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Dossiers sur les droits de l’homme, n o 9 (révisé) LE DROIT DASILE T LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE LHOMME par Nuala Mole AIRE Centre, Londres, Royaume-Uni Editions du Conseil de l’Europe

Dossiers sur les droits de l’homme, n 9 (révisé) celles de l’article 14 de la DUDH, lequel garantissait le droit de toute personne, devant la persécution, de chercher asile

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Dossiers sur les droits de l’homme, no 9 (révisé)

LE DROIT D’ASILE

ET LA CONVENTION EUROPÉENNE

DES DROITS DE L’HOMME

par Nuala MoleAIRE Centre, Londres,Royaume-Uni

Editions du Conseil de l’Europe

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Edition anglaise :

Asylum and the European Convention on Human Rights

ISBN 92-871-4441-9

Editions du Conseil de l'EuropeF-67075 Strasbourg Cedex

ISBN 92-871-4440-0Première édition parue sous le titre Problèmes soulevés par certains aspects dela situation actuelle des réfugiés sous l'angle de la Convention européennedes Droits de l'Homme, Richard Plender, 1984.Seconde édition, Nuala Mole, 1997.Troisième édition, 2001.

© Conseil de l'Europe 1997, 2001

Imprimé dans les ateliers du Conseil de l'Europe

L’auteur de la présente publication est directrice de l’AIRE Centre (Advice onIndividual Rights in Europe – Centre de conseil sur les droits de la personne),organisation bénévole sise à Londres, qui donne des informations et desconseils sur les droits des personnes dans le cadre de la législation internatio-nale en matière de droits de l’homme et de la législation de l’Union euro-péenne. Le Centre agit, par ailleurs, en tant que conseil juridique auprès de laCour européenne des Droits de l’Homme. La présente mise à jour reprend ungrand nombre des contributions de Frances Nicholson à l’édition précédente etl’auteur adresse ses remerciements à ce chercheur. Comme toujours, NaviAhluwalia, directeur adjoint de l’AIRE Centre, a prêté un concours inestimableen matière de recherche et d’observations, tout comme l’équipe efficaced’avocats de l’AIRE Centre, et en particulier Alison Meacher et Jared Genser.Maria Teresa Gil Bazo, du Bureau d’Amnesty International de Bruxelles, a four-ni, comme à l’accoutumée, des informations et des idées éclairantes. L’auteurtient à remercier tout particulièrement Nerys Lee, d’Amnesty International, quia mis à sa disposition des documents sur les expulsions forcées.

Les opinions qui sont exprimées dans cet ouvrage sont celles de l’auteur etn’engagent pas la responsabilité du Conseil de l’Europe. L’ouvrage ne donne,des instruments juridiques qu’il mentionne, aucune interprétation officiellepouvant lier les gouverne-ments des Etats membres, les organes statutaires duConseil de l’Europe ou tout organe institué en vertu de la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme.

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Table des matières

Introduction...............................................................................................................5�

Considérations historiques : les mouvements de réfugiés en Europe, de la guerre

froide à nos jours................................................................................................6�

Première partie : Le rôle de la Convention européenne des Droits de l’Homme

dans la protection contre l’expulsion................................................................11�

L’applicabilité de la Convention aux demandeurs d’asile............................................11�

1.� L’extranéité...............................................................................................15�

2.� La persécution pour un motif prévu par la Convention..............................15�3.� La responsabilité des États ........................................................................16�4.� Les clauses d’exclusion .............................................................................18�5.� Le critère du « risque réel » ......................................................................21�6.� L’importance de la jurisprudence du Comité de l’ONU contre la

torture ......................................................................................................26�Les liens entre la jurisprudence du Comité contre la torture et la

Convention européenne des Droits de l’Homme ........................................27�7.� L’application extraterritoriale d’autres articles ...........................................27�

Article 2 – Le droit à la vie.........................................................................27�Article 6 – Le droit à un procès équitable ...................................................28�Article 7 – La non-rétroactivité des infractions et des sanctions pénales ......28�Article 4 du Protocole n

o 7 – L’interdiction de la double incrimination..........28�

Article 8 – Le droit au respect de la vie privée et familiale...........................29�Le droit à l’intégrité morale et physique.....................................................29�Article 4 du Protocole n

o 4 –L’interdiction des expulsions collectives

d’étrangers ...............................................................................................30�8.� L’expulsion vers des pays « sûrs » .............................................................30�9.� Les garanties de procédure et droit à un recours effectif en cas de

menace d’expulsion..................................................................................37�L’accès aux procédures relatives aux décisions sur les demandes d’asile ......37�Les visas ...................................................................................................38�La responsabilité du transporteur...............................................................38�À l’arrivée au port .....................................................................................39�Le droit d’appel ou de révision et l’article 13..............................................41�L’application de l’article 6 – Le droit à un procès équitable .........................43�

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10.� La protection subsidiaire offerte par la Cour européenne des Droits de

l’Homme ..................................................................................................44�Le droit de recours individuel en application de la Convention

européenne des Droits de l’Homme...........................................................44�Mesures provisoires aux termes de l’article 39 du Règlement intérieur........44�

11.� L’expulsion de personnes à leur corps défendant .......................................46�

Deuxième partie : Le rôle de la Convention européenne des Droits de l’Homme

dans des situations autres que celles qui appellent une protection contre

l’expulsion .......................................................................................................49�

1.� La détention des demandeurs d’asile et des personnes menacées

d’expulsion.......................................................................................................49�La détention en attendant la décision sur la demande d’asile ...........................51�Le rôle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines

ou traitements inhumains ou dégradants...................................................53�

2.� La vie familiale .................................................................................................55�

3.� Le statut des personnes dont la demande est en cours de traitement ou a

été rejetée ........................................................................................................57�Article 16 – Les restrictions à l’activité politique des étrangers..........................58�Le racisme, la xénophobie et les médias...........................................................59�

Conclusion ..............................................................................................................61�

Annexes ..................................................................................................................62�

I.� Textes de base de l’Union européenne sur le droit d’asile...................................62�

II.� Liste des instruments du Conseil de l’Europe relatifs au droit d’asile ...................63�

III.� Membres du Conseil de l’Europe ayant ratifié la Convention européenne

des Droits de l’Homme (au 15 mai 2000)..........................................................65�

IV.� Pays ayant accepté le droit de recours individuel prévu par la Convention

contre la torture de l’ONU (au 15 mai 2000).....................................................66�

Notes.......................................................................................................................67�

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Introduction

L’un des principaux attributs de la souveraineté nationale est le droit des États d’accueillir des étrangers sur leur territoire ou de les en expulser

1. Les

Etats sont tenus d’admettre les étrangers sur leur territoire uniquement si leur expulsion signifierait un manquement à une autre disposition de droit international. La notion de droit d’asile constitue l’exemple le plus impor-tant de ce dernier principe. Bien que l’article 14 de la Déclaration univer-selle des droits de l’homme dise expressément que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays », ce droit n’est pas exprimé dans ces termes dans les textes des autres instruments internationaux à caractère général dans le domaine des droits de l’homme tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Convention européenne des Droits de l’Homme. Lorsque ces instruments ont été élaborés, la Convention de Genève sur le statut des réfugiés avait été conçue pour former une lex specialis couvrant totale-ment la matière.

La Convention de Genève considère les personnes tombant sous son champ de protection comme un groupe privilégié et leur accorde un grand ensemble de droits. Dans les premières années d’application de cette Convention, il n’était pas difficile de déterminer à qui attribuer le statut de réfugié en Europe : tout le monde savait de qui il s’agissait. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) n’a éprouvé le besoin d’élaborer un guide des procédures relatives aux décisions sur les demandes d’asile qu’en 1979. En ce nouveau millénaire, on se prévaut d’une manière de plus en plus légaliste des dispositions de la Convention, qui sont invoquées pour exclure les personnes menacées de la protection contre l’expulsion qu’elle avait notamment pour objet d’offrir. Les instru-ments en matière de droits de l’homme à caractère général, et en particulier la Convention européenne des Droits de l’Homme, assurent à présent ce rôle de façon plus efficace. La Convention de Genève reste en vigueur et conserve un rôle essentiel en tant qu’instrument accordant des avantages

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supplémentaires à un nombre de plus en plus restreint de personnes qui, de l’avis des gouvernements, continuent de les mériter. Sa protection n’est pas accordée à la plupart des personnes menacées d’expulsion, qui vont se trouver face à des situations où elles pourront être soumises à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. Même si elles ne sont pas expulsées, les personnes auxquelles est refusé le droit d’être considérées comme des réfugiés se retrouvent souvent dans une situation irrégulière et, de ce fait, précaire.

La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, ouverte à la signature en novembre 1950, et la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, ouverte à la signature l’année suivante, ont été rédigées alors que s’installait la polarisation des relations internationales qui marqua la guerre froide. Ces deux conventions tradui-sent bien les préoccupations et les réflexions de cette période. Pendant les cinquante années qui suivirent, au cours desquelles les relations internatio-nales furent dominées par l’opposition de deux idéologies, le droit interna-tional entérina la définition du réfugié énoncée à l’article 1.a (2)

2 et le

principe de non-refoulement établi à l’article 33 (1)3 de la Convention de

Genève. Élaborée à la suite des migrations forcées du milieu du XXe siècle,

la Convention de Genève avait été conçue pour ménager un statut juridi-que à toute personne qui se trouvait hors du pays dont elle avait la nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence habituelle, et craignait d’être persécutée par suite « d’événements survenus [en Europe] avant le 1

er janvier 1951 ». La Convention européenne des Droits de l’Homme,

quant à elle, se proposait de reconnaître à l’échelon de la région à laquelle elle s’appliquait la plupart des droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) et d’instituer des mécanismes internatio-naux pour les faire respecter. Elle ne contenait toutefois aucune disposition reprenant celles de l’article 14 de la DUDH, lequel garantissait le droit de toute personne, devant la persécution, de chercher asile et de bénéficier de l’asile.

Considérations historiques : les mouvements de réfugiés en Europe, de la guerre froide à nos jours

Si la Convention de Genève était, à l’origine, un instrument élaboré pour répondre à un besoin humanitaire, en ménageant un cadre juridique

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approprié au droit d’asile, elle constituait aussi un outil destiné à servir les objectifs des politiques de la guerre froide. Le texte mettait avant tout l’accent sur la protection des personnes fuyant les pays situés derrière le rideau de fer, où l’avancement des idéaux collectivistes du communisme prenait le pas sur le respect des droits civils et politiques des personnes. Ces réfugiés marquaient clairement leur sympathie pour les valeurs politiques de l’Ouest.

Le Protocole de New York de 1967, modifiant la Convention de Genève, a supprimé la référence au 1

er janvier 1951

4 et la quasi-totalité des pays

5 qui

étaient alors membres du Conseil de l’Europe ont supprimé la limitation géographique, étendant ainsi la protection à toute personne, quelle que soit sa région d’origine. Le texte reconnaissait ainsi que la question des réfugiés n’était pas simplement un problème européen isolé. Pendant la période de croissance économique rapide des années 60, très peu de réfugiés ou de demandeurs d’asile purent, en raison de la guerre froide, atteindre les pays occidentaux ; en tout état de cause, ils y étaient les bienvenus pour satisfaire à la forte demande de main-d’œuvre d’une économie en pleine expansion.

La première crise pétrolière de 1973 et la récession qui s’ensuivit furent à l’origine d’un chômage croissant et d’une opposition à la nouvelle immi-gration. Moins de trente ans après la chute du régime nazi en Allemagne, le terrible spectre de la question raciale réapparaissait aussi en Europe.

Au même moment, des événements comme la prise de pouvoir d’Idi Amin Dada en Ouganda en 1971 et le coup d’État du général Pinochet au Chili en 1973 ont poussé des milliers de personnes à fuir la répression qui s’était installée dans ces pays. Bien que la vaste majorité des réfugiés cherchent généralement à fuir un conflit ou l’oppression en se rendant simplement dans un pays voisin (l’Europe abrite seulement 5 % des réfugiés dans le monde), le développement croissant des voyages aériens a permis à cer-tains d’atteindre les pays développés. Le nombre de personnes concernées restait cependant modeste en comparaison avec le flot potentiel tant de réfugiés que de migrants facilité par la chute du rideau de fer en novem-bre 1989 et l’effondrement du bloc de l’Est, où la circulation des personnes avait été autrefois sévèrement contrôlée.

La détermination des États d’honorer les obligations découlant du droit international s’est trouvée fragilisée par cette plus grande liberté de circula-

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tion, tandis que le détournement de la législation sur le droit d’asile par les migrants économiques, en vue d’entrer dans des pays qui avaient fermé leurs voies d’immigration traditionnelles

6, soulevait des inquiétudes. Le

nombre des demandeurs d’asile et des réfugiés a augmenté considérable-ment. Ceux-ci sont venus des pays du Conseil de l’Europe lui-même (c’est le cas des Kurdes de Turquie et des Roms des anciens États communistes). Les événements survenus dans l’ex-Yougoslavie pendant la dernière dé-cennie du précédent millénaire, et en particulier au printemps de 1999, ont créé en Europe des mouvements de réfugiés d’une ampleur que l’on n’avait pas connue depuis la seconde guerre mondiale. D’autres ont fui la répres-sion et la guerre civile dans des pays plus lointains, comme le Sri Lanka, la Somalie, le Zaïre, le Rwanda et l’Algérie. Cet afflux a incité les États de l’Europe de l’Ouest à introduire une législation et des pratiques de plus en plus restrictives en matière de droit d’asile. Les 15 États membres de l’Union européenne ont notamment cherché à accroître leur coopération par des mesures intergouvernementales et des accords tels que la Conven-tion de Schengen sur la suppression des contrôles aux frontières communes et la Convention de Dublin désignant l’État responsable du traitement des demandes d’asile présentées auprès de l’un des États membres de la Com-munauté européenne

7.

Une liste complète des textes relatifs aux réfugiés adoptés dans le cadre du « troisième pilier » du Traité de Maastricht figure en annexe à cette étude. En vertu du Traité d’Amsterdam, nombre de ces questions ont été intégrées au « premier pilier », de sorte qu’elles relèvent désormais du droit commu-nautaire et ne font plus simplement l’objet d’accords parallèles entre les États membres. Il faut souligner que toutes les mesures prises dans le cadre du troisième pilier s’adressent exclusivement aux personnes correspondant à la définition de l’article premier de la Convention de Genève ou deman-dant à bénéficier de sa protection. Les mesures prises dans le cadre du troisième pilier ne s’appliquent pas au rôle de plus en plus important que revêtent les obligations que la Convention européenne des Droits de l’Homme impose aux États dans ce domaine.

Dans certains cas, les réfugiés non admis à entrer dans les pays de l’Europe de l’Ouest ont été dirigés vers les États de l’Europe centrale et orientale et de l’ex-Union soviétique, qui, bien souvent, ne disposent pas des méca-nismes, de la législation ou de l’expérience nécessaires pour traiter ces cas.

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Ces États sont de plus en plus nombreux à adhérer au Conseil de l’Europe, dont le nombre d’États membres s’est rapidement accru.

Les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme et la jurisprudence élaborée en vertu de cette Convention lient (au 1

er mai 2000)

41 pays. L’expérience du Conseil de l’Europe dans la mise en place d’accords, de conventions, de recommandations, de résolutions et de déclarations complémentaires des instruments sur les réfugiés, le forum de débat qu’il représente et la jurisprudence de la Cour et de la Commission européennes des Droits de l’Homme s’avèrent inestimables pour aider ces États – en fait tous les États membres du Conseil de l’Europe – à faire respecter les obligations humanitaires découlant du droit international et à garantir les droits des réfugiés

8.

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Première partie : Le rôle de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans la protection contre l’expulsion

La Convention de Genève ne ménage pas de procédure de contrôle inter-national. Elle ne prévoit pas un droit de recours individuel devant une instance judiciaire qui soit comparable à celui qui existe aux termes des articles 34

9 et 35

10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme,

mais une vaste jurisprudence spécialisée en la matière a été élaborée quant à son interprétation et à son application par les tribunaux nationaux. Toutefois, ceux-ci n’adoptent pas une approche unique, ce qui a donné lieu à un ensemble disparate de décisions. Comme ses articles ne comprennent pas de dispositions explicites concernant le droit d’asile, la Convention européenne des Droits de l’Homme pourrait sembler ne présenter qu’un intérêt marginal aux yeux des demandeurs d’asile en Europe

11. Or, c’est loin

d’être le cas. La jurisprudence substantielle qui est apparue entre 1989 et 2000 définit aujourd’hui les normes applicables aux droits dont jouissent les demandeurs d’asile en Europe.

L’applicabilité de la Convention aux demandeurs d’asile

La première question examinée par les organes de la Convention, et sur laquelle la Cour s’est prononcée, a été de savoir si la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme s’appliquait si peu que ce soit aux situations des demandeurs d’asile. La Cour a à maintes reprises déclaré que la Convention n’énonçait à proprement parler aucun droit d’asile

12.

L’article premier de la Convention européenne des Droits de l’Homme est ainsi libellé :

Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au Titre I de la présente Convention.

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Une limite territoriale est ainsi fixée au champ d’application de la Conven-tion.

L’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme est ainsi libellé :

Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Cette interdiction est absolue. Elle n’autorise aucune justification ni limi-tation et l’article 15 de la Convention européenne des Droits de l’Homme n’autorise aucune dérogation, même en cas de guerre ou d’autre danger public menaçant la vie de la nation.

A première vue – et ce fut l’un des arguments avancés avec force par le gouvernement britannique dans les affaires citées ci-après – ces deux articles, combinés, pourraient sembler relever les gouvernements de toute responsabilité découlant de l’application de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour les événements survenant hors de leur juridiction. Certes, la Convention ne peut régir les actes d’un État tiers. Mais l’interdiction de toute torture ou traitement inhumain ou dégradant et l’existence d’autres droits absolus perdent une grande part de leur force si, en expulsant des personnes dans des pays où elles sont en danger, les États sont susceptibles de les exposer à ce type de traitements de la part d’un autre État.

A partir des années 60, la Commission et la Cour ont régulièrement exami-né la question de savoir si l’extradition ou l’expulsion vers un pays où la personne risquait d’être soumise à de tels traitements était contraire à l’article 3

13.

La question de l’applicabilité a été pour la première fois examinée en détail par la Cour européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Soering c/ Royaume-Uni, qui ne concernait pas l’asile politique mais l’extradition

14.

L’État américain de Virginie demandait à l’Angleterre d’extrader M. Soering pour qu’il réponde d’une accusation passible de la peine capitale. En Virginie, à cette époque, les condamnés à mort attendaient de six à huit ans dans le couloir de la mort. Il fut allégué que ceci constituait un traite-ment inhumain et dégradant contraire à l’article 3.

La Cour a relevé l’existence d’autres instruments internationaux, tels que la Convention de Genève et la Convention des Nations Unies contre la

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torture, qui abordent en termes exprès et précis les problèmes liés à la remise d’une personne à un État sur le territoire duquel elle court le risque de subir des traitements prohibés. La Cour a néanmoins estimé que l’existence des autres instruments n’excluait pas l’application de la Conven-tion européenne des Droits de l’Homme. Leur existence ne saurait « relever les États contractants de leur responsabilité, sur le terrain de l’article 3, pour tout ou partie des conséquences prévisibles qu’une extradition entraîne hors de leur juridiction »

15.

La Cour a observé :

De ce qu’un traité spécialisé en la matière énonce en détail une obligation précise dont s’accompagne l’interdiction de la torture, il ne résulte pas qu’une obligation en substance analogue ne puisse se déduire du libellé général de l’article 3

16.

La Cour a relevé que l’objet et le but de cet instrument de protection des êtres humains qu’est la Convention appellent à comprendre et à appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les garanties concrètes et effectives

17.

Elle a estimé que l’obligation inhérente à l’article 3 s’étend aussi au cas où le fugitif risquerait de subir, dans l’État de destination, des traitements inhu-mains ou dégradants proscrits par ledit article, et a noté que :

L’État contractant engage sa responsabilité en ayant pris des mesures dont la conséquence directe est le risque couru par la personne de subir de tels trai-tements

18.

Peu après l’arrêt Soering, l’affaire Cruz Varaz c/ Suède a été portée devant la Cour. C’était la première affaire concernant le rejet d’une demande d’asile. La Cour a retenu que le principe énoncé dans l’affaire Soering s’appliquait aux décisions tant d’expulsion que d’extradition

19. La Cour a

réaffirmé ce point de vue dans l’arrêt Vilvarajah c/ Royaume-Uni20

.

La question de l’applicabilité de l’article 3 aux expulsions est désormais considérée comme établie avec certitude. Le gouvernement britannique n’en a pas moins essayé, en 1995 encore, de faire valoir l’argument contraire dans l’affaire Chahal

21, argument que la Commission a rejeté avec

fermeté en rappelant le principe énoncé dans l’arrêt Vilvarajah :

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L’expulsion d’un demandeur d’asile par l’État contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, donc engager la responsabilité de l’État contractant au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé courra un risque réel d’être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants dans le pays dans lequel on l’a renvoyé [...]

22.

Le gouvernement britannique a finalement reconnu l’applicabilité de la Convention lors de sa plaidoirie devant la Cour

23.

L’exode massif des réfugiés, ayant quitté l’ex-République de Yougoslavie pour la Macédoine et l’Albanie voisines qui s’est produit au printemps de 1999 a été déclenché par les opérations des pays membres de l’OTAN, lesquels pouvaient donc en principe avoir à répondre devant la Cour de Strasbourg du fait qu’ils n’avaient pas pris les dispositions adéquates pour s’occuper de ces réfugiés. En l’occurrence, ces derniers n’étaient guère désireux d’engager une action susceptible d’être préjudiciable à leur admis-sibilité au bénéfice de l’aide ou de la réinstallation dans les pays occiden-taux.

Toutefois, l’article 3 n’est pas la seule disposition de la Convention qui touche à des questions relatives au droit d’asile. Comme nous le verrons, l’expulsion de demandeurs d’asile dont la requête a été rejetée peut aussi soulever des problèmes au regard de l’article 2 (droit à la vie), de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté de la personne), de l’article 6 (droit à un procès équitable), de l’article 7 (non-rétroactivité des sanctions pénales), de l’article 3 du Protocole n

o 4 (expulsion par l’État concerné de ses propres

ressortissants), de l’article 4 du Protocole no 7 (interdiction de la double

incrimination), de l’article 8 (droit au respect à la vie privée et familiale), de l’article 4 du Protocole n

o 4 (expulsion collective d’étrangers) et de

l’article 13 (droit à un recours effectif). L’article 8 (vie familiale), l’article 8 (vie privée au regard du statut) et l’article 16 (activité politique des étran-gers) peuvent aussi être invoqués par des personnes qui ne courent pas un risque immédiat d’expulsion.

Il existe de nombreuses situations dans lesquelles les demandeurs d’asile ou les réfugiés n’entrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, mais où ils sont protégés par la Convention européenne des Droits de l’Homme.

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1. L extranéité

Pour être protégée par la Convention de Genève, une personne doit, selon la définition de l’article premier de cet instrument, se trouver hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle avait sa résidence habituelle.

La Convention européenne des Droits de l’Homme couvre, quant à elle, un champ plus large.

Dans l’affaire Fadele c/ Royaume-Uni24

, la Commission a jugé que l’article 3 pouvait s’appliquer au cas d’enfants britanniques implicitement exilés du Royaume-Uni du fait de l’expulsion du parent ayant la garde des enfants, lorsque les conditions auxquelles ils se heurteraient à leur retour pourraient constituer des traitements inhumains ou dégradants.

Le même raisonnement s’appliquerait lorsque les membres de la famille proche d’un demandeur d’asile débouté comptent parmi eux, comme c’est parfois le cas, des nationaux du pays de renvoi. L’expulsion implicite de ces ressortissants serait contraire à l’article 3 (combiné avec l’article 8) s’il était avéré qu’ils risqueraient des mauvais traitements s’ils accompagnaient le demandeur d’asile débouté. Le même principe s’applique aussi à l’extradition par un État de ses propres ressortissants. Ces affaires peuvent aussi soulever des questions au regard de l’article 3 du Protocole n

o 4 à la

Convention, qui est ainsi libellé :

1. Nul ne peut être expulsé, par voie de mesure individuelle ou collective, du territoire de l’État dont il est le ressortissant.

2. Nul ne peut être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant

25.

Récemment, la Cour a communiqué au gouvernement letton l’affaire de Slineko

26 concernant l’expulsion de Lettonie de « citoyens de l’ex-URSS » et

des membres de leur famille.

2. La persécution pour un motif prévu par la Convention

Pour être protégée par la Convention relative au statut des réfugiés, une personne doit avoir des craintes d’être persécutée pour l’un des motifs prévus à l’article premier de cet instrument, à savoir « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

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L’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ne stipule aucun critère de ce type. La Convention s’applique aussi bien aux procé-dures d’extradition qu’au refoulement des demandeurs d’asile déboutés, de ceux qui ont obtenu un statut humanitaire mais ne sont pas reconnus comme des réfugiés au sens de la Convention, ou encore de ceux qui ont été reconnus comme étant réfugiés mais qui ont perdu la protection de la Convention de Genève. Si le risque de mauvais traitements est réel, les raisons n’en sont pas pertinentes. La Commission a relevé une violation dans l’affaire Nasri c/ France, qui concernait la procédure d’expulsion engagée contre un sourd-muet. La Cour n’a pas estimé nécessaire de statuer sur le point de l’affaire concernant l’article 3 puisqu’elle a constaté une violation de l’article 8. L’affaire HLR c/ France concernait un revendeur de drogues condamné qui, pendant son procès, avait présenté des moyens de preuve ayant abouti à la condamnation de plusieurs autres membres d’un cartel colombien de la drogue et considérablement gêné les activités de ce dernier. À sa sortie de prison, l’homme devait être renvoyé en Co-lombie, où il aurait été exposé à la vengeance des membres du cartel en question. La Cour a déclaré que les raisons des mauvais traitements aux-quels il pouvait s’attendre n’étaient pas pertinentes au regard de la protec-tion garantie par l’article 3. L’affaire D. c/ Royaume-Uni concernait le renvoi proposé d’un sidéen à l’article de la mort dans son pays d’origine, où il n’avait ni famille, ni ressources matérielles, où il ne pouvait se préva-loir d’aucune mesure de protection sociale et où n’existait aucun moyen de traitement pour les sidéens. Il n’était aucunement persécuté pour un motif prévu par la Convention. La Cour a conclu que son expulsion constituerait une violation de l’article 3.

3. La responsabilité des États

La responsabilité des États en matière de craintes de persécution est dé-duite implicitement de la définition figurant à l’article premier de la Convention de Genève, dont la vocation est de protéger ceux qui, pour une raison ou une autre, ont perdu la protection de leur propre État. Les craintes de persécution d’un réfugié au sens de ladite Convention doivent faire suite à une défaillance de la protection de l’État. Dans l’arrêt Soering, la Cour a retenu, en revanche, que, considérant la responsabilité de l’État de renvoi en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme :

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Il ne s’agit pas de trancher ni d’établir la responsabilité du pays de destina-tion

27.

Plusieurs États européens n’octroient pas le droit d’asile aux personnes dont la demande concerne la persécution par des « agents non étatiques » tels que les groupes terroristes ou les armées de guérilleros, ou encore dans les situations de guerre civile. Il a été soutenu devant la Cour

28 que la

Convention des Nations Unies contre la torture stipule expressément que les mauvais traitements doivent impliquer la responsabilité des autorités de l’État et l’on a fait valoir qu’il convenait d’appliquer de la même façon la Convention européenne des Droits de l’Homme. Dans l’affaire T.I.

29, la

Cour a noté que les tribunaux allemands non seulement écartaient la persécution par des agents non étatiques comme motif de rejet d’une demande d’asile, mais, en dépit de la jurisprudence de la Cour européenne, ne reconnaissaient pas, au moment d’appliquer leur disposition juridique qui se référait expressément à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, les menaces venant d’agents non étatiques comme un critère ouvrant droit à une protection individuelle. Dans l’affaire Tatete c/ Suisse

30, le gouvernement suisse avait également soutenu que la

Convention n’était pas applicable en l’espèce étant donné que le risque ne venait pas des agents de l’État.

Depuis, la Cour a fermement rejeté cet argument à l’occasion de plusieurs affaires. Dans l’affaire Ahmed c/ Autriche

31, le requérant était menacé

d’être renvoyé en Somalie, pays livré aux chefs de guerre et dépourvu de gouvernement digne de ce nom et, partant, sans État à même d’exercer une responsabilité. Les organes de la Convention ont considéré que l’absence de pouvoir étatique n’était pas pertinent au regard du risque que courrait le requérant. La Cour a réaffirmé cette opinion dans l’affaire HLR c/ France

32. Le gouvernement français a voulu soutenir devant la Commis-

sion et la Cour33

qu’étant donné que d’autres instruments internationaux tels que la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants prévoient de façon formelle que les mauvais traitements doivent impliquer la responsabilité des autorités de l’État, la Convention devrait être interprétée de la même façon. Dans l’affaire D. c/ Royaume-Uni

34, toutes les parties sont convenues que le

gouvernement de Saint-Kitts ne pouvait être tenu pour responsable de la pauvreté de l’île dont résultait l’absence du soutien socio-médical dont le requérant se prévalait au Royaume-Uni. Le même principe a récemment été appliqué dans le cas de l’affaire BB c/ France

35.

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4. Les clauses d exclusion

L’article 1 (f) de la Convention de Genève dispose ce qui suit :

Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ;

b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés ;

c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Cette singulière exclusion s’est glissée dans la Convention de Genève au cours des travaux préparatoires. Un expert a fait remarquer avec justesse :

Il est difficile de comprendre pourquoi une personne qui, avant de devenir un réfugié, a fait l’objet d’une condamnation pour un crime ou délit grave et a purgé sa peine, devrait être privée à jamais du statut de réfugié. Une telle rè-gle semblerait aller à l’encontre du principe généralement reconnu en droit pénal, selon lequel une personne qui a été punie pour une infraction ne de-vrait plus subir aucun préjudice au titre de l’infraction dont elle s’est rendue coupable.

36

Dans l’affaire Paez c/ Suède37

, le requérant s’est vu débouter de sa de-mande d’asile en Suède, la Cour ayant fondé sa décision sur l’article 1 (f) de la Convention de Genève. Son frère ayant obtenu gain de cause devant le Comité contre la torture de l’ONU (28 avril 1997), le gouvernement suédois s’est senti contraint d’octroyer aux deux frères une protection contre l’expulsion.

Comme il a été noté dès le départ, les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme assurent une protection à tous les êtres humains et cette protection est absolue dans le cas de l’article 3. La Convention de Genève n’accorde sa protection qu’à un groupe restreint de personnes, et cette protection se perd facilement.

L’article 33 (2) de la Convention de Genève ajoute :

Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamna-tion définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

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La protection accordée par l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme n’est pas assortie d’une restriction de ce genre.

Ce point a été énoncé par la Cour dans l’affaire Soering, qui concernait une demande d’extradition en vue de faire face à des accusations concernant un crime sauvage qui aurait été commis avant l’accueil sur le territoire de l’Etat défendeur. La Cour a retenu ce qui suit :

Un État contractant se conduirait d’une manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention [...] s’il remettait consciemment un fugitif – pour odieux que puisse être le crime reproché [souligné par l’auteur] – à un autre État où il existe des motifs sérieux de penser qu’un danger de torture menace l’intéressé

38.

La Cour a cependant observé que « le souci d’assurer un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la garantie des droits fondamentaux de l’individu est inhérent à l’ensemble de la Convention »

39. La Cour a ensuite relevé que les dangers

pour l’État tenu d’abriter un fugitif étaient une considération qui devait « figurer parmi les éléments à prendre en compte pour interpréter et appliquer, en matière d’extradition, les notions de peine ou traitement inhumain ou dégradant »

40.

L’arrêt n’explicite malheureusement pas totalement ce commentaire. Il est difficile de comprendre comment la notion de traitement inhumain et dégradant, auquel il fallait s’attendre dans l’État de destination, peut être interprétée par rapport au danger que l’État de renvoi aurait le sentiment de courir s’il admettait l’intéressé sur son territoire.

Peut-être la Cour voulait-elle simplement dire qu’elle n’entendait pas saper les fondements de l’extradition et qu’elle ne souhaitait pas que l’arrêt Soering soit perçu par les gouvernements comme un message selon lequel ils devaient abriter de dangereux fugitifs fuyant la justice, à moins qu’il n’ait été clairement satisfait aux deux critères d’exposition au danger et de seuil de gravité. Mais cela est assez différent du fait de prendre en compte les dangers pour l’État de renvoi, dans le cadre de l’appréciation des dan-gers existant dans l’État de destination envisagé.

La Cour a reconsidéré ces commentaires. Dans l’affaire Chahal, le gouver-nement britannique s’est référé à Grotius (De Iure Belli ac Pacis) pour appuyer la proposition selon laquelle doivent bénéficier de l’asile les per-sonnes « qui subissent une inimitié indue et non celles dont un acte a été préjudiciable à la société ou à autrui »

41.

Comme la Commission l’avait fait, la Cour a rejeté cet argument. Elle a rappelé le caractère absolu, n’autorisant aucune exception, de cette disposition, qu’elle avait relevé dans l’affaire Vilvarajah

42. Elle s’est estimée

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sition, qu’elle avait relevé dans l’affaire Vilvarajah42

. Elle s’est estimée « incapable d’accepter l’argumentation du gouvernement selon laquelle l’article 3 de la Convention pouvait avoir impliqué des limitations fondant l’État à expulser une personne pour des impératifs de sécurité nationale »

43.

La Cour a indiqué que :

L’interdiction des mauvais traitements énoncée à l’article 3 est tout aussi absolue en matière d’expulsion. Ainsi, chaque fois qu’il y aura des motifs sérieux et avérés de croire qu’une personne courra un risque réel d’être soumise à des traitements contraires à l’article 3 si elle est expulsée vers un autre État, la responsabilité de l’État contractant – la protéger de tels traitements – est engagée en cas d’expulsion (...). Dans ces conditions, les agissements de la personne considérée, aussi indésirables ou dangereux soient-ils, ne sauraient entrer en ligne de compte.

La Cour a donc partagé l’avis de la Commission selon lequel :

Si l’on admet certes que la conséquence pourrait être que des personnes indé-sirables puissent trouver un abri sûr dans un l’État contractant, la Commission observe que l’État ne manque pas de moyens pour faire face à une menace quelconque qui en résulterait de ce fait, l’intéressé étant soumis au droit pénal ordinaire en vigueur dans le pays en question.

La protection garantie par l’article 3 est par conséquent plus large que celle fournie par les articles 32 et 33 de la Convention des Nations Unies de 1951 sur le statut des réfugiés.

Dans l’affaire Chahal, la Cour a par ailleurs pris en considération les dicta de l’affaire Sœring, cités plus haut. Elle a noté, dans un commentaire quelque peu sibyllin, que :

Quant aux remarques formulées par la Cour au sujet du risque réel qu’il y au-rait de saper les fondements de l’extradition ... on ne saurait en déduire qu’il est tant soit peu possible de mettre en balance le risque de mauvais traite-ments et les motifs invoqués pour l’expulsion afin de déterminer si la respon-sabilité de l’État est engagée sur le terrain de l’article 3.

44

Toutefois, la Cour n’a fait aucune suggestion quant à ce qu’il fallait déduire de ces remarques.

L’arrêt concernant l’affaire Ahmed c/ Autriche a été rendu trois semaines environ après l’arrêt Chahal. M. Ahmed, qui avait été reconnu comme réfugié en Autriche au sens de la Convention de Genève, a perdu son statut de réfugié en raison d’infractions pénales, et il a fait l’objet d’une interdiction de séjour. La Cour a estimé que la situation générale en Soma-lie qui lui avait valu d’obtenir le statut de réfugié était inchangée et que,

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dans ces conditions, sa condamnation pénale ne suffisait pas à justifier le retrait de son statut. Ce point semble être incontestable à présent.

45

5. Le critère du « risque réel »

Dans l’arrêt Cruz Varas du 20 mars 1991, la Cour a relevé que les principes suivants sont pertinents dans l’appréciation du risque de mauvais traitements:

Pour déterminer s’il y a des motifs sérieux et avérés de croire à un risque réel de traitements incompatibles avec l’article 3, la Cour s’appuie sur l’ensemble des données qu’on lui fournit ou, au besoin, qu’elle se procure d’office.

Étant donné que, dans une telle affaire, un État contractant assume une res-ponsabilité au titre de l’article 3 pour avoir exposé quelqu’un au risque de mauvais traitements, il faut, pour évaluer l’existence de ce risque, se référer par priorité aux circonstances dont l’État en cause avait ou devait avoir connaissance au moment de l’expulsion, mais cela n’empêche pas la Cour de tenir compte de renseignements ultérieurs, ceux-ci pouvant servir à confirmer ou infirmer la manière dont la Partie contractante concernée a jugé du bien-fondé des craintes d’un requérant

46.

Lorsque le requérant n’a pas encore été expulsé, parce que le gouverne-ment a adopté une mesure indiquée par la Commission en vertu de l’arti-cle 36 de son Règlement intérieur (il s’agit à présent de l’article 39 ; voir plus loin, page 44) comme dans les affaires Chahal et Ahmed, « la date retenue pour évaluer le risque [est] celle à laquelle la Cour étudie l’affaire ». Dans les deux affaires, la Cour a fait remarquer ce qui suit :

Partant, s’il est vrai que les faits historiques présentent un intérêt dans la me-sure où ils permettent d’éclairer la situation actuelle et son évolution probable, ce sont les circonstances présentes qui sont déterminantes

47.

Dans son arrêt concernant l’affaire Ahmed, la Cour a réaffirmé la position qu’elle avait prise dans l’affaire Chahal.

Cette thèse pourrait ne pas être entièrement compatible avec l’obligation énoncée dans l’article premier de « reconnaître » les droits garantis par la Convention

48 dans le droit et la pratique internes car il est clair que les

personnes concernées auraient été expulsées (et, partant, comme on est en droit de le supposer, se seraient vu infliger des mauvais traitements) si les organes créés en vertu de la Convention n’étaient pas intervenus. Si l’expulsion n’est empêchée que par le recours à l’article 39, il est difficile de soutenir l’opinion selon laquelle l’État s’est acquitté de l’obligation qui lui incombe de faire garantir par le droit interne la protection d’un droit absolu pour une personne vulnérable. Cela étant, la Cour considère que, dans ce

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type d’affaires, c’est l’acte d’expulsion, non la décision d’expulser, qui crée une violation de la Convention. Dans l’affaire BB c/ France

49, le requérant a

contesté la proposition tendant à annuler sa demande en arguant du fait que l’ordonnance de résidence qui avait été prise en sa faveur pouvait être annulée à tout moment et ne constituait pas une autorisation de séjour. La Cour a déclaré ce qui suit : « la plainte est motivée par les conséquences de l’exécution de l’ordonnance d’exclusion et ne soulève aucune question indépendante appelant un examen distinct ».

Le troisième principe rappelé dans l’affaire Cruz Varas était le suivant :

Il échet de rappeler que pour tomber sous le coup de l’article 3, un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce mini-mum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des circonstances de la cause

50.

Citant ces dicta en les approuvant dans l’affaire Vilvarajah c/ Royaume-Uni, la Cour a ajouté :

L’examen par la Cour de l’existence d’un risque de mauvais traitement contraire à l’article 3 à l’époque en cause doit être de caractère impérative-ment rigoureux au regard du caractère absolu de cette disposition et du fait qu’elle consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe.

La Cour considérera toutes les preuves pertinentes. Dans l’affaire X. c/ République fédérale d’Allemagne

51, par exemple, elle a estimé qu’il

ressortait bien du comportement du requérant qu’il se considérait vraiment lui-même en danger réel.

Cette thèse pourrait, à première vue, sembler libérale à l’égard de la protec-tion des droits des réfugiés aux dépens des préoccupations des Etats telles que les a présentées le gouvernement du Royaume-Uni dans l’affaire Vilvarajah :

La constatation d’une violation de l’article 3 dans la présente affaire aurait pour conséquence que toutes les personnes se trouvant dans une situation similaire, se heurtant à un risque aléatoire en raison de troubles civils dans l’État dans lequel elles se trouvaient, seraient fondées à ne pas être refoulées, ce qui permettrait de fait l’entrée d’une catégorie de personnes potentielle-ment considérable, avec toutes les graves conséquences prévisibles sur le plan social et économique que cela implique.

52.

Dans la pratique, et soucieuses peut-être d’atténuer ces préoccupations, la Commission et la Cour ont adopté une démarche des plus prudentes. La Cour reconnaît tacitement le fait que, s’il se veut à tout le moins efficace, le

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système de contrôle de Strasbourg doit se faire appuyer et respecter autant qu’il est possible par les Parties contractantes.

Jusqu’à une date récente, dans la jurisprudence de la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme, les organes de la Convention avaient tendance à rappeler que les gouvernements, qui examinent plusieurs milliers de demandes d’asile en provenance d’un pays déterminé pour une année donnée et qui ont accès à des informations par l’intermédiaire de leurs postes diplomatiques à l’étranger, sont, en principe, les mieux placés pour évaluer la situation relative au pays de destination

53.

Il est compréhensible que la Cour (comme, avant elle, la Commission) soit peu encline à conclure que les requérants se sont acquittés de la charge de la preuve qui leur incombe, des gouvernements bien informés et ayant de l’expérience en la matière ayant constaté un niveau de risque insuffisant ou un manque de crédibilité. Les principes qu’elle rappelle clairement dans la jurisprudence permettront rarement de conclure à une violation sur l’ensemble des faits de la cause.

Dans l’affaire Vilvarajah, la Cour a acquiescé à l’argument du gouverne-ment britannique selon lequel les preuves fournies n’établissaient pas que la situation personnelle des intéressés fût pire que celle de la plupart des autres membres de la communauté tamoule rentrant dans leur pays : « Toutefois, en de telles circonstances, une simple possibilité de mauvais traitements n’entraîne pas en soi une infraction à l’article 3 »

54. La Cour a

conclu qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 3 en dépit du fait que les requérants, qui avaient été renvoyés à Sri Lanka avant que l’affaire soit examinée par la Commission et par la Cour, avaient effectivement subi, après leur retour, des traitements contraires à l’article 3. La raison invoquée par la Cour pour disculper le gouvernement britannique est que « leurs cas ne présentaient aucun élément distinctif qui aurait pu ou dû permettre au ministre de prévoir qu’il en irait ainsi ». Le tribunal britannique indépendant qui n’avait pu examiner l’appel interjeté contre le refus d’octroi de l’asile après examen au fond qu’après le renvoi des requérants n’avait eu aucune difficulté à décider que l’asile avait été indûment refusé. Ses conclusions n’avaient pas convaincu la Cour de Strasbourg que le gouvernement britannique avait eu tort (la Commission, se prononçant sur la même affaire, avait été également divisée sur le fait de savoir s’il y avait ou non violation – la voix prépondérante du Président ayant été sollicitée et le résultat étant qu’il n’y avait pas violation).

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Il est difficile de concilier le caractère absolu de la protection offerte par l’article 3 avec l’opinion des organes créés par la Convention selon laquelle l’intéressé doit prouver qu’il court un risque relativement plus élevé de subir un traitement interdit que d’autres personnes se trouvant placées dans une situation de vulnérabilité analogue.

Un grand nombre de cas ne passent pas le cap de la recevabilité parce que la Cour tend à accorder plus d’importance à l’appréciation de la situation par le gouvernement qu’aux craintes du requérant et n’use donc pas de l’opportunité d’examiner l’affaire au fond. Plus de cent affaires ont été déclarées irrecevables entre mai 1997 et avril 2000. Dans la plupart des cas, l’irrecevabilité a été motivée par le fait que la requête était « manifestement mal fondée ».

Dans certains cas, l’absence de garanties de procédure dans le pays de renvoi joue un rôle important. Les affaires Hassanpour-Omrani c/ Suède

55

et Jabari c/ Turquie56

concernaient toutes les deux des femmes qui crai-gnaient la lapidation à leur retour en Iran pour cause d’adultère. La Com-mission a déclaré le cas suédois irrecevable. En revanche, la Cour a déclaré recevable le cas turc, dans lequel il n’existait pas de garanties de procédure.

Dans certains cas où la Commission a estimé que les conditions de receva-bilité n’étaient pas remplies, les requérants ont été expulsés. Dans certains cas (comme les requérants dans l’affaire Vilvarajah), ils ont été victimes de mauvais traitements à leur retour

57. Dans d’autres cas, le rôle d’organes

créés en vertu d’autres instruments peut être important. Dans l’affaire Paez c/ Suède, deux frères avaient demandé le droit d’asile en Suède. Les deux demandes ont été rejetées pour les mêmes motifs (article 1.f) de la Convention de Genève). L’un des frères a alors adressé une requête à la Commission européenne des Droits de l’Homme et l’autre au Comité de l’ONU contre la torture. En décembre 1996, la Commission a conclu que le requérant ne courait aucun risque à être renvoyé au Pérou

58. En avril 1997,

le Comité de l’ONU contre la torture59

a conclu que le renvoi du frère du requérant lui ferait courir le risque de subir un traitement interdit et a souligné le caractère absolu de la protection. Le gouvernement suédois a alors accordé un permis de séjour à celui qui avait saisi les institutions de Strasbourg. La Cour a estimé que l’affaire pouvait être rayée du rôle sans qu’il soit besoin de trancher la question de savoir si l’expulsion envisagée aurait constitué une violation de la Convention.

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L’affaire B.B. c/ France60

concernait l’expulsion envisagée au Zaïre d’un sidéen dont les quatre frères avaient tous obtenu l’asile en France et en Belgique. La Commission ayant conclu dans son rapport que l’expulsion du requérant constituerait une violation de l’article 3, celui-ci a fait l’objet d’une assignation à résidence mais on ne lui a pas accordé d’autorisation de séjour. La Cour a donc rayé la requête du rôle.

Un nombre important de requêtes sont rayées du rôle chaque année de cette façon car une fois que la Cour européenne a été saisie d’une plainte, le gouvernement concerné décide de revenir sur sa menace d’expulsion. Dans l’affaire Abdurahim Incedursun c/ Pays-Bas

61, la Commission a conclu

dans son rapport à l’absence de violation de l’article 2 du Protocole no 6 ou

de l’article 3. Toutefois, les requérants avaient porté plainte devant la Cour en se prévalant du Protocole n

o 9 à la Convention. Une fois que leur

requête eut passé le cap du Comité de criblage, lequel l’a transmise à la Cour, le gouvernement néerlandais a accordé une autorisation de séjour. Il avait fait de même dans l’affaire Nsona

62.

Le rapport de la Commission dans l’affaire Chahal a marqué une rupture par rapport à la façon dont elle avait conçu jusqu’alors l’appréciation par le gouvernement de la situation dans le pays de destination. La Commission a été impressionnée par les preuves présentées par les requérants concernant la situation régnant en Inde.

Se fondant sur l’ensemble des données fournies, la Cour a estimé que les requérants seraient en danger. Les membres de la Cour n’ont pu trouver dans les données présentées par le gouvernement défendeur « aucune preuve solide que la police était désormais sous contrôle démocratique ou que le système judiciaire avait été en mesure de se réaffirmer pleinement en tant que pouvoir indépendant au Penjab. » Ils ont noté en particulier les vues du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et rejeté les assurances fournies par le gouvernement indien au gouvernement britan-nique en faisant valoir qu’elles n’offraient pas une garantie de sécurité suffisante

63. Dans l’affaire Bahaddar

64, la Commission avait exprimé l’avis

que l’expulsion vers le Bangladesh constituerait une violation de l’article 3, mais la Cour ne s’était pas prononcée sur la question car la plainte avait été rejetée au motif que les recours internes n’avaient pas été épuisés. Dans l’affaire T.I.

65, la Cour a déclaré craindre que le requérant ne coure un

risque s’il était renvoyé au Sri Lanka alors que les tribunaux allemands

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l’avaient débouté en arguant que sa plainte n’était pas crédible (entre autres considérations).

Dans l’affaire Hatami c/ Suède66

, la Commission avait là encore substitué sa propre appréciation des faits à celle des autorités suédoises, et conclu que l’allégation de torture présentée par le requérant était digne de foi, que les autorités suédoises s’étaient fondées sur un interrogatoire de 10 minutes qui s’était déroulé sans que l’intéressé ait pu bénéficier d’un service d’interprétation efficace et qu’elles avaient pris leur décision sur la base d’une interprétation erronée des faits disponibles. Dans l’affaire Hatami, pour la première fois, la Commission se faisait l’écho (sans mention ex-presse) de la jurisprudence du Comité de l’ONU contre la torture, selon laquelle « on peut rarement s’attendre à une exactitude absolue de la part des victimes de la torture »

67.

6. L importance de la jurisprudence du Comité de l ONU contre la torture

Le Comité créé en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants établit actuellement de nouveaux principes importants, mais tous les pays membres du Conseil de l’Europe n’ont pas accepté le droit de recours individuel prévu par cet instrument

68. Dans l’affaire Mutombo c/ Suisse, le

Comité a examiné la question de savoir si l’expulsion envisagée vers le Zaïre d’un demandeur d’asile débouté constituerait une violation de l’article 3 de la Convention. Le Comité s’est plus particulièrement intéressé aux dispositions de l’article 3.2 de la Convention contre la torture, selon lesquelles l’existence d’un ensemble de violations flagrantes ou massives des droits de l’homme est une considération dont un État partie doit tenir compte pour prendre une décision en matière d’expulsion. Après avoir formulé des observations sur les violations des droits de l’homme au Zaïre en général, le Comité a dit craindre en l’espèce que, comme le Zaïre n’était pas à l’époque partie à la Convention, le requérant ne perde purement et simplement, s’il y était renvoyé, la protection de la Convention : il n’aurait plus la possibilité légale de solliciter la protection du Comité. D’autres décisions ont fourni des indications importantes sur le poids à donner à la description décousue de son expérience par une victime de la torture et à l’évaluation de la possibilité de refuge à l’intérieur du pays

69. Dans l’affaire

Kisoki c/ Suède70

, le Comité contre la torture a expressément considéré

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comme normal que des personnes ayant été torturées ne révèlent que par bribes les détails de leur expérience et que cela ne devrait pas nuire à leur crédibilité en tant que demandeurs d’asile. Dans l’affaire Alan c/ Suisse

71, le

Comité a conclu, après examen, que la possibilité de refuge intérieur n’existait pas en Turquie.

Les liens entre la jurisprudence du Comité contre la torture et la Convention européenne des Droits de l’Homme

La jurisprudence de la Convention des Nations Unies contre la torture dans ce domaine n’est pas simplement instructive : elle a un rôle juridique à jouer dans l’interprétation de la Convention européenne des Droits de l’Homme. En vertu de l’article 53

72 de la Convention européenne des Droits

de l’Homme, aucune disposition de la Convention ne peut être appliquée d’une façon qui soit incompatible avec les autres obligations internationales incombant à l’État en question

73.

7. L application extraterritoriale d autres articles

Article 2 – Le droit à la vie74 Dans l’affaire Sœring

75, la Cour a estimé que le fait d’expulser une per-

sonne vers un État où elle serait condamnée à la peine capitale ne pouvait être considéré comme une violation de l’article 2, combiné avec l’article 3 car l’article 2 ne proscrivait pas la peine de mort. Toutefois, en ce qui concerne les États qui sont parties au Protocole n

o 6 à la Convention, la

Commission a depuis retenu que le fait d’extrader ou d’expulser une personne vers un autre pays où elle court un risque réel d’être condamnée à mort pouvait constituer une violation de ce Protocole

76. Le demandeur

d’asile ou le réfugié qui encourrait une sentence capitale ou l’exécution à son retour serait, par conséquent, protégé contre l’expulsion dans un État ayant ratifié le Protocole n

o 6. D’une façon générale, la question de

l’article 2 n’a pas été soulevée dans les affaires d’expulsion. Bien que le requérant, dans l’affaire HLR c/ France

77, ait prétendu que sa vie serait

menacée s’il était renvoyé en Colombie, la question a été considérée sous l’angle de l’article 3. La Commission a déclaré l’affaire D. c/ Royaume-Uni

78

recevable sous l’angle de l’article 2, mais la Cour a préféré invoquer l’article 3, comme l’a fait la Commission dans l’affaire Bahaddar

79. Dans

l’affaire M.A.R. c/ Royaume-Uni80

, la Commission a également déclaré

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28

recevable au regard de l’article 2 le cas d’un requérant qui affirmait qu’il risquait la peine de mort s’il était renvoyé en Iran

81.

Article 6 – Le droit à un procès équitable

Dans l’affaire Sœring82

, la Cour a retenu que :

Tel que le consacre l’article 6, le droit à un procès équitable occupe une place éminente dans une société démocratique. La Cour n’exclut pas qu’une déci-sion d’extradition puisse exceptionnellement soulever un problème sur le ter-rain de ce texte au cas où le fugitif aurait subi ou risquerait de subir un déni de justice flagrant, mais les faits de la cause ne révèlent pas un tel risque.

Dans l’affaire Drozd et Janousek c/ France et Espagne83

, la Cour a noté que « la Convention n’oblige pas les Parties contractantes à imposer ses règles aux États ou territoires tiers » et a souligné l’importance du renforcement de l’entraide internationale dans le domaine judiciaire. Elle a ajouté que « les États contractants doivent toutefois se garder d’apporter leur concours s’il apparaît que la condamnation résulte d’un déni de justice flagrant. »

Cette obligation doit s’appliquer a fortiori aux cas où il y a une menace d’expulsion en vue d’un procès vers un pays qui viole de façon flagrante les principes les plus fondamentaux d’un procès équitable, ce que la Commis-sion et la Cour ont entériné en déclarant leurs deux plaintes recevables

84.

Comme nous le verrons plus loin, l’article 6 ne s’applique pas au processus de décision sur les demandes d’asile dans le pays d’accueil.

Article 7 – La non-rétroactivité des infractions et des sanctions péna-les85

Il semblerait logique d’appliquer à l’article 7 le raisonnement précédem-ment exposé pour l’article 6 de la Convention. Cette approche se trouve d’autant plus justifiée que – comme pour les articles 2, 3 et 4, paragraphe 1, mais contrairement à l’article 6 –, l’on ne peut y déroger, même en temps de guerre ou en cas d’état d’urgence

86.

Article 4 du Protocole no 7 – L’interdiction de la double incrimination

La Commission a retenu que l’interdiction de la double incrimination ne s’applique qu’au procès et à la condamnation au titre de la même infrac-tion dans la même juridiction, et ne protège pas une personne contre la double incrimination lorsque les poursuites sont exercées dans des juridic-tions différentes

87. Il pourrait toutefois y avoir des situations dans lesquelles

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cette double incrimination constitue un traitement inhumain ou dégradant ou une violation de l’article 6 du type dont il est question à propos de la requête déclarée recevable dans l’affaire M.A.R. ci-dessus.

Article 8 – Le droit au respect de la vie privée et familiale

Cet article peut être invoqué de deux manières différentes dans le contexte du droit d’asile et de l’expulsion ou exclusion.

Le droit à l’intégrité morale et physique

Lorsque l’on procède à un examen du critère de risque réel et que l’on juge qu’il n’a pas été satisfait au critère du « degré de gravité » établi par l’article 3, la personne court néanmoins un risque réel d’être exposée à des traitements qui violent le droit au respect de « son intégrité morale et physique ». Les organes de la Convention sont bien conscients du caractère absolu de l’article 3. Il est illimitable – son application n’admet aucune limite. Il est injustifiable – aucun argument ne peut être avancé pour disculper l’État en infraction. Il ne peut y être dérogé – il s’impose même en temps de guerre ou en cas d’état d’urgence. Il s’agit d’un critère rigoureux, ce qui n’est pas surprenant, et, si l’on veut qu’il conserve son caractère absolu, il doit le rester. Toutefois, les organes de la Convention n’étaient pas satisfaits de constater que le « degré de gravité » ne serait pas atteint dans bien des cas où le traitement infligé ou risquant de l’être est néan-moins inacceptable dans une société démocratique. Par conséquent, on a vu se dégager à travers la jurisprudence de la Commission et de la Cour la notion de droit à « l’intégrité morale et physique », ce droit étant considéré comme un aspect du droit au respect à la vie privée protégé par l’article 8.

Dans l’affaire Costello-Roberts c/ Royaume-Uni88

, la Cour a estimé que les mauvais traitements physiques et psychologiques, qui se situaient en dessous d’un certain degré de gravité au sens de l’article 3, pouvaient néanmoins constituer une violation de l’article 8. La Cour n’a pas encore eu à examiner ce point dans des cas d’expulsion, encore qu’elle ait récemment déclaré recevable la requête présentée dans l’affaire Bensaid c/ Royaume-Uni

89 pour ce motif ainsi qu’au titre de l’article 3. Dans l’affaire

D c/ Royaume-Uni, la Cour a refusé d’examiner les plaintes dont elle était saisie au regard de l’article 8 car elle a conclu que l’expulsion constituerait une violation de l’article 3.

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30

La différence cruciale entre la protection fournie par l’article 8 et celle offerte par l’article 3 ne réside pas seulement dans l’application du critère du degré de gravité. Contrairement au droit garanti par l’article 3, il peut y avoir ingérence dans l’exercice du droit reconnu par l’article 8 en vertu des dispositions de son second paragraphe. L’éventualité de voir une telle ingérence constituer une violation des droits énoncés dans la Convention dépend de la question de savoir si ladite ingérence est régulière, vise un but légitime et est proportionnelle au but recherché. Le principe de proportion-nalité est omniprésent dans la Convention. De ce point de vue, on attend avec intérêt que la Cour examine l’affaire Conka c/ Belgique

90, qui

concerne l’expulsion de demandeurs d’asile roms slovaques. Au regard de la législation de l’Union européenne, les ressortissants slovaques jouissent d’un droit protégé

91, au même titre que les ressortissants des pays membres

de l’Union européenne, de se rendre en tant que migrants économiques dans n’importe quelle partie de l’Union européenne afin de s’installer comme travailleurs indépendants

92.

Article 4 du Protocole no 4 –L’interdiction des expulsions collectives

d’étrangers93

Dans l’affaire Becker c/ Danemark94

, la Commission a déclaré qu’il fallait entendre par expulsion collective « toute mesure de l’autorité compétente contraignant des étrangers, en tant que groupe, à quitter un pays, sauf dans les cas où une telle mesure est prise sur la base et à l’issue d’un examen raisonnable et objectif de la situation de chacun des étrangers qui forment ce groupe ». Dans l’affaire A. c/ Pays-Bas

95, la Commission a

estimé que le fait qu’un certain nombre d’étrangers issus du même pays se soient vu refuser le droit d’asile pour des raisons similaires ne signifiait pas qu’ils avaient été expulsés collectivement s’il y avait des preuves montrant que leurs cas avaient été examinés séparément. Une plainte relevant de cette disposition a récemment été communiquée au gouvernement belge au sujet de l’expulsion de Belgique

96 de plusieurs Roms slovaques (affaire

Conka visée plus haut).

8. Lexpulsion vers des pays « sûrs »

S’agissant du champ d’application matériel des deux Conventions, il est bien établi que ni l’une ni l’autre ne garantit le droit d’asile, mais seulement celui d’être protégé contre le « refoulement ». L’article 33.1 de la Conven-

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tion de Genève, parallèlement à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, établit uniquement le principe de non-refoulement, qui défend aux États contractants d’expulser ou de refouler un réfugié vers des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée

97. Il

s’ensuit qu’il n’est, en principe, pas prohibé de refouler un réfugié vers un pays où il sera en sécurité, aussi peu disposé qu’il soit à s’y rendre

98. C’est

cette notion qui a donné lieu à la pratique, largement répandue, de ren-voyer les réfugiés sur le territoire des États qu’ils ont traversés pour attein-dre le pays auquel ils ont demandé l’asile. Ces États sont souvent désignés comme pays de « premier asile » ou « pays tiers sûrs ».

La pratique consistant à renvoyer un demandeur d’asile vers un « pays tiers sûr » est devenue courante depuis 1980. Elle a été plus systématique durant les années 90 et incorporée dans la législation nationale sur le droit d’asile de la plupart des pays de l’Europe de l’Ouest. Elle représente un élément essentiel de la mise en place de la coopération internationale, en particulier dans le cadre de l’Union européenne.

Les critères appliqués par les États pour déterminer les pays tiers sûrs ne sont nullement uniformes. On le constate notamment lorsqu’un deman-deur d’asile est passé par un ou plusieurs États intermédiaires. Certains États se contentent d’appliquer un critère géographique. D’autres insistent sur le facteur temps. D’autres encore tiennent compte de la nature du séjour du demandeur d’asile dans un pays intermédiaire. Certains tiennent compte des intentions du fugitif. D’autres appliquent une combinaison de divers critères. D’autres encore n’appliquent aucun critère précis

99.

Ces critères continuent de différer grandement, bien qu’on ait noté une nette tendance à les rationaliser. De plus en plus, les États cherchent à conclure ou à actualiser des accords bilatéraux de réadmission sur le terri-toire, autorisant le retour des demandeurs d’asile qui, ayant été déboutés, sont menacés d’expulsion ou dont les demandes sont réputées « manifestement mal fondées ».

Les Conventions de Dublin et de Schengen, notamment, signées toutes les deux en juin 1990, visent, entre autres, à désigner le pays signataire res-ponsable de l’examen au fond de la demande d’asile et, de ce fait, à appliquer systématiquement la notion de « pays tiers sûr ». Aux termes de ces deux textes, les Parties contractantes acceptent, dans certaines circons-tances énumérées, d’admettre ou de réadmettre sur leur territoire des

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personnes qui ont présenté une demande d’asile dans un autre État contractant, afin d’examiner leur demande.

C’est également cette politique qu’ont retenue les Déclarations de Londres signées par les ministres de la Communauté européenne [devenue depuis l’Union européenne (UE)] chargés de l’immigration, le 30 novembre et le 1

er décembre 1992

100, bien que cette déclaration envisage aussi la possibilité

de refouler les demandeurs d’asile vers des pays non membres de l’Union européenne sans le consentement de ces pays. L’on voit bien que même ce niveau de clarification et de coopération sur la notion de « pays tiers sûr » non seulement s’applique aux États de l’Union européenne, mais est également imposée aux autres États européens, qui peuvent ne pas avoir mis en place la législation et les pratiques nécessaires pour traiter équita-blement et efficacement les demandes d’asile

101.

À la suite de l’adoption de la Convention de Dublin et de la conclusion d’une série d’accords bilatéraux de réadmission, un grand nombre d’États renvoient désormais les intéressés non pas dans l’État où ils craignent d’être victimes de mauvais traitements, mais dans un État qui peut ensuite les expulser vers cet État

102.

Le demandeur d’asile est confronté à deux dangers potentiels fondamen-taux inhérents à la notion du « pays tiers sûr ». Le premier est qu’il sera renvoyé d’un pays dit « pays tiers sûr » à un autre (« effet de ping-pong »), les États successifs refusant d’examiner sa demande au fond. Même si elle n’enfreint pas la Convention de Genève, cette pratique soulève de sérieuses questions au regard de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La Commission a considéré le problème des réfugiés « sur orbite » au regard de l’article 3 :

Dans certains cas, l’expulsion répétée d’un étranger sans papiers d’identité ou documents de voyage, dont l’État d’origine est inconnu ou refuse de l’accueillir, peut poser un problème sur le terrain de l’article 3 de la Conven-tion, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants

103.

Tandis que la Convention de Dublin vise à désigner l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile, et donc à éliminer le phénomène des réfugiés « sur orbite », les demandeurs d’asile continuent de se faire renvoyer d’un pays à l’autre. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés juge ces pratiques contraires au principe selon lequel « un demandeur d’asile ne peut être refoulé vers un pays tiers pour y présenter une demande d’asile uniquement si ledit pays accepte de le laisser entrer

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sur son territoire en tant que demandeur d’asile et examine sa requête [souligné par l’auteur] »

104.

On s’est aussi inquiété du fait que certains États membres du Conseil de l’Europe eux-mêmes, généralement réputés être des pays tiers sûrs, ne sont pas nécessairement sûrs pour certains groupes de demandeurs d’asile en raison de l’absence d’harmonisation au niveau des approches et des garan-ties de procédure. Le droit autrichien, par exemple, ne protégeait pas les déserteurs ni les objecteurs de conscience, même si ceux-ci risquaient la peine de mort dans leur État d’origine, tandis que les victimes de guerre civile qui présentaient les arrestations arbitraires, les tortures ou les viols qu’elles avaient subis comme motifs devant leur permettre de bénéficier du droit d’asile pouvaient être déboutées de leur demande

105. En 1997 encore,

l’Allemagne refusait l’asile aux Albanais du Kosovo qui redoutaient d’avoir à servir dans l’armée de Milosevic

106.

Le second danger est que, dans le cadre d’un processus de « refoulement en chaîne », le demandeur d’asile finisse par être expulsé d’un pays à l’autre jusqu’à son pays d’origine, sans que sa demande ait été examinée (ou réexaminée) au fond.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés s’est exprimé en ces termes sur ce sujet :

La politique qui consiste à renvoyer un demandeur d’asile arrivant de ce qu’on appelle un « pays tiers sûr » vers ce pays sans que sa demande ait été exami-née au fond repose sur l’hypothèse qu’il existe un principe international en vertu duquel une personne qui a quitté son pays pour échapper aux persécu-tions doit demander la reconnaissance d’un statut de réfugié et/ou demander l’asile dans le premier pays sûr qu’elle a pu atteindre. Bien que la répétition persistante de cette hypothèse ait conduit bon nombre à l’accepter sans la cri-tiquer, il n’existe en réalité aucun principe international de cet ordre et la re-vendication à ce titre semble être le fruit d’une interprétation erronée de la définition du « premier pays d’asile ». En tant que tels, les refoulements de demandeurs d’asile vers des pays tiers effectués uniquement sur la base de ce principe supposé risquent d’aller à l’encontre des principes reconnus régissant la protection des réfugiés et peuvent impliquer un manquement aux obliga-tions internationales du pays de renvoi au regard de la Convention de 1951

107.

L’étendue de la responsabilité qui engage l’État de renvoi en application de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans des situations de cette nature a été examinée par la Commission et l’est à présent par la Cour.

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Dans l’affaire Amuur c/ France108

, la Commission a déclaré irrecevable la plainte déposée au titre de l’article 3 : en effet, les requérants somaliens avaient été renvoyés en Syrie, où ils ne couraient aucun risque, et rien ne tendait à montrer que la Syrie les renverrait en Somalie.

Dans une affaire récente, T.I. c/ Royaume-Uni109

, la Cour est allée plus loin. Elle a signifié que, en vertu de la Convention, les obligations des parties contractantes ne consistaient pas simplement à protéger les intéressés contre l’expulsion vers des États où ils couraient le risque d’être victimes de mauvais traitements : la Convention proscrit l’expulsion vers des États où n’existent pas les garanties nécessaires à la protection des personnes contre une expulsion subséquente vers des pays où elles courraient un risque. Cet éclaircissement apporté au droit conventionnel revêt une importance cruciale eu égard aux nombreux accords de réadmission qui sont en cours de négociation, en particulier en Europe centrale et orientale et dans l’ex-Union soviétique. Dans l’affaire T.I., l’Allemagne avait débouté de sa demande d’asile une personne qui craignait d’être persécutée par des agents non étatiques parce que les autorités allemandes considéraient que sa demande n’était pas digne de foi. Le Royaume-Uni le renvoyait dans ce pays en application de la Convention de Dublin. Si l’examen des faits de sa cause s’était déroulé au Royaume-Uni, sa demande d’asile aurait proba-blement abouti. La Cour européenne a considéré que les faits donnaient sérieusement lieu de craindre que le renvoi de l’intéressé au Sri Lanka lui ferait courir un grand risque. Elle a accepté les assurances données par les autorités allemandes selon lesquelles il pourrait présenter une deuxième demande d’asile. Tout en admettant que l’intéressé avait peu de chances d’avoir gain de cause ou d’obtenir la protection prévue par les dispositions relatives à l’application de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (voir plus haut), la Cour a retenu qu’il existait une procédure discrétionnaire qui permettrait de combler le « déficit de protec-tion ». Elle a donc déclaré la demande irrecevable.

Deux semaines environ après cette décision, un autre demandeur d’asile a été renvoyé du Royaume-Uni en Allemagne. En dépit des assurances données à la Cour dans l’affaire T.I. par le gouvernement allemand, il n’a pas été autorisé à présenter une nouvelle demande et a été renvoyé par les gardes-frontières vers son propre pays, où il a été arrêté et a subi des mauvais traitements. On s’est demandé si l’arrêt rendu dans l’affaire T.I. était bien conforme à la prescription de la Convention selon laquelle les

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droits garantis doivent être « concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires ».

Le HCR définit un « pays de premier asile » comme « le pays où la per-sonne a déjà trouvé protection » et maintient que « le fait que la personne pourrait avoir cherché protection dans un pays où elle se trouvait aupara-vant est indifférent [...] La protection juridique ne peut être obtenue par défaut ni être implicite. Elle doit être expressément accordée par l’État [...] L’on doit donc en conclure qu’une personne qui demande à être accueillie dans un pays en tant que réfugié, alors qu’elle arrive d’un pays où elle n’a pas reçu protection au sens précisé ci-dessus, ne peut être renvoyée vers ce pays sur la base du principe du « premier pays d’asile »

110. Le HCR main-

tient qu’« un examen des principes reconnus sur le plan international en matière de droit d’asile montre qu’aucun d’entre eux ne suggère – et encore moins ne prescrit – que le droit de demander l’asile doive être exercé dans un pays en particulier, ou qu’une personne qui a été obligée de fuir son pays pour conserver la vie ou la liberté soit déchue de son droit de demander l’asile si elle ne l’exerce pas dans le premier pays sur le territoire duquel elle a pénétré »

111.

On remarquera qu’étant donné que la Convention de Dublin et les autres mesures de l’Union européenne relatives au « troisième pilier » ne s’appliquent qu’aux personnes sollicitant le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, on est en droit de supposer qu’une personne qui chercherait simplement à obtenir la protection prévue par l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ne pourrait pas se préva-loir des procédures de la Convention de Dublin.

Les pays de l’Europe de l’Ouest utilisent de plus en plus souvent une autre notion, celle du « pays d’origine sûr ». Les demandeurs d’asile dont le pays d’origine est généralement réputé libre de persécutions peuvent y être renvoyés, souvent sans examen au fond de leur situation individuelle. Les demandes d’asile des personnes originaires de ces pays dits sûrs sont généralement examinées selon une procédure accélérée. Les personnes peuvent même parfois se voir refuser l’autorisation d’entrer dans le pays dans lequel elles demandent l’asile

112.

L’affaire Irruretagoyena c/ France113

concernait un membre de l’ETA qui redoutait les représailles de la police espagnole s’il était renvoyé en Espa-gne. Sa demande tendant à ce que soit adoptée une mesure indiquée par la

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Commission en vertu de l’article 36 (pertinent à l’époque) de son Règle-ment intérieur ayant été rejetée, il avait été remis à la police espagnole, qui lui avait fait subir des mauvais traitements, notamment des décharges électriques. Sa plainte fut rejetée, entre autres motifs, parce que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

114 avait récemment fait état d’une diminu-

tion des pratiques attestées de la police espagnole qui étaient contraires à l’article 3 et qu’il ne considérait donc pas, au moment de l’expulsion, qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il serait soumis aux mauvais traitements qui lui furent ultérieurement infligés. La Commission a égale-ment noté, toutefois, qu’il pouvait porter plainte contre l’Espagne au sujet des tortures subies aux mains de la police espagnole à son retour

115. La

Cour a noté qu’il n’avait pas demandé l’asile en France. En sa qualité de ressortissant d’un pays de l’Espace économique européen, il avait un droit directement applicable de résider en France en vertu du droit communau-taire.

Les organes de la Convention européenne des Droits de l’Homme semblent partager, en pratique sinon en théorie, le point de vue du reste de l’Union européenne (la Belgique exceptée) selon lequel les autres États membres de l’Union européenne sont des pays d’origine sûrs. La Belgique, la Finlande, l’Irlande et l’Italie sont les seuls États membres de l’Union européenne qui n’appliquent pas le principe du pays d’origine sûr

116.

Ces deux notions de « pays tiers sûr » et de « pays d’origine sûr » servent à qualifier les demandes d’asile d’« irrecevables » ou de « manifestement infondées ». Les demandes d’asile des personnes qui sont passées par ces pays ou en sont originaires font généralement l’objet d’une procédure accélérée, laquelle exclut souvent un examen au fond

117.

Le critère reste le même au regard de la Convention européenne des Droits de l’Homme. L’intéressé court-il réellement le risque de subir des mauvais traitements, soit dans l’État de destination envisagé, soit dans le cadre d’un refoulement en chaîne ? S’il y a eu violation plausible, y a-t-il eu recours effectif ?

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9. Les garanties de procédure et droit à un recours effectif en cas de

menace d expulsion

Pour pouvoir être effectifs, comme la Convention le requiert, et non pas simplement théoriques et illusoires, les droits protégés par la Convention et décrits plus haut dépendent du renforcement des garanties de procédure

118.

L’accès aux procédures relatives aux décisions sur les demandes d’asile

À partir du milieu des années 80, les États de l’Europe de l’Ouest ont cherché constamment à durcir la réglementation et les procédures sur le droit d’asile en vue de décourager les candidats qui souhaiteraient venir en Europe de l’Ouest et d’éliminer ainsi ceux dont les demandes sont « manifestement infondées ». Les États voulaient notamment empêcher les demandeurs appartenant à cette dernière catégorie d’entrer sur leur terri-toire et d’avoir accès à la procédure d’asile intégrale.

Des critères réglementent désormais la délivrance des visas pour les per-sonnes originaires des zones de conflit, comme l’ex-Yougoslavie ou le Sri Lanka. Les demandeurs d’asile provenant de pays d’origine sûrs ou ayant transité par des « États tiers sûrs » se voient imposer une procédure accélé-rée et refuser l’accès à la procédure d’asile intégrale. La notion de la res-ponsabilité du transporteur qui transporte des passagers sans papiers en règle a été appliquée avec une rigueur accrue et des amendes imposées en sus de l’obligation pour la compagnie aérienne de supporter le coût du renvoi de ces passagers dans leur pays de départ. Ainsi que l’a rapporté le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en 1993 : « Lorsqu’ils le peuvent, les gouvernements préfèrent l’exclusion à l’expulsion »

119.

Les États d’Europe de l’Ouest ont également introduit des procédures d’asile accélérées pour les demandes « manifestement infondées » et ont cherché, avec un succès limité, à accélérer les procédures de façon que le long délai d’examen des demandes ne soit pas source d’encouragement pour les demandeurs d’asile qui sont considérés comme des migrants économiques et qui finiront par être déboutés de leur demande. Le relevé des empreintes digitales et la prise en photo des demandeurs d’asile sont devenus aussi plus fréquents : ils servent à décourager les demandes d’asile multiples et frauduleuses

120. Les pays signataires de la Convention de

Schengen ont établi un fichier informatisé central (Système d’Information

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de Schengen – SIS) pour éviter aux États du groupe de Schengen d’avoir à examiner des demandes d’asile émanant de personnes qui ont déjà été déboutées dans un autre État.

Les visas

Au niveau national, les restrictions en matière de délivrance de visas ont pour effet de limiter pour les demandeurs d’asile la possibilité d’entrer dans les pays qui les imposent. Il y a de cela plusieurs années, la Commission a jugé qu’en principe les actes des préposés aux visas dans une ambassade pouvaient engager la responsabilité de l’État en question (X. c/ République fédérale d’Allemagne)

121. Dans l’affaire Loizidou c/ Turquie (exceptions

préliminaires)122

, la Cour a réaffirmé l’opinion qu’elle avait exprimée dans l’affaire Drozd et Janousek c/ France et Espagne

123 selon laquelle la respon-

sabilité des parties contractantes peut être engagée à raison d’actes éma-nant de leurs autorités, qu’ils soient effectués à l’intérieur ou à l’extérieur du territoire national. Il en est ainsi même si ces actes déploient aussi leurs effets en dehors dudit territoire. Plusieurs affaires portées devant les orga-nes de la Convention concernaient le refus de délivrance de visas à des membres de la famille

124. Dans la plupart des juridictions, il n’est pas possi-

ble d’obtenir un visa en tant que demandeur d’asile et, pour des raisons d’extranéité, il n’est possible d’être reconnu en tant que réfugié que lors-qu’on se trouve hors de son pays. La Convention s’applique, en principe, à un demandeur d’asile qui dépose une demande de visa auprès d’une ambassade dans l’intention de fuir vers le pays représenté par cette ambas-sade. Du fait que la plupart des postes diplomatiques emploient du person-nel local dans leurs services des visas, il s’avère, dans la pratique, dangereux de dévoiler le motif de sa demande avant de se trouver en sécurité hors du territoire.

Toujours est-il que l’utilisation de critères pour la délivrance des visas est largement pratiquée par les États d’Europe de l’Est, qui, au surplus, exigent souvent des visas pour les passagers en transit

125.

La responsabilité du transporteur

La mise en œuvre de la responsabilité des transporteurs sert également à limiter l’entrée des demandeurs d’asile. La compagnie aérienne (ou, moins souvent, l’exploitant de transporteur) engage, en effet, sa responsabilité en transportant vers un autre État une personne qui y arrive sans papiers en

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règle. La compagnie aérienne supporte le coût du renvoi dans leur pays de départ des passagers refusés et une amende lui est de plus en plus souvent infligée. Aux États-Unis, les transporteurs doivent payer des amendes depuis les années 50 lorsqu’ils débarquent des étrangers sans papiers en règle, alors que cette pratique n’a été introduite que récemment en Europe. Naguère, on considérait généralement qu’il suffisait de contraindre le transporteur à supporter le coût de retour des clandestins. Des amendes ont été infligées à partir de 1987 en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni et, à partir de 1989, au Danemark. Cette pratique a, depuis lors, été adoptée par la plupart des pays d’Europe

126.

La législation sur la responsabilité des transporteurs varie beaucoup d’un État à l’autre et la rigueur de sa mise en application est également varia-ble

127. La mise en œuvre de la responsabilité des transporteurs est beau-

coup plus stricte au Danemark, en Allemagne et, surtout, au Royaume-Uni que dans les autres États de l’Union européenne. La situation a été résumée comme suit par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :

Certains pays infligent aux compagnies aériennes des sanctions qui portent atteinte aux principes fondamentaux de protection des réfugiés et au droit des réfugiés de demander l’asile, tout en mettant les transporteurs lourdement à contribution sur les plans juridique, administratif et financier, et en déchar-geant les services de l’immigration de leur responsabilité.

128

La Cour n’a pas encore statué sur l’application des régimes de délivrance de visas ou des sanctions imposées aux transporteurs dans des affaires de demande d’asile.

À l’arrivée au port

Les personnes que l’on se propose de renvoyer rapidement sont souvent retenues dans les zones de transit des aéroports. Il est arrivé que les gou-vernements fassent valoir que puisque ces personnes ne sont pas techni-quement entrées dans le pays, elles ne relèvent pas du champ d’application de l’article premier de la Convention : elles se trouvent en effet encore dans la « zone internationale ». Dans l’affaire Amuur, la Cour a signifié que cette notion ne pouvait être appliquée à l’interprétation du terme « juridiction » au sens de l’article premier de la Convention

129 et que la responsabilité de

l’État au regard de l’expulsion et découlant de l’article 3 était engagée quel que soit le lieu où il prenait la mesure en question. Dans l’affaire D. c/ Royaume-Uni, la Cour a noté que « indépendamment de la question de savoir si l’intéressé soit jamais techniquement entré au Royaume-Uni,

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on observera qu’il y a été physiquement présent et, partant, qu’il relevait de la juridiction du pays au sens de l’article premier. Il incombe à l’État défendeur de garantir au requérant les droits que lui reconnaît l’article 3 »

130.

Premièrement, ainsi qu’il a été expliqué plus haut, l’application générale de la notion de « pays tiers sûr » peut aboutir à ce qu’un individu soit, à l’issue d’une succession d’expulsions, renvoyé vers son pays d’origine, où il pourrait se voir infliger des traitements inhumains ou dégradants, la consé-quence étant que le premier État de renvoi pourrait, en dernière analyse, avoir violé l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et l’article 33 (1) de la Convention de Genève. La notion de « pays d’origine sûr » comporte des risques similaires.

Deuxièmement, la Commission européenne des Droits de l’Homme a clairement statué dans les affaires Harabi et Giama

131, que le fait de ren-

voyer un demandeur d’asile d’un pays à l’autre était contraire à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Troisièmement, il semblerait que la mise en œuvre de plus en plus fré-quente de procédures accélérées, contre lesquelles il n’y a souvent pas de recours possible, risque d’apparaître comme déniant à un demandeur d’asile l’accès à un organe indépendant et impartial capable de contrôler la décision de le renvoyer dans un pays où il sera, selon lui, persécuté. Les modifications législatives récemment introduites dans la plupart des pays d’Europe de l’Ouest visent à limiter le nombre de demandeurs ayant accès aux procédures d’asile (de même qu’à contenir l’immigration illégale). Lambert écrit :

Les garanties de procédure (c’est-à-dire le droit d’être entendu, le droit d’être assisté par un conseil et un interprète, le droit de contacter le HCR ou une or-ganisation bénévole) semblent être mieux assurées une fois que le demandeur d’asile a été autorisé à entrer sur le territoire. La plupart de ces moyens sont, en fait, refusés à la frontière alors que c’est là que les réfugiés en ont le plus besoin pour être autorisés à entrer dans le pays et avoir accès à la procédure. C’est une pratique commune à tous les pays et qui témoigne de la volonté actuelle des États de considérer [la] lutte contre l’immigration illégale comme prioritaire par rapport à la protection des droits de l’homme même les plus élémentaires

132.

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Le droit d’appel ou de révision et l’article 13

L’article 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme est ainsi libellé :

Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Conven-tion ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles.

L’article 13 a toujours été interprété par la Cour comme octroyant un recours en droit interne uniquement pour des griefs dont le caractère est « défendable » au regard de la Convention

133.

Pour pouvoir se prévaloir de la protection offerte par l’article 13, il suffit à un individu de pouvoir prétendre de manière plausible qu’il court un risque. Dans l’affaire Powell et Rayner c/ Royaume-Uni

134, la Cour a retenu qu’un

grief ne peut être qualifié d’indéfendable même s’il a finalement été jugé par la Commission elle-même comme « manifestement mal fondé ». La Cour a reconnu que « les mots “manifestement mal fondé” allaient plus loin que l’adverbe “manifestement”, pris à la lettre, ne le donnerait à penser au départ. » Elle reconnaît que « certaines plaintes pourraient être finalement écartées pour défaut manifeste de fondement, malgré leur caractère défendable. »

Il s’ensuit que, en vertu de la Convention, un demandeur d’asile dont la cause est défendable doit impérativement avoir accès à la fois à des procé-dures de décision en matière d’asile (ou d’autres formes de protection) et à un recours devant une instance nationale au cas où il serait débouté de sa demande et, partant, menacé d’expulsion. Le fait que la demande puisse être jugée par la suite comme « manifestement mal fondée » au regard de la Convention européenne des Droits de l’Homme ne suffit pas à relever les Parties contractantes de cette obligation. Ainsi que la Cour l’a fait observer dans l’affaire Powell et Rayner, le concept de « manifestement mal fondé » au sens retenu à Strasbourg est un concept plutôt large. Bien que l’expres-sion «manifestement infondé» soit utilisée dans le droit interne de divers pays d’Europe, elle n’a pas nécessairement le même sens que l’expression « manifestement mal fondé » de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

L’affaire Vilvarajah135

a permis d’examiner la question de savoir si le recours qu’il était possible de former contre un refus d’accorder le droit d’asile était

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effectif. Dans cette affaire, les demandeurs d’asile déboutés n’avaient pas le droit d’introduire un recours sur le fond avant d’avoir été renvoyés au Sri Lanka. Le seul recours disponible était le recours administratif du contrôle judiciaire. Celui-ci permet aux tribunaux britanniques d’examiner une décision uniquement sous l’angle de la procédure et non sur le fond. La Cour européenne, infirmant les constatations de la Commission dans la même affaire, s’est toutefois déclarée convaincue que le fonctionnement du contrôle judiciaire dans le cas des demandeurs avait permis aux tribu-naux britanniques de soumettre la décision à « l’étude la plus attentive ». Le recours était donc effectif. Deux juges (bien au courant du fonctionne-ment de la common law) ont exprimé une opinion dissidente, retenant qu’un recours qui ne pouvait se prononcer sur le fond ne pouvait être qualifié d’effectif.

La Commission a, depuis, reconsidéré la question dans l’affaire Chahal, où elle a jugé que le contrôle judiciaire était inadéquat du fait des restrictions qui s’appliquent dans les affaires touchant la sécurité nationale. La règle de base est la suivante : pour être effectif, un recours doit avoir un caractère suspensif. Dans l’affaire Vijaynathan et Pushparajah c/ France

136, la Com-

mission et la Cour ont attaché une importance considérable à l’existence d’un recours de caractère suspensif en rejetant la demande au motif que les voies de recours internes n’avaient pas été épuisées.

Au niveau national, la législation récemment adoptée dans les États de l’Europe de l’Ouest tend à restreindre le droit d’introduire un recours contre le rejet d’une demande d’asile. En prenant ces mesures, on a cherché pour une bonne part à s’attaquer à l’accroissement spectaculaire des demandes d’asile et à accélérer un processus lourd et interminable.

Comme en témoignent les affaires Golder et Klass, le droit énoncé à l’article 13 de la Convention européenne des Droits de l’Homme à « l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale » pour « toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés » ne fait pas nécessairement référence à une instance judi-ciaire au sens strict du terme

137. De fait, parmi les grands États de l’Europe

de l’Ouest, seule l’Allemagne prévoit un système de recours devant les tribunaux ordinaires. D’autres États ménagent un tribunal spécial ou une commission. Une instance de ce genre n’a été établie en Belgique (Com-mission permanente de recours pour les réfugiés) qu’à partir de 1989 et en Suède (Commission de recours pour les étrangers) en janvier 1992. Au

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Royaume-Uni, ce n’est qu’avec l’entrée en vigueur de la loi de 1993 relative au droit d’asile, à l’immigration et aux voies de recours (Asylum and Immigration and Appeals Act) que tous les demandeurs d’asile débou-tés se sont vu accorder le droit de recours (devant l’Immigration Appeals Authority).

Parmi les restrictions du droit de recours qui ont été introduites, on note la suppression, aux Pays-Bas, de la seconde instance de recours auprès du tribunal supérieur en vertu d’une loi adoptée en décembre 1993

138. Par

ailleurs, en France, en République fédérale d’Allemagne et en Suède, le recours introduit contre une décision négative sur une demande d’asile n’a pas nécessairement un caractère suspensif, en particulier si la demande est réputée « manifestement mal fondée »

139.

L’application de l’article 6 – Droit à un procès équitable

La Commission et la Cour ont été invitées à maintes reprises à déclarer que des procédures engagées pour donner suite à une demande d’asile, pour réexaminer une décision de rejet d’une telle demande, ou pour faire droit à une requête en annulation d’une décision d’expulsion n’avaient pas été conformes aux normes d’équité prescrites par l’article 6. Plus de quarante arrêts rendus depuis 1981

140 ont démontré que l’article 6 ne s’applique pas

aux affaires d’expulsion, la raison en étant que le droit à la protection contre l’expulsion est considéré non comme un droit civil, mais comme un acte des autorités publiques régi par le droit public

141. La mise en œuvre du

recours peut, en vertu du droit à un recours effectif, exiger un certain degré d’équité, et certaines des garanties prévues à l’article 6 peuvent être repri-ses, par analogie, dans l’impératif des « garanties implicites de procédure », mais elles ne peuvent pas être fondées directement sur l’article 6 lui-même.

Cependant, la Grande Chambre a récemment déclarée recevable l’affaire Maaouia c/ France,

142 qui concerne l’application de l’article 6 à des mesures

d’expulsion et d’interdiction du territoire prises dans le cadre d’une procé-dure pénale. Une décision au fond est attendue.

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10. La protection subsidiaire offerte par la Cour européenne des Droits de l Homme

Le droit de recours individuel en application de la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme

Même lorsque les instruments sur les réfugiés ont la même valeur juridique en droit interne que la Convention européenne des Droits de l’Homme, cette dernière, du fait de l’existence du droit de recours individuel prévu par ses articles 34 et 35, accorde toujours une garantie supplémentaire aux réfugiés qui revendiquent des droits auprès des États. Il n’existe aucun mécanisme judiciaire international comparable pour l’application uniforme de la Convention de Genève.

Même lorsque les obligations que le droit international impose à un État en vertu d’un traité sont normalement exécutoires sur le plan interne, une connaissance insuffisante des deux Conventions peut conduire à une application imparfaite de leurs dispositions. Étant donné les mesures restric-tives prises systématiquement par les États d’Europe de l’Ouest en matière de droit d’asile, le droit de saisine de la Cour ménagé par la Convention européenne constitue une garantie importante contre les tentatives des États de restreindre la protection offerte par le droit international aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Comme on l’a vu plus haut, la saisine des organes créés par la Convention offre souvent la protection qui n’a pas été accordée par les autorités nationales. La Cour européenne des Droits de l’Homme est, cependant, peu encline à jouer le rôle d’une Cour d’appel européenne saisie des décisions non satisfaisantes en matière de droit d’asile. Elle rappelle souvent qu’elle considère que les gouvernements sont les mieux placés pour apprécier le risque auquel un individu pourrait être exposé. Elle a exprimé cette opinion dans les affaires Cruz Varas

143 et

Vilvarajah144

.

Mesures provisoires aux termes de l’article 39 du Règlement intérieur

L’article 39 du Règlement intérieur de la Cour a remplacé l’article 36 du Règlement intérieur de la Commission et l’article 36 du Règlement intérieur de la Cour. Le nouveau Règlement est dans une large mesure identique à l’ancien. L’article 39 est ainsi libellé :

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La Chambre ou, le cas échéant, son Président peut, à la demande d’une par-tie ou de toute autre personne concernée, ou encore de sa propre initiative, indiquer aux parties toute mesure provisoire dont l’adoption lui paraît souhai-table dans l’intérêt des parties ou du déroulement normal de la procédure.

L’affaire Cruz Varas c/ Suède145

a examiné le rôle des « demandes en vertu de l’article 36 ». Dans cette affaire, un Chilien s’était vu refuser le droit d’asile en Suède et était l’objet d’instructions de refoulement. La Commis-sion a demandé au gouvernement suédois de surseoir au refoulement du requérant en attendant l’examen de l’affaire, mais la Suède n’a pas satisfait à cette demande.

La Commission et la Cour ont ensuite eu à examiner si cette attitude constituait une violation de la Convention. La Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu violation. Elle a relevé cependant que, dans le cas où l’on constate-rait une violation matérielle de la Convention, le non-respect d’une de-mande en vertu de l’article 36 constituerait un sujet de préoccupation important. La Cour a rendu dans son arrêt un avis important quant au rôle et au champ d’application de l’article 36.

La Cour a relevé qu’une demande en vertu de l’article 36 ne serait formu-lée que

s’il apparaît qu’un préjudice irréparable résulterait de la mise en œuvre de la mesure faisant l’objet du grief. Ceci pourrait être le cas lorsque l’expulsion ou l’extradition est imminente et que le requérant allègue qu’il risque d’être sou-mis dans l’État de destination à des traitements contraires à l’article 2 (le droit à la vie) ou [à l’article] 3 de la Convention. L’article 36 (l’article 39 au-jourd’hui) du Règlement intérieur ne s’applique normalement qu’aux affaires impliquant des allégations de cette nature. Il doit, de plus, exister un certain niveau de probabilité qu’une personne serait soumise à un traitement incom-patible avec ces dispositions si elle était remise au pays en question. Preuve doit donc être faite à la Commission de l’existence d’un tel risque. »

C’est une des questions en jeu dans l’affaire Conka c/ Belgique146

que la Cour a récemment communiquée au gouvernement belge. Dans cette affaire, les requérants et 74 autres réfugiés tsiganes qui avaient été débou-tés de leur demande d’asile avaient été embarqués sur un avion à destina-tion de la Slovaquie en dépit du fait que la Cour s’était prévalue de l’article 39 pour demander au gouvernement belge de surseoir à leur expulsion en attendant qu’elle ait examiné l’affaire.

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11. L expulsion de personnes à leur corps défendant

Les normes exigées par l’article 3 de la Convention (et la dimension relative à l’intégrité morale et physique de l’article 8) s’appliquent non seulement au traitement ou à la situation réservé à la personne dans le pays de desti-nation, mais aussi à la manière dont se déroule l’expulsion. Amnesty International a mis en évidence l’augmentation importante du nombre des cas où les expulsions forcées ont été réalisées avec des méthodes d’immobilisation qui créaient un danger de mort et parfois la donnaient. Au moment où ces lignes étaient écrites, la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe préparait un rapport sur les expulsions forcées. On voit cou-ramment utiliser des méthodes telles que : le coussin (pour décourager les protestations), qui risque de causer (et a effectivement déjà causé) l’asphyxie ; l’administration de médicaments ; l’application d’un ruban adhésif sur la bouche et le nez ; l’immobilisation à l’aide d’une camisole de force, ou à l’aide de menottes accrochées à un fauteuil roulant ou à un siège d’avion ; et l’obligation imposée aux adultes d’entreprendre de longs voyages en portant une serviette pour incontinent de façon à ne pas avoir à être désenchaînés pour aller aux toilettes

147. Ces méthodes ont toutes été

constatées, comme l’ont été les coups de pieds et autres sévices infligés par les policiers et fonctionnaires de l’immigration. La Cour n’a pas encore examiné de plaintes à ce sujet, mais la jurisprudence concernant l’emploi de la force par les fonctionnaires de police au moment de procéder à une arrestation liée à une accusation pénale est instructive.

La Commission et la Cour ont déclaré que les traitements inhumains sont ceux qui sont infligés de façon à causer délibérément de vives souffrances morales et physiques. Dans l’affaire Ribitsch

148, la Cour a non seulement

condamné le traitement infligé, mais a ajouté en des termes très fermes que tout recours à la force physique qui n’est pas rendu « strictement nécessaire » par le comportement de l’intéressé porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de l’article 3. Dans l’affaire Hurtado

149, le requérant avait déféqué au moment de son arrestation et

n’avait pu se changer que le lendemain. La Commission a conclu qu’il s’agissait là d’un traitement humiliant et dégradant et, de ce fait, contraire aux dispositions de l’article 3. Dans la même affaire, elle a conclu que le fait que le requérant ait eu les côtes brisées par un policier agenouillé sur lui alors qu’il procédait à son arrestation ne constituait pas une violation de

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l’article 3 en raison des circonstances dans lesquelles cette arrestation avait été opérée. Dans l’affaire Selmouni c/ France

150, les sévices physiques et

psychologiques infligés dans un commissariat de police ont été considérés comme une violation de l’article 3. Se faisant l’écho des normes énoncées dans la Convention des Nations Unies contre la torture, la Cour a égale-ment conclu que le fait pour les autorités de ne pas prendre de mesures efficaces pour enquêter sur les violations présumées de l’article 3 et traduire ceux qui en étaient accusés en justice contrevient aux « garanties de procédure implicites » de l’article

151. La Cour a examiné la question de

l’utilisation de médicaments dans le contexte du traitement forcé d’un malade mental. S’étant convaincue que le fait d’être attaché et de se faire administrer de force des médicaments constituaient une « nécessité théra-peutique conforme à la pratique médicale en vigueur », elle a estimé qu’il n’y avait pas eu violation

152. Il peut en aller autrement dans les cas, comme

celui de l’expulsion forcée, qui n’impliquent aucun élément thérapeutique. La Cour a récemment communiqué au gouvernement belge l’affaire Conka

153 où les demandeurs d’asile se seraient vu imprimer sur le bras, à

l’encre indélébile, un numéro d’identification.

Si, compte tenu de toutes les circonstances de l’espèce, il a atteint le seuil de gravité requis par l’article 3, le traitement infligé devient injustifiable. Pour l’établir, on tient compte de l’âge, du sexe et de l’état de santé de la personne expulsée. Toutefois, le principe de proportionnalité qui imprègne l’ensemble de la jurisprudence de la Convention revêt une importance particulière en la matière. Pour trancher la question de savoir si le seuil de l’article 3 est atteint ou si le traitement infligé relève de l’article 8 (intégrité morale et physique), il faudra se demander si l’expulsion aurait pu se dérouler selon des modalités portant moins atteinte à la dignité de l’expulsé. Pour déterminer si l’atteinte a été motivée par des « raisons pertinentes et suffisantes », la Convention exige de l’État qu’il prouve qu’il avait étudié d’autres méthodes avant d’y renoncer et que le recours à la force a été limité à ce qui était strictement nécessaire.

Face à la résistance des compagnies aériennes et aux plaintes des pilotes, des autres membres des équipages et des passagers devant voyager avec des personnes expulsées de force, de nombreux États ont pris l’habitude d’affréter des avions hebdomadaires pour renvoyer dans leur pays d’origine les immigrants illégaux et les personnes déboutées de leur demande d’asile

154. C’est une pratique devenue courante dans toute l’Europe, qui

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amène à se demander si, pour des raisons liées à la volonté de rentabiliser l’utilisation des avions ainsi affrétés, les décisions d’expulsion ne pourraient pas être prises à la hâte afin d’éviter que certaines places d’avion ne restent inoccupées.

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Deuxième partie : Le rôle de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans des situations autres que celles qui appellent une protection contre l’expulsion

1. La détention des demandeurs d’asile et des personnes menacées d’expulsion

L’article 5 de la Convention européenne des Droits de l’Homme dispose ce qui suit :

Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

[...]

1.f. s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre la-quelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

[...]

4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illé-gale.

5. Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation.

À l’heure actuelle, les personnes demandant l’asile dans un pays européen se voient souvent imposer une longue période de détention pendant que leur demande est examinée. Or, la procédure d’examen peut s’étaler sur des années, bien que les gouvernements aient tenté à maintes reprises d’en réduire la durée. La jurisprudence concernant le paragraphe 1.f de l’article 5 est encore mince, mais la Commission a eu l’occasion d’examiner si la détention de personnes en instance de refoulement violait les obliga-tions découlant de l’article 5, paragraphes 1.f et 4. Dans l’affaire Caprino

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c/ Royaume-Uni155

, la Commission a rappelé sa jurisprudence dans laquelle le mot « régulières » figurant à l’article 5, paragraphe 1.f, signifie toujours « conforme au droit interne applicable ».

Dans la mesure où l’article 18 de la Convention dispose que les restrictions qui sont apportées aux termes de celle-ci ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues, la détention d’une personne qu’on se propose d’expulser ne peut se justifier sous l’angle de l’article 5, paragraphe 1.f, que pour autant qu’elle est liée à la procédure d’expulsion ; elle ne se justifie d’aucune autre manière. La question s’est posée de savoir s’il faut pour cela qu’une ordonnance d’expulsion (ou de refoulement) soit effectivement en vigueur, ou s’il suffit qu’une procédure d’expulsion (ou de refoulement) soit en cours.

La Commission a adopté cette dernière opinion dans l’affaire Caprino, et a estimé qu’il y avait une relation adéquate entre la détention et la procédure d’expulsion. En revanche, elle n’a pas examiné la question de savoir si le droit britannique ménageait les garanties nécessaires au sens de l’article 5, paragraphe 4 : il s’agissait, en effet, d’une affaire touchant à la sécurité nationale et, à ce titre, le pouvoir de contrôle judiciaire de la détention était extrêmement limité. Il est remarquable que la majorité des membres de la Commission, dans son rapport sur l’affaire Chahal (qui touche aussi à la sécurité nationale), ait jugé qu’il y avait eu violation de l’article 5, paragra-phe 1.f et qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la violation alléguée de l’article 5, paragraphe 4, malgré le précédent de l’affaire Caprino. La Commission a préféré examiner la question du contrôle judiciaire de la légalité de la détention sous l’angle de l’article 13, et a considéré qu’il y avait eu violation. Un des membres de la Commission a exprimé une opinion dissidente et déclaré qu’il y avait eu violation de l’article 5, para-graphe 4

156.

Dans une série de décisions, la Commission a retenu que si la procédure n’était pas menée avec la diligence voulue, la détention cessait d’être justifiée au regard de l’article 5, paragraphe 1.f. Dans l’affaire Chahal, la Commission a suivi l’avis rendu par la Cour dans l’affaire d’extradition Kolompar

157. Elle a conclu qu’il y avait eu violation de l’article 5 (1), consi-

dérant que le délai de cinq ans était excessif et que la procédure n’avait pas été menée avec la rapidité requise. Elle a également relevé que le requérant n’avait pas abusé du processus du contrôle judiciaire en vue de retarder son expulsion.

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Dans son arrêt concernant l’affaire Chahal, la Cour a adopté la position opposée. Elle n’a pas constaté de violation de l’article 5 (1), estimant que la complexité de l’affaire justifiait la longue période de détention et que la procédure devant le comité consultatif, appliquée lorsque les affaires touchent à la sécurité nationale, offrait « des garanties suffisantes pour le protéger d’une privation arbitraire de liberté »

158. Elle a, par ailleurs, réaffir-

mé : « Que la décision d’expulsion initiale se justifie au regard de la législa-tion interne ou de la Convention n’entre pas en ligne de compte aux fins de l’article 5 (1).f »

159. Elle a toutefois conclu à une violation de l’article

5 (4) sans, curieusement, accorder d’indemnisation conformément aux dispositions de l’article 5 (5) alors qu’elle avait laissé entendre qu’elle aurait pu prononcer une mesure d’indemnisation s’il y avait eu violation de l’article 5 (1). La raison de cette distinction entre l’article 5 (1) et l’article 5 (4) est peu claire. Cette distinction ne trouve pas d’écho dans l’énoncé de l’article 5 (5). M. Chahal a, depuis, engagé une procédure au niveau national pour réclamer une indemnisation au titre de la violation de l’article 5 (4).

Un grand nombre de demandeurs d’asile arrivant en Europe soit ne sont en possession d’aucun papier d’identité, soit présentent des papiers manifes-tement faux. En cas de rejet de leur demande d’asile, on peut craindre qu’ils ne se soustraient à la justice s’ils ne sont pas maintenus en déten-tion ; mais s’ils n’ont pas de papiers il est difficile de les refouler. Dans l’affaire Bozano c/ France

160, la Cour a décidé que la détention n’était pas

un préalable à l’expulsion, mais visait, en fait, à se dérober aux exigences de la procédure d’extradition. Dans l’affaire Ali c/ Suisse

161, les autorités

suisses cherchaient à expulser le requérant vers la Somalie, ce qui n’était pas possible car il n’avait pas de titre de voyage ; la Commission a retenu que, dans ces conditions, la détention « n’était pas un préalable à l’expulsion » et était contraire à l’article 5 (1)

162.

La détention en attendant la décision sur la demande d’asile

L’article 5 (1).f prévoit le cas où il s’agit d’empêcher une personne de « pénétrer irrégulièrement » dans le pays. On peut se demander si c’est ce que tente de faire une personne ayant présenté une demande d’asile. Cet aspect revêt une importance particulière pour ce qui est des demandeurs d’asile roms d’Europe centrale et orientale, qui présentent des demandes dans les États membres de l’Union européenne. La plupart de ces deman-

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deurs d’asile – qui se retrouvent de ce fait en détention – pourraient s’installer librement dans l’Union européenne s’ils étaient informés des droits qui sont les leurs en vertu des accords européens et choisissaient de s’en prévaloir. Une question posée récemment à la Chambre des Commu-nes du Royaume-Uni a révélé que le droit qu’ils ont en vertu de ces ac-cords

163 de résider en tant que migrants économiques dans n’importe quel

pays de l’Union européenne n’est pas pris en considération lorsqu’il est décidé de les placer en détention, et que les personnes qui pourraient se prévaloir de ce droit ne sont informés de son existence ni pendant leur détention, ni au moment où ils présentent leur demande d’asile. L’affaire Conka c/ Belgique

164, dont la Cour se trouve actuellement saisie, pourra

éclaircir cette question.

Le 2 septembre 1991, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a rédigé un rapport sur l’arrivée de demandeurs d’asile dans les aéroports européens

165. Ce rapport a été suivi, en juin 1994, par une Recommanda-

tion du Comité des Ministres aux Etats membres du Conseil de l’Europe concernant les pratiques à mettre en œuvre à l’arrivée des demandeurs d’asile dans les aéroports européens

166.

La Commission a eu l’occasion de considérer longuement la question d’ensemble des demandeurs d’asile à leur arrivée. Dans l’affaire Amuur c/ France, elle a jugé que la « détention » dans la zone internationale de l’aéroport (étendue à un hôtel proche) ne constituait pas une privation de liberté au sens de l’article 5, parce que les « détenus » étaient libres de se rendre dans un autre pays

167. Leurs mouvements étaient limités en ce sens

qu’ils n’étaient pas autorisés à entrer en France. La Commission a donc considéré qu’il était sans intérêt que la « détention » ait été déclarée illégale par les tribunaux français. Il n’est pas surprenant que dix membres de la Commission aient exprimé une opinion dissidente et que l’affaire ait été renvoyée à la Cour. Celle-ci a conclu à une violation de l’article 5 (1). Elle a indiqué qu’« une loi nationale autorisant une privation de liberté – surtout lorsque celle-ci vise un demandeur d’asile – doit être suffisamment accessible et précise afin d’éviter tout risque d’arbitraire. Ces caractéristi-ques revêtent une importance fondamentale dans le domaine des deman-deurs d’asile dans les aéroports, compte tenu notamment de la nécessité de concilier la protection des droits fondamentaux et les impératifs de la politique d’immigration des États. » La Cour a examiné les lois françaises alors en vigueur et a remarqué qu’« au moment des faits, aucun de ces

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textes ne permettait au juge judiciaire de contrôler les conditions de séjour des étrangers ni, au besoin, d’imposer à l’administration une limite à la durée du maintien litigieux et ne prévoyait un accompagnement juridique, humanitaire et social, ni ne fixait les modalités et les délais d’accès à une telle assistance afin que soient assurées les démarches des demandeurs d’asile, tels les requérants

168. » Dans le contexte de l’article 53 de la

Convention, la décision rendue par le Comité des droits de l’homme de l’ONU dans l’affaire A. c/ Australie

169 est importante en ce qu’elle a établi

que la détention par les services de l’immigration n’était pas automatique-ment régulière parce qu’elle l’était en droit interne (encore que l’inverse soit vrai) et que les demandeurs d’asile détenus devaient avoir accès à des conseils et à une assistance juridiques s’ils en faisaient la demande.

Le rôle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants

La durée et les conditions de la détention peuvent soulever des questions au titre de l’article 3 (ou de l’article 8, intégrité morale et physique). Dans le cas de deux demandeurs d’asile libanais détenus dans la « zone de transit » de l’aéroport de Schwechat, à Vienne, en mars 1990, la majorité des membres de la Commission européenne des Droits de l’Homme ont estimé que cette détention n’enfreignait pas l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La Commission a déclaré que « les conditions de séjour des requérants » dans la zone de transit ont pu être inconfortables, mais sans atteindre le degré de gravité qui violerait l’article 3.

Les membres de la Commission ayant exprimé une opinion dissidente dans l’affaire Amuur ont relevé notamment que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégra-dants (CPT) – qui est autorisé, en vertu de la Convention qui l’a créé, à visiter les lieux où des personnes sont privées de leur liberté – s’était senti autorisé à inclure l’hôtel Arcade de l’aéroport de Roissy dans son itinéraire de visite en France. Le Comité contre la torture a été créé pour ménager une mesure préventive complémentaire du droit de recours individuel en application de la Convention européenne des Droits de l’Homme, en vue de renforcer encore la protection contre la torture ou les traitements inhu-mains ou dégradants. Son mandat s’étend à tous les lieux de détention.

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Le Comité contre la torture s’est rendu dans de nombreux pays où sont détenus des demandeurs d’asile et s’est particulièrement inquiété de la position vulnérable de ces derniers

170. Il a suggéré au gouvernement grec

d’être particulièrement attentif dans le choix des fonctionnaires de police appelés à travailler au Centre de rétention des étrangers à l’aéroport d’Athènes, compte tenu des considérations de langue et des difficultés de communication en général. La Cour a récemment déclaré recevable une plainte contre la Grèce

171, pays où les conditions de détention dans un hôtel

de police avaient déjà été sévèrement critiquées par le CPT172

. Il a été demandé aux Suédois de faire d’urgence le nécessaire pour s’assurer que les personnes détenues en vertu de la législation sur les étrangers ne soient pas retenues dans des locaux pénitentiaires : on avait, en effet, découvert qu’environ 16 demandeurs d’asile étaient retenus dans une maison d’arrêt où ils étaient soumis au même traitement que les détenus. Dans un rapport sur l’Autriche, le Comité a relevé, comme dans tous ses rapports, des difficultés de langue et d’interprétation, et plus particulièrement des diffi-cultés pour contacter les familles et les avocats, la possibilité réelle d’accéder à un conseil juridique donnant lieu à des témoignages contradic-toires.

Le Comité des droits de l’homme créé en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques a déclaré en juillet 1995 qu’au Royaume-Uni :

Le traitement des immigrants illégaux, des demandeurs d’asile et des person-nes qui ont reçu un ordre d’expulsion soulève des inquiétudes. Le Comité ob-serve que l’incarcération de personnes qui ont reçu un ordre d’expulsion, et en particulier la durée de leur détention, peut ne pas s’avérer nécessaire dans tous les cas et il se dit gravement préoccupé par les incidences du recours à une force d’intensité excessive en exécution des arrêtés d’expulsion. Il relève également avec inquiétude que les demandeurs d’asile n’ont pas accès à une représentation juridique adéquate pour pouvoir contester efficacement la vali-dité des décisions administratives

173.

L’arrêt rendu récemment par la Cour dans l’affaire Aslan c/ Malte174

ne laisse pas de soulever de vives inquiétudes étant donné l’importance de la lutte contre le racisme en matière d’immigration et d’asile. Turc musulman cherchant à entrer à Malte avec des amis, le requérant a été détenu pen-dant 10 heures et il a affirmé que l’un des fonctionnaires de police les avait insultés, lui et ses amis, parce qu’ils étaient musulmans et turcs, et avait évoqué des conflits d’un temps révolu ayant opposé leurs pays respectifs, et qu’ils avaient été brutalisés. La Cour a conclu que les propos racistes et

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autres propos de nature à susciter des controverses que des représentants de l’État émettent pendant les contrôles frontaliers ne constituaient pas un traitement dégradant. Elle a également conclu que l’on ne pouvait même pas considérer qu’un tel comportement contrevenait à l’article 8, lequel, a-t-elle retenu, « ne garantit pas le droit à l’honneur et à la dignité faute de toute atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée ». La Cour a tenu à déclarer qu’elle ne trouvait aucune excuse aux propos racistes, mais qu’elle ne pouvait se rallier à l’idée de les condamner.

2. La vie familiale

On a déjà examiné, dans le cadre de la protection contre l’expulsion, la disposition de l’article 8 qui concerne la vie privée (le droit au respect de l’intégrité morale et physique). Le deuxième cas dans lequel l’article 8 peut présenter un intérêt ici concerne la vie familiale du réfugié ou de la per-sonne dont on considère que l’expulsion serait illicite ou abusive. La ques-tion a été portée à l’attention de la Cour dans l’affaire Gül c/ Suisse

175. Un

Kurde de Turquie qui avait demandé l’asile en Suisse avait laissé sa famille en Turquie au moment de fuir ce pays. Épileptique, sa femme était tombée dans un feu et avait été transférée en Suisse pour un traitement qui pouvait la sauver. Même après le traitement, ses blessures et son état demeuraient si graves que les autorités suisses lui donnèrent un permis de séjour huma-nitaire au motif que sa vie serait toujours en danger si elle était renvoyée en Turquie. Le mari retira sa demande d’asile car c’était ce que la loi prescrivait pour que puissent leur être délivrés les permis de séjour humanitaires qui leur avaient été accordés. Le couple eut un autre enfant en Suisse, qu’il fallut placer dans une famille d’accueil car la mère était physiquement incapable de s’occuper de son nouveau-né. Ils demandèrent ensuite que l’aîné de leurs enfants, qui était resté en Turquie, soit autorisé à les rejoin-dre en Suisse, mais n’obtinrent pas satisfaction parce qu’ils n’étaient que résidents, et non domiciliés, en Suisse. Les permis des parents ont été renouvelés chaque année au motif que l’épouse ne pouvait pas retourner en Turquie. C’est une situation que connaissent bien des réfugiés qui ne relèvent pas de la protection de la Convention de Genève.

En application de l’article 8, les organes de la Convention doivent d’abord déterminer s’il y a eu « ingérence » dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale, avant d’établir si cette ingérence est justifiée au regard du

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paragraphe 2 dudit article. Dans l’affaire Gül, la Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu ingérence (et partant, qu’il n’était pas nécessaire de justifier celle-ci au regard de ladite disposition) car « il n’a pas été prouvé que [l’épouse] n’aurait pas pu ultérieurement recevoir les soins médicaux nécessaires dans des hôpitaux spécialisés en Turquie ». Cette conclusion était surprenante dans la mesure où les autorités suisses n’avaient jamais fait valoir ni même laissé entendre qu’au moment où la Cour examinait l’affaire, l’épouse pourrait rentrer en Turquie, encore qu’elles aient fait observer que cette situation pourrait changer et qu’elle pourrait peut-être, à un moment ou à un autre, être capable de le faire. La plus jeune des enfants vivait depuis de nombreuses années au sein d’une famille d’accueil et ne pouvait pas en être séparée brutalement, mais l’arrêt ne mentionne pas sa situation. La Cour a également retenu que le requérant avait quitté la Turquie de son plein gré parce qu’il « préférait » chercher du travail en Suisse, alors que rien ne permettait de penser qu’il avait renoncé à sa demande d’asile pour une autre raison que l’obligation dans laquelle il se trouvait de le faire pour pouvoir accepter le permis de séjour humanitaire.

Par ailleurs, la Cour a conclu que l’aîné des deux enfants avait grandi dans le « milieu culturel et linguistique » de la Turquie, bien qu’étant kurde, qu’il avait vécu dans des familles kurdes différentes, n’était jamais allé à l’école et ne parlait pas turc. Se fondant sur les « faits » exposés ci-dessus, la Cour a retenu qu’il n’y avait eu aucune ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale en considérant que rien n’avait empêché les membres de cette famille d’avoir une vie familiale en Turquie.

Dans une opinion dissidente formulée avec force, les juges Martens et Russo ont noté que la Cour « demeure libre d’analyser [les faits] comme elle l’entend », mais l’ont mise en garde contre le risque de prendre en considération des « faits autres que ceux qui ont été dûment établis »

176. La

Cour n’a toutefois pas exclu l’éventualité d’une violation de l’article 8 dans les situations où il serait établi que la vie familiale ne pouvait être menée dans le pays d’origine. Dans l’affaire Bulus c/ Suède

177, la Commission a

déclaré recevable au regard de l’article 8 une requête concernant une affaire d’adolescents syriens menacés d’expulsion alors que leur mère et leur sœur étaient autorisées à rester en Suède. L’affaire a fait l’objet d’un règlement amiable

178. Dans l’affaire Askar c/ Royaume-Uni

179, la Commis-

sion a déclaré irrecevable une plainte concernant tant le refus d’admettre la

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famille élargie d’un Somalien ayant obtenu le statut de réfugié au Royaume-Uni que le retard avec lequel la requête avait été examinée.

3. Le statut des personnes dont la demande est en cours de traitement ou a été rejetée

L’article 8 régit également le statut (sous l’angle du droit à un permis de séjour, à l’accès à la protection sociale et aux soins de santé, et à l’emploi) des personnes qui ne peuvent être expulsées. On mentionnera à cet égard une opinion individuelle annexée au rapport de la Commission dans l’affaire HLR c/ France. M. Cabral Barreto (devenu le juge portugais de la Cour) a considéré que si les organes de Strasbourg concluaient qu’une expulsion constituerait une violation de l’article 3, il fallait en déduire que non seulement il ne faudrait pas procéder à l’expulsion, mais que l’arrêté d’expulsion existant devrait être annulé. Il a également estimé que si l’on voulait éviter d’enfreindre l’article 8 de la Convention, il faudrait accorder à l’intéressé un permis de séjour quelconque qui lui donne accès au marché du travail et au système de sécurité sociale

180. La question n’a pas été

expressément abordée par la Cour dans l’affaire B.B. c/ France, lors de laquelle la Cour a considéré qu’une plainte pouvait être rayée du rôle une fois levée la menace d’expulsion immédiate, même si cela impliquait de maintenir dans un statut précaire un homme gravement malade, qui avait alors besoin d’un « sauf-conduit » pour se rendre à ses rendez-vous à l’hôpital et devait se présenter périodiquement à la gendarmerie et à la police. Dans l’affaire Ahmed c/ Autriche, la Cour a conclu que l’expulsion du requérant vers la Somalie constituerait une violation de la Convention, mais s’est déclarée incompétente pour statuer sur la question de savoir s’il avait été légitimement dépouillé de son statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Or, c’est ce statut qui lui donnait droit à l’assurance-maladie et aux autres prestations sociales. Le comble de l’ironie et du tragique a voulu que si l’arrêt de la Cour européenne a empêché son expulsion vers la Somalie, la perte du statut de réfugié l’a laissé dans un état d’isolement et de dénuement tel qu’il s’est suicidé quelques mois plus tard.

Les États d’Europe occidentale adoptent des positions différentes sur un problème essentiel qui concerne la question de savoir s’il convient d’obliger les demandeurs d’asile qui attendent une décision sur leur demande à

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travailler, de les autoriser à travailler ou de leur refuser un permis de travail. Au début, certains États exigeaient des demandeurs d’asile qu’ils effectuent des « travaux communautaires », ce qui soulevait la question de savoir s’il s’agissait dans les faits d’ « un travail forcé ou obligatoire » au sens où l’entend l’Organisation internationale du travail

181et, partant, soulevait des

questions au regard de l’article 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Dans le rapport de la Commission concernant l’affaire HLR c/ France, un membre de la Commission a estimé, dans une opinion individuelle, que le refus de donner des moyens de subsistance à une personne dont l’expulsion a été jugée comme violant les dispositions de la Convention soulevait des questions eu égard à l’article 8

182. Il doit impéra-

tivement en être de même pour les personnes qui ne peuvent être expul-sées pendant l’examen de leur demande de séjour.

Il convient également de noter que les demandeurs d’asile sont de moins en moins nombreux à se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève

183. Ils obtiennent généralement, en lieu et place de

ce statut, un permis de séjour exceptionnel (au Royaume-Uni) ou une autorisation de séjour temporaire pour raisons humanitaires

184. Ces réfugiés

de facto sont davantage sujets à des décisions arbitraires de la part des instances compétentes et ne bénéficient pas automatiquement des mêmes droits que les « réfugiés au sens de la Convention ». Ces droits, énoncés dans la Convention de Genève, comprennent, entre autres, le droit à l’assistance et aux secours publics et le droit d’exercer une activité profes-sionnelle salariée. D’autres organes du Conseil de l’Europe se sont efforcés d’améliorer la condition des réfugiés de facto. En particulier, la Recomman-dation (84) 1 du Comité des Ministres réaffirme que le principe de non-refoulement s’applique tant aux réfugiés au sens de la Convention qu’aux réfugiés de facto

185. Cela dit, la Convention européenne des Droits de

l’Homme ne prévoyant aucun droit au travail186

, toute plainte formulée à ce titre serait irrecevable ratione materiae.

Article 16 Les restrictions à l activité politique des étrangers

L’article 16 dispose :

Aucune des dispositions des articles 10, 11 et 14 ne peut être considérée comme interdisant aux Hautes Parties contractantes d’imposer des restrictions à l’activité politique des étrangers

187.

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La jurisprudence de la Commission ou de la Cour relative à cet article est très réduite et, déjà en 1977, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe avait recommandé son retrait de la Convention

188. La Cour a eu

l’occasion d’examiner son champ d’application dans l’affaire Piermont c/ France

189. Cette affaire concernait les droits d’un parlementaire européen

de nationalité allemande sur le territoire français. La Cour a retenu que le gouvernement français ne pouvait pas s’appuyer sur l’article 16, étant donné que le requérant n’était pas seulement citoyen de l’Union euro-péenne mais aussi parlementaire européen et que le territoire en question participait aux élections européennes. Depuis la décision de la Cour dans l’affaire Chahal, selon laquelle une personne ne peut être expulsée vers un pays où elle pourrait se heurter à des traitements contraires à l’article 3, même si cette personne représente une menace pour la sécurité nationale, les gouvernements pourront, à l’avenir, chercher à s’appuyer sur les dispositions de l’article 16. Certes, il incombera aux organes de la Convention de définir ce qu’il faut entendre par « activité politique ». Il a été suggéré de retenir une interprétation étroite, selon laquelle cette expression ne se référerait qu’aux questions directement liées au processus politique, tels que la création et le fonctionnement de partis politiques ou la participation aux élections

190. Lors du Colloque de Funchal du Conseil de

l’Europe, M. Frowein a estimé qu’il ne fallait pas écarter la possibilité que la Commission et la Cour considèrent que le principe de proportionnalité, dans la mesure où il s’applique à l’ensemble des dispositions de la Convention, devrait être aussi appliqué à l’article 16

191. Dans ce contexte, il

faut rappeler l’importance de l’article 53192

. Les articles 10, 11 et 14 trouvent un écho dans les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 19, 21, 22 et 26), mais cet instrument ne contient aucune disposition correspondant à l’article 16

193.

Le racisme, la xénophobie et les médias

Au cours des dix dernières années, les médias ont souvent encouragé le public à adopter et à répandre une attitude négative à l’égard des deman-deurs d’asile, traitant souvent de « faux » réfugiés toutes les personnes qui finissent par se voir refuser l’entrée dans le club très fermé des réfugiés au sens de la Convention de Genève. Et les gouvernements se sont souvent très bien faits à l’idée que c’était là une attitude à ne pas décourager. Au début des années 90, le gouvernement danois a pris des mesures contre un

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journaliste responsable d’une émission de télévision sur le racisme, qui a saisi Strasbourg de cette affaire. Dans l’affaire Jersild c/ Danemark

194, la

Cour a dû s’interroger sur la question de savoir si les autorités nationales avaient eu raison de sanctionner cette émission de télévision qui rendait compte d’opinions racistes sans les critiquer. La Cour a conclu qu’il y avait eu violation de l’article 10 (droit à la liberté d’expression) car le film était une émission d’information sérieuse et sa présentation ne faisait pas appa-raître une intention raciste. Une minorité des membres de la Cour ont estimé que la lutte contre le racisme était si importante pour une société démocratique qu’on aurait pu demander au journaliste de présenter une critique plus active de la discrimination raciale sans compromettre son droit à la liberté d’expression. Il importe de noter que dans l’affaire Jersild, personne n’a laissé entendre que le journaliste partageait les opinions racistes dont il avait rendu compte. On ne pourrait pas en dire autant de certains articles de presse parus en Europe ces dernières années.

Le nombre d’agressions à motivation raciste relevées en Europe, perpétrées notamment sur des demandeurs d’asile et les foyers qui les hébergent, est alarmant. L’article premier de la Convention impose sans équivoque de veiller à ce que les droits qu’elle reconnaît à toute personne relevant de la juridiction des Hautes Parties contractantes – et notamment le droit à la vie, le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, le droit à l’intégrité morale et physique et le droit au respect des biens – soient effectivement protégés. Dans le cas des droits acquis des deman-deurs d’asile, la question posée par la Cour européenne dans l’affaire Osman

195 vient à l’esprit. L’État a-t-il fait preuve de toute la diligence que

l’on pouvait raisonnablement en attendre pour protéger une personne contre un préjudice dont il avait ou aurait dû avoir connaissance ?

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Conclusion

Dans la plupart des pays européens, il n’existe de droit de recours indivi-duel devant un tribunal international qu’au titre de la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme. La protection offerte par les organes de la Convention aux demandeurs d’asile et aux réfugiés est, par conséquent, la plus importante garantie contre le risque de voir les intérêts de l’État prendre le pas sur les droits de l’homme conférés à chaque individu. Au cours de la dernière décennie du millénaire, la jurisprudence de la Conven-tion dans ce domaine a connu d’importants développements et les déclara-tions très fermes de la Cour ont sensiblement contribué à préserver les droits des personnes risquant d’être soumises à des traitements prohibés dans leur pays d’origine. La question reste posée de savoir comment la Cour continuera de protéger les intérêts des personnes qui non seulement courent des risques dans leur propre pays, mais sont en butte au racisme et à la xénophobie dans le pays d’accueil.

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Annexes

I. Textes de base de l’Union européenne sur le droit d’asile

Convention de Dublin désignant l’État responsable du traitement des demandes d’asile présentées auprès de l’un des États membres des Communautés européennes et modalités d’application (15 juin 1990)

Résolution sur les demandes d’asile manifestement infondées (30 novembre 1992)

Résolution sur une approche harmonisée des questions concernant les pays d’accueil tiers (30 novembre 1992)

Conclusions sur les pays où n’existe généralement aucun risque sérieux de persécution (30 novembre 1992)

Décision créant un centre d’échange d’information (CIREA), 30 novembre 1992

Décision créant un centre d’information, de discussion et d’échange sur le franchissement des frontières et l’immigration (CIREFI), 30 no-vembre 1992

Recommandation concernant les pratiques des États membres en matière d’expulsion (30 novembre 1992)

Recommandation concernant le transit aux fins d’expulsion (30 novembre 1992)

Résolution sur certaines directives communes concernant l’admission de personnes particulièrement vulnérables en provenance de l’ex-Yougoslavie

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Résolution sur des garanties minimales concernant les procédures d’asile (20 juin 1995)

Position commune sur l’application harmonisée de la définition du terme « réfugié » au sens de l’article premier de la Convention de Ge-nève relative au statut des réfugiés (4 mars 1996)

II. Liste des instruments du Conseil de l’Europe relatifs au droit d’asile

Résolution 28 (1953) sur la promotion d’une politique européenne d’aide aux réfugiés, Assemblée parlementaire

Accord européen sur la suppression des visas pour les réfugiés, 1959

Recommandation 434 (1965) sur l’octroi du droit d’asile aux réfugiés européens, Assemblée parlementaire

Protocole à la Convention européenne sur les fonctions consulaires relatif à la protection des réfugiés, 1967

Résolution 14 (1967) sur l’octroi de l’asile aux personnes risquant la persécution, Comité des Ministres

Recommandation no 564 (1969) sur l’acquisition par les réfugiés de la

nationalité du pays dans lequel ils ont leur résidence, Assemblée parlementaire

Recommandation 773 (1976) sur les réfugiés de facto, Assemblée parle-mentaire

Recommandation 775 (1976) sur la préparation d’un accord relatif au transfert de responsabilités concernant les réfugiés qui se dépla-cent légalement d’un État membre du Conseil de l’Europe dans un autre, Assemblée parlementaire

Recommandation 787 (1976) sur l’harmonisation des pratiques en matière d’admissibilité

Recommandation 817 (1977) sur le droit d’asile, Assemblée parlementaire

Déclaration sur l’asile territorial, 1977, Comité des Ministres

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Accord européen sur le transfert de responsabilités concernant les réfugiés, 1980

Recommandation no R (81) 16 sur l’harmonisation des procédures nationa-

les en matière de droit d’asile, 1981, Comité des Ministres

Recommandation no R (84) 1 relative à la protection des personnes rem-

plissant les conditions de la Convention de Genève qui ne sont pas formellement reconnues comme réfugiés, 1984, Comité des Mi-nistres

Recommandation no R (84) 21 relative à l’acquisition par les réfugiés de la

nationalité du pays d’accueil, 1984, Comité des Ministres

Recommandation 984 (1984) sur l’acquisition par les réfugiés de la natio-nalité du pays d’accueil, Assemblée parlementaire

Recommandation 1016 (1985) sur les conditions de vie et de travail des réfugiés et des demandeurs d’asile, Assemblée parlementaire

Recommandation 1088 (1988) sur le droit d’asile territorial, Assemblée parlementaire

Ordonnance no 442 (1988) concernant le droit d’asile, Assemblée parle-

mentaire

Recommandation 1081 (1988) sur les problèmes de nationalité dans les mariages mixtes, Assemblée parlementaire

Recommandation 1149 (1991) sur l’Europe de 1992 et les politiques concernant les réfugiés, Assemblée parlementaire

Recommandation 1163 (1991) sur l’arrivée de demandeurs d’asile dans les aéroports européens, Assemblée parlementaire

Recommandation 1144 (1991) sur la situation des populations et travail-leurs frontaliers, Assemblée parlementaire

Recommandation 1211 (1993) sur les migrations clandestines : trafiquants et employeurs de migrants clandestins, Assemblée parlementaire

Recommandation 1236 (1994) sur le droit d’asile, Assemblée parlementaire

Recommandation 1237 (1994) sur la situation des demandeurs d’asile déboutés de leur demande, Assemblée parlementaire

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Recommandation 1261 (1995) sur la situation des immigrantes en Europe, Assemblée parlementaire

Recommandation 1277 (1995) sur les migrants, les minorités ethniques et les médias, Assemblée parlementaire

Recommandation 1309 (1996) sur la formation des fonctionnaires chargés d’accueillir les demandeurs d’asile aux points frontaliers, Assem-blée parlementaire

Recommandation 1327 (1997) sur la protection et le renforcement des droits fondamentaux des réfugiés et de demandeurs d’asile en Eu-rope, Assemblée parlementaire

Recommandation no R (94) 5 relative aux lignes directrices devant inspirer

la pratique des États membres du Conseil de l’Europe à l’égard des demandeurs d’asile dans les aéroports européens, 1994, Comité des Ministres

Recommandation no R (98) 13 sur le droit de recours effectif des deman-

deurs d’asile déboutés à l’encontre des décisions d’expulsion dans le contexte de l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, 1998, Comité des Ministres

Recommandation no R (98) 15 relative à la formation des fonctionnaires

qui entrent les premiers en contact avec les demandeurs d’asile, en particulier aux postes frontière, 1998, Comité des Ministres

Recommandation no R (99) 12 sur le retour des demandeurs d’asile débou-

tés, 1999, Comité des Ministres

Recommandation 1440 (2000) sur les restrictions au droit d’asile dans les États membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, Assemblée parlementaire

III. Membres du Conseil de l’Europe ayant ratifié la Convention européenne des Droits de l’Homme (au 15 mai 2000)

Albanie – 02/10/96 Allemagne – 05/12/52 Andorre – 22/01/96

Irlande – 25/02/53 Islande – 29/06/53 Italie – 26/10/55

Roumanie – 20/06/94 Royaume-Uni – 08/03/51 Russie – 05/05/98

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Autriche – 03/09/58 Belgique – 14/06/55 Bulgarie – 07/09/92 Croatie – 05/11/97 Chypre – 06/10/62 Danemark – 13/04/53 Espagne – 04/10/79 Estonie – 16/04/96 Finlande – 10/05/90 France – 03/05/74 Géorgie – 20/05/99 Grèce – 28/11/74 Hongrie – 05/11/92

Lettonie – 27/06/97 “l’ex-République yougo-

slave de Macédoine” – 10/04/97

Liechtenstein – 08/09/82 Lituanie – 20/06/95 Luxembourg – 03/09/53 Malte – 23/01/67 Moldova – 12/09/97 Norvège – 15/01/52 Pays-Bas – 31/08/54 Pologne – 19/01/93 Portugal – 09/11/78

San-Marin – 22/03/89 Slovaquie – 18/03/92 Slovénie – 28/06/94 Suède – 04/02/52 Suisse – 28/11/74 République tchèque –

18/03/92 Turquie – 18/05/54 Ukraine – 11/09/97

Pour des informations actualisées, voir : http://conventions.coe.int/treaty/EN/searchsig.asp?NumSTE=005

IV. Pays ayant accepté le droit de recours individuel prévu par la Convention contre la torture de l’ONU (au 15 mai 2000)

Afrique du Sud Algérie Argentine Australie Autriche Belgique Bulgarie Canada Croatie Chypre Danemark Equateur Espagne Finlande France

Grèce Hongrie Islande Italie Liechtenstein Luxembourg Malte Monaco Pays-Bas Norvège Nouvelle Zélande Pologne Portugal République tchèque Russie

Sénégal Slovaquie Slovénie Suède Suisse Togo Tunisie Turquie Uruguay Venezuela Yougoslavie

Pour des informations actualisées, voir : http://www.unhchr.ch/pdf/report.pdf

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Notes 1. Voir, par exemple, Nasri c/ France, arrêt du 13 juillet 1995. 2. L’article 1.a (2) est ainsi libellé : « Qui, par suite d’événements survenus avant le

1er janvier 1951 et craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa

religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

Dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression “du pays dont elle a la nationalité” vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité. »

3. L’article 33 (1) est ainsi libellé : « Aucun des Etats contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoi-res où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions poli-tiques. »

4. Protocole de New York modifiant la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, 1967, article 1 (2).

5. Parmi les pays membres du Conseil de l’Europe, seule la Turquie l’a conservée. Malte a récemment adopté une loi qui permettra de la supprimer en 2000.

6. Voir Refugee Rights and Realities, Nicholson et Twomey (dir. publ.), Cambridge University Press, 1999.

7. La Convention de Schengen a été signée en juin 1990 par la Belgique, la France, la République fédérale d’Allemagne, le Luxembourg et les Pays-Bas (suite à la pre-mière réunion de ces pays à Schengen, au Luxembourg, en juin 1985, et étendant l’ouverture des frontières des pays du Benelux à la France et à la République fédé-rale d’Allemagne). La Convention a ensuite été signée par l’Italie le 27 novembre 1990, par l’Espagne et le Portugal le 25 juin 1991 et par la Grèce le 6 novembre 1992. Parmi les 12 États à l’époque membres de l’Union européenne, seuls le Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni ne l’ont pas signée. La Convention est entrée en vigueur le 26 mars 1995 et a été signée le 28 avril 1995 par l’Autriche. La Finlande et la Suède ont exprimé le souhait de signer la Convention si elle peut être conciliée avec la liberté de circulation des personnes en vigueur dans les États scandinaves.

La Convention de Dublin a également été signée par 11 des 12 États membres de la Communauté européenne en 1990 et par le Danemark un an plus tard. L’Autriche, la Finlande et la Suède, qui ont adhéré à l’Union européenne en jan-vier 1995, ne l’ont pas encore signée.

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Une troisième Convention sur les frontières extérieures, également rédigée en 1990 et qui établit les contrôles aux frontières extérieures ainsi que le système d’information nécessaire pour assurer la sécurité des frontières de l’Union euro-péenne, n’a pas encore été signée.

8. Une liste complète des instruments du Conseil de l’Europe relatifs aux réfugiés figure à l’annexe II, p. 63.

9. L’article 34 est ainsi libellé : « La Cour peut être saisie d’une requête présentée par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers, qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou les protocoles s’y rappor-tant. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à n’entraver par aucune mesure l’exercice efficace de ce droit. »

10. L’article 35 (1) est ainsi libellé : « La Cour ne peut être saisie qu’après l’épuisement des voies de recours internes, tel qu’il est entendu selon les principes de droit inter-national généralement reconnus et dans le délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive. »

11. Un certain nombre d’autres instruments internationaux traitent également des droits des réfugiés : la Déclaration universelle des droits de l’homme (articles 13 et 14) ; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (articles 12 et 13) ; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (article 5.d.i et ii) ; la Convention des Nations Unies contre la torture et au-tres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (article 3) ; la Conven-tion relative au statut des apatrides (articles 27 et 28) ; la Convention de l’Organisation de l’unité africaine sur les réfugiés de 1969 ; la Déclaration de l’Organisation des Etats américains ; la Déclaration des Nations Unies sur l’asile ter-ritorial ; la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent.

12. Voir, par exemple, Vilvarajah c/ Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991, paragra-phe 102.

13. Voir, par exemple, Soering c/ Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989 ; Cruz Varas c/ Suède, arrêt du 20 mars 1991 ; Vilvarajah c/ Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991 ; Nasri c/ France, arrêt du 13 juillet 1995.

14. Soering c/ Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989.

15. Id. page 26, paragraphe 86.

16. Id. page 26, paragraphe 88.

17. Id. page 27, paragraphe 90.

18. Id. page 27, paragraphe 91.

19. Cruz Varas c/ Suède, arrêt du 20 mars 1991, page 22, paragraphe 70.

20. Vilvarajah c/ Royaume-Uni, arrêt du 30 octobre 1991, page 32, paragraphe 103.

21. Chahal c/ Royaume-Uni, requête no 22414/93, rapport du 27 juin 1995.

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22. Id.

23. Arrêt Chahal, paragraphe 74.

24. Requête no 13078/87.

25. Cette disposition n’a pas pu être invoquée dans l’affaire Fadele, le Royaume-Uni n’étant pas partie au Protocole n

o 4 à la Convention. Fawcett, dans le Rapport éta-

bli à propos de l’affaire des Asiatiques d’Afrique de l’Est, a noté que le refus de faire entrer les ressortissants du pays constituerait une violation de l’article 3 (para-graphe 242 du Rapport, 3 EHRR 76 1973).

26. Requête no 48321/99, janvier 2000.

27. Soering c/ Royaume-Uni, page 27, paragraphe 91.

28. Par exemple dans l’affaire HLR c/ France.

29. Requête no 43844/98, 7 mars 2000.

30. Requête no 41874/98, 24 juin 1998.

31. Arrêt du 17 décembre 1996.

32. Arrêt du 29 avril 1997.

33. HLR c/ France, Mémoire du gouvernement, Cour (96) 322.

34. Arrêt du 2 mai 1997.

35. Arrêt du 7 décembre 1998.

36. P. Weiss, “The concept of the refugee in international law” (1960) 87 Journal du droit international 928 à 984-6, cité dans Hathaway, The law of refugee status, Butterworths 1991.

37. Arrêt du 30 octobre 1997.

38. Soering c/ Royaume-Uni, page 26, paragraphe 88.

39. Id., page 27, paragraphe 89.

40. Id.

41. Chahal c/ Royaume-Uni, rapport du 27 juin 1995, p. 21, paragraphe 98.

42. Vilvarajah, page 34, paragraphe 108.

43. Chahal, p. 22, paragraphe 102.

44. Chahal, paragraphe 81.

45. Voir par exemple R. c/ Royaume-Uni, Requête no 28038/95, Décision de

recevabilité, 17 janvier 1997.

46. Arrêt Cruz Varas, 20 mars 1991, paragraphes 75 et 76.

47. Arrêt Chahal, paragraphe 86.

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48. Le texte anglais utilise le mot « secure ». Le texte français utilise le mot « reconnaissent ».

49. Arrêt du 7 septembre 1998.

50. Arrêt du 20 mars 1991, paragraphe 83.

51. X. c/ République fédérale d’Allemagne, D.R. 5, p. 137.

52. Comparer avec l’article 2 de la Convention de l’OUA sur les réfugiés (1969), Organisation des Nations Unies, Recueil des Traités, n

o 14691, qui s’applique ex-

pressément à de telles situations : « Le terme “réfugié” s’applique également à toute personne qui, du fait d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la natio-nalité, est obligée de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l’extérieur de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationali-té. »

53. Voir les arrêts de la Cour et les rapports de la Commission dans les affaires Vilvara-jah, Cruz Varas et de nombreuses décisions de recevabilité qui n’ont pas été pu-bliées. En 1997 encore, la Commission rejetait les demandes d’Albanais du Kosovo qui affirmaient que le régime de Milosevic en Serbie leur faisait courir un risque. Voir Haliti c/ Allemagne (requête n

o 31182/97), Tahiri c/ Suède (requête

no 25129/94), RB c/ Suède (requête n

o 22508/93).

54. Vilvarajah, paragraphe 111.

55. Requête no 36863/97, 19 octobre 1998.

56. Requête no 40035/98, 28 octobre 1999.

57. Voir par exemple S., N. et T. c/ France (requête no 18560/91), Iruretogoyena

c/ France (requête no 32829/96 du 12 janvier 1998.

58. Requête no 29482/95, rapport du 6 décembre 1996.

59. Décision du 28 avril 1997, communication no 39/1996, décision

CAT/C/18/D/39/1996.

60. Arrêt du 7 septembre 1998.

61. 22 juin 1999.

62. Arrêt du 28 novembre 1996. Cette affaire n’avait pas été rayée du rôle car le requérant avait été effectivement expulsé, puis autorisé à revenir sans que le gou-vernement reconnaisse que l’expulsion constituait une violation de la Convention.

63. Arrêt, paragraphe 105.

64. Arrêt du 19 février 1998.

65. Requête no 43844/98, 7 mars 2000.

66. Requête no 32448/96, rapport du 23 avril 1998.

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67. Ibid.

68. Comm. no 13/1993, décision CAT/C/12/D/13/1993.

69. Kisoki c/ Suède (41/1996), Ismail Alan c/ Suisse (21/1995) ; voir aussi Aemi c/ Suisse (34/1995), Khan c/ Canada (15/94), Korban c/ Suède (88/1997), Falaka-flaki c/ Suède (89/1997), A. c/ Pays-Bas (91/1997). Dans toutes ces affaires, le Comité a considéré que le renvoi constituerait une violation.

70. Affaire 41/1996.

71. Affaire 21/1995.

72. « Aucune des dispositions de la présente Convention ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnus conformément aux lois de toute Partie contractante ou à toute autre Convention à laquelle cette Partie contractante est partie. »

73. Soering c/ Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989.

74. L’article 2 dispose que :

1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a. pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b. pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;

c. pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.

75. Arrêt, paragraphe 103.

76. Y. c/ Pays-Bas, requête no 16531/90, D.R. 68, p. 299. Aylor Davis c/ France, D.R.

76, p. 164, Leong Chong Meng c/ Portugal, D.R. 83A, p. 88, Alla Raidl c/ Autriche, Requête n

o 35342/94.

77. Requête no 24573/94, Rapport du 7 décembre 1995.

78. Arrêt du 2 mai 1997.

79. Rapport du 13 septembre 1996.

80. Requête 28030/95.

81. Décision sur la recevabilité du 16 janvier 1997.

82. Paragraphe 113.

83. Arrêt du 26 juin 1992, paragraphe 110.

84. Voir M.A.R. c/ Royaume-Uni, Requête no 28038/95, 16 janvier 1997 ; Hilal

c/ Royaume-Uni, requête no 45276/99, déclarée recevable par la Cour le 8 février

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2000. La décision au fond dans l’affaire Hilal n’était pas encore rendue au moment de la rédaction du présent dossier.

85. L’article 7 dispose que : « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même, il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. »

86. La décision concernant l’affaire X. c/ Pays-Bas, Requête no 7512/76, D.R. 6 (1974),

p. 184, devrait être lue à la lumière de la jurisprudence générale ultérieure de la Convention.

87. Requête no 21072/92, Gestra c/ Italie, D.R. 80B, p. 89.

88. Arrêt du 25 mars 1993.

89. Requête no 44599/98, décision sur la recevabilité du 25 janvier 2000.

90. Requête no 51564/99.

91. Accord entre l’Union européenne et la Slovaquie, 1993 [JO 1994 L359/2], article 45 et suivants. Des accords similaires sont en vigueur entre l’Union européenne et la Roumanie, la Bulgarie, la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Lituanie et la Slovénie.

92. Ils ne peuvent exercer d’activités économiques qu’en qualité de travailleurs indé-pendants. Ils ne peuvent pas entrer sur le marché du travail et peuvent avoir à de-mander un visa.

93. L’article 4 du Protocole no 4 dispose que : « Les expulsions collectives d’étrangers

sont interdites. » (tous les pays membres du Conseil de l’Europe ne sont pas parties au Protocole n

o 4).

94. Requête no 7011/75, D.R. 4 (1975), p. 235.

95. Requête no 14209/88, D.R. 59 (1988), p. 274.

96. Requête no 51564/99.

97. Voir supra, p. 10, note 3.

98. Voir Rosenberg v. Yee Chien Woo, 402 United States 49 (1970) (Cour suprême des États-Unis) ; Hurt v. Minister of Manpower and Immigration (1978), 2 C.F. 340 (Cour d’appel fédérale du Canada).

99. « Note sur l’asile présentée par le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés », 30 août 1979, EC/SCP/12. Voir également le Rapport du Parlement eu-ropéen sur l’asile dans les États membres de l’Union européenne, LIBE 108 EN, jan-vier 2000.

100.Pour plus de détails, voir Deuxième partie, p. 49.

101.De telles pratiques ont pour effet d’obliger d’autres États à suivre la même pratique s’ils ne veulent pas devenir une « décharge » pour demandeurs d’asile indésirables. Parmi les États de l’Europe de l’Ouest, la Suède se distingue en appliquant la règle

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du « pays tiers sûr » en se fondant sur un examen au fond de l’affaire, à l’inverse des pays signataires de la Convention de Schengen (bien qu’il y ait une procédure accélérée pour les personnes provenant d’un « pays d’origine sûr »). Seeking asy-lum : Comparative law and practice in selected European countries, Hélène Lam-bert, Martinus Nijhoff Publishers, Dordrecht, Pays-Bas, 1995, p. 95. On peut généralement supposer que les systèmes et les pratiques en vigueur dans les pays de l’Europe de l’Est sont moins élaborés.

102.Voir le document de travail du Parlement européen sur l’asile dans les États mem-bres de l’Union européenne, LIBE 108, janvier 2000.

103.Requête no 8100/77, X. c/ République fédérale d’Allemagne, non publiée. Voir

aussi requête no 7612/76, Giama c/ Belgique, Annuaire XXIII (1980), p. 428.

104.La politique du « pays tiers sûr » à la lumière des obligations internationales des États vis-à-vis des réfugiés et des demandeurs d’asile, HCR, Londres, juillet 1993, paragraphe 4.2.14.

105.Neue Zürcher Zeitung, 8 avril 1994, Frankfurter Rundschau, 11 avril 1994.

106.La CEDH a jugé l’approche allemande fondée ; voir, par exemple, Haliti c/ Allemagne, Requête n

o 31182/96.

107.La politique du « pays tiers sûr » à la lumière des obligations internationales des États vis-à-vis des réfugiés et des demandeurs d’asile, HCR, Londres, juillet 1993, paragraphes 1.1 et 1.2.

108.Arrêt du 10 juin 1996.

109.Requête no 43844/98, décision sur la recevabilité du 7 mars 2000.

110.Ibid. paragraphes 4.1.1, 4.1.12 et 4.1.13.

111.Ibid., paragraphe 2.8.

112.Lambert, op. cit. p. 89-90.

113.Requête no 32829/96, décision sur la recevabilité du 12 janvier 1998. Voir aussi

Urrotikoetxea c/ France, Requête no 3113/96, D.R. n

o 87, p. 151.

114.Voir Le rôle du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, à la p. 53 du présent document.

115.Il serait regrettable que les conclusions du CPT concernant le fait que les États ont réduit le nombre de violations de l’article 3 soient utilisées pour dénier à des per-sonnes la protection absolue accordée par cet article. Il en va de même, par analo-gie, du règlement amiable conclu le 5 avril 2000 dans l’affaire interétatique Danemark c/ Turquie, qui tient compte des progrès que la Turquie a faits en amé-liorant la formation des policiers et en prévoyant des sanctions plus lourdes en cas de violation de l’article 3. Ces progrès sont naturellement les bienvenus et doivent être encouragés, mais ils ne devraient pas être invoqués pour disculpter les auteurs de violations qui pourraient se produire à l’avenir soit dans les pays eux-mêmes, soit du fait des États qui expulsent des personnes vers ces pays.

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116.Rapport du Parlement européen sur l’asile dans les États membres de l’Union européenne, janvier 2000.

117.Amnesty International, « Europe : la nécessité de normes minimales pour la procédure d’asile », Amnesty International, Association pour l’Union européenne, Bruxelles (Belgique), juin 1994, p. 9.

118.Artico c/ Italie, arrêt du 13 mai 1980.

119.The state of the world’s refugees 1993, HCR, Penguin Books, Harmondsworth, Middlesex (Royaume-Uni), 1993, p. 39.

120.Voir, par exemple, la Convention Eurodac.

121.Requête no 1611/62, Annuaire n

o 8 (1965), p. 158 (163).

122.Arrêt du 23 mars 1995.

123.Arrêt du 26 juin 1992.

124.Voir par exemple Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/ Royaume-Uni, 1985.

125.Lambert, op. cit., p. 199.

126.Voir de façon générale, Shifting responsibility : carriers’ liability in the Member States of the Euopean Union and North America, António Cruz, Trentham Books and School of Oriental and African Studies, Stoke-on-Trent (Royaume-Uni), 1995 ; et Frances Nicholson, Implementation of the Immigration (Carriers Liability) Act 1987 : privatising immigration functions at the expense of international obliga-tions, à paraître, ICLQ.

127.Le montant des amendes varie, de même que la rigueur avec laquelle elles sont recouvrées. Certains États imposent la responsabilité du transporteur uniquement dans le cas des personnes arrivant de pays tiers, d’autres ne font pas de distinction. Certains États remboursent ou annulent les amendes lorsque la demande d’asile est ultérieurement déclarée authentique, d’autres considérant cela comme indifférent. Voir Shifting responsibility: carriers’ liability in the Member States of the European Union and North America, António Cruz, Trentham Books and School of Oriental and African Studies, Stoke-on-Trent (Royaume-Uni), 1995, chapitre cinq.

128.Recommandation 1163 (1991) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur l’arrivée de demandeurs d’asile dans les aéroports européens, 43

e Session ordi-

naire, 1991, paragraphe 10.

129.Arrêt du 25 juin 1996. C’est la seule approche logique possible. Une personne qui commettrait un délit dans la zone de transit d’un aéroport s’exposerait à des pour-suites en vertu des lois du pays concerné.

130.Arrêt du 2 mai 1997, paragraphe 48.

131.D.R. 46 (1986), p. 112-116 ; D.R. 21, p. 73-84.

132.Lambert op. cit.

133.Boyle et Rice c/ Royaume-Uni, 20 mai 1987, Série A, nº 131.

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134.Arrêt du 21 février 1990.

135.Arrêt du 30 octobre 1991.

136.Arrêt du 27 août 1992.

137.Cour européenne des Droits de l’Homme, Série A, no 18 (1975), paragraphe 33 et

Cour européenne des Droits de l’Homme, Série A, no 28 (1978).

138.Neue Zürcher Zeitung, 23 décembre 1993.

139.Lambert, op. cit., p. 57, 26, 34.

140.X c/ Suisse 8118/77, mars 1981, DR 25, p. 105.

141.Pour une analyse de la dichotomie entre droit public et droit privé, voir l’arrêt récent rendu dans l’affaire Pelligrin c/ France.

142. Requête no 39652/98, décision of 22 March 2000.

143.Arrêt du 20 mars 1991.

144.Arrêt du 30 octobre 1991.

145.Arrêt du 20 mars 1991.

146.Requête no 51564/99.

147.Voir les documents d’Amnesty International ci-après : Austria International Concerns in Europe : January-June 1999, Index AI EUR 01/02/99 ; Austria before the UN Committee against Torture: allegations of police ill-treatment, EUR 13/01/2000 ; Belgium – A summary of Amnesty International Concerns : July-December 1999, EUR 01/01/00 ; Germany – FRG: continuing pattern of police ill-treatment, EUR 23/04/97 ; Spain – Amnesty International Concerns in Europe : July-December 1996, EUR 01/01/97 ; Amnesty International Concerns in Europe: January-June 1998, EUR 01/02/98, Amnesty International Concerns in Europe: January-June 1999, EUR 01/02/99, Suisse, A summary of Amnesty International Concerns: July-December 1999, EUR 01/01/00 ; UK Death in Police Custody of Joy Gardner, EUR 45/05/95 ; UK Amnesty International Report 1995 ; UK Cruel, inhuman and degrading treatment during forcible deportation, EUR 45/05/94 ; Amnesty International News mars 2000 Col. 30 n

o 2.

148.Arrêt du 4 décembre 1995.

149.Arrêt du 28 janvier 1994.

150.Arrêt du 28 juillet 1999.

151.Assenov c/ Bulgarie, 28 octobre 1998, Selmouni c/ France, 28 juillet 1999.

152.Herczegfalvy c/ Autriche, arrêt du 24 septembre 1992.

153.Voir p. 45

154.Le Monde, 12 et 20 juillet 1995 ; 24 août 1995.

155.D.R. 12, p. 14.

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156.P. 33. Opinion partiellement dissidente de M. Trechsel.

157.Kolompar, arrêt du 24 septembre 1992. 158.Paragraphe 123.

159.Paragraphe 112.

160.Arrêt du 18 novembre 1986.

161.Arrêt du 5 août 1998 ; mais voir aussi le rapport de la Commission en date du 20 février 1997.

162.L’affaire a été rayée du rôle car le requérant avait disparu sans laisser de nouvelles instructions à son avocat.

163.Il s’agit des accords conclus entre l’Union européenne et la Pologne, la Roumanie, la Hongrie, les Républiques tchèque et slovaque, la Bulgarie, la Lituanie et la Slovénie, en vertu desquels les ressortissants de ces pays peuvent se rendre en tant que mi-grants économiques dans n’importe quel État membre de l’Union européenne à condition de demeurer travailleur indépendant.

164 Voir p. 45.

165.Recommandation 1163 (1991).

166.Recommandation no R (94) 5.

167.Amuur c/ France, requête no 19776/92, rapport du 10 janvier 1995.

168.Paragraphe 53.

169.1997 4 BHRC 210.

170.Voir le rapport sur le pays du Comité européen pour la prévention de la torture.

171 Dougoz c/ Grèce, requête no 40907/98, 8 février 2000.

172.Malheureusement, une conclusion négative du CPT ne débouche pas nécessaire-ment sur une conclusion négative de la Cour. Voir Aerts c/ Belgique, 30 juillet 1998, affaire dans laquelle le CPT avait sévèrement critiqué les conditions régnant dans un hôpital psychiatrique et la Cour n’avait retenu aucune violation.

173.Constatation sur la base de rapports soumis par les États parties en application de l’article 40 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, Commentaires du Comité des droits de l’homme, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, 27 juillet 1995, paragraphe 15, p. 3.

174.Requête no 29493/95, 3 février 2000.

175.53/1995/559/645, arrêt du 19 février 1996.

176.Selon l’opinion dissidente, si on laissait de côté la question des soins médicaux, le « choix » laissé en l’espèce était le suivant : renoncer à leur fils ou renoncer à leur petite fille, dont l’intérêt aurait probablement requis qu’elle reste en Suisse.

177.DR 35, p. 57.

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178.DR 39, p. 75.

179.Requête no 26373/95, 16 octobre 1995.

180.Opinion individuelle de M. Cabral Barreto, HLR c/ France, Requête no 24573/94,

rapport du 7 décembre 1995.

181.Par exemple, dans l’affaire Iversen, la majorité des membres de la Commission ont conclu que : « La notion de travail obligatoire ou forcé ne peut s’entendre unique-ment au sens littéral des termes ; en fait, le droit international et la pratique asso-ciée en sont venus, comme l’attestent en partie les dispositions et l’application des conventions et résolutions de l’OIT relatives au travail forcé, à la considérer comme possédant certains éléments [...] ces éléments du travail forcé ou obligatoire sont, en premier lieu, que le travail ou le service soit accompli par le travailleur contre son gré et, en deuxième lieu, que l’obligation d’accomplir ce travail ou ce service soit injuste ou abusive, ou que le travail ou le service lui-même constitue une épreuve évitable. » Requête n

o 1468/62, Iversen c/ Norvège, Annuaire 6 (1963). 278, p.

328. La Commission semble estimer qu’un service peut constituer un « travail forcé ou obligatoire » au sens de la Convention même s’il a été assuré avec le consente-ment d’une personne qui n’avait en fait aucune liberté de choix. Requêtes n

os 3435,

3436, 3437 et 3438/67, W, X, Y et Z c/ Royaume-Uni, XI Annuaire (1968) 562, p. 594. La Cour a ultérieurement ajouté qu’un travail rémunéré peut également être considéré comme un travail forcé ou obligatoire, et l’absence de rémunération et de remboursement des frais peut constituer un facteur à prendre en compte pour déterminer ce qui est proportionné (affaire Van der Mussele, arrêt du 27 novembre 1983, série A, n

o 70).

182.Opinion individuelle de M. Cabral Barreto, rapport de la Commission dans l’affaire HLR c/ France, requête n

o 24573/94, rapport du 7 décembre 1995. Voir également

Lambert, op. cit., pp. 116 à 125.

183.La Suède fait figure d’exception à cette règle en appliquant la définition de la Convention de Genève d’une manière restrictive, mais en admettant , en revanche, deux autres catégories de réfugiés (réfugiés de facto ou réfugiés pour questions humanitaires). Ces réfugiés jouissent des mêmes droits en ce qui concerne les per-mis de séjour que les réfugiés au sens de la Convention, alors que d’autres droits, tel que le droit à la réunion des familles, leur sont limités. Voir Lambert, op. cit., pp. 131 à 133.

184.En Allemagne, par exemple, cette autorisation de séjour temporaire est dénommée Duldung. De plus, les principaux partis politiques se sont mis d’accord, en 1992, pour établir une catégorie de réfugiés pour cause de guerre civile (Bürgerkriegs-flüchtlinge) qui se verraient accorder un permis de séjour sans avoir à faire une demande d’asile en entamant une longue procédure ; l’exécution de ce projet a toutefois été différée, le gouvernement fédéral et les gouvernements des Länder n’ayant pas décidé qui devait régler le coût du logement de ces réfugiés et des soins à leur apporter.

185.Comité des Ministres, 25 janvier 1984.

186.Voir par exemple Neigel c/ France, arrêt du 17 mars 1997.

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187.L’article 10 est relatif à la liberté d’expression ; l’article 11 concerne la liberté de réunion et d’association, et l’article 14 garantit la non-discrimination dans la jouis-sance des droits reconnus par la Convention.

188.Recommandation 799 (1977) relative aux droits et au statut politiques des étran-gers, Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 28

e session ordinaire.

189.Arrêt du 27 avril 1995.

190.Voir par exemple : Law of the European Convention on Human Rights, Harris, O’Boyle and Warbrick, Butterworths 1995.

191.Actes du Colloque de Funchal, Conseil de l’Europe, 1985, cité dans La Convention européenne des Droits de l’Homme, Pettit, Decaux, Imbert, Economica 1995.

192.Voir p. 26, note 72.

193.Certains États Parties du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont fait des réserves ou des déclarations concernant ces articles.

194.Arrêt du 23 septembre 1994.

195.Osman c/ Royaume-Uni, arrêt du 28 octobre 1998.

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Dossiers sur les droits de l’homme déjà parus

Nº 1 Introduction à la Convention européenne des Droits de l’Homme: les droits garan-tis et le mécanisme de protection (1978)

Nº 2 La présentation d’une requête à la Commission européenne des Droits de l’Homme(1978, obsolète)

Nº 3 Aperçu de la position du requérant individuel devant la Cour européenne des Droitsde l’Homme (1978)

Nº 4 Le droit à la liberté et les droits des détenus garantis par l’article 5 de la Conventioneuropéenne des Droits de l’Homme (1981)

Nº 5 Les conditions de la détention et la Convention européenne des Droits de l’Homme(1981)

Nº 6 L’incidence du droit communautaire sur la mise en œuvre de la Convention euro-péenne des Droits de l’Homme (1984)

Nº 7 Le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondancegaranti par l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (1984)

Nº 8 La situation des étrangers en rapport avec la Convention européenne des Droits del’Homme (1985, édition révisée à paraître)

Nº 9 Le droit d’asile et la Convention européenne des Droits de l’Homme (2001)

Nº 10 Le Conseil de l’Europe et la protection des enfants – L’opportunité d’une conven-tion européenne des droits de l’enfant (1989)

Nº 11 La Convention européenne des Droits de l’Homme et le droit de propriété (éditionrévisée, 1998)

Nº 12 L’article 5 de la Convention européenne des Droits de l’Homme – La protection dela liberté et de la sûreté de la personne (1994)

Nº 13 L’article 6 de la Convention européenne des Droits de l’Homme – Droit à un procèséquitable (1994)

Nº 14 L’égalité entre les sexes et la Convention européenne des Droits de l’Homme (1995)

Nº 15 Les exceptions aux articles 8-11 de la Convention européenne des Droits de l’Homme(1997)

Nº 16 La durée des procédures civiles et pénales dans la jurisprudence de la Cour euro-péenne des Droits de l’Homme (1996)

Nº 17 La marge d’appréciation : interprétation et pouvoir discrétionnaire dans le cadre dela Convention européenne des Droits de l’Homme (2000)

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