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La tradition drapière Remerciements Rose Collomp, Paulette Cholet, le musée de Préhistoire de Quinson et Caroline Luzi, l’office de Tourisme de Saint André les Alpes, le service de l’Inventaire … En s’appuyant toujours sur les traces qui peuvent en avoir subsister et l’appui de quelques ouvrages : Les premiers paysans du Midi. Jean Courtin. Mars 2000 Culture en Haute-Provence. Déboisements et pâturages au Moyen-Age. Thérèse Sclafert 1959… I définitions Tradition provient du latin tradere « remettre, transmettre ». pour désigner la transmission non matérielle d’une information, plus ou moins légendaire d’une manière de penser, de faire ou d’agir. Drap Le drap est un tissu de laine dont les fibres ont été feutrées par le foulage. Le drapier est à la fois fabricant et marchand de drap. La draperie est au XIXème siècle une manufacture de drap. Toute tradition vient donc du passé, sans pour autant être figée. Il s’est fabriqué du drap dans la région du Moyen Verdon comme d’ailleurs dans toute la zone plus large du Piémont alpin français, qui se trouve représentée aujourd’hui par l’étendue du Pays Asse-Verdon-Vaïre quelques mille ans durant. De Barrême à Entrevaux, d’Allos à Castellane. Nous nous limiterons à la région du Moyen Verdon pour mieux en cerner la réalité. Ce savoir-faire textile particulier a évolué au gré des techniques, du contexte économique et géo-politique. Par glissement la draperie qui représentait le savoir-faire du drapier, a désigné après la révolution industrielle une manufacture de drap. Nous tacherons d’en comprendre les circonstances. En quatre temps pour mieux situer cette tradition Avant qu’elle n’existe avec le début des arts textiles Au XIIIème et XIVème siècle Au XVIIème et XVIIIème siècle Au XIXème et Début du XXème siècles II L’empreinte dans le paysage Il n’y a plus aujourd’hui d’activité drapière dans la vallée. Mais reste-t-il encore quelque chose de cette activité séculaire qui transformait sur place la laine des troupeaux ?

dradition drapière

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ecrit de la conférence de l'association Petra castellana sur les tradition drapière de st andre les alpes

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La tradition drapière Remerciements Rose Collomp, Paulette Cholet, le musée de Préhistoire de Quinson et Caroline Luzi, l’office de Tourisme de Saint André les Alpes, le service de l’Inventaire … En s’appuyant toujours sur les traces qui peuvent en avoir subsister et l’appui de quelques ouvrages : Les premiers paysans du Midi. Jean Courtin. Mars 2000 Culture en Haute-Provence. Déboisements et pâturages au Moyen-Age. Thérèse Sclafert 1959… I définitions Tradition provient du latin tradere « remettre, transmettre ». pour désigner la transmission non matérielle d’une information, plus ou moins légendaire d’une manière de penser, de faire ou d’agir.

Drap Le drap est un tissu de laine dont les fibres ont été feutrées par le foulage. Le drapier est à la fois fabricant et marchand de drap. La draperie est au XIXème siècle une manufacture de drap. Toute tradition vient donc du passé, sans pour autant être figée. Il s’est fabriqué du drap dans la région du Moyen Verdon comme d’ailleurs dans toute la zone plus large du Piémont alpin français, qui se trouve représentée aujourd’hui par l’étendue du Pays Asse-Verdon-Vaïre quelques mille ans durant. De Barrême à Entrevaux, d’Allos à Castellane. Nous nous limiterons à la région du Moyen Verdon pour mieux en cerner la réalité. Ce savoir-faire textile particulier a évolué au gré des techniques, du contexte économique et géo-politique. Par glissement la draperie qui représentait le savoir-faire du drapier, a désigné après la révolution industrielle une manufacture de drap. Nous tacherons d’en comprendre les circonstances. En quatre temps pour mieux situer cette tradition Avant qu’elle n’existe avec le début des arts textiles

Au XIIIème et XIVème siècle Au XVIIème et XVIIIème siècle

Au XIXème et Début du XXème siècles II L’empreinte dans le paysage Il n’y a plus aujourd’hui d’activité drapière dans la vallée. Mais reste-t-il encore quelque chose de cette activité séculaire qui transformait sur place la laine des troupeaux ?

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Interrogeons le paysage qui nous entoure.

• Blieux, qui vient de bles : pente herbeuse entre des forêts, le Mourre de Chanier, la crête des Traversières. Une végétation de pelouse sèche dans les travers que fréquentent toujours les moutons de Blieux et la Palud.

• Teillon. Autre sommet servant toujours de pâturage. Les limites communales se coupent en croix au lieu dit les quatre termes, signe d’un accord entre les communautés de Soleilhas, la Garde, Demandolx et Payroules pour le partage des pâturage, avec le Pas des fèdes au dessus de Demandolx.

• La vallée de l’asse de Clumenc vue du Puy, ancienne motte castrale. Non loin du hameau des Bourrillons, le petit flocon de laine. à droite la montagne saint Martin. La montagne est un lieu de pâturage. On dit au moyen âge : montagner l’aver, le troupeau. L’aver qui est l’avoir. On atteint ici à la valeur qu’il représente, il est un capital.

• En se retournant Tartonne. A droite la Sapée, reste de la forêt originelle, puis le Défens vers Lambruisse. Un mode de gestion de l’espace. Le pâturage y était réglementé, et contrôlé pour un meilleur partage de la ressource. Quelque part dans le creux le puits d’eau salée. Une ressource spécifique, localement disponible à Castellane, Moriez et Tartonne, qui favorise l’élevage dans tout le moyen Verdon : car un mouton consomme environ 30 g de sel par jour.

• L’Aup au dessus de la Baume. L’Alpe, pour le pâturage d’été. Déplacer les troupeaux au rythme des saisons et de la pousse de l’herbe. Autrement dit transhumer.

• Chamatte au dessus d’Angles, et de Prémouton. Chamatte provient du bas latin calmis, tiré lui-même du radical pré indo-européen cal, qui signifie l’endroit plat au sommet. Chamatte fut autrefois un pâturage plat situé en hauteur…

L’espace apparaît ici comme une dimension majeure du Moyen-Verdon. Le pâturage s’est avéré, compte tenu des reliefs, le meilleur moyen de le faire valoir. L’élevage a donc été, naturellement, un choix de production. L’abondance de laines produites et disponibles sur place est à l’origine du développement de la draperie. III les débuts de l’élevage. Les prémices des arts textiles L’élevage devient une activité humaine vers la fin des temps préhistoriques. Dans le midi de la France au néolithique. Cela après une longue phase, quelques milliers d’années, durant laquelle des espèces animales sauvages sont peu à peu domestiquées. Le mouflon est ainsi domestiqué au cours du VIIème millénaire, en Méditerranée orientale et devient peu à peu le mouton qui nous est familier. Son poil par mutation, va se mettre à pousser de façon continue. La chèvre est domestiquée un peu plus tard. Au début du VIème millénaire, en Europe tempérée, les conditions climatiques favorisent l’extension de zones pâturables. L’homme ouvre donc le milieu, largement constitué de forêt, par brûlis, pour le pâturage. • le contenu de la tombe de la Dindière, le dolmen Il se constitue alors des troupeaux de moutons et de chèvres. On distingue un commencement de production de la laine, au moins de sélection des poils de jarre à l’âge du bronze. Puis les

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élevages se spécialisent au Chasséen. On trouve en même temps que les premières bergeries, des fusaïoles et des poids de métiers à tisser au cardial. L’agriculture aussi est à ses débuts. Il n’a pas pour le moment été retrouvé de fusaïoles dans le moyen Verdon, mais il était habité à cette période. Le docteur Ollivier à la fin du XIXème siècle avait trouvé des faucilles dans la sépulture de la Dindière, datée de la transition âge du bronze-âge du fer. • Troupeau Marie Josée Auteville Ces premiers paysans de Saint André devaient aussi avoir des troupeaux. Les bêtes sont encore proches de l’animal sauvage avec des toisons sombres, les cornes enroulées. Ils obtiennent du fil en tordant les poils ou les fibres de la laine des moutons et des chèvres, ou de plantes textiles : le tilleul, le bouleau. • La laine Pourquoi vont-ils privilégier la laine ? La laine possède huit qualités essentielles : sa faculté d’absorption de l’humidité, son pouvoir isolant, sa légèreté, son élasticité, le fait qu’elle est infroissabilité, facile de teinture, solide, enfin résistante au bruit et au feu. Deux qualités sont considérées par les professionnels comme irremplaçables et inimitables : le feutrage et l’isolation. • Schéma de la technique. On commence de filer au fuseau. Le fil bien tordu est solide procure un fil solide. On l’enroule toujours en huit sur le fuseau. On a pu alors commencer de tisser. Un début de sélection s’opère : les toisons s’éclaircissent. La tonte commence d’être pratiquée avec des ciseaux vers 1000 av J-C, seulement vers 300 av J-C à Rome. Ces ciseaux sont en fer, ancêtres des forces.

• Les forces

La laine est battue à l’aide d’objets en bois, tels que maillets ou bâtons flexibles, ce qui détache les brins les plus grossiers et enlever les poussières. La laine est ensuite lavée. On commence de dégraisser et blanchir la laine. La technique du feutrage, obtenu par battage, roulage et presse de la laine, est aussi ancienne que la filature. Le mot drap provient du bas latin, peut être avant cela d’un mot gaulois : drappus est signalé au Vème siècle après J.-C. II Aux XIIIème et XIVème siècles La valeur de l’animal • Enquête sur les droits et biens du comte de Provence Dans la vallée du Verdon, à Courchons, le comte prend une brebis sur dix et chaque semaine depuis le moment où l’on commence de traire jusqu’au quinzième jour après la saint-Jean. de plus, pour chaque « paria » (c’est-à-dire un troupeau de trente trenteniers, soit neuf cent bêtes) de brebis qui entre dans l’Alpe de Courchons, l’éleveur doit au comte tous les fromages que l’on peut faire dans une jarre

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L’animal est polyvalent : on trait les brebis. • Chèvre de Rose Comme cette chèvre, la brebis donne donc de la viande, celle de ses agneaux, du lait, de la laine, du fumier indispensable pour les cultures. Ce besoin d’engrais aurait pu à lui seul motiver l’élevage ovins. La laine est source de revenus, elle fournira un moyen de spéculer. • Carte des établissements monastiques. La première fois que sont signalés non pas des troupeaux mais des bergeries et des alpages c’est au IXème siècle, lorsque les abbayes monastiques font l’inventaire de leurs biens. Ces abbayes implantées sur le rivage méditerranéen se constituent des domaines agricoles et pastoraux dans la zone de moyenne montagne où nous sommes. Ces domaines atteignent leur plus grande ampleur au XIIIème siècle. • Notre Dame de Serret au pied de l’Alpes de Moriez appartient à l’abbaye de Lérins. • Angles restera attachée à l’abbaye de Lérins qui y avait établi un moustier, du moyen âge

jusqu’à la révolution française. La statue de St Honnorat dans son église atteste cet attachement.

Entre temps, l’utilisation du rouet s’est répandu en Europe. On dit que déjà connu au moyen Orient, celui-ci y aurait été introduit au retour des croisades. • Technique rouet et grande roue Le rouet permet de produire du fil plus rapidement et donc en plus grande quantité. Il permet aussi d’utiliser des laines de qualités moindre aux fibres moins longues, mais tordues en un brin plus épais. L’impulsion est donnée à la roue au moyen de la poignée. On bloque le fil en le tenant perpendiculaire. Pour enrouler la partie produite, on écarte le bras : le fil rentre sur la bobine. Cet apport de fil va permettre l’émergence d’une autre technologie : celle du foulon. les étoffes faites avec ses fils moins tordues sont moins solides. Par contre elles acquièrent une consistance nouvelle, plus épaisses et plus solides et imperméables quand on les fait feutrer. Les premiers moulins à foulon connus datent du XIème siècle, et sont construits dans les domaines monastiques. Mais nous sommes à l’époque féodale. A cette époque la propriété de la terre se trouve partagée entre les moines et les seigneurs. • Coutumes Boniface VI C’est à l’occasion de la rédaction des Coutumes données aux ides de juillet 1252 à ses sujets par Boniface VI de Castellane que nous les trouvons mentionnés pour une première fois Voici que parmi les principaux privilèges accordés

« Le seigneur baron ne fera aucune sorte d’engin, comme auberge, foulerie, moulin, etc…, dans les fonds des habitants contre leur volonté. Bien plus, le seigneur Boniface promet de faire détruire ceux qui auraient été établis de la sorte, et de ne plus en faire quelque part que ce soit, sans l’agrément du maître de la terre. »

S’agit-il de foulon à drap ou de foulon à tan, nous ne pouvons le savoir. Ce que semble certain, c’est que souvent le foulon à drap est couplé avec un moulin à blé.

Des foulons ou paroirs sont mentionnés dans les textes pour la fin du XIIIème et le XIVème siècle. Difficiles à retrouver sur le terrain et pourtant cela semble possible pour celui de Taloire.

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• Le foulon de Taloire, 22 feux, éloigné du village, sur l’autre rive du Verdon, relié par un chemin et un guet. Le foulon sert manifestement à plusieurs communautés : celle de Villars Brandis, peut-être celles de Chasteuil ou même celle de Castellane.

A quoi ressemble le drap produit. Les brins de laine sont foulés de façon qu’ils s’accrochent les uns aux autres, et que le tissu soit le plus épais et le plus solide possible ; chaîne et trame sont inextricablement mêlés et non reconnaissables, un grand nombre de bouts de fil dépassant lorsqu’on regarde ou que l’on touche le tissu. • Gypserie. On comprend l’importance de sa fabrication quand on réalise qu’à cette époque on se vêt uniquement de tissus et drap de laine. Avec par dessus des peaux d’animaux pour se protéger du froid. Ainsi le chasseur au portail de la cathédrale de Senez, ainsi les moines dont les robes sont en laine. Le XIIIème siècle est une période de prospérité. La population connaît un accroissement qui la porte aux mêmes chiffres qu’au XIXème bien plus tard. On imagine sans peine l’accroissement de la demande en textile et en viande. • Les centres textiles en europe. De grands centres textiles se sont développés partout en Europe. Le moyen Verdon se rattache par sa production textile à la zone majeure de production de drap lombarde et alpine. Aux XVIIème et XVIIIème siècles Le XVIIème et le XVIIIème siècle sont après une période très sombre de l’histoire du moyen Verdon des siècles d’accroissement de la population et d’essort économique. L’élevage a évolué sous la pression du poids économique de l’élevage ovin. Parce qu’il rapportait à qui avait les moyens de posséder des bêtes, le plus possible de bêtes. Le menu bétail a ainsi pris le pas sur les bovins. Trente bêtes, un trentenier, constituent le minimum de bêtes à avoir pour qu’un troupeau soit rentable. Ce petit troupeau représente le genre de troupeau dont disposent les villageois. Ces bêtes ne transhument pas. Elles pâturent dans un rayon restreint avec des remues jouant sur l’altitude . • Le troupeau muraire. Le troupeau transhumant. Des troupeaux ont commencé de transhumer, de plus en plus nombreux, de plus en plus grands, à partir de la fin du XIVème siècle vers les zones d’alpages, qui commencent dans le moyen Verdon avec l’Aup, Teillon… Les bêtes qui montent de Basse Provence ont un régime alimentaire différent de celles qui demeurent sur place. Elles sont nourries d’herbes dites « fines » sur des pâturages globalement plus secs. Ce qui influe sur la croissance de la laine : nourrir les bêtes de luzerne, sainfoin et trèfle provoque en effet une perte de qualité par la production d’une laine plus grossière • La finesse de la laine. La laine des troupeaux locaux est donc plus grossière et plus sale, les bêtes rentrant en bergerie une partie de l’hiver pour le nord du moyen Verdon, alors que les bêtes transhumantes sont tenues dehors. Une sélection s’opère donc : vers des bêtes à toison blanche, ce qui permet de teindre la laine ou le tissu, vers des bêtes à laine plus fine, à toison plus régulière. • Le chanvre

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La plupart des villages se sont déperchés, abandonnant les sites médiévaux. Ils se situent en bas de pente, plus près de l’eau, et souvent au contact de voies de communication. La culture du chanvre, plante textile industrielle à forte valeur ajoutée, fait son apparition dans le moyen Verdon. Elle est développée dans les zones irrigées. Le chanvre est cultivé à l’égal des plantes potagères dans des terres riches et fumées proches du village. D’où les quartiers de Teilles, plus tard Teyes, à Saint André et ailleurs, susceptibles d’être surveillés. Le chanvre réussit aussi très bien à Barrême, à Castellane • Filasse fil, broies Les plantes mâles et femelles sont triées : les plantes mâles plus grêles sont prélevées plus tôt. Les plantes sèches sont mises à rouir, pour corrompre la chenevotte autour de laquelle se trouvent les fibres utilisables. On emploie les broies pour la concasser. La filasse en est ensuite peu à peu séparée par passage de poignées de fibres sur des serrans, des cardes à chanvre. La filasse est enfin filée. Le fil imputrescible est extrêmement solide. Le cordier en fait des cordes, le tisseur à toile du tissu, utilisé pour faire des sous vêtements, des draps de force pour les travaux des champs. Le chanvre cependant ne se teint pas. A partir de Colbert, va se manifester une volonté d’améliorer la qualité des draps. On entre dans une phase de rationalisation du produit. Les règlements qui vont se succéder sont sans effet dans la vallée du Verdon où de nombreux draps sont produits dans les région de Colmars Allos. Car tels qu’ils sont, grossiers, communs mais solides, ils trouvent preneurs en Piémont de l’autre côté de la frontière. L’intérêt de cette période, c’est que cette volonté s’accompagne d’écrits qui décrivent les techniques employées, essaient de fixer les savoir-faire en préalable à leur amélioration. Ainsi • Diderot dans l’Encyclopédie, donne-t-il une définition du drap (puis l’art de la draperie en 1775). « le drap est formé d’une chaîne et d’une trame qui ont été également cardées… Toutes les étoffes unies de laine…, ne se fabriquent que de deux façons : ou à simple croisure ou à double ; tout ce qui est fabriqué à simple croisure est de la nature du drap quand il foule… et quand il ne foule pas il est de la nature de la toile. Tout ce qui est fabriqué à double croisure est serge, soit qu’il foule, soit qu’il ne foule pas ». • La chaîne opératoire La laine une fois tondue a été triée par qualité : dos le meilleur, les flancs, le reste. La laine est lavée de juin à août, à l’eau le moins froide possible. Elle reste en suint dans le moyen Verdon. Ce qui aide à la filer, et conduit à produire des draps naturellement imperméables du suint de la bête, dits draps communs. On trie les pailles, la peinture des marques, les restes de ficelle de chanvre. Les laines sont battues sur des claies de sangle ou corde pour perdre le maximum de poussière. La laine est ensuite cardée. Cardeur à laine est un métier masculin, le premier des Honnorat connu un peu avant 1600 est cardeur à laine. La laine est ensimée, aspergée d’huile d’olive de plus basse qualité. Puis carder au banc à carder. Aux cardes à mains on continue d’ouvrir la laine, faire sortir le poil, mais en faisant des paquets de dimensions différentes selon qu’ils seront filés pour fil de chaîne ou de trame. Cela pour la laine commune. Si la laine est belle, elle est peignée après avoir été cardée. Les fibres sont longues, le fil sera mince, plus sec. Les petits paquets de laine sont filés : au grand tour, à la roue pour les cardés, ou au rouet. Il faut avant de monter le métier à tisser ourdir la chaîne. Autant de bobines que de fils. Autant de fils de chaîne que le règlement l’indique pour telle ou telle sorte d’étoffe.

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La fonction de la chaîne est d’être solide et de porter le fil de trame. On l’encolle pour qu’elle ne s’use pas, ne peluche pas, ne casse pas. Tisser consiste ensuite à ouvrir la foule, l’ensemble des fils, par le jeu de marches commandées au pied, alors que soient des enfants, soient les tisserands s’ils sont deux à travailler envoient dans l’espace ouvert la navette garnie de fil de trame. Puis la duite est serrée contre l’étoffe déjà tissée en faisant battre le peigne. Le nombre de coups donnés est fonction du genre d’étoffe tissé. Les lisières tissées à part sont ajoutées à mesure du tissage. Puis « le tissu », le drap en toile est porté au moulin à foulon. Suivent les apprêts. Là, il est mouillé, imprégné de terre à foulon, d’urine et ou de savon, chacun a sa recette, mis dans le pot du foulon et battu plus ou moins longtemps selon les genres d’étoffes. Il sera à deux reprises au moins changé de pli, le but est de l’amener à la largeur marchande du type d’étoffe, puis équarri, battu en long. Si le drap est teint c’est à ce moment, car il est mouillé. Nombre de foulonniers sont aussi teinturiers. Puis on pratique le lainage. Le drap est chardonné, en trois passages. C’est à dire que peu à peu le poil est sorti. Les chardons cardères utilisés sont d’abord des chardons usagés, on finit avec des chardons neufs. Le drap est rincé au dégorgeoir entre deux passages au chardon : le foulon les frappe alors quasi horizontalement. Dans le moyen Verdon sont produits des draps communs, qui conviennent aux paysans, aux bergers. Ces cordeillats sont le plus souvent couleurs de la bête Ils sont écoulés localement jusque vers 1730 à Saint André. A partir de cette époque un marchand dignois, nommé Papon, de saint André par sa mère et qui y possède diverses propriétés, va favoriser le commerce des draps vers Turin. Saint André qui avait une production artisanale va la développer à partir de ce moment. On produit aussi des étoffes plus fines, telles les burates, qui portent les femmes. Ces étoffes sont assez souvent colorées. Les tisseurs à toile tissent quant à eux des draps de demi-laine à chaîne de chanvre et trame de laine. Ils tirent parti des savoir-faire du travail de la laine. La fabrication des draps de demi-laine en quantité est une spécificité du moyen Verdon. Le textile, produit d’un long travail, est alors objet de valeur. On fait l’inventaire des pièces de linge dans une maison au même titre que de son mobilier. Quelques exemples : • Rapport d’estime Simon Brochier époux de Madeleine Sauvan en 1763. Le roi de

sardaigne a fermé la frontière de ses états, bloqué l’écoulement des draps français sur son territoire. Simon Brochier, maître à foulon a fait faillite.

sept chemises de femme asez bonnes et sans Garniture toille de maison Trois fort usées Une chupe (jupe ?) estofe de maison couleur bleue Fort usée Une autre couleur de prune fort usée Une autre estofe de maison couleur rouge

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Une autre chupe et un bonbet noir très usés Deux tabliers indienne Six coefes avec quatre ponches Un mauvais corps Un tour de lit de demy laine couleur d’or En quatre ridos demy usés compris la porte Les bancs du lit et les planches Une couverte de laine blanche demy usée Trois autres demy usées Cinq paillasses Dix linceuls fort usés toile de maison Et sept servietes demy usées Et Une paire d’escarasses avec un pigne pour la laine Seize livres chanvre Une panal grènes de chanvre • Ce que peuvent représenter les figurations du costume sur l’es voto de barrême 1765, le

drap de moine que porte notre dame de la Mercy, la nativité de la vierge St Lions. Le travail tant qu’il est resté domestique avait été affaire de femme. Quand il devient artisanal, il devient affaire d’hommes. Ceux-ci s’organise en confréries quand ils sont assez nombreux, avec un saint patron. • St Blaise, St jean-Baptiste, Sainte Germaine Au XVIIIème siècle, à Castellane les tisseurs à toile sont rassemblés sous celle de Saint-Michel, les chapeliers sous celle de saint Sébastien, les ménagers sous celle de saint Blaise, les marchands-tailleurs sous celle de saint Clair, Il existe plusieurs confréries à Saint-André : parmi lesquelles celle de Saint Jean-Baptiste. Sainte Germaine, à Angles matérialise le côté pastoral d’Angles. Au XIXème et début du XXème siècle La révolution industrielle commence en Angleterre au XVIIIème siècle. La révolution porte d’abord sur l’industrie textile pour améliorer les rendements en fil et optimiser le travail des tisserands . • Moutons La finesse des laines des moutons espagnols mérinos a longtemps fait rêver toute l’Europe. Un troupeau a été introduit en France à la fin du XVIIIème siècle. La race mérinos d’Arles va être fixée au début du XIXème siècle. Napoléon incitera à l’introduction de béliers mérinos dans les troupeaux français. On obtiendra ainsi par métissage des laines très blanches, très régulières et très fines. L’industrialisation de la draperie sera dans un premier temps , les année 1810, un regroupement de tisserands au sein d’un même bâtiment. Le foulonnier, des teinturiers sont à l’origine de cette démarche, parce qu’ils disposent de moyens financiers, mais aussi parce qu’ils ont la pratique du commerce de la laine et des draps. Ils ont surtout à cette époque les moyens de bâtir.

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Puis la draperie va être mécanisée. En premier lieu par André Honnorat qui achète des machines à filer et ouvre une première draperie industrielle à Saint André en 1818. On y produira désormais du drap de Saint André dans ce qui restera la plus importante fabrique du Moyen Verdon. Il en existera trois à saint André, dont la fabrique Arnaud, mais on trouve aussi des fabriques à Moriez, la Mure et Castellane, dont celle de Notre Dame dans une église : Notre Dame du Plan vendue comme bien révolutionnaire Et des foulons à Barrême, Castillon, Saint André. Plus proches des villages, en lien avec le développement de la draperie artisanale Savoir-faire et machinisme • La machine d’Arkwright en 1768. L’ancêtre. On imagine d’abord d’augmenter le nombre

de fuseaux. Plusieurs années d’efforts seront nécessaires avant la mise au point de la première Mule jenny, machine de filature mécanique.

• Machines de la fabrique Honnorat « six cardes valant cinq mille francs, trois muljenny et une tondeuse système Collier valant quatre mille francs, trois filatures en gros valant huit cent francs, neuf filatures en fin valant huit cent francs onze grands métiers à tisser les draps valant mille francs quatre petits métiers à tisser valant cent francs un battoir pour la laine et deux … valant trois cent francs un ourdissoir et ses accessoires valant cent francs un garnissage, un broyage, une tondeuse système Garrignes et leurs accessoires valant treize cent cinquante francs deux rames valant cent cinquante francs. un lustrage et ses accessoires valant cent francs trois chaudières à teinture, instruments pour le collage, des … et le lavage de la laine valant mille francs » acte de donation partage d’André Honnorat et Marie Ravel en 1841 A noter la valeur des « mécaniques » par rapport à celle des métiers qui sont fait localement, sans changement depuis le XVIIIème siècle. La fabrique remet le tisserand au centre du dispositif de fabrication du drap. La filature a été mécanisée. Il y aura plus tard une peigneuse dans la fabrique Honnorat. • Une jarre à huile dans le jardin de la Sapinière rappelle l’emploi de l’huile d’olive pour

ensimer le drap. Apportée depuis la côte à dos de mûle. Cette huile ne pénètre pas la fibre. Elle s’élimine plus facilement que la graisse animale au dégraissage.

• La teinture. On note l’abondance de chêne chargé de galles d’Alep, qui étaient employées pour teindre en noir. Cette teinture nécessitait aussi de l’indigo.

• Mortier à indigo. • Les étoffes teintes en rouge à la garance sont utilisées pour les uniformes. Des draps qui se différencient : Les couvertures de cheval trouvent toujours preneur, à motifs de carreaux, couleur de la bête et inusables. On emploie des draps plus fins pour se vêtir : les femmes portent toujours la robe de laine, les hommes des costumes de drap.

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Il n’y a plus à cette époque de confréries de métier, mais la bourgeoisie locale se montre en habit militaire à l’occasion de la bravade. Conclusion La fabrique Arnaud ferme en 1908. La fierté demeure d’avoir été tisserand : • Matrice propriétés bâties 1911 Arnaud Benonin fabricant à métiers à St-André Chaillan Joseph tisseur chez Bongarçon (fabrique Honnorat) à Saint André Groulet Jean-Baptiste, fils de Jean Baptiste tisserand à Saint-André Guigues François tisserand à Saint-André Poitevin Joseph, tisserand à Saint-André Rebuffet Joseph tisseur à Saint-André Les gestes pastoraux d’antan vont être abandonnés. On sortira encore une fois fuseaux et quenouilles durant la seconde guerre mondiale. La tradition drapière est aujourd’hui éteinte. Demeure l’élevage, avec d’autres gestes, d’autres moyens, avec d’autres visées dont celle de tenir ouvert un milieu qui se ferme. Le temps qui passe incite aujourd’hui à prêter une autre valeur, patrimoniale, à la draperie. Cette année 2008, cent ans après la fermeture de la fabrique Arnaud, est celle de la réalisation du parcours patrimoine et draperie qui la fait revivre, en avant garde nous l’espérons d’autres projets qui la remettrons à sa juste place dans le patrimoine du Moyen Verdon.