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INSTITUT DES DROITS DE L’HOMME DES AVOCATS EUROPÉENS - ISTITUTO DEI DIRITTI DELL'UOMO DEGLI AVVOCATI EUROPEI - INSTITUT FÜR MENSCHENRECHTE DER EUROPÄISCHEN ANWÄLTE - ΙΝΣΤΙΤΟΥΤΟ ΑΝΘΡΩΠΙΝΩΝ ΔΙΚΑΙΩΜΑΤΩΝ ΤΩΝ ΕΥΡΩΠΑΙΩΝ ΔΙΚΗΓΟΡΩΝ - INSTITUDO DE DERECHOS HUMANOS DE ABOGADOS EUROPEOS - INSTITUT LIDSKÝCH PRAV EVROPSKÝCH ADVOKATU - INSTYTUT ADWOKATÓW EUROPEJSKICH NA RZECZ PRAW CZŁOWIEKA - INSTITUT FOR MENNESKERETTIGHEDER AF EROPEAEISKE ADVOKATER - INSTITUTO DE DIREITOS HUMANOS DOS ADVOGADOS EUROPEUS – EUROPEAN BAR HUMAN RIGHTS INSTITUTE Les grands barreaux d'Europe pour la défense des droits de l'Homme La lancinante persécution des avocats turcs

La lancinante persécution des avocats turcs

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Rapport de l'IDHAE sur les persécutions du barreau turcs pendant les derniers mois.

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Page 1: La lancinante persécution des avocats turcs

INSTITUT DES DROITS DE L’HOMME DES AVOCATS EUROPÉENS - ISTITUTO DEI

DIRITTI DELL'UOMO DEGLI AVVOCATI EUROPEI - INSTITUT FÜR MENSCHENRECHTE DER EUROPÄISCHEN ANWÄLTE - ΙΝΣΤΙΤΟΥΤΟ ΑΝΘΡΩΠΙΝΩΝ ΔΙΚΑΙΩΜΑΤΩΝ ΤΩΝ ΕΥΡΩΠΑΙΩΝ ΔΙΚΗΓΟΡΩΝ - INSTITUDO DE DERECHOS HUMANOS DE ABOGADOS

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EUROPEAN BAR HUMAN RIGHTS INSTITUTE

Les grands barreaux d'Europe pour la

défense des droits de l'Homme

La lancinante persécution des avocats

turcs

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2014– Deux cents avocats persécutés dans le monde

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La lente persécution des avocats turcs

Non, ce n’est plus en Chine que l’on enferme le plus, la Turquie a

désormais fait mieux en quantité. C’est dans cette Turquie, en partie

européenne, que Filiz Kalayci, Hasan Anlar et Halil İbrahim Vargün, ont

été condamnés à des peines de quelques sept années de prison parce

qu’ils sont membres de la section d'Ankara d'İnsan Haklari Derneği –

IHD – (la Ligue Turque des Droits de l’Homme). En Turquie encore,

que Muharrem Erbey connaît désormais sa cinquième année de détention

sans avoir été à ce jour jugé, alors que d’autres procès, interminables,

sont en cours contre des dizaines d’avocats qui encourent des décennies

de prison ?

L’avocat est un bouclier : il faut commencer par détruire le bouclier.

Dans trop de pays, les détenus politiques n'ont pas le droit d'avoir un

avocat. S’ils ont un avocat, en Iran comme en Chine, on poursuivra

alors, le client et l'avocat. Sous d’autres formes, plus subtiles ou plus

timides, la tentation est toujours forte et commode, ici et là, de

méconnaître le « Principe de base » 18 sur le rôle du barreau : « Les

avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de

leurs clients du fait de l'exercice de leurs fonctions ».

Soulignons l’exemplaire comportement du bâtonnier d’Istanbul, Ümit

Kocasakal, non pas injustement mais scandaleusement poursuivi, en

même temps que de neuf membres de son Conseil de l’Ordre, pour avoir

fait son devoir de chef de l’Ordre. Il faut aujourd’hui se réjouir de son

acquittement et de sa détermination : « C’est la première fois qu’un

Bâtonnier est jugé en Turquie depuis le coup d’Etat de 1980 […] mais

aucune menace ne fera taire les avocats », a-t-il déclaré. Comment ne

pas attendre avec d’autant plus d’impatience de pouvoir célébrer encore

le bâtonnier d’Istanbul dans le futur, au regard de l’attitude qu’il prendra

envers Ramazan Demir, lui aussi, poursuivi mais disciplinairement, pour

des propos à l’audience en défendant ses clients.

Bertrand FAVREAU

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2014– Deux cents avocats persécutés dans le monde

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TURQUIE – 31 janvier 2013

Ümit Kocasakal et neuf membres du Conseil de l’Ordre, Turgay Demirci, Mehmet Kurakoğlu, Hüseyin Özbek, Hasan Kılıç, Başar Yaltı,

İsmail Altay, Aydeniz Alisbah Tuskan, Ayşe Füsun Dikmenli et Ufuk Özkap,

Inculps de tentative d’entrave au déroulement d’une procédure

judiciaire

L’affaire s’est bien terminée. Mais elle demeure exemplaire. Le Bâtonnier du

Barreau d'Istanbul, Ümit Kocasakal, et neuf membres du Conseil de l’Ordre des

avocats, Turgay Demirci, Mehmet Kurakoğlu, Hüseyin Özbek, Hasan Kılıç, Başar

Yaltı, İsmail Altay, Aydeniz Alisbah Tuskan, Ayşe Füsun Dikmenli and Ufuk

Özkap, ont été poursuivis pénalmement pour avoir tenté d'influencer le processus

judiciaire dans l'affaire de coup d'Etat connu en Turquie sous le nom « Balyoz ».

La 10ème Haute Cour Criminelle d’Istanbul, en charge de l'affaire Balyoz, avait

déposé une plainte au bureau du procureur de Silivri concernant les 10 avocats, dont

Ümit Kocasakal, pour avoir fait une déclaration « non autorisée » au palais de justice

pendant le procès Balyoz le 6 avril 2012, en prenant les sièges des avocats des

suspects. Les 10 avocats encouraient des peines de prison allant de 6 mois à 3 ans sur

l’accusation de « tentative d’entrave au déroulement d’une procédure judiciaire ».

Dans ce procès Balyoz, les avocats ont subi une pression jugée « insupportable » par

les instances professionnelles. Les demandes des avocats de recherche de preuve ont

été rejetées, ils n'ont pas eu la parole et ils ont été expulsés de la salle d'audience. En

réponse, les avocats ont décidé de se retirer de l’audience. Face à une telle atteinte

aux droits de la défense, le 6 avril 2012, le bâtonnier Ümit Kocasakal et des membres

du Conseil de l’Ordre se sont rendus dans la salle d'audience où il a été fait une

déclaration en demandant à la Cour de ne pas apporter de restriction au droit de la

défense et de respêcter la profession. Pour toute réponse, la Cour a déposé une

plainte pénale contre eux pour « tentative d’entrave au déroulement d’une procédure

judiciaire », une infraction punie par l'article 288 du Code pénal turc qui est passible

d'une peine d'emprisonnement de 6 mois à 3 ans. Dans le même temps, la Cour a

déposé une seconde plainte pour « faute professionnelle », le Bâtonnier ayant refusé

de désigner des avoocats pour remplacer ceux qui avaient quitté l’audience, en

considérant qu’il n’était pas tenu à une telle désignation dès lors que les conseils

choisis n’avaient pas démissionné ou n’avaient pas été révoqués par les accusés.

Ümit Kocasakal, a du comparaître le 17 mai devant le tribunal pénal de Silivri, où le

Président de Chambre a renvoyé l’affaire en raison de l’afflux d’avocats de toytes

nationalités dans la salle d’audience. Finalement, le 24 février 2014, Ümit

Kocasakal et les membres du conseil de l’Ordre, ont été relaxés. Le procés a été suivi

par des centaines d’avocats qui ont applaudi le verdict.

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2014– Deux cents avocats persécutés dans le monde

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TURQUIE

Muharrem Erbey quatre ans après…

Diyarbakir ou le cauchemar d’un procès sans fin

Plus de quatre ans après, Muharrem Erbey est toujours en détention provisoire. Son

interminable procès se poursuit d’ajournement en ajournement, et devait reprendre le

14 janvier 2014. Il a été arrêté à l’aube du 24 décembre 2009. Emprisonné à la prison

de Type D de Diyarbakir, depuis plus de trois ans, Muharrem Erbey, avocat et vice-

président de la plus importante structure turque de défense des droits de l'homme,

İnsan Haklari Derneği – IHD – (la Ligue Turque des Droits de l’Homme) dont il est

le président de la Section de Diyarbakir, vit un procès sans fin. Il fait partie des 152

personnalités – dont 3 anciens députés, 25 maires, maires-adjoints et anciens maires,

les 3 vice-présidents du DTP, etc – poursuivis pour « appartenance à une

organisation illégale » bien que la section qu’il préside soit une association

officiellement enregistrée. Naturellement le procès dit du « KCK » vise à lutter

contre le terrorisme. Les accusés risquent des peines de prison allant de 15 ans à vie.

Pourtant, les membres de l’İHD n’ont fait que travailler en étroite collaboration avec

des associations de familles de disparus et à prendre en charge la défense d’affaires

non élucidées d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées dans la région. Le procès contre Erbey et les 151 autres a commencé le 18 octobre 2010. Le 27

janvier 2012, on en était à la 41e audience… Ce jour là, cinq des 104 accusés encore

détenus ont été libérés. Pas Muharrem Erbey. 99 sont toujours en détention depuis 3

ans. L’audience a examiné les perquisitions menées au domicile et au cabinet de

Muharrem Erbey, « sans décision de justice », disent ses avocats. Après l’arrestation

de Muharrem Erbey, la police a perquisitionné tous les bureaux de la section d’IHD à

Diyarbakir – alors que le mandat apporté ne leur permettait, à l’origine, que de

fouiller le bureau de Muharrem Erbey. Qu’y a-t-on trouvé ? Comme chez tous les

kurdes des livres écrits par Abdullah Öcalan, le chef emprisonné du PKK. Ils sont

interdits. Muharrem Erbey a été invité à donner son avis sur les allégations portées

contre lui. Il venait juste de commencer à parler dans sa langue maternelle, en kurde,

son micro a été coupé. En attendant la prochaine audience, la 42ème

Le prix International des droits de l’Homme Ludovic Trarieux 2012 a été attribué à

Muharrem Erbey. Le prix a été remis à sa femme à Berlin le 30 novembre 2012 par

Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, Ministre de la Justice de la République

d’Allemagne. Le Jury avait demandé officiellement sa remise en liberté mais

Muharrem Erbey est toujours en prison. Il attend la fin de son procès. Jusqu’à

quand ? (Voir 100 avocats, 2010, p 46)

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TURQUIE – 24 janvier 2013

Filiz Kalayci, Hasan Anlar Vargün, Sevil Araci Bek et Tugay Bek Lourdes condamnations contre des avocats membres de l’IHD

Le 24 janvier 2013, le Tribunal d'Ankara n°11 a condamné Filiz Kalayci, avocate

membre du Comité Exécutif de l'Insan Haklari Dernegi (İHD), à 7 ans et demi de

prison, Hasan Anlar vice-secrétaire général de l'IHD, Halil İbrahim Vargün, ancien

trésorier de l'İHD et Murat Vargün, membre de l’IHD, à 6 ans et trois mois de prison

chacun pour appartenance à une "organisation armée illégale". Ils sont tous membres

de la section d'Ankara de l’IHD.

L’avocate Sevil Araci Bek, et un membre du conseil d'administration de l'IHD,

Tugay Bek ont été condamnés à 3 ans, un mois et 13 jours de prison chacun pour

avoir « commis une infraction au nom de l'organisation bien qu'ils n'en soient pas

membres », en vertu de l'article 220/6 du Code pénal. Ces accusations seraient liées à

leur participation à plusieurs activités électorales, avant les élections générales

organisées le 12 juin 2011. Ils ont été condamnés bien que le procureur ait requis leur

acquittement.

L’IHD est une organisation non-gouvernementale fondée en 1986, qui compte

environ 34 sections locales à travers le pays. Elle est engagée dans différentes

activités relatives aux droits de l’homme, dont : la défense des droits des prisonniers,

des campagnes contre la torture, la promotion d'une solution pacifique, non violente

et démocratique pour la question kurde, la promotion de la justice économique et

sociale et la sensibilisation aux droits de l’homme, ainsi que la rédaction de plusieurs

rapports et publications. L’IHD a fait l'objet d'une campagne d'acharnement

judiciaire et de criminalisation, directement liée à son travail en faveur des droits de

l’homme en Turquie, et en particulier à son travail sur la question kurde. Les

membres de l'IHD sont principalement accusés d'appartenir à une « organisation

illégale », à savoir Koma Ciwaken Kurdistan - KCK (Union des Communautés du

Kurdistan).

Filiz Kalayci avait été arrêtée le 12 mai 2009 à Ankara par la section antiterroriste.

Après 8 mois de détention, elle avait été libérée de prison, à la suite d’une campagne

des organisations nationales et internationales pour sa libération. Filiz Kalayci réside

actuellement aux Pays-Bas. (Voir IDHAE – 2010 – Cent avocats, etc. p. 45).

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TURQUIE – 18 janvier 2013 Quinze avocats arrêtés à 4h du matin à Istanbul, Izmir et Ankara

Selçuk Kozağaçlı et Taylan Tanay

Le 18 janvier 2013 à quatre heures du matin, les forces de l’ordre turques ont arrêté

dans plusieurs villes du pays 85 personnes soupçonnées de liens avec les milieux

d'extrême gauche dont une quinzaine d’avocats.

Appuyée par des hélicoptères, la police antiterroriste turque a mené ce coup de filet

contre les milieux proches du Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple

(DHKP-C) à Ankara, Izmir (ouest), Istanbul et d'autres villes.

Parmi les avocats arrêtés figurent le président de la section stanbouliote de Çagdas

Hukukcular Dernegi (ÇHD) « Association des avocats progressistes », Taylan Tanay

ainsi que Güray Dağ, Efkan Bolaç, Günay Dağ, Gülvin Aydın, Ebru Timtik, Barkın

Timtik, Naciye Demir et leur secrétaire, Güçlü Sevimli.

Durant l’opération, les portes d’au moins trois cabinets d’avocat ont été forcées par

les équipes d’intervention spéciales de la police. Des perquisitions ont eu lieu dans

les cabinets en l’absence de membres du Conseil de l’Ordre, puisque le délégué du

bâtonnier pour assister aux perquisitions, Efkan Bolaç, a été lui aussi arrêté.

Le directeur général de l’Association des avocats progressistes, Selçuk Kozaagaçli et

Oya Aslan, membre du bureau national, qui étaient en déplacement à Beyrouth, ont

fait l’objet d’un mandat d’arrêt et ont été arrêtés à leur arrivée à l'aéroport d'Istanbul,

le 21 janvier 2013. Le DHKP-C figure sur la liste des organisations considérées

comme terroristes par les Etats-Unis et l'Union européenne.Cinq avocats ont été

relâchés : Efkan Bolaç, Serhan Arıkanoğlu, Güray Dag, et Madame Gülvin Aydın,

du barreau d’Istanbul ainsi que Zeki Rüzgar, du barreau d’Antalya.

La plupart des avocats arrêtés travaillaient pour le Bureau populaire d’aide juridique,

et sont connus pour leur engagement sur les droits de l'homme et les questions de la

torture. Ils ont défendu les victimes dans de nombreux procès concernant des

violences ou des cas de torture dans l'histoire récente. Le leader du ÇHD d’Istanbul,

Taylan Tanay et Efkan Bolac, sont les fondateurs de « İmdat Polis » (A l’aide !!

Police !!), une Hotline pour lutter contre les brutalités policières. Efkan Bolac

représente également Ahmet Koca, qui est poursuivi pour « résistance à la force

publique » et « outrage à un fonctionnaire public ».

Finalement ce sont 22 avocats, tous membres du ÇHD, dont le procès s’est ouvert, le

24 décembre 2013, devant la cour pénale à Silvestri. Le bâtonnier d’Istanbul, Ümit

Kocasakal, le président de la Fédération des barreaux turcs, Metin Fevzioğlu, et 500

avocats, ont assisté à l’audience. Neuf avocats sont toujours détenus : le président

national du ÇHD, Selçuk Kozağaçlı et Madame Nazan Betül Vangölü Kozağaçlı, du

barreau d’Ankara. Les autres du barreau d’Istanbul : Taylan Tanay, président de la

section d’Istanbul du ÇHD, ainsi que Güçlü Sevimli, Naciye Demir, Günay Dağ, et

Mesdames Şükriye Erden, Ebru Timtik, Barkın Timtik.Selçuk Kozağaçlı et Taylan

Tanay risquent respectivement 53 ans et demi et 27 ans et demi de prison.

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TURQUIE – 11 juin 2013

Plus de cinquante avocats Arrêtés au Palais de Justice d’Istanbul

La police a interpellé, le 11 juin 2013, une cinquantaine d'avocats qui protestaient

contre l'intervention dans la matinée des forces de l'ordre contre les manifestants

occupant la place Taksim d'Istanbul. En grève depuis le début du mouvement qui

vise le Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan douze jours auparavant, ces avocats

se sont réunis aux cris de « Taksim est partout », « la résistance est partout », dans

l'enceinte du palais de justice Çağlayan d'Istanbul pour dénoncer l’usage

disproportionné de la force contre les manifestants. Une unité des Forces Spéciales

est alors intervenue à l’intérieur du palais de justice pour les en déloger. Après de

brèves échauffourées, une cinquantaine de manifestants ont été interpellés.

Après les arrestations, environ 100 avocats se sont massés devant le poste de police

pour exiger la libération de leurs confrères. Il s'agissait de la troisième manifestation

des avocats pour soutenir les manifestants de la place Taksim.

Dans un commentaire, le président des barreaux de Turquie, Metin Feyzioglu, qui

s’est déplacé d’Ankara à Istanbul pour rencontrer les autorités sur place, s'est ému de

ces arrestations. Ce dernier a déclaré : « La détention des avocats au palais de justice

par la force pose la question de savoir dans quel type de « régime démocratique »

nous vivons ».

Plusieurs dizaines d'avocats sont actuellement en détention provisoire en Turquie

pour leurs liens supposés avec des organisations clandestines, principalement les

rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le bâtonnier du barreau

d'Istanbul et neuf de ses confrères sont par ailleurs poursuivis pour avoir mis en

cause l'attitude des juges à l'égard de la défense lors d'une audience, en avril 2012,

d'un procès controversé sur un projet de coup d'État contre le gouvernement islamo-

conservateur.

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TURQUIE Mehdi Öztüzün, Faik Özgür Erol, Muharem Şahin, Fuat Coşacak, Ibrahim Bilmez, Emran Emekçi, Cengiz Çiçek, Dogan Erbaş, Hatice Korkut, Ömer Güneş, Mehmet Sani Kızılkaya, Mehmet Bayraktar, Bedri Kuran, Sabahattin Kaya, et Asya Ülker Toujours en détention dans l’interminable procès des « 47 » à Istanbul

Le procès que l’on appelle des « 46 avocats », membres des barreaux d’Istanbul,

Diyarbakir, Van, Kars, Ardahan, Batman – mais qui sont en réalité « 47 » (puisque à

vrai dire nul ne sait pourquoi, on a joint la poursuite d'un autre avocat, Bekir Kaya, a

cette affaire) – s’est poursuivi tout au long de l’année 2013.

On rappellera seulement qu’après des perquisitions simultanées dans 52 cabinets

d'avocats de seize villes, le 22 novembre 2011, 46 avocats d’origine kurde, pour la

plupart du cabinet Asrin (Asrın Hukuk Bürosu) qui assure la défense d'Öcalan, le

chef du PKK, sont jugés pour « assistance ou appartenance à une organisation

terroriste ». Tous les avocats – dont la plupart ont été arrêtés de nombreuses années

après avoir cessé d'être en contact avec Ocalan – nient les accusations qui semblent

exclusivement fondées sur l'enregistrement systématique de toutes les réunions entre

Öcalan et ses conseils, à la fois en format vidéo et audio depuis 2005.

On rappelera qu’à l’issue des trois premiers jours d’audience, du 16 au 18 juillet

2012, l’affaire avait été renvoyée au 6 novembre 2012, dans une salle plus « adaptée

» : la Cour d’Assises spéciale de Silivri, à 40 km d’Istanbul. Le procès y a repris en

novembre 2012, avant d’être une fois de plus reporté au 3 janvier 2013.

En 2013, diverses audiences se sont tenues à la 16e Cour d’Assises spéciale

d’Istanbul, délocalisée à Silivri, dans une salle d’une capacité de 1500 places dont

310 réservées aux accusés. A la première audience, le 3 janvier 2013, un avocat a été

libéré sous contrôle judiciaire à l’issue de l’audience. Lors de l’audience suivante, le

28 mars 2013 quatre ont bénéficié de cette même mesure au terme de l’audience.

Puis, une nouvelle audience s’est tenue le 20 juin 2013, lors de laquelle, la cour a

décidé de libérer provisoirement sept des avocats accusés : Cemal Demir, (barreau de

Van), Davut Uzunköprü (barreau de Hakkari), Mehmet Ayata, (barreau de

Diyarbakir), Mehmet Deniz Büyük (barreau de Bursa), Mehmet Sabır Taş (barreau

de Siirt), Mensur Işik, (barreau de Mus), Mizgin Irgat, (barreau de Izmir), Mustafa

Eraslan, (barreau de Istanbul), Şakir Demir, (barreau de Siirt) Şaziye Önder (barreau

de Igdir), Serkan Akbaş, (barreau de Diyarbakir), Servet Demir, (barreau de Izmir).

A l’audience suivante, le 17 septembre 2013, la défense a demandé (à nouveau) la

remise en liberté provisoire de 15 des accusés. Le tribunal a rejeté toutes les requêtes

sans autre justification. Après un nouveau renvoi, une septième audience s’est tenue

le 19 décembre 2013, la Cour a décidé de libérer quatre des 15 avocats détenus

depuis le 22 novembre 2011 : Mehmet Sani Kızılkaya (Istanbul), Muhdi Öztüzün

(Batman), Bedri Kuran (Mersin) et Madame Asya Ülker (Istanbul), en considération

du temps qu'ils avaient passés en détention provisoire. Restent toujours détenus :

Faik Özgür Erol, Muharem Şahin, Fuat Coşacak, Ibrahim Bilmez, Emran Emekçi,

Cengiz Çiçek, Dogan Erbaş, Hatice Korkut, Ömer Güneş, Mehmet Bayraktar,

Sabahattin Kaya. Et l’affaire reprend, le 8 avril 2014, pour une huitième audience.

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TURQUIE – 7 novembre 2013

Ramazan Demir Poursuivi disciplinairement pour ses propos tenus à l’audience pour la

défense de ses clients

Le 7 novembre 2013, le barreau d'Istanbul a ouvert une poursuite disciplinaire contre

Ramazan Demir conformément à l'article 141 du Règlement intérieur du barreau, à la

suite de la plainte déposée par le Procureur spécial de la Cour criminelle n° 15.

De ce fait, Ramazan Demir doit faire face à une sanction disciplinaire et peut même

être radié du barreau.

Le 16 juillet 2013, il a été inculpé pour avoir « insulté ou [...] offensé la dignité d'une

autorité publique dans l'exercice de ses fonctions », conformément à l'article 125 du

Code pénal qui prévoit jusqu'à deux ans d'emprisonnement. Le Procureur de Silivri a

décidé de poursuivre Ramazan Demir et le 9 septembre 2013, il a obtenu

l'autorisation du ministère de la Justice de déposer l'acte d'accusation.

L’accusation est uniquement fondée sur les propos qu’il a tenus pour la défense de

ses clients au cours du procès du secteur « medias » du KCK dans lequel sont

poursuivis 44 journalistes soupçonnés de liens avec le KCK. Lors d'une audience

tenue le 16 novembre 2012, Ramazan Demir a contesté la compétence juridique

accordée à un procureur, pour qualifier dans un acte d’accusation de ni « normales »,

ni « indépendantes » les activiés menées par les journalistes inculpés. Ramazan

Demir a également demandé au Tribunal de convoquer et d’entendre un expert afin

qu’il détermine les critères constitutifs de ce qui constitue ou non des activités

journalistiques « normales et indépendantes ».

Ramazan Demir, est un avocat kurde défenseur des droits de l’homme, bien connu

pour sa participation à la défense des journalistes poursuivis dans le cadre d'une

opération anti-terroriste de vaste portée, visant à démanteler un réseau terroriste

présumé connu sous le nom KCK ; et plus particulièrement le « procès de la presse

du KCK ». Il est également connu pour son engagement dans la défense des avocats

poursuivis dans le cadre de procès de masse anti-terrorisme.

Plusieurs autres avocats seraient confrontés aux mêmes accusations pour leurs

plaidoiries en qualité d’avocats de la défense dans les procès de membres du KCK.

Page 10: La lancinante persécution des avocats turcs

2014– Deux cents avocats persécutés dans le monde

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Et pour en savoir plus….

Tout cela - et beaucoup d’autres choses - est à lire dans :

Rapports de l'Observatoire mondial des violations des droits de la défense et des droits des avocats dans le

monde

Page 11: La lancinante persécution des avocats turcs

2014– Deux cents avocats persécutés dans le monde

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Déjà parus

2010

2011 2012 2013

Les rapports 2005 à 2010 sont épuisés.

Page 12: La lancinante persécution des avocats turcs

2014 – Deux cents avocats persécutés dans le monde

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Les grands barreaux d'Europe pour la

défense des droits de l'Homme

L' bservatoire sans frontières des violations des droits de la défense et des droits de l’homme des avocats dans le monde

Au service des avocats depuis 1984

Président:

Bertrand FAVREAU Vice-Présidents:

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Secrétaire général: Christophe PETTITI

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