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Droit Déontologie & Soin 13 (2013) 316–323 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Droits des patients Droits sociaux des patients Régis Durand (Barreau de Lyon) 2, rue de Clair, 69009 Lyon, France Disponible sur Internet le 24 septembre 2013 Résumé Chronique d’actualité jurisprudentielle sur les droit sociaux des personnes confrontées à la maladie ou travaillant dans le contexte des établissements de santé. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. 1. Fonctions publiques 1.1. Placement d’office en congé de longue maladie Conseil d’État, 8 avril 2013, n o 341697 Faits Un agent, attaché d’administration de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, exerc ¸ait les fonctions d’intendant dans un collège. À la suite d’un rapport du chef d’établissement faisant état de difficultés dans l’exercice de ses fonctions, le recteur de l’académie de Nice a engagé à son endroit une procédure de placement en congé de longue maladie. À cet effet, il a saisi le comité médical départemental et chargé le médecin de prévention du rectorat d’examiner ce agent. Au vu de l’avis émis par ce médecin le 9 janvier 2008, selon lequel l’état de santé de l’intéressé justifiait « sa mise en congé d’office pour une durée d’un mois, par mesure conservatoire, dans l’attente de l’avis du comité médical départemental sur l’octroi éventuel d’un congé de longue maladie d’office », le recteur a, par arrêté du 10 janvier 2008, placé l’agent en congé d’office pour un mois du 14 janvier au 13 février 2008. Adresse e-mail : [email protected] 1629-6583/$ see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2013.07.007

Droits sociaux des patients

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Droit Déontologie & Soin 13 (2013) 316–323

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Droits des patients

Droits sociaux des patients

Régis Durand (Barreau de Lyon)2, rue de Clair, 69009 Lyon, France

Disponible sur Internet le 24 septembre 2013

Résumé

Chronique d’actualité jurisprudentielle sur les droit sociaux des personnes confrontées à la maladie outravaillant dans le contexte des établissements de santé.© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

1. Fonctions publiques

1.1. Placement d’office en congé de longue maladie

• Conseil d’État, 8 avril 2013, no 341697

FaitsUn agent, attaché d’administration de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur,

exercait les fonctions d’intendant dans un collège.À la suite d’un rapport du chef d’établissement faisant état de difficultés dans l’exercice de ses

fonctions, le recteur de l’académie de Nice a engagé à son endroit une procédure de placementen congé de longue maladie. À cet effet, il a saisi le comité médical départemental et chargé lemédecin de prévention du rectorat d’examiner ce agent.

Au vu de l’avis émis par ce médecin le 9 janvier 2008, selon lequel l’état de santé de l’intéresséjustifiait « sa mise en congé d’office pour une durée d’un mois, par mesure conservatoire, dansl’attente de l’avis du comité médical départemental sur l’octroi éventuel d’un congé de longuemaladie d’office », le recteur a, par arrêté du 10 janvier 2008, placé l’agent en congé d’office pourun mois du 14 janvier au 13 février 2008.

Adresse e-mail : [email protected]

1629-6583/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2013.07.007

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TextesAux termes de l’article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins

agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditionsd’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladiedes fonctionnaires : « (. . .) en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dansl’impossibilité d’exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ».

L’article 34 du même décret dispose : « Lorsqu’un chef de service estime, au vu d’une attestationmédicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l’état de santé d’un fonctionnairepourrait justifier qu’il lui soit fait application des dispositions de l’article 34 (3◦ ou 4◦) de la loidu 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l’examen médical de l’intéressé dans les conditionsprévues aux alinéas 3 et suivants de l’article 35 ci-dessous ».

AnalyseCes dispositions ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonc-

tionnaire et ne sauraient donc par elles-mêmes faire obstacle à ce qu’un fonctionnaire soit placéd’office dans la position dont s’agit dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu’elle lemet dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions.

Ainsi, lorsque l’administration a engagé une procédure de mise en congé de longue maladieconformément à l’article 34 du décret du 14 mars 1986, elle peut, à titre conservatoire et dansl’attente de l’avis du comité médical sur la mise en congé de longue maladie, placer l’agentconcerné en congé d’office lorsque la maladie de l’agent a été dûment constatée et le met dansl’impossibilité d’exercer ses fonctions.

1.2. Accident de service et faute de service

• Cour Administrative d’Appel de Nancy, 2 mai 2013, No 12NC00819

FaitsUne aide-soignante au service psychiatrie du centre hospitalier Bel Air de Charleville-

Mézières, a été victime, le 22 juin 1994, d’une agression commise par un patient hospitalisé danscet établissement. Elle a subi un traumatisme abdominal appuyé au niveau du creux épigastriqueentraînant une symptomatologie douloureuse.

L’intéressée a continué à travailler jusqu’au 1er juillet 1994, puis a été placée en arrêt maladiepour une durée totale de six années au cours desquelles son état de santé s’est dégradé.

Elle a repris son travail au cours de l’année 2000, et a été victime d’une nouvelle agression le20 mai 2008 à la suite de laquelle elle a, à nouveau, été placée en arrêt de travail.

Les deux agressions ont été regardées comme des accidents de service et les arrêts de travailcomme imputables au service.

L’agent demande la condamnation du centre hospitalier Belair à lui verser une indemnité de31 895 euros correspondant à l’ensemble des préjudices résultant, selon elle, des conséquencesdes accidents du travail qu’elle impute à des fautes commises par le centre hospitalier Bel Air,relève appel de ce jugement.

AnalyseSi l’agent soutient que la responsabilité du centre hospitalier Bel Air se trouve engagée à raison

d’un manquement de l’établissement à son « obligation de sécurité », elle n’apporte, à l’appui decette assertion, aucun élément de nature à en établir le bien-fondé.

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La seule circonstance que, postérieurement à l’accident de service du 22 juin 1994, la requéranteait développé une cholécystite de stress post-traumatique nécessitant son placement en arrêt detravail, ne permet pas d’affirmer que la maladie qu’elle a développée serait en rapport avec sonaccident de travail.

L’expert judiciaire indique d’ailleurs dans son rapport qu’il n’existe aucun lien direct et certainentre la maladie lithiasique hépatobiliaire développée postérieurement à l’accident de service etle traumatisme abdominal consécutif à l’agression dont elle a été victime et précise que le coup àl’origine de son placement en arrêt maladie n’a eu qu’un rôle révélateur de l’affection dont souffrel’agent qui se serait de toute facon manifestée, avec la même gravité, à bref délai.

Contrairement aux affirmations de la requérante, la lecture des conclusions des autres rapportsmédicaux établis en 1995 et 1996 à la demande du centre hospitalier Belair ne permettent pasdavantage de conclure avec certitude à l’existence d’un lien entre l’accident et la pathologiegrave et complexe dont elle souffre.

2. Salariat

2.1. Faute inexcusable de l’employeur

• Cass. Civ. 2o, 4 avril 2013, no 12-13600, Publié au bulletin

En droitIl résulte des articles L. 452-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale que, pour engager

la responsabilité de l’employeur, la faute inexcusable commise par celui-ci doit être la causenécessaire de la maladie professionnelle dont est atteint le salarié, laquelle s’entend de la maladiedésignée dans le tableau des maladies professionnelles visé dans la décision de prise en chargede la caisse et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau.

FaitsUn chauffeur de poids-lourds, a été reconnu atteint d’une sciatique par hernie discale, affection

qui a été prise en charge, le 11 août 2005, par la CPAM au titre du tableau no 97 des maladiesprofessionnelles. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement après avoir étédéclaré inapte à son emploi au terme des visites de reprise des 27 novembre et 11 décembre 2006.Il a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une demande d’indemnisation complémentaire eninvoquant la faute inexcusable de son employeur.

AnalyseLe contentieux concerne la maladie du tableau no 97 des maladies professionnelles et non

celle du tableau no 98, soit les affections chroniques du rachis lombaire par la manutentionmanuelle de charges lourdes, retient que toutes les réserves émises par les médecins du travailà compter de l’année 2000 concernaient le port de charges lourdes, que les travaux suscep-tibles de causer la maladie figurant au tableau no 97 sont celles qui exposent habituellementaux vibrations de basses et moyennes fréquences transmises au corps entier lors de l’utilisationou la conduite de certains engins, matériels ou véhicules, notamment la conduite de tracteurroutier et de camion monobloc, et qu’il s’agit d’activités qui, avant la visite de reprise du27 novembre 2006, n’avaient pas fait l’objet de réserves lors des examens des médecins dutravail.

La faute invoquée par le salarié étant étrangère aux causes de la maladie professionnelle dontil est atteint, responsabilité de l’employeur n’était pas engagée.

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2.2. Décès sur le lieu du travail

• Cass. Civ. 2o, 20 juin 2013, no 12-21020

FaitsLe corps inanimé d’un d’agent d’entretien a été découvert le 2 janvier 2008 dans le local où il

devait procéder à l’inventaire du matériel. L’épouse s’est opposée le 6 février 2008 à la demanded’autopsie formulée le 30 janvier 2008 par la CPAM. La caisse ayant refusé de prendre en chargece décès au titre de la législation sur les risques professionnels, Mme X. . . a saisi une juridictionde sécurité sociale d’un recours.

Droit applicableIl résulte de l’article L. 442-4 CSS que le refus opposé par les ayants droit à la demande

d’autopsie formulée par la caisse dans un délai raisonnable leur fait perdre le bénéfice de la pré-somption d’imputabilité. La demande d’accord aux fins d’autopsie de Daniel X. . . a été formuléepar la caisse à sa veuve moins d’un mois après le décès, soit dans un délai raisonnable. Bienqu’avisée des conséquences juridiques de son refus, Mme X. . . a refusé cette autopsie. Il luiincombe en conséquence de rapporter la preuve du lien de causalité entre l’accident et le décèsde son époux.

AnalyseLe médecin désigné aux fins d’examen du corps de Daniel X. . . a conclu que celui-ci était

décédé de mort naturelle, émettant deux hypothèses quant à la cause du décès : une emboliepulmonaire ou un accident coronarien. En sa qualité d’agent d’entretien, il incombait à DanielX. . . de procéder à l’inventaire du matériel, se trouvant dans le local où il a été retrouvé mort. Cetravail ne présentait aucun caractère anormal.

Mme X. . . soutient que son époux, pour se rendre dans ce local, avait dû gravir, à pied, les quatreétages de l’immeuble en raison ce jour-là d’une panne d’ascenseur mais que ces allégations ne sontcorroborées ni par la procédure de police, ni par les déclarations des personnes alors entendues,y compris l’intéressée.

Ayant fait ressortir que la veuve de la victime s’était opposée sans motif valable à la demandede la caisse, de sorte qu’il lui appartenait d’apporter la preuve du lien de causalité entre l’accidentet le décès, la cour d’appel, appréciant souverainement la portée des preuves produites, a puen déduire qu’en l’absence d’un tel lien, le décès ne pouvait être pris en charge au titre de lalégislation professionnelle.

2.3. Temps de pause et rémunération

• Soc, 23 mai 2013, no 12-12134

Une infirmière salariée a saisi la juridiction prud’homale notamment d’une demande en paie-ment d’un rappel de salaire au titre des temps de pause.

Pour débouter la salariée de cette demande, l’arrêt retient que les salariés doivent rester dansl’établissement et conserver leur téléphone bippeur pendant les pauses, qu’ils peuvent être ainsiappelés à tout moment par un malade ce qui a pour effet d’écourter la pause et qu’ils peuventrécupérer ensuite ce temps, la direction n’opérant aucun contrôle. Les salariés témoignent que lapause peut être décalée dans le temps mais est respectée. L’entreprise est un centre de soins de

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suite et de réadaptation et non un centre hospitalier traitant des urgences médicales. Le médecinde l’établissement a témoigné qu’il n’y a normalement pas d’urgence. Dans ces conditions, lacour d’appel a estimé que le personnel bénéficiait de ses pauses qui ne sont pas du temps de travaileffectif.

CassationEn se déterminant ainsi, sans rechercher si, pendant le temps de pause, la salariée pouvait

vaquer à des occupations personnelles, ou bien si elle devait rester à la disposition de l’employeurafin d’assurer la continuité du service, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

3. Droits sociaux

Domicile de référence pour les dépenses d’aide sociale

• Conseil d’État, 15 mai 2013, no 348292

Droit applicableAux termes de l’article L. 122-1 CASF : « Les dépenses d’aide sociale prévues à l’article

L. 121-1 sont à la charge du département dans lequel les bénéficiaires ont leur domicile desecours ».

Aux termes de l’article L. 122-2 du même code : « Nonobstant les dispositions des articles 102 à111 du code civil, le domicile de secours s’acquiert par une résidence habituelle de trois mois dansun département postérieurement à la majorité ou à l’émancipation, sauf pour les personnes admisesdans des établissements sanitaires ou sociaux, ou accueillies habituellement, à titre onéreux ou autitre de l’aide sociale au domicile d’un particulier agréé ou faisant l’objet d’un placement familialen application des articles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3, qui conservent le domicile de secoursqu’elles avaient acquis avant leur entrée dans l’établissement et avant le début de leur séjour chezun particulier. Le séjour dans ces établissements ou au domicile d’un particulier agréé ou dans unplacement familial est sans effet sur le domicile de secours ».

Aux termes de l’article L. 122-3 du même code : « Le domicile de secours se perd :1◦ Par une absence ininterrompue de trois mois postérieurement à la majorité ou à

l’émancipation, sauf si celle-ci est motivée par un séjour dans un établissement sanitaire ou socialou au domicile d’un particulier agréé ou dans un placement familial, organisé en application desarticles L. 441-1, L. 442-1 et L. 442-3 précités ;

2◦ Par l’acquisition d’un autre domicile de secours ».Pour l’application de ces dispositions, l’admission et le séjour dans un établissement sanitaire

ou social impliquent nécessairement que l’intéressé soit hébergé effectivement dans un tel établis-sement. La prise en charge par un service d’accompagnement à la vie sociale concomitante à lalocation d’un logement autonome, alors même que ce logement appartient à l’association gérantle service, ne peut être assimilée à un tel hébergement.

AnalyseUn homme qui résidait auparavant à Paris, a été pris en charge à compter du 24 novembre

2008 par le service d’accompagnement à la vie sociale géré par l’association « Les Amis del’Atelier » et a conclu un bail à effet du même jour avec cette association, pour louer une chambredans un appartement indépendant, partagé avec d’autres personnes handicapées, dont elle estpropriétaire à Antony, dans le département des Hauts-de-Seine.

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Ce bail ne comporte aucune clause permettant d’assimiler la prise en charge par le serviced’accompagnement à la vie sociale à une admission dans un établissement sanitaire ou social.Dès lors, le requérant a acquis un domicile de secours dans les Hauts-de-Seine à compter du24 février 2009, après trois mois de résidence habituelle dans ce département.

Le département de Paris est, par suite, fondé à demander que le domicile de secours soit, àcompter de cette date, fixé dans le département des Hauts-de-Seine.

4. Maltraitance

4.1. Maltraitance ou cabale ?

• Crim., 9 avril 2013, no 12-83173

FaitsMme X. . . est arrivée en 2005, en qualité d’infirmière-cadre, dans l’EHPAD géré par

l’association Saint-Jean. Elle a été licenciée, après une mise à pied conservatoire du 22 septembre2008, son employeur lui reprochant des faits de maltraitance envers les pensionnaires et, de faconplus générale, un comportement et plus spécialement un langage non tolérable.

La prévenue est poursuivie pour violences n’ayant entraîné aucune incapacité totale de travail,sur des personnes vulnérables en raison de leur âge, la citation visant six victimes.

Examen des griefsAu-delà de différentes attestations établies dans le cadre du litige prud’homal (et comportant

pour presque toutes la mention « à la demande de l’employeur ») l’accusation s’appuie sur desauditions par les services de gendarmerie, de six employés ou stagiaires « sélectionnés » par leparquet. Il convient de reprendre celles-ci en les rattachant aux possibles victimes, étant observéque l’éventuel langage grossier de la prévenue (non établi) ne saurait constituer des violencesmais, tout au plus, des injures, non poursuivies, dès lors qu’il n’est pas soutenu que celles-ciauraient impressionné les « victimes ».

Les violences, caractérisées par des gifles, sur Mme Z. . . ne sont pas contestées par la prévenuemais celle-ci explique qu’il s’agissait d’un geste médical, cette vieille dame étant en train de faireun accident vasculaire. Cette circonstance particulière est reconnue par les deux seuls témoinsqui accusent Mme X. . ., par ailleurs, une attestation médicale confirme que ce geste, en dépit desa violence apparente, était adapté. Il n’est donc pas possible de retenir la prévenue dans les liensde la prévention pour ce fait.

En ce qui concerne Mme A. . ., les deux scènes de violence, relatées par deux seuls témoignages,sont, pour l’une, expliquée par un malaise de la pensionnaire, pour l’autre, niée. Il convient deremarquer que, pour cette scène, l’accusatrice ne dit pas avoir vu les violences mais les avoir« entendues ». Cette déclaration non précise et non confortée par d’autres dires, ne peut, face àdes dénégations constantes, emporter la conviction de la cour.

En ce qui concerne les violences sur Mme B. . ., il ressort des trois témoignages en faisantétat, qu’il s’agissait en réalité de scènes où la prévenue essayait, en la maintenant et en latirant, d’empêcher cette pensionnaire, qu’elle décrit comme boulimique, d’entrer dans la salleà manger avant le repas et, à l’intérieur de la salle, de manger la nourriture des autres pension-naires. Cette explication, plausible, n’est contredite par aucun élément et elle ne peut donc êtreadmise.

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En ce qui concerne les violences sur Mme C. . ., celles-ci ne sont rapportées que par un seuldes témoins entendus par les services de gendarmerie, qui affirme qu’une fois la prévenue luia mis une gifle pour la réveiller en disant qu’il fallait les stimuler de cette facon. Ce fait estcontesté par la prévenue et, assez curieusement, l’accusatrice indique qu’elle pense que ce gesteétait volontaire. Cette précision inattendue permet de s’interroger sur le contexte de l’éventuellegifle qui, a priori, est volontaire par nature sans avoir à se poser la question ; qu’en tout cas, cetémoignage unique ne cadre pas avec la description donnée par l’ensemble des accusateurs d’uneprévenue habituellement et régulièrement violente, et ne peut, compte tenu de sa réserve, servirde base à une condamnation.

En ce qui concerne les violences sur X. D. . ., celles-ci ne sont rapportées que par un seultémoin qui fait état d’une scène au cours de laquelle la prévenue, en réponse à une gifle de lapensionnaire qui ne voulait pas prendre son médicament, a, à son tour, donné une gifle. Cettescène, qui se serait passée dans des conditions malgré tout particulières, est niée par la prévenueet rien ne permet d’affirmer qu’elle a eu lieu.

Restent les violences sur M. E. . . qui sont rapportées par un seul témoin ; celui-ci affirme que laprévenue a frappé ce pensionnaire car il ne voulait pas manger ; Mme X. . . nie ce fait en avancantun argument qui paraît logique, à savoir, que, dans le cadre de son activité d’infirmière-cadre, ellen’était pas chargée de donner le repas aux pensionnaires.

En dehors même de ces violences physiques, servant de fondement aux poursuites, il appa-raît que le contexte général décrit par les différents témoins sollicités par l’employeur, n’est pasidentique à celui décrit par les témoins de la prévenue, que ceux-ci soient des parents de pen-sionnaires, des employés de l’établissement ou des intervenants réguliers, comme le sont lescinq médecins qui ont témoigné en faveur de la prévenue. En effet, ceux-ci excluent tout acte deviolence et insistent, au contraire, sur l’implication de la prévenue dans le bon fonctionnementde l’établissement, au point de bousculer certaines pratiques. Sur ces points, le témoignage del’ancienne directrice de l’EPHAD est parfaitement clair et souligne qu’une partie du personnelacceptait mal la volonté, peut être exprimée autoritairement, de la prévenue de réorganiser letravail.

Ces dires donnent du crédit à l’explication, avancée par la prévenue, d’une cabale contre elle,orchestrée par certaines employées. De même, un témoin (Mme F. . .), affirme qu’elle a aussi étévictime, en avril 2008, par certains collègues, d’accusations mensongères de mauvais traitements,non suivies d’effets ; que, force est, dès lors, de constater, comme l’ajustement fait le tribunal,qu’il existe un doute sérieux sur la culpabilité de la prévenue. Ce doute ne peut que lui profiteret, par suite, la décision de relaxe et d’irrecevabilité des parties civiles en leur demande, ne peutqu’être confirmée.

4.2. Maltraitance par un infirmier

• CAA Nantes, 26 avril 2013, no 11NT02003

Un infirmier en poste au centre hospitalier de L’Aigle a fait l’objet d’une sanction disciplinaired’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 24 mois assortie d’un sursis de 12 moisinfligée par le directeur de cet établissement.

Il ressort des pièces du dossier que l’infirmier a adopté une attitude brutale et tenu des proposdéplacés à l’encontre d’une patiente âgée, hospitalisée le 22 mai 2010 pour subir une opérationchirurgicale le lendemain. Par ces agissements, dont la matérialité est établie nonobstant les brèves

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attestations dont il se prévaut et alors même qu’il a déposé une plainte pour fausses déclarations,l’infirmier a porté atteinte à l’intimité, à la dignité et à la sécurité de la patiente qui lui était confiée.

Au regard de cette faute, particulièrement grave compte tenu de la vulnérabilité de la personneintéressée, le directeur du centre hospitalier de L’Aigle n’a pas, en infligeant au requérant lasanction d’exclusion des fonctions pour une durée de 24 mois avec 12 mois de sursis, prononcéune sanction manifestement disproportionnée.