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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, S29—S34 RÉTROSPECTIVE DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR DEPUIS DIX ANS Douleur et droit : quelles évolutions en dix ans ? Pain and the law: Ten years on Nathalie Lelièvre 1 Lyon, France Disponible sur Internet le 30 janvier 2009 MOTS CLÉS Responsabilité pour faute ; Évaluation ; Trac ¸abilité ; Évolution des textes ; Bientraitance Résumé « La douleur n’est pas une fatalité », tel était le postulat de départ du premier plan de lutte contre la douleur. Depuis, un long chemin a été parcouru et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades résume l’esprit de l’ensemble des textes relatifs à la prise en charge de la douleur : « [...] Toute personne a droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur [...] ». À la notion de droit s’oppose celle de devoir. Les professionnels de santé ont dès lors l’obligation de prendre en considération la douleur et de s’efforcer de la soulager. Le cas échéant, d’autres décisions de justice pourraient être rendues sur le même fondement. © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Responsibility by failure to act; Evaluation; Tracability; Good practices Summary ‘‘Pain is not inevitable’’, was the initial postulate for the first antipain campaign in France. Since that time, much progress has been made, and with the March 4, 2002 law on patients’ rights, the underlying spirit of laws and regulations concerning the management of pain was clearly put forward: ‘‘Each person has the right to receive care to relieve pain’’. Patients’ rights are thus put forward, in opposition to professional duties. Healthcare pro- fessionals have a legal obligation to take into consideration patients’ suffering and to try to relieve such suffering. Other court decisions could be upcoming based on this same reaso- ning. © 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Adresse e-mail : [email protected]. 1 Juriste spécialisée en droit de la santé ; AEU droit médical, DESS droit de la santé ; Certificat d’aptitude à la profession d’avocat ; membre de la commission « Éthique et Douleur » ; espace éthique méditerranéen ; chargée de conférence. 1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.douler.2008.12.002

Douleur et droit : quelles évolutions en dix ans ?

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Douleurs Évaluation - Diagnostic - Traitement (2009) 10, S29—S34

RÉTROSPECTIVE DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR DEPUIS DIX ANS

Douleur et droit : quelles évolutions en dix ans ?

Pain and the law: Ten years on

Nathalie Lelièvre1

Lyon, France

Disponible sur Internet le 30 janvier 2009

MOTS CLÉSResponsabilité pourfaute ;Évaluation ;Tracabilité ;Évolution des textes ;Bientraitance

Résumé « La douleur n’est pas une fatalité », tel était le postulat de départ du premierplan de lutte contre la douleur. Depuis, un long chemin a été parcouru et la loi du 4 mars2002 relative aux droits des malades résume l’esprit de l’ensemble des textes relatifs à laprise en charge de la douleur : « [. . .] Toute personne a droit de recevoir des soins visant àsoulager sa douleur [. . .] ». À la notion de droit s’oppose celle de devoir. Les professionnels desanté ont dès lors l’obligation de prendre en considération la douleur et de s’efforcer de lasoulager. Le cas échéant, d’autres décisions de justice pourraient être rendues sur le mêmefondement.© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSResponsibility byfailure to act;Evaluation;Tracability;

Summary ‘‘Pain is not inevitable’’, was the initial postulate for the first antipain campaignin France. Since that time, much progress has been made, and with the March 4, 2002 lawon patients’ rights, the underlying spirit of laws and regulations concerning the managementof pain was clearly put forward: ‘‘Each person has the right to receive care to relieve pain’’.Patients’ rights are thus put forward, in opposition to professional duties. Healthcare pro-

Good practices fessionals have a legal obligation to take into consideration patients’ suffering and to try torelieve such suffering. Other court decisions could be upcoming based on this same reaso-ning.© 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Adresse e-mail : [email protected] Juriste spécialisée en droit de la santé ; AEU droit médical, DESS droit de la santé ; Certificat d’aptitude à la profession d’avocat ;

membre de la commission « Éthique et Douleur » ; espace éthique méditerranéen ; chargée de conférence.

1624-5687/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.douler.2008.12.002

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Le premier article publié dans la revue Douleurs pré-entait une étude sur l’obligation de prise en chargee la douleur et responsabilité du médecin [1]. Depuis,ombreux ont été les sujets traités dans la rubriqueroit et Douleurs : l’obligation d’information, hypnoanal-ésie et conditions d’application, place de l’IDE dans larise en charge de la douleur, l’euthanasie, douleur etertification etc. Ces études ont été ponctuées de quizquiz douleur, des protocoles, des initiales les plus utili-ées).

En dix ans, le droit a-t-il évolué ? À cette questionne double réponse : le droit s’est effectivement adaptéux évolutions des pratiques mais le juge est aussi inter-enu pour rappeler que tout manquement à l’obligatione prise en charge de la douleur peut être qualifiée deaute.

Nombreux ont été les textes au cours de ces dix dernièresnnées (Fig. 1). Dans la notion de texte sont inclus les plansouleurs et recommandations de la HAS.

volution des textes en dix ans

e premier plan douleur (1998—2001) [2] partait du pos-ulat : « La douleur n’est pas une fatalité » et l’inscrivaitomme une priorité de santé publique. Avec le recules années, les professionnels de santé ont constaté que’information n’avait pas toujours été bien comprise durand public et les professionnels de santé ont connu unerande souffrance pour faire évoluer le message. « Zéro dou-eur à l’hôpital » reste une douce utopie et n’a pas sa raison’être !

En 2002, le second plan [3] était lancé pourquatre ans et marquait une étape

supplémentaire : le contrat d’engagement delutte contre la douleur.

La même année soit le 4 mars 2002, la loi relative auxroits des usagers de la santé posait comme principe : « larise en charge de la douleur est un droit fondamental ».

Principe repris dans le postulat du troisième plan cou-rant la période : 2006—2010 [4]. Un nouveau défi est lancé :ne coordination européenne des politiques de recherchet de programmes de prise en charge de la douleur : « [. . .]éritable enjeu de santé publique et critère de qualité et’évolution d’un système de santé [. . .] ».

Reconnu comme un droit fondamental de toute personnear la loi relative aux droits des malades et à la qualité duystème de santé du 4 mars 2002 [5], le soulagement de laouleur s’inscrit parmi les objectifs à atteindre pour les cinq

rochaines années dans le rapport annexé à la loi relative àa santé publique du 9 août 2004 [6].

Tout doit être mis en œuvre pour apporter au malade’information nécessaire afin qu’il ne subisse plus sa souf-rance comme une fatalité. Il est dès lors incontestableue chaque professionnel de santé, chaque établissemente doivent de garantir une prise en charge de la douleur deualité.

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N. Lelièvre

onstat de dix années d’organisation de larise en charge de la douleur

ors des évaluations des pratiques pour la mise en place duroisième plan douleur, il était mis en avant les points faiblest forts de la prise en charge de la douleur des patients.

oints faibles

isparité géographiquen peut regretter une disparité de la prise en charge de laouleur selon les régions. Rappelons que la prise en chargest un droit fondamental, une telle disparité ne devrait et neoit pas perdurer. Tous les patients ont le droit à une prise enharge de la douleur dès le premier souffle jusqu’au dernierouffle de la vie.

Il est noté une nette amélioration de la prise en chargeédicamenteuse de la douleur mais le relais en ville manque

oir reste inexistant dans certains cas.

isparité selon l’âge du patient’amélioration de la prise en charge des personnes âgées,es enfants et des personnes handicapées est une cible cons-ante. La France serait-elle encore réfractaire à la prise enharge de la douleur des patients qui ne s’expriment pas ?

oints positifs

mélioration de l’information du patientl est souvent mis en avant l’importance de l’informationu patient (les trois plans vont dans ce sens, certificationersion 1 et 2 et 3 aussi) sur les modalités de prise en chargee la douleur. Il est particulièrement important de ciblerette information sur les attentes du patient et les limites’un traitement. La prise en charge de la douleur est unerise en charge globale tant de la part du professionnel deanté que du patient.

mélioration des formations tant au niveau de laormation initiale que continuees établissements d’hébergement pour personnes agéesépendantes (Ehpad) doivent se rapprocher des centres hos-italiers pour l’accompagnement à la fin de vie. La prise enharge de la douleur s’impose dans tous les établissementst la douleur ne connaît ni les week-end ni les vacances !

Il est fondamental de former à la prévention de la douleurfin de limiter les douleurs provoquées par les soins. De plus,es médecins généralistes se doivent d’être formés à la prisen charge de la douleur pour assurer la continuité des soinsorsque le patient sort d’hospitalisation.

ccentuer la prévention des douleurse troisième plan douleur précise l’importance de prévenires douleurs provoquées par les actes de soins mais aussiar les actes de la vie courante comme les toilettes pour les

ersonnes âgées. Être âgée ne doit pas être un motif de non-rise en charge de la douleur et de rester fataliste face àa douleur des personnes âgées « avec votre âge, je ne peuxuère faire des miracles ». Là où la loi ne distingue pas, il’y a pas lieu de le faire.
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Figure 1. Dix ans de douleur des textes.

Associer aux traitements médicamenteux les

techniques non médicamenteusesPoint fort du troisième plan, il est expressément faitréférence aux techniques non médicamenteuses dans laprise en charge de la douleur. Le traitement médicamen-

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eux ne constitue pas la seule réponse à la demande

es patients douloureux. Les techniques non médicamen-euses de prise en charge de la douleur existent. Lesrofessionnels et les usagers les reconnaissent comme effi-aces.
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Il s’agit de traitements réalisés par des profession-els de santé qualifiés : traitements physiques (massages,inésithérapie, physiothérapie [cryothérapie, électrosti-ulation transcutanée : TENS], balnéothérapie, éducationosturale et gestuelle), méthodes psychocorporelles ouomportementales (hypnose, relaxation, sophrologie) (Plan’amélioration de la douleur 2006—2010).

éfinition juridique du contenu de’obligation de prise en charge de laouleur

L’article L 1110—5 du code de santé publiquepose le principe selon lequel « Toute personne a

le droit de recevoir des soins visant à soulager sadouleur. Celle-ci doit être en toute circonstanceprévenue, évaluée, prise en compte et traitée

[. . .] ».

La loi du 4 mars 2002 apporte une définition com-lète : définition du contenu et des bénéficiaires de larise en charge. Elle précise bien que l’équipe médicalee doit d’écouter (mission d’évaluation), ne pas laisser’installer la douleur (mission de prévention) et la trai-er (la prise en charge de la douleur est reconnue commen acte de soin). Toute personne sans aucune distinctionle droit de recevoir des soins en vue de soulager sa

ouleur.

révention de la douleur

nticiper la douleur lors des soinsl résulte des dispositions de l’article L 1110—5 du CSPue les soignants doivent s’efforcer de prévenir la douleurotamment lors des soins douloureux (pansements, biopsie,ééducation etc.) mais aussi pour les gestes quotidiens de laie qui peuvent être facteurs de douleur (toilette, mise auauteuil, rééducation).

La prévention ne se limite plus aux soins mais va bienu-delà savoir anticiper la douleur par une meilleure orga-isation, connaissance et information du patient.

Il est recommandé dans les services (pas seulement hos-italier) de s’organiser et de prévenir cette douleur enettant en place des protocoles afin de donner un traite-ent antalgique au patient pour éviter lors des mobilisations

a toilette, mise au fauteuil, de provoquer, voire accen-uer les douleurs. Pour cela, encore faut-il une certainerganisation dans les services pour éviter que des toilettesoient faites alors même que le traitement vient juste’être donné au patient ou à l’inverse en fin d’action duraitement.

nformer le patient des soins douloureux’information du patient sur la prise en charge de la dou-

eur, sur les risques de douleurs provoquées par un soin peuttre intégrée dans la partie prévention. En effet, un patientien informé est un patient qui sera en mesure de gérer saouleur, l’évaluer et être actif à sa prise en charge aveces professionnels de santé. Il ne s’agit pas d’inquiéter son

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N. Lelièvre

atient mais de l’informer des apports des traitements maisussi de ces limites pour prévenir toutes angoisses lors dea survenue de douleur ou de la persistance de certainesouleurs.

valuation de la douleur

’évaluation est primordiale car elle permet au méde-in de juger de l’efficacité ou non du traitement et derendre les mesures en conséquence. Mais encore faut-l que l’évaluation apparaisse dans le dossier médical duatient. Cela d’autant plus que l’article que L 1110—5 duSP précise bien « la douleur doit être en toute circonstancevaluée ».

La gestion du dossier médical doit être tenue avec la plusrande rigueur avec mention des heures d’évaluation, de laotation (cotation au repos et cotation lors des mobilisa-ions) et du suivi.

La qualité de l’évaluation et la tracabilité sont des cri-ères importants d’une prise en charge consciencieuse etonforme aux règles de l’art.

raitement de la douleur

bligation de guérison ?e médecin n’est pas tenu à une obligation de guérison. Iloit s’efforcer de mettre en œuvre les moyens antalgiquesu’il dispose pour soulager au mieux son patient.

nterrogation sur les effetsréalablement à la mise en place d’un traitement, leédecin doit s’interroger sur les effets du traitement et

otamment sur les effets iatrogènes. Il doit tenir comptees traitements pris par le patient et les effets du traite-ent prescrit. En effet, pour un patient travaillant sur desachines ou un professionnel de la route, il est important’attirer l’attention du patient sur les risques de somno-ence et dans ce cas d’attirer toute son attention sur leait de bien prendre le traitement une fois sa journéeerminée.

ormation continuenfin, il est à noter l’importance de la formation continuen ce domaine « [. . .] La formation continue constitue unlément essentiel pour assurer l’adhésion des personnelsla politique d’amélioration de la prise en charge de la

ouleur. . . » (Guide de mise en place du plan de lutte contrea douleur 2002—2005).

D’autant plus que la loi du 4 mars 2002 précise bien « laormation médicale continue a pour objectif l’entretien ete perfectionnement des connaissances, y compris dans leomaine des droits de la personne ainsi que l’amélioratione la prise en charge des priorités de santé publique [. . .].lle constitue une obligation pour tout médecin [. . .] »rticle L 4113—1 CSP.

ouleur et fin de vie

a loi Léonetti du 22 avril 2005 relative aux droits desatients en fin de vie, complétée par les décrets du 6 février

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2006 [7] a recherché une solution éthique à l’encadrementjuridique de la relation médicale entre le médecin et lemalade en fin de vie.

Le médecin ne doit pas être limité dans la prise en chargede son patient par des craintes judiciaires. C’est la raisonpour laquelle l’article L1110—5 du Code de santé publiqueprévoit la possibilité : « Les professionnels de santé mettenten œuvre tous les moyens à leur disposition pour assurer àchacun une vie digne jusqu’à la mort. Si le médecin constatequ’il ne peut pas soulager la souffrance d’une personne, enphase avancée ou terminale d’une affection grave et incu-rable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant untraitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abrégersa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice desdispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111—2, lapersonne de confiance visée à l’article L. 1111—6, la familleou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscritedans le dossier médical ».

Démarche des professionnels de santé

Les démarches sont :• information du patient des risques éventuels du trai-

tement et notamment de la possibilité d’abréger lavie ;

• information également de la famille et des proches ;• il est fondamental de faire comprendre tant au patient

et à la famille que le médecin agit dans le respect desrègles du bon usage des médicaments. L’intérêt premierest de soulager les douleurs du patient mais avec un risqued’abréger la vie ;

• tracabilité de la décision. Le médecin devra être enmesure de prouver qu’il agit dans les règles de l’art etque l’intention première était bien la prise en charge dela douleur.

Il est important de préciser que l’équipe intervientdans le respect de la pharmacopée. En effet, il ne s’agitnullement pour l’équipe de soulager le patient en luiadministrant des doses importantes de traitements dansle but de le faire décéder. La démarche du professionnelde santé est d’informer son patient qu’il a la possibilitéde mettre en place un traitement antalgique mais quel’administration de ce traitement peut avoir pour effetdélétère de provoquer le décès du patient. L’intention pre-mière du professionnel est bien de prendre en charge ladouleur du patient et non de chercher à provoquer ledécès.

Dans ces situations, ce n’est pas tant la loi quiapporte une solution mais l’éthique des soins, lapriorité est toujours d’intervenir dans l’intérêt

du patient et tenir compte de ses souhaits.

Douleur et décisions de justice

En conclusion, dans le premier article paru dans la revue,il était précisé qu’il n’existait pas de décision de justicecondamnant un professionnel de santé ou un établissementpour absence de prise en charge de la douleur.

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Aujourd’hui, la conclusion ne serait plus la mêmeuisqu’une décision de justice a condamné un établisse-ent pour faute dans l’organisation des soins aux motifs :Le centre hospitalier ne démontre ni l’impossibilité’administrer à l’intéressé des antalgiques majeurs par voieeineuse ou sous-cutanée en raison de son âge et de sa ten-ion artérielle, ni, dans cette hypothèse, l’absence d’utilitée l’administration par voie orale d’antalgiques mineurs ;ue, compte tenu de l’état de souffrance et de la patholo-ie de Monsieur L, l’absence de tout traitement antalgiquest constitutive d’une faute de nature à engager la respon-abilité du centre hospitalier ».

Tant le tribunal administratif que la cour d’appeleprochent l’absence de prise en charge de la douleur duatient : « [. . .] L’absence de tout traitement antalgique estonstitutive d’une faute de nature à engager la responsabi-ité du centre hospitalier ». (Cour administrative d’appel deordeaux, 13 juin 2006) [8].

La faute retenue à la charge de l’établissement est bien’absence de toute prise en charge de la douleur du patient.

Lors de la rédaction d’un article sur la prise en charge dea douleur des adolescents, une question était soulevée : desarents s’opposant à un traitement morphinique pour leurnfant, le juge des enfants peut-il être saisi pour autoriseres professionnels de santé à prendre en charge les douleurse ce jeune patient ? [9].

Le droit associe la notion de danger à celle de risqueital pour l’enfant. Dans ce cas, priver un enfant de mor-hinique pour soulager la douleur peut-il être considéréomme étant de nature à mettre en péril la vie de l’enfant ?’enfant peut s’épuiser par la douleur et décéder dansertains cas. Dans un cas extrême ne peut-on pas envisa-er que le refus du traitement mette en danger l’enfantt que l’équipe médicale soit en droit de saisir le jugeour prodiguer les soins nécessaires ? Dans cette hypo-hèse, il faudra rapporter la preuve au juge que l’équipee trouve en situation d’impasse thérapeutique et que leefus de morphinique place l’enfant en danger. Actuelle-ent, cette demande serait possible alors que quelques

nnées antérieures il n’existait pas suffisamment cette prisee conscience que laisser souffrir un enfant peut être quali-é de dangereux pour l’enfant et mettre en cause la notione risque vital. Avec le troisième plan douleur qui a intro-uit la notion de bientraitance, on peut même se demanderi l’absence de prise en charge de la douleur des personnesites vulnérables (personnes âgées, enfants, handicapées)e pourrait pas dans un avenir proche être qualifié dealtraitance ?

onclusion

’analyse des engagements (plans de lutte contre la dou-eur, textes juridiques, décision de justice, formationes professionnels etc.) laisse à penser que la prise enharge de la douleur évolue dans le bon sens. Pour-ant, entre l’engagement individuel des professionnels et

’accompagnement matériel de cette volonté des difficultésersistent. La bonne volonté, l’engagement contre la dou-eur est encore trop souvent bloqué par des considérationsconomiques. « La permanence et la durée ne sont promisesrien, pas même la douleur » Proust.
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éférences

1] Lelièvre N. Obligation de prise en charge de la douleur et res-ponsabilité du médecin. Douleurs 2003;4:3.

2] Circulaire du 24 septembre 1998 relative à la mise en œuvre duplan d’action triennal contre la douleur dans les établissementsde santé publics et privés.

3] Circulaire du 30 avril 2002 no 266 relative à la mise en œuvre duprogramme national de lutte contre la douleur 2002—2005 dansles établissements de santé.

4] Plan d’amélioration de la prise en charge de la douleur.2006—2010.

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N. Lelièvre

5] Loi du 4 mars 2002 no 2002—303 relative auxdroits des malades et à la qualité du système desanté.

6] Loi no 2004—806 du 9 août 2004 relative à la politique de santépublique.

7] Loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la finde vie et décret no 2006—119 du 6 février 2006 sur les directives

anticipées.

8] Cour administrative d’appel de Bordeaux, 13 juin2006.

9] Lelièvre N. Adolescents et soins, vers une autonomie de lavolonté ? Douleurs 2005;6:4.