17

Click here to load reader

Du Moment Epistemique de l Ecriture

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Du Moment Epistemique de l Ecriture

DU MOMENT ÉPISTÉMIQUE DE L'ÉCRITURE (1947-1983)Jean-Gérard Lapacherie

Le Seuil | « Poétique »

2009/3 n° 159 | pages 259 à 274 ISSN 1245-1274ISBN 9782020987279

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-poetique-2009-3-page-259.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

!Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Jean-Gérard Lapacherie, « Du moment épistémique de l'écriture (1947-1983) », Poétique 2009/3(n° 159), p. 259-274.DOI 10.3917/poeti.159.0259--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour Le Seuil.

© Le Seuil. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manièreque ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 2: Du Moment Epistemique de l Ecriture

Jean-Gérard LapacherieDu moment épistémique

de l’écriture(1947-1983)

Ce moment est provisoirement délimité ainsi : de 1947 à 1983 ; ou, si les dates sont remplacées par deux ouvrages publiés ces années-là, le premier en 1953, le second en 1980, du Degré zéro de l’ écriture à La Civilisation de l’ écriture ; ou de 1947, date à laquelle le journal Combat commence à publier les études de Roland Barthes réunies dans Le Degré zéro de l’ écriture, à 1983, année où l’éditeur Jac-ques Damase publie de Jérôme Peignot Calligraphie, dont le sous-titre porte « du trait de plume aux contre-écritures » et dans lequel sont reproduites, pages 150 et 151, signées de Roland Barthes, deux calligraphies, qui seraient tenues pour des gribouillis, si elles n’avaient pas été mises en pages avec soin et que celui qui les a tracées, devenu célèbre, n’eût pas créé un rythme ou un effet de rythme visuel1. Ce moment n’est pas mis en rapport, pour être étudié, avec des faits sociaux ou politiques ou culturels ; il n’est pas la conséquence de causes antérieures ; il n’est pas le moment x dans une longue chaîne de moments. L’étude qui suit tient moins de l’histoire que d’une étude de lieux ou loci ou topoi, lesquels, à la différence des lieux étudiés par Frances Yates par exemple, dans L’Art de la mémoire2, ne sont pas des repères mnémotechniques dont usent les rhéteurs, mais des lieux dits « de pensée », au sens où, là, émerge un concept et se déploie une pensée. Les ouvrages qui déli-mitent ce moment ont pour auteur Roland Barthes : Le Degré zéro de l’ écriture, les deux calligraphies ou « contre-écritures » reproduites dans l’ouvrage de Peignot, la préface de La Civilisation de l’ écriture, et, entre ces deux limites, comme des arrêts obligés ou des stations attendues dans des lieux que l’on visite, « De la grammato-logie » (1965-1966) de Jacques Derrida, Le Plaisir du texte (1973) de Roland Barthes, Du calligramme de Jérôme Peignot (1978), « Sémiographie d’André Masson » (1981) de Roland Barthes3. Les limites sont arbitraires. Pourtant, si elles ont été choisies, c’est aussi parce que les titres, qui se ressemblent pour ce qui est de leur syntaxe, à savoir un groupe nominal, le degré zéro, la civilisation, suivi du même complément de l’ écriture, ont un sens, sinon antinomique ou contraire, du moins qui diverge dans d’importantes proportions. Les mots degré zéro disent le vide, l’absence, le défaut, le manque. Par rapport à ce vide, le nom civilisation dit le contraire : non pas l’absence, mais la présence ; non le vide, mais le plein ; non le manque, mais la

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 259 14/08/09 14:44:10

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 3: Du Moment Epistemique de l Ecriture

260 Jean-Gérard Lapacherie

saturation et même le trop-plein. Ou à la positivité de la « civilisation de l’écriture » répond l’éventuelle négativité des « contre-écritures ».

Commençons par dresser « l’état » de ce moment, comme l’on ferait d’un lieu. Le titre porte épistémique et non épistémologique. Le moment n’a pas de lien avec l’épistémologie ou science de la connaissance, mais avec l’épistèmè d’une époque, c’est-à-dire avec le savoir propre à trois décennies, et pour ce qui est de la seule écri-ture. En 1950, ce savoir est en déshérence. Alors, les spécialistes de linguistique his-torique et les structuralistes ont, de l’écriture, une conception étroite, la ramenant à un ensemble de substituts, qu’ils souhaitent transparents. Le seul objet d’étude digne d’un linguiste est la langue orale, l’écriture étant un appareil d’enregistrement (des « written records », selon Bloomfield dans Language4) ou extérieure à la langue et seconde ou secondaire par rapport à celle-ci. Aucun ouvrage de fond traitant de l’écriture n’a été publié entre 1835, année de la publication de l’ouvrage posthume de Champollion, Principes généraux de l’ écriture sacrée égyptienne5, et 1950 ou ceux qui l’ont été, les ouvrages ou les extraits d’ouvrages de Vachek, Gak, Février, Gelb6, n’ont eu aucun impact réel sur la pensée linguistique jusque dans les années 1970. Ce jugement de « déshérence » n’aurait pas été porté en 1950. Alors, il ne serait venu à l’esprit d’aucun linguiste ou sémiologue ou grammairien que la ou leur connais-sance, en matière d’écriture, était partielle, biaisée, tronquée. Les linguistes énon-çaient la vérité ; du moins ils étaient persuadés que ce qu’ils énonçaient était aussi incontestable que la vérité. La déshérence est donc relative, au sens où elle relève d’un jugement a posteriori : c’est l’éloignement ou le fait que nous sommes détachés de ce moment et la lumière apportée par les travaux de Gelb, de Mme Catach, de Gak qui en font prendre conscience. L’ouvrage par lequel débute ce moment, à savoir Le Degré zéro de l’ écriture, n’a rien d’une thèse de doctorat, sauf le vocabulaire parfois obscur, emprunté à la linguistique, au marxisme ou à la philosophie existentialiste. Dépourvu de bibliographie et de notes, il relève de ce que l’on peut nommer sans mépris le journalisme culturel. Il y est fait référence à des savoirs linguistiques : « Il s’agit de dépasser ici la Littérature en se confiant à une sorte de langue basique, également éloignée des langages vivants et du langage littéraire proprement dit7. » Les mots langue basique réfèrent au français fondamental, à l’établissement duquel, à la fin des années 1940, Barthes a participé modestement, les concepteurs de cette méthode d’apprentissage du français ayant pris pour modèle le basic english, à savoir une langue en partie artificielle, faite d’un vocabulaire minimal (mots fréquents et disponibles) et d’une syntaxe simple, sans la connaissance desquels il n’est pas possible de parler anglais, et qui est distincte aussi bien des « langages vivants », du français ou de l’anglais, tels qu’ils se parlent, que du « langage littéraire », celui des écrivains. Il emprunte des mots savants à la linguistique : degré zéro, forme, écriture, valeur. De ces termes qui appartiennent au structuralisme8, on ne doit pas conclure que le concept d’écriture trouve son origine dans le structuralisme, bien qu’ils soient inclus dans un réseau d’oppositions : langue vs style, écriture vs langue, écriture vs style, écriture vs degré zéro de l’écriture. En réalité, c’est à la philologie romane que Barthes emprunte la conception qu’il se fait l’écriture. De la philologie ou de la linguistique historique, il la transporte dans un lieu inédit, pour lequel elle n’a pas été faite et qui lui convient sans doute mal : les études littéraires.

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 260 14/08/09 14:44:10

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 4: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 261

Au sujet de l’écriture, les spécialistes de philologie romane expriment, entre autres thèses, celles-ci. L’écriture est parfaite quand elle fait correspondre à chaque son une seule et même lettre, comme dans l’alphabet grec ancien et dans l’alphabet phonétique international ; et elle est imparfaite ou mauvaise dans la graphie du français ou de l’anglais. Saussure récuse le témoignage de l’écriture : « lâcher la lettre […], pour nous, c’est un premier pas vers la vérité9 ». Se fonder sur l’écriture pour atteindre la langue, c’est s’abuser, comme le disent les métaphores du traves-tissement (« ce n’est pas un vêtement, c’est un travestissement ») et du voile (« [l’écri-ture] voile la vue de la langue10 »). Une des raisons pour lesquelles Saussure méjuge l’écriture tient au fait qu’elle résiste à l’histoire : « La langue évolue sans cesse, tandis que l’écriture tend à rester immobile » ; « une notation (graphique), conséquente à un moment donné, sera absurde un siècle plus tard » ; « à partir du xive siècle, l’écri-ture est restée stationnaire, tandis que la langue poursuivait son évolution11 ». La langue évolue, l’écriture est une force antihistorique. L’écriture du français est ou serait conforme à ce qu’était la langue française aux xiiie et xive siècles. Archaïque, elle n’aurait plus que des rapports lâches et infidèles avec la langue qu’en théorie elle est censée représenter. Elle l’immobilise, l’arrête, la fixe, la clôt. Réalité trompeuse, elle a quelques-unes des propriétés de l’idéologie, laquelle justifie un ordre, tout en cachant ce qui fonde cet ordre. C’est ou ce serait une force de conservation.

L’écriture définie comme un ensemble de formes archaïques ou conservatrices, parce qu’elles s’abstraient (ou s’abstrairaient) de l’histoire et masquent (ou mas-queraient) l’évolution des langues, ou trompeuses et mensongères, parce qu’elles déforment (ou déformeraient) la langue, c’est l’idée que Barthes se fait de l’écriture littéraire. Dans cette dernière phrase, les verbes au conditionnel, placés entre paren-thèses, expriment le savoir des années 2000 ; Barthes, en 1950, les aurait employés au présent, tenant alors le savoir linguistique pour un discours de vérité. Aussi le transporte-t-il dans la littérature pour y isoler une ou des réalité(s) formelle(s), dont personne ou quasiment personne n’avait eu conscience antérieurement. Certes, il est arrivé aux surréalistes d’employer le mot écriture suivi de l’adjectif automatique, mais ils l’entendaient comme l’acte d’écrire à la plume des mots ou des phrases : « Faites-vous apporter de quoi écrire […]. Ecrivez vite sans sujet préconçu […]. La première phrase viendra toute seule […]12. » Certes, à l’entrée écriture du Trésor de la langue française, il est signalé que tel ou tel écrivain, Paul Valéry ou Jacques Rivière par exemple, a donné à écriture un sens figuré, mais ce terme n’a jamais une force explicative. Barthes ne désigne pas par le nom écriture le style : « On veut affirmer ici […] l’existence d’une réalité formelle indépendante de la langue et du style […] la troisième dimension de la forme13. » Pour expliquer ce concept d’écriture, il cite l’écrivain pamphlétaire Jacques-René Hébert (1757-1794) qui, dans ses pamphlets ou dans les articles, généralement incendiaires, de son journal Le Père Duchesne, dissémine dans ses phrases des jurons, tels bougre et foutre, sans doute pour que ses discours soient enracinés dans la langue parlée par le peuple :

[La littérature] aussi [comprendre, comme chez Hébert] doit signaler quelque chose, différent de son contenu et de sa forme individuelle, et qui est sa propre clôture, ce par quoi précisément elle s’impose comme Littérature. D’où un ensemble de

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 261 14/08/09 14:44:10

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 5: Du Moment Epistemique de l Ecriture

262 Jean-Gérard Lapacherie

Signes donnés sans rapport avec l’idée, la langue ni le style, et destinés à définir dans l’épaisseur de tous les modes d’expression possibles, la solitude d’un langage rituel. Cet ordre sacral des Signes écrits pose la Littérature comme une institution et tend évidemment à l’abstraire de l’Histoire, car aucune clôture ne se fonde sans une idée de pérennité : or c’est là où l’Histoire est refusée qu’elle agit le plus clairement14.

Les mots qui caractérisent les signes ou signaux par lesquels l’écriture se reconnaît ou les réalités formelles qui la manifestent sont tous négatifs ou dépréciatifs : « ordre sacral des Signes écrits », « rituel », « clôture », « institution », « Histoire refusée ». A l’écriture sont rattachés le sacre, le sacré ou le sacral, le rite ou le rituel, la clôture ou les enclos, ce qui, institué, devient Institution, le refus de l’Histoire, c’est-à-dire le refus de participer à la marche du monde. L’emploi des majuscules à l’initiale d’Histoire, Littérature, Signes, Forme, Forme-Objet n’est pas conforme aux règles du Code typographique15. Tout se passe comme si Barthes prenait ses distances avec le prestige que des institutions sont censées accorder aux entités sacrées ou sacralisées que ces mots désignent, alors que les majuscules n’apparaissent pas dans écriture, quand ce terme désigne l’écriture blanche ou le degré zéro de l’écriture. « Toutes les écritures, écrit Barthes, présentent un caractère de clôture qui est étranger au langage parlé16. » Pendant le dernier demi-siècle, le terme clôture a connu une vive faveur dans la critique littéraire, à propos du texte ou de la pensée ou de la théorie ou de la littérature. Clore le langage parlé par l’écriture, c’est en faire une réalité pérenne. Le terme ordre sacral, ou ordre qui mime le sacré et qui tend à sacraliser ce qui est institué, renvoie à l’interprétation exprimée au xviiie siècle au sujet des hiéroglyphes égyptiens, que des prêtres cupides auraient inventés afin de réserver la science à la caste sacerdotale, interprétation que Lévi-Strauss reprend en partie17, quand il assigne à l’écriture la fonction de légitimer un pouvoir social indu.

L’écriture, telle que Barthes la conçoit, entrave l’émergence de formes littéraires nouvelles et dénature le jugement ou le goût des lecteurs. Il y a loin de cette critique sans concession, à laquelle s’adonne Barthes, à l’idée positive, valorisante et mélio-rative que, depuis trois ou quatre décennies, l’on se fait de l’écriture littéraire. Ce que Barthes tenait pour négatif a changé de pôle : le – est devenu +. L’objet de rejet est reçu avec bienveillance. Dans le tome 7 du Trésor de la langue française, écriture, entendu dans un sens figuré, est défini ainsi : « Pratique du langage envisagée du point de vue de sa production et de sa destination sociales18. » Les mots pratique, production, social signalent comme marxiste ou marxisante la théorie où le concept trouve ou trouverait son origine. La définition est illustrée de cet extrait du Degré zéro de l’ écriture19 :

[…] l’écriture est donc essentiellement la morale de la forme, c’est le choix de l’aire sociale au sein de laquelle l’écrivain décide de situer la nature de son langage.

Certes, si l’on se fonde sur cette définition et sur l’exemple cité, on est en droit de penser que le concept d’écriture a pour socle épistémologique le marxisme, aire sociale valant sans doute pour classe sociale, et qu’il se nourrit de la théorie de l’engagement, comme dans cet extrait de « Qu’est-ce que l’écriture20 », dont le titre

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 262 14/08/09 14:44:10

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 6: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 263

reprend le célèbre « Qu’est-ce que la littérature » (in Situations, II) de Sartre : « c’est ici – id est dans l’écriture – que [l’écrivain] s’engage ». Le langage, en « situation », engage la responsabilité de l’écrivain, qui doit répondre de ses choix en matière de forme. Dans « l’utopie du langage21 », Barthes, à cet engagement formel, assigne pour objectif de contribuer à la Révolution. Or, le concept ne se réduit pas à une « pratique (engagée) du langage ». Le marxiser, c’est y donner une positivité his-torique dont il est en partie dépourvu et c’est effacer aussi tout ce par quoi il se rattache à la conception pessimiste que les linguistes et les romanistes se font de l’écriture. En 1953, le concept d’écriture n’a guère été compris. Dans la presse « culturelle », il a été rendu compte du livre de Barthes en des termes élogieux, mais les auteurs de ces articles ont achoppé sur le sens du titre22. Dans Les Temps modernes, la revue fondée par Sartre, Jean-Bernard Pontalis ne suggère même pas que Barthes converge avec Sartre sur la liberté, le choix, la situation, la responsa-bilité des écrivains.

Pas la moindre allusion au fait que la notion barthésienne d’écriture pourrait corres-pondre à celle, sartrienne, d’engagement, pas le moindre renvoi à une quelconque convergence philosophique23.

Les éloges et la certitude affichée que l’auteur du Degré zéro de l’ écriture est plus un écrivain qu’un critique masquent mal l’incertitude dans laquelle les concepts degré zéro et écriture ont laissé les premiers commentateurs, et même des observateurs aussi lucides que Jean-Paul Aron, lequel se félicite, dans Les Modernes24, que la traduction en japonais de « degré zéro de l’écriture » soit « il gèle dans la littérature ». En japonais, le titre assimile le « degré zéro » au froid, au gel, à l’hiver, à la couleur de la neige, à la littérature froide, alors que degré zéro, comme l’adjectif blanche qui, dans écriture blanche, équivaut à peu près à degré zéro, signifie « absence » de marques.

Ce qui n’a pas été perçu alors, c’est le socle épistémologique d’où émane le concept d’écriture, mais c’est aussi le « travail » de la pensée, au terme duquel Barthes scinde l’écriture en deux concepts, qu’il peut ainsi opposer l’un à l’autre, comme s’ils étaient des phonèmes ou les traits sémantiques de morphèmes. Dans les deux termes de cette opposition, il insère, en bon dialecticien, des degrés, correspondant à des jugements de « valeur » : négatif vs (v. ou /) positif. A l’écriture (littéraire) trompeuse ou archaïque, il oppose une autre écriture, nouvelle, inédite, en un mot moderne, qui ne cherche pas à asséner quelque vérité que ce soit sur le monde ou sur les hommes. L’écriture littéraire est une force de conservation, sauf quand elle est « blanche » ou au « degré zéro » ou « non marquée ». Alors seulement, elle prend un sens positif, l’écriture blanche ou non marquée ou au degré zéro étant à l’écriture littéraire marquée ce que les alphabets phonétiques sont aux mauvaises orthographes du français et de l’anglais. Degré zéro signifie « absence pertinente d’un trait formel ou sémantique dans une unité du système décrit25 ». Dans le Cours de linguistique générale, Saussure présente ainsi l’absence de signes :

On voit donc qu’un signe matériel n’est pas nécessaire pour exprimer une idée ; la langue peut se contenter de l’opposition de quelque chose avec rien26.

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 263 14/08/09 14:44:10

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 7: Du Moment Epistemique de l Ecriture

264 Jean-Gérard Lapacherie

Le « degré zéro » de l’écriture implique l’absence de « l’ordre sacral des Signes écrits » qui définit l’écriture littéraire, à savoir, par exemple, le passé simple obli-gatoire, la narration à la troisième personne, le narrateur omniscient, les adjectifs décoratifs et pittoresques, et dans toute littérature, qu’elle soit ou non narrative, les doxa, ces fragments verbaux durcis, sclérosés et figés, véritables formes qui circulent dans une œuvre et s’échangent d’un écrivain à l’autre. De même, l’adjectif blanc signifie aussi « absence », comme dans mariage blanc, examen blanc, vers blancs, page blanche, nuit blanche, faire chou blanc, tirer à blanc, etc. Le degré zéro de l’écriture se caractérise par l’absence de tous les signes obligés ou institués de l’écriture lit-téraire.

L’écriture atteint aujourd’hui un dernier avatar, l’absence : dans ces écritures neutres, appelées ici le « degré zéro de l’écriture », on peut facilement discerner le mouve-ment même d’une négation, et l’impuissance à l’accomplir dans une durée, comme si la Littérature, tendant depuis un siècle à transmuer sa surface dans une forme sans hérédité, ne trouvait plus de pureté que dans l’absence de tout signe, proposant enfin l’accomplissement de ce rêve orphéen : un écrivain sans Littérature. L’écriture blanche…, c’est le dernier épisode d’une Passion de l’écriture, qui suit pas à pas le déchirement de la conscience bourgeoise27.

Blanche ou au degré zéro, l’écriture se situe à l’opposé de ce que les frères Gon-court ont été les premiers à nommer, à la fin du xixe siècle et au début du xxe, écriture :

Le symbolisme fut le règne de ce qu’on appelait l’écriture artiste, et l’écriture artiste peut passer pour un héritage des Goncourt. Elle consiste dans un effort d’invention verbale perpétuellement visible, dans une volonté de laisser cet effort incorporé à la texture du style28.

L’écriture blanche, nouvelle, inédite, moderne est le contraire de cette écriture artiste, « perpétuellement visible ». La première est dépourvue de marques ; la seconde en est saturée.

Le Degré zéro de l’ écriture a été méconnu des spécialistes pendant plus d’une décennie. Dans l’Histoire des littératures29, publié sous la direction de Raymond Queneau, que Barthes cite comme l’inventeur d’une écriture orale ou parlée dépourvue de tout le cérémonial de l’écriture littéraire, ouvrage dont le sous-titre « Littératures françaises connexes et marginales » laisse supposer, à cause du nom littératures employé au pluriel et de l’épithète marginales, valorisante dans le cadre d’une rupture conceptuelle, que les littératures étudiées dans ce volume ne sont pas seulement celles qui sont entrées dans le patrimoine de la France, le nom de Roland Barthes est cité page 1032 dans la partie « Le roman et la prose lyrique au xixe siècle », rédigée par Gaëtan Picon (p. 999 à 1109) et, à l’intérieur de celle-ci,

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 264 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 8: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 265

dans les trois pages consacrées à Michelet (p. 1031 à 1034). Barthes n’est pas cité pour le concept d’écriture, mais comme spécialiste du lexique de Michelet :

Les idées de Michelet ressemblent à celles d’un poète, plus qu’à celles d’un idéo-logue. Elles traduisent moins la démarche gouvernée d’une pensée consciente qu’un ensemble obscur d’attractions et de répulsions. On a récemment mis au jour (Roland Barthes) cette « thématique existentielle » latente.

Au rebours, les thèses du Degré zéro, ignorées par la critique universitaire, ont été favorablement reçues par les (ou des) écrivains. Elles ont d’abord affecté ou fécondé la « création », à laquelle elles n’étaient pas destinées. Des écrivains ont changé leur manière d’écrire ou ont justifié leur « écriture » après avoir lu Barthes et en se référant à sa distinction de deux écritures et à sa conception d’une écriture neutre, blanche, sans marques. Dans l’article « Sur quelques notions périmées », écrit en 1957 et recueilli dans Pour un nouveau roman30, Robbe-Grillet emploie à plusieurs reprises le terme écriture dans le sens qu’y donne Barthes. Les « notions périmées » sont des réalités formelles du récit : le personnage ayant une biogra-phie et un statut social comme une personne, l’anecdote, les adjectifs pittoresques, l’ordre chronologique dans la narration, la distinction entre le fond et la forme que Robbe-Grillet, comme Barthes, rejette, les prises de position idéologiques, c’est-à- dire l’engagement au sens de Sartre, auquel est substitué l’engagement formel, celui du degré zéro ou de la disparition des formes « périmées ». En 1953, l’écriture était du côté du commentaire, de l’interprétation, de l’exégèse. En mettant au jour dans la littérature cette réalité formelle, Barthes entendait, semble-t-il, analyser les œuvres littéraires avec des méthodes différentes de celles de l’histoire littéraire. Le concept a été ignoré de ceux à qui il était en principe destiné, mais il ne l’a pas été des romanciers qui refusaient le réalisme social à la manière de Balzac ou de ses épigones. De l’interprétation, il a basculé dans la création et l’entreprise critique de Barthes a convergé avec la volonté d’expérimentation litté-raire du Nouveau Roman.

Le concept d’écriture a été affecté par ce déplacement qui est aussi un change-ment de lieu. Le premier concept, celui d’écriture littéraire chargée ou visible, s’est peu à peu effacé ; le second, celui d’écriture moderne ou nouvelle ou de degré zéro, a prospéré. L’opposition dialectique dans laquelle Barthes l’a pensé est peu à peu devenue caduque. Ayant perdu un pôle, l’écriture « monolectique », pourrait-on dire en usant de ce néologisme aventuré, devient un terme à multiples acceptions sans cesse répété ou de référence, ou même une oriflamme ou un étendard de reconnaissance, perdant en force ce qu’il gagne en diffusion. Le succès a été sans doute favorisé par la proximité morphologique entre le verbe écrire, employé de façon absolue, et les noms écrivain et écriture, ce dernier étant interprété de fait comme le nom d’action dérivé du verbe, au point que, dans ses usages actuels, le mot écriture n’est plus que l’acte d’écrire et, métonymiquement, le résultat de cet acte. Le concept de Barthes n’a pas suscité d’abord de connaissance, mais il a nourri la fiction et les œuvres d’imagination, tout ce qui, dans nos croyances (mais les croyances sont susceptibles d’être redressées), est tenu pour incompatible avec le

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 265 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 9: Du Moment Epistemique de l Ecriture

266 Jean-Gérard Lapacherie

savoir ou considéré comme en étant l’opposé ou le contraire. Les études littéraires forment, dans l’ensemble des sciences ou des connaissances, un domaine à part, qui se caractérise par la porosité entre le sujet et l’objet ou entre le savoir et l’objet sur lequel porte le savoir, entre la critique et la littérature ou la langue littéraire dont la critique rend compte ; ils se nourrissent l’un l’autre, ils échangent leurs concepts et même ils s’échangent l’un l’autre, le savoir se faisant fiction et les œuvres d’imagi-nation connaissance. Les vieilles questions du style, de la description, des voix, de la narration, des figures en ont été renouvelées. Un nouveau paradigme s’est mis en place, le terme paradigme désignant des propositions théoriques ou auxquelles ceux qui les expriment attribuent un statut ou une valeur théorique, des propositions théorisantes en quelque sorte, par lesquelles sont expliqués des faits, des formes, des réalités observés dans un champ donné – en l’occurrence la littérature – ou sont découverts des faits qui n’ont pas été observés antérieurement, et cela en transfor-mant ces faits, ces formes, ces réalités en objets d’étude. Au début des années 1950, Barthes découvre dans la littérature des faits de forme, à savoir des signes isolables, tangibles, reconnaissables dans les récits (passé simple, troisième personne, narra-teur omniscient, formes obligées du récit, adjectifs décoratifs) et dans les discours (les doxa isolées sous la forme de fragments verbaux durcis, sclérosés). Le concept est heuristique à deux niveaux : l’interprétation des textes et la création. Ce qui caractérise ce moment épistémique, c’est sa nature labile ou, pour dire les choses plus exactement, plastique, au sens de cet adjectif quand il qualifie le nom arts, le savoir littéraire, à peine élaboré, passant de la critique à la création ou de la lecture à l’écriture entendue comme activité d’invention. De fait, ce savoir est fragile. Toute tentative pour l’exprimer en formules ou en théorèmes et pour l’enseigner semble vouée à l’échec, ce qui explique sans doute que Barthes y ait renoncé en partie dans les années 1970 ou, pour dire les choses plus exactement, qu’il ait donné à ce concept un tout autre sens, quasiment opposé à celui qu’il avait dans Le Degré zéro de l’ écriture.

En effet, un nouveau changement affecte l’écriture à la fin des années 1960, ce qui détermine un second moment dans ce moment épistémique. Dans la préface à la seconde édition des Essais critiques31, Barthes date l’événement de l’année 1966. Encore une fois, un nouveau paradigme émerge, en partie contre celui que Barthes a constitué, ce qui, entre autres raisons, explique le remplacement de la probléma-tique de l’écriture, bourgeoise, marquée ou blanche, par celle de texte, que ce soit le « plaisir du texte » ou « le texte de plaisir ». A la différence de ce qui se passe en 1953, ce n’est pas Barthes qui est à l’origine de ce second moment, mais Jacques Derrida, auteur d’un long article publié en décembre 1965 et en janvier 1966 dans deux livraisons consécutives de la revue Critique, au comité de rédaction de laquelle Barthes était actif. Intitulé « De la grammatologie32 », cet article a été amplifié en un livre homonyme, publié en 1967 aux éditions de Minuit. Il y est question d’écriture, non pas au sens figuré de ce terme, absente ou blanche, mais au sens propre, celui d’écriture matérielle, de traces, de gestes, d’instruments, de supports. Si science du langage il y a, science et non pas idéologie, elle est dans la gramma-tologie, la science opposée, la linguistique ou les sciences du langage, étant fondée sur des présupposés qui déterminent en Occident le langage, la métaphysique, la

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 266 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 10: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 267

pensée. L’idéologie, le refus de l’histoire, la représentation déformée de la langue ne sont pas dans l’écriture, comme le pensaient Saussure et Barthes, mais chez les lin-guistes quand ceux-ci réduisent le langage à la seule voix ou oralité (phoné) ou aux seuls signifiants phoniques, ce que Derrida nomme phonocentrisme. Relisant Saus-sure, en particulier le court paragraphe dans lequel la langue est définie comme une somme d’empreintes collectives déposées dans le cerveau de chacun de nous et un autre paragraphe, dans lequel il est affirmé que « dans la langue, il n’y a que des différences », il pose l’hypothèse de la trace : l’empreinte est première, elle est trace écrite, pure forme, signifiant, le signifié est second, il n’est qu’un signifiant de signifiant ou, dit en d’autres termes, il est ce que les autres signifiants ne sont pas.

De fait, la grammatologie dissout le premier paradigme. La pensée de Barthes évolue, comme en témoigne l’article « Sémiographie d’André Masson », publié dans la revue Critique en 1981 :

Nos savants les plus rigoureux ne soutiennent-ils pas comme « allant de soi » que l’invention de l’alphabet consonantique (de type syrien), puis celle de l’alphabet vocalique (de type grec) furent des progrès irréversibles, des conquêtes de la raison et de l’économie sur le gâchis baroque des systèmes idéographiques ? Beau témoi-gnage de cet ethnocentrisme impénitent qui règle notre science elle-même. En vérité, si nous refusons l’idéogramme, c’est que nous tentons sans cesse, dans notre Occident, de substituer le règne de la parole à celui du geste ; pour des raisons qui relèvent d’une histoire véritablement monumentale, il est de notre intérêt de croire, de soutenir, d’affirmer scientifiquement que l’écriture n’est que la « transcription » du langage articulé : l’instrument d’un instrument ; chaîne tout au long de laquelle c’est le corps qui disparaît33.

Instaurer « le règne de la parole », réduire l’écriture à la seule transcription du langage parlé, c’est ce qui fondait l’écriture idéale et parfaite des linguistes et ce qui formait la matrice de l’écriture blanche, neutre ou sans marques, du Degré zéro de l’ écriture. A partir de 1970, les problématiques esquissées en 1953 disparaissent de l’œuvre de Barthes, en même temps que la « pensée 68 » rend caduc le marxisme. A la place, émergent le « texte », le désir, le plaisir. De la croyance dans la force positive de la science, la pensée de Barthes bascule dans la déconstruction ouverte par Derrida. Dans Le Plaisir du texte, la linguistique est explicitement renvoyée à l’imaginaire, c’est-à-dire à la certitude que la « science » est une pure création de l’esprit humain :

Bien repérer les imaginaires du langage, à savoir : le mot comme unité singulière, monade magique ; la parole comme instrument ou expression de la pensée ; l’écri-ture comme translittération de la parole ; la phrase comme mesure logique, close : la carence même ou le refus du langage comme force primaire, spontanée, pragma-tique. Tous ces artefacts sont pris en charge par l’imaginaire de la science (la science comme imaginaire)34…

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 267 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 11: Du Moment Epistemique de l Ecriture

268 Jean-Gérard Lapacherie

« L’écriture comme translittération de la parole », c’est bien ce à quoi Barthes croyait en 1953, quand il présentait « l’écriture parlée » de Queneau comme un exemple illustrant le degré zéro de l’écriture : « l’écriture blanche, celle de Camus, celle de Blanchot ou de Cayrol par exemple, ou l’écriture parlée de Queneau35 ».

« De la grammatologie », comme tous les articles publiés dans la revue Cri-tique, a quelques points de départ ou sources, que Derrida mentionne. Ce sont de Mme David, Le Débat sur les écritures et l’ hiéroglyphe du xvie au xviiie siècle, ouvrage dans lequel est exhumée la pensée classique en matière d’écriture ; d’André Leroi-Gourhan, Le Geste et la parole, dans lequel est avancée l’hypothèse d’une écriture préhistorique indépendante de la parole, la mythographie, que des spécialistes nom-ment aussi sémasiographie ; et les actes d’un colloque qui a eu lieu en 1961, L’Ecri-ture et la psychologie des peuples36, et au cours duquel des spécialistes de l’écriture (assyriologues, égyptologues, médiévistes, etc.) ont mis en relation les structures propres à telle ou telle écriture et les mentalités, l’imaginaire, les modes de pensée du peuple qui a usé pendant de longs siècles de l’écriture en question. De plus, le titre est emprunté à l’assyriologue Ignace Gelb, dont l’ouvrage fondateur, A Study of Writing37, a été publié en 1952, avec, pour sous-titre, The Foundations of Gram-matology, l’ambition affichée de Gelb étant de jeter les bases (foundations) d’une véritable science de l’écriture, comme il l’écrit dans la préface : « Le but de cette étude est de jeter les fondations d’une science nouvelle de l’écriture », qu’il nomme grammatology, mot qui équivaut en français à grammatologie, que Littré, dans son Dictionnaire de la langue française (1872), définit ainsi : « Traité des lettres, de l’alphabet, de la syllabation, de la lecture et de l’écriture. »

En fait, ces ouvrages sont pour Derrida l’occasion de développer sa propre pensée, une pensée autonome et éloignée de ce qu’exposent Mme David et A. Leroi-Gou-rhan, dont il retient l’idée selon laquelle l’écriture peut ne pas se plier à un sys-tème phonique premier dont elle dériverait. Or, ce que montrent Mme David et M. Leroi-Gourhan, c’est qu’il n’y a pas « une » pensée occidentale en matière de sciences du langage, mais plusieurs pensées, de sorte que le phonocentrisme n’a ins-piré les linguistes qu’au cours des deux derniers siècles. Au xviiie siècle, la connais-sance en matière d’écriture ne s’est pas fourvoyée dans l’impasse phonétique. C’est alors qu’ont été formulées les hypothèses de l’écriture d’idées (l’idéographie), de « l’écriture en peinture », d’une écriture universelle analogue à celle de l’algèbre, de la caractérologie (Leibniz), de la diversité des signes de l’écriture (article « Carac-tère » de l’Encyclopédie de D’Alembert et Diderot), de la logographie ou écriture de relations, formulée par Nicolas Beauzée dans l’article « Grammaire » de la même Encyclopédie38. Beauzée, le plus audacieux de ces savants, reconfigure le champ des sciences du langage et de l’écriture, en distinguant deux disciplines, chacune ayant son objet, la lexicographie, qui étudie la représentation des unités phoniques par des unités graphiques, et la logographie, dont l’objet est les relations entre les unités graphiques dans un texte – donc des « réalités » étrangères à la langue ou extérieures à la langue, tels le choix des caractères (italiques ou romains), l’emploi des majuscules et la répartition des minuscules et des majuscules, la division en paragraphes, la ponctuation, et dont les signes ne sont pas des substituts, puisqu’il

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 268 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 12: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 269

n’y a rien de premier dont ils tiendraient lieu, et qui, tels des indices, signalent un ou des sens, facilitent la lecture rapide des textes écrits, contribuent à la constitution d’une pensée.

Bien que Derrida ait été désireux de construire une science de l’écriture qui rompe avec le phonocentrisme, il ignore cette grammatologie classique, peu connue certes, mais à laquelle se réfère en partie Mme David dans son ouvrage sur l’hiéroglyphe. Autrement dit, il réinvente le concept d’écriture en occultant la connaissance qui y donne un sens, un peu à la manière dont Barthes en 1950 a élaboré un concept heuristique à partir d’un savoir en ruine. Sur la « tradition oubliée » qu’est la gramma-tologie non phonocentriste, Derrida aurait pu fonder la science de l’écriture à laquelle il aspirait, mais son objectif est de déconstruire la métaphysique occidentale et ce qu’il nomme logocentrisme, en y opposant l’écriture, et non de jeter les bases d’une science nouvelle, ce qui explique que rien de solide, en matière d’écriture, n’ait pu être établi sur cette grammatologie-là, sauf l’exploitation qu’en a faite Barthes pour élaborer sa théorie du texte et du plaisir du texte. Les thèses de Derrida, qui ont connu un vif succès, ont accéléré, entre autres conséquences, la coupure entre l’écriture et la cal-ligraphie ou entre l’écriture, entendue comme une représentation de la langue, et la calligraphie, entendue comme tracés. L’une est devenue indépendante de l’autre. Les tracés ne représentent plus du texte ou de la parole ; ils en sont indépendants. Dans son anthologie Calligraphie, Jérôme Peignot reproduit des contre-écritures signées Roland Barthes, c’est-à-dire ces gribouillis qui ne représentent plus de phrases et qui sont de purs tracés en quelque sorte ou la réalisation graphique du concept de trace. C’est cette coupure qui, en séparant le tracé du texte, a rendu possible le parallèle de l’écriture avec la peinture abstraite, avec ce que Klee a nommé Abstrakte Geschrift (« écriture abstraite »), avec les écritures de Miró, l’action painting de Pollock, les Emer-gences résurgences et les calligraphies de Michaux, avec la peinture de Masson que Barthes tient pour de la sémiographie. La calligraphie relève pourtant de l’écriture. Le mot a été formé par Henri Estienne, dans son Traité sur la conformité du langage fran-çais avec le grec, publié en 156939, afin de désigner « l’art de bien former les caractères d’écriture ». Il est enregistré dans le Dictionnaire de l’Académie française à compter de la sixième édition (1832-1835) et défini, de façon banale, comme un synonyme d’écriture : « l’art de bien écrire, de bien former les caractères d’écriture ». Dans les dictionnaires actuels, la définition n’a pas changé : c’est « l’art de former des caractères d’écriture élégants et ornés ; l’art du calligraphe » et, « par métonymie, l’œuvre exé-cutée avec une écriture appliquée, soignée » (Trésor de la langue française, 1971-1994). Dans la conscience collective, la calligraphie est sans doute un art, comme le sont la menuiserie, le vitrail, la cuisine, mais elle est liée à la représentation de la langue et ne peut pas être réduite à de simples traits, si beaux fussent-ils. Jadis, elle était nommée art de l’ écriture, belle écriture, écriture. Longtemps, elle a été un « art », au sens ancien de ce terme, enseigné par des « maîtres écrivains », qui ont obtenu, pour leur corpo-ration, en 1569, le privilège d’enseigner l’écriture et de se prononcer, lors de procès, sur les faux en écriture.

En dépit des changements qui affectent le concept d’écriture, la connaissance, entre 1965 et 1983, reste dans le même état qu’en 1950. L’écriture selon Derrida,

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 269 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 13: Du Moment Epistemique de l Ecriture

270 Jean-Gérard Lapacherie

faite de différences et étant, par nature, différance, a surtout nourri la déconstruc-tion des sciences du langage et de la métaphysique occidentale, mais elle n’a pas enrayé le recul de la connaissance. Au contraire, comme l’attestent les commen-taires que Jérôme Peignot, inspiré par Derrida et par un de ses disciples, Albdel-kebir Khatibi, fait dans Du calligramme :

A l’inverse de ce qui se passe dans la langue arabe ou avec les caractères hébraïques, lesquels, chacun en eux-mêmes, sont de lointains calligrammes […], nos écritures occidentales ne se prêtent guère aux calligrammes. Elles sont prisonnières de carcans rigides qui les maintiennent sévèrement hors du grouillement des formes […]40.

Les caractères arabes et les caractères hébraïques ne sont pas « de lointains cal-ligrammes », pas plus que les lettres de l’alphabet grec, dont le nom a conservé les vestiges d’un dessin effacé des choses du monde : alpha (aleph, la tête de bœuf), bêta (beyt, la maison), gamma (gamel, le chameau), etc. L’écriture arabe se prête à la calli-graphie non par nature, mais parce que les calligraphes arabes continuent à utiliser le calame grâce auquel il est possible de tracer d’amples courbes et que certaines lettres n’ont pas, en théorie, de limite (les hampes d’alif ou de lam ou les boucles de waw ou ya), de sorte qu’elles peuvent tracer le contour d’un objet du monde extérieur : minaret, animal, fruit, visage humain. Il n’est pas d’écritures qui, dans l’histoire de l’humanité, aient inventé autant de signes, autant de systèmes dérivés (cartes, chimie, mathématiques, signalétique, etc.), autant de polices de caractères, autant de corps, autant de mises en pages et en lignes, autant de graisses, autant de formes, autant de techniques pour les reproduire, la lithographie par exemple, que les écritures latines, lesquelles ne sont enfermées dans aucun carcan. L’abstraction définirait ces écritures, ce qui, de ce fait, interdirait la figuration :

[…] tout se passe comme si, sûres d’elles, les écritures […] latines tenaient à ne pas prendre le risque de compromettre ce que l’abstraction leur avait déjà fait gagner41.

Représenter une unité de la langue, que cette unité soit un son, un mot ou du sens, par des traits, qu’ils soient ou non le dessin d’une chose, c’est lui donner une existence graphique. L’écriture, qu’elle soit arabe, hébraïque, latine, grecque, etc., donne corps ou chair à des différences. Au xviiie siècle, toute lettre était définie par sa valeur ou potestas (elle vaut pour un son) et par son dessin ou figura. Si les commentateurs tiennent les alphabets pour abstraits, c’est parce qu’ils transfèrent à l’écriture une problématique propre à la peinture du xxe siècle : pour ou contre la figuration, pour la figuration ou pour ce qui est nommé abstraction ou encore, pour employer les termes qui ont eu cours à Byzance aux viiie et ixe siècles, iconodoulie ou iconoclastie. Or, l’écriture continue à user de signes iconiques (esperluette, asté-risque, cœur pour « aimer », virgule ou petite verge, croix pour « décédé » et tous les petits dessins des cartes ou des systèmes de signalisation) ou de diagrammes (lettres de hauteur différente pour représenter les variations qui affectent des phénomènes, etc.). Il suffit de regarder une carte, géographique, routière ou touristique, pour s’en

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 270 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 14: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 271

convaincre. De toute façon, qu’elle soit phonétique ou qu’elle figure une chose dans un calligramme, par exemple, l’écriture continue à représenter un texte, des mots, des unités de la langue. La méconnaissance dont l’écriture a longtemps pâti chez les linguistes se poursuit, en dépit du succès des concepts de Barthes et Derrida, ce qui est d’autant plus incompréhensible qu’elle est contemporaine de phéno-mènes, tels que la généralisation de l’apprentissage de l’écriture, la création, à partir des années 1830, de milliers de polices de caractères, de styles typogra phiques, de mises en pages, de graisses, l’invention en logique, en chimie, en algèbre, en mathématiques, etc., d’écritures qui renouent avec l’idéographie ou d’autres qui renouent avec la pictographie, telle l’écriture des cartes, de sorte qu’il n’est pas faux d’affirmer que la « civilisation » européenne ou occidentale ou moderne est aussi celle « de l’écriture », comme le pensent les auteurs de La Civilisation de l’ écri-ture, dont Barthes a rédigé la préface42. Au début des années 1983, quand s’achève le moment épistémique étudié ici, le savoir relatif à l’écriture reste mal assuré43. L’usage de la plume Sergent-Major a disparu de l’école, remplacée par la pointe Bic et par le feutre, avec lesquels il est impossible de tracer des pleins et des déliés. Les divers styles, bâtarde, ronde, brisée, ne sont plus enseignés. Les noms des grands maîtres de l’art de l’écriture, Paillasson, Barbedor, Limousin, jadis familiers aux personnes cultivées, résonnent comme des plaisanteries.

Le concept d’écriture a bouleversé la critique littéraire, à partir des années 1960, à la fois les champs de recherche, les problématiques et le vocabulaire. Des ruptures de cette ampleur sont rares dans l’histoire de la connaissance ou d’une discipline aussi ancienne que les études littéraires. Le paradoxe est que ce concept, dont les faits ont prouvé qu’il était éclairant, a été extrait d’un savoir en ruine, dont Bar-thes n’avait pas conscience qu’il était en déshérence, croyant dans sa vérité. Car les hypothèses que les linguistes, les romanistes et Saussure ont avancées pour rendre compte de l’écriture sont erronées : l’écriture ne se ramène pas à la seule orthogra-phie, mauvaise ou trompeuse ; elle a d’autres fonctions que de représenter un oral premier ; même l’orthographie du français, jugée à tort immobile et en retard de six ou sept siècles, n’a pas cessé d’évoluer ou de changer, jusqu’au début du xixe siècle, et même jusqu’à la réforme de 1991. En bref, de l’erreur a émergé la connaissance, la lumière est venue de l’ombre ou, dit en d’autres termes, l’ignorance a accouché de connaissance heuristique. En 1953, Barthes fait converger les présupposés et les approximations des historiens de la langue et la rigueur imposée par la description structurale, alors que son expérience de linguiste se limite à une ou deux années passées au CNRS à préparer une thèse de lexicologie et une participation timide à l’élaboration du « français fondamental ». En bref, il atteint une vérité forte à partir d’approximations. Dans La Pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss définit ainsi la pensée, qu’il nomme première, sauvage, mythique ou primitive : « Le propre de la pensée mythique est de s’exprimer à l’aide d’un répertoire dont la composition est hétéroclite et qui, bien qu’étendu, reste tout de même limité », ce qui l’amène à la caractériser comme du bricolage : « Elle apparaît ainsi comme une sorte de brico-

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 271 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 15: Du Moment Epistemique de l Ecriture

272 Jean-Gérard Lapacherie

lage intellectuel44… », le propre du bricolage étant de recourir « à un ensemble fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus ». Il en va ainsi, mutatis mutandis, de la pensée de Barthes, qui emprunte à la linguistique des théories incomplètes et pleines de présupposés, les déplace, les adapte audacieusement à un nouvel objet, la littérature, à laquelle elles sont étrangères, et qui, ce faisant, éclaire, fait com-prendre, apporte du nouveau. Le bricolage est étranger au dogme, de sorte que Barthes, à partir de 1966, procède à un nouveau bricolage qui rend caduques les questions qu’il a soulevées treize ans auparavant. Les changements de paradigme les plus féconds ne sont pas nécessairement ceux qui sont fondés sur la science la plus rigoureuse.

L’homogénéité ou la stabilité que pourrait conférer au moment épistémique étudié ici le même auteur, Roland Barthes, n’est que de surface ou apparente. En réalité, ce moment, en dépit de l’acception de « brièveté » propre à ce terme, est agité, ins-table, discontinu, mouvant, paradoxal, traversé de ruptures, de déplacements, de renversements. Rien n’y est acquis, tout est, comme le monde selon Montaigne, pris dans un branle sans fin. De ce moment, qui commence par l’émergence du concept d’écriture et s’achève sur sa dissolution, se dégagent quelques traits qui carac-térisent le savoir en littérature et en critique littéraire. Ce savoir n’est ni continu ni progressif. Il n’a rien d’un processus qui se développe de lui-même, toujours vers « l’avant », il n’est ni reproductible ni condensable en un corpus de lois ou de vérités. Il n’a presque rien en commun avec le savoir des autres sciences, exactes ou dures. Le géocentrisme est mort et aucun physicien ne peut tirer la moindre lumière de la platitude de la terre ; mais les savoirs littéraires, morts ou en ruine, peuvent nourrir les œuvres d’imagination ou la fiction, et même la critique que l’on en fait. Dans les lettres, le savoir côtoie l’erreur ou l’ignorance, dans lesquelles il trouve même sa source ou sa force. C’est pourquoi, fragile, friable, instable, plastique, il est sujet aux ruptures, aux déplacements, aux renversements, aux discontinuités, du moins tant que la pensée s’y fixe pour y donner du sens.

Université de Pau

NOTES

1. Roland Barthes, Le Degré zéro de l’ écriture, Paris, éd. du Seuil, 1953 ; Roger Druet et Henri Grégoire, La Civilisation de l’ écriture, « Préface » de Roland Barthes, Paris, Fayard, 1980 ; Jérôme Peignot, Calligra-phie, « Du trait de plume aux contre-écritures », Paris, Jacques Damase, 1983.

2. Frances Amelia Yates, The Art of Memory, 1966 ; traduction française par Daniel Arasse, L’Art de la mémoire, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Histoires », 1975.

3. Successivement in Critique, décembre 1965 et janvier 1966, éd. de Minuit ; Paris, éd. du Seuil, « Tel Quel » ; Paris, « Dossiers graphique du Chêne », éd. du Chêne ; Critique, mai 1981, éd. de Minuit.

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 272 14/08/09 14:44:11

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 16: Du Moment Epistemique de l Ecriture

(1947-1983) 273

4. 1930. Traduction française, Paris, éd. de Minuit, 1971.5. 1836. Réédité par Michel Sidhom, Institut d’Orient, 1984.6. Successivement Written Language, La Haye, Mouton, 1973 ; L’Orthographe du français, Paris, SELAF,

1976 (Moscou, 1956, 1959) ; Histoire de l’ écriture, Paris, Payot, 1984 (1re édition : 1948) ; A Study of Wri-ting, Chicago, 1952 (en français : Pour une théorie de l’ écriture, Paris, Flammarion, 1973).

7. « L’écriture et le silence », in Le Degré zéro de l’ écriture, op. cit.8. Dans le Dictionnaire de linguistique (Larousse, 1973), degré zéro est défini ainsi : « […] absence d’un

trait formel ou sémantique dans un système où les unités se définissent les unes par rapport aux autres par la présence ou l’absence de ce trait » ; valeur : « […] le sens d’une unité définie par les positions relatives de cette unité à l’intérieur du système linguistique » ; forme : « […] dans l’acception saussurienne, le terme forme est synonyme de structure et s’oppose à substance : la substance est la réalité sémantique ou phonique (masse non structurée), la forme est le découpage spécifique opéré sur cette masse amorphe et issu du système de signes ».

9. Cours de linguistique générale, « Introduction », chapitre VII, Paris, Payot, 1re édition, 1916.10. Ibid. « Introduction », chapitre VI.11. Ibid.12. André Breton, Manifeste du surréalisme, « Secrets de l’art magique surréaliste », Paris, 1924 ; édition

utilisée : Manifestes du surréalisme, Paris, Idées / Gallimard, 1975, p. 42 et 43.13. Le Degré zéro de l’ écriture, op. cit.14. Ibid.15. Fédération CGC de la communication, 16e édition, 1989.16. Le Degré zéro de l’ écriture, op. cit.17. Tristes Tropiques, Paris, Plon, 1955.18. Ed. du CNRS, Klincksieck, 1979.19. Op. cit.20. Ibid.21. Ibid.22. Louis-Jean Calvet, Roland Barthes, Paris, Flammarion, 1990. Louis-Jean Calvet cite et commente

des comptes rendus publiés dans Les Lettres nouvelles, France-Observateur, Médecine de France, Le Monde, Carrefour, Les Temps modernes.

23. Roland Barthes, op. cit., p. 136.24. Paris, Gallimard, 1985.25. Trésor de la langue française, article « Zéro », tome 16, Paris, CNRS / Gallimard, 1994. Voir le Dic-

tionnaire de linguistique, note 8.26. Cours de linguistique générale, op. cit.27. Le Degré zéro, « Introduction », op. cit.28. Albert Thibaudet, Réflexions sur la littérature, 1936, p. 116.29. Tome III, « Littératures françaises, connexes et marginales », Paris, Gallimard, « Encyclopédie de

la Pléiade », NRF, 1958.30. Paris, éd. de Minuit, 1963.31. Paris, éd. du Seuil, 1971.32. Critique, n° 223, n° 224, éd. de Minuit, 1965 et 1966.33. Critique, 1981, éd. de Minuit.34. Le Plaisir du texte, Paris, éd. du Seuil, 1973.35. Le Degré zéro de l’ écriture, op. cit.36. Madeleine David, SEVPEN, 1965 ; André Leroi-Gourhan, Albin Michel, 1965. Les références

bibliographiques de ces ouvrages sont indiquées par Derrida au début de son article.37. The University of Chicago Press, 1re édition, 1952. Cet ouvrage a été traduit en français en publié

en 1973 aux éditions Flammarion sous le titre : Pour une théorie de l’ écriture.38. Ces articles, « Caractères » et « Grammaire », comme d’autres d’ailleurs, peuvent être consultés

dans la version numérisée de L’Encyclopédie (1751-1765) de D’Alembert et Diderot, dans le site web de l’ATILF (Analyse et traitement informatique de la langue française), géré par le CNRS et l’Université de Nancy-2.

39. Consultable en version numérique dans le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.40. Jérôme Peignot, Du calligramme, Paris, Le Chêne, 1978.41. Ibid.

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 273 14/08/09 14:44:12

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil

Page 17: Du Moment Epistemique de l Ecriture

274 Jean-Gérard Lapacherie

42. Voir Massin, La Lettre et l’ image, Paris, Gallimard, 1973, et F. Druet et H. Grégoire, Paris, Fayard, 1980, voir note 1.

43. Voir Jean-Gérard Lapacherie, « Sous la question de l’espace et du texte, l’impensé de l’écriture », p. 629 à 638, in Espace et texte (« Espacio y Texto en la cultura francesa » : colloque d’Alicante, mai 2003), tome II, Alicante, Angeles Sirvent Ramos éd., Université d’Alicante.

44. Paris, Plon, 1962, p. 26.

POETIQUE n° 159 BAT GC.indd 274 14/08/09 14:44:12

Doc

umen

t tél

écha

rgé

depu

is w

ww

.cai

rn.in

fo -

-

- 16

0.17

7.43

.80

- 23

/04/

2016

19h

36. ©

Le

Seu

il D

ocument téléchargé depuis w

ww

.cairn.info - - - 160.177.43.80 - 23/04/2016 19h36. © Le S

euil