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XTII11T DU SÉMAPHORE Du 18 Septembre 1883 SUR LA LETTRE DE CHANGE I J'ai publié en 1878, dans la « Bibliothèque de l'Ecole des Chartes", diverses lettres de change qui sont des actes notariés faits à Marseille et payables sur d'autres places et en des espè- ces différentes de celles reçues. Ce qui dis- tingue ces lettres dont la formule, «causa permutationle seu catnbil", Indique bleli la nature, c'est qu'elles sont rédigées non sous forme de traite, mais de billet et par la main d'un notaire qui a déployé dans leur rédac- tion tonte la richesse du formulaire notarial. Ces lettres de change sont de l'année 428. Je les nomme lettres de change, quoique cette appellation soit réservée par le code aux traites commerciales, parce que TH É U È) - Document II I II I III 11H I III 0000005626472

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XTII11T DU SÉMAPHOREDu 18 Septembre 1883

SUR

LA LETTRE DE CHANGE

I

J'ai publié en 1878, dans la « Bibliothèque del'Ecole des Chartes", diverses lettres de changequi sont des actes notariés faits à Marseille etpayables sur d'autres places et en des espè-ces différentes de celles reçues. Ce qui dis-tingue ces lettres dont la formule, «causapermutationle seu catnbil", Indique bleli lanature, c'est qu'elles sont rédigées non sousforme de traite, mais de billet et par la maind'un notaire qui a déployé dans leur rédac-tion tonte la richesse du formulaire notarial.Ces lettres de change sont de l'année 428.

Je les nomme lettres de change, quoiquecette appellation soit réservée par le code auxtraites commerciales, parce que

TH É U È)-

Document

II I II I III11H I III0000005626472

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I l On donnait, an moyen-àge, le nom delettres, "llttera3", à tout écrit notarié.

2' Elles sont rédigées sous forme de let-tres, l'une des parties s'y adressant â l'antre:"J'ai reçu de vous, un tel, etc., et >prometsde vous payer, etc.".

3' L'usage, tant ancien qu'actuel, autoriseà nommer lettre de change tout effet de com-merce. Si j6 n'ai pas besoin de prouver quel'usage exiete encore, ce que l'on sait, jedois fournir la preuve qu'il existait autrefois.

Les "Lois et coutume du change", quele célèbre Samuel Ricard traduisit en 1775du hollandais en français, définissent la let-tre de change un acte ou écrit obligatoirecontenant la date, la nom de la place où elleest écrite, la somme que l'on ordonne, quel'on prie on QUE L'ON S'OBLIGE DE PAYER (t). e

Au siècle précèdent, en 1679, l'auteur de"L'Art des lettres de change" donnait, commehuitième spécimen de lettre de change, lebillet suivant

e Caen, ce 20 août 1079, pour L. 3,000. Jepayerai dans Paris, etc. (2).»

(t) Amsterdam, 1775, in-4 de 325 P.(2) Dupuis de la Serra, dans Savary, "Le Parfait

négociant", Paris, 1777. t. 1, p. 82.

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Enfin, en remontant plus haut, un statutd'kvignon de 4243 (1), cité par Nicolas de Pas-seribua, et que, bien que je ne l'ale trouvénulle part, j'accepte nomme authentique surla foi de cet auteur, donne te nom de Lettresde change, "Litterre cambil", aux contrats dechange de celte époque, lesquels n'étaientautres que des billet, comme le prouvent lesactes marseillais de 1248.

Après 1248, on continua pendant quelquetemps encore à faire rdi,er par notaire etsous forme de billet les lettres de change.Mon savant et vénéré collègue, M. Désimo-ni, de GÔne, archiviste d'État italien, en apublié quelques-unes dans les "Archives dei'Orient latin"; elles sont rédigées sous cetteforme et datées de 4274 ; et sous cette formeencore j'en al trouvé deux, de 1311 et 1312,dans les registres de Bernard Blaccard, no-taire marseillais.

Si, malgré tontes mes recherches, de 1249à 1312, je n'ai rencontré, dans les nombreuxreg1tres de notaires marseillais que j'ai par-courus, que deux lettres semblables à cellesde 1248, c'est probablement parce que, peu à

(1) Probablement un statut fiscal fixant les ho-noraires des notaires.

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peu, à la lettre de change notariée l'usageavait substitué la lettre ' l e change libre.

Ce qui me porte à croire que dès le commencement du XIVe siècle il en était ainsi,c'est qu'en 1302, Charles II, comte de Pro-vence, en ordonnant à sou sénéchal de luifaire tenir à Naples le montant d'une contri-bution provençale, lui recommande de le luiexpédier par lettres de marchands, "per lit-teras mercatorum", et je ne vois pas ce quepouvaient être ces lettres de marchands, si-non des lettres de change libres.

Cependant, de la lettre de change libre,c'est-à-dire affranchie du latin, des formulesnotariales et des témoins, et rédigée nette-ment, simplement, laconiquement, sans lesecours d'un écrivain public, sans mots inu-tiles, et en langue vulgaire, de cette lettre dechange, on n'a aucun spécimen qui soit anté-rieur à 1381. Il nous en et parvenu un decette année, grâce au jurisconsulte Baldusqui nous la conservé. M. de Maslatrie en apublié un second, un peu postérieur, de 1384.

En voici trois antres de la fin du XIVe siè-cle, qui sont encore Inédits

Le premier est en provençal, du 10 avril1388 et sous forme de première et seconde;

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PREMIÈRE

AI senyor en Johan Erits, en Maseylla.

Senyor. per aquesta prima letra de carnbi, coin-phrets aqut, al temps acostumat, al sienyor enJacme de Fva, setanta monts de Rey, ho lavalua. Son per altres LXX y que en Johan Er-mengau e io P. Sok asem reebuts azi d'en Ray-mon Gali, per que, aeoyor, al dit temps li fetbon compliment.

En Avn yon. a X de abrili 13S8.

P. SOLA E JOIIAN ERMENGAC.SenyOr, a voatre servi.

SECONDE

Al senyor en Joha» Eriès, prope los carnbis, enMaseylla.

Jhesus! Senyor, si per la primera non avtcomputs, per aquesta segonda compllretz, a lauaanza, al senyor en Jacme de Favas LXX Vo la valua. Son per aitra setanta seuls que io O

rebutz azi d'en R. Gali, per que, senyor, Ii fet boncompliment una volta e no pus.

A Avinyon, a X abriil i38.

P. SOLA ET JOIIÂN ERaIENGAU.Saluts, senyer, ape l ate a vostre servi.

Celte première et seconde, de rédaction unpu différente, ce qui est à remarquer, por-

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— G —

talent une marque identique, la marquecommerciale des tireurs, dont yolei le fac-simile

I!La deuxième lettre est en français. C'est

une première mentioniant une seconde;elle est de 1391

A mon cher et grant amit Johannot Carrière,pelletier et bourgols d'Avignon, soit rendue, da-vaut Saint-Geniès.

Tres chers et grans amis, je me recommanue svous tant chèrement comme je puis, et vous pritant instamment comme je puis que paids et dell-vrda s Jehan Responde, au Change eu Avignon,deus sens frans, lesquiex il m'ont pr8sté pourvous et pour vostre fait; laquelle somme je vouspri que li n'ait point de faulte que elle ne soit de-livré incontinent avoir veue cestre lere, quarautrement se me seroit tropt grand dommage. ADieu solde qui vous gart. Rcript à Paris, leXXVJI'jour de juin, l'an mit CCC III.XX et onze.

Et sachez que j'ey fet une autre letre semblableà ceste fin, et ne sont contées que pour une letre,]aquele vous sera rendue quant vous ferez lepaiement.

Le tout rostre, LIENARD CAILLE,pelletier de Lyon.

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En voici la marque

IILa troisième lettre est en italien, sous

forme de première, et de 1392

Guido di Simone Ramito, in Vignone— Prima.Ai noms de Dio.A dl X de genalo MCCCLXXXXII.

Paghate per questa prima lattera, a usauza, aMichaele de I3orgaro e a Richo di Rovigliasehofranchi ciento o cinquanta e quarto, ciosfranchi la4, in acudi, pro camblo di franchi cantocinquanta avuti qui da Bernardo de Larodore, eponete a mio conto choati, e tracteli a Parigie Avosta. per me, e direte ii pongono a mio conto.Christo vi gardi.

AMBROGI Dl MONPELIERI. Sainte.

el àw"fe

Les trois lettres sont des traites et par

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conséquent des variété o de la lettre de changetelle que l'entend le code. Depuis lors, laformule en a été peu modifiée

Toutefois, je ferai remarquer qu'ellesn'étaient ni à ordre ni endossées, pas plusque celles qu'ont éditées Baldas et M. deMaslatrie.

La lettre de 1388 était payable à Jacquesde Favas; ce négociant n'étant pas à Mar-seule à l'échéance, la fit présenter au tiré parson facteur et procureur 'factor et piocura-tor", Etlenne Bonafoux. Celle de 1301, paya-ble à Jean Responde, fat présentée par sonfacteur et chargé d'affaires factor et nego-clorum gestor, Jacques Tanghi.

Ces lettres, je le répète, n'étalent donc pasii ordre, contrairement à la plupart de cellesde 1248 qui étalent payables à des personnesnommées on à leur ordre, "cul mandaveris"toutefois, quand les personnes nommées n'al-laient pas elles-mêmes à l'encaissement, jecrois que le payeur pouvait ne se libérer quecontre la remise de l'effet et "d'une procura-tion spéciale pour l'encaisser".

J'ai édité, en 188 (1. e.), un acte de cegenre qui me paraît-être la preuve de cettedernière assertion.

Il est probable qu'au XIv" siècle le tiré

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pouvbit exiger, pour payer, 1% remise desmêmes pièces qu'en 12118.

C'était une formalité gênante que la pro-curation, car, alors comme aujourd'hui, elleétait notariée.

En revanche, on ne pratiquait pas la for-malité de l'ac'ceptation, ou, du moins, le no-taire n'intervenait pas encore, au cas où letiré refusait d'accepter.

Sur ce point, la traite de XIV siècle avaitle désavantage sur le l'illetde 1248, car celui-cl, étant une obligation souscrite, avait pres-que toute la force de la traite acceptée jedis presque toute, parce que la traite accep-te a deux g*oantiea, celle du tireur et dutiré, et le billet une seule, celle du souscrip-teur. Mieux valait pourtant un billet qu'unetraite non soumise â l'acceptation, commeétalent celles de 1381, 4384, 1388, 1391 et139 et comme en plusieurs pays l'ont ététoutes les traites jusqu'à la fin du siècledernier.

Mais, si on ne connaissait pas, au XIVesiècle, le protôt faute d'acceptation, on con-naissait et on pratiquait très bien le protêtfaute de paiement.

C'est même à ce fait-ci que M. de Maslatrieet moi nous devons d'avoir pu faire con-

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naltre les traites de 1384, 1388, 1391 et 1392(1), car les textes en sont insérés dans lesprotêts notariés faute de paiement dont ellesfurent l'objet.

Le protêt de la lettre de 1384,fait en 1385,est plus curieux et intéressant que les sui-vants. Par celai de 1388, fait 10 jours après ladate de la traite, nous savons simplementque le tiré refuse de payer parce qu'il n'apas de provision d'argent et pas assez demarchandises en commission, lesquellessont des draps de Perpignan.

Dans le protêt de 1385, le porteur protestecontre le tireur et le tiré, dont le refus n'estpas motivé, et il déclare qu'il mettra à leurcharge dommages-iutérêts, frais divers etrechange "recambio", bref tout ce qui con-stitue le compte de retour actuel.

On voit que, sur ce point, Il n'y a pas eude notable perfectionnement depuis 1385.

(1) Je dois l'indication de la lettre de 1388 àl'obligeance de M. le docteur Barth5lemy et deM. de Laget, notaire à Marseille, dans les archi-ves de qui elle se trouve (Reg. Laur. Aicard), etcelles de 1391 et i393 à l'extrlme gracieuReté deM Bayle, d'Avignon, qui les s tirées des minutesde G. de Briconibus et de Pierre Richard, con-servées dans l'étude de M. Vincenti, notaire &Mignon.

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II

Je ne terminerai pas cette courte noticesur la lettre de change, 1 11 sans indiquerquelle a été, à mon avis , la cause de la sub•stitution de la traite du XIVe siècle au billetdu X[IIe ; 2 0 sans dire un mot de l'anciennetéde la lettre de change.

1 0 La cause de la substitution de la traiteau billet n'est certainement pas l'affranchis-sement de l'acte, je veux dire sa rédactionsans intervention notariale. Il n'était pasnécessaire de changer la forme Je l'acte pouréloigner le notaire et, puisque c'est en dehorsde lui que sont aujourd'hui rédigés les bil-lets, on aurait pu eu agir de môme au XIVesiècle.

A cette époque et depuis le siècle précé-dent, les commerçants, les banquiers, s'é-taient groupés en sociétés et avaient établides correspondances entre leurs divers comp-toirs, de sorte qu'ils pouvaient se charger destransmissions d'argent par lettres. J'ai citéun acte par lequel, en 1302, Charles II recom-mande au sénéchal de Provence de lui fairetenir, à Naples, le montant d'une contribu-tion provençale, par des lettres de marchand,"per litteras mercatorum".

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Il y avait, en outre, des relations suiviesentre les administrations publiques et lesbanquiers, et ces relations, constatées parCharles Il, ne dataient pas de ce prince et n'é-talent pas circonscrites à ses États. Les ban-quiers étaient même appelés dans les conseilsdes rois et l'histoire nous a fait connaître lerôle joué par le florentin Maschiato Guididans les actes les plus Importants du règne dePhilippe le Bel. Quoi de plus naturel, dès lors,que la banque, possédant des comptoirs or-ganisés, y ait Introduit la pratique de latraite commerciale, qui n'est autre que lemandat administratif de paiement réduit àsa plus simple expression et sous forme delettre privée.

À l'appui de cette explication, je pourraisproduire des mandats de Charles II et d'au -tres souverains de son temps. Je me borne-rai au suivant qui est de Charles 1er et du18 mars 1275

Héliot de Chillac, créancier de 170 1. 112de tournois sur Charles dÀujou, ayant pas-sé sa créance à Colin, le roi expose ces faitsà son justicier de la Basilicate, l'une desprovinces de son royaume, l'informe que lamoitié de ia somme sera fournie sur quit-tance du trés6rier et un quart par le justicier

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de la Terre de Labour, et lui mande de payerl'autre quart au dit Colin ou à son ordre, en1' onces d'or et 3 grains

Ce mandat contient tous les élémentsconstitutifs de la lettre complète. Si on enretranche l'exposé qui n'est pas essentiel àl'acte, on a une véritable traite

"Au justicier de la Basilicate. Payez, à vue,â Colin ou à son ordre, pour compte d'Hè-liot de Chiilac, 17 onces d'or et 3 grains,valeur de change de 42 1. 12 s. I'2 de tour-nois".

Ii n'est pas douteux que cet acte ait pu,comme du reste tout mandat administratif,servir de type è la traite commerciale.

21 Je passe à l'ancienneté de la lettre dechange.

Les plus anciens spécimens que j'en ai pu-bilés sont de 1248 et 1237 ceux de MM. deMaslatrie et Cauale de 1214 et 1207. La pre-mière pièce de mes "Documents inédits sur lecommerce de Marseille au XLIIme siècle"(actuellement sous presse) est une lettre dechange de 1200. Enfin, j'ai relevé dans les"Monuments, patriEe" trois actes de mêmenature, faits à Gènes ci datés de 1163, 1157et 1156. Ces lettres de change sont sous for-me de billet comme au siècle suivant; les

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deux plus anciennes étaient payables à Cons-tantinople en perpres, valeur reçue en mon-naie génoise.

Voici la tradnction de celle de 1163

En présence des cinq témoins nommés, je, Mari no de Lavagna, al reçu en prêt, de toi VassalVextea, 4 liv. de génois, payables, sos peine didouble, à Bougie, en 20 massamutlns, 15 joursaprès l'arrivée du navire qui nous y conduit, et,Si tu quittes Bougie avant ]a fin de la quinzaine,S jours avant ton dépait. Fait à Gènes, le 23 avril1153 (Chart. II, p. 852).

Ces actes font remonter la lettre de chan-ge au-delà des dates connues jusqu'à ce jour;mais, si on possédait des notions plus éten-dues sur la banque et le coinmerca des siè-cles antérl4ur, on y trouverait la preuvequ'elle était alors en usage.

Il est probable que c'est l'Orient qui l'a faitconnaltre à l'Occident, lors des premièrescroisades, mais ceci n'est qu'une hypo-thèse.

Ce qui est certain, c'est que la loi musul-mane réprouve la lettre de change; or, cefait contient implicitement la preuve del'existence de cette lettre dès l'époque decette Interdiction.

Voici ce que je lis à ce sujet-ci dans latraduction, par mon excellent et savant ami

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M. Sauvaire, d'un traité de droit musulmancompos en l'an 1150 de l'ère chrétienne:

La lettre de change (softodjah) est réprouvée.L'orthographe donnée par Sibawayb (célèbregrammairien mort en 796 de J,-C.) et softodjah.El AkhftLch (gramma1ren mort en 830 de .J.-C )dent "softadjah". Ce mot est arabisé du persansateh" et signifie "affermi".

Suit la définition de la lettre de changeréprouvée, en des termes qui ne permettentpas de dire si elle avait la forme d'un billetou celle d'une traite.

Quoi qu'il en soit, il ressort de ce passa-ge que la lettre de change était prohibéepar la loi musulmane dès le Ville siècle denotre ère, et que le nom arabe sous leqt'.elcette loi la désignait avait une origine per-sane.

Les Persans connaissaient donc la lettrede change avant k Ville siècle. Mais depuisquand la connaissaient-ils ? Si on ne peutrien préciser sur ce point, on peut, en re-montant de plusieurs siècles, dire que lesGrecs de l'Attique la pratiquaient. C'est unfait que M. Caillemer a mie en lumière enexpliquant certain passage d'Isocrate.

Et les Grecs de l'Attique auraient pu eux-mômes, dans ces temps reculés, recevoir la

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lettre tic change de l'Asie, car les Asiatiquesen faisaient très anciennement un usagesignalé par plusieurs historiens, et dontIl reste la preuve la plus curieuse, la plusindiscutable.

Cette preuve n'est antre qu'une lettre dechange babylonienne, gravée en creux et encaractères cunéiformes sur une brique cuitede petit format: M. François Lenormaut,dont on connaît l'excellence des travaux surl'Orient, l'a traduite le premier, ainsi qu'ilsuit

4 mines lb sicles d'argent.Créance de Ardu-Nana, fils de Yacbin , sur

Mardukabalussur, fils de Mardukbalatirib.Ddns Itt ville d'Oreho, Mardukbalatirib payera,

au mule de tebet, 4 mince U' sicles d'argent à Be-labaidln, fils de Slnnaïd-Onr, le 14 arakhsammal'an 2 de Nabonide. roi de Babylone (1).

La date de l'acte, qui est le Vie siècle avantJ. -i.)., autorise à dire que la lettre de chan-ge a été connue et pratiquée dès la plus hauteantiquité.

LOUIS nLtNUARD.

(t) "La Monnaie dans l'Antiquité", 1878, in-8',t.l,p. 117.

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