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ESC 171 ESCTER 15 F bis Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION DE L’ECONOMIE ET DE LA SECURITE LE FINANCEMENT DU TERRORISME RAPPORT Nathalie GOULET (France) Rapporteure, Sous-commission sur les relations économiques transatlantiques

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171 ESCTER 15 F bisOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE L’ECONOMIE ET DE LA SECURITE

LE FINANCEMENT DU TERRORISME

RAPPORT

Nathalie GOULET (France)Rapporteure,

Sous-commission sur les relations économiques transatlantiques

197 ESCTER 14 E bis

www.nato-pa.int 10 octobre 2015

TABLE DES MATIERES

I. INTRODUCTION.........................................................................................................1

II. LES EXIGENCES FINANCIERES DES ORGANISATIONS TERRORISTES..............1

III. LE TRANSFERT DE FONDS DU LIEU D’ORIGINE AU GROUPE TERRORISTE..............................................................................................................3

IV. LE TRAFIC DE DROGUE............................................................................................6

V. LE TRAFIC D’ARMES..................................................................................................6

VI. LE TRAFIC D’ETRES HUMAINS.................................................................................7

VII. L’UTILISATION FRAUDULEUSE DU SYSTEME BANCAIRE, LA FRAUDE PAR CARTE DE CREDIT ET PAR CHEQUE......................................................................9

VIII. LE PROBLEME DES ETATS FAILLIS, DES SANCTUAIRES ET DES QUASI-ETATS : LE CAS DU GROUPE ETAT ISLAMIQUE........................................9

IX. LE USA PATRIOT ACT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME.........................12

X. ACCORDS INTERNATIONAUX................................................................................13

XI. CONCLUSION : LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DU TERRORISME - DIRECTIVES POUR LES GOUVERNEMENTS........................................................15

BIBLIOGRAPHIE.......................................................................................................19

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I. INTRODUCTION

1. Les gouvernements occidentaux engagés dans une lutte persistante et difficile contre le terrorisme sont contraints d’intervenir à plusieurs niveaux. Cette lutte implique généralement une myriade de ministères, de forces de sécurité et de police. Néanmoins, son aspect financier revêt une importance croissante. Les organisations terroristes ne peuvent en effet fonctionner sans financement, un talon d’Achille potentiel qui les expose à des contre-mesures, tout en offrant des pistes aux forces chargées de lutter contre le terrorisme. Les organisations terroristes isolées et autonomes ne peuvent souvent se limiter à leur environnement immédiat pour obtenir et transférer des fonds, ce qui offre aux responsables de la lutte contre le terrorisme une opportunité unique et essentielle de pister ces organisations afin de les affaiblir. Celles-ci possèdent toutefois une grande capacité d’adaptation et leurs techniques évoluent rapidement, parallèlement au renforcement des réglementations et à la compréhension des méthodes utilisées par leurs adversaires.

2. Le défi est de taille. Le terrorisme revêt une multitude de formes et de dimensions. Le groupe Etat islamique (EI ou Daech) est désormais considéré comme la plus importante et la plus riche organisation terroriste. Il contrôle une vaste portion de territoire en Syrie et en Iraq, et adopte la forme, sinon la légitimité, d’un quasi-Etat, disposant de multiples formes de financement pour ses opérations militaro-terroristes. Il est par ailleurs évident que les « loups solitaires » qui opèrent dans un isolement relatif peuvent perpétrer des attentats psychologiquement dévastateurs, aux conséquences politiques considérables. Au-delà de l’adhésion collective à une mission, ce qui unit ces deux extrêmes est un besoin commun de financement pour accomplir leurs opérations, soutenir ceux qui les mènent, et couvrir les dépenses nécessaires à l’organisation, à la propagande et au recrutement. En règle générale, plus l’organisation est grande, plus il semble facile de suivre ses canaux de financement. A cet égard, les « loups solitaires » posent un énorme problème, car ils n’ont besoin d’aucun financement externe et agissent à l’abri des regards de ceux qui cherchent à suivre la trace des capitaux.

3. La traçabilité du financement des organisations terroristes joue donc un rôle central dans la lutte contre celles-ci. Le présent projet de rapport se propose d’examiner la manière dont cet aspect de la lutte est désormais mis en œuvre, comment il a conduit et peut conduire à d’autres résultats et quels sont les obstacles persistants qui se présentent à l’heure de démasquer ces groupes par le biais d’enquêtes financières.

II. LES EXIGENCES FINANCIERES DES ORGANISATIONS TERRORISTES

4. Diriger une organisation terroriste peut s’avérer onéreux. Des fonds sont nécessaires non seulement pour mener des opérations violentes, mais également pour payer les salaires de membres dévoués, recruter et former de nouveaux adhérents, concevoir et faire circuler la propagande (documents écrits, sites internet et vidéos), acquitter les coûts d’infrastructure, d’autodéfense et de sécurité, couvrir les frais de voyage et même transférer les fonds du point de collecte jusqu’à ceux qui les utiliseront pour accomplir la tâche de l’organisation. Sur le plan financier, les opérations militaires constituent simplement la partie immergée de l’iceberg.

5. En premier lieu, mener des opérations terroristes ne constitue pas, en soi, une entreprise extrêmement coûteuse. Les attentats du 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis auraient entraîné un coût de 3 300 milliards de dollars en dommages physiques, conséquences économiques, mesures de sécurité intérieure, financement de la guerre et des conflits ultérieurs, et soutien aux anciens combattants. Le coût de cette opération pour al-Qaïda n’a quant à lui représenté qu’environ 500 000 dollars (Carter & Cox). Cette asymétrie suscite évidemment de graves préoccupations. A une époque où les sociétés évoluées sont étroitement liées par des réseaux hautement intégrés, leur vulnérabilité est manifeste. La capacité pour des individus de

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semer le chaos s’accroît substantiellement en raison de l’interconnexion croissante des réseaux d’information et des infrastructures.

6. Il va de soi qu’un certain nombre d’opérations terroristes récentes d’envergure ont eu un coût nettement moindre que les attentats du 11 septembre. C’est ainsi, par exemple, que les explosions qui ont touché les transports publics londoniens en juillet 2005 n’ont probablement pas coûté plus de 8 000 livres et les experts estiment à quelque 10 000 dollars le coût des attentats contre des trains à Madrid (FATF, 2008). Trouver l’origine de montants si modiques revient à chercher une aiguille dans une botte de foin.

7. Alors que le coût d’une opération spécifique est difficilement identifiable, les ressources considérables requises par les groupes terroristes pour leurs besoins organisationnels représentent presque une aubaine. Al-Qaïda aurait dépensé quelque 30 millions de dollars par an avant les attentats du 11 septembre en frais de subsistance, de formation et d’armement, ainsi que pour aider les talibans, qui lui offraient un sanctuaire en Afghanistan. La plupart des organisations terroristes actuelles sont néanmoins plus fragmentées et leur niveau de financement beaucoup moins élevé, même si le groupe Etat islamique représente une exception à cet égard.

8. Les groupes terroristes peuvent récolter et transférer de l’argent d’un certain nombre de manières, par le biais de l’économie légale ou parallèle, via des canaux criminels occultes et le marché noir. Certains d’entre eux sont en mesure de recourir à cette fin via des organismes officiels de bienfaisance, entreprises, banques et systèmes légaux de transfert de fonds parallèles (comme les banques hawalas, par exemple). Les activités criminelles représentent une autre source importante de financement et peuvent faciliter la circulation de ces fonds frauduleux.

9. L’évasion fiscale constitue une activité discrète, génératrice de revenus illégaux pour les groupes terroristes et leurs commanditaires. La forme la plus commune d’évasion fiscale implique des personnes ou des entreprises qui s’abstiennent simplement de signaler tous leurs revenus ou qui exagèrent leurs frais généraux pour payer moins d’impôts. Ce faisant, elles génèrent une source occulte d’argent qui peut être transféré à des activistes terroristes. Parmi les exemples d’évasion fiscale figurent la non-déclaration de la totalité des revenus ou des cotisations sociales retenues sur le salaire des employés, le paiement de rémunérations en liquide sans déduction des taxes, la non-présentation d’une déclaration d’impôt en vue d’éviter un paiement ou toute autre obligation, l’imputation erronée de frais ou de charges légalement déductibles et la demande de crédits de taxes sur des marchandises ou des services, parallèlement aunon-paiement de taxes sur des intrants admissibles. Les montants générés par ces activités illégales peuvent ensuite être transférés directement ou indirectement à des organisations impliquées dans des opérations terroristes.

10. Le financement parrainé par des Etats représente une autre source de revenus pour les organisations terroristes. Manifestement, ces Etats disposent de nombreux moyens de transférer des fonds par-delà les frontières. Se pose également le problème lié aux Etats faillis ou aux sanctuaires situés au sein de pays ravagés par des conflits, qui peuvent fournir tout un éventail de soutiens au financement d’organisations terroristes et qui sont en mesure de faciliter les mouvements de fonds destinés à leurs membres sur le terrain.

11. On comprend dès lors que, depuis le 11 septembre, identifier les sources de financement des groupes terroristes est devenu une priorité absolue non seulement pour les décideurs politiques impliqués dans la lutte contre le terrorisme, mais également pour les autorités de tutelle dans le domaine de la réglementation financière. Cela n’est évidemment pas surprenant. Les réglementations qui renforcent la transparence des transactions financières internationales et qui luttent contre le blanchiment d’argent, la fraude fiscale ou la corruption politique compliquent immanquablement la tâche des groupes terroristes cherchant à transférer des fonds.

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Parallèlement, les lois conçues pour piéger les terroristes peuvent parfois également frapper d’autres personnes ou organisations impliquées dans la criminalité financière. Ainsi, plus ces règles seront globalisées, plus elles s’avéreront efficaces.

12. Les méthodes de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme sont souvent identiques, même si les objectifs diffèrent. Elles cherchent toutes à dissimuler l’origine et les mouvements de ressources financières aux yeux des autorités. Depuis quelques années cependant, il existe des preuves de l’évolution substantielle des méthodes de financement du terrorisme et cela exige une nouvelle série de contre-mesures. Il est également important de tenir compte des circonstances différentes auxquelles sont confrontés les groupes terroristes agissant en Occident de ceux qui sont actifs au Moyen-Orient, en Afrique du Nord ou en Afrique subsaharienne, où la nature des Etats et le contexte politique sont très différents. Il va de soi que les liens forgés entre les organisations terroristes basées en Occident et celles qui se situent au-delà de l’Amérique du Nord et de l’Europe ont également un sérieux impact dans le contexte du financement de ces organisations.

13. Les groupes terroristes autofinancés génèrent leurs propres revenus, par des moyens légaux ou illégaux. Un projet de recherche mené par l’Institut norvégien de recherche pour la défense (FFI) a constaté que 90 % des organisations qu’il a étudiées sont impliquées dans des activités lucratives et que près de 50 % d’entre elles sont totalement autofinancées. L’autofinancement peut provenir d’actes de petite délinquance, mais également d’un recours aux salaires légaux des adhérents, à des allocations sociales, aux revenus d’une activité professionnelle légale, à des prêts personnels, ainsi qu’à un soutien financier apporté par la famille ou des amis. Les combattants étrangers pénétrant en Syrie emmènent souvent de l’argent avec eux pour financer leurs activités militaires. Certains des combattants saoudiens sont particulièrement bien dotés à cet égard (Freeman & Ruehsen).

14. Les personnes qui projettent des attentats en Europe occidentale bénéficient souvent d’une aide financière provenant de salaires ou des économies de membres de la cellule. Certains groupes et personnes reçoivent néanmoins de l’argent de groupes internationaux. Un quart environ des organisations étudiées par le FFI bénéficie d’un soutien extérieur direct (Oftedal). Les cellules envoyant des combattants à l’étranger ont tendance à recevoir des fonds d’organisations terroristes étrangères. Ces cellules peuvent en outre bénéficier plus souvent d’un parrainage lors de la formation de leurs membres dans d’autres pays. Ces contacts personnels facilitent inévitablement le transfert d’argent liquide et d’autres biens.

III. LE TRANSFERT DE FONDS DU LIEU D’ORIGINE AU GROUPE TERRORISTE

15. Les terroristes effectuent des transferts de fonds de multiples manières. Les banques connectées à l’échelon international jouent un rôle important à cet égard, bien que le niveau de contrôle de ces institutions se soit nettement accru depuis 2011 et que les terroristes qui font usage de ces services s’exposent désormais à plus de risque d’arrestation. Des fonds peuvent également être transmis en mains propres par des passeurs, mais cette méthode est manifestement inefficace et expose les terroristes à davantage de risques. D’autre part, des biens peuvent transiter par le système commercial international, notamment via le transfert physique de marchandises telles que des diamants. Chacune de ces méthodes représente un défi spécifique pour les responsables de la lutte contre le terrorisme. Il est souvent difficile pour les services de sécurité et les régulateurs des marchés financiers de distinguer les activités légitimes de celles qui ne le sont pas, tandis que – comme déjà mentionné – les terroristes sont parfaitement au fait des contre-mesures auxquelles ils sont confrontés et s’y adaptent en permanence.

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16. Il est plus commode pour les organisations terroristes de transférer des sommes importantes en un seul envoi, mais cela peut aussi s’avérer risqué. L’argent liquide est volumineux et peut aisément attirer l’attention des douaniers. Cela n’est donc pas la manière la plus sûre de procéder. Les banques et les hawalas peuvent évidemment assurer le transfert de sommes importantes de manière sûre, mais ces opérations sont également susceptibles d’être détectées, surtout dans les pays où les réglementations financières sont strictes. Le caractère pratique représente un facteur important, qui influence sans aucun doute le choix de procédé. Les diamants, par exemple, sont de petits objets qui peuvent se dissimuler bien plus facilement que de l’or, plus lourd et plus volumineux. Ce choix est en outre conditionné par les cultures locales, les infrastructures, la situation et les caractéristiques géographiques, ainsi que par les réseaux commerciaux. Les terroristes préfèrent la simplicité à la complexité, et cherchent à minimiser le nombre d’acteurs impliqués dans toute transaction. Les considérations de coût sont également importantes et les terroristes essaient de réduire les dépenses liées aux opérations afin de protéger leur capital. Enfin, ils doivent également tenir compte de la rapidité avec laquelle ils peuvent effectuer ces transferts (Freeman & Ruehsen). 17. Il existe plusieurs canaux bien établis, utilisés par les réseaux terroristes, pour transférer l’argent nécessaire au financement de leurs activités :

1) Des passeurs assurent le transport d’argent liquide ou d’autres instruments financiers physiques. De telles opérations sont plus courantes dans les régions où les systèmes bancaires sont rudimentaires et mal intégrés. Les valeurs transportées ne sont pas nécessairement très importantes, et l’avantage réside dans le fait que ce genre d’activité est difficile à détecter. Le Groupe d’action financière (GAFI) fournit des recommandations spéciales pour aider les autorités à relever ce défi spécifique et pour empêcher les activités des opérateurs travaillant consciemment, ou non, pour des organisations terroristes. Elles incluent les sanctions recommandées pour les auteurs de fausses déclarations des valeurs en leur possession lors du franchissement d’une frontière et la possibilité pour les douaniers de confisquer les fonds suspects. Les financiers du terrorisme utilisent également parfois le transport maritime pour transférer des quantités importantes d’argent liquide aux agents terroristes.

2) Les systèmes de transfert de fonds parallèles (hawalas) représentent un sous-ensemble important du système bancaire international. A l’instar du système bancaire moderne, les hawalas, dont l’objectif est assurément légitime, font désormais l’objet de contrôles plus stricts. Ils doivent notamment identifier de manière satisfaisante les expéditeurs et les bénéficiaires. Il existe différents types de Systèmes informels de transfert (SIT) de fonds, en fonction de la zone géographique. Ces réseaux opèrent dans des zones éloignées, où il n’y a aucun système bancaire officiel, et leurs transactions n’exigent pas le transfert physique d’argent liquide entre pays, car elles reposent sur la confiance entre deux hawaladars (agents de change). Les hawalas et autres SIT sont rapides (les transactions s’effectuent habituellement en quelques heures), relativement bon marché (avec des taux de change concurrentiels et des frais de transaction modérés), anonymes et de portée potentiellement mondiale. Avant les attentats du 11 septembre, al-Qaïda a utilisé les hawalas pour transférer d’un pays à l’autre une grande partie de ses fonds.

3) On sait également que les groupes terroristes ont recours à des Entreprises de services monétaires (ESM), ou modalités de transferts télégraphiques, pour le transfert rapide de fonds à un coût minime, avec (initialement) de faibles risques. Les ESM étaient à l’origine distinctes des banques du secteur officiel, dans la mesure où elles n’appliquaient pas systématiquement de procédures rigoureuses d’identification du client (« Know Your Customer »). Ces procédures sont désormais obligatoires. Les ESM constituaient ainsi l’une des méthodes préférées de transfert de fonds par les terroristes, mais l’attention renforcée des autorités a permis de corriger cette faille.

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4) Le système bancaire officiel joue également un rôle dans les transferts monétaires des groupes terroristes. L’avantage de ces structures réside dans le fait qu’elles offrent un moyen peu onéreux et très rapide de transférer des fonds entre pays. Des sociétés légitimes ou écrans sont souvent utilisés pour masquer le véritable destinataire de l’argent, ce qui complique considérablement la traçabilité des fonds « blanchis ». Les guichets automatiques offrent un autre moyen de transférer de l’argent d’un pays à l’autre. Ici aussi, toutefois, les relevés bancaires peuvent être exploités pour enquêter sur les transferts. Le secteur bancaire est fortement réglementé dans les pays occidentaux et de plus en plus dans la plupart des pays émergents. De nouvelles directives internationales encouragent les autorités à exiger des banques la tenue de bases de données actualisées, à connaître leurs clients, à signaler les transactions supérieures à 10 000 dollars et à faire état de tout transfert douteux. Les banques demeurent néanmoins vulnérables aux manipulations des terroristes, qui peuvent, par exemple, bénéficier de l’aide d’employés corrompus pour leurs opérations de blanchiment d’argent ou le détournement de comptes de correspondants bancaires. Ces comptes permettent à des banques off-shore d’effectuer des transactions dans une monnaie forte comme le dollar américain. Ceci étant, le système bancaire officiel représente sans doute la méthode la plus risquée pour transférer des fonds liés au terrorisme, car les banques sont en général soumises à une supervision stricte et doivent disposer de contrôles internes sophistiqués, même si ceux-ci ne garantissent pas à eux seuls le respect intégral de l’esprit de la loi. C’est ainsi que l’on a récemment découvert que plusieurs des principaux soutiens financiers d’al-Qaïda, collectivement appelés la « Chaîne d’or », possédaient des comptes dans des succursales suisses de HSBC (Swissleaks).

5) L’une des méthodes de blanchiment d’argent les plus difficiles à détecter est la fausse facturation. Celle-ci déguise la transmission de fonds entre pays par le biais d’une surfacturation ou d’une sous-facturation. Les responsables de la lutte contre le terrorisme sont également de plus en plus confrontés au problème des monnaies virtuelles ou électroniques telles que le « bitcoin ». Ces unités de compte peuvent être négociées presque anonymement dans le monde entier par les utilisateurs et converties en monnaies réelles. Ce type de change attire évidemment l’attention d’organisations telles que le GAFI, qui cherche à veiller à la transparence des transactions financières internationales. Le « bitcoin » a servi d’unité de compte sur le site internet occulte et notoire Silk Road [en français « Route de la soie »], qui facilitait le blanchiment d’argent, le trafic de drogue, et qui pourrait bien avoir servi au financement d’organisations terroristes (FATF, juin 2014).

6) Les organismes caritatifs constituent encore un autre vecteur pour les transferts à des groupes terroristes, par le biais d’activités de bienfaisance par ailleurs légitimes. Ici aussi, il est essentiel d’identifier les donateurs et les bénéficiaires, pour être sûr que le transfert soit tout à fait transparent et non pas qu’il s’agisse d’une transaction terroriste déguisée. Il est également important de veiller à ce que les œuvres caritatives elles-mêmes soient légitimes et non pas simplement des organismes de façade. Cela exige une approche plus globale du secteur non marchand de la part des régulateurs officiels, une surveillance plus étroite des activités des organismes en question, une connaissance plus approfondie de leurs contacts internationaux, ainsi que des partenariats avec les régulateurs de structures similaires dans d’autres pays.

18. Si les méthodes de transfert de ressources financières sont nombreuses, les groupes terroristes disposent d’une panoplie de moyens plus impressionnante encore pour générer des revenus. Cela représente un défi particulier pour les autorités impliquées dans la lutte contre ces groupes. Relever ce défi avec efficacité exige une approche élargie et doit impliquer de nombreux ministères, organismes régulateurs, autorités locales, sans oublier le secteur privé.

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IV. LE TRAFIC DE DROGUE

19. Le trafic de drogue constitue depuis longtemps une source lucrative de financement pour les terroristes, mais son importance s’accroît encore avec la diminution du soutien apporté à ces derniers par des Etats. Les Nations unies estiment que le commerce international de la drogue génère environ 322 milliards de dollars de revenus par an. Le trafic de drogue est un commerce mondial illicite qui implique la culture, la production, la distribution et la vente de substances dont la consommation fait l’objet d’une interdiction ou d’un contrôle légal strict. Les drogues offrent de nombreuses possibilités de revenus aux organisations terroristes, telles la taxation des cultivateurs et des cartels locaux, ainsi que les activités de protection de tous les aspects de la production, du commerce et de la distribution. Les groupes terroristes peuvent également s’impliquer directement dans le trafic (Braun).

20. L’Afghanistan illustre particulièrement bien cette situation, car la production d’opium y représente depuis longtemps une source essentielle de revenus pour les talibans et al-Qaïda (Oehme). L’Asie du Sud-Ouest continue pour sa part à assurer quelque 90 % de la production illicite mondiale d’opiacés, pour une valeur marchande approchant les 33 milliards de dollars par an (UNODC, 2015). Le cas afghan représente une sorte de modèle pour la franchise exercée par al-Qaïda. Ainsi, al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) est désormais directement impliquée dans des opérations de trafic de drogue dans tout le Sahara et le Sahel. Le chef de la Direction centrale française du renseignement intérieur a récemment déclaré qu’AQMI avait accumulé un « trésor de guerre » grâce à ces opérations, et qu’il utilisait cette manne financière pour investir dans d’autres entreprises rémunératrices, recruter de nouveaux membres, défendre l’organisation et commettre des attentats conçus pour déstabiliser les pays de la région.

21. AQMI a longtemps pratiqué le trafic de cigarettes et d’autres marchandises, ce qui lui a permis de se doter des réseaux et de l’expérience nécessaires pour passer sans difficulté à des activités de trafic de narcotiques beaucoup plus lucratives. Les analystes pensent qu’AQMI a désormais établi un partenariat avec les cartels de la drogue latino-américains et collabore directement avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) pour transférer de la cocaïne vers les marchés européens (Ramzi). AQMI assure, en outre, la protection et le passage en toute sécurité d’autres trafiquants faisant transiter de la drogue par les zones qu’il contrôle et où la présence de l’Etat est absente ou quasi inexistante.

22. En 2011, la Banque libanaise du Canada (BLC) a été convaincue de collaboration avec des entreprises de services monétaires situées à Beyrouth qui canalisaient de l’argent généré par le trafic de drogue dans l’hémisphère occidental vers le Hezbollah. Le mécanisme était des plus compliqués et impliquait l’achat de voitures d’occasion auprès de concessionnaires libanais aux Etats-Unis. Les voitures étaient acheminées en Afrique et vendues contre de l’argent liquide. L’argent de la drogue était mêlé à ces recettes, puis envoyé à la BLC à Beyrouth. L’implication de la Banque libanaise du Canada dans ce mécanisme était pour une grande part l’œuvre de plusieurs employés, qui étaient parvenus à tromper les agents de contrôle de l’institution. La BLC a néanmoins été jugée responsable de ne pas avoir détecté cette activité illégale (Freeman & Ruehsen).

V. LE TRAFIC D’ARMES

23. Le trafic d’armes représente une autre source courante de financement pour les groupes criminels et terroristes (Mark R. Jacobsen & Max Daurora). Il est difficile de mesurer l’importance du commerce illicite des armes au niveau mondial vu le flou existant entre les ventes illégales d’armes légères et de petit calibre et celles d’armements conventionnels. Il n’en demeure pas moins que les experts estiment qu’à lui seul, le commerce illégal d’armes légères et de petit calibre atteint un milliard de dollars par an (Council on Foreign Relations). Depuis les années 90,

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l’ONU a conscience des liens extrêmement dangereux entre les marchés d’armes illicites et les organisations terroristes.

24. L’arrivée d’armes militaires libyennes dans le Sahara et le Sahel après la chute du colonel Mouammar Kadhafi en 2011 illustre parfaitement l’ampleur de ces dangers. La situation anarchique en Lybie après l’éviction de Kadhafi a permis la dissémination par air, terre et mer d’armes dans des pays allant du Nigéria à la Syrie (Arrouas). D’après un récent rapport d’un groupe d’experts des Nations unies, des armes provenant de Lybie ont atteint la Tunisie, l’Algérie, le Mali, le Niger, le Tchad, le Nigéria, la République centrafricaine, la Somalie, l’Egypte et la bande de Gaza. Il en résulte que l’ensemble de la région est à présent menacé. Ces armes ont exacerbé la guerre civile au Mali et compliquent fortement les efforts pour parvenir à la paix et rétablir l’autorité de l’Etat dans plusieurs régions, qui se caractérisent désormais par l’anarchie et la violence. Plusieurs organisations terroristes bénéficient non seulement d’un accès aisé à ces armes, mais également des revenus générés par leur vente à d’autres groupes.

25. Le trafic d’armes peut donc apporter à une organisation terroriste des fonds et d’autres armes pour mener des attentats. Des groupes tels qu’AQMI, Ansar Bayt al-Maqdis basé dans le Sinaï, ou Ansar al-Sharia en Lybie, ont tous bénéficié du trafic d’armes venant de Libye. Les bénéfices de cette activité ont fourni un ballon d’oxygène à la milice salafiste Ansar al-Sharia, qui passe pour avoir organisé les attentats de 2012 contre le consulat américain à Benghazi (Hunt, 2014).

VI. LE TRAFIC D’ETRES HUMAINS

26. Des études récentes permettent de penser que le trafic des êtres humains constitue l’activité criminelle internationale qui s’accroît le plus rapidement au monde (site internet Stop the traffik). L’Organisation internationale pour les migrations estime que cette pratique abominable génère 35 milliards de dollars par an. En 2012, l’Organisation internationale du travail estimait pour sa part à 20 millions environ le nombre de personnes victimes de travaux forcés ou d’exploitation sexuelle à l’échelle mondiale. Ce chiffre est près de deux fois plus élevé que les estimations de 2005 (12,3 millions). Le trafic des êtres humains peut se dérouler aussi bien au sein d’un pays que par-delà les frontières et utilise souvent les mêmes réseaux que le trafic d’armes et de drogue. On estime que 27 % des victimes signalées en 2012 ont fait l’objet d’une traite dans leur propre pays et près de la moitié au sein de la même région (UNODC, 2012).

27. Estimés à plusieurs milliards de dollars, les bénéfices récoltés par la migration illicite justifient l’intérêt des organisations terroristes pour cette activité (Belser), qui répond en outre directement à leurs besoins organisationnels. Les victimes de ce trafic peuvent en effet devenir des militants, servir d’ « épouses » ou de porteurs, de cuisiniers, de domestiques ou d’esclaves sexuels aux chefs ou cadres terroristes. Les personnes enlevées font l’objet de demandes de rançons ou sont exécutées en public à des fins de propagande. Le trafic des êtres humains peut, d’autre part, servir des buts très divers. C’est ainsi que le réseau Ansar al-Islam, basé à Milan, a généré des millions d’euros en se livrant au trafic de migrants kurdes vers l’Europe (Vidino). Il a, en outre, fait entrer en Iraq au moins 200 militants provenant d’Europe. Les services de renseignement portugais ont constaté que des groupes terroristes pratiquaient régulièrement la migration illicite pour récolter des fonds (Agence France Presse). De jeunes hommes et femmes afghans et pakistanais sont souvent conduits clandestinement par-delà la frontière pour devenir des militants ou pour servir de concubines à des terroristes de haut rang. Les groupes Etat islamique et Boko Haram au Nigéria ont fait les grands titres de la presse en se livrant au trafic d’esclaves à des fins de propagande, de recrutement et de financement.

28. L’enlèvement contre rançon est pratiqué de longue date par les terroristes pour récolter des fonds. L’instabilité croissante dans de nombreuses régions du monde favorise toutefois l’expansion de cette pratique et nombre de groupes terroristes en tirent profit. Les terroristes

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recourent à l’enlèvement pour diverses raisons : recrutement forcé, instillation de la peur dans les communautés locales et internationales, représailles, exécutions publiques, ainsi que pour attirer l’attention tout en propageant leur message. La campagne d’enlèvements, d’« éducation » et d’exécutions du groupe Etat islamique s’avère assurément efficace à cet égard, bien qu’elle génère nettement plus de dégoût que d’admiration. Son objectif consiste toutefois à intimider les adversaires et à recruter quelques mécontents susceptibles d’être séduits par le message nihiliste de l’organisation terroriste. Le paiement de rançons représente, en outre, une source majeure de revenus pour de nombreux groupes terroristes. Le sous-secrétaire américain au Trésor David S. Cohen a récemment déclaré que seul le parrainage par des Etats représente une source de financement plus lucrative pour les terroristes, même si l’importance respective des diverses sources varie considérablement d’un groupe à l’autre.

29. L’enlèvement est effectué par le groupe terroriste lui-même ou par des proches d’une cible de haute valeur, qui peuvent ensuite revendre celle-ci au groupe intéressé. Ressortissants étrangers, hommes d’affaires prospères et membres du personnel de grandes sociétés et entreprises constituent les cibles privilégiées. L’enlèvement de personnes « de faible valeur » est plus fréquent, mais les étrangers et autres cibles « de haute valeur » ont généralement la préférence, car ils rapportent davantage. On pense ainsi que plusieurs gouvernements d’Europe et du Moyen-Orient ont payé des millions de dollars pour la libération de leurs ressortissants. Des éléments prouvent qu’ils ont, en outre, consenti des concessions politiques, telles la remise en liberté de terroristes emprisonnés (Anyimadu). Cela est devenu une source de tensions entre certains pays alliés. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni en particulier refusent d’acquitter des rançons et critiquent les gouvernements qui acceptent cette pratique, faisant valoir qu’ils ne font qu’encourager les enlèvements. En 2013, le Premier ministre britannique David Cameron a fait figurer ce problème en bonne place à l’ordre du jour de la réunion du G8 présidée par son pays, tout en encourageant les autres dirigeants à signer un communiqué soulignant la manière dont les rançons servent aux groupes terroristes pour le recrutement et l’accroissement de leurs capacités opérationnelles.

30. Dans le cadre de cette attitude intransigeante face au paiement de rançons et pour éviter qu’il accroisse les réserves financières des groupes terroristes, le parlement britannique a adopté, en 2015, la Loi sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme (Counter-Terrorism and Security Act), qui interdit spécifiquement aux compagnies d’assurance de rembourser à leurs clients des rançons payées à des terroristes. Cette décision du gouvernement Cameron répond à la crainte qu’une assurance couvrant l’enlèvement et le paiement d’une rançon permette aux terroristes de penser que la rançon sera remboursée par l’assureur, générant ainsi un environnement propice au paiement de rançons. Cette disposition légale crée un nouveau type de délit, et interdit explicitement le remboursement d’un paiement lorsque l’assureur sait - ou a une bonne raison de suspecter - qu’il a été effectué en réponse à une exigence de terroristes. La violation de cette loi est punissable d’une amende et d’un emprisonnement pouvant atteindre 14 ans. Les chefs et dirigeants des compagnies d’assurance peuvent, en outre, être tenus personnellement responsables dans de tels cas.

31. La Libye, le Sahel et le Yémen sont des centres particulièrement actifs d’enlèvements, tandis que l’essor du groupe Etat islamique en Syrie et en Irak rend désormais cette région du Moyen-Orient particulièrement dangereuse à cet égard. Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) et le Front al-Nosra sont par exemple devenus des partisans convaincus des méthodes de financement reposant sur l’enlèvement contre rançon. Les services de renseignement des Etats-Unis et du Royaume-Uni considèrent qu’il s’agit de la plus importante source de revenus d’AQPA, qui a généré jusqu’à 20 millions de dollars de 2010 à 2012 (Callimachi) et 20 millions supplémentaires en 2013 (KRM Magazine).

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VII. L’UTILISATION FRAUDULEUSE DU SYSTEME BANCAIRE, LA FRAUDE PAR CARTE DE CREDIT ET PAR CHEQUE

32. La fraude par carte de crédit engendre d’énormes défis pour les organismes de réglementation financière. A une époque d’intégration des réseaux de données, le niveau de la fraude liée au crédit s’accroît, de même que les bénéfices qu’elle génère pour les groupes criminels et terroristes. Le vol de numéros des cartes de crédit et d’informations relatives aux clients est devenu une infraction courante liée à la cybercriminalité, exploitée par les groupes terroristes. La fraude par chèque constitue un stratagème plus ancien et moins sophistiqué, également utilisé pour générer des revenus précieux pour les terroristes. Le GAFI a par exemple signalé qu’une organisation terroriste basée en Afrique du Nord avait engagé 50 personnes pour pratiquer la fraude par chèque et récolter ainsi des fonds à Londres (FATF, 2008).

VIII. LE PROBLEME DES ETATS FAILLIS, DES SANCTUAIRES ET DES QUASI-ETATS : LE CAS DU GROUPE ETAT ISLAMIQUE

33. Les Etats faillis, les sanctuaires au sein de territoires nationaux et l’apparition de vastes zones contrôlées par des terroristes et organisées en quasi-Etats (le groupe Etat islamique en Irak et en Syrie) suscitent des préoccupations croissantes pour les responsables de la lutte contre le terrorisme. Dans ces régions, l’influence de la communauté internationale et du maintien de l’ordre est, pour le moins restreinte. Les groupes terroristes qui sévissent dans des zones non gouvernées ou qu’ils contrôlent, sont en mesure d’opérer pratiquement sans restriction. C’est ainsi, par exemple, qu’en Afghanistan, avant les attentats du 11 septembre 2001, les talibans contrôlaient l’Etat et offraient leur protection à al-Qaïda, alors sur le point de commettre ces attentats contre les Etats-Unis. Dans certaines parties de Syrie et d’Irak, le groupe Etat islamique est devenu l’autorité de fait, même si sa légitimité n’est pas nécessairement acceptée localement et est fermement rejetée au niveau international. Lorsque des groupes de ce type monopolisent le pouvoir local, ils accumulent de nouveaux moyens financiers et rivalisent avec le pouvoir traditionnel de l’Etat. La taxation, la tarification douanière, le contrôle des services et d’autres entreprises légitimes peuvent considérablement accroître les moyens dont ces groupes disposent et compliquer les efforts internationaux pour tarir leurs sources de financement. Des problèmes de ce type sont désormais évidents dans certaines parties au moins de la Somalie, dans la région frontalière pakistano-afghane et en Libye. Le contrôle exercé par le Hezbollah sur certains éléments de l’appareil d’Etat libanais peut également être considéré dans cette optique (Myres).

34. Le cas du groupe Etat islamique suscite désormais des préoccupations majeures parmi les responsables de la lutte contre le terrorisme, car sa base de financement est extrêmement large. Elle inclut en effet le raffinage et la contrebande de pétrole, une fiscalité informelle, la collecte de péages routiers, le vol, le pillage de banques, l’extorsion, les enlèvements contre rançon, le trafic d’argent liquide et d’or, ainsi que le détournement de fonds de bienfaisance et de donations. Nombre des opérations de racket du groupe Etat islamique impliquent des techniques mafieuses éprouvées. Le groupe a démontré sa capacité à imposer ces systèmes en toute impunité. Il peut ainsi lever des taxes sur les frais de scolarité des enfants, exiger de l’argent des commerçants contre une protection ou comme contribution, rançonner les fermiers et les simples citoyens en échange de services qui se limitent souvent à une simple protection contre le pillage et les déprédations du groupe Etat islamique lui-même. Celui-ci prétend avoir besoin de ces revenus pour assurer les services de base dans les régions qu’il occupe, bien que la qualité de ces services soit pour le moins douteuse et ne cesse apparemment de se dégrader. L’administration du groupe Etat islamique s’apparente ainsi beaucoup plus à un racket de style mafieux qu’à l’activité légitime d’un Etat, même si sa propagande cherche à démontrer qu’il administre effectivement un Etat sur la base des principes d’un califat traditionnel. En ne fournissant pas les services de base promis, le groupe Etat islamique risque de perdre le soutien de la population et pourrait donc finir par être confronté à une résistance intérieure contre son autorité.

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35. On estime que le groupe Etat islamique contrôle 40 % des régions productrices de blé en Iraq, ce qui lui assure d’importants revenus et lui permet d’affamer les chrétiens, les yézidis et d’autres parties de la population considérées comme des ennemis. Les fermiers qui vivent dans des régions de Syrie et d’Iraq contrôlées par le groupe Etat islamique sont désormais soumis à la « zakat », une partie de leur production devant être remise au groupe en qualité d’« aumône légale ». Le groupe Etat islamique confisque également le matériel agricole et le reloue ensuite aux fermiers. Il s’est emparé d’un certain nombre d’installations de stockage, ce qui lui confère une capacité de fixer les prix et de contrôler la distribution. Signalons enfin que le groupe Etat islamique profite de son contrôle sur plusieurs barrages pour inonder et détruire intentionnellement les terres agricoles de ceux qu’elle considère comme ses ennemis (FATF, 2015).

36. Le groupe Etat islamique a en outre pris le contrôle d’un certain nombre de banques en Iraq et, alors qu’il considère que les banques publiques lui appartiennent, il taxe les opérations des banques privées (FATF, 2015). Des responsables américains ont récemment estimé que le groupe Etat islamique disposait d’environ 500 millions de dollars déposés dans des banques publiques dans plusieurs provinces d’Iraq. La majeure partie de ces fonds est libellée en dinars et leur utilisation à l’échelle internationale est très limitée. Le groupe Etat Islamique a mis en place ses propres gérants dans un certain nombre de banques, qui se sont empressés de confisquer l’argent des chrétiens et ont frappé de taxes les autres détenteurs de compte, dont 5 % sur tous les retraits de fonds. Le prétexte invoqué est la collecte de l’aumône islamique à des fins religieuses. Dans d’autres cas, le groupe Etat islamique a fait l’impasse sur ces prétextes théologiques et s’est contentée de piller les banques de villes comme Falloujah, Ramadi ou Deir ez-Zor.

37. Des indices évidents révèlent également que le groupe Etat islamique récolte dans de nombreuses régions les donations effectuées par des gens séduits par son idéologie et qui soutiennent sa mission. Cela ne représente pas une source majeure de revenus pour l’organisation, mais les sommes ne sont pas négligeables pour autant. Une partie de cet argent provient de la région du Golfe et certains donateurs aisés apportent leur aide. Le groupe Etat islamique utilise également des techniques internet sophistiquées de crowdfunding (financement participatif) pour générer des fonds et pour encourager le soutien. Cette activité de financement est directement liée à des militants occidentaux qui se rendent en Syrie et en Iraq pour rejoindre le groupe Etat islamique. Nombre d’entre eux sont porteurs de sommes d’argent destinées à soutenir l’organisation et à garantir leur participation à ses opérations militaires. Il est donc essentiel de considérer également cette facette comme une part significative des modes de financement du groupe Etat islamique.

38. Le trafic des êtres humains constitue une autre source notoire de financement pour le groupe Etat islamique, qui reconnaît se livrer au trafic de femmes et d’enfants et même tenir des marchés d’esclaves, où des membres de communautés minoritaires comme les yézidis sont achetés et vendus. Certains de ces esclaves sont rendus à leur famille contre paiement d’une rançon. Cette activité n’est pas particulièrement lucrative pour Daech, mais elle revêt une importance symbolique et est célébrée dans sa propagande.

39. La destruction d’œuvres d’art inestimables a récemment suscité l’attention des médias, mais ce que l’on sait peut-être moins, c’est que le groupe Etat islamique pille des trésors syriens et iraquiens, et cherche à les vendre au marché noir. Ici encore, il est très difficile d’estimer combien d’argent ce commerce lui rapporte, mais il s’agit certainement de plusieurs dizaines de millions de dollars. Le groupe Etat islamique sert donc ses intérêts de deux manières : il exploite pour sa propagande la destruction de monuments inestimables, tout en pillant et en vendant tout un éventail d’œuvres d’art de grande valeur, avec l’aide d’organisations criminelles disposant de nombreux contacts internationaux. Il a été démontré, en outre, que certaines de ces œuvres d’art

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sont acquises par des musées étrangers et des marchands d’œuvres d’art (Ajoury). Certains de ces artefacts se retrouvent en Occident et les autorités doivent clairement et sévèrement condamner ces pratiques véreuses, interdites depuis 1956 par la Convention de La Haye pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

40. Il va de soi qu’une grande partie des ressources ainsi générées aide le groupe Etat  islamique à conserver le contrôle des régions conquises et à satisfaire des exigences organisationnelles. Toutefois, l’organisation n’administre pas les territoires qu’il gouverne et n’exploite pas les ressources de ces régions de manière durable. Cela est peut-être l’une des raisons pour lesquelles elle cherche constamment à étendre la zone qu’elle contrôle. Bien sûr, cette expansion se conforme aussi à une idéologie inspirée par la vision d’un califat mondial.

41. En s’emparant de territoires en Syrie et en Iraq, Daech a pris le contrôle d’un certain nombre de champs pétroliers et a immédiatement cherché à monétiser ces ressources par le biais de l’extraction, du raffinement et de la vente d’une série de produits pétroliers. Il s’agit là d’une source cruciale de financement pour l’organisation, qui se heurte toutefois à de sérieuses limites en la matière. Le groupe Etat islamique ne peut utiliser des canaux légaux pour vendre ces produits hors de Syrie et d’Iraq, car aucun pays n’accepterait ouvertement de faire des affaires avec lui. Il est dès lors contraint d’écouler en contrebande une partie du pétrole non consommé sur le territoire qu’il occupe, un moyen supplémentaire de soustraire des richesses aux populations sous son contrôle. Cette nécessité de recourir à la contrebande pour écouler le pétrole excédentaire limite considérablement sa capacité de monétiser efficacement cette ressource.

42. Il apparaît que le groupe Etat islamique s’appuie sur des réseaux et des clans de trafiquants en Syrie et en Iraq et qu’il les utilise pour échanger du pétrole brut contre des produits pétroliers raffinés. A l’heure actuelle, il est très difficile d’estimer l’ampleur de ce trafic et les revenus qu’il génère. On sait qu’il vend du brut à la tête de puits pour environ 20 à 35 dollars le baril, ce qui offre d’importantes possibilités d’arbitrage à ceux qui acceptent de s’impliquer sur ce marché risqué (FATF, 2015). Il est également évident que la coalition s’attaque aux raffineries et aux convois pétroliers, tandis que le départ des opérateurs du secteur privé ayant les compétences techniques requises pour faire fonctionner ces raffineries a considérablement diminué la capacité du groupe Etat islamique à monétiser cette ressource. L’organisation a, par ailleurs, mis la main sur une série d’usines de phosphate et de souffre, ainsi que de cimenteries et de mines en Syrie et en Iraq. Ici aussi, elle pratique la vente directe et la contrebande. Ces activités génèrent probablement des dizaines de millions de dollars, même si elles sont moins lucratives que le trafic de produits pétroliers.

43. Le très lucratif commerce des produits énergétiques auquel se livre le groupe est désormais menacé. Les frappes aériennes de la coalition ciblent spécifiquement les installations énergétiques dans les régions contrôlées par l’organisation et visent à amoindrir sa capacité d’obtenir rapidement et facilement de l’argent comptant. D’autres acteurs régionaux, à l’instar de la Turquie, se montrent en outre plus vigilants face aux activités de contrebande de Daech et lancent des opérations répressives à leurs frontières pour empêcher l’expédition et la vente de produits énergétiques provenant des régions contrôlées par l’organisation. Comme le groupe Etat islamique mène une guerre, il a besoin d’utiliser une part importante de l’énergie qu’il produit pour faire fonctionner sa machine militaire, de plus en plus impliquée dans des opérations défensives. Cette situation épuise également ses ressources. Rappelons enfin que le prix du pétrole a presque diminué de moitié l’année dernière, de sorte que Daech est confronté à une détérioration des termes de l’échange pour la plus importante ressource économique sous son contrôle.

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IX. LE USA PATRIOT ACT ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME

44. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, les autorités américaines ont adopté un certain nombre d’initiatives destinées à faciliter la détection des transactions financières susceptibles d’être liées à des opérations de financement du terrorisme. Un excellent exemple, à cet égard, est le titre III du USA Patriot Act de 2001. Intitulé Réduction du blanchiment d’argent international et Lois de financement anti-terroriste, ce titre III amende, de manière substantielle, la Loi sur le secret bancaire de 1970 (« BSA »), en améliorant les obligations en matière de rapports, en renforçant les normes de structuration des transactions et en exigeant la mise en œuvre et la supervision de l’identification des clients et des programmes de lutte contre le blanchiment.

45. L’un des principaux changements pour les banques, faisant suite à l’adoption de cette loi, réside dans l’obligation de comparer les informations sur le client à une liste de noms de personnes et d’organisations soupçonnées d’entretenir des liens avec des groupes terroristes. Si le nom d’un client apparaît sur la liste, la banque doit le signaler au Financial Crimes Enforcement Network (« FinCEN »), une division du département du Trésor. Il est en outre expressément interdit aux institutions financières d’informer un client figurant sur la liste qu’il fait l’objet d’un rapport. Le titre III du Patriot Act modifie également le BSA en ce sens qu’il exige des institutions financières et non financières qu’elles dressent une Déclaration d’opérations en espèces (DOE) et que celle-ci soit transmise au FinCEN pour toutes les transactions égales ou supérieures à 10 000 dollars.

46. Le Patriot Act exige des institutions financières qu’elles prennent des mesures raisonnables pour obtenir et conserver des informations sur tout étranger ayant accès à un compte ouvert et tenu aux Etats-Unis sans en être le titulaire. Cette loi inclut également des réglementations conçues pour promouvoir les efforts de coopération visant à décourager le blanchiment d’argent. Le Trésor et d’autres organismes américains ont été contraints d’édicter des réglementations permettant le partage d’informations entre institutions financières. Le Patriot Act rend plus difficile la fusion ou la consolidation de holdings bancaires avec d’autres sociétés du même type qui ne sont pas en mesure de présenter de bons antécédents dans la lutte contre le blanchiment d’argent. La loi complique également la fusion d’institutions de dépôt garanti avec des institutions de dépôt non garanti lorsque l’institution de dépôt garanti a de mauvais antécédents en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. Le Patriot Act prévoit la confiscation des biens s’il existe une suspicion de terrorisme international ou de blanchiment d’argent.

47. Cet ensemble de lois rend plus difficile la dissimulation de l’identité de personnes ou de groupes qui procèdent à des transactions ou ouvrent des comptes aux Etats-Unis. Il établit des normes que les institutions financières doivent adapter pour identifier les clients qui ouvrent des comptes. Les institutions financières opérant aux Etats-Unis doivent désormais conserver les renseignements utilisés lors de la vérification de l’identité d’une personne et vérifier si le nom fourni figure sur la liste des personnes ou organisations identifiées comme terroristes ou suspectées de terrorisme.

48. La section 313 du Patriot Act interdit les banques fictives étrangères non affiliées à une banque physiquement présente aux Etats-Unis ou non soumises à la supervision d’une autorité bancaire en dehors des Etats-Unis. Les institutions financières sont désormais obligées d’identifier les propriétaires de toute banque non américaine et non cotée en bourse, et de s’assurer que ces banques ne sont pas impliquées dans des opérations de blanchiment d’argent. Elles doivent également identifier le propriétaire de tout compte ouvert et détenu dans une banque privée aux Etats-Unis par un citoyen non américain. La section 325 exige des institutions financières qu’elles signalent les comptes centralisateurs qui regroupent des avoirs appartenant à un ou plusieurs clients, et adoptent des méthodes permettant de déterminer la quotité de chaque

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client. Cela permet de déceler plus facilement les mouvements financiers suspects et leurs auteurs.

49. Plusieurs sections du Patriot Act traitent des actions entreprises en dehors du territoire des Etats-Unis. La section 315 comprend les dispositions relatives au blanchiment d’argent illicite  : transaction financière effectuée aux Etats-Unis pour commettre un crimeviolent ; corruption de fonctionnaires et transaction frauduleuse impliquant des fonds publics ; contrebande ou exportation illégale de munitions réglementées ; importation non autorisée de toute arme à feu ou munition.  Il inclut également tout délit pour lequel les Etats-Unis seraient obligés, dans le cadre d’un traité avec un pays étranger, d’extrader des suspects. La section 328 oblige pour sa part le secrétaire au Trésor à encourager les gouvernements étrangers à exiger d’inclure le nom du donneur d’ordre d’un virement bancaire envoyé aux Etats-Unis et vers d’autres pays, et exige également que ce nom soit archivé. L’amélioration de l’archivage est d’ailleurs une conséquence majeure du Patriot Act, qui influence de manière importante la communauté internationale.

50. A de nombreux égards, le Patriot Act marque un tournant radical en matière de surveillance des institutions financières et de définition claire de leur obligation de signaler des activités financières suspectes. Cela n’a pas seulement des implications pour le financement du terrorisme. Ces nouveaux outils sont également très efficaces pour combattre le blanchiment d’argent et la corruption. Ils ont finalement permis d’établir de nouvelles normes, utilisées par de nombreux pays pour adapter leur législation. Les différences entre systèmes légaux et cultures politiques impliquent, naturellement, que chaque pays applique les principes clefs de cette très importante et influente législation, avec certaines variantes.

X. ACCORDS INTERNATIONAUX

51. Les accords internationaux pour lutter contre le financement du terrorisme sont essentiels, car l’argent est fongible et franchit bien trop facilement les frontières. Aucun pays ne peut résoudre ce problème isolément et des partenariats internationaux sont donc essentiels. Les Nations unies s’attaquent à ce financement du terrorisme en utilisant un certain nombre d’outils. La Branche Prévention du terrorisme (BPT) de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) se focalise sur les aspects légaux du problème, dont la ratification des instruments légaux universels appropriés et, en particulier, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (1999).

52. Le Programme global contre le blanchiment d’argent, les recettes du crime et le financement du terrorisme, également sous l’égide de l’ONUDC, fournit aux gouvernements des stratégies et une assistance technique pour s’attaquer aux criminels et aux terroristes qui transfèrent de l’argent par le biais du système financier international. Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté plusieurs résolutions et établi une liste de sanctions internationales dans laquelle figurent plusieurs individus et entités suspectés de financer le terrorisme. Ceux qui figurent sur la Liste des sanctions contre al-Qaïda font l’objet d’un gel des avoirs et d’une interdiction de voyager, ainsi que d’un embargo sur les armes sur la base de la Résolution 2161. Il est obligatoire pour les Etats membres d’appliquer les mesures de sanction, qui peuvent exiger, pour tout individu ou entité associés à un groupe désigné par le Conseil, le gel des avoirs, l’interdiction d’entrer ou de transiter par leur territoire, et l’interdiction de la fourniture directe ou indirecte, de la vente et du transfert d’armes et d’équipements militaires.

53. Le Groupe d’action financière (GAFI) est devenu un organe international essentiel en matière de contrôle du financement du terrorisme. Cet organe indépendant et intergouvernemental élabore et assure la promotion des politiques de protection du système financier mondial contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération d’armes de destruction

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massive. Il a élaboré une série de recommandations reconnues comme normes internationales dans ce domaine. D’application universelle, ces recommandations ont été émises pour la première fois en 1990, puis révisées en 1996, 2001, 2003 et, tout récemment, en 2012, pour veiller à ce qu’elles demeurent actuelles et appropriées.

54. Les recommandations ont fait l’objet d’une importante révision en octobre 2001, lorsque le GAFI a étendu son mandat pour s’attaquer au problème du financement des attentats et des organisations terroristes. Il a franchi une étape importante en élaborant les Huit (plus tard portées à Neuf) Recommandations spéciales sur le financement du terrorisme et intègre depuis lors la lutte contre le financement du terrorisme dans ses responsabilités. Le GAFI n’a aucun pouvoir judiciaire ou contraignant, mais constitue un organe de surveillance qui examine les progrès réalisés par les différents pays dans la mise en œuvre des recommandations. Il tient à jour la liste noire des Etats et Territoires non coopératifs (ETNC), qui répertorie officiellement ces pays qui ne respectent pas les normes internationales minimales recommandées en matière de lutte contre le financement du terrorisme. Les institutions financières et pays membres du GAFI peuvent, en outre, imposer leurs propres contre-mesures spécifiques à l’encontre des pays qui ne respectent pas les normes internationales.

55. Le défi grandissant représenté par le groupe Etat islamique incite la communauté internationale à revoir les stratégies, lois et accords existants de lutte contre le terrorisme, afin d’identifier les domaines dans lesquels des améliorations peuvent être apportées. A la suite de la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G7 à Dresde, en Allemagne, en mai 2015, les responsables allemands, états-uniens, britanniques, canadiens, français, italiens et japonais ont décidé la création, par les pays du G7, d’un système plus étendu de gel des avoirs et une meilleure coordination dans l’application de ces mesures à l’échelon national. Ils ont également décidé d’adopter des mesures assurant une plus grande transparence des flux financiers internationaux et d’améliorer les échanges d’informations entre leurs services respectifs de renseignement financier, notamment via le renforcement de l’autorité, des ressources et des outils de ces services.

56. L’UE a, pour sa part, adopté des mesures importantes afin d’améliorer son arsenal de lutte contre le financement du terrorisme. A cet effet, en juin 2015, elle a revu son cadre légal contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Chaque membre de l’UE tiendra désormais un registre central regroupant des informations sur les propriétaires ultimes des sociétés et autres entités légales, afin d’assurer une plus grande transparence des transactions financières. Dans le cadre des nouvelles mesures, les entreprises devront mettre en œuvre des contrôles internes plus stricts pour lutter contre le blanchiment d’argent et les activités de financement du terrorisme. La nouvelle Directive contre le blanchiment d’argent prévoit des amendes pouvant atteindre 5 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires annuel pour les entreprises violant les nouvelles réglementations. Les pays membres prennent par ailleurs leurs propres mesures. C’est ainsi, par exemple, que la France a adopté de nouvelles mesures pour limiter la capacité des terroristes à utiliser anonymement des espèces. A partir du 1er septembre 2015, les exigences de signalement des retraits d’espèces seront plus strictes et les banques seront tenues de signaler les transactions mensuelles égales ou supérieures à 10 000 euros à Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).

57. Au sein de l’OTAN, le Plan d’action du partenariat contre le terrorisme (PAP-T) représente un cadre par le biais duquel les pays alliés et partenaires peuvent œuvrer, par la consultation politique et toute une série de mesures pratiques, à l’approfondissement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme. Le PAP-T est également proposé, au cas par cas, aux pays qui participent au Dialogue méditerranéen de l’OTAN et à d’autres pays intéressés. Les pays participants conviennent individuellement du niveau de leur participation avec l’Alliance. Le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) offre, quant à lui, un forum pour l’échange d’informations sur les aspects économiques de la lutte internationale contre le terrorisme. Cela

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inclut, en particulier, des réglementations pour contrer le financement de l’activité terroriste et pour analyser les méthodes et les sources de financement des groupes terroristes.

XI. CONCLUSION : LUTTE CONTRE LE FINANCEMENT DU TERRORISME - DIRECTIVES POUR LES GOUVERNEMENTS

58. Les responsables de la lutte contre le terrorisme sont contraints de surveiller tout un éventail de moyens plus ou moins sophistiqués visant à assurer le transfert de fonds entre le point de collecte et ceux qui soutiennent, planifient et exécutent activement des activités. Toutefois, clairement, le suivi de l’argent peut s’avérer très efficace. La surveillance du financement des organisations terroristes créé des opportunités d’intercepter les fonds et de démasquer des acteurs clefs des réseaux. L’endiguement des flux de financement entrave manifestement la capacité de ces organisations de mener des opérations, mais également de gérer leur structure organisationnelle et de recruter et conserver des militants. Cela peut également contraindre les organisations terroristes à adopter des politiques plus risquées et à opérer en des endroits plus vulnérables, où elles sont susceptibles d’attirer l’attention et d’être appréhendées. Enfin, cela peut nuire à leur cohésion et à leur moral, et les responsables de la lutte contre le terrorisme, dans leur ensemble, considèrent que cela peut s’avérer bien plus efficace de saper ces organisations que de chercher à entraver leurs opérations (FATF, 2008).

59. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, des efforts concertés cherchent à coordonner la politique internationale, afin de mieux réglementer les institutions et pratiques financières susceptibles d’être utilisées pour rassembler et transférer des fonds destinés aux groupes terroristes. Les règles de connaissance de l’identité des clients et le devoir de vigilance imposées aux banques sont désormais beaucoup plus répandues, même si les récentes révélations concernant HSBC décrites plus haut indiquent qu’il reste encore bien du chemin à parcourir.

60. Le Groupe d’action financière a publié 40 recommandations sur le blanchiment d’argent qui, pour beaucoup, sont manifestement liées à la lutte contre le financement du terrorisme. Il a, en outre, publié IX Recommandations spéciales sur le financement du terrorisme pour aider les gouvernements à structurer leurs efforts dans ce domaine. Il est intéressant de rappeler ici ces IX recommandations, car elles fournissent des orientations générales très complètes pour tous les gouvernements décidés à lutter contre le financement du terrorisme.

1) Chaque pays devrait prendre les mesures immédiates pour ratifier et mettre en œuvre sans restriction la Convention de 1999 des Nations unies pour la répression du financement du terrorisme, ainsi que les 11 résolutions des Nations unies relatives à cette question.

2) Chaque pays devrait ériger en infraction pénale le financement du terrorisme, des actes terroristes et des organisations terroristes. Les pays devraient s’assurer que de telles infractions soient désignées comme infractions sous-jacentes au blanchiment de capitaux.

3) Chaque pays devrait geler sans délai les avoirs des terroristes et adopter et mettre en œuvre des mesures, y compris de nature législative, afin de permettre leur saisie et leur confiscation.

4) Les institutions financières devraient être tenues de déclarer toutes transactions financières suspectées – ou ayant des motifs raisonnables de l’être – d’être associées au financement d’organisations ou d’actes terroristes.

5) Chaque pays devrait tout mettre en œuvre pour faciliter l’échange d’informations sur les questions relatives au financement du terrorisme et prendre des mesures en vue d’assurer qu’ils ne servent pas de refuge aux personnes poursuivies pour financement

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d’organisations ou d’actes terroristes. Des procédures permettant l’extradition de telles personnes sont également nécessaires.

6) Chaque pays devrait s’assurer que les institutions informelles de transfert de fonds obtiennent une autorisation d’exercer et qu’elles soient assujetties à toutes les Recommandations du GAFI qui s’appliquent aux banques et autres institutions financières.

7) Chaque pays devrait exiger des renseignements exacts et utiles relatifs au donneur d’ordre concernant les transferts de fonds. Ces renseignements devraient accompagner la transaction tout au long de la chaîne de paiement. Les institutions financières devraient être responsables de la surveillance de ces transferts et prêtes à signaler toute activité suspecte.

8) Les pays devraient entreprendre un examen de l’adéquation de leurs lois relatives aux organismes de bienfaisance et aux organismes sans but lucratif pour veiller à ce qu’ils ne puissent être utilisés par des organisations terroristes ou devenir des « paravents » pour de telles organisations.

9) Les pays devraient adopter des mesures destinées à détecter les transports physiques transfrontaliers d’espèces et d’instruments au porteur, y compris un système de déclaration ou toute autre obligation de communication et s’assurer que des sanctions adéquates s’appliquent aux personnes procédant à de fausses déclarations (FAT, 2014).

61. La plupart de ces mesures exigent une coopération considérablement renforcée entre les institutions financières et les services d’application des lois, de même qu’une coopération transfrontalière, pour veiller à ce que toutes les parties œuvrent en harmonie et non de manière contradictoire. Les services nationaux du renseignement financier ayant une connaissance approfondie des réseaux devraient disposer d’outils puissants pour mener leurs enquêtes. Ces efforts exigent également une sensibilisation efficace des juridictions où sont réceptionnés les fonds, afin qu’enquêtes et arrestations soient possibles aux deux extrémités de la chaîne. 62. Les gouvernements qui respectent les normes figurant implicitement dans les recommandations du GAFI ont renforcé les normes d’information financière et introduit de nouvelles règles régissant les banques, les organisations de bienfaisance et les institutions de transfert de fonds. Elles sont désormais obligées d’exercer une surveillance sur leurs clients et de signaler toute transaction suspecte. Ces gouvernements cherchent en outre à établir des listes des organisations et personnes suspectes, pour pouvoir les empêcher d’accéder à leurs réseaux et services. Le défi se situe souvent au niveau de la fusion des informations générées par les banques sur des opérations financières potentiellement suspectes et de l’identification des responsables de la lutte contre le terrorisme sur des individus et des réseaux terroristes. C’est précisément pour cette raison qu’une étroite consultation est essentielle entre services publics et secteur privé. Les services de renseignement financier continueront à jouer un rôlemédiateur majeur à cet égard. Ils peuvent, en effet, intégrer les données obtenues des institutions financières et les associer aux informations générées par les services d’application des lois et de sécurité. Ces services de renseignement sont donc essentiels pour l’obtention de perspectives en trois dimensions, qui permettent une identification claire de la menace et ouvrent la voie à des contre-mesures débouchant sur l’arrestation des suspects, tout en contrecarrant des opérations terroristes spécifiques.

63. Les signaux suspects incluent d’importants dépôts d’argent effectués par des personnes ne disposant d’aucune source claire de revenus, ou ayant une activité professionnelle inhabituelle, de multiples dépôts bancaires dans différentes banques, des transferts d’argent télégraphiques ou électroniques suspects et fréquents, ainsi que des échanges financiers avec des régions suspectes. De telles informations peuvent isolément échapper à l’attention d’une banque et à sa

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perception des risques présentés par certains clients. Toutefois, avec la fusion de toutes ces informations et l’apport de l’expertise et des données des responsables de la lutte contre le terrorisme, un détail au départ anodin peut rapidement devenir un indice essentiel révélant les rouages internes d’une organisation terroriste. Le GAFI se fixe pour objectif de susciter ces échanges d’informations, afin de veiller à ce que les informations isolées soient systématiquement replacées dans un contexte plus large mettant en exergue certains scénarios aux yeux des responsables.

64. Les formidables progrès réalisés par divers pays dans l’application de réglementations pragmatiques permettant un suivi financier, ont fait comprendre que la lutte contre le terrorisme par le biais de la surveillance financière constituait peut-être la stratégie la plus fructueuse. Tous les pays n’ont pas adopté - et n’appliquent donc pas - les normes nécessaires pour parvenir à cet objectif et le GAFI a habilement recours à une « liste de la honte » pour faire pression sur ces pays. Cette liste noire des Etats et Territoires non coopératifs (ETNC) reprend les pays qui n’ont pas adopté les 40 recommandations du GAFI pour veiller à ce qu’aussi bien l’état que le secteur privé appliquent des stratégies efficaces pour lutter contre le blanchiment d’argent et le terrorisme (Hilgers). Il est, par ailleurs, important d’aider les pays en développement, qui n’appliquent pas ces normes mais sont néanmoins conscients du problème, à sortir de cette liste. Il faut également reconnaître que certains pays comme le Qatar sont injustement accusés dans certains milieux d’encourager le financement du terrorisme. Celui-ci, par exemple, applique de strictes mesures de contrôle et collabore avec la communauté internationale pour compliquer toute tentative de financement des activités terroristes par des citoyens qataris. Les progrès réalisés par Doha ne sont souvent pas reconnus (Agence France Presse, 2015).

65. Il convient toutefois de noter que certaines lois antiterroristes appliquées par les pays développés du nord compliquent le transfert de ressources destinées au développement. Oxfam America constate que le transfert de fonds vers l’Afrique de l’Est présente désormais un coût presque prohibitif, en raison des contraintes administratives liées aux obligations d’informations appliquées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Des groupes d’action humanitaire basés aux Etats-Unis ont signalé que les problèmes avec les banques associés aux virements de fonds ne cessent de s’accroître lorsque les pays destinataires se trouvent dans des zones de conflit, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Iraq, du Yémen, du Soudan, du Soudan du Sud, de la Somalie, du Pakistan ou de l’Afghanistan. Au Royaume-Uni, d’après l’Overseas Development Institute, les organismes caritatifs signalent des difficultés similaires. Des efforts sont nécessaires pour faciliter les flux d’aide humanitaire vers les pays frappés de sanctions, afin que les ONG puissent continuer à accomplir leur tâche vitale dans les régions à risque du monde (Ramesh & Isaac).

66. Le GAFI a inclus un dialogue sur l’adhésion à ses 40 recommandations dans les cinq principes de haut niveau qui, d’après lui, doivent guider les secteurs public et privé à s’impliquer dans le processus. D’autres principes consistent à : générer une bonne compréhension des menaces représentées par le blanchiment d’argent et le terrorisme par le biais d’une évaluation nationale du risque ; établir des cadres légaux et réglementaires qui soutiennent l’application d’une approche mûrement réfléchie et fondée sur l’analyse des risques qui accorde aux institutions financières un minimum de souplesse dans la mise en œuvre de politiques et procédures relatives à leurs propres évaluations des risques ; concevoir un cadre de surveillance pour soutenir l’application de l’approche fondée sur l’analyse des risques choisie ; identifier les intervenants principaux et par la rédaction de Rapports de transactions suspectes (RTS), aider les services du renseignement financier capables d’établir les liens nécessaires à des enquêtes efficaces et à des poursuites. Ces rapports peuvent permettre de retracer les mouvements de capitaux, ce qui confère davantage de profondeur à une enquête, tout en renforçant considérablement la perspective des enquêteurs. Ils peuvent également être utiles pour des enquêtes sur des attentats spécifiques, car les données financières en disent long sur la conception, la planification et l’exécution de ces actes criminels et peuvent contribuer à l’identification des individus impliqués (FATF, 2008).

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67. Il est essentiel d’impliquer dans la lutte contre le financement du terrorisme un large éventail de décideurs appartenant notamment aux parlements, aux organes d’application des lois, aux services du renseignement financier, aux services de sécurité, au secteur privé, au grand public, aux universités et aux médias. Il est également important de prendre conscience que des pays aux traditions réglementaires et aux structures financières très différentes auront une approche différente de ces questions, même s’ils partagent les mêmes objectifs stratégiques au sens large. La coordination de l’effort international ne requiert, et ne saurait requérir, une approche universelle. Les différences culturelles et structurelles persisteront. Il est donc important de focaliser l’effort sur des lignes directrices largement admises, tout en permettant aux différents gouvernements de trouver respectivement le meilleur moyen d’aborder le problème.

68. Les terroristes font preuve d’une grande souplesse et ont démontré une grande capacité d’adaptation à l’évolution des procédures d’application des réglementations et des lois. Il est, dès lors, essentiel pour les législateurs et les régulateurs de réfléchir de manière anticipée et proactive, afin que les organisations terroristes ne soient pas en mesure de conserver une longueur d’avance dans cette partie, aux enjeux très élevés. La perfection n’existe pas. Il s’agit d’un jeu de probabilités et il est important que celui-ci bénéficie aux responsables de la lutte contre le terrorisme. L’objectif doit consister à compliquer la vie de ceux qui financent le terrorisme, en rendant leurs opérations plus coûteuses, vulnérables, lentes et toujours moins faciles à réaliser. Il s’agit d’un défi pour la gouvernance internationale, qui exige une coopération transnationale sans cesse croissante entre tous les acteurs, à savoir les responsables gouvernementaux, les responsables de l’application des lois, les banques, les services douaniers et les entreprises commerciales.

69. Il est essentiel que les mesures adoptées pour combattre le terrorisme et son financement fassent l’objet d’un examen minutieux et soient débattues par les parlements nationaux. Nombreux sont ceux qui redoutent que la lutte contre le terrorisme entraîne à terme une réduction des libertés, et ces préoccupations sont assurément justifiées. La tension entre la sécurité et la liberté est pleinement évidente dans le débat en cours en Europe sur la législation relative aux dossiers passagers, qui faciliterait les échanges et la conservation d’informations relatives aux passagers des vols commerciaux. Un débat ouvert au sein des parlements jouera un rôle crucial en assurant à nos opinions publiques que cette législation résulte d’un processus démocratique et qu’elle est dans l’intérêt de la société dans son ensemble.

70. Il est important que les efforts pour contrer des groupes tels que Daech ne fassent pas obstacle à l’aide humanitaire apportée à ceux qui vivent dans des conditions désespérées dans ces régions. L’influence de la communauté internationale y est déjà très limitée. Des efforts constants sont dès lors nécessaires pour assurer un soutien aux victimes de l’instabilité régionale, qui luttent pour leur survie.

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