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© IStock/Getty Images DANS L’ACTU P.2 • RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE : PREMIÈRES MESURES • INTERVIEW : SYLVAIN MATHIEU, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL POUR L'HÉBERGEMENT ET L'ACCÈS AU LOGEMENT FOCUS P.5 • TERRITORIALISER L’ACTION SOCIALE DROIT P.18 • FORMALITÉS ADMINISTRATIVES : PASSER LE SEUIL SANS PRENDRE LA PORTE POPSU P.20 • PORTER LE PROJET MÉTROPOLITAIN FINANCES P.22 • INTERVIEW : ALAIN RICHARD, SÉNATEUR DU VAL-D'OISE TERRITOIRES P.23 • GASPILLAGE ALIMENTAIRE ET RÉEMPLOI : LES TERRITOIRES AGISSENT DOSSIER État-collectivités : le chamboule-tout financier P.10 Mars 2018 • N° 228 Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 E

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DANS L’ACTU P.2• RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE :

PREMIÈRES MESURES• INTERVIEW : SYLVAIN MATHIEU, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL

POUR L'HÉBERGEMENT ET L'ACCÈS AU LOGEMENT

FOCUS P.5• TERRITORIALISER L’ACTION SOCIALE

DROIT P.18• FORMALITÉS ADMINISTRATIVES :

PASSER LE SEUIL SANS PRENDRE LA PORTE

POPSU P.20• PORTER LE PROJET MÉTROPOLITAIN

FINANCES P.22• INTERVIEW : ALAIN RICHARD,

SÉNATEUR DU VAL-D'OISE

TERRITOIRES P.23• GASPILLAGE ALIMENTAIRE ET RÉEMPLOI :

LES TERRITOIRES AGISSENT

DOSSIER

État-collectivités : le chamboule-tout financier

P.10

Mars 2018 • N° 228 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E

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Coconstruire une nouvelle méthodeNos collectivités ont fortement souffert des ponctions budgétaires des dernières années. Chacun en a désormais conscience : il n’y a plus de gras sur les muscles. Et parfois même plus guère de muscles sur les os. La Cour des comptes a confirmé que c’est le secteur public local qui a porté, en France, le principal effort d’économie du quinquennat précédent. La décision de mettre un terme aux baisses de dotations doit être ainsi comprise comme la juste contrepartie des efforts de gestion déjà fournis. Pourtant, d’autres efforts nous sont demandés, au travers d'une maîtrise rigoureuse de l’évolution de nos dépenses de fonctionnement. Les objectifs fixés restent assurément très contraignants, surtout en cas de reprise de l’inflation.

Mais ce qui change tout, c’est que ces efforts seront mis en œuvre via un contrat négocié, une analyse individualisée des situations, une prise en compte des dépenses contraintes qui nous sont trop souvent imposées. La période des ponctions budgétaires massives décidées unilatéralement par l’État est, espérons-le, un mauvais souvenir.La nouvelle contractualisation qui s’engage au cours du mois de mars avec les plus grandes collectivités, mais aussi avec les volontaires, peut dessiner une transformation profonde des relations financières entre l’État et les pouvoirs locaux. Elle va modifier nombre de nos habitudes, de part et d’autre de la table.Nous allons pouvoir objectiver les données chiffrées et nous doter d’outils comptables, plus analytiques, pour parler le même langage. Nous allons également mieux isoler la part des dépenses « arbitrables » localement, de celle qui tient désormais à des décisions qui nous sont imposées. Beaucoup de questions se posent encore, mais aucune n’est techniquement insurmontable. Le dialogue avec l’État doit nous permettre de proposer nos réponses. Et d’être entendus.Nous avons depuis longtemps plaidé pour cette approche contractuelle contre la technique du rabot. Il faut maintenant lui donner ses chances de réussir et coconstruire une nouvelle méthode. La maturité de la décentralisation est à ce prix. Il faudra juger au résultat. Et surtout vérifier, de manière concrète dans nos territoires, si l’objectif assigné à chacun est équitable, soutenable et matériellement applicable. Nous devrons y veiller.

Si certaines mesures étaient déjà évoquées depuis plusieurs mois, le comité interministériel de la transformation publique du 1er février marque le vrai coup d’envoi de la réforme de la fonction publique avec l’annonce de premières décisions. Parmi les plus emblématiques : un recours élargi aux contractuels.

L e Gouvernement veut aller vite, comme l’atteste le premier train de mesures annoncé lors du comité interministériel de la transformation publique

(CITP) du 1er févier, en présence de pas moins de quinze ministres. Mais ce n’est qu’un hors-d’œuvre, sachant qu’un second comité interministériel se tiendra en avril pour « arrêter et annoncer la feuille de route de la transforma-tion de l’action publique », selon les termes du Premier ministre. Avec le programme Action Publique 2022 lancé en octobre dernier, il s’agit, selon lui, de « réfléchir sans totems, sans tabous au rôle de l’État et de la sphère publique dans la France du XXIe siècle ». L’objectif affiché est « d’améliorer les conditions de travail des agents » mais aussi de « faire des économies ».

« Un nouveau contrat social »Jugeant le statut de la fonction publique « trop rigide », Édouard Philippe a insisté sur « l’impératif de donner davantage de souplesse à la gestion des ressources humaines dans l’administration ». Il défend un pilotage des services publics « par la performance, les résul-tats et la qualité ». Les premières décisions arrêtées le 1er février concernent avant tout les agents publics, le Gouvernement plaidant pour « un nouveau contrat social » avec eux. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Une concertation, menée par le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, et son secré-taire d’État Olivier Dussopt, doit aboutir à « un cadre renouvelé ». Face à des « règles sédimentées » et une « application rigidifiée », le Premier ministre a ouvert plusieurs axes de travail.

Refonte de la politique de rémunérationIl souhaite « mieux récompenser le mérite individuel, l’im-plication et les résultats » des agents. L’objectif d’aboutir à « une rémunération plus individualisée » passerait donc par une part « liée au mérite et à l’atteinte de résultats individuels et collectifs ». Il s’agit de « sortir du débat sur l’augmentation du pouvoir d’achat généralisé par le point d’indice », a indiqué Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics.

Le Gouvernement prône aussi un « dialogue social plus fluide et recentré sur les enjeux les plus importants ». La solution : réduire et renforcer les instances représenta-tives, au nombre aujourd’hui de 22 000 !

Extension du recours aux contractuelsParmi les annonces fortes du CITP : l’élargissement du recours au contrat pour « donner davantage de souplesse dans les recrutements », notamment pour « les métiers ne relevant pas d’une spécificité propre au service public ». Le Gouvernement pense notamment au numérique, sachant qu’il a été rappelé l’objectif au 1er janvier 2022 de rendre tous les services publics accessibles en ligne. Sont également visées les missions particulières limi-tées à quelques années. Rappelant que dans la fonction publique territoriale, 57 % des nouveaux arrivants sont des contractuels, l’association des DRH des grandes collec-tivités plaide pour créer « des contrats de mission limités dans le temps et pour certaines activités spécifiques, notamment pour accompagner les transformations ».Pour « un accompagnement renforcé en matière d’évo-lution de carrière » liée aux transformations en cours (numérique, attentes nouvelles des citoyens…), le Gouvernement propose des reconversions sous forme de mobilités au sein des fonctions publiques ou de départs vers le secteur privé. À cette fin, un plan de formation important sera mis en œuvre.

Levée de boucliers des syndicatsMalgré les promesses d’Édouard Philippe de prendre « le temps du dialogue », les organisations syndicales ont très mal accueilli ces annonces. En termes plus ou moins virulents, toutes ont dénoncé « une attaque frontale » contre la fonction publique et le statut. Pour sa part, Philippe Laurent, le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), s’est voulu rassu-rant en indiquant que « les annonces du Gouvernement visent essentiellement la fonction publique d'État. La FPT fonctionne de manière plus souple et plus adaptable ».

Philippe Pottiée-Sperry

Réforme de la fonction publique : premières mesures

Les premières décisions arrêtées le 1er février concernent avant tout les agents publics

Le Gouvernement veut donner plus de souplesse à la gestion des ressources humaines dans l’administration

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« Le dialogue avec l’État doit nous permettre de proposer nos réponses. Et d’être entendus. »

Jean-Luc Rigaut président de l’AdCF

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En brefCouverture mobile : un accord « historique »L’Arcep, les opérateurs de téléphonie mobile et le Gouvernement ont signé courant janvier un accord jugé « historique » pour généraliser

une couverture mobile de qualité sur l’ensemble du territoire. Plusieurs associations de collectivités (Avicca, AMRF, Anem) se sont félicitées de cet accord et de la volonté de l’État de les associer étroitement à la mise en œuvre du dispositif. Elles restent néanmoins « vigilantes » sur la priorisation concertée des déploiements ou le calendrier d’exécution des nouvelles obligations. Ces dernières seront transcrites en 2018 dans les autorisations d’utilisation de fréquences des opérateurs, avec un caractère contraignant et des sanctions de l’Arcep en cas de non-respect. L’accord confie aux opérateurs le financement et la réalisation de la couverture mobile redéfinie par les licences. Il va se traduire au travers d’un avenant et d’obligations que l’Arcep rattachera au renouvellement anticipé des licences.

Une charte pour lutter contre les déserts médicauxUne trentaine d'organisations professionnelles de santé (médecins, infirmiers, sages-femmes, étudiants, etc.) ont signé le 6 février avec l'État

une charte pour lutter contre les déserts médicaux. Il s’agit d’un « engagement symbolique » pour consacrer la « res-ponsabilité territoriale » de chacun, a estimé la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Cette charte reprend les grandes lignes du plan présenté par le Gouvernement en octobre dernier, voulant développer la télémédecine, la coopération entre les professionnels de santé ou l’installation de maisons de santé. Par ailleurs, quelques jours avant cette réunion, neuf organi-sations de médecins libéraux, de jeunes médecins, d'internes et d'étudiants ont formulé plusieurs propositions visant « une solidarité intergénérationnelle pour répondre au mieux à la demande de soins ».

Révision constitutionnelle : deux « missions flash »La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale a créé, le 7 février, deux « missions flash » dans

la perspective de la prochaine révision constitutionnelle. La première mission, confiée au président de la Délégation, Jean-René Cazeneuve, et à Arnaud Vialia, député de l'Aveyron, porte sur l’expérimentation et la différenciation territoriale. La seconde, ayant pour rapporteurs Christophe Jerretie et Charles de Courson, s’intéresse à l’autonomie financière des collectivités territoriales. Les conclusions des deux missions, assorties de recommandations, seront présentées à la mi-avril.

Infrastructures de transport : quel scénario sera retenu ?Un panorama complet des projets d’infrastructures ferrées, routières et fluviales avec leurs stratégies de développement : tel est l’objet du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron et intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l’avenir », qui a été remis le 1er février à la ministre des Transports Elisabeth Borne. En prolongement des Assises de la mobilité, il propose trois grands scénarios de financement des infrastructures de transport. Le rapport détaille, selon les moyens consacrés, quels investissements il serait possible de réaliser et à quel rythme. Il identifie aussi des priorités fortes, pour chaque scénario, comme l’entretien et la modernisation des réseaux existants, le traitement des nœuds ferroviaires ou l’amélioration de la desserte routière des territoires les plus enclavés.

De 48 à 80 Md€ en vingt ansLe scénario 1 ne prévoit pas de ressources supplémen-taires et se limite donc aux 48 Md€ prévus en vingt ans pour l’Agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF). Le scénario 2 mobilise 60 Md€ en vingt ans pour l’AFITF en affectant 600 M€ supplémentaires par an par rapport au scénario 1 dès 2019 et pour les vingt prochaines années, à partir de recettes existantes ou nouvelles à créer. Le scénario 3 accélère les projets du scénario 2 pour mieux répondre aux attentes des territoires en mobilisant 80 Md€ en

vingt ans pour l’AFITF. Cela signifie un budget de 3,5 Md€/an d’ici 2022, puis de 4,4 Md€/an durant dix ans et de 4 Md€/an ensuite.Des concertations ont lieu à présent avec les présidents de région, les associations de collectivités et d’usa-gers, mais aussi les ONG. Le scénario qui sera retenu par le Gouvernement constituera la base du volet programmation et financement des infrastructures du projet de loi d’orientation des mobilités qui sera présenté en conseil des ministres en avril.

Philippe Pottiée-Sperry

Le rapport propose trois scénarios de financement des infrastructures de transport. / © IStock/Getty Images

La Cour des comptes sceptique sur la réduction du déficit publicComme à chaque exercice, le rapport annuel de la Cour des comptes, publié le 7 février, n’est pas tendre. Tout en se félicitant de la réduction du déficit public (prévision de 2,9 % pour 2017), il l’explique surtout par l’amélioration de la conjoncture. Les magistrats financiers appellent donc à une amélioration des finances publiques « structurelle et durable ». Face à un déficit programmé de 2,8 % en 2018, ils jugent l’effort insuffisant, sachant que la France va continuer « de connaître une situation plus dégradée que celle de la quasi-totalité de ses partenaires européens ».« La réduction du déficit suppose un ralen-tissement de la dépense publique qui n’est pas garanti, estime la Cour des comptes. La prévision de dépenses des collectivités locales, notamment, suppose une baisse en volume de leurs dépenses de fonctionnement, alors même que la pression qu’avait fait peser sur celles-ci la baisse des concours financiers de l’État aura disparu ». En clair, elle considère que la loi de finances pour 2018 sous-estime les dépenses d’investissement et de fonc-tionnement des collectivités.

Une hypothèse de croissance jugée trop optimisteEn ligne de mire également, la loi de programmation des finances publiques dont l’objectif ne permettrait pas de « réduire le déficit structurel à hauteur de ce que supposerait le respect des engagements européens de la France ». La Cour juge « peu vraisemblable » la

réalisation d’excédents de plus en plus élevés pour les collectivités que permettrait le dispositif de contrac-tualisation avec les plus grandes d’entre elles. La pru-dence reste aussi de mise sur la trajectoire 2018-2022 construite sur une hypothèse de croissance jugée trop optimiste. Pour les collectivités, « les cibles prévues pour les dépenses de fonctionnement et les excédents apparaissent très ambitieuses, à un niveau jamais observé dans les cinquante dernières années ».

Comme chaque année, le rapport de la Cour des comptes comporte aussi des volets particuliers. Sur la sortie des emprunts à risque des collectivités, l’exercice a été « mené à bien mais à un coût élevé pour les finances publiques » : près de trois mil-liards d’euros dont les deux tiers à la charge des collectivités. Autre chapitre : les piscines publiques. Les jugeant trop nombreuses, mal réparties sur le territoire, vétustes et ne répondant souvent plus aux normes en vigueur, la Cour dresse un constat sévère. Elle plaide pour transférer le plus possible les piscines et les centres aquatiques communaux aux intercommunalités.

Philippe Pottiée-Sperry

La loi de finances sous-estime les dépenses d’investissement et de fonctionnement des collectivités

Le scénario retenu fera partie du projet de loi d’orientation des mobilités

Il l’a dit...

« Une quinzaine de territoires sont concernés par des dépassements réguliers des pics de pollution, conséquences de nos choix passés en termes d’aménagement du territoire, de politique énergétique ou de transports. Nous devons absolument inverser cette tendance rapidement, pour que chaque Français respire un air sain »

Nicolas Hulot,ministre de la Transition écologique et solidaire.

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www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

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Plan Logement d’abord : « Une dynamique innovante d’investissement social »

Alors que le Gouvernement lance un plan pour « le logement d’abord », quels sont les enjeux de l’accès au logement en France, et quel rôle sont invitées à y jouer les communautés et métropoles ? Parole à Sylvain Mathieu, délégué interministériel, au premier plan de cette politique.

Le Gouvernement lance un grand Plan quinquennal pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme. De quoi s’agit-il ?Durant la campagne présidentielle à l'oc-casion de la remise par la fondation Abbé Pierre de son 22e rapport sur « L'état du mal-logement en France », le président de la République, Emmanuel Macron, avait dit son souhait de changer de stratégie dans la réponse au sans-abrisme en s'enga-geant à lancer un plan quin-quennal pour « le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme ». En effet, malgré l’action déterminée des acteurs (passage de 82 000 à 125 000 places ouvertes, doublement des places destinées aux demandeurs d’asile et augmentation de 50 % des crédits entre 2012 et 2016), les dispositifs d’hébergement d’ur-gence restent saturés et peinent à jouer leur rôle de tremplin vers le logement.Le plan vise donc à orienter rapidement les personnes sans domicile de l’hébergement vers un logement durable grâce à un accom-pagnement adapté, modulable et pluridisci-plinaire. Le « Logement d’abord » insiste sur le logement comme condition première à l’insertion et met en valeur les compétences des personnes. Cette approche a été validée par de multiples expérimentations dans les pays scandinaves et anglosaxons. Elle est déjà au cœur du dispositif « Un chez-soi d’abord » qui s’adresse spécifiquement aux personnes en situation de grande exclusion présentant des troubles psychiques, avec d'excellents résultats. C'est une dynamique innovante d’investissement social qui sort de la gestion en urgence, souvent dénoncée pour ses effets négatifs sur les personnes et sur les finances publiques.La politique du «  Logement d’abord  » s’inscrit dans une double temporalité : une réponse rapide aux situations de détresse puis des solutions de logement ordinaire ou adapté, dignes et pérennes pour les per-sonnes en difficulté. Cela suppose d'amélio-rer les capacités de sortie de l'hébergement. Des objectifs ambitieux ont été annoncés par le président de la République, avec la production de 40 000 logements très sociaux par an dès 2018, l’ouverture sur cinq ans de 10 000 places en pensions de famille pour les personnes isolées en situa-tion d’exclusion et la création sur la même période de 40 000 places supplémentaires principalement dans le parc locatif privé, via les dispositifs d’intermédiation locative.

D’autres dispositifs d’envergure ont déjà existé sur ce thème. En quoi ce plan est-il nouveau ?On ne part pas d'une feuille blanche. Il y a de nombreux exemples internationaux dans les pays scandinaves mais aussi au Canada

et aux États-Unis. Une expérience française très importante et suivie internationale-ment, le « Chez-Soi d'abord », a démon-tré la validité de l'approche « Logement d'abord ». Il faut rappeler une première tentative lancée par Benoist Apparu en 2009. Les principes sont les mêmes et nous bénéficions de ce qui s'est fait avec la créa-

tion des services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SIAO) et d'autres outils, qui ont préparé les esprits à ce change-ment. Grâce à ces initiatives, nous avons une réponse plus structurée qu'en 2009 avec une méthode différente, impliquant un travail plus approfondi avec les terri-toires et notamment les intercommunalités. Je constate qu'il existe aujourd'hui une volonté partagée entre l’État, les territoires, les acteurs et opérateurs de l'hébergement et du logement, de changer d'échelle par rapport aux expérimentations et de mettre en place un nouveau modèle. Les esprits sont mûrs.

Comment les intercommunalités sont-elles invitées à y participer et aidées dans la mise en œuvre des dispositifs proposés ?Le plan est d'abord un plan territorial. Il s'appuie sur l'expérience des territoires, leur capacité à analyser finement leurs contextes locaux et à proposer des solutions souples et adaptées. Il a été décidé de lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) visant à choisir 15 territoires de mise en œuvre accélérée du plan « Logement d'abord ». Les collectivités seront chefs de file d'un partenariat large. 31 candidatures, dont certaines émanant de groupes de col-lectivités, ont été reçues. Les premières lettres d'intention montrent que ce sont

très majoritairement des intercommuna-lités qui se positionnent. Une enveloppe de 10 M€ est prévue pour les territoires qui seront retenus dont 3M€ pour l’appui à l’ingénierie, le renforcement d’actions innovantes, l’observation sociale, le suivi et l’évaluation ainsi que la communica-tion, et 7 M€ de mesures nouvelles sur le

programme 177 pour le développement du logement adapté et accompagné. Mais il ne faut pas oublier les centaines de millions de crédits de droit commun qui vont servir de support à ces territoires. La Dihal soutient bien évidemment les territoires candidats avec les services de l'État au niveau local, en lien étroit avec les directions de la Cohésion sociale (DGCS) et de l’Habitat, de l’Urba-nisme et des Paysages (DHUP).

Quel bilan peut-on faire des actions déjà entreprises par les collectivités en matière d’hébergement et d’accès au logement des plus démunis ?On constate aujourd'hui une forte montée en compétence des intercommunalités sur le champ du social, notamment les métropoles qui prennent la délégation du Fonds solidarité logement (FSL), travaillent souvent avec les communes au dévelop-pement des centres intercommunaux d'action sociale (Cias) et sont très actives dans le cadre des conférences intercom-munales du logement. Si les initiatives intercommunales sont nombreuses, il n'y a sans doute pas assez de capitalisation. C'est l'un des objectifs de l'AMI : identifier, valoriser et capitaliser sur les pratiques des collectivités, qui vont parfois au delà de leurs compétences obligatoires. Toutefois, l'hébergement reste une compétence de l’État. L'esprit est de travailler à la coor-dination des acteurs afin de permettre une orientation rapide avec un accom-pagnement adapté des personnes vers le

logement. Les maires le savent bien, ils sont les premiers interpellés sur ces questions.

Comment inscrire durablement la question du sans-abrisme dans les politiques locales de l’habitat des collectivités ?Le mouvement est déjà entamé : l'héberge-ment est pris en compte dans les documents stratégiques et opérationnels qui se déve-loppent sur les territoires. L'accès au loge-ment social des publics prioritaires est un sujet quasi quotidien pour les responsables locaux. Je vois aussi la montée en compé-tence sur le social et il sera intéressant de voir comment les métropoles s'emparent de la question de l'accompagnement, alors

qu'elles sont plus tournées vers l'habitat. Les solutions passent nécessairement - dans le respect des compétences de chacun - par une impulsion nationale, un soutien de l’État pour une approche territorialisée portée par les acteurs locaux. C'est dans le partenariat et l'action locale que nous réussirons et c'est bien l'esprit du « Logement d'abord ».

Propos recueillis par la rédaction

Sylvain MathieuDélégué interministériel pour l’Hébergement et l’Accès au logement (Dihal)

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Le « Logement d’abord » insiste sur le logement comme condition première à l’insertion

Il existe une volonté partagée entre l’État, les territoires, les acteurs de mettre en place un nouveau modèle

Si les initiatives intercommunales sont nombreuses, il n'y a sans doute pas assez de capitalisation

Le plan Logement d'abord vise à orienter rapidement les personnes sans domicile de l'hébergement vers un logement durable grâce à un accompagnement adapté, modulable et pluridisciplinaire. / © IStock/Getty Images

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

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Territorialiser l’action socialeLe champ de l’action sociale apparaît de plus en plus investi par les communautés et métropoles. Divers et protéiforme, il irrigue de façon contrastée les politiques locales : l’heure n’est pas à la mise en œuvre d’une compétence unique d’une collectivité à l’autre, mais bien au déploiement d’actions multiples et territorialisées, qui répondent aux besoins du territoire et au projet intercommunal. Ce focus revient sur l’évolution de la compétence action sociale, sur sa territorialisation, et illustre le champ des possibles par des retours d’expérience. Il donne également la parole à la Caisse nationale des allocations familiales, dont les Caf départementales constituent des interlocuteurs de premier plan pour les communautés.

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De la compétence action sociale au projet de développement socialApparue timidement à l’origine, l’action sociale intercommunale s’est profondément diversifiée depuis quelques années et étendue à l’ensemble des territoires. Elle prend aujourd’hui une dimension transversale dans le projet de territoire, en combinant de nombreuses politiques publiques au service d’un développement social intégré.

A lors qu’elle se développait de manière soutenue avant la mise en œuvre de la loi NOTRe et des fusions

de 2016-2017, la montée en compétence des communautés dans les domaines de l’action sociale semble marquer le pas. Les élargissements de périmètres des der-niers mois ont un peu partout réinterrogé la subsidiarité et la répartition des rôles entre communautés et communes. Dans de nombreux territoires, le nouveau format de l’intercommunalité semble moins adapté à la gestion des services et équipements de proximité, notamment l’accueil de la petite enfance, le portage de repas ou l’ancien centre intercommunal d’action sociale. Ici et là, des restitutions de compétences aux communes sont en débat, même s’il s’avère, en pratique, très difficile de re-municipaliser des services locaux qui ont été, le plus souvent, créés ex nihilo par l’intercommunalité.En effet, ce sont très fréquemment les communautés qui ont permis l’émer-gence, notamment dans les secteurs ruraux ou périurbains, des accueils de la petite enfance ou des services structurés en direction des personnes âgées. Intensifs en main-d’œuvre, ces nouveaux services mutualisés ont expliqué pour une part l’accroissement des effectifs des intercom-munalités, en dehors de tout transfert. Dans d’autres territoires, l’intercommunalité avait permis l’extension au bassin de vie du

service porté par le bourg-centre ou la ville principale. Dans tous ces cas, la restitution aux communes apparaît matériellement délicate, sans fermer brutalement l’accès du service à certains habitants. Le choix le plus classique est de recourir à la défi-nition de l’intérêt communautaire pour préserver l’existant, en acceptant une cer-taine géométrie variable des compétences d’action sociale : là où les communes n’ont pas la capacité de le faire, la communauté assume le financement et l’organisation des services, qui demeurent de responsabilité municipale ailleurs. Cette intercommu-nalité sociale « à la carte » est fréquente dans les communautés issues d’une fusion impliquant des communautés rurales et une communauté d’agglomération.

Une conception plus transversaleEn 2010 et 2015, deux enquêtes de l’AdCF révélaient que les compétences sociales

intercommunales étaient proportionnel-lement plus développées dans les espaces ruraux que dans les secteurs urbains. Plus

exactement, il apparaissait que l’interven-tion sociale des communautés d’aggloméra-tion ou urbaines ne résultait pas tant d’une compétence d’action sociale proprement dite que d’autres compétences thématiques telles que la politique de l’habitat ou la poli-tique de la ville. Ce n’est donc pas par les mêmes entrées que s’est opérée la montée en puissance des communautés en matière de développement social. Au demeurant, le nouveau profil « urbano-rural » d’un grand nombre de communautés assure une cer-taine convergence des anciens modèles. Le déploiement des centres intercommunaux d’action sociale entre en synergie avec les autres politiques publiques telles que la lutte contre la précarité énergétique ou l’habitat indigne.Corédigé par Loïc Cauret et Antoine Chéreau, respectivement présidents des communautés de Lamballe (Côtes-d’Armor) et de Montaigu (Vendée), un rapport remis

en 2015 par l’AdCF aux anciennes ministres Marylise Lebranchu et Marisol Touraine insistait sur la néces-sité d’enrichir le volet « cohésion sociale » des projets de territoire et de proposer une concep-

tion plus transversale du développement social. Très centrées à l’origine sur des publics particuliers (une action sociale

dite « populationnelle »), les compétences intercommunales doivent aujourd’hui être réexaminées à l’aune de la cohésion, mobi-

lisant aussi bien le logement, les mobilités, l’environnement, l’économie et l’emploi, la culture et l’éducation, la sécurité publique et la prévention, la santé, l’inclusion numé-rique… Les grands financeurs de l’action sociale que sont les conseils départemen-taux, les agences de l’État, les caisses natio-nales des allocations familiales (Cnaf) et de l’assurance vieillesse (Cnav)… sont en attente d’une intercommunalité forte, plus engagée dans le développement social et l’émergence de dynamiques territoriales nouvelles.La question de l’action sociale intercom-munale ne se pose plus tant en termes de transfert de compétences. Tout en lais-sant place à la plus grande subsidiarité dans l ’organisation des services et des équipements, l’enjeu est aujourd’hui de reformuler l’action sociale elle-même en la réinterrogeant dans le cadre du projet de territoire.

La rédaction

Ce n’est pas par les mêmes entrées que s’est opérée la montée en puissance des communautés en matière de développement social

Les grands financeurs de l’action sociale sont en attente d’une intercommunalité forte

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Territorialisation de l’action sociale intercommunale : solutions et limitesAlors que la demande de proximité émaille régulièrement le débat public autour des collectivités locales, la territorialisation apparaît comme une réponse apparemment appropriée à l’action sociale, qui vise à aider des publics fragiles. Entre ce qu’elle encadre et ce qu’elle n’interdit pas, la loi offre une palette de solutions qui permettent d’adapter les organisations aux besoins.

D epuis que les communautés ont vu leur périmètre s’agrandir signifi-cativement, notamment lors des

fusions intervenues en 2013, 2014 et 2017, des volontés de territorialisation sont fréquemment exprimées. L’action sociale intercommunale n’échappe pas à cette tendance. Cette trajectoire peut surprendre la doctrine qui a construit les communautés sur un modèle intégré, au contraire des syndicats qui peuvent fonc-tionner à la carte. Mais sur le terrain, l’idée a de quoi séduire en vue d’amortir les changements occasionnés par l’élargissement des périmètres. L’action sociale est particulièrement concernée : comment favoriser le dévelop-pement social d’un territoire en portant des services à la personne, tout en tenant compte des capacités de la nouvelle intercommunalité ? Encore faut-il bien identifier ce que l’on entend par « terri-torialisation ». Trois sujets peuvent en être l’objet : le domaine de compétence de la communauté ; l’organisation de ses services ; son organisation politique.

La territorialisation des compétencesLa territorialisation se manifeste le plus fortement lorsqu’elle s’applique au contour de la compétence exercée par la commu-nauté, dont l’intervention est exclue au delà. La définition de l’intérêt communautaire attaché à la compétence d’action sociale permet de ne retenir qu’une partie des mis-sions dans le giron de la communauté, le reste relevant des communes. Par exemple, l’intercommunalité n’est compétente qu’en matière de petite enfance et n’intervient de fait que sur une partie des communes membres, selon la localisation des crèches et des besoins.Parfois, la ligne de partage est aussi placée en fonction de secteurs de la communauté, voire de certaines communes précisément nommées. Dans l’idéal, la sectorisation correspond alors à des réalités pour les-quelles la solidarité intercommunale est mobilisée : ainsi en serait-il du portage de repas à domicile dans les communes peu équipées et celles classées « zones de montagne » où les distances sont longues. En revanche, le bien-fondé de ce type de territorialisation peut être interrogé en l’absence de différences objectives entre les habitants, car une personne publique doit respecter l’égalité devant le service public des usagers se trouvant dans des situations comparables. Dans ce cas, il peut s’agir d’une transition à la suite d’une fusion, mais non d’une solution à terme.

La territorialisation des services via la mutualisationTenue d’harmoniser les compétences héri-tées de la fusion, une communauté concer-née peut restituer la compétence action sociale aux communes si sa généralisation

n’est pas souhaitée. Cela risque de s’avé-rer délicat pour les communes qui avaient transféré la compétence jusqu’alors. Pour les accompagner, la communauté peut porter à leur attention un service commun, c’est-à-dire un service mutualisé en dehors des compétences transférées à géométrie variable. Mais le temps nécessaire à sa mise en œuvre (définition des missions, des moyens et du remboursement, transferts d’agents) en rebute certains, tout comme la

question de sa pérennité : comment orga-niser le service et y affecter des agents à long terme alors que ce service dépend de l’adhésion volontaire des communes ?Des alternatives existent dans la boîte à outils du Code général des collectivités territoriales. Un service unifié peut être mis en place par les communes, qui se rap-prochent ainsi pour exercer en commun la compétence. À la différence du service commun, la communauté n’est pas impli-quée. La création d’un syndicat de com-munes infracommunautaire est également possible. Non contrainte par le schéma départemental de coopération intercom-munale dans le champ social et scolaire, cette création est à l’origine d’une nouvelle structure administrative. Ces trois schémas sont également applicables si la compétence action sociale n'a pas été transférée à la communauté.

La territorialisation des services sur la communautéLa territorialisation des services est égale-ment envisageable lorsque la communauté est compétente. Elle repose avant tout sur des choix d’organisation propres à chaque collectivité, la loi n’ayant pas prévu de règles particulières. La territorialisation peut être établie sur un schéma déconcentré visant un accès égal aux services sur les différents sites : ce sont les « antennes » ou « pôles de proximité » organisés pour répondre aux besoins de la même manière qu’au siège de la communauté. À l’inverse, la territorialisation peut montrer un visage asymétrique : les sites occupés par la com-munauté n’accueillent pas les mêmes ser-vices – souvent en héritage d’une fusion

passée – ou le service d’action sociale est implanté dans un bâtiment distinct, jugé mieux situé pour l’accueil des usagers que

le siège, qui héberge les autres services.Plusieurs questions viennent habituelle-ment alimenter les réflexions pour cali-brer la territorialisation souhaitée : doit-on assurer les mêmes prestations partout ? Faut-il accueillir les usagers dans les mêmes conditions d’un site à l’autre ? Comment veiller à la cohésion entre les agents des différents sites ? Au delà des services stricto sensu, le rôle de certaines structures auto-nomes ou indépendantes dans le champ de l’action sociale intercommunale aboutit parfois à une forme de territorialisation. Ceci s’observe déjà dans le cas de centres intercommunaux d’action sociale (Cias) organisés par antennes. C’est encore plus perceptible dans le maillage des associa-tions et des centres sociaux avec lesquels la communauté conventionne. Cette dernière aura à cœur de veiller au bon usage des deniers publics et de ne pas contrevenir à l’indépendance des associations.

La territorialisation politiqueRestent les cas de territorialisation de la décision politique. Là encore, aucune dispo-

sition légale ne vient l’encadrer, même si une proposition de loi enregistrée le 5 juillet 2016 par les sénateurs Philippe Bas et Mathieu Darnaud l’envisage sur le modèle de pôles territoriaux dotés de leurs propres conseils. À l’heure où sont rédigées ces

lignes, la souplesse se constate d’un terri-toire à l’autre. La territorialisation des ser-vices ne s’accompagne pas nécessairement

d’une territorialisation politique. Quand cette dernière existe, elle peut aussi bien s’ancrer dans une organisation infracom-munautaire fondée sur des conseils de ter-ritoire, que se limiter à la seule politique

d’action sociale. Elle est alors généralement débattue au sein de commissions théma-tiques sectorisées et ouvertes, le cas échéant, aux conseillers municipaux ne siégeant pas à la communauté. Territorialiser, c’est également chercher à impliquer.

Simon Mauroux

Territoires Conseils (Caisse des dépôts) propose trois guides sur le devenir de

structures intervenant en matière d’action sociale à l’occasion des fusions de com-munautés :• Fusion d’EPCI : le devenir des centres sociaux intercommunaux agréés CAF, mai 2016• Fusion d’EPCI : le devenir des Cias et des compétences intercommunales d’action sociale, juillet 2016• Fusion des EPCI : le devenir des établisse-ments d’accueil pour jeunes enfants (EAJE), décembre 2017

Territorialiser via l’intérêt communautaire attaché à l’action sociale

La territorialisation des services peut présenter un visage asymétrique

Territorialiser, c’est également chercher à impliquer

Une personne publique doit respecter l'égalité devant le service public des usagers se trouvant dans des situations comparables. / © IStock/Getty Images

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

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Téléchargez le projet de ter-ritoire de l’agglomération sur

www.ca-pso.fr/projet-territoire/

Le nouveau Cias ne remet pas en cause les CCAS

Harmonisation de l’organisation du travail, territorialisation des points d’accès

La Capso accompagne les primo-accédants avec une aide qui peut être abondée par les communes

Des guichets uniques maillent l'ensemble du territoire. / © DR

RETOUR D’EXPÉRIENCE : COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DU PAYS DE SAINT-OMER (PAS-DE-CALAIS)

Une politique sociale transverse au service du plus grand nombre

Épicerie sociale itinérante, microcrédit, tarifs uniques pour l’apprentissage des arts… La communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer explore une panoplie d’actions. Avec un défi : répondre de manière équitable aux 105 000 habitants de ce territoire issu de la fusion de quatre communautés, qui rassemble 53 communes sur 543 km2.

Nous avons deux objectifs, explique François Decoster, président de la communauté d’agglomération du

Pays de Saint-Omer (Capso). Des projets qui structurent le territoire par des investis-sements et participent de son attractivité ;

une politique de proximité qui se traduit par une présence au sein des quatre pôles territoriaux correspondant aux anciennes intercommunalités fusionnées, dont le siège à Longuenesse. Notre politique de cohésion sociale est transversale et se retrouve dans tous les axes de notre projet de territoire. » La Capso l’a confirmé par la création d’un centre intercommunal d’action sociale (Cias) qui s’inscrit dans la continuité de l’action publique de l’une des quatre anciennes communautés.Ce nouvel outil, qui ne remet pas en cause les centres communaux d’action sociale (CCAS), permet de faire mieux ensemble. Le Cias est développé autour de trois axes : le RSA, une épicerie sociale pour partie itinérante, mise en place en 2017, et des microcrédits en cours d’étude, prévus en 2018, pour pallier les faiblesses des porteurs de microcrédits habituels pour de petits projets. « La mobilité joue dans l’accès à

l’emploi et passe, par exemple, par l’acqui-sition d’une voiture ou d’un deux-roues, ajoute François Decoster. Portage en propre, jusqu’à un certain seuil, ou caution : nous n’avons pas encore fixé la manière de gérer le microcrédit. »

Aujourd’hui, le transport urbain est conçu à l’échelle de l’ancienne agglomération audomaroise. Il devra être étendu au nouveau périmètre à long terme, le trans-port interurbain irriguant déjà

l’ensemble du territoire avec la reprise par la communauté des lignes départementales.

Guichets uniquesLe Pays de Saint-Omer dispose d’un conser-vatoire à rayonnement départemental (CRD), « le plus grand au nord de Paris, qui représente un investissement colossal ». La politique tarifaire unique vise à faciliter l’accès de tous à l’apprentissage des arts. « Une année au conservatoire coûte 30 euros pour les plus jeunes, 150 euros pour le forfait le plus onéreux. Avec huit sites, le CRD couvre l’ensemble du territoire et fonctionne égale-ment hors les murs, dans des établissements de santé et des écoles primaires. »La Capso accompagne en outre les primo-accédants. «  La communauté verse 4 000 euros aux moins de 35 ans qui acquièrent un bien ancien datant d’avant 1990. Ce fonds peut être abondé par les

communes, à hauteur de 2 000 euros par exemple pour Saint-Omer. Cela permet de débloquer un achat moyen et de couvrir les frais de notaire. Nous discutons avec la

région pour contractualiser sur une enve-loppe définie. » En 2017, plus de deux cents primo-accédants ont bénéficié de cette aide.Enfin, des guichets uniques maillent l’en-semble du territoire, avec des maisons du

développement économique, de l’habitat durable, de services publics et de futures maisons de l’environnement et de l’énergie. Ils présentent l’ensemble des politiques publiques de l’agglomération et visent à répondre au mieux aux sollicitations, par exemple pour l’attribution de logements sociaux.Adepte de construction collective et parti-cipative, la Capso a organisé le 7 novembre dernier des assises du développement social, préparées en amont par des ateliers, qui ont rassemblé l’ensemble des acteurs du champ social pour partager une feuille de route sans valeur contraignante.

Anne-Sophie Blanchard

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RETOUR D’EXPÉRIENCE : COMMUNAUTÉ DE COMMUNES PÉRIGORD-LIMOUSIN (DORDOGNE)

Une réorganisation à deux leviers : convergence et proximité

En Dordogne, département qui compte le plus grand nombre de Cias en France, toute évolution de périmètre intercommunal est susceptible d’emporter des conséquences sur l’organisation de l’action sociale. La communauté Périgord-Limousin a opté pour un équilibre entre harmonisation et territorialisation de ses services.

S i la communauté de communes Périgord-Limousin n’est pas à proprement parler issue d ’une

fusion – l’ancienne communauté du Pays de Jumilhac-le-Grand s’est étendue au 1er janvier 2017 à la plupart des communes de l ’ex-Pays thibérien, les autres ayant rejoint le Grand Périgueux –, l’harmonisa-tion de la politique sociale intercommunale se rapproche de cette logique, avec deux centres intercommunaux d’action sociale (Cias) préexistants. La moitié des 200 agents communautaires travaillent dans ces ser-vices bien installés dans le paysage.L’harmonisation a commencé avant 2017, par une hausse progressive des tarifs pra-tiqués par le Cias du Pays de Jumilhac-le-Grand. Une communauté ne pouvant disposer que d’un Cias et devant assurer l’égalité des usagers devant les services publics, cette étape aurait été indispen-sable à terme. De même, les procédures

administratives et les outils des deux Cias avaient été rapprochés avant le 1er janvier 2017, même si deux bases de données sont toujours utilisées dans le logiciel commun.

Maintenir une porte d’entréeDemeuraient des sujets liés aux ressources humaines, tels que l’organisation du travail sur la semaine. Dans un Cias, les deux fonc-tions d’un agent social – l’aide à domicile et l’activité d’auxiliaire de vie – étaient séparées d’un agent à l’autre, limitant de fait le nombre de week-ends libres pour certains employés. Comme dans l’autre Cias, la réunification des deux fonctions de ce métier a vocation à mieux répartir la charge de travail et éviter la succession d’un trop grand nombre de jours travaillés.L’harmonisation s’est également traduite par le vote de nouveaux tarifs qui ont unifié les prix retenus précédemment en matière de prestations de secours et

d’urgence. « L’exercice des mêmes com-pétences par les deux Cias avant 2017 a simplifié les choses », souligne Olivier Chabreyrou, directeur du Cias. Son expérience en tant que vice-président

délégué à l’action sociale dans la commu-nauté Dronne et Belle a été marquée par une situation inverse : créée par fusion en 2014, cette communauté voisine a décidé d’étendre l’aide à la mobilité des personnes âgées, d’abord assurée dans un seul secteur, en s’appuyant sur les résul-tats d’une enquête et un développement progressif du service.

La démarche d’harmonisation entreprise par la communauté Périgord-Limousin n’a, en revanche, pas conduit à un regrou-pement des services communautaires d’action sociale sur un site unique. Cette

territorialisation, par laquelle l ’un des Cias devient juridiquement l ’antenne de l ’autre, présente l ’avantage de maintenir une porte d’entrée dans le nord du territoire et, d ’un

point de vue financier, de limiter les frais kilométriques des agents. La terri-torialisation, enfin, n’a pas cette unique forme, comme en témoigne la poursuite – de plein droit – de l ’activité de deux prestataires publics pour le portage de repas à domicile, avec des prestations et des tarifs différents.

Simon Mauroux

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

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« L’échelle intercommunale est pertinente pour adapter notre action au terrain »

Respectivement présidente et directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), Isabelle Sancerni et Vincent Mazauric évoquent les défis que doit aujourd’hui relever la branche famille, ainsi que le rôle d’investisseur social de la Cnaf. Ils plaident également pour un rapprochement fort avec les intercommunalités, toujours dans l’objectif d’agir au mieux en faveur des familles et de l’égalité des chances.

La Cnaf procède actuellement, en lien avec les pouvoirs publics, à la redéfinition des orientations stratégiques de la branche famille à l’horizon 2027. Soixante-dix ans après la création de cette dernière, quels sont les enjeux majeurs auxquels la Cnaf doit répondre ?Isabelle Sancerni : Ils sont nombreux. D’abord, il est essentiel que nos prestations et services soient plus facilement acces-

sibles pour nos allocataires. Quand je parle d’accessibilité, je parle à la fois de services adaptés aux besoins des familles et de la manière dont nos allocataires accèdent concrètement aux prestations auxquelles ils ont droit. À l’heure du tout numérique, le guichet ne peut être le principal mode de contact. Il nous faut nous tourner résolu-ment vers les téléprocédures et permettre à nos allocataires de faire un maximum de démarches de manière complètement dématérialisée. Bien entendu, cette évolu-tion vers le numérique ne doit pas être un obstacle à l’accès aux droits pour nos allo-cataires les plus éloignés de ces pratiques. Cet accès aux droits est d’ailleurs un autre enjeu majeur pour nous. Il est un élément essentiel du principe d’équité qui est à la base de notre modèle social.Nous avons aussi pour ambition d'améliorer notre accessibilité auprès de nos partenaires. Cela passe par une simplification des règles régissant les dispositifs de financement créés par la Cnaf. Il nous faut ainsi nous mettre plus à l’écoute de nos partenaires, qui ont besoin de réponses claires sur la nature et le montant de l’accompagnement que nous pouvons leur apporter, particuliè-rement en matière d’investissement pour l’accueil de la petite enfance. Pour relever ces défis, la branche famille saura s’appuyer sur la capacité d’innovation et d’adaptation dont elle fait preuve depuis des années.

La Cnaf souligne qu’elle ne fait pas que financer des allocations mais se situe dans une logique d’investisseur social, à travers des actions de prévention, de régulation, de développement local. Pouvez-vous illustrer ce nouveau positionnement ?IS : Il est difficile de parler d’investisse-ment social sans parler de petite enfance. C’est en effet dès la petite enfance que s’installent les inégalités, par exemple dans

l ’acquisition du langage ou des règles de sociali-sation. Nous choisissons donc pour ces prochaines années de privilégier une dimension qualitative des différents modes d’accueil.

De même, il est difficile de parler pré-vention sans parler jeunesse. Pour autant que notre future convention d’objectifs et de gestion (que nous négocions en ce moment avec l ’État) nous le permette, le conseil d’administration de la Cnaf a choisi d’investir dans une politique jeunesse particulièrement dynamique. J’en veux pour preuve le dispositif des Promeneurs du Net, un outil performant d’animation et de prévention des propos et comportements violents qui peuvent se déployer sur les réseaux sociaux. Autre exemple, notre investissement pour l’im-plantation de centres sociaux dans des quartiers prioritaires encore dépourvus de ces structures.Concernant le développement local, les Caf ont une capacité de diagnostic qui leur permet, en lien avec les collectivités locales, de déterminer les services néces-saires à la population. C’est l’occasion pour nous d’identifier les zones présentant des territoires non desservis et pour lesquels une offre minimale de service doit être apportée. L’idée, c’est qu’il n’y ait pas de « zone blanche » en matière de services aux familles. Celles-ci, quel que soit le bassin de vie dans lequel elles résident, doivent trouver des réponses adaptées à leurs modes de vie.

Vous insistez sur votre volonté d’accompagner la nouvelle géographie territoriale, au travers d'un rapprochement fort avec les intercommunalités, dans lesquelles vous voyez une opportunité pour la branche famille. Vous ciblez en particulier la politique de la petite enfance. Sans doute pourrait-on évoquer aussi le logement. Quels objectifs communs pourraient être poursuivis ?Vincent Mazauric : L’échelon intercom-munal a vocation à devenir progressivement la référence pour le partenariat avec les Caf, dans le respect bien sûr des délégations de compétences effectives. Cette échelle est pertinente car elle est suffisamment proche pour adapter notre action à la réalité du terrain, tout en offrant un cadre de mutua-lisation de services qui nous semble oppor-tun pour envisager la gestion en commun d’équipements et de services aux familles. C’est pourquoi nous envisageons de généra-liser progressivement nos conventions terri-toriales globales à l’échelle de ces bassins de vie. Ces conventions permettent d’organiser

le partenariat autour des politiques d’action sociale liées à la petite enfance, l’enfance, la jeunesse, l’animation, la vie sociale et la lutte contre toutes les exclusions, mais aussi autour des questions d’accès aux droits et

de lutte contre le non-recours. L’objectif est clair : offrir le meilleur service aux familles, en les aidant notamment à concilier vie familiale et vie professionnelle, et agir en faveur de l’égalité des chances, avec une attention toute particulière aux familles les plus en difficulté, conformément aux priorités fixées par le Gouvernement.

L’AdCF a plaidé il y a deux ans pour le renforcement du volet développement social des projets de territoires. Comment la Cnaf est-elle disposée à intervenir auprès des communautés et métropoles, aussi bien en ingénierie, en apport de données qu’en partenariat opérationnel ?VM : La contribution de l’AdCF en faveur du renforcement des compétences sociales intercommunales est majeure et consti-tue un pilier sur lequel la branche famille entend s’appuyer. D'autant qu’elle défend une vision contemporaine des compé-tences sociales, fondée non pas sur la simple assistance aux personnes, mais sur une logique de développement social

territorial, qui considère la politique sociale comme un véritable investisse-ment au service du déve-loppement du territoire dans son ensemble. C’est en cela qu’elle est indis-sociable du développe-ment économique et de l’urbanisme, portés par

les intercommunalités. À leur place, les Caf entendent y contribuer en mettant à disposition leur ingénierie et leur connais-sance du territoire.

Propos recueillis par la rédaction

Isabelle Sancerni et Vincent MazauricPrésidente et directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales view

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Il nous faut nous mettre plus à l’écoute de nos partenaires, qui ont besoin de réponses claires

Les Caf ont une capacité de diagnostic qui leur permet, en lien avec les collectivités locales, de déterminer les services nécessaires à la population

Des orientations stratégiques qui ciblent le lien avec les territoiresLes actions de la Cnaf reposent en grande partie sur le partenariat avec les collectivités territoriales. Une dimension territoriale qui a été réaffirmée dans les « orientations stratégiques de la branche famille 2017-2027 ». La Cnaf se donne notamment pour ambition de « participer au développement local et au rééquilibrage territorial » par sa logique d’investissement social, de « renforcer le partenariat avec les acteurs de terrain », de « contribuer à l’égalité des territoires » et « d’accompagner la nouvelle géographie territoriale ». À ce titre, la Cnaf identifie les nouveaux périmètres intercommunaux comme « une opportunité pour la branche Famille ». Elle indique ainsi que sa relation avec les communautés et métropoles doit être approfondie, et que « la branche Famille doit accompagner le développement des intercommunalités, dans le domaine de la petite enfante en particulier ».

La Cnaf a choisi de mettre l'accent sur le développement des politiques jeunesse. / © IStock/Getty Images

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Finances : vers une refondation des relations État-collectivitésLa situation de déficit chronique du budget de l’État influe fortement sur les relations financières qu’il entretient avec les collectivités. Après la baisse des dotations, l’heure est aujourd’hui à la contractualisation. Visant à contenir l’évolution des dépenses locales, cette démarche peut s’avérer novatrice à bien des égards. Sous réserve qu’elle épouse, dans chaque collectivité, la réalité du territoire.

A u cours des dernières années, les gouvernements ont successivement proposé aux collectivités divers

plans ou pactes visant principalement à encadrer les concours versés aux territoires. Après la création de l’enveloppe normée en 1996, suivront le pacte de stabilité finan-cière (1996-1998), le contrat de croissance et de solidarité (1999-2001), le contrat de stabilité en 2008… Puis, à partir de 2011, le gel de la dotation globale de fonction-nement (DGF) reconduit sur deux années et, enfin, la baisse des dotations associant plus étroitement encore les collectivités territoriales à l’effort de redressement des comptes publics.En remplaçant cette baisse par un dispositif de contractualisation avec les collectivi-tés locales encadrant l’évolution de leurs dépenses, le nouvel exécutif opère un tour-nant inédit dans ses relations avec le secteur local. Inscrite dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022, la contractualisation va concer-ner au premier chef les 350 collectivités

(régions, départements, grandes intercom-munalités, villes-centres) ayant un volume important de dépenses de fonctionnement (au minimum 60 millions d’euros).Du point de vue de nombreuses collectivi-tés, c’est un souffle d’air frais : la baisse de la DGF commençait à éreinter lourdement les budgets locaux et à fortement pénaliser l’investissement, comme ont pu le montrer les résultats du baromètre de la commande publique que pilote l’AdCF avec la Caisse des dépôts. Le répit est néanmoins relatif car, même si un encadrement de la dépense est plus appréciable que le rabotage brutal des dotations, l’objectif fixé à 1,2 % peut paraître ambitieux, voire hors d’atteinte pour certains territoires.

Un dialogue territorial d’un nouveau genreMais la démarche doit être regardée avec intérêt. Elle entend sortir d’une éternelle injonction venant d’en haut pour s’adapter à la situation de chaque territoire. Ainsi, il est prévu que les contrats soient individualisés.

Surtout, ils devront reposer sur un dia-logue à conduire avec le représentant de l’État. C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que la contractualisation est également ouverte aux territoires qui en feront la demande, indépendamment du volume financier de leur budget.

Pour l’État, l’enjeu est d’importance : la contractualisation peut lui permettre de regagner en crédibilité auprès des ter-ritoires, de nombreuses promesses non tenues par le passé ayant pu échauffer les esprits. Pour les collectivités, la contractua-lisation pourrait servir de levier en interne pour optimiser la dépense publique, mettre en œuvre les pactes fiscaux et financiers

à l’échelle des territoires, négocier avec les partenaires, renforcer les outils de gestion et d’évaluation de la dépense. Initialement conçue pour encadrer la tota-lité des budgets, les échanges dans le cadre de la conférence nationale des territoires auront permis de sortir l’investissement

de la contrainte. Il faut s’en féliciter.La réussite du dis-positif résidera dans la capacité de l’État à conduire ce dia-logue territorial d’un nouveau genre, à inté-grer la diversité des

territoires, à se doter des moyens d’ana-lyser finement les situations locales… Autre élément-clé de la réussite, la perspective d’une réforme fiscale ambitieuse, gage de simplification et d’une dynamique fiscale retrouvée, en cohérence avec les compé-tences des communautés et des métropoles.

Claire Delpech

Les échanges dans le cadre de la conférence nationale des territoires ont permis de sortir l’investissement de la contrainte

État-collectivités : le chamboule-tout financier

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10 DOSSIER FINANCES LOCALES

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« L’État gagne sur tous les tableaux »Réservés quant aux modalités de suppression de la taxe d’habitation, Sébastien Miossec, président de Quimperlé Communauté et Philippe Lemaire, DGS de l’agglomération du Sicoval, s’interrogent également sur les mécanismes d’application de la norme de dépense et les contreparties annoncées par le Gouvernement.

La loi de finances pour 2018 instaure la suppression progressive de la taxe d’habitation (TH). Quelles sont vos attentes en matière de réforme fiscale ?Sébastien Miossec : Cette réforme pose encore beaucoup de questions qui inter-pellent les collectivités. Notre autonomie fiscale pourrait en sortir largement affectée. L’attentisme observé quant à la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation est lui aussi inquiétant. Environ 40 milliards d’euros d’imposition reposeront encore sur ces bases, dont la révision reste impérative pour améliorer l'équité et la lisibilité fiscales entre contribuables. Et pour ne pas mettre en péril ces autres impôts locaux que sont les taxes sur le foncier bâti ou les ordures ménagères. La réforme de la TH fragilise également la fiscalité économique. Car si, demain, seuls les ménages propriétaires seront taxés, les entreprises, elles, supporte-ront toujours trois taxes (cotisation foncière des entreprises -CFE-, foncier bâti et coti-sation sur la valeur ajoutée des entreprises -CVAE-). Ne demanderont-elles pas aussi des allègements ?

Tout cela impose une grande refonte de la fiscalité locale. Le comité des finances locales, dont je fais partie, s’y attèle, en lien avec les travaux de la mission menée par Alain Richard et Dominique Bur. Les orientations prônées par l’AdCF depuis une dizaine d’années ont été largement reprises. L’hypothèse privilégiée est en effet de concentrer les impôts fonciers sur les collectivités du bloc communal, en lien avec notre compétence en matière d’amé-nagement physique du territoire. La CVAE ne serait plus partagée que par les inter-communalités et les régions, en cohérence avec l’affirmation de leurs compétences économiques. Pour préserver les ressources des départements, une fraction de la coti-sation sociale généralisée (CSG), en cohé-rence avec leurs compétences sociales, leur serait attribuée. Cette nouvelle répartition reste toutefois à affiner. Cela posera aussi des questions d’équité entre territoires et d’organisation en leur sein, rendant encore plus indispensables les pactes financiers et fiscaux.Philippe Lemaire : Dans son fondement, un impôt liant les habitants à leur terri-toire me semble rester nécessaire. La sup-pression progressive de la TH, désormais pour l’ensemble des ménages, fait courir le risque d’une déconnexion. Une réforme était nécessaire et on comprend que celle des valeurs locatives était plus que difficile. Mais n’aurait-elle pas été préférable, plutôt que son remplacement par une énième

dotation avec son corollaire inéluctable, c’est-à-dire sa baisse à terme, ou par le transfert d’une partie d’un autre impôt totalement déconnecté des choix politiques d’un territoire ? Si nouvelle réforme il y a, il faut que l’impôt reste connecté au ter-ritoire, à la fois dans sa dynamique qui doit épouser celle de son développement et dans sa fonction de contrepartie de la politique menée localement.

Votre collectivité est-elle concernée par le dispositif de contractualisation des dépenses mis en place par la loi de programmation 2018-2022 ?SM : Non. Avec un peu plus de 30 millions d’euros de dépenses de fonctionnement, nous sommes loin de la barre fixée par la loi. Mais nous ne pouvons pas ignorer l’objectif affirmé par le Gouvernement de décélérer la croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités. Nous sommes tous concernés, avec ou sans contractualisation. Sauf à prendre le risque d’un retour des baisses de dotations, si l’on en croit le Gouvernement…Pour autant, nous pouvons saisir cette pro-position, uniquement dans l’esprit pour guider les arbitrages de nos budgets ou, au delà, en signant un contrat de façon volontaire. Mais je reste réservé à ce sujet, tant les questionnements sur les engagements et les contreparties sont nom-breux. Les intercommu-nalités ont connu – et vont connaître – de telles évolutions (extensions de périmètre et de compétences, mutua-lisations…) que la lisibilité des objectifs contenus dans les contrats ne va pas être aisée… Tout comme on peut s’interroger

sur la prise en compte des budgets annexes et des reversements aux communes.PhL  : Avec 60  millions tout juste de dépenses de fonctionnement, le Sicoval n’est pas, a priori, concerné par la contrac-tualisation. Pour autant, il devrait l’être rapidement : nous avons décidé de contrac-tualiser volontairement. Notre objectif est de pouvoir négocier avec l’État la prise en compte de nos spécificités, comme l’accueil hors normes de population (+2,2 % par an depuis dix ans), la baisse de nos dépenses réelles de fonctionnement depuis trois ans et le fait de consacrer la quasi-totalité de nos marges de manœuvre à financer des investissements liés à la transition éner-gétique ou à la mobilité.Ce dispositif de contractualisation « semble » au premier abord mieux qu’une baisse unilatérale des dotations, pour un territoire qui a déjà perdu plus que sa dota-tion d’intercommunalité entre le fonds de péréquation intercommunale et commu-nale (Fpic), le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) et la contribution au redressement des comptes publics. Mais je ne vois pas comment ce mécanisme purement financier pourrait tenir compte des réalités du terrain. Non seulement il s’agit clairement d’une recen-

tralisation financière, mais elle est, dès le départ, totalement injuste en traitant de la même façon ou presque les territoires en croissance, voire en hypercroissance, et ceux en décroissance. Car ce ne sont

pas les 0,15 % de bonification éventuelle qui peuvent compenser la demande de services supplémentaires engendrée par l’accueil de population, surtout sur un ter-ritoire qui a joué le jeu en construisant suffisamment de logements sociaux pour être en règle avec la loi SRU. Ensuite, on ne voit pas du tout comment les services de l’État pourront retraiter les comptes des collectivités, notamment intercom-munales, pour prendre en considération

la mutualisation, les fusions, les transferts de compétences et l’évolution des normes qui perdure.

La norme concernant les dépenses de fonctionnement devrait s’accompagner d’aides financières en matière d’investissement. Comment s’assurer de la bonne coordination entre projets nationaux et locaux ?SM : C’est un des enjeux des mois à venir, et la concrétisation des « contreparties » que le Gouvernement envisage en direction des « bons élèves ». Les discussions avec les préfets sur l’utilisation des différents soutiens à l’investissement (dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), contrat de plan État-région (CPER)…) devront se faire autour des projets de territoire.PhL : On a franchement l’impression que l’État gagne sur tous les tableaux avec ce nouveau dispositif. On imagine que les collectivités y regarderont à deux fois avant d’investir dans des équipements qui inéluc-tablement engendreront une hausse de leurs dépenses de fonctionnement, rendant de fait inatteignable l’objectif de 1,2 % par an. Pour des élus, comment accepter que, même avec des subventions très importantes et même autofinancées avec la revente de certificats d’économie d’énergie, des opé-rations importantes mais portées par le budget de fonctionnement dans le cadre du dispositif TEPCV doivent être suspendues pour limiter l’évolution des dépenses ? Ce n’est là qu’un des exemples ubuesques aux-quels nous sommes aujourd’hui confron-tés. Espérons toutefois que l’intelligence collective nous permettra de trouver des solutions lors de la phase de négociation.

Propos recueillis par la rédaction

Il faut que l’impôt reste connecté au territoire Nous sommes tous concernés,

sauf à prendre le risque d’un retour des baisses de dotations

Les discussions avec les préfets devront se faire autour des projets de territoire

Sébastien Miossec et Philippe LemairePrésident de Quimperlé Communauté (Finistère) et DGS de l’agglomération du Sicoval (Haute-Garonne) view

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Avec un peu plus de 30 millions d'euros de dépenses de fonctionnement, Quimperlé communauté n'est pas concernée par le dispositif de contractualisation. / © Phovoir

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

11DOSSIER

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Réussir la contractualisation : mode d’emploiPour les collectivités concernées par la contractualisation financière avec l’État, c’est-à-dire celles dont les dépenses réelles de fonctionnement dépassent en 2017 les 60 millions d’euros, il va falloir aller très vite. En effet, les contrats doivent être signés avant la fin du premier semestre. Il n’y a donc pas de temps à perdre, d’autant plus que le dispositif, inédit pour les collectivités sur le thème des finances, nécessitera quelques réglages pour le rendre opérationnel. Intercommunalités fait le tour des principales questions.

Quelles sont les obligations fixées par la loi de programmation ?La loi de programmation fixe différents niveaux d’obligation. Le premier concerne l’ensemble des collectivités : il s’agit de respecter la norme annuelle de + 1,2 % d’évolution des dépenses réelles de fonc-tionnement pendant trois ans, mais égale-ment de réduire de 13 milliards à l’horizon 2022 le besoin de financement des collec-tivités locales entendu comme le recours à l’emprunt. Pour y parvenir, chaque col-lectivité devra présenter, dans le cadre du débat d’orientations budgétaires, ses propres objectifs d’évolution en matière de dépenses de gestion et de besoin de financement.Un second niveau d’obligation concerne les collectivités les plus importantes en volume de budget, qui devront s’engager sur ces mêmes objectifs mais dans le cadre d’une contractualisation avec l’État.

Quelles collectivités sont concernées par la contractualisation ?La loi de programmation 2018-2022 désigne expressément les collectivités dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros. Sont donc concernés la totalité des régions et des dépar-tements, une petite centaine d’intercom-munalités à fiscalité propre et près de 150 communes, soit environ 350 collectivités qui concentrent actuellement les deux tiers des dépenses publiques locales. Bien que la loi ne le formule pas de cette façon, la contractualisation, pour ces dernières, est quasi obligatoire. En effet, les collectivités qui refuseraient de signer un contrat verraient leur pénalité renforcée en cas de non-respect de la norme nationale de dépense.

Il est par ailleurs permis que les collecti-vités s’engagent à « titre volontaire » dans la signature d’un contrat, quel que soit le volume de leurs dépenses réelles de fonc-tionnement. Selon une enquête récente de l’AdCF, certaines collectivités, bien qu’en dessous du seuil requis, l’envisageraient. Cette possibilité est toutefois liée à la capacité des services de l’État à absorber un nombre important de demandes de contractualisation.

Quel est le périmètre des dépenses concernées ?Les dépenses réelles de fonctionnement prises en compte s’entendent comme le total des charges nettes de l’exercice, soit

l’ensemble des comptes de la classe 6, à l’exception des opérations d’ordre (dota-tions aux amortissements et provisions par exemple). Les comptes de la classe  6 com-prennent : les achats et fournitures (compte 60), le recours à des services extérieurs et les contrats avec les prestataires (compte 61), les impôts et taxes (compte 63), les charges de personnel (compte 64), le finan-cement des services extérieurs (compte 62) et notamment le remboursement aux communes des charges de person-nel mutualisées (comptes 621 et 628), les charges de gestion courante (compte 65) et notamment d’éventuels versements aux budgets annexes à caractère administratif, ainsi que les contingents et participations obligatoires, et enfin les frais financiers (compte 66). En revanche, sont exclus de la norme de dépense les reversements financiers, en particulier les attributions de compensation mais également la dota-tion de solidarité communautaire (DSC), le Fpic…Comme on le constate, les dépenses de la classe 6, qui regroupent une très large part des dépenses réelles de fonctionne-ment, sont de nature très diverse. Certaines connaissant des logiques d’évolution qui leur sont propres (les contrats signés avec un prestataire par exemple, les subventions à un syndicat chargé d’un programme d’in-vestissement…) sont difficilement modi-fiables à très court terme. La définition

des dépenses à prendre en compte devra nécessairement intégrer de la souplesse afin de correspondre à la réalité des dépenses

de gestion des collectivités et surtout à leurs choix stratégiques dans la conduite du projet intercommunal (importance des mutualisations par exemple).

Comment va s’appliquer la norme de dépense ?Pour les collectivités ayant signé un contrat, le suivi de l’évolution de la dépense et de l’atteinte des objectifs se fera à partir des dépenses réelles de fonctionnement de 2017. C’est cette base qui constituera la référence sur la durée du contrat (base 100 en 2017). Le législateur a prévu de tenir compte des transferts de compétence et/ou modifications de périmètre. Pour les collectivités concernées, les comparaisons seront alors effectuées sur une base corrigée afin de rester dans une approche à champ de compétences et périmètre constants.Il est également prévu des critères de modulation, à la hausse ou à la baisse, qui seront applicables selon la croissance démographique de la collectivité, le poids des ménages modestes ou l’importance de la population résidant en quartier prio-ritaire au titre de la politique de la ville,

et l’évolution des dépenses de fonction-nement sur la période 2014-2016 afin de tenir compte des efforts déjà accomplis. Le taux contractuel d’évolution des dépenses de fonctionnement pourra ainsi varier de 0,75 à 1,65 %.

Bonus et malusLa démarche contractuelle s’accompagne de bonus et de malus visant à récompenser ou à contraindre bons et mauvais élèves. Pour les collectivités qui respecteront leur objectif d’évolution des dépenses de fonctionnement, la loi prévoit la possibi-lité de majorer le taux de subvention de leurs projets d’investissement, notamment sur l’enveloppe de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).À l’inverse, pour les collectivités qui ne parviendront pas à tenir leur objectif, le législateur a prévu un mécanisme de reprise financière sur les douzièmes de fiscalité qui sera égal à 75 % de l’écart entre les dépenses réalisées et le plafond fixé dans le contrat. Cette reprise ne pourra néan-moins dépasser 2 % des recettes réelles de fonctionnement.Pour les collectivités concernées par un contrat mais n’ayant pas souhaité s’engager, les objectifs de dépense annuelle seront fixés par le préfet de département.

Quel intérêt à contractualiser ?Plusieurs communautés, non directement concernées par la contractualisation, ont fait connaître leur intérêt pour le disposi-tif. Elles envisagent de l’utiliser comme un levier à l’échelle du territoire communau-taire pour mener à bien les futurs projets d’investissement, notamment en bénéfi-ciant du soutien au travers de la DSIL. Cette approche soulève la question de l’échelle de contractualisation : quelles seront les possibilités de mutualisation à l’échelle des périmètres intercommunaux ? C’est pour-tant à cette échelle que la contractualisation prendra tout son sens.

De nombreuses questions en suspensÀ ce stade, les interrogations sur le mode opératoire sont très nombreuses et semblent incompatibles avec le délai très court fixé pour signer les contrats. Si une norme de dépense est préférable à une coupe franche dans les dotations, il importera de donner de l’intelligence à ce dispositif pour en faire un outil d’optimi-sation des politiques publiques.

Claire Delpech

La démarche contractuelle s'accompagne de bonus et de malus visant à récompenser ou à contraindre bons et mauvais élèves. / © IStock/Getty Images

La contractualisation, pour les collectivités concernées, est quasi obligatoire

La définition des dépenses à prendre en compte devra nécessairement intégrer de la souplesse

Des critères de modulation sont prévus, à la hausse ou à la baisse

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

12 DOSSIER FINANCES LOCALES

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Contractualisation financière et investissement : les communautés et métropoles témoignentEn janvier 2018, l’AdCF a conduit une enquête auprès des communautés et métropoles sur les perspectives de contractualisation financière avec l’État. Retour sur quelques résultats et témoignages exprimés par les territoires.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis des services de l’État pour vous accompagner dans la contractualisation ?« S’accorder sur un diagnostic partagé de la situation locale au moment de la contractualisation. »« L’État doit être capable d’intégrer les projets communautaires dans la trajectoire d’évolution de la dépense en amont de la contractualisation. »« Les services de l’État devraient mettre à disposition des éléments de comparaison par catégorie de communautés ou de métropoles. »« L’État doit prendre en compte une vision consolidée des comptes communaux et intercommunaux. »

Quelles sont vos attentes vis-à-vis de cette nouvelle logique de contractualisation ?

« Une démarche partenariale entre l’État et les collectivités, qui prenne en compte les spécificités des territoires (transferts, fusion…). »

En quoi la contractualisation est-elle susceptible de faire évoluer vos pratiques budgétaires et financières ?

45 %

40 %

35 %

30 %

25 %

20 %

15 %

10 %

5 %

0 %Mieux identifier les

flux entre communes et communauté

Recourir davantage aux budgets

annexes

Externaliser des services ou

prestations

Renforcer la fiabilité et la sincérité des

comptes

Développer des pratiques managériales

avec les communes

Rechercher des économies structurelles

41 %

34 %

16 %

3 % 3 % 3 %

En quoi la contractualisation est-elle susceptible de faire évoluer votre stratégie financière ?

60 %

50 %

40 %

30 %

20 %

10 %

0 %Adopter ou renforcer

un pacte financierArbitrer en faveur d'investissements moins générateurs de fonctionnement

Renforcer la maîtrise des charges

salariales

Engager le désendettement

53 %

17 %20 %

3 %

Source : enquête AdCF, janvier 2018.

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

13DOSSIER

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PFIA : un indicateur de mesure de la richesse des territoiresPremier dispositif à analyser la question des disparités de ressources à l’échelle des ensembles intercommunaux, le potentiel financier intercommunal agrégé (PFIA) a été mis en place en 2012 pour servir de support au fonds de péréquation horizontal, le Fpic. Tour de France des PFIA en 2017.

C onsolidant réalités municipales et communautaires, c’est à l ’échelle des ensembles intercommunaux

que peuvent être véritablement appréciés les écarts de ressources entre territoires. Il est désormais impossible de comparer des communes indépendamment de leur niveau d’intégration au sein d’une com-

munauté ou d’une métropole. Certaines ont en effet transféré des charges très importantes, d’autres beaucoup moins. De même, la « pauvreté » de certaines communes est aujourd ’hui atténuée par leur intégrat ion au sein d ’une

communauté disposant de ressources importantes et offrant un haut niveau de service public sur l ’ensemble de son territoire.Avec l’évolution de la carte intercommu-nale et la réduction du nombre d’intercom-munalités, les écarts entre les ensembles intercommunaux se sont atténués. En

revanche, les disparités internes se sont ampli-fiées sur certains terri-toires. Les groupements intercommunaux dans leur nouvelle configu-ration territoriale ont ainsi une responsabilité accrue pour contribuer

à les réduire, soit par la mutualisation des recettes et des charges, soit par la péréqua-tion interne (DSC et fonds de concours, redistribution du Fpic, renégociation des attributions de compensation…).

Des modifications à introduireLa carte ci-dessus représente la réparti-tion du potentiel financier intercommunal agrégé (PFIA) à l’échelle nationale en 2017. On peut y observer différents types de situations. Les ensembles intercommu-naux disposant d’un niveau élevé de ressources (PFIA/hab. supérieur à 700 euros/hab.) comprennent notam-ment les anciens sites indus-triels, communautés des vallées de la Seine (communauté de Caux Estuaire) et du Rhône (communauté de l’Est lyonnais), certaines communautés de montagne dont les ressources élevées sont liées à la présence d’un barrage (commu-nautés de la Haute Maurienne Vanoise, de l’Oisans, de la Vallée de Chamonix-Mont-Blanc) ou encore des communautés dotées d’un établissement exceptionnel, comme une centrale nucléaire (communautés de Chinon, de Nogent…).

À l’opposé, des communautés affichent un niveau faible de ressources, princi-palement orienté vers la fiscalité sur les ménages (TH et FB). Leur localisation est variable, souvent en périphérie des grandes agglomérations.

Avec la réforme de la DGF, il était envi-sagé de faire évoluer cet indicateur. Deux modifications pourraient être introduites : d’une part, élargir le PFIA à l ’ensemble des recettes et, a minima, y intégrer les dotations de péréqua-tion communales ; d’autre part, revoir le coefficient multiplicateur du PFIA concernant la prise en compte du nombre d’habitants.

Claire Delpech

Impossible de comparer des communes indépendamment de leur niveau d’intégration au sein d’une intercommunalité

Les disparités internes se sont amplifiées sur certains territoires

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PFIA agrégé en €/hab

687 à 1 485 (253)

600 à 686 (255)

543 à 599 (251)

485 à 542 (257)

0 à 484 (250) Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

14 DOSSIER FINANCES LOCALES

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Péréquation : l’aggiornamento nécessaireDevenue un objectif de portée constitutionnelle, la péréquation financière entre collectivités a beaucoup progressé en intensité ces dernières années, mais dans un certain désordre. Manque de clarté des objectifs, empilement des dispositifs, obsolescence et discordance des critères d’appréciation des richesses et des charges se combinent pour justifier une vaste remise à plat.

Quels sont les objectifs de la péréquation ?Depuis sa révision en 2003, la Constitution française fixe dans son article 72-2 que la « loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les col-lectivités territoriales ». La péréquation doit ainsi viser un objectif de convergence de moyens. La première question est de savoir comment apprécier la situation des collectivités pour évaluer les écarts à réduire. La deuxième est de détermi-ner l’objectif à atteindre, à savoir le taux-cible de réduction des inégalités. Enfin, une fois fixés ces prérequis, se pose une

troisième question : celle des moyens et outils à utiliser pour y parvenir. Comme l’ont mis en avant les débats qui ont présidé à la constitutionnalisation de l’objectif de péréquation, celui-ci peut entrer en tension avec les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités, également de portée constitutionnelle. La charte européenne de l’autonomie locale souligne dans son article 9 (alinéa 5) que les procédures de péréquation financière ou des mesures équivalentes sont nécessaires mais « ne doivent pas réduire la liberté d’option des collectivités locales dans leur propre domaine de responsabilité ».

Comment apprécier les disparités ?Nul ne conteste l’importance des dis-parités territoriales de richesses et de charges en France, le plus difficile étant de s’entendre sur les critères d’évaluation des unes comme des autres, notamment à l’échelle des communes et intercommuna-lités. Rappelons que les disparités sociales, fondées sur les revenus des ménages, ne recouvrent pas la carte des inégalités finan-cières et fiscales des collectivités. Certains territoires sont fiscalement riches mais socialement pauvres, ou l’inverse. D’autres cumulent fragilités sociales et faiblesses des ressources fiscales. Les plus favorisés cumulent des ménages aisés et des bases fis-cales importantes. Une première question est donc celle de la pondération entre ces deux critères d’appréciation. Il est égale-ment nécessaire de définir le bon périmètre des richesses financières et fiscales prises en compte. Longtemps la péréquation du secteur communal ne tenait compte que des seuls impôts directs locaux, mais certaines collectivités retirent des recettes très dyna-miques d’autres taxes indirectes (DMTO, taxe casino, remontées mécaniques…) ou disposent de dotations très importantes au titre des compensations d’exonérations. La notion de potentiel financier a ainsi pris le relais du potentiel fiscal pour le compléter et tenir compte de ces autres recettes.

Des notions telles que le potentiel fiscal ou l’effort fiscal ont-elles encore du sens ?Oui en principe. Non en pratique, parce que les assiettes fiscales auxquelles elles s’ap-pliquent n’ont plus de sens. L’effort fiscal est apprécié à partir du taux d’imposition mais celui-ci s’applique à des valeurs locatives qui n’ont plus aucune réalité économique. Dans l’attente de la révision effective de ces dernières, il faut de fait évaluer l’ef-fort fiscal en examinant les contributions effectives des ménages en valeur absolue (en euros par habitant ou par foyer) et non en taux. Il serait même judicieux de

rapporter cette cotisation effective aux revenus pour apprécier la notion d’effort fiscal. Le potentiel fiscal vise à estimer la richesse « théo-rique » de la collectivité si s’appliquait à ces bases fis-cales le taux d’imposition moyen (au niveau national).

Cet indicateur est intéressant pour évaluer la densité des bases imposables, même si la collectivité fixe des taux d’imposition très bas.

Faut-il aussi revisiter les critères de charges ?C’est un impératif. Un rapport de la Cour des comptes paru en 2016 y invite fortement. Les critères de charges ont le grand défaut de différer d’un mécanisme de péréquation à un autre. La prise en compte du revenu des ménages est variable selon les dispositifs. L’analyse des dépenses par habitant est par ailleurs tenue de prendre en compte des charges spécifiques comme les fameuses « charges de centralité » que certaines com-munes centres assument pour le compte d’un bassin de vie plus large, ou les charges de saisonnalité liées à l’attractivité touris-tique. Des critères de superficie, de linéaires de voirie, d’équipements (écoles), de loge-ments sociaux, de quartiers prioritaires…

sont intégrés dans certains mécanismes de péréquation. Au sein des dotations forfai-taires des communes et du fonds national de péréquation des ressources intercom-

munales et communales (Fpic), la démo-graphie est pondérée par un coefficient logarithmique (de 1 à 2) qui fait progresser les charges par habitant en fonction de la densité urbaine. Un choix mal compris et très contesté par les territoires peu denses. La multiplicité des indicateurs de richesses et de charges a fait de la péréquation une tour de Babel : les acteurs ne parlent plus le même langage. Les évaluations de la péré-quation posent elles-mêmes la question des indicateurs retenus. Il est fondamental de réunifier l’analyse des critères de charges et de s’entendre sur une grille de lecture unique pour faire agir les mécanismes de péréquation dans le même sens.

Pourquoi faut-il « agréger » les situations communales et intercommunales ?Les « ensembles intercommunaux » (com-munes + communautés) sont devenus les seules entités que l’on puisse aujourd’hui comparer raisonnablement. Communes et communautés partagent compétences, services, charges, recettes, dettes… dans des combinaisons locales de plus en plus variées. La mutualisation intercommunale produit également, sur la durée, un effet correcteur puissant des disparités com-munales d’origine. L’agrégation va donc

de soi, même si certains résistent encore à cette évidence. Si le mécanisme et les critères retenus sont encore perfectibles, le Fpic, créé en 2012, a le mérite d’opérer cette indispensable agrégation communes-communautés. Il est le fondement sur lequel il faudra repenser la péréquation.

Comment réarticuler péréquations communales et intercommunales ?L’idéal serait d’aller progressivement vers une DGF territoriale, avec des clefs de redistribution entre communes fixées par la loi en cas de désaccord. La réforme de la DGF devra néanmoins tenir compte des redistributions importantes de richesses que va provoquer la réforme de la fiscalité locale. Il faudra repenser la péréquation en conséquence. En fonction des disparités à corriger, il faudra évaluer les montants financiers à mobiliser. La péréquation entre 1 250 «  ensembles intercommu-naux » nécessite au demeurant moins de transferts qu’entre 36 000 entités munici-pales. Il faut ainsi penser une péréquation à double détente, à la fois locale (dans le cadre intercommunal) et nationale. Dans un premier temps, il est nécessaire de faire

converger les mécanismes péréquateurs. Les effets croissants de la péréquation communale (DSU, DSR) doivent être pris en compte dans le Fpic. Le potentiel financier intercommunal agrégé (PFIA) doit ainsi intégrer toutes les dotations, y compris péréquatrices. Le Fpic doit jouer en dernier ressort.

Nicolas Portier

L’effort fiscal doit être évalué en examinant les contributions effectives des ménages en valeur absolue et non en taux

Il faut s’entendre sur une grille de lecture unique pour faire agir les mécanismes de péréquation dans le même sens

Le Fpic a le mérite d’opérer l'indispensable agrégation communes-communautés

Par exemple, l'exercice de la compétence scolaire crée des différences entre territoires qui justifient une agrégation au niveau du bloc local. / © IStock/Getty Images

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

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La fiscalité locale à la veille du grand « mercato »En programmant la suppression de la taxe d’habitation, le chef de l’État a signé le premier acte d’une refonte en profondeur de la fiscalité locale, ouvrant la voie à de nouvelles affectations d’impôts entre niveaux de collectivités. Certaines pistes explorées par la mission Bur-Richard rappellent les scénarios de spécialisation préconisés par l’AdCF depuis une dizaine d’années.

R eprésentant un montant budgétaire global de près de 22 milliards d’euros, la taxe d’habitation ne sera pas une

mince affaire à remplacer dans les budgets des communes et communautés. Une chose est désormais actée : le dégrèvement de la taxe d’habitation n’est qu’une mesure pro-visoire, dans l’attente de son remplacement intégral par autre chose. La Constitution et la loi organique sur l’autonomie financière des collectivités imposant le respect d’un seuil minimal de « ressources propres » pour les différents niveaux de collectivi-tés (60,8 % pour le secteur communal), le substitut de la taxe d’habitation devra être majoritairement de nature fiscale. Proposer des dotations de compensation relèverait de la provocation au vu du sort réservé à ces dernières depuis quelques années.Alors doit-on envisager la création d’un nouvel impôt ? Cette hypothèse est peu pro-bable (on notera qu’elle n’est même pas envi-sagée par la mission dite Bur-Richard), tant serait donné aux contribuables le sentiment que l’on reprend d’une main ce qui leur a été accordé de l’autre. Même si les associations de collectivités rappellent leur attachement au maintien d’un impôt résidentiel, repo-sant sur l’occupant d’un logement, force est de constater la faible probabilité de voir l’État s’engager dans la création d’une taxe d’habitation new look. Les scénarios de rem-placement les plus crédibles se déportent dès lors vers le transfert aux collectivités de ressources fiscales actuellement perçues par l’État. Partage de TVA ou de l’impôt sur le revenu ? Parts de contribution sociale

généralisée (CSG) ou de contribution à la réduction de la dette sociale (CRDS) ? Les hypothèses sont aujourd’hui sur la table.

Vers un nouveau partage ?L’attribution récente aux régions d’une frac-tion de TVA pour compenser les transferts des compétences économiques des départe-ments et remplacer un pourcentage de leurs dotations montre que plus aucune option n’est aujourd’hui taboue. Les transferts de compétences aux régions et départements de l’acte II de la décentralisation s’étaient déjà traduits en 2004-2005 par des trans-ferts de fiscalité nationale, au travers de la taxe sur l’essence (TIPP devenue TICPE) ou de celle sur les conventions d’assurances. S’ouvre désormais la voie nouvelle d’un partage de grands impôts nationaux avec les collectivités. Pour autant, si cette solution de financement s’est avérée adéquate pour accompagner des transferts de charges et de compétences aux collectivités intermé-diaires, elle semble beaucoup plus difficile à

envisager pour remplacer un impôt territo-rialisé comme la taxe d’habitation, soumis à un pouvoir de taux voté localement. Le partage de grands impôts nationaux avec 36 000 communes et 1 260 intercommu-nalités serait également une affaire très complexe qui reviendrait à répartir les fractions d’impôts concernées comme des dotations, en dehors de tout lien entre le territoire et l’assiette fiscale.Dans ces circonstances, l’une des hypothèses les plus sérieuses actuellement en débat tant au sein du comité des finances locales que de

la mission Bur-Richard serait de procéder à un glissement de ressources à double détente, en transférant de nouvelles parts d’impôts nationaux aux départements en contrepartie de l’affec-tation de certaines de leurs ressources au « bloc local » ;

parmi lesquelles leur part (14 Md€) de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et leur part résiduelle (4,5 Md€) de CVAE, soit près de 18,5 milliards d’euros de ressources fiscales. En cohérence avec leur cœur de métier, les départements pourraient voir une part importante de leurs compétences sociales couvertes par des transferts de CSG ou de CRDS.

La clarification des responsabilités fiscalesLors de sa rencontre avec le Premier ministre Édouard Philippe et de son audi-tion par la mission Bur-Richard, l’AdCF s’est prononcée en faveur d’un tel scénario, qui lui semble le plus compatible avec les objectifs annoncés de la réforme et son cahier des charges. Il répond en effet au mieux à la clarification des responsabilités fiscales en réduisant le nombre d’institu-tions bénéficiaires des mêmes impôts, en limitant les concurrences fiscales (sur les taux) et en renforçant la cohérence entre

les compétences exercées et la nature des ressources perçues. Dans le même temps, ce scénario permettrait enfin aux dépar-tements d’être compensés à l’euro près en

ce qui concerne les grandes allocations individuelles de solidarité, sans avoir à recourir à la pression fiscale locale.Sans qu’il soit encore possible de préjuger des arbitrages que rendront le Gouvernement et le Parlement sur les options de réforme en discussion, nombre de spécialistes voient dans ce scénario la solution la plus cohérente. Elle peut néanmoins rencontrer des obstacles politiques sérieux. Ceux-ci devraient provenir en premier lieu des départements, attachés naturellement à leur pouvoir fiscal sur la taxe foncière, voire à leur part de CVAE (même si leur retrait des compétences économiques lui ôte son fondement). Du côté de l’État, du ministère de l’Économie et des Finances mais aussi des parlementaires, la piste d’un impôt national réparti à la manière d’une dotation n’est pas totalement à exclure pour couvrir, en tout ou partie, feue la taxe d’habitation. Beaucoup y voient une opportunité sans précédent pour régler une bonne fois pour toutes la question de la péréquation sans avoir à recourir à de complexes mécanismes redistributifs horizontaux. Autre obstacle au scénario décrit plus haut, le Conseil consti-tutionnel a considéré que des ressources telles que la CSG et la CRDS devaient être

affectées à la protection sociale, ce qui imposera d’intégrer plus explicitement qu’aujourd’hui les dépenses sociales des départements dans cette dernière.

Un problème de principePour les communes et communautés, le scénario privilégié présente quelques points de faiblesse en accentuant leur dépendance à la taxe foncière, reposant sur les seuls pro-priétaires des locaux et non leurs usagers. Si la récupération de la part départementale de CVAE serait une bonne nouvelle pour les communautés, désormais corespon-sables du développement économique avec les régions, la disparition de toute contri-bution des résidents au financement des services publics locaux posera un problème de principe. Quelle sera la contribution du citoyen local au financement des charges communes ?L’une des pistes suggérées par l’AdCF serait de mieux identifier, au sein de la taxe fon-cière, à produit fiscal constant, la part réper-cutée in fine sur l’usager. Aujourd’hui, cette répercussion est parfois explicite (comme en matière de locaux commerciaux, où il est courant que l’occupant acquitte la taxe

foncière) mais le plus souvent implicite (en étant pour partie répercutée dans le loyer). A minima, il serait opportun d’organiser la transparence et des règles claires pour la répercussion de la taxe foncière sur l’usager des locaux. Mais il serait tout à fait possible d’aller plus loin en identifiant deux parts dans la taxe foncière.

Nicolas Portier

Le transfert de parts d'impôts nationaux aux départements en contrepartie de l'affectation de certaines de leurs ressources au « bloc local » serait la solution la plus cohérente. / © IStock/Getty Images

L’une des hypothèses les plus sérieuses serait de procéder à un glissement de ressources à double détente

Une opportunité sans précédent pour régler une bonne fois pour toutes la question de la péréquation

Il serait opportun d’organiser des règles claires pour la répercussion de la taxe foncière sur l’usager des locaux

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

16 DOSSIER FINANCES LOCALES

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En Pologne, les taux de la taxe sur les propriétés urbaines sont définis localement, dans le cadre d'un plafond national. / © IStock/Getty Images

Dans la majorité des pays, les taxes foncières portent très largement sur la propriété

Les gouvernements nationaux ou fédéraux jouent un rôle important dans le calibrage des taxes foncières

Taxes foncières : tour d’horizon européenLes taxes foncières font partie du panier de ressources classiques des collectivités locales en Europe. Éclairage sur les spécificités de ces impôts propres à plusieurs pays européens.

L es organisations internationales (OCDE, FMI) différencient plusieurs taxes sur la propriété (property tax).

Au côté des taxes sur les transactions finan-cières, les héritages, la fortune, figurent d’autres impôts fonciers tels que la taxe sur les propriétés non bâties (land tax), la taxe sur les propriétés bâties (building tax), la taxe d’habitation (housing tax) et la taxe sur les cessions. Un lien intrinsèque relie ces taxes foncières aux services publics locaux, dans la mesure où elles reflètent une partie de l’augmentation de valeur des propriétés foncières générée par les dépenses publiques. Ces taxes inciteraient ainsi les collectivités locales à gérer de manière responsable les deniers publics, sous peine de sanction lors des élections locales. Dans la majorité des pays, les taxes foncières portent très largement sur la propriété (voir tableau ci-contre). À noter : en France et au Royaume-Uni, qui taxent l’usage (taxe d’habitation ou council tax), les taux de ménages propriétaires sont parmi les plus faibles d’Europe (autour de 64 %).

Éviter la concurrence fiscaleLe poids de ces taxes foncières dans les budgets locaux varie fortement d’un pays à l’autre. Il dépend notamment du périmètre de compétences qu’exercent les gouverne-ments locaux, des autres revenus dont ils disposent (recettes tarifaires, dotations, péréquations, autres taxes), du degré de

liberté dans la définition des bases fiscales et des taux. Au Royaume-Uni, l’impôt foncier constitue l’unique ressource fiscale, le reste provenant des dotations de l’État central. En Roumanie, il représente environ 80 % du produit de la fiscalité locale. En France, cette part s’élève à environ 50 %, proche de la Bulgarie (52 %) et des Pays-Bas (40 %)1.

Dans la plupart des pays de l’OCDE, les gouvernements nationaux ou fédéraux jouent un rôle important dans le calibrage des taxes foncières locales (définition de l’assiette, des taux, des allègements). Si le pouvoir discrétionnaire des autorités

locales dans la définition de la base fiscale est rare (à l’exception des Pays-Bas, de la Norvège, de la Hongrie, de la Roumanie et de la Suisse), il constitue la règle en matière de fixation des taux dans la majorité des pays. Lorsqu’ils sont déterminés localement, les

taux sont généralement encadrés par la loi afin d’éviter la concurrence fiscale entre les territoires.Deux grandes méthodes d’estimation des valeurs immobilières se distinguent. La première consiste à multiplier la surface du bien par une unité tarifaire fixée. La seconde repose sur l’évaluation de la valeur

de marché du bien, soit de sa valeur loca-tive (évaluation du loyer pour une année donnée), soit de sa valeur de cession (évalua-tion du prix de vente une année donnée). En pratique, la plupart des pays combinent ces systèmes. Quel que soit celui retenu, l’enjeu principal reste l’actualisation régulière des valeurs pour éviter de générer des iniquités.

Royaume-Uni : la council tax sur les résidentsPendant longtemps, tous les biens immo-biliers faisaient l’objet de taxes foncières sur les occupants, sur la base de valeurs locatives datant de 1973. Ces taxes sont remplacées en 1990 par la poll tax, for-faitaire. Très impopulaire, celle-ci est supprimée dès 1992 au profit d’une taxe sur les ménages résidents (locataires ou propriétaires). Cette council tax est assise sur la valeur de cession du bien à la date du 1er avril 1993 en Angleterre et en Écosse, et du 1er avril 2005 au Pays de Galles. La valeur de marché de chaque bien a été estimée à cette date, la pro-priété étant ensuite classée dans l’une des huit catégories (neuf au Pays de Galles) en fonction de sa taille, sa localisation, son aménagement… Un coefficient de pondération associé à chaque catégorie rend le système fiscal progressif. Les autorités locales fixent le taux de la council tax et en collectent le produit. Des réévaluations fré-quentes des catégories étaient prévues. Mais malgré plusieurs tentatives, aucune réforme n’a été adoptée, illustrant la dif-ficulté à réviser les bases fiscales. Les évolutions apportées au bien sont prises en compte lors de sa vente uniquement. Les constructions nouvelles ou les biens transformés en locaux résidentiels se voient assigner une catégorie. Pour les entreprises, un impôt foncier spécifique est prélevé (business rates), assis sur la valeur locative du bien.

Italie : à mi-chemin entre la council tax et la taxe d’habitationEn 2011-2012, l’Italie vote une réforme de la fiscalité locale qui supprime la taxe com-munale sur l’immobilier créée en 1992. Une taxe sur les propriétés bâties et non bâties (résidentielles et professionnelles) est ins-taurée : l’imposta municipale unica (IMU), basée sur les valeurs cadastrales révisées. Depuis 2016, les résidences principales, à l’exception des résidences « luxueuses », sont exonérées de cet impôt. Un taux de réfé-rence est fixé nationalement. Les communes peuvent le faire varier dans une fourchette fixée par l’État. En 2014 est créée la tassa sui servizi indivisibili (TASI) qui taxe les « services indivisibles » fournis par la situa-tion géographique du logement : éclairage public, entretien des routes et des espaces verts… Elle est basée sur la valeur cadastrale pour les biens résidentiels et sur la valeur de marché pour les terrains constructibles (elle ne s’applique pas pour les terrains agricoles). Lorsqu’un logement est mis en location, la taxe est partagée entre le propriétaire et le locataire : ce dernier paye la part établie par

la commune (entre 10 % et 30° % du montant total), le reste étant payé par le propriétaire. Comme pour l’IMU, la commune dispose d’une marge d’ajustement pour fixer le taux de la TASI. Elle peut en exonérer partielle-ment certains contribuables (ménage céli-bataire, résidence secondaire…).

Camille Allé

1. Données GFS 2010, Property Tax Regimes in Europe, UN-Habitat, 2013

Comparaison des taxes foncières dans cinq pays européens

Pays Taxes foncières (propriété ou usage)

Contribuables Bénéficiaires Fixation des taux Base fiscale

Allemagne Taxe foncière sur les propriétés bâties

Taxe foncière sur les immeubles non bâtis

Entreprises et ménages

Communes Pourcentage additionnel à un taux de base fixé par le Land

Valeur locative

Valeur vénale

France Taxe foncière sur les propriétés non bâties

Taxe d’habitation

Taxe foncière sur les propriétés bâties

Cotisation foncière des entreprises

Entreprises et ménages

Communes

Intercommunalités

Départements

Pouvoir de taux encadré

Valeur locative

Pologne Taxe sur les propriétés agricoles et forestières

Taxe sur les propriétés urbaines

Entreprises et ménages

Communes Taux définis localement avec plafond fixé nationalement

Valeur du m2 habitable déterminée en fonction de l’usage de l’immeuble (privé ou professionnel) ou du terrain (agricole ou non)

Portugal Taxe municipale sur les propriétés bâties et non bâties

Entreprises et ménages

Communes Ajustement du taux dans une fourchette donnée (0,3 % - 0,5 %)

Valeur patrimoniale sur la base de la valeur de marché

Sources combinées : Fiscalité locale et entreprises, CPO, 2014 ; Property Tax Regimes in Europe, UN-Habitat, 2013.

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

17DOSSIER

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Formalités administratives : passer le seuil sans prendre la porteLe poids démographique des communautés et métropoles a aussi des effets dans l’administration quotidienne. Sans rappeler les seuils applicables pour chaque catégorie juridique de communautés ou pour l’attribution de dotations, Intercommunalités se penche ce mois-ci sur les effets de seuil dans les principales formalités administratives imposées par le Code général des collectivités territoriales. La croissance des communautés depuis le 1er janvier 2017 pourrait avoir déclenché de tels seuils.

Condition Seuils Catégorie Disposition Codes applicables

Au moins une commune - population municipale

1 000 AssembléesLa composition des différentes commissions, y compris les commissions d'appel d'offres et les bureaux d'adjudications, doit respecter le principe de la représentation proportionnelle pour permettre l'expression pluraliste des élus au sein de l'assemblée communale.

CGCT, art. L. 2121-22

Population municipale 2 000Cimetière et cinéraire

Au moins un cimetière et un site cinéraire dans la communauté ou la métropole. CGCT, art. L. 2223-1

Aucune commune n'a plus de

3 000 Budget

Les budgets d'eau et d'assainissement peuvent être dans le budget général. CGCT, art. L. 2224-2

Un budget unique des services de distribution d'eau potable et d'assainissement est possible si les deux services sont soumis aux mêmes règles d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée et si leur mode de gestion est identique.

CGCT, art. L. 2224-6

Population municipale 3 500

Assemblées

Les convocations sont adressées au moins 3 jours avant la première réunion du conseil communautaire après le renouvellement général.

CGCT, art. L. 2121-7

Le dispositif des délibérations à caractère réglementaire est publié dans le recueil des actes administratifs. CGCT, art. L. 2121-24

Le dispositif des arrêtés à caractère réglementaire est publié dans le recueil des actes administratifs. CGCT, art. L. 2122-29

OppositionLes conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale qui en font la demande peuvent disposer sans frais du prêt d'un local commun.

CGCT, art. L. 2121-27

Budget

Les données synthétiques sur la situation financière de la communauté doivent être publiées et mises à disposition à l'hôtel communautaire et publiées dans une publication locale.

CGCT, art. L. 2313-1

Une liste des concours attribués par la commune sous forme de prestations en nature ou de subventions, jointe au compte administratif, est publiée et mise à disposition à l'hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

Une présentation agrégée des résultats afférents au dernier exercice connu du budget principal et des budgets annexes de la commune est publiée et mise à disposition à l'hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

Une liste des organismes pour lesquels la commune détient une part du capital ou a garanti un emprunt ou a versé une subvention supérieure à 75 000 euros ou représentant plus de 50 % du produit figurant au compte de résultat de l'organisme est publiée et mise à disposition à l'hôtel communautaire. Cette liste indique le nom, la raison sociale et la nature juridique de l'organisme ainsi que la nature et le montant de l'engagement financier de la communauté.

CGCT, art. L. 2313-1

Un tableau retraçant l'encours des emprunts garantis par la communauté ainsi que l'échéancier de leur amortissement est publié et mis à disposition à l’hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

La liste des délégataires de service public est publiée et mise à disposition à l'hôtel communautaire. CGCT, art. L. 2313-1

Un tableau des acquisitions et cessions immobilières réalisé par les concessionnaires pendant l'exercice est publié et mis à disposition à l'hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

L'ensemble des engagements financiers résultant de contrats de partenariats est publié et mis à disposition à l'hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

L’annexe au contrat de partenariat retraçant la dette liée à la part investissements des contrats de partenariat est publiée et mise à disposition à l'hôtel communautaire.

CGCT, art. L. 2313-1

Les amortissements des immobilisations sont compris dans les recettes non fiscales de la section d'investissement. CGCT, art. L. 2331-6

Certaines dotations aux amortissements sont des dépenses obligatoires. CGCT, art. R. 2321-1

Régie communautaire

Le conseil d'exploitation de la régie à autonomie financière peut être distinct du conseil communautaire en deçà du seuil de 3500 habitants.

CGCT, art. R. 2221-65

Le directeur de la régie gérant un SPIC ne peut pas être un agent communautaire. CGCT, art. R. 2221-75

Au moins une commune - population municipale

3 500

Assemblées

Le règlement intérieur est pris dans les 6 mois de l'installation. CGCT, art. L. 2121-8

Le président doit réunir le conseil dans les 30 jours si un tiers des membres du conseil le demande. En-deçà de ce seuil, le président doit réunir le conseil dans les 30 jours si la moitié des membres du conseil le demande.

CGCT, art. L. 2121-9

La convocation est adressée au moins 5 jours francs avant le conseil avec une note de synthèse. En-deçà de ce seuil, la convocation est adressée au moins 3 jours francs avant le conseil.

CGCT, art. L. 2121-12

Le règlement intérieur ou une délibération fixe la fréquence ainsi que les règles de présentation et de réponse aux questions orales. CGCT, art. L. 2121-19

Le dispositif des actes réglementaires pris par l'organe délibérant ou l'organe exécutif est transmis dans le mois, pour affichage, aux communes membres, ou est publié dans un recueil des actes administratifs.

CGCT, art. L. 5211-47

Opposition Un espace d'opposition est prévu dans les publications communautaires. CGCT, art. L. 2121-27-1

Budget

Le rapport sur les orientations budgétaires (ROB) est présenté par le président dans les 2 mois précédant le vote du budget. CGCT, art. L. 2312-1

Le débat sur le rapport sur les orientations budgétaires (DOB) est présenté par le président dans les 2 mois précédant le vote du budget.

CGCT, art. L. 2312-1

Le budget présente les ratios prévus par l'article R. 2313-1. CGCT, art. R. 5211-15

Le budget est présenté au niveau de la fonction si vote du budget par nature. Cette présentation fonctionnelle est croisée avec chacun des articles ou chapitres pour le budget selon le choix du conseil communautaire, ou avec chacun des articles pour le compte administratif.

CGCT, art. R. 2311-1

Actes administratifs

Le recueil administratif a une périodicité au moins semestrielle. CGCT, art. R. 5211-41

La publication au recueil des actes administratifs, en plus de leur publicité à l'hôtel communautaire, des actes listés à l'article R. 143-14 est obligatoire.

C. urb., art. R. 143-15

La publication au recueil des actes administratifs, en plus de leur publicité à l'hôtel communautaire, des actes listés à l'article R. 153-20 est obligatoire.

C. urb., art. R. 153-21

La publication au recueil des actes administratifs, en plus de leur publicité à l'hôtel communautaire, de la délibération d'approbation ou de révision de la carte communale est obligatoire.

C. urb., art. R. 163-9

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

DROIT18

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Condition Seuils Catégorie Disposition Codes applicables

Au moins une commune - population municipale (suite)

3 500Actes administratifs (suite)

Publication au recueil des actes administratifs, en plus de leur publicité à l'hôtel communautaire, de l'acte de création d'une ZAC.

C. urb., art. R. 311-5

Publication au recueil des actes administratifs, en plus de leur publicité à l'hôtel communautaire, de la mention de la signature d'une convention de projet urbain partenarial.

C. urb., art. R. 332-25-2

Population municipale 5 000 AssembléesLa création d'une commission intercommunale pour l'accessibilité est obligatoire pour les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de transports ou d'aménagement de l'espace.

CGCT, art. L. 2143-3

Population municipale 10 000 Budget

Lorsque la communauté a institué la TEOM, un état spécial annexé aux documents budgétaires retrace d'une part le produit perçu de la TEOM et les dotations et participations reçues pour le financement du service, liées notamment aux ventes d'énergie ou de matériaux, aux soutiens reçus des éco-organismes ou aux aides publiques ; et d'autre part, les dépenses, directes et indirectes, afférentes à l'exercice de la compétence susmentionnée.

CGCT, art. L. 2313-1

Si la communauté comprend une commune de 3 500 habitants ou plus, le ROB comprend une présentation de la structure et de l'évolution des dépenses et des effectifs et précise notamment l'évolution prévisionnelle et l'exécution des dépenses de personnel, des rémunérations, des avantages en nature et du temps de travail.

CGCT, art. L. 2312-1

Le budget présente au moins le ratio « Dépenses réelles de fonctionnement/population ». CGCT, art. R. 5211-15

Au moins une commune - population municipale

10 000 Budget

Le budget est présenté au niveau le plus fin de la nomenclature par fonction si vote du budget par nature. Cette présentation fonctionnelle est croisée avec chacun des articles ou chapitres pour le budget selon le choix du conseil communautaire, ou avec chacun des articles pour le compte administratif.

CGCT, art. R. 2311-1

Le budget est présenté au niveau le plus fin de la nomenclature par fonction si vote du budget par fonction. Cette présentation fonctionnelle est croisée avec les comptes par nature à deux chiffres pour le budget selon le choix du conseil communautaire, ou avec le compte le plus détaillé ouvert dans la nomenclature par nature pour le compte administratif.

CGCT, art. R. 2311-1

Population municipale 20 000

Budget

Présentation par le président d'un rapport sur la situation en matière d'égalité entre les hommes et les femmes intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation, préalablement au débat sur le budget.

CGCT, art. L. 2311-1-2

Si l'arrêté des comptes indique un déficit de la section de fonctionnement égal ou supérieur à 5 %, le préfet saisit le juge des comptes. En-deçà de ce seuil de population, le préfet saisit le juge des comptes si l'arrêté des comptes indique un déficit de la section de fonctionnement égal ou supérieur à 10 %.

CGCT, art. R. 1612-31

Conseil de développement

Un conseil de développement doit être créé. CGCT, art. L. 5211-10-1

Population municipale 50 000

BudgetLe président présente un rapport sur la situation en matière de développement durable intéressant le fonctionnement de la collectivité, les politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation, préalablement au débat sur le budget.

CGCT, art. L. 2311-1-1

AssembléesLa création d'une mission d'information et d'évaluation est obligatoire si 1/6 des membres du conseil communautaire le demande.

CGCT, art. L. 2121-22-1

Population municipale 100 000 Opposition Des groupes d'élus d'opposition peuvent être constitués et des moyens matériels peuvent être mis à leur disposition. CGCT, art. L. 2121-28

Pablo Hurlin-Sanchez

www.adcf.org • N° 228 • MARS 2018

DROIT 19

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Mobilisez-vous !Dans le cadre du programme Popsu 2, des chercheurs ont étudié la dimension narrative de la production urbaine à Nantes. Laurent Devisme, professeur en aménagement et urbanisme à l’Ensa Nantes, dévoile les enjeux de mobilisation collective et de régulation politique qui sous-tendent la production d’un projet métropolitain.

E n 2018, faisons respirer la ville » peut-on lire sur de grands pan-neaux 4*3 dans la ville de Nantes

à l’orée de la nouvelle année. En fond de plan, une image de synthèse du futur secteur Commerce-Feydeau dans laquelle dominent le vert et les fleurs : la tonalité est donnée, reprenant certes l’image éculée de la ville comme organisme vivant mais qualifiant aussi une action politique spa-tialisée. Un tel énoncé peut être qualifié de production idéologique, donnant en l’occurrence une orientation à l’aménage-ment de la ville qui doit ensuite franchir bien des épreuves de réalisation. On connaît bien la difficulté d’une action urbanistique qui doit aujourd’hui ménager la nature en ville (thème-clé depuis 2014 à Nantes) et densifier la ville existante : c’est une fonc-tion de régulation qui consiste à opérer des choix, à valoriser certains terrains en autorisant leur construction et leur densification tout en produisant un récit à l’échelle globale, donnant l’idée d’une ville apaisée sans être ennuyeuse pour autant.

Un « impératif participatif »En nous intéressant, avec Pauline Ouvrard, à cette dimension narrative de la produc-tion urbaine à Nantes, nous avons mis en avant un certain nombre de points sail-lants (cf. le rapport pour Popsu 2, en ligne). C’est dans l’ensemble un renouveau de la production idéologique du territoire qui consiste à relancer un projet de territoire (décision de Nantes Métropole du 25 juin 2010) en mobilisant la population afin d’éviter qu’il s’agisse d’un projet d’insti-tution. On se situe bien dans un contexte d’impératif participatif1. Mandat est alors passé à l’agence d’urbanisme de Nantes d’orchestrer ce travail et d’engager une ingénierie prospective ad hoc. Le suivi des activités alors menées montre la mise en place de certaines logiques qui ont été plutôt confirmées depuis.

Ouvrir la paroleIl faut relever d’abord un déploiement signi-ficatif de technologies de production et de recueil de paroles : charte éthique du débat accompagnant Nantes 2030. Ma ville demain, groupe de suivi permanent, groupe-témoin prospectif, groupe de

référents des communes, world café, site Internet dédié… Alors que se déploient nombre d’outils numériques dans les col-lectivités locales (en 2014, une délégation au numérique apparaît à Nantes), la démarche de prospective participative se fait poisson-pilote dans l’idée d’ouvrir les vannes de la parole. Cette démultiplication attendue est très largement à relativiser dans la mesure où l’étude du fonctionnement des réseaux sociaux montre que ce sont souvent les fonctionnaires territoriaux qui sont les plus actifs dans ces démarches.

Canaliser les débatsIl faut dans le même temps relever un travail intense de synthèse de l’hétérogène, de réduction du tout-venant, qu’opèrent des consultants actifs dans la démarche de même que le maître d’ouvrage : il faut à la fois montrer que ça marche (tant de contributions) et cadrer en évitant des dérapages ou canaliser les débats (Nantes

2030 évite ainsi soigneusement le débat sur une nouvelle implantation aéroportuaire qui devient pourtant au même moment d’ampleur nationale). Cela passe par des inventions sémantiques (« proximixité », « contemplaction », « diversidées ») et par

des méta-récits qui flirtent avec l’essen-tialisation territoriale comme « l’esprit de Nantes » ou encore « le jeu à la nantaise »…

Nouvelles manières de faire politiqueDeux autres points nous semblent signifi-catifs de changements s’opérant dans les manières de faire politique. D’abord il est bien difficile d’arrimer cette nouvelle pro-duction idéologique à des options politiques identifiées sur le spectre gauche - droite. Ensuite, il est clair que les démarches de prospective participative puis de grand débat (sur la Loire puis sur la transi-tion énergétique, orchestrés par Nantes Métropole depuis Ma Ville Demain) ont permis un renouvellement du milieu des entrepreneurs d’action collective. D’aucuns évoqueraient l’enjeu du passage de relais entre les réseaux liés à l ’ère Jean-Marc Ayrault et à une nouvelle génération de trentenaires et quadragénaires. En tout

cas, la mobilisation technicopolitique, à l’œuvre dans de telles démarches, poursuit un objec-tif de cerner de nouveaux acteurs qui sont aussi liés

à des professions émergentes : mondes du numérique, de la création, de la transition socio-écologique…En somme, un tel projet de territoire fonc-tionne comme régulateur idéologique. Il s’énonce certes sous une forme prospective

mais ce n’est pas tant la substance projetée qui compte – il est du reste bien difficile de tracer les relations entre cet exercice et les documents d’aménagement plus prescriptifs comme le sont les PLU, PDU et PLH – que les dynamiques d’acteurs qu’il engendre, au croisement du pouvoir, du savoir et du croire. Les anciennes pratiques de la pros-pective renvoyaient aux objectifs de guider,

éclairer et rassurer. Il s’agit aujourd’hui de mobiliser, impliquer, mais nos observa-tions ne permettent pas de les associer pour autant aux enjeux d’empowerment. Quant aux perspectives dessinées par Michel Lussault aux « Mercredis de l’INET » en octobre 2012, assignant à la prospective les missions d’inquiéter, de dérouter et d’opacifier, nous en sommes loin !

Laurent Devisme, Ensa Nantes, UMR AAU-Crenau

1. Un concept forgé par Loïc Blondiaux dans Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, 2008, Paris, Seuil.

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Porter le projet métropolitainSur six numéros, Intercommunalités revient sur les études conduites au sein de dix territoires métropolitains par l’équipe de chercheurs de la plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu), un programme de recherche accompagné par les ministères du Logement et de l’Environnement. Ce mois-ci, regards croisés sur la construction du projet métropolitain.

Nantes Métropole a fait le choix de concerter étroitement la population dans le cadre de la réalisation de son projet de territoire, au travers d'une grande diversité d'outils. / © IStock/Getty Images

C’est un renouveau de la production idéologique du territoire

Ce sont souvent les fonctionnaires territoriaux qui sont les plus actifs dans ces démarches

Un projet de territoire fonctionne comme régulateur idéologique

Le site Web dédié au projet métropolitain de Nantes :

http://www.mavilledemain.fr/

MARS 2018 • N° 228 • www.adcf.org

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« Un projet métropolitain qui s’ancre dans la durée doit être porté par la société locale »

La métropole d’Aix-Marseille-Provence est en cours d’élaboration de son projet métropolitain. Une démarche forte d’ambition pour un territoire en phase de construction d’un récit commun et partagé. Explications par Vincent Fouchier, DGA en charge de l’animation de ce travail.

Quels objectifs sont assignés au projet métropolitain ?C’est un projet métropolitain pour une métropole jeune. Là où les autres métro-poles sont issues de communautés urbaines préexistantes, Aix-Marseille-Provence fusionne six intercommunalités qui ne travaillaient pas ou peu ensemble. Avec une superficie de 3 000 km², on doit fabriquer une vision commune et harmoniser des politiques jusque-là pensées séparément. Nous devons changer d’échelle et mieux répondre aux besoins en combinant toutes les compétences qu’une métropole peut porter. Cette puissance de feu n’est mobili-sable que si le projet métropolitain esquisse des ambitions fortes.Le slogan de la métropole, « L’audace par nature », nous permet de parler à la fois d’innovation et de notre socle naturel : nous avons un patrimoine naturel exceptionnel avec la montagne Sainte-Victoire, le Parc national des Calanques, l’étang de Berre, la Côte bleue, les Alpilles, la Sainte-Baume. « L’audace par nature », c’est aussi le socle de notre identité, de la personnalité singulière de cette métropole marseillaise.

Il faut pouvoir exprimer de manière simple l’ambition qu’on veut donner au projet. Ce récit doit être approprié et appropriable par tous. Non pas le fait d’un expert ou d’un élu isolé mais bien le projet d’un col-lectif qui porte un territoire et sa trans-formation. Il nous apparaît qu’un projet métropolitain qui s’ancre dans la durée

doit être animé par une société locale : le monde socio-économique, les habitants et les élus.

Votre direction s’inscrit dans cette logique d’animation dans la durée.Exactement. Nous travaillons en trans-versalité et n’avons pas vocation à faire le travail des autres directions techniques. J’anime une équipe projet avec des réfé-rents de chacune des directions de la métropole : une vingtaine de directeurs ou chefs de service qui représentent les politiques sectorielles. Nous fabriquons ensemble le projet métropolitain qu’ils importent en retour dans leurs politiques thématiques. Cette équipe regroupe trois directions : celle du projet métropoli-tain, celle du Conseil de développement mais aussi une direction à la contrac-tualisation. Il s’agit d’aligner l’ensemble des acteurs pour fabriquer le projet et le mettre en œuvre. Or la contractuali-sation est un des moyens de cofinancer les actions de la métropole. On y arrive d’autant mieux qu’on associe les parte-naires en amont.

Quelle méthode avez-vous retenue pour élaborer le projet ?Une mission interministérielle a amorcé le travail sur le contenu du projet métro-politain, sans que l’État cherche à se subs-tituer aux élus. Une fois la métropole créée, la méthode a été adaptée pour que les élus soient à la manœuvre. C’était un

moment complexe. Les autres métropoles ont des agendas glissants entre des docu-ments déjà mûrs ou approuvés, mais Aix-

Marsei l le-Provence amorce simultané-ment toutes les poli-tiques dont elle a la charge. D’où l ’intérêt d’un projet métropo-litain transversal qui

donne le substrat de base à l ’ensemble des politiques sectorielles. Nous avons engagé une « fabrique du projet métro-politain  », une manière originale de travailler.Nous nous sommes installés au sein du projet TheCamp, un campus high-tech dédié à la vil le de demain. Dans une baraque de chantier, nous avons tenu

cinq ateliers impliquant de manière équilibrée les élus et les membres du Conseil de développement. En utilisant les méthodes d ’ « intelligence collec-tive », ils ont défini des pistes pour le projet métropolitain. Réunir les élus du territoire et susciter de l ’enthousiasme et de l’adhésion avec une méthode aussi originale, c’était une prise de risque de notre part, mais nous avions de très bons accompagnants. C’est un pari réussi. Avec la matière accumulée, nous prépa-rons un avant-projet métropolitain qui sera soumis au débat politique et aux commissions de travail plus classiques, préalable à une délibération.

Le Conseil de développement joue donc un rôle important.Créé il y a un an, le Conseil de développement est confié à un président exigeant : le patron d’Airbus Helicopters, le plus grand employeur privé du territoire implanté dans le pays d’Aix. Tous nos grands partenaires et tous les terri-toires sont représentés dans ce Conseil. Dès la rédaction de ses statuts, nous avons prévu une commission dédiée au projet métropolitain. Cette commission spéciale fait l’interface et gère la transversalité des ambitions et de l’ex-pression du Conseil sur le projet. La première saisine du président Gaudin au Conseil portait d’ailleurs sur le projet métropolitain. Dans quelques jours, le conseil de développement fera connaître ses propositions.Nous n’avons pas engagé de travail de concertation plus large à ce stade. La métro-pole étant jeune, il fallait déjà acculturer les élus et décideurs aux enjeux, avant d’ouvrir la discussion à un public plus large. Le Conseil de développement étudie des propositions pour un élargissement de la participation citoyenne et nous travaillons dans cette perspective.

Le projet métropolitain a-t-il fait émerger de nouveaux acteurs ?En même temps que la métropole s’installe et que le projet s’élabore, il y a des acteurs qui émergent. Par exemple TheCamp, un projet inauguré en novembre dernier, s’est inscrit dans le paysage comme un acteur impor-tant sur les questions de la ville de demain. Lorsqu’eux naissaient, la métropole naissait également. Nous nous sommes appuyés sur eux pour fabriquer le projet métropolitain

et ils utilisent la métropole comme terrain d’expérimentation de leurs initiatives.On retrouve ce type d’appui mutuel avec l’université. Nous nouons avec elle un partenariat étroit pour faire monter en gamme les qualifications du territoire et nourrir les dynamiques de l’emploi. De même avec le port qui était historiquement très autonome. Nous préparons une charte métropole-port pour que l’ensemble du tissu économique de la métropole se mette au service du port, et inversement. Toute la chaîne logistique, le report modal des camions vers le ferré et le fluvial, la question des zones d’entrepôt, de la gestion en temps réel de la circulation des marchandises, font l’objet d’un gros travail. C’est une vraie plus-value d’avoir la métropole qui dialogue avec le port. Nous voulons développer ces synergies d’échelle métropolitaine.Propos recueillis par Maxime Goudezeune

Le slogan de la métropole, « L'audace par nature », fait référence à la démarche d'innovation du territoire ainsi qu'à la richesse de son patrimoine naturel. / © IStock/Getty Images

Susciter de l’enthousiasme avec une méthode aussi originale, c’était une prise de risque

Ce récit doit être approprié et appropriable par tous

Il fallait déjà acculturer les élus et décideurs aux enjeux

Nous voulons développer ces synergies d’échelle métropolitaine

Vincent FouchierDirecteur général adjoint de la métropole d’Aix-Marseille-Provence en charge du projet métropolitain, du Conseil de développement et de la Contractualisation

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« Avec cette méthode,  l’autofinancement devrait remonter »

Alain Richard co-anime, avec le préfet Dominique Bur, la mission d'experts de la Conférence nationale des territoires chargée de préparer la refonte de la fiscalité locale. Il revient, dans cette interview, sur la contractualisation qui se met en place entre l’État et les plus grandes collectivités, et en souligne les enjeux et les perspectives.

L’élaboration des contrats repose, pour les collectivités dont le budget en dépense est supérieur à 60 millions d’euros, sur une démarche partenariale à engager entre l’État et les collectivités concernées. Quels seront, selon vous les facteurs de succès de cette démarche ? Quelles difficultés potentielles ?La motivation première de cette réforme est la stratégie définie par Emmanuel Macron,

dès le début de sa candidature  : il faut réduire progressivement le poids très élevé des dépenses publiques en France, c’est le moyen de stabiliser la charge fiscale, de réduire la dette et de pousser à l’efficience des services publics. Cette stratégie, suivie méthodiquement et accompagnée par une démarche d’innovation et de concerta-tion très ouverte, suit son cours et je crois qu’elle est bien acceptée par une majorité de citoyens.Le principal facteur de succès à mon sens est qu’elle ne conduit pas à des remises en cause radicales des montants de dépenses, qui ont été traumatiques sur le plan social dans d’autres États européens : c’est un mouvement progressif qui exploite aussi l’opportunité de la croissance. D’où la défi-nition d’une ligne « mesurée », demandant non pas une baisse de dépenses en volume, mais une hausse limitée et graduée, et

proposant une adaptation individualisée par la conclusion d’un contrat. C’est ce qu’ont bien compris les membres de l’AdCF, qui ont accueilli cette démarche de façon très constructive.Les difficultés potentielles sont de deux ordres. Il y a la critique politique qui pro-clame qu’aucune dépense publique n’est critiquable ou contestable parce que le service public serait intouchable et ses gestionnaires locaux irréprochables. Je

crois qu’elle s’affaiblira. Il y a aussi les complications de mise en œuvre d’un cadre législatif qui par nature est assez uniforme, alors que les situations auxquelles on va l’appliquer présentent beau-coup de diversités. Le comité de pilotage qu’a suggéré le

président de l’AdCF Jean-Luc Rigaut va aider à ce qu’on utilise au mieux les marges d’adaptation que nous avons inscrites dans le texte.

D’un point de vue macroéconomique, pensez-vous qu’il soit bon que les investissements des collectivités soient principalement portés par de l’autofinancement, tel que semble le suggérer la loi de programmation ?Oui, je crois – et je ne suis pas le seul – qu’à un moment où l’endettement public est excessif et crée une vulnérabilité pour le pays, le monde des collectivités a avantage à financer ses investissements, dont la plus grande part ne présente pas de rentabilité financière, par des ressources définitives plutôt que par de la dette.C’est aussi une garantie de la future liberté de gestion de chaque collectivité

pour l’avenir, sans être alourdie dans son fonctionnement par des charges d’inté-rêts et de remboursement continuellement croissantes.De toute manière, au vu des situations de départ, on n’est pas à la veille d’une réduc-tion verticale de l’endettement. L’écart entre la courbe de dépenses courantes, autour de 1,2 %, des recettes présentant une dyna-mique entre 2 et 3 % va, c’est l’objet de ce cadre nouveau, s’accroître progressivement. Mais cela ne va pas se faire en un clin d’œil : la remontée de l’autofinancement sera labo-rieuse, et il y a toujours des aléas.

Comment éviter que la "norme de dépense de fonctionnement" fixée par la loi de programmation (1,2 % par an des dépenses réelles de fonctionnement) se traduise par un recul des services publics ou des investissements dans certains territoires ?Le respect de cette courbe de croissance en fonctionnement n’est pas facile, convenons- en, dans les conditions spécifiques du service public local. Mais la volonté d’innovation et l’esprit de modernisation sont bien présents chez la plupart des collègues et sont des moti-vations fortes chez nos cadres territoriaux. Nous avons démontré dans les dernières années, dans de nombreuses collectivités, une capacité à réduire effectivement nos charges de fonc-tionnement sans porter atteinte au niveau de service aux publics et à la qualité de vie. Le poids des « contributions au redressement » de 2014-2017 a entraîné toutefois une baisse de l’autofinancement dans beaucoup de collectivités. Avec la méthode retenue cette fois, l’autofinancement devrait au contraire remonter.De ce fait, il n’y a pas de menace sur le montant des investissements, en tout cas sur ceux qui n’ont pas un impact d’alourdis-sement du fonctionnement. Une précaution toutefois : la présentation comptable actuelle ne fait pas la distinction entre subventions de fonctionnement et d’investissement, qui sont retracées de manière semblable. J’ai indiqué au Gouvernement qu’il faudrait rapidement adopter une règle de présenta-tion adaptée des subventions effectivement

destinées à contribuer à un investissement, qui n’ont pas à figurer dans les dépenses de fonctionnement ; c’est une question impor-tante pour beaucoup d’intercommunalités

qui développent des partenariats avec d’autres organismes publics.

Comment gérer le risque d’un non-respect de cette norme de dépense du fait des collectivités non concernées par la contractualisation ? Faut-il les inciter à s’engager dans la signature d’un contrat ? Et avec quels arguments ?On doit prendre ce sujet au sérieux, puisque la France est en mesure de sortir très prochainement de la procédure de déficit excessif de l’Union européenne où elle est depuis trop longtemps. Les engagements pris à cette fin sont formalisés, ils ont été adoptés dans la loi de programmation valable pour 2018-22.Donc l’objectif de 1,2 % en moyenne sera vérifié sur l’ensemble des collectivités locales, soit plus du cinquième des dépenses publiques, et pas seulement sur les « plus de 60 millions » qui en font les deux tiers. Le Gouvernement et la majorité parlementaire ont estimé que l’on pouvait compter sur la prudence gestionnaire dominante chez la grande masse des responsables locaux,

démontrée par le ralentissement des dépenses de ces dernières années. Il n’y aura donc pas de procédure de vérification individualisée.La signature d’un contrat par choix de la commune ou de l’intercommunalité est à encourager si elle a bien évalué sa capacité à tenir l’objectif. L’avantage est surtout poli-tique : l’équipe dirigeante assume devant les citoyens sa volonté de jouer le jeu de l’efficacité et de l’économie et accepte la vérification publique de son action. Nous avons laissé dans la loi la possibilité pour l’État d’apporter une sorte de « prime de réussite » en subventions d’investissement à ceux qui ont signé et respecté le contrat, sans pouvoir la chiffrer immédiatement car elle dépendra de la bonne exécution du budget 2018. Mais je pense que le Gouvernement aura à cœur d’apporter cette « prime ».Toutefois, pour ne pas arriver à une sur-charge au cas où beaucoup de communes à faible budget demanderaient à signer un contrat, la liberté a été laissée aux préfets de retenir seulement certaines demandes jugées prioritaires. Je suis sûr qu’ils feront preuve de disponibilité car beaucoup au sein de l’État perçoivent bien l’avantage d’une nouvelle méthode de dialogue entre État et collectivités, dont le champ pourrait s’étendre à terme à d’autres domaines de partenariat.

Propos recueillis par Claire Delpech

Alain RichardSénateur du Val-d’Oise

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La stratégie d’Emmanuel Macron est un mouvement progressif qui exploite aussi l’opportunité de la croissance

Il n’y a pas de menace sur le montant des investissements

Beaucoup au sein de l’Etat perçoivent bien l’avantage d’une nouvelle méthode de dialogue

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RETOUR D’EXPÉRIENCE : VALTOM63 ET VICHY COMMUNAUTÉ

Gaspillage alimentaire et réemploi : les territoires agissent

Certains territoires s’engagent dans la lutte contre le gaspillage alimentaire et le développement du réemploi par l’intermédiaire des recycleries ; c’est le cas du syndicat de traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme, le Valtom63, ainsi que de Vichy Communauté. Explications.

L e gaspillage alimentaire et le réemploi constituent deux thématiques mon-tantes dans les collectivités. Le syn-

dicat de traitement des déchets ménagers du Puy-de-Dôme, le Valtom63, s’est engagé dans un programme baptisé Organicité®, et qui cible en particulier la restauration col-lective (notamment scolaire). Le diagnostic initial a permis d’identifier un gisement d’économie de 20 à 40 % de production de biodéchets dans la restauration collective.La mise en place des actions à conduire passe, sur le territoire, par un travail avec la commune ou la communauté respon-sable des établissements scolaires et avec les cuisiniers, pour réfléchir à la qualité des produits sélectionnés et travailler sur la commande publique afin de faciliter la consommation de produits locaux dans une logique de circuits courts. Une réflexion est menée sur les quantités et les menus proposés aux enfants, en lien avec leurs besoins (nutritionnels, quantitatifs) et leurs goûts. Cette réflexion s’inscrit dans le cadre du guide réalisé par le Groupe d'étude des marchés de restauration collective et nutri-tion (GEM-RCN), rattaché à l'Observatoire économique de la commande publique du ministère de l’Économie, qui établit des recommandations (et non des normes obli-gatoires) sur la composition des menus et les quantités. Ces recommandations peuvent être adaptées selon les publics scolaires visés. S’ajoute à cela un projet pédagogique plus large sur l’alimentation conduit avec les enseignants et les scolaires. Ce projet global a permis de réduire de 40 % le gas-pillage alimentaire dans les établissements scolaires témoins, de valoriser le métier de cuisinier, de réinvestir les coûts évités dans une alimentation de meilleure qualité et de contribuer à la sensibilisation des élèves et des équipes pédagogiques dans la durée.

Un kit pour les restaurateursUn kit « Gourmet Bag » a également été lancé dans le Puy-de-Dôme auprès d’une cinquantaine de restaurateurs privés.

Financé pour deux ans par l'Ademe et le conseil régional, le Gourmet Bag permet aux clients des restaurants d’emporter les

restes de leur repas. Si ce dispositif est éga-lement proposé par d’autres communautés et communes (Chambéry Métropole - Cœur des Bauges, communauté de communes de la Baie de Somme Sud, Annecy, Lyon…) ainsi que par des syndicats de gestion des déchets, les premiers retours sont encore partagés. Certaines collectivités rencontrent des difficultés auprès des restaurateurs, qui peuvent y voir un risque pour leur image.

En amont, le tri des biodéchets par les res-taurateurs est encore loin d’être entré dans les pratiques, à l’exception des établisse-

ments publics qui se veulent exemplaires et s’y engagent. Si l’obligation légale de trier les biodéchets et de les faire valoriser dans les filières adaptées s’impose depuis le 1er janvier 2012 aux plus gros producteurs de biodéchets (restauration, marchés, éta-

blissements publics,…), la pratique reste non rentable pour les restaurateurs et la contrainte absente.

Recyclerie et réemploiVichy Communauté, dans le cadre du bilan du programme local de prévention des déchets ménagers signé fin 2011, a quant à elle identifié le développement d’une recyclerie comme une opportunité

pour le territoire, en lien avec la création d’emplois locaux. Bénéficiant d’investis-sements de la communauté, de la région et de l’Ademe, la recyclerie a ouvert ses portes en décembre 2013.

Les résultats de ces premières années d’exploitation par l’association Siel, qui regroupe plusieurs structures de l’éco-nomie sociale et solidaire, sont encou-rageants. La recyclerie est située à côté d’une déchetterie, avec un passage obligé par le site de dépôt de la recyclerie pour les accès voiture. La collecte se fait ainsi en majorité par l ’apport volontaire sur le site, complétée par une collecte dans les quatre autres déchèteries de l’agglo-mération et, originalité, par une collecte sur rendez-vous chez les particuliers et professionnels. 1 200 tonnes ont ainsi été détournées des déchèteries sur les trois premières années d’existence. Près de la moitié des dépôts à la recyclerie sont vendus en magasin, 43 % sont valorisés via les filières de recyclage (meuble, etc.). Des ventes aux enchères sont organisées ponc-tuellement par Siel pour certains objets rares ou précieux. L’essentiel du chiffre d’affaires est réalisé à partir des ventes de meubles (24 %), du textile et chaussures (14 %) et de livres (13 %). On retrouve là des ordres de grandeurs similaires aux résultats des quelques 160 recycleries exis-tantes sur le territoire (source : données de l’Observatoire des recycleries, 2015). Par ailleurs, des actions de prévention sont menées régulièrement, auprès des scolaires notamment (intervention dans les écoles, visites de la recyclerie…).

Camille Allé

Un Gourmet Bag a également été lancé dans le Puy-de-Dôme auprès d’une cinquantaine de restaurateurs privés

Près de la moitié des dépôts à la recyclerie de Vichy Communauté sont vendus en magasin

La recyclerie de Vichy Communauté a ouvert en 2013. / © Direction de la Communication Vichy Communauté.

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INTERCO-PILOTESimulez l’évolution

du budget de votre collectivité

Comment vont évoluer les charges de votre collectivité ? Quels sont les leviers susceptibles d’améliorer votre situation financière ? Quelles sont les possibilités de financement des projets d’investissement ? Les efforts de gestion à réaliser dans les prochaines années seront-ils soutenables ?

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