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72° ANNÉE - N° 3 JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 1995 ISSN 1256 - 7590 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS Fondateur : Paul SCAPEL Directeur honoraire : Louis SCAPEL Directeur : Christian SCAPEL Rédacteur en chef : Jacques BONNAUD Secrétaire de Rédaction : Patricia RIOTTE

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72° ANNÉE - N° 3 JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 1995 ISSN 1256 - 7590

REVUE DE DROIT COMMERCIAL,

MARITIME, AÉRIEN ET

DES TRANSPORTS

Fondateur : Paul SCAPEL

Directeur honoraire : Louis SCAPEL

Directeur : Christian SCAPEL •

Rédacteur en chef : Jacques BONNAUD •

Secrétaire de Rédaction : Patricia RIOTTE •

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(TRIMESTRIEL) Administration et Rédaction : ABONNEMENTS A LA REVUE 28, Boulevard Paul-Peytral, 28 450 F par an 13006 MARSEILLE Prix du numéro : 130 F Téléphone : 91. 33. 38. 29 C.C.P. Christian SCAPEL Fax : 91.55.61.41 7200.13 M MARSEILLE

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PRINCIPAUX COLLABORATEURS Jean-Louis BERGEL Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III Avocat au Barreau de Marseille Pierre BONASSIES Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III Jean CALAIS-AULOY Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier Aboubacar FALL Docteur en Droit - Avocat au Barreau du Sénégal Jacques MESTRE Professeur à la Faculté de Droit de Science Politique d'Aix-Marseille III Pierre-Yves NICOLAS Docteur en Droit Roger PARENTHOU Secrétaire Général Honoraire du Comité des Assureurs Maritimes de Marseille Emmanuel DU PONTAVICE Professeur à la Faculté de Droit, d'Économie et de Sciences Sociales de Paris Martine REMOND-GOUILLOUD Professeur de Droit Maritime et des Transports Jean-Claude RICCI Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille III Richard SHAW Solicitor - Londres Alain TINAYRE Avocat au barreau de Paris

Les Abonnements sont reçus à la "REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS" 28, Boulevard Paul-Peytral - C.C.P. Christian SCAPEL 7200.13 M MARSEILLE - N° C.P.P.A.P. 53155

Abonnement à la Revue : 450 F - Prix du numéro : 130 F

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS

(TRIMESTRIEL) Fondateur : Paul SCAPEL Administration et Rédaction : ABONNEMENTS A LA REVUE Directeur honoraire : Louis SCAPEL 28, Boulevard Paul-Peytral, 28 450 F par an Directeur : Christian SCAPEL 13006 MARSEILLE Prix du numéro : 130 F C.C.P. Christian SCAPEL Rédacteur en chef : Jacques BONNAUD Téléphone : 91. 33. 38. 29 7200.13 M MARSEILLE Secrétaire de Rédaction : Patricia RIOTTE Fax : 91.55.61.41.

SOMMAIRE DOCTRINE : DROIT MARITIME : RETROSPECTIVE 1994/1995 (suite) : - "Le droit international et le droit communautaire en 1994" par Pierre BONASSIES - "Les nouvelles règles d'York et d'Anvers 1994" par Roger PARENTHOU Annexes : York-Antwerp Rules 1994 - Traduction en langue française (Règles d'York et d'Anvers 1994) JURISPRUDENCE : DROIT MARITIME : - TRANSPORT MARITIME - OPÉRATIONS JURIDIQUES ACCOMPLIES (OUI) - TRANSFERT DE LA DÉTENTION (NON) -

LIVRAISON (NON) : Cour d'Appel de Montpellier, Audience solennelle, Arrêt du 13 février 1995 Note : "Le moment de la livraison : suite et fin" par Jacques BONNAUD - CLAUSE COMPROMISSOIRE - SAISINE DE LA JURIDICTION ARBITRALE - SAISIE CONSERVATOIRE POSTÉRIEURE

- FIXATION DU MONTANT DE LA CAUTION : Cour de cassation, Arrêt de rejet du 8 juin 1995 - TRANSPORT MARITIME - LOCALISATION DU DOMMAGE - TEXTE APPLICABLE : Cour de cassation, Arrêt de rejet du

20 juin 1995 Note Jacques BONNAUD - TRANSPORT MARITIME - CLAUSE DE JURIDICTION - RECEVABILITÉ DE L'ACTION - FORTUNE DE MER (NON) :

Tribunal de Commerce de Marseille, Jugement du 3 mars 1995 DROIT AERIEN : - TRANSPORT AÉRIEN - REDEVANCE POUR SERVICES TERMINAUX DE LA CIRCULATION AÉRIENNE - MODE DE

RÉPARTITION - EXCÈS DE POUVOIR (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 10 février 1995 - TRANSPORT AÉRIEN - DÉPENSES LIÉES AU CONTRÔLE DE L'ÉTAT - CALCUL DE LA REDEVANCE DUE PAR

CHAQUE COMPAGNIE - EXCÈS DE POUVOIR (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 10 février 1995 - TRANSPORT AÉRIEN - REDEVANCES DE ROUTE AÉRIENNE - CONDITIONS D'APPLICATION PAR ACCORD

MULTILATÉRAL - ARRÊTÉ DE PUBLICATION - LÉGALITÉ (OUI) : Conseil d'État, Section du contentieux, Décision du 22 juillet 1994

DROIT FLUVIAL : - CONTRAT D'AFFRÈTEMENT FLUVIAL - RECONNAISSANCE DE DETTE (NON) - PRESCRIPTION (OUI) - POUVOIR

SOUVERAIN D'APPRÉCIATION : Cour de cassation, Arrêt de rejet du 9 mai 1995 DROIT ROUTIER : - TRANSPORT ROUTIER INTERNATIONAL - DÉFAUT D'ARRIMAGE NON APPARENT - PRÉSOMPTION EN VERTU DE

LA CMR : Cour de cassation, Arrêt de cassation du 31 janvier 1995 - TRANSPORT ROUTIER - FAUTE ÉQUIPOLLENTE AU DOL (OUI) - DROIT DE LIMITER LA RESPONSABILITÉ (NON) :

Cour de cassation: Arrêt de rejet du 31 janvier 1995 - CENTRE PORTUAIRE D'ACCUEIL ROUTIER - PROCÉDURE JUDICIAIRE - ARRÊTÉ DE CONFLIT - NATURE DU

SERVICE - COMPÉTENCE ADMINISTRATIVE (OUI) : Tribunal des Conflits, Décision du 25 avril 1994 INFORMATIONS : - Réglementation Colloques, Séminaires, Congrès, Stages, Conférences BIBLIOGRAPHIE : - IMTM : Annales 1995 - Ouvrages récemment parus

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DOCTRINE

DROIT MARITIME : RÉTROSPECTIVES 1994 / 1995 (suite)

Dans notre précédent numéro, nous avons publié le texte des interventions lors d'"Info IMTM 95" (1

) de Christian Scapel -"Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en matière de clauses attributives de juridiction"- et de Jacques Bonnaud -"Quelques décisions françaises dans le domaine des transports maritimes"-.

Comme annoncé, nous publions dans le présent numéro, les interventions du Professeur Pierre Bonassies et de Roger Parenthou consacrées au droit international et communautaire et aux Règles d'York et d'Anvers 1994. En annexe, nos lecteurs trouveront le texte des Règles d'York et d'Anvers 1994 en anglais car c'est la seule version officielle et la traduction qui en a été effectuée par l'Association des dispacheurs français.

LA REDACTION

(1) L'Institut Méditerranéen des Transports Maritimes publie les actes de cette réunion. IMTM, Immeuble CMCI, 2 rue Henri Barbusse, 13241 Marseille cedex 01 - Tél. : 91.90.17.13 - Fax : 91.90. 01.62.

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LE DROIT INTERNATIONAL ET LE DROIT COMMUNAUTAIRE EN 1994

par

Pierre BONASSIES Professeur à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-Marseille

Un seul événement d'importance à noter en droit international en 1994 : c'est l'entrée en vigueur, le 17 novembre, de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, habituellement dénommée Convention de Montego-Bay. Mais cette entrée en vigueur ne changera pas grand chose au droit positif. La Convention n'a été ratifiée par aucune grande puissance, même si des États maritimes notables y ont adhéré, tels le Brésil, l'Égypte, le Sénégal, la Tunisie, voire Chypre. Par ailleurs, cette Convention est considérée comme exprimant le droit de la mer coutumier, et les principes et règles qu'elle inclut sont déjà largement appliqués. Pour le reste, aucune nouvelle grande convention maritime n'a été signée en 1994. L'O.M.I. et la C.N.U.C.E.D. ont toutefois continué à préparer un nouveau texte sur la saisie des navires, texte destiné à remplacer la Convention de 1952, à la suite de l'adoption de la nouvelle Convention de 1993 sur les hypothèques et privilèges maritimes (sur cette Convention, voir les Annales 1994 de l'I.M.T.M.). Pareillement, les travaux concernant la future convention sur la responsabilité des propriétaires de navires transportant des substances polluantes (dite Convention H.N.S. : voir les Annales 1993 de l'I.M.T.M.) se sont poursuivies à l'O.M.I., et il n'est pas impossible qu'un texte ne soit adopté au printemps 1996. C'est en revanche la stagnation totale pour ce qui est des Règles de Hambourg. Une nouvelle ratification de ce texte est intervenue dans les derniers jours de 1993, celle de l'Autriche, portant le nombre des États adhérents à 21. La Communauté Européenne, devenue l'Union Européenne, a, quant à elle, semblé se désintéresser du problème. Un rapport établi par un cabinet britannique de consultants à la demande de la Commission a conclu que la ratification des Règles de Hambourg changerait peu de choses pour les chargeurs, - un point de vue depuis longtemps défendu par l'I.M.T.M. La Commission n'envisage donc pas de mettre le problème à son ordre du jour, - en tout cas à brève échéance. La réunion du Comité Maritime International à Sydney en octobre 1994 a été pleine d'intérêt, mais elle n'a donné de résultats concrets qu'en ce qui concerne les Règles d'York et d'Anvers (sur ces résultats, voir la communication exhaustive de Roger Parenthou). En revanche, le droit communautaire a connu une activité importante, qu'il s'agisse d'arrêts de la Cour de Justice ou de décisions de la Commission.

I. - L'APPORT DE LA COUR DE JUSTICE AU DROIT COMMUNAUTAIRE EN 1994 La Cour de Justice a rendu trois décisions, dont deux sont d'un grand intérêt, la troisième apparaissant d'importance mineure. Une première décision du 17 mai 1994 condamne toute discrimination dans les tarifs de pilotage (Corsica Ferries Italia et Corpo Dei Piloti del Porto di Genova, DMF 1994, 664 ; Revue Scapel 1994, 93).

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Les tarifs de pilotage du Port de Gênes prévoyaient différentes réductions au tarif de base, et notamment une réduction de 40% au profit des navires de lignes admis au cabotage maritime entre ports italiens. Statuant à la suite d'une action portée devant les tribunaux italiens par la Compagnie Corsica Ferries - laquelle aura bien mérité du droit communautaire - la Cour de Justice a vu dans la discrimination ainsi établie un abus de position dominante, interdit par les dispositions de l'article 86 du Traité de CEE. La Cour observe d'abord que le port de Gênes peut être considéré comme "une partie substantielle du Marché Commun". Bénéficiant du droit exclusif d'effectuer les services de pilotage obligatoires dans le port de Gênes, la corporation des pilotes devait donc être considérée comme occupant une position dominante au sens de l'article 86 du Traité de CEE. En appliquant des conditions inégales pour des prestations équivalentes à ses partenaires commerciaux, elle exploitait de façon abusive sa position dominante. Et le fait que ses tarifs aient été homologués par l'État italien était sans conséquence, autorisant seulement à conclure qu'en permettant à la corporation des pilotes d'exploiter sa position dominante de façon abusive, cet État enfreignait tout à la fois les dispositions de l'article 86 et celles de l'article 90 du Traité CEE. Dans un arrêt du 5 octobre 1994 (Recueil 1994. 5145), la Cour de Justice des Communautés se prononce définitivement sur la non-conformité au droit communautaire des taxes perçues sur les navires transporteurs de passagers au port de Bastia. Jusqu'à la modification du régime antérieur par un décret du 18 mai 1994, les navires effectuant le trafic France continentale/Corse étaient frappés d'une taxe calculée par passager embarquant à Bastia, tandis que les navires effectuant le trafic Italie/Corse étaient frappés de la même taxe, mais calculée par passager débarquant ou embarquant à Bastia. Chacun se souvient que, dans un arrêt du 13 décembre 1989, la Cour de Justice des Communautés avait exprimé, et de la manière la plus claire, ses réserves à l'égard du système ainsi appliqué (voir nos observations, DMF 1991, 10), tandis que, dans un arrêt du 19 août 1992, la Cour d'appel de Bastia avait condamné l'Administration des Douanes à rembourser les droits mal perçus (DMF 1993, 181 et nos observations). La France ayant tardé à modifier son système de taxes sur les passagers, la Commission des Communautés a introduit, le 3 août 1993, un recours contre la France, recours visant, en vertu de l'article 169 du Traité CEE, à faire constater que celle-ci avait manqué à ses obligations communautaires. Dans son arrêt du 5 octobre 1994, la Cour de Justice constate effectivement que le système mis en place par la France emportait manquement aux obligations qui incombaient à cet État en vertu du Règlement 4055/86 du 22 décembre 1986. C'est en vain que, lors des ultimes débats, la France a fait valoir qu'elle avait modifié sa législation dans le sens imposé par le droit communautaire. La Cour de Justice ne prend en effet en considération, dans une action en manquement, que les faits existant au jour de sa saisine, et ne tient pas compte du fait que, depuis cette date, il a pu être mis fin au manquement. C'est en vain aussi que la France a fait valoir qu'en vertu du règlement 3577/92 du 7 décembre 1992 sur le cabotage national, les exigences du droit communautaire ne devaient s'appliquer aux transports maritimes que progressivement. En effet, observe la Cour, ce règlement ne concerne que l'accès des prestataires de services des autres États membres au cabotage maritime. Il ne définit pas le régime qui doit être appliqué aux navires admis à ce cabotage. La troisième décision rendue par la Cour de Justice en matière maritime, moins importante, démontre surtout l'imagination extrême des juristes italiens. C'est un arrêt du 14 juillet 1994, où la Cour de Justice déclare que ne porte pas atteinte au droit communautaire la législation d'un État membre n'interdisant en haute mer le rejet de substances polluantes qu'aux navires portant son pavillon (Matéo Peralta, DMF 1994, 668). Interdisant à tous les navires, sans distinction de nationalité, tout rejet d'hydrocarbures dans les eaux territoriales et les eaux intérieures italiennes, une loi italienne du 31 décembre 1982 applique la même interdiction en haute mer, mais aux seuls navires battant pavillon italien. Poursuivi devant le prêteur de Ravenne, le capitaine Peralta, commandant d'un navire citerne battant pavillon italien, avait soutenu que la réglementation italienne était contraire aux dispositions du droit communautaire. La Cour de Justice, saisie d'un recours préjudiciel de l'article 177 du Traité CEE, n'a pas accepté l'argumentation développée par lui.

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Pour la Cour, le fait que seuls les navires italiens soient, en haute mer, soumis à l'interdiction de toute pollution, ne peut constituer une discrimination contraire au Traité de CEE, "puisque la législation italienne ne peut pas s'appliquer en haute mer aux bateaux ne battant pas pavillon italien", - une règle contraignante du droit international venant limiter ici la compétence de l'État italien. Par ailleurs, s'appliquant à tous les navires, qu'ils effectuent des transports internes à l'Italie ou des transports à destination des États membres, la loi de 1982 n'apportait pas de restriction particulière, et condamnable, à la liberté de circulation entre États membres.

II. - L'APPORT DE LA COMMISSION AU DROIT MARITIME COMMUNAUTAIRE EN 1994 La Commission, quant à elle, a rendu deux décisions d'une extrême importance en matière de conférences maritimes. La première concerne le Trans Atlantic Agreement, ou TAA ; la seconde concerne la Far East Freight Conference, ou FEFC. Il importe de présenter le contenu de ces décisions avant de proposer un certain nombre d'observations. 1. La décision TAA a été rendue le 19 octobre 1994. Le TAA est un accord conclu en 1992 entre la plupart des armateurs desservant l'Atlantique Nord, armateurs antérieurement membres des deux conférences NEUSARA et USANERA, auxquels s'étaient joints certains armateurs indépendants. Son objet était d'abord d'établir un tarif des taux de fret. Ce tarif n'était pas toutefois rigide. D'une part, la possibilité est donnée aux membres du TAA de proposer des frets d'un taux inférieur au tarif (c'est l'independant action du droit américain). D'autre part, des contrats de service à frets réduits pouvaient être conclus avec de gros chargeurs. L'objet du TAA était ensuite de régir un programme de gestion de capacité (capacity management programm, - CMP), les membres de l'accord s'entendaient pour ne pas utiliser toutes leurs capacités disponibles. Concrètement, les membres du TAA définissaient pour deux ans, par périodes de trois mois, d'une part les capacités réellement disponibles pour chacun d'entre eux, et d'autre part la quantité que chaque membre est autorisé à transporter. Quand cette dernière quantité était atteinte, l'armateur concerné devait refuser de transporter le chargement qui lui était proposé, ayant toutefois la possibilité d'affréter des slots auprès des autres membres du groupe. Dans sa décision, la Commission a considéré que le TAA d'une part ne pouvait bénéficier de l'exemption de groupe prévue par le règlement 4056, d'autre part ne pouvait non plus bénéficier d'une exception individuelle telle que prévue par l'article 12, alinéa 4, du même règlement. Il n'est pas possible de présenter ici tous les éléments de cette décision, laquelle comporte plus de cinquante pages. Aussi nous bornerons-nous à en exposer les observations principales. S'agissant du refus de l'exemption de groupe, la Commission le fonde essentiellement sur trois raisons. En premier lieu, pour elle, le TAA n'était pas une véritable conférence au sens du Règlement 4056. Pour la Commission, les conférences visées par le règlement 4056, ce sont les seules conférences visées par le Code de la CNUCED. Et ce Code ne vise lui-même que les conférences "traditionnelles", c'est-à-dire les conférences instituant un système strict, uniforme, de taux de fret. Or, le TAA, prévoyant des contrats à taux réduits, comportait un système de taux non uniformes. A la vérité, selon la Commission, le TAA dissimulait, derrière l'apparence d'une conférence, un accord de tarifs entre une conférence et des indépendants. Un tel accord n'était pas couvert par le Règlement 4056. En deuxième lieu, le programme de réduction de capacité prévu par le TAA n'était pas non plus couvert par le règlement 4056. Celui-ci (et l'on retrouve la même idée qu'exprimée ci-dessus) ne s'applique qu'aux seules activités traditionnelles et normales des conférences maritimes, telles que décrites dans le Code CNUCED. Certes, l'article 3 (d) du règlement 4056 vise, parmi les comportements autorisés aux conférences, la "régulation de la capacité de transport offerte par chacun des membres", mais, pour la Commission, "cette notion de régulation des capacités se comprend dans le contexte des activités traditionnelles des conférences, visant à permettre l'offre d'un service régulier, fréquent et

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fiable". Elle ne vaut que "s'il s'agit d'ajustements à des fluctuations saisonnières ou conjoncturelles de la demande ... elle ne vise pas des réductions ou des gels de capacité ... qui ne sont pas liés à l'organisation ou à l'amélioration des services offerts". Enfin, le TAA prévoyait la fixation des tarifs multimodaux. Or, pour la Commission, le règlement 4056 ne vise que les transports maritimes, et la fixation de tarifs concernant les segments terrestres inclus dans un transport multimodal ne peut être couverte par ledit règlement. Aussi bien, le 11ème considérant de l'exposé des motifs de ce texte indique clairement "qu'en matière de transports terrestres organisés par les transporteurs maritimes, ceux-ci restent soumis au Règlement 1017/68". Et la fixation de tarifs concernant les segments terrestres n'était pas non plus couverte par le règlement 1017/68 du 19 juillet 1968 sur les transports terrestres. S'agissant du refus d'une exemption individuelle, la Commission le justifie en confrontant le TAA avec chacune des quatre conditions inscrites, pour l'obtention d'une telle exemption, dans l'article 85-3 du Traité de CEE, texte auquel renvoie ici le règlement 4056 dans son article 11. La première de ces conditions, c'est que l'accord concerné réalise une amélioration de la production ou de la distribution ou la promotion d'un progrès économique ou technique. Mais, pour la Commission, tel n'était pas le cas pour le TAA. Car la stabilité qu'il entendait établir n'était pas la stabilité des taux de fret, fondement de la dérogation accordée aux conférences maritimes, mais "plutôt celle d'une offre de services, c'est à dire le maintien des services et la survie des entreprises en place sur le trafic, et la garantie dans la mesure du possible de leur bénéfice". La seconde condition exigée par l'article 85 pour accorder une exemption à une entente, c'est que celle-ci affecte une part équitable des bénéfices qui en découlent au profit des usagers. Or ce n'était pas le cas du TAA, comme le montrent les augmentations de fret mises en place le 1er janvier 1993, lesquelles ont été de l'ordre de 20 à 60% par rapport à 1992 sur une vaste gamme de produits, et les nombreuses plaintes des chargeurs et transitaires reçues par la Commission. La troisième condition de l'application de l'article 85-3 est celle du caractère indispensable des restrictions inscrites dans l'entente. Mais, là aussi, tel n'était pas le cas pour le TAA. La Commission observe ici, entre autres arguments, qu'aucun mécanisme de gestion de capacité n'avait été mis en oeuvre sur le trafic États-Unis/Europe, alors que les sur-capacités y sont beaucoup plus évidentes que sur le trafic Europe/États-Unis. Enfin, pour bénéficier d'une exemption, une entente ne doit pas donner à ses membres la possibilité d'éliminer la concurrence sur une partie substantielle des services en cause. Or, pour la Commission, d'une part divers faits établissaient qu'il n'existait aucune concurrence réelle entre les membres du TAA. D'autre part, la concurrence exercée par les armateurs indépendants non membres du TAA, tel l'armateur Evergreen, n'était pas vraiment significative. Pour conclure, la Commission constate que les conditions exigées par le règlement 1017/68 sur les transports terrestres pour l'obtention d'une exemption individuelle n'étaient pas remplies par le TAA, en tant que celui-ci incluait un tarif commun dans les transports terrestres. 2. La seconde décision rendue par la Commission est la décision Far East Freight Conference (FEFC) du 21 décembre 1994. Cette décision est assez proche de la décision TAA, mais beaucoup plus centrée sur les tarifs multimodaux institués par la conférence. La FEFC gère les trafics de l'Europe de l'ouest vers l'extrême orient (Chine, Japon, Taïwan, Corée, Singapour, Malaisie, Hong Kong, Viet Nam) et réciproquement. La conférence a édicté un double tarif, un tarif concernant les opérations de transport maritime, - de bord à bord -, et un tarif concernant les opérations de transport terrestre, - de chacun des ports couverts par la conférence à chacune des grandes destinations de l'hinterland. Ce tarif terrestre est applicable aux chargeurs qui confient à l'un des membres de la Conférence une opération de transport combiné, en lui laissant le soin d'organiser le transport terrestre de pré-acheminement et de post acheminement (carrier haulage). Cependant, tout chargeur est libre d'organiser lui-même le pré-acheminement de sa marchandise au port de chargement (merchant haulage).

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La Commission a considéré que l'inclusion par la FEFC dans ses conditions de transport d'un tarif applicable aux opérations de transport terrestre était contraire au droit communautaire. Pour justifier sa conclusion, elle analyse d'abord les pratiques concernées pour conclure, ce qui était évident, qu'elles apportent des restrictions importantes à la conférence et qu'elles affectent le commerce entre États membres, répondant ainsi aux conditions d'application de l'article 85 du Traité de Rome. Elle observe ensuite que les tarifs institués par la FEFC pour les transports terrestres organisés par elle ne pouvaient bénéficier des exemptions accordées par le Règlement du 19 juillet 1968 à certains accords de fret. Ils ne constituent pas des accords techniques, tels que visés par l'article 3 de ce règlement, mais des accords entre petites et moyennes entreprises, tels que visés par l'article 4.

Pour la Commission, le système mis en place par la FEFC ne peut non plus bénéficier de l'exemption accordée aux conférences maritimes par le règlement du 22 décembre 1986. Ce règlement ne vise que les transports maritimes et ne s'étend pas aux transports terrestres, même liés à un transport maritime. Et la Commission écarte ici tous les arguments de texte ou de raison proposés par la FEFC. Enfin, comme dans sa décision TAA, la Commission s'interroge sur la possibilité de faire bénéficier les accords FEFC d'une dérogation individuelle fondée soit sur l'article 85 du Traité de Rome, soit sur le règlement de 1968 sur les transports terrestres. Mais là aussi, comme pour le TAA, il lui apparaît qu'une telle dérogation n'est pas possible. Il n'est pas établi que le fait de fixer collectivement les prix du carrier haulage améliore la qualité des services de transports terrestres ou emporte un progrès technique réel. Il ne prend pas non plus en considération les intérêts des usagers. Enfin, il ne présente pas un caractère indispensable, tel qu'exigé par les règles du droit communautaire. Sur ce dernier point, l'analyse est un peu plus serrée. Devant la Commission, les armateurs avaient fait valoir que l'établissement d'un tarif de fret de bout en bout, - donc l'application d'un tarif uniforme de fret aux transports terrestres -, était indispensable au bon fonctionnement de la conférence. En l'absence d'un tel tarif, la concurrence que veut précisément éviter le système des conférences maritimes risquait d'apparaître sur le secteur terrestre. La Commission voit là une allégation qui n'est pas prouvée. Par ailleurs, elle observe qu'un autre moyen existe pour éviter la concurrence sur les segments terrestres, c'est de créer un pool de cargaison ou un pool de recettes. Pour finir, la Commission inflige aux entreprises membres de la FEFC des amendes, mais d'un caractère beaucoup plus limité que dans l'affaire Delmas-Vieljeux, puisque ces amendes ne s'élèvent qu'à 10.000 écus par entreprise (alors que c'est une amende de plus de 11.000.000 d'écus qui avait été prononcée contre la Compagnie Delmas-Vieljeux). En conclusion, nous observerons que l'affaire du TAA, comme celle de la FEFC ne sont pas terminées. Dans ces deux affaires, les juridictions communautaires ont été saisies et le Tribunal de première instance puis la Cour de Justice seront donc appelés à se prononcer. Déjà, le Tribunal de première instance a rendu une décision préliminaire. Le 10 mars 1995, il a ordonné le sursis à l'application de la décision TAA pour ce qui est des tarifs terrestres, et la Commission a fait appel de cette décision. Par ailleurs, le TAA a prononcé sa dissolution, la plupart des armateurs membres de la conférence se constituant en une nouvelle conférence, le TACA, - conférence qui a déjà des difficultés avec la Commission. 3. Si l'on s'interroge maintenant sur les décisions analysées ci-dessus, il apparaît que la Commission a maintenu en 1994 la grande rigueur qu'elle avait manifestée en 1993, dans sa décision Comités armatoriaux. Dans la décision TAA, cette rigueur se manifeste par une interprétation rigide, systématiquement réductrice, des dispositions du règlement 4056. C'est ainsi que rien n'imposait à la Commission d'adopter la conception très étroite de la notion de conférence à laquelle elle se réfère. Il est très douteux que cette notion soit celle du Code de conduite. De surcroît, même si cela était, rien n'impose au droit communautaire d'adopter la notion de conférence maritime inscrite dans le Code de conduite. En 1986, quand le règlement sur les conférences a été adopté, le Code de conduite ne faisait pas partie

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du droit communautaire, n'ayant été ratifié ni par la Belgique, ni par l'Irlande, l'Italie et la Grèce, - sans parler du Luxembourg, aujourd'hui lui aussi État maritime. Par ailleurs, rien, ni dans le règlement 645/79 du 15 mai 1979 concernant la ratification par les États membres du Code de conduite de 1974, ni dans le règlement 4056, n'établit de liaison contraignante entre la définition donnée des conférences maritimes par le Code de la CNUCED et la définition communautaire des conférences. S'agissant d'un autre point important de la décision, l'interprétation à donner aux termes "régulation de la capacité de transport offerte à chacun des membres" de l'article 3 du règlement 4056, on pourrait faire les mêmes observations. La référence de principe que fait la Commission au Code de conduite et aux sources de celui-ci (rapport de la CNUCED publié en 1972) n'est nullement justifiée, et, de surcroît, la lecture que la Commission donne des textes sur lesquels elle se fonde est souvent contestable. Enfin, le refus de la Commission d'autoriser, sur le fondement du règlement 4056, les tarifs multimodaux, témoigne d'une même interprétation littérale des textes. Si, en effet, l'établissement de tels tarifs n'est pas expressément inclus par le règlement 4056 parmi les actions autorisées aux conférences, il n'est nullement prohibé par ce texte. Et, à interdire ces tarifs, on prive le règlement 4056 lui-même de son effectivité, eu égard au développement du transport multimodal transmaritime. A la vérité, la volonté permanente de la Commission d'interpréter de la manière la plus rigoureuse le règlement 4056. Pour la Commission, le primat unique du droit communautaire est l'interdiction de tout accord restrictif de la concurrence. Toute exception à ce primat doit, dès lors, être interprétée de la manière la plus restrictive possible. On nous permettra de ne pas être pleinement en accord avec la Commission. Pour nous, une autre analyse du droit communautaire de la concurrence est possible, l'analyse faite par la Commission nous paraissant, de surcroît, méconnaître la spécificité du règlement 4056. Dans notre opinion, le droit communautaire de la concurrence n'a pas la rigidité que la Commission voudrait lui donner. Une lecture ouverte en est possible, comme le montre la comparaison que l'on peut faire entre le droit communautaire et le droit des États Unis, - source de toute réflexion en la matière. En droit américain, la concurrence est considérée comme la condition impérative, voire absolue du progrès économique. Sauf dérogation législative, - telle d'ailleurs la dérogation accordée aux conférences maritimes -, aucune restriction à la concurrence ne peut bénéficier d'une exception à l'interdiction prononcée par le Sherman Act. En droit communautaire, la concurrence est certes considérée comme un moyen privilégié de progrès économique. Mais elle n'est qu'un moyen. Si la nécessité l'impose, d'autres moyens peuvent être utilisés pour assurer ce qui est le but ultime de la Communauté, à savoir non pas l'établissement d'un régime de concurrence, mais le développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté (voir sur ce point nos observations, Les fondements du droit communautaire de la concurrence : la théorie de la concurrence-moyen, Mélanges Weill 1982, et, sur l'évolution du droit communautaire, notre communication au Colloque de la CEDECE sur La Communauté et l'entreprise, Paris 1992, à paraître). Cette acceptation de certaines restrictions à la concurrence par le droit communautaire, acceptation dont les dispositions de l'article 85-3 sont l'indice le plus éclatant, peut aller très loin, en tout cas en situation de crise. Par exemple, dans le secteur charbon-acier, le Traité de Communauté donne à la Commission elle-même le pouvoir d'instituer des prix minima ou des quotas de production, pouvoir qu'elle a largement utilisé dans les années 1980-1987, et ce alors qu'il s'agit là de restrictions considérables à la concurrence. Dans un domaine très proche de celui des transports maritimes, en matière de transports terrestres, le règlement 1017/68 prévoit dans le même sens que si le Conseil a constaté un état de crise dans tout ou partie d'un marché de transport, des accords de nature à réduire les perturbations du marché en cause, c'est-à-dire en fait là encore des accords de prix ou de quotas, pourront être exemptés de l'interdiction de l'article 85 (article 6). Aussi bien, la spécificité du droit communautaire de la concurrence par rapport à une théorie pure de la concurrence a-t-elle été affirmée par la Cour de Justice elle-même dans un texte important, dont

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on peut regretter qu'il soit passé quelque peu inaperçu, l'avis que la Cour a donné le 14 décembre 1991 sur le projet d'accord de création d'un espace économique européen (EEE) négocié par la Communauté et les pays de l'AELE (Recueil 1991.6079). Ce projet ayant prévu la mise en place d'un système juridictionnel propre, appelé à juger notamment des décisions prises, en matière de concurrence, par les organes de contrôle de l'AELE, la Commission a saisi la Cour d'une demande d'avis sur la compatibilité du projet avec le droit communautaire. Dans son avis, la Cour a d'abord insisté sur la spécificité notamment du droit communautaire de la concurrence. Elle observe qu'il résulte, tant des articles 2, 8 A et 1O2 A du traité de CEE que de l'article 1er de l'Acte Unique, que "les dispositions du traité CEE régissant la libre circulation et la concurrence, loin de représenter une finalité en soi, ne sont que des moyens pour la réalisation" des objectifs du traité (souligné par nous). Elle en a conclu que, ne respectant pas pleinement cette spécificité, le projet à elle soumis était incompatible avec l'ordre juridique communautaire. D'autre part, et c'est là la seconde raison qui, dans notre opinion, plaide en faveur d'une application ouverte du droit communautaire de la concurrence en matière de transports maritimes, le règlement 4056 présente un caractère original, - caractère qui, lui aussi, n'a pas été suffisamment souligné. Ce n'est pas un texte qui met seulement en oeuvre la politique de concurrence. Il met aussi en oeuvre la politique des transports maritimes. Il est en effet expressément fondé non seulement sur les dispositions de l'article 87 du Traité de CEE, texte de base pour tout règlement du droit de la concurrence, mais aussi sur les dispositions de l'article 84 paragraphe 2, fondement de la politique des transports maritimes : "vu le Traité instituant la Communauté Économique Européenne, et notamment ses articles 84 paragraphe 2 et 87", énonce-t-il aux premières lignes de son texte. Cela signifie, ou en tout cas devrait signifier, qu'il y a lieu dans l'interprétation et dans l'application du règlement 4056 de prendre particulièrement en considération les exigences du transport maritime communautaire. L'idée que le droit communautaire de la concurrence peut, au delà de son unité de principe, se diversifier selon le secteur économique en cause n'est nullement étrangère au droit communautaire. Le droit de la concurrence du marché charbon-acier a sa spécificité, comme le droit de la concurrence des produits agricoles. Quant à l'idée que l'application des règles de concurrence doit être orientée dans le sens des politiques communautaires, elle n'est pas non plus nouvelle. Elle a été exprimée par la Cour de Justice dès 1969, dans l'arrêt Walt Wilhelm (13 février 1969, Recueil 1969.1). Dans cette décision, la Cour observe que "si (par le jeu de l'article 85), le traité vise, en premier lieu, à éliminer les entraves à la libre circulation des marchandises dans le Marché commun, et à affirmer et sauvegarder l'unité de ce marché, il permet aussi aux autorités communautaires d'exercer une certaine action positive, quoique indirecte, en vue de promouvoir un développement harmonieux des activités économiques dans l'ensemble de la Communauté, conformément à l'article 2 du Traité". Et plusieurs décisions récentes de la Cour de Justice illustrent d'une manière tout à fait remarquable cette idée. De ces décisions, nous ne retiendrons que la plus récente, et sans doute la plus importante, un arrêt rendu le 5 octobre 1994 (République Fédérale d'Allemagne c. Conseil, Recueil 1994. 4973). La République Fédérale d'Allemagne avait contesté la validité d'un règlement adopté par le Conseil en matière d'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, en arguant que ce règlement portait atteinte au principe d'une concurrence non faussée, principe inscrit dans l'article 3 (f) du Traité de CEE. La Cour a rejeté le recours ainsi formé, en se fondant sur la primauté de la politique agricole sur la politique de concurrence. Pour la Cour, "il convient de rappeler que l'établissement d'un régime de concurrence non faussée n'est pas le seul objectif mentionné à l'article 3 du Traité, lequel prévoit aussi, notamment, l'instauration d'une politique agricole. Les auteurs du traité, conscients de ce que la poursuite simultanée de ces deux objectifs pouvait se révéler difficile, à certains moments et dans certaines circonstances, ont prévu, à l'article 42 1er alinéa du traité :'les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil ... compte tenu des objectifs (de la politique agricole)'. - Sont ainsi reconnus tout à la fois la primauté de la politique agricole par rapport aux objectifs du traité dans le domaine de la concurrence et le pouvoir du Conseil de décider dans quelle mesure les règles de concurrence trouvent à s'appliquer dans le secteur agricole" (point 6O, texte

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souligné par nous ; voir aussi, dans le même sens, les arrêts Reiff, 17 novembre 1993, Recueil 1993. 5801 et Delta Schiffahrts, 9 juin 1994, Recueil 1994. 2517, décisions qui établissent que, comme le relève l'avocat général Darmon, "confronté à d'autres objectifs, l'établissement d'un régime de concurrence non faussée passe au second plan", conclusions Reiff, point 32). Mais l'article 3 mentionne pareillement, comme l'un des objectifs du Traité, "l'instauration d'une politique commune dans le domaine des transports". La primauté que la Cour de Justice vient ainsi de reconnaître à la politique agricole sur les règles de concurrence doit aussi s'exprimer en faveur de la promotion de la politique maritime de l'Union Européenne.

* Nous ne pouvons terminer cette brève présentation du droit communautaire sans évoquer le problème des consortiums. Le 20 avril 1995, la Commission a en effet publié le règlement, tant attendu, les concernant. De ce règlement il faudra reparler en 1996.

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LES NOUVELLES REGLES D'YORK ET D'ANVERS 1994

Par

Roger PARENTHOU Chargé d'Enseignement à la Faculté de Droit et de Science Politique d'Aix-en-Provence

Les Règles d'York et d'Anvers 1994 ont été adoptées à la 35ème Conférence du Comité Maritime International, qui s'est tenue à Sydney du 2 au 8 octobre 1994 (2 Elles ont été prévues pour être applicables aussitôt que possible (as soon as ... dans le texte anglais) après le 31 décembre 1994.

).

Nous aborderons successivement : - Le contexte avant la révision ; - Le contenu de la révision ; - Une conclusion.

LE CONTEXTE En quelque sorte savoir d'où l'on vient pour savoir où l'on va. On rappellera que les Règles d'York et d'Anvers ne constituent pas une Convention Internationale, même si elles sont pratiquement d'application mondiale. Il s'agit d'une simple codification de la matière, mise à la disposition du commerce international. Leur application est d'ordre contractuel, par la voie des dispositions des connaissements et /ou des chartes parties. Depuis 1864, date de l'élaboration des premières Règles d'York, le texte a été périodiquement revu, corrigé, complété. Le Comité Maritime International qui a pris la suite de l'International Law Association, a mis en oeuvre sept révisions constituant ce que nous avons appelé comme autant de cures de jouvence (3 Aucune Convention Internationale ne peut se flatter d'en avoir fait autant.

).

Mais on constate qu'à chaque fois que l'on a souhaité réviser, on s'est aussitôt posé la question : ne faut-il pas abolir ? Les détracteurs de l'institution ont parfois utilisé des termes virulents (4 Le langage des attaques n'a pas toujours été aussi vigoureux, sinon on se serait trouvé rapidement devant deux espèces en voie de disparition : l'avarie commune et les dispacheurs!!!

)..

En fait que reproche-t-on essentiellement à la procédure d'avarie commune, parfois à la notion elle-même qualifiée de désuète : c'est difficile, long et coûteux. On explique que le règlement des avaries communes est une opération notoirement compliquée et absorbante dont le poids retombe en fin de compte sur les assureurs représentant les différents intérêts.

(2) R. Parenthou, Réflexions autour de l'avarie commune avant le "lifting" de 1994, Revue de Droit Francais Commercial, Maritime et Fiscal -Spécial 70ème anniversaire- janvier à mars 1994, p. 23 et suivantes. (3),Ibid p. 23. (4) Douglas Owen, Secrétaire de l'Alliance Insurance Company dans un mémoire lu au Lloyd's. C.H. Johnson, Thames and Mersey Marine Insurance Company dans un mémoire lu à l'Insurance Institute de Liverpool - General average abolition - le 11 février 1925.

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La tâche du règlement de ces avaries est si difficile -dit-on encore- qu'elle a une réputation bien établie et qu'un corps spécialisé de dispacheurs hautement qualifiés sont occupés à ce genre de règlements. La tendance par ailleurs, au fil des années, a été non pas de restreindre mais d'étendre le champ d'application ou la portée de l'institution. On relèvera au passage que ce sont essentiellement les anglo-saxons qui sont allés dans cette voie (cf. modifications de 1950 puis de 1990). On fait aussi valoir que le gigantisme des navires et d'autres évolutions du transport maritime (les conteneurs par exemple) auraient pour effet de compliquer exagérément le règlement des avaries communes. En sens inverse le transport des hydrocarbures, du gaz liquéfié ou d'une façon générale des marchandises en vrac, ne met en cause qu'un nombre limité d'intérêts : navire et cargaison unique ou quasi-unique. Enfin, la liquidation des avaries communes et leur règlement prennent beaucoup de temps et entraînent des retards et des frais. On pourra constater dans quelle mesure il a été répondu, par les nouvelles Règles d'York et d'Anvers, à certaines de ces critiques. Mais, il faut préalablement déterminer quelles sont les formules qui ont été ou sont proposées, pour remplacer le système de l'avarie commune. Nous retiendrons les cinq principales. 1 - Le navire supporterait la charge de tous les sacrifices et de toutes les dépenses d'avarie commune, y compris les pertes et avaries des marchandises. Cette solution apparaît impossible à mettre en oeuvre sous l'empire de la Convention Internationale du 25 août 1924 complétée par le Protocole du 23 février 1968 (Règles de Visby). Qu'en serait-il avec la Convention des Nations-Unies sur le transport des marchandises par mer du 30 mars 1978 (Règles de Hambourg) ? On notera que les dites Règles de Hambourg sont entrées en vigueur le 1er novembre 1992 seulement et qu'elles n'ont été adoptées -pour le moment- par aucun des pays maritimes importants. La plus grande incertitude règne sur la jurisprudence qui se dégagera dans les divers pays sur de nombreux problèmes soulevés par leur application (5 Il reste par ailleurs le problème rarement évoqué et jamais résolu de la limitation de réparation (

). 6

Il existe toutefois dans les polices d'assurances maritimes sur corps de navires -françaises notamment- une clause, dite d'absorption, qui évite de recourir à une procédure d'avarie commune dans les limites d'un capital prévu.

).

2. - On retournerait à la notion de salut commun. Depuis 1950 et la création de la règle d'interprétation, obtenue sous la pression anglaise à propos de l'affaire "Makis", on a pu en effet faire coexister la notion de salut commun avec celle d'intérêt commun. Mais il n'y a pas beaucoup de passion pour cette solution d'un retour en arrière qui, selon le Professeur K. Selmer "procéderait d'un certain romantisme oublieux des réalités pratiques" (7

).

3 - Les sacrifices (avaries-dommages) resteraient à la charge de ceux qui les subissent. C'est la formule préconisée par les Australiens et les Néo-Zélandais : "they should lie where they fall ". Mais on continuerait à répartir les dépenses (avaries-frais).. On a objecté -à juste titre- que cette solution ne réduirait pratiquement pas le nombre de règlements d'avarie commune, ni leur difficulté. (5) Pierre Bonassies, L'entrée en vigueur des Règles de Hambourg, Annales 1992 de l'I.M.T.M., p. 94 et suivantes. (6) R. Parenthou, Revue de Droit Francais Commercial Maritime et Fiscal n° 7 oct/nov. 1979 "L'avarie commune et les Règles de Hambourg 1978", p. 49 (7) K. Selmer, "The survival of General average a necessity or an anachronism", p. 148.

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4 - Tous les sacrifices et toutes les dépenses seraient laissés à la charge de ceux qui les supportent et/ou les engagent. Cela reviendrait à abolir le système tout entier de répartition de l'avarie commune. Même les plus combatifs pensent que l'abolition pure et simple présenterait un grave inconvénient. On en a donné l'exemple suivant : Un navire vaut 1, la cargaison 5 (cette proportion n'est souvent pas insolite de nos jours). Il faut dépenser 2 pour sauver l'expédition entière. L'armateur (ou ses assureurs corps) ne dépensera jamais plus de 1. Or, laisser perdre 6 est impensable. Donc, on fera appel à un assistant. Mais si celui-ci est obligé de demander des garanties et d'engager une action, éventuellement, contre chacun des intérêts en jeu, on se retrouverait avec des problèmes analogues et même pires à résoudre que ceux résultant de la procédure d'avarie commune. Il faudrait donc obligatoirement recourir a un système d'assurance spéciale et supplémentaire pour couvrir ce qui relèverait de l'avarie commune. La prime de cette assurance spéciale incomberait soit à l'armateur, soit au chargeur, sous forme de surfrêt. 5 - D'où l'idée que le connaissement puisse servir aussi de police d'assurance sur facultés (insured bill of lading). Mais les grandes sociétés commerciales préfèrent traiter directement avec des assureurs qu'elles ont choisis et sont généralement opposées, voire hostiles, à l'idée d'un "connaissement assuré". La marchandise perd en pareil cas le contrôle de l'assurance et cette situation est préjudiciable à la fois aux intérêts des assureurs et des assurés. En définitive, on retiendra que la recherche de solutions nouvelles, afin de supprimer les inconvénients du système de l'avarie commune, fait toujours intervenir l'assurance. Mais de nombreuses difficultés subsistent car armateurs et chargeurs ne désirent changer le système de répartition que si le nouveau mis en place les met dans une position financière non aggravée, voire meilleure. Autrement dit, il ne faut pas augmenter les primes d'assurance, ni les taux de fret et si ces derniers l'étaient, il faudrait réduire les primes d'assurance facultés. C'est un peu la quadrature du cercle !! Et puis, il reste que le dossier de l'abolition de l'avarie commune est encore affaibli par la constatation qu'on estime qu'une proportion non négligeable des navires et des marchandises n'est pas assurée, ou ne l'est qu'à des conditions restrictives. C'est donc dans ce contexte que la révision des Règles d'York et d'Anvers est intervenue.

LE CONTENU DE LA REFORME Qu'a-t-on fait à Sydney? On retiendra pour le déterminer la méthode assez traditionnelle d'examen des Règles précédées de lettres (on utilise souvent pour la commodité l'expression "Règles lettrées" bien qu'il s'agisse d'un néologisme) qui posent les principes, puis des Règles précédées de chiffres (romains) qui résolvent des cas. Nous nous bornerons à souligner les modifications ou ajouts importants ou encore de principe, laissant volontairement de côté, pour ne pas rebuter le lecteur (8

Depuis 1950 -on le sait- les Règles lettrées et chiffrées ont été "chapeautées" par une règle dite d'interprétation, d'inspiration anglaise, à la suite de l'affaire "Makis" et de la décision rendue à Londres par la Haute Cour de Justice.

) les problèmes relevant de la pratique des dispacheurs eux-mêmes, ou de l'élaboration des règlements d'avarie commune.

(8)Voltaire, l'Enfant Prodigue, préface "Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux".

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Cette Règle donne dans son 2ème alinéa une sorte de prééminence des Règles chiffrées sur les Règles lettrées. Ceci en dépit des efforts déployés par les latins, parmi lesquels essentiellement les français, pour faire adopter une solution plus juridique et plus logique : les principes doivent avoir priorité sur les cas concrets, ceux-ci ne constituant que des compléments et des précisions (9 A Sydney on a ajouté à la Règle d'interprétation une Règle Paramount proposée par la délégation américaine avec le soutien, dans son principe notamment, de la délégation anglaise.

).

Le motif invoqué serait une décision de justice rendue à Londres dans une affaire "Alpha" (1991). En matière de contrat de transport la clause Paramount est celle qui, dans une charte-partie ou un connaissement est supérieure aux autres clauses. Lord Paramount, c'était le suzerain, celui auquel les autres étaient soumis. Autrement dit, c'est d'une façon générale la clause qui définit la loi à laquelle le contrat sera soumis (10 En l'occurrence, dans notre matière, la Règle a été rédigée comme suit :

) .

"En aucun cas un sacrifice ou une dépense ne seront admis en avarie commune s'ils n'ont pas eu un caractère raisonnable". Il est à noter qu'initialement la proposition américaine n'avait pas eu le soutien de la majorité du groupe de travail international chargé de préparer, comme c'est l'usage, un rapport pour Sydney. On avait fait observer notamment que la notion du caractère raisonnable de l'acte d'avarie commune était déjà introduite dans la Règle A. Le fait que la Règle d'interprétation fasse maintenant expressément allusion à la Règle Paramount signifie, à notre sens, qu'à l'avenir le caractère dominant des Règles chiffrées sur les Règles lettrées, sera supprimé chaque fois que la notion du caractère raisonnable de l'acte d'avarie commune sera en cause. Même si l'on peut regretter que soit venu se greffer, sur les Règles d'York et d'Anvers qui avaient leur spécificité, un élément nouveau, on ne peut que se féliciter du frein ainsi mis à certains abus éventuels, en mettant en exergue le caractère raisonnable du sacrifice ou de la dépense. La Règle A qui donne en quelque sorte la définition de l'acte d'avarie commune n'a pas été modifiée. On lui a simplement ajouté un second paragraphe constitué à l'identique par l'ancienne Règle B. Par contre, la nouvelle Règle B a été entièrement rédigée pour traiter du problème particulier des navires remorqués ou poussés, sauf lorsque l'opération de remorquage se situe elle-même dans le cadre d'une opération d'assistance. On a voulu régler ainsi des problèmes surgis essentiellement, à notre connaissance, aux USA, au CANADA et en NORVEGE. La Règle C traite du lien direct qui doit exister entre les dommages ou les dépenses admis en avarie commune et l'acte d'avarie commune lui-même. Par l'adjonction d'un second paragraphe on a mis l'accent sur l'inadmissibilité en avarie commune des dommages, pertes ou dépenses entraînés par un dommage à l'environnement ou consécutifs à des substances polluantes émanant des biens engagés dans l'aventure maritime commune. Cette question avait fait l'objet d'amples discussions au sein du groupe de travail international, notamment après la révision en 1990 de la Règle VI sur les dépenses d'assistance (11 Il est heureux que l'on soit allé cette fois vers la solution restrictive et non pas vers l'extensive. On ne peut pas à la fois désirer restreindre les cas d'avarie commune et en étendre le champ d'application à un domaine qui relève de celui des responsabilités et des assureurs d'icelles.

).

(9) R. Rodière, Traité général de Droit maritime - Événements de mer, l'avarie commune par P. Lureau, p. 307 et suivantes. (10) R. Rodière, op. cit. Tome II, Les contrats de transport de marchandises, n° 792. - E. Du Pontavice, "A propos de l'arrêt "Loammi Baldwin", DMF 1962, p. 447 et suivantes. (11) R. Parenthou, La Convention Internationale du 28 avril 1989 sur l'assistance et ses incidences sur l'avarie commune DMF 1990, p. 459 et suivantes

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La nouvelle rédaction de la Règle E est très importante sur le plan de la procédure. Le premier paragraphe n'a pas été modifié. C'est toujours à celui qui demande une admission en avarie commune de supporter selon l'expression consacrée le "fardeau de la preuve".

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Mais on a introduit deux dispositions très intéressantes : a) une obligation de délai pour présenter la demande d'admission : dans les douze mois de la fin de

l'aventure ; b) une autorisation donnée au dispacheur (à l'expert-répartiteur pour utiliser la qualification de la loi

française, de prendre en considération, passé le délai susvisé, les éléments dont il dispose pour estimer aussi bien le montant de l'éventuelle admission, que celui des valeurs contributives à retenir.

Cette estimation ne pourra de surcroît être contestée qu'en cas d'erreur manifeste. Le but recherché est bien évidemment de contribuer à abréger les délais d'établissement des règlements d'avarie commune. Il est à noter que cette nouvelle disposition que l'on a volontiers présentée comme d'origine anglaise, avait été prévue par les dispacheurs français dans le compromis d'avarie commune élaboré par leur Association dès 1975 c'est-à-dire il y a vingt ans!! (12 Pour en terminer avec l'examen des principaux changements apportés aux Règles précédées de lettres, il reste à apprécier l'inclusion dans les Règles d'YORK et d'ANVERS de ce qu'il est convenu d'appeler une clause de non-séparation.

).

Il s'agit d'un texte suivant lequel lorsqu'il y a séparation matérielle des intérêts, par la réexpédition totale ou partielle de la cargaison - dans les cas prévus par les Règles X et XI traitant des Ports ou lieux de refuge - tout se passe, par fiction, comme s'ils étaient restés liés. Cette clause est le type même de celles dont l'emploi -dans des cas exceptionnels- peut être justifié, mais qui est aussi susceptible de donner lieu à des abus (13 C'est pourquoi l'Association des Dispacheurs Français et l'Association Française du Droit Maritime, avaient nettement marqué leur hostilité à l'insertion d'une telle clause dans les Règles d'York et d'Anvers.

).

Elles estimaient qu'un texte de ce type devait demeurer dans le cadre d'un arrangement des parties et n'avait pas sa place dans des Règles permanentes. Cet accord doit se déterminer une fois l'événement connu et non a priori. On a conclu en sens inverse à Sydney et la clause de non-séparation a fait l'objet des paragraphes 3 et 4 de la nouvelle Règle G. Encore convient-il de souligner que par l'adjonction du § 4 (que les anglo-saxons désignent sous le terme de "Bigham clause") on a, de surcroît, introduit un texte peu clair et difficile à appliquer, limitant à la fois les droits de l'armateur et le pouvoir d'appréciation du dispacheur. En abordant les modifications apportées aux Règles précédées de chiffres nous éliminerons, comme déjà indiqué, celles mineures ou relevant de la technique de l'établissement des règlements d'avarie commune pour ne retenir que les principales. La Règle VI traitant de la rémunération d'assistance avait été profondément modifiée en 1990 pour répondre aux impératifs de la Convention Internationale de 1989 sur la prévention ou la limitation des dommages à l'environnement. Elle n'a pas de nouveau été remaniée. On se rappellera cependant la modification apportée au paragraphe 2 de la Règle C qui met l'accent sur l'inadmissibilité des dommages, pertes ou dépenses entraînés par un dommage à l'environnement ou consécutifs à des substances polluantes provenant des biens de l'aventure, en soulignant que dans un cas (Règle VI) il s'agit de la prévention des dommages à l'environnement, dans l'autre (Règle C) des dommages eux-mêmes. On retrouvera cette même distinction par le biais de la nouvelle Règle XI, § d, prévoyant que le coût des mesures prises pour prévenir ou limiter un dommage à l'environnement sera admissible en avarie commune dans quatre cas de figure seulement : a) Une opération faite pour le salut commun et qui, entreprise par un étranger à l'aventure maritime

commune lui aurait donné droit à une indemnité d'assistance. (12) A. Pierron, Le compromis d'avarie commune, DMF 1976 p. 579 (13) R. Parenthou, Des excès de la clause de non séparation, DMF 1975, p.707, voir aussi P. Lureau, DMF 1963, p. 515 et A. Pierron, DMF 1970, P. 195.

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b) Une condition expresse posée par les autorités pour permettre au navire d'entrer dans un port de relâche ou d'en sortir.

c) Une condition expresse posée par les autorités pour permettre au navire d'y séjourner. d) Enfin, lorsqu'il existe un lien nécessaire avec le chargement, l'emmagasinage ou le rechargement

de la cargaison dès lors que le coût de ces opérations est lui-même admissible en avarie commune. Il s'agit, comme l'a écrit le Président du Groupe de travail international, d'éviter des problèmes à des navires en danger, mais considérés comme des "lépreux" (14 A l'exception de ce § d de la Règle XI, rien n'a été changé, après un long débat, aux Règles X et XI sauf aussi à remettre de l'ordre dans les divers paragraphes de XI.

).

Pour ce qui a trait aux valeurs contributives (Règle XVII) le texte a été amendé pour tenir compte de l'incidence de la Règle VI 1990 et aussi pour exempter de façon formelle de toute contribution : - le courrier postal, - les bagages des passagers, - les effets personnels et les voitures privées et accompagnées. Des modifications mineures ont été apportées aux Règles XX (commission d'avance de fonds) et XXI (intérêts). Toutefois pour l'application de cette dernière on a limité le calcul des intérêts à trois mois maximum, à compter de la date de dépôt du règlement d'avarie commune. Nous dirons pour conclure qu'après des menaces de séisme on a seulement atteint -on l'aura compris- des secousses de première magnitude sur "l'échelle de Richter de l'avarie commune". En fait, on ne peut pas être un démolisseur avant d'avoir été, au préalable, un bâtisseur! La réforme a le mérite d'exister et on peut penser - raisonnablement compte tenu de l'expérience - que, sauf imprévu, les nouvelles Règles demeureront en l'état jusqu'en l'an 2015 ou 2020 ! L'introduction d'une fin de non recevoir (Règle E) l'exclusion formelle des dommages à l'environnement (Règle C) par exemple, constituent des améliorations très intéressantes. La création de la clause Paramount aussi, sous réserve de l'application qui en sera faite dans la pratique. En revanche, nous mettrons au débit de la révision l'adoption, dans les Règles, de la clause de non-séparation. En définitive, le bilan est positif et on a eu la sagesse de rejeter des propositions plus ou moins extravagantes comme celle tendant à prévoir que les règlements d'avarie commune devraient - par une Règle - être établis en droits de tirage spéciaux (D.T.S.) alors que l'on sait qu'il s'agit d'une unité de compte et non pas d'une monnaie. On pourra regretter que le CMI qui, en 1974, avait publié le texte des Règles nouvelles, en anglais et en français simultanément, n'ait cette fois diffusé qu'un texte en langue anglaise. Le commentateur de l'Association Française du Droit Maritime a également déploré que les débats, à Sydney, aient, de façon exagérément exclusive, eu lieu en anglais alors que la langue française est aussi, à notre connaissance, la langue officielle du Comité Maritime International (15 Ainsi qu'il l'a fort justement souligné : "la langue est le véhicule indispensable de la pensée", et la pensée juridique française ne doit pas être absente, sous peine d'appauvrissement général.

).

Mais peut-être a-t-on oublié cette phrase de Noël Coward : "Ce qu'on ne peut vraiment pas pardonner aux Français, c'est que parfois, parmi eux, il y a des gens très bien !".

(14) David Taylor, CMI News Letter, n° 3 1994, page 9. (15) P. Rembauville Nicolle, CMI News Letter, n° 4 1994, p. 8.

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YORK-ANTWERP RULES 1994 RULE OF INTERPRETATION In the adjustment of general average the following Rules shall apply to the exclusion of any Law and Practice inconsistent therewith. Except as provided by the Rule Paramount and the numbered Rules, general average shall be adjusted according to the lettered Rules. RULE PARAMOUNT In no case shall there be any allowance for sacrifice or expenditure unless reasonably made or incurred. RULE A There is a general average act when, and only when, any extraordinary sacrifice or expenditure is intentionally and reasonably made or incurred for the common safety for the purpose of preserving from peril the property involved in a common maritime adventure. General average sacrifices and expenditures shall be borne by the different contributing interests on the basis hereinafter provided. RULE B There is a common maritime adventure when one or more vessels are towing or pushing another vessel or vessels, provided that they are all involved in commercial activities and not in a salvage operation. When measures are taken to preserve the vessels and their cargoes, if any, from a common peril, these Rules shall apply. A vessel is not in common peril with another vessel or vessels if by simply disconnecting from the other vessel or vessels she is in safety; but if the disconnection is itself a general average act the common maritime adventure continues. RULE C Only such losses, damages or expenses which are the direct consequence of the general average act shall be allowed as general average. In no case shall there be any allowance in general average for losses, damages or expenses incurred in respect of damage to the environment or in consequence of the escape or release of pollutant substances from the property involved in the common maritime adventure. Demurrage, loss of market, and any loss or damage sustained or expense incurred by reason of delay, whether on the voyage or subsequently, and any indirect loss whatsoever, shall not be admitted as general average. RULE D Rights to contribution in general average shall not be affected, though the event which gave rise to the sacrifice or expenditure may have been due to the fault of one of the parties to the adventure ; but this shall not prejudice any remedies or defences which may be open against or to that party in respect of such fault.

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RULE E The onus of proof is upon the party claiming in general average to show that the loss or expense claimed is properly allowable as general average. All parties claiming in general average shall give notice in writing to the average adjuster of the loss or expense in respect of which they claim contribution within 12 months of the date of the termination of the common maritime adventure. Failing such notification, or if within 12 months of a request for the same any of the parties shall fail to supply evidence in support of a notified claim, or particulars of value in respect of a contributory interest, the average adjuster shall be at liberty to estimate the extent of the allowance or the contributory value on the basis of the information available to him, which estimate may be challenged only on the ground that it is manifestly incorrect. RULE F Any additional expense incurred in place of another expense which would have been allowable as general average shall be deemed to be general average and so allowed without regard to the saving, if any, to other interests, but only up to the amount of the general average expense avoided. RULE G General average shall be adjusted as regards both loss and contribution upon the basis of values at the time and place when and where the adventure ends. This rule shall not affect the determination of the place at which the average statement is to be made up. When a ship is at any port or place in circumstances which would give rise to an allowance in general average under the provisions of Rules X and Xl, and the cargo or part thereof is forwarded to destinalion by other means, rights and liabilities in general average shall, subject to cargo interests being notified if practicable, remain as nearly as possible the same as they would have been in the absence of such forwarding, as it the adventure had continued in the original ship for so long as justifiable under the contract of affreightment and the applicable law. The proportion attaching to cargo of the allowances made in general average by reason of applying the third paragraph of this Rule shall not exceed the cost which would have been borne by the owners of cargo if the cargo had been forwarded at their expense. RULE I - JETTISON OF CARGO No jettison of cargo shall be made good as general avelage, unless such cargo is carried in accordance with the recognised custom of the trade. RULE II - LOSS OR DAMAGE BY SACRIFICES FOR THE COMMON SAFETY Loss of or damage to the property involved in the common maritime adventure by or in consequence of a sacrifice made for the common safety, and by water which goes down a ship's hatches opened or other opening made for the purpose of making a jettison for the common safety, shall be made good as general average. RULE III - EXTINGUISHING FIRE ON SHIPBOARD Damage done to a ship and cargo, or either of them, by water or otherwise, including damage by beaching or scuttling a burning ship, in extinguishing a fire on board the ship, shall be made good as general average ; except that no compensation shall be made for damage by smoke however caused or by heat of the fire. RULE IV - CUTTING AWAY WRECK Loss or damage sustained by cutting away wreck or parts of the ship which have previously been carried away or are effectively lost by accident shall not be made good as general average.

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RULE V - VOLUNTARY STRANDING When a ship is intentionally run on shore for the common safety, whether or not she might have been driven on shore, the consequent loss or damage to the property involved in the common maritime adventure shall be allowed in general average. RULE VI - SALVAGE REMUNERATION (a) Expenditure incurred by the parties to the adventure in the nature of salvage, whether under contract or otherwise, shall be allowed in general average provided that the salvage operations were carried out for the purpose of preserving from peril the property involved in the common maritime adventure. Expenditure allowed in general average shall include any salvage remuneration in which the skill and efforts of the salvors in preventing or minimising damage to the environment such as is referred to in Article 13 paragraph 1(b) of the International Convention on Salvage, 1989 have been taken into account. (b) Special compensation payable to a salvor by the shipowner under Article 14 of the said Convention to the extent specified in paragraph 4 of that Article or under any other provision similar in substance shall not be allowed in general average. RULE VII - DAMAGE TO MACHINERY AND BOILERS Damage caused to any machinery and boilers of a ship which is ashore and in a position of peril, in endeavouring to refloat, shall be allowed in general average when shown to have arisen from an actual intention to float the ship for the common safety at the risk of such damage ; but where a ship is afloat no loss or damage caused by working the propelling machinery and boilers shall in any circumstances be made good as general average. RULE VIII - EXPENSES LIGHTENING A SHIP WHEN ASHORE, AND CONSEQUENT DAMAGE When a ship is ashore and cargo and ship's fuel and stores or any of them are discharged as a general average act, the extra cost of lightening, lighter hire and reshipping (if incurred), and any loss or damage to the property involved in the common maritime adventure in consequence thereof, shall be admitted as general average. RULE IX - CARGO, SHIP'S MATERIALS AND STORES USED FOR FUEL Cargo, ship's materials and stores, or any of them, necessarily used for fuel for the common safety at a time of peril shall be admitted as general average, but when such an allowance is made for the cost of ship's materials and stores the general average shall be credited with the estimated cost of the fuel which would otherwise have been consumed in prosecuting the intended voyage. RULE X - EXPENSES AT PORT OF REFUGE, etc. (a) When a ship shall have entered a port or place of refuge or shall have returned to her port or place of loading in consequence of accident, sacrifice or other extraordinary circumstances which render that necessary for the common safety, the expenses of entering such port or place shall be admitted as general average ; and when she shall have sailed thence with her original cargo, or a part of it, the corresponding expenses of leaving such port or place consequent upon such entry or return shall likewise be admitted as general average. When a ship is at any port or place of refuge and is necessarily removed to another port or place because repairs cannot be carried out in the first port or place, the provisions of this Rule shall be applied to the second port or place as if it were a port or place of refuge and the cost of such removal including temporary repairs and towage shall be admitted as general average. The provisions of Rule Xl shall be applied to the prolongation ot the voyage occasioned by such removal. (b) The cost of handling on board or discharging cargo, fuel or stores whether at a port or place of loading, call or refuge, shall be admitted as general average, when the handling or discharge was

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necessary for the common safety or to enable damage to the ship caused by sacrifice or accident to be repaired, if the repairs were necessary for the safe prosecution of the voyage, except in cases where the damage to the ship is discovered at a port or place of loading or call without any accident or other extraordinary circumstances connected with such damage having taken place during the voyage. The cost of handling on board or discharging cargo, fuel or stores shall not be admissible as general average when incurred solely for the purpose of restowage due to shifting during the voyage, unless such restowage is necessary for the common safety. (c) Whenever the cost of handling or discharging cargo, fuel or stores is admissible as general average, the costs of storage, including insurance if reasonably incurred, reloading and stowing of such cargo, fuel or stores shall likewise be admitted as general average. The provisions of Rule Xl shall be applied to the extra period of detention occasioned by such reloading or restowing. But when the ship is condemned or does not proceed on her original voyage, storage expenses shall be admitted as general average only up to the date of the ship's condemnation or of the abandonment of the voyage or up to the date of completion of discharge of cargo if the condemnation or abandonment takes place before that date. RULE XI - WAGES AND MAINTENANCE OF CREW AND OTHER EXPENSES BEARING UP FOR AND IN A PORT OF REFUGE, etc. (a) Wages and maintenance of master, officers and crew reasonably incurred and fuel and stores consumed during the prolongation of the voyage occasioned by a ship entering a port or place of refuge or returning to her port or place of loading shall be admitted as general average when the expenses of entering such port or place are allowable in general average in accordance with Rule X(a). (b) When a ship shall have entered or been detained in any port or place in consequence of accident, sacrifice or other extraordinary circumstances which render that necessary for the common safety, or to enable damage to the ship caused by sacrifice or accident to be repaired, if the repairs were necessary for the safe prosecution of the voyage, the wages and maintenance of the master, officers and crew reasonably incurred during the extra period of detention in such port or place until the ship shall or should have been made ready to proceed upon her voyage, shall be admitted in general average. Fuel and stores consumed during the extra period of detention shall be admitted as general average, except such fuel and stores as are consumed in effecting repairs not allowable in general average. Port charges incurred during the extra period of detention shall likewise be admitted as general average except such charges as are incurred solely by reason of repairs not allowable in general average . Provided that when damage to the ship is discovered at a port or place of loading or call without any accident or other extraordinary circumstance connected with such damage having taken place during the voyage, then the wages and maintenance of master, officers and crew and fuel and stores consumed and port charges incurred during the extra detention for repairs to damage so discovered shall not be admissible as general average, even if the repairs are necessary for the safe prosecution of the voyage. When the ship is condemned or does not proceed on her original voyage, the wages and maintenance of the master, officers and crew and fuel and stores consumed and port charges be admitted as general average only up to the date of the ship's condemnation or of the abandonment of the voyage or up to the date of completion of discharge of cargo if the condemnation or abandonment takes place before that date. (c) For the purpose of this and the other Rules wages shall include all payments made to or for the benefit of the master, officers and crew, whether such payments be imposed by law upon the shipowners or be made under the terms of articles of employment. (d) The cost of measures undertaken to prevent or minimise damage to the environment shall be allowed in general average when incurred in any or all of the following circumstances :

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(i) as part of an operation performed for the common safety which, had it been undertaken by a party outside the common maritime adventure, would have entitled such party to a salvage reward ; (ii) as a condition of entry into or departure from any port or place in the circumstances prescribed in Rule X(a) ; (iii) as a condition of remaining at any port or place in the circumstances prescribed in Rule X(b), provided that when there is an actual escape or release of pollutant substances the cost of any additional measures required on that account to prevent or minimise pollution or environmental damage shall not be allowed as general average ; (iv) necessarily in connection with the discharging, storing or reloading of cargo whenever the cost of those operations is admissible as general average.

RULE XII - DAMAGE TO CARGO IN DISCHARGING, etc. Damage to or loss of cargo, fuel or stores sustained in consequence of their handling, discharging, storing, reloading and stowing shall be made good as general average, when and only when the cost of those measures respectively is admitted as general average. RULE XIII - DEDUCTION FROM COST OF REPAIRS Repairs to be allowed in general average shall not be subject to deductions in respect of "new for old" where old material or parts are replaced by new unless the ship is over fifteen years old in which case there shall be a deduction of one third. The deductions shall be regulated by the age of the ship from the 31st December of the year of completion of construction to the date of the general average act, except for insulation, life and similar boats, communications and navigational apparatus and equipment, machinery and boilers for which the deductions shall be regulated by the age of the particular parts to which they apply. The deductions shall be made only from the cost of the new material or parts when finished and ready to be installed in the ship. No deduction shall be made in respect of provisions, stores, anchors and chain cables. Drydock and slipway dues and costs of shifting the ship shall be allowed in full. The costs of cleaning, painting or coating of bottom shall not be allowed in general average unless the bottom has been painted or coated within the twelve months preceding the date of the general average act in which case one half of such costs shall be allowed. RULE XIV - TEMPORARY REPAIRS When temporary repairs are effected to a ship at a port of loading, call or refuge, for the common safety, or of damage caused by general average sacrifice, the cost of such repairs shall be admitted as general average. When temporary repairs of accidental damage are effected in order to enable the adventure to be completed, the cost of such repairs shall be admitted as general average without regard to the saving, if any, to other interests, but only up to the saving in expense which would have been incurred and allowed in general average if such repairs had not been effected there. No deductions "new for old" shall be made from the cost of temporary repairs allowable as general average. RULE XV - LOSS OF FREIGHT Loss of freight arising from damage to or loss of cargo shall be made good as general average, either when caused by a general average act, or when the damage to or loss of cargo is so made good. Deduction shall be made from the amount of gross freight lost, of the charges which the owner thereof would have incurred to earn such freight, but has, in consequence of the sacrifice, not incurred. RULE XVI - AMOUNT TO BE MADE GOOD FOR CARGO LOST OR DAMAGED BY SACRIFICE

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The amount to be made good as general average for damage to or loss of cargo sacrificed shall be the loss which has been sustained thereby based on the value at the time of discharge, ascertained from the commercial invoice rendered to the receiver or if there is no such invoice from the shipped value. The value at the time of discharge shall include the cost of insurance and freight except insofar as such freight is at the risk of interests other than the cargo. When cargo so damaged is sold and the amount of the damage has not been otherwise agreed, the loss to be made good in general average shall be the difference between the net proceeds of sale and the net sound value as computed in the first paragraph of this Rule. RULE XVII - CONTRIBUTORY VALUES The contribution to a general average shall be made upon the actual net values of the property at the termination of the adventure except that the value of cargo shall be the value at the time of discharge, ascertained from the commercial invoice rendered to the receiver or if there is no such invoice from the shipped value. The value of the cargo shall include the cost of insurance and freight unless and insofar as such freight is at the risk of interests other than the cargo, deducting therefrom any loss or damage suffered by the cargo prior to or at the time of discharge. The value of the ship shall assessed without taking into account the beneficial or detrimental effect of any demise or time charterparty to which the ship may be committed. To these values shall be added the amount made good as general average for property sacrificed, if not already included, deduction being made from the freight and passage money at risk of such charges and crew's wages as would not have been incurred in earning the freight had the ship and cargo been totally lost at the date of the general average act and have not been allowed as general average ; deduction being also made from the value of the property of all extra charges incurred in respect thereof subsequently to the general average act, except such charges as are allowed in general average or fall upon the ship by virtue of an award for special compensation under Article 14 of the International Convention on Salvage, 1989 or under any other provision similar in substance. In the circumstances envisaged in the third paragraph of Rule G, the cargo and other property shall contribute on the basis of its value upon delivery at original destination unless sold or otherwise disposed of short of that destination, and the ship shall contribute upon its actual net value at the time of completion of discharge of cargo. Where cargo is sold short of destination, however, it shall contribute upon the actual net proceeds of sale, with the addition of any amount made good as general average. Mail, passengers' luggage, personal effects and accompanied private motor vehicles shall not contribute in general average. RULE XVIII - DAMAGE TO SHIP The amount to be allowed as general average for damage or loss to the ship, her machinery and/or gear caused by a general average act shall be as follows :

(a) When repaired or replaced, The actual reasonable cost of repairing or replacing such damage or loss, subject to deductions in accordance with Rule XIII ; (b) When not repaired or replaced, The reasonable depreciation arising from such damage or loss, but not exceeding the estimated cost of repairs. But where the ship is an actual total loss or when the cost of repairs of the damage would exceed the value of the ship when repaired, the amount to be allowed as general average shall be the difference between the estimated sound value of the ship after deducting therefrom the estimated cost of repairing damage which is not general average and the value of the ship in her damaged state which may be measured by the net proceeds of sale, if any.

RULE XIX - UNDECLARED OR WRONGFULLY DECLARED CARGO

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Damage or loss caused to goods loaded without the knowledge of the shipowner or his agent or to goods wilfully misdescribed at time of shipment shall not be allowed as general average, but such goods shall remain liable to contribute, if saved. Damage or loss caused to goods which have been wrongfully declared on shipment at a value which is lower than their real value shall be contributed for at the declared value, but such goods shall contribute upon their actual value. RULE XX - PROVISION OF FUNDS A commission of 2 per cent on general average disbursements, other than the wages and maintenance of master, officers and crew and fuel and stores not replaced during the voyage, shall be allowed in general average. The capital loss sustained by the owners of goods sold for the purpose of raising funds to defray general average disbursements shall be allowed in general average. The cost of insuring general average disbursements shall also be admitted in general average. RULE XXI - INTEREST ON LOSSES MADE GOOD IN GENERAL AVERAGE Interest shall be allowed on expenditure, sacrifices and allowances in general average at the rate of 7 per cent per annum, until three months after the date of issue of the general average adjustment, due allowance being made for any payment on account by the contributory interests or from the general average deposit fund. RULE XXII - TREATMENT OF CASH DEPOSITS Where cash deposits have been collected in respect of cargo's liability for general average, salvage or special charges, such deposits shall be paid without any delay into a special account in the joint names of a representative nominated on behalf of the shipwoner and a representative nominated on behalf of the depositors in a bank to be approved by both. The sum so deposited, together with accrued interest if any, shall be held as security for payment to the parties entitled thereto of the general average, salvage or special charges payable by cargo in respect to which the deposits have been collected. Payments on account or refunds of deposits may be made if certified to in writing by the average adjuster. Such deposits and payments or refunds shall be without prejudice to the ultimate liability of the parties.

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RÈGLES D'YORK ET D'ANVERS 1994

Traduction établie par l'Association des Dispacheurs Français RÈGLE D'INTERPRÉTATION Dans le Règlement d'Avaries Communes, les Règles suivantes doivent s'appliquer à l'exclusion de toute loi et pratique incompatibles avec elles. A l'exception de ce qui est prévu par la Règle Dominante (Paramount) et les Règles numérotées, l'avarie commune doit être réglée conformément aux Règles précédées de lettres. RÈGLE DOMINANTE (PARAMOUNT) En aucun cas un sacrifice ou une dépense ne seront admis en Avarie Commune s'ils n'ont pas eu un caractère raisonnable. RÈGLE A Il y a acte d'avarie commune quand, et seulement quand, intentionnellement et raisonnablement, un sacrifice extraordinaire est fait ou une dépense extraordinaire encourue pour le salut commun, dans le but de préserver d'un péril les propriétés engagées dans une aventure maritime commune. Les sacrifices et dépenses d'avarie commune seront supportés, sur les bases déterminées ci-après, par les divers intérêts appelés à contribuer. RÈGLE B Il y a aventure maritime commune lorsqu'un ou plusieurs navires remorquent ou poussent un ou plusieurs autres navires, pourvu que tous soient alors engagés dans des activités commerciales et non dans une opération d'assistance. Lorsque des mesures sont prises pour préserver ces navires et, s'il y a lieu, leurs cargaisons d'un péril commun, les présentes Règles seront applicables. Un navire n'est pas en situation de péril commun avec un ou plusieurs autres navires s'il lui suffit de s'en libérer pour se trouver en sécurité ; mais si le fait de s'en libérer constitue lui-même un acte d'avarie commune, l'aventure commune se poursuit. RÈGLE C Seuls les dommages, pertes ou dépenses qui sont la conséquence directe de l'acte d'avarie commune, seront admis en avarie commune. En aucun cas ne seront admis en avarie commune des dommages, pertes ou dépenses encourus au titre de dommages à l'environnement, ou consécutifs à des fuites ou rejets de substances polluantes émanant d'une propriété engagée dans l'aventure maritime commune. Ni le chômage, ni la différence de cours, ni les dommages, pertes ou dépenses dus à un retard survenu en cours du voyage ou postérieurement, non plus qu'aucune perte indirecte quelconque, ne seront admis en avarie commune. RÈGLE D Lorsque l'événement qui a donné lieu au sacrifice ou à la dépense aura été la conséquence d'une faute commise par l'une des parties engagées dans l'aventure, il n'y aura pas moins lieu à contribution, mais sans préjudice des recours ou des défenses pouvant concerner cette partie à raison d'une telle faute.

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RÈGLE E La preuve qu'une perte ou une dépense doit effectivement être admise en avarie commune incombe à celui qui réclame cette admission. Toute demande d'admission en avarie commune sera notifiée par écrit au dispacheur dans les douze mois de la fin de l'aventure maritime commune. Faute d'une telle notification, ou faute encore pour un intéressé, dans les douze mois de la demande qui lui en aura été faite, de fournir les justificatifs de sa réclamation ou des précisions sur la valeur de son intérêt contributif, le dispacheur sera fondé à estimer le montant de l'admission ou de la valeur contributive à partir des informations dont il dispose, cette estimation ne pouvant être contestée qu'en cas d'erreur manifeste. RÈGLE F Toute dépense supplémentaire encourue en substitution d'une autre dépense qui aurait été admissible en avarie commune sera réputée elle-même avarie commune et admise à ce titre, sans égard à l'économie éventuellement réalisée par d'autres intérêts, mais seulement jusqu'à concurrence du montant de la dépense d'avarie commune ainsi évitée. RÈGLE G Le règlement des avaries communes doit être établi, tant pour l'estimation des pertes que pour la contribution, sur la base des valeurs au moment et au lieu où se termine l'aventure. Cette règle est sans influence sur la détermination du lieu où le règlement doit être établi. Quand un navire se trouve dans un port ou lieu quelconque dans des circonstances susceptibles d'entraîner une admission en avarie commune selon les Règles X et XI, et que la cargaison, en totalité ou en partie, est réexpédiée à destination par d'autres moyens, les droits et obligations au regard de l'avarie commune -sous réserve que les intérêts cargaison en soient s'il se peut avisés- demeureront aussi proches que possible de ce qu'ils eussent été si la réexpédition n'avait pas eu lieu et que le voyage se soit poursuivi sur le navire primitif, pour autant que cela soit légitime d'après le contrat d'affrètement et la loi applicable. La part des admissions en avarie commune relative à la cargaison, résultant de l'application du 3è paragraphe de la présente Règle, ne devra pas excéder le coût qu'auraient supporté les propriétaires de la cargaison si celle-ci avait été réexpédiée à leurs frais. RÈGLE I - JET DE CARGAISON Aucun jet de cargaison ne sera admis en avarie commune à moins que cette cargaison n'ait été transportée conformément aux usages reconnus du commerce. RÈGLE II - PERTE OU DOMMAGE CAUSÉ PAR SACRIFICES POUR LE SALUT COMMUN Sera admis en avarie commune la perte ou le dommage causés aux propriétés engagées dans l'aventure maritime commune par un sacrifice ou en conséquence d'un sacrifice fait pour le salut commun, et par l'eau qui pénètre dans la cale par les écoutilles ouvertes ou par toute autre ouverture pratiquée en vue d'opérer un jet pour le salut commun. RÈGLE III - EXTINCTION D'INCENDIE A BORD Sera admis en avarie commune le dommage causé au navire et à la cargaison, ou à l'un d'eux, par l'eau ou autrement, y compris le dommage causé en submergeant ou en sabordant un navire en feu, en vue d'éteindre un incendie à bord ; toutefois, aucune bonification ne sera faite pour dommage causé par la fumée quelle qu'en soit la cause, ou par la chaleur de l'incendie. RÈGLE IV - COUPEMENT DE DÉBRIS La perte ou le dommage éprouvé en coupant des débris ou des parties du navire qui ont été enlevés ou sont effectivement perdus par accident, ne sera pas bonifié en avarie commune.

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RÈGLE V - ÉCHOUEMENT VOLONTAIRE Quand un navire est intentionnellement mis à la côte pour le salut commun, qu'il dût ou non y être drossé, les pertes et dommages en résultant pour les propriétés engagées dans l'aventure maritime commune seront admis en avarie commune. RÈGLE VI - RÉMUNÉRATION D'ASSISTANCE (a) Les dépenses encourues par les parties engagées dans l'aventure et ayant le caractère d'assistance, soit en vertu d'un contrat soit autrement, seront admises en avarie commune, pourvu que les opérations d'assistance aient été effectuées dans le but de préserver du péril les propriétés engagées dans l'avarie maritime commune. Les dépenses admises en avarie commune comprendront toute rémunération d'assistance dans la fixation de laquelle l'habilité et les efforts des assistants pour prévenir ou limiter les dommages à l'environnement, tels qu'ils sont énoncés à l'article 13 1 (b) de la Convention Internationale de 1989 sur l'assistance, ont été pris en compte. (b) L'indemnité spéciale payable à l'assistant par l'armateur sous l'empire de l'article 14 de ladite Convention, dans les conditions indiquées par le paragraphe 4 de cet Article, ou de toute autre disposition de portée semblable ne sera pas admise en avarie commune. RÈGLE VII - DOMMAGE AUX MACHINES ET AUX CHAUDIÈRES Le dommage causé à toute machine et chaudière d'un navire échoué dans une position périlleuse par les efforts faits pour le renflouer, sera admis en avarie commune, lorsqu'il sera établi qu'il procède de l'intention réelle de renflouer le navire pour le salut commun au risque d'un tel dommage ; mais lorsqu'un navire est à flot, aucune perte ou avarie causée par le fonctionnement de l'appareil de propulsion et des chaudières, ne sera en aucune circonstance admise en avarie commune. RÈGLE VIII - DÉPENSES POUR ALLÉGER UN NAVIRE ÉCHOUÉ ET DOMMAGE RÉSULTANT DE CETTE MESURE Lorsqu'un navire est échoué et que la cargaison, ainsi que le combustible et les approvisionnements du navire, ou l'un d'eux, sont déchargés dans des circonstances telles que cette mesure constitue un acte d'avarie commune, les dépenses supplémentaires d'allégement, de location des allèges, et, le cas échéant, celles de rechargement ainsi que la perte ou le dommage en résultant pour les propriétés engagées dans l'aventure maritime commune, seront admis en avarie commune. RÈGLE IX - CARGAISON. OBJETS DU NAVIRE ET APPROVISIONNEMENTS UTILISÉS COMME COMBUSTIBLES La cargaison, les objets et approvisionnements du navire ou l'un d'eux, qu'il aura été nécessaire d'utiliser comme combustible pour le salut commun en cas de péril, seront admis en avarie commune, sauf à créditer l'avarie commune du coût estimatif du combustible qui autrement eut été consommé pour la poursuite du voyage. RÈGLE X - DÉPENSES AU PORT DE REFUGE. etc... (a) Quand un navire sera entré dans un port ou lieu de refuge ou qu'il sera retourné à son port ou lieu de chargement par suite d'accident, de sacrifice ou d'autres circonstances extraordinaires qui auront rendu cette mesure nécessaire pour le salut commun, les dépenses encourues pour entrer dans ce port ou lieu seront admises en avarie commune ; et, quand il en sera reparti avec tout ou partie de sa cargaison primitive, les dépenses correspondantes pour quitter ce port ou lieu qui auront été la conséquence de cette entrée ou de ce retour seront de même admises en avarie commune. Quand un navire est dans un port ou lieu de refuge quelconque et qu'il est nécessairement déplacé vers un autre port ou lieu parce que les réparations ne peuvent être effectuées au premier port ou lieu, les dispositions de cette Règle s'appliqueront au deuxième port ou lieu, comme s'il était un port

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ou lieu de refuge, et le coût du déplacement, y compris les réparations provisoires et le remorquage, sera admis en avarie commune. Les dispositions de la Règle XI s'appliqueront à la prolongation du voyage occasionnée par ce déplacement. (b) Les frais pour manutentionner à bord ou pour décharger la cargaison, le combustible ou les approvisionnements, soit à un port, soit à un lieu de chargement, d'escale ou de refuge, seront admis en avarie commune si la manutention ou le déchargement était nécessaire pour le salut commun ou pour permettre de réparer les avaries au navire causées par sacrifice ou par accident si ces réparations étaient nécessaires pour permettre de continuer le voyage en sécurité, excepté si les avaries au navire sont découvertes dans un port ou lieu de chargement ou d'escale sans qu'aucun accident ou autre circonstance extraordinaire en rapport avec ces avaries ne se soit produit au cours du voyage. Les frais pour manutentionner à bord ou pour décharger la cargaison, le combustible ou les approvisionnements ne seront pas admis en avarie commune s'ils ont été encourus à seule fin de remédier à un désarrimage survenu au cours du voyage, à moins qu'une telle mesure soit nécessaire pour le salut commun. (c) Toutes les fois que les frais de manutention ou de déchargement de la cargaison, du combustible ou des approvisionnements seront admissibles en avarie commune, les frais de leur magasinage, y compris l'assurance si elle a été raisonnablement conclue, de leur rechargement et de leur arrimage seront également admis en avarie commune. Les dispositions de la Règle XI s'appliqueront à la période supplémentaire d'immobilisation entraînée par ce rechargement ou ce réarrimage. Mais si le navire est condamné ou ne continue pas son voyage primitif, les frais de magasinage ne seront admis en avarie commune que jusqu'à la date de condamnation du navire ou de l'abandon du voyage ou bien jusqu'à la date de l'achèvement du déchargement de la cargaison en cas de condamnation du navire ou d'abandon du voyage avant cette date. RÈGLE XI - SALAIRES ET ENTRETIEN DE L'ÉQUIPAGE ET AUTRES DÉPENSES POUR SE RENDRE AU PORT DE REFUGE, ET DANS CE PORT, etc. (a) Les salaires et frais d'entretien du capitaine, des officiers et de l'équipage raisonnablement encourus ainsi que le combustible et les approvisionnements consommés durant la prolongation de voyage occasionnée par l'entrée du navire dans un port de refuge, ou par son retour au port ou lieu de chargement, doivent être admis en avarie commune quand les dépenses pour entrer en ce port ou lieu sont admissibles en avarie commune par application de la Règle X, a). (b) Quand un navire sera entré ou aura été retenu dans un port ou lieu par suite d'un accident, sacrifice ou autres circonstances extraordinaires qui ont rendu cela nécessaire pour le salut commun, ou pour permettre la réparation des avaries causées au navire par sacrifice ou accident quand la réparation est nécessaire à la poursuite du voyage en sécurité, les salaires et frais d'entretien des capitaine, officiers et équipage raisonnablement encourus pendant la période supplémentaire d'immobilisation en ce port ou lieu jusqu'à ce que le navire soit ou aurait dû être mis en état de poursuivre son voyage, seront admis en avarie commune. Le combustible et les approvisionnements consommés pendant la période supplémentaire d'immobilisation seront admis en avarie commune à l'exception du combustible et des approvisionnements consommés en effectuant des réparations non admissibles en avarie commune. Les frais de port encourus durant cette période supplémentaire d'immobilisation seront de même admis en avarie commune, à l'exception des frais qui ne sont encourus qu'à raison de réparations non admissibles en avarie commune. Cependant si des avaries au navire sont découvertes dans un port ou lieu de chargement ou d'escale sans qu'aucun accident ou autre circonstance extraordinaire en rapport avec ces avaries se soit produit au cours du voyage, alors les salaires et frais d'entretien des Capitaine, Officiers et équipage, ni le combustible et les approvisionnements consommés non plus que les frais de port encourus pendant l'immobilisation supplémentaire pour les besoins de la réparation des avaries ainsi

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découvertes ne seront admis en avarie commune même si la réparation est nécessaire à la poursuite du voyage en sécurité. Quand le navire est condamné ou ne poursuit pas son voyage primitif, les salaires et frais d'entretien des Capitaine, Officiers et équipage et les approvisionnements consommés ainsi que les frais de port ne seront admis en avarie commune que jusqu'à la date de la condamnation du navire ou de l'abandon du voyage ou jusqu'à la date d'achèvement du déchargement de la cargaison en cas de condamnation du navire ou d'abandon du voyage avant cette date. (c) Pour l'application de la présente Règle ainsi que des autres Règles, les salaires comprennent les paiements faits aux capitaine, officiers et équipage ou à leur profit, que ces paiements soient imposés aux armateurs par la loi ou qu'ils résultent des conditions et clauses des contrats de travail. (d) Le coût des mesures prises pour prévenir ou limiter un dommage à l'environnement sera admis en avarie commune lorsqu'il aura été encouru dans l'une quelconque des situations suivantes :

[i] dans le cadre d'une opération accomplie pour le salut commun et qui, entreprise par un tiers à l'aventure maritime commune, lui aurait donné droit à une indemnité d'assistance. [ii] Comme condition pour entrer dans un port ou lieu ou en sortir dans les circonstances prévues à la Règle X a). [iii] Comme condition pour séjourner dans un port ou lieu dans les circonstances prévues à la Règle X b), sauf à ne pas admettre en avarie commune, en cas de fuites ou de rejets effectifs de substances polluantes, le coût des mesures supplémentaires exigées pour prévenir ou limiter la pollution ou le dommage à l'environnement. [iv] Comme nécessairement liées au déchargement, à l'emmagasinage ou au rechargement de la cargaison, chaque fois que le coût de ces opérations est admissible en avarie commune.

RÈGLE XII - DOMMAGE CAUSÉ A LA CARGAISON EN LA DÉCHARGEANT, etc. Le dommage ou la perte résultant pour la cargaison, le combustible ou les approvisionnements de leurs manutentions, déchargement, emmagasinage rechargement et arrimage, seront admis en avarie commune lorsque le coût respectif de ces opérations sera admis en avarie commune, et dans ce cas seulement. RÈGLE XIII - DÉDUCTION DU COÛT DES RÉPARATIONS Les réparations à admettre en avarie commune ne seront pas sujettes à des déductions pour différence du "neuf au vieux" quand du vieux matériel sera, en totalité ou en partie, remplacé par du neuf, à moins que le navire ait plus de quinze ans ; en pareil cas la déduction sera de un tiers. Les déductions seront fixées d'après l'âge du navire depuis le 31 Décembre de l'année d'achèvement de la construction jusqu'à la date de l'acte d'avarie commune, excepté pour les isolants, canots de sauvetage et similaires, appareils et équipements de communications et de navigation, machines et chaudières, pour lesquels les déductions seront fixées d'après l'âge des différentes parties auxquelles elles s'appliquent. Les déductions seront effectuées seulement sur le coût du matériel nouveau ou de ses parties au moment où il sera usiné et prêt à être mis en place dans le navire. Aucune déduction ne sera faite sur les approvisionnements, matières consommables, ancres et chaînes. Les frais de cale sèche, de slip et de déplacement du navire seront admis en entier. Les frais de nettoyage, de peinture ou d'enduit de la coque ne seront pas admis en avarie commune à moins que la coque ait été peinte ou enduite dans les douze mois qui ont précédé la date de l'acte d'avarie commune ; en pareil cas ces frais seront admis pour moitié. RÈGLE XIV - RÉPARATIONS PROVISOIRES Lorsque des réparations provisoires sont effectuées à un navire, dans un port de chargement, d'escale ou de refuge, pour le salut commun ou pour des avaries causées par un sacrifice d'avarie commune, le coût de ces réparations sera bonifié en avarie commune. Lorsque des réparations

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provisoires d'un dommage fortuit sont effectuées afin de permettre l'achèvement du voyage, le coût de ces réparations sera admis en avarie commune, sans égard à l'économie éventuellement réalisée par d'autres intérêts, mais seulement jusqu'à concurrence de l'économie sur les dépenses qui auraient été encourues et admises en avarie commune, si ces réparations n'avaient pas été effectuées en ce lieu. Aucune déduction pour différence du "neuf au vieux" ne sera faite du coût des réparations provisoires admissibles en avarie commune. RÈGLE XV - PERTE DE FRET La perte de fret résultant d'une perte ou d'un dommage subi par la cargaison sera admise en avarie commune, tant si elle est causée par un acte d'avarie commune que si cette perte ou ce dommage est ainsi admis. Devront être déduites du montant du fret brut perdu, les dépenses que le propriétaire de ce fait aurait encourues pour le gagner, mais qu'il n'a pas exposées par suite du sacrifice. RÈGLE XVI - VALEUR A ADMETTRE POUR LA CARGAISON PERDUE OU AVARIÉE PAR SACRIFICE Le montant à admettre en avarie commune pour dommage ou perte de cargaison sacrifiée sera le montant de la perte éprouvée de ce fait en prenant pour base le prix au moment du déchargement vérifié d'après la facture commerciale remise au réceptionnaire ou, à défaut d'une telle facture, d'après la valeur embarquée. Le prix au moment du déchargement inclura le coût de l'assurance et le fret, sauf si ce fret n'est pas au risque de la cargaison. Quand une marchandise ainsi avariée est vendue et que le montant du dommage n'a pas été autrement convenu, la perte à admettre en avarie commune sera la différence entre le produit net de la vente et la valeur nette à l'état sain, telle qu'elle est calculée dans le premier paragraphe de cette Règle. RÈGLE XVII - VALEURS CONTRIBUTIVES La contribution à l'avarie commune sera établie sur les valeurs nettes réelles des propriétés à la fin du voyage sauf que la valeur de la cargaison sera le prix au moment du déchargement vérifié d'après la facture commerciale remise au réceptionnaire ou, à défaut d'une telle facture, d'après la valeur embarquée. La valeur de la cargaison comprendra le coût de l'assurance et le fret sauf si ce fret n'est pas au risque de la cargaison, et sous déduction des pertes ou avaries subies par la cargaison avant ou pendant le déchargement. La valeur du navire sera estimée sans tenir compte de la plus ou moins value résultant de l'affrètement coque nue ou à temps sous lequel il peut se trouver. A ces valeurs sera ajouté le montant admis en avarie commune des propriétés sacrifiées, s'il n'y est pas déjà compris. Du fret et du prix de passage en risque seront déduits les frais et les gages de l'équipage qui n'auraient pas été encourus pour gagner le fret si le navire et la cargaison s'étaient totalement perdus au moment de l'acte d'avarie commune et qui n'ont pas été admis en avarie commune. De la valeur des propriétés seront également déduits tous les frais supplémentaires y relatifs, postérieurs à l'événement qui donne ouverture à l'avarie commune, à l'exception des frais qui auront été admis en avarie commune ou qui incombent au navire en vertu d'une sentence allouant une indemnité spéciale conformément à l'article 14 de la Convention Internationale sur l'assistance de 1989 ou à toutes autres dispositions similaires. Dans les situations prévues au 3ème paragraphe de la Règle G, la cargaison et les autres propriétés contribueront sur la base de leur valeur à leur destination d'origine à moins qu'elles n'aient été vendues ou qu'il n'en ait été autrement disposé avant l'arrivée à destination, et le navire contribuera sur sa valeur réelle nette à la fin du déchargement de la cargaison. Quand une cargaison est vendue en cours de voyage, elle contribue sur le produit net de vente augmenté du montant admis en avarie commune. Le courrier, les bagages des passagers, les effets personnels et les véhicules à moteur privés accompagnés ne contribueront pas à l'avarie commune.

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RÈGLE XVIII - AVARIES AU NAVIRE Le montant à admettre en avarie commune pour dommage ou perte subis par le navire, ses machines et/ou ses apparaux, du fait d'un acte d'avarie commune, sera le suivant :

a) en cas de réparation ou de remplacement, le coût réel et raisonnable de la réparation ou du remplacement du dommage ou de la perte sous réserve des déductions à opérer en vertu de la Règle XIII. b) dans le cas contraire, la dépréciation raisonnable résultant d'un tel dommage ou d'une telle perte jusqu'à concurrence du coût estimatif des réparations.

Mais lorsqu'il y a perte totale ou que le coût des réparations du dommage dépasserait la valeur du navire une fois réparé, le montant à admettre en avarie commune sera la différence entre la valeur estimative du navire à l'état sain sous déduction du coût estimatif des réparations du dommage n'ayant pas le caractère d'avarie commune, et la valeur du navire en son état d'avarie, cette valeur pouvant être déterminée par le produit net de vente, le cas échéant. RÈGLE XIX - MARCHANDISES NON DÉCLARÉES OU FAUSSEMENT DÉCLARÉES La perte ou le dommage causé aux marchandises chargées à l'insu de l'armateur ou de son agent, ou à celles qui ont fait l'objet d'une désignation volontairement fausse au moment de l'embarquement, ne sera pas admis en avarie commune, mais ces marchandises resteront tenues de contribuer si elles sont sauvées. La perte ou le dommage causé aux marchandises qui ont été faussement déclarées à l'embarquement pour une valeur moindre que leur valeur réelle sera admis sur la base de la valeur déclarée, mais ces marchandises devront contribuer sur leur valeur réelle. RÈGLE XX - AVANCE DE FONDS Une commission de deux pour cent sur les débours d'avarie commune autres que les salaires et frais d'entretien du capitaine, des officiers et de l'équipage et le combustible et les approvisionnements qui n'ont pas été remplacés durant le voyage, sera admise en avarie commune. La perte financière subie par les propriétaires des marchandises vendues pour se procurer les fonds nécessaires aux dépenses d'avarie commune sera admise en avarie commune. Les frais d'assurance des débours d'avarie commune seront également admis en avarie commune. RÈGLE XXI - INTÉRÊTS SUR LES PERTES ADMISES EN AVARIE COMMUNE Un intérêt sera alloué sur les dépenses, sacrifices et bonifications classés en avarie commune au taux de 7 % par an, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à dater du dépôt du règlement d'avarie commune, en tenant compte toutefois des paiements provisionnels effectués par ceux qui sont appelés à contribuer, ou prélevés sur le fonds des dépôts d'avarie commune. RÈGLE XXII - TRAITEMENT DES DÉPÔTS EN ESPÈCES Lorsque des dépôts en espèces auront été encaissés en garantie de la contribution de la cargaison à l'avarie commune, aux frais de sauvetage ou frais spéciaux, ces dépôts devront être versés, sans aucun délai, à un compte joint spécial aux noms d'un représentant désigné pour l'armateur et d'un représentant désigné pour les déposants dans une banque agréée par eux deux. La somme ainsi déposée augmentée, s'il y a lieu, des intérêts, sera conservée à titre de garantie pour le paiement aux ayants droit en raison de l'avarie commune, des frais de sauvetage ou des frais spéciaux payables par la cargaison et en vue desquels les dépôts ont été effectués. Des paiements en acompte ou des remboursements de dépôts peuvent être faits avec l'autorisation écrite du dispacheur. Ces dépôts, paiements ou remboursements, seront effectués sans préjudice des obligations définitives des parties.

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JURISPRUDENCE

DROIT MARITIME

TRANSPORT MARITIME OPÉRATIONS JURIDIQUES ACCOMPLIES (OUI)

TRANSFERT DE LA DÉTENTION (NON) LIVRAISON (NON)

La livraison n'est pas accomplie quand le destinataire, en l'absence de tout comportement fautif, n'a pas été en mesure de prendre effectivement possession de sa marchandise et d'émettre d'éventuelles réserves sur son état, et ce malgré l'accomplissement des opérations juridiques par la remise du bon à délivrer et de la billette qui sont nécessaires mais insuffisantes pour assurer le transfert matériel de la détention.

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER Audience solennelle

Première et deuxième chambres réunies Arrêt du 13 février 1995

SEINE ET RHONE

c./ SOCIÉTÉ MARITIME DELMAS VIELJEUX

CAPITAINE DU NAVIRE "ROLLINE" SOMOTRANS

MORY SA La Société Transports Racine a confié à la Compa-gnie Maritime des Chargeurs Réunis le transport maritime de Casablanca à Marseille d'une remorque chargée d'un groupage de colis. La Société Mory, transitaire chargée d'en prendre livraison sous connaissement émis par Transports Racine, obtenait conformément aux usages du port de Marseille un bon à délivrer apposé par le consignataire du navire dans les bureaux de ville du transporteur maritime, et se présentant le lendemain au quai recevait dans les locaux de la Société Somotrans, mandataire du transporteur, un bon de livraison dit "billette" avant de constater la disparition de la remorque. Celle-ci était retrouvée par la suite vidée de son contenu. Après avoir indemnisé les propriétaires des colis volés, Transports Racine et son assureur Seine et Rhône ont assigné la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis et la Société Somotrans en dommages-intérêts. Le transporteur demandait garantie à Somotrans et à la Société Mory. Par un jugement du 19 mai 1987, le Tribunal de commerce de Marseille mettait hors de cause le Capitaine du navire, appelé aux débats en son nom personnel et en qualité de représentant des armateurs et affréteurs, et déboutait la Compagnie Seine et Rhône et la Société Transports Racine de leurs demandes, au motif que la délivrance de la billette avait opéré un transfert de propriété entre les mains du mandataire du destinataire qui devait prendre toute précaution nécessaire en vue de la conservation du bien, alors qu'il relevait que celui-ci avait imprudemment abandonné la remorque une demi-heure sans surveillance. Saisie par la Compagnie Seine et Rhône et la Société Transports Racine la Cour d'appel d'Aix-en-Provence confirmait le premier juge par arrêt du 25 septembre 1990, mais en faisant remonter la livraison

opérant transfert des risques à l'apposition sur le connaissement du cachet "bon à délivrer" par l'agent consignataire du transporteur maritime, écartant toute signification translative de droit à la billette, simple document administratif destiné à permettre l'opération matérielle de sortie. Sur un pourvoi formé par la Société Transports Racine et son assureur, la Cour de cassation cassait et annulait cette décision par arrêt du 17 novembre 1992, au motif qu'il ne résultait pas de ses énonciations que le mandataire du destinataire, la Société Mory en l'espèce, avait lors de la remise du bon à délivrer manifesté son acceptation de la marchandise et du véhicule qui lui auraient été présentés, en étant mis en mesure d'en vérifier l'état et, le cas échéant, d'assortir son acceptation de réserve, puis de prendre effectivement possession de la chose livrée. Devant la Cour de céans saisie du renvoi de l'affaire, la Compagnie Seine et Rhône désormais subrogée dans les droits de son assuré, demande la condamnation in solidum de la Compagnie Maritime des Chargeurs Réunis, du Capitaine du navire, et de la Société Somotrans, pour 848.490 francs qu'elle a payés pour son assuré, et 100.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ou subsidiairement garantie de la Société Mory pour ces montants. Elle prétend relever dans les auditions de l'enquête de police que le vol a eu lieu avant la remise de la billette, que de toutes façons les dispositions de la loi du 18 juin 1966 indiquées en visa par la Cour de cassation impliquent de mettre à la charge du transporteur la preuve du moment du vol par rapport à la livraison qu'il allègue, qu'enfin la livraison ne peut s'entendre pour le transfert des risques sur la chose que par sa remise matérielle et son accepta-tion avec ou sans réserve après avoir pu l'examiner. Elle soutient son subsidiaire en indiquant que la Société Mory chargée pour elle de la réception de la remorque devait prendre toutes mesures nécessaires pour éviter le vol, notamment en procédant à l'enlèvement immédiat de la remorque. Le transporteur, dénommé aujourd'hui Société Maritime Delmas Vieljeux (M.D.V), et le Capitaine du navire, demandent confirmation de la décision du premier juge Ils exposent que l'article 50 du décret du 31 décembre 1966 en application de la loi du 18 juin 1966 énonce que "la remise du connaissement établit la livraison sauf preuve contraire", que l'échange du connaissement contre le bon à délivrer consacre la rencontre des volontés mettant fin au contrat de transport, après laquelle le transporteur est déchargé de toute obligation, que la tradition matérielle n'est qu'un accessoire d'une tradition consensuelle déjà réalisée. Ils indiquent qu'aucun délai légal n'étant imparti au destinataire muni du bon à délivrer pour retirer la marchan-dise, la prolongation de la responsabilité du transporteur au delà le rendrait tributaire d'une condition purement potestative pour en être exonéré, que les conditions émises par la Cour de cassation pour opérer la livraison, présentation de la marchandise et vérification par le destinataire, pouvaient s'effectuer avant l'apposition du bon à délivrer de façon à permettre toute réserve utile à ce moment là et toute disposition pour assurer la protection du bien. Subsidiairement la Société M.D.V demande garantie à la Société Somotrans qui avait pour elle la garde de la remorque sur le quai. La M.D.V et le Capitaine réclament 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

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La Société Somotrans demande aussi confirmation du jugement déféré sur le bénéfice de ses écritures dépo-sées devant la Cour d'Aix-en-Provence, et 10.000 francs sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans des conclusions en réplique la Compagnie Seine et Rhône ajoute que l'usage dans le port de Marseille ne permettait pas une présentation matérielle de la marchandise préalablement à la remise du connaissement contre le bon à délivrer, et que seule la délivrance de la billette permettait de savoir où se trouvait la marchandise. Elle rappelle que le décret de 1966 stipule que la livraison entre les mains du destinataire libère seule le transporteur, et qu'il doit formuler ses réserves au plus tard au moment de la livraison. Elle expose que seul un retard fautif dans le retirement pourrait éventuellement libérer le transporteur de la charge des risques avant la livraison matérielle. La Société Mory régulièrement citée ne comparait pas. Motifs : Au terme de l'article 27 de la loi du 18 juin 1966 relative au transport maritime, le transporteur répond des pertes et dommages jusqu'à la livraison de la marchandise transportée. Il est constant que dans l'espèce le mandataire du destinataire, la Société Mory chargée de prendre livraison, a fait apposer le 6 juin 1985 à l'arrivée du navire, par le représentant du transporteur, le cachet "bon à délivrer" sur l'original du connaissement, puis s'est fait remettre le lendemain matin 7 juin dans les locaux de la Société Somotrans, gardien de la remorque à quai pour le transporteur, la "billette" qui devait permettre d'en obtenir la remise effective. Lorsque le chauffeur qui devait amener la remorque s'est ensuite rendu sur le quai environ une demi-heure après, il a constaté qu'elle avait été volée. Il ressort ainsi du déroulement des faits qu'au moment de la disparition de la marchandise objet du contrat de transport maritime, le destinataire n'avait pas été en mesure d'en prendre effectivement possession après avoir vérifié son état et pu faire toute réserve éventuelle à son acceptation, malgré l'accomplissement des opérations juridiques du bon à délivrer puis de la billette, nécessaires mais insuffisantes pour assurer le transfert matériel de la détention sans lequel la livraison qui décharge le transporteur de sa responsabilité n'est pas véritablement accomplie, dès lors que la tentative de retrait de la remorque dans un délai raisonnable après les dernières formalités ne caractérisait pas en l'espèce un comporte-ment fautif du porteur des documents. Il y a lieu en conséquence de condamner in solidum la Société M.D.V, transporteur maritime, et le Capitaine commandant le navire, pris en sa qualité de représentant des armateurs ou affréteurs du navire, à réparer les dommages subis par la Compagnie Seine et Rhône, subrogée dans les droits de son assuré. Le préjudice matériel, justifié aux débats par les factures des différents clients des Transports Racine dont les marchandises ont été volées, n'est pas contesté pour le montant global de 848.490,26 francs. Il apparaît justifié de faire droit également à titre de dommages-intérêts à la prétention de la Compagnie Seine et Rhône qui a dû acquitter des factures réclamées par leurs bénéficiaires depuis 1985 d'assortir ce montant des intérêts au taux légal depuis la première assignation délivrée le 5 juin 1986 contre le transporteur maritime devant le premier juge. Au terme de l'article 52 du décret du 31 décembre 1966, le transporteur maritime dispose d'une action en

garantie contre l'entrepreneur de manutention, la Société Somotrans en l'espèce, qui avait pour son compte la garde de la marchandise à quai jusqu'à la livraison effective, dont il a été relevé par les motifs précédents qu'elle n'était pas réalisée du seul fait de la remise de la "billette". La Société Somotrans qui ne prétend à aucun des cas d'exonération de sa responsabilité énumérés à l'article 53 b du décret, ni à une limitation des montants garantis en application de l'article 54 du décret, sera condamnée à garantir le transporteur pour les sommes mises à sa charge. En revanche aucune faute contractuelle ou délictuelle n'est relevée contre la Société Mory qui doit être mise hors de cause. Il est équitable dans l'espèce de mettre à la charge solidaire des parties tenues au paiement du préjudice de la Compagnie Seine et Rhône une part des frais non remboursables que celle-ci a engagés dans cette instance, dans la proportion de 18.000 francs. Par ces motifs : En audience solennelle et publique par arrêt réputé contradictoire à l'égard de la "S.A. Mory", La Cour, Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau sur le fond, Condamne in solidum la S.A. Maritime Delmas Vieljeux et le Capitaine commandant le navire "Rolline" agissant en qualité de représentant des armateurs et affréteurs du navire à payer à la S.A. Seine et Rhône subrogée dans les droits de la SARL Transports Racine la somme de huit cent quarante huit mille quatre cent quatre vingt dix francs et vingt six centimes (848.490,26 F.) avec intérêts au taux légal depuis le 5 juin 1986, et dix huit mille francs (18.000 F.) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamne la SA Somotrans à garantir la Société M.D.V et le Capitaine du navire ès qualités de ces sommes, Met hors de cause la Société Mory, Condamne in solidum la Société M.D.V et le Capitaine du navire, d'une part, et la S.A. Somotrans, d'autre part, aux dépens de l'instance, ceux exposés devant la Cour de renvoi pourront être recouvrés par Me Garrigue, Avoué, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. PRÉSIDENT : M. BACOU CONSEILLERS : MM. THIOLET - BAUDOUIN - GAILLARD - BESSON AVOCATS : SCP SCAPEL - SCAPEL-GRAIL - BONNAUD ((Seine et Rhône) ; Me VIDALMAGNE (Société Maritime Delmas Vieljeux, M. le Capitaine du navire "Rolline") ; Me GUERIN (Somotrans)

NOTE

Le moment de la livraison : suite et fin Nos lecteurs ont pu suivre l'évolution récente de la jurisprudence en la matière puisque notre revue a publié les principales décisions de justice sur cette question qui a beaucoup occupé les prétoires depuis 1987. Le signataire de cette note a fait le point de la question pour les lecteurs de cette revue au début de 1994 (16 Depuis plusieurs arrêts ont été rendus (

). 17

(16) J. Bonnaud, cette revue, Transport maritime : le moment de la livraison, 1994, p.45 et s.

) tous dans le même sens: "La livraison se caractérise par le

(17) Voir notamment, Aix enProvence,06.01.94, cette revue 1994, p. 74 et DMF 1994, p. 771, note Y. Tassel ; Cass. com. 18.01.94, DMF 1995, p.547; Cass. com. 05.07.94, DMF 1994, p.760, note Y.Tassel.

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118 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

transfert effectif de la détention de la marchandise au destinataire ou à son mandataire, sauf au transporteur à faire la preuve que c'est par la faute du destinataire que le transfert de détention de la marchandise n'a pu avoir lieu " (18 Il restait à connaître la décision de la Cour de renvoi, qui avait à statuer sur une affaire (

) .

19) cassée par la Cour Suprême (20 C'est la Cour de Montpellier qui a eu à se prononcer dans l'arrêt reproduit ci-dessus.

).

Cette Cour s'est très logiquement ralliée à la thèse de la Cour de cassation . Pour la Cour de Montpellier, il ressort ainsi du déroulement des faits "qu'au moment de la disparition de la marchandise, objet du contrat de transport maritime, le destinataire n'avait pas été en mesure d'en prendre effectivement possession après avoir vérifié son état et pu faire toutes réserves éventuelles à son acceptation malgré l'accomplissement des opérations juridiques du bon à délivrer puis de la billette, nécessaires mais insuffisantes pour assurer le transfert matériel de la détention sans lequel la livraison qui décharge le transporteur de sa responsabilité n'est pas véritablement accomplie dès lors que la tentative de retrait de la remorque dans un délai raisonnable, après les dernières formalités ne caractérisent pas en l'espèce, un comportement fautif du porteur des documents". Cette jurisprudence logique, conforme aux textes, approuvée par la doctrine et semblable à ce qui se passe dans les autres modes de transport est donc définitive.

Jacques Bonnaud

*

CLAUSE COMPROMISSOIRE SAISINE DE LA JURIDICTION ARBITRALE SAISIE CONSERVATOIRE POSTERIEURE FIXATION DU MONTANT DE LA CAUTION

L'existence d'une clause compromissoire n'interdit pas, même après la saisine de la juridiction arbitrale d'une demande de paiement, la mise en oeuvre d'une saisie conservatoire dans les conditions requises par la loi applicable. La fixation du montant de la caution à fournir pour obtenir la main levée de la saisie conservatoire relève du pouvoir des juges du fond.

COUR DE CASSATION Deuxième Chambre Civile

Arrêt de rejet du 8 juin 1995

SOCIETE NATIONALE DU TRANSPORT DES HYDROCARBURES ET

DES PRODUITS CHIMIQUES - SNTM HYPROC - c./

SOCIETE NOUVELLE DES ATELIERS ET CHANTIERS DU HAVRE - SNACH -

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 septembre 1992) d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée, à la demande de la Société Nouvelle des Ateliers et Chantiers (18) Pierre Bonassies, Le droit positif francais en 1994, DMF 1995, p.187. ( 19 ) Aix-en-Provence 25.09.90, conforme à Aix-en-Provence 13.03.87, DMF 1989, p. 123. (20) Cass. com. 17.11.92, cette revue 1993, p.38, DMF 1993, p.563, note Pierre Bonassies, BTL 1993, p. 50, article d'Andrée Chao.

du Havre (la SNACH), sur le navire Hassi R'Mel appartenant à la Société nationale du Transport des Hydro-carbures et des Produits Chimiques (la SNTM HYPROC) à charge pour cette dernière société de fournir à la SNACH une caution donnée par une banque française de premier rang, alors que, selon le moyen, d'une part, "les parties à un arbitrage ne peuvent être autorisées à pratiquer, en application des dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, une saisie conservatoire de navires, la procédure en mainlevée dans laquelle le propriétaire du navire peut être condamné à la fourniture d'une caution, n'est pas soumise à la condition de l'urgence ni à celle du péril de la créance ; qu'en affirmant dès lors, pour autoriser la Société SNACH à pratiquer, après la saisine de la juridiction arbitrale, la saisie conservatoire du navire appartenant à la Société SNTM HYPROC, que l'existence d'une clause compromissoire ne privait pas les parties de leur droit de procéder par voie de saisie conservatoire, la Cour d'appel a violé ensemble l'article 1458 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952" ; alors que, d'autre part, "les parties à un arbitrage ne peuvent s'adresser au juge étatique que pour demander les mesures conservatoires destinées à garantir l'exécution de la sentence à venir ; que la Société SNTM HYPROC avait fait valoir que la saisie conservatoire de son navire, pratiquée après qu'elle ait saisi la juridiction arbitrale d'une demande de paiement contre la Société SNACH, qui restait débitrice à son égard d'une somme de 369.973, 94 francs, tendait, sous la menace d'une saisie de navire, à obtenir le paiement de sommes indues ; qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'une clause compromissoire ne faisait pas échec à la faculté de la Société SNACH de procéder à une saisie conservatoire, sans expliquer en quoi cette saisie était destinée à garantir l'exécution de la sentence arbitrale à venir, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1458 du Nouveau Code de Procédure Civile" ; Mais attendu que l'existence d'une clause compromissoire n'interdit pas, même après la saisine de la juridiction arbitrale, la mise en oeuvre d'une saisie conservatoire dans les conditions requises, pour que cette saisie soit autorisée, par la loi applicable ; Et attendu que la Cour d'appel, qui a constaté que la créance alléguée par la SNACH était réclamée par cette société dans son mémoire d'arbitrage, n'avait pas à préciser la finalité de la mesure sollicitée ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le second moyen : Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir fixé à la somme de 4.500.000 francs le montant de la caution bancaire contre laquelle il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire du navire "Hassi R'Mel", alors que "si, selon l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, la mainlevée de la saisie conservatoire d'un navire a pour seule condition la fourniture par le propriétaire du navire d'une caution ou d'une garantie suffisante, il n'en demeure pas moins que le caractère suffisant de la caution suppose la recherche d'une corrélation entre la caution propre et le montant de la créance invoquée ; qu'en fixant à la somme de 4.500.000 francs le montant de la caution qu'elle a condamné la Société SNTM HYPROC à fournir sans rechercher si, comme le faisait valoir cette société, cette somme n'excédait pas le montant de la créance invoquée par la Société SNACH dans le cadre de la procédure arbitrale, pour une somme de 3.122.628, 32 francs, la Cour d'appel a, en tout état de cause, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952" ;

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 119

Mais attendu que la Cour d'appel, après avoir relevé que la SNACH avait mis en demeure la partie adverse de payer une créance pour le principal mentionné dans le mémoire d'arbitrage ainsi que pour les intérêts, a souverainement fixé le montant de la caution qui devait être fournie pour obtenir la mainlevée de la saisie ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : Attendu que la SNTM HYPROC et la SNACH sollicitent, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une certaine somme ; Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Rejette également les demandes présentées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SNTM HYPROC, envers la SNACH, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. ZAKINE Conseiller rapporteur : M. BUFFET Conseillers : MM. DELATTRE - LAPLACE - SENE - CHARDON - MME VIGROUX Avocat général : M. TATU Avocats : SCP MATTEI - DAWANCE (SNTM HYPROC) ; SCP MASSE-DESSEN - GEORGES - THOUVENIN (SNACH)

*

TRANSPORT MARITIME LOCALISATION DU DOMMAGE

TEXTE APPLICABLE

La loi française du 18 juin 1966 est applicable à un transport effectué au départ d'un port français pour les opérations exclues du champ d'application de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924. Tel est le cas en l'espèce dans la mesure où le transporteur maritime soutenait que le dommage avait une cause antérieure au chargement ou postérieure au déchargement.

COUR DE CASSATION Chambre commerciale, financière et économique

Arrêt de rejet du 20 juin 1995

COMPAGNIE MARITIME D'AFFRÈTEMENT c./

AMERICAN HOME INSURANCE COMPANY

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 1993), que la Société Schweizerische Isola Werke (le chargeur) a fait charger à Marseille des conteneurs sur le navire "Ville du Sahara" en vue de leur transport par voie maritime jusqu'au port de Dubai (Émirats Arabes Unis) par la Société Compagnie Maritime d'Affrètement (le transporteur maritime), suivant un connaissement émis à Bâle (Suisse), le 2 novembre 1985 ; que l'un des conteneurs ayant été reçu à l'arrivée vide de tout contenu et dépourvu de plomb, la Compagnie American Home Insurance (l'assureur), subrogée dans les droits du chargeur pour l'avoir indemnisé, a assigné le transporteur maritime en paiement du montant de l'indemnité qu'il avait versée ; Attendu que le transporteur maritime reproche à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité sur le fondement du droit français alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant la loi française applicable du seul fait que le

transport avait eu lieu à partir d'un port français, l'arrêt a violé tout à la fois l'article 16 de la loi du 18 juin 1966, l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'article 10 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924, modifiée par la convention de Bruxelles du 23 février 1968, la loi française n'étant pas d'une application obligatoire du seul fait du départ du transport d'un port français, laissant ainsi sans réponse les conclusions relatives à l'application de la convention de Bruxelles, en s'abstenant de rechercher la loi applicable au transport ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'application de la convention de Bruxelles du fait de l'inclusion au connaissement d'une "Paramount", l'arrêt a violé l'article 1134 du Code civil et l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Mais attendu, d'une part, que si, en vertu de son article 10 a) ou b), la convention de Bruxelles du 25 août 1924 pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, telle qu'amendée par le protocole du 23 février 1968, avait vocation à régir la responsabilité du transporteur maritime, elle ne s'appliquait cependant, selon son article 1er e), qu'à la responsabilité encourue par lui pendant le temps écoulé depuis le chargement des marchandises à bord du navire jusqu'à leur déchargement ; que la Cour appel a exactement déduit, dès lors que le transporteur maritime soutenait que le dommage avait une cause antérieure au chargement du conteneur ou postérieure à son déchargement, que sa responsabilité devait s'apprécier sur le fondement de la loi française du 18 juin 1966 qui est applicable, aux termes de son article 16, alinéa 1er, aux transports, effectués au départ d'un port français, qui ne sont pas soumis à une convention internationale à laquelle la France est partie, et en tout cas aux opérations de transport qui sont hors du champ d'application d'une telle convention ; Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte, ni de ses conclusions, ni de l'arrêt, que le transporteur maritime ait soutenu devant les juges du fond que le connaissement aurait étendu, par l'une quelconque de ses clauses, les dispositions de la convention de Bruxelles révisée à des opérations n'entrant pas dans le champ d'application de celle-ci ; D'ou il suit que le moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable en sa seconde branche et mal fondé en sa première ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la Société Compagnie Maritime d'Affrètement à payer à la Compagnie American Home Insurance la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne, envers la Société American Home Insurance Company, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. BEZARD Conseiller rapporteur : M. REMERY Conseillers : Mme PASTUREL - CLAVERY ; MM. EDIN - GRIMALDI - LASSALLE - TRICOT - BADI - ARMAND PREVOST Conseiller référendaire : M. LE DAUPHIN Avocat général : M. DE GOUTTES Avocats : Me BALAT (CMA) ; Me LE PRADO (American Home Insurance Company)

NOTE

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120 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Dans cet arrêt (1

La question ne devrait pas prêter à polémique et pourtant elle génère toujours un contentieux important.

), la Cour de cassation rappelle que la loi française du 18 juin 1966 est applicable aux transports internationaux effectués au départ d'un port français qui ne sont pas soumis à une convention internationale à laquelle la France est partie et en tous cas, aux opérations de transport qui sont hors du champ d'application d'une telle convention.

La loi est pourtant claire: "le présent titre est applicable aux transports effectués au départ ou à destination d'un port français, qui ne sont pas soumis à une convention internationale à laquelle la France est partie, et en tous cas, aux opérations de transport qui sont hors du champ d'application d'une telle convention..." (art. 16, L. 1966) . C'est dire qu'en matière internationale, si le voyage est au départ ou à destination d'un port français, la loi de 1966 s'appliquera quand la Convention de Bruxelles de 1924 n'est pas applicable. Si la convention est territorialement applicable, la loi française s'appliquera néanmoins dans les cas suivants : - Absence de connaissement ou de document similaire, - Marchandise particulière : animaux vivants ou transports spéciaux, - Marchandise en pontée, - De la prise en charge jusqu'au début de l'embarquement et de la fin du débarquement jusqu'à la livraison. Ce régime s'appliquera jusqu'à ce que les Règles de Hambourg soient ratifiées par la France et en la matière, on ne peut que constater, selon le mot du Professeur Bonassies une "stagnation totale (2

) .

Jacques Bonnaud

*

TRANSPORT MARITIME CLAUSE DE JURIDICTION

RECEVABILITÉ DE L'ACTION FORTUNE DE MER (NON)

Une clause de juridiction est inopposable au chargeur lorsque le transporteur maritime, en présence d'un connaissement non signé, ne prouve pas qu'elle ait été connue et acceptée lors de la formation du contrat. La clause qui donne compétence à "la juridiction du lieu où le transporteur a son principal établissement" est inapplicable dans la mesure où elle ne permet pas, sans des recherches approfondies, de déterminer précisément le tribunal compétent. Le chargeur qui a subi personnellement un préjudice et qui produit une cession de droits du destinataire à son profit a qualité et intérêt pour agir contre le transporteur. Le fait pour un navire, apte à affronter le mauvais temps, d'avoir rencontré des dépressions dont l'existence est connue des marins qui pratiquent en hiver la Méditerranée orientale et auxquelles il était possible de faire face en adoptant une route et une vitesse appropriée, ne constitue pas un cas de fortune de mer exonératoire de toute responsabilité dans la mesure où l'événement n'était ni imprévisible ni irrésistible.

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MARSEILLE Jugement du 3 mars 1995

LA CONCORDE ET 11 AUTRES COMPAGNIES D'ASSURANCE

c./ (1) Cet arrêt a été cité dans le bulletin du Dictionnaire permanent du droit des affaires qui nous l'a aimablement communiqué. (2) Voir, l'article de Pierre Bonassies "Le droit international et le droit communautaire en 1994", cette revue, ce numéro.

IGNAZIO MESSINA SPA CAPITAINE DU NAVIRE "JOLLY GRIGIO"

Attendu que par citation délivrée le samedi 11 mars 1995, les compagnies d'assurances SA La Concorde, SA GAN Incendies Accidents, SA CAMAT, SA Commercial Union, SA Le Continent, SA Zurich, Compagnie Euro-péenne d'Assurances Industrielles (C.E.A.I.), SA Guardian Royal Exchange Assurance, SA Nationale Suisse, SA Navigation et Transports, SA Allianz, et Mutuelle du Mans exposent que l'armateur Ignazio Messina a pris en charge à Marseille selon connaissement n° 002, 5 conteneurs chargés de barils de détergent, à bord de son navire "Jolly Grigio" à destination de Benghazi en Libye ; que le navire après avoir fait escale à La Spezia et à Alexandrie se trouvait devant le port de Benghazi le 13 janvier 1994 lorsque sous l'effet du roulis, deux des conteneurs sont tombés à la mer et le transporteur a émis les certificats de perte attestant de ces dommages dont il doit entière réparation ; que la valeur des marchandises s'élevait à la somme de 23.100 US$ dont les assureurs ont indemnisé le chargeur ; qu'en conséquence, elles ont cité, devant le Tribunal de commerce de Marseille, la SPA Compagnie Ignazio Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly Grigio" pour les entendre condamner à lui payer la somme de 23 100 US$ avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande en justice et celle de 20.000,00 F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens et pour entendre ordonner l'exécution provisoire ; Attendu que par conclusions écrites développées oralement, la SA La Concorde et autres demandent au tribunal de : - rejeter l'exception d'incompétence soulevée par le transporteur maritime, dire et juger que le tribunal de céans est bien compétent, - dire et juger que la demande est recevable, - - condamner les requis à leur payer la somme de 23 100 US$ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre la somme de 20.000 F d'indemnité au titre de l'article 700 du NCPC et entiers dépens et ordonner l'exécution provisoire ; Attendu que par un premier jeu de conclusions écrites développées oralement, la SPA Compagnie Ignazio Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly Grigio" soulèvent l'incompétence du Tribunal de commerce de Marseille en vertu de la clause 2-c du connaissement ; que par ailleurs, il s'agissait d'une vente maritime au départ de telle sorte que les marchandises perdues voyageaient aux risques et périls du destinataire ; que de surcroît, le connaissement était à ordre et a été accompli à destination par le destinataire ; que les demandeurs ne justifient d'aucune cession de droits du destinataire de telle sorte que leur demande devra être déclarée irrecevable ; qu'enfin, sur le fond, le navire a rencontré un très mauvais temps à partir du jeudi 13 janvier 1994 entre Alexandrie et Benghazi ; que le vendredi 14 janvier 1994, le navire a subi un très fort roulis et un très fort tangage qui ont provoqué la rupture de l'arrimage de 11 conteneurs vides stockés sur le pont supérieur, occasionnait des dommages à la cargaison et au navire ; qu'un peu plus tard, en raison d'un très fort roulis, les deux conteneurs arrimés sur le pont supérieur où s'était produit le désarrimage des 11 conteneurs vides, sont tombés à la mer après une rupture de leur arrimage ; qu'en conséquence, on doit considérer que le sinistre a eu pour cause la fortune de mer et à ce titre elle entraîne l'exonération du transporteur maritime ; qu'en consé-quence, ils demandent au tribunal de : - se déclarer incompétent au profit du Tribunal civil de Gênes,

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 121

- condamner les demandeurs à leur payer la somme de 10.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC, - subsidiairement, mettre hors de cause le Capitaine du navire dont l'assignation est sans fondement, - déclarer irrecevable la demande et la déclarer mal fondée, - débouter les demandeurs et les condamner à leur payer la somme de 10.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC et les condamner aux dépens ; Attendu que par un second jeu de conclusions écrites développées oralement, la SPA Compagnie Ignazio Messina et Monsieur le Capitaine du Navire "Jolly Grigio" ajoutent notamment que la jurisprudence et la loi n'exigent plus que le connaissement ait été signé par le chargeur pour considérer comme valable les clauses de compétence ; qu'ils demandent au tribunal de leur adjuger de plus fort l'entier bénéfice de leurs précédentes écritures ; Attendu que l'affaire a été mise en délibéré ; Sur quoi : Attendu qu'il convient de rappeler que devant les Tribunaux de Commerce, la procédure est orale (article 871 alinéa 1 du Nouveau Code de Procédure Civile) ; qu'en outre, eu égard aux dispositions des articles 15 et 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, il est interdit aux juges de fonder leur décision sur une pièce produite par une partie, qui n'a pas fait l'objet d'une discussion contra-dictoire (Civ. 3e 15 janvier 1976) ; qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter les notes que les parties ont fait parvenir au Tribunal après l'audience de plaidoiries ; Sur la compétence : Attendu que par exploit en date du 11 mars 1994, les Compagnies La Concorde et diverses autres Compagnies déclarant agir aux droits acquis et en tant que de besoin comme subrogées et cessionnaires de la Société Sentis & Compagnie ont assigné la Compagnie Maritime Ignazio Messina et le Capitaine Commandant le navire "Jolly Grigio" en vue de les entendre condamner à leur régler la somme de 23.100 US$ à raison de la perte totale de deux conteneurs, chargés de barils de détergent, embarqués à Marseille à destination de Benghazi (Libye) sous couvert d'un connaissement émis au port de chargement le 7 décembre 1993 ; Attendu que le connaissement couvrant le transport litigieux comportant une clause de juridiction donnant compétence "au tribunal du lieu où le transporteur a son principal établissement", la Compagnie Ignazio Messina entend soulever in limine litis l'incompétence du Tribunal de commerce de céans au profit du Tribunal civil de Gènes en Italie ; Attendu que s'il n'est pas contestable que les clauses de compétence ne sont ni prohibées par la loi française ni par la Convention de Bruxelles de 1924 et emportent renonciation aux règles normales de compétence, il n'en demeure pas moins que toute clause dérogatoire au droit commun a des exigences impératives et ne "peut être opposée qu'à la partie qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat" (Cass 26/05/92), les magistrats de la Cour suprême ajoutant de surcroît la nécessité "que la juridiction dont la compétence est élue soit aisément identifiable" (Cass 19/03/91) ; que plus récemment encore, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a clairement posé le principe : " pour être opposable, soit au chargeur soit au destinataire, une clause attributive de compétence territoriale doit avoir été acceptée au plus tard, pour le premier, au moment de la conclusion du contrat de transport et, pour le second, au

moment où recevant la livraison de la marchandise, il a adhéré au contrat " (Cass 29/11/94) ; Attendu qu'il résulte de ces principes que si tout contrat de transport est consensuel et que l'absence de signature n'a aucune incidence sur la validité d'un connaissement, il n'en demeure pas moins que la signature est primordiale pour démontrer formellement la connaissance et l'acceptation des conditions que le contrat comporte notamment des clauses dérogatoires que sont les clauses de juridiction ; Attendu qu'il n'est pas contestable que le connaissement du 7 décembre 1993 n'est point revêtu de la signature du chargeur et que seul figure sur son verso un endos lequel selon les défenderesses "vaut acceptation du chargeur" ; Attendu qu'il échet d'observer que selon une pratique constante, l'endos d'un connaissement a pour objectif principal sa transmission ; que cette cession intervient dans tous les cas postérieurement à la formation du contrat, la Cour de cassation dans un arrêt du 3 janvier 1989 à propos de l'endossement des connaissements, a d'ailleurs clairement relevé que : "la Cour a jugé que les compagnies de navigation ne pouvaient s'en prévaloir faute d'établir que les chargeurs et leurs mandataires avaient accepté la clause fut-ce tacitement au moment de la formation du contrat" ; Attendu qu'ainsi dans la mesure où aucun élément en la cause ne démontre que le chargeur ait accepté implicitement ou tacitement la clause de juridiction lors de la formation du contrat, il échet de déclarer ladite clause inopposable aux demanderesses ; Attendu qu'au surplus si l'on se réfère à la jurispru-dence constante en la matière "la juridiction compétente" doit être désignée de façon aisément identifiable ; que tel n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où la clause litigieuse donne compétence à la "juridiction du lieu où le transporteur a son principal établissement" ; qu'une telle clause de par son caractère imprécis "est inapplicable car elle ne permet pas, sans des recherches approfondies de déterminer quel est le tribunal compétent" ; Attendu qu'en l'état de ce qui précède il échet pour le Tribunal de commerce de céans de se déclarer compétent à raison du lieu ; Sur la recevabilité de la demande : Attendu que la Compagnie Ignazio Messina et Monsieur le Capitaine commandant le navire "Jolly Grigio" soulèvent l'irrecevabilité de la demande des compagnies d'assurances au motif qu'en l'absence formelle du renoncement du destinataire à agir à leur encontre, ces dernières ne rapportent pas la preuve de l'existence du droit à agir de l'expéditeur ; Attendu qu'il résulte de l'analyse des documents produits aux débats que la Société Sentis & Compagnie, pour avoir été débitée de la contre-valeur des marchan-dises perdues et les avoir remplacées ultérieurement, est parfaitement en droit de se prévaloir de la jurisprudence "Mercandia" lui conférant qualité pour agir dans la mesure où en sa qualité de chargeur, elle est bien la seule à avoir subi un préjudice ; Attendu qu'ainsi en se prévalant tant de l'acte de subrogation du chargeur qu'elles ont indemnisé que de la cession de droits du destinataire en faveur dudit chargeur, les compagnies demanderesses justifient incontestable-ment de leur qualité et de leur intérêt pour agir ; qu'il y a donc lieu de déclarer recevable leur action à l'encontre de la Compagnie Ignazio Messina et du Capitaine commandant le "Jolly Grigio" ; Sur le fond :

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122 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Attendu qu'aucune faute n'étant invoquée à l'encontre du Capitaine commandant le navire "Jolly Grigio", il y a lieu de le mettre hors de cause à titre personnel ; que son armement étant présent et représenté à la barre, il échet de le mettre hors de cause ès-qualité ; Attendu qu'il n'est pas contestable que tout transporteur maritime est de plein droit responsable des pertes et des avaries survenues aux marchandises qui lui sont confiées depuis leur prise en charge jusqu'à leur livrai-son ; que pour s'exonérer de cette présomption de responsabilité, il peut se prévaloir d'un cas exonératoire prévu par la loi ; que néanmoins, il lui incombe de rapporter la preuve formelle de l'existence du cas exonératoire dont il se prévaut ; Attendu que dans le présent litige, la Compagnie Ignazio Messina entend se prévaloir de la fortune de mer en raison des conditions météorologiques rencontrées par le navire durant son voyage ; Attendu que selon la jurisprudence constante en la matière, pour être acceptée en tant que telle, la fortune de mer doit se caractériser comme un événement imprévisible et irrésistible ; Attendu que si l'on se réfère à l'étude des circons-tances de l'accident faite par le Commandant Calvi, requis par le transporteur, les deux conteneurs LMCU 122269/9 & 260069/5 sont tombés à la mer "au cours des manoeuvres d'atterrissage à Benghazi le 14 janvier 1994", l'expert poursuivant "le navire en évolution reçoit la mer par son travers babord et pour une raison inconnue mais vraisem-blablement due à l'altération de la houle par les hauts-fonds essuie plusieurs coups de roulis violents et désordonnés marqués de violents rappels, de sorte que deux conteneurs arrimés à l'extrême avant tribord cassent leurs saisines et tombent à la mer" ; Attendu qu'au vu de ce rapport, il échet de consta-ter d'une part qu'un premier désaisissage de conteneur s'était produit avant que ne chutent à la mer les deux conteneurs objets du présent litige et que d'autre part il n'est pas contestable que la description aveugle des événements faite par le Commandant Calvi appert nette-ment amplifiée comparativement au rapport de mer du Capitaine du navire ; Attendu que si l'on se réfère toujours au rapport d'expertise, il échet de constater que Monsieur Calvi expose : 1°) l'existence de dépressions centrées sur la côte Libano-Égyptienne généralement formées dans le Golfe de Gabes et se déplaçant vers l'est est un phénomène météorologique bien connu des marins qui pratiquent en hiver la Méditerranée Orientale, ces dépressions particulièrement fortes à terre déterminent un large courant d'Est avec une mer dure mais courte et souvent hachée par le déplacement de la dépression, 2°) au large un navire en bon état de navigabilité peut efficacement se défendre contre la mer en adoptant une route et une vitesse appropriée, il n'en est pas de même dans les phases d'atterrissage et d'entrée au port qui imposent leurs propres contraintes ; Attendu qu'au vu de ce dire, il échet de faire observer que le mauvais temps et la tempête sont des événement prévisibles en matière maritime, que les navires sont construits et doivent être gouvernés pour y faire face qu'ainsi des vents de force 9 ne caractérisent pas impérativement la fortune de mer ; Attendu que dans le présent litige, il est indiscutable que le navire qui, pour pratiquer régulièrement cette ligne, ne pouvait ignorer ce "phénomène météorologique" bien connu des

marins selon le Commandant Calvi auquel il était possible de faire face "en adoptant une route et une vitesse appropriée" ; Attendu qu'en définitive, en l'absence de preuves formelles, en dehors des déclarations de l'expert, permet-tant de connaître si le saisissage des conteneurs avait été réalisé selon les normes et suffisamment approprié pour affronter des conditions particulières, il appert que le dommage à la cargaison résulte de la seule volonté du Capitaine du navire de rentrer dans le port de Benghazi, malgré l'importance du vent et de la houle empêchant un atterrissage habituel y compris "la prise du pilote s'opérant habituellement à 1 mille dans le NW des jetées", qui a choisi d'affronter une mer "dure et hachée" au lieu de rechercher une route appropriée dans l'attente d'une accalmie d'autant qu'un premier désarrimage avait précédé la chute des conteneurs litigieux ; Attendu qu'ainsi il échet de constater que le dommage résulte indiscutablement d'un manque de diligence du Capitaine ; que dès lors la Compagnie Ignazio Messina ne saurait se prévaloir de la fortune de mer ; Attendu qu'en l'état de ce qui précède, il y a lieu de faire droit à la demande de la SA La Concorde et autres et de condamner la SPA Compagnie Ignazio Messina à lui payer la somme de 23.100,00 US$ (vingt trois mille cent US dollars) en principal avec intérêts au taux légal à compter de la citation, outre les dépens ; Attendu qu'en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, il échet d'allouer aux compagnies d'assurances la SA La Concorde et autres la somme de 7.500,00 F (sept mille cinq cents francs) au titre des frais irrépétibles occasionnés par la présente procédure ; Attendu que l'exécution provisoire s'avérant nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, il échet de l'ordonner excepté toutefois en ce qui concerne les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et au titre des dépens ; Attendu qu'il échet de rejeter tout surplus des demandes comme non fondé, ni justifié ; Par ces motifs : Le Tribunal de commerce de Marseille, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Advenant l'audience de ce jour et, Statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, Rejette les notes parvenues en cours de délibéré ; Par une première disposition : Se déclare compé-tent à raison du lieu ; Par une seconde disposition : Dit la demande recevable ; Met hors de cause Monsieur le Capitaine du navire "Jolly Grigio" tant à titre personnel qu'ès qualités ; Condamne la SPA Compagnie Ignazio Messina à payer à la SA La Concorde, SA GAN Incendies Accidents, SA CAMAT, SA Commercial Union, SA Le Continent, SA Zurich, Compagnie Européenne d'Assurances Industrielles (C.E.A.I.), SA Guardian Royal Exchange Assurance, SA Nationale Suisse, SA Navigation et Transports, SA Allianz, et Mutuelles du Mans la somme de 23.100 US$ (vingt trois mille US$) ou sa contrevaleur en francs français au cours du jour du prononcé du présent jugement en principal avec intérêts au taux légal à compter de la citation et celle de 7.500,00 F (sept mille cinq cents francs) au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SPA Compagnie Ignazio Messina aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance ; Ordonne l'exécution provisoire des dispositions du présent jugement. excepté toutefois en ce qui concerne les

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 123

condamnations prononcées au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et au titre des dépens ; Rejette pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement ; Président : M. TESSOR Juges : MM. POISAT - HENRY Avocats : SCP SCAPEL - SCAPEL-GRAIL - BONNAUD (La Concorde et 11 autres compagnies d'assurances) ; SCP BOLLET et Associés (Ignazio Messina SPA et Capitaine du navire "Jolly Grigio")

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DROIT AÉRIEN

TRANSPORT AERIEN REDEVANCE POUR SERVICES TERMINAUX

DE LA CIRCULATION AERIENNE MODE DE REPARTITION

EXCES DE POUVOIR (OUI) Est annulé l'arrêté pris par le ministère chargé de déterminer le montant du coût national du service rendu aux aéronefs à l'arrivée et au départ des aérodromes et de calculer la redevance due par chaque compagnie aérienne lorsqu'il n'a pas, d'une part, justifié que la partie des frais de fonctionnement des services centraux correspondait aux services rendus et, d'autre part, distingué entre les aérodromes dont l'activité dépassait un certain seuil fixé par le Code de l'aviation civile et ceux dont l'activité était inférieure audit seuil.

CONSEIL D'ETAT Section du Contentieux

8ème sous-section Décision du 10 février 1995

CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN

c. / MINISTERE DU BUDGET

MINISTERE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU TOURISME

Vu la requête sommaire et le mémoire complé-mentaire enregistrés les 26 février 1993 et 24 juin 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Chambre Syndicale du Transport Aérien représen-tée par son président, dont le siège est 43 bd Malesherbes à Paris (75008) ; la Chambre Syndicale du Transport Aérien demande que le Conseil d'État annule l'arrêté, en date du 21 décembre 1992, par lequel le ministre du budget et le ministre de l'équipement, du logement et des transports ont fixé les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de circulation aérienne ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code de l'aviation civile ; Vu la loi du 10 juillet 1991 ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ; - Les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ; - Les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Considérant qu'aux termes de l'article R.134-4 du Code de l'aviation civile "Les services rendus par l'État pour la sécurité de la circulation aérienne et pour la rapidité de ses mouvements à l'arrivée et au départ des aéro-dromes dont l'activité dépasse un certain seuil donnent lieu à rémunération sous forme d'une redevance pour services rendus dite redevance pour services terminaux de la circu-lation aérienne. La liste de ces aérodromes est fixée par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des finances... Son montant est déterminé en fonction de la masse maximum au décollage de l'aéronef, par application d'un taux unitaire, suivant des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des finances.- Le taux unitaire normal doit tenir compte du coût national du service rendu..." ; que la Chambre Syndicale du Transport Aérien demande l'annu-lation de l'arrêté en date du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de ladite redevance pour les aéronefs utilisant l'aide à l'approche des aérodromes inscrits sur la liste annexée audit arrêté ; Considérant que pour arrêter le montant du coût national du service aux aéronefs, les auteurs de l'arrêté attaqué ont, d'une part, affecté de façon forfaitaire une partie de l'ensemble des coûts inhérents au fonctionne-ment de la direction générale de l'aviation civile d'autre part, retenu les dépenses du service de contrôle d'appro-che exposées dans les aérodromes figurant sur la liste annexée audit arrêté ; Considérant, en premier lieu, que l'administration ne justifie pas que la partie des frais de fonctionnement des services centraux prise en compte pour le calcul de la redevance contestée corresponde aux services rendus aux compagnies aériennes au titre du contrôle d'approche ; Considérant, en second lieu, qu'il résulte des termes même de l'article R.134-4 précité que seuls les services rendus aux usagers d'aérodromes disposant d'un service de contrôle d'approche assuré par l'État et dont, en outre, l'activité dépasse un certain seuil peuvent être pris en compte pour le calcul de la redevance ; que, par suite, en retenant, pour établir la liste dont il s'agit, tous les aérodromes où opèrent des services de contrôle d'appro-che assurés par l'État, les ministres n'ont pas effectué la distinction que leur imposaient les dispositions précitées entre ceux de ces aérodromes dont l'activité dépasse un certain seuil et ceux dont l'activité est inférieure à ce seuil ; que, par suite, et en admettant même que la répartition des services de contrôle assurés par l'État ait elle-même été opérée en fonction de critères liés à l'activité des aérodromes, les dépenses prises en compte pour l'établissement de la redevance en cause ont incorporé des coûts que les dispositions précitées imposaient d'exclure ; Considérant qu'il suit de là que la Chambre Syndicale du Transport Aérien est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'excès de pouvoir ; Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 fait obstacle à ce que la Chambre Syndicale du Transport Aérien, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à l'État la somme qu'il demande au titre des frais non compris dans les dépens ; Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'État à verser à la Chambre Syndicale du Transport Aérien une somme de 25.000 F. au titre des frais non compris dans les dépens ;

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124 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

Décide : Article 1er : L'arrêté en date du 21 décembre 1992, par lequel le ministre du budget et le ministre de l'équipement, du logement et des transports ont fixé les conditions d'établissement et de perception de la redevan-ce pour services terminaux de la circulation aérienne, est annulé. Article 2 : l'État est condamné à payer une somme de 25.000 F. à la Chambre Syndicale du Transport Aérien au titre de frais non compris dans les dépens. Article 3 : Les conclusions du ministre de l'équipe-ment, des transports et du tourisme tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Chambre Syndicale du Transport Aérien, au ministre du budget et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme. Président de la Section du Contentieux : M. COMBARNOUS Présidents-adjoints de la Section du Contentieux : MM. BAVILLE - VUGHT - ROUGEVIN - Mme BAUCHET Présidents de la sous-section : MM. MORISOT - GROUX - LECLERC - MASSOT - ROUX - J.F. THERY - LAVONDES - LABETOULLE - COSTA - Conseillers d'État : MME LATOURNERIE - M.B. CHERAMY

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TRANSPORT AERIEN DEPENSES LIEES AU CONTROLE DE L'ETAT

CALCUL DE LA REDEVANCE DUE PAR CHAQUE COMPAGNIE

EXCES DE POUVOIR (OUI) Est annulé l'arrêté gouvernemental qui a fixé la rede-vance en vue de financer le contrôle technique d'exploitation concernant le personnel navigant, le matériel volant et son exploitation par chaque compagnie en incluant dans la base de calcul le coût d'opérations exposées dans l'intérêt général des usagers du transport aérien et des populations survolées et celui de prestations non directement rendues aux compagnies concernées par ladite redevance.

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 125

CONSEIL D'ETAT Section du contentieux

8ème sous-section du contentieux Décision du 10 février 1995

CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN

c./ MINISTERE DE L'EQUIPEMENT DES TRANSPORTS ET DU

TOURISME Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 mai 1993 et 11 août 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Chambre Syndicale du Transport Aérien, dont le siège est 43, boulevard Malesherbes à Paris (75008), représentée par son président ; la Chambre Syndicale du Transport Aérien demande que le Conseil d'État annule pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 4 mars 1993 par lequel le ministre de l'équipement, du logement et des transports a fixé les modalités de répartition de certaines dépenses de contrôle technique d'exploitation entre les entreprises autorisées de transport aérien ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code de l'aviation civile ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ; - Les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ; - Les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête : Considérant qu'aux termes de l'article R.330-4 du Code de l'aviation issu du décret du 12 novembre 1954, et relatif au contrôle de l'exploitation technique des entre-prises autorisées à exercer une activité de transport aérien : "Les entreprises autorisées sont soumises au contrôle que l'État exerce pour l'application des disposi-tions fixées par les conventions internationales, les lois et les règlements en vigueur concernant le personnel navigant, le matériel volant et l'exploitation technique de ce matériel... Les dépenses entraînées par les contrôles sont à la charge des entreprises. Chaque entreprise a la charge des contrôles qui sont exercés spécialement à son égard. Les autres dépenses de contrôle sont réparties entre les entreprises proportionnellement au tonnage effectivement transporté. Cette répartition est fixée chaque année par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile" ; que par application de ces dispositions, le ministre de l'équipement, du logement et des transports a, par l'arrêté attaqué, fixé, pour l'année 1993, à 11,10 F. par tonne effectivement transportée par chaque entreprise en 1991, la répartition des dépenses des contrôles techniques non exercés spécialement à l'égard des entreprises ; Considérant que le gouvernement ne pouvait légalement instituer, par les dispositions précitées, une redevance mise à la charge des entreprises autorisées, en vue de financer le contrôle technique d'exploitation qu'à la double condition d'une part que les opération qu'elle est appelée à financer ne soient pas effectuées essentielle-ment dans l'intérêt général des usagers du transport aérien et des populations survolées, et d'autre part que ladite redevance trouve sa contrepartie dans une prestation directement rendue aux compagnies. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la base de calcul de la redevance forfaitairement mise à la charge des compagnies, en

application des dispositions précitées, incorpore des frais de contrôle au sol des aéronefs et des documents de vol, effectués de façon inopinée dans les aérodromes, à la diligence de l'administration, soit avant décollage soit après atterrissage ; que de telles dépenses qui sont exposées dans l'intérêt de la sécurité des usagers et des populations survolées ne pouvaient légalement être comprises dans cette base de calcul ; Considérant, en deuxième lieu, que ladite base comporte également des dépenses liées à la formation initiale des pilotes, à la certification des matériels neufs ainsi qu'à l'élaboration de la réglementation ; que lesdites dépenses, qui ne correspondent pas à des prestations directement rendues aux compagnies, ne pouvaient de ce fait être légalement incluses dans la base de calcul de la redevance contestée ; Considérant qu'il suit de là qu'à supposer même que les autres dépenses prises en compte aient été de nature à être imputées forfaitairement aux compagnies, et non mises à la charge des entreprises à l'égard desquelles sont exercés certains contrôles, la Chambre Syndicale du Transport Aérien est fondée à soutenir que l'arrêté est entaché d'excès de pouvoir et à en demander l'annulation ; Décide : Article 1er : L'arrêté en date du 4 mars 1993 par lequel le ministre de l'équipement, du logement et des transports a fixé pour l'année 1993 la répartition entre les entreprises autorisées au transport aérien des dépenses de contrôles techniques d'exploitation non exercées spécialement à l'égard de chaque entreprise, est annulé. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Chambre Syndicale du Transport Aérien et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme. Président de la Section du Contentieux : M. COMBARNOUS Présidents-adjoints de la Section du Contentieux : MME BAUCHET - MM. ROUGEVIN - BAVILLE - VUGHT Présidents de sous-section : MM. MORISOT - GROUX - LECLERC - MASSOT - ROUX - J.F. THERY - LAVONDES - LABETOULLE - COSTA Conseillers d'État : MME LATOURNERIE - M. B. CHERAMY

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TRANSPORT AERIEN

REDEVANCES DE ROUTE AERIENNE CONDITIONS D'APPLICATION PAR ACCORD

MULTILATERAL ARRETE DE PUBLICATION

LEGALITE (OUI) Il n'appartient pas au juge administratif français d'apprécier le bien fondé des taux unitaires de redevances pour services rendus en matière de navigation aérienne fixés par une instance internationale constituée de représentants de tous les États contractants. En conséquence, l'arrêté ministériel publiant ces taux ne peut être annulé.

CONSEIL D'ETAT Section du contentieux

8ème et 9ème sous-sections Décision du 22 juillet 1994

CHAMBRE SYNDICALE DU TRANSPORT AERIEN

c./ MINISTERE DU BUDGET

MINISTERE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME

Vu la requête sommaire et le mémoire complé-mentaire enregistrés les 26 février 1993 et 24 juin 1993 au

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126 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

secrétariat du Contentieux du Conseil d'État, présentés pour la Chambre Syndicale du Transport Aérien repré-sentée par son président, dont le siège est 43 bd Malesherbes à Paris (75008) ; la Chambre Syndicale du Transport Aérien demande que le Conseil d'État annule l'arrêté, en date du 21 décembre 1992, par lequel les ministres du budget et de l'équipement, du logement et des transports ont modifié les tarifs unitaires des redevances de route exigées des exploitants d'aéronefs survolant le territoire français ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le Code de l'aviation civile ; Vu la loi du 20 avril 1983 portant ratification de l'accord international du 12 février 1981, relatif à l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne ; Vu la loi du 10 juillet 1991 ; Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Après avoir entendu en audience publique : - Le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'État ; - Les observations de la SCP Célice, Blancpain, avocat de la Chambre Syndicale du Transport Aérien ; - Les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement. Considérant qu'il résulte des stipulations de l'accord multilatéral relatif aux redevances de route, en date du 12 février 1981, ratifié en vertu de la loi du 20 avril 1983, que la "commission élargie" instituée par ledit accord, et consti-tuée de représentants de tous les États contractants est chargée, entre autres, de déterminer les conditions d'appli-cation du système commun de redevances de route, y compris "les taux unitaires, les tarifs et leur période d'appli-cation" ; que, par suite, et même si ladite commission se détermine à partir d'informations chiffrées adressées par les États contractants au service central des redevances de route, relatives au coût national des services d'aide à la navigation aérienne, le tarif unitaire, arrêté par décision en date du 27 novembre 1992 de la commission élargie, présente le caractère d'une décision prise par un organis-me international et dont l'arrêté attaqué, conformément aux dispositions de l'article R.134-1 du Code de l'aviation civile dans sa rédaction résultant du décret du 18 juillet 1990, se borne à assurer la publication ; Considérant en premier lieu, qu'en confiant à un arrêté interministériel le soin d'assurer la publication des règles ainsi fixées par une instance internationale, le décret du 18 juillet 1990 n'a pas confié aux ministres qu'il désignait le soin d'arrêter le montant des redevances de route ; que le moyen tiré de ce qu'en raison de l'illégalité d'une telle délégation de compétence l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence ne peut dès lors qu'être en tout état de cause écarté. Considérant en deuxième lieu, que même en admettant que, bien que non publié l'acte créant la commission consultative économique soit opposable à l'administration, cet organisme, chargé de donner son avis sur la tarification des services rendus en matière de navigation aérienne, n'avait pas à être consulté sur la publication, à laquelle l'État était tenu, de règles arrêtées dans le cadre de l'organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne ; que par suite la circonstance que ladite commission n'aurait pas été consultée en temps utile sur le projet de budget annexe de l'aviation civile est sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; Considérant en troisième lieu, que si l'article 95 du Traité instituant la communauté économique européenne

interdit de frapper les produits importés d'impositions intérieures discriminatoires ou de nature à protéger indirec-tement d'autres productions, ces dispositions sont en tout état de cause inapplicables aux redevances frappant des prestations de services ; que le moyen tiré de ce que cet article faisait obstacle à la publication du tarif en cause ne peut dès lors qu'être écarté ; Considérant en quatrième lieu, que si la requérante se prévaut de la violation des règles découlant de la convention de Chicago, elle ne précise pas quelle norme, inscrite dans cette convention et revêtant pour les autorités françaises un caractère contraignant, est méconnue par les dispositions de l'arrêté attaqué ; que le moyen sus analysé doit donc en tout état de cause être écarté ; Considérant enfin qu'il n'appartient pas au juge administratif français d'apprécier le bien fondé des taux unitaires de redevances arrêtés par une instance internationale ; que par suite les moyens tirés de ce que ces taux seraient exagérés et de ce que, à défaut de proportionnalité avec le service rendu, la redevance dont s'agit constituerait une imposition ne peuvent qu'être écartés ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Chambre Syndicale du Transport Aérien n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ; Sur les conclusions tendant à l'application du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : Considérant qu'aux termes de l'article I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens" ; Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la Chambre Syndicale du Transport Aérien la somme qu'elle réclame au titre des frais non compris dans les dépens ; Considérant, d'autre part, que ces dispositions font obstacle à ce que l'État, qui se borne à faire état de surcroît de travail pour ses services, sans se prévaloir de frais exposés obtienne la condamnation qu'il réclame ; Décide : Article 1er : La requête de la Chambre Syndicale du Transport Aérien est rejetée. Article 2 : Les conclusions du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme tendant à l'application du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Chambre Syndicale du Transport Aérien, au ministre du budget et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme. Président de la section : M. ROUGEVIN - BAVILLE Présidents des sous-sections : MM. GROUX - LECLERC Conseillers d'État : MM. QUERENET ONFROY DE BREVILLE - FOUQUET - TURQUET DE BEAUREGARD

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DROIT FLUVIAL

CONTRAT D'AFFRÈTEMENT FLUVIAL RECONNAISSANCE DE DETTE (NON)

PRESCRIPTION (OUI) POUVOIR SOUVERAIN D'APPRÉCIATION

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 127

Seule une reconnaissance de dette contenant un engagement ferme de payer et adressé directement au réclamant par le débiteur, peut valoir renonciation à la prescription acquise au profit de celui-ci. L'appréciation d'un document produit à titre de preuve et relatif à une reconnaissance de dette relève du pouvoir souverain des juges du fond.

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128 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

COUR DE CASSATION Chambre Commerciale, Financière et Économique

Arrêt de rejet du 9 mai 1995

Mme DIDIER c./

SOCIÉTÉ SOUFFLET NÉGOCE Sur le moyen unique pris en ses première et deuxième branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 1993), que la Société EATE a conclu avec la Société Soufflet un contrat dit "de location à temps" de péniches, selon des tarifs de fret préférentiels convenus sur la base d'un tonnage déterminé à transporter ; qu'elle a assigné cette dernière société en paiement d'une somme représentant la différence entre le tarif normal et le tarif préférentiel du fait que le tonnage prévu n'aurait pas été atteint ; que le Tribunal a accueilli cette demande ; Attendu que le liquidateur judiciaire de la Société EATE fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande comme prescrite, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, lorsqu'elle a la forme d'un acte unilatéral, la renonciation ne requiert pas le concours de son bénéficiaire ; d'où il suit qu'en s'attachant à la qualité du destinataire de la lettre du 17 janvier 1989, bien que cette circonstance fût inopérante, les juges du fond ont violé les articles 1134, 2220 et 2221 du Code civil ; et alors, d'autre part, que la renonciation à la prescription s'analyse comme l'abdication, par la partie qui en est titulaire, du droit d'invoquer la prescription ; qu'en exigeant une promesse de payer, qu'en soi la renonciation à la prescription n'implique pas, les juges du fond ont violé les articles 1134, 2220 et 2221 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant constaté, d'un côté, que la lettre du 17 janvier 1989 avait été adressée par le courtier de la Société Soufflet, non au réclamant, mais à l'Office National de la Navigation, et qu'elle s'insérait dans l'enquête diligentée par cet office à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la Société EATE, d'un autre côté, que ce document relevait les positions respectives de chacune des parties dans l'ensemble de leurs relations, sans contenir un engagement ferme du débiteur de payer les sommes réclamées, c'est par une appréciation souve-raine du sens et de la portée de l'écrit qui lui était soumis que la Cour d'appel a estimé que celui-ci ne constituait pas, de la part de la Société Soufflet, une reconnaissance de dette spécifique de l'objet du litige valant renonciation à la prescription acquise ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur les troisième et cinquième branches du moyen : Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la lettre du 17 janvier 1989 énonçait : "Les Établissements J. Soufflet reconnaissent devoir à l'EATE pour la campagne 86/87... FF 966.411,50", et encore : "dû à l'EATE par les Établissements J. Soufflet 866.411,50 F"; qu'en estimant que ces mentions ne valaient pas reconnaissance de dette, quand elles établissaient sans équivoque que la Société Soufflet se reconnaissait débitrice, au moins à concurrence d'un certain montant, les juges du fond ont dénaturé la lettre du 17 janvier 1989; et alors, d'autre part, que, les termes de ladite lettre, tels qu'ils sont rapportés ci-dessus, révélant que la Société Soufflet s'est reconnue débitrice, au moins jusqu'à un certain montant, de la Société EATE, les juges du fond, en considérant qu'il n'y avait pas engagement de paiement, en ont dénaturé les termes ; Mais attendu que la Cour d'appel n'a fait qu'exercer son pouvoir souverain en appréciant le sens et la portée

d'un document produit à titre de preuve ; que le moyen ne peut être accueilli en ses troisième et cinquième branches ; Sur les quatrième et sixième branches du moyen : Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, faute d'avoir rappelé, au moins sommairement, les termes de la lettre du 17 janvier 1989, et dit en quoi les énonciations de ce document ne pouvaient être retenus comme valant abandon par la Société Soufflet de la prescription qu'elle pouvait invoquer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134, 2220 et 2221 du Code civil ; et alors, d'autre part, que, faute d'analyser au moins sommairement les termes de la lettre du 17 janvier 1989, à l'effet de faire apparaître s'ils permettaient ou non de constater l'existence d'un engagement de payer, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1134, 2220 et 2221 du Code civil, 107 et 108 du Code de commerce ; Mais attendu que l'arrêt a relevé que la lettre du 17 janvier 1989, adressée, non au réclamant, mais à l'Office National de la Navigation, relevait les positions respectives de chaque partie dans l'ensemble de leurs relations et ne contenait pas un engagement ferme du débiteur de payer les sommes demandées ; qu'en l'état de ces constatations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne Mme Didier, ès qualités, envers la Société Soufflet négoce, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : Mme PASTUREL Conseiller rapporteur : M. BADI Conseiller : M. EDIN Avocat Général : Mme PINIOT Avocats : Me FOUSSARD (Mme Didier) ; Me CHOUCROY (Société Soufflet Négoce) Décision aimablement communiquée par Me Alain Tinayre du barreau de Paris.

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DROIT ROUTIER

TRANSPORT ROUTIER INTERNATIONAL DÉFAUT D'ARRIMAGE NON APPARENT PRÉSOMPTION EN VERTU DE LA CMR

Le transporteur routier qui établit que l'avarie pouvait résulter d'un défaut d'arrimage non apparent imputable à l'expéditeur, bénéficie en vertu des dispositions de la CMR d'une présomption le dispensant de rapporter une preuve qui ne lui incombe pas.

COUR DE CASSATION Chambre Commerciale, Financière et Économique

Arrêt de cassation du 31 janvier 1995

LA RÉUNION EUROPÉENNE REVIRON TRANSPORTS

c./ WAVIN SA

Sur le moyen unique pris en sa première branche : Vu les articles 17-4-c et 18-2 de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route (CMR) ;

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 129

Attendu qu'en vertu de ces textes, lorsque le transporteur établit qu'eu égard aux circonstances de fait, l'avarie a pu résulter d'un défaut d'arrimage non apparent imputable à l'expéditeur, il y a présomption qu'il en résulte ; Attendu, selon l'arrêt attaqué que la Société Transports Reviron (le transporteur) a transporté une machine de France en Italie que lui avait confiée la Société Wavin (l'expéditeur) ; que le destinataire qui a constaté que la machine avait subi de avaries, a mentionné des réserves sur la lettre de voiture internationale ; que la Société Wavin a assigné en réparation de ses préjudices, le transporteur et son assureur, la Société La Réunion Européenne (l'assureur) ; que le transporteur a invoqué le risque parti-culier tiré d'un défaut d'arrimage d'une partie mobile de la machine par l'expéditeur ; Attendu que, pour écarter ce risque particulier et condamner le transporteur et son assureur au paiement, l'arrêt retient "que le transporteur est en mesure de dégager sa responsabilité si le dommage est dû à des mauvaises conditions d'emballage ou de chargement non apparentes lorsqu'il s'est effectué, que dans ce cas la preuve incombe au transporteur" et "que les transporteurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombent" ; Attendu qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a violé les textes susvisés ; Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi : Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 1992, entre les parties, par la Cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bourges ; Condamne la Société Wavin, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. BEZARD Conseiller rapporteur : M. APOLLIS Conseiller : Mme PASTUREL Avocat Général : M. RAYNAUD Avocats : Me LE PRADO (La Réunion Européenne et Reviron Transports) ; SCP MASSE-DESSEN - GEORGES - THOUVENIN (Société Wavin)

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TRANSPORT ROUTIER

FAUTE ÉQUIPOLLENTE AU DOL (OUI) DROIT DE LIMITER LA RESPONSABILITÉ (NON)

Un professionnel qui accepte de réaliser le transport d'un voilier posé sur un ber manifestement inadapté audit transport, commet une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et démontrant son inaptitude à exécuter sa mission contractuelle, pour avoir insuffisamment calé et arrimé ledit ber et pour avoir omis de proposer une remorque spécialement adaptée à ce type de transport. Il ne peut, en conséquence, bénéficier de son droit à limiter sa responsabilité.

COUR DE CASSATION Chambre Commerciale, Financière et Économique

Arrêt de rejet du 31 janvier 1995

SOCIÉTÉ OUEST-MONTAGE c./

M. OYER ETCHE-GARAY Sur le moyen unique : Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Rennes, 8 décembre 1992), que M. Etche-Garay a confié le transport de son voilier à la Société Ouest Montage ; qu'au cours de son déplacement et à l'occasion d'un ralentissement, le

bateau, placé sur un ber, a glissé, puis a basculé vers l'avant du véhicule et a subi des avaries ; qu'assignée par M. Etche-Garay en réparation de la totalité de ses dommages, la Société Ouest Montage a invoqué la clause limitative de responsabilité du contrat ; Attendu que la Société Ouest Montage fait grief à l'arrêt d'avoir, pour écarter cette limitation de respon-sabilité, retenu sa faute lourde, alors, selon le pourvoi, que le ber, comme le voilier, avait été conçu et fabriqué par M. Etche-Garay qui l'avait expressément présenté à la Société Ouest-Montage comme permettant le transport sur remorque, sans émettre aucune réserve sur sa solidité ; que les juges du fond ne pouvaient donc retenir l'existence d'une faute lourde commise par la Société Ouest Montage en se bornant à relever que cette société aurait du procéder au renforcement du ber et en relevant par ailleurs que l'insuffisance du calage et de l'arrimage qui lui était reprochée n'était pas à l'origine de l'accident survenu durant le transport du voilier ; qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a violé l'article 1150 du Code civil ; Mais attendu que l'arrêt a retenu, par motifs propres et adoptés, que l'impropriété du ber au transport du voilier était apparente et manifeste pour un professionnel du transport, que le transporteur qui, contractuellement, avait accepté d'effectuer le chargement, le transport et le déchargement du bateau, ne pouvait échapper à son obligation de contrôle du chargement et de l'arrimage, qu'en constatant que le ber n'était pas adapté au transport il aurait dû, soit refuser la mission, soit procéder ou faire procéder au renforcement du ber, soit enfin fournir une remorque aménagée spécialement pour un tel transport ; que de ces constatations l'arrêt a pu retenir qu'en passant outre et en s'abstenant de caler le ber sur sa remorque, et en se contentant d'un arrimage transversal insuffisant pour limiter la tendance au déversement du chargement sur l'avant tel qu'il s'est produit, tandis qu'elle pouvait ainsi éviter le sinistre, la Société Ouest Montage avait commis une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du transporteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée ; que le moyen n'est pas fondé ; Par ces motifs : Rejette le pourvoi ; Condamne la Société Ouest Montage à payer à M. Etche-Garay la somme de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; La condamne envers M. Etche-Garay aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Président : M. BEZARD Conseiller rapporteur : M. APOLLIS Conseiller : Mme PASTUREL Avocat Général : M. RAYNAUD Avocats : Me BLANC (Société Ouest-Montage) ; SCP WAQUET - FARGE - HAZAN (M. Etche-Garay)

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CENTRE PORTUAIRE D'ACCUEIL ROUTIER PROCÉDURE JUDICIAIRE

ARRÊTÉ DE CONFLIT NATURE DU SERVICE - COMPÉTENCE

ADMINISTRATIVE (OUI) Le Centre Portuaire d'Accueil Routier, étant un organisme non autonome géré par le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille qui reçoit pour une part prépondérante des subventions de la ville et de la Chambre de Commerce, n'est pas un établissement public industriel et commercial.

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130 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

En conséquence, la juridiction judiciaire ne pouvait pas statuer sur un litige le concernant et ses décisions doivent être annulées.

TRIBUNAL DES CONFLIT Décision du 25 avril 1994

SYNDICAT MIXTE D'ÉQUIPEMENT DE MARSEILLE

c./ COMPAGNIE D'ASSURANCES NAVIGATION ET TRANSPORTS Vu, enregistrée à son secrétariat le 14 janvier 1994, la lettre par laquelle le ministre d'État, Garde des Sceaux, ministre de la justice a transmis au Tribunal le dossier de la procédure opposant le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille à la Compagnie d'Assurances Navigation et Transports, et autres devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Vu le déclinatoire, présenté le 2 décembre 1992 par le préfet de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, tendant à voir déclarer la juridiction judiciaire incompétente par les motifs que le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille est un service public de caractère administratif, dont le contentieux extra-contractuel relève de la juridiction administrative ; Vu l'arrêt du 15 septembre 1993 par lequel la Cour d'appel d'Aix-en-Provence a rejeté le déclinatoire de compétence, et sursis à toute procédure ; Vu l'arrêté du 5 novembre 1993 par lequel le préfet a élevé le conflit ; Vu, enregistré le 11 mars 1994, le mémoire présenté par le ministre d'État ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille ne peut être regardé comme gérant un service public industriel et commercial dès lors que son financement est assuré de façon prépondérante par des fonds publics ; Vu, enregistré le 25 mars 1994, le mémoire, présenté par le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille, tendant à la confirmation de l'arrêté de conflit par les motifs que le centre portuaire d'accueil routier est financé en majorité par des fonds public et est installé sur le domaine public ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu l'ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ; Vu l'ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Leclerc, membre du tribunal, - les conclusions de M. de Caigny, Commissaire du Gouvernement ; Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le "Centre Portuaire d'Accueil Routier" (CPAR), sur le parc de stationnement duquel avait été garée la remorque dont le vol est à l'origine du litige porté devant le Tribunal de commerce de Marseille, puis devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, a été réalisé. par le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille créé par la Ville et la Chambre de Commerce de Marseille ; que le financement tant du Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille que du Centre Portuaire d'Accueil routier, qui ne constitue pas un orga-nisme autonome et dont les dépenses et recettes sont intégralement reprises dans le budget du syndicat, est assuré, pour une part prépondérante, par des subventions de la Ville et de la Chambre de Commerce de Marseille ; que, compte tenu des conditions de fonctionnement et des modalités de financement du Centre Portuaire d'Accueil Routier, le litige ne peut être regardé comme mettant en

cause les relations d'un établissement public industriel et commercial avec ses usagers ; que, dès lors, il n'appartient pas à la juridiction judiciaire d'en connaître ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le conflit a été élevé ; Décide : Article 1er : L'arrêté de conflit pris le 5 novembre 1993 par le préfet de la région Provence - Alpes - Côte d'Azur, préfet des Bouches-du-Rhône est confirmé. : Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la Compagnie d'Assurance Navigation et Transports, et autres devant le Tribunal de commerce de Marseille et par le Syndicat Mixte d'Équipement de Marseille devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, et le jugement du Tribunal de commerce du 5 juin 1992 et l'arrêt de la Cour d'appel du 15 septembre 1990 : Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d'État, Garde des Sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution. Président : M. LEMONTEY Conseillers : MM. ROUGEVIN-BAILLE - VUGHT - MORISOT - SAINTOYANT - CULIÉ - CHARTIER - LECLERC

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INFORMATIONS

REGLEMENTATION DES TRANSPORTS UNION EUROPEENNE 20 avril 1995 - Les consortia : Par un Règlement, la Commission des Communautés a défini les conditions auxquelles les

"consortia" (catégorie d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne) doivent satisfaire pour bénéficier de l'exception par catégorie à l'obligation de libre concurrence.

Règlement (CE) n° 870/95 de la Commission du 20 avril 1995 - J.O.C.E., 21.04.95, L. 87/7 à 12. 19 juin 1995 - Sécurité maritime : Par une Directive, le Conseil de l'Union Européenne a défini "l'application aux navires faisant

escale dans les ports de la communauté ou dans les eaux relevant de la juridiction des États membres, des normes internationales relatives à la sécurité maritime, à la prévention de la pollution et aux conditions de vie et de travail à bord des navires et l'exercice de leur contrôle par l'État du port.

Directive 95/21/CE du Conseil du 19 juin 1995 - J.O.C.E. 7 juillet 1995, n° L.157/1. FRANCE 14 juin 1995 - Ministère : Par décret du Président de la République, ont été fixées les attributions du secrétaire d'État aux

transports. Celles-ci sont exercées par délégation du Ministère de l'aménagement du territoire, de l'équipement des transports.

Décret n° 95.786 du 14 juin 1995 - J.O. 15 juin 1995, p. 9143. 20 juin 1995 - Transports internationaux ferroviaires : Par décret, ont été publiées les dispositions complémentaires pour interpréter les règles uniformes

concernant le contrat de transport international ferroviaire en cas de séparation de la gestion de l'infrastructure ferroviaire et de l'exploitation des services de transport des entreprises ferroviaires.

Décret n° 95.814 du 20 juin 1995 - J.O. 27 juin 1995, p. 9628. 19 juillet 1995 - Encadrement des Transports : Un projet de loi a été présenté au Sénat afin d'améliorer diverses dispositions relatives aux

transports maritimes, aériens et terrestres . Il tend à renforcer la sécurité des différents modes de transport et à mettre notre législation en conformité avec la réglementation européenne.

N° 383, Sénat 3° session extraordinaire de 1994/1995.

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COLLOQUES, SEMINAIRES, CONGRES, STAGES, CONFERENCES

1995 2 octobre : Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (I.M.T.M.), Info navires, IMTM 1995. Les transports maritimes intracommunautaires, Marseille, I.M.T.M., Tél. 91.90.17.15, Fax

91.90.01.62. 6 octobre : Institut du Droit International et des Transports Le transport multimodal de marchandises dangereuses Les différents domaines dans lesquels les réglementations propres à chaque mode de transport

se chevauchent ou combinent leurs dispositions. Rouen, IDIT, Tél. 35.71.33.50, Fax 25.15.15.88. 9 octobre : Institut Français de Navigation Politique française des aides à la navigation aérienne, maritime et terrestre. Paris I.F.N., Tél. (1) 44.38.40.43., Fax (1) 44.38.41.44. 9-11 et 12-13 octobre : Lloyd's Maritime Training The 5th International Time and Voyage Charterparties Seminars Londres, L.L.P., Phone 171 250 1500, Fax 171 253 9907; 10-11 octobre : Forum du Droit et des Affaires Les nouvelles relations administrateurs - actionnariat - dirigeants Paris, Forum, Tél.(1) 53.68.76.76., Fax (1) 45.31.06.70. 16-17 octobre : Édition Formation Entreprise L'occupation privative du domaine public Paris E.F.E., Tél. (1) 44.09.24.24., Fax (1) 40.55.00.68. 27 octobre : Propeller Club, Port of Marseilles-Fos Maritime Day Marseille, Propeller, Tél. 42.22.60.63., Fax 42.22.73.94.

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30 octobre - 3 novembre : ESCAP - UNCTAD - BIMCO Régional seminar on charter parties and ship finance Bangkok, Unctad, Genève Tél. 907-2064 Fax 907-0049. 16 novembre - 14 - 15 décembre : Édition Formation Entreprise Optimisez la gestion de vos baux commerciaux Paris, E.F.E. Tél. (1) 44.09.24.24, Fax (1) 40.55.00.68. 17 novembre : Union des avocats européens Le droit des transports (des rapports actuels chargeur - transporteur - réceptionnaire) Marseille - CARSAM 22 - 24 novembre : Lloyd's Maritime training The 13th International Maritime Law Seminar Londres, L.L.P. Phone 171 250 1500 Fax 171 253 9907. 14 décembre : Association Française de Droit Maritime, Société Française de Droit Aérien et Spatial Journée Air/Mer : prévention, traitement et conséquences des accidents maritimes et aériens. Paris, AFDM/SFDAS. Tél. 42.91.53.66. Fax 42.91.52.98. 1996 24 au 28 juin : Congrès International des Arbitres Maritimes Twelfth International Congress of Maritime Arbitrators Paris, ICMA XII, Chambre Arbitrale Maritime, Tél. (1) 45.62.11.88. Fax (1) 45.62.00.17.

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134 REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995

BIBLIOGRAPHIE

I.M.T.M. : Annales 1995 La parution des annales est un événement attendu avec intérêt par les maritimistes. Peut-être plus encore cette année par suite du changement de leur rédacteur en chef, Madame le Professeur Nathalie Fabbe-Costes ayant succédé au Commandant Louis Fraisse. Que ceux de nos lecteurs qui n'ont pas encore lu ces annales soient rassurés : elles demeurent un moyen privilégié pour permettre à l'I.M.T.M. de remplir -et de bien remplir- son objet de formation, d'études, de réflexion et de dialogue. Ces annales conservent le haut niveau de qualité atteint par les précédents numéros grâce au Commandant Fraisse, dont elles bénéficient encore de la précieuse collaboration puisqu'outre la "lettre à un jeune Commandant" celui-ci a interviewé Monsieur Yves Marchand. Elles bénéficient en outre, naturellement, de l'apport de Nathalie Fabbe-Costes. Le développement du dossier, consacré au "rôle maritime des zones d'activités logistiques" renforce le côté thématique qui fait si souvent défaut aux ouvrages de ce type. Les annales y gagneront en tant qu'ouvrage de référence. La deuxième partie intitulée "Le monde maritime en perspective" maintient la richesse des annales par la diversité des sujets traités. La relève a bien été assurée, les annales de l'IMTM continuent leur route en menant leurs lecteurs vers une meilleure connaissance du monde maritime et des transports. Nos lecteurs trouveront ci-dessous de larges extraits de la présentation des annales 95 par Nathalie Fabbes-Costes. Ils auront ainsi une juste idée du grand intérêt de ce onzième numéro de ces annales qu'ils pourront se procurer en s'adressant à :

Institut Méditerranéen des Transports Maritimes C.M.C.I., 2 rue Henri Barbusse - 13241 Marseille Cedex 01 Téléphone : 91.90.17.15 - Télex : 441247 - Fax : 91.90.01.62.

J. BONNAUD

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REVUE DE DROIT COMMERCIAL, MARITIME, AÉRIEN ET DES TRANSPORTS - 1995 135

PRESENTATION DES ANNALES 1995 Avec ce 11° numéro des Annales (1995), nous dessinons le profil de la nouvelle génération de numéros. La structure en sera plus simple, chaque numéro ne sera plus composé que de deux parties, le contenu plus large, tout en restant résolument ancré "maritime". * Pour la première partie des Annales, nous renouons avec la tradition du "Dossier" qui rassemble sur un thème donné plusieurs contributions de professionnels et d'universitaires spécialisés sur le sujet, offrant ainsi différents "points de vue" sur une question donnée. Le thème du Dossier 1995 est "Le rôle maritime des zones d'activités logistiques". L'objectif de ce dossier que nous aurons l'occasion de détailler dans notre introduction est de s'interroger sur l'importance des zones d'activités logistiques "de l'intérieur" (en opposition aux zones logistiques portuaires) dans la définition des chaînes de transport comportant un maillon maritime. - Monsieur le Professeur Pierre Bonassies commence par nous rappeler les dispositions juridiques relatives à la création et à l'exploitation sur les zones d'activités, ainsi qu'à leur régime douanier. Il montre que les aspects juridiques ne peuvent en aucun cas être considérés comme des obstacles "dès lors que la nécessité économique d'une telle zone se fait sentir et qu'il existe une volonté réelle de la mettre en place". Cette nécessité économique ne peut être validée que par les acteurs économiques eux-mêmes, décideurs ou opérateurs du transport international. - Monsieur Jean Chapon, Président de l'Association des Utilisateurs de Transports de Fret, témoigne de l'utilité de ces zones pour les chargeurs et met l'accent sur les conditions du succès de ces zones dans l'organisation du transport international porte-à-porte compte tenu des attentes des chargeurs. - Madame Martine Vidal, Multimodal Manager chez Maersk, dans l'interview qu'elle a bien voulu accorder au représentant de notre Institut, exprime le point de vue d'un armement opérateur de conteneurs et transporteur intégré qui doit donc concilier l'exploitation de lignes maritimes, l'exploitation de moyens de transport terrestres et la gestion d'un parc de conteneurs en proposant à des chargeurs un service porte-à-porte ; les plates-formes portuaires et continentales jouant un rôle déterminant dans la massification des flux de conteneurs (vides et pleins). - Monsieur Philippe Laylle fait part de la politique de la CNC opérateur rail-route dont une part de l'activité concerne le pré et post acheminement de conteneurs maritimes. Il présente le rôle de son réseau national de plates-formes dans l'amélioration de sa productivité d'opérateur et du service offert aux clients chargeurs et opérateurs de conteneurs. - La contribution de Monsieur Jean-Louis Poirier, Managing Director de Concord Freight System, montre comment un opérateur peut proposer un service original (aberrant pour certains) en s'appuyant sur de grandes plates-formes multimodales et en combinant les modes maritimes et aériens "a contrario des flux existants" pour bénéficier des capacités de transport vacantes. L'existence de grandes plaques tournantes de trafic à l'échelle mondiale permet, sinon favorise, ce type d'initiative opportuniste. - En guise de conclusion, Monsieur Elie Le Du, Rédacteur en Chef de la Lettre Confidentielle des Transports, revient aux plates-formes portuaires. Après avoir retracé l'évolution du rôle "logistique" des plates-formes portuaires, notamment françaises, il évoque "la chance de récupérer le traitement des marchandises au lieu de regarder passer les boites". Il indique quelques pistes pour que les ports, dont

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la vocation de zones d'activités logistiques est "naturelle", reconquièrent les opérations qui se font dans les zones d'activités logistiques de l'intérieur. * Dans la seconde partie des Annales, que nous intitulons "Le monde maritime en perspective", nous souhaitons regrouper plusieurs types de contributions : des réflexions autour de questions d'actualité, des informations sur des événements récents, des sujets plus "culturels" qui nous font découvrir des activités ou des sujets maritimes peu ou mal connus, et des contributions plus pédagogiques. Les fidèles des Annales ne manqueront pas de noter qu'à la suite de notre numéro anniversaire, nous consacrons la disparition des rubriques "Questions méditerranéennes" et "Transports maritimes". Loin de nous l'idée de ne plus nous intéresser à ces questions, comme en témoigneront les contributions de ces Annales. Ce choix révèle plutôt une volonté d'ouverture. Les océans communiquent, les questions maritimes sont mondiales, les phénomènes sont liés, aussi si nous privilégions toujours la perspective méditerranéenne ainsi que le transport maritime, il nous semble dangereux de se limiter à ces aspects. Dans le présent numéro, trois contributions proposent des réflexions complémentaires sur un sujet qui n'en finit pas d'être d'actualité et qui nous tient à coeur à l'I.M.T.M. : l'avenir en France de la marine marchande, des ports et de la construction navale. - Le Commandant Fraisse profite du recul qu'il a pris pour nous livrer quelques réflexions. Si, comme il le note lui-même, "tout cela n'est pas bien gai", gageons que son propos alarmiste nous fera tous réfléchir. - Tout comme l'interview que Monsieur Yves Marchand, Député-Maire de Sète et Président du Conseil Supérieur de la Marine Marchande a bien voulu accorder au représentant de notre Institut, qui revient sur les trois aspects en confirmant d'une part les liens entre les trois activités et d'autre part l'importance des choix politique en la matière. - Monsieur Hubert Péri, Président de l'Union Nationale des Industries de la Manutention, apporte un éclairage plus précis sur l'avenir des ports français en faisant le point sur la Réforme de 1992. Il en rappelle la genèse, le principe, évoque son application actuelle et le chemin qu'il reste à parcourir pour obtenir les résultats escomptés, sans cacher que "la voie qui mène au succès est étroite". - Le texte de Monsieur Paul Gavarry, Directeur de l'Institut National de la Plongée Professionnelle, nous entraîne dans le "grand bleu", et nous fait découvrir une activité maritime peu connue : la plongée professionnelle. Il retrace l'histoire de la plongée, en particulier la plongée industrielle, et les innovations technologiques successives qui ont permis à l'homme d'aller toujours plus profond en sécurité. Il évoque l'évolution de la formation des plongeurs professionnels, et le rôle en France de l'I.N.P.P. Il achève son propos en traçant les évolutions futures des métiers de la plongée professionnelle et de son cadre légal, en France mais aussi à l'échelle européenne. - La contribution de Monsieur Patrick Gonon, Chef du Service Réparation Navale et Colis Lourds au Port Autonome de Marseille, rend compte de l'impressionnant chantier qui s'est déroulé dans la forme de radoub n° 10 du P.A.M. d'avril 1994 à l'été 1995 : la construction par le groupement Bouygues d'une barge support flottant en béton précontraint de 220 mètres de long (le plus grand support flottant de sa catégorie dans le monde) pour le compte de la société Elf pour l'exploitation du champ pétrolier de Nkossa au Congo. - La très dense contribution de Mademoiselle Juliette Magd qui a suivi le D.E.S.S. de Droit Maritime et des Transports de l'Université d'Aix-Marseille III en 1993/94, nous apporte une solide information sur les règles gouvernant l'arbitrage maritime à Londres qui est la plus grande place de l'arbitrage maritime. Après nous avoir rapidement rappelé le cadre général de l'arbitrage en Angleterre, elle détaille l'arbitrage maritime en abordant successivement les différentes phases d'une telle procédure. Ce numéro 11 des Annales s'achève sur la liste des mémoires soutenus par les étudiants du D.E.S.S. de Droit Maritime et de Transports de l'Université d'Aix-Marseille III (promotion 1994:95) et la liste des activités et des publications de notre Institut pour l'année universitaire 1994/1995.

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Nathalie FABBE-COSTES

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OUVRAGES RECEMMENT PARUS - Professeur F. BERLINGIERI Time-barred actions, second édition, CMI, Lloyd's of London Press LTD. - Denis BROUSSOLE Le droit des transports de personnes, Que sais-je ? P.U.F. n° 2942, Avril 1995. - Centre de Droit Maritime Faculté de droit et des sciences politiques, Université de Nantes, Annuaire de Droit Maritime, Tome

XIII, 1995 (A. Pédone). - Colin M. de la RUE Liability for damage to the marine environment, CMI, Lloyd's of London Press LTD. - Comité Central des Armateurs de France Annuaire de la marine marchande 1995. - Comité Maritime International Annuaire 1994, Sydney II, Documents de la conférence. - Deen GIBIRILA Le dirigeant de société, statut juridique, social et fiscal. Préface Jean-Pierre Marty, Litec. - Le Guide des Ports Français et d'Afrique Francophone 46° édition 1994/1995, Guides Éditions sarl. - Ph.-J. HESSE, J.-P. BEURIER, P. CHAUMETTE, Y. TASSEL, A.H. MESNARD, R. REZENTHEL Droits Maritimes, Tome I, Mer, Navire et Marins, les Éditions Juris service. - ICC International Maritime Bureau - London Due Diligence, Spécial Report, ICC Publication n° 534. - Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (I.M.T.M.) "Passerelle", Infos IMTM n° 1, juillet 1995 (nouvelle publication). - Jayant ABHYANKAR and S.I. BIJWADIAN Maritime joint ventures, Centre for Maritime Cooperation of the International Chamber of Commerce,

ICC Publication n° 527 (E). - A. SPARKS Steel : Carriage by sea, second edition, Lloyd's of London Press LTD 1995. - Karl-Heinz THUME

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Kommentar zur CMR (commentaire de la CMR), Verlag Recht und Wirtschaft, Heidelberg 1994.