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UNIVERSITÉ PARIS X-NANTERRE FACULTE DE DROIT COURS DE SERGE SLAMA IEJ HENRI MOTULSKY 2008-2009 Sécurité et libertés Les régimes d’exception Droit des libertés fondamentales i

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UNIVERSITÉ PARIS X-NANTERRE

FACULTE DE DROIT

COURS DE SERGE SLAMA

IEJ HENRI MOTULSKY 2008-2009

Sécurité et libertésLes régimes d’exception

Droit des libertés fondamentales

i

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Thèmes :

Il y a d’abord une réflexion générale à mener sur la conciliation entre les libertés, et plus spécialement la liberté individuelle ou personnelle, et l’impératif de sécurité. On pourra s’interroger sur les ressemblances et les différences entre la jurisprudence du Conseil d’État axée autour de la notion d’ordre public et celle du Conseil constitutionnel axée sur la sécurité.On pourra aussi étudier un certain nombre d’opérations de police qui sont génératrice de risques pour les libertés et l’évolution récente de la réglementation les concernant : les contrôles d’identité, la fouille de véhicules, la vidéosurveillance…Enfin on s’intéressera aux différents régimes d’exception : état de siège, article 16 de la Constitution, état d’urgence et théorie des circonstances exceptionnelles. Il s’agira notamment dans un exercice de déterminer les restrictions aux droits et libertés légitimes dans une démocratie.

Les contrôles d’identité1. CODE DE PROCEDURE PENALE (Partie Législative) Chapitre III : Des contrôles, des vérifications

et des relevés d'identité2. Cour de Cassation Chambre criminelle 5 janvier 1973 FRIEDEL3. Cour de cassation Chambre criminelle 4 octobre 1984 KANDE4. Cour de Cassation Chambre criminelle 25 avril 1985 BOGDAN et VUCKOVIC5. Cour de Cassation Chambre criminelle 10 novembre 1992 BASSILIKA6. Décision n° 93-323 DC du 5 août 1993 Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité7. Cour de Cassation Chambre civile 2 14 décembre 2000 DAKA8. Cour de Cassation Chambre criminelle 15 janvier 2003 IBRAHIMA X.

v. aussi sur la Fouille des véhicules CC 12 janvier 1977, « Fouille des véhicules » ; CC 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité (sur l’article 16) ; CC 13 mars 2003, Loi pour la sécurité intérieure (extraits)

Régime d’exception1. CE 28 juin 1918 Heyriès (GAJA)2. CE Ass., 2 mars 1962 Rubin de Servens (GAJA)Voir aussi CE 1918 Dme Dol et Laurent (au GAJA et dans la fiche 4)

Etat d’urgence1. 1. Loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence (v. aux GDCC la décision du 25 janvier 1985 « Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie »)2. CE, 25 juillet 1985 Mme Dagostini, AJDA 1985, p. 558, concl. LASSERRE.3. Décret 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi du 3 avril 1955 et 2005-1387

relatif à la loi du 3 avril 19554. CE, référé, 14 novembre 2005, Rolin (extraits) 5. Loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril

19556. Décret n° 2006-2 du 3 janvier 2006 mettant fin à l’application de la loi n° 2005-1425 du 18

novembre 20057. CE, référé, 14 novembre 2005, Rolin (extraits) 8. CE, référé, 9 décembre 2005, Allouache et alii (extraits9. CE Ass., 24 mars 2006 Rolin et Boisvert

Voir aussi :

CC 19-20 janvier 1981, Sécurité et Liberté (au Grandes décisions du Conseil constitutionnel)

D O C U M E N T S

J O I N T S

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Quelles restrictions est-il légitime d’apporter aux droits et libertés dans une démocratie ? (non reproduit)

1. DDHC de 1789, art 4, 10, 112. CEDH, art. 8, 10.,15.3. Charte européenne des droits fondamentaux, art. 504. CE 1933 Benjamin 5. CC 27 juillet 1982, Communication audiovisuelle6. CC 18 janv. 1995, Vidéosurveillance7. CC 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale8. CEDH 4 juillet 1978, Klass c/ RFA9. CEDH 26 mars 1992, Beldjoudi c/ France10. CE, Ass. 24 mars 2006, Rolin et Boisvert 11. CEDH, [GC] 19 février 2009, Affaire A.[Abou Qatada] et autres c/ Royaume-uni

Le Camp de Guantanamo

Sur les contrôles d’identité

- GISTI, « Le contrôle d’identité des étrangers », Les notes pratiques, 2003.- M. MARCUS, Essai d'identification du débat sur les contrôles d'identité, Rer. sc. crim. 1985, p.

153. - A. MARON, Contrôles et vérifications d'identité. RD pén., févr. 1992. - D. MAYER, Prévention et répression en matière de contrôle d'identité : une distinction dangereuse.

D. 1993, chron. p. 273.- J. PRADEL, Les recherches d'identité et la poursuite des flagrants délits depuis la loi du 10 juin 1983,

D. 1984, chron., p. 75.- D. THOMAS, Les contrôles d'identité préventifs depuis les arrêts de la chambre criminelle des 4

octobre 1984 et 25 avril 1985 : la nécessité d'une nouvelle réforme, D. 1985, chron., p. 181.

Sur les fichierssur le FNAEG, l’avis de la CNIL sur le projet de décret (n° 99-052 du 28 octobre 1999)et dans la

rubrique « les grands fichiers en fiche » : http://www.cnil.fr/index.php?1809sur le fichier des délinquants sexuels : loi du 9 mars 2004 (art. 706-53-1 à 706-53-12 CPP). Voir aussi

l’avis de la CNIL sur le projet de décret : http://www.cnil.fr/index.php?id=1792sur les projets de fichiers et de titres d’identité recourant à la biométrie :

http://www.cnil.fr/index.php?id=1773sur la loi relative à la lutte contre le terrorisme, la délibération de la CNIL n°2005-208 du 10 octobre

2005 : http://www.cnil.fr/index.php?id=1883

E X E R C I C E D E

S Y N T H È S E :

D O C U M E N T

D ’ O U V E R T U R E

B I B L I O -G R A P H I E

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Sur la lutte contre le terrorismeE. BRIBOSIA et A. WEYEMBERGH (dir), Lutte contre le terrorisme et droits fondamentaux, Bruylant coll.

« Droit et justice », n°34, 2002, p.219La France face au terrorisme. Livre blanc du Gouvernement sur la sécurité intérieure face au terrorisme, La

Documentation française, 2006 J-Cl. PAYE », The Prevention security act britannique du 11 mars 2005 », RTDH 63/2005, p.635F. ROLIN et S. SLAMA, « Les libertés dans l’entonnoir de la législation antiterroriste. (Commentaire de

la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (aspects administratifs) », AJDA n°18/15 mai 2006, p.975.

Sur l’état d’urgenceP. CAILLE, « L’état d’urgence : la loi du 3 avril 1955 entre maturation et dénaturation », RDP, n

°2/2007 (à paraître)C.E., Ass. 16 décembre 1955, Dame Bourokba, D. 1956, p. 392, note DragoCE, 25 juillet 1985 Mme Dagostini, AJDA 1985, p. 558, concl. Lasserre.CE, réf., 14 novembre 2005, M. Rolin, Rec. 499 et 21 novembre 2005, M. Boisvert, Rec . 517, AJDA 2006,

p.357, chron. Landais et Lenica et p.501, note P. Chrestia

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Les contrôles d’identité

1. CODE DE PROCEDURE PENALE(Partie Législative)Chapitre III : Des contrôles, des vérifications et des relevés d'identité

Article 78-1(Loi nº 83-466 du 10 juin 1983 art. 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 1 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 2 Journal Officiel du 11 août 1993)

(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999) L'application des règles prévues par le présent chapitre est soumise au contrôle des autorités

judiciaires mentionnées aux articles 12 et 13. Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle

d'identité effectué dans les conditions et par les autorités de police visées aux articles suivants.

Article 78-2(Loi nº 83-466 du 10 juin 1983 art. 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 2 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 1 et 2 Journal Officiel du 11 août 1993)(Loi nº 93-1027 du 24 août 1993 art. 34 Journal Officiel du 29 août 1993)(Loi nº 97-396 du 24 avril 1997 art. 18 Journal Officiel du 25 avril 1997)(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

(Loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 art. 10 Journal Officiel du 19 mars 2003)(Loi nº 2003-239 du 18 mars 2003 art. 143 Journal Officiel du 19 mars 2003)

(Loi nº 2003-1119 du 26 novembre 2003 art. 81 Journal Officiel du 27 novembre 2003)(Loi nº 2006-64 du 23 janvier 2006 art. 3 Journal Officiel du 24 janvier 2006)

(Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 113 I Journal Officiel du 25 juillet 2006) Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de

police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1º peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : - qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; - ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; - ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ; - ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens. Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel nº 93-323 DC du 5 août 1993) ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel nº 93-323 DC du 5 août 1993) l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de

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présentation des titres et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel (1). Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa (1) et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Dans une zone comprise entre les frontières terrestres ou le littoral du département de la Guyane et une ligne tracée à vingt kilomètres en-deçà, et sur une ligne tracée à cinq kilomètres de part et d'autre, ainsi que sur la route nationale 2 sur le territoire de la commune de Régina, l'identité de toute personne peut être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi.

Pendant cinq ans à compter de la publication de la loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa du présent article, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi :

1º En Guadeloupe, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà, ainsi que dans une zone d'un kilomètre de part et d'autre, d'une part, de la route nationale 1 sur le territoire des communes de Basse-Terre, Gourbeyre et Trois-Rivières et, d'autre part, de la route nationale 4 sur le territoire des communes du Gosier et de Sainte-Anne et Saint-François ;

2º A Mayotte, dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà. NOTA (1) : Loi 2006-64 du 23 janvier 2006 art. 32 : Les dispositions induites par l'article 3 sont

applicables jusqu'au 31 décembre 2008.

Article 78-2-1(Loi nº 97-396 du 24 avril 1997 art. 19 Journal Officiel du 25 avril 1997)(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)

Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21 (1º) sont habilités à entrer dans les lieux à usage professionnel, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, où sont en cours des activités de construction, de production, de transformation, de réparation, de prestation de services ou de commercialisation, en vue :

- de s'assurer que ces activités ont donné lieu à l'immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés lorsqu'elle est obligatoire, ainsi qu'aux déclarations exigées par les organismes de protection sociale et l'administration fiscale ; - de se faire présenter le registre unique du personnel et les documents attestant que les déclarations préalables à l'embauche ont été effectuées ; - de contrôler l'identité des personnes occupées, dans le seul but de vérifier qu'elles figurent sur le registre ou qu'elles ont fait l'objet des déclarations mentionnées à l'alinéa précédent. Les réquisitions du procureur de la République sont écrites et précisent les infractions, parmi celles visées aux articles L. 324-9 et L. 341-6 du code du travail, qu'il entend faire rechercher et poursuivre, ainsi que les lieux dans lesquels l'opération de contrôle se déroulera. Ces réquisitions sont prises pour une durée maximum d'un mois et sont présentées à la personne disposant des lieux ou à celle qui la représente.

Les mesures prises en application des dispositions prévues au présent article font l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé.

(…)

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Article 78-3(Loi nº 83-466 du 10 juin 1983 art. 21 Journal Officiel du 11 juin 1983 en vigueur le 27 juin 1983)

(Loi nº 86-1004 du 3 septembre 1986 art. 3 Journal Officiel du 4 septembre 1986)(Loi nº 93-2 du 4 janvier 1993 art. 162 Journal Officiel du 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993)

(Loi nº 93-992 du 10 août 1993 art. 2 Journal Officiel du 11 août 1993)(Loi nº 93-1013 du 24 août 1993 art. 20 Journal Officiel du 25 août 1993 en vigueur le 2 septembre 1993)

(Loi nº 99-291 du 15 avril 1999 art. 15 Journal Officiel du 16 avril 1999)(Loi nº 2006-911 du 24 juillet 2006 art. 114 Journal Officiel du 25 juillet 2006)

Si l'intéressé refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, il peut, en cas de nécessité, être retenu sur place ou dans le local de police où il est conduit aux fins de vérification de son identité. Dans tous les cas, il est présenté immédiatement à un officier de police judiciaire qui le met en mesure de fournir par tout moyen les éléments permettant d'établir son identité et qui procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Il est aussitôt informé par celui-ci de son droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont il fait l'objet et de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix. Si des circonstances particulières l'exigent, l'officier de police judiciaire prévient lui-même la famille ou la personne choisie.

Lorsqu'il s'agit d'un mineur de dix-huit ans, le procureur de la République doit être informé dès le début de la rétention. Sauf impossibilité, le mineur doit être assisté de son représentant légal.

La personne qui fait l'objet d'une vérification ne peut être retenue que pendant le temps strictement exigé par l'établissement de son identité. La rétention ne peut excéder quatre heures, ou huit heures à Mayotte, à compter du contrôle effectué en application de l'article 78-2 et le procureur de la République peut y mettre fin à tout moment.

Si la personne interpellée maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des éléments d'identité manifestement inexacts, les opérations de vérification peuvent donner lieu, après autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, à la prise d'empreintes digitales ou de photographies lorsque celle-ci constitue l'unique moyen d'établir l'identité de l'intéressé.

La prise d'empreintes ou de photographies doit être mentionnée et spécialement motivée dans le procès-verbal prévu ci-après.

L'officier de police judiciaire mentionne, dans un procès-verbal, les motifs qui justifient le contrôle ainsi que la vérification d'identité, et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en demeure de les exercer. Il précise le jour et l'heure à partir desquels le contrôle a été effectué, le jour et l'heure de la fin de la rétention et la durée de celle-ci.

Ce procès-verbal est présenté à la signature de l'intéressé. Si ce dernier refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci.

Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l'intéressé dans le cas prévu par l'alinéa suivant.

Si elle n'est suivie à l'égard de la personne qui a été retenue d'aucune procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire, la vérification d'identité ne peut donner lieu à une mise en mémoire sur fichiers et le procès-verbal ainsi que toutes les pièces se rapportant à la vérification sont détruits dans un délai de six mois sous le contrôle du procureur de la République.

Dans le cas où il y a lieu à procédure d'enquête ou d'exécution adressée à l'autorité judiciaire et assortie du maintien en garde à vue, la personne retenue doit être aussitôt informée de son droit de faire aviser le procureur de la République de la mesure dont elle fait l'objet.

Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité.

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2 – Cour de Cassation, crim., 5 janvier 1973, FRIEDEL REJET DU POURVOI DE X... (OLIVIER) PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X, DES CHEFS D'ARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES, A CONFIRME L'ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION. LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ;

ATTENDU QUE, MEME EN L'ABSENCE DE POURVOI DU MINISTERE PUBLIC, LA PARTIE CIVILE EST RECEVABLE, AUX TERMES DE L'ARTICLE 575, PARAGRAPHE 7 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, A SE POURVOIR EN CASSATION " EN MATIERE D'ATTEINTES AUX DROITS INDIVIDUELS TELLES QUE DEFINIES AUX ARTICLES 114 A 122 ET 341 A 344 DU CODE PENAL " ;

QUE TEL EST LE CAS DE L'ESPECE ;

AU FOND : SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789, DE L'ARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958, DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS, 341 DU CODE PENAL, DES ARTICLES 30, 53 ET SUIVANTS, 61, 77, 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DE L'ARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS D'ATTENTAT A LA LIBERTE, D'ARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES ;

" AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE N'EST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR L'ARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ;

QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ;

QU'EN CONSEQUENCE L'INTERPELLATION DE X... PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS D'IDENTITE QUI S'AVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES, EN L'ESPECE, DANS LE CHAMP D'APPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE L'ORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE, DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE, LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS ;

" ALORS, D'UNE PART, QU'AUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI, D'ARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ;

" ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LE FAIT POUR UN POLICIER, MEME S'IL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR L'ORDRE, D'ARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS, CONSTITUE LE CRIME D'ATTENTAT A LA LIBERTE ;

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QUE L'ELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE L'ILLEGALITE MANIFESTE D'UNE ARRESTATION ET D'UNE DETENTION, INSUSCEPTIBLES D'ETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL, ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QU'ELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION " ;

ATTENDU QU'UNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X, DU CHEF D'ARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES, SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X... OLIVIER, A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL ;

ATTENDU QUE, STATUANT SUR CET APPEL, LA CHAMBRE D'ACCUSATION EXPOSE, DANS L'ARRET ATTAQUE : 1° QUE " DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QU'ILS PROCEDERAIENT, DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970, A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES, LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT " ORDRE NOUVEAU ", PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE, AINSI QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES, AUXQUELLES " L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE " ET UN " COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ", ENTENDAIENT SE LIVRER ;

2° QUE, POUR EVITER " D'EVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A L'ORDRE PUBLIC, UN IMPORTANT SERVICE D'ORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE, NOTAMMENT RUE SOUFFLOT, DONT LES MEMBRES, GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE, AVAIENT POUR MISSION D'EVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI S'AMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS ;

3° QUE, DANS LE CADRE DE CETTE MISSION, QUI AMENAIT LE SERVICE D'ORDRE A CONTROLER L'IDENTITE DES PASSANTS, X... AVAIT ETE INTERPELLE, VERS 15 HEURES, PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE D'IDENTITE NATIONALE ;

4° QUE CETTE CARTE D'IDENTITE " COMPORTANT, COMME LE PRECISE L'ARRET, UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X... ", CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON " POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION ;

5° QU'ENFIN, APRES QU'UN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS D'ARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES, X... AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55 ;

ATTENDU QU'EN CET ETAT, C'EST A TORT, ET PAR SUITE D'UNE ERREUR DE DROIT QU'IL CONVIENT DE CENSURER, QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CONFIRME L'ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES " ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX " ET QUE LESDITES MESURES " ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE " ;

QU'EN EFFET, LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE, S'ILS PERMETTENT, QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES L'EXIGENT, DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS D'IDENTITE, N'AUTORISENT PAS A RETENIR, FUT-CE PROVISOIREMENT, DES PERSONNES QUI N'ONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES D'EN AVOIR COMMIS ;

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QUE D'AUTRE PART, LA COUR NE POUVAIT, COMME ELLE L'A FAIT, ECARTER " TOUTE INTENTION COUPABLE ", AU SEUL MOTIF DE " REGLES EN USAGE ", QUI, MEME SI ELLES EXISTAIENT, NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION ;

- QUE, DANS LA PRESENTE ESPECE, ELLE EST EN MESURE DE S'ASSURER QU'APRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE D'UN CONTROLE D'IDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT, X... A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A L'OCCASION D'UNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE ;

QU'IL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE L'ARRET QUE LA CARTE D'IDENTITE DETENUE PAR X..., TELLE QU'ELLE EST DECRITE PAR LA COUR, ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE, ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES ;

- QU'AINSI LES SERVICES DE POLICE, EN GARDANT X... A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55, SOIT PENDANT DIX HEURES, N'ONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61, PARAGRAPHE 2, ET 63 DUDIT CODE, LE PREMIER DISPOSANT QUE " TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE, AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES, D'ETABLIR OU DE VERIFIER L'IDENTITE, DOIT, A LA DEMANDE DE L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE L'UN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A L'ARTICLE 20, SE PRETER AUX OPERATIONS QU'EXIGE CETTE MESURE ", - LE SECOND AUTORISANT L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE " A GARDER A SA DISPOSITION, POUR LES NECESSITES DE L'ENQUETE, UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 ", A LA CONDITION DE NE PAS " LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES " ;

QU'IL S'ENSUIT, QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT L'ERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE D'ACCUSATION, QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE ;

REJETTE LE POURVOI

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3 – Cour de cassation, crim., 4 octobre 1984 , KANDE

N° de pourvoi : 83-94341 Publié au bulletin

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR : - KANDE ABDOULAYE - CONTRE UN ARRET DE LA COUR D’APPEL DE PARIS, DIXIEME CHAMBRE, EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983, QUI POUR INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS, A ORDONNE SA RECONDUITE A LA FRONTIERE AVEC EXECUTION PROVISOIRE ;

VU LE MEMOIRE PRODUIT ; SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 78-2, 78-3,

174 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, VIOLATION DES DROITS DE LA DEFENSE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;

”EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE A REFUSE D’ANNULER LA PROCEDURE A COMPTER DE

L’INTERPELLATION DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 ; ”AUX MOTIFS QUE LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS

L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QU’OFFRAIENT LES COULOIRS SOUTERRAINS, SOUVENT ISOLES, POUR LES COMMETTRE, LAQUELLE AVAIT CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS, JUSTIFIAIENT LE CONTROLE D’IDENTITE DE TOUTE PERSONNE, EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE ;

QU’AU COURS DE CE CONTROLE, KANDE AVAIT FAIT CONNAITRE SON IDENTITE, DE

TELLE SORTE QUE LES FORMALITES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-3 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 10 JUIN 1983 N’ETAIENT PAS APPLICABLES ;

”ALORS QUE, D’UNE PART, LA PRETENDUE FREQUENCE DES INFRACTIONS DANS

L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN NE PEUT PAS CONSTITUER LA “MENACE IMMEDIATE” EXIGEE PAR LA LOI n° 83-466 DU 10 JUIN 1983 POUR AUTORISER LES CONTROLES D’IDENTITE ;

”ALORS QUE, D’AUTRE PART, LORSQUE, A LA SUITE D’UN CONTROLE D’IDENTITE UNE

PERSONNE EST RETENUE, POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT, L’OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE DOIT A PEINE DE NULLITE EXPOSER LES MOTIFS DE CE CONTROLE DANS UN PROCES-VERBAL, LEQUEL MENTIONNE SOUS LA MEME SANCTION LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LA PERSONNE A ETE PRESENTEE DEVANT LEDIT OFFICIER, INFORMEE DE SES DROITS ET MISE EN MESURE DE LES EXERCER ;

” VU LESDITS ARTICLES ; ATTENDU, D’UNE PART, QU’AUX TERMES DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE, L’IDENTITE DE TOUTE PERSONNE PEUT ETRE CONTROLEE DANS DES LIEUX DETERMINES LA OU LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS SE TROUVE IMMEDIATEMENT MENACEE ;

ATTENDU, D’AUTRE PART, QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS

PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;

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ATTENDU QU’IL RESULTE DE L’ARRET ATTAQUE QUE KANDE A ETE INTERPELLE, LE 14

OCTOBRE 1983 A 10 HEURES, A LA STATION STALINGRAD DU METROPOLITAIN DE PARIS PAR DES GARDIENS DE LA PAIX AGISSANT SUR LES INSTRUCTIONS DE L’OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE CHARGE DU SERVICE DE PROTECTION DE LA R. A. T. P. ;

QU’IL S’EST REVELE ETRE ETRANGER ET PORTEUR D’UN TITRE DE SEJOUR IRREGULIER ; QU’IL A ETE AINSI POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR AVOIR

PENETRE OU SEJOURNE EN FRANCE SANS SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS LEGALES, DELIT PREVU ET REPRIME PAR L’ARTICLE 19 DE L’ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945 MODIFIEE PAR LA LOI DU 29 OCTOBRE 1981 ;

ATTENDU QUE POUR REJETER LES CONCLUSIONS DU PREVENU FAISANT VALOIR

L’ILLEGALITE DU CONTROLE D’IDENTITE ET LA NULLITE DE LA PROCEDURE SUBSEQUENTE, LA COUR D’APPEL SE BORNE A ENONCER QUE “LA FREQUENCE DES AGRESSIONS ET DES VOLS A LA TIRE DANS L’ENCEINTE DU METROPOLITAIN ET LA FACILITE QU’OFFRENT LES COULOIRS SOUTERRAINS SOUVENT ISOLES POUR LES COMMETTRE, LAQUELLE A CONDUIT LES AUTORITES A CREER DES SERVICES DE SURVEILLANCE PARTICULIERS, JUSTIFIENT LE CONTROLE D’IDENTITE DE TOUTE PERSONNE, EN CES LIEUX OU LA SECURITE DES PERSONNES ET DES BIENS EST IMMEDIATEMENT MENACEE” ;

QU’ELLE EN DEDUIT QUE LE CONTROLE D’IDENTITE DE KANDE A ETE EFFECTUE

CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

MAIS ATTENDU QU’EN L’ETAT DE CE SEUL MOTIF D’ORDRE GENERAL ET QUI NE SE

REFERE A AUCUN ELEMENT DE LA PROCEDURE, LA COUR D’APPEL, QUI N’A PAS PRECISE EN QUOI LA SURETE DES PERSONNES ET DES BIENS ETAIT IMMEDIATEMENT MENACEE A LA STATION STALINGRAD LORSQUE LES SERVICES DE POLICE ONT PROCEDE AU CONTROLE D’IDENTITE DE KANDE LE 14 OCTOBRE 1983 A 10 HEURES, N’A PAS JUSTIFIE SA DECISION AU REGARD DU TEXTE SUSVISE ;

D’OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ; PAR CES MOTIFS, ET SANS QU’IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE SECOND MOYEN, CASSE ET

ANNULE L’ARRET SUSVISE DE LA COUR D’APPEL DE PARIS, EN DATE DU 21 OCTOBRE 1983,

Publication :Bulletin criminel 1984 N° 287 Jurisclasseur Périodique 1985 II N° 20391, note Jacques BUISSON.

Dalloz, 24 janvier 1985, N° 4 p. 54, conclusions de M. l’Avocat Général DONTENWILLE, note Gabriel ROUJOU DE BOUBEE. Gazette du Palais, 15 novembre 1984, N° 319 320, note Jean-Paul DOUCET. Dalloz, 31 juillet 1985, N° 28 p. 181, chronique Didier THOMAS.

Aux termes de l’article 78-2 alinéa 2 du code de procédure pénale, l’identité de toute personne peut être contrôlée dans des lieux déterminés, là où la sûreté des personnes et des biens se trouve immédiatement menacée.

Encourt la cassation l’arrêt par lequel une cour d’appel a rejeté les conclusions d’un prévenu faisant valoir l’illégalité d’un contrôle d’identité, par un motif d’ordre général sans se référer à aucun élément de la procédure et qui ainsi, n’a pas précisé en quoi la sûreté des personnes et des biens était immédiatement menacée lors dudit contrôle (1).

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4 – Cour de Cassation , crim., 25 avril 1985, BOGDAN et VUCKOVICAudience publique du Cassation sans renvoi N° de pourvoi : 84-92916 Publié au bulletin CASSATION SANS RENVOI SUR LE POURVOI FORME PAR LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR

D’APPEL DE VERSAILLES CONTRE UN ARRET DE LADITE COUR, 8EME CHAMBRE, EN DATE DU 30 MAI 1984 QUI DANS UNE PROCEDURE SUIVIE CONTRE BOZIDAR VUCKOVIC DU CHEF D’INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES ETRANGERS, A ANNULE LE JUGEMENT DEFERE, ET, EVOQUANT, A SURSIS A STATUER, EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 386 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, JUSQU’A LA DECISION SUR L’EXCEPTION D’ILLEGALITE PAR LA JURIDICTION COMPETENTE, IMPARTISSANT, A CET EFFET, AU PREVENU UN DELAI DE QUATRE MOIS AU TERME DUQUEL IL DEVRA AVOIR INTRODUIT L’INSTANCE. LA COUR, VU L’ORDONNANCE D’ADMISSION DU POURVOI RENDUE LE 6 AOUT 1984 PAR M. LE PRESIDENT DE LA CHAMBRE CRIMINELLE ;

VU LE MEMOIRE PRODUIT ; SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30

JUIN 1946, “EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE A PLACE L’ACTION DES GARDIENS DE LA PAIX DANS LE CADRE D’UN CONTROLE D’IDENTITE SOUMIS AUX DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ALORS QU’ILS AGISSAIENT DANS LE CADRE DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 EN DEMANDANT A VUCKOVIC DE LEUR PRESENTER LES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS IL ETAIT AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE” ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DE L’ARTICLE 593 DU CODE DE

PROCEDURE PENALE, “EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE N’A PAS REPONDU AUX REQUISITIONS DU MINISTERE PUBLIC SOUTENANT QU’IL S’AGISSAIT, EN L’ESPECE, NON PAS D’UN CONTROLE D’IDENTITE REALISE DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE MAIS D’UNE VERIFICATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS UN ETRANGER EST AUTORISE A SEJOURNER EN FRANCE REALISEE DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 REGLEMENTANT LES CONDITIONS D’ENTREE ET LE SEJOUR DES ETRANGERS” ;

CES MOYENS ETANT REUNIS ; ATTENDU QU’IL RESULTE DE L’ARRET ATTAQUE QUE VUCKOVIC A ETE INTERPELLE SUR UN QUAI

DE GARE PAR DES GARDIENS DE LA PAIX ; QU’IL S’EST REVELE ETRE ETRANGER ET EN SEJOUR IRREGULIER SUR LE TERRITOIRE FRANCAIS ; QU’IL A ETE POURSUIVI DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE POUR INFRACTION A LA

LEGISLATION SUR LES ETRANGERS ; ATTENDU QUE POUR ECARTER IMPLICITEMENT L’ARGUMENTATION DU REPRESENTANT DU

MINISTERE PUBLIC QUI SOUTENAIT QUE LES SERVICES DE POLICE AVAIENT PU PROCEDER A L’INTERPELLATION DE VUCKOVIC UNIQUEMENT EN VERTU DE L’ARTICLE 1ER DU DECRET DU 18 MARS 1946 ET DE L’ARTICLE 2 DU DECRET DU 30 JUIN 1946 PRIS EN APPLICATION DE L’ORDONNANCE DU 2 NOVEMBRE 1945, LA COUR D’APPEL RELEVE QUE LES GARDIENS DE LA PAIX ONT EFFECTUE A L’EGARD DU PREVENU UN CONTROLE D’IDENTITE AU TITRE DE LA POLICE ADMINISTRATIVE, TEL QUE PREVU PAR L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

ATTENDU QU’EN STATUANT AINSI, LA COUR D’APPEL N’A AUCUNEMENT VIOLE LES TEXTES VISES

AU MOYEN ; QU’EN EFFET, POUR QUE LES AGENTS DE L’AUTORITE AIENT LA FACULTE DE REQUERIR LA

PRESENTATION DES DOCUMENTS SOUS LE COUVERT DESQUELS LES ETRANGERS SONT AUTORISES A SEJOURNER EN FRANCE, IL FAUT QUE DES ELEMENTS OBJECTIFS DEDUITS DE CIRCONSTANCES EXTERIEURES A LA PERSONNE MEME DE L’INTERESSE SOIENT DE NATURE A FAIRE APPARAITRE SA QUALITE D’ETRANGER ;

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QU’EN L’ABSENCE DE TELS ELEMENTS, LE CONTROLE D’IDENTITE DOIT ETRE PREALABLEMENT

EFFECTUE SOUS LES CONDITIONS ET DANS LES FORMES PREVUES PAR LES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

D’OU IL SUIT QUE LES MOYENS DOIVENT ETRE ECARTES ; SUR LE TROISIEME MOYEN DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE

386 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, “1ERE BRANCHE : “EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE A RETENU D’OFFICE UNE EXCEPTION PREJUDICIELLE D’ILLEGALITE QUI N’AVAIT PAS ETE SOULEVEE PAR LE PREVENU VUCKOVIC QUI S’ETAIT CONTENTE DE DEMANDER LA NULLITE DE LA PROCEDURE ETABLIE, LE “CONTROLE D’IDENTITE” AYANT ETE EFFECTUE EN VIOLATION DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 78-1 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

CETTE DEMANDE NE PRESENTAIT PAS LE CARACTERE D’UNE EXCEPTION PREJUDICIELLE ET SA

SOLUTION ETAIT DE LA COMPETENCE DE LA JURIDICTION PENALE” ; ”2EME BRANCHE : “EN CE QUE L’ARRET ATTAQUE A RETENU UNE EXCEPTION PREJUDICIELLE QUI

N’ETAIT PAS DE NATURE A RETIRER AU FAIT SERVANT DE BASE A LA POURSUITE LE CARACTERE D’UNE INFRACTION ALORS QU’IL RECONNAIT DANS SES CONSIDERANTS QUE VUCKOVIC SEJOURNAIT IRREGULIEREMENT SUR LE TERRITOIRE FRANCAIS” ;

VU LEDIT ARTICLE ENSEMBLE L’ARTICLE 78-1 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ; ATTENDU QU’IL RESULTE DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 78-1 DU CODE DE PROCEDURE PENALE

QUE LE CONTROLE DE L’APPLICATION DES REGLES DE PROCEDURE RELATIVES AUX CONTROLES D’IDENTITE RELEVE DE LA COMPETENCE DES AUTORITES JUDICIAIRES ;

ATTENDU QUE POUR DECIDER D’OFFICE QUE L’EXCEPTION TIREE DE LA NULLITE DE LA PROCEDURE

D’INTERPELLATION SOULEVEE DEVANT LES PREMIERS JUGES PAR LE PREVENU ETAIT PREJUDICIELLE ET SURSEOIR A STATUER JUSQU’A LA DECISION RENDUE PAR LA JURIDICTION COMPETENTE, LA COUR D’APPEL ENONCE QUE “L’INTERVENTION” DES SERVICES DE POLICE A L’EGARD DE VUCKOVIC “S’INSCRIVAIT DANS LE CADRE DE LEUR FONCTION GENERALE DE SURVEILLANCE ET DE PREVENTION” RELEVANT DE LA POLICE ADMINISTRATIVE TELLE QUE PREVUES PAR L’ARTICLE 78-2 ALINEA 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET “S’ANALYSAIT EN UN ACTE ADMINISTRATIF INDIVIDUEL QUI N’EST PAS LUI-MEME SANCTIONNE ALORS MEME QUE DE SA LEGALITE DEPEND LA SOLUTION D’UN PROCES” ;

QU’ELLE CONSTATE AINSI QUE “LES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 13 DE LA LOI DES 16 ET 24 AOUT

1790 INTERDISENT AUX JUGES DE L’ORDRE JUDICIAIRE D’APPRECIER LA LEGALITE” D’UN TEL ACTE ;

MAIS ATTENDU QU’EN STATUANT AINSI, LA COUR D’APPEL A MECONNU LE SENS ET LA PORTEE DU

TEXTE SUSVISE ; D’OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE EN TOUTES SES DISPOSITIONS L’ARRET DE LA COUR D’APPEL

DE VERSAILLES EN DATE DU 30 MAI 1984, ET ATTENDU QU’IL NE RESTE RIEN A JUGER, DIT N’Y AVOIR LIEU A RENVOI.

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5 – Cour de Cassation, crim. 10 novembre 1992 , BASSILIKARejet

N° de pourvoi : 92-83352 Publié au bulletin REJET du pourvoi formé par le procureur général près la cour d’appel de Paris, contre l’arrêt de la

chambre d’accusation de ladite Cour en date du 27 mai 1992, qui, dans la procédure suivie contre Yvon ou Yvan Bassilika pour infractions à la législation relative aux étrangers, a prononcé la nullité des actes de l’information, et, après avoir évoqué, a constaté qu’il ne restait rien sur quoi instruire.

LA COUR,. Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 78-2, alinéa 2, et 593, alinéas 1 et 2,

du Code de procédure pénale, fausse application, contradiction de motifs, défaut de réponse aux réquisitions du ministère public ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Yvon Bassilika a été interpellé le 23 décembre 1991 à 15 heures

15 aux abords de la gare de Villepinte (Seine-Saint-Denis) par des gardiens de la paix, agissant sur les instructions permanentes de l’officier de police judiciaire, chef de la circonscription de police urbaine ; qu’il s’est révélé être étranger et dépourvu de titre de séjour ; qu’une information a été ouverte contre lui pour infraction à la législation relative aux étrangers sur la base des articles 5, 16, 19 et 27 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Attendu que, saisie par le juge d’instruction en application de l’article 171 du Code de procédure pénale, la chambre d’accusation, pour prononcer la nullité du procès-verbal, base des poursuites, et des actes d’information subséquents, constate que pour justifier l’interpellation de Bassilika puis le contrôle de son identité, les agents de la force publique se sont bornés à énoncer que “circulant aux abords de la gare de Villepinte, lieu propice aux vols à la roulotte “, ils ont remarqué “ deux individus s’exprimant en une langue étrangère “ ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la chambre d’accusation, qui a répondu comme elle le devait aux réquisitions du ministère public, loin de méconnaître le sens et la portée des textes visés au moyen, en a fait l’exacte application ;

Qu’en effet, l’application de l’article 78-2, alinéa 2, du Code de procédure pénale est subordonnée à la prévention “ d’une atteinte à l’ordre public “ qui soit directement rattachable au comportement de la personne dont l’identité est contrôlée ;

Qu’il s’ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ; Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi

Publication :Bulletin criminel 1992 N° 370 p. 1024 Dalloz, 21 janvier 1993, n° 3, p. 36, note D. MAYER.

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6 – Conseil constitutionnel décision n° 93-323 DC du 5 août 1993Loi relative aux contrôles et vérifications d'identité

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,Vu la Constitution ;Vu la Convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil

constitutionnel ;Vu le code de procédure pénale, notamment son article 78-2 ;Le rapporteur ayant été entendu ;Considérant que les députés, auteurs de la saisine, défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative

aux contrôles et vérifications d'identité dans son ensemble en faisant valoir que l'article 1er de cette loi méconnaîtrait différents principes et règles de valeur constitutionnelle et que les autres dispositions de ladite loi, énoncées à ses articles 2 et 3, sont inséparables de l'article 1er ;

Considérant que l'article 1er de la loi insère dans l'article 78-2 du Code de procédure pénale un sixième, un septième et un huitième alinéas lesquels remplacent le sixième alinéa actuellement en vigueur ;

- SUR LE SIXIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :Considérant que cet alinéa prévoit un cas supplémentaire dans lequel peuvent être engagées des

procédures de contrôle et de vérification d'identité, sur réquisitions écrites du procureur de la République pour la recherche et la poursuite d'infractions, dans des lieux et pour une période de temps qui doivent être précisés par ce magistrat ; qu'il indique que le fait que de tels contrôles d'identité révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes ;

Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que cette dernière précision méconnaît la liberté individuelle et sa protection par l'autorité judiciaire que garantit l'article 66 de la Constitution dès lors que la prise en compte d'infractions qui ne seraient pas énoncées a priori par le procureur de la République prive selon eux "l'autorité judiciaire de toute maîtrise effective de l'opération" ;

Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties et, d'autre part, les besoins de la recherche des auteurs d'infractions, qui sont nécessaires l'un et l'autre à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ; qu'il incombe à l'autorité judiciaire, conformément à l'article 66 de la Constitution, d'exercer un contrôle effectif sur le respect des conditions de forme et de fond par lesquelles le législateur a entendu assurer cette conciliation ;

Considérant que le législateur a confié au procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire, la responsabilité de définir précisément les conditions dans lesquelles les procédures de contrôle et de vérification d'identité qu'il prescrit doivent être effectuées ; que la circonstance que le déroulement de ces opérations conduise les autorités de police judiciaire à relever des infractions qui n'auraient pas été visées préalablement par ce magistrat ne saurait, eu égard aux exigences de la recherche des auteurs de telles infractions, priver ces autorités des pouvoirs qu'elles tiennent de façon générale des dispositions du code de procédure pénale ; que par ailleurs celles-ci demeurent soumises aux obligations qui leur incombent en application des prescriptions de ce code, notamment à l'égard du procureur de la République ; que, dès lors, les garanties attachées au respect de la liberté individuelle sous le contrôle de l'autorité judiciaire ne sont pas méconnues ; qu'ainsi le grief invoqué doit être écarté ;

- SUR LE SEPTIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :Considérant que cet alinéa reprend des dispositions déjà en vigueur en vertu desquelles un contrôle

d'identité peut être opéré, selon les mêmes modalités que dans les autres cas, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens, en ajoutant la précision nouvelle selon laquelle peut être contrôlée l'identité de toute personne "quel que soit son comportement" ;

Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que cet ajout en conduisant à autoriser des contrôles d'identité sans que soient justifiés les motifs de l'opération effectuée, porte une atteinte excessive à la liberté individuelle en la privant de garanties légales ;

Considérant que la prévention d'atteintes à l'ordre public, notamment d'atteintes à la sécurité des personnes ou des biens, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur

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constitutionnelle ; que toutefois la pratique de contrôles d'identité généralisés et discrétionnaires serait incompatible avec le respect de la liberté individuelle ; que s'il est loisible au législateur de prévoir que le contrôle d'identité d'une personne peut ne pas être lié à son comportement, il demeure que l'autorité concernée doit justifier, dans tous les cas, des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public qui a motivé le contrôle ; que ce n'est que sous cette réserve d'interprétation que le législateur peut être regardé comme n'ayant pas privé de garanties légales l'existence de libertés constitutionnellement garanties ;

Considérant qu'il appartient aux autorités administratives et judiciaires de veiller au respect intégral de l'ensemble des conditions de forme et de fond posées par le législateur ; qu'en particulier il incombe aux tribunaux compétents de censurer et de réprimer les illégalités qui seraient commises et de pourvoir éventuellement à la réparation de leurs conséquences dommageables ; qu'ainsi il revient à l'autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle de contrôler en particulier les conditions relatives à la légalité, à la réalité et à la pertinence des raisons ayant motivé les opérations de contrôle et de vérification d'identité ; qu'à cette fin il lui appartient d'apprécier, s'il y a lieu, le comportement des personnes concernées ;

- SUR LE HUITIEME ALINEA DE L'ARTICLE 78-2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE :Considérant que cette disposition autorise le contrôle de l'identité de toute personne en vue de

vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi non seulement dans des zones de desserte de transports internationaux, mais encore dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à vingt kilomètres en deçà ; que cette distance peut être portée jusqu'à quarante kilomètres par arrêté interministériel dans des conditions à prévoir par décret en Conseil d'Etat ;

Considérant que l'article 3 de la loi déférée prévoit que les dispositions de cet alinéa ne prendront effet qu'à la date d'entrée en vigueur de ladite Convention ;

Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que les dispositions de cet alinéa imposent à la liberté individuelle des restrictions excessives en la privant de garanties légales ; qu'elles méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'indivisibilité de la République dans la mesure où elles imposent à certaines personnes sans justification appropriée des contraintes particulières liées à leurs attaches avec certaines parties du territoire français ; qu'ils ajoutent qu'en reconnaissant au pouvoir réglementaire la latitude d'accroître très sensiblement les zones concernées, le législateur a méconnu sa propre compétence ;

Considérant que les stipulations de la Convention signée à Schengen le 19 juin 1990 suppriment les contrôles "aux frontières intérieures" concernant les personnes sauf pour une période limitée lorsque l'ordre public ou la sécurité nationale l'exigent ; que le législateur a estimé que par les dispositions contestées il prenait dans le cadre de l'application de ces stipulations des mesures nécessaires à la recherche des auteurs d'infractions et à la prévention d'atteintes à l'ordre public ;

Considérant que s'agissant, d'une part, des zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouvertes au trafic international, d'autre part de celles qui sont comprises entre les frontières terrestres de la France avec les Etats parties à la Convention et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, le législateur a, dès lors que certains contrôles aux frontières seraient supprimés, autorisé des contrôles d'identité ; que ceux-ci doivent être conformes aux conditions de forme et de fond auxquelles de telles opérations sont de manière générale soumises ; que ces contrôles sont effectués en vue d'assurer le respect des obligations, prévues par la loi, de détention, de port et de présentation de titres et documents ; que les zones concernées, précisément définies dans leur nature et leur étendue, présentent des risques particuliers d'infractions et d'atteintes à l'ordre public liés à la circulation internationale des personnes ; que, dès lors, la suppression de certains contrôles aux frontières qui découlerait de la mise en vigueur des accords de Schengen pouvait conduire le législateur à prendre les dispositions susmentionnées sans rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle ; que les contraintes supplémentaires ainsi occasionnées pour les personnes qui résident ou se déplacent dans les zones concernées du territoire français ne portent pas atteinte au principe d'égalité dès lors que les autres personnes sont placées dans des situations différentes au regard des objectifs que le législateur s'est assigné ; qu'en outre de telles dispositions ne sauraient être regardées en elles-mêmes comme portant atteinte à l'indivisibilité de la République ;

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Considérant en revanche qu'en ménageant la possibilité de porter la limite de la zone frontalière concernée au-delà de vingt kilomètres, le législateur a apporté en l'absence de justifications appropriées tirées d'impératifs constants et particuliers de la sécurité publique et compte tenu des moyens de contrôle dont par ailleurs l'autorité publique dispose de façon générale, des atteintes excessives à la liberté individuelle ; que, de surcroît, le législateur a méconnu sa compétence en déléguant au pouvoir réglementaire le soin de fixer cette extension ; que dès lors doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots suivants "cette ligne pouvant être portée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, jusqu'à 40 kilomètres par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice" et les mots "conjoint des deux ministres susvisés" qui en sont inséparables ;

D E C I D E :Article premier. - Sont déclarés contraires à la Constitution au quatrième alinéa de l'article 1er de la loi

les mots : "cette ligne pouvant être portée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, jusqu'à 40 kilomètres par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre de la justice", et les mots "conjoint des deux ministres susvisés" ;

Article 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 5 août 1993.

7 – Cour de Cassation, civ. 2, 14 décembre 2000, DAKARejet.

N° de pourvoi : 99-50089Publié au bulletin Sur le moyen unique : Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par un premier président (Metz, 27 octobre 1999), que

M. Daka, ressortissant albanais, a été interpellé par des policiers en patrouille dont l’attention avait été attirée par un groupe d’individus ne s’exprimant pas en français ; qu’étant en situation irrégulière sur le territoire français, il a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière et de maintien en rétention pris par le préfet de la Moselle ; qu’un juge délégué a ordonné la prolongation de cette mesure ;

Attendu que le préfet de la Moselle fait grief à l’ordonnance d’avoir annulé le contrôle d’identité et ordonné la levée de la mesure de rétention, alors, selon le moyen, que c’est l’éclat des voix d’un groupe d’individus s’exprimant en langue étrangère sur la voie publique qui a attiré l’attention des policiers et que le fait de converser en groupe, qui relève d’un comportement volontaire, décidé ou accepté, doit être considéré comme un élément objectif et extérieur à la personne physique permettant de présumer la qualité d’étranger, quand bien même cet élément n’atteste pas la nationalité, et d’effectuer régulièrement, en application de l’article 8 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, et conformément aux principes et règles de valeur constitutionnelle, sans qu’il y ait discrimination, la vérification des documents détenus par M. Daka ;

Mais attendu que l’ordonnance retient à bon droit que pour que les agents de l’autorité aient la faculté de requérir la présentation des documents sous le couvert desquels les étrangers sont autorisés à séjourner en France, sans qu’il soit préalablement procédé à un contrôle d’identité dans les conditions déterminées par les articles 78-1 et suivants du Code de procédure pénale, il faut que des éléments objectifs déduits de circonstances extérieures à la personne même de l’intéressé soient de nature à faire apparaître sa qualité d’étranger ; que le fait de s’exprimer dans une langue étrangère ne constitue pas un élément objectif déduit des circonstances extérieures à la personne susceptible de présumer la qualité d’étranger ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

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8 – Cour de Cassation, crim., 15 janvier 2003X... Ibrahima

Rejet N° de pourvoi : 02-81008 Statuant sur le pourvoi formé par : contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 18 décembre 2001, qui, pour

entrée ou séjour irrégulier d’un étranger en France, faux et usage de faux document délivré par une administration publique, l’a condamné à 9 mois d’emprisonnement et 10 ans d’interdiction du territoire français ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 78-2, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité du contrôle d’identité ;

”aux motifs que le procès-verbal de saisine et d’interpellation du 4 janvier 1999 vise l’article 78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale et mentionne que les fonctionnaires de police, en procédant en gare de Bellegarde-sur-Valserine (Ain), ont procédé au contrôle d’identité d’un voyageur descendant d’un train en provenance d’Evian (Haute-Savoie) ; que, même si cette gare ne figure pas sur la liste fixée par l’arrêté du 23 mars 1995 désignant les lieux ouverts au trafic international, elle constitue le premier lieu de transit ferroviaire important entre la Suisse et la France ; que les services de police procèdent dans le périmètre considéré à de nombreuses interpellations quasi quotidiennes pour des faits d’entrée ou séjour irréguliers en France, et à de nombreuses autres infractions, “qu’ainsi le procès-verbal se réfère à une situation pérenne loin d’être abstraite mais objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses et précises qui se sont réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l’occurrence sur le quai n° 1 de la gare à l’égard d’un voyageur descendant d’un train en provenance d’une ville frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières établissant le risque sérieux et actuel d’une atteinte à l’ordre public qui a motivé ledit contrôle...” ;

”alors qu’aux termes de l’article 78-2, alinéa 3, du Code de procédure pénale, l’identité de toute personne ne saurait être contrôlée que pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens ; que l’arrêt attaqué, qui, pour rejeter l’exception de nullité du contrôle d’identité soulevée par le prévenu ayant fait l’objet d’un contrôle d’identité dans une gare à la descente du train, se réfère de manière abstraite à la situation géographique de cette gare, à de nombreuses infractions commises dans le “périmètre restreint du contrôle” et à une situation “pérenne”, sans préciser en quoi la sûreté des personnes et des biens était immédiatement menacée lors du contrôle, a privé sa décision de base légale” ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’Ibrahima X... a été interpellé, le 4 janvier 1999, vers 8 heures, à

la gare de Bellegarde-sur-Valserine, par des fonctionnaires de la DDCILEC de l’Ain ;que, pour justifier le contrôle d’identité de l’intéressé, les policiers énoncent dans leur procès-verbal,

que “la position géographique particulière de la gare” susvisée, “première gare française sur le trajet Genève-Paris et gare de correspondance pour les voyageurs en provenance des lignes longeant la frontière franco-suisse” fait d’elle un “pôle d’attraction pour les individus ayant franchi clandestinement la frontière terrestre franco-suisse et désirant emprunter les transports ferroviaires à destination de Paris et de Lyon” ; qu’ainsi, “de nombreuses procédures” ont été établies par leur service “au cours des années précédentes, à un rythme pluri-hebdomadaire, pour des faits d’entrées ou de séjours irréguliers en France constatés sur des voyageurs en

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correspondance ou en partance sur les grandes lignes” ; qu’ils ajoutent avoir procédé “au contrôle d’identité d’un voyageur descendant du train en provenance d’Evian” ; qu’enfin, à l’issue de ce contrôle, l’intéressé, qui a déclaré spontanément être de nationalité comorienne, a été interpellé pour entrée ou séjour irrégulier en France, faute d’avoir été en mesure de présenter les pièces ou documents exigés ;

Attendu que, pour confirmer le jugement ayant rejeté l’exception de nullité du contrôle d’identité, la cour d’appel, après avoir rappelé les interpellations quasi-quotidiennes pratiquées pour des faits, non seulement d’entrée ou de séjour irrégulier en France mais aussi d’aide au séjour irrégulier, voire de trafics de stupéfiants, d’objets de valeur ou de faux documents administratifs organisés par des ressortissants français ou étrangers profitant de l’ “intérêt stratégique” des lieux et ajouté que l’importance du trafic ferroviaire permet à “des individus arrivés clandestinement en France de passer inaperçus dans le flot des voyageurs en correspondance, y compris et surtout un 4 janvier à 8 heures”, retient que le procès-verbal se réfère ainsi à “une situation pérenne, loin d’être abstraite mais objectivement constatée, relatant des infractions nombreuses et précises... réalisées dans le périmètre restreint du contrôle, opéré en l’occurrence sur le quai n° 1 de la gare à l’égard d’un voyageur descendant d’un train en provenance d’une ville frontalière, et justifie parfaitement des circonstances particulières établissant le risque sérieux et actuel d’une atteinte à l’ordre public” ayant motivé ledit contrôle ;

Attendu qu’en cet état, la cour d’appel a justifié sa décision ; D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; (…)

REJETTE le pourvoi ;

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Régime d’exception

1. CE 28 juin 1918 Heyriès (au GAJA)

N° 63412Publié au recueil LebonM. Romieu, présidentM. Benoist, rapporteurM. A. Ripert, commissaire du gouvernement

Vu la requête présentée par le sieur X..., ex-dessinateur civil de 2ème classe du génie militaire, demeurant à Nice, ladite requête enregistrée au Secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 juin 1917, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler la décision en date du 22 octobre 1916, par laquelle le ministre de la Guerre l'a révoqué de ses fonctions ; Vu le décret du 10 septembre 1914 ; le décret du 16 septembre 1914 ;

Vu la loi constitutionnelle du 25 février 1875, article 3 ;

Considérant que, pour demander l'annulation, pour excès de pouvoir, de la décision, en date du 22 octobre 1916, qui l'a révoqué de son emploi de dessinateur de deuxième classe du génie, le sieur X... soutient, d'une part, qu'il avait droit à la communication des pièces de son dossier, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, dont l'application n'a pu être suspendue par le décret du 10 septembre 1914 ; d'autre part, que, en tous cas, les formalités prévues au décret du 16 septembre 1914 n'ont pas été observées ;

Sur le premier point : Considérant que, par l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, le Président de la République est placé à la tête de l'Administration française et chargé d'assurer l'exécution des lois ; qu'il lui incombe, dès lors, de veiller à ce qu'à toute époque les services publics institués par les lois et règlements soient en état de fonctionner, et à ce que les difficultés résultant de la guerre n'en paralysent pas la marche ; qu'il lui appartenait, à la date du 10 septembre 1914, à laquelle est intervenu le décret dont la légalité est contestée, d'apprécier que la communication, prescrite par l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, à tout fonctionnaire de son dossier préalablement à toute sanction disciplinaire, était, pendant la période des hostilités, de nature à empêcher dans un grand nombre de cas l'action disciplinaire de s'exercer et d'entraver le fonctionnement des diverses administrations nécessaires à la vie nationale. Qu'à raison des conditions dans lesquelles s'exerçaient, en fait, à cette époque, les pouvoirs publics, il avait la mission d'édicter lui-même les mesures indispensables pour l'exécution des services publics placés sous son autorité ;

Considérant, qu'en décidant, par le décret pris à la date sus-indiquée, que l'application de l'article 65 serait suspendue provisoirement pendant la durée de la guerre, avec faculté pour les intéressés de se pourvoir après la cessation des hostilités en révision des décisions qui auraient été ainsi prises à leur égard, le Président de la République n'a fait qu'user légalement des pouvoirs qu'il tient de l'article 3 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875, et qu'ainsi, la décision du ministre de la Guerre, rendue conformément aux dispositions dudit décret, n'est pas entachée d'excès de pouvoir ;

Sur le deuxième point : Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision attaquée a été rendue sur le vu d'un rapport du chef du génie de Nice, et à la suite d'un interrogatoire auquel a été soumis le sieur X... et au cours duquel il lui était loisible de provoquer tout éclaircissement sur les griefs relevés contre lui, et de produire ses explications et ses moyens de défense ; qu'ainsi, il a été satisfait aux prescriptions du décret du 16 septembre 1914 ;

DECIDE : Article 1er : La requête susvisée du sieur X... est rejetée. Article 2 : Expédition ... Guerre.

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2. CE Ass., 2 mars 1962 Rubin de Servens (au GAJA)

N° 55049 55055 Publié au recueil Lebon ASSEMBLEE M. Parodi, présidentM. Théry, rapporteurM. Henry, commissaire du gouvernement

Vu, sous le n° 55049, la requête présentée pour les sieurs Rubin de I... Guy, C... Pierre, Z... Marcel, Y... Michel, F... Antoine, A... Roger, E... Joseph, Durand-Ruel G..., Picot d'X... d'Assignies, B... Jean, incarcérés à la prison de la Santé, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 5 juillet 1961 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir une décision du président de la République en date du 3 mai 1961 instituant un Tribunal militaire et subsidiairement ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;

Vu, sous le n° 55055, la requête présentée pour le sieur H... de Nedde, demeurant ... à Saint-Cloud et pour le sieur D... Jacques-Claude demeurant ..., ladite requête enregistrée comme ci-dessus le 5 juillet 1961 et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir une décision en date du 3 mai 1961 par laquelle le président de la République a institué un Tribunal militaire, subsidiairement ordonner le sursis à l'exécution ; Vu la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 ; Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 4 août 1956 ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ;

Considérant que, par décision en date du 23 avril 1961, prise après consultation officielle du Premier Ministre et des présidents des Assemblées et après avis du Conseil constitutionnel, le Président de la République a mis en application l'article 16 de la Constitution du 4 octobre 1958 ; que cette décision présente le caractère d'un acte de gouvernement dont il n'appartient au Conseil d'Etat ni d'apprécier la légalité, ni de contrôler la durée d'application ; que ladite décision a eu pour effet d'habiliter le Président de la République à prendre toutes les mesures exigées par les circonstances qui l'ont motivée et, notamment, à exercer dans les matières énumérées à l'article 34 de la Constitution le pouvoir législatif et dans les matières prévues à l'article 37 le pouvoir réglementaire ;

Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, "la loi fixe les règles concernant ... la procédure pénale, ... la création de nouveaux ordres de juridiction" ; que la décision attaquée en date du 3 mai 1961, intervenue après consultation du Conseil constitutionnel, tend d'une part à instituer un tribunal militaire à compétence spéciale et à créer ainsi un ordre de juridiction au sens de l'article 34 précité, et, d'autre part, à fixer les règles de procédure pénale à suivre devant ce tribunal ; qu'il s'ensuit que ladite décision, qui porte sur des matières législatives et qui a été prise par le Président de la République pendant la période d'application des pouvoirs exceptionnels, présente le caractère d'un acte législatif dont il n'appartient pas au juge administratif de connaître ;

DECIDE : Article 1er - Les requêtes susvisées n° 55049 et 55055 présentées par le sieur Rubin de I... et autres sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 2 - Expédition de la présente décision sera transmise au Premier Ministre.

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Etat d’urgence

1 - Loi n°55-385 du 3 avril 1955Loi instituant un état d'urgence et en déclarant l'application en Algérie.

TITRE Ier.

Article 1er - L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, de l'Algérie, ou des départements d'outre-mer, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

Article 2 - L'état d'urgence est déclaré par décret en Conseil des ministres. Ce décret détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur.

Dans la limite de ces circonscriptions, les zones où l'état d'urgence recevra application seront fixées par décret. La prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi.

Article 3 - La loi autorisant la prorogation au-delà de douze jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive.

Article 4 - La loi portant prorogation de l'état d'urgence est caduque à l'issue d'un délai de quinze jours francs suivant la date de démission du Gouvernement ou de dissolution de l'Assemblée nationale.

Article 5 - La déclaration de l'état d'urgence donne pouvoir au préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription prévue à l'article 2 :

1° D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; 2° D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; 3° D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce

soit, l'action des pouvoirs publics.

Article 6 - Le ministre de l'intérieur dans tous les cas et, en Algérie, le gouverneur général peuvent prononcer l'assignation à résidence dans une circonscription territoriale ou une localité déterminée de toute personne résidant dans la zone fixée par le décret visé à l'article 2 dont l'activité s'avère dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics des circonscriptions territoriales visées audit article.

L'assignation à résidence doit permettre à ceux qui en sont l'objet de résider dans une agglomération ou à proximité immédiate d'une agglomération.

En aucun cas, l'assignation à résidence ne pourra avoir pour effet la création de camps où seraient détenues les personnes visées à l'alinéa précédent.

L'autorité administrative devra prendre toutes dispositions pour assurer la subsistance des personnes astreintes à résidence ainsi que celle de leur famille.

Article 7 - Toute personne ayant fait l'objet d'une des mesures prises en application de l'article 5 (3°), ou de l'article 6 peut demander le retrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du Conseil général désignés par ce dernier et comportant, en Algérie, la représentation paritaire d'élus des deux collèges.

La composition, le mode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un décret en Conseil d'Etat.

Les mêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa 1er ci-dessus devant le tribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d'appel, la décision du Conseil d'Etat devra, intervenir dans les trois mois de l'appel.

Faute par les juridictions ci-dessus d'avoir statué dans les délais fixés par l'alinéa précédent, les mesures prises en application de l'article 5 (3°) ou de l'article 6 cesseront de recevoir exécution.

Article 8 - Le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, le gouvernement général pour l'Algérie et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées par le décret prévu à l'article 2.

Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.

Article 9 - Les autorités désignées à l'article 6 peuvent ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories définies par le décret du 18 avril 1939.

Les armes de la cinquième catégorie remises en vertu des dispositions qui précèdent donneront lieu à récépissé. Toutes dispositions seront prises pour qu'elles soient rendues à leur propriétaire en l'état où elles étaient lors de leur dépôt.

Article 10 - La déclaration de l'état d'urgence s'ajoute aux cas visés à l'arrêté article 1er de la loi du 11 juillet 1938 sur l'organisation générale de la nation en temps de guerre pour la mise à exécution de tout ou partie des dispositions de ladite loi en vue de pourvoir aux besoins résultant de circonstances prévues à l'article 1er.

Article 11 - Le décret déclarant ou la loi prorogeant l'état d'urgence peuvent, par une disposition expresse : 1° Conférer aux autorités administratives visées à l'article 8 le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de

nuit ;

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2° Habiliter les mêmes autorités à prendre toutes mesures pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature ainsi que celui des émissions radiophoniques, des projections ciné-matographiques et des représentations théâtrales.

Les dispositions du paragraphe 1° du présent article ne sont applicables que dans les zones fixées par le décret prévu à l'article 2 ci-dessus.

Article 12 - Lorsque l'état d'urgence est institué, dans tout ou partie d'un département, un décret pris sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre de la défense nationale peut autoriser la juridiction militaire à se saisir de crimes, ainsi que des délits qui leur sont connexes, relevant de la cour d'assises de ce département.

La juridiction de droit commun reste saisie tant que l'autorité militaire ne revendique pas la poursuite et, dans tous les cas, jusqu'à l'ordonnance prévue à l'article 133 du code d'instruction criminelle (1). Si, postérieurement à cette ordonnance, l'autorité militaire compétente pour saisir la juridiction militaire revendique cette poursuite, la procédure se trouve, nonobstant les dispositions de l'article 24, dernier alinéa, du code de justice militaire, portée de plein droit devant la chambre des mises en accusation prévue par l'article 68 du code de la justice militaire, lorsque la chambre de l'instruction saisie n'a pas encore rendu son arrêt, soi t devant la juridiction militaire compétente ratione loci lorsqu'un arrêt de renvoi a été rendu. Dans ce dernier cas, les dispositions de l'alinéa ci-après sont applicables, et il n'y a pas lieu pour la Cour de cassation de statuer avant le jugement sur les pourvois qui ont pu être formés contre cet arrêté. Le tribunal militaire est constitué et statue, dans les conditions fixées aux deux derniers alinéas de l'article 10 du code de la justice militaire.

Lorsque le décret prévu à l'alinéa du présent article est intervenu, dans les circonscriptions judiciaires précisées audit décret et pour toutes les procédures déférées à la juridiction militaire, il ne pourra être exercé aucune voie de recours contre les décisions des juridictions d'instruction, y compris l'arrêt de renvoi, à l'exception de l'opposition contre les ordonnances statuant sur une demande de mise en liberté provisoire devant la chambre des mises en accusation, qui statuera dans la quinzaine. Une nouvelle opposition ne pourra être élevée que contre une ordonnance rendue plus de deux mois après une précédente décision de rejet de la chambre des mises en accusation.

Les pourvois en cassation contre les décisions des juridictions d'instruction ne peuvent être formés qu'après jugement statuant au fond et, s'il y a lieu, en même temps que le pourvoi élevé contre celui-ci. Ils sont portés devant un tribunal militaire de cassation établi par décret en se conformant aux articles 126 à 132 du code de justice militaire et statuant dans les conditions de forme et de fond prévues aux articles 133 à 155 dudit code.

Aucune voie de recours, même en cassation, ne pourra également être exercée contre les décisions des juridictions d'instruction de droit commun statuant sur des faits prévus audit décret à l'exclusion de l'appel devant la chambre des mises en accusation.

Article 13 - Les infractions aux dispositions des articles 5, 6, 8, 9 et 11 (2°) seront punies d'un emprisonnement de huit jours à deux mois et d'une amende de 11 euros à 3 750 euros ou de l'une de ces deux peines seulement. L'exécution d'office, par l'autorité administrative, des mesures prescrites peut être assurée nonobstant l'existence de ces dispositions pénales.

Article 14 - Les mesures prises en application de la présente loi cessent d'avoir effet en même temps que prend fin l'état d'urgence.

Toutefois, après la levée de l'état d'urgence les tribunaux militaires continuent de connaître des crimes et délits dont la poursuite leur avait été déférée.

(…)

Loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances :

Article 1 - L’état d’urgence proclamé en Nouvelle-Calédonie et dépendances par l’arrêté 85-35 du 12-01-1985 du Haut-Commissaire de la République, en application de l’article 119 de la loi n° 84-821 du 06-09-1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et de la loi n° 55385 du 03-04-1955 instituant un état d’urgence, est rétabli jusqu’au 30-06-1985.

Est conféré au Haut-Commissaire le pouvoir mentionné à l’article 11 (1), de la loi du 03-04-1955 précitée.

Article 2 - La présente loi sera applicable en Nouvelle-Calédonie et dépendances dès sa promulgation par la Haut-Commissaire et sa publication par voie d’affichage au Haut-Commissariat.

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Conseil d’Etat, 25 juillet 1985 DAGOSTINI

N° 68151, Publié au Recueil Lebon1 / 4 SSRM. Azibert, RapporteurM. Lasserre, Commissaire du gouvernementM. Gazier, Président Requête de Mme Dagostini tendant :1° à l’annulation du jugement du 9 avril 1985 du tribunal administratif de Nouméa rejetant sa

demande tendant à l’annulation et au sursis à l’exécution de l’arrêté du 23 février 1985 par lequel le haut-commissaire de la République lui a interdit de séjourner sur l’ensemble du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ;

2° à l’annulation dudit arrêté ;3° à ce qu’il soit sursis à son exécution ;Vu la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie ; la loi du

6 septembre 1984 relative à l’organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ; la loi du 25 janvier 1985 relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ; le décret du 10 mai 1955 portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 7 de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence et en déclarant l’application en Algérie ; l’arrêté du 12 janvier 1985 par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et dépendances a proclamé l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances ; le code des tribunaux administratifs ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;

Considérant que l’état d’urgence proclamé en Nouvelle-Calédonie et dépendances par l’arrêté du 12 janvier 1985 du haut-commissaire de la République en application de l’article 119 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances et de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence, a été rétabli jusqu’au 30 juin 1985 par la loi n° 85-96 du 25 janvier 1985 ; qu’aux termes de l’article 5-3° de la loi précitée du 3 avril 1955, le préfet dont le département se trouve en tout ou partie compris dans une circonscription où l’état d’urgence a été déclaré peut “ interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics “ ; que, par un arrêté du 21 février 1985, le haut-commissaire de la République a interdit le séjour de Mme Dagostini sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, et lui a enjoint de quitter le territoire avant le 25 février à 24 heures ; que, par l’arrêté attaqué, en date du 23 février 1985, le haut-commissaire de la République, après avoir rapporté son précédent arrêté, a pris la même mesure d’interdiction de séjour à l’égard de Mme Dagostini et lui a enjoint de quitter immédiatement le territoire ;

Cons. qu’il résulte des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la commission consultative prévue à l’article 7 de la loi précitée du 3 avril 1955 n’aurait pas été constituée à la date à laquelle a été pris l’arrêté attaqué, manque en fait ;

Cons. que si le retrait d’une mesure défavorable est susceptible de créer des droits au profit des personnes qui en sont l’objet, rien ne s’oppose, lorsqu’une telle mesure paraît entachée d’un vice de forme, à ce que, en vue de couvrir ce vice, l’autorité administrative en prononce le retrait et prenne une nouvelle décision fondée sur les mêmes faits ; que, par suite, Mme Dagostini ne tenait du retrait de l’arrêté du 21 février 1985, prononcé en raison de l’insuffisance prêtée à sa motivation, aucun droit qu’aurait méconnu la décision, d’ailleurs prise simultanément, l’interdisant de séjour à raison des faits qui avaient motivé la mesure rapportée ; qu’en retenant la participation active de Mme Dagostini à une manifestation interdite, le haut-commissaire de la République ne s’est pas fondé, alors même que cette manifestation a pu en fait se dérouler, sur des faits matériellement inexacts ; qu’en estimant que le comportement de Mme Dagostini à cette occasion était de nature à justifier une mesure d’interdiction de séjour, le haut-commissaire de la République n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;

Cons. que si, en prescrivant l’exécution immédiate de la mesure d’interdiction de séjour, le haut-commissaire a pris une mesure plus grave que celle qui avait été prise par l’arrêté du 21 février, cette aggravation était justifiée par des faits nouveaux survenus depuis le premier arrêté et

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résultant de la résolution, rendue publique par Mme Dagostini, de ne pas se soumettre à la mesure d’interdiction de séjour prise à son encontre ; qu’alors même que l’arrêté dont il s’agit a été rapporté par l’arrêté attaqué, le haut-commissaire de la République a pu, sans erreur de droit, retenir les agissements de Mme Dagostini pour prendre, sur le fondement de l’article 5, 3° de la loi du 3 avril 1955 une mesure qui a pour objet de prévenir les risques pour l’ordre public provenant de ces agissements, et non de sanctionner la méconnaissance d’une décision administrative ;

Cons. que si l’article 13 de la loi du 3 avril 1955 prévoit des sanctions pénales en cas d’inexécution des décisions prises sur le fondement de l’article 5-3°, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l’autorité administrative prescrive l’exécution immédiate d’une mesure d’interdiction de séjour ;

Cons. enfin que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;Cons. qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme Dagostini n’est pas fondée à se plaindre de ce que,

par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouméa a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’arrêté par lequel le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et dépendances a décidé de lui interdire le séjour sur le territoire néocalédonien et a prescrit l’exécution immédiate de cette mesure ;

DECIDE : [rejet].N[1] Cf. Ministre de l’intérieur c/ Hurtaud, 27 janv. 1971, p. 68.[2] Rappr. Sect. Ministre de l’intérieur c/ Gay, 23 juill. 1974, p. 441.[3] Ab. jur., Ass., Keddar, 3 févr. 1956, p. 46.

Résumé : 01-01-06-02-01[11], 01-01-06-02-01[12], 01-05-03-02[1], 01-05-03-02[2], 49-06-01[2] Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ayant, sur le fondement de l’article 5-3° de la loi du 3 avril 1955, relative à l’état d’urgence, interdit, par un premier arrêté en date du 21 janvier 1985, le séjour d’une personne dans le territoire et enjoint à l’intéressée de quitter ce dernier avant le 25 février à 24 heures, puis, par un second arrêté en date du 23 février 1985, rapportant le précédent, pris la même mesure d’interdiction et enjoint à l’intéressée de quitter immédiatement le territoire.

01-01-06-02-01[11], 01-01-06-02-01[2], 01-05-03-02[1] Si le retrait d’une mesure défavorable est

susceptible de créer des droits au profit des personnes qui en sont l’objet, rien ne s’oppose, lorsqu’une telle mesure paraît entachée d’un vice de forme, à ce que, en vue de couvrir ce vice, l’autorité administrative, en ayant prononcé le retrait, prenne une nouvelle décision fondée sur les mêmes faits.

01-01-06-02-01[12], 01-05-03-02[2], 49-06-01[2] Si, en prescrivant l’exécution immédiate de la mesure

d’interdiction de séjour, laquelle avait pour objet non de sanctionner la méconnaissance d’une décision administrative mais de prévenir un trouble pour l’ordre public, le haut-commissaire a pris une mesure plus grave que celle qui était rapportée, cette aggravation était justifiée par des faits nouveaux survenus depuis le premier arrêté. Le haut-commissaire n’a, par suite, commis aucune erreur de droit en aggravant la mesure d’interdiction de séjour [1].

49-06-01[1], 54-07-02-04 Le juge de l’excès de pouvoir exerce un contrôle restreint sur l’appréciation à

laquelle se livre l’autorité administrative lorsqu’elle décide, en application des dispositions de l’article 5-3° de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence, de prendre une mesure d’interdiction de séjour, dans tout ou partie d’un département, à l’égard d’une personne qui cherche à entraver l’action des pouvoirs publics [sol. impl.].

Précédents jurisprudentiels : 1. Cf. 1971-01-27, Ministre de l’intérieur c/ Hurtaud, p. 68. 2. Rappr.

Section, Ministre de l’intérieur c/ Gay, 1974-07-23, p. 441. 3. Ab. jur. 1956-02-03, Assemblée, Keddar, p. 46.

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Décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955

Article 1 - L'état d'urgence est déclaré, à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure, sur le territoire métropolitain.

Article 2 - Il emporte pour sa durée application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 susvisée.

Article 3 - Le Premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et entrera immédiatement en vigueur.

Décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 relatif à l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955

Le Premier ministre,Sur le rapport du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire,Vu le code civil, notamment son article 1er ;Vu la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée instituant un état d'urgence ;Vu le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;Vu l'urgence, Décrète :

Article 1 - Outre les mesures prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 susvisée qui sont applicables à l'ensemble du territoire métropolitain, les mesures mentionnées aux articles 6, 8, 9 et au 1° de l'article 11 de la loi peuvent être mises en oeuvre dans les zones dont la liste figure en annexe au présent décret.

Article 2 - Ce décret entrera en vigueur à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure.

Article 3 - Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

.

Ordonnance du juge des référés du 14 novembre 2005, M. Rolin, no 286835,(…)Sur la portée des textes dont la suspension est demandée :Considérant que la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence prévoit dans son article 1er que celui-

ci peut être " déclaré " sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d'outre-mer, notamment " en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public " ; que la déclaration, qui initialement était du ressort d'une loi, relève, depuis l'intervention de l'ordonnance n° 60-732 du 15 avril 1960, d'un décret en conseil des ministres lequel, aux termes du premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 55-385, " détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur " ; que, du seul fait de sa déclaration l'état d'urgence entraîne de plein droit l'application notamment de l'article 5 de la loi ; que cet article donne pouvoir au préfet : " 1°) D'interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; 2°) D'instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; 3°) D'interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l'action des pouvoirs publics " ;

Considérant en outre que le décret portant déclaration de l'état d'urgence peut, par une disposition expresse, décider la mise en œuvre en tout ou partie de l'article 11 de la loi ; que le 1° de l'article 11 confère au ministre de l'intérieur et au préfet le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;

Considérant que le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi dispose que dans la limite des circonscriptions territoriales ayant fait l'objet de la déclaration, les zones où l'état d'urgence " recevra application " sont fixées par décret ; que l'intervention de ce décret a pour effet de permettre l'adoption de mesures complémentaires prévues notamment aux articles 6 et 8 de la loi ; qu'il lui appartient également de définir la zone d'application des dispositions du 1° de l'article 11 relatives aux perquisitions, au cas où la déclaration d'état d'urgence en a prévu la mise en œuvre ;

Considérant qu'indépendamment de la gradation des mesures qui peuvent être ainsi prises sous l'empire de l'état d'urgence, le législateur a entendu que l'extension des pouvoirs conférés aux autorités publiques revête un

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caractère essentiellement temporaire ; qu'à cet égard, le troisième alinéa de l'article 2 de la loi exige que la prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne puisse être autorisée que par la loi ; qu'en vertu de l'article 3, il incombe à la loi autorisant sa prorogation de fixer la durée définitive de l'état d'urgence ; que le premier alinéa de l'article 14 pose en principe que les mesures prises en application de la loi cessent de produire effet en même temps que prend fin l'état d'urgence ;

Considérant que le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005, délibéré en Conseil des ministres et signé du Président de la République a, par son article 1er, déclaré l'état d'urgence sur le territoire métropolitain à compter du 9 novembre à zéro heure ; qu'il est indiqué à l'article 2 que l'état d'urgence emporte pour sa durée " application du 1° de l'article 11 de la loi " ;

Considérant que le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, dont la date d'entrée en vigueur est identique à celle du décret n° 2005-1386 du même jour, dispose qu'en sus des mesures prévues à l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 applicables à l'ensemble du territoire métropolitain, peuvent être mises en œuvre uniquement dans les zones dont la liste figure en annexe du second décret, d'une part, celles mentionnées aux articles 6, 8 et 9 de la loi, qui sont relatives respectivement à l'assignation à résidence de certaines personnes, à la police des réunions et lieux publics et au pouvoir d'ordonner la remise des armes des 1ère, 4ème et 5ème catégories, d'autre part, les dispositions du 1° de l'article 11 ; qu'il est spécifié dans le rapport de présentation au Premier ministre du décret n° 2005-1387 que les mesures qui viendraient à être prises sur son fondement " devront être adaptées et proportionnées aux nécessités locales " ;

Sur l'existence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décrets :En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1386 :Considérant que la loi du 3 avril 1955 a eu pour objet de permettre aux pouvoirs publics de faire face à des

situations de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui constituent une menace pour la vie organisée de la communauté nationale ; que, dans son texte initial, l'appréciation à porter sur l'opportunité de sa mise en œuvre était réservée à la représentation nationale ; que, sous l'empire du texte présentement en vigueur, la responsabilité de ce choix incombe au chef de l'Etat, sous réserve, en cas de prorogation au-delà du délai de douze jours de ce régime, de l'intervention du Parlement ; qu'il s'ensuit que le Président de la République dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu lorsqu'il décide de déclarer l'état d'urgence et d'en définir le champ d'application territorial ; que, dans ce contexte et eu égard à l'aggravation continue depuis le 27 octobre 2005 des violences urbaines, à leur propagation sur une partie importante du territoire et à la gravité des atteintes portées à la sécurité publique, ne peuvent être regardés comme étant propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret n° 2005-1386 les moyens tirés par le requérant de ce que la déclaration de l'état d'urgence n'était pas nécessaire sur l'ensemble du territoire métropolitain, de ce que la pratique suivie depuis l'adoption de la loi de 1955 conduit à limiter la mise en œuvre de l'état d'urgence à des situations de guerre civile ou de tentative de coup d'Etat et enfin, de la méconnaissance du principe de proportionnalité dès lors que l'autorité de police n'a pas épuisé tous les autres moyens à sa disposition ;

En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1387 :Quant au moyen tiré de l'illégalité de ce décret par voie de conséquence de celle du décret n° 2005-1386 :

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le moyen tiré de ce que le décret signé par le Premier ministre serait dépourvu de base légale en raison de l'illégalité du décret qui lui sert de fondement, ne peut davantage être pris en considération ;Quant aux autres moyens propres au décret n° 2005-1387 :

Considérant que le requérant critique encore le défaut de proportionnalité des mesures autorisées par le décret avec la situation qu'il envisage dès lors que le régime d'assignation à résidence est plus strict que dans le régime de l'état de siège et qu'aucun contrôle de l'autorité judiciaire n'est prévu en cas de perquisitions ;

Considérant que dans son article 7 la loi du 3 avril 1955 a institué des garanties particulières au bénéfice des personnes faisant l'objet, soit d'une interdiction de séjour dans un département sur le fondement du 3°) de l'article 5, soit d'une assignation à résidence en application de l'article 6 ; que l'examen d'un recours gracieux formé à l'encontre d'une de ces mesures doit être précédé de l'avis d'une commission départementale où siègent des représentants du conseil général ; qu'il incombe aux autorités compétentes de pourvoir à la constitution effective de cette instance aux fins d'assurer que l'application concrète des articles 5 (3°) et 6 sera assortie des garanties prescrites par la loi, lesquelles ont vocation à être mises en œuvre sans préjudice des dispositions du même article 7 imposant en cas de recours contentieux, au juge administratif, de se prononcer à bref délai ;

Considérant que les perquisitions autorisées par le 1° de l'article 11 de la loi devaient à l'origine être effectuées suivant les modalités définies par les dispositions alors en vigueur de l'article 10 du code d'instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire, auquel a succédé l'article 30 du code de procédure pénale ; que l'abrogation de cet article par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 n'a pas eu pour

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conséquence de soustraire au contrôle de l'autorité judiciaire l'exercice par le ministre de l'intérieur ou le préfet de missions relevant de la police judiciaire ;

Considérant qu'eu égard tout à la fois à la circonstance que les mesures dont l'application est autorisée par le décret n° 2005-1387 ont pour fondement une loi dont il n'appartient pas à la juridiction administrative d'apprécier la constitutionnalité, à la limitation de leur application aussi bien dans le temps que dans l'espace ainsi qu'au contrôle dont leur mise en œuvre est assortie, le moyen susanalysé, pris en ses diverses branches, n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux ;

En ce qui concerne le moyen commun aux deux décrets tiré de la date de leur prise d'effet :Considérant qu'après avoir visé l'article 1er du code civil dont le deuxième alinéa autorise le gouvernement à

prévoir l'entrée en vigueur d'un décret dès sa publication au Journal officiel, le décret n° 2005-1386 a déclaré l'état d'urgence " à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure ", tout en prescrivant son entrée en vigueur " immédiatement " ; que le décret n° 2005-1387 énonce qu'il entrera en vigueur dans les mêmes conditions ;

Considérant que M. ROLIN demande la suspension des décrets en tant qu'ils prennent effet le 9 novembre 2005 à zéro heure et non à compter de la diffusion du Journal officiel daté du 9 novembre 2005 où ils ont été publiés ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par l'administration, la circonstance que la requête aux fins de suspension a été introduite postérieurement à l'entrée en vigueur des décrets ne prive pas de son objet la contestation relative à leur entrée en vigueur dès lors que la date et l'heure retenus permettent de fixer avec précision la durée du délai de douze jours au-delà duquel l'état d'urgence ne peut être maintenu sans l'assentiment du Parlement ;

Considérant toutefois, que, compte tenu des dispositions de l'article 1er du code civil, le moyen invoqué ne paraît pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décrets sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin pour le juge des référés de se prononcer sur le point de savoir si la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, que les conclusions de la requête de M. ROLIN doivent être rejetées ;

O R D O N N E :(…)Article 3 : La requête de M. Frédéric ROLIN est rejetée.

Loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 :

Article 1 - L'état d'urgence déclaré sur le territoire métropolitain par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 est prorogé pour une période de trois mois à compter du 21 novembre 2005.

Article 2 - Il emporte, pour sa durée, application du 1° de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955.

Article 3 - Il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai. En ce cas, il en est rendu compte au Parlement.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

Décret n° 2006-2 du 3 janvier 2006 mettant fin à l’application de la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005 :

Article 1 - Il est mis fin, à compter du 4 janvier 2006, à l'état d'urgence déclaré sur le territoire métropolitain par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 et prorogé par la loi n° 2005-1425 du 18 novembre 2005.

Article 2 - Le Premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l'application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et entrera immédiatement en vigueur

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Ordonnance du 9 décembre 2005, réf., Mme ALLOUACHE et autres (74 enseignants-chercheurs), N° 287777

(…)Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 8 décembre 2005 à 10 heures 30 au cours de

laquelle ont été entendus :

- M. Frédéric ROLIN en sa qualité de mandataire des requérants ; - les représentants du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;- le représentant du Premier ministre ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (…) aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale… » ; que le respect de ces conditions revêt un caractère cumulatif ;

Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, les requérants demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, à titre principal, d’ordonner la suspension de l’état d’urgence ou, à défaut, d’enjoindre au Président de la République de prendre un décret mettant fin, avant l’expiration du délai de trois mois prévu par l’article 1er de la loi du 18 novembre 2005 susvisée, à la déclaration de l’état d’urgence décidée initialement par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 et dont certaines modalités de mise en œuvre ont été définies par le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire aux conclusions présentées à titre principal :

Considérant que si, pour le cas où l’ensemble des conditions posées par l’article L. 521-2 du code de justice administrative sont remplies, le juge des référés peut prescrire « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale », de telles mesures doivent, ainsi que l’impose l’article L. 511-1 du même code, présenter un « caractère provisoire » ; qu’il suit de là que le juge des référés ne peut, sans excéder sa compétence, ni prononcer l’annulation d’une décision administrative, ni ordonner une mesure qui aurait des effets en tous points identiques à ceux qui résulteraient de l’exécution par l’autorité administrative d’un jugement annulant pour défaut de base légale une telle décision ;

(…)

Sur le bien-fondé des conclusions présentées à titre subsidiaire par les requérants tendant qu’il soit enjoint au Président de la République de procéder à un réexamen de la situation :

Considérant que n’est en cause devant le juge des référés du Conseil d’Etat, ni le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 qui a déclaré l’état d’urgence à compter du 9 novembre à zéro heure et prévu, dans son principe, l’application du 1° de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 relatif au pouvoir de perquisition dévolu au ministre de l’intérieur et au préfet, ni le décret n° 2005-1387 pris le même jour que le précédent qui, dans la limite de la circonscription territoriale métropolitaine ayant fait l’objet de la déclaration d’état d’urgence, a défini des zones à l’intérieur desquelles s’appliquent des mesures venant compléter celles découlant de la déclaration d’état d’urgence ; que les requérants fondent leur action sur l’intervention de la loi du 18 novembre 2005 qui, après avoir, par son article 1er, prorogé l’état d’urgence « pour une période de trois mois à compter du 21 novembre 2005 » et précisé dans son article 2, qu’il emporte, pour sa durée, application du 1° de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955, énonce en son article 3 qu’« il peut y être mis fin par décret en conseil des ministres avant l’expiration de ce délai », tout en spécifiant qu’« en ce cas, il en est rendu compte au Parlement » ;

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Considérant que pour critiquer le maintien en vigueur de l’état d’urgence, les requérants invitent le juge des référés à écarter l’application de la loi du 18 novembre 2005 en tant qu’elle a décidé la prorogation de ce régime d’exception en méconnaissance des engagements internationaux de la France et soutiennent que de toute façon, en s’abstenant de mettre un terme à l’état d’urgence conformément aux prévisions de l’article 3 de cette loi, le Président de la République a porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, atteinte à laquelle il incombe au juge des référés de remédier ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l’inconventionnalité des articles 1er et 2 de la loi du 18 novembre 2005 :

Considérant que les requérants, tout en relevant que, conformément à la réserve formulée par la France lors du dépôt de son instrument de ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, les circonstances énumérées par l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 pour la déclaration de l’état d’urgence « doivent être comprises comme correspondant à l’objet de l’article 15 » de ladite convention, font valoir que la loi de prorogation n’en est pas moins contraire aux stipulations de cet article au motif qu’aucun « cas de danger public menaçant la vie de la nation » ne justifie le maintien en vigueur de l’état d’urgence ;

Considérant toutefois, qu’eu égard à l’office du juge des référés, un moyen tiré de la contrariété de la loi à des engagements internationaux n’est pas, en l’absence d’une décision juridictionnelle ayant statué en ce sens, rendue soit par le juge saisi au principal, soit par le juge compétent à titre préjudiciel, susceptible d’être pris en considération ; qu’au demeurant, ainsi qu’il a été indiqué lors de l’audience de référé, le Gouvernement a, compte tenu des stipulations du paragraphe 3 de l’article 15 de la convention, informé des mesures prises au titre de l’état d’urgence et des motifs qui les ont inspirées, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe ; que ce dernier en a pris acte ;

En ce qui concerne le refus, à ce jour, de mettre un terme à l’état d’urgence :

Considérant qu’en décidant de proroger par la loi du 18 novembre 2005 la déclaration de l’état d’urgence pour une période de trois mois à compter du 21 novembre, le législateur a nécessairement estimé qu’à la date de promulgation de ce texte, les conditions mises par l’article 1er

de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 à l’édiction de ce régime législatif de pouvoirs exceptionnels se trouvaient réunies ; qu’en maintenant, pour cette durée, l’application du 1° de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 qui, comme il a été dit, autorise le recours à des perquisitions, il a pareillement considéré qu’à la date d’intervention de la décision de prorogation, une telle mesure s’avérait nécessaire ; qu’il ressort des débats qui ont précédé l’adoption de la loi que le Parlement a entendu ouvrir aux autorités administratives et judiciaires les pouvoirs étendus prévus par la loi du 3 avril 1955, sans pour autant soustraire leur usage effectif au contrôle des juridictions compétentes ; que le parti adopté sur ces différents points par le législateur s’impose au juge administratif, auquel il n’appartient pas d’apprécier la conformité de la loi à la Constitution ;

Considérant qu’ainsi qu’il a été précédemment indiqué, l’article 3 de la loi prévoit cependant qu’il peut être mis fin à l’état d’urgence « par décret en conseil des ministres » avant l’expiration du délai de trois mois ; que le silence de la loi sur les conditions de mise en œuvre de la faculté ainsi reconnue au Président de la République ne saurait être interprété, eu égard à la circonstance qu’un régime de pouvoirs exceptionnels a des effets qui dans un Etat de droit sont par nature limités dans le temps et dans l’espace, comme faisant échapper ses modalités de mise en œuvre à tout contrôle de la part du juge de la légalité ;

Considérant en l’espèce, qu’en raison notamment des conditions dans lesquelles se sont développées les violences urbaines à partir du 27 octobre 2005, de la soudaineté de leur propagation, de l’éventualité de leur recrudescence à l’occasion des rassemblements sur la voie publique lors des fêtes de fin d’année et de l’impératif de prévention inhérent à tout régime de police administrative, il ne saurait être valablement soutenu qu’en décidant de ne pas mettre fin dès à présent à la déclaration de l’état d’urgence, le chef de l’Etat aurait, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation

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étendu qui est le sien, pris une décision qui serait entachée d’une illégalité manifeste, alors même que, comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d’urgence, ont sensiblement évolué ;

Considérant que dans la mesure où les conditions exigées pour la mise en œuvre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ont un caractère cumulatif et où la condition tirée du caractère manifeste de l’illégalité dénoncée par les requérants fait défaut, les conclusions présentées à titre subsidiaire doivent être rejetées ;

Ordonne (…)Article 4 : La requête de Mme Anissa ALLOUACHE et autres est rejetée

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Quelles restrictions est-il légitime d’apporter aux droits et libertés dans une démocratie ?(non reproduit)

1. DDHC de 1789, art 4, 10, 112. CEDH, art. 8, 10.,15.3. Charte européenne des droits fondamentaux, art. 504. CE 1933 Benjamin 5. CC 27 juillet 1982, Communication audiovisuelle6. CC 18 janv. 1995, Vidéosurveillance7. CC 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale8. CEDH 4 juillet 1978, Klass c/ RFA9. CEDH 26 mars 1992, Beldjoudi c/ France10. CE, Ass. 24 mars 2006, Rolin et Boisvert 11. CEDH, [GC] 19 février 2009, Affaire A.[Abou Qatada] et autres c/ Royaume-Uni (communiqué de presse)

E X E R C I C E D E

S Y N T H È S E :

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CE, Ass. 24 mars 2006, M. ROLIN - M. BOISVERT, n°s 286834,287218

(…)Sur la légalité des décrets attaqués :Considérant que, sur le fondement des dispositions de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence, et afin de répondre aux violences urbaines constatées depuis le 27 octobre 2005 dans plusieurs centaines de communes, le décret attaqué n° 2005-1386 du 8 novembre 2005, délibéré en conseil des ministres et signé du Président de la République, a déclaré l'état d'urgence sur le territoire métropolitain à compter du 9 novembre ; que ce décret précise que l'état d'urgence emporte pour sa durée l'application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 conférant à l'autorité administrative le pouvoir d'ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;Considérant que le décret attaqué n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, dont la date d'entrée en vigueur est la même que celle du décret n° 2005-1386, prévoit que peuvent être mises en œuvre, dans les zones dont la liste lui est annexée, d'une part, les mesures mentionnées aux articles 6, 8 et 9 de la loi, relatives respectivement à l'assignation à résidence de certaines personnes, à la police des réunions et des lieux publics et au pouvoir d'ordonner la remise des armes de 1ère, 4ème et 5ème catégories et, d'autre part, les dispositions du 1° de l'article 11 de la loi ;

Sur le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 :Considérant que, postérieurement à l'introduction des requêtes, la loi du 18 novembre 2005, dont les dispositions ne sont incompatibles avec aucune des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a prorogé l'état d'urgence déclaré par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 ; que cette loi, qui fixe à trois mois la durée de la prorogation qu'elle prononce, autorise le gouvernement à mettre fin à l'état d'urgence par décret en conseil des ministres avant l'expiration de ce délai et précise que l'état d'urgence emporte, pour sa durée, application du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ; que, compte tenu des caractéristiques propres au régime défini par cette loi, une telle intervention du législateur ratifie la décision prise par le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 de déclarer l'état d'urgence et de prévoir l'application, pour sa durée, du 1° de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955 ; que la légalité des dispositions de ce décret n'est, dès lors, plus susceptible d'être discutée par la voie contentieuse ;(…)D E C I D E :(…)Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes de M. ROLIN et de M. BOISVERT en tant qu'elles contestent la légalité du décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005.

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CEDH, [GC] 19 février 2009, Affaire A.[Abou Qatada] et autres c/ Royaume-Uni (communiqué de presse)

(la décision fait 69 pages voir icihttp://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=847473&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649 )

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

127

19.2.2009

Communiqué du Greffier

ARRÊT DE GRANDE CHAMBRE A. ET AUTRES c. ROYAUME-UNI

La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé aujourd’hui en audience publique son arrêt de Grande Chambre1 dans l’affaire A. et autres c. Royaume-Uni (requête no 3455/05).

Les requérants se plaignaient d’avoir été détenus dans le cadre d’un régime de haute sécurité en vertu d’un dispositif légal qui permettait la détention à durée indéterminée de ressortissants étrangers dont le ministre de l’Intérieur avait certifié qu’ils étaient soupçonnés d’implication dans des activités terroristes.

La Cour conclut, à l’unanimité :

• à la non-violation de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) pris isolément ou combiné avec l’article 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qui concerne tous les requérants, à l’exception du requérant marocain, dont les griefs fondés sur ces articles sont déclarés irrecevables ;

•à la violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention, en ce qui concerne tous les requérants, à l’exception du requérant marocain et du requérant français, qui avaient choisi de quitter le Royaume-Uni, parce qu’on ne peut dire que les requérants avaient été détenus en vue de leur expulsion et parce que, comme la Chambre des lords l’a constaté, les mesures dérogatoires qui permettaient de placer en détention pour une durée indéterminée les personnes soupçonnées de terrorisme opéraient une discrimination injustifiée entre ressortissants britanniques et étrangers ;

•à la violation de l’article 5 § 4 (droit de faire statuer à bref délai sur la légalité de la détention) en ce qui concerne deux des requérants algériens, le requérant apatride et le requérant tunisien, parce qu’ils n’ont pu contester de manière effective les allégations dirigées contre eux ; et

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•à la violation de l’article 5 § 5 en ce qui concerne tous les requérants, à l’exception du requérant marocain et du requérant français, faute d’un droit exécutoire à réparation pour les violations susmentionnées.

La Cour alloue, au titre de l’article 41 (satisfaction équitable) des indemnités sensiblement inférieures à celles qu’elle a octroyées dans des affaires antérieures de détention illégale, le régime de détention ayant été conçu pour parer à un danger public, et dans le souci de concilier la nécessité de protéger la population du Royaume-Uni contre le terrorisme avec l’obligation de ne pas renvoyer les requérants dans des pays où ils seraient exposés à un risque réel de mauvais traitements. La Cour alloue donc aux six requérants algériens respectivement 3 400 euros (EUR), 3 900 EUR, 3 800 EUR, 3 400 EUR, 2 500 EUR et 1 700 EUR, au requérant apatride et au requérant tunisien, 3 900 EUR chacun, et au requérant jordanien, 2 800 EUR. Elle accorde aux requérants conjointement 60 000 EUR pour frais et dépens. (L’arrêt existe en français et en anglais.)

1. Principaux faits

Les requérants sont au nombre de onze : six sont de nationalité algérienne ; quatre sont, respectivement, Français, Jordanien, Marocain et Tunisien ; le dernier, qui est né en Jordanie dans un camp de réfugiés palestiniens, est apatride.

A la suite des attentats perpétrés le 11 septembre 2001 contre les Etats-Unis d’Amérique par Al-Qaida, le gouvernement britannique estima que le Royaume-Uni était particulièrement exposé au risque d’attentats terroristes, de sorte qu’il existait « un danger public menaçant la vie de la nation », au sens de l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme (dérogation en cas d’état d’urgence). Il considérait que cette menace venait principalement de certains ressortissants étrangers présents sur le sol britannique qui formaient un réseau de soutien aux activités de terroristes islamistes extrémistes liés à Al-Qaida, mais qui ne pouvaient être expulsés parce qu’ils risquaient de subir dans leur pays d’origine des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Le gouvernement estimait qu’il fallait instituer un pouvoir de détention élargi qui s’appliquerait aux étrangers dont le ministre de l’Intérieur avait des raisons de penser que la présence au Royaume-Uni constituait un risque pour la sécurité nationale et qu’il avait des raisons de soupçonner d’être des « terroristes internationaux ». Considérant que ce régime de détention pouvait se révéler incompatible avec l’article 5 § 1 de la Convention (droit à la liberté), le gouvernement émit, le 11 novembre 2001, un avis de dérogation fondé sur l’article 15 de la Convention, qu’il notifia au Secrétaire général du Conseil de l’Europe ; il y présentait les dispositions du chapitre 4 de la loi de 2001 sur la sécurité et la lutte contre la criminalité et le terrorisme (« la loi de 2001 ») concernant notamment le pouvoir de détenir des « terroristes internationaux présumés » qu’il n’était pas possible « pour le moment » d’expulser du Royaume-Uni.

Le chapitre 4 de la loi de 2001 entra en vigueur le 4 décembre 2001 et fut abrogé en mars 2005. Au cours de la période où cette législation fut en vigueur, seize personnes, dont les onze requérants, firent l’objet d’un certificat les désignant comme des terroristes internationaux et furent placées en détention. Six des requérants furent incarcérés le 19 décembre 2001 et les autres à diverses dates s’échelonnant jusqu’en octobre 2003. Ils furent dans un premier temps incarcérés à la prison de Belmarsh, à Londres. Le requérant marocain et le requérant français furent remis en liberté parce qu’ils avaient décidé de quitter le Royaume-Uni, respectivement en décembre 2001 et mars 2002. Trois autres requérants furent transférés à l’hôpital de Broadmoor, établissement psychiatrique de sécurité, après une

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dégradation de leur santé psychique (il y avait eu, notamment, une tentative de suicide). Un autre requérant bénéficia en avril 2004 d’une libération conditionnelle assortie d’une assignation à domicile, sa santé mentale inspirant de graves inquiétudes.

La SIAC (Special Immigration Appeals Commission) avait l’obligation légale de réexaminer tous les six mois la décision du ministre de l’Intérieur de délivrer à l’encontre de chaque requérant un certificat en vertu de la loi de 2001 ; chacun des requérants attaqua la décision du ministre de l’Intérieur de délivrer à son encontre un certificat. Pour rechercher si le ministre avait eu des motifs raisonnables de soupçonner chacun des requérants d’être un « terroriste international » dont la présence sur le sol britannique constituait un risque pour la sécurité nationale, la SIAC appliqua une procédure qui lui permettait d’examiner non seulement des éléments (qualifiés de « non confidentiels ») pouvant être rendus publics mais aussi d’autres éléments (qualifiés de « confidentiels ») qui, pour des motifs de sécurité nationale, ne pouvaient l’être. Le détenu et ses représentants recevaient communication des éléments non confidentiels et pouvaient formuler à ce sujet des observations par écrit et à une audience. Les éléments confidentiels n’étaient communiqués ni au détenu ni à ses avocats, mais à un « avocat spécial », désigné pour chaque détenu par le Solicitor General. En plus des audiences publiques, la SIAC en tenait à huis clos pendant lesquelles elle examinait les éléments secrets ; l’avocat spécial pouvait alors, au nom du détenu, présenter des observations, concernant notamment la procédure – sur le besoin par exemple d’informations complémentaires – et concernant le fond et la fiabilité des éléments confidentiels. Toutefois, à partir du moment où il avait pris connaissance des éléments confidentiels, l’avocat spécial n’était plus autorisé à communiquer avec le détenu ou ses avocats, sauf si la SIAC l’y autorisait. Le 30 juillet 2002, la SIAC confirma la décision du ministre de l’Intérieur de délivrer un certificat à l’encontre de chacun des requérants. Toutefois, elle jugea également que le régime de détention en question était discriminatoire et contraire à la Convention dès lors qu’il s’appliquait uniquement aux ressortissants étrangers.

Les requérants engagèrent aussi une procédure pour contester la légalité de la dérogation de novembre 2001. Cette procédure se termina par l’arrêt de la Chambre des lords du 16 décembre 2004. La haute juridiction considéra qu’il existait un danger menaçant la vie de la nation, mais que le régime de détention ne traitait pas de manière rationnelle la menace contre la sécurité et était donc disproportionné. Elle constata en particulier que des éléments faisaient ressortir que des individus de nationalité britannique étaient eux aussi impliqués dans des réseaux terroristes liés à Al-Qaida et estima que le régime de détention prévu par le chapitre 4 de la loi de 2001 opérait une discrimination injustifiée envers les étrangers. La Chambre des lords émit en conséquence une déclaration d’incompatibilité en vertu de la loi sur les droits de l’homme et annula l’avis de dérogation.

Le chapitre 4 de la loi de 2001 demeura toutefois en vigueur jusqu’à son abrogation par le Parlement en mars 2005. Aussitôt qu’ils furent relâchés, les requérants qui avaient été maintenus en détention se virent notifier des arrêtés de contrôle pris en application de la loi de 2005 sur la prévention du terrorisme. Les arrêtés de contrôle imposent diverses restrictions aux personnes sur lesquelles pèsent des soupçons raisonnables d’implication dans le terrorisme, quelle que soit leur nationalité.

En août 2005, à l’issue de négociations que les autorités britanniques menaient depuis fin 2003 environ avec l’Algérie et la Jordanie en vue d’obtenir l’assurance que les requérants ne seraient pas maltraités en cas de retour vers ces pays, le gouvernement notifia un avis d’expulsion aux six requérants algériens et au requérant jordanien. Ils furent placés en

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rétention administrative dans l’attente de leur expulsion vers l’Algérie ou la Jordanie. En avril 2008, la Cour d’appel jugea que le requérant jordanien ne pouvait être légalement extradé vers la Jordanie car il était probable que des preuves obtenues par la torture seraient utilisées contre lui au cours du procès dont il ferait l’objet dans ce pays. La Chambre des lords a statué le 18 février 2009.

2. Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 21 janvier 2005. Le 11 septembre 2007, la chambre à laquelle l’affaire avait été attribuée s’est dessaisie en faveur de la Grande Chambre2. La Grande Chambre a tenu une audience publique en l’affaire le 21 mai 2008.

Le président avait autorisé deux organisations non gouvernementales basées à Londres, Liberty et Justice, à intervenir dans la procédure écrite en tant que tiers intervenants.

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de :

Jean-Paul Costa (France), président, Christos Rozakis (Grèce), Nicolas Bratza (Royaume-Uni), Françoise Tulkens (Belgique), Josep Casadevall (Andorre), Giovanni Bonello (Malte), Ireneu Cabral Barreto (Portugal) Elisabeth Steiner (Autriche), Lech Garlicki (Pologne), Khanlar Hajiyev (Azerbaïdjan), Ljiljana Mijović (Bosnie-Herzégovine), Egbert Myjer (Pays-Bas), David Thór Björgvinsson (Islande), George Nicolaou (Chypre), Ledi Bianku (Albanie), Nona Tsotsoria (Géorgie), Mihai Poalelungi (Moldova), juges, ainsi que de Michael O’Boyle, greffier adjoint.

3. Résumé de l’arrêt3

Griefs

Les requérants alléguaient devant la Cour que leur détention à durée indéterminée selon un régime de haute sécurité avait constitué un traitement inhumain ou dégradant. Ils soutenaient par ailleurs que le régime de détention était illégal et discriminatoire et que la dérogation était disproportionnée. En outre, bien qu’il eût été déclaré que leur détention avait violé le droit interne, ils se seraient trouvés dans l’incapacité d’engager au Royaume-Uni une quelconque procédure en vue de demander réparation ou d’obtenir leur remise en liberté. Enfin, dans le cadre de leurs recours devant la SIAC contre les certificats dont ils faisaient l’objet, ils n’auraient eu qu’une connaissance limitée des charges pesant sur eux et qu’une possibilité

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réduite de contester celles-ci. Ils invoquaient les articles 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 6 (droit à un procès équitable), 13 (droit à un recours effectif) et 14 (interdiction de la discrimination).

Décision de la Cour

Article 3 pris isolément ou combiné avec l’article 13

Tout en étant pleinement consciente des difficultés que les Etats rencontrent pour protéger leur population contre la violence terroriste, la Cour souligne que l’article 3 consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme, et quels que soient les agissements de la personne concernée, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines et traitements inhumains ou dégradants.

L’incertitude et la crainte suscitées par la perspective d’une détention illimitée n’ont pu manquer de provoquer angoisse et détresse chez les dix requérants restants – comme sans doute chez tout détenu qui aurait été placé dans une situation identique. En outre, il est vraisemblable que le stress auquel ils ont été soumis a été suffisamment grave et durable pour affecter la santé mentale de certains d’entre eux.

Toutefois, on ne saurait dire que les requérants ont été privés de tout espoir ou perspective de libération, notamment parce qu’ils ont pu contester en justice la légalité du régime de détention prévu par la loi de 2001 et qu’ils ont obtenu gain de cause devant la SIAC le 30 juillet 2002, et devant la Chambre des lords le 16 décembre 2004. En outre, chacun d’eux a pu exercer, à titre individuel, un recours dirigé contre le certificat qui le visait et la SIAC avait l’obligation légale de réexaminer tous les six mois la régularité de son maintien en détention. Dans ces conditions, la Cour juge que les mesures imposées aux requérants ne sauraient être assimilées à une peine perpétuelle et incompressible susceptible de soulever une question sous l’angle de l’article 3.

Chacun des requérants détenus a disposé des mêmes voies de recours administratives et civiles que tous les autres prisonniers pour se plaindre de ses conditions de détention, notamment pour faire valoir l’insuffisance des soins médicaux dispensés. Faute d’avoir exercé les recours en question, les intéressés n’ont pas satisfait à l’exigence d’épuisement des voies de droit internes posée par l’article 35 de la Convention. Dès lors, la Cour ne peut tenir compte des conditions de détention pour apprécier les griefs des requérants.

Dans l’ensemble des circonstances de l’espèce, la Cour estime que la situation subie par les intéressés du fait de leur détention n’a pas atteint le seuil de gravité élevé d’un traitement inhumain et dégradant qui pourrait donner lieu à un constat de violation de l’article 3.

Quant au grief des requérants selon lequel ils n’ont pas bénéficié d’un recours effectif qui leur eût permis de faire valoir leur grief tiré de l’article 3, la Cour rappelle en particulier que l’article 13 ne va pas jusqu’à exiger un recours par lequel on puisse dénoncer, devant une autorité nationale, les lois d’un Etat contractant comme contraires à la Convention.

Partant, la Cour conclut à la non-violation de l’article 3, pris isolément ou combiné avec l’article 13.

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Elle déclare irrecevables les griefs que le requérant marocain tire des articles 3 et 13 de la Convention, eu égard au fait qu’il n’a été incarcéré que pendant quelques jours.

Articles 5 § 1 et 15

Sur la régularité de la détention des requérants au regard de l’article 5 § 1 f) de la Convention

La Cour rappelle que l’article 5 consacre un droit fondamental de l’homme, notamment la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’Etat à sa liberté et que les garanties qu’il consacre s’appliquent à « toute personne », peu importe sa nationalité.

L’alinéa f) de l’article 5 § 1 permet aux Etats de restreindre la liberté des étrangers dans le cadre du contrôle de l’immigration. Le Gouvernement soutient que les requérants avaient été régulièrement détenus en tant que « personnes contre lesquelles une procédure d’expulsion ou d’extradition [était] en cours ».

La Cour dit qu’il n’y a pas eu violation en ce qui concerne le requérant marocain et le requérant français eu égard à la courte durée de leur détention avant leur décision de quitter le Royaume-Uni.

Cependant, en ce qui concerne les neuf autres requérants, la Cour considère que la politique du gouvernement britannique consistant à continuer à « examiner activement » les possibilités d’expulser les requérants n’était pas suffisamment certaine et résolue pour s’analyser en une « action (...) engagée en vue d’une expulsion ». L’un des présupposés fondamentaux sur lesquels s’appuyaient l’avis de dérogation, la loi de 2001 et la décision de placer les requérants en détention était que l’impossibilité de les refouler ou de les expulser avait un caractère « momentané ». Pourtant, rien n’indique qu’il ait existé une perspective réaliste d’expulser les neuf intéressés pendant la période où ils furent détenus sans les exposer à un risque réel de mauvais traitements. En effet, le premier requérant est apatride et le Gouvernement n’a fourni aucun élément donnant à penser qu’un Etat tiers était disposé à le recevoir. En outre, il semble qu’il n’ait commencé que fin 2003 à négocier avec l’Algérie ou la Jordanie en vue d’obtenir l’assurance que les requérants qui étaient ressortissants de ces Etats ne seraient pas maltraités en cas de renvoi. De telles assurances n’ont été reçues qu’en août 2005. Dès lors, leur détention ne relevait pas de l’exception au droit à la liberté prévue à l’article 5 § 1 f) de la Convention. La majorité de la Chambre des lords est parvenue – de manière expresse ou implicite – à la même conclusion.

Au contraire, il ressort clairement du texte de l’avis de dérogation et du chapitre 4 de la loi de 2001 que les requérants s’étaient vu notifier les certificats litigieux et placer en détention parce que les autorités les soupçonnaient d’être des « terroristes internationaux ». L’internement et la détention préventive sans inculpation sont incompatibles avec le droit fondamental à la liberté consacré par l’article 5 § 1 en l’absence d’une dérogation valable établie au titre de l’article 15. En conséquence, la Cour examine la question de la validité de la dérogation notifiée par le Royaume-Uni.

Sur la validité de la dérogation du Royaume-Uni aux obligations découlant de l’article 5 § 1 de la Convention

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Compte tenu des circonstances exceptionnelles de la présente affaire, où la Chambre des lords a jugé, après avoir examiné les questions soulevées par la dérogation, qu’il existait un danger public menaçant la vie de la nation mais que les mesures prises pour le conjurer n’étaient pas strictement exigées par la situation, la Cour estime ne pouvoir parvenir à une solution contraire sans avoir la certitude que la décision de la Chambre des lords est manifestement déraisonnable.

Sur l’existence d’un « danger public menaçant la vie de la nation »

Le ministre de l’Intérieur a soumis aux juridictions britanniques des éléments tendant à démontrer l’existence d’une menace réelle d’attentats terroristes dirigés contre le Royaume-Uni. La SIAC s’est vu communiquer d’autres informations, confidentielles. Tous les juges internes ayant connu de la présente affaire ont déclaré croire à la réalité du danger invoqué. Même si Al-Qaida n’avait pas encore commis d’attentat sur le sol britannique au moment où la dérogation fut établie, on ne saurait reprocher aux autorités nationales d’avoir cru à « l’imminence » d’un attentat. On ne doit pas obliger les Etats à attendre qu’un désastre survienne pour prendre des mesures propres à le conjurer. En outre, la réalité de la menace terroriste a été tragiquement démontrée par les attentats et tentatives d’attentat à l’explosif commis à Londres en juillet 2005.

Frappée par le fait que le Royaume-Uni a été le seul Etat contractant à avoir dérogé à la Convention pour riposter à la menace d’Al-Qaida, la Cour n’en reconnaît pas moins que chaque gouvernement, garant de la sécurité de la population dont il a la charge, demeure libre d’apprécier par lui-même les faits à la lumière des informations qu’il détient. L’opinion de l’exécutif et du Parlement britannique importe donc en la matière, comme celle des juridictions internes, qui sont mieux placées pour évaluer les éléments de preuve relatifs à l’existence d’un danger.

Dès lors, la Cour souscrit à l’avis de la majorité de la Chambre des lords, qui a estimé qu’il existait un danger public menaçant la vie de la nation.

Sur la question de savoir si les mesures litigieuses étaient strictement exigées par la situation

La question de savoir si les mesures étaient strictement exigées par la situation relève au final du domaine judiciaire, particulièrement lorsque, comme en l’espèce, des justiciables ont subi une longue privation de leur droit fondamental à la liberté. Compte tenu du soin apporté par la Chambre des lords à l’examen des questions qui se posaient, on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir accordé à l’opinion de l’exécutif et du Parlement le poids qu’elle méritait.

La Cour estime que la Chambre des lords a jugé à bon droit que le pouvoir de détention élargi ne pouvait être considéré comme relevant du droit des étrangers, où une distinction entre ces derniers et les nationaux aurait pu se justifier, mais bien plutôt comme relevant de la sécurité nationale. Le chapitre 4 de la loi de 2001 avait pour objectif de parer à une menace réelle et imminente d’attentats terroristes qui, à l’évidence, émanait aussi bien de ressortissants britanniques que d’étrangers. En choisissant de recourir à une mesure relevant du droit des étrangers pour traiter un problème d’ordre essentiellement sécuritaire, l’exécutif et le Parlement lui ont apporté une réponse inadaptée et ont exposé un groupe particulier de terroristes présumés au risque disproportionné et discriminatoire d’une détention à durée indéterminée. Comme l’a indiqué la Chambre des lords, les effets potentiellement néfastes d’une détention sans inculpation peuvent affecter de manière sensiblement identique un

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citoyen britannique et un étranger qui ne peut, en pratique, quitter le pays de crainte d’être torturé à l’étranger.

Le Gouvernement a soutenu devant la Cour que les pouvoirs publics avaient légitimement cantonné les mesures litigieuses aux étrangers pour ne pas heurter les sensibilités de la population musulmane britannique, dans le but de réduire le risque de voir certains de ses membres se rallier aux thèses extrémistes. Toutefois, le Gouvernement n’a fourni à la Cour aucun élément donnant à penser que la détention sans inculpation d’un citoyen britannique musulman raisonnablement soupçonné de liens avec Al-Qaida aurait très probablement suscité davantage de réprobation de la part de la communauté musulmane du Royaume-Uni que celle d’un étranger musulman qui se serait trouvé dans la même situation. Le dispositif de mesures de contrôle institué par la loi de 2005 sur la prévention du terrorisme n’établit pas de distinction entre les suspects selon qu’ils possèdent ou non la nationalité britannique.

Quant à l’argument selon lequel les autorités pouvaient d’autant mieux répondre à la menace terroriste qu’elles avaient le pouvoir de placer en détention ceux qui représentaient à leurs yeux la source principale de cette menace, à savoir les étrangers, la Cour relève que le Gouvernement ne lui a présenté aucun élément propre à la convaincre de s’écarter de la conclusion de la Chambre des lords selon laquelle la différence de traitement critiquée ne se justifiait pas. D’ailleurs, les juridictions internes – en particulier la SIAC, qui a eu accès aux pièces tant non confidentielles que secrètes – n’ont pas ajouté foi à la thèse selon laquelle les étrangers étaient plus dangereux que les citoyens britanniques.

En conclusion, la Cour estime, comme la Chambre des lords, que les mesures dérogatoires étaient disproportionnées en ce qu’elles opéraient une discrimination injustifiée entre étrangers et citoyens britanniques. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 dans le chef de tous les intéressés, sauf le requérant marocain et le requérant français.

(…)

***

1 Les arrêts de Grande Chambre sont définitifs (article 44 de la Convention).

2 Si l’affaire pendante devant une chambre soulève une question grave relative à l’interprétation de la Convention ou de ses Protocoles, ou si la solution d’une question peut conduire à une contradiction avec un arrêt rendu antérieurement par la Cour, la chambre peut, tant qu’elle n’a pas rendu son arrêt, se dessaisir au profit de la Grande Chambre, à moins que l’une des parties ne s’y oppose.

3 Rédigé par le greffe, ce résumé ne lie pas la Cour.

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Camp de GuantanamoUn article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.(Redirigé depuis Prison de Guantánamo)Aller à : Navigation, rechercherPour les articles homonymes, voir Guantanamo. Le camp de Guantánamo se trouve sur la base navale de la baie de Guantánamo dans le sud-est de Cuba. Ce centre de détention militaire de haute sécurité détient des personnes qualifiées de « combattants irréguliers », capturées par l'armée américaine dans les différentes opérations qu'elle mène à l'étranger. Ce centre n'est pas juridiquement une prison puisqu'il ne dépend pas du système judiciaire fédéral américain.Il y avait, à l'automne 2001, environ 750 détenus originaires d'une vingtaine de pays différents. De 2001 à 2004, plus de 200 prisonniers ont été relâchés, beaucoup sont jugés dans leurs pays d'origine comme les six prisonniers de nationalité française ou bénéficient d'amnistie comme plusieurs centaines d'Afghans. En avril 2006, 558 personnes étaient emprisonnées à Guantánamo[1]. En juin 2006, la Cour suprême américaine a déclaré illégales les procédures judiciaires d'exception mises en place à Guantánamo. Un groupe de défense des droits de l'Homme basé à Londres estime qu'il existe 60 détenus mineurs dans la prison[2]. En mai 2008, 275 personnes sont incarcérées dans cet établissement[3].

Entrée du camp cinq de Guantánamo

Au total, 779 individus sont passés par cet établissement entre 2002 et décembre 2008, dont cinq se sont suicidés[4].Une étude de l'armée américaine affirme qu'au moins 30 anciens détenus de Guantánamo ont été tués ou capturés lors de combats en Afghanistan, au Pakistan ou en Irak, et que 95% d'entre eux constituaient une menace potentielle pour les « intérêts américains » en raison de leur affiliation à la mouvance islamiste [ 5 ] .Ce lieu de détention hors de tout cadre juridique attire les critiques unanimes des associations de défense des droits de l'homme. De nombreux témoignages et documents font état de

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conditions de détention dégradantes et de l'emploi de techniques de torture sur des prisonniers[6],[7],[8].Le 16 novembre 2008, Barack Obama, alors président-élu, a confirmé son intention de fermer le camp. Mais cette fermeture pose en particulier des problèmes de nature juridique comme le fait que des aveux ont été obtenus sous la torture, créant ainsi un vice de procédure, ce qui pourrait conduire la justice américaine à libérer des condamnés, dont au moins un, Khalid Cheikh Mohammed, a été jugé responsable des attentats du 11 septembre 2001 [ 9 ] .Le 22 janvier 2009, Barack Obama signe un ordre de fermeture du camp. La mesure est effective dans un délai de un an.

Sommaire[masquer]

• 1 Historique • 2 Équipements

o 2.1 Camp Delta o 2.2 Camp Iguana o 2.3 Camp X-Ray

• 3 Légalité de la détention o 3.1 Contestation du statut de combattant illégal o 3.2 Un centre de détention contesté

• 4 Guantanamo sous l'administration Obama • 5 Les conditions de détention

o 5.1 Tortures 5.1.1 L'affaire du Coran profané 5.1.2 Grève de la faim 5.1.3 Annulation de la visite de l'ONU et son rapport 5.1.4 Publication de comptes rendus d'audience par le département de la

Défense• 6 Détenus de Guantánamo • 7 Voir aussi

o 7.1 Documentaires o 7.2 Témoignages

• 8 Notes et références

• 9 Liens externes

Historique [modifier]

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Vue aérienne de l'entrée de la baie de GuantánamoCe centre de détention est situé sur un terrain de 30 000 acres (121 km²), actuellement loué par le gouvernement des États-Unis au gouvernement de Cuba. Cette location est effective depuis le 23 février 1903, sous la présidence de Theodore Roosevelt, et est incessible sauf par consentement des deux parties. Un loyer de 4 085 dollars US est payé tous les ans par chèque. Le chef cubain Fidel Castro a toujours refusé d'encaisser ces paiements (sauf celui de la première année de la Révolution en 1959), car il n'accepte pas que l'un de ses plus grands ennemis dispose d'une base militaire sur son territoire.C'est de cette base (dont le sigle est JTF-GTMO pour Joint Task Force Guantánamo, ou simplement « Gitmo » pour les Américains), qu'en 1898, les États-Unis (qui comptaient à l'époque au plus fort de la guerre hispano-américaine 17 000 hommes à sa base de Santiago) avaient conquis Porto Rico avec 500 hommes, s'adjugeant ainsi la souveraineté de cette île des Caraïbes.Un premier camp temporaire (le Camp X-Ray) est ouvert fin 2001. Il est définitivement remplacé le 28 avril 2002 par le camp Delta.Le 9 juin 2006, la veille du suicide de trois détenus, le président américain George W. Bush a affirmé dans une conférence de presse au Danemark sa volonté de mettre un terme au camp de Guantánamo et de travailler au rapatriement de certains détenus, ou au jugement par des tribunaux américains pour d'autres[10],[11]. À la fin du mois, la Cour suprême des États-Unis annonce que les tribunaux militaires créés pour juger les détenus de Guantánamo sont illégaux[12]. En juillet, le secrétaire adjoint à la Défense, Gordon England, a indiqué aux militaires américains que les prisonniers de guerre étaient protégés par les conventions de Genève, ce qui signifie qu'ils ont droit à un procès équitable et juste[13].

Équipements [modifier]

Camp Delta [modifier]

Le Camp Delta fut créé entre le 27 février et la mi-avril 2002. Il comprend 612 cellules sous la responsabilité de la police militaire américaine[14]. Le camp est subdivisé en six parties où les arrivants transitent selon leur degré de coopération. À partir du niveau quatre, les détenus ont non seulement accès à des avocats mais peuvent aussi discuter librement sans témoin.

Camp Iguana [modifier]

Ce camp est plus petit, moins sécurisé et se trouve à un kilomètre du camp principal. Entre 2002 et 2003, trois adolescents de moins de 16 ans y étaient détenus. Après leur libération en janvier 2004, il a été fermé puis rouvert à la mi-2005 pour loger certains des 38 détenus qui n'avaient pas été définis comme combattants illégaux par le Combatant Status Review Tribunals mais qui n'étaient pas autorisés à partir pour raison de sécurité.

Camp X-Ray [modifier]

Ce camp était un camp de détention provisoire qui fut fermé le 29 avril 2002, après quoi ses prisonniers furent transférés au camp Delta. Le nom de ce camp est encore parfois utilisé pour dénommer l'ensemble du complexe de détention.

Légalité de la détention [modifier]

Article détaillé : Procédures judiciaires liées aux détenus de Guantánamo.La légalité de la détention des prisonniers est un sujet de polémique important.Un décret présidentiel de George W. Bush autorise la détention sans limite et sans chef d'accusation, sur un territoire ne relevant pas (théoriquement) de la législation américaine, de tous les combattants illégaux capturés. L'administration Bush justifiait la détention extra-

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judiciaire en affirmant que les membres d'Al-Qaïda et les talibans n'étaient pas des combattants réguliers respectant les lois de la guerre[15]. Cependant, le fait qu'il n'y ait pas de chef d'accusation peut être considéré comme une détention abusive.Le 8 avril 2003, le représentant des États-Unis à la commission des Droits de l'homme des Nations unies a réaffirmé l'indépendance des juges, le respect du droit international et de la dignité humaine par son gouvernement. Il a en outre précisé que les détenus présumés terroristes n'étaient pas des détenus de droit commun, mais des combattants.

Contestation du statut de combattant illégal [modifier]

Le 10 novembre 2003, la Cour suprême des États-Unis a annoncé qu'elle statuerait sur la légalité ou non de la détention des combattants illégaux au sein de la prison de Guantánamo. Son verdict a été rendu le 28 juin 2004. Elle autorise les prisonniers de Guantánamo à contester leur statut de combattants illégaux devant les cours fédérales civiles. Mais cette décision ne statue pas sur la légalité du statut de combattants illégaux, ni sur les procédures de détention appliquées à Guantánamo.C'est ainsi que l'armée a créé des Tribunaux d'examen du statut d'ennemi combattant. Mais le 31 janvier 2005, une juge fédérale américaine, Joyce Hens Green, du tribunal civil de Washington D.C., déclare inconstitutionnels ces tribunaux d'examens. Elle juge que le fait que l'armée empêche les suspects d'être assistés d'un avocat et que les suspects ne puissent connaître les chefs d'accusations qui sont portés contre eux est anticonstitutionnel. Quelques jours auparavant, un autre juge fédéral avait prononcé un verdict opposé à celui de la juge Joyce Hens Green. Il y a de fortes chances que le verdict final soit à nouveau rendu par la Cour suprême.En juillet 2006, le secrétaire adjoint à la Défense américaine, Gordon England, a annoncé que tous les détenus des prisons militaires américaines devaient bénéficier de la protection des conventions de Genève[16]. L'article 3 des conventions de 1949 dispose que les prisonniers capturés sur le front doivent être traités de façon humaine et doivent être jugés au cours d'un procès équitable devant « une cour régulièrement constituée offrant toutes les garanties judiciaires ».

Un centre de détention contesté [modifier]

Le 25 mai 2005, Amnesty international publie son rapport annuel dans lequel elle qualifie Guantánamo de « goulag moderne ». Sont également évoqués la multitude de centres de détention (black sites), plus ou moins du même type, que le gouvernement des États-Unis a mis en place en Irak et en Afghanistan, entre autres.[17]

Le secrétaire de la Défense des États-Unis de l'époque, Donald Rumsfeld, a contesté l'appellation de goulag, en la jugeant extravagante. William Schultz, représentant d'Amnesty international à Washington, a déclaré qu'il ne fallait pas considérer Guantánamo comme un goulag soviétique, mais il y a tout de même quelques traits communs comme le fait de maintenir au secret les détenus et de les placer en-dehors du système judiciaire civil ou encore le fait que certains auraient disparu.Le 5 juin, le sénateur démocrate Joe Biden, membre de la Commission des affaires étrangères du Sénat, a demandé la fermeture de Guantanamo. Selon lui, elle est un danger pour les Américains dans le monde, car elle stigmatise et amplifie la haine du monde arabe contre les États-Unis[18].Le 15 mars 2006, plus de 400 intellectuels, artistes et activistes du monde entier signent une pétition demandant la fermeture des centres de détention américains à Guantánamo. « La Commission des Droits de l’Homme (des Nations unies) ou le Conseil qui la remplacera doit exiger la fermeture immédiate de ces centres de détention arbitraire créés par les États-Unis et la cessation de toutes les flagrantes violations de la dignité humaine », lit-on dans cette

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déclaration. Le document porte la signature de plusieurs prix Nobel, dont José Saramago, écrivain portugais, Harold Pinter, dramaturge britannique, Nadine Gordimer, femme de lettres sud-africaine, Adolfo Perez Esquivel, intellectuel argentin, Rigoberta Menchu, dirigeante des Indiens guatémaltèques, Wole Soyinka, du Nigeria, Dario Fo, dramaturge italien.En juin 2006, la Cour suprême des États-Unis estime, dans Hamdan v. Rumsfeld, que George W. Bush a outrepassé ses droits en instituant des tribunaux militaires d'exception et violant ainsi les Conventions de Genève [ 19 ]

Guantanamo sous l'administration Obama [modifier]

Le 22 janvier 2009, soit deux jours après son investiture comme nouveau président des États-Unis, Barack Obama a signé un ordre de fermeture du camp. Cette mesure est effective dans un délai de un an.Néanmoins, fin janvier, un juge militaire siégeant à l'une des commissions militaires de Guantanamo, institués par le Military Commission Act de 2002 afin de pouvoir juger hors du système judiciaire ordinaire les détenus de Guantanamo, refusa d'obtempérer aux directives de l'administration Obama, qui requièrent la suspension des procès militaires jusqu'à nouvel ordre. Aussi, le juge militaire en chef à Guantanamo, le colonel James Pohl, décida que le procès d'Abd al-Rahim al-Nashiri, accusé d'avoir organisé l'attentat-suicide d'octobre 2000, au Yemen, contre le navire de guerre USS Cole, se poursuivrait [20].Al-Nashiri est l'un des trois détenus, avec Khalid Shaikh Mohammed et Abu Zubayda, qui ont été reconnus avoir été soumis à la torture par l'eau (waterboarding), par le directeur de la CIA, Michael Hayden, le 6 février 2008 [21][22][23]. Al-Nashiri fut transféré à Guantanamo fin 2006, puis accusé en décembre 2008 par une commission militaire [24][20].

Les conditions de détention [modifier]

Des détenus de Guantánamo au Camp X-Ray. 11 janvier 2002.D'après le peu d'informations disponibles, il est possible d'avancer que :

• les détenus, lors de l'ouverture de la prison, ont passé la majorité de leur temps dans des cellules individuelles de 2 mètres sur 2, éclairées continuellement – des bâtiments en dur ont été construits depuis ;

• les détenus peuvent être interrogés à n'importe quel moment de la journée ou de la nuit ;

• lorsqu'ils sont déplacés, les détenus ont les mains et les pieds menottés et un sac de toile est placé sur leur tête pour les empêcher de voir ;

• les visites sont limitées (y compris celles des familles et des avocats) ;• le dialogue entre prisonniers est restreint ;

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• des tortures (psychologique et physique) pèsent sur la prison. Des organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty International en font régulièrement les échos[réf. nécessaire].

• les détenus sont enfermés dans des cellules, avec de la musique très forte qui joue constamment. D'autres cellules seraient très exiguës[25].

En mars 2005, Anne-Marie Lizin, présidente du Sénat belge agissant pour l'OSCE a visité le site. Elle a ensuite déclaré que « les conditions de détention des prisonniers y sont meilleures qu'en Belgique » [26].Mais elle a également précisé que cette prison « continue de nuire gravement à la réputation des États-Unis » et que le pays devrait démanteler cette prison avant 2008. La sénatrice belge a décrit les conditions de vie en indiquant notamment qu'« une flèche peinte sur le sol indique la direction de La Mecque » et que « chaque détenu reçoit un exemplaire du Coran dans sa propre langue, un tapis de prière, une misbah, des draps, du savon, une tenue ainsi que des sandales. » L'appel à la prière est annoncé cinq fois par jour par haut-parleur et « les gardiens (qui seraient copieusement injuriés par les détenus) ne peuvent communiquer avec eux qu'avec des gestes » [27].Le 10 juin 2006, pour la première fois depuis l'ouverture du Camp Delta en 2002 et après de nombreuses tentatives de suicides, trois détenus de Guantánamo (deux Saoudiens et un Yéménite) ont été retrouvés morts, pendus dans leur cellule. Cet évènement ravive les appels à fermer Guantánamo et les questions sur le statut des prisonniers. Le contre-amiral Harris, commandant de la base, a déclaré qu'« il ne s'agit pas d'un acte de désespoir, mais d'un acte de guerre asymétrique contre nous. ». Les familles des deux Saoudiens doutent de la thèse du suicide d'autant plus que d'après leur avocat « la base exerce un contrôle rapproché et continu sur les prisonniers par une surveillance individuelle ou par des caméras opérant 24 heures sur 24 ».[28]

Tortures [modifier]

Manifestation à Washington contre les conditions de détention de Guantánamo.Voir aussi Torture aux États-Unis.Selon plusieurs témoignages[29],[30] et documents[31], les détenus sont soumis à des traitements dégradants et à diverses tortures au sein de la prison et au cours de leurs interrogatoires.Suite à la loi américaine sur la liberté d'information, l'American Civil Liberties Union (ACLU), la plus importante organisation de défense des droits de l'homme aux États-Unis, a pu se procurer plusieurs courriels qu'un agent du FBI a envoyé au directeur, Robert Mueller. Ces courriels datent de 2003 et 2004. Cet agent décrit plusieurs scènes de tortures dont il a été le témoin. Peu après leurs divulgations, l'armée américaine a annoncé l'ouverture d'une enquête. Le 11 juillet 2003, le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow, a assuré que les prisonniers ont toujours été traités humainement[32].

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Le 22 juillet 2008, le juge militaire Keith J. Allred a décidé de ne pas retenir les aveux de Salim Hamdan, dont le procès s'est ouvert lundi 21 juillet à Guantánamo, considérant qu'ils avaient été obtenus « sous une forte contrainte » sur la base de Bagram, en Afghanistan, après sa capture fin 2001 : il a établi que l'accusé avait les pieds et mains liés 24 heures sur 24, était à l'isolement complet et qu'un soldat lui avait mis un genou entre les omoplates et lui avait ordonné de « parler ». Le juge militaire a estimé en revanche que l'enfermement à Guantánamo ne constituait pas une « contrainte inhérente ». En créant les commissions militaires fin 2006, le Congrès américain avait refusé les aveux obtenus sous la torture mais n'avait pas interdit ceux obtenus à l'issue d'interrogatoires musclés ou humiliants.[33]

En juillet 2008, il a été publié dans la presse un document de l'armée américaine donnant des consignes de tortures qui seraient inspirées de celles utilisées en Chine dans les années 1950.[34],[35]

L'affaire du Coran profané [modifier]

Le 30 avril 2005, le magazine Newsweek annonce qu'un militaire américain aurait jeté le Coran dans les toilettes[36]. Cette annonce crée de violentes manifestations anti-américaines dans le monde musulman, notamment en Afghanistan où l'on dénombrera une quinzaine de morts suite à de sanglantes manifestations. Le Pentagone a démenti immédiatement cette information. Le 15 mai, Newsweek revient sur son information et déclare que sa source anonyme se serait trompée[37]. Pour sa part le Mollah Abdul Salam Zaeef, ancien ambassadeur Taliban au Pakistan qui a été détenu de 2002 à 2005 révèle qu'une telle profanation a eu lieu en 2002 au camp de l'aéroport de Kandahar, où les prisonniers étaient regroupés avant de partir pour Guantánamo [38].Après enquête, le Pentagone affirme le 3 juin, que bien souvent ce sont les détenus eux-mêmes qui ne traitent pas avec respect le livre saint des musulmans. Il cite notamment des exemples où des détenus se seraient servi du Coran comme oreiller et d'autres auraient même déchiré des pages. Il atteste tout de même que certains gardiens auraient eu un comportement irrespectueux vis-à-vis du livre saint, par exemple un gardien aurait uriné accidentellement dessus et un autre aurait donné un coup de pied dedans.

Grève de la faim [modifier]

Le 1 er septembre 2005, selon des avocats, au moins 210 détenus (76 selon l'armée américaine) étaient en grève de la faim pour protester contre leur détention illimitée. Une porte-parole de l'armée a déclaré que « Le nombre de grévistes change tous les jours », sans vouloir préciser depuis combien de temps les 76 détenus décomptés par l'armée avaient commencé à ne plus se nourrir. « Ils sont traités aussi bien que possible », a-t-elle ajouté.Dès le 21 juillet, un porte-parole de l'armée avait été forcé d'admettre qu'environ 50 détenus avaient cessé de se nourrir. Il avait également précisé que les grévistes avaient été placés sous perfusions et alimentés contre leur volonté, par sonde nasale (sonde introduite dans l'estomac par le nez), pour empêcher leur déshydratation.Le Centre pour les droits constitutionnels (CCR), dont les avocats défendent plusieurs dizaines de détenus, a déclaré que toute cette affaire pourrait cesser immédiatement si l'armée autorisait les avocats à rencontrer leurs clients.

Annulation de la visite de l'ONU et son rapport [modifier]

Le vendredi 18 novembre 2005, l'ONU annule sa visite du camp de la baie de Guantánamo qui était prévue pour le 6 décembre, car Washington refuse que les trois membres de l'ONU (l'Autrichien Manfred Nowak, rapporteur spécial sur la torture en charge du dossier, la Pakistanaise Asma Jahangir, s'occupant du respect de la religion dans la prison et l'Algérienne Leila Zerougui, en charge des questions sur la détention arbitraire), parlent librement et sans témoins aux détenus.

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Six mois auparavant, Manfred Nowak avait déclaré : « le fait que l'accès aux prisonniers ait été refusé pendant si longtemps aux enquêteurs de l'ONU est un signe qu'ils souhaitent dissimuler certaines choses à la vue du public ».Publié le 15 février 2006, un rapport[39] de l'ONU demande de « Fermer les installations de détention de Guantánamo sans délai supplémentaire » et que « soient jugés rapidement tous les détenus de Guantánamo » ou « libérés immédiatement ». Les critiques des conditions de détention portent surtout sur les limites floues entre certaines techniques d'interrogatoire qui peuvent être assimilées à de la torture et de ce fait, il est demandé que « toutes les techniques spéciales d'interrogatoire autorisées par le département de la défense soient révoquées immédiatement ». Ce rapport a été immédiatement dénoncé par l'administration américaine, qui l'accuse de se baser uniquement sur des rumeurs. Il a en outre été rappelé que les conditions de détention demandées dans le rapport sont celles valables en temps de paix, alors que le gouvernement américain considère les détenus comme des prisonniers de guerre.

Publication de comptes rendus d'audience par le département de la Défense [modifier]

À l'issue d'une bataille juridique de 18 mois avec l'agence de presse Associated Press (AP), le Pentagone est contraint de publier sur son site web officiel des compte rendus d'audience des prisonniers. La justice fédérale a accédé à la requête de l'agence en se basant sur le Freedom of Information Act (FOIA).Les documents présentent 5 000 pages de rapport. 317 noms de détenus sont révélés (sur environ 760 détenus passés par Guantánamo et 490 restants fin mars 2006), ainsi que de très nombreuses précisions sur les méthodes d'interrogatoire des geôliers. Le 3 mars 2006, le Time Magazine publie le procès-verbal intégral du « détenu 063 ».

Détenus de Guantánamo [modifier]

Article détaillé : Détenus de Guantánamo.

• Richard Belmar, Britannique né en 1979, détenu n°817, transféré à Guantanamo le 28 octobre 2002 (avec Omar Khadr et Jamal Abdullah Kiyemba). Transféré aux autorités britanniques, il a été immédiatement libéré par celles-ci.

• Omar Khadr , Canadien né en 1986, capturé par l'armée américaine le 27 juillet 2002 et détenu à la base de Bagram en Afghanistan. Il a été transféré à Guantanamo le 28 octobre 2002 (avec Richard Belmar et Jamal Abdullah Kiyemba). Qualifié d'enfant soldat, il demeure captif à Guantanamo.

• Jamal Abdullah Kiyemba, Ougandais né en 1979, détenu n°701, transféré à Guantanamo le 28 octobre 2002 (avec Omar Khadr et Richard Belmar). Transféré au Royaume-Uni en hiver 2006, mais les autorités britanniques ont refusé de lui accorder un visa d'entrée. Déporté en Ouganda, il y a été détenu durant deux mois avant d'être finalement libéré [40].

• Murat Kurnaz , Turc né en Allemagne en 1982, arrêté au Pakistan en 2001. Libéré en 2006, il publie Cinq ans dans l'enfer de Guantanamo en 2007, où il décrit des conditions de détention inhumaines avec des tortures physiques et psychologiques allant de l'isolation sensorielle, la privation de sommeil, l'exposition au chaud et au froid extrêmes, la suspension par les bras jusqu'à l'immersion forcée.

• Fawaz Naman Hamoud Abdullah Mahdi , citoyen yéménite capturé par l'armée américaine en Afghanistan en 2001 et détenu à Guantanamo (n°678) jusqu'en juin

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2007, date à laquelle il a été remis aux autorités yéménites, qui ont poursuivi sa détention extra-judiciaire.

• Abdallah al-Ajmi, ex-détenu, de nationalité koweïtienne, de Guantanamo (numéro d'immatriculation 220), a été arrêté en décembre 2001 à l'âge de 23 ans, alors qu'il était petit soldat pour les forces talibanes. Le 23 mars 2008, il meurt dans un attentat-suicide en Irak, près de Mossoul (13 soldats irakiens morts et 42 autres blessés) [41].

Voir aussi [modifier]

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur le Camp de détention de Guantanamo.

Documentaires [modifier]

• GITMO-The New Rules Of War de atmo films, janvier 2006.• The Road to Guantánamo de Michael Winterbottom.• The Guantánamo Guidebook est une reconstruction de Guantánamo au Royaume-Uni

qui fut diffusé sur Channel 4 en 2005.• This Is Camp X-Ray , de Damien Mahoney, 2004.• Camp Delta, Guantánamo [1] un documentaire radiophonique de Frank Smith diffusé

sur France Culture, 2006.

Témoignages [modifier]

• Murat Kurnaz , Dans l'enfer de Guantanamo. Paris, Fayard, 2007.• Mollah Abdul Salam Zaeef et Jean-Michel Caradec'h, Prisonnier à Guantanamo [38].• Mourad Benchellali , Voyage au bout de l'enfer

Notes et références [modifier]

1. ↑ (en)[pdf] Liste (nom et nationalité) des 558 détenus à Gantanamo dans le cadre de l'enquête sur les attentats du 11 septembre 2001 publié par le Pentagone en avril 2006 [archive]

2. ↑ Environmentalists Against War [archive]

3. ↑ (fr) Ancien détenu de Guantanamo, auteur d'un attentat-suicide en Irak , Ouest-France, 7 mai 2008 [archive]

4. ↑ (en) Liste nominative, par nationalité et par statut des détenus ayant passé par Guantanamo [archive], New York Times, 1er décembre 2008

5. ↑ (en) Freed Guantanamo inmates take up arms , 28 février 2007 [archive]

6. ↑ « Guantanamo – L’Amérique et ses prisonniers : le droit entre parenthèses » [archive], Cairn, Études 2004- 1 (Tome 400), p. 11-21.

7. ↑ « "A Guantanamo, j'étais devenu aussi inhumain que ceux que je poursuivais" » [archive], Le Monde, 13 janvier 2009.

8. ↑ « Guantanamo : une responsable américaine reconnaît que la torture a été utilisée » [archive], Le Monde, 14 janvier 2009.

9. ↑ (fr) Mathilde Gérard, « Obama face au casse-tête juridique de la fermeture de Guantanamo [archive] », 18 septembre 2001, Le Monde. Mis en ligne le 18 novembre 2008, consulté le 19 novembre 2008

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10. ↑ (fr) Bush espère « vider » la prison de Guantánamo [archive]

11. ↑ (en) President Bush and Prime Minister Rasmussen of Denmark Participate in Joint [archive]

12. ↑ Reuters, Le Pentagone réaffirme la nécessité du camp de Guantánamo , 29 juin (page consultée le 9 juillet 2006) [archive]

13. ↑ Philippe Gélie, « Guantánamo se range sous la loi internationale », dans Le Figaro, 12/07/2006, [lire en ligne [archive]]

14. ↑ Guantanamo Bay - Camp Delta [archive]

15. ↑ Auriane Boudin, « Guantánamo : des droits pour les détenus » , dans L'Express du 12/07/2006, [lire en ligne [archive]]

16. ↑ Philippe Gélie, « Guantánamo se range sous la loi internationale », dans Le Figaro du 12/07/2006, [lire en ligne [archive]]

17. ↑ RAPPORT 2005 D'AMNESTY INTERNATIONAL. Discours prononcé par Irene Khan à l?Association de la presse étrangère | Amnesty International [archive]

18. ↑ RFI - Etats-Unis - Guantánamo : faut-il fermer le «Goulag» ? [archive]

19. ↑ Édition de 20 Minutes du 30 juin 2006 [archive]

20. ↑ a  b  Peter Finn, Guantanamo Judge Denies Obama's Request for Delay [archive], Washington Post, 29 janvier 2009

21. ↑ Caitlin Price, CIA chief confirms use of waterboarding on 3 terror detainees [archive], Jurist Legal News & Research, University of Pittsburgh School of Law, date d'accès: 13 mai 2008

22. ↑ CIA finally admits to waterboarding [archive], The Australian, 7 février 2008.23. ↑ Shane Scott, Inside a 9/11 Mastermind’s Interrogation [archive], New York Times, 22 juin 200824. ↑ Salon.com, Goodbye to Guantanamo? [archive], 23 décembre 200825. ↑ (en)Book Cites Secret Red Cross Report of C.I.A. Torture of Qaeda Captives [archive] The New

York Times, 11-12 juillet 2008.26. ↑ (en) OSCE: Guantánamo Better Than Belgian Jails [archive], The Post Chronicle, 8 mars 200627. ↑ (fr) Guantánamo sous la loupe de Lizin [archive]

28. ↑ Guantánamo : "Le goulag des temps modernes" [archive], dans Le Monde du 19 juin 200629. ↑ Guantánamo : 5 experts de l'ONU dénoncent la torture et demandent la fermeture du centre de

détention [archive] dans le Centre de nouvelles de l'ONU, 16 février 200630. ↑ Amnesty International: La torture est fréquente à Guantánamo [archive]

31. ↑ « Scènes volées à Guantánamo : Omar, ado soldat terrorisé » [archive], Libération, 16 juillet 2008.32. ↑ Philippe Gélie, « Guantánamo se range sous la loi internationale », dans Le Figaro, 12/07/2006, [lire en

ligne [archive]]

33. ↑ À Guantánamo, la justice rejette des aveux obtenus « sous une forte contrainte » [archive] Le Monde, 22 juillet 2008.

34. ↑ (fr)Un "trou de mémoire" révèle la face cachée de l'Amérique [archive], Le Monde, 31 juillet 2008.35. ↑ (en)China Inspired Interrogations at Guantánamo [archive], The New York Times, July 2, 2008.36. ↑ Newsweek disait la vérité !, dans Marianne du 11 juin 2005 [archive]

37. ↑ Coran « profané » à Guantánamo : Newsweek présente ses excuses, dans Le Monde, 17 mai 2005 [archive]

38. ↑ a  b  Prisonnier à Guantánamo, Mollah Abdul Salam Zaeef et Jean-Michel Caradec'h, Paris, EGDV Documents, 2008, ISBN 9782842679453

39. ↑ (en) Rapport des Nations unies sur la situation des détenus de Guantánamo [archive]

40. ↑ Guantanamo: the aftermath [archive], by Jessica Rose, 02/06/06 BBC41. ↑ Rajiv Chandrasekaran, From Captive To Suicide Bomber [archive], The Washington Post, 21 février

2009 (publié dans l'édition du dimanche 22 février 2009, page AO1)

Liens externes [modifier]

• (en) Prisoner abuse in Iraq, Afghanistan and elsewhere - Center for Cooperative Research

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• (en) Site de la base navale de Guantánamo• (fr) Marie-Agnès Combesque, Violence et résistances à Guantánamo , Le Monde

Diplomatique, Février 2006• (en) Liste des détenus de Guantánamo Bay, sur la Wikipédia anglophone• (fr) Tortures de deux Français détenus 30 mois à Guantánamo• (fr) Guantánamo : quatre ans de trop - Nouveaux témoignages de torture , sur le site

d'Amnesty International• (en) Balade virtuelle en 3D de Camp Delta (from the Art project Zone*Interdite) Le

programme est multilingue• (en) [pdf]Texte complet du jugement de la Cour suprême des États-Unis du 29 juin

2006 dans l'affaire HAMDAN v. RUMSFELD, SECRETARY OF DEFENSE, ET AL.• (fr)Chronologie du camp de Guantanamo par Le Monde, mis à jour depuis le

19/06/2006.• (fr) Marc Hecker, "Du bon usage de la terreur", Focus stratégique, Paris, Ifri, avril

2008.

Sur combats pour les droits de l’homme :

22 février 2009

Lutte contre le terrorisme au Royaume-uni : état d’urgence et détention sans inculpations pénales de ressortissants étrangers (CEDH, 19 février 2009, Abou Qatada et autres c. Royaume-Uni) par Nicolas Hervieu

Abou Qatada et autres c. Royaume-Uni (Cour EDH, Grande Chambre, req. n° 3455/05 ) du 19 février 2009

23 février 2009

Expulsion d’Abou Quatada : une mesure provisoire de la Cour européenne la suspend par N. Hervieu

Abou Quatada (ou Omar Othman) a fait l’objet d’une mesure provisoire de la part de la Cour européenne des droits de l’homme, le lendemain de l’arrêt de Grande Chambre, prise sur le fondement de l’article 39 du règlement de la Cour.Elle demande au gouvernement britannique de ne pas expulser ce jordanien vers son pays d’origine au regard des «risques réels de mauvais traitement » dans le cas d’un tel retour (il s’agirait donc d’une violation par ricochet de l’article 3 imputable au Royaume-Uni) ainsi que des « violations flagrantes » des articles 5 (droit à la liberté et à la sureté) et 6 (droit au procès équitable).La Cour estime d’ailleurs que les « assurances diplomatiques » fournies par la Jordanie selon lesquels l’intéressé ne subirait pas de tels mauvais traitements ne sont pas suffisantes (décision provisoire à mettre en relation avec les arrêts rendus par la Chambre des Lords le jour même où ces mêmes assurances de la part de la Jordanie ont été considérées comme

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suffisantes pour permettre l’expulsion d’un jordanien sans risques, selon les Lords, de violation de l’article 3).La Cour statuera ultérieurement sur le fond de cette affaire, conséquence de la décision de la chambre des lords du 18 février.

Royaume-uni : la chambre des Lords autorise l’expulsion de terroristes étrangers la veille de la condamnation par la CEDH (18 février 2009, RB and another v Secretary of State for the Home Department) par S. Preuss-Laussinotte

Dans une décision aussi longue (+ de 100 pages avec la position des 5 Lords juges) et précédant d’un jour l’arrêt de la Cour EDH A. et autres c. Royaume-Uni (v. actualités droits-libertés du 21 février in www.droits-libertes.org ou ce billet), la Chambre des Lords a conclu que l’expulsion vers leur pays d’origine d’Algériens et de Jordaniens, détenus dans le cadre de suspicion de terrorisme en application de l’état d’urgence, n’était pas contraire à l’article 3 CEDH (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants).Rappelons que l’arrêt de la Grande Chambre du 19 février ne condamne pas le Royaume-Uni pour violation de l’article 3 CEDH, le gouvernement ayant indiqué qu’en application de la jurisprudence de la Cour EDH, il ne renverrait pas les étrangers suspectés vers leur pays d’origine.

House of LordsRB (Algeria) (FC) and another v Secretary of State for the Home DepartmentOO (Jordan) v Secretary of State for the Home Department, 18 février 2009en PDF

17 février 2009

Bilan mondial de la “guerre contre le terrorisme” et perspectives pour les droits de l’homme par Nicolas HERVIEU

Un « Comité d’Eminents Juristes », réuni sous la bannière de la Commission Internationale de Juristes (CIJ - réseau créé en 1952 et composé notamment de soixante éminents juristes censés représenter les systèmes juridiques du monde entier), a rendu public, le 16 février 2009, un intéressant rapport au sujet des conséquences du terrorisme et de la lutte antiterroriste sur les droits de l’homme dans le monde (« Assessing Damage, Urging Action - Report of the Eminent Jurists Panel on Terrorism, Counter-terrorism and Human Rights »).

La création de ce Comité et l’élaboration de ce rapport, produit d’un travail de trois ans portant sur plusieurs dizaines d’Etats, sont les fruits d’une initiative de la CIJ en 2005 qui poursuivait ainsi la « Déclaration de Berlin sur la défense des droits de l’homme et de l’état de droit dans la lutte contre le terrorisme » (28 août 2004 - pp. 168-172, annexe 1 du rapport).

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Laurent Bonelli

« Nous sommes dans une logique d'extension du contrôle »

Article paru dans l'édition du 05.02.09Laurent Bonelli, spécialiste des questions de sécurité, retrace l'évolution des lois et de l'opinion sur la surveillance de la sociétéAURENT BONELLI, maître de conférences en science politique à l'université de Nanterre, est l'auteur de La France a peur. Une histoire sociale de l'insécurité (La Découverte, 2008) et codirecteur, avec Didier Bigo et Thomas Deltombe, d' Au nom du 11 septembre... Les démocraties à l'épreuve de l'antiterrorisme (La Découverte, 2008). Comment la notion de sécurité s'est-elle imposée dans le débat politique français au risque de supplanter la défense des libertés ?

Le contraste est assez saisissant entre la situation actuelle, où l'on bat des records d'incarcérations et du nombre de personnes placées sous la main de la justice, et le consensus qui existait durant les années 1950-1970. A cette époque, on considérait que la délinquance était surtout liée à « des ratés de socialisation » que les progrès sociaux et économiques finiraient par résorber. Droite, gauche, acteurs de ce domaine croyaient à la réinsertion.

Puis le consensus s'est inversé : il faut mieux punir ou punir davantage. Lors des débats sur la loi sécurité et liberté d'Alain Peyrefitte en 1980, les députés socialistes hurlaient au fascisme quand la garde à vue est passée de 48 à 72 heures. Vingt-six ans plus tard, ils se sont poliment abstenus quand elle a été étendue à 144 heures dans les cas de terrorisme.

Comment passe-t-on d'un consensus à l'autre ?

Longtemps, l'usine a fonctionné comme une instance de normalisation sociale pour les fractions les plus turbulentes des jeunesses populaires. Même les blousons noirs finissaient par se « ranger des voitures » comme on disait, en y travaillant. La montée d'un chômage de masse et de la précarité a largement défait ce modèle d'encadrement. Ce qui a provoqué une résurgence des désordres sociaux dans certains quartiers, dont les violences dites « urbaines » sont l'aspect le plus visible.

A partir des années 1990, on voit se développer des tentatives diverses, pas forcément cohérentes, pour tenter de discipliner ces fauteurs de troubles. Le curseur est largement mis sur la police et sur la justice avec le durcissement du traitement des petits délits, notamment dans les chambres de comparution immédiate. Cela s'est traduit, aussi, par une fuite en avant technologique, avec la vidéosurveillance, ou bien par des arrêtés municipaux instaurant le couvre-feu pour les mineurs.

Cette situation reflétait les préoccupations très concrètes d'élus municipaux, de droite comme de gauche, qui ont joué un rôle important pour « désencastrer » ces désordres du local et les transformer en « problème de sécurité », débattu dans les partis et les assemblées. Cette question apparaît ainsi, pour la première fois, à gauche, dans le programme du candidat Jospin en 1995.

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Sur ce terrain-là, il n'y a pas, selon vous, de rupture ? Non. Nicolas Sarkozy a personnalisé et radicalisé le discours sur la sécurité, mais il n'incarne pas une rupture. D'ailleurs, si la sécurité était restée un sujet de droite, elle n'aurait jamais prospéré comme elle l'a fait. Il est intéressant de voir que, quand le gouvernement Jospin a pris ses premières mesures sur la sécurité, l'opposition de droite est restée muette. Il faut attendre 2000-2001, à quelques mois des élections municipales, pour que se réactivent des lignes d'opposition. La droite va alors rentrer dans une logique de surenchère politique, mais la philosophie qui sous-tend les lois prises après 2002 n'est pas fondamentalement différente de ce que l'on pouvait observer entre 1995 et 2002. Ce phénomène-là n'est pas spécifiquement français. On l'observe aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne ou en Belgique. Des modèles d'action, comme la tolérance zéro circulent. Mais ils sont ensuite retraduits en fonction des situations et des histoires nationales. Si bien qu'ils finissent souvent par se résumer à de simples slogans.

Tout de même, la loi Guigou sur la présomption d'innocence contre-balançait cette conversion sécuritaire à gauche ?

Le texte sur la présomption d'innocence a été vécu par les forces de l'ordre comme une loi qui donne plus de droits aux détenus qu'aux policiers. Les mobilisations de ces derniers traduisaient un malaise face à la priorité assignée par le gouvernement à la répression de la petite délinquance et des désordres urbains.

Peu gratifiantes professionnellement, ces missions étaient d'autant plus compliquées que les policiers ne connaissent pas, ou peu, les populations auxquelles ils ont affaire. Ce que traduit l'inflation des outrages. Ces relations rugueuses, entre jeunes et polices, sont très largement le fruit de la « routinisation » des missions de contrôle et de l'incompréhension, de l'inexpérience, des jeunes policiers.

Quel rôle l'antiterrorisme a-t-il joué sur la notion de sécurité ?

On ne peut pas séparer l'antiterrorisme des lois sécuritaires, même s'il a des dynamiques propres. Là encore, il existe une continuité parfaite entre les différentes lois qui l'organisent, de celle de 1986, centralisant la justice antiterroriste et créant une police spécialisée, à celle de 2006, où l'application des peines est à son tour concentrée au tribunal de grande instance de Paris. La prochaine étape devrait être celle de la spécialisation des présidents de cour d'assises. Les attentats du 11 septembre 2001 n'ont pas changé grand-chose en France dans ce dispositif. Nous avions déjà trouvé une troisième voie, que l'ancien directeur de la direction de la surveillance du territoire, Pierre Bousquet de Florian, appelait la « neutralisation judiciaire préventive ».

L'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste permet d'arrêter de manière très large des personnes, de les placer en détention provisoire, voire de les condamner, avant que des actes ne soient commis. C'est cette pénalisation de l'intention qui forme le coeur du système antiterroriste français. Aussi longtemps que ce dispositif fonctionne contre des groupes construits comme un « autre » dangereux, personne ne se mobilise. Il y a eu des arrestations d'islamistes en direct à la télévision, tous relâchés par la suite, et personne ne s'en est ému. Aussi, les professionnels de l'antiterrorisme ont-ils été surpris quand l'affaire de Tarnac a suscité des réactions, car, jusqu'à présent, ils fonctionnaient de la sorte. Mais tout à coup, chacun se dit : « Cela pourrait être moi, mon fils, mon voisin... »

Va-t-on vers une société de fichage généralisé ?

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Nous sommes dans une logique d'extension du contrôle. Je ne crois pas en une montée en puissance d'un Big Brother. Ce n'est pas parce qu'il y a des technologies de surveillance qu'on va tout savoir. Ce n'est pas parce qu'on collecte un maximum d'informations qu'on peut toutes les traiter. Néanmoins, cela peut avoir de lourdes conséquences. Le STIC [principal fichier de police] peut ainsi priver des jeunes sans qualification de trouver un emploi dans la sécurité privée, alors même qu'ils sont reconnus innocents par la justice.

De manière plus générale, il n'existe pas de débat contradictoire sur la sécurité souhaitable dans notre société. La majorité des mesures sont prises dans l'urgence, quand ce n'est pas dans le secret, comme le fichier Edvige, qui a bien failli ne même pas être débattu au Parlement. Or dans ce mouvement, ce sont surtout les libertés des groupes marginaux qui sont sacrifiées. Même en matière de petite délinquance, si la justice rapide s'appliquait à tous les groupes sociaux, personne ne le supporterait.

Propos recueillis par

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