacifique, notamment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française(193 essais nucléaires de 1966 à 1996)...Source : Épidémiologie du cancer de la thyroïde, données actuelles, Bulletin Épidémiologique Hebdoma-daire (BEH) N°11-12, 26 avril 2016

Essai nucléaire français àMururoa en 1970 (© AFP/Archives)

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«Il est possible d’en finiravec l’hypothyroïdie»

Interview

Dr Benoit Claeys

Le Dr Benoît Claeys soigne depuis plus de 10 ans dans son cabinet de Waterloo(Belgique) des personnes souffrant d’hypothyroïdie. Il est l’auteur de l’ouvrageEn finir avec l’hypothyroïdie : ce que votre médecin ne vous dit pas et que vousdevez savoir, rassemblant toute son expérience clinique, où il explique notam-ment que la grande majorité des insuffisances thyroïdiennes ne sont pas diag-nostiquées et quand elles le sont, elles sont mal prises en charge. Il nous livrecomment faire le bon diagnostic et surtout comment traiter efficacement.

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28 dossier ● ● ● en finir avec l’hypothyroïdie•

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Tout d’abord, pouvez-vous nous faire une présentationde la thyroïde ?Un peu d’étymologie tout d’abord : le mot thyroïde vient dugrec thureoeidês signifiant «en forme de bouclier». Ce nom luia été donné par les premiers anatomistes parce qu’elle estsituée à la base du cou, en avant de la trachée et de l’œso-phage, semblant en effet protéger ces deux conduits. Lathyroïde (ou glande thyroïde) est fixée au cartilage thyroï-dien et est située juste sous la peau. Elle a l’aspect d’un papillon dont les deux ailes : les lobes,situés sur le côté du cou, encerclent partiellement la tra-chée. L’isthme est la partie centrale de la thyroïde qui relieces deux lobes (voir le schéma page suivante).La thyroïde est facilement accessible à la palpation, ce quipermet de détecter d’éventuels «nodules», pouvant être lesigne d’un dysfonctionnement de la glande. Si elle aug-mente de volume, on parle de «goitre».

La glande thyroïde a une fonction essentielle au sein del’organisme...Tout à fait. La glande thyroïde est une glande indispensableau bon fonctionnement de l’organisme. Elle agit en synthétisant des hormones thyroïdiennesqu’elle libère dans le sang et qui vont agir dans l’ensemblede l’organisme au niveau de fonctions fondamentales aussidiverses que la production de chaleur, la régulation du sys-tème digestif, la régulation cardiovasculaire, la régulationdu système nerveux central ou encore la régulation des hor-mones sexuelles. C’est un véritable «gendarme», pourrait-on dire, de la régulation corporelle.Si elle est en «sous-régime», les autres glandes qui sécrè-

tent des hormones, ainsi que toutes les hormones, fonc-tionneront elles aussi à un niveau trop bas : c’est une si-tuation d’hypothyroïdie.Si elle fonctionne à un niveau trop élevé, l’organisme fonc-tionnera comme s’il était en surrégime : c’est l’hyperthyroï-die. Le cœur bat trop vite, on a trop chaud, on dort mal...Troisième cas de figure : il arrive que la thyroïde fonctionnecorrectement, mais que les hormones thyroïdiennes secré-tées par la thyroïde ne puissent pas remplir leur rôle cor-rectement Il s’agit de l’hypothyroïdie fonctionnelle,situation où la personne présente les signes cliniques, lessymptômes d’une hypothyroïdie sans nécessairement avoirune thyroïde qui fonctionne mal. Cette distinction entre «hypothyroïdie» et «hypothyroïdiefonctionnelle» est absolument essentielle ; elle est niée parune bonne partie du corps médical par simple ignorance.L’énorme majorité des médecins (sauf les homéopathes etles naturopathes) ne demande JAMAIS un dosage du zinc.Pourtant, si le zinc est trop bas, la T3, hormone active, nepeut pas rentrer dans les cellules pour y exercer son action.L’énorme majorité des médecins ignore que c’est la T3 quiest active, et non la T4. Mais ces médecins demandent ledosage de la T4 : c’est pourtant inutile. Il faut demander undosage de la T3. C’est pour cela aussi que j’ai écrit ce livre : pour permettreaux médecins qui s’intéressent aux pathologies thyroï-diennes d’actualiser leurs connaissances, souvent totale-ment dépassées et qui datent d’il y a trente ou quaranteans. Mais la plupart des médecins n’ont dans leurs patientsque deux ou trois hypothyroïdiens : c’est une pathologiequi n’intéresse que peu les médecins.

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•••1 - En réalité, la thyroïde sécrète quatre hormones, nommées T1, T2, T3 et T4, mais on ne connaît pas encore d’action précise aux hormonesT1 et T2.

Comment est régulé le fonctionnement de la thyroïde ?Cette régulation fait intervenir de nombreux acteurs, maisdeux organes en particulier jouent un rôle central : l’hypo-thalamus et l’hypophyse.L’hypothalamus régule de nombreuses fonctions de l’orga-nisme (sécrétions hormonales, reproduction, températurecorporelle, alternance jour/nuit, faim…) par le biais de sé-crétion de neurohormones. Ces neurohormones sont libé-rées dans la circulation sanguine du cerveau et atteignentl’hypophyse. Cette dernière, une glande à peine plus grossequ’une noisette, est étroitement liée à l’hypothalamus aveclequel elle échange de nombreuses connexions nerveuses.C’est ce que l’on appelle l’axe hypothalamo-hypophysaire.L’hypophyse produit les hormones stimulines, notammenten réponse aux neurohormones envoyées par l’hypothala-mus. L’une d’elles stimule la glande thyroïde, c’est la TSH(Thyroid-Stimulating Hormone - thyréostimuline). Ellecommande la fonction thyroïdienne. Sous son influence, lathyroïde relâche dans la circulation sanguine deux hor-mones thyroïdiennes : la T3 et la T41. La T3 (triiodothyro-nine) compte trois atomes d’iode, la T4 (thyroxine), encompte quatre.La TSH est sécrétée par l’hypophyse en réponse à la sécré-tion de TRH par l’hypothalamus. La thyroïde secrète pour 90% de la T4 et pour 10% de la T3.Seule la T3 est active. On a longtemps prêté à la seule T4des effets cellulaires, on sait aujourd’hui qu’il n’en est rien.

Le rôle de cette dernière se borne à être une source de T3.Cette transformation de la T4 en T3 se fait essentiellementau niveau du foie. C’est malheureusement quelque choseque la grande majorité des médecins ignore.La T4 est transformée en T3 grâce à l’intervention d’une en-zyme : 5’-désiodase, capable de retirer un atome d’iode à laT4. On trouve cette désiodase essentiellement dans le foie,je vous le disais, mais aussi dans les reins, le cœur, le sys-tème nerveux et les muscles.Seulement 10% de la T3 qui circule dans le sang est pro-duite par la thyroïde. Le reste, soit 90%, résulte d’une dés-iodation de la T4.Si la 5’-désiodase ne parvient pas à faire correctement sontravail de «désiodation», comme seule la T3 est active, il enrésulte une situation clinique d’hypothyroïdie.

Pour fabriquer ses hormones, la thyroïde a besoin decertains nutriments…Oui. Les hormones thyroïdiennes sont constituées de tyro-sine (un des 20 acides aminés constituant les protéines ali-mentaires) et d’iode. La synthèse de ces hormones faitintervenir, en plus de la tyrosine, un certain nombre de nu-triments, notamment des vitamines A et E et des minéraux,tels que le zinc, le molybdène et le manganèse, le fer et lesélénium.La transformation de la T4 inactive en T3 active fait, elle, in-tervenir les vitamines A et E, le zinc, le sélénium,

Illustration Doin, 1959

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mais aussi le magnésium et le cuivre.La thyroïde a également besoin de cinq types de vitaminesB : B1, B2, B3, B6 et B12. Je précise ici qu’il est essentiel d’avoir toujours bien à l’es-prit qu’une hormone thyroïdienne n’agit que lorsqu’elle aréussi à pénétrer à l’intérieur du noyau d’une cellule.Lorsque l’on effectue une analyse de sang, on obtient undosage du taux d’hormones thyroïdiennes disponibles dansle sang. Cela ne dit rien sur le taux d’hormones qui pourrontêtre réellement utilisées par les cellules cibles. Il existe eneffet des situations où la T3 a du mal à pénétrer dans lescellules.Ainsi, si la thyroïde ne fabrique pas correctement sa T3 ousi l’organisme ne transforme pas bien la T4 en T3 ou encoresi la T3 a du mal à pénétrer dans les cellules, les symptômesd’une hypothyroïdie vont apparaître.

Quels sont les signes et symptômes de l’hypothyroïdie ?La thyroïde étant le thermostat de l’organisme, les signescliniques de l’hypothyroïdie dénoteront un « trop peu » : lecœur bat trop lentement (bradycardie), la tension est tropbasse (hypotension). Les liquides circulent mal : lesjambes, les paupières gonflent. Le système digestif fonc-tionne trop lentement, d’où une mauvaise digestion et/ouune constipation. Le cerveau est mal oxygéné, ce qui en-traîne des migraines, des problèmes de concentration…Les huit signes les plus fréquents sont : La fatigue (s’accompagnant souvent de troubles de la mé-moire et d’un ralentissement intellectuel) ; La dépression ; La frilosité, avec sensation de froid aux extrémités : nez,

mains (les doigts peuvent même devenir blancs), pieds ; La sécheresse cutanée rebelle, pouvant aller jusqu’à don-ner une « peau de serpent » ; Les crampes musculaires, surtout dans les mollets la nuit,mais aussi au niveau des pieds et des mains) ; Les douleurs dans les articulations, les tendons et lesmuscles, céphalées, migraines ; Œdème du visage, avec gonflement des paupières et deslèvres le matin, au réveil ; Constipation.La personne souffrant d’hypothyroïdie a souvent du mal àgérer son poids, dans un sens comme dans l’autre : si elleveut grossir, elle n’y arrive pas, et inversement, si elle veutmaigrir, elle n’y parvient pas non plus. Les troubles de la sphère ORL sont également fréquents :apnée du sommeil, infection des amygdales, des sinus etdes bronches, bouchons de cérumen dans les oreilles, éter-nuements à répétition plusieurs fois par jour. On recense également des affections du système urinaire(calculs rénaux, cystites...), ainsi qu’une moindre résistanceface aux infections, l’hypothyroïdie perturbant l’ensemblede la fonction immunitaire.L’hypothyroïdie est plus fréquente chez la femme que chezl’homme : quels sont les signes spécifiques de l’hypothy-roïdie chez ces dernières ?On note un développement pubertaire précoce ou aucontraire tardif. L’adolescente hypothyroïdienne n’aura pasd’acné ; les glandes surrénales n’étaient pas stimulées, ilne se produit pas cette poussée de testostérone qui la pro-voque. Les règles sont irrégulières avec un syndrome pré-menstruel très pénible.

Schéma du fonctionnement de la thy-roïde, d’après l’illustration extraite dulivre «En finir avec l’hypothyroïdie»

30 dossier ● ● ● en finir avec l’hypothyroïdie•

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2 - La thyroïdite de Hashimoto est une maladie auto-immune qui entraîne la destruction de la glande thyroïde. Elle est parfois associée à ungoitre.

Représentation d’un goitre (Image : www.chirurgie-beaujolais.fr)

L’adolescente rencontre plus tard des problèmes de fertilitéet durant la grossesse, avec des fausses couches.Enfin, l’hypothyroïdie peut induire une ménopause précoce.Les ovaires étant mal stimulés, ils sont susceptibles de semettre au repos définitivement. Cette ménopause peut ap-paraître dès l’âge de 35 ans. Elle est malheureusement ir-réversible.

Quels sont les facteurs qui font que la thyroïde s’essouf-fle ?Il y a cinq causes à cela.La première, c’est quand la thyroïde ne fabrique pas assezd’hormones. On trouve l’hypothyroïdie dite primaire, quiest la forme la plus fréquente. L’origine de l’insuffisance sesitue dans la thyroïde. Elle se rencontre souvent dans lecadre de la thyroïdite de Hashimoto2 et peut apparaître àla suite d’un traitement à l’iode radioactif ou d’une inter-vention pour hyperthyroïdie.Un déficit en iode est également une cause possible d’hy-pothyroïdie primaire. Les hypothyroïdies secondaire et tertiaire se situent respec-tivement dans l’hypophyse (insuffisance de sécrétion deTSH) et dans l’hypothalamus (insuffisance de sécrétion deTRH). Nous n’en parlerons pas ici puisque c’est la thyroïdequi nous intéresse. Je précise simplement qu’un test permetde distinguer une hypothyroïdie primaire d’une secondaireou tertiaire.Les trois autres causes d’essoufflement de la thyroïde sontliées au fait que les hormones ne remplissent pas leur rôle.Deuxième cause : quand la transformation de la T4 en T3ne se fait pas bienTroisième cause : quand la T4 est transformée en R-T3 (pourreverse T3), qui est inactive. À noter que seule la T3, laforme active, est dosée lors d’une analyse de sang, rarement

la R-T3.Un médicament utilisé dans certaines troubles du rythmecardiaque, l’amiodarone, est la cause la plus fréquented’une formation de R-T3 à partir de la T4.Quatrième cause : quand la T3 ne parvient pas à pénétrerdans la cellule pour agir. On parle ici de résistance aux hor-mones thyroïdiennes. Comme il existe une résistance à l’in-suline.Cinquième cause : diverses carences. La T3 a besoin, pourpénétrer dans la cellule, de cortisone, de zinc et de vitamineD. En cas de déficit de l’une et/ou de l’autre, l’hormone neparvient pas à entrer dans les cellules. Cette difficulté peutêtre également liée au diabète, à l’obésité, au stress, à ladépression, à l’anxiété ou à des infections chroniques.Dans ces cas le dosage de la T3 dans le sang sera «dans lesnormes», mais cette T3 étant inutilisable, il y aura une si-tuation d’hypothyroïdie.Penser résoudre une situation clinique d’hypothyroïdie endosant seulement la TSH et la T4 est donc un non-sens ab-solu. Cela va certes aider un certain nombre de personnes,mais cela va laisser un grand nombre de personnes sanstraitement valable.

Quels sont les moyens «classiques» de détecter une hy-pothyroïdie ? Quelles sont les limites de ces examensselon vous ?Le diagnostic se fait habituellement sur la base d’un bilansanguin. On dose dans le sang la TSH et la T4 le plus sou-vent.Ce sont mes années de pratique qui me font douter de lapertinence du dosage de la TSH. Un grand nombre de pa-tients, en effet, présentent tous les signes d’une hypothy-roïdie alors que leurs valeurs de TSH sont normales.Il y a deux raisons à cela : ou les normes ne sont pas •••

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•••bonnes ou la TSH n’est pas toujours un bon indicateur dela fonction thyroïdienne. Je penche pour la deuxième. L’unedes raisons principales est que le taux de TSH ne varie passeulement en fonction du taux de T4 dans le sang, maiségalement en fonction de nombreux autres facteurs (voirencadré ci-dessous) dont il faudra tenir compte avant d’in-terpréter les résultats des dosages.Quant aux normes, le débat est mondial actuellement entremédecins, sociétés d’endocrinologie et biologistes pour sa-voir à partir de quelle valeur de TSH on considère quequelqu’un souffre d’hypothyroïdie. Cela résulte en une vé-ritable cacophonie. Certes le taux de TSH est porteur d’informations. De trèsnombreuses études scientifiques ont montré en effet unecorrélation entre le taux de TSH et l’hypothyroïdie : plus letaux de TSH dans le sang augmente, plus le risque de dé-velopper des signes d’insuffisance thyroïdienne et les ma-ladies qui en découlent est élevé. Mais le taux de TSH estde peu d’utilité pour le diagnostic de l’hypothyroïdie.En outre, en mesurant la TSH et la T4, on mesure en réalitédeux fois la même chose, puisque la TSH ne s’élève qu’encas de T4 abaissée.Il serait plus logique de demander de doser la TSH et la T3,puisque le dosage de la T4 ne permet pas de détecter unemauvaise conversion de la T4 en T3. De même qu’il ne per-met pas de détecter une conversion trop importante de laT4 en R-T3.Personnellement, je ne fais jamais de diagnostic sur la basedes dosages sanguins de T3 et T4 car je leur attribue uneimportance fort relative par rapport aux signes cliniques etaux symptômes cliniques. Je privilégie donc ces derniers.

Vous proposez également le dosage des hormones thy-roïdiennes dans les urines de 24 heuresOui. Ce dosage est intéressant pour plusieurs raisons : l’ac-tivité de la glande thyroïde variant tout au long de la jour-née, elles reflètent mieux son comportement. Les niveauxd’hormones thyroïdiennes urinaires sont bien corrélés avecles symptômes classiques de l’hypothyroïdie. Enfin, lesquantités de T3 et de T4 dans un échantillon d’urines de 24heures sont significativement plus élevées que celles trou-vées dans un échantillon de sang, les niveaux peuvent doncêtre mesurés de manière fiable.Ces dosages ne remplacent pas les tests sanguins dans lediagnostic de l’hypothyroïdie, mais ils sont indispensablesquand les analyses de sang ne décèlent rien d’anormal alorsque le patient présente plusieurs signes d’hypothyroïdie.C’est un point capital car les cas où les dosages sanguinssont dans les normes alors que les dosages urinaires mon-trent un trouble de la fonction thyroïdienne sont légion. Cedosage est malheureusement non disponible en France, estcher et est non remboursé par la sécurité sociale. Ni en Bel-gique ni forcément en France.

Il existe d’autres examens sanguins complémentairesOui, il s’agit du dosage du cortisol, mais les résultats sontsouvent difficiles à interpréter. Notre cortisol n’est pas lemême à 9h qu’à 17h, par exemple. Il est bien plus logiquede doser la transcortine, la protéine porteuse du cortisol.La transcortine augmente lorsqu’il y a carence chroniqueen cortisol. Attention, beaucoup de pilules contraceptivesmassacrent le système hormonal et donnent une augmen-tation de la transcortine.

Les facteurs qui abaissent le taux deTSH :• Le jeûne• Les régimes à basses calories• La malnutrition• L’exercice intense et de longue durée• L’état dépressif• L’anxiété• Le diabète• Le syndrome post-traumatique• Un traitement par des hormones thyroïdiennes

Les facteurs qui augmentent la TSH : • L’âge• Le stress• La privation de sommeil

Les facteurs susceptibles d’augmenterou de diminuer les taux de TSH enfonction des situations : • Le rythme jour-nuit et les saisons• L’insuffisance rénale• Le cancer et l’infarctus du myocarde• L’alcoolisme chronique• Les statines• Les contraceptifs œstro-progestatifs

et les progestatifs• Les antidépresseurs• Le glutamate de sodium (exhausteur de goût)• Les antihistaminiques• La grossesseExtrait de En finir avec l’hypothyroïdie ce que votre médecinne vous dit pas et que vous devez savoir, Dr Benoît Claeys

Ce qui peut faire varier le taux de TSH

32 dossier ● ● ● en finir avec l’hypothyroïdie•

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Les carences en micronutriments peuvent être à la fois uneconséquence et un facteur aggravant de l’hypothyroïdie. Ilest donc toujours utile d’en détecter les signes cliniques(que je vous ai évoqué précédemment) et de faire des exa-mens sanguins pour évaluer leur ampleur. Il s’agira donc de détecter les carences en iode, en fer, enzinc (j’observe, pour ma part, dans ma patientèle, une ca-rence en zinc dans 50% des cas. Systématiquement, elles’accompagne d’une carence en fer). Le zinc intervient dansla synthèse des hormones thyroïdiennes par la thyroïde etdans l’activité de la 5’désiodase, l’enzyme indispensable àla transformation de la T4 inactive en T3 active.On recherchera aussi les carences en sélénium qui inter-vient notamment dans le métabolisme thyroïdien à deuxniveaux : au niveau de la synthèse des hormones thyroï-diennes et au niveau de la transformation de la T4 en T3.Cette carence en sélénium est toutefois nettement plus rareque la carence en zinc. Les carences en calcium, les ca-rences en magnésium (qui intervient notamment dans laconversion de T4 en T3). Les carences en vitamine D (ellepermet de faire entrer les hormones thyroïdiennes dans lescellules) et en vitamine B12, indispensable à la synthèsedes hormones thyroïdiennes, mais aussi à la synthèse d’au-tres hormones comme les différentes hormones glucocor-ticoïdes.Enfin, les carences en manganèse et molybdène, néces-saires à la synthèse des hormones thyroïdiennes, et en vi-tamine E, indispensable pour la synthèse des hormonesthyroïdiennes, mais aussi pour la transformation de la T4en T3.

Quels sont les traitements donnés classiquement en casd’hypothyroïdie ? Pourquoi sont-ils, dans de nombreuxcas, insuffisants pour traiter efficacement les hypothy-roïdies, et enfin, quels traitements préconisez-vous ?La T4 (levothyroxine) seule est le traitement thyroïdien leplus communément prescrit dans le monde, probablementparce que c’est l’un des plus anciens. Cela ne veut pas direpour autant que c’est le meilleur…On traite rarement par T3 (triiodothyronine) seule. Enfin, les associations T3/T4 (qui sont des hormones desynthèse) sont des traitements plus efficaces que la T4seule, mais une surveillance plus régulière est requise. Ilsobligent une discipline plus grande de la part du patient,car un surdosage peut survenir plus facilement.C’est le traitement que je préconise. Des dizaines d’étudesont démontré la supériorité d’un traitement par T3/T4 surun traitement par T4. Cela pour une raison fort simple : beaucoup de gens trans-forment mal leur T4 en T3. Tout simplement du fait de l’âge :en vieillissant, cette transformation se fait moins bien. Ou

tout simplement à cause de nombreuses carences qui em-pêchent cette transformation.

Comment prendre ses hormones thyroïdiennes pour uneefficacité maximale ?À jeun, le matin, de préférence loin d’un repas. Il faut éga-lement éviter de les prendre en association avec certainessubstances, comme le fer. On prendra donc, par exemple,les hormones le matin et le fer, le soir.Chez certains patients, il est préférable de fractionner lesdoses (deux doses réparties matin et soir). C’est du cas parcas. Il s’agira aussi de faire attention aux aliments qui peuventinteragir avec les traitements hormonaux thyroïdiens : lesproduits à base de soja peuvent diminuer l’absorption deshormones thyroïdiennes (tofu, lait de soja, yaourt au soja,crème de soja, steak de soja). Le pamplemousse (et le jusde pamplemousse) interfère avec la plupart des médica-ments, et aussi avec les hormones thyroïdiennes. Il vautmieux l’éviter.

Que manger pour une thyroïde au top ?Pour améliorer la production d’hormones thyroïdiennes etstimuler les capacités de mémoire, d’attention, de vigilance,des aliments contenant de la L-tyrosine. La tyrosine est l’undes 20 acides aminés participant à la synthèse des pro-téines. C’est le précurseur direct des hormones thyroï-diennes. Et elle entre dans la fabrication de certainsneurotransmetteurs (sérotonine, adrénaline, dopamine).Comme tous les acides aminés, elle est présente dans lesaliments qui contiennent des protéines, aussi bien d’ori-gine animale (œufs, fromages, jambon saumon fumé…)que végétale (pois chiches, haricots, lentilles, noix, noi-settes, amandes…)

Pour lutter contre la fatigue psychique et mieux résister austress : la sérotonine. C’est le neurotransmetteur de l’hu-meur et du sommeil. Elle est produite à partir d’un acideaminé appelé L-tryptophane et peut être transformée enmélatonine (hormone du sommeil). L’augmentation de lasynthèse de la sérotonine se fera en augmentant

Pois chiches dans leurs cosses

dossier ● ● ● en finir avec l’hypothyroïdie 33•

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•••3 - www.tandfonline.com/loi/tacb20#.VzWoexz0n74

des apports en tryptophane. On en trouve dans les alimentsriches en protéines : œufs, viande, volaille, poisson, pro-duits laitiers, légumineuses et noix.Ensuite, il s’agit d’avoir des apports satisfaisants en iode,en utilisant du sel iodé en cuisine et en mangeant des huî-tres, des moules, des coquillages, des poissons frais... Jeconseille de ne pas abuser des algues qui en contiennentde grandes quantités. Certaines substances perturbent lemécanisme de captation de l’iode alimentaire ou l’actionde l’iode, il s’agira de les diminuer : le lithium (traitementde certaines formes de dépression), les thiocyanates (pré-sentes dans la fumée de cigarette), les perchlorates (ou dé-rivés du chlore, dans les eaux polluées industriellement),les nitrates (pollution agricole de l’eau), les glucosinolates(substances trouvées dans les crucifères comme les choux,navet, colza, moutarde, raifort, cresson…), et les cyanogé-niques (manioc, pousses de bambou, patates douces,fèves) qui bloquent l’action de l’iode. Et enfin le brome,dont le rôle est encore mal connu.Ensuite, en écho aux carences que nous évoquions au cha-pitre des causes d’essoufflement de la thyroïde, il s’agit deprivilégier les bonnes sources de fer (produits carnés : hé-moglobine et myoglobine), les aliments riches en sélénium,magnésium, calcium, manganèse, molybdène, en vitamineA et caroténoïdes, et en vitamines B.Certaines plantes peuvent améliorer le bien-être. La valé-riane, la camomille, la mélisse, le millepertuis, la passifloreou encore le tilleul sont des plantes anti-stress, or le stressempêche la formation de T3 à partir de T4.Et parmi les plantes stimulantes, on trouve le Coleus forskohliidont on extrait la forskoline et le Commiphora muggul (donton extrait la myrrhe) : ils contiennent des guggulstéronesqui stimulent la transformation des hormones T4 en hor-mones T3. La forskoline augmente la production d’hor-mones thyroïdiennes et stimule leur libération.

Je terminerai sur le zinc parce que c’est un élément sur le-quel je tiens absolument à insister. Il a un rôle ABSOLU-MENT essentiel. Il est tout aussi important sinon plus quele fer dans l’organisme. Le zinc est un élément essentielpour différentes enzymes et il intervient dans plus de 200réactions enzymatiques connues. Sa fonction physiologiqueprincipale concerne la synthèse des protéines. C’est aussiun antioxydant important.Sans ajuster le zinc, c’est une catastrophe. C’est mon expé-rience clinique qui me permet de l’affirmer. Au niveau de l’alimentation, on trouvera du zinc dans lespoissons, les viandes, les volailles, les huîtres, les coquil-lages et les céréales complètes. L’absorption du zinc estaugmentée par les protéines. En revanche, les phytates (des substances présentes dansles céréales et les légumineuses) la réduisent. Cet effet estmajoré par le calcium. Les alimentations riches en produitsvégétaux et pauvres en viande diminuent l’absorption de ceminéral.

Vous souhaitiez terminer sur deux questions très ac-tuelles pour terminer à l’heure, tout d’abord, d’un sinis-tre anniversaire : les trente ans de la catastrophenucléaire de Tchernobyl. Une nouvelle étude réalisée enBelgique vient s’ajouter aux nombreuses autres pointantles effets néfastes de la contamination radioactive surla thyroïde. Pouvez-vous nous en parler ?Une étude est parue cette année, réalisée par des médecinsde l’hôpital universitaire de Mont-Godinne (UCL, Belgique)sur une population de jeunes belges, et publiée dans lejournal officiel de la Société Royale Belge de chirurgie, ActaChirurgica Belgica3. Elle est le résultat de trois décenniesd’expérience de l’équipe chirurgicale qui traite notammentles cancers de la thyroïde. Les auteurs constatent qu’entre avril 1986 et avril 2015,2349 patients nés avant avril 1986 ont été opérés à Mont-Godinne pour des lésions de la thyroïde. Ils ont examiné etcomparé deux groupes distincts : 2 164 patients avaientplus de 15 ans en 1986 (groupe A) et 185 moins de 15 ans(B). Dans le groupe A, 175 ont développé un cancer papil-laire de la thyroïde (une forme de cancer qui peut être in-duite par les radiations), soit 8,1%. Dans le groupe B (lesmoins de 15 ans), cette proportion est plus que doublée :elle monte à 19,5% ! Les médecins ont également constaté que le taux de cancerde la thyroïde augmente au fil du temps dans les deuxgroupes d’âge différents, mais bien plus parmi les patientsplus jeunes. La différence entre les groupes A et B persistetout au long de trois périodes étudiées (1986-1999,

Coleus forskohlii, photographié dans les Jardins Huntington(Los Angeles) en avril (©Raffi Kojian)

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•••2000-2010, 2011-2015). Les médecins s’attendaient à voir le taux de cancer dimi-nuer au fil du temps chez les plus jeunes, et c’est l’inversequi se produit : «le temps de latence peut donc être très long pour lecancer de la thyroïde induit par les radiations», conclut l’un desmédecins, le Pr Luc Michel, endocrinologue.Les 36 patients du groupe B qui ont présenté un canceravaient 12 ans d’âge moyen au moment de Tchernobyl. Leurâge moyen au moment de l’intervention chirurgicale étaitde 33 ans. Le Pr Michel souligne encore : «dramatiquement,nous avons rencontré aussi six cas de bébés contaminés in utero, austade fœtal. Dans deux cas, il y a eu cancer de la thyroïde chez l’enfant.L’iode radioactif passe à travers le placenta ou via le lait maternel».Pour mémoire, le nuage est passé au-dessus de la Belgiqueune semaine après l’explosion. La demi-vie de l’iode ra-dioactif étant de 8 jours, le nuage était encore radioactif à50%. Leurs recherches prouvent que, depuis 30 ans, le tauxde cancers de la thyroïde chez les enfants belges qui avaientmoins de 15 ans lors de l’accident nucléaire reste plus élevéque dans le reste de la population. Et les Belges ne sont pas les seuls concernés, mais bienl’ensemble de la population européenne ayant été «survo-lée» par le nuage radioactif.

Vous vouliez réagir aussi à l’étude parue récemmentdans la revue Mayo Clinic4...En effet. Quinze ans après les attentats du World Trade Cen-ter, une équipe de chercheurs américaine s’est penchée surl’incidence des maladies auto-immunes dites systémiques(qui affectent tout l’organisme) chez les 14 000 secouristes

et pompiers intervenus sur les lieux. Constat : ces maladiessont en forte augmentation : arthrite rhumatoïde, spondy-larthrite, sarcoïdose, lupus érythémateux, syndrome de Sjö-gren... Cette augmentation est expliquée par l’inhalation departicules de silice provenant du ciment et de l’amiante, quiont irrité les tissus pulmonaires et provoqué l’apparition deces maladies. Jusqu’à 287 composés chimiques ont été ré-pertoriés sur le site. Ces polluants ont probablement jouéun rôle aggravant. Par mois passé sur le site de déblaiementdu WTC, le risque supplémentaire de développer une ma-ladie auto-immune augmentait de 13%. Les cancers aussiont augmenté dans la population des ouvriers qui étaientemployés au déblaiement, surtout des cancers de la thy-roïde et de la prostate. Je suis persuadé que l’on trouveradans un futur proche plus de preuves du rôle néfaste despolluants dans l’apparition des maladies auto-immunes.

Qu’avez-vous envie de conclure ?Peu de médecins s’intéressent aux problèmes de thyroïde.L’industrie pharmaceutique ne s’y intéresse absolumentpas : elle ne peut pas vendre cher des hormones naturelles.J’apprends donc à mes patients à comprendre et à gérereux-mêmes leurs problèmes de thyroïde. À exiger de leurmédecin les deux dosages les plus essentiels et pourtantles moins demandés en général : le dosage de la T3 et duzinc. n

En savoir plus :- «En finir avec l’hypothyroïdie - Ce que votre médecin nevous dit pas et que vous devez savoir», Dr Benoît Claeys,Éd. Thierry Souccar, 2015Le site Internet du Dr Claeys : http://docteurclaeysbenoit.be/

4 - « Post-September 11, 2001, Incidence of Systemic Autoimmune Diseases in World Trade Center-Exposed Firefighters and EmergencyMedical Service Workers », Webber MP et al., Mayo Clinic Proc., janvier 2016

Les auto-tamponneuses ont été programmées pour tourner le1er mai 1986 pour les célébrations du Soviet May Day à Pri-pyat, en Ukraine. Une semaine environ après la catastrophe deTchernobyl et l’évacuation de la communauté (© ClaudiaHimmelreich/McClatchy)

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«La thyroïde nous parlede notre capacité d’en-vol»

Interview

Michel odoul

Michel Odoul est psycho-énergéticien. Il est le fondateur de l’Institut Françaisde Shiatsu et est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Dis-moi où tu as mal, je tedirai pourquoi et le tout nouveau Dis-moi pourquoi cela m’arrive maintenant -Les 12 étapes herculéennes de la croissance, tous deux publiés aux Éditions AlbinMichel. Il nous parle ici de la symbolique des maux de la thyroïde.

Commençons par une présentation dela thyroïde...La thyroïde est une glande endocrinetrès particulière, elle est fondamentale.Véritable chef d’orchestre du corps, elleest au centre de l’équilibre de la crois-sance et de tout le métabolisme hu-main, ainsi que le développement denotre corps physique (croissance,poids).Anatomiquement, elle se situe au ni-veau de la gorge qui est, avec les cordesvocales, le vecteur et le support de l’ex-pression. D’elle dépendent la parole, lesmots, les cris aussi. On peut donc dire de la gorge qu’elleest finalement la douane où les entrées et les sorties sontfiltrées et sélectionnées. Ainsi, les maux de la gorge sont ceux de l’expression«Qu’est-ce que j’ai en travers de la gorge» ou de l’accepta-tion «qu’est-ce que je n’arrive pas à avaler ?». Ainsi, une ex-tinction de voix, une angine, le fait d’avaler de travers ouencore l’aérophagie sont les signes de notre difficulté à ex-primer ce que nous pensons ou ressentons, souvent parpeur des conséquences de cette expression ou à avaler ceque nous venons de vivre. Nous préférons alors arrêter leschoses «à la douane».Ces maux sont, par extension, les marques d’un manqued’expression de soi, de ce que l’on est, de ses qualités oufragilités : «qu’est-ce que je n’arrive pas à faire passer, àdire ?». On parle aussi de «ravaler ses émotions».En énergétique, la gorge est le siège du Chakra dit «de la

gorge» (5e Chakra : Vishuddha) qui estle centre énergétique de l’expression desoi dans le sens le plus large du terme :l’expression verbale et corporelle, maisaussi la façon dont nous nous position-nons par rapport au monde. Il repré-sente notre capacité à reconnaître et àexprimer ce que nous sommes et à rece-voir ce qui peut nous enrichir, nousnourrir, nous faire grandir. Et c’est aussile siège de notre potentiel d’expressionde la créativité.Les dysfonctionnements de la gorge oude la thyroïde peuvent exprimer cette

difficulté. Cette dernière, avec sa forme très particulière depapillon, représente la capacité de l’individu à prendre sonenvol.

De quoi nous parlent l’hypothyroïdie et l’hyperthyroïdie ?L’hyperthyroïdie (Yang) comme l’hypothyroïdie (Yin) sontsouvent les signes d’une impossibilité à dire ou faire ce quel’on voudrait. Personne ne peut nous comprendre, nousn’avons pas les moyens de faire «passer» ce que nouscroyons, nous avons peur de la non-acceptation par l’autrede ce que nous voudrions dire, nous avons peur de la forceou de la violence de ce qui pourrait sortir. Il y a toujoursderrière cette non-expression une notion de risque, de dan-ger, qui nous fait arrêter, retenir l’expression .La forme Yang manifeste un désir malgré tout de lutte, voirede revanche, alors que la forme yin exprime un abandonface à l’impossibilité de s’exprimer.

5e Chakra : Vishuddha

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dossier ● ● ● symbolique de la thyroïde 37•

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•••Dans l’hypothyroïdie, toute la dynamique va se mettre ensous-régime. Les sentiments accompagnant : à quoi bon ?Pour quoi faire ? On ne se sent pas en capacité, pas à lahauteur. Tout est mis sous le boisseau. Tout le métabolismedu corps va se mettre en veilleuse, l’individu entre en sous-fonctionnement. Dans l’hyperthyroïdie, c’est inversé. La personne est dansl’excès, elle se confronte. L’hyperthyroïdien est une per-sonne pour qui tout se résout par la lutte, la course sansfin, mais avec une incapacité à faire les choses à fond. Ils’agite beaucoup, dort peu, est toujours sur la défensive etdans le combat. La philosophie de l’hyperthyroïdien, cen’est pas toujours mieux, mais toujours plus. Donc là, onest dans une vraie partie de course à l’échalote.En terme de problématique, on retrouve véritablement surle fond, chez l’hypothyroïdien et chez l’hyperthyroïdien, deschoses qui se ressemblent, comme je le soulignais au toutdébut de ma réponse.

Que faire alors ?Cela va dépendre du degré d’avancement du problème. Enprésence de quelqu’un chez qui il s’agit une fragilisationpassagère due à des circonstances ponctuelles, tout celaest rattrapable. La personne peut trouver des réponses per-tinentes en allant consulter un médecin homéopathe ou unpraticien professionnel en Shiatsu.Au stade où cela devient une pathologie, c’est un peu plusdifficile.Après, vient la question des traitements : comment traiter,soigner, une hypo ou une hyperthyroïdie ? Je trouve pourma part qu’il y a des choses intéressantes dans l’homéopa-thie. Une démarche très bien présentée par les Drs Jean-paul Coppin et Didier Deswarte dans leur ouvrage Confiezvotre thyroïde à l’homéopathie (Testez Éditions, collection Ho-

méoDoc).Je pense que l’homéopathie peut être une aide particuliè-rement intéressante.

Quel message avez-vous envie de faire passer pourconclure ?Je pense sur le fond, la première des interpellations, que cesoit dans l’hyperthyroïdie ou l’hypothyroïdie, c’est que lapersonne doit instaurer un autre rapport à elle-même, sedonner le droit d’être, de redevenir quelqu’un qui a le droitde s’envoler (n’oublions pas que la thyroïde a la forme d’unpapillon).Dans le champ symbolique, c’est le concept jungien de lamétamorphose, qui donne la possibilité à la chenille de de-venir papillon. C’est le fondement de l’envol. Les personnes qui sont dans cette souffrance ont eu dumal, à un moment donné de leur vie, à passer par exempleoutre des injonctions parentales ou qui leur sont propres,pour pouvoir prendre leur envol. Elles n’arrivent pas à sortirde ce système dans lequel elles sont véritablement enfer-més. n

En savoir plus :- «Dis-moi où tu as mal, je te dirai pourquoi», MichelOdoul, Éd. Albin Michel, 2012- «Dis-moi pourquoi cela m’arrive maintenant - Les 12étapes herculéennes de la croissance», Éd. Albin Michel,2016Le site Internet de l’Institut Français de Shiatsu : www.shiatsu-institut.frPage Facebook de Michel Odoul : www.facebook.com/Mi-chel-Odoul-178041659029200/?fref=ts