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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 29 août 2012 Supplément Culture

Dossier RGP du 29 août 2012

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Théâtre, opéra, danse

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Page 1: Dossier RGP du 29 août 2012

Supplément gratuit à La Libre Belgique réal isé par la Régie Générale de Public i té - 29 août 2012

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Page 2: Dossier RGP du 29 août 2012

Nouveau cycle de cours au théâtre action

Le théâtre-action est reconnu en tant que tel par la Fédération Wal-lonie-Bruxelles. Il rassemble près de 20 compagnies. Il s’attache à ce que soit prioritaire la parole des personnes écartées par le système dominant. Le théâtre-action s’inscrit dans le développe-ment d’une culture participative, à contre-courant de la culture de consommation qui prédomine habituellement.

Depuis 2008, le Centre du Théâtre Action et la Cie Acteurs de l’Ombre organisent une formation de Co-médien animateur spécialisé en Théâtre action (CASTA). Elle vise à former des professionnels dont le travail se situe à l’interface entre l’animation, la création théâtrale et l’éducation citoyenne.

Un nouveau cycle de trois ans dé-marre cette année à la rentrée de septembre. La formation permet d’acquérir les connaissances et les outils spécifiques à la pratique du théâtre-action tels que le jeu et le training de l’acteur, la drama-turgie, la mise en scène, l’histoire du théâtre-action, la communica-tion et la dynamique de groupe,

l’analyse institutionnelle. Les

stages dans les compagnies per-

mettent de découvrir la diversité

du secteur, renforcer l’expérience

et l’autonomie. La formation CAS-

TA est proposée dans le cadre

de l’enseignement de promotion

sociale, ce qui permet à ses par-

ticipants de conserver leurs droits

sociaux. Elle se donne à Fléron,

près de Liège.

www.theatre-action.be

BRÈVES Les Arts de la Scène 2

Le statut d’artiste en cause

Depuis près d’un an, la question

du statut des artistes fait débat.

Vu la spécificité de leurs condi-

tions de travail, les artistes bé-

néficient d’un statut particulier

qui leur permet, par exemple,

de maintenir plus longtemps

leur droit au chômage (souvent

complémentaire). Mais l’ONEM a

décidé en 2011 de modifier son

interprétation de la réglemen-

tation et d’effectuer un contrôle

plus poussé de la nature des acti-

vités exercées par les artistes et

les techniciens du spectacle.

Certains abus avaient en effet

été constatés ; des coiffeurs ou

des esthéticiennes, par exemple,

se considéraient comme des

artistes. Le problème, pour les

associations représentatives des

artistes, c’est que l’ONEM va

aujourd’hui trop loin dans la res-

triction du statut d’artiste. Cer-

tains comédiens et techniciens du

spectacle ont ainsi vu sensible-

ment diminuer leurs allocations.

Une pétition organisée par Smart,

coopérative qui gère les contrats

de nombreux artistes, a réuni en

mai 23.000 signatures, deman-

dant une révision de la nouvelle

interprétation de l’ONEM. Saisi

de l’affaire, le Conseil national du

travail (CNT) laisse entrevoir une

régularisation rapide des dossiers

des artistes et des techniciens

injustement exclus par l’ONEM,

mais propose d’instaurer une dis-

tinction entre artistes profession-

nels et amateurs et d’exclure les

techniciens du spectacle de cer-

tains avantages sociaux, ce que

Smart rejette catégoriquement.

La boite à troc des Tanneurs

Beaucoup de scènes cherchent à fidéliser leurs spectateurs en les associant à la vie du théâtre. Le Théâtre Les Tanneurs a trouvé un moyen original en les faisant par-ticiper à des œuvres picturales collectives et en installant une « boite à troc » à l’entrée.

Deux fois par an, les membres du comité de spectateurs sont invi-tés à un atelier pour réaliser un grand patchwork reprenant leurs impressions de spectacles. Cette œuvre collective est exposée à

l’entrée du théâtre. Y est intégrée la boite à troc, dont le principe est simple : après chaque spectacle, les spectateurs sont invités à reve-nir et y laisser un objet que leur a inspiré la pièce. Les autres specta-teurs peuvent s’en saisir, à condi-tion d’y laisser, eux aussi, un objet.

On a ainsi vu s’échanger des pa-tates décorées et des tickets pour un autre spectacle, dans un autre théâtre !

www.lestanneurs.be

Et hop ! en voiture !

La Maison du Cirque a retapé une

vieille roulotte Buggenhout qui

lui sert aujourd’hui d’ambassa-

drice du monde circacien dans la

capitale. La roulotte fait la tour-

née des évènements bruxellois,

un périple baptisé « Le cirque,

ça roule à Bruxelles ! ». A l’inté-

rieur de ce symbole nomade,

les passants sont plongés dans

l’ambiance sonore du cirque et

peuvent assister à la projection

d’un court-métrage.

Prochaines étapes prévues en

septembre: la Fête des Saltim-

banques dans les Marolles les 8

et 9, Embarquement immédiat à

Bruxelles-Maritime le 16, Portes

ouvertes de Cirq’conflex à Ander-

lecht le 22, et les Fêtes romanes à

Woluwe-St-Lambert le 30.

www.lamaisonducirque.be

Pensez cadeau

Un anniversaire ? un mariage ?

un départ à la retraite ? Pensez

à offrir des places de théâtre. Di-

verses formules existent.

Certains théâtres proposent des

formules toutes prêtes : celui du

Méridien dispose de 6 formules

(de « 2 places avec champagne »

à 50 € au « dîner concert pour

4 » à 140 €) ; celui de la Toison

d’Or vend des pochettes de 25 et

70 € ; à la Monnaie, ce sont des

chèques-cadeaux de 10 à 50 € qui

sont disponibles ; etc.

Autre solution, l’ASBL Plurithéâtre

peut vous faire un chèque-théâtre

sur mesure pour leur sélection de

24 spectacles dans 17 salles de

la capitale (www.pluritheatre.be).

Dans les coffrets cadeaux Bongo

« Compilation » et « Brussels », le

bénéficiaire peut aussi choisir des

places pour le Théâtre National,

le Théâtre 140, celui de la Toison

d’Or ou de Namur (www.bongo.

be). Enfin, rien ne vous empêche

aussi d’acheter en direct dans

n’importe quel théâtre des billets,

de les mettre dans une enveloppe

avec un petit mot.

Formations à l’art à l’écoleLe Centre dramatique de Wallo-nie pour l’enfance et la jeunesse (CDWEJ) propose différentes for-mations en matière d’Art à l’école destinées principalement aux pro-fessionnels de la petite enfance, aux enseignants, aux artistes et aux médiateurs culturels.

Cette saison, le CDWEJ orga-

nise 8 formations : art et petite

enfance, danse à l’école, écriture

à l’école, marionnettes, théâtre à

l’école, art à l’école. Plus d’infos :

tél. 64 / 66 57 07.

www.cdwej.be

Le Centre des arts de la rue

A Ath, le Centre des Arts de la

rue (CAR) est un lieu de création

pour les compagnies profession-

nelles. Une salle de répétition,

une d’échauffement et des bu-

reaux sont mis à disposition des

compagnies qui le souhaitent. Il

développe aussi des formations

pour amateurs et profession-

nelles sur des techniques plus

pointues comme la pyrotechnie et

les techniques du déambulatoire.

Des ateliers sur les arts du feu,

les percussions urbaines, la com-

media dell’arte et le boniment y

sont également organisés.

www.centredesartsdelarue.be

Page 3: Dossier RGP du 29 août 2012

SO M M A I R EBrèves de scène ................................p.2

Avant-propos .....................................p.3

Le théâtre de boulevard .............. p.4 à 7

Aux sources de la tragédie et de la comédie ........................ p.8 à 10

Des Belges au Cirque du Soleil ..........................p.11

Petit abécédaire du théâtre belge ....................... p. 12-13

Les bons plans pour payer moins p. ..................... 14-15

L’affiche et le théâtre ................ p.16-17

Les derniers festivals de l’été.........p.18

Ils ont dit .........................................p.19

Lectures .................................... p.20-21

L’échec sur scène ...........................p.22

Les aides publiques ................. p. 23-24

Jeu: rendez la bonne tirade à son auteur ....................................p.25

Danse et théâtre, mélange de genres .........................p.26

Brèves de danse ..............................p.27

Magic van Dam ................................p.28

Brèves d’opéra ................................p.29

Grétry et l’opéra comique ...............p.30

SUPPLÉMENT GRATUIT

À LA LIBRE BELGIQUE

RÉALISÉ PAR LA RÉGIE GÉNÉRALE

DE PUBLICITÉ - 29 AOÛT 2012

Rue des Francs,79 - 1040 Bruxelles

Tèl: 02. 211 31 44 - Fax: 02. 211 28 20

EDITEUR RESPONSABLE:

Emmanuel Denis, Henry Visart.

COORDINATION ET PUBLICITÉ:

Luc Dumoulin (02/211 29 54)

[email protected]

RÉDACTION:

F. Baterna, Simone Hubert

MISE EN PAGE:

Azurgraphic sprl

PHOTOS:

www.photos.com,

www.shutterstock.com

François Hubert, Simone Hubert, CTA,

Les Tanneurs, Festival des Brigittines,

Théâtre des Galeries, Théâtre du Parc,

Bruxellons!, Chapelle musicale Reine

Elisabeth.

INTERNET:

www.lalibre.be

AVANT-PROPOS

Renouant avec une pratique que l’on pensait révolue depuis longtemps, cer-taines salles de cinéma coupent à nou-veau les films avec un entracte. Voici ce qu’a répondu le plus grand groupe multiplexe belge à un cinéphile qui s’en est plaint en écrivant que s’il allait au ci-néma, « c’est pour regarder un film dans

de bonnes conditions et sans coupures de publicité » :

« Suite à une enquête, il s’avère qu’une grande partie de notre clientèle est favorable

aux pauses, c’est pour répondre à cette de-mande que nous en plaçons un peu plus pour

l’instant. Cela permet à nos clients de se dégour-dir les jambes, d’aller aux toilettes, d’acheter un

snack ou de spéculer sur la suite du film. »

C’est vrai que les « clients » oublient de faire pipi avant d’entrer dans la salle, que les vendeurs de

pop corn s’ennuient pendant les films et que les spectateurs nécessitent l’avis de leurs amis à la mi-

film… Il ne reste plus aux scénaristes qu’à prévoir un suspense en fin de première partie afin d’alimenter les

conversations d’entractes… Ou alors, vous restez chez vous à regarder la télévision. C’est la même chose et le

pop corn est moins cher. Autre solution : le théâtre. Là, vous pouvez être sûr que s’il a des pauses, c’est qu’elles ont

été prévues par l’auteur ou le metteur en scène.

Mettre ainsi en compétition le théâtre et le cinéma, ce n’est pas bien, nous en convenons. L’un n’exclut pas l’autre. Mais il y a

encore plein d’autres mauvaises raisons de fréquenter nos salles de spectacles. Comme celle-ci : nous sommes dans une année olympique, les Jeux font référence à l’Antiquité grecque, notre théâtre plonge en grande partie ses racines dans la tragédie et la comédie grecques, CQFD.

Il y a surtout des dizaines d’excellentes raisons pour s’offrir un ticket de théâtre. Ou encore un billet pour l’opéra ou pour un spectacle de danse, arts de la scène que nous associons pour la première année, tant ils nous paraissent complémentaires à l’art de Molière. Nos artistes, auteurs, co-médiens et metteurs en scène, la qualité, l’originalité et la diversité des spectacles qui sont proposés dans notre pays, le confort et l’accessibilité des salles, le prix (oui, nous le répétons chaque année : le théâtre n’est pas cher), etc, sont autant de bonnes raisons de se bouger.

Il y a surtout ceci : le théâtre, la danse, l’opéra ou le cirque sont des spectacles vivants, avec de vraies personnes en face de vous, sur la scène. Leur but, c’est de vous offrir ce qu’elles pensent être le meil-leur. Cela implique un échange et un partage. A chaque salve d’ap-plaudissements, les artistes reçoivent autant qu’ils donnent. Et cela dépasse toutes les autres considérations temporelles…

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Page 4: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 4

Des maris polygames, des épouses volages, des filles à marier, avec ou sans dot, des banquiers ruinés, des portes qui claquent, des quiproquos, le voisin qui débarque, et puis le secrétaire, et puis la bonne, mais qui est le vrai amant dans tout ça ? Pendant longtemps, le vaudeville et le théâtre de boulevard ont fait le bonheur du public et de certains théâtres. Mais ont-ils vraiment disparu ?

Y aurait-il un regain d’intérêt pour le genre ? On retrouve dans les festivals de théâtre

de l’été et les programmes des

théâtres des saisons récentes et

de celle à venir pas mal de titres

aux noms évocateurs : Panique au

Plazza, Boeing Boeing, La puce à

l’oreille, Hôtel du Libre échange,

Les cheveux de ma femme, Chat

et souris, Belle(s) famille(s), etc.

Le théâtre de boulevard est né à

la fin du XVIIIe siècle, boulevard

du Temple, à Paris. Ce boulevard

était même surnommé « le bou-

levard du crime », en raison des

nombreux mélodrames et his-

toires de meurtres qui étaient

présentés dans les théâtres le

jouxtant, construits en bois sur

les anciennes fortifications de Pa-

ris transformées en promenade.

C’est le théâtre d’une bourgeoisie

issue de la Révolution, avide de

comédies faciles, après la dicta-

ture du théâtre « royal », tout en

alexandrins.

Il est populaire et se doit de l’être

car, dit l’Encyclopédie Universa-

lis, « c’est aussi le théâtre de la libre entreprise. Un théâtre com-merçant où l’entrepreneur, le di-recteur (parfois directeur-auteur, comme Bernstein aux Ambas-sadeurs) est prépondérant, et où les impératifs de rentabilité do-minent, imposant des règles, un style, des esthétiques ». Amuser

le public – à n’importe quel prix – et le flatter était la garantie d’un succès commercial.

S’il est toujours resté facile, il n’a cependant pas toujours conservé son côté naïf : « Poussé par la concurrence, le Boulevard a su créer des genres dramatiques féconds, comme la féerie et le mélodrame ; il a su faire évoluer la farce, la parade et l’ancien vau-deville vers la comédie de mœurs ou le comique de situation », ex-plique encore l’encyclopédie.

L’avènement de grands auteurs

Le théâtre de boulevard connaît son âge d’or entre Napoléon III et la Première guerre mondiale. Le

vaudeville, qui mélangeait chan-sons et texte, en était la forme la plus courante, même si de nom-breux auteurs font la distinction entre boulevard et vaudeville. Souvent, plusieurs courtes pièces se succédaient dans une même soirée jusque tard dans la nuit. La rotation des spectacles était rapide et les auteurs de vaude-ville nombreux : on en comptait 163 vers 1845-1850.

Eugène Scribe (1791-1861) était le plus célèbre d’entre eux : il nous a laissé plus de 500 œuvres, dont la majorité de vaudevilles. Mais il a aussi écrit des livrets d’opéras et opérettes, comme celui de La muette de Portici, l’opéra d’Auber qui a déclenché la Révolution belge en 1830.

De grands auteurs le suivent : « Vers 1860, le vaudeville perd sa dimension musicale récupérée par l’opérette pour se fondre avec la comédie de mœurs, et gagner ses lettres de noblesse avec E. Labiche et G. Feydeau, qui para-chèvent l’évolution amorcée par Scribe. Avec eux, le vaudeville devient une merveille de méca-nique théâtrale, dont l’éblouis-sante virtuosité (sensible dans la subtile construction de l’intrigue, la multiplication des quiproquos, l’enchaînement frénétique des situations loufoques) n’exclut pas la puissance corrosive dans la mise à nu des mensonges et des conventions sociales ; d’où, sans doute, l’intérêt des grands met-teurs en scène contemporains (P. Chéreau, J.-P. Vincent, G. La-vaudant) pour ces deux auteurs, longtemps considérés par les in-tellectuels comme les parangons du théâtre petit-bourgeois de pur divertissement », explique-t-on dans l’Encyclopédie Larousse.

Mademoiselle Beule-mans à la tévé

Après la Première guerre, le théâtre de boulevard semble s’essouffler, tandis que le théâtre « d’auteur » prend de l’impor-tance. Il sombre d’autant plus dans la facilité que les specta-teurs exigeants le désertent pour

L’origine du mot vaudeville est incertaine. Ce qui est sûr, c’est que le mot désigne à l’origine non pas un genre théâtral mais un type de chanson populaire française, caustique et grivoise, né à la fin de la guerre de Cent Ans. Le mot lui-même viendrait de Val-de-Vire (au pluriel, Vaux-de-Vire), la région normande d’où sont originaires les premières chansons de vaudevire ou vaudeville.

Ce n’est que vers la fin du XVIIe siècle que le vaudeville se transforme en théâtre, lorsque les comédiens et les auteurs se mirent à introduire des airs chantés dans leurs spectacles, donnant ainsi naissance à la « comédie en vaudeville ». Dans le genre, les couplets chantés sont entrecoupés de scènes parlées.

Le vaudeville connaît son apogée au XIXe siècle, lorsqu’un certain public bourgeois, avide de divertissement et de légèreté, est lassé par les comédies « sérieuses » en cinq actes et en vers. Le mot désigne alors une comédie populaire légère, pleine de rebondissements. Les thèmes sont des situations grivoises, sur fond de relations amou-reuses ou pécuniaires multiples et complexes, qui reflètent bien une certaine société bourgeoise et oisive de l’époque. Le quiproquo est régulièrement utilisé pour provoquer le comique.

Madame Chapeau, personnage inoubliable de Bossemans et Coppenolle, a même sa statue au cœur de Bruxelles.

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Page 6: Dossier RGP du 29 août 2012

des scènes plus modernes. Le fameux triangle mari-épouse-amant, dont Sacha Guitry s’est fait une spécialité, s’impose pra-tiquement comme unique ressort dramatique.

Très parisien, le théâtre de bou-levard s’est imposé dans toute la France, ainsi qu’en Belgique. On lui donne des accents régionaux. Dans le Midi, c’est Marcel Pagnol qui en délivre les plus beaux mo-ments. Chez nous, ce sont Fer-nand Wicheler, Frantz Fonson, qui

Les Arts de la Scène 6THÉÂTRE DE BOULEVARD

créent ensemble Le mariage de Mademoiselle Beulemans, Paul Van Stalle et Joris d’Hanswyck, à qui l’on doit Bossemans et Coppe-nolle…

A partir des années soixante, la télévision joue un rôle majeur dans la popularité du vaudeville et théâtre de boulevard. Quasiment chaque semaine, on avait droit à une retransmission de pièce. Une fois sur deux, la RTB (pas encore F) réalisait sa captation au théâtre des Galeries, la scène bruxelloise

qui avait fait du genre son fonds de commerce. C’était la grande époque des Christiane Lenain, Serge Michel, Jacques Lippe, Jac-queline Maillan, Marthe Mercadier, Jean Lefebvre, Robert Lamoureux, Jacques Balutin, Maria Pacôme, Michel Leroux… Pour beaucoup de téléspectateurs de l’époque, théâtre était devenu synonyme de comédie de boulevard…

Proposer du rire crédible

Aujourd’hui, le genre semble dé-passé. « Ca ne veut plus rien dire du tout », explique David Michels, le directeur actuel du théâtre des Galeries. « Le boulevard a un côté suranné. Le théâtre est le reflet de la vie. Comment peut-on en-core croire en ces pièces où les femmes ne travaillent pas, où les hommes vivent de leurs rentes, où il n’y a pas de GSM ni d’inter-net… ? Les pièces que l’on mon-tait dans les années soixante, on ne peut plus les monter : nous de-vons proposer du rire crédible. »

Pour autant, David Michels, qui se bat depuis plus de dix ans pour changer l’image de son théâtre, ne jette pas le bébé avec l’eau du bain : « Le boulevard a créé d’excellentes pièces, avec des personnages humains et des sen-timents qui évoluent, avec des références à l’actualité, à l’his-toire ». D’ailleurs, les Galeries, bien qu’ayant changé de style, proposent encore chaque année au moins une pièce du répertoire. Cette année, c’est Panique au Plazza, de Ray Cooney (« l’héritier de Feydeau », dit David Michels), avec des imbroglios, des portes qui claquent, de la mauvaise foi et des rebondissements…, les ingrédients essentiels d’un bon vaudeville.

Les comédiens faisaient leur show

Le mariage de Mademoiselle Beulemans est aussi régulière-ment remis à l’affiche. « Au moins une fois tous les dix ans. Certaines pièces sont indémodables », pré-cise le directeur. C’est vrai que le succès de la pièce ne s’est jamais démenti. Les acteurs changent, les générations se succèdent, mais la salle est toujours remplie. Les jeunes redécouvrent cette pièce truculente en diable, où pour une fois, ce sont les Belges qui tournent en dérision les Fran-çais.

« Mais quand je remonte Beule-mans, il y a certaines scènes qui semblent un peu longues. Il faut redynamiser la pièce. Dans le rire, on va plus vite aujourd’hui. Le public anticipe les faits. On va aussi beaucoup plus loin dans

le souci du détail, dans le réa-lisme et la sincérité. Autrefois, les pièces étaient tirées par des grosses vedettes qui faisaient leur numéro de baratin. On allait voir Christiane Lenain ou Serge Michel… Ils étaient presque plus importants que la pièce. Ce n’est plus vrai maintenant. La scéno-graphie a pris de l’importance. Et la technique aussi a beaucoup évolué », raconte David Michels.

A côté de ces classiques, la pro-grammation a bien changé, mais les comédies y sont toujours majoritaires. « Il y a une nou-velle manière d’écrire depuis les années quatre-vingt. Des auteurs comme Françoise Dorin, Josiane Balasko, Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri ont beaucoup ap-porté à la comédie », explique le directeur du théâtre.

CIEL ! MON MARI !A force d’entendre l’expres-sion, devenue le symbole du vaudeville, on ne sait plus exactement qui l’a inventée ni même si elle a été un jour écrite. Eh bien oui, elle existe bien, et dans l’une des plus emblématiques pièces de boulevard, La puce à l’oreille, de Georges Feydeau !

Elle est prononcée par Ray-monde, une des protago-nistes principales, qui croit apercevoir son mari dans l’escalier d’un hôtel louche après avoir difficilement re-poussé les avances d’un pré-tendant empressé et pres-sant. Prise de panique, elle se réfugie dans la chambre d’un Anglais qui, pas plus étonné que ça, croit qu’elle vient pour lui. Il referme la porte de sa chambre, dont Raymonde ne ressortira que quelques minutes plus tard en s’écriant « Voulez-vous me laisser, espèce de satyre ! ».

« Monsieur chasse »,

de Georges Feydeau (photo Galeries)

David Michels, directeur du théâtre des Galeries

Page 7: Dossier RGP du 29 août 2012

7 Les Arts de la Scène THÉÂTRE DE BOULEVARD

FULL OPTIONS

Du premier au second degré

Au théâtre de la Toison d’Or aussi, on a ressorti pour la nouvelle sai-son Boeing Boeing, un vaudeville de Marc Camoletti créé en 1960 qui a connu un succès mondial. L’argument est simple : un jour-naliste a trois maîtresses, toutes hôtesses de l’air ; grâce aux fu-seaux horaires différents pour chacune d’entre elles, il parvient à suivre ses trois histoires d’amour sans problème… jusqu’à ce que son petit système se grippe.

Nathalie Uffner, qui monte la pièce, a la même vision sur le théâtre de boulevard que son col-lègue des Galeries : « Autrefois, il y avait des comédiens avec une personnalité tellement forte qu’ils se permettaient d’avoir la même interprétation, quelle que soit la pièce qu’ils jouaient. Mais le reste était moins bon. » C’est vrai

que l’on se souvient davantage

des fous rires de Bourvil dans La

bonne planque et des yeux écar-

quillés de Jacques Lippe dans Le

mariage de Mademoiselle Beule-

mans que du reste…

Est-ce à dire qu’il n’y a plus en

Belgique de comédiens capables

de faire ce qu’on appelle un « gros

numéro » ? « Non, nous avons par exemple, monté il y a deux ans ‘Eux’, une pièce de Juan d’Oultre-mont où Michel de Warzée nous a fait un véritable show. Ce genre de numéro est tellement jubila-toire pour les spectateurs que ce serait dommage de s’en priver… »

répond Nathalie Uffner. « Mais j’ai quand même comme objectif d’avoir des comédiens qui soient tous aussi bons les uns que les autres, qui soient des perles aus-si bien dans les petits rôles que dans les grands. »

Pour Boeing Boeing, Nathalie

Uffner va garder l’esthétisme des

années soixante. « Ca ne me plai-rait pas de la monter à la mode actuelle », dit-elle, « d’autant plus qu’elle est très bien écrite.»

Mais elle avoue que si elle devait

monter d’autres pièces de boule-

vard ou vaudevilles, elle y ajoute-

rait sans doute une touche un peu

plus décalée.

Le second degré, une particula-

rité belge ? Sans doute. « Nous avons une forme de rire entre le premier degré français et le non-sens anglais », analyse David

Michels. C’est peut-être pour

cela que nous aimons toujours

autant les pièces de boulevard

françaises : parce que nous rions

souvent au second degré d’une

œuvre qui a souvent été écrite au

premier…

La RTBF a eu la bonne idée de ressortir de ses archives quelques pièces de boulevard, de les restaurer et de les éditer en DVD. C’est ainsi que vous pouvez retrouver des pièces comme « Madame Sans-Gêne », « J’y suis, j’y reste » ou « Les portes claquent », avec Christiane Lenain, « Le vison voyageur », avec Serge Michel, « La bonne planque », avec Bourvil, et évidemment « Le mariage de Mademoiselle Beulemans » et « Bossemans et Coppenolle ». La plupart de ces pièces ont été captées lors d’une représenta-tion au Théâtre des Galeries.

Elles sont disponibles dans la boutique en ligne de la RTBF, ainsi que des pièces d’autres éditeurs, comme « Boeing Boeing », captée au Théâtre Saint-Michel, « La puce à l’oreille », avec Louis de Funès, « Tailleur pour dames » et tant d’autres.

Prix : de 9,90 à 15,90 €

www.rtbf.be/boutique

UN BOULEVARD DE DVD

Page 8: Dossier RGP du 29 août 2012

une sorte de concours où cinq comédies étaient présentées. En-fin, les trois derniers jours étaient réservés aux agôns tragiques, pour lesquels chaque poète ou dramaturge disposait d’un jour pour proposer sa tétralogie : trois tragédies et un drame satyrique.

Les Petites Dionysies (ou Diony-sies rurales) avaient lieu durant l’hiver. Les fêtes étaient centrées sur des processions pour la fer-tilité, notamment les Phallopho-ries, pendant lesquelles on pro-menait un phallus en bois.

Toujours en l’honneur du dieu du théâtre, les Lénéennes se dérou-laient peu après les Petites Dio-nysies mais ne présentaient que des comédies. Elles étaient da-vantage réservées aux Athéniens, bien que les étrangers puissent faire partie des chœurs et que les métèques – les étrangers rési-dents d’Athènes – puissent deve-nir chorèges, c’est-à-dire spon-sors officiels des chœurs.

La tragédie, reflet de l’histoire

THÉÂTRE ANTIQUE

Les Arts de la Scène 8

18, rue du Printemps - 1050 BruxellesSAISON 2012-2013

Théâtre de la Flûte Enchantée

Pour 8 ou 6 spectacles (au choix)

ADULTES 95 €/8spect . 80 €/6spect .

SENIORS 75 €/8spect . 65 €/6spect .

ABONNEZ-VOUS

RENSEIGNEMENTSRÉSERVATIONSde 11h00 à 18h00

0474 / 28 82 69

BoomerangBernard Da Costa

Les dames du jeudiLoleh Bellon

Incorrigible !

Erreur judiciaire !Marc Helsmoortel

Jeux de scèneVictor Haïm

Légende d’une vie

La nuit sera chaudeJosiane Balasko

Roland-François AebiBien mal... à qui ?

La Grèce a été pas mal mise à l’hon-neur – si l’on peut dire – ces derniers temps. Entre sou-bresauts financiers et électoraux, certains commen-tateurs ont quand même rappelé qu’elle avait été le berceau de la dé-mocratie. Cet été, on s’est souvenu qu’elle avait aussi inventé les jeux olympiques. Notre théâtre moderne, lui aussi, doit beau-coup aux anciens Grecs… T

out a commencé avec Diony-sos, le dieu de la vigne et du vin. Son culte était l’occasion

de grandes cérémonies qui se sont, au fil du temps, transfor-mées en représentations théâ-trales. C’est ainsi que petit à petit, Dionysos est aussi devenu le dieu du théâtre.

Trois grandes fêtes étaient cé-lébrées en son honneur : les Grandes Dionysies (ou Dionysies urbaines), les Petites Dionysies et les Lénéennes. Les Grandes Dionysies étaient ouvertes à tous, Athéniens ou étrangers, riches ou pauvres. Elles se déroulaient à Athènes, pendant six jours au printemps. La place coûtait deux oboles (soit un tiers de drachme), mais les pauvres pouvaient béné-ficier du theorikon, une somme d’argent offerte par la cité pour compenser leur journée de tra-vail et qu’ils puissent s’acquitter de l’entrée. Hé oui, déjà à cette époque, les pouvoirs publics sub-ventionnaient l’accès à la culture et à la religion…

Danse, chant, poésie, tragédie, co-médie…, il y en avait pour tous les goûts ! Les festivités s’ouvraient par une procession solennelle. La statue de Dionysos était trans-portée depuis Eleuthère jusqu’à son sanctuaire, sur le flanc sud de l’Acropole. Le deuxième jour était consacré aux dithyrambes, des poèmes lyriques consacrés au dieu. Cinquante hommes dan-saient et chantaient autour de l’au-tel, situé au milieu de l’orchestre du théâtre de Dionysos, que l’on peut encore voir aujourd’hui à Athènes. Le quatrième jour, se déroulaient les agôns comiques,

Les tragédies étaient divisées en scènes, composées de dialogues et de poèmes lyriques chantés par le chœur. Ces pièces s’inspiraient de la mythologie, et parfois de l’his-toire antique, notamment la guerre de Troie, les exploits d’Héraclès ou le destin d’Oedipe. Le nombre d’acteurs se limitait à trois, tous des hommes. Quatorze choristes et un chef composaient le chœur.

Le théâtre de Dionysos au pied de l’Acropole, à Athènes

Page 9: Dossier RGP du 29 août 2012

Le théâtre antique grec est physi-quement divisé en trois parties :

• Un orchestre : aire circulaire réservé au chœur, aux dan-seurs et aux musiciens.

• Des gradins (appelés koïlon ou theatron) disposés en demi-cercle autour de l’orchestre. Les premiers rangs, plus confortables, étaient réservés aux spectateurs de marque.

• L’espace réservé aux acteurs, composé de deux parties : le pros-kénion (scène), longue estrade en bois ou en pierre située en face de l’orchestra ; et derrière ce proskénion, la skènè, le bâtiment où se cachaient les acteurs, la machinerie et les décors consti-tués de toiles peintes suspendues

Ca vous rappelle quelque chose ? Effectivement, le théâtre grec est considéré comme l’ancêtre du théâtre à l’italienne.

9 Les Arts de la Scène

Voilà un mot qu’il est beau ! « Qui loue, qui exalte avec emphase », nous apprend le Petit Robert. Mais la pre-mière signification de cet adjectif est « qui appartient au dithyrambe ». Les dithy-rambes étaient ces poèmes lyriques à l’éloge de Diony-sos. A l’origine, ils étaient récités dans le temple du dieu ou sur l’agora, la place où siégeait l’assemblée du peuple. Mais lentement, un lieu spécifique s’est ajouté au temple pour les repré-sentations théâtrales. Et la scène vit le jour…

Elles posaient souvent des ques-tions politiques, liées à l’actualité, comme par exemple l’Orestie, une trilogie d’Eschyle qui soulevait la question du rôle de l’Aréopage, le tribunal athénien en charge des homicides et qui avait perdu toute importance politique après une grosse réforme.

Les tenues de scènes, très colo-rées, étaient conçues pour gran-dir les trois protagonistes et les rendre plus impressionnants. Ainsi, des masques leur permet-taient de jouer plusieurs rôles, dont des femmes, et servaient

de porte-voix, malgré l’excel-lente acoustique des théâtres grecs. Les cothurnes, chaussures aux talons de bois, pouvaient atteindre plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur et per-mettaient d’encore se grandir et de se conférer un air plus majes-tueux. Les costumes étaient des chitons, ces longues tuniques tombant jusqu’aux aux talons. La longueur de la tenue permettait de grandir davantage les acteurs, une illusion renforcée par le fait qu’ils remontaient leur ceinture au-dessous de la poitrine et non aux hanches, comme dans la vie ordinaire. Les chitons plus courts étaient réservés aux rôles de ser-viteurs, signalant par là l’infério-rité sociale du personnage dès son entrée en scène.

La comédie, portrait d’une société

Les historiens de l’art distinguent l’ancienne et la nouvelle comédie. L’ancienne comédie désigne la production comique athénienne du Ve siècle avant notre ère. Elle se caractérise par des intrigues traitant de la vie de la cité. Elle présente un schéma dramatique simple en deux parties : dans la première, le héro cherche et trouve un moyen de se dépêtrer d’une mauvaise situation ; dans la

deuxième, le triomphe du héros et ses conséquences sont mises en scène. Aristophane en est l’au-teur le plus connu.

Dans la comédie nouvelle, l’ac-tion se rapproche davantage de l’homme en se situant dans le cadre domestique et familial. L’intrigue devient plus importante, l’action plus cohérente, bien que le hasard y joue toujours un grand rôle. Les personnages y sont décrits de manière encore plus stéréotypée que dans la comé-

die ancienne. Et devinez quel est le thème le plus souvent utilisé ? L’amour, évidemment, et plus spé-cialement les amours contrariées.

Malgré cette évolution vers des thèmes plus triviaux, le style s’as-sagit, les vulgarités sont bannies et les règles de politesse respec-tées. Bien que n’ayant remporté que huit victoires pour plus d’une centaine de pièces (souvenez-vous : il s’agit de concours…), Ménandre était l’auteur le plus populaire de ce type de comédie.

Page 10: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 10THÉÂTRE ANTIQUE

Etymologiquement parlant, l’hypocrite est un acteur. De « hypo » (en-dessous) et « kritês » (qui interprète, qui explique). Le premier hypocrite connu, c’est celui qui s’est détaché du chœur antique pour lui donner la réplique. L’histoire a retenu le nom de Thespis, un cho-reute du VIe s. avant notre ère, pour avoir été le pre-mier comédien de l’histoire du théâtre : il aurait récité un monologue auquel le chœur répondait, créant ainsi l’art dramatique.

L’hypocrite grec est donc celui qui fait semblant d’être un autre. Ce n’est que plus tard que le mot a pris le sens péjoratif de celui qui veut mal intention-nellement se faire passer pour meilleur qu’il n’est. Le comédien qui joue Tartuffe est donc doublement hypo-crite. Mais c’est son métier, comme l’a souligné l’acteur Jacques Fabbri : « L’homme de théâtre est un hypocrite professionnel alors que les autres sont des hypocrites occasionnels ».

L’invention de l’espace scénique

L’organisation spatiale du théâtre telle qu’on la connaît aujourd’hui, avec des gradins étagés autour d’une fosse d’orchestre (où se tenait le chœur), avec une scène derrière laquelle on préparait l’entrée en scène des person-nages, doit aussi beaucoup au théâtre antique. Etymologique-ment, le mot « théâtre » vient du grec « theatron », qui désignait les gradins, l’endroit où l’on voit. De même, le mot « scène » dérive de la « skéné », qui correspondait plutôt aux coulisses actuelles, le « proskénion » correspondant, lui, à la vraie scène.

Pour éviter de devoir construire des gradins, les architectes grecs ont eu l’intelligence de profiter du terrain pour bâtir leurs théâtres à flanc de colline. En choisissant soigneusement le site, il suffisait de creuser un peu la colline et de l’aménager pour obtenir un splen-dide et large bâtiment. Mais la facilité de construction n’était pas le seul objectif : un tel environ-nement permettait d’obtenir une excellente acoustique. Si un jour vous avez la chance de visiter le théâtre d’Epidaure, l’un des mieux conservé de l’Antiquité, vous serez émerveillé par son acoustique : même assis tout en haut des gradins, vous pourrez facilement entendre la personne se tenant debout au centre de l’orchestre, sans qu’elle doive élever la voix. Pouvant accueillir jusqu’à 12.000 spectateurs, le théâtre d’Epidaure est toujours en activité : chaque année, il est le centre du Festi-val d’Epidaure, qui combine art lyrique et théâtre antique.

Les auteurs anciens, eux aussi, sont restés d’actualité. Antigone, Œdipe roi, Médée, Iphigénie, Oreste et tant d’autres ne sont pas que des textes barbants en-seignés à quelques collégiens en mal de culture antique : ce sont aussi des œuvres qui sont tou-

jours jouées, qui ont été adaptées

des centaines de fois et ont ins-

piré de nombreux auteurs et met-

teurs en scène contemporains…

jusqu’à parfois en devenir résolu-

ment avant-gardistes.

Simone Hubert

Le théâtre d’Epidaure: 12.000 places et encore en activité.

Page 11: Dossier RGP du 29 août 2012

ARTS FORAINS11

Créé en 1984 à Montréal, le Cirque du Soleil fait aujourd’hui tourner simulta-nément 23 spectacles dans le monde, emploie 5.000 personnes, dont 1.300 artistes. Il a drainé la bagatelle de 100 millions de spectateurs. Cette année, le cirque a visité la Belgique avec deux spectacles différents, Alegria à Bruxelles, et Corteo à Anvers.

Alegria, c’est un univers ha-bité par des fous du roi, des ménestrels, des gueux, des

vieux aristocrates, des enfants ainsi que des clowns. Ce spec-tacle de cirque parle du pouvoir, des changements d’époques et de régimes, de liberté et de transfor-mations sociales. Alegria, c’est aussi 22 semi-remorques, dix millions de spectateurs et une troupe d’une centaine de per-sonnes, dont 55 artistes de 18 nationalités différentes.

Le Cirque du Soleil semble aimer la Belgique… et inversement. Il ne se passe presque pas une année sans qu’un spectacle ne passe par chez nous. Cette année est excep-tionnelle puisque ce sont deux spectacles qui sont proposés, dont Alegria, qui revient pour la deuxième fois, dix ans après son premier passage. A 59 euros pour la place la moins chère, faut-il que les Belges aiment ce genre de spectacle, qui allie les acrobaties, la poésie, la musique et l’humour !

« C’est vrai que nous sommes bien mieux reçus en Belgique qu’en France, par exemple », explique Bruno Darmagnac, le metteur en scène, lui-même français. « Peut-être que les Français sont plus ac-crochés à une vision traditionnelle du cirque… Et puis, en Belgique, vous avez Franco Dragone. »

Justement ! Alegria a été le pre-mier spectacle du Cirque du Soleil mis en scène par Franco Dragone, en 1994. A part le fait qu’il a été adapté en 2009 pour pouvoir être joué en « arène » plutôt que sous chapiteau, le spectacle est prati-quement le même qu’à sa nais-sance. Les moindres détails sont consignés dans des « bibles », même les maquillages. Et pas question d’en changer un seul

sans en référer aux créateurs ori-ginaux. Le metteur en scène en poste veille surtout à ce que tout se passe bien.

S’il a peu de marge dans la créa-tion, le metteur en scène est cependant essentiel pour insuf-fler l’esprit « Cirque du Soleil » aux artistes. Car pour beaucoup, ceux que l’on nomme artistes aujourd’hui ne l’étaient pas hier : la plupart des acrobates viennent du sport de haut niveau. « Je suis là pour que les artistes restent dans la peau de leur personnage, pour qu’ils ne se mettent pas en pilotage automatique au bout d’un certain nombre de représen-tations. Pour les acrobaties, ils ont leurs entraîneurs », explique encore Bruno Darmagnac.

Parmi les 55 artistes d’Alegria qui sont passés à Bruxelles cette année, on trouve trois Belges, cumulant à elles trois une dizaine de titres nationaux de gymnas-tique, plus quelques titres régio-naux.

An De Win, 31 ans, assistante sociale de formation, a été sept fois championne de Belgique de tumbling, une discipline qui impose d’effectuer des acroba-ties sur une piste élastique de 25 mètres de long sur 1,5 mètre de large. Elle a été repérée il y a quatre ans lors d’une compétition par un scout du Cirque du Soleil, qui lui a demandé de venir passer une audition à Paris. « C’était un rêve qui s’accomplissait. J’avais vu Alegria à Anvers quand j’avais seize ans et pour moi, c’était le top. », raconte-t-elle.

Une Belge en entraînant une autre, c’est Stéphanie Van Buyn-der, 27 ans, qui a rejoint An peu après. Ce professeur de gymnas-

tique, championne de Flandre de

tumbling, avait envoyé une vidéo

à Montréal. Six mois après, elle

était embauchée.

Enfin, c’est un autre professeur,

mais de mathématiques, et trois

fois championne nationale de

tumbling, qui est venue compléter

le trio. Mieke De Vriendt, 28 ans,

a également envoyé une vidéo,

sur les conseils de ses amies.

Comme les autres, elle a dû s’exi-

ler quelque mois à Montréal, his-

toire d’assimiler des pas de danse

et d’apprendre les chorégraphies.

A Montréal, les ex-sportifs doivent

en effet suivre des classes de co-

médie, de danse et de musique.

Des sorties culturelles ou des

formations sont organisées pour

affiner le sens artistique – et par

là la qualité du jeu scénique – des

nouveaux artistes. Malgré leur

virtuosité dans leurs disciplines

respectives, cela demande pas

mal d’efforts : « Jouer la comé-die, ce n’était pas facile au début. Ici, ce qui compte, c’est le public, alors qu’en compétition, c’était uniquement la performance »,

explique An De Win.

Aujourd’hui, An et ses copines se

considèrent comme des artistes à

part entière. Les entraînements

se poursuivent tous les jours,

comme pour les sportives de haut

niveau qu’elles étaient, mais c’est

surtout le trac de manquer un pas

de danse, de ne pas sourire quand

il faut et de ne pas captiver le pu-

blic qu’elles ressentent avant de

monter en scène.

An De Win en

tenue de scène

au milieu des ses

partenaires du

“power track”

dans Alegria.

(photo Desmarais)

An De Win, Mieke De Vriendt et Stéphanie Van Buynder de passage à Bruxelles.

An De Win, Mieke De Vriendt et Stéphanie Van Buynder de passage à Bruxelles.

Page 12: Dossier RGP du 29 août 2012

A lternatives théâtrales

Revue périodique fondée en 1979 par Bernard Debroux, qui fut entre autres directeur des maisons de la Culture de Tournai et de Namur, et Georges Banu, professeur au Centre d’études théâtrales de Louvain. Chaque numé-ro d’Alternatives théâtrales est consa-cré à un thème, un auteur, une œuvre.www.alternativestheatrales.be

B elloneLa Maison du Spectacle - la Bellone est, depuis sa fondation par Serge Creuz en 1980, «le » centre voué au spectacle en Fédération Wallonie-Bruxelles. Outre des initiatives telles que l’organisation ou l’accueil d’expositions consacrées au spectacle, les entretiens, les spec-tacles, les publications, la Bellone abrite le Centre d’Information et de Do-cumentation Théâtre (CID). C’est aussi un très bel endroit un peu caché au cœur de Bruxelles. www.bellone.be

Les Arts de la Scène 12ABÉCÉDAIRE

C hassepierreLe Festival International des Arts de la Rue de Chassepierre, à la mi-août en Gaume, en est à sa 39e édition. Cette grande kermesse qui envahit tout un village et réunit une cinquan-taine de troupes professionnelles et plus de 200 artistes est le rendez-vous immanquable pour les arts de la rue. C’est malheureusement trop tard pour cette année-ci. Revenez l’année prochaine. www.chassepierre.be

D elcampeNé en 1939, Armand Delcampe a fondé en 1968 à Louvain le Centre d’études théâtrales ainsi que le Théâtre universitaire de Louvain, qui devint plus tard l’Atelier Théâtre Jean Vilar de Louvain-la-Neuve. Acteur et metteur en scène, il a monté et joué plus d’une centaine de pièces.

www.ateliertheatrejeanvilar.be

E tienneClaude Etienne (1917-1992), de son vrai nom Adrien De Backer, fut l’un des principaux animateurs de la vie théâtrale d’après-guerre à Bruxelles, selon le Dictionnaire encyclopédique du théâtre (Bordas). Comédien et

metteur en scène, il fonda le Rideau de Bruxelles.

www.rideaudebruxelles.be

F alk

Née en 1922, Suzy Falk est la doyenne des comédiennes belges. Elle a prati-quement défendu tous les auteurs, de Shakespeare à Brecht en passant par Ionesco et Giraudoux. Elle a été élue meilleure comédienne en 2001. Elle a aussi joué dans près d’une vingtaine de films, dont le dernier, Le plus long détour, d’Anton Stettner, en 2007.

G helderodeMichel de Ghelderode (1898-1962) est l’auteur d’une quarantaine de pièces publiées et d’autant de pièces inédites. On a dit de lui qu’il écrivait un théâtre flamand en français. Il a réutilisé certains grands thèmes du théâtre (Don Juan, Faust) en les réa-daptant à la sauce belge, avec ce qu’il faut de fête et de truculence.

H uismanJacques Huisman (1910-2001), met-teur en scène, a été pendant plus de quarante ans le directeur du Théâtre National. Il est également le créateur du Festival de théâtre de Spa. Ayant beaucoup œuvré à l’amélioration de la formation et du statut des comédiens, un prix qui porte son nom est décerné chaque année depuis 2002 pour per-mettre aux jeunes comédiens et met-teurs en scène de Wallonie-Bruxelles et ayant déjà une expérience signifi-cative de faire un stage à l’étranger.

www.prixjacqueshuisman.be

I IAD et INSASL’Institut des arts de diffusion (IAD), à Louvain-la-Neuve, et l’Institut national supérieur des arts du spectacle (INSAS), à Bruxelles, sont, avec le Conservatoire pour ce qui est de l’interprétation, les deux plus grandes écoles qui forment aux métiers de la scène (théâtre, mise en scène, image, régie, etc.).

www.iad-arts.be – www.insas.be

J eunesseLe théâtre pour le jeune public est représenté par la Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeu-nesse (CTEJ) qui rassemble envi-ron une soixantaine de compagnies. Chaque année en décembre, la CTEJ organise « Noël au théâtre », un fes-tival qui propose des spectacles dans plusieurs salles.

www.ctej.be

K ings of ComedyCette maison de production qui fait tourner des artistes comme Alexis, Walter ou Alex Vizorek, est une « écu-rie» de jeunes humoristes belges « élevés à l’esprit Canal Plus » (sic). Kings of Comedy organise depuis 2011 le Brussels Comedy Festival et a fondé la première académie de l’hu-mour en Belgique.

www.kingsofcomedy.be

L ansmanEmile Lansman est un éditeur très actif dans le domaine du théâtre fran-cophone. Il a publié depuis 1989 plus de 600 titres d’auteurs de théâtre, belges d’abord mais aussi africains, québécois et français.

www.lansman.org

M onnaie

C’est au Théâtre royal de la Monnaie qu’a débuté la Révolution belge. Le 25 août 1830, on donne La Muette de Portici, grand opéra d’Auber. Sur l’air Amour sacré de la patrie, qui exalte le sentiment patriotique, les specta-teurs se déchaînent. Ils sortent du théâtre et s’en vont attaquer le jour-nal de l’occupant hollandais.

www.lamonnaie.be

N ationalLe Théâtre National, établissement d’utilité public créé en 1945, est le bâtiment phare de la Fédération Bruxelles-Wallonie pour les arts de la scène. Durant la durée de son contrat-programme (5 ans), le Théâtre National doit présenter au moins 80 spectacles, dont au moins trente pro-ductions propres ou coproductions et quinze accueils. Pour ce faire, il béné-ficie d’une importante subvention.

www.theatrenational.be

O péraJean Absil, Philippe Boesmans, Al-bert Grisar, Charles-Louis Hanssens, Franz Servais…, la Belgique n’a pas manqué de compositeurs d’opéras. Mais c’est surtout au baryton José van Dam, popularisé par le film Le maître de musique, que l’on doit le ré-cent regain d’intérêt pour l’art lyrique dans notre pays.

Page 13: Dossier RGP du 29 août 2012

ABÉCÉDAIRE13 Les Arts de la Scène

P ie TshibandaPie Tshibanda est un écrivain et conteur congolais né en 1951 et ins-tallé en Belgique depuis 1995, après l’épuration ethnique dont ont été vic-times les habitants du Kasaï. Dans ses spectacles, il décrit avec humour la perception qu’ont les Africains et les Belges les uns envers les autres.

Q uote-partEn 2011, le budget global du Service Théâtre de la Fédération Wallonie-Bruxelles s´élevait à près de 40 mil-lions d’euros dont 4 127 000 euros pour les jeunes publics, 33 397 000 euros pour le Théâtre adulte pro-fessionnel et 677 000 euros pour le théâtre amateur et dialectal.

www.artscene.cfwb.be

R evue

La Revue, où l’on raille nos institu-tions et nos hommes politiques avec force imitations, est devenue une institution à la période des fêtes de

fin d’année. Paillettes, danses, chan-

sons, accents, premier, deuxième et

troisième degrés, il faut être belge, ou

pas, pour adorer.

www.trg.be

S paLe Festival de théâtre de Spa, créé

en 1959, est le festival de théâtre le

plus important en Belgique franco-

phone. Chaque année en août, il se

veut la vitrine de toute la production

théâtrale belge. Cette année encore,

il propose 6 créations, 26 spectacles

et 23 compagnies.

www.festivaldespa.be

T oone

Toone est une dynastie bruxelloise de

marionnettistes qui perdure depuis

1830. Mais la transmission ne se

fait pas nécessairement de père en

fils : chaque nouveau Toone doit être

adopté à la fois par son prédécesseur

et par son public. L’accent bruxellois

est de mise, même quand il s’agit de

présenter des pièces en anglais…

www.toone.be

U nion des Artistes du Spectacle

Fondée en 1927, c’est la plus an-

cienne union d’artistes du spectacle

en Belgique. Elle aide les artistes

financièrement, juridiquement et

moralement. Une part importante de

l’aide financière revient aux artistes

les plus âgés qui ne bénéficient pas

d’une pension convenable.

www.uniondesartistes.be

V ertLe festival Théâtre au Vert, qui en

est à sa 11e édition et dure jusqu’au

26 août, installe le théâtre en pleine

campagne. Pendant quatre jours,

dans le petit village de Thoricourt,

une dizaine de spectacles pour tous

publics ont lieu dans des granges, en

rue, sous chapiteau…

www.theatreauvert.be

W allonChaque année, l’Union culturelle wal-lonne décerne le Grand Prix du Roi Albert Ier pour encourager et valo-riser le théâtre d’amateurs en lan-gues régionales. Cette année, c’est la Compagnie Marius Staquet, de Mous-cron, qui a remporté le trophée.

www.ucwallon.be

X L’ XL-Théâtre du Grand Midi s’an-nonce comme un théâtre de création orienté vers les grands textes véhi-culant de grandes idées… en vue de titiller les bonnes consciences et de bousculer les idées préconçues.

www.xltheatredugrandmidi.be

Y Le Groupe Théâtral Y-Grec, est une compagnie assez éclectique capable de jouer de l’Euripide et du Sophocle aussi bien que du Pirandello, du Ghelderode ou du Bacri.

Z Le théâtre Zanni s’adresse aux en-fants à partir de 2 ans, avec des comé-diens-conteurs, des marionnettes et de la musique. Enfin, le Zirk Théâtre est davantage axé sur le cirque et la rue, avec un sens de l’humour axé sur le visuel. Zut, c’est fini…

www.theatre-enfants.bewww.zirktheatre.be

Page 14: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 14BONS PLANS

RIDEAU DE BRUXELLES

1 S’abonner

S’abonner revient toujours moins cher qu’acheter des places à la pièce. Par exemple, l’abonnement « gourmand » au Théâtre Natio-nal fait chuter le prix du spectacle à 8,50 euros au lieu de 19 euros. Les théâtres proposent de plus en plus souvent différentes for-mules d’abonnement, allant de la découverte de trois spectacles au choix pour ceux qui ne sont pas tentés par l’ensemble de la pro-grammation ou pas sûrs d’être disponibles, jusqu’à l’ensemble des spectacles de l’année pour les plus assidus.

2 Bien choisir son jour et sa place

Une entrée par abonnement pour un jour fixe en semaine et une place au deuxième balcon sera sensiblement moins chère qu’un fauteuil d’orchestre réservé pour une soirée de gala. Surfez sur les sites internet des théâtres ou téléphonez-leur pour voir quelle formule vous est la mieux adap-tée. A titre d’exemple, pour le même spectacle, la place la moins chère pour un adulte au Théâtre

du Parc revient à 5 euros (et 2,50 euros pour les seniors !) contre 30 euros pour la plus chère. Notons que certains théâtres, comme le Théâtre de la Vie, vous offrent le spectacle le jour de votre anniver-saire. Merci qui ?

3 Montrer ses papiers

Vous êtes chômeur, étudiant, senior, voisin, handicapé, famille nombreuse, en groupe… ? Mon-trez vos papiers : tous les théâtres accordent des réductions à cer-taines catégories de personnes. Au Rideau de Bruxelles, par exemple, les demandeurs d’em-ploi et les moins de 30 ans payent moitié moins que les autres. Ren-seignez-vous à l’avance car ces avantages ne sont pas nécessai-rement pas les mêmes partout. Et ils ne sont pas cumulables.

Déjà, au départ, ce n’est pas très cher d’aller voir jouer une pièce de théâtre… En tout cas, bien moins que ce que la plupart des gens pensent ! Les théâtres, les pouvoirs publics et quelques associations font de gros efforts pour rendre la culture accessible à tous. Certaines catégories de personnes peuvent même s’offrir une place dans un théâtre prestigieux pour moins de trois euros… Mais quel que soit votre profil, il existe plein de formules et d’astuces pour payer moins cher et assister à un spectacle de qualité sans mettre en péril son compte en banque.

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15 Les Arts de la Scène BONS PLANS

4 Un kit découverte : Labonnement.be

Labonnement.be est un abonne-ment de théâtre – en partenariat avec La Libre Belgique – qui vous permet de voyager de salle en salle, à Bruxelles et en Wallonie, en vous proposant une sélection de spectacles de tous genres. De 98 € pour 6 séances à 227 € pour 16 (tarif plein) au choix parmi 32 spectacles, ce kit découverte des théâtres francophones de Bel-gique est à réserver aux specta-teurs nomades.

www.labonnement.be

5 La dernière minute : Arsène 50

Lancé par la Fondation pour les Arts et financé par la Commis-sion communautaire française, Arsène 50 offre des places de spectacles à moitié prix pour le soir même. Environ une centaine d’entreprises culturelles parte-naires à Bruxelles participent à l’opération. Plus de 200 places sont mises quotidiennement à disposition du public. C’est « le » bon plan par excellence pour ceux qui s’y prennent tard… On peut retirer ses places, du mardi au samedi entre 12h30 et 17h30, à la billetterie du BIP (2, rue Royale à Bruxelles, juste à côté du Palais royal), ou réserver sur internet, de 14h à 17h30. Attention, les pre-miers arrivés sont les premiers servis.

www.arsene50.be

6 Des promos sur le net

Ticketnet.be est un site de réser-vation pour des spectacles, des soirées ou des concerts. Un on-glet « promotions » propose très régulièrement un grand nombre de réductions sur les spectacles, même très longtemps à l’avance.

www.ticketnet.be

7 Des jeux, des concours, des partenariats, des parrainages…

Certaines sociétés et institutions ont monté un partenariat avec un ou plusieurs théâtres et peuvent ainsi proposer des places gratuites (souvent des avant-premières) à leurs clients ou leurs habi-tués. Les médias sont aux avant-postes pour lancer des concours ou des tirages au sort et faire gagner leurs lecteurs/auditeurs/internautes. Il suffit d’être un peu attentif et de bondir à temps sur son clavier ou sur son téléphone. Certains théâtres eux-mêmes proposent aussi des places ou des abonnements gratuits à ceux qui parrainent un certain nombre de nouveaux spectateurs.

Demandezleprogramme.be mé-rite une mention spéciale. Cette association propose à la fois des concours et des réductions.

www.demandezleprogramme.be

8 Les sites d’enchères

Sur certains sites de vente entre particuliers, on peut trouver des places pour des spectacles de théâtre, des concerts, de la danse, de l’opéra… Il s’agit bien souvent d’enchères, mais des particuliers revendent aussi leurs places à un prix fixe. Il s’agit ici bien souvent de spectateurs qui ne peuvent se rendre au spectacle, et non pas d’un marché noir organisé. Ainsi, sur Ebay, nous avons pu trouver deux places pour le spectacle de Jérôme de Warzée mises à prix à 3 euros (au lieu de 17), et deux autres pour Don Camillo à Villers-la-Ville à 25 euros (au lieu de 35). Sur 2ememain, nous avons déni-ché des places pour le gala Verdi à l’Opéra de Liège à 20 euros, prix fixe (au lieu de 50).

www.ebay.be

www.2ememain.be

9 Les chèques Culture

A l’instar des chèques Repas, certains organismes ou entre-prises distribuent des chèques Culture à leurs employés. Ces chèques sont utilisables chez les partenaires culturels (cinémas, théâtres, musées, salles de spec-tacles, concerts…) qui ont adhéré au programme. Parmi ces parte-naires, notons le Bozar, Wolubilis, le Théâtre 140, l’Opéra royal de Wallonie, le Théâtre royal du Parc, le Poche Charleroi, le Théâtre de la Vie, le Rideau de Bruxelles, le Marni, etc.

www.sportculturepass.be

Page 16: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 16À L’AFFICHE

Elle nous a bien fait rire, l’af-fiche du Théâtre des Doms pour le Festival d’Avignon

de cette année ! Pour rappel, le Théâtre des Doms, propriété avi-gnonnaise de la Fédération Wal-lonie-Bruxelles, est la vitrine de notre théâtre en France.

Le graphiste a sans doute long-temps hésité entre la moule et le papillon pour illustrer la pro-grammation du théâtre. Fina-lement très inspiré, il a pris les deux : une moule en forme de pa-pillon, ce qui illustre bien à la fois la belgitude et la légèreté. Dans leur éditorial du programme, les directeurs Isabelle Jans et Belgi-tude et Hervé d’Otreppe saluent d’ailleurs l’exploit :

« L’année de la moule du papillon. Légère, tourbillonnante, mais an-crée dans le réel. Belge mais sans frites. Poétique dans sa crudité. Fé-minine en diable sans une touche de rose. Notre affiche porte bien, dans son envol, l’esprit de notre programmation. Neuf œuvres qui, les pieds sur les planches, osent la créativité, prennent de la hauteur, aiguisent le regard et l’écoute, pour un envol des idées. »

Une tradition ancienne

Créer une affiche pour le théâtre

n’est pas un art qui date d’hier.

Selon le Dictionnaire encyclopé-

dique du théâtre (Bordas), il y en

aurait déjà eu dans la Rome an-

tique. Sous Louis XIII, en France,

les affiches étaient apposées uni-

quement dans les endroits auto-

risés (175 à Paris en 1753). Avec

force couleurs, elles indiquent

le nom de la troupe, l’endroit,

l’heure et le titre de la pièce. Ce

n’est que petit à petit qu’appa-

raissent le genre ainsi que les

noms des auteurs et des acteurs

principaux.

Les affiches de théâtre (ou de ca-

baret ou d’opéra) deviennent des

œuvres d’art à part entière vers

la fin du XIXe siècle. Est-il besoin

de rappeler celles de Toulouse-

Lautrec, de Chéret, de Mucha, de

Bonnard ?

En Belgique aussi, les peintres

et graphistes se sont démenés

pour rendre le théâtre attractif.

Françoise Bernardi, une auteure

spécialisée dans les estampes,

les affiches et le symbolisme,

cite entre autres Jacques Ri-

chez, Manfred Hürrig, Raymond

Renard, Patrice Junius, Olivier

Wiame, Julian Key, Nicolas Claes

et tant d’autres dans une de ses

chroniques parues en 2001 (Mé-

moires. La lettre mensuelle).

Comme le cinéma, le théâtre entre-tient une longue tradition avec l’affichage. Une belle affiche attire le regard, tente, dit si le spectacle est drôle ou sérieux, donne les indica-tions pratiques, relie le théâtre à sa ville…

f

quhéâtre

Page 17: Dossier RGP du 29 août 2012

17 Les Arts de la Scène À L’AFFICHE

Dessiner l’identité du théâtre

La qualité d’une affiche ne tient pas au nombre de spectateurs qu’elle amène au théâtre. Elle ne vient qu’en sixième posi-tion, après la télévision, la radio, la presse écrite, internet et le bouche à oreille, pour ce qui est de convaincre quelqu’un d’assis-ter à un spectacle. Son intérêt est ailleurs : c’est une question de style, de l’image qu’on veut don-ner au théâtre. Du branding ou de la communication corporate, diraient les marketeurs.

« Depuis leurs créations, les théâtres ont compris qu’il est important de se définir un gra-phisme et une mise en page ori-ginale afin d’être reconnus rapi-dement par le public. Dans les années 50, des théâtres nouvel-lement créés comme le National et le Poche définissent un schéma d’affiche caractéristique. Celui-ci se répète d’un spectacle à l’autre, seules les informations textuelles changent. L’illustration n’est pas en rapport avec le spectacle an-noncé, c’est plutôt le thème du théâtre de façon générale qui est repris », écrit Françoise Bernardi.

A partir des années soixante, les affiches deviennent de plus en plus précises sur le plan visuel. Elles se rapprochent de la pièce elle-même et de sa mise en scène. Elle « illustrent » davan-tage. A cette époque, deux gra-phistes se détachent des autres : Manfred Hürrig qui travaille pour le Théâtre National de Belgique, et Jacques Richez qui, lui, œuvre pour le Théâtre de Poche et le Théâtre de l’Atelier Rue Sainte-Anne. « Ils sont tous les deux re-connus en Belgique mais aussi à l’étranger. Ils font l’objet de nom-breuses expositions mais aussi de récompenses », écrit encore la spécialiste.

L’expérience d’un graphisteL’auteur de la moule volante du Théâtre des Doms, c’est Lucas Racasse. Ce graphiste sévit depuis le début au théâtre bel-go-avignonnais. Il a démarré à dix-neuf ans au Théâtre 140, en se mettant au service de son gra-phiste attitré, André Piroux. Puis,

il a créé sa propre agence et a tra-vaillé notamment pour le Théâtre de la Balsamine.

En 2001, alors qu’il cherche à dé-crocher un contrat avec les Halles de Schaerbeek, Jo Dekmine, du Théâtre 140, lui présente Phi-lippe Grombeer et Isabelle Jans, qui vont prendre la direction d’un théâtre nouvellement acquis par la Communauté française, celui des Doms.

Pendant dix ans, Lucas Racasse va dessiner pour les Doms. Il joue la carte de la dérision. A la belge. Plutôt avec bonheur, parce que ses affiches arrachent souvent un sourire au passant et qu’elles se détachent du magma des autres affiches collées dans la ville. En 2004, par exemple, il présente un cornet de glace avec l’Atomium en guise de boules ; en 2005, c’est un piment rouge sur fond jaune et lettrage noir ; en 2010, ce sont des choux de Bruxelles transfor-més en grenades prêtes à péter… Dans une longue interview accor-dée pour le livre paru pour les dix ans du théâtre, le graphiste revient sur son expérience et ses débuts :

« Il fallait donner une identité à ce théâtre et ce n’était pas simple. Il s’agissait de dire: Voilà, nous venons de Belgique, nous ou-vrons un théâtre dans le sud de la France, nous allons vous montrer ce que nous faisons chez nous – mais en fait, vous savez, c’est plus compliqué que ça, il ne s’agit pas de toute la Belgique, juste de la Communauté française, c’est à dire une moitié de la Belgique, un tiers, en fait, parce qu’avec les germanophones...»

L’affiche crée un lien entre le théâtre et la ville qui l’abrite. Une belle affiche habille le mur et at-tire le regard. Elle ancre le théâtre dans la rue, dans la galerie com-merciale, dans le quotidien des habitants. Elle dit : ce théâtre est de chez vous. Il est rare que l’on affiche dans une autre cité que la sienne. Confrontés aux réalités économiques, il est malheureu-sement de moins en moins fré-quent que les théâtres engagent un peintre ou un graphiste pour réaliser leurs affiches. Heureu-sement qu’il en reste encore quelques uns : il eût été dom-mage de passer à côté d’une si belle moule papillonnante…

Page 18: Dossier RGP du 29 août 2012

Bruxellons !théâtre, musique

Festival de théâtre au château de Karreveld (Bruxelles), avec des grandes œuvres et du contem-porain, pas mal de comédies (« Toc-toc » de Laurent Baffie, « Fugueuses » de Pierre Palmade, « Une liaison pornographique », de Philippe Blasband, « Le jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux, etc.), « Le Carnaval des ombres » de Serge Dumoulin, « La vie devant soi » de Romain Gary, un hommage à Brel, Annie Cordy en concert, etc. Tous les soirs, le festival ouvre par un buffet à 19h et se termine au « bar du lac ».

Jusqu’au 8 septembre, château de Karreveld (Molenbeek). De 7,65 à 30 €.www.bruxellons.net

Festival international des Brigittines

danse, théâtre

Festival de danse contemporaine

qui mélange allégrement les

genres (théâtre, musique, arts

visuels…). Chaque année, il nous

apporte son lot de découvertes

chorégraphiques et théâtrales.

Jusqu’au 1er septembre,

à la Chapelle des Brigittines

(Bruxelles). 12 €.

www.brigittines.be

Cap Sonic 2011multidisciplinaireC’est le dixième anniversaire de ce parcours d’art sonore ouvert aux autres formes artistiques. Ce festival propose des concerts, des installations et des prestations visuelles. Si Mons, avec son par-cours sonore urbain, ses événe-ments… reste son centre, le fes-tival se déploie également pour la première fois à Bruxelles et à Huy, pour le parcours des Arts Contemporains.

23 août 16 septembre, à Mons, Bruxelles et Huy. Gratuit.www.citysonic.be

Convention Danse d’Engis

danseStages, expositions, projections, performances, cinéma en plein air, centre de documentation, jam et programmation ... Tout sur la danse ! C’est la troisième convention de ce genre à Engis, près de Liège.

23 août 1er septembre, à Engis. 9 €

www.ccengis.be

Festival du Théâtre en Rue

théâtre

A l’occasion des Fêtes de Wal-

lonie, Mons organise pour la 8e

année consécutive son Festival de

Théâtre en Rue, un festival tota-

lement gratuit permettant à tous,

petits et grands, de goûter aux

plaisirs du théâtre en plein cœur

de la cité.

4 16 septembre,

à Mons. Gratuit

Tél. : 065/40 51 87

www.mons.be

Les Arts de la Scène 18FESTIVALS

Jasmina Douieb et Georges Lini dans

« Une liaison pornographique »,

de Philippe Blasband, au festival Bruxellons

Christoffa, au Festival des Brigittines

Page 19: Dossier RGP du 29 août 2012

Sur le comédien…

« Le comédien est comme une harpe éolienne qui émet des sons, donne des couleurs et une réalité à un personnage dont il est l’ins-trument. »

Jean-Claude Drouot, comédien, metteur en scène, directeur de théâtre

« Le comédien, c’est l’hypocritès grec, celui qui porte un masque. Moi, mon plaisir, toute ma vie, c’est qu’on ne me reconnaisse pas. »

René Hainaux, comédien

« Quand je travaille avec mes acteurs et danseurs, je me sens comme un aveugle hors de chez lui. Et eux sont mes chiens-guides, qui m’emmènent loin, là où je ne m’attendais pas à aller »

Jan Fabre, auteur, artiste, metteur-en-scène

Sur le spectateur…

« Au théâtre, on imagine des choses qui ne sont pas là donc il y a davantage de distance. On n’a pas forcément besoin de décor car on travaille sur la force de suggestion. On arrive à créer des images chez un spectateur rendu actif et qui travaille en perma-nence pour imaginer ce que la pièce lui raconte. »

Philippe Blasband, scénariste, dramaturge, réalisateur

« Qu’est-ce que le théâtre ? C’est du réel dans de la production symbolique. L’acteur est réel. Et aussi l’acte théâtral hic et nunc. [...] Que regardaient du temps de Racine les spectateurs quand ils voyaient bouger les seins d’An-dromaque ? Le rôle ? L’actrice ? Il y a toujours eu autour de cette histoire du réel – y compris dans les formes les plus stylisées de théâtre – des ambiguïtés. »

Jacques Delcuvellerie, metteur en scène

« Je ne vais pas au théâtre pour entendre déclamer un livre. Ou alors, j’apporte le mien. »

Claude Semal, chanteur, auteur et comédien

Sur le théâtre…

« Dans un univers de produits calibrés pour plaire immédia-tement aux consommateurs et formatés pour correspondre aux intentions non dénuées d’arrière-pensées mercantiles, le théâtre, aujourd’hui plus que jamais, doit proclamer sa différence qualita-tive, développer son éthique ci-toyenne et affirmer sa spécificité artistique. »

Roger Deldime, directeur de théâtre et sociologue

«Nous ne sommes pas là pour montrer mais pour représenter - au sens fort d’en être les repré-sentants - une réalité qui échappe à toute mise en scène»

Frédéric Dussenne, acteur, metteur-en-scène.

« Plus je vieillis, plus j’ai envie de dire que le théâtre, c’est un ensemble de sons humains fon-damentaux, qui sont matérialisés à partir de la pensée et de l’écri-ture d’un poète et transmis le plus fraternellement possible au plus grand nombre. »

Armand Delcampe, comédien, metteur en scène, directeur de théâtre.

Sur sa place dans la société…

« Le théâtre est le lieu où appa-raissent violence et cruauté. Leur représentation doit servir à ce que l’horreur ne se reproduise pas. »

Gerard Mortier, directeur d’opéra.

« Shakespeare n’a empêché ni la crise de 1929 ni les camps de concentration »

Thierry Debroux, dramaturge, comédien et metteur en scène.

ILS ONT DIT19 Les Arts de la Scène

Au fil des livres, des articles de presse, des émis-sions de télévision, des pages internet, nous avons receuilli les citations de quelques profes-sionnels belges du spectacle. Une mosaïque de mots qui soulève de temps en temps une question et répond parfois à une autre…

Page 20: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 20LIVRES

Aller à bonne école

Régulièrement remanié depuis près de 25 ans, « Le guide du comédien » se targue d’être « la » référence de la profession pour ce qui est de l’enseignement de l’art dramatique et va même jusqu’à décerner des Masques d’or aux meilleurs établis-sements ou enseignants. Entre un quiz, la revue des différents établissements d’enseignement, un recensement des fes-tivals, un guide de lectures et quelques conseils pour présenter un concours ou une audition, c’est vrai que ce guide est plutôt bien fait. Dommage qu’il accorde si peu d’importance aux écoles belges, alors que de plus en plus d’apprentis comédiens français s’y présentent.

« Le guide du comédien », A. Hegel & E. Normand, 320 p., Ed. du Puits Fleuri, 2012. 22 €

C’est le geste qui compte

« Histoires de gestes » décortique douze de nos gestes les plus simples, comme mar-cher, tomber, tourner, courir, frapper… en partant du mouvement du danseur et en le confrontant à la philosophie, à l’histoire de l’art ou à d’autre sciences humaines. C’est, par exemple, la statue L’Homme qui marche, de Giacometti, qui donne à pen-ser, ou les évolutions de derviches tour-neurs et les portés des danseurs de ballet russes qui sont analysés… L’ouvrage pro-longe une série de rencontres organisées par le Théâtre National de Chaillot et l’uni-versité Paris VIII mais reste très accessible à tout un chacun.

« Histoires de gestes », collectif dirigé par Glon et Launay, 231 p., Actes Sud, 2012. 23 €

Sont-elles sèches ?

« Le goût des mots », une petite collec-tion bien intéressante pour pas cher pour ceux qui aiment s’amuser avec la langue. On y trouve entre autres Motamorphoses, de Daniel Brandy, qui part à la recherche de l’origine des mots de façon amusante, ou le Petit Fictionnaire illustré, un petit recueil de néologisme. Retenons ici Les chaussettes de l’archiduchesse, de Julos Beaucarne, un recueil de virelangues, ces expressions que l’on doit répéter sans se tromper. Exemples ? « Tuile ôté, trou au toit », « trois petites truites cuites », « suis-je bien chez ce cher Serge ? »… Et il continue en allemand, en anglais, en grec, en chinois, en viet… !

« Les chaussettes de l’archiduchesse », coll. Le goût des mots, 136 p., Ed. Points, 2007. 5,50 €

Page 21: Dossier RGP du 29 août 2012

21 Les Arts de la Scène LIVRES

Les illusions de la scène

On ne se lasse pas de ce livre qui nous

fait découvrir les coulisses de l’Opéra

de Paris et de la Comédie-Française au

XIXe siècle, avec l’impression du spec-

tateur à qui un magicien dévoile ses

tours. Car l’ouvrage ne se contente pas

de relater l’histoire des décors et des

révolutions scéniques. Il s’attache aussi

à l’anecdote, aux différentes sortes de

tomber le rideau, aux secrets des cou-

lisses, aux premières utilisations de

l’électricité sur scène ou aux trucages

utilisés à l’époque des pantomimes, tel

ce piano qu’un comédien devait traver-

ser… « L’envers du décor » n’est pas

seulement un livre d’histoire, c’est aus-

si un livre sur l’art de l’illusion.

« L’envers du décor », collectif, 191 p., Ed. Gourcuff Grade-nico, 2012. 29 €

D’Auber à Wagner

Plus qu’un dictionnaire, c’est un vrai

guide destiné à un large public qui,

curieux ou passionné, cherche des

repères pour s’orienter dans le monde

de l’art lyrique. « Le guide de l’opéra »

offre un panorama très représentatif de

l’opéra en suivant un fil chronologique,

des premiers opéras au contempo-

rain en passant par l’opéra-bouffe, le

drame wagnérien, l’opérette, etc. Pour

chaque œuvre majeure, l’auteur ana-

lyse les rôles et les voix, l’orchestre,

l’argument, la musique, le contexte,

les prolongements et les différentes

versions discographiques. Un glossaire

aide également à s’y retrouver dans les

différents termes utilisés.

« Le guide de l’opéra », Marie-Christine Vila, 312 p. Larousse, 2012. 30,30 €

L’art de l’éphémère

Né à Etterbeek, Stéphane Georis a

fondé avec sa femme la Compagnie des

chemins de terre, qui voyage à travers

le monde. En vingt ans, il s’est produit

dans vingt-cinq pays. Ses créations

mêlent des grands thèmes littéraires,

des masques, des échasses, du cirque

ou des marionnettes. « Le triomphe du

saltimbanque » est un essai sur son

art éphémère. « Après le numéro, le

magicien est parti dans son chapeau. Il

n’a aucune raison d’être fier, ni d’être

prétentieux d’aucune manière, ni de se

prendre pour un héros, un artiste, un

grand homme. Jamais, dans ce métier,

on ne peut se considérer comme arrivé.

Aussitôt terminée, l’œuvre a disparu »,

écrit-il.

« Le triomphe du saltimbanque », Stéphane Georis, 89 p., éd. Transbo-réal, 2011. 8 €

Page 22: Dossier RGP du 29 août 2012

Les Arts de la Scène 22

Une salle presque vide, de rares applaudisse-ments, des spectateurs qui se lèvent avant la fin, des sifflets, des critiques éreintantes… L’échec fait partie du pari que constitue le montage d’une œuvre théâtrale. Il permet souvent de rebon-dir. Dans son numéro d’avril du « Petit Cyra-no », la CTEJ (Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeu-nesse) en a fait le tour en donnant la parole aux auteurs, metteurs en scène, comédiens… Voici une sélection des réactions qu’a susci-tées un tel thème.

« En scénographie, l’échec se dévoile à deux moments. Celui où on découvre les comédiens dans la scénographie : soit elle fonc-tionne, soit elle ne fonctionne pas ou pas bien. Et lors de la repré-sentation devant les spectateurs. Il y a une mayonnaise qui prend ou ne prend pas. »

Christine Flasschoen (scénographe)

« L’échec, dans notre métier, est souvent compris comme ‘insuccès’ (spectacle qui ne se vend pas) ou pire comme ‘bide’ ou ‘four’ (spectacle que les gens applausissent du bout des doigts de façon polie, spec-tacle que les gens sifflent…). Il y a à la fois une notion de recon-naissance et d’appréciation venue de l’extérieur […] et aussi une no-tion de valeur marchande […], qui dépend elle aussi de l’extérieur. »

Michèle Moreau (Faux comme il faut)

« Qu’est ce j’ai fait chers spec-tateurs ? - Vous ne savez pas… - Vous balbutiez… - Vous bégayez… […] - Vous voilà redevenu comme un petit enfant pris en flagrant délit d’avoir voulu faire comme les grands ! - Vous tremblez ! - Eh oui - Vous vous sentez coupable ! »

Ariane Buhbinder (L’Anneau Théâtre)

« Tout artiste sait que dans le pro-cessus de création on se tient sans cesse aux portes de l’échec. L’art dialogue en permanence avec l’échec parce que l’échec possède en lui des possibles infinis.

Là où le succès n’a qu’un chemin, l’échec lui est un labyrinthe, un dédale qui semble sans fin. Pour découvrir précisément ce che-min unique qui mènera à la réus-site, l’artiste devra bien souvent emprunter tel un aveugle errant, des dizaines voire des centaines de voies qui se révèleront sans issue. »

Sybille Cornet (Welcome to Earth)

« L’influence des rumeurs, du bouche-à-oreille, est énorme et le succès d’un spectacle dépend souvent de quelques impressions de quelques individus isolés, de quelques lignes dans la presse. »

Lievens Baeyens (Cie Iota) www.ctej.be

« Peu de gens sont capables de voir une dramaturgie, un projet en devenir. Peu de gens sont ca-pables de souffler sur les braises d’un spectacle pour que le feu prenne. »

Didier De Neck (Théâtre de Galafronie)

« L’échec est un luxe ! »

Céline Delbecq (auteure et metteuse en scène)

« Il n’y a pas d’échec, il n’y a que des transitions à aménager, des ponts à négocier dans son propre parcours, des lucidités à se construire, comme des frontières qu’il faut accepter sereinement de franchir. »

Catherine Simon (Quoi d’autre ASBL)

« L’échec ! Je hais ce mot qui parle d’un moment précis : ça, c’est l’échec ! Phonétiquement sec, visuellement peu souple et peu riche : comment faire un vilain mot de 5 lettres avec 3 ? Non, c’est moche, ce mot qui ne laisse entre-voir aucun avenir, aucune ouver-ture. Il vaut le TILT du flipper : voilà oublie tout (même le plisir que tu as eu), va te rasseoir, tu as juste perdu ton argent de poche. Il entretient un pouvoir malsain de la part de ceux qui le distribuent.

Ce mot ne permet aucune entre-vue de rebondissement quel-conque, il est un point final. Je ne le veux pas.

Je lui préfère : erreur (3 lettres aussi c’est drôle), maladresse, connerie même, oh raté, on au-rait dû ceci, on veillera à cela. On continue, c’était pas le bon chemin. Ah, intéressant le vilain détour qu’on vient de faire. »

Valérie Joyeux (Les pieds dans le vent)

« Ne me dites pas que Vincent Van Gogh n’a jamais raté un seul tableau, que ses coups de pin-ceaux ont toujours eu cette ma-gnificence? »

Jean-Paul Fréhisse (Siba ASBL)

« Selon une étude, avant de pou-voir réussir une activité humaine telle que marcher, nous devons réaliser un peu plus de 1400 ten-tatives. Cette observation redonne espoir aux créateurs de spec-tacles. Si l’on compte les quelques fancy-fair, les spectacles entre co-pains et une vingtaine ou trentaine de créations, disons qu’il reste 1350 essais avant de parvenir à réaliser un spectacle réussi. »

Loris Liberale (Sequenza)

Page 23: Dossier RGP du 29 août 2012

AIDES23 Les Arts de la Scène

Vernissage de l’exposition d’Emelyne Duval

Septembre 2012Œdipe à Colone (Théâtre)

SeptembreAprem Exploration # 2 (Ateliers-rencontres)

27, 28 et 29 septembre 2012 de 14h à 22 hLes Filles de l’Ogre (Théâtre)

12 et 13 octobre à 20 hMichel Mainil et Adrien Volant Quintet

(Jazz)19 octobre 2012 à 20h

Sur un air de jazz de seconde zone acheté dans un station essence

(Théâtre - Visionnement)26 octobre à 14 heures

Blind poets blues (Théâtre)6,7, 8, 9 et 10 octobre 2012

Yves Robbe et Macha Makarevich (Concert de piano)30 octobre 2012 à 20h

Infos et réservations : Spas/ La Fabrique de Théâtre

128, rue de l’Industrie 7080 La Bouverie065/61.34.60 ou

[email protected]://fabriquedetheatre.hainaut.be

Venez découvrir La Fabrique de Théâtre !

Première partie de saison

Des théâtres dynamiques, des créations originales, des salles pleines… tout cela dépend aussi des pouvoirs publics et de l’aide qu’ils peuvent apporter au monde du spectacle.

Au sein de l’Administration de la Culture dépendant de la Fédération Wallonie-

Bruxelles, le Service des Arts de la Scène occupe une place impor-tante. Il a pour objet l’encourage-ment et le soutien de la création artistique et de la production de spectacles vivants, leur promo-tion et leur diffusion auprès des publics les plus larges.

Cinq domaines artistiques y sont traités: le théâtre, la musique classique et contemporaine (y compris l’art lyrique), les mu-siques non classiques, la danse, les arts forains, du cirque et arts de la rue.

Le théâtre est quantitative-ment le plus important de ces cinq domaines. Il se divise en sous-catégories : théâtre adulte, théâtre pour l’enfance et la jeu-nesse, théâtre action, danse, arts forains, du cirque et de la rue, sans compter le théâtre amateur et les festivals. Cette catégorisa-tion n’est toutefois pas parfaite, certaines compagnies pouvant se produire, par exemple, à la fois sur une scène, dans la rue ou même dans des entreprises pour de l’animation.

Différents types d’interventions sont prévus par le décret-cadre des Arts de la Scène. Entre autres des bourses, qui peuvent être accordées à des personnes phy-siques pour aider à la création ar-tistique, à la formation continuée ou à la recherche ; des aides ponc-tuelles, qui visent à soutenir un projet de spectacle ; des conven-tions, qui sont conclues pour des durées de deux ou quatre ans et consistent en des subventions annuelles de fonctionnement ; des contrats-programmes, les

aides les plus importantes mais liées à un cahier des charges plus lourd que pour la convention. Les contrats-programmes doivent aussi respecter des critères spé-cifiques concernant la décentrali-sation, la coproduction, l´accueil en création et en résidence, les pourcentages de masse salariale et de recettes propres.

D’autres aides sont encore mises en place, qui peuvent aussi bien profiter au théâtre qu’aux sec-teurs musical, circassien ou cho-régraphique : des aides pour la diffusion des arts de la scène en milieu scolaire, dans les centres culturels, des bourses à la créa-tion, etc.

Toute demande est examinée par le Service du Théâtre de la Com-munauté française et fait l´objet d´une analyse par le Conseil de l’Art dramatique (CAD), qui éva-lue la valeur artistique du projet. Son avis est transmis au Ministre pour décision.

Vu le nombre important de scènes dans notre pays (certains disent que c’est la plus grande concen-tration de théâtres au monde), la tendance est au regroupement des ressources dans le subven-tionnement. Les aides à l’année sont de plus en plus délaissées au profit des contrats-programmes et des conventions. C’est plutôt un bien de privilégier un sou-tien durable dans le temps, mais cela a pour effet que les petits théâtres ont moins de chances de bénéficier des bienfaits des pou-voirs publics.

En 2011, la Communauté fran-çaise a dépensé 87,7 millions d’euros pour le Service général des Arts de la Scène. De ce mon-

tant, 39,7 millions d’euros ont été attribués au Service du Théâtre. Et dans ce service, c’est bien sûr le théâtre adulte professionnel qui se taille la part du lion, avec 33,4 millions d’euros (y compris le Théâtre National et les centres dramatiques).

Les six opérateurs qui bénéficient cette année le plus largement des subventions de la Communauté française, grâce à leur contrat-programme, sont :

Le Théâtre National 6.516.000 €

Le Théâtre de la Place 2.494.000 €

Le Public 1.870.000 €

L’Atelier Théâtre Jean Vilar 1.798.806 €

Le Théâtre Varia 1.768.775 €

Le Rideau de Bruxelles 1.541.075 €

Source : www. artscene.cfwb.be

Page 24: Dossier RGP du 29 août 2012

Théâtre de rue

Le « Cirque, les Arts forains et les Arts de la Rue » sont officiellement reconnus comme Arts de la scène par la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis 1999. Sept compagnies béné-ficient actuellement de subventions, mais le secteur est évidemment bien plus riche que ça. Le secteur est re-présenté par la FAR (Fédération des Arts de la rue, des Arts du cirque et des Arts forains) qui réunit 24 compa-gnies et par la Maison du Cirque.

www.la-far.be

Tél. 494-54 28 35

www.lamaisonducirque.be

Tél. 02 - 678 09 90

Théâtre pour l’enfance et la jeunesse

Environ 25 théâtres et compagnies sont subventionnés (par le biais d’un contrat-programme ou d’un agré-ment) par la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais elles sont près de 80 compagnies à être membres de la CTEJ (Chambre des Théâtres pour l’Enfance et la Jeunesse), la princi-pale association du secteur. Chaque année en décembre, la CTEJ orga-nise « Noël au théâtre », un festival qui propose des spectacles dans plu-sieurs salles. Certains de ces spec-tacles sont accessibles à partir d’un an et demi.

www.ctej.be

Tél. 02-643 78 80

Théâtre action

Depuis 2005, ce théâtre militant

bénéficie d’une reconnaissance offi-

cielle par la Fédération Wallonie-

Bruxelles. Une vingtaine de compa-

gnies jouissent actuellement d’une

convention. Le Centre du Théâtre

Action (CTA), également subven-

tionné, se veut un lieu de réflexion,

promotion, soutien, coordination et

organisation de l’ensemble du mou-

vement du théâtre action en Wallo-

nie-Bruxelles. Il dispense aussi des

formations.

www.theatre-action.be

Tél. 064-21 64 91

Théâtre amateur

Il existe cinq fédérations reconnues :

Fédération ABCD : Tél. 02/502 33 33

FNCD : Tél. 02/502 81 83. www.fncd-theatre.be

Union Culturelle wallonne (UCW) : Tél. 04/342 69 97

Interfédérale du Théâtre d’Amateurs (ITA)

Fédération des Compagnies de Théâtres d’Amateurs (FECOTA) : Tél. 071/48 84 39. www.fecota.be

Les Arts de la Scène 24AIDES

© Olivier Rijckaert © CTA © Thierry Dumoulin

Page 25: Dossier RGP du 29 août 2012

25 Les Arts de la Scène QUIZ

Voici dix extraits de pièces célèbres. Tirades ou dialogues archi-connus, d’autres qui le sont moins dans des œuvres que l’on croit connaître par cœur. Choisissez dans la liste ci-dessous d’où proviennent les extraits choisis.

A Je sais l’art de traire les hommes, j’ai le secret de m’ouvrir leur tendresse, de chatouiller leurs cœurs, de trouver les endroits par où ils sont sensibles.

B La femme qui dirigeait l’ate-lier s’est aperçue de mon agitation désespérée, je suais, haletante. Elle s’est approchée de moi. Je lui ai dit : « J’ai perdu mon clitoris. Il a glissé. J’aurais pas dû nager avec.»

C - Avec vos façons de parler,

de faire des manières…On dit que vous êtes un faiseur d’embarras. Et on vous évite.

- Monsieur, je n’ai jamais re-marqué cet ostracisme.

- Ostracisme ! Ouïe, que moi je n’aime pas ce garçon !

D La nuit, je dors sur le canapé et en dehors de cette pièce, je n’ai que le cabinet de toi-lette et la kitchenette, où il est impossible de vous ca-cher, sauf si je vous découpe en morceaux... A moins que... Vous pensez que vous pouvez loger, dans ce frigo ?

E J’ignorais la douceur fémi-nine. Ma mère ne m’a pas trouvé beau. Je n’ai pas eu de sœur. Plus tard, j’ai redouté l’amante à l’œil moqueur. Je vous dois d’avoir eu, tout au moins, une amie. Grâce à vous une robe a passé dans ma vie.

F Cela a fait peur aux gens sans doute qu’un homme puisse vivre sans passé. Déjà les enfants trouvés sont mal vus… Mais enfin on a eu le temps de leur inculquer quelques petites notions. Mais un homme, un homme fait, qui avait à peine de pays, pas de ville natale, pas de traditions, pas de nom… Foutre ! Quel scandale !

G J’ai essayé de faire du feu, Majesté. Ça ne fonctionne pas. Les radiateurs ne veulent rien entendre. Le ciel est couvert, les nuages n’ont pas l’air de vouloir se dissi-per facilement. Le soleil est en retard. J’ai pourtant en-tendu le roi lui donner l’ordre d’apparaître.

H L’amour est une fumée de soupirs ; dégagé, c’est une flamme qui étincelle aux yeux des amants ; comprimé, c’est une mer qu’alimentent leurs larmes. Qu’est-ce encore ? La folle la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur !

I Je ne me rappelle avoir ren-contré personne hier. Mais demain je ne me rappellerai avoir rencontré personne aujourd’hui.

J Tu as l’air de mauvaise hu-meur. Serait-ce parce que j’ai fait mourir ton fils ?

A7, B16, C12, D8, E3, F14, G13, H18, I5, J2

1. Bossemans et Coppenolle, d’Hanswyck et Van Stalle

2. Caligula, d’Albert Camus

3. Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand

4. Dom Juan, de Molière

5. En attendant Godot, de Samuel Beckett

6. Hibernatus, de Jean Bernard-Luc

7. L’Avare, de Molière

8. La bonne planque, de Jean-Louis Bordessoules

9. La Puce à l’oreille, de Georges Feydeau

10. Le Cid, de Corneille

11. Le jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux

12. Le Mariage de mademoiselle Beulemans, de Fonson et Wicheler

13. Le roi se meurt, d’Eugène Ionesco

14. Le voyageur sans bagage, de Jean Anouilh

15. Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus, de Gray et Dewandre

16. Les Monologues du vagin, d’Eve Ensler

17. Les trois sœurs, d’Anton Tchekhov

18. Roméo et Juliette, de William Shakespeare

19. Ubu roi, d’Alfred Jarry

20. Une liaison pornographique, de Philippe Blasband

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Si la Flandre est un peu en avance, c’est peut-être parce qu’elle est plus proche du monde anglo-saxon, où l’apprentissage de la comédie va de pair avec le chant, les claquettes, la danse, etc. Une compagnie comme DV8 (dont le créateur Nigel Charnock est dé-cédé cette année) mélange allé-grement danse et théâtre depuis plus de trente ans. « Et regardez le nombre de comédies musi-cales qui se donnent à Londres et qui sont des vecteurs d’emploi ! Il faudrait questionner nos cinq écoles de théâtre : aucune ne se situe par rapport au physique, à la chorégraphie…Il n’y a pas non plus de metteur en scène qui soit en même temps chorégraphe », ajoute le directeur de l’Ancre. En revanche, les Français sont en-core à la traîne par rapport à la scène belge francophone : « Ils sont dans le verbe. En France, il y a encore parfois une dictature de l’histoire et du mot ».

Le théâtre hybride, une longue tradition

Depuis ses toutes premières ori-gines, le théâtre a pourtant inti-mement été associé à la danse et à la musique. Dans l’Antiquité, le théâtre grec est un spectacle total. Il repose autant sur la musique et les formes spectaculaires que sur le texte lui-même. En Allemagne, le « théâtre dansé » (Tanzthea-ter) remonte au XVIIIe siècle. Vers 1920, les metteurs en scène Kurt Jooss et Rudolf von Laban en deviennent les ambassadeurs. Ils mettent en scène la comédie hu-maine, avec des danses sociales, costumes de ville, robes et talons hauts, qui inspireront plus tard Pina Bausch.

Si l’association du théâtre avec la danse et d’autres formes artis-tiques semble souhaitable, il faut cependant se méfier des abus. « Le danger est que le théâtre se noie dans la multidisciplinarité. Il ne faut pas tomber dans la dé-monstration gratuite », tempère Jean-Michel Van den Eeyden. Des spectacles hybrides, oui. La per-formance pour le seul plaisir de la performance, non.

En France, certains puristes poussent encore des cris d’orfraie quand on leur parle

de mélange des genres. Ils s’of-fusquent, par exemple, lorsque le chorégraphe Boris Charmatz ou le multi-artiste Jan Fabre (dessi-nateur, sculpteur, chorégraphe, metteur en scène) sont associés à la programmation du Festival d’Avignon.

Ils en appellent alors à la soi-di-sant pureté théâtrale de Jean Vilar, le fondateur du festival, oubliant que celui-ci avait été le premier à y présenter de la danse en invitant Maurice Béjart, ou du cinéma en projetant un film de Jean-Luc Godard… Lors de la der-nière édition, on a remarqué une déferlante de la vidéo dans les spectacles, au point que certains s’en irritent. Dans l’Hexagone, les frontières entre le théâtre et d’autres expressions artistiques provoquent toujours le débat

« Pour nous, Belges, c’est tout à fait bizarre que les Français s’interrogent là-dessus. Mais c’est sans doute parce qu’ils fonctionnent avec une sorte de culture à tiroirs », analyse Patrick Bonté, le directeur des Brigittines et du festival du même nom. Les artistes belges semblent en effet faire preuve de moins de forma-lisme. « Notre rapport par rapport au langage est assez différent de celui des Français. Quel est l’ex-pression artistique la plus impor-tante en Belgique ? C’est l’image ! Que ce soit les peintres flamands, la bande dessinée ou la poésie… »

Un centre d’art et un festival métis

Le Centre d’Art contemporain du Mouvement Les Brigittines, qui se définit comme « un pôle de recherche et de rencontre autour des œuvres contemporaines »,

Les Arts de la Scène 26THÉÂTRE ET DANSE

La danse se marie-t-elle bien avec le théâtre ? Avec la vidéo, la photographie, les arts plas-tiques… ? A priori, oui. A posteriori aussi.

illustre bien la complémentarité des disciplines en programmant des spectacles qui associent à la danse d’autres arts comme la musique, la performance, le cirque, le théâtre, la photogra-phie, le cinéma, etc. « On a ré-axé toute la programmation sur le mouvement, mais un mouvement qui se confronte à la théâtralité, à des thématiques, à des incarna-tions. », explique Patrick Bonté.

Le Festival des Brigittines suit cette même logique en propo-sant des spectacles de gens qui ont un univers très personnel avec, par exemple, une choré-graphe qui décortique le langage des prédicateurs et des hommes politiques. « Quand on a un uni-vers particulier, on ne s’embar-rasse pas trop du chemin que l’on prend. La modernité traverse les genres. Le festival est davantage dirigé vers la danse que vers le théâtre car il me semblait qu’on y trouvait plus de formes inven-tives. L’intérêt de la danse, c’est qu’elle explore des territoires troubles et inconnus. En cela, elle est proche de la peinture.»

Une évolution souhaitable

Patrick Bonté se réjouit du suc-cès que la danse connaît actuel-lement. C’est vrai qu’il y a vingt ou trente ans, un spectacle de danse était encore une rareté. Aujourd’hui, les centres culturels sont pratiquement forcés de pro-grammer au moins une fois de la danse par an, et de plus en plus de théâtres en intègrent égale-ment dans leur programmation.

Le Théâtre de l’Ancre, par exemple, intègre chaque année de la danse dans son programme, en collaboration avec Charleroi Danses. Mais plusieurs autres spectacles théâtraux de la pro-

grammation intègrent aussi des formes artistiques étrangères au théâtre. « C’est une évolution évi-dente et souhaitable. Je suis par-tisan de la rencontre des genres et des publics. Les arts de la scène ne sont que le reflet de l’évolution de la société dans son ensemble et donc, d’une certaine pluridis-ciplinarité qui en émerge. », ex-plique son directeur, Jean-Michel Van den Eeyden.

« Danse et théâtre, la Flandre est là-dedans depuis plus de vingt ans ! Côté francophone, c’est vrai qu’il y avait une certaine frilosité quant aux formes hybrides de théâtre. Mais il y a aujourd’hui sur la scène francophone, une véri-table émergence de la création avec des formes artistiques qui alternent. Les jeunes sont nés là-dedans. »

La Flandre en avance, la France en retard

La danseuse et chorégraphe Nicole Mossoux a toujours asso-cié la danse et la sculpture. « Je me souviens de ma fascination pour la statutaire crétoise, dont je tentais d’analyser les positions en fonction de leur potentiel de mouvement », écrit-elle dans L’actuel et le singulier (éd. Lans-man, 2006).

Anne Longuet Marx, dramaturge, metteur en scène et chargée de cours à l’Institut d’études théâ-trales à la Sorbonne, partage le même avis : « J’ai très vite consi-déré la sculpture et la danse comme indissociables, dans leur dépendance et leur jeu essen-tiels avec l’espace » (L’actuel et le singulier). Pour elle, danse, sculpture et théâtre sont complé-mentaires. « Maria Casarès disait qu’elle ne pouvait entrer dans un rôle que si on lui indiquait d’abord comment se poser et mettre ses pieds », rappelle-t-elle dans un Alternatives Théâtrales consacré au théâtre-danse.

Monkey, un spectacle hybride du Flamand Stef Lernous :

danse, théâtre, images, sons… (Festival des Brigittines)

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BRÈVES DANSE27 Les Arts de la Scène

Un centre de ressources incontournableContredanse est une association créée en 1984 pour soutenir et de stimuler la création chorégraphique. Elle a pris ses quartiers à la Maison du spectacle La Bellone.

Concrètement, elle dispose d’un centre de documentation où se cô-toient danseurs et chorégraphes, chercheurs, amateurs de danse, et professionnels du spectacle. Elle in-forme également les danseurs et les chorégraphes sur les formations, les festivals et les auditions. Elle propose chaque mois une vingtaine d’offres d’emploi dans le secteur de la danse. Une base de données permet de consulter environ 10.000 adresses de programmateurs, journalistes, com-pagnies, etc., en Wallonie-Bruxelles et à l’étranger.

Contredanse publie aussi le trimes-triel NDD L’actualité de la danse et des ouvrages qui sont devenus des références pour bon nombre de cho-régraphes, danseurs et chercheurs en Belgique et à l’étranger. Enfin, l’association organise des formations et des événements destinés à favori-ser l’échange et la réflexion sur les développements actuels et futurs de la danse.

www.contredanse.org Tél. : 02/502 03 27

Jeux de pole dance

Révolution, c’est le nom du spectacle du chorégraphe Olivier Dubois qui clôturera ce 1er septembre le Fes-tival international des Brigittines, à Bruxelles.

Sur le Boléro de Ravel, douze dan-seuses solitaires jouent avec des mâts de pole dance, ces barres que les gogo girls utilisent dans les bars pour attirer le regard des hommes. Ici, il ne faut pourtant n’y voir rien de sexuel, sinon le rythme, la ca-dence répétitive du Boléro. L’énergie s’amplifie, les danseuses se syn-chronisent, se désolidarisent, ralen-tissent… toujours sans lâcher leur barre. Une performance envoûtante.

Comme chaque année, le Festival des Brigittines apporte son lot de décou-vertes chorégraphiques et théâtrales. Quatorze spectacles, au total, qui racontent des histoires, interpellent et transmettent des émotions, avec le mouvement comme trait d’union.

Festival international des Brigittines Jusqu’au 1er septembre. 12 € l’entrée (8 € tarif réduit) www.brigittines.be

Crip walk pris en grippe

Après sa victoire aux Jeux olympiques, Serena Williams, toute contente, a en-tamé un petit pas de danse sur le court de tennis. Seulement voilà, ce pas est un « crip walk », une danse inventée et codifiée par un gang violent de Los Angeles. Leurs membres avaient pour habitude de faire ces quelques pas après avoir tabassé ou assassiné un membre du gang rival.

Pas sûr que Serena savait vraiment ce qu’elle faisait, mais sa danse en a scandalisé plus d’un. A quand Da-vid Goffin claquant ses pieds sur le sol, une orange dans sa main levée, comme les Gilles de Binche ?

Tous ensemble, tous !La blast dance, vous connaissez ? C’est une performance de danse col-lective dans l’espace public. Le prin-cipe est simple : un lieu public, une date, une heure, et un maximum de gens prêts à apprendre quelques pas de danse et à danser tous ensemble, le temps d’un petit délire.

C’est ainsi qu’est née la Kosmocom-pany, le 14 août 2011, avec le tout pre-mier blast dance organisé dans les Galeries royales Saint-Hubert et sur la Grand’ Place de Bruxelles. Quelques dizaines d’amateurs s’étaient réunis pour danser la petite chorégraphie inventée par Clément Thirion, le co-médien à l’origine du projet.

Le prochain blast dance aura lieu à Namur le samedi 13 octobre. Aucune capacité physique requise, juste l’en-vie de danser à l’unisson.

www.kosmocompany.net

Au service de la danseLa danse bénéficie d’un service à part au sein des Arts de la Scène dépen-dants de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les missions du Service de la Danse se traduisent notamment par l´octroi de subventions aux com-pagnies, aux projets chorégraphiques et aux festivals de danse, ainsi que par la réalisation de documents de ré-férence et de matériel promotionnel.

Budgétairement, le Service de la Danse est le domaine des Arts de la Scène qui a connu l´augmentation la plus significative : en dix ans, le bud-get dévolu à la danse est passé de 3,5 à plus de 6 millions d´euros en 2011. Ce dernier montant comprend la subvention au Centre chorégra-phique de la Communauté française Charleroi/Danses (3 320 000 €), les subventions de fonctionnement aux compagnies et associations béné-ficiant d´un contrat-programme ou d´une convention (2 317 000 €) et les subventions ponctuelles ou aides aux projets et festivals (450 000 €).

www.artscene.cfwb.be

Charleroi DansesCharleroi Danses, c’est le nom de scène – si l’on peut dire – du Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui lui-même est issu de l’ancien Ballet royal de Wal-lonie. Ce centre, subventionné par la Fédération, est radicalement orienté vers la création contemporaine. Il est dirigé depuis 2006 par un quatuor ar-tistique composé de Michèle Anne De Mey, Pierre Droulers, Thierry De Mey et Vincent Thirion.

Les activités de Charleroi Danses sont tournées vers la production et la diffusion du travail des artistes directeurs et des résidents, la pro-grammation d’événements tels que la Biennale de la danse, Compil d’Avril ou le Festival hip-hop, la promotion

des chorégraphes de la Fédération, et l’organisation de manifestations croi-sées avec d’autres opérateurs artis-tiques de Wallonie et de Bruxelles.

Deux lieux accueillent les activités de Charleroi Danse : les Ecuries de Char-leroi et la Raffinerie de Bruxelles.

www.charleroi-danses.be

Tango libre

C’est le nouveau film du cinéaste belge Frédéric Fonteyne, Tango libre, qui ouvrira la 27e édition du Festival international du film francophone de Namur (FIFF) se déroulera du 28 sep-tembre au 5 octobre. Le film est in-terprété par François Damiens, Anne Paulicevich, Sergi Lopez, Jan Ham-menecker et Zacharie Chasseriaud.

L’histoire, c’est celle de JC, gardien de prison sans histoire qui ne connaît qu’une passion : le tango. Un jour, il retrouve sa partenaire de danse en visiteuse de prison. Elle vient voir son mari et son amant. JC est fasciné par cette femme libre. Fascination de la vie et de la danse.

www.fiff.be

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Les Arts de la Scène 28

La septantaine passée, notre José van Dam national délaisse sans regret l’art lyrique qui l’a rendu célèbre dans le monde entier pour le théâtre. A l’automne, le « maître de musique » deviendra « Le maître des illu-sions », de Thierry Debroux, dans la pièce du même nom jouée au Théâtre royal du Parc. Une occasion pour lui de retrouver des sensations. Il ira même jusqu’à nous faire quelques tours de magie…

Vous passez aujourd’hui du chant au théâtre, mais vous avez connu auparavant le ciné-ma, avec « Don Giovanni », de Joseph Losey, et « Le maître de musique », de Gérard Cor-biau. Comment ressentez-vous la différence ?

C’est très différent parce que dans le cinéma, il n’y a pas de continuité. On peut tourner la scène 16 avant la 3, puis la 7. Au théâtre, c’est essentiel de faire une progression dans la soirée, d’installer un crescendo, d’aller doucement vers le moment le plus fort. C’est également une obligation dans l’opéra.

Le théâtre, c’est une nouvelle vocation tardive ou juste une parenthèse ?

L’opéra, c’est fini pour moi, à part quelques contrats qui ont été signés il y a deux ou trois ans pour des représentations en Allemagne et à Madrid. C’est un peu une question de ras-le-bol, et beaucoup à cause de jeunes metteurs en scène qui veulent révolutionner l’opéra et qui font des c…neries immenses. Et puis, je suis très content de ma carrière de chanteur. Cela fait cinquante ans que je chante. C’est une belle manière de la terminer.

Justement, si l’on survole votre biographie, on s’aperçoit que vous avez suivi en quelque sorte une voie « royale », tant au propre qu’au figu-ré : Conservatoire royal de Bruxelles, Théâtre royal de la Monnaie, Opéra royal de Wal-lonie et aujourd’hui le Théâtre royal du Parc, sans compter l’ordre de Léopold II et votre titre de baron…

Tiens, c’est vrai, maintenant que vous le dites... Et vous pouvez ajouter quelques re-connaissances impériales ou républicaines… [José a été fait chevalier de la Légion d’hon-neur française en 2011. NDLR]

Vous voyez dans le milieu ly-rique belge des chanteurs qui pourraient suivre votre voie ?

Il y a bien quelques chan-teurs que je connais, mais ce ne sont plus vraiment des jeunes. Parmi les jeunes dont je m’occupe à la Chapelle musicale Reine-Elisabeth, il y a des chanteurs prometteurs, comme Sébastien Parotte [fi-naliste du Concours Reine Eli-sabeth en 2011. NDLR]. Mais il faut dire que les temps ont changé : j’ai grandi dans une période en manque de talents

en Belgique. J’ai d’ailleurs dû quitter le pays quand j’avais vingt ans et je n’y suis revenu qu’à trente-sept ans, à l’invita-tion de Gérard Mortier. Grâce à lui, je me suis produit chaque année à la Monnaie. Se faire un nom en Belgique, ce n’est vrai-ment pas facile, mais je suis fier et heureux d’être belge

Dans « Le maître des illu-sions », vous allez encore chanter. Et tous les soirs, alors qu’à l’opéra, on laisse la voix se reposer ! Comment allez-vous gérer cette difficulté ?

C’est d’abord dans un très bon petit théâtre à l’italienne, avec une excellente acoustique. Donc, pas besoin de pousser la voix. Ensuite, j’ai une partie chantée, et une autre parlée. Enfin, il y a des moments où je chante en coulisses, où il y aura peut-être un micro. Au stade actuel, on ne sait pas encore ce que les techniciens vont décider.

Il y aura aussi quelques tours de magie. Vous devrez en faire ?

Oui. Nous ne pouvons pas di-vulguer les effets d’illusions pour les tours de magie mais ce sera sensationnel pour les

spectateurs. J’espère seule-ment que Pierre Dherte, comé-dien et magicien qui jouera mon fils dans le spectacle [et qui s’occupe des effets d’illu-sion. NDLR], ne va pas me donner des choses trop diffi-ciles à réaliser techniquement. Nous aurons toutefois cinq semaines de répétitions pour nous mettre au point.

Que craignez-vous le plus ?

Je n’ai pas peur. Ca me plaît beaucoup comme nouveau défi, mais si je dois dire quelque chose, ce serait la manipula-tion. Le côté physique, lui, ne me fait pas peur du tout.

Vous avez d’autres projets de théâtre ?

Je n’ai pas vraiment de projets théâtraux. On verra bien… Je fais ce qui me plaît. Je fonc-tionne au coup de cœur. C’est l’avantage de l’âge… Pour l’ins-tant, je suis en relation avec des gens à Paris pour monter un spectacle sur Charlie Cha-plin. Ce n’est pas un spectacle de chant mais j’y chanterai quand même les grands airs que Charlie Chaplin a écrits pour ses films... mais tout cela est encore très vague.

Et votre voix ? Ne craignez-vous pas l’âge où elle pourrait commencer à se fatiguer ?

J’ai la chance que ma voix soit encore assez commerciale. Mais cela requiert des exercices quotidiens, même en vacances. C’est comme en gymnastique, pour garder sa souplesse, il faut travailler tous les jours…

Le plus célèbre des barytons belges, connu dans le monde entier, a fait ses classes au Conservatoire royal de Bruxelles. Lauréat de plusieurs concours prestigieux, il quitte la Belgique et chante dans les plus grands opéras et festivals : Salzbourg, Berlin, Pa-ris, Milan, New York, Vienne… Après quelque temps, il revient à Bruxelles, où il chantera pendant une trentaine d’années au Théâtre royal de la Monnaie.

En 1979, il joue dans Don Giovanni, un film de Joseph Losey. Mais c’est surtout sa prestation dans Le maître de musique, le film de Gérard Corbiau qui a remporté l’Oscar du meilleur film étranger en 1989, qui le fera connaître du grand public.

Parmi ses nombreuses distinctions, citons les Victoires de la mu-sique (trois fois lauréat) et les Grammy Awards (deux fois). Il a également été fait baron par le roi Albert II en 1998.

Après cinquante ans de carrière, il fait ses adieux à l’opéra en 2010, en interprétant Don Quichotte. Il se consacre surtout aujourd’hui à l’enseignement de l’art lyrique aux jeunes espoirs, entre autres à la Chapelle musicale.

© Isabelle De Beir

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29 Les Arts de la Scène BRÈVES OPÉRA

Le New York Metropolitan Opera sur grand écran

Pour la sixième année, le groupe de cinéma Kinepolis propose d’assister en direct à 12 opéras du Metropolitan Opera de New York, diffusés en haute définition sur écran géant. Au pro-gramme : Donizetti, Mozart, Berlioz, Handel, Adès, Wagner, Verdi…

Depuis 2006, le New York Metro-politan Opera conclut un accord de collaboration avec une multitude de cinémas aux quatre coins du globe afin de diffuser ses productions en direct. Mais cela coûte quand même 21 euros pour assister à la retrans-mission du prestigieux opéra, alors que les premiers tickets pour l’opéra à Liège et à Bruxelles, avec des chan-teurs en vrai, sont mis en vente res-pectivement à 12 et 13 euros.

www.kinepolis.be

Anna Netrebko, dans L’Elixir d’Amour,

de Donizetti, qui sera diffusé sur grand écran

à partir du New York Metropolitan Opera

La Chapelle musicaleLa Chapelle musicale Reine Elisabeth est une institution belge d’enseigne-ment supérieur artistique fondée en 1939 par la reine Elisabeth. Elle ac-cueille en résidence à Waterloo une quarantaine de jeunes musiciens, chanteurs et compositeurs. Elle fonde actuellement sa formation sur cinq disciplines : le piano, le violon, le violoncelle, la musique de chambre et le chant, cette dernière section étant dirigée par notre baryton national José van Dam.

KlaraFestival« Knockin’ on Heaven’s Door » (On frappe aux portes du paradis), tel est le titre du programme du KlaraFesti-val 2012 qui démarre en cette fin du mois d’août. Chaque année, le Kla-raFestival propose autour d’un thème de grands concerts de musique dans différentes salles de la capitale (La Monnaie, Bozar, Flagey…). Cette an-née, c’est donc la spiritualité, qu’elle soit évidente – pour des œuvres à caractère religieux – ou implicite.

L’art lyrique y occupe une place im-portante, avec par exemple Das Lied von der Erde de Mahler, ou encore Les noces de Figaro de Mozart.

Du 31 août au 14 septembre, à Bruxelles

www.klarafestival.be

Le Discopéra du jeudiEt si l’apéro se faisait lyrique? C’est la proposition que fait l’Opéra Royal de Wallonie en invitant les amateurs d’art lyrique quelques jeudis à 18h30 dans son Petit Théâtre afin de décou-vrir et redécouvrir une collection de disques exceptionnelle et autant d’extraits, parfois introuvables. Chaque soirée est axée autour d’une œuvre (La Stradella, La belle Hélène, Guillaume Tell, etc.) et animée par le conférencier Michel Béro, producteur d’émissions musicales à Musiq3.

www.operaliege.be

Des chœurs d’enfants à l’opéraEn collaboration avec l’Académie d’Auderghem, la Monnaie a fondé trois chœurs d’enfants et de jeunes, qui comptent au total une centaine d’enfants et sont régulièrement as-sociés aux productions du théâtre: le Chœur préparatoire (7-9 ans), la Maîtrise (9-13 ans), la Choraline (14-18 ans). Chaque année, en fin juin et début septembre, les Chœurs d’en-fants de la Monnaie organisent des auditions.

http://choeursenfantsmonnaie.over-blog.com

La Chapelle Musicale se veut un acteur de la vie musicale et lyrique majeur en Belgique et dans le monde, en créant un lien entre la formation et l’accès à la scène musicale. Elle a éta-bli des liens avec les orchestres, les festivals et les salles de concert, aussi bien sur le plan local qu’à l’étranger (plus de 200 concerts et productions pour ses « étudiants » en 2012).

Elle est également connue pour être la retraite pour les participants au fameux Concours Reine Elisabeth : c’est là qu’ils découvrent et étudient dans un isolement total l’œuvre iné-dite qu’ils devront interpréter lors de leur prestation finale.

Mais au fait, pourquoi une « cha-pelle » ? Parce que la reine Elisabeth était d’origine allemande et qu’en Allemagne, la musikkappelle est la retraite tranquille où l’on étudie la musique.

www.cmre.be

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2013 sera l’année du bicentenaire de la mort du compositeur liégeois André-Modeste Grétry. Cet anniversaire sera l’occasion pour la Cité ardente d’organiser des évènements dignes de ce musi-cien de génie. C’est éga-lement une opportunité pour rappeler ce qu’est cet opéra comique dont il s’était fait une spécialité.

Les Arts de la Scène 30

Il figurait sur nos anciens bil-lets de 1.000 francs, car à son époque, il a certainement été

l’un des Belges les plus connus au monde grâce à son talent. An-dré Grétry a en effet occupé des positions très hautes dans la hié-rarchie musicale de son époque: directeur musical de la reine Ma-rie-Antoinette, il ne fut même pas inquiété pendant la Révolution et reçut de surcroît la Légion d’Hon-neur des mains de Napoléon Bonaparte en 1802. Ses opéras-comiques étaient fort réputés et son autorité grandissante l’ame-na à tenir les plus hauts rangs du Conservatoire de musique en France. Il fut également l’ami de Voltaire.

André Grétry est né à Liège le 11 février 1741. Son père est violo-niste à l’église Saint-Martin, et le jeune Grétry suit difficilement les cours de chant de la paroisse de Saint-Denis. A l’adolescence, il suit des cours de clavecin, mais c’est surtout la musique qu’il va écouter à la Comédie Italienne de Liège qui l’intéresse. Issue de la commedia dell’arte, la comédie italienne mélangeait allègrement le texte et la musique légère. Les comédiens italiens étaient consi-dérés comme une alternative dis-trayante aux comédiens et chan-teurs « officiels » de l’Opéra et de la Comédie-Française.

A dix-neuf ans, il a déjà écrit un motet, une messe et quelques autres pièces lorsqu’il reçoit une bourse pour parfaire son éduca-tion musicale à Rome. Le jeune Grétry est un élève brillant. Il gagne quelques concours et est accepté à la prestigieuse Accade-mia dei Filarmonici de Bologne.

De l’Italie, il déménage en Suisse, à Genève, où il donne des cours de musique et de composition. Il a vingt-cinq ans et fait la connais-sance de Voltaire, qui habite non loin de là. Malheureusement, l’écrivain philosophe ne lui écrira pas de livret pour sa musique, ce qui était l’un de ses grands souhaits. Il contourne l’obstacle et obtient de livret de Favart, un auteur d’opéras et de vaudevilles, sur un récit de Voltaire. Cela de-vient Isabelle et Gertrude, son premier opéra comique

Deux ans plus tard, il s’installe en-fin à Paris, où il a des difficultés à faire accepter ses compositions : on lui reproche de trop grandes influences italiennes. Qu’à cela ne tienne, il crée Le Huron pour la Comédie italienne de Paris, qui est un succès. Et c’est parti pour lui : il crée deux à trois opéras par an, qui sont d’abord donnés devant la cour à Versailles ou Fontaine-bleau, puis à la Comédie italienne. Zémire et Azor, une grandiose co-médie ballet est un tel succès qu’il obtient une rente royale et devient le maître de musique de Marie-Antoinette. Ses œuvres sont alors traduites en plusieurs langues et jouées dans toute l’Europe.

Une chose lui résiste : l’Opéra. Il tente en vain d’y entrer, barré par Gluck qui en est le composi-teur officiel. Grétry continue alors d’écrire pour l’Opéra comique.

La Révolution française, qui au-rait pu le briser puisqu’il béné-ficiait des privilèges de la cour, ne l’inquiète pas. Mieux, il est nommé à l’Institut de France par le Directoire et devient inspecteur du Conservatoire de musique de Paris. En 1802, il reçoit même la Légion d’honneur des mains de Napoléon, après avoir écrit son hymne Eloge à Bonaparte.

Il termine enfin ses jours à Montmorency, dans l’ancienne demeure de Jean-Jacques Rous-seau, où il décède, le 24 sep-tembre 1813. Suivant ses volon-tés, il est enterré au cimetière du Père-Lachaise, mais son cœur est rapatrié dans sa ville natale après de longs procès. Cette re-lique est déposée dans une urne, toujours visible dans une niche du socle de sa statue en bronze, en face de l’Opéra Royal de Wallonie.

L’année Grétry sera l’occasion de nombreux hommages. La Ville de Liège produira et réalisera de nombreux projets sous la forme de concerts et d’un spectacle. Elle mettra aussi en valeur les collec-tions du Musée Grétry, point d’an-crage de l’année anniversaire.

www.gretry2013.be

« Il est jeune, il a l’air pâle, blême, souffrant, tourmenté,

tous les symptômes d’un homme de génie. »

Baron Grimm, diplomate et homme de lettre

« La Cour a dénigré tes chants dont Paris a dit des merveilles Grétry, les oreilles des grands

sont souvent de grandes oreilles »

Voltaire

« Sa musique [...] paraît se plier à tous les caractères,

mais elle semble faite surtout pour le pathétique. »

Le Mercure de France

Le vocabulaire français étant le seul à avoir adopté l’expres-sion « opéra-comique » pour désigner une forme de théâtre lyrique où les dialogues par-lés alternent avec les scènes chantées, ce terme devrait s’appliquer à des œuvres aus-si différentes que Fidelio, de Beethoven, et Carmen, de Bi-zet. En fait, la grande période de l’opéra-comique français proprement dit est la seconde moitié du XVIIIe siècle et le premier tiers du XIXe. Une de ses origines est la comédie mêlée de chants (opéra-co-mique en vaudevilles) qu’à partir de 1715 présentent le théâtre de la Foire et son rival le Nouveau Théâtre italien, et à laquelle s’intéresse une bonne partie du public parisien, lassé par les formules un peu guin-dées de l’opéra traditionnel. (Encyclopédie Universalis)

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