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1L3)bQ0? 9 6k'- SOUVENIRS DU DANSEUR FAVJER" Ces curieux souvenirs, restés jusqu'à ce jour inconnus et inédits, sont conservés à la Bibliothèque nationale(Paris) dans la collection deLettres Originales Qui forme les numéros 42.762-12.766 du Fonds Français. Ils remplissent les fo lios 260-264 du tome!! (12.763)dc cette collection; l'écriture est celle de l'auteur même, dont la main était apparemment moins légère et moins adroite que les pieds. Ces souvenirs fournissent des détails originaux etintéressants sur Stanislas Leczinski, roi de Pologne et duc de Lorraine, sur la tenta- tive d'enlèvement de ce prince h Deux-Ponts, sur le maré- chal de Saxe, sur son éducation, sa jeunesse, son carctère, sur la succession disputée (lu célèbre bibliophile comte de Hoym, sur le mariage du dauphin fils de Louis XV et (le Marie-Josèphe de Saxe, qui ne futgtière moinsimprévu que (fl La première, partie de ces Sowveuin intéresse seule la Lorraine: c'est celle qui concerne le roi Stanislas. Nous novons pas cri, devnir cependant rejeter la seconde partie, [lui contient des détails curieux sur le inaréchnl de Saxe et sur son cri tonia ge. (s. u. L. II. J Document il il i; il iii iiiii111111111111 nnnnnnrrr4 4fl

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1L3)bQ0? 9 6k'-

SOUVENIRS

DU

DANSEUR FAVJER"

Ces curieux souvenirs, restés jusqu'à ce jour inconnus et

inédits, sont conservés à la Bibliothèque nationale(Paris)dans la collection deLettres Originales Qui forme les numéros42.762-12.766 du Fonds Français. Ils remplissent les folios 260-264 du tome!! (12.763)dc cette collection; l'écritureest celle de l'auteur même, dont la main était apparemmentmoins légère et moins adroite que les pieds. Ces souvenirsfournissent des détails originaux etintéressants sur Stanislas

Leczinski, roi de Pologne et duc de Lorraine, sur la tenta-tive d'enlèvement de ce prince h Deux-Ponts, sur le maré-chal de Saxe, sur son éducation, sa jeunesse, son carctère,sur la succession disputée (lu célèbre bibliophile comte deHoym, sur le mariage du dauphin fils de Louis XV et (leMarie-Josèphe de Saxe, qui ne futgtière moinsimprévu que

(fl La première, partie de ces Sowveuin intéresse seule la Lorraine:c'est celle qui concerne le roi Stanislas. Nous novons pas cri, devnircependant rejeter la seconde partie, [lui contient des détails curieuxsur le inaréchnl de Saxe et sur son cri tonia ge.(s. u. L. II. J

Document

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celui de Lou is XV lui-même. L'auteur a été témoin et acteurde la plupart de ces événements, a approché Stanislas etson rival Auguste II, a été des familiers du vainqueur deFontenoy, qui lui doit pour une part, selon lui, la directiondonnée à sa carrière et à sa gloire. Ce maître de ballet, re-

tombé du reste à vne.compl&e obscurité; paliavoir été u'nbrave homme, honnête et sûr conseiller, doué d'un carac-1ère délicat,aniiné toujours d'intentions généreuses. I! futunpauvre courtisan et ni ourut courtisan pauvre c'est faire sonéloge en deux mots. Dans les coulisses de la cour et de lacarrière, son rôle, quoique celui d'un valet, d'intrigue, et,..........commedisait Figaro, dun jockey diplomàtiûè;h4 sbinlilepas avoir cté dépourvu d'importance. Sa déposition inentedonc, à ces divers égards, d'être recueillie comrn tfù&'ihod'este;mais utile'conftihûtiôn?t l'histoite inïi'ni6ihne'dotique diidix-huitièrne siècle. Elle n'a pas f iant d'rm6r-tance cependant que j'aie cru devoir faire une étude cr111-q u e (1CS épisodes et tics portraits qu'elle contieni.

Lox G. PÉLISSIER.

Professeur d'histoire à l'Université de Montpellier.

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SOUVENIRS DU DANSEUR FAVIER

Anecdotes données la Bibliothèque du Boy par Favier,maitre à danser de la reine de France lorsque cette princesseétait à Deux-Ponts, et depuis maUre de ballet et premier dan-seur du roi de Pologne Auguste .11 et d'Auguste 1i[.(i).

Lorsque le veld-maréchal ceinte de Fiemining entreprisde faire enlever par douze officiers (le clioix le Bo y Stanislasdans le duché de Deux-]'onls, (jeux d'iceux, (lui étaient enavant comme particuliers qui voyagaieiit, jugèrent à pro-pos de se confier à ungrde-scel de Illincastel, petite villeà un mille de Deux-Ponts. Monl.auhan (c'est le garde scel)feignit d'accepter le parti ils lui matidèrent descavoir queljour S. M. Polonaise irait à la chasse, qu'il (2) r serait enle-vé, tIUC Montauban les suivrait., et qu'en Saxe il aurait dixmille écus d'argent comptant et une majorité. Il leur promittout, leur donna rendez-vous . pour le surlendemain k unendroit indiqué et à une telle lieure.Les ayant quitté, il serendit à Deux Ponts, informa le roy de ce qui se tramaitcontre i uy le conseil s'assembla, toute la maison monta àcheval, jusqu'à moi même un régiment d'infanterie futdistribué par peloton sur les routes et en embuscades (3).

MM. Lacroix ut du Parc, qui sont les deux officiers ciiquestion, furent plis par Mautauban ; les dix autres. (lui

(1) En marge 7 Mon père avait été celui de M' la Dauphine laBavaroise--

(2)Effacé Que ce prince.(3)En marge Ceey ne ressemble en rien à Ce (lui se trouve dans

l'histoire de Charles XII, rapport ai' lieu où devoit se faire l'enlève-ment ny de la feinte dont on dit. qu'on usa pour faire croire que leroyétait vraiment tians le carosse ny qu'on (ira dessus.-

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-avaieni. essuyer (sic) quelques -coups de fusil (les pelotonsdispersés, jugèreitt à propos de quitter le pais.

Les deux prisonniers furent, amenés à Deux Pouls, et unpaifrenier monté et conduisant u:n cheval tic main; il ditque c'était celui qui était destiné pour le Boy. Ce princel'avant sccu le fit cel]er sur le champ, fut à sa maison decampagne qu'il nomnniait Chiflili, distante de Deux Pontsd'une petite demie lieue il alla et.r evint en un quartd'heure et demi, et dit en descendant de cheval « S'il yavait dix chevaux comme celui là destinés à me conduireeu Saxe, j'aurai vit bientôt. n

Les deux officiers prisonniers lurent mis au corps degarde (1) et pende jours après (2) condammésà être pendus.Pénétrés de douleur (lu genre d'une telle mort, ilss'informô-rents'il n'yavaitpointait service de Sa Majesté des Françaisqui eussent. quelque crédit à la Cour et auxquels ils pus-sent parer. On leur conseilla de s'adresser à moi, et in'écri-virent pour que je leur rendit l'important service de lesaller voir. J'allai en demander ]il à M. le comtedc'l'ai'lot, cousin du moy, et au baron d'Adlerfeld, grandmaréchal de lit lesquels me permirent de voir cesdeux infortunés, qui, sensibles â ma démarche, me deman-cki'ent en grâce d'obtenir, s'il si pouvait, celle d'être arque-basés etnon pendus. Jerevijis dire cela aux deux seigneurscy dessus nommés, qui m'ordonnèrent, de ne plus retour-ner au corps de garde etdelaisser cesdeux messieurs dansles angoisses du genre de mort auquel ils avoient été con-damnés. Ou mc confia même quelles étaient les intentionsdu Boy sur ce sujet, ce (lui nie tranquilisa sur leur compte.Le terme expiré. Ni. le comte de Tarlo et le baron d'Adler-fol t vinrent prendre les deux prisonniers,, les condui-sirent au château devant S. M. laquelle leur fit un

(n En n'urge. eflacd Dans l'histoire rie Charles X.!!.2 1 .L fTecd Furent.-

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reproche, maismais boniiùle, qu'il n 'aurait pas cru que des offi-ciers français, nation qu'il aimait, se fussent chargés d'uneentreprise pareille. Les prisonniers s'en excusèrent en di-sant que le général S'essans (sic) étant l'auteur de ce projetavait ordonné expressément à leur commandant de n'ou-vrir les ordres ny les communiquer que lorsqu'ilsseraient sur environs de la ville de Deux Ponts. Le Roy leurannonça lui-même leur grâce, et dit au sieur Lacroix, (luecomme il avait eu son cheval tué sous lui, il avaitordonné qu'on lui en donne un autre et deux cents écus àchaque prisonnier pour retourner en Saxe (1)-; et il leschargea de faire ses complimeus au roi Auguste, «pci'-suadé, dit-il, que ce prince n'avait aucune part à des pro-cédés si violents ».

La mort de Charles XII, dont la nouvelle arriva à DeuxPonts le 5 janvier 1719 fut le plus grand revers qu'eutessuyer Sa Majesté Polonaise; qui ne resta que quelquesjours dans ce duché où il n'avait plus d'azilè. Le vieuxprince de Deux Ponts, qui était venu à cette cour pour ypasser le carnaval, fut reconnu pour souverain le O aumatin. Le roy et sa cour partit sans ressource au côté desfinances et prit le chemin de Weissembourg (lue le régentlui offrit pourdomicile.J'eus l'honneur, accablé du chagrin(le perdre ce maltre, de lui présenter l'étrier lorsqu'ilmonta à cheval. Ce prince me serra entre ses bras et suedit qu'il « n'oublierait jamais soit que, dès que sesinfortuùes feraient place à des teins plus heureux, qu'ilme rappellerait près de lui u. Il n'en a rien Sait. Dans cetriste moment que je viens (le peindre, je ne crois pasque roy, reine, princesse, mère, et fille, courtisan et domes-tique composassent au dela de quarente personnes.

1719. - C'est de cette époque que je m'en allez en Saxe,

tU En marge: Il leur rendit aussi leurs épées et leur dit (le tus rat-ploier û de meilleures cause.

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—o--- -où l'oii préparoit de grandes et magnifiques fêtes pur leprince royal de iooie. J'arriver vers la fin de janvier, etfut reçeu au service du roy après avoir dancé devant leprince. Cesl là où jay commencé à con.noilre M. le maré-chal de Saxe, auquel je fus prése.ntéet auquel jay.été trèsattaché depuis. Je fus mûme un (le OCUX qui ont déterminéce seigneur à choisir un théâtre (1) plus grand pie celui desa patrie pour '-jouer le rôle que tout son mérite annon-çait. Nous lui urnes préférer celui de la France à toutautre.lI partit et arriva à Paris en janvier 1790, et je l'avoisdevancé de quelques semaines. Dans ce voyage je n'avaisosé passer à Veisenburg on m'en fit sentir la cotisé-q uence, servant alors'Auguste Il. J'en écrivit tues regrets àM. le comte de Tarlo, qui par là nie scout à Paris. Je fusbien étonné un jour, qu'à onze heures dit j'entendisfrapper à la porte de la maison où je logeois, qu'il entraune chaise (le poste dans 1a cour, el. un quelqu'un qui de-manda M. Favier. Je me lever vite et fut très-surpris derccojinoitre la voix de M. le comte de Tarie. Je descendisvile et appris de ce seigneur que dans Paris il avoitcherché pendant cinq heures de temps un endroit à seloger sans pouvoir y réussir,et qu'il venoit mc demander Jecouvert. On sent la possibilité de cette disette de logement;puisqu'alors était lit crise des actions. Ce seigneurlogea cinq jours chez moi, et j'appris qu'il venoit en Francepour solliciter M. le Régent d'accorder des subsides à lafamille royale de Pologne, et n'obtint rien. C'est dans cettegrande détresse (lue le duc de Lorraine d'alors envoya auroy Stanislas quinze ou vingt mille écus. Auroit-il cruqu'un jour ce monarque jouerait un rôle dans ses États?

M. le comte de Tarlo vit souvent M. le prince de Condéet par conséquent aussi Mine la marquise de Prie: Commeun des motifs de SOil voyage était de se défaire de quelques

(t) .Il acai( d'abord: un grand théâtre.

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pierreries de la reine de Pologne, je les lui fis vendre. Ceseigneur ne demeura pas longtemps à Paris, et à soit

nous fûmes une heure ensemble (1). Là je lui dis que,toujours fort attaché à mon ancien maitrc, je serois charméd'apprendre s'il s'en retournait avec quelque espérance derendre les infortunes de cette cour plus supportables.Voiey sa réponse «Mon cher Favier, je vous dirai là-dessus, mais en confidence, que si M. le Régent vient àmourir et quo M. le prince de Condé devienne premier mi-nistre, vous nous verrez peut-être jouer un grand rôledans votre patrie. » Depuis l'eus beau rêver à la confidencequ'on m'avait fait, je ne me suis point imaginé qu'uneprincesse de Pologne pût devenir reine (le Franco, puisquel'Enfaûte Reine était déjà dans le pais dont le throiie luiétait destiné. Cependant il est arrivé que cet arrangementqui avoit dû paroitre bien chimérique aux auteurs mêmesa eu son plein effet.

En 1741, je vins en France et descendis chez M. le maré-chal de Saxo, y ayant eu toujours un appartement. C'estclans ce voyage que je me cru perdu auprès de, cc seigneur'pour avoir risqué de lui dire mon sentiment sur la posses-sion des biens du feu comte de Hoïm au préjudice deMmc la comtesse de Watrdorff ; laquelle par le testenirnentde son oncle défunt était légatrice de ses biens placés enFrance. Le maréchal se crut autorisé à les demandercomme étant eonfisquables, vu le genre de mort du défunt,qui se pendit avec son mouchoir dans la forteresse deKbnigstein. (Il y a lieu de présumer qu'on lui avait annoncéalors qu'il était condamné à une prison perpétuelle.) M. leMaréchal demanda donc ses biens au roi de Pologne Au-guste Ill,qui lui en accorda les trois quarts, et le quatrièmepour Ni. le comte de Watzdorff, qui pour cette successionavait fait trois voyages en France, puisque le ministère ne

(I) Efface:: Et iâ je le priai prier.

M

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voulut remettre les biens qu'à ce seigneur chargé de laprocuration de son épouze. Le comte de 1101m avait éténaturalisé eu Fiance, et ce seigneur m'a dit qu'il avaitmême un acte particulier par lequel le roy lui permettaitde tester en faveur de qui il voudrait, même de quelquegenre de mort q 'u'il finit sa carrière (1). M. le comte deWalzdorff exécuta ponctuellement les ordres du roy soumaître. Mais ce (lui révolta le plus les amis du maréchal,est que M. et Mine de \atzdorfl lui avoient toujours ététrès attacliezet qu'il était arny de toute la famille (2).

Voilà le détail de cette affaire, et voicy ce qui m'arriva.J'attendais toujours que M. le Maréchal tue parlât de cetteaffaire pour lui dire là-dessus mou sentiment. L'occasionvenue, je le priai de me pardonner si j'allais peut-être ledésobliger (3), mais que mon sincère attachement pourlui me forçait de lui dire u que je sou haiterois ardemmentque sa fortune fût aussi pure que sa gloire; (I U C soitM. le chevalier de Saxe et ses infimes amis en Saxe nepouvaient applaudir de le voir possesseur du bien (le deuxpersonnes dont il avait été toujours l'ami; que tous ceuxqui l'.honoroient elaimoient, pensoientde même n. M. le Ma-réchal ne nie répondit pas un moi et changea de conversa-tion. Je ne m'applaudis pas alors de la démarche que jevenais'enai de iaire,et craignit qu'elle ne m'osta la confiance etl'amitié dont il m'avait lionnoré jusque là. Mais j'eus lieude croire par la seille que je n'avois eu qu'une vaine ter-reur. Je m'en retourné en Saxe et en revins l'année f748ou à mon ordinaire je descendis à soit [où j'avais (oit-jours eu mon appartement] (4).

Ce seigneur était alors à Bruxelles J'eus l'honneur de

fi En î'iarge Il eut toujours en tête qu'il finirait tragiquement.2) Effacé Retournô en Saxe, io revins en 1748. -(3) D'abord: chagriner, effacé.(t) La phrase entre crochets, effacé.- -

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lui écrire et la réponse fut que la chaise de poste étant àParis, je devois m'en servir et venir passer quelques moisavec lui. Quelques jours après mon arrivée, il me pritdons son carosse pour aller à l'Opéra Comique, eten cheminil me dit : « J'ai une bonne nouvelle à vous apprendre,ami comme vous Pestes du comte et de la comtesse deWatzdorfl. J'ai fait mon testcinment, dans lequel je lègueau comte de Watzdoril 40.000 livres. - Oui sans doute,Monseigneur, lui dis-je, ils me font l'honneur d'être desmiens, mais par In liberté que j'ai pris de vous parler decette affaires, j'ai cru vous donner les plus fortes assu-rances de mon respectueux attachement pour vous.'— Jel'ai senti de mèmc;ajouta-t-il, et l'on est heureux d'avoirauprès de soi d'honnests gens comme mon Favier;» Peude temps après il partit pour se rendre à Compigne : etprit avec lui M. Senac et moi. Et il venoit de me donnèrune très-belle tabatière d'or avec son portrait dedans. Ceprésent me lut fait pour ce qui suit

Entre l'ambassade de M. de Vaugrenan et celle deM. Désissar, un nominé M. Durand d'Aubigny fut chargédes affaires de France, et ce fut en cc temps que mourutM me la Dauphine infante. Alors Mine de Silvestre, M. d'Au-bigny et moi, conclûmes que cette triste circonstance pour-roit être très-favorable pour Mmc la princesse Joseph dePologne. On agit en conséquence (flet M. d'Auhigny tra-vailla - avec M. le comte de Brahi à cette importanteaffaire. [Comme je vis qu'on n'avait pas dessein d'emploierà cette occasion le crédit du maréchal, je lui mandai parun exprès tout ce qui se passait sur ce sujet] (2), lui mar

-quant qu'il convenoi-t qu'il fût à la tète de cette grandenégociation, et que je sentois que notre cour ne pouvoit

(I) En conséquence, effacd.(2) Correction tnargin4le : Il y avait d'abord On convint que

J'en écrirais au maréchal de Saxe, et je donnai avis à ce seigneur parun courrier de toute cette entreprise.

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manquer d'avoir négligé de heurter à certaine porte (f)dont peut-être tout pouvoit (2) dépendre (3) ce sei-gneur me fit remercier par M. le comte de Frizen, aveclequel j'étois en correspondance, et M. le Maréchal merapella ce service en me donnant la tabatière dont j'ayparlé ci-dessus.

M. Desissart arriva alors à Dresden et il expédia M. tAu-bigny pour aller enta.inmer cette affaire, lequel partit coin-Mer de (4) présents qu'il eut de Si Majesté Polonaise.

M. cl'A ubignv. arrivé à Versailles, dit avec justice un bieninfini de la princesse polonaise, mais ces éloges parurentsuspectes, vu la façon dont il venait d'être travaillé par leroy de Pologne. On lui dit sur cela qu'il lei-oit bien d'écrireà quelque honneste homme en cette cour, et le prier (5)qu'il lui marquât (8) son, sentiment sur la figure et le ca-ractère de la princesse en question: M. d'Auhigny le lit, etc'est à moi qu'il s'adressa. Je -répondit à mon ami et necrut point en imposer à Versailles en mandant un bieninfini de la princesse en question. Ma lettre, à ce que j'ap-pris (7) par mon a ni fut montrée au rov, à la reine et lemariage fut conclu. Dans les revers (le ma fortune causéspar la guelTe de 1756 e» Saxe, j'imploré des secours deMmc la Dauphine par un mémoire circonstancié et fis partà cette princesse de ces circonsr.ances desquel les je n'avoientjamais parlé à per-sonne. Non seulement je n'ai rienobtenu, mais mémo aucun remerciements que j'aurois dùespérer par la voie de mon protecleur qui s'étoit chargé demon mémoire. Ce fut M. le comte del3roglie.

(1) En -marge Ni — la marquise.(2) D'ohm-d: devait, efface,. -?3) Effacé : M. Dosissar arrivant alors, M. d'Auhigny fut expédié.(4) Biches, effacé.al D'envoyer un, de lui mander un portrait., effacé. -- -

(6) D'abord : Qu'il lui écrive, -effacé.(7) J'appris par.

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• Voicy un trait du maréchal de Sax, qui peut être n'etstsceu que de moy et dont je suis bien aise que le public soitinstruit. On m'avait engagé dans plusieurs maisons d'en-gager ce seigneur de faire écrire sousses yeux un-journalen forme de ces campagnes. « J'y ai pensé plus d'une fois,me dit-il, mais esclave de la vérité, j'ai mieux aimé me1irivei' de cette satisfaction et ne pas déshnnoré le nom-detrois familles respectables. n ..

Si M. le Maréchal eili esté élevé par Mme la comtesse deKonismark sa mère. son éducation eût été meilleure.Cette dame joignit à une belle figure beaucoup d'esprit et depolitesse; mais, entre les mains de gouverneurs incapablesde former un jeune seigneur, ilfut jusqu'àdix-huitou vingtans d'un caractère un peu dur, et n'apprit rien decequi peutouvrir l'esprit cl, former le jugement. Auguste Il, son père,que cela chagrinoit, jugea àpropos de proposer à une jeunecomédienne françoise qui étoit de la troupe de Sa Majestéde recevoir son fils chez elle, et de le rendre d'un espritplussociable, etc. (1). Les bienfaits du monarque ne lui man-quèrent pas, et l'entreprise lui réussit très-bien. Ce seigneurn'était pas né généreux je crois qu'il y aurait moinsparu s'il eût été entouré de gens qui l'eussent excitéà faire du bien et à propos. H ne fallait pas attendre quecela vînt de son propre mouvement, niais il m'est arrivéplus d'une fois de procurer des secours de ce seigneurpour gens dans le besoin sans qu'il ait été besoin de lesolliciter longtemps pour le faire. -

(i) Note fi a/e « Cependant les enfansde qualité et de gens aisés envenant au monde sont bus élevés en Saxe par des Françolses que l'onfait venir (Je Berlin ainsy la première langue qu'ils apprennent est lalangue françoise, et soit par la nourrice ou les domestiques, celle dupals leur devient bientét aussv famitire. Cependant malgré cela M. le1aréeb,.t n,, jamais secu écrire le français et voicy quelques lettres

'le lui [qui feront for, effacé] pli prouveront ce que je viens de diresur la façon dont Il n été élevé Je n'ai pas sceu s'il n été plus correctdans sa langue maternelle.

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Son goût pour les femmes lui donna celui de vivre avecdes grizettes. On devroit inférer de là que les conversa-tions y devoient être licentieuses. Je puis (lire cependantqu'il était rare que quelqu'un y risqua des obscénités; àmoins qu'elle ne fut spirituellement enveloppée, s'étoit luifaire mal la cour que d'en débiter. Il a toujours été trèssobre et crois qu'il ne s'est grizer de la vie, au moins dema connaissance.

Extrait, du Jo,,,nat de la Société d'archéoloqie lorraineNovembre 1897

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Nanoy. - I,.'p. CR.:p Iw-LEØLOND. 2!, rut Ssb.t-OIz!t, ,.rn,ge du C.u!ao!J