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Témoignages LES 10 ANS DE LA LOI du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées Liberté Égalité... Citoyenneté ?

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Témoignages

LES 10 ANS DE LA LOI du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Liberté

Égalité...

Citoyenneté ?

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liberté, égalité... citoyenneté ?

LES 10 ANS DE LA LOI du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

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Laurence TiennoT-HermenT,PrésidenTe de L’afm-TéLéTHon

A l’aube du XXIe siècle, faire évoluer

notre société vers une réelle

citoyenneté des personnes en

situation de handicap était urgent. Depuis près

de trente ans, nous vivions avec la loi de 1975 qui,

n’était plus adaptée aux attentes et aux besoins

des personnes en situation de handicap et de

leurs familles. Signe éclatant de cette volonté

de changement, la grande manifestation de

mai 1999 que nous avions organisée avec l’APF.

Elle avait rassemblé plus de 25 000 personnes

autour d’une revendication prioritaire : Citoyens

à part entière ! Un temps fort de notre combat

qui avait permis d’affirmer les enjeux qui étaient

les nôtres en matière de citoyenneté..

N otre société se devait de changer

de regard sur les personnes en

situation de handicap. Pour

cela, il fallait une profonde modernisation de

la loi, prenant en compte les concepts de

l’Organisation Mondiale de la Santé, notamment

le rôle de l’environnement comme élément

déterminant de la situation de handicap. Il

fallait sortir de l’assistanat, du cantonnement

à l’aide sociale… Mettre au cœur de la loi, la

personne, son projet de vie et ses besoins ainsi

que l’exercice de droits individuels, nécessaires

pour une citoyenneté pleine et entière. En ce

sens, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des

droits et des chances, la participation et la

citoyenneté des personnes handicapées, si elle

n’était pas parfaite, a représenté un véritable

tournant pour notre société et un bond en avant

pour les personnes en situation de handicap,

particulièrement pour les plus dépendantes

d’entre elles.

A insi, la loi de 2005 affirme que doit

être garanti à toute personne en

situation de handicap - y compris

celle qui « ne peut exprimer seule ses besoins »

- « l’accès aux droits fondamentaux reconnus

à tous les citoyens ». C’est-à-dire les soins, le

dépistage, la prévention, la formation scolaire

et professionnelle, l’emploi, le logement, les

déplacements, une protection juridique,

les loisirs et sports, le tourisme, la culture, les

technologies de l’information, la liberté du choix

de vie et « la compensation des conséquences

de son handicap ».

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E n instaurant la prestation de

compensation, elle a ainsi traduit

dans les faits le droit à compensation

inscrit dans la loi de modernisation sociale de

janvier 2002. Un droit nouveau dont les principes

avaient émergé dès le milieu des années 90 au

sein de notre association et pour lequel nous

n’avions jamais cessé de militer. La prestation

de compensation doit prendre en compte les

surcoûts liés aux incapacités de la personne

afin de lui permettre le plein exercice de sa

« capacité d’autonomie ». Elle doit couvrir

les besoins en aides humaines, en aides

techniques, l’aménagement du logement

ou du véhicule, l’acquisition ou l’entretien de

produits liés aux situations de handicap, les

aides animalières… Elle permet également de

rémunérer directement un ou plusieurs salariés

ou de dédommager un aidant familial. Et

surtout, elle doit prendre en compte les besoins

des personnes en fonction de leur projet de

vie. Une équipe pluridisciplinaire est chargée

d’évaluer les besoins de compensation sur

la base d’un « référentiel », des souhaits de

la personne en situation de handicap et de

« ses choix de vie » et doit proposer un plan

personnalisé y répondant... On sortait, enfin,

des barèmes et des classifications pré-établies

pour une prise en compte individualisée !

A utre point fort de la loi de 2005, elle

inscrit l’obligation pour le service

public de l’éducation d’accueillir

les enfants en situation de handicap en milieu

ordinaire « dans l’école ou dans l’établissement

le plus proche de son domicile ». Ce retour à

la « carte scolaire » était sans aucun doute l’un

des moyens les plus sûrs de faire évoluer le

milieu scolaire et les collectivités territoriales. La

présence d’enfants en situation de handicap

dans les écoles, collèges, lycées, universités,

pour laquelle les plus anciens de notre

association ont longtemps bataillé, change

la donne en profondeur ! Enfants, étudiants,

parents, professionnels, élus… tous ont pu

découvrir l’évidence : la différence est un

enrichissement et un atout pour la société.

l a créat ion des Maisons

Départementales des Personnes

Handicapées (MDPH), guichet

unique pour l’accès aux droits et aux

prestations, est également une avancée de

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la loi de 2005. Sa promesse : réduire le nombre

de guichets et d’interlocuteurs institutionnels qui

constituait jusqu’alors un véritable « parcours du

combattant » et réduire les délais de traitement

des demandes. Innovation institutionnelle : les

représentants des personnes en situation de

handicap siègent au sein des instances de

gouvernance de ces maisons départementales

et peuvent ainsi faire entendre leur voix mais

également influer sur les décisions et l’orientation

globale des politiques mises en œuvre. Les

personnes concernées au cœur du système :

un exemple de démocratie dont il serait bon

de s’inspirer plus souvent et que les personnes

en situation de handicap défendront avec

vigueur !

A lors, malheureusement, entre

les textes et la réalité, entre les

principes et les contingences

pratico-financières, il y a encore une marge… Et

parfois des fossés qui s’agrandissent de jour en

jour. Dix ans après, quel bilan peut-on tirer de la

loi de 2005 ? Nous avons choisi, dans ce livre, de

donner la parole à des personnes concernées,

pour certaines adultes au moment de l’adoption

de la loi, pour d’autres ayant grandi avec elle.

À travers ces témoignages, nous ne prétendons

pas à l’exhaustivité ou à un bilan « scientifique »

de la loi. Nous voulions d’abord faire partager

des parcours de vie et montrer la richesse des

capacités des personnes que l’on qualifie de

dépendantes. Ces témoignages montrent le

chemin parcouru depuis 2005 et le tournant

qu’a représenté cette loi sans laquelle aucun

de ces projets de vie n’aurait été possible. Ils

incarnent une aspiration à la liberté et à la

citoyenneté que notre société doit entendre.

M ais ces témoignages montrent

aussi les défis - nombreux - qu’il

nous faut aujourd’hui relever.

Au-delà des grands principes, de nombreux

« réglages techniques » étaient nécessaires pour

que les objectifs de la loi soient pleinement

atteints. Ils n’ont malheureusement jamais

eu lieu. Et pourtant, derrière d’austères

grilles, tarifs ou référentiels inadaptés, ce sont

souvent des freins à la citoyenneté et des

projets de vie ralentis ou amputés. Le choc

de simplification et d’efficacité administrative

tant espéré par les personnes et leurs familles

n’a pas eu lieu ! Les délais de traitement des

demandes sont, le plus souvent, démesurés

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et totalement incompatibles avec les besoins

des personnes. Le parcours du combattant est

encore une réalité quotidienne… Le principe

d’égalité de traitement sur le territoire, dont

l’État devait être le garant, est bafoué tous les

jours. Concrètement, votre projet de vie, vos

besoins, seront plus ou moins pris en compte

en fonction du département où vous vous vivez.

C’est intolérable !

A ujourd’hui, nous constatons de

réels retours en arrière contre

lesquels nous devons lutter avec

force. Avec la crise, les avancées obtenues

grâce à la loi de 2005 sont menacées. Tout est

prétexte à les remettre en question. Les Conseils

généraux rognent de tous les côtés. La question

du financement de la compensation est

tellement explosive qu’elle a été écartée de la

dernière Conférence Nationale du Handicap…

M ais le principal retour en

arrière est celui de la mise en

accessibilité de notre société.

Aux retards accumulés depuis 10 ans, s’ajoutent

aujourd’hui non seulement le renoncement

aux objectifs de la loi 2005 mais aussi certaines

aggravations par rapport à la situation

antérieure. Alors que nos enfants peuvent,

malgré les difficultés, accéder à l’école de

la République, être formés, avoir un emploi,

pour autant, ils ne peuvent pas, comme tout

le monde, se rendre au cinéma, au restaurant,

dans une boulangerie, dans nos musées ou

tout simplement aller chez le médecin. Il faut

le réaffirmer : la participation à la vie sociale

n’est pas optionnelle ! Elle est constitutive de

la citoyenneté au même titre que le droit à

compensation, le droit à la scolarité, à la

formation et à l’emploi !

D ix ans après la loi de 2005, le combat

continue. Nous nous battrons pour

que les personnes en situation de

handicap restent au cœur des dispositifs,

dans le cadre d’une approche globale de la

personne. Nous continuerons à marteler que

chaque projet de vie doit être pris en compte

dans sa globalité. Nous nous battrons pour

continuer à faire progresser notre société. Pour

que la devise inscrite au fronton de nos mairies

soit une réalité pour tous les citoyens de ce pays.

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Loi Pour L’égaLiTé des droiTs eT des cHances, La ParTiciPaTion eT La ciToyenneTé des Personnes HandicaPées du 11 février 2005

arT. 1er « TouTe personne handicapée a droiT à la solidariTé de l’ensemble de la collecTiviTé naTionale, qui lui garanTiT, en verTu de ceTTe obligaTion, l’accès aux droiTs fondamenTaux reconnus à Tous les ciToyens ainsi que le plein exercice de sa ciToyenneTé. »

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liberté, égalité...

« La loi est arrivée au bon moment pour m’aider à réaliser mon projet le plus cher : vivre pleinement ma vie de femme malgré le handicap. »

« Plus l’on s’approche de quelque chose qui pourrait bien fonctionner, plus il est énervant de constater que ça ne fonctionne pas encore parfaitement ! »

« Ce ne sont plus les personnes valides qui parlent en notre nom. L’expérience prouve que l’on est davantage entendu quand on pointe un problème par lequel on est concerné. »

« L’accessibilité reste l’un des principaux points noirs du bilan de la loi de 2005. Beaucoup de personnes dont je fais partie, sont révoltées par le report de la mise en accessibilité des lieux publics. »

« Nous avons le droit de mener une vie ordinaire ! Je pense, et j’espère que, pour les jeunes générations, ça sera de plus en plus une évidence. »

« Avant 2005, c’était la préhistoire. Nous avons fait un bond en avant considérable, mais il reste beaucoup à faire pour que la loi soit réellement appliquée sur tout le territoire. D’un département à l’autre, l’interprétation de la loi varie, laissant place à d’énormes disparités. »

Véronique, 34 ans

Ginette, 61 ans

Damien, 43 ans

Marie-Antoinette, 35 ans

Michel, papa d’Alexandre, 30 ans, Antoine, 27 ans, et Matthieu, 22 ans

Johann, 34 ans

citoyenneté ?

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P our moi, l’acquis essentiel de la loi de 2005, c’est le droit à compensation des surcoûts liés au handicap

et, en particulier, la reconnaissance et le financement des besoins en aides humaines. C’est pour cela que nous nous sommes battus. Tout à coup, nous sommes passés de la cour des miracles au troisième millénaire.

A vant 20 0 5, l ’A l l oca t ion Compensatrice pour Tierce Personne (ACTP) finançait au

maximum trois heures d’aide humaine par jour. Les adultes en situation de handicap lourd n’avaient pas la possibilité d’être indépendants : ou ils restaient chez leurs parents, mais leurs aidants familiaux étaient très sollicités, ou ils allaient en établissement spécialisé. Le choix de vie n’existait pas. Personnellement, j’avais la chance de pouvoir travailler à plein temps, mais une part importante de mon salaire passait dans mes aides humaines. Et encore… Je faisais appel à des étudiants en médecine et j’avais honte du piètre niveau de rémunération que je pouvais leur donner. On était sans cesse obligé de quémander, c’était le Moyen-Âge !

« Nous sommes passés de la cour des miracles au troisième millénaire ! C’est un progrès considérable même si la mise en pratique reste complexe. »

Patrick Bernuchon

,

62 ans

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A vec le droit à compensation, on a retrouvé notre dignité. La loi a posé un cadre. Le besoin en

aide humaine 24 heures sur 24 peut être reconnu. C’est un progrès considérable, même si la mise en pratique reste complexe. Les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) accordent difficilement du 24 heures sur 24, il n’est pas évident de trouver des aidants qualifiés et fiables, le métier d’auxiliaire de vie est insuffisamment reconnu, mal payé, la rémunération est identique qu’il s’agisse d’accompagner une personne conservant une certaine autonomie ou une personne très dépendante et trachéotomisée… Et, surtout, les inégalités se creusent entre les départements qui appliquent réellement le droit à compensation et les départements qui ont tendance à tailler à vif, en particulier dans les aides humaines. Un gros travail de revendication doit nous conduire à la compensation totale. Ne lâchons rien !

l a présence des associations représentatives des personnes handicapées au sein de la

Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées et de la

Commission exécutive des MDPH est un autre acquis très important de la loi, qu’il faut veiller à préserver : nous participons aux décisions qui nous concernent.

E n revanche, l’accès à l’emploi a peu progressé. Quant à l’accessibilité des transports et

des établissements recevant du public, elle demeure très variable. Dans le neuf, il y a un vrai progrès, mais sur l’existant, c’est un échec. La société n’a pas intégré cette nécessité. Malgré tout, les personnes handicapées peuvent se déplacer beaucoup plus facilement qu’avant. Aujourd’hui, à Tours, où j’habite, il existe un service de minibus adaptés de porte à porte, qui est très fiable, au prix d’un ticket de bus ; les cinémas sont accessibles et, pour beaucoup d’entre eux, gratuits pour la tierce personne qui m’accompagne. J’ai accès à une vie culturelle et sociale, une vie de citoyen à part entière, et c’est un changement fondamental.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 11 « La personne handicapée a droit à La compensation des conséquences de son handicap queLs que soient L’origine et La nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie. cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’iL s’agisse de L’accueiL de La petite enfance, de La scoLarité, de L’enseignement, de L’éducation, de L’insertion professionneLLe, des aménagements du domiciLe ou du cadre de travaiL nécessaires au pLein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie, du déveLoppement ou de L’aménagement de L’offre de service, permettant notamment à L’entourage de La personne handicapée de bénéficier de temps de répit, du déveLoppement de groupes d’entraide mutueLLe ou de pLaces en étabLissements spéciaLisés, des aides de toute nature à La personne ou aux institutions pour vivre en miLieu ordinaire ou adapté […]. »

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À 17 ans, je me suis installée dans mon appartement à Bordeaux, en face de l’IUT

d’informatique où je venais de m’inscrire. J’aurais pu prendre une chambre dans un établissement spécialisé, mais l’idée d’être regroupés entre jeunes handicapés ne me plaisait pas. En plus, les moins de 18 ans devaient être couchés à 22 h ! J’ai préféré faire une demande de Prestation de Compensation du Handicap (PCH) et d’Allocation Adulte Handicapé (AAH) pour pouvoir vivre de façon autonome. Ça n’a pas été simple : l’AAH n’est normalement attribuée qu’à partir de 20 ans, sauf si la personne vit seule, mais la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) n’avait jamais eu le cas. Et il a fallu batailler pour avoir droit à un second lit médicalisé, car j’en avais déjà un chez mes parents. Mais, finalement, j’ai obtenu l’AAH et la PCH pour 18 heures d’aide humaine par jour, l’aménagement d’une douche accessible et la location d’un lit médicalisé.

« Ce n’est pas parce que je serai en stage à l’étranger que je vais subitement me mettre à marcher ! »

Laëtitia Ouillade,

21 ans (à gauche)

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H ormis ces quelques difficultés initiales, je n’ai pas vraiment rencontré d’obstacles. À

l’Université, il y a un service appelé « Phase », chargé des étudiants qui ont besoin d’aménagements spécifiques, qu’il s’agisse de personnes malades, en situation de handicap, de sportifs de haut niveau ou d’artistes confirmés. Il suffit d’appeler ou d’envoyer un mail, ce service s’occupe de tout. Par exemple, si un cours est prévu dans une salle non accessible, il en fait changer. Il m’a également aidée à trouver un stage de trois mois en deuxième année.

A ujourd’hui, je prépare un diplôme d’ingénieur et mon nouveau défi est de réaliser mon

prochain stage en entreprise à l’étranger. L’école le recommande et j’ai envie d’aller aux États-Unis. La question, c’est : comment financer des auxiliaires de vie sur place ? Pour l’instant, la MDPH me répond qu’il est possible de suspendre la PCH pendant les trois mois du stage et de la remettre en

vigueur à mon retour. Mais ce n’est pas parce que je serai à l’étranger que je vais subitement me mettre à marcher !

E n attendant, je profite pleinement de la vie étudiante, j’ai beaucoup d’amis et je sors régulièrement. Le

tram est accessible et je vérifie avant sur Internet si les lieux où je vais le sont, car il s’agit souvent d’endroits où les personnes handicapées n’ont pas trop l’habitude de se rendre : des bars, des boîtes de nuit… Généralement, j’y vais sans mon auxiliaire de vie. Si besoin, mes amis m’aident. Aujourd’hui, les jeunes sont plus habitués au handicap. Ce qui reste un peu tabou, ce sont les relations amoureuses : les garçons s’imaginent rarement sortir avec une fille en fauteuil… Heureusement, certains me disent que je casse leur image du handicap !

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 20 « Les étabLissements d’enseignement supérieur inscrivent Les étudiants handicapés ou présentant un troubLe de santé invaLidant, dans Le cadre des dispositions régLementant Leur accès au même titre que Les autres étudiants, et assurent Leur formation en mettant en œuvre Les aménagements nécessaires à Leur situation dans L’organisation, Le dérouLement et L’accompagnement de Leurs études. »

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l orsque j’ai voulu m’inscrire à la faculté de pharmacie en 1998, le médecin du service médical de

l’université a tout fait pour me décourager : la première année était une année de concours, ce serait très dur, il ne fallait pas m’engager dans des études longues si je n’étais pas sûre de trouver du travail, etc. Pour finalement conclure : « Pourquoi ne pas faire un BTS, mademoiselle ? » Ensuite, en master, j’ai eu plus de difficultés que les autres à décrocher un stage. J’avais des réponses du type : « Le manager n’a pas voulu imposer une personne handicapée à son équipe ! » À l’issue de mes études, j’ai eu un peu peur d’avoir du mal à trouver un emploi. En fait, je n’ai eu aucun problème. J’ai été recrutée par un grand groupe qui, à l’époque, avait déjà des accords avec l’Agefiph.

c e que la loi de 2005 a changé pour moi ? D’abord et avant tout la possibilité d’engager une assistante

de vie qualifiée. Je vis seule depuis que je suis étudiante. Pendant des années, je me suis débrouillée avec des étudiantes le soir pour m’aider et mes parents étaient très présents. J’avais l’Allocation

« Sans la loi de 2005, je n’aurais pas la vie et l’autonomie que j’ai aujourd’hui. »

Véronique Sabot,

34 ans

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Compensatrice pour Tierce Personne (ACTP), mais ce n’était pas suffisant. Depuis 2006, j’ai une auxiliaire de vie chaque jour de 19h à 8h et deux week-ends par mois. Les autres week-ends, je vais chez mes parents. Ce n’est pas encore optimal, car le taux horaire financé par la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est un peu juste pour trouver facilement un aidant professionnel, surtout en région parisienne. Mais sans cette avancée, je n’aurais pas la vie et l’autonomie que j’ai aujourd’hui. La loi a également simplifié les démarches administratives. La dernière fois que j’ai renouvelé mon fauteuil roulant, c’était juste avant la loi. Il avait fallu envoyer de multiples courriers pour trouver des financements. Je dois de nouveau le changer et il n’y a plus qu’un dossier à faire. En revanche, les délais de traitement demeurent très longs. J’ai déposé mon dossier en mai 2014 : en décembre, je n’avais toujours qu’un accusé de réception !

A ujourd’hui, pour moi, le principal obstacle à une citoyenneté pleine et entière

reste l’accessibilité des lieux publics et des transports. Je suis une cliente comme les

autres, pourtant beaucoup de magasins me sont interdits. En banlieue, tous les bus sont encore loin d’être accessibles. Quand je vais à Paris, je ne peux pas utiliser ma voiture parce qu’il me faut deux places pour la garer. Je prends le RER, mais je ne compte plus les fois où je dois faire tout un circuit dans Paris parce que l’ascenseur de la station où je voulais descendre est en panne ! Je vis le plus normalement possible, mais je ne devrais pas avoir à prévoir une marge énorme pour arriver à l’heure en raison des aléas des transports, ni à vérifier sur internet si le lieu où je vais est accessible.

S i je regarde dix ans en arrière, c’est vrai que les progrès sont très importants. Sans la loi de 2005,

je n’aurais pas la vie et l’autonomie que j’ai aujourd’hui. Mais plus l’on s’approche de quelque chose qui pourrait bien fonctionner, plus il est énervant de constater que ça ne fonctionne pas encore parfaitement !

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 12 « L’éLément [aide humaine] est accordé à toute personne handicapée soit Lorsque son état nécessite L’aide effective d’une tierce personne pour Les actes essentieLs de L’existence ou requiert une surveiLLance réguLière, soit Lorsque L’exercice d’une activité professionneLLe ou d’une fonction éLective Lui impose des frais suppLémentaires.Le montant attribué à La personne handicapée est évaLué en fonction du nombre d’heures de présence requis par sa situation et fixé en équivaLent-temps pLein, en tenant compte du coût réeL de rémunération des aides humaines en appLication de La LégisLation du travaiL et de La convention coLLective en vigueur. »

Art. 64 « une équipe pLuridiscipLinaire évaLue Les besoins de compensation de La personne handicapée et son incapacité permanente sur La base de son projet de vie et de références définies par voie régLementaire et propose un pLan personnaLisé de compensation du handicap. »

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P our moi, l’avancée la plus tangible a concerné les aides humaines. Pour la première fois, mes besoins

ont vraiment été pris en compte. Avant, je n’avais droit qu’à trois heures par jour, alors qu’il me fallait une tierce personne 24 heures sur 24. Pour les 21 heures restantes, il fallait bricoler, trouver des arrangements avec des aidants en leur versant un dédommagement et faire beaucoup appel à mes parents.

A ujourd’hui, j’ai quatre assistants de vie en emploi direct qui se relaient jour et nuit tout au long

de la semaine. Je suis beaucoup plus autonome, je peux sortir, faire des projets… Mon quotidien s’est énormément amélioré. Tout n’est pas parfait. Par exemple, la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) ne couvre pas les indemnités de licenciement lorsqu’il faut se séparer d’un assistant de vie en emploi direct. De plus, le tarif horaire étant unique et fixe, il est difficile d’augmenter ses aidants et donc de les fidéliser. Par ailleurs, il faudrait que les personnes choisissant de faire appel à l’emploi direct puissent avoir

« L’accessibilité reste l’un des principaux points noirs du bilan de la loi de 2005. »

Damien Birambeau,

43 ans

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accès à une formation : où et comment recruter des assistants de vie ? Comment les responsabiliser ? Quels sont les droits des salariés, les obligations du particulier employeur ? Et, malgré la mise en place des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), il reste souvent difficile d’accéder aux dispositifs prévus par la loi sans l’appui des référents parcours de santé de l’AFM-Téléthon, ce qui n’est pas normal. Pour autant, sans le droit à compensation, aujourd’hui je serais sans doute en institution, ou en tout cas dans une situation très précaire car mes parents n’auraient pas pu continuer à assumer.

l a loi de 2005 a eu une autre retombée dans ma vie, indirecte mais majeure. Elle m’a permis

de réaliser un projet qui me tenait depuis longtemps à cœur : la création de l’association jaccede.com, qui milite pour l’accessibilité universelle et réalise un guide collaboratif des lieux publics accessibles aux personnes à mobilité réduite. L’accessibilité reste l’un des principaux points noirs du bilan de la loi de 2005. Beaucoup de personnes, dont je

fais partie, sont révoltées par le report de la mise en accessibilité des lieux publics, malheureusement devenu inévitable tant le retard pris est important. Je crois qu’il n’y a pas eu suffisamment de communication à l’égard des citoyens, qui n’ont pas identifié à quel point l’accessibilité est bénéfique pour tous : personnes handicapées, mais aussi personnes âgées ou temporairement immobilisées, femmes enceintes… Pour moi, la situation n’évoluera que si la société dans son ensemble se sent concernée et que l’accessibilité devient un enjeu électoral.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 41 « Les dispositions architecturaLes, Les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des Locaux des instaLLations ouvertes au pubLic et des Lieux de travaiL doivent être teLs que ces Locaux et instaLLations soient accessibLes à tous, et notamment aux personnes handicapées, queL que soit Le type de handicap, notamment physique, sensorieL, cognitif, mentaL ou psychique […]. » Art. 45 « La chaîne du dépLacement, qui comprend Le cadre bâti, La voirie, Les aménagements des espaces pubLics, Les systèmes de transport et Leur intermodaLité, est organisée pour permettre son accessibiLité dans sa totaLité aux personnes handicapées ou à mobiLité réduite.dans un déLai de dix ans à compter de La date de pubLication de La présente Loi, Les services de transport coLLectif devront être accessibLes aux personnes handicapées et à mobiLité réduite. »

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Michel Bonnaire, papa

d’Alexandre, 30 ans, Antoine,

27 ans, et Matthieu, 22 ans

« Avant 2005, c’était la préhistoire. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que la loi soit réellement appliquée sur tout le territoire. »

é galité des droits et des chances, par ticipation, citoyenneté… L’esprit de la loi de 2005 répond

parfaitement à nos attentes. En dix ans, nous avons constaté des améliorations majeures, notamment dans la prise en charge des aides humaines, mais aussi dans celle des aides techniques. Mon fils aîné, Alexandre, a été le premier à avoir besoin d’un fauteuil roulant électrique. C’était avant 2005 et nous n’avions rien obtenu du dispositif censé s’occuper du financement du reste à charge après remboursement de la Sécurité sociale. Mes autres fils, qui ont eu un fauteuil roulant plus tard, ont bénéficié de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) et de financements complémentaires. Le reste à charge était nettement moindre.

l a scolarisation des jeunes en primaire et en secondaire a beaucoup progressé aussi,

grâce à la mise en place d’enseignants référents, à la possibilité d’avoir un auxiliaire de vie scolaire, etc. Mes fils en ont profité. En revanche, quand Antoine s’est inscrit en licence d’informatique, il y a cinq ans, rien

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n’avait encore changé. L’université ne lui a accordé que 60 heures d’aide humaine sur l’année ! Il a fallu qu’il se passe d’auxiliaire de vie à domicile et qu’il utilise sa PCH pour payer les services d’un étudiant chargé de l’aider en cours.

A utre avancée majeure : comparé au flou artistique qui prévalait avant 2005,

nous avons maintenant des textes sur lesquels nous appuyer pour faire valoir nos droits. Car, hélas, il faut souvent se battre pour les faire valoir. Et c’est là que le bât blesse. D’un département à l’autre, l’interprétation de la loi varie, laissant place à d’énormes disparités. Certaines Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), dont la mienne, ne jouent pas ou plus le jeu. Ainsi, mes fils ont tous à peu près le même degré d’atteinte. Pourtant, quand Alexandre a demandé la PCH pour avoir des aides humaines, il a obtenu moitié moins d’heures qu’Antoine : l’évaluation n’était plus fondée sur ses besoins réels mais sur des critères comptables. De même, il a fallu que, mon dernier fils, Matthieu, chute dans

l’escalier et que je menace d’attaquer la MDPH pour que ma demande de financement pour installer un monte-escalier et aménager la salle de bains trouve enfin un écho au bout de deux ans et demi. Enfin, la MDPH n’a jamais sollicité elle-même des financeurs autres que le Conseil général pour compléter la PCH, ni suivi si les aides accordées nous étaient bien versées, missions que la loi lui avait pourtant assignées.

A vant 2005, c’était la préhistoire. Nous avons fait un bond en avant considérable, mais il

reste beaucoup à faire pour que la loi soit réellement appliquée sur tout le territoire.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 2 « L’état est garant de L’égaLité de traitement des personnes handicapées sur L’ensembLe du territoire et définit des objectifs pLuriannueLs d’actions. »

Art. 56 « La caisse nationaLe de soLidarité pour L’autonomie a pour missions :

1/ de contribuer au financement de L’accompagnement de La perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, à domiciLe et en étabLissement, dans Le respect de L’égaLité de traitement des personnes concernées sur L’ensembLe du territoire ;

[…]. »

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D urant ma scolarité, je n’ai pas rencontré de problème d’accessibilité, ni de difficulté

d’intégration. Je n’ai jamais eu le sentiment que les enseignants ou les élèves me considéraient différemment des autres. J’avais suffisamment d’autonomie pour me passer d’auxiliaire de vie scolaire : il suffisait que mes camarades me passent mes affaires ou m’aident à enlever mon manteau et j’ai toujours trouvé quelqu’un prêt à m’aider.

E n juin 2014, j’ai passé mon bac et, depuis la rentrée, je suis inscrite en première année de licence

à l’université. Pour pouvoir m’y rendre, j’ai passé mon permis de conduire. J’ai un véhicule adapté, je vais où je veux sans dépendre de qui que ce soit : c’est la grande liberté ! Ça me change vraiment la vie. De plus, à l’université, j’ai une place réservée sur le parking du personnel. Il a fallu argumenter pour que l’aménagement de ma voiture soit pris en charge par le fonds de compensation, mais nous avions des arguments. Tant que j’ai été

« Je n’ai jamais eu le sentiment que les enseignants ou les élèves me considéraient différemment des autres. »

Marie Roussel,

18 ans (au centre)

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en primaire et en secondaire, mes parents se sont régulièrement battus avec le Conseil général pour que l’opérateur chargé des transports scolaires utilise un des bus accessibles de son parc sur la ligne desservant l’établissement où j’étais scolarisée. Non seulement il était préférable pour mon intégration que j’emprunte un bus scolaire plutôt qu’un transport adapté, mais cela coûtait beaucoup moins cher à la collectivité. Aujourd’hui mon projet de vie a évolué et il me semble normal que, conformément à la loi, les financements s’adaptent à mes besoins réels d’autonomie.

P lus tard, je souhaite être professeur. C’est une profession qui permet d’avoir une vie familiale, or je veux

des enfants. Et c’est un métier accessible : j’ai une amie atteinte de la même maladie que moi qui est institutrice depuis deux ans et ça se passe bien. Elle est même très contente de la réaction des enfants. Tant mieux ! Avoir un enseignant en fauteuil est une bonne chose pour changer le regard des jeunes sur le handicap.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 19 « […], Le service pubLic de L’éducation assure une formation scoLaire, professionneLLe ou supérieure aux enfants, aux adoLescents et aux aduLtes présentant un handicap ou un troubLe de La santé invaLidant. dans ses domaines de compétence, L’état met en pLace Les moyens financiers et humains nécessaires à La scoLarisation en miLieu ordinaire des enfants, adoLescents ou aduLtes handicapés.tout enfant, tout adoLescent présentant un handicap ou un troubLe invaLidant de La santé est inscrit dans L’écoLe ou dans L’un des étabLissements mentionnés à L’articLe L. 351-1, Le pLus proche de son domiciLe, qui constitue son étabLissement de référence. »

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E n 2005, j’étais étudiant et j’avais quitté le domicile familial. Je percevais l’Allocation Compensatrice pour

Tierce Personne (ACTP), mais je n’avais pas d’auxiliaires de vie professionnels. C’était mes colocataires qui m’aidaient. J’étais moins dépendant que maintenant, mais le système avait vite atteint ses limites et la loi est arrivée à point nommé.

A ujourd’hui, je dispose d’aide humaine 24 h sur 24. J’emploie en direct une équipe de

quatre assistants de vie, que je renouvelle régulièrement et que je manage quasiment comme une PME. Ce sont souvent des étudiants ou, en tout cas, des personnes qui ne considèrent pas cette activité comme définitive. En moyenne, ils restent un an, ce qui me convient bien. Lorsque je dois recruter, j’organise une journée d’entretiens d’embauche, puis une journée de formation : avec un de mes aidants, je montre au nouvel assistant de vie comment me manipuler, où ranger mes affaires, etc. Ensuite, je lui remets un manuel contenant ces informations pratiques et des éléments de réflexion sur la posture d’aidant.

« Il ne faut pas s’autocensurer : nous avons le droit de mener une vie ordinaire ! »

Johann Chaulet,

34 ans

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Q uand vous êtes assisté pour toutes les tâches de la vie quotidienne par quatre personnes se relayant

au cours de la semaine, il y a tout un travail de transmission des informations de l’une à l’autre, de coordination des tâches, de gestion des plannings et des remplacements. Comme j’ai déjà un emploi à plein temps et beaucoup d’activités, je n’ai pas le temps de m’y consacrer. La Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) m’a donc attribué quelques heures d’aide humaine supplémentaires pour cette fonction de coordination et pour les moments où j’ai besoin de deux assistants de vie en même temps parce que je suis en déplacement professionnel. Ça me paraît normal, comme il me paraîtrait normal que les frais de déplacement de mes aidants soient totalement pris en charge par la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) lorsque je voyage à titre personnel ou que ma tierce personne bénéficie systématiquement d’une place gratuite quand je vais à un concert. J’ai le droit, comme tout un chacun, d’avoir des loisirs ! Sur ce point, comme sur d’autres,

la loi est perfectible : tous les surcoûts liés au handicap ne sont pas encore pris en charge.

M ais, surtout, il ne faut pas s’autocensurer. Malgré les avancées, certaines

personnes handicapées ne s’autorisent pas à mobiliser toutes les possibilités offertes par la loi pour vivre comme elles l’entendent. La façon dont on nous présente ce que peut être un projet de vie, dont on réagit à l’expression de nos besoins peut, de fait, créer le sentiment qu’on nous fait un cadeau, surtout quand on a été habitué à bricoler pendant des années avec des bouts de ficelle. Or ce n’est pas un cadeau : nous avons le droit de mener une vie ordinaire ! Je pense, et j’espère que, pour les jeunes générations, ça sera de plus en plus une évidence.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 11 « Les besoins de compensation sont inscrits dans un pLan éLaboré en considération des besoins et des aspirations de La personne handicapée teLs qu’iLs sont exprimés dans son projet de vie, formuLé par La personne eLLe-même ou, à défaut, avec ou pour eLLe par son représentant LégaL Lorsqu’eLLe ne peut exprimer son avis. »

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Léonard, 5ans et sa

maman, Céline De Deken

« Sans la PcH, nous ne pourrions pas payer ce dont a besoin notre fils, mais les restes à charge sont encore beaucoup trop lourds. »

A vec Léonard, c’est du 24 heures sur 24. J’ai dû démissionner de mon travail pour m’en occuper.

Il faut intervenir immédiatement en cas de problème sur son respirateur, aspirer ses secrétions bronchiques ou l’aider à les évacuer en pratiquant la toux assistée dès qu’il est encombré, le changer régulièrement de position la nuit…

A u début, nous avions le complément de l’Allocation d’Éducat ion de l ’Enfant

Handicapé (AEEH). Mais on nous a conseillé de demander la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), mieux adaptée à des besoins aussi lourds que ceux de Léonard. Nous avons obtenu un dédommagement de 19 heures par jour pour mon mari et moi en tant qu’aidants familiaux, ce qui représente environ 1 400 euros par mois, davantage qu’avec l’AEEH. Nous avons également une tierce personne quatre heures par semaine. Malheureusement, elle est formée à la réalisation d’une aspiration endotrachéale, mais pas à certains gestes comme la toux assistée. Résultat : il faut toujours que

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nous restions à proximité pour le cas où il y aurait un problème. L’objectif était de prendre un peu de répit…Pour mon mari et moi, on en est loin ! Depuis la naissance de Léonard, nous n’avons jamais pu nous retrouver seuls tous les deux au restaurant. Nous avons beau avoir une auxiliaire de vie, rien n’a changé. Pour ma part, j’essaie de relativiser : c’est déjà bien que quelqu’un puisse s’occuper de Léonard pendant quatre heures. Même s’il faut rester à la maison, on peut en profiter pour faire autre chose.

l a PCH nous aide également pour les aides techniques et l’aménagement de notre véhicule

et de notre domicile. 4 900 euros pour la poussette médicalisée, 8 000 euros pour la voiture… Tout est hors de prix ! Sans la PCH, nous ne pourrions pas payer le quart de ce dont a besoin notre fils, mais les restes à charge sont souvent beaucoup trop lourds. Notre maison n’est pas adaptée, car les pièces à vivre sont à l’étage et nous n’arrivons pas à la vendre. Or, en raison de sa maladie, Léonard grandit très vite et devient de plus en plus difficile à porter.

Nous voudrions installer un monte-charge et un rail de transfert. Le coût du matériel est de 27 000 euros. Nous avons obtenu l’accord de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) pour une prise en charge à hauteur de 10 000 euros. C’est certes considérable. Mais nous avons déjà dépensé toutes nos économies pour faire face au handicap et nous ne pouvons pas assumer les 17 000 euros restants. Nous avons sollicité d’autres aides cet été, mais nous attendons toujours les réponses.

c ’est très angoissant, car nous avons le sentiment d’avoir une épée de Damoclès au dessus de

la tête : si nous ne pouvons pas assurer de bonnes conditions de confort et de sécurité à Léonard, il faudra le placer en établissement spécialisé. Pour nous, c’est inenvisageable et totalement absurde.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 12 « La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges :

1/ Liées à un besoin d’aides humaines, y compris, Le cas échéant, ceLLes apportées par Les aidants famiLiaux ;

2/ Liées à un besoin d’aides techniques, notamment aux frais Laissés à La charge de L’assuré Lorsque ces aides techniques reLèvent des prestations prévues au 1° de L’articLe L. 321-1 du code de La sécurité sociaLe ;

3/ Liées à L’aménagement du Logement et du véhicuLe de La personne handicapée, ainsi qu’à d’éventueLs surcoûts résuLtant de son transport ;

4/ spécifiques ou exceptionneLLes, comme ceLLes reLatives à L’acquisition ou L’entretien de produits Liés au handicap ;

5/ Liées à L’attribution et à L’entretien des aides animaLières. »

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J ’avais 25 ans en 2005. La loi est arrivée au bon moment pour m’aider à réaliser mon projet le plus cher : vivre

pleinement ma vie de femme malgré le handicap. Fin 2004, j’avais emménagé avec celui qui est aujourd’hui mon mari : Sébastien. Auparavant, c’étaient mes parents qui étaient mes aidants et Sébastien avait dû arrêter de travailler pour assumer cette fonction car j’ai besoin d’aide 24 heures sur 24. C’était très difficile. Grâce à la loi de 2005, il a obtenu le statut d’aidant familial salarié, ce qui lui a permis d’avoir des revenus. Par la suite, nous nous sommes rendu compte que nous étions trop l’un sur l’autre. J’ai fait une demande de réévaluation à la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), qui m’a accordé des heures d’aide humaine supplémentaires pour avoir une auxiliaire de vie à certains moments.

A u jou rd ’hu i , j e d i sp ose d’assistantes de vie dans la journée. Sébastien, qui est

toujours aidant familial salarié, prend le relais le soir et la nuit… tout en étant papa

« J’ai renouvelé deux fois mon fauteuil roulant électrique sans avoir à remuer ciel et terre pour trouver des financements. »

Marie-Antoinette

Bachène-Vicaire, 3

5 ans

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à plein temps ! Car en 2010, nous avons concrétisé notre projet de fonder une famille et j’ai donné naissance à un petit Alix. Sébastien doit s’occuper de lui pour tous les gestes de la vie quotidienne. Nous n’avons pas d’autre solution, car la loi de 2005 n’a rien prévu pour la parentalité : je n’ai pas droit à une auxiliaire de vie pour m’aider avec Alix. C’est un des points sur lesquels il reste des progrès à faire. Malgré tout, sans cette loi, nous aurions difficilement pu élever un enfant. Sauf à demander l’aide de ma famille, mais comment se sentir parent quand on est soi-même dépendant de ses parents ?

G râce au droit à compensation et à la création des MDPH, j’ai renouvelé deux fois mon fauteuil roulant

électrique sans avoir à remuer ciel et terre pour trouver des financements et acquis un contrôle d’environnement pour mon appartement. Aujourd’hui, je peux ouvrir et fermer les portes, volets et lumières moi-même !

J e viens également de reprendre mes études. Quand j’avais commencé, après le bac,

je n’avais pas d’auxil iaire de vie. À l’université, il fallait que je me débrouille seule, que je trouve des camarades pour m’aider à manger, à aller aux toilettes… C’était très lourd et j’avais vite renoncé. Aujourd’hui, mon assistante de vie m’accompagne pour les actes de la vie quotidienne et je suis aidée par des étudiants embauchés par l’université pour tous les gestes concernant le travail, comme la prise de notes. Quand je me suis inscrite, le service handicap de l’université m’a tout de suite rassurée en me disant que tout était prévu pour me donner les mêmes chances qu’aux autres étudiants. Et c’est vrai : je peux me consacrer sereinement à mes études. Pour moi qui suis tellement habituée à tout anticiper, c’est même un peu bizarre ! Pour la première fois, on m’a dit : ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 64 « chaque maison départementaLe des personnes handicapées gère un fonds départementaL de compensation du handicap chargé d’accorder des aides financières destinées à permettre aux personnes handicapées de faire face aux frais de compensation restant à Leur charge, après déduction de La prestation de compensation […].

Le département, L’état, Les autres coLLectivités territoriaLes, Les organismes d’assurance maLadie, Les caisses d’aLLocations famiLiaLes, Les organismes régis par Le code de La mutuaLité, […] et Les autres personnes moraLes concernées peuvent participer au financement du fonds. une convention passée entre Les membres de son comité de gestion prévoit ses modaLités d’organisation et de fonctionnement. »

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J e suis séparée du père de mes filles et j’ai dû arrêter de travailler pour m’occuper d’Emma. J’aurais peut-

être pu demander à avoir une auxiliaire de vie pour la prendre en charge au retour de l’école. Mais qui s’en serait occupé pendant les vacances ou quand elle ne peut pas aller à l’école parce que son auxiliaire de vie scolaire est malade ? Je n’avais pas le choix… Heureusement, j’ai obtenu la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) pour Emma et je perçois un dédommagement de 974 euros par mois pour cessation d’activité professionnelle. J’ai également droit à d’autres aides sociales et je reçois une pension alimentaire du papa. C’est très juste, mais nous nous en sortons. En revanche, comme il s’agit d’un dédommagement, je ne cotise pas pour la retraite, ce qui m’inquiète pour l’avenir. De plus, aux yeux des banques, un dédommagement n’est pas un salaire et ne permet pas d’accéder à un crédit immobilier. Quand Emma a perdu la marche, nous avons dû déménager dans une maison accessible, mais il a fallu que ce soit ma mère qui prenne un crédit pour l’acheter elle-même et que je lui loue.

« J’ai dû arrêter de travailler pour m’occuper d’Emma. Heureusement, j’ai obtenu la Prestation de compensation du Handicap pour elle. »

Emma, 8 ans et sa

maman, Sandrine Breton

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Q u’il s’agisse d’obtenir la PCH, une auxiliaire de vie scolaire pour Emma ou le renouvellement de

sa carte d’invalidité, je n’ai jamais eu de souci avec la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) : le délai de traitement des dossiers est assez rapide. En 2014, j’ai fait une demande de financement pour des travaux à l’extérieur de la maison, car le jardin n’est pas du tout accessible. Quand Emma veut jouer dehors, il faut qu’elle aille dans la rue, ce qui n’est pas très sûr, même s’il y a peu de voitures. Il s’agit donc d’aménager les accès à la porte d’entrée et au garage, qui, pour l’instant, ne sont pas praticables en fauteuil roulant, et une allée qui permettra à Emma de faire le tour de la maison.

J ’a i monté le dossier avec l’ergothérapeute du service de soins à domicile qui suit Emma, ça n’a

pas été très compliqué. La MDPH connaît la situation d’Emma, ses besoins, et a rapidement donné son accord pour une somme conséquente : la PCH va financer plus de la moitié des travaux - 7 800 euros ! Notre dossier devait passer prochainement

en commission pour une prise en charge complémentaire par le Fonds Départemental de Compensation, mais, finalement, ce ne sera pas nécessaire. À force de relances, je viens enfin de recevoir la réponse des autres organismes sollicités pour compléter la PCH : ils financeront la totalité du reste à charge. Emma est ravie : ça va lui changer la vie. Le prochain dossier portera sur un chien d’assistance. Emma en rêve et ça l’aiderait beaucoup. J’espère vraiment qu’elle pourra en avoir un !

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 64 « La maison départementaLe des personnes handicapées exerce une mission d’accueiL, d’information, d’accompagnement et de conseiL des personnes handicapées et de Leur famiLLe, ainsi que de sensibiLisation de tous Les citoyens au handicap. eLLe met en pLace et organise Le fonctionnement de L’équipe pLuridiscipLinaire […]. La maison départementaLe des personnes handicapées assure à La personne handicapée et à sa famiLLe L’aide nécessaire à La formuLation de son projet de vie, L’aide nécessaire à La mise en oeuvre des décisions prises par La commission des droits et de L’autonomie des personnes handicapées, L’accompagnement et Les médiations que cette mise en œuvre peut requérir. »

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Charlène Ray,

32 ans

J e suis une jeune femme comme les autres et j’en suis fière : je travaille, j’ai mon appartement, ma voiture, je sors

et je fais la fête ! Depuis 2011, je bénéficie de la Prestation de Compensation du Handicap (PCH) qui me permet de rémunérer la personne de mon choix, à hauteur de 5 heures par jour : je n’ai plus besoin de faire systématiquement appel à ma mère… Ma sœur ou même une amie peuvent m’aider au quotidien. Avant je touchais l’Allocation Compensatrice pour Tierce Personne (ACTP) et je devais faire appel à du bénévolat familial, n’ayant pas les moyens de rémunérer quelqu’un à hauteur de mes besoins. Ça, c’est une réelle avancée de la loi, je me sens beaucoup plus libre !

Q uand je me suis mise à chercher du travail, j’ai fait le choix d’envoyer des CV sans préciser aux employeurs

ma situation : j’ai décroché plusieurs entretiens mais malheureusement, j’ai dû renoncer à certaines offres pour des problèmes d’accessibilité… et là c’était rageant !

« Je suis une jeune femme comme les autres et j’en suis fière ! »

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A ujourd’hui, je suis hôtesse d’accueil-standardiste dans une société située à 40 km de

chez moi. Très vite, je me suis rendu compte que faire appel à un transporteur était une contrainte, je ne me sentais pas libre pour bien travailler. Ses retards fréquents le matin me faisaient perdre ma prime d’assiduité et j’étais contrainte d’attendre des heures après mon travail pour rentrer chez moi : c’était invivable ! C’est à ce moment-là que l’idée de passer mon permis a commencé à me trotter dans la tête… Après avoir étudié toutes les solutions, j’ai opté pour la plus adaptée aux contraintes de mon handicap : une voiture équipée coûtant… 93 000 euros ! À la lecture du devis, j’ai failli m’étouffer et je me suis dit que c’était irréalisable ! Mais j’ai eu beaucoup de chance. D’abord mon employeur a pris en charge mes frais de permis ainsi qu’une partie de mon véhicule. Puis, au prix de longues et fastidieuses démarches, j’ai pu bénéficier de financements émanant de l’Agefiph et de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH). En moins de 2 ans, j’ai monté mon dossier,

trouvé mes financeurs, passé mon permis, acheté et fait aménagé mon véhicule : s’il n’y avait pas eu la loi de 2005, à l’heure qu’il est, je serais peut-être encore en train de chercher des financements !

J e me rappelle toutes les difficultés auxquelles ma mère et moi avons été confrontées en 2001 pour le

financement d’un monte-escalier. À l’époque, nous avons mis trois ans à faire adapter notre logement et, pendant toutes ces années, ma mère a continué de me monter sur son dos matin et soir pour rentrer chez nous. Aujourd’hui, les démarches sont plus simples : quand j’ai eu besoin de changer mon dernier fauteuil roulant électrique, il n’a pas été nécessaire de frapper à toutes les portes pour en obtenir le financement. C’est quand même le jour et la nuit.

A près le travail et la voiture, mon rêve est maintenant de devenir propriétaire, mais ça c’est loin

d’être gagné… Il y a encore du chemin à faire dans ce domaine pour nous, personnes en situation de handicap.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 24 « afin de garantir Le respect du principe d’égaLité de traitement à L’égard des travaiLLeurs handicapés […], Les empLoyeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, Les mesures appropriées pour permettre aux travaiLLeurs […] d’accéder à un empLoi ou de conserver un empLoi correspondant à Leur quaLification, de L’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à Leurs besoins Leur soit dispensée […]. »

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À la fin des années 1990, j’avais environ 45 ans, on m’a dit : puisque vous n’arrivez plus à vivre

chez vous, on va vous trouver une place en maison de retraite. Aujourd’hui, ça paraît hallucinant ! Mais c’est une blessure que je ne suis pas prête d’oublier. À l’époque, l’Allocation Compensatrice pour Tierce Personne (ACTP) ne me donnait droit qu’à trois heures d’aide humaine par jour. Vivre à domicile devenait mission impossible. Au mieux, je survivais, sans pouvoir boire ou aller aux toilettes quand le besoin s’en faisait ressentir, en restant de longues heures dans des positions inconfortables, voire douloureuses… Et je m’interdisais tout loisir : avec si peu d’heures, il n’était pas question d’aller voir un spectacle… Mais, de toute façon, quand la peur de l’avenir vous tenaille, que vous ne voyez pas le bout du tunnel, vous ne pensez guère à votre épanouissement personnel.

G râce à la loi de 2005, je ne suis plus prisonnière de cette camisole financière beaucoup trop exiguë

dans laquelle j’étouffais. J’ai des aides humaines à hauteur de mes besoins : 24 heures sur 24. Non seulement j’ai pu rester chez moi, mais je suis libre de vivre

« Ce ne sont plus les personnes valides qui parlent en notre nom. »

Ginette Charvin,

61 ans

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comme j’en ai envie sans avoir à me justifier en permanence. Parce que j’ai des auxiliaires de vie, je peux bouger, avoir des loisirs, partir en week-end… Je n’ai de comptes à rendre à personne. Je vis, tout simplement. C’est un changement considérable !

l ’AFM-Téléthon nous a ouvert les yeux sur les enjeux du droit à compensation. Depuis des

décennies, il est acquis que la Sécurité Sociale prenne en charge l’accès aux soins des personnes malades. On ne choisit pas plus d’être handicapé que de tomber malade, pourtant, jusqu’à la loi de 2005, la société considérait comme normal que nous assumions nous-mêmes les frais liés au handicap. Aujourd’hui, tout est, certes, loin d’être parfait, mais l’essentiel est financé : les aides humaines, le surcoût des transports adaptés, les aides techniques… Récemment, j’ai changé mon fauteuil roulant électrique. Son prix était de 29 000 euros, dont seulement 5 000 euros remboursés par la Sécurité Sociale. Sans la Prestation de Compensation du Handicap (PCH), qui s’est élevée à 12 000 euros, le reste à charge aurait été de 24 000 euros ! Là, il n’était que de 6 000 euros. Même si

c’est encore trop lourd, il est déjà plus facile de trouver des financements.

A utre progrès notable : ce ne sont plus les personnes valides qui parlent en notre nom. Etre

représentés à la Commission exécutive et à la Commission des Doits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) des Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH) est un acquis majeur qui a contribué à faire évoluer les mentalités. Lorsqu’un plan d’aide ne prévoit que 35 minutes d’aide humaine par jour pour une personne – ce qui arrive ! –, je peux faire toucher la réalité du doigt à mes interlocuteurs : c’est beaucoup trop peu pour se lever, se laver, s’habiller… En clair, cela signifie que la personne n’aura pas la possibilité de prendre une douche chaque jour ! Sans compter la difficulté à trouver un assistant de vie prêt à se déplacer pour une demi-heure. Parce que je suis moi-même en situation de handicap, je peux apporter une connaissance que les personnes valides n’ont pas. Et l’expérience prouve qu’on est davantage entendu quand on pointe un problème par lequel on est concerné.

LOI POUR L’ÉGALITÉ DES DROITS ET DES CHANCES, LA PARTICIPATION ET LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES HANDICAPÉES

Art. 1 « dans toutes Les instances nationaLes ou territoriaLes qui émettent un avis ou adoptent des décisions concernant La poLitique en faveur des personnes handicapées, Les représentants des personnes handicapées sont nommés sur proposition de Leurs associations représentatives en veiLLant à La présence simuLtanée d’associations participant à La gestion des étabLissements et services sociaux et médico-sociaux […] et d’associations n’y participant pas. »

Art. 66 « La commission des droits et de L’autonomie des personnes handicapées comprend notamment des représentants du département, des services de L’état, des organismes de protection sociaLe, des organisations syndicaLes, des associations de parents d’éLèves et, pour au moins un tiers de ses membres, des représentants des personnes handicapées et de Leurs famiLLes désignés par Les associations représentatives, et un membre du conseiL départementaL consuLtatif des personnes handicapées. »

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Guibert, Christophe Hargoues, Luc Morvan,

Vincent Pelvillain - Jacques Grison - Olivier De

Deken.

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Témoignages recueillis par Bénédicte Haquin,

Marie-Sylvie Druesne, Pascale Husson.

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Janvier 2015

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