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 Revue de cinéma intéractive Les Dossiers d’ N°4 - HIVER 2010 Cinéma muet : 2007-2010 

Dossiers d'Acme N°4 _ Cinema muet (2007-2010)

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Revue de cinéma intéractive

Les Dossiers

d’

N°4 - HIVER 2010

Cinéma muet : 

2007-2010 

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Edito

Côté pile le plaisir, côté face la poésie.

« La vie est trop courte pour ne pas s’amuser ! », c’est ce qui ressort de notre entretien avec ce cinéphage de S

Bromberg. Les lms sont des objets ludiques, non des pièces de musée. Ils ont été créés pour le plaisir. A nrestaurateurs, exploitants, rédacteurs, de les partager. La logique française voudrait qu’on aborde la cinéphil

un angle épicurien. Au pays de la bonne bouffe, rien ne nous fait plus plaisir que d’entendre pour la énième fhistoires drôles des Georges Lautner, celles des Lino Ventura, des Bernard Blier, des Jean Gabin ou des Jean

attablés autour d’un petit salé aux lentilles arrosé d’un bon pinard ! Aller au cinéma pour voir une comédie en c

d’autres spectateurs, c’est toujours plus amusant que de la regarder seul devant sa télévision. That’s entertaineMais si l’émotion est si vive et si communicative, ce n’est pas seulement parce que les conditions du spectacl

réunies, c’est aussi parce que nous sommes en présence d’un art périssable, bâtard, consommé instantanéme

somme, imparfait. Bien qu’elle tende à disparaître, l’impureté de la pellicule sera toujours plus touchante qpureté absolue du numérique. Nostalgie cinéphile, malgré les impératifs économiques et écologiques,

parasites du celluloïd perforé - au même titre que les grésillements d’un disque vinyle - dégagent unechaleur enveloppante que les nouveaux supports ne peuvent pas restituer – aussi performants soient

ils. En faisant de sa mortalité, le cinéma risque de perdre de vue qu’il est une mécaniquehumaine. Restaurer, projeter, en parler, c’est également sensibiliser à cette poésie.

Lobster, Acmé : même combat.

Les Dossier d’AcméHIVER 2010 - N°4

Rédacteur en chef :Danilo Zecevic([email protected])

Rédacteurs en chef adjoints :Anaïs Kompf([email protected])Vincent Baticle([email protected])

Rédacteurs :Sylvain Angiboust, Roland Fériaud, AnaïsKompf, Ornella Lantier-Delmastro, OlivierLegrain, Claude Ratinier, AnouchkaWalewyk, Danilo Zecevic.

Maquette revue numérique :Pascale Dufour([email protected])

 Webmestre et graphisme du site :Vincent Baticle

Rédaction et Edition :

Association Acme4, rue Pierre Midrin92310 SèvresMail : [email protected]

L’iconographie est issue de photosd’exploitations ou de capture de DVD deséditeurs suivants :Warner Home Video,Universal Pictures Video, Fox Pathé Europa,G.C.T.H.V., Gaumont Columbia Tristar,Pixar, Buena Vista Home Entertainement,Wilde Side Video, Paramount, MK2. Tousdroits réservés.

© Les auteurs, Acmé, 2009.Tous droits réservés pour tous pays. Toutereproduction intégrale ou partielle faitepar quelque procédé que ce soit sans leonsentement de l’auteur ou de ses ayantscause est illicite et constitue une contrefaçon.Les textes n’engagent que leurs auteurs.

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SOMMAIRE

SoMMAiREPRéSEntAtion

Page 5 

 APPElEz Moi indy !Eree aec Serge Brmberg 

Page 6 

 John BARRyMoRE«thE GREAt »Prfs e ’acer

Page 16 

lA CouR dES MiRAClESMerps, ers 2010

Page 20 

un toRREnt dE luMièRE

F. W. Mra, Segeres Aea à harr Per

Page 26 

thE Boy nExt dooR le rer ’har l

Page 32 

l’ExtASE du PASSéRêvéE Au PRéSEnt

le me eca e G MaPage 38 

CinéMA-

la veese Mss

Page

dES MélodRAF. W. Mra e

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Page

l’étoilEPa negr, ue F

Page

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 Tous supports confondus, le cinéma muet n’en nit pas defaire l’actualité. A défaut de se généraliser, les ciné-concertscréent toujours l’événement car ils proposent un spectacletotal, alliant projection de lms privés de son et musiquejouée en public. Le DVD aide l’historien dans sa réexion,mais permet aussi un transfert vers le numérique qui rend le

processus de restauration plus aisé. Internet, enn, demeureun moyen de toucher un nouveau public, de créer une nouvelleinteractivité entre le spectateur et le lm qui perd toutefois icide sa dimension spectaculaire.

Grâce à l’action conjuguée d’organismes privés et publicscomme la société Lobster de Serge Bromberg, la Fondation

Gan ou les diverses cinémathèques, le cinéma muet n’a de cesse

d’être restauré, archivé, projeté, partagé. Pourtant, la questionest complexe. Avec le temps, les lms qui se détériorent dansles caves humides ou les greniers mal chauffés sont de plus en

plus difciles à réparer. Le constat est d’autant plus alarmantque la moitié du patrimoine cinématographique n’existe

plus.

Mais des miracles existent. Deux bobines de Metropolis,

jugées perdues, ont été retrouvées en Argentine en 2008et récemment projetées au festival de Berlin. Les artistesdu cinéma des années 1920 sont (re)découverts au l des

rétrospectives – Pola Negri en avril à la Cinémathèque française – et des éditions DVD – Frank Borzage à travers un magniquecoffret sorti aux Etats-Unis. Cependant, cette vitalité ne

s’arrête pas à la résurrection de

également au cinéma contemporainGuy Maddin le citent ouvertement à John Barrymore, quelle meilleure pque sa liation avec sa petite lle D

  Assemblés, bricolés, revenus d’enet les témoignages d’une période s

nissent pas de nous hanter. It’s aliv

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Serge Bromberg est un homme oet gourmand. C’est surtout un cinéphile passionné, pour qui la

 partage du plaisir sont des ingrédide son travail et de sa démarchsociété Lobster  qu’il a créée il Bromberg est devenu un acte

du cinéma muet en France et à l’édition 2010 du Festival de Bun projet éducatif basé sur ldes lms mets et déeloé aTreasures en collaboration avec Achef » rotera de l’occason o

 public de l’un de ses fameux spFlamme, savant mélange de savBon appétit !

 Appelez-moiEntretien avec Serge

Propos recueillis

pa

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Comment liez-vous L’Enfer  votre activit derestaurateur ?L’Enfer est un lm muet puisqu’il n’y a plus de son. C’estamusant car c’est au cours d’un déjeuner qu’on en a parlé lapremière fois. Patrick Brion me dit : « Mais tu devrais chercher 

de image d’u lm parlat pur chager. Tu cherche tujur de 

 lm muet pur te cié-ccert Retour de Flamme . Purqui e cherche-tu pa de lm re pur ue fi et, tie, purqui e 

 purrait-ce pa être  L’Ener  par exemple ? »  Je lui réponds : « OK,

d’accord » . Je cherche L’Enfer, j’arrive, je retrouve les imagesdu lm, mais il n’y a plus aucun son. Ce sont des imagesmuettes. Retour donc à la case cinéma muet. C’est peut-être

le destin… C’est étonnant car ces images, amputées de leur

son n’en sont que plus poétiques, mystérieuses. Ca renforcema conviction que lorsqu’on enlève le son à une image, lecerveau nous oblige à faire l’autre moitié du chemin. De lamême manière, lorsqu’on écoute la radio, souvent on entenddes sons mais on n’a pas les images. Le cerveau, là encore,

complète et fait l’autre moitié du chemin. Donc, de cetteperte du son naît une dimension nouvelle et assez proche dela légende.

Qu’est-ce qu’un film muet pour vous ? Un film sansson ou un film sans dialogues ? 

 Voilà une question qui est très bonne… (Il rééchit.) Un lmmuet est un lm qui, soit par la force des choses, soit par

choix, ne donne pas au son une dimension narrative. C’est-à-dire qu’il peut y avoir une dimension d’accompagnement,une dimension émotive qui travaille sur les registres de la

sensibilité, mais le lm ne s’appuie pas sur le son pour saconstruction narrative et intrinsèque. En disant ceci, je balayed’un revers de main tous les lms muets qui ont été conçusavec une musique qui devait en faire partie. Mais enn, lamusique peut disparaître sur un lm muet, comme c’estdéjà arrivé sur des lms montrés avec d’autres musiques – ça reste le même lm. Cependant, donner une dénition unpeu péremptoire serait plus difcile. Plus simplement, un lmmuet est un lm sur lequel je pourrais jouer du piano sans

couper le son original ou supprimer une dimension qu’avait voulue le réalisateur.

 Vous avez abord le film de Cmotif. Une restauration peut-edes souvenirs ?Non, car à ce moment là ce n’est p

restauration a des règles extrêmemepas de modications lorsqu’on ressuccession de techniques qui partele respect de l’œuvre telle qu’elle

modication doit être documentée. P

qui grésille à l’origine et qu’on enlève ldoit être documentée et argume

grésillement doit être indiqué pour

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recherches, il puisse retrouver les indications d’origine. Tout

complément qui est apporté – car parfois il manque une

bobine et on fait de petites modications pour que le lmsoit regardable quand même – doit être argumenté. Autreexemple : si on a un lm qui a été fait en mono, le fait dele spatialiser ou de lui rajouter des effets latéraux au niveau

du son n’est pas considéré comme une restauration. Lacolorisation du lm n’est pas non plus une restauration. Parcontre, chercher toutes les copies existantes dans le monde,

pour essayer de reconstituer le meilleur négatif possible, estbien une restauration.

Pourtant, des eemples eistent de copies restaures partir de bribes de mmoires de cinphiles – commece fut le cas pour Reflet dans un œil d’or  de JohnHuston – car aucun document se rattachant des

aspects particuliers du film n’ont pu tre trouvs.C’est très possible. En quelque sorte, nous avons fait cela surLe Fantôme de l’Opéra – version 1925, sorti en 1929, deRupert Julian avec Lon Chaney – sur lequel une seule séquenceen Technicolor a survécu. En fait, quatre séquences du lmavaient été soit coloriées soit tournées en couleurs. An derestaurer le lm, nous avons visionné les images conservéesà la  Mti Picture Academy . Nous avons ainsi pu visualiser

une image du premier plan de chacune de ces séquences. Sur

l’hôtel de ces images qui fournissaient la charte de couleurs,

nous avons reconstitué le coloriage ou le Technicolor. Ils’agit là d’une restauration au plus près de ce nous pouvonsimaginer… mais, là encore, c’est documenté. D’une part,

parce qu’il y avait deux négatifs. Davons colorisé conformément à la partir du négatif de 1929 qui est d’uséquences en couleurs. L’histoire efaut essayer de se rapprocher de cl’œuvre originale.

 Vous avez projet Le Chaudro

Mlis en 3D le 2 janvier derniN’est-ce pas une manire pourl’esprit plutôt que la lettre du f

  Vous avez raison. Toutefois, il s’totale mais assumée. En 1902, Mélila Lune. Le lm est piraté – c’est dpiratages de l’Histoire du cinéma. « Maiteat, je vai rtir me lm

e Eurpe a qu’il ’y ait plu de p

de pirater le lm ». Il décide alors dn’existait pas à l’époque d’inters q

lms. Il fait donc deux négatifs orienvisage d’abord de les faire succe

à tourner deux fois. Mais il se dit caméras côte à côte, en tournant

pourrait lui éviter un second tour

gagner du temps. Il met au point unle réel fonctionnement. Il s’agit, en

deux mécanismes côte à côte, sécentimètres. Bref, c’est l’idéal pourrelief… même si ce n’est pas du t

« Ma plus grande découverte

c’est toujours la prochaine. »

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au départ. Deux négatifs sont donc tirés, l’un est envoyéaux Etats-Unis, l’autre reste en Europe. Comme personne

n’est là pour comparer avec précision ces deux négatifs,

le souvenir se perd de cette machine qui n’aura pas durée

très longtemps. Lorsque nous avons essayé de rapprocherles deux négatifs an de compléter la copie française duChaudron infernal, nous avons fait venir une copie partielle

des Etats-Unis. Nous nous sommes alors rendus compte

que certes, image par image, l’action était la même, mais que

le point de vue, la parallaxe, était un peu différente. C’est là

qu’on a réalisé qu’il y avait deux caméras et qu’on a essayéde regarder cela avec un stéréoscope. Le procédé produisait

du relief. Sans savoir et sans avoir eu l’intention de restituer

une image en 3D – ce qui soit dit en passant n’aurait pas été

possible puisque ces deux caméras étaient instables – Mélièsa enregistré les premiers lms en relief. Qu’est-ce qu’il estfort ce Méliès ! Il fait disparaître les lms en relief en 1903

et il les fait réapparaître en 2006, date de leur premièreprojection dans le cadre de Retour de Flamme !

En dcouvrant la copie d’un film abîm, vous posez- vous la question de savoir s’il mrite d’tre restauret, plus forte raison, s’il mrite d’tre montr enpublic ?

 Tous les lms méritent d’être restaurés ! Restaurer des lms

est une prestation technique parfois complexe qui nécessitede redécouvrir les copies et les éléments originaux et de

restaurer une chaîne de droits. Mais au fond, c’est une palette

complète de techniques et de technoobjectif : se faire oublier pour qu’uaussi neuf que possible, aussi jeun

 vrai, ce qui compte c’est de restaure

bien restaurer tous nos lms, à conuniques et que j’en ai les moyens. Quun lm, j’établis un contrat de conet moi : bien que je restaure beaucoleur montrer que les lms que j’es

 valeur d’émerveillement et de spec

le lm, ils seront, non seulement sal’appétit d’en voir d’autres. Supposedes lms muets une seule fois dans de mes spectacles, je préfère leur mo

dans la lune ou d’autres lms trèsen réalité même un lm extrêmem vu). La réalité, c’est qu’un spectateu

« Penser à la dimension

de spectacle est l’essence

même du cinéma. »

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préfère donc leur montrer des lms formidables, La Ruée vers l’or ou d’autres très connus qui leurs donneront l’enviede revenir plutôt que de leur montrer des choses extrêmement

exigeantes, ultra rares, dont ils ne comprendront rien parce

qu’ils ne sont pas au courant de ce qu’était l’image dans cette

galaxie là. Alors, ils ne reviendraient jamais. Restaurer le

spectateur est donc une responsabilité. Penser à la dimensionde spectacle est l’essence même du cinéma. Beaucoup de

créateurs disent « M lm et ue œuvre d’art qui me reemble » .

C’est très bien mais il faut comprendre que, tant d’un pointde vue industriel que commercial ou cinématographique, ne

pas inclure le spectateur dans la boucle conceptuelle est une

erreur fondamentale puisqu’elle nie ce qu’est le cinéma. Le

cinéma c’est : « Je te montre, tu regardes » . A quoi ça sert demontrer s’il n’y a personne pour regarder ?

Lorsque vous prsentez les films, cherchez-vous mettre le spectateur la place d’un acteur de la chaîne de cration : le ralisateur, l’interprte, lepersonnage, le restaurateur ?Il y a des lms qui sont plus passionnants pour la personnequi les a imaginés ou la personne qui les a interprétés. Il fautdonner quelques clés, le moins possible mais sufsammentpour prendre du plaisir et comprendre à 100% le lm que je

 vais présenter. Mais en réalité, le point de vue que je privilégiedans les spectacles c’est, au fond, de manière très égoïste, le

mien. Je suis quelqu’un qui cherche les lms dans les caves, lesgreniers, les brocantes. Je tombe régulièrement sur des chosesque je n’attends pas. C’est le meilleur moment. Je connais

bien le cinéma mais parfois je sors les bobines, je regarde et, là, waouh, surprise incroyable, lm étonnant. J’en avais entenduparler mais je ne l’avais jamais vu – souvent personne de vivantne l’avait vu. C’est à ce moment là que je me dit : « C’est tellement 

bie, cela me fait tellemet plaiir de vir ce lm là, que je veux partager 

ce plaisir avec d’autres » . Je le mets alors dans mon programme.

Mais pour un lm qui fait « Pschitt ! », il en a quatre-vingt

dix-neuf qui font « Flop ! ». C’est normal que mes spectaclessoient passionnants puisqu’ils ne sont composés que de lmsqui ont fait « Pschitt ! ». Ce que j’essaye de faire, c’est de donner

au spectateur quelques clés pour qu’

qu’il vive à son tour le sentiment de

Lorsque je mets le lm dans la visionj’entends donc parfois « Mai cmm

donc une succession de moments. J

danseur où on voit un gros cochon pendant trois minutes. Qu’est-ce que

rien à part qu’il fait parti des dix lmpremière décennie du cinéma. Ce lm12 ans après l’invention du cinéma

« Les gens reviennent voir

cet éclaireur qui va ouvrir

les bonnes bouteilles, leur

montrer les films trouvés

derrière les fagots et qui sont

des films formidables. »

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tellement imprévisible, alors que personne ne l’a jamais vu. C’estd’ailleurs incroyable qu’il soit devenu un lm aussi important.

  Alors que c’est rien : un gros monsieur déguisé en cochonpervers qui se fait déshabiller par une petite lle en dansant surla scène d’un cirque. C’est surréaliste !

 Vous devez tre fier d’avoir fait dcouvrir des artistescomme Charle Bowers.

 Très fier. Notre travail sur Charley Bowers s’inscrit dansla foulée des découvertes de Raymond Borde, fondateurde la Cinémathèque de Toulouse , qui avait trouvé une copie

de Non, tu exagères et qui, suite à cela, a présenté trois

films de Charley Bowers au Festival d’Annecy en 1978.Il se trouve que nous avons retrouvé une autre copie deNon, tu exagères. A 30 ans d’intervalle, nous avons eu lemême déclic, la même surprise, la même envie qu’avait eue

Raymond Borde. Nous nous sommes lancés à la chasseaux films de Charley Bowers qu’on a retrouvés un petit peupartout. A l’arrivée, cela a donné le dvd que l’on connaît.Bowers existe aujourd’hui grâce à notre travail. C’est uneimmense fierté. Il y a une intégrale George Méliès qui existegrâce à notre travail. Il va bientôt y avoir une intégrale

1914 de Charlie Chaplin, période Keyte , grâce à notretravail. Mais au fond, on s’en fiche. Il y a plein de films quiexistent grâce à notre travail et personne ne le saura jamais.Ce qui compte c’est que notre travail, et le nom de Lbter, 

puissent se faire oublier afin que les gens voient ces films

pour ce qu’ils sont, à savoir des objets de divertissement,de spectacle, d’apprentissage et de découverte. Lors des

spectacles Retour de Flamme qui existent depuis 1992,nous présentons des films sans vedette. Afin de palier àcette absence d’axe de communication possible, nous

avons clairement fait le pari avec Eric Lange – mon

complice de toujours sur les filmssorte d’homme orchestre virtuel qsorte de chef cuistot et qui dit «

  jur » . Des gens reviennent car ilsde Flamme et Serge Bromberg, m

Serge Bromberg – qui n’a aucun in

 voir, mais c’est cet éclaireur qui vbouteilles, leur montrer les films tret qui sont des films formidables.

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Pensez-vous souvent ces gens du dbut de cinma,  la fois bonimenteurs, ralisateurs et projectionnistes,dont vous avez hrit votre côt touche--tout ?L’une des histoires les plus extraordinaires du cinéma – même

si c’est un truc très courant – c’est une boîte qui s’appelait Mitchell ad Cay en Angleterre. Le truc génial, c’est qu’ils

allaient dans un endroit où il y avait beaucoup de monde à unseul et même moment, dans une seule et même minute. C’était

souvent soit à la sortie des églises, soit à la sortie des usines.

Ils lmaient les gens qui sortaient de ces endroits et dès queles gurants sortaient du champ, on leur disait : « Demain (ou ce 

ir), veez vu vir au ciéma » . Il fallait qu’ils soient beaucoupparce que du coup, le soir, les gens venaient dans la salle, on

leur passait le lm où ils pouvaient se voir et ils étaient trèscontents. Le seul problème de ce genre de lm, c’est qu’ilsn’ont d’intérêt – dans ces temps là en tout cas – que pour

les gens qui sont à l’image. Le soir même, ils passaient les

lms puis, le lendemain, ils allaient dans une autre ville car lelm de la veille n’avait plus d’espèce d’intérêt. On a retrouvéderrière un mur plus de 2’000 négatifs originaux de la société

 Mitchell ad Cay . Mais ce qui est formidable, c’est de les

retrouver 100 ans plus tard, au début d’un autre siècle. Ces

lms d’un jour, ces lms éphémères sont un voyage au paysde ce qu’était le monde à l’époque, sans acteur, sans interprète,sans intention autre que de remplir les salles en lmant desgens : sortie d’usine, de mariage ou d’un autre truc. Ce sontdes lms absolument formidables, émouvants au possible.

Ne peut-on pas vous considrer, Eric Lange et vous-mme, comme des sortes d’Indiana Jones, mi-scientifiques, mi-eplorateurs, mi-aventuriers ?C’est Isabelle Motrot qui m’appelle Indy et qui dit de moi que

je suis l’Indiana Jones du lm perdu. Sans aucun doute, on va à la recherche de momies, de pharaons. Lorsque je dis que

je me prends pour Frankenstein, jepas à la créature mais au docteur qudes corps morts en corps vivants. Cde retrouver des lms en état de pde transformer en ces choses lumin

projette sur un écran et qui font e

gens. C’est le vrai pouvoir, enn, at

 Vous insistez sur l’interactivit Une technologie renaissante mode de la 3D ne s’inscrit-elle d’esprit ?Ce n’est pas parce qu’il est projetinteractif. Par contre, ce qui est sû

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que je fais sont des spectacles vivants. Ce sont des spectaclesde cinéma plus que des projections de lms. Nous sommesdans une dimension véritablement interactive. J’aime bien

quand des gens réagissent dans la salle, disent des trucs que jepeux « pitcher ». Un gamin qui se met à pleurer, par exemple,

ça fait toujours rigoler tout le monde. L’interactivité avec lepublic est une très vieille routine pour faire fonctionner unspectacle. Dans le vaudeville, dans les années 1910 et même à

l’époque victorienne à la n du 19ème siècle, il y avait toujoursun comparse dans la salle qui invectivait les personnes sur

scène et s’avérait être, à la n, un membre du spectacle quimontait sur scène de manière à ce qu’il se passe toujoursquelque chose. Stan Laurel était le comparse de Chaplin

avant que l’un et l’autre ne se mettent à faire du cinéma. Lecinéma en 3D, qui a connu plusieurs vagues, ne change rienfondamentalement à la dimension du cinéma.

On voque rarement les projets l’tranger, alors que c’est un activit.Mon activité est incroyablement inamme est allé en Inde et au Canadans tous les festivals internationau

logique après la réception du lm à Cdernière, j’ai eu un honneur immense :du Festival de Telluride . La plus grosse r

festival américain. Ce n’est même patime achievement ! A mon avis, ils se sondis que c’était moi, ils ont dû me pren

« Retrouver des film

putréfaction et les tra

ces choses lumineuse

qu’on projette sur un

 font encore rire et pleu

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(Rire.) Notre activité est effectivement très internationale. Noussortons des dvd en France, mais aussi beaucoup à l’étranger. Le

spectacle a été restauré sous d’autres formats.Lbter a initié, anime

et développe un site Internet, European Film Treasures , qui permet

de regarder les lms émanant de cinémathèques européennes. Laplateforme est gratuite, mais de très bonne qualité. On restaureencore les lms s’ils en ont besoin. On fait des bandes musicalesen faisant travailler les musiciens. C’est un autre projet dont je suistrès er. A l’heure de la globalisation, Lbter est une structure qui

appartient au monde. En ce sens, la mondialisation a du bon. Pourrestaurer des lms de Méliès ou des lms de Chaplin de 1914,

nous avons eu besoin de la cinémathèque de Nouvelle Zélande , de lacinémathèque du Danemark, de la librairie du Cgrè à Washington, de

la Glmfd ; en somme de partout.

 Vous entretenez la magie du m

en parti les tours. En retrouvles films, la dmarche de L

paradoale ?Bien sûr, mais comme je le dis todécouverte c’est la prochaine. M

découverte, on ne découvre jamais  Je me contente d’en montrer un p

 voile. Après, aux gens d’imaginer cederrière le voile.

Le cinma ne tire-t-il pas sa beamortalit ?

 Absolument. Les plus belles œuvpas vues. Fut un temps où j’étais cocinéma. J’achetais des afches lors dje mettais ensuite dans ma collectioje n’ai pas réussies à acheter que jeelles que j’ai devant les yeux, dont car les autres, je les ai. Celles qui mecelles que je n’ai pas eues.

« Penser à la d

de spectacle est

même du cin

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Si vous avez des flms dans votre caveou votre grenier, contactez :

 Lobster Films 13, rue Lacharrière

75011 Paris – France Tel : +33 (0)1 43 38 69 [email protected]

SÉANCES LOBSTER Dates des prochains spectacles Retour de Flamme :- le vendredi 26 février à Dublin dans le cadre du

 Jameson Dublin International Film Festival- le samedi 13 mars durant le festival Zoom Arrière àToulouse- le samedi 17 avril au Café de la Danse (Paris 11ème),

séance jeune public- le lundi 3 mai au Palais des Beaux-Arts de Bruxellesdans le cadre du Festival du court métrage.

Spectacle Méliès, Cabaret Magique _ séances du 27 février au 22 mars au Théâtre de la Vieille Grille (Paris 5ème).

Europa Film Tresasures  au Festival de Berlin, du 10 au 19Février :

- 15 février à 15h à la Filmhaus de Berlin : Projection spécialeavec accompagnement musical live, suivi d’une table

ronde en présence des représentants des cinémathèqueseuropéennes.

PARTICIPATIONS :Exposition Lisette Model au Jeu de Paume  (du 09.02.2010au 06.06.2010)

 Avec une sélection de lms de la Collection Lobster Jeu de Paume - 1 place de la Concorde - 75008 Paris.

Pochette surprise (07.02.2010)Un dimanche par mois à 11h, une saccompagnés en direct.

Cinéma le Balzac . 1, rue Balzac - 750La séance du 7 février est accompagBaptiste Doulcet.

La Cie Ariphe présente Folies BSpectacle cinématographique e

s’inspirant des « séances de vues anicinématographe forain au début du

 Au Cinéma Les Étoiles de Bruay-La

Les Duos éphémères au musée du L

Rencontres inédites entre des cinématographiques et des musicienpersonnalité de la scène musicale.

Carte blanche à Camille : DJ Thyenvies 

 ACTUALITÉS DVD :Georges Méliès, Le Premier M(1896-1913)Sortie le 27.03.2010 du 6ème DVD DVD édité en 2009.

L’Enfer d’Henr-Georges Clozo

Ruxandra MedreaSortie du DVD prévue le 17 Mars c

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Le cinéma muet nous hante encore de ses illustresfantômes, tel John Barrymore qui fait l’actualitéderrère les trats de sa ette lle. Drew, arèsune déjà belle carrière d’actrice et de productrice,se lance dans la réalisation (Bliss, janvier 2009).L’ancêtre muet n’a néanmoins pas besoin desa descendance pour faire parler de lui, et les

rééditions de ses plus grandes performancessont régulières, à l’instar du dernier coffret dvdotre-Atlantqe q rént les grands lmsépiques de l’acteur : Dr. Jekyll and Mr. Hyde,Sherlock Holmes, Te Beloved Rogue, et empest.

« C’est un individu extraordinaire et, cependant, il ne  présente rien de réellement insolite. […] je ne puis arriver à 

le décrire et ce n’est pas par manque de mémoire, car je n’ai qu’à ermer les yeux pour le voir apparaître devant moi ».

M. Eneld à M. Utterson, L’Etrange cas d Dr. Jekyll

et de M. Hyde, Robert Louis Stevenson

 John Barrmore,«The Great »

Profils de l’acteur

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Une des plus grandes gures du cinéma muet, John Barrymoreest assurément un de ses acteurs les plus parlants. Acteursuperlatif, il construit sa carrière sur son physique apollonien etdonne la réplique à ses partenaires d’un simple haussement de

sourcil, d’un regard vers le ciel, d’une moue dubitative ou d’un

rire forcené. Son prol est parmi les plus célèbres ; de ceux que

l’on n’oublie pas. Le cinéma muet des années 1920 n’a de cessede magnier ou réduire cette image à la plastique aussi idéalequ’elle est protéiforme.

UN ACTEUR TOUT EN CONTRASTESDr. Jekyll and Mr. Hyde donne son premier grand rôle à

  John Barrymore. L’acteur y perce sous la double identité del’homme le plus humain et le plus monstrueux qui soit sorti

de l’imagination de Robert Louis Stevenson. A la fois Jekyllet Hyde, « meilleur » et « pire » , Barrymore fait preuve de sescapacités métamorphiques et, de sa seule performance d’acteur,

laisse apparaître le Hyde qui se cache en lui. Alors que JohnS. Robertson travaille la dualité physique des personnages,incarnés par son acteur principal, grâce à des surimpressions

qui montrent la transformation corporelle, dans un premier

temps l’involution physique est immédiatement perceptiblesans trucage, dans un plan large statique dont la frontalité de

la mise en scène – dans le laboratoire du Docteur – n’est passans rappeler un espace théâtral. Espace que John Barrymoreconnaît bien et dont il provient. Le cinéma muet permet ainsi à

l’acteur de se présenter comme éminemment métamorphique ;comme acteur de théâtre qui sait se passer de sa voix, et dont le

seul corps parle, bien avant que la technique cinématographique

s’en fasse l’instrument.

Deux ans plus tard, c’est dans la peau d’un autre grandpersonnage de la littérature anglo-saxonne que l’on retrouve

Barrymore. Et là encore, il doit trouver comment diviser soninterprétation. Le Sherlock Holmes, réalisé par Allan Parker,nous présente la naissance et l’évolution du détective qui, d’un

jeune homme intéressé à la compréhension du monde quil’entoure, devient le n limier que nous savons sorti de l’espritd’Arthur Conan Doyle. Ici, la métamorphose de l’étudiantjuvénile et naïf est distillée tout au long de l’intrigue par lasuccession de pauses où Sherlock Holmes revêt successivementses attributs. L’évolution n’est plus corporelle, mais esthétique

 voire même métonymique, et d’une pipe, d’un violon, dans undécor qui passe d’un cadre naturel à l’univers claustrophobe du

cabinet de curiosités où vit le détective, nous arrivons à l’homme

taciturne mais sage et éclairé qu’est Holmes, toujours en quêtede vérités. L’acteur joue le jeu de ses successifs costumes etse prête à merveille à l’attitude méditative et mélancolique qui

fait suite et contraste avec le visage avenant qu’il offre au tout

début du lm.Par la suite, avec The Beloved Rogue, John Barrymorecontinue d’exposer ses qualités d’acteur dans un lm qui leprésente en tant que tel. François Villon, poète et saltimbanquede son état, apparaît voûté, caché. Sa face enn visible, c’est un

 visage arborant un faux nez improvisé avec une congère quenous le découvrons, alors que la suite des événements le fera

apparaître sous un maquillage de clown qui, là encore, de rieur

devient triste. Loin d’être proprement corporelle, encore moinsmétonymique, la métamorphose est dans The Beloved Rogueplastique, aussi bien picturale que sculpturale. Barrymore

 A la fois Jekyll et H

et « pire », Barrym

de ses capacités m

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multiplie les masques, maquillages et autres prothèses dontil sait jouer sans artice, passant de façon subtile d’une faceextravertie et enjouée, à un visage tendre et ému qui peine àtenir la comédie devant sa pauvre mère.Un tel jeu avec la morphologie de l’acteur se place à reboursde ses capacités, John Barrymore étant célébré par les critiques

pour son physique particulièrement photogénique. Le facièsextrêmement découpé de Barrymore, tout en étant très mobile,et donc très expressif, ne nécessitait effectivement que peuou pas de maquillage, là où pourtant il était indispensable à

la composition des visages de la plupart des acteurs du muet.

Dans Tempest, Barrymore se livre dans toute son unité et sasimplicité face à la caméra. Le visage lisse au menton nementciselé, le nez aquilin particulièrement aiguisé, le sourire émaciéet les sourcils arqués lui permettent seuls de laisser transparaître

l’âme torturée d’Ivan Markov. Barrymore doit se trouver uneligne de conduite, lui qui doit passer soudainement de Sergent

en disgrâce à «  camarade » respecté lors de la Révolution Russe. Toute la performance de l’acteur tient alors en sa constance en

un monde qui voudrait le changer. Constance qui tient en un

mot : l’amour.

DE TOUTES éTERNITéS…Quel que soit le contexte, Barrymore incarne une certaine

idée romantique de l’homme amoureux. When a Man Loves présente Barrymore en séminariste détourné de ses aspirationsdivines par un coup de foudre. Et s’il est Don Juan dans le lm deSam Taylor, il s’ingénie à dissoudre tout le cynisme inhérent auplus grand séducteur de tous les temps à l’apparition de sa belle

et virginale promise. D’un personnage dur John Barrymore saitcomposer un amoureux transit, le plus bel exemple étant son

rôle de Marcus dans Eternal Loe (Ernst Lubitsch), et le pluscomplexe et mesuré sans conteste celui de Beau Brummel (Harry Beaumont). Dans le lm de Lubitch, Barrymoreexploite savamment la souffrance qu’est la séparation d’avec

son aimée par la mise en scène de tourments intérieurs.EternalLove est une variation polyphonique sur la passion amoureuse,

autant capable de haine que d’amou

de Marcus répond aux cloches du m

destinée et avec qui il nira enlacéune avalanche providentielle. Danssoliste qu’il cultive la dualité de son

pas pour se rapprocher de la femme

pour s’en éloigner. Les affres de laqui rongent le personnage qu’interpévoluer jusqu’à sa mort. Alors, le mde sa haine, et l’acteur incarne sans arenouant ainsi avec son nal dansdétective se déguisait réellement pou

Sans aucun masque, Barrymore s’impprotéiforme par excellence, et les rôlede cesse de dialoguer avec ce physiqutranspose ou au contraire que l’on exp

« the Great Prl » , s’il est un acteur

mouvement dans des courses pouraux lms de capes et d’épées, des

Quel que soit

le contexte,

Barrymore incarne

une certaine

idée romantique

de l’homme

amoureux.

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dans de grands drames romantiques, John Barrymore est avanttout présence et prestance, physique à l’aura immortelle. Lacaméra n’a de cesse de s’éterniser sur ce prol. C’est donc avecemphase que Beau Brummel s’ouvre sur un portrait peint

de celui-ci, pour un lm qui travaille le rapport de l’hommeà son image dans des médaillons, des scènes au miroir et denombreux plans où le prol de l’acteur est magnié. Film-vie,Beau Brummel fait de ce prol un memento mori qui se fond

dans son nal, lorsque le « Beau » et sa dulcinée se retrouvent

sous formes spectrales, enn unis dans la mort.

Grand acteur shakespearien, Barrymore se voit proposé desrôles à la hauteur de ses talents de tragédien. Plus que doubles etpartitionnés de façon manichéiste, ses personnages ont toujours

quelque chose de transcendantal, à l’instar du Capitaine Achabaliéné par son obsessionnelle quête de Moby Dick. En Achab,comme dans ses autres interprétations muettes, Barrymorecherche à faire surgir la part de l’Autre qui peut habiter chaquehomme ; la forme latente, transcendante à chacun. Forme par

laquelle il débute ainsi sa carrière parlante lorsqu’il reprend lerôle du Capitaine auquel il donne ce qui, somme toute, ne lui

manquait pas : de la voix.

FiLMOGRApHiE MuETTE 1920 : Dr. Jekyll and Mr. HydeEdward Hyde) de John S. Roberts1922 : Sherlock Holmes (Sherlock H1924 : Beau Brummel (Gordon Brummel) de Harry Beaumont.1926 : Don Juan (Don Jose de MMarana) de Alan Crosland.

1926 : The Sea Beast (Capitaine A1927 : The Beloved Rogue (FranCrosland.

1927 : When a Man Loves (ChevGrieux) de Alan Crosland.1928 : Tempest (Sergent Ivan Ma1929 : Eternal Loe (Marcus Pal

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Roland Fériaud

1927. Sous la pression des pdistributeurs, Fritz Lang est obson montage initial de Metromanquantes sont jugées perdu2008. Retournement de situatiocopie 16 mm proche de l’origi

à Buenos Aires. La reconstruc12 février 2010. Le Festival de Bcopie de Metropolis rallongéde minutes.

La cour miracle

Metropolis, versio

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Certes, il y avait le scénario original, le livre, la partition entièrequi accompagnait le lm à sa sortie en Allemagne en 1927,mais il manquait le plus important : les images. Même en enconnaissant le contenu, l’émoi de les voir n’en est pas moins

grand. Le principal intérêt des ajouts est davantage dramatiquequ’esthétique. Toutefois, les grandes thématiques du lm

et ses partis pris expressionnistes se trouvent enrichis. Lesséquences nouvellement découvertes ne sont pas capitales,

mais aident à mieux comprendre le récit en donnant des

informations sur des personnages plutôt secondaires. Outreles séquences inédites, celles déjà existantes ont été étofféesgrâce à des plans qui établissent une plus évidente continuité.

Cependant, le déroulement, tel qu’établi par le passé par

Martin Korber, n’est pas bouleversé.

SéLECTION DES APPORTS DE LA NOUVELLE VERSION PAR SéQUENCE :

 Ayant pris l’identité de Freder, l’ouvrier 11811 se rend auclb Yoshwara au lieu d’aller chez Josaphat. Le dilemme estchristique. La tentation du mal, de la fête et de la chaire, nit

par l’emporter. Comme issus du subconscient, les élémentsqui poussent l’ouvrier à dévier de sa route s’accumulent :l’argent découvert dans les poches, la publicité pour le club

 Yoshiwara qui tombe dans la voiture, la femme d’en face – sorte de fantasme projeté sur la vitre de la voiture. Omniscient,l’homme mince a une fonction quasi-démoniaque. Il nepousse pas au vice – ne l’empêche pas non plus – mais se

contente de récolter les fruits du péché, le sourire aux lèvres.Esthétiquement, Fritz Lang anticipe sur la danse de la fausseMaria et met déjà en place le montage composite pour illustrerl’imagination du personnage.

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   Jon Fredersen découvre le mausolée consacré à sonépouse décédée. Ediée par Rotwang, la dernière demeurede la femme aimée est le centre d’un triangle amoureux dont

les ramications sont visiblement tracées par la mort. Elleest également le lieu idéal à l’exposition de la théâtralité de

la mise en scène de Fritz Lang : la découverte de la statueest ménagée par un système d’ouverture de rideaux et ladécouverte de l’échelle adopte un ascendant spectaculaire sur

les deux hommes. Lang tisse alors un parallèle entre la statuede la morte et la femme-robot à son efgie, réafrmantles partis pris architecturaux qui ont fait la notoriété de

Metropolis. La démesure du monument funèbre et la mainabîmée de Rotwang matérialisent sa passion pour Hel, ainsique sa volonté de lui redonner vie. Plus loin, sa vénération aupied de la femme-robot sert de pendant à la visite de Feder à

la cathédrale. Hel est déjà assimilée à la Vierge, avant mêmede prendre les traits de Maria.

Gregory, l’ouvrier 11811, se fait arrêter par l’hommemince à la sortie du club Yoshiwara. Ce dernier se rend chez

 Josaphat. La séquence justie le sacrice nal de Gregory etle dévouement de Josaphat à Feder. L’opposition de l’homme

mince et de Josaphat s’inscrit dans la thématique du double

qui sous-tend le lm. Josaphat est l’employé faillible, renvoyé

pour ne pas avoir su anticiper les désirs de Jon Fredersen.L’homme mince est l’employé parfait, sans défaut, sanssentiment. L’humain fait face à la machine qui menace de le

remplacer et qui tente de le corrompre. Le design de la porte

reproduit le motif géométrique du générique. La décoration

de l’appartement insiste sur l’élément végétal, s’opposant

ainsi à l’urbanisation et aux aspects futuristes et froids de

Metropolis.

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La version 2010 est agrémentéplans complétant la danse de Hel acependant le rêve de Feder qui senrichi. Grâce aux inserts du prêtrelaisse deviner le contenu de la scènemanquante. Hel remontant de sousdes dragons trouve désormais un

la Bible brandie par le prêtre, les d

suivant une logique iconographique

trouve ensuite un prolongement av

damnés soutenant le chaudron en s

Hel remontant de sous la scène

en chevauchant des dragons

 trouve désormais un écho dans

l’imagerie de la Bible.

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  Le sauvetage des enfants par Maria et Feder est plus

long. La multiplication des péripéties et des embûchesembrasse le goût pour la culture populaire et le serial de FritzLang. Les nouvelles images rendent le climat plus oppressant,

renforcent le sentiment de claustrophobie et d’étouffement.

Elles gurent également Maria comme élément centrifuge par

rapport à la foule des enfants, renforçant son rôle maternel.

Les mouvements de foule de

trouvent ici une logique. Précéd  Jon Fredersen  avec son espion pe

l’inactivité des autorités face à la si

le fonctionnement de la machine-

porte métallique sont dévoilés. La

la symétrie, l’équilibre des formes amouvement perpétuel de la roue. L

à la fois l’aspect de l’horloge que m

celui du Moloch avec sa constructioémerge l’escalier central.

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Les éléments feuilletonesques so

les ajouts en n de métrage. La con vraie et la fausse Maria est accentué

la collision entre Maria et Hel qui seSon supplice est prolongé au mêmeentre Rotwang et Feder.

Comme le dit Martin Korber, cMetropolis est « le lm que Fritz La

en partie inexacte mais ne saurait

 vérité. Malgré le privilège incontest version, des séquences manquent podans sa version complète. Preuve miracles se produisent. Alors pourq

METROpOLiS

Distribution : Alfred Abel, Brigitte Helm,Gustav Fröhlich, Rudolf Klein-Rogge,

 Theodor Loos, Fritz Rasp, Erwin Biswanger,Heinrich George, …

Réalisation : Fritz Lang Scénario : Fritz Lang et Thea von Harbou,adapté du roman Metropolis de Thea von

Harbou

Images : Karl FreundMusique : Gottfried HuppertzDécors : Otto Hunte, Erich Kettelhut, Karl

 Vollbrecht

Peintures : Erich KetSculpture :  Walter ScProduction : Erich PoDate de productionPays d’origine : AllemDurée : 145 minutesDate de sortie : 10 jaUfa-Palast (avant-premLongueur : 4189 m raaoût 1927

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Sylvain Angiboust

Un torrelumi

Le cinéma muet se paconvoque les forces de métaphores de ses récitFaust de Murnau, ansurplombent le mondouvrant la fable moramétaphysique. Mariant lMurnau impose en qun univers de  antasy qcinéma merveilleux co

Seigneur des Anneau

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UN ExPRESSIONISME COSMIQUEDans L’Aurore de Friedrich Wilhelm Murnau (1927), laFemme de la Ville, séductrice fatale, attend son amant dans

la nuit, baignée par la lumière de la lune. Murnau fait de lalune le témoin des noirs desseins de la tentatrice, acculturant

l’iconographie romantique (silhouette seule face à l’inni,

utilisation symbolique des forces de la nature) au cadre de lapastorale américaine. La lune blafarde s’oppose explicitement

à la puissance et à la stabilité du soleil (qui se lève à la ndu lm), ainsi qu’à la blondeur de l’actrice principale, JanetGaynor (la Femme de la Ville est au contraire brune et denoir vêtue).Dans le cinéma muet, les personnages sont mutiques, c’estdonc l’image qui « parle » pour eux. L’extériorité visuelleexprime l’intériorité des personnages (à laquelle seulela parole verbale donnera plus tard un accès plus direct),créant des associations visuelles entre l’individu et son

décor. L’Aurore l’annonce dès son titre, la métaphore estcosmique : les mouvements des astres (la lune, le soleil)et les colères de la nature (la tempête nale) entrent enrésonnance avec les réalités humaines qu’ils caractérisent de

façon picturale et spectaculaire.

Plus de soixante-dix ans plus tard, la même pleine lunetrône derrière Saroumane le Blanc, magicien maléquedans Le Seigneur des Anneaux : La Communauté del’Anneau. Grand connaisseur du cinéma muet (il en avaitrecréé l’esthétique pour son faux documentaireForgottenSilver en 1995), Peter Jackson retrouve naturellement unecaractérisation panthéiste des personnages, venue entre

autre du lm de Murnau. Quant à Gollum, la créature

tiraillée entre le Bien et le Mal, sa première apparition dansLe Seigneur des Anneaux : Les Deux Tours est associée

à un croissant de lune : si l’astre complet accompagne leMal absolu, alors la demi-lune est l’image de la dualité du

monstre schizophrène.L’opposition picturale des ténèbres et de la lumière est aucœur de l’expressionisme cinématographique dont Murnau

est tributaire, et à la source du cinéma fantastique : la lunepermet la transformation du loup-garou alors que la lumièredu soleil détruit le vampire (de Nosferatu de Murnau en

1922 aux multiples versions de Drafait de cet affrontement lumineux Faust : chaque image décline un de complémentarité entre des val

L’origine légendaire du sujet permdes signications cosmiques et mque les Nibelungen de Fritz LangFaust l’origine de la fatay moderneet de l’imaginaire médiéval anglo-s

inspire toujours romanciers et c

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première scène de Faust oppose dans le ciel un Démon à un Ange, dont la lumière troue les ténèbres qui entourent sonadversaire. La blancheur irradiée par l’Ange envahit l’écranet éblouit le Démon. A la n du lm, c’est le mot « Amur »  

qui, entouré de lumière, disperse l’obscurité.Le ciel / les profondeurs, la lumière / l’ombre, le divin /

le diabolique : en quelques plans, dont la composition trèsmarquée souligne les contrastes, Murnau le une séried’oppositions dont la puissance visuelle et thématique a

assuré la pérennité.

HORUS, PRINCE DU SOLEIL   Après avoir parié avec l’Ange qu’il gagnerait l’âme deFaust, Méphisto descend sur Terre et étend son ombre

gigantesque au-dessus de la ville. L’image réapparaît dans le

lm d’animation japonais Hors, rnce d Solel, lorsque

le démon Grunwald (qui porte un casque à cornes qui le

fait ressembler à un diable occidental) lance ses armées surle village des héros. Entre Murnau et Takahata, l’image d’ungéant cornu trônant en haut d’une montagne a transité par

le segment « La Nuit sur le Mont Chauve »  du Fantasia de

Disney (1940). Grunwald est vaincu, comme le diable deFaust, par la lumière : il est ébloui par les rayons du soleilreétés par les pointes métalliques des lances de villageoiset la lame de l’épée d’Horus.

De l’Occident à l’Asie, les valeurs associées à l’oppositioncosmique entre ombre et lumière sont renversées. Produiten relative indépendance par des animateurs syndiqués aumoment des bouleversements culturels de 68 (oppositionà la guerre du Vietnam et révoltes de gauche), Hors est

pétri d’idéaux communautaires (le ven harmonie avec la nature) et cooù une multitude de bras martèlereforger évoque la propagande ouvde Murnau recourait à une iconogrDisney, le sabbat nocturne était d

procession religieuse de l’« Avé Mau contraire la lumière au paganismdécrit en détail lors d’une séquence

le goût du détail anthropologique t

HARRy POTTER ET LE PRISOComme Faust, le troisième épisodPotter  s’ouvre sur un pur évènedu cinéma expérimental dans sa f

dans un rayonnement trouant les té

fusion quasiment alchimique de fudonne naissance aux Cavaliers del’Ange apparaît dans une sphère dà travers la nuit. Dans Harry pd’Azkaban, la nuit est traversée d’u

qui gagne en intensité à mesure qu

travelling avant. La dernière explocaméra loin d’elle en travelling arrdu précédent. La lumière est moupropre. Elle est aussi une force mat

avec son environnement (et même chez Murnau, elle est le seul sujet dles variations lumineuses issues de

Méphisto descend sur Terre

et étend son ombre gigantesqueau-dessus de la ville

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principe structurant de son univers et de sa mise en scène.Dans son lit, caché par les couvertures, Harry le jeune sorciers’entraîne à illuminer la pointe de sa baguette. Cette lumièrelaiteuse, presque palpable, est une lumière magique qui n’a

rien à voir avec celle, profane, du plafonnier électrique de lachambre que vient allumer son oncle. Elle annonce surtout

celle du Patronus, bouclier de lumière que le héros apprendraà utiliser au cours du lm pour chasser les monstrueuxDétraqueurs, gardiens de la prison d’Azkaban. Lesaffrontements des magiciens avec les Détraqueurs réactiventles contrastes lumineux très marqués de Faust en montrant

les créatures fantomatiques se heurter à des rayons lumineuxqui fendent l’air comme la pointe d’une épée.

Sombres silhouettes encapuchonnées évoquant la

représentation traditionnelle de la Faucheuse, les Détraqueurssont proches du Méphisto de Faust et du vampire de

Nosferatu en ce qu’ils sont de véritables trous noirs : ils ne

se contentent pas d’incarner l’ombre comme opposée de la

lumière, ils absorbent celle-ci et produisent son négatif. DansNosferatu, les attaques d’Hutter et du capitaine du Déméterpar le vampire sont éludées dans des fondus au noir qui

matérialisent la puissance de la créature, renvoyant aux planscélèbres où seule son ombre se meut à l’écran. La récurrencedes ouvertures et des fermetures à l’iris dans Nosferatu est

l’équivalent formel de la négativité qui constitue le vampire :son ombre absorbe littéralement l’image.

Comme chez Murnau, les ombres du lm de Cuarón nesont pas qu’un simple élément de la composition des images,

mais une force active qui s’incarne dans les Détraqueurs

et une menace latente, présente même en dehors de cesderniers. Êtres dénués d’âme, les Détraqueurs se repaissentdes sentiments positifs de leurs victimes, ce que Cuaróntraduit visuellement par une raréfaction de la couleur :lorsque les Détraqueurs attaquent le Poudlard Express, leslumières s’éteignent, la température chute et l’image passequasiment au noir et blanc. Le réalisateur traduit la menace

de ces bouches d’ombre en faisant lui aussi du fondu au

noir un principe structurant : plusieurs scènes (de façonexemplaire celles où Harry perd conscience après avoir étéconfronté aux Détraqueurs), s’achèvent sur une fermetureà l’iris qui mime l’envahissement progressif du cadre par le

Mal, sa contamination par les ténèbres.

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LE SEIGNEUR DES ANNEAUx Laissé pour mort à la n de La Communauté de l’Anneau,

le magicien Gandalf le Gris réapparaît dans le second lmde la trilogie sous la forme d’un sorcier Blanc, plus puissant

et mystérieux. Dans la lutte à venir contre les ténèbres (lesorques à la peau sombre, les paysages nocturnes du Mordor),

Gandalf est surtout devenu un principe lumineux, irradiantde blancheur dès sa première apparition, comme l’Ange deFaust avant lui. Dans Les Deux tours il est associé à l’aube

qui lèvera la nuit qui menace symboliquement de s’abattre surles Terres du Milieu. Il prévient le roi Théoden : « Attedez- 

mi à la première lueur du ciquième jur. A l’aube, regardez ver l’et »  

(en faisant reprendre espoir à Théoden, Gandalf semble luitransmettre une part de sa lumière, celle qui éclaire le souverainpar derrière lorsqu’il enle son armure). Lorsque Gandalf charge avec les cavaliers du Rohan pour prendre à revers les

orques qui encerclent le Fort-le-Cor, sa lumière se confondavec celle du matin qui éblouit leurs adversaires. La lumièredu jour, instrument de la rédemption à la n de Nosferatu

et de L’Aurore, s’est incarnée chezdans l’image d’une armée chevauch

d’être assimilée à ses rayons (alors qde Faust propageaient les ténèbres)La charge des Rohirrim sur Fort-le-

sur celle des Ents sur l’Isengard, les

territoire de Saroumane sous les eaPeter Jackson de décliner de façonlumineux de la bataille précédent

en direction de la tour Orthanc la lumière du jour, toute aussi immGouffre de Helm. Dans les deux d’une blancheur tactile et la lumièrcorps en mouvement (les chevaliersDans Le Retour du Roi, Jackson charge de la lumière sur les ténèbreRohan s’élancent au petit matin pou« Cité Blanche »  ) comme ils l’avaient faL’espoir est apporté par le levant e

L’image est envahie d’une

blancheur tactile et la lumière

se matérialise dans un corps en

mouvement.

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combat est soulignée par l’importance donnée à la couleur

du ciel, peint de façon à être orageux au-dessus des forces du

Mal et radieux du côté des libérateurs.

La topographie même des champs de bataille est symbolique :les soldats de la lumière occupent la moitié haute du cadrealors que leurs adversaires sont rejetés dans les profondeursde l’image comme l’était déjà le diable dans Faust. A la nd’Hors, Grunwald est également en position d’infériorité,surplombé par les villageois qui l’encerclent. Dans Harrypotter et le rsonner d’Azkaban, les ténèbres, associées auxDétraqueurs, sont également un principe d’engloutissement(Harry tombe de son balai durant le match de Quidditch,

Sirius Black se cache dans une grotte) alors que la lumière estaérienne (Harry s’envole sur le dos de l’hippogriffe puis surson balai neuf dans le dernier plan du lm).L’animation et l’image de synthèse réactivent un goût dupanorama épique, où l’humain est mis en relation avec les

forces de l’univers. L’esthétique lyrique et métaphysiquedu cinéma de Murnau, où la lumière (divine ou magique)affronte des ténèbres, réapparaît dans des épopées modernestributaires du cinéma muet par leur goût de la métaphore etdu symbole comme outils de l’expression plastique.

FiLMOGRApHiE

Hors, prnce d solel(Tayo no oj : Hors no dabRéalisé par Isao Takahata et Hay

 Avec les voix de : Hisako Okata,Mikijiro Hira, Junko Hori, ... Japon, 1968 

Harry potter et le rsonner d’(Harry potter and the prsonerRéalisé par Alfonso Cuarón

 Avec : Daniel Radcliffe, Rupert GrRobbie Coltrane, Gary Oldman, A

 Thompson, David Bradley, Julie C Etats-Unis, 2004 

Le Seigneur des anneaux : La Com(The Lord of the Rngs : The FeLe Seigneur des anneaux : Les(The Lord of the Rngs : The TLe Seigneur des anneaux : Le R(The Lord of the Rings : The RRéalisé par Peter Jackson

 Avec : Elijah Wood, Sean Astin, IMortensen, Sean Bean, Cate BlanBilly Boyd, John Rhys-Davies... Etats-Unis, 2001-2003 

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Ornella Lantier-Delmastro

il n’y a as s longtems, H

un burlesque omis et mal-aété effacé de l’imaginaire collrevient à l’image du petit homsuspendu dangereusement auhorloge au-dessus du vide danœuvre restaurée et exploitée dles éditeurs Studio Canal et Lle grand blc et enn favec l’un des comiques les plannées 1920.

 The Bo ne

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LA GENèSE D’UN COMIQUE A ses débuts, Harold Lloyd est confronté à un obstacle de taille,la notoriété grandissante de Charlie Chaplin. Le personnage

de Charlot impose son image et sa silhouette à toute l’industrie

hollywoodienne du burlesque. Puisque la recette « charlot »  

fonctionne si bien, les producteurs réclament uniquement

aux comédiens des caractéristiques chaplinesques. Libéré de

toute contrainte mimétique par Hal Roach, grand concurrent

de Mack Sennet et non moins grand maître du gag, HaroldLloyd décide de prendre le contre-pied du paradigmeburlesque. Il crée alors les personnages de « Willie Work » ,

« Just Nuts » , encore très proches de l’image de Charlot ainsique « Lonesome Luke » qui marque le début de sa notoriété.

Mais c’est de toute évidence son personnage à lunettes qui

impose Harold Lloyd comme l’un des plus grands comiquesde son époque. Ses incontournables poursuites des policiers

et du héros, marques du slapstick, l’ancrent dans la tradition du

burlesque. Mais c’est bien l’originalité de sa personnalité qui

explique ses succès populaires les plus importants : SafetyLast !, The Kid Brother et Speddy. Bien qu’Harold Lloyd ne soit pas mentionné aux génériques

de ses lms comme réalisateur, il semble en être le créateur.Hal Roach, Fred C. Newmayer et Sam Taylor ont signéles lms dont Lloyd, des années plus tard, s’attribuera lapaternité. Une chose est sûre : ces réalisateurs étaient avanttout de bons « gagmen » qui lui portaient conseils. Seul maîtreà bord ou pas, la légende veut qu’Harold Lloyd travaillât l’élancomique de ses lms en observant les réactions du public,seul juge véritable. Ainsi, il serait l’initiateur des « previews »

dont il se sert pour modier le montage en fonction des riresdes spectateurs.

C’est ainsi que le public s’attache peu à peu au personnage

d’Harold Lloyd, n’ayant pour signe distinctif que cette paire

de lunettes aux montures d’écaille e

du crâne. Le petit homme se car

d’originalité et son physique des plula grande invention d’Harold Lloydse distinguer du commun des mor

à tout américain de son époque d

personnage. Tantôt crève-la-faim ou riche héritier (   An Eastern Wemployé de magasin ( Safety Las

raté ( Bmng nto Broadway ) ola silhouette du personnage n’impo

caractéristique psychologique. Son toutes ces identités…

La grande invention

est de ne pas vouloir

du commun des m

permettre ainsi à tou

son époque de se rec

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Dans son universalité et son ambivalence, le personnagen’est pas précisément identiable. Voilà le paradoxe !

 Tout en gardant des attitudes constantes, Lloyd a souffertde l’absence de traits de caractère identiables. Fatalitédu destin, douloureux rappel à sa situation, Harold fut

condamné à rester dans l’ombre de Charlot dont l’intérêt

n’a jamais faibli.

UN HéROS ORDINAIRESi Charlot est le « vagabd » , Keaton, « l’hmme qui e rit jamai » ,

Harry Langdon, « le mambule » , Harold Lloyd s’identifiecomme « the by-ext-dr » . Aussi différents soient-ils, cesquatre personnages comiques sont complémentaires. Pourciter Stéphane Goudet, le personnage de Chaplin tente

de s’intégrer dans une société qui le rejette en occupantpleinement l’espace. En décalage, Keaton tente de fuir en

permanence cet espace de jeu et de représentation. HaroldLloyd, quant à lui, est ancré dans l’espace du quotidien. Lecinéma de Chaplin est engagé socialement et politiquement.

Charlot dénonce malgré lui, de par son statut de vagabond

et d’exclu, les injustices de la société. En revanche, HaroldLloyd a encore la naïveté de croire au rêve américain.Contrairement à Charlot, il ne cherche pas à être libre mai s

à être intégré. Dans tous ses films, des courts aux longsmétrages, Harold cherche l’amour et, quand il l’a trouvé,

 veut se marier. Il respecte toutes les règles en la matière etse doit d’obtenir l’approbation des paternels (  Ask Father,

Number Please ). Il intègre toutes les obligations moraleset sociales de l’époque. Il ne tente pas ainsi de changer

la société, mais s’adapte. Jamais le personnage d’Harold

Lloyd ne suscite pitié ou empathie comme le fait Charlot.Nulles fins poétiques à la Chaplin où le héros ayant trouvél’amour s’en va main dans la main avec sa dulcinée vers

un ailleurs de liberté ( Les Temps modernes ).  ChezLloyd, c’est le pragmatisme qui demeure : la fin justifie lesmoyens.Harold Lloyd se contente de situations quotidienneslà où Buster Keaton a le goût des fresques historiques( Le Mécano de la général,   Les Trois âges  ) ou dessituations spectaculaires ( Steamboat Bill Junior  ). Lloydexploite l’ordinaire dans ses moindres recoins pour créer

un décalage comique. Contrairem

sa réussite au hasard et à la chan

réussite et ne recule devant aucu

ce rêve social. Par définition, il estoptimisme à toute épreuve le pou

Il fait preuve d’une ingéniosité cales obstacles et faire progresser

Il est clairement le plus témérairecomiques. C’est ainsi que, dans Wpas à se battre contre un gang rév

La figure féminine est au

centre de toute la filmographie

d’Harold Lloyd.

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ENTRE L’AMOUR ET LA MORT, IL y A LE RIRELa témérité du personnage le pousse à côtoyer le dangerrégulièrement. Il réalise de véritables prouesses dans le butd’impressionner les femmes qu’il convoite. C’est ainsi que

Neer Weaken, où il se retrouve perché sur une barre

métallique suspendue à une grue, anticipe sur la scène mythiqueen haut d’un immeuble dans Safety Last !. Ces prouesses sont

d’autant plus remarquables qu’elles sont tournées en décorsnaturels. Le cinéaste fait preuve de beaucoup d’habileté,

d’une part pour réaliser ses acrobaties et d’autre part pour

les lmer dans des conditions périlleuses. Du haut desimmeubles, Harold Lloyd donne à voir l’agitation urbaine duLos Angeles des années vingt. Perché sur les hauts sommetsde la ville, il porte un regard sur la modernité américaine et

son urbanisation. On y voit un monde en construction, enperpétuel mouvement tout comme son propre personnage.

Les lms d’Harold Lloyd sont de véritables témoignages,presque documentaires d’une époque.

Harold Lloyd n’a rien à envier à ses contemporains. Sur desschémas narratifs rodés, il fait rire et il parvient également à

intégrer des sujets plus délicats et squiproquo, Harold subit une décep

par un chagrin qui tourne au comiq

plusieurs reprises de mettre n à seHanted Sooks ). Les tentatives moins violentes (empoisonnement,tempe…), mais échouent évidemm

reste plus que déterminé, n’hésitagâchette du revolver posé sur sa

l’entraîne jusqu’à envisager la moespérance n’acceptent pas la poss

et plein de déceptions. Derrière cenoirceur du personnage existe donc

Les femmes motivent toutes les act

pour les tentatives de suicide ou p

(ou spatiale). La gure féminine par Mildred David) est au centre d’Harold Lloyd. Trouver l’amour, esociale, sont les buts ultimes de setout un grand romantique (plus

Perché sur les hauts sommets de

la ville, Lloyd porte un regard sur

la modernité américaine et son

urbanisation.

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Chaplin a su s’afrmer dans le mélodrame burlesque, HaroldLloyd participe aux débuts de la comédie romantique.Pour impressionner sa dulcinée, Harold est prêt à tout,même à mentir et se dissimuler sous de fausses apparences,

ce qui renforce d’autant plus son appartenance au genre.

Le déguisement ou le transfert d’identité est un des passe-

temps fétiches d’Harold. Dans Safety Last, il laisse croire àsa ancée qu’il est le gérant d’un magasin alors qu’il n’en estqu’un simple employé. A sa visite, il se fera simultanémentpasser pour le directeur face à sa ancée et pour le petitemployé face à ses patrons, et ce sans travestissement : toutrepose sur son jeu. A l’inverse dans Among those present,il se déguise littéralement en g rand aristocrate alors qu’il n’est

que simple groom dans un hôtel. Il s’agit d’ailleurs d’un desrares lms où s’opère une critique sociale car il parodie lesrites aristocratiques. Dans The Kid Brother, le simple fait

d’épingler sur son torse l’étoile du sheriff va lui permettre

d’agir avec le plus grand courage.

DU MUET AU PARLANT Mais le courage du personnage n’a pas raison de l’arrivée du

parlant. Le cinéma d’Harold Lloyd s’effondre peu à peu. Le

personnage ne parvient pas à s’adapter à ce nouveau mondesonore. Le cinéma muet d’Harold Lloyd n’en est pas moinssonore : dans chacun de ses lms, on entend le brouhaha dela ville, de sa construction, de la circulation… bien qu’il n’y ait aucun son. De plus, Harold est loin d’être un personnagemuet. Sa bouche se meut : il parle, il discute, il commente lemonde, il embrasse des femmes. Dans Girl Shy, l’expérience

est d’autant plus remarquable que le petit homme à lunettes

est cette fois-ci atteint d’un handicap « sonore » : il est bègue.Bien qu’il n’y ait pas de son, il n’est pas difcile de comprendreet même d’« entendre » son bégayement. Les lms d’Harold

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Lloyd sont représentatifs du paradoxe du cinéma muet quin’avait pas besoin du son pour être sonore. L’arrivée du son

ne remet pas seulement en cause la partition sonore de ces

lms mais leur esthétique, c’est ce qui pose véritablementproblème à Harold Lloyd.La n de l’ère du burlesque muet ne laisse pas Harold Lloyd

complètement démuni. Il rarée ses apparitions et retourneune dernière fois à l’écran comme vedette en 1947 dans TheSn of Harold Dddlebock de Preston Sturges.  Le lmrend hommage à son personnage burlesque et muet mais

n’aura pas un grand succès. Cet échec sonne le glas de deuxgénies de la comédie. Sa carrière d’acteur est terminée maisHarold Lloyd a plus d’un tour dans son sac. Il s’intéresseà d’autres domaines comme la colorimétrie et, à la n des

années quarante, travaille sur la photographie en 3D. C’estainsi qu’il se découvre une nouvelle passion à travers laquelle

il réafrme son attrait débridé pour les femmes. Ce sontdénudées et en trois dimensions qu’il les met en scène cettefois-ci. Harold Lloyd photographie, dans une esthétiqueamboyante, des pin-up dont la belle et sulfureuse Marylin

Monroe. Sa créativité et son talent n’ont eu de cesse des’exprimer jusqu’au bout.

FiLMOGRApHiE SÉLECTiv1916 : Lonesome Lke Leans t1917 : Bliss1917 : Lke’s Lost Lberty1918 : Here Come the Grls1919 : Bmng into Broadway1919 : Catan Kdd’s Kds (Ha1919 : From Hand to Moth*

1919 : Hs Royal Slyness (prnc1920 : An Eastern Westerner*1920 : Hanted Sooks (Le Ma1920 : Nmber lease (Qel nm1921 : Among those resent (La1921 : Be My Wife1921 : i Do*1921 : Neer Weaken (un oya1921 : Now or eer (por l’amo1921 : A Sailor-made Man1922 : Doctor Jack 1922 : Grandma’s Boy1923 : Safety Last! (Monte là-de1923 : Why Worry? (Fat as s’1924 : Grl Shy (ça t’la coe)*1925 : The Freshman (Vive le s1926 : For Heaen’s Sake (por1927 : The Kd Brother (Le pet1928 : Seedy (En tesse)1929 : Welcome Danger (Quel p1930 : Feet First (A la hauteur)

1936 : The Mlky Way (Soe a1947 : The Sn Of Harold Ddd/ Mad Wednesday (Oh !

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 Anouchka Walewyk 

Cet automne a été celui derétrospective intégrale en saGeorge Pompidou, Des trousa version scénique au thésorte de son noea lm, Wle 21 octobre dernier. L’occla carrière d’un cinéaste mcertains mais souvent incgardiste qui réinvente les fo

créer n ners lyrqe et n

« Il y a (…) une orte exigence d’avovraie vie. Mais nous la vivons la vraie

on a envie d’être transporté dans desPourquoi n’exercerions-nous pas ce

dans des ormes adultes qui dégagerenants ressentent. C’est le but que j

 flms que je veux aire. »

L’etase durve au pLe monde enchant

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 TALES FROM THE MADDIN HOSPITAL On entre dans une œuvre de Guy Maddin comme on entredans un rêve. Il faut y croire pour le voir. Des bribes de lmsreviennent en mémoire comme des songes insaisissables. Ils

se confondent les uns avec les autres. Une mère tyranniqueperchée en haut d’un phare, une autre incestueuse, un vieillard

lubrique, une tenancière de bar cul-de-jatte… Galerie pour lemoins déconcertante et subversive. Le cinéaste afrme qu’il est« pathologiquement incapable de ressentir la moindre gêne »et ne cesse de le démontrer avec toujours plus d’ingéniosité

 visuelle.

 Tout cela serait vain, voire obscène, si son œuvre n’était pas siprofondément juste et originale. La cruauté et la trivialité nesont que l’envers d’une poésie haute en couleur et force est

de constater que la « folie Maddin » continue de fonctionner

après neuf longs-métrages et plus d’une vingtaine de courts.Le cinéaste dit faire des « conte de fées » pour adultes, ce qu’il

revendique d’ailleurs dès son premier long-métrage, Talesfrom the Gml Hostal (1988), où le conte raconté à desenfants s’avère être le récit d’histoires macabres au sein d’unecommunauté ravagée par la peste.

Le maniérisme de la mise en scène stimule et met en exergue

les questions existentielles posées par les lms. En alliant ledrame à la comédie, cet univers parasité nous parle de vie, de

mort, de souffrance, de joie et de mdes situations et des décors impr

n’en sont pas moins humains et v

attitudes et sentiments.

Face à ce cabinet d’expérimentat

spectateur invité dans le cerveau

de se perdre dans son univers, au

Le cinéaste fait des« conte de fées » pour adultes.

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même. Cependant, le cinéaste ne pratique en aucun cas un

cinéma nombriliste et psychologisant à la première personne,comme les nombreuses auto-citations et sa « Me Trilogy » ( Et les lâches s’agenollent, 2003, Des trous dans latête !, 2006 et Winnipeg mon amour, 2007) pourraient lelaisser entendre. Les récurrences de « Guy » et « Winnipeg »,

 ville natale de Maddin devenue nouvelle capitale fantasmée

du cinéma, deviennent des mythes et en ce sens incarnentl’universalité propre au conte.

DU SOUVENIR AU PRIMITIF« Disons qu’à Hollywood, la plupart des réalisateurs utilisentun pinceau et font de jolis dessins alors que moi, je trempemes doigts dans la peinture et je dessine de manière plusprimitive. » (Guy Maddin)Le cinéma de Maddin oscille entre sublime et laideur primitive

assumée. Son esthétique est essentiellement celle du muet : noir

et blanc g ranuleux, Technicolor bichrome, images en super-8ou super-16, format 1.33, surexposition, image tremblante,chapitres, usage de ltres de couleur et d’intertitres. Mais il nes’agit nullement d’un formalisme systématique qui pallieraitau manque de moyens de ses productions. Le retour auxpremiers temps du cinéma se comprend avant tout par le

choix des sujets et des thématiques, l’ancrage historique deslms et l’omniprésence du souvenir.L’époque de prédilection du cinéaste est précisément celle

du muet (la n du XIX ème siècle dans Tales from the GimliHotal et Dracula, pages tirées du journal d’une vierge,

2002, la Russie de 1917 dans Archangel, 1990, l’époque de laGrande Dépression dans The Saddest Music in the World,

2003). Il voue un véritable culte auxplus de temps à aimer les années 20duré ! […] En fait, je pense que j’ai 20 et que ma mère m’a porté pendaLe souvenir, inaccessible et fuyantdu rêve. Le passé est halluciné,

amnésiques. Confusion des sexes

d’Electre, trauma originel… Les esthétique idéalisée. Ils peuvent ainsd’une couleur saturée au sein d’un

( The Saddest Music in the World )ou au ralenti selon l’intensité ou la

souvenir ( Des trous dans la tête ! ) o( Winnipeg mon amour ). Si les présont toujours traitées au second den’en sont pas moins authentiques eOn retrouve ainsi dans l’œuvre kitsl’enthousiasme du muet dont il pours

sans privilégier une cinématographiau contraire les grandes invention

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d’entre elles et les conjugue dans umutation. Maddin emprunte à la

allemand les décors peints extrêmd’ombres et de lumières, la rupturperspective et le jeu outré et grandmuet français se manifeste à travers de Dali et Buñuel, du symbolisme dede Meliès. Le court-métrage The Hallégorie sur la mort du cinéma, ren

formalisme russe et allie montage e

à l’aspect rétro futuriste de MetropCinéphile conquis, Maddin comréférences par ce qui lui est le paméricain, le burlesque des corps

érotique, voyeuriste et sensationneld’Hollywood. Et les lâches s’ageinitialement conçu sous forme de p

regardant les dix séquences à traversLe dispositif est reproduit de provocante dans le court-métrage Gfois des sexes en érection qui surgiss

cite volontiers Stroheim. On retroucinéaste canadien la mégalomanie

Foolish Wives, la caricature, la sens

  visuelle. Pensons notamment aupeuplent l’univers du Maddin s’opp(tel l’obèse malade de Tales from tjeune femme digne de la Gloria Swadans Queen Kelly  ) caractéristiqueaimerez haïr ».

Maddin emprunte à l’expressionnisme

allemand les décors peints stylisés, les jeux 

d’ombres et de lumières, la rupture de la 

symétrie et de la perspective.

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Le mélange des styles et des formes est donc de mise. Qui,sinon vous, Mr. Maddin aurait eu l’audace de mêler l’époque

 victorienne de Bram Stoker, le noir et blanc des années 1920 etses ltres de couleur (pensons aux adaptations respectives de

Murnau et Dreyer), la musique de Mahler et les chorégraphiesdu somptueux Royal Winnipeg Ballet dans l’extatique etsensuel Dracula, pages tirées du journal d’une vierge ?

LA CONFUSION DES SENSIl « entend avec les yeux » et « voit avec les oreilles » expliqueMaddin à propos du bruiteur de la version scénique de Destrous dans la tête ! et c’est exactement l’impression que l’on

a en regardant un de ses lms. Voix-off, intertitres, dialogues volontairement mal synchronisés et musique s’alternent ou

se superposent dans une joyeuse cacophonie. Les bruitagessont volontairement exagérés (pensons au phare de Des

trous dans la tête ! dont le moindre déplacement est une

torture sonore qui souligne la menace représentée par la

mère). La voix-off est omniprésente dans Des trous dansla tête ! (Isabella Rossellini) et Winnipeg mon amour (Guy Maddin lui-même) : « le narrateur est un avatar de l’ancienbonimenteur auquel on avait recours au début du muet pour

tenter de ne pas perdre en route les spectateurs les moins

attentifs » explique le cinéaste.

De même, les choix musicaux sont ds’ils sont, bien évidemment, souve

1920. Après le fox-trot des débu vers la musique de ballet dans Dramonde entier dans The Saddest Mde trouver son compositeur attitré

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Staczek ( Des trous dans la tête ! ) et de rendre un hommagesupplémentaire à Eisenstein en lui empruntant la partition de

Prokoev pour Ivan le Terrible ( Winnipeg mon amour ).L’hétéroclisme cher au cinéaste trouve son apogée au niveau

de la palette graphique. Jusque-là limitées aux ltres, lesexpérimentations plastiques se développent véritablement à

partir de Careful (1991), son premier lm en couleur. Maddinutilise alors les tonalités bichromes des premiers temps du

 Technicolor et ainsi amplie le caractère irréel et onirique deses « contes de fées ». Cette approche picturale se radicalisedans son lm suivant, Le Crépuscule des nymphes deglace (1997), et ses couleurs archi-saturées. Maddin les utilise

ensuite avec plus de parcimonie lorsqu’elles tranchent le uxen noir et blanc de The Saddest Music in the World ou Des trous dans la tête !Dans Winnipeg mon amour, l’artiste donne furtivement

les clés de sa transguration du monde par le biais de cenoir et blanc très contrasté, surexposé et des couleurssaturées. Les rares images en couleurs « réalistes », les seulesde sa lmographie, sont dues au désenchantement dupersonnage principal : la destruction du temple de hockey surglace qui berça son enfance et la reconstruction moderne et

sans âme de celui-ci. Ces images choquent par leur réalisme.

La ville perd soudain son aura et son mystère. Mais le

prosaïsme du monde contemporain

Maddin nous restitue son temps pr

et extatique.

FiLMOGRApHiE COMpLT(LONGS-MÉTRAGES)

1988 : Tales from the Gml Ho1990 : Archangel1991 : Careful1997 : Le Crépuscule des nymp(Twlght of the ice Nymhs)2002 : Dracula, pages tirées du (Dracula: Pages from a Virgin’2003 : The Saddest msc n th2003 : Et les lâches s’agenollethe knee)2006 : Des trous dans la tête ! (B

Brain!)2007 : Winnipeg mon amour (M

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Claude Ratinier

Réalisé en 1924,   La Vendeuse de Cigarettes du Mosselprom fut reconstitué grâce autravail conjoint de la Gosflmoond  et de la Cinémathèque de oulouse . En 2007, le lmfasat l’objet d’ne restaraton conée alaboratoire l’Immagine Ritrovata  de Bologne.La présente copie permet d’admirer une œuvreoriginale et attachante, éloignée des standardssoviétiques de son époque.

Cinma-FictionLa Vendeuse de Cigarettes

du Mosselprom

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La Vendeuse de Cigarettes du Mosselprom est un lmétonnant. Sa découverte et sa restauration sont miraculeuses ;

son existence relève du mystère ; sa dénition tient du paradoxe.Produit à l’hollywoodienne par la Mejrabpom, uniqueexemple de studio semi-privé en URSS, le lm ne s’inscritdans aucun courant reconnu de l’époque, mais en évoque la

plupart. Dans tous les sens du terme, cette franche comédiese révèle plus classique que véritablement révolutionnaire.

Peu de propagande soviétique, nulle dénonciation de l’ancienrégime via un réalisme social excessif, juste des héros duprolétariat et une caricature du capitaliste américain. Sans l ien

avec Eisenstein et les expérimentateurs du montage, le lmn’est pas exempt de procédés formels. Filmé en décors réels,

La Vendeuse de Cigarettes du Mosselprom rappelle le

« ciéma-vérité » de Dziga Vertov mais ne se contente pas delmer les rues grouillantes de badauds en guise de gurants

et d’accoler les plans les uns aux

qu’esthétique. Les images de Mosc

progression narrative, une histoire qentre les personnages an de révéle

 ville.

Le lm établit sa parenté avec des œconnues tel Les Hommes le dmest celui de Moscou vue d’avion. L

clairement assimilé à la jeunessedéplacements de l’héroïne, Zina. L

autour d’elle sont autant des symbol

Latouguine, « l’

la caméra », est

l’authenticité de s

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matérialiste, le bouffon, l’idéaliste. Chacun d’eux incarne une

 vision du cinéma. McBright s’intéresse à la silhouette et au visage de Zina. Sa vision personnie une idée hollywoodiennede la star misant sur l’articialité des procédés, le gros planet la photogénie plus que sur la qualité de jeu de l’actrice.Mitiouchine tient de la comédie. Latouguine, « l’hmme à la 

caméra » , est déni par l’authenticité de son regard. « L’actrice 

qui fait l’amur à la caméra » , c’est littéralement une histoire

intime entre une comédienne et un opérateur. Burlesque

excepté, Latouguine tient du Cameraman de Buster Keatonpar sa pose derrière son objectif, ses yeux mélancoliques,ses gaffes heureuses. De Moscou à New York, le tour demanivelle assuré par des enfants farceurs et des singes savants,

la caméra continue à tourner malgré l’absence du cadreur. Le

cinéma est à la portée de tous.

Film sur le monde du cinéma, La Vdu Mosselprom montre ses m

développement, de montage, de volonté de dévoiler les tours de m

de continuer à fasciner. L’explicat

esthétique ni dramaturgique mais

présenté comme un art populair

nombre. La prétention artistique réalisateur n’est que caricature et

est ubiquité, la surveillance du pro

Portant une femme dans un bras, unle réalisateur fait du vrai avec du faux

factice. « Petit hmme ridicule » , Mitio

Le cinéma est présenté comme un

art populaire,

ouvert au plus grand nombre.

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car il continue à garder foi en un déroulement romanesque,

à croire au spectacle, et ne cesse de confondre les simulacres

avec les vrais corps.

  Acteur venu du théâtre, Igor Ilinski interprète cet aide-comptable issu du répertoire d’Anton Tchekhov. Dans lalignée de La Mort d’un Fonctionnaire, Mitiouchine est

une âme sensible dont le malheur réside dans son constant

sentiment d’infériorité et dans l’impossibilité à exprimer sa

poésie interne. Bureaucrate, artiste médiocre et impuissant,

il s’agite vainement et n’encaisse les coups que pour mieux

revenir à la charge. C’est un être du possible dont les rêves et

les élans romantiques sont condamnés à se briser contre les

obstacles de la vie quotidienne. Jeliaboujski semble avoir saisitoute l’étendue scénique qu’offrait la palette émotionnelle du

personnage et l’associe à la plupart de ses effets visuels les

plus osés : une image mentale projetée sur le crâne, un décorqui tangue, un visage féminin particulièrement hideux. C’estaussi à travers les traits de ce fou amoureux de la reine qu’on

retrouve des traces d’Hollywood, objet pour les réalisateurssoviétiques d’une si vive répulsion idéologique, mais aussi

d’une attraction indéniable. Médiéval, chevaleresque et

classique.

LA VENDEUSE DE CIGARETDU MOSSELPROM(PAPIRosnITsA oT MossELP

Une restauration de la Cinémathèq

 Année de production : 1924Production : Mejrabpom-RusMise en scène : Iouri JeliaboujskScénario : Alexei Faiko, Fedor O

Prises de vue : Iouri JeliaboujskiDécors : Sergei Kozlovski, VladimDurée : 112 minutesInterprétation : Igor Ilinski, IoulSmokhovskaia, Nikolai Tsereteli, LSortie dvd : 7 novembre 2007 (C

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Olivier Legrain

Des mlodF. W

Frank Bor

Réunir les mélodrames muets américWlhelm Mrna et cex de Frank Bà faire converser deux œuvres qui, austudio orchestré par William Fox, marEn décembre 2008, le stdo Fox édtaun coffret dvd magistral qui mettaitlmère la érode de créscle ambmet hollywooden. Concordance des dx lms de Borzage résents, qatre  parallèle de L’Aurore et de City Girl, en

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DES DESTINS MêLéSL’inuence des deux cinéastes l’un sur l’autre fut réciproque.

  Auréolé de l’émoi artistique suscité par Le Dernier deshommes qui incita William Fox à lui faire signer un contrat

en or sans précédent, Murnau, fraîchement débarqué en

Californie, jouissait d’une aura incomparable auprès de sespairs et des studios. Aujourd’hui, la clause la plus visiblede ce contrat faramineux réside dans l’esthétique post-

expressionniste novatrice de L’Aurore, pour lequel Murnau

eut carte blanche et qui en prota pour s’entourer de sonéquipe allemande habituelle, émigrée de la UFA. Durantses années berlinoises, il avait fait la connaissance de John

Ford en février 1927. En signant à Hollywood, il retrouvaitson homologue américain à la cantine de la Fox, endroit de

passage et de rencontre où il put également croiser Raoul

 Walsh et Frank Borzage, la star maison du studio. Avec eux, il partagea davantage que des déjeuners. Les stars,

les plateaux de tournage étaient mis en commun. En 1928,  John Ford tourna certaines séquences desQatre ls (le village bavarois, le champ de bataille recouvert de brume,

jusqu’aux rues de New York) dans les décors construits pourL’Aurore. Quant à Janet Gaynor, elle assura la transitionentre les lms de Murnau et ceux de Borzage. En l’espacede moins de deux ans, 1927-1928, elle joua dans L’Aurore 

et Four Devils (lm perdu) de Murnau, et dans L’Heresuprême et L’Ange de la rue de Borzage. Ce rutilantenchevêtrement de tournages créa des situations cocasses.

  Ainsi, la production de L’Here srême fut retardée

car l’actrice n’était pas disponible avant la n du tournagede L’Aurore. Elle raconta elle-même qu’elle courait d’un

plateau à l’autre et jouait parfois lesjournée, déjeunant sur le plateau dde l’autre lm. Cependant, à la tooscars en 1928, elle fut récompenséepour les trois rôles à la fois. Assotous les mélodrames muets de Bodédoubla entre les deux réalisateuL’Ange de la rue, La Femme pour Borzage, City Girl et Four Dtotal, ils tournèrent douze lms ephénomène de l’Histoire d’Hollyw

  THOREAU CONTRE LEL’ESTHéTIQUE GERMANIQUOr, ces afnités, rien de moinsles deux cinéastes, ne doivent pa

divergences que ne sauve d’un esthétique orientée vers un cinémsacré hollywoodien en pleine élabochacun, dans une direction différe

un précurseur. Alors que Murnau croyance panthéiste , Borzage toucheforme de sublime mêlé de sentime

Dans sa carrière allemande, Murnau de la morale pour une grande

d’indications religieuses, judéo-centre le Bien et le Mal se tient sur

profane, le diable et l’ange de Faustet alambiqués rehaussés d’angles

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savant fait d’ombres gigantesques et de clairs-obscurs

tranchés, gures horriques personniant le diable, tellessont les caractéristiques de ce qu’on nomme communément

l’expressionnisme, ce cauchemar où la matière tend à secontorsionner, à s’effacer. Un autre versant de la sensibilité

de Murnau se nourrit du kammerspiel , ce courant intimiste

du théâtre allemand cher à Max Reinhardt qui privilégie les

petites gens, la psychologie, l’atmosphère du huis-clos àcoups d’ombres et de lumières.

 Aux Etats-Unis, ces deux versants se rejoignent et fusionnent.Mais agrémentée de culture américaine, la nature inquiétante,

refuge des forces du mal, se réclame du transcendantalisme

d’Emerson et de Thoreau. L’aspect fantastique de

cauchemar demeure mais subit une mutation. En surface,

les marais irréels de L’Aurore sont édiés en studio, tandisque les montagnes hostiles du comte Orlok de Nosferatu 

étaient lmées en extérieurs naturels. En profondeur, la

tempête qui secoue le lac de L’Aurore et les récoltes deCity Girl paraissent tomber comme un châtiment divin

issu de l’Ancien Testament, sur la tête du misérable pécheurqui fantasme l’assassinat de son épouse, et sur celle du pèretyrannique, variation moderne d’Abraham, qui manque detuer son ls par mégarde. Dans Nosferatu, la nature n’était

personniée que dans la mesure où elle endossait les traitsdu vampire. La vampirisation est d’ailleurs toujours à l’œuvredans L’Aurore, à travers la gure de la vamp, dont le noir

accoutrement est symboliquement à l’image de l’obscuritéde son âme. Néanmoins, cette noirceur prend dorénavant

les atours du péché, du vice qui broie l’âme et que seuls lapénitence et le pardon mènent à la rédemption. L’homme

de L’Aurore et le père de City Gfautes par une confession de larmesGirl, on récite le « Notre Père » avageste même de couper le pain équ

renvoie autant à la commémoratiode la terre présent dans la sentencton pain à la sueur de ton front ». E

couper le pain se borne à un acte mPour les citadins, la campagne a des

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d’Eden avec ses prairies et ses vaches de carte postale, pour

eux, que les mouches ne cessent de narguer dans ce fat-fd  

surchauffé et bondé d’employés et de clients pressés.

LES ONZE HEURES DE LA PENDULE, OU LESURRéALISME à HOLLyWOODLa vision de Murnau de l’homme et de la femme universels

( L’Aurore ) provient de Grifth mais, au-delà, de la Genèseet du Paradis perdu. Leur existence simple conne à un idéalpastoral. Ces deux êtres de pureté vivent à la campagne dans

un lieu perdu mais éternel. Loin des vices tentateurs de la

 ville mais proches de Dieu, les époux incarnent l’innocenced’avant la chute provoquée par le serpent métamorphosé

en pulpeuse séductrice. Les mélodrames muets de Borzagereprennent cette représentation moderne du mythe d’Adamet Eve sur une tonalité toutefois différente. Pour Murnau,la nature écrase l’homme de son envergure divine, pour

Borzage, elle se rapetisse au niveau de l’homme et sertd’écrin à ses sentiments passionnés, que la fatalité et la chute

guettent au tournant.

La présence de Janet Gaynor – « cuie jumelle » de Lillian Gish

par l’intensité des pieuses émotions qui se lisent en toutes

occasions sur sa physionomie gracil – ne manque pas à la fois de reli

même mouvement les intentions cinéastes. Pour l’un comme pour l’anon seulement des marginaux, des

mais encore et surtout des allégoritentations diaboliques. Par les mouides de leur caméra, Murnau et Bleur recherche d’Absolu. Mais cettdes routes dissemblables. Borzagela nature qu’un artiste des sentimepeint le mieux la passion, la jalousiele repentir. Il cherche la transcendcependant que Murnau la traque d

La présence de Janet Gaynor ne manque

pas à la fois de relier et de séparer dansun même mouvement les intentions

métaphysiques des deux cinéastes.

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et symbolique entre l’homme et les éléments naturels. Avecl’expressionnisme cher au maître allemand, il partage le rêve

surréaliste de l’amour fou, tout en l’entraînant plus loin, vers

la religion et ses rituels, ses manières affectées, sa dévotionillimitée. Ainsi béni, l’amour transcende les frontièresspatiales qui sont autant d’obstacles, et devient un pur esprit

qui s’affranchit de la matière. Dans L’Here srême,Chico, parti au front, et Diane dialoguent à distance, à

l’heure magique de onze heures du matin. Leurs penséesl’un pour l’autre se rejoignent alors dans la même fusionharmonieuse de deux mains serrées. Dans la communion,ils se conent sans mesure leur âme extatique – tels desdèles qui s’abandonnent à un Dieu dont l’amour pour sescréatures ne saurait s’iniger de limites. Récompense pour

cette foi inébranlable, Dieu bénit le couple ressuscité parl’intermédiaire d’un prêtre et d’une lumière céleste qui se

pose sur eux comme la main care

mère sur les cheveux de son lsavant la symbolique chrétienne d

( Street Angel ), où le mysticisme dde sacrice, de pureté, de rédemptichrétien, n’exclut ni la magie, ni la

religieuse et les attentions païennes

garantit à l’amour une grandeur ala matière, du temporel, du quotid

 Angela, au nom si prédestiné, se run quai brumeux, poussés malgré

incontrôlable l’un vers l’autre, puis

église, dominés par un portrait de n’était autre qu’Angela.

Face aux grands espaces panthéisoppose des lieux à mi-chemin e

Un père tyrannique, variation

moderne d’Abraham, qui manque

de tuer son fils par mégarde.

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campagne et le connement de la ville, des lieux fantaisisteset pittoresques, dont le sentiment de réalité s’efface devant

la puissance évocatrice du fantasme. Borzage privilégiepour toutes choses le symbolisme contre le naturalisme.Qu’importe si Paris, dans L’Here srême, ou Naples,

dans L’Ange de la rue, ne correspondent à ce que nos yeux

y perçoivent. Ces villes sont à l’image de l’idéal immaculé quihabite le cœur des deux amants, trop haut, trop parfait pour

s’épancher dans un milieu commun. Même la mansarde de

Chico nichée au septième étage, donc au septième ciel, dansL’Here srême, misérable d’aspect, se révèle l’égal del’église de L’Ange de la rue où, parfumé d’une invisible

gaze céleste, l’amour se transforme instantanément enspiritualité oublieuse d’une quelconque attirance physique.Les lieux les plus sordides que sont les quais mal famés, les

ruelles sombres aux pavés mouillés par la pluie, les logis

décrépits aux angles tordus, accueillent cependant toujours

la métaphore du chemin spirituel accompli par l’hommesur terre, du péché intrinsèque à sa nature déchue, au salut

accordé par son Dieu miséricordieux. On s’y aime, on s’y quitte, puis en dernier recours on y monte un escalier pourse défaire de sa damnation et accéder au pardon qui ouvre

toutes grandes les portes du Paradis, qu’il soit grenier ouéglise. Là une vie nouvelle attend nos amants, une vie d’au-

delà forcément, non pas froide et achevée comme la mort,

mais prodigue d’un amour déversé sans n, tel que promispar Dieu à travers son Fils.

MURNAU, BORZAGE AND FOSorte Etats uns : 9 décembre 2Edité par 20th Century Fox

Inclus dans le coffret :- Lazybones (1925) – Frank Borz- Street Angel (1928) – Frank Bor- 7th Heaven (1927) – Frank Borz

- Sunrise (1927) – F. W. Murnau- Lucky Star (1929) – Frank Borza- They Had To See Paris (1929) –- City Girl (1930) – F. W. Murnau- Liliom (1930) – Frank Borzage- After Tomorrow (1932) – Frank- Young America (1932) – Frank - Song O’ My Heart (1930) – Fran- Bad Girl (1931) – Frank Borzag- Murnau, Borzage and Fox (2008

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Danilo Zecevic

 Au delà de l’image de vamp et du souvenir del’amante de Charles Chaplin et Rudolf Valentino,Pola Negri (1897-1987) fut une grande actrice.Formée et façonnée ar Max Renhardt et ErnstLubitsch, elle devient une immense star enEroe aant de mgrer à Hollywood en 1922où elle ne t qe conrmer son statt. Arèsles expositions que lui ont consacrés le MoMade New York en setembre 2006 et le mséedu cinéma de Lodz en juillet 2008, c’est au tourde la Cinémathèque Française de lui rendre

hommage à travers une rétrospective organiséedu 7 au 12 avril prochain.

« Je ui la plu grade actrice au mde. » 

Pola Negri en 1987

L’étoile noirePola Negri, Une Femme du monde

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Dans la constellation hollywoodienne du muet, elles furentcinq étoiles féminines à briller au rmament : Clara Bow, Mary Pickford, Gloria Swanson, Greta Garbo et Pola Negri. Negrin’était ni la plus belle, ni la plus appréciée, mais certainement

celle dont le pouvoir de fascination et d’attraction surpassait

celui des autres. Sa notoriété s’était construite avant sa

 venue à Hollywood. Dans sa carrière, il y eut un pendant etun après Ernst Lubitsch. Pola l’européenne se coula dans

le moule de Negri l’hollywoodienne, moins diverse, plusmédiatique et assez inégale. Son rayonnement obscur ne t

que s’accroître jusqu’à venir percuter le mur du son. Malgréson passé théâtral, Negri était devenue une actrice de cinéma

muet. Comme pour la plupart de ses homologues, son jeuet son image s’étaient adaptés aux exigences du cadrage et

du montage, d’un mode d’expression spécique. GeorgesSadoul1 décrit « u igulier viage carré, à la mâchire aez brutale 

mai aux extrardiaire yeux de braie ». Le gros plan restitue là

une partie de sa présence cinégénique. Dans Les Yeux de

la momie, le regard magnétique de Negri s’avère tout aussienvoûtant que son physique singulier et un peu brutal. Elle

personnie l’exotisme sensuel grâceles profanateurs de tombe et d

l’audience.

LA DANSE DES SENTIMENTPassée par le conservatoire de Vaballet, Pola Negri afrme, à traver

1. In Histoire générale du cinéma, vol. 4 – Le cinéma

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mrt, peu m’imprte tat qu’il y a de la dae ». Le mouvement est

une question d’identité, de place par rapport au monde. DansLes Yeux de la Momie, la valse à laquelle elle ne participe

pas exclut Ma du cercle des convives, mais la danse orientale

qu’elle effectue lui permet d’exprimer son identité culturelle

tout en l’isolant comme individu au sein d’un monde qui

lui est étranger. Dans Sumurun, Yannaia réussit à séduire

le jeune sheik par son numéro de danse. La danse exprimeici la chorégraphie des relations. A travers les poursuiteslittérales qui s’engagent avec ses amants, Negri joue au chatet à la souris, dicte, par sa nature dominante, un rythme etune dynamique aux couples qu’elle forme. Les changementsde ton s’accompagnent de changements de rythmesparfois brutaux qui se reètent dans la violence des gestes.Personnage d’opéra, Carmen séduit un gardien de prison parsa docilité, son approche ondulatoire, mais, une fois arrivée à

ses ns, le repousse sèchement. Negri occupe le cadre dans

sa largeur et ses diagonales tout en exprimant sa nature félineen dégageant son trop plein d’énergie. Souvenir de sa culture

orientale, Ma caresse un chat2 dont elle hérite de l’agilité.

  Yannaia mime le félin lorsqu’elle réussit à reculer à quatre

pattes. Contrairement à son partenaire Emil Jannings, Negri

n’est jamais grimée. Ses rôles ne sont pas des compositions,mais des interprétations. Au jeu outré de Jannings, à la raideuret à la froideur scandinave de Greta Garbo, elle oppose la

spontanéité de son jeu et le naturel brusque des gestes d’unegitane.

 Amante passionnée à la sexualité agressive, Negri est une

force de la nature. Femme-enfant sauvage au comportementde garçon manqué, la Chatte des montagnes fouette, tire avec

un revolver, soulève ses compagnobélier. Negri est un tourbillon qui bpassage, consume son énergie exc

d’action an de combler un appétit s

2. Il est d’ailleurs étonnant que Negri n’aimait pas le

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constamment en déplacement, rarement immobile ; conquiert

les territoires. Elle est une européenne à Hollywood où elleinterprète des rôles d’européennes, une « Woman of The World »  

qui joue de son cosmopolitisme et de la somme de cultureset d’inuences dont elle est issue. Ses gestes et son visagesont expressifs sans être excessifs ; miment les sentiments

qui oscillent entre gravité et légèreté de la coquetterie. Negri

participe à l’équilibre dynamique du lm. Si elle bouge, c’estque le monde est immobile, mais si elle reste sur place, c’est le

monde à ses pieds qui se déplace pour elle, comme si elle en

était le centre de gravité et l’ordonnateur général. Lorsqu’elle

est prostrée, ce sont ses amants conquis qui sont à ses ordres.

Madame Dubarry est un agent de l’Histoire. Ses choix sontintentionnels même si elle ne contrôle pas leur conséquence.

Ses actions sont mues par la passion de vivre, mais inuerontégalement sur le destin des autres personnages et l’Histoire

de France.

UN CœUR DE GITANELes héroïnes interprétées par Pola Negri sont des insolentes,jouent de leur beauté éclatante, de la fraîcheur crâneuse de leurjeunesse. Elles font preuve de fausse candeur pour séduire, seplacent souvent dans la position de l’écolière sur les genoux duprécepteur avant de l’engloutir. Elles célèbrent la sensualité deleur corps moins qu’elles ne le magnient. Ce ne sont pas tantleur décolleté qui est provocant que l’attitude de dé qu’ellesadoptent, le regard qu’elles lancent à leur proie. Negri sait

que la femme n’est jamais aussi désirable que lorsqu’elle estinaccessible. Son anatomie s’en trouve sublimée. Ce sont des

Ses gestes et son

expressifs, miment l

qui oscillent entrelégèreté de la co

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pieds qu’on baise, des ongles qu’on manucure, des décolletés

qu’on xe. Le regard est langoureux, la posture provocante.L’oscillation du jeu de Negri et la exibilité de ses mouvementsparticipent au caractère protéiforme des personnages. La

Femme du monde se dénit elle-même comme « moitié maîtresse et mitié mère » (« half lver, half mther »). 

Pola Negri se spécialise dans les rôles de femme fatale et demanipulatrice. Etre capricieux prêt à tout pour obtenir ce

qu’elle désire, cette matérialiste de l’humain est désireuse de

posséder sans en payer le prix, sans être possédée à son tour. Ily a chez elle un goût immodéré pour la liberté et une volontéd’indépendance farouche. Elle est une rebelle mais demeure

prisonnière de ses émotions et de sa erté, constammentguidée par ses passions sous sa carapace de pragmatisme. Elle

se situe en marge et ne s’intègre qu’à la caravane des exclus,

handicapés et saltimbanques. Sa violence ne fait que répondreà la violence du monde qui l’entoure. La Dubarry évolue à

contre-courant, entretient un rapport de force avec l’opinion

populaire, se projette au-delà des mœurs de la cour.Déant les autorités, Negri est en constant rapport deforce avec toutes formes de hiérarchie. Femme de chambre

au service d’un général, Anna ignore les ordres et refusele nivellement que la caméra voudrait lui imposer ( HotelImperial ). Malgré la plongée et la stature, il n’y a ici aucunpositionnement d’inférieure à supérieur. Rudoyée par ungénéral, c’est un roi qui s’inclinera et qui baisera sa main.

Negri joue constamment sur sa familiarité et son ascendantavec le public. Ses femmes du peuple ont une prestance royale,mais ses reines et ses aristocrates adoptent un comportement

populaire. La Dubarry est « une midinette qui est l’une d’entre nous,

qui et tre œur u tre petite amie, et qui, u dévilat l’ever 

du décr, u le red familier. » 3 C’est d’une accolade et d’un Pola Negri est

de nature ma

de tempér3. Eithne et Jean-Loup Bourget, Lubitsch ou la satire romanesque, éd. Stock Cinéma, 1987.

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« we are pals » que la comtesse Natatorini gratie son cousinaméricain (  A Woman of The World ).

COMéDIENNESLes gestes de Pola Negri se font masculins tout en faisantressortir sa féminité. La Chatte des montagnes et Carmen

sont l’égal physique et social des hommes. Ce sont elles quientreprennent, qui initient et mettent n aux rapprochements.La prostituée de The Woman He Scorned se crache dans

les mains et abaisse son décolleté avant d’aller séduire son

potentiel client. Au tapin comme à la mine ! Comme pourla plupart des stars, le comportement de Negri dénote une

tendance hermaphrodite. Son identité est rarement immobile,

souvent changeante. La palette du jeu de Pola Negri diversieson répertoire car elle est tragédienne de nature mais comique

de tempérament. Les coiffures arbomultiples que ses visages. La tran

au changement et à la découverte d

autant qu’il cache. Rischka découvrdes habits chics ( La Chatte desest un élément de corruption pousa coquetterie. L’effeuillage publicune humiliation mais a valeur de rC’est en renonçant à ses chaussures

provocants que Louise devient unWoman He Scorned). Les pers

Negri sont en représentation. Ce s

proposent une image et buttent c

précède la « Woman of The World

avec celle-ci. La comtesse rejette journal comme la prostituée de Th

Les personnages interprétés

par Negri sont en

représentation. Ce sont des

comédiennes qui proposentune image d’elles-mêmes et

buttent contre elle.

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s’interroge devant son reet. A l’image de la danseuse deSumurun, Negri est volontiers provocatrice, sensuelle, mais

devient vulnérable lorsqu’elle arrête de jouer la comédie.La frontière entre les rôles et l’interprète reste mince. Il y apas mal d’autodérision chez Pola Negri lorsqu’elle interprètela comtesse Natatorini, prolongement de l’actrice et de son

image que colportent les journaux à scandale hollywoodiens.

Il y aussi ce clin d’œil que lui adresse son amie Marion Davieslorsqu’elle l’imite (plutôt bien) dans The Patsy. Dans sondernier lm, La Baie aux émeraudes, Pola Negri interprèteune riche excentrique qui ne serait autre qu’elle-même.

Réponse du berger à la bergère, elle avait déjà servi de modèleà sa grande rivale du temps du muet et de la Paramount, GloriaSwanson. La mégalomane Norma Desmond de SunsetBoulevard, c’est aussi Pola Negri. Sa vie rêvée et ses lms

inspirèrent sa fantaisiste autobiographie autant que sa vie vécue – difcile d’y démêler le vrai du faux. Mais, pour unestar dont on retrouve les enseignements de Max Reinhardt

chez Marlène Dietrich, l’insolence agrémentée de Lubitch’ 

touch chez Miriam Hopkins, l’attitude masculine chez LaurenBacall, c’est la moindre des choses. La star est restée grande.

Ce sont les lms qui ont rapetissé.

FiLMOGRApHiE SÉLECTiv

The Moon-Spinners / La Baie aNeilson(1964)The Woman He Scorned / ThPaul Czinner(1929)Loves of an Actress – Rowland Three Sinners – Rowland L. Lee

The Woman on Trial – Mauritz Barbed Wire – Rowland W. Lee Hotel imeral – Mauritz Stiller Good and Naughty – Malcolm The Crown of Les - - Dimitri B

 A Woman of the World – MalcoEast of Sez – Raoul Walsh (192Forbidden Paradise - – Ernst LuShadows of pars – Herbert BreThe Spanish Dancer – Herbert The Cheat – George FitzmauricDie Flamme / La Flamme – ErSappho - Dimitri Buchowetzki (1De Bergkatze / La Chatte deLubitsch (1921)Die Dame im Glashaus – VictoSumurun – Ernst Lubitsch (1920

 Arme Violetta – Paul L. Stein (19Komtesse Dolly – George JacobyMadame DuBarry – Ernst Lubi

 Vendetta – George Jacoby (1919

Carmen – Ernst Lubitsch (1918)Die Augen der Mumie Ma / LeErnst Lubitsch (1918)

7/11/2019 Dossiers d'Acme N°4 _ Cinema muet (2007-2010)

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