32
du Syndicat des Avocats de France SAF RÉFORMER LE DIVORCE Numéro de Mars 2002 - ISNN 1157 - 9323 Et vos rubriques de réflexion et d’actualité : Droit pénal - Droit des Étrangers - International LE DÉDRAMATISER ET RENFORCER LE LIEN SOCIAL RÉFORMER LE DIVORCE LE DÉDRAMATISER ET RENFORCER LE LIEN SOCIAL

du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

du Syndicat des Avocats de France

SAF

RÉFORMER LEDIVORCE

Numéro de Mars 2002 - ISNN 1157 - 9323

Et vos rubriques de réflexion et d’actualité :Droit pénal - Droit des Étrangers - International

LE DÉDRAMATISER ET RENFORCERLE LIEN SOCIAL

RÉFORMER LEDIVORCELE DÉDRAMATISER ET RENFORCER

LE LIEN SOCIAL

Page 2: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre
Page 3: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

Sommaire

21 bis, rue Victor Massé75009 PARIS

Tél. : 01 42 82 01 26Fax : 01 45 26 01 55

http://www.LeSaf.orgE-mail : [email protected]

Directrice de la Publication :Simone Brunet

Comité de rédaction :Régine Barthélémy, Simone Brunet,

Odile Dhavernas, Jean Danet,Catherine Glon, Hugues Vigier

Tirage : 35 000 exemplaires

Photographies :Simone Brunet

Bruce PaoliLaurence Cerpolet

Régie Publicitaire : LEXposia SA

14/30, rue Alexandre92230 GENNEVILLIERS

Tél. : 01 47 90 71 20Fax : 01 47 90 71 21

[email protected]

Prépresse et Impression :Figures Libres

Le Quadra455, Promenade des Anglais

06200 NICETél. : 04 93 83 86 10Fax : 04 93 83 86 11

[email protected]

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

3

SAF

La LettreMARS 2002

du Syndicat des Avocats de France

ÉditorialPar Bruno Marcus, Président du SAFet Franck Boezec, du SAF Nantes

CogitoComplainte pour une réforme pénitentiaire avortéePar Franck Boezec, du SAF Nantes

ActualitésUne démocratie réduites aux aguetsPar Franck Boezec, du SAF Nantes

CogitoThis is not a canular,it’s just our justicePar Monika Villa-Mahy-Ma-Somgaet Bruno Rebstock, du SAF Aix-en-Provence

Droit de la FamilleRéformer le divorce,Renforcer le lien socialPar Laurence Gillet, et Régime Barthélémy, Avocates, Commision Droit de la Famille du SAF

Droit des ÉtrangersLes demandeurs d’asile seraient-ils des sous-hommes ?Par Pascale Taelman, du SAF Créteil

InternationalDes avocats face à l’isolementet à la violence politiquePar Pascale Taelman, du SAF Créteil

ÉvénementLe XXVIIIe Congrès du SAF à NîmesRestrospective d’un événement marquant

4

6

8

10

12

24

25

28

Page 4: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

É D I T O

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

Bruno Marcus,Avocat au Barreau

de la Seine-St-Denis,Président du SAF.

À quoi ont servi les débats parlementaires intervenus dans le courant dupremier semestre 2000, très loin il est vrai des échéances électorales ?

C’est la question que l’on est obligé de se poser à l’analyse des sixderniers mois d’activité du parlement et du gouvernement, en matièrede sécurité et de justice.

Souvenons-nous de l’hiver et du printemps de l’année 2000.C’était le temps où, toutes tendances politiques confondues, l’idée

s’imposait que la procédure pénale française était archaïque et qu’ilfallait y mettre fin.

À raison sans doute des nombreuses décisions de la Cour Européennedes droits de l’homme qui condamnaient la France à se hisser à lahauteur des exigences de la Convention européenne ratifiée depuis delongues années.

À raison peut-être aussi de ceux qui, parfois non loin des bancs desassemblées, avaient été amenés personnellement à connaître de cetteprocédure et de ses défauts.

C’était le temps où la gauche parlementaire amendait le projet Guigoupour y inclure de nombreuses dispositions parmi lesquelles l’appel enmatière criminelle et la juridictionnalisation de l’application des peines.

C’était le temps où l’on disait sans crainte que, si le principe deprésomption d’innocence devait être effectif, c’était bien d’abord pourles témoins qu’on ne devait plus pouvoir placer en garde à vue.

C’était le temps où, de toutes parts, on prenait acte de ce que depuis1993 la garde à vue ne pouvait plus être un espace clos, gouverné parla certitude de l’enquêteur et subi par la solitude du gardé à vue.

C’était aussi le temps de l’amendement de M. Devedjian (RPR),proposant que l’avocat soit présent tout au long de la garde à vue. Letemps de l’amendement de M. Goasguen (DL), proposant que l’avocatsoit présent à tous les interrogatoires de garde à vue.

C’était le temps où tout le monde se souvenait que, depuis longtemps

déjà en Espagne, en Allemagne, en Italie ou en Grande-Bretagne, lesrègles de la garde à vue respectueuses des normes européennes n’avaientpas fait chuter les taux d’élucidation des infractions.

C’était le temps de l’émotion parlementaire quant à la situation desprisons en France. Le temps des commissions d’enquêtes, qui toutesdénoncèrent le scandale des geôles de la République, occupées parmoitié par ceux dont on était pas sûr qu’ils étaient coupables : c’est-à-dire les présumés innocents.

C’était le temps où l’on disait tout haut que la réflexion autour de lapeine et de la sanction ne pouvait se résumer à la brutalité de l’empri-sonnement et qu’il était nécessaire de réfléchir dans le souci même del’efficacité de la peine à d’autres solutions que celle de l’enfermement.

C’était le temps où l’on s’interrogeait sur la mise en place d’unnumerus clausus dans les maisons d’arrêt pour limiter la surpopulationcarcérale et ses conséquences.

C’était le temps où apparaissait comme une véritable urgenced’initier une loi pénitentiaire pour faire entrer le droit dans la prison,parce qu’il est un vecteur essentiel de resocialisation.

C’était le temps où l’on acceptait de consacrer du temps au débat.Aujourd’hui on constate avec amertume et colère que le temps n’est

plus au débat.À l’occasion de la loi sécurité quotidienne votée en octobre, et en

urgence, le parlement a adopté des modifications du code de procédurepénale qui restreignent les libertés fondamentales comme celle d’alleret venir.

En instrumentalisant une actualité internationale dramatique, ontété adoptés des textes dont l’objet n’est pas la lutte antiterroriste, maisde faciliter des contrôles en tous genres dans les quartiers réputésdifficiles et dont la conséquence sera la stigmatisation de populationsdéjà fragilisées.

4

Le temps du silenceet de l’oubli

Franck BoezecAvocat au Barreaude Nantes,Président de laCommission Pénaledu Syndicat desAvocats de France.

Page 5: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

5

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

Et tant pis si au passage l’on permet à des groupes privés d’exercerde véritables pouvoirs de police.

Tant pis si pour parvenir à ce résultat, on a pris accord avecl’adversaire politique afin d’éviter la saisine du Conseil Constitutionneldont on savait qu’il sanctionnerait ce texte à raison de la procéduresuivie pour son adoption.

Aujourd’hui, à l’occasion de protestations policières, on décide,toujours en urgence, de revenir sur la loi du 15 juin 2 000.

Cette précipitation témoigne du peu de cas que l’on fait de la loimême lorsqu’elle est votée par une très large majorité. Elle serait enquelque sorte une pâte à modeler pour parlementaires caméléons.

Curieux symbole et singulier message à l’adresse des citoyens etnotamment ceux à qui l’on veut rappeler la force et l’autorité de la loi.

Aujourd’hui le temps n’est plus au respect desengagement pris. Malgré les promesses et lesévidences rappelées dans les rapports parlemen-taires, le gouvernement a renoncé à son projet deloi pénitentiaire.

Au-delà de cet abandon, c’est ce qu’induit cerenoncement qui paraît redoutable. Il nourrit àson tour, dans un sens terriblement démagogique,le discours des militants de l’urgence sécuritaire,qu’il laisse occuper seuls l’espace public.

Aujourd’hui le temps est au silence et à l’oubli.La mission confiée par le Premier Ministre à Julien Dray de dresser

le bilan de la loi du 15 juin 2000 poursuivait exclusivement un intérêtpoliticien : répondre aux détracteurs de la loi, qui s’étaient déjà faitentendre dès son adoption, notamment les parties les plus conservatrices,voire réactionnaires des professions policières ou judiciaires.

Pourtant cette demande du 1er Ministre aurait pu être l’occasion pourle Gouvernement et la gauche de prendre position sur le rôle de l’État.

Le rapport de Julien Dray est assourdissant par le refus qu’ilmanifeste de pointer ce qui est à l’origine du malaise policier.

Pourquoi n’a-t-il pas évoqué les effets pervers de la mise en place dela police de proximité qui, si elle a permis une présence plus impor-tante des forces de l’ordre sur la voie publique, a conduit à diminuerou même à faire disparaître des services d’enquêtes ?

Pourquoi n’a-t-il pas parlé de l’effet mécanique du départ en retraiteentre 1998 et 2003 de plus de 25 000 fonctionnaires qui ne sont pastous remplacés ?

Pourquoi n’a-t-il pas parlé des effets du plan vigipirate et desescortes qui mobilisent tant d’énergie ?

Pourquoi a-t-il refusé de dire qu’il convenait d’abord d’évaluer lesmoyens réels de la police et ses formes d’organisation avant de prétendreposer un diagnostic sur l’évaluation de mécanismes procéduraux ?

Ce rapport aurait dû être l’occasion de rappeler fortement qu’une loide procédure n’a jamais eu pour effet l’augmentation ou la baisse dela délinquance.

Il aurait dû permettre le rappel de ce que la jurisprudence de la courde cassation depuis 1993, en matière de garde à vue, n’est que l’échode la prise en compte des droits de tout citoyen confronté à uneaccusation pénale, placé en garde à vue. Il est particulièrementdémagogique de laisser entendre que l’aménagement de certainsdroits du gardé à vue, comme le droit au silence, pourrait servir àrestaurer une autorité policière qui serait entamée.

Aujourd’hui on constate avec amertume qu’au lieu de cela ce rapportsert de support à un toilettage de la loi du 15 juin 2000 dans un senstotalement contraire aux principes qu’avait posés ce texte.

La disposition la plus symbolique à cet égard est sans aucun doutela modification des seuils de détention provisoire pour les délinquants“réitérants”.

La disposition projetée permettrait de placer en détention provisoiredes personnes qui n’ont jamais été condamnées et qui sont suspectéesd’avoir commis plusieurs infractions punies de deux ans d’emprison-nement. Elle balaie l’équilibre difficile trouvé par le parlement enmatière de seuils de détention provisoire.

Elle pointe la détention comme seul moyen efficace de réactionsociale. Elle crée surtout une nouvelle catégorie procédurale “lesréitérants” réservée à ceux qui, sans être condamnés, sont mis encause dans plusieurs affaires.

Par cette disposition, la loi du 15 juin 2000 est sur le plan desprincipes réduite à néant : il serait possible de mettre en détentionprovisoire des personnes parce qu’elles ont été mises en cause sansavoir été jugées.

C’est le contraire de la présomption d’inno-cence : la présomption de culpabilité.

Cette proposition est en outre absurde sur leplan de l’efficacité répressive puisqu’elle supposequ’un juge d’instruction soit saisi. Or, l’on saitque, depuis dix ans, le nombre d’affaires pénalestraitées à l’instruction ne cesse de diminuerpour atteindre aujourd’hui moins de 7%. Lesexemples donnés par ceux qui soutiennent cettepartie du texte méconnaissent les pratiquesjudiciaires. En plus d’être en contradiction avec

le fondement de la loi du 15 juin 2000, ils jouent en fait aux apprentissorciers car si cette mesure était adoptée, elle n’aurait concrètementdans les palais qu’un seul effet : faire prospérer l’idée de la légitimitérépressive.

Enfin, ils posent le juge des libertés comme étant chargé de larépression aux lieu et place des juridictions de jugement.

■ ■ ■

Avec une cohérence certaine, au travers l’adoption de la loi Sécuritéquotidienne amendée, l’abandon de la loi pénitentiaire et l’annonce dela modification de la loi du 15 juin 2000, nos responsables politiquesont fait un choix.

Ce choix n’est pas acceptable parce qu’il contribue à masquer levrai débat : celui qui consiste à s’interroger sur l’archaïsme de lapolice tant au regard de ses moyens que de son organisation ou encoreà poser la question des causes sociales de la délinquance.

Il est toujours plus facile de stigmatiser “les jeunes à casquette”dans des banlieues dortoirs, que de repenser la police et plus généra-lement le rôle de l’État dans un réinvestissement effectif vers de nouvellesformes de contrôle et d’accompagnement sociaux.

La gauche aura-t-elle le courage d’identifier les causes des phénomènesde déviance et d’incivilité et de dégager les moyens d’une politiqueambitieuse de réinvestissement du champ social ?

En ne posant pas cette question et en ne faisant aucune propositionen ce sens les amis de M. Dray nourrissent les forces les plus rétro-grades en matière sécuritaire et encouragent, comme le disent PhilippeRobert et Marie-Lys Pottier, “le développement d’un abcès de fixationsur la sécurité et l’exacerbation d’une revendication punitive”*.

Pourtant Monsieur Dray faisait partie de la commission d’enquêtede l’Assemblée Nationale sur l’état des prisons en France. Il est aussiintervenu dans le débat parlementaire sur la loi du 15 juin 2000.

Quelle force reste-t-il à la gauche pour se souvenir du printemps 2000 ?Ce temps est-il définitivement révolu et les pauvres ne sont-ils

présumés innocents qu’en dehors des campagnes électorales ? ■

*Questions pénales n°XI.3 - Article de Philippe Robert et Marie-Lys Pottier

“le sentiment d’insécurité”.

“Aujourd’hui,on constate avec

amertume et colèreque le temps n’est

plus au débat.”

Page 6: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

6

C O G I T O

LOI PÉNITENTIAIRE

Complainte pourune réformepénitentiaireavortéePar Franck Boezec, du SAF Nantes.

C’était il y a deux ans, au mois de Juillet, à lamaison d’arrêt de Nantes. Je m’apprêtais à

partir en vacances et j’avais reçu le matin uncoup de fil du directeur de la prison qui faisaitdroit à une très ancienne demande et quiacceptait, dans l’après-midi, de nous fairevisiter, ma consoeur Cécile de Oliveira et moi,l’ensemble de la détention.

Nous avons commencé à marcher dans descouloirs inconnus et dans des bâtiments dontseules les numérotations nous étaientfamilières. Au détour de l’un d’eux, dans lecouloir des cellules disciplinaires, nous avonsalors aperçu une porte en bois, ouverte surdeux gardiens qui parlaient à un détenu,toujours enfermé par la seconde porte grillagée.Cet homme d’une quarantaine d’années,d’après mes souvenirs, était torse nu. Unedouleur immense se lisait sur son visage. Iln’était plus rien. Il était dans la prison. Il étaitla prison. Il ne parlait pas. Il pleurait. Il pleuraiten silence. Il pleurait en sachant sans doute quecela ne servait à rien. Il pleurait de désespoirdevant des gardiens qui essayaient de leranimer. Je n’ai jamais rien su de cet homme, nides raisons qui l’avaient amené là à cet instant.

Il y a quelques jours, j’ai reçu une mère :elle m’a parlé de son fils enfermé depuisplusieurs années pour plusieurs délits dont,notamment, une tentative d’évasion. Elle a

essayé de décrire son incompréhension devantles changements soudains et nombreuxd’affectation de son fils, alors qu’il initiaitdans certains établissements des formationsqui lui convenaient tellement qu’ellespermettaient des autorisations de sortir. Ellem’a parlé aussi de l’année d’isolement subiepar son fils et donc par elle-même aussi suiteà sa dernière affaire. Elle m’a parlé d’unemanière très prosaïque enfin de son fils,comme seules savent en parler les mères. Ellen’arrive pas à le voir puisque ses lieux dedétention, s’ils sont changeants, ont lacaractéristique d’être toujours trop éloignés deson domicile pour qu’elle puisse le rencontreraux heures imposées. Cette mère aussi apleuré de lassitude devant ce malheur tropgrand pour elle auquel se rajoutait la douleurde ne pas pouvoir assez aider son fils pourqu’il puisse construire sa peine.

Madame la Ministre, j’ai participé avecCatherine GLON, pour le SAF, à l’ensemble desdiscussions préparatoires relatives au projet deloi pénitentiaire. Nous avons formulé descritiques sur le texte que vos servicesproposaient. Mais au fond nous trouvions cetexte courageux puisqu’il acceptait, de manièreforte, de replacer le détenu dans une perspectivehumaine. Nous y voyions plus une volontéfarouche de respecter un principe d’humanité,

que celui pragmatiquement de promouvoir laréussite de la peine, même si nous savons quec’est aussi la manière dont on traite un détenuen détention qui permet d’augmenter leschances de réinsertion. Ce projet de textepermettait de renverser la tendance s’agissantde la prison et de commencer à mettre fin à ceque les rapports parlementaires, déposés dans lecourant de l’année 2000 en écho au livre deMadame VASSEUR, ont dénoncé comme étantun scandale de la République.

Toutes les personnes qui ont été en prisonpourraient vous adresser de multiples témoi-gnages plus terribles encore. L’ensemble de cespersonnes comme notre syndicat s’est pris àespérer. Espérer un peu plus de droits, un peuplus de dignité, y compris dans la vie quotidienne.Un peu aussi du principe d’égalité devant la peinepour que des règlements intérieurs existent parexemple et soient partout les mêmes pourl’essentiel. Pour que les transferts disciplinairessoient interdits. Ou au moins qu’ils soientjustifiés. Qu’il soit possible d’exercer des recours.Que le courrier suive en cas de transfert.

Et puis beaucoup d’autres choses encore.Nous pensions que vous étiez attachée

politiquement à ce que les choses changent età déposer un projet de loi susceptible d’êtrevoté avant la fin de la législature. Que reste-t-il de vos engagements aujourd’hui ? ■

Près d’un an de travail, des heures d’échanges, de rencontres et d’immenses espoirs soulevés autour d’une évidence,la nécessité de réformer le droit pénitentiaire. Il y a peu encore, restaurer l’État de Droit dans les prisons “honte dela République” emportait l’unanimité, qu’il s’agisse du monde politique ou des citoyens eux-mêmes, effarés dedécouvrir dans le livre de Martine Vasseur la réalité que nous dénonçons depuis toujours. Mais les convictions sontaussi contingentes que les engagements en ces temps électoraux. Et ce gouvernement, de gauche, a renoncé à touteréforme après l’avoir affichée comme priorité. La démagogie et la lâcheté dans une telle démesure n’ont pas fait quedécevoir, elles ont créé une blessure définitive. Aujourd’hui, nous ne pourrons plus simplement “recommencer”, maisse souvenir pour lutter de façon plus forte et peut-être plus brutale.

Page 7: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre
Page 8: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

8

LES MODIFICATIONS APPLICABLESJUSQU’EN DÉCEMBRE 2003

1 - Article 78-2-2 du Code de procédure pénale,possibilité pour les Officiers de police judiciairede procéder à la visite des véhicules, circulant,arrêtés, ou stationnés sur la voie publique oudans les lieux accessibles au public, sur réqui-sitions écrites du Procureur de la République,en présence d’un témoin (conducteur propriétaire,ou tiers) sauf si la visite comporte des risques,en cas de poursuite ou de recherche concernant :• les actes de terrorisme des articles 421-1 à 421-5 ;• les infractions en matière d’armes et d’explosifs ;• les infractions en matière de stupéfiants desarticles 222-34 à 222-38 du CP.

Si ces opérations révèlent d’autres infractionsque celles visées par l’autorisation du juge,aucune nullité n’est encourue.

■ ■ ■

2 - Article 76-1 du CPP, possibilité pour les OPJ deprocéder en enquête préliminaire, à des perqui-sitions sans l’assentiment de la personne perqui-sitionnée, sur autorisation écrite et motivée duJuge des libertés saisi par le Procureur, précisantles qualifications des infractions en cause et lesindices justifiant la mesure, ainsi que le lieu encause, en cas de nécessité d’un enquête relative à :• des infractions en matière d’armes et d’explosifs ;• des infractions en matière de stupéfiants desarticles 222-34 à 222-38 du CP.

Si ces opérations révèlent d’autres infractionsque celles visées par l’autorisation du juge,aucune nullité n’est encourue.

■ ■ ■

3 - Les vigiles peuvent désormais (article 3-1de la loi n°83-629 du 12 juillet 1983 régle-mentant les activités privées de surveillance, degardiennage et de transport de fonds, inséré par

Une démocratieréduite aux aguets

ou la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne

Par Franck Boezec, du SAF Nantes.

A C T U A L I T É

“Création d’un corpsde vigiles unifié

commun à la SNCFet à la RATP. Ces agentspeuvent être autorisés

à porter une arme.”

Les attentats du 11 septembre 2001 n’ont pas fini d’étendre leurs ondes de chocsur la planète et de brouiller les acquis fondamentaux des démocraties, de l’opération “justice sans limite”

du gouvernement américain jusqu’aux “petit” aménagements sécuritaires en Europe.Guy Bedos parle avec pertinence de “démocratie réduite aux aguets” : c’est le cas de la loi du 15 novembre 2001

qui amalgame les rave parties, les voyageurs de train sans billet, le régime des perteset vols de cartes bancaires et instaure le témoignage anonyme.

l’article 27 de la loi du 15 novembre 2001) :• procéder à l’inspection visuelle des bagagesà main ;• procéder à des fouilles des bagages avec leconsentement du propriétaire ;• procéder à des palpations de sécurité, avec leconsentement de la personne, si des circons-tances particulières sont liées à l’existence demenaces graves pour la sécurité publique,circonstances constatées par arrêté préfectoral.

■ ■ ■

4 - SOUS RÉSERVE DE L’INTERVENTION D’UNDÉCRET, la visite des personnes, des bagages,des colis, des marchandises, des véhicules, desnavires (sauf la partie habitation et les locauxsyndicaux), des aéronefs se trouvant dans deszones non accessibles au public est possible, parun agent des douanes, ou par un OPJ, ou surleurs ordres, par des vigiles agréés par le Préfetet le Procureur, à la condition que ces vigiles soientressortissants de l’Union Européenne (article L 282-8du code de l’aviation civile et article L 323-5 ducode des ports maritimes, modifiés par les articles25 et 26 de la loi du 15 novembre 2001).

Dans ce dernier cas, ils peuvent :• procéder à l’inspection visuelle des bagagesà main ; • procéder à des fouilles des bagages avec leconsentement du propriétaire ;• procéder à des palpations de sécurité, avec leconsentement de la personne.

■ ■ ■

LES MODIFICATIONS APPLICABLESSANS LIMITATION DE DURÉE

5 - Possibilité pour les contrôleurs de la SNCFd’enjoindre à toute personne qui, en cours detransport, contrevient aux dispositions tarifairesou à toute disposition dont l’inobservation est

Page 9: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

susceptible de compromettre la sécurité despersonnes, la régularité des circulations ou l’ordrepublic, de descendre du train et de requérir laforce publique en cas de refus d’obtempérer(article 23-2 de la loi du 15 juillet 1845 sur lapolice des chemins de fer, inséré par l’article 49de la loi du 15 novembre 2001).

■ ■ ■

6 - Création d’un délit de fraude habituelle enmatière de transport (10 contraventions sanc-tionnées, et sans transaction, au cours d’unepériode inférieure ou égale à douze mois) : sixmois d’emprisonnement et 7 500 € d’amendesont encourus (article 24-1 de la loi du 15 juillet1845 sur la police des chemins de fer, inséré parl’article 50 de la loi du 15 novembre 2001).

■ ■ ■

7 - Une nouvelle réglementation sur les cartesbancaires en cas de perte ou de vol ou d’utili-sation frauduleuse (articles 34 et suivants de laloi du 15 novembre 2001).

■ ■ ■

8 - Une obligation de déclaration préalable,auprès du préfet, des rassemblements exclusi-vement festifs à caractère musical, organiséspar des personnes privées dans des lieux quine sont pas au préalable aménagés à cette fin,déclaration devant mentionner les mesures envi-sagées pour garantir la sécurité, la salubrité,l’hygiène et la tranquillité publiques (sous réservede l’intervention d’un décret d’application / article23-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, insérépar l’article 53 de la loi du 15 novembre 2001).

■ ■ ■

9 - Article 706-55 du CPP (article 56 de la loidu 15 novembre 2001) : élargissement des infrac-tions pouvant entrer dans le fichier nationalautomatisé des empreintes génétiques, qui cen-tralise désormais les traces et empreintes géné-tiques concernant, outre les infractions sexuelles :• les crimes d’atteinte volontaires à la vie de lapersonne, de torture et actes de barbarie ;• les violences volontaires des articles 221-1 à 221-5,222-1 à 222-8 du code pénal, 222-10 et 222-14 ;• les crimes de vols, d’extorsions et de destruc-tions, dégradations et détériorations dangereusespour les personnes des articles 311-7 à 311-11,312-3 à 312-7 et 322-7 à 322-10 ;• les crimes constituant des actes de terrorismedes articles 421-1 à 421-4.

■ ■ ■

10 - Article 706-56 du CPP (article 56 de la loidu 15 novembre 2001) : création d’un délit derefus de se soumettre à un prélèvement envue de l’identification de son empreinte géné-tique, pour la personne définitivement conda-mnée à l’une des infractions visées précédemment(six mois d’emprisonnement et 7 500 € d’amende).

12 – Article 126-2 du code de la constructionet de l’habitation (inséré par l’article 52 de laloi du 15 novembre 2001) : possibilité pour lesgardiens d’immeuble de faire appel aux forcesde l’ordre pour rétablir la jouissance paisibledes lieux, lorsque des personnes occupent desespaces communs et entravent l’accès et lalibre circulation des occupants ou empêchentle bon fonctionnement des dispositifs desécurité et de sûreté ou nuisent à la tranquillitédes lieux.

■ ■ ■

13 - Création d’un corps de vigiles unifiécommun à la SNCF et à la RATP (serviceinterne de sécurité). Ces agents peuvent êtreautorisés, par décision préfectorale nominative,à porter une arme (articles 63 à 68 de la loi du15 novembre 2001).

■ ■ ■

Les avocats français ne peuvent que déplorer cedémembrement des libertés individuelles quine se justifie pas, a fortiori, dans un contextemalheureusement propice à la remise en causede la loi du 15 juin 2000.

Le SAF s’élève avec vigueur contre cespetits arrangements avec les libertés indivi-duelles dont on sait précisément qu’elles ne sedivisent pas. ■

9

11 - Articles 706-57 et suivants du CPP (article57 de la loi du 15 novembre 2001) : créationd’un régime d’audition d’un témoin anonyme.

Le juge des libertés et de la détention, saisipar requête motivée du procureur de laRépublique ou du juge d’instruction, peut, encas de procédure portant sur un crime ou surun délit puni d’au moins cinq ans d’emprison-nement, décider par décision motivée que lesdéclarations d’une personne seront recueilliessans que son identité apparaisse dans laprocédure, si cette audition est susceptible demettre gravement en danger la vie ou l’intégritéphysique de ce témoin ou de ses proches.

Les “garanties” prévues par le texte sont que :• Ce mécanisme ne peut être utilisé si la connais-sance de l’identité du témoin est indispensable àl’exercice des droits de la défense.• La personne mise en examen peut demanderà être confrontée au témoin, qui est alorsconfronté ou entendu dans des conditionstechniques préservant son anonymat.• Dans les dix jours à compter de la date où illui a été donné connaissance de ce témoignage,la PME peut saisir le président de la chambre del’instruction pour contester le recours à cetteprocédure de témoin protégé.• Aucune condamnation ne peut être prononcéesur la seule base d’un ou plusieurs témoignagesrecueillis dans ces conditions.

Page 10: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

10

S téphane S., 33 ans, habitant la rue de laTraversette dans un petit village près de

Béziers, décide au mois d’Octobre 2001 d’arrêterde fumer.

Suivant les campagnes de sensibilisationdiffusées par France Inter, il téléphone tous lessoirs à un ami, Eric D., habitant la même rue,deux maisons plus loin, pour lui parler de sajournée sans tabac.

Le 16 octobre au soir, il avoue à Éric qu’il acraqué et acheté un paquet de cigarettes. Ériclui demande alors de déposer son paquet decigarettes dans sa boîte à lettres.

■ ■ ■

Sur l’enveloppe dans laquelle il a placé lepaquet de cigarettes, Stéphane écrit “This is notanthrax. It’s just Stéphane’s drug” et dessineune tête de mort. Il glisse l’enveloppe dans laboîte à lettres de son ami : elle y restera toute lajournée.

Un habitant du village, en fin d’après-midi,passe devant cette boîte. Il voit l’enveloppe quidépasse un peu, il se contorsionne et ne retientque le mot “anthrax”. Il prévient un employémunicipal qui passait dans la rue, qui lui-mêmeappelle le secrétaire de Mairie qui prévient lesgendarmes.

La maréchaussée bloque toutes les issues etfait appel à un démineur.

Stéphane S. rentre chez lui vers 18 h 30,imagine un déménagement puisque la rue estfermée, s’avance vers les gendarmes et le démi-neur qui examinent l’enveloppe. Constatant laméprise, il leur raconte l’aventure bien anodine.

■ ■ ■

Il est placé en garde-à-vue, passe toute lanuit au poste. Le lendemain on lui signifie qu’ilva être jugé dans le cadre d’une comparutionimmédiate. Il est présenté au Procureur de laRépublique de Béziers.

En effet, on retient contre lui les deuxinfractions suivantes :

• communication ou divulgation d’une fausseinformation faisant croire à un sinistre de nature

De l’anthrax à perlimpimpin

“This is not a canularit’s just our justice”

“Ce n’est pas un canular, c’est juste notre justice”

Par Monika Villa-Mahy-Ma-Somga et Bruno Rebstock du SAF Aix-en-Provence.

C O G I T O

à provoquer l’intervention inutile des secours ;• violences volontaires avec préméditation

n’ayant pas entraîné d’ITT sur les personnes deson ami Éric, l’habitant du village et l’employéprincipal.

Il est ensuite présenté au juge des libertés etde la détention qui décide de le placer endétention jusqu’au lendemain, date de sacomparution devant le Tribunal Correctionnel.

Le lendemain à l’audience, plus de la moitiédu village, le Maire en tête, sont présents pour

le soutenir, mais le Procureur requiert sonmaintien en détention en s’appuyant sur letrouble exceptionnel et persistant à l’ordrepublic, affirmant que tout un village est enémoi, et invoquant un risque de fuite.

■ ■ ■

Le Tribunal libéra Stéphane S. et renvoya sonaffaire au fond à l’audience du 1er février 2002.

Qui s’étonnera de ce que ce bon Stéphane sesoit remis à fumer plus intensément encore… ■

Page 11: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre
Page 12: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

Réformer le divorceRenforcer le lien social

Pour une “dédramatisation” du divorce

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

D R O I T D E L A F A M I L L E

12

C’ est en ces termes qu’était donnée missionen Février 1998 par Élisabeth Guigou,

Garde des Sceaux, et Martine Aubry, Ministrede l’Emploi et de la Solidarité à Irène Théry,d’analyser les transformations de la famille etde dégager les bases “d’une mise à plat del’ensemble des politiques dans ce domaine”,afin que puissent être élaborées des propo-sitions que le gouvernement entendait soumettreau Parlement.

En Juin 1998, Irène Théry déposait unrapport très complet intitulé “Couple, filiationet parenté aujourd’hui” dans lequel elle écrivaità propos du divorce : “l’état actuel des connais-sances justifie d’ores et déjà de refuser deremettre en cause la grande réforme de 1975.

Par Laurence Gillet, Avocat au Barreau de Seine-St-Deniset Régine Barthélémy, Avocat au Barreau de Montpellier.

“Vous savez, mieux que quiconque, que la famille demeure et qu’en même temps elle change…Comment analyser ces mutations et prendre en compte les évolutions de la politique de la famille,

dans les règles juridiques qui l’encadrent... ? Quels perfectionnements, quelles innovations techniquesdans le domaine juridique de la filiation, de l’autorité parentale, du mariage, du divorce,du concubinage, des successions ou des mesures de protection appellent ces mutations ?”

Cette réforme n’a pas toujours été bien comprise :son pluralisme n’est pas un “compromis” maisle choix d’une voie originale, soucieuse de ladiversité des situations et des opinions. Plusprofondément encore, cette voie est respectueusede la signification du droit : privilégiant lesprincipes juridiques et les garanties procéduralessur les bonnes intentions, elle refuse le péda-gogisme, cette tentation permanente des démo-craties tutélaires dont parlait déjà Tocqueville.Si le droit doit veiller à ne pas attiser lesconflits, il ne doit pas non plus ériger desmodèles du “bon divorce”.”

Le gouvernement chargeait alors MadameDekeuwer Defossez de présider une commission,chargée de présenter des propositions de

réforme, commission qui inscrivait ses travauxdans la suite de ceux d’Irène Théry, écrivant enintroduction de son rapport : “Préalable à sestravaux, le rapport Théry a été la base socio-logique et le point de départ des réflexions de lacommission”.

Après une année de travail, d’auditionsnombreuses et une très large consultation desprofessionnels et associations, cette commissiondéposait son rapport en Octobre 1999.

En matière de divorce, “la voie de lasuppression radicale du divorce pour faute aété écartée à l’unanimité par le groupe detravail”. La commission maintenait le choix dela pluralité des procédures, optant pour unenouvelle articulation entre divorce pour faute et

Page 13: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

13

divorce pour cause objective (en réduisantnotamment à trois ans le délai au terme duquella séparation ou l’altération des facultésmentales justifie le prononcé du divorce),l’unification de la phase préalable de conciliationpar “la création d’un tronc commun procéduralretardant après l’audience de conciliationl’énoncé de la cause de divorce afin de favoriserl’acceptation d’un divorce sans torts”, n’imposantqu’une seule comparution devant le Juge auxAffaires Familiales dans les divorces sur requêteconjointe lorsque les accords des époux sont“libres, complets et équilibrés”.

Le gouvernement, depuis le dépôt de cerapport, a renoncé à procéder à une granderéforme d’ensemble du droit de la famille.

Après la réforme de la prestation compen-satoire, sont arrivés donc sur le bureau desAssemblées, en ordre dispersé, projets de loi,propositions de loi souvent, sur l’autoritéparentale, le nom patronymique, les droits duconjoint survivant…

Au printemps 2001, Madame la Ministre de laJustice manifestait son intention d’en venir audivorce et organisait quatre débats “citoyens” àLille, Toulouse, Nantes et Marseille, annonçantdans un document d’orientation relatif à laréforme du droit de la famille la création d’une“procédure unifiée, innovatrice, visant à faireconstater par le juge le caractère irrémédiable de larupture du lien conjugal, sur demande d’un seulépoux” qui aurait pour objectif de “pacifier lesrelations des époux engagés dans une procédurede divorce non consensuelle”. “Cette procédurefusionnera trois procédures existantes aujourd’hui :le divorce demandé par l’un des époux et acceptépar l’autre, le divorce pour rupture de la viecommune et le divorce pour faute”.

Ainsi, en quelques lignes et au nom de la“pacification”, étaient enterrés les rapportsThéry et Dekeuwer Defossez ainsi que toutesles réflexions, débats et analyses dont ilsavaient été porteurs en matière de divorce.

Monsieur Colcombet, rapporteur de laproposition de loi du même nom, déposait surle bureau de l’Assemblée, le 3 octobre 2001,un rapport mis en distribution le 8 octobre,discuté le 9 et voté le 10 octobre 2001 au termed’une matinée et demie de débats pour 12 inter-

de prendre mieux en compte les accords inter-venus, de les favoriser, parce qu’elle inscritcette rénovation dans le respect du “divorcepluraliste”, parce qu’il faut que le débat,auquel nous avons failli échapper entre le 3et le 10 Octobre 2001, ait lieu, la CommissionDroit de la Famille du SAF vous proposeaujourd’hui ses réflexions et prises de position,discutées en Congrès ainsi qu’au cours desréunions et à l’occasion des échanges detextes qui ont suivi.

1/ RÉNOVER LA LOI DE 1975DANS LE RESPECT

DU DIVORCE PLURALISTE :La loi est faite pour dire le principe généralauquel toute situation particulière se rattache, etpour “garantir au justiciable un procès au coursduquel un échange rationnel d’arguments permetde fonder une décision en droit” (I. Théry).

En tournant le dos au droit du divorce issu dela loi du 27 juillet 1884, qui n’autorisait ledivorce que sur la preuve de la faute de l’un desépoux, le législateur de 1975 prenait effecti-vement acte de l’évolution de la société et, nonseulement faisait entrer dans le droit le principeque le mariage pouvait se défaire par �

“Le monde politiquelégifère de plus en plustechnocratique, dansun appauvrissement

sans précédent du débatparlementaire

et du débat social”

venants seulement, chacun, à gauche et àdroite, restant prudemment dans le propos deson camp, et, pour finir une adoption du projetpar la majorité et une abstention del’opposition.

En d’autres termes, sur une réforme socia-lement aussi fondamentale que la suppressionpure et simple de la Loi de 1975, dont on nepeut pas dire qu’elle n’intéresse pas beaucoupde gens, il était légiféré en quelques heures età quelques-uns ; c’est très exactement ce questigmatisait Irène Théry dans “Le démariage” :“les difficultés que nous avons à penser le droittiennent d’abord à la façon dont celui-ci, touten étant partout, a disparu de la culturecommune. Il est affaire de spécialistes, lesenfants n’en apprennent pas les principauxfondements à l’école, et le monde politique légifèrede façon de plus en plus technocratique, dansun appauvrissement sans précédent du débatparlementaire et du débat social”.

La Commission de droit de la Famille du SAFa suivi l’ensemble de ces travaux ; parce qu’ellesouscrit à la nécessité de rénover la loi de 1975pour répondre aux soucis d’assouplissement etde simplification des procédures, au besoin depacification des relations entre époux, à l’urgence

Page 14: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

14

qu’elle permet au justiciable, au terme d’unvéritable travail, porteur de sens, de choisir laplace qu’il entend occuper et ainsi de dire àson conjoint, au juge, à ses enfants, qui il est.

Signer une requête conjointe peut résulterd’un accord évident comme d’un travaild’élaboration.

Accepter la procédure déclenchée par sonconjoint n’est pas la même chose que de signerune requête conjointe, ce qui peut d’ailleurs nerelever que du symbolique et ne pas exclure unaccord sur les conséquences.

Dénoncer le comportement de l’autre peutaussi avoir du sens et s’avérer nécessaire.

La richesse de ce choix est égalementféconde parce qu’elle inscrit ce choix dans letemps. On le voit, l’accord est possible à toutmoment. Ce qui signifie que celui des deuxconjoints qui est le moins avancé dans laconstatation de la séparation ou des consé-quences qu’elle implique, peut mener la

procédure à l’aune de son propre temps, quin’est pas celui du juge, mais celui qui lui estnécessaire, à lui, pour structurer sa place et saposition.

Le mécanisme de la loi de 1975 était doncpertinent et logique, jusques et y compris pourl’époux pour lequel le divorce pour faute étaitinaccessible, par absence de griefs contre sonconjoint, par absence de preuves de ces griefs,ou par répugnance à se situer sur ce terrain, etqui devait alors tenter de s’engager dans larecherche d’un accord.

En ce sens, la loi de 1975 s’inscrivait réso-lument dans le cadre des grandes lois deprincipe posant le démariage à deux commeun modèle de référence (le divorce n’est pasque la fin d’une histoire, mais la constructiond’une autre configuration qui ne peut s’élaborerque par la reconnaissance de la place et del’identité de chacun), que la procédure venaitservir (permettre à chacun d’être procéduralemententendu et à sa place)

Les travaux d’Irène Théry et de la commis-sion Dekeuwer ont successivement validé cechoix, soulignant (cf. supra) l’originalité de cettevoie “soucieuse de la diversité des opinions etdes situations” tout en proposant des mesuresdestinées à favoriser les accords, à assouplir lesprocédures existantes et à dédramatiser ledivorce, “à rénover la loi de 1975 dans le respectdu divorce pluraliste”, parce que ces textes sonten décalage avec l’état actuel de la société etque le système judiciaire “ne parvient que trèsdifficilement à leur donner une applicationcorrecte” (cf. rapport Dekeuwer Defossez).

C’est ce choix fondamental de la rénovationde la loi de 1975 dans le respect du divorcepluraliste que soutient notre commission.

2/ LES PROPOSITIONSDU RAPPORT DEKEUWER DEFOSSEZ

RESTENT PERTINENTES ET ACTUELLES :Et nous ne comprenons pas qu’elles aient étébalayées sans discussion : “…comment tirer laconséquence de son caractère fréquent (dudivorce), sans banaliser pour autant cetévènement qui reste, dans la plupart des cas, unpassage difficile et douloureux. Comment rendresimple et accessible au justiciable cette procédure,sans en occulter l’enjeu et sans altérer lesgaranties dont doivent bénéficier les enfants et lesconjoints l’un envers l’autre, en particulier les plusfragiles ?” (Rénover le Droit de la Famille. Rapportde Synthèse Septembre 1999).

• En favorisant l’émergence d’accords surle principe et les conséquences du divorce.

Autrement dit en “pacifiant” par la créationd’un TRONC COMMUN à toutes les procéduresen divorces, en unifiant la phase préalable deconciliation.

Le demandeur n’indique plus dans sa requêteinitiale le cas de divorce sur lequel il entendse fonder. Il peut se borner à indiquer qu’il �

� l’accord des époux, mais encore le promou-vait, en tant que cet accord permettait d’autantmieux à chacun de conserver son intégritéque cette intégrité était consentie par l’autre,et permettait le “maillage de relationsdurables”, si relations, notamment en présenced’enfants communs, devaient perdurer.

Naissait l’idée que la séparation peut êtresans rupture et que le démariage, pour ne plusêtre qu’une souffrance et permettre à sesprotagonistes tant de se reconstruire que deconstruire si nécessaire des relations durables,devait prioritairement se faire à deux.

Ainsi était-elle structurée “en cascade” :• la loi de 1975 instituait le divorce par

requête conjointe, supposant l’accord desépoux sur le tout, principe et conséquences,comme la procédure de référence ;

• si l’accord ne peut intervenir sur le tout, onpeut recourir à la demande acceptée, qui limitele consentement nécessaire au seul principe dudivorce, sans pour autant l’interdire, par lasuite, sur ses conséquences ;

• si aucun accord n’est possible, on peututiliser le divorce pour faute, lequel n’interditpas la conclusion ultérieure d’accords, notam-ment sur le fondement des articles 259 & 248-1,soit sur double aveu sans énonciation desgriefs, avec ou sans accord sur les conséquencesdu divorce ;

• s’il n’existe ni accord, ni grief, on peut recourirau divorce pour rupture de la vie commune.

Il faut réaffirmer avec force, combien larichesse de ce choix est en soi féconde parce

“Accepter la procéduredéclenchée par sonconjoint n’est pasla même chose que

de signer une requêteconjointe”

Page 15: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre
Page 16: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

16

“Le demandeur quisouhaite divorcer sansreprocher quoi que ce

soit à son conjoint n’estplus obligé d’inventern’importe quel grief :il appelle son conjoint

à la procédure”

� souhaite divorcer, de sorte que les mesuresprovisoires soient prises sans considération descirconstances ayant amené au divorce.

Ainsi le principe du divorce pourrait-il êtreacquis si les deux époux reconnaissent tousdeux le caractère intolérable du maintien de lavie commune et acceptent tous deux le principed’un divorce sans torts, la poursuite de laprocédure pouvant se faire selon les circons-tances sur l’une des formes de procéduresexistante, la mieux adaptée.

Il ne fait aucun doute que ce système permettraità nombre de procédures, aujourd’hui engagéespour faute uniquement parce que le défendeurne s’est pas positionné avant l’introduction de laprocédure, ou n’entend pas par la suite consti-tuer avocat, alors qu’il fait lui aussi le constatd’un échec, d’exclure la référence à une faute quine fait ici plus aucun sens.

Le demandeur qui souhaite divorcer sansreprocher quoi que ce soit à son conjoint, soitqu’il n’a rien à lui reprocher, soit qu’il répugneà ce débat profondément privé, n’est plusobligé d’inventer n’importe quel grief : ilappelle son conjoint à la procédure.

À défaut d’accord immédiat sur le principemême du divorce, l’audience de conciliationpermettrait comme avant de constater que laréconciliation n’est pas possible.

Dans tous les cas les mesures provisoiresseraient prises pour organiser la séparationet préparer la procédure ultérieure.

Ce n’est qu’au stade de l’instance, aprèsl’audience de conciliation, que le demandeur

aurait à préciser le cas de divorce sur lequel ilentend se fonder. Mais à ce stade seraient enpratique supprimées toutes les procédurespour faute fictives : le défendeur qui s’est associélors de l’audience de conciliation à la demandeen divorce initiée unilatéralement par sonconjoint n’a plus à se défendre d’une faute quine lui a pas été imputée ; celui qui par désenga-gement procédural ou par manque de moyensne veut pas constituer par la suite avocat nevoit pas quelques mois plus tard un jugementde divorce lui être signifié sur le fondement degriefs dont il n’a jamais été question.

L’introduction de ce tronc commun aboutiraen pratique à une démultiplication desdivorces demandés par l’un et acceptés parl’autre, l’acceptation par l’autre pouvantémerger d’un simple constat à l’audience.

• En accompagnant cette unification de laprocédure de modifications propres à chacunedes procédures, permettant de les rendre moinsconflictuelles et plus souples.

- Suppression de toute référence à la fautedans la procédure de divorce sur demandeacceptée, tant il semble inutile de revenir surles faits qui ont entraîné la séparation et demettre plutôt l’accent sur l’acceptation d’undivorce sans torts ;

- suppression, lors des procédures 248-1 desformulations d’“aveu” ou de “torts partagés” ;

- possibilité de prendre à tous les stadesultérieurs de la procédure un accord sur leprincipe d’un divorce sans torts ;

- possibilité d’entériner à tous les stades dela procédure l’accord des époux sur les consé-quences du divorce ;

- la disjonction radicale des notions defaute et de prestation compensatoire : il estinsensé que des divorces continuent, alors quechacun des époux a fait le constat de l’échec deson couple, d’être plaidé, et durement, sur lefondement de la faute pour l’unique raison quele divorce empêche celui aux torts exclusifsduquel il est prononcé de solliciter une prestationcompensatoire à laquelle il peut pourtant avoirlégitimement droit.

• En aménageant parallèlement la procédurepour rupture de la vie commune :

- par la réduction du délai de rupture de lavie commune : la commission Dekeuwer Defossezpropose 3 ans au lieu de 6 ans. Parce que lemaintien de liens juridiques, voire d’une commu-nauté de biens entre des personnes séparéesn’est pas sans poser de problèmes, parce qu’onpeut raisonnablement considérer que “la messeest dite” bien avant 6 ans ou même 3 ans deséparation effective, ce délai pourrait à notresens être réduit à UN AN à compter del’audience de conciliation, étant précisé quecelle-ci, qui se déroulerait comme pour lesautres procédures, à l’issu de la saisine par“tronc commun”, organiserait les modalités dela séparation.

- par l’alignement des conséquences dudivorce pour rupture de la vie commune surtoutes les conséquences des autres formes dedivorce : prestation compensatoire plutôt quedevoir de secours.

La Commission Dekeuwer propose le maintiende la charge du procès au demandeur, l’inter-diction absolue d’attribuer une prestationcompensatoire au demandeur, le maintien de laclause de dureté.

Nous pensons préférable de renvoyer l’examende la charge du procès et de la prestation compen-satoire à l’arbitrage du magistrat ; nous sommesaussi hostile au maintien de la clause de dureté.

• En allégeant la procédure de divorce surrequête conjointe.

Rendre facultative l’audience de secondecomparution dans cette procédure, pour peu

Page 17: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

que la volonté des époux soit suffisamment aferme et éclairée, et que par ailleurs un règlementglobal et satisfaisant des effets, notammentpatrimoniaux du divorce soit obtenu, est uneidée qui aujourd’hui s’impose et rencontre unassentiment général… y compris auprès deMonsieur Colcombet !

3/ LA PROPOSITIONDE MONSIEUR COLCOMBET :

Aucun débat de principe (cf. rapport de présen-tation) n’a présidé à la proposition d’un divorcepour rupture irrémédiable du lien conjugal. Àaucun moment il n’a été question de démontreren quoi la symbolique des liens et des places,qu’il revient à la loi de dire, commanderait àl’édification de la loi nouvelle. Les prolégomènesde la loi Colcombet sont uniquement appuyéssur une analyse statistique de l’application de laréforme de 1975, destinée, sous couvert d’unevolonté probablement sincère de pacification, àlégitimer non pas un principe, mais un postulat,– véritable fil conducteur de la réforme –, que“l’on ne peut plus contraindre les gens àdemeurer mariés”.

Le raisonnement, en forme de sophisme, estle suivant :

• La loi de 1975 s’est attachée en vain àdédramatiser le divorce en limitant la place dela faute dans les causes du divorce

• La proposition Colcombet, dans le prolon-gement de la réforme de 1975, proclame le droitunilatéral au divorce

• Donc l’affirmation d’un droit unilatéral audivorce supprime la faute.

Sauf que… la déresponsabilisation totale du

demandeur au divorce étant insupportable pourcelui qui, bafoué, se voit encore chassé sansrecours possible, il lui est concédé la possibilitéde solliciter la réparation de son préjudice sur leterrain… de la faute.

Le constat selon lequel la loi de 1975 nepermet pas d’éviter que les conflits soientencore parfois attisés est juste. Encore faut-ilpour réformer prendre la mesure exacte de ceseffets pervers et renoncer à la caricature.

La très faible proportion des divorces pourrupture de la vie commune (1,6% desdivorces), refuge des déboutés de la premièreheure, démontre à l’évidence que l’enjeu de laréforme Colcombet n’est pas de rendre ledivorce accessible à des gens à qui il seraitinterdit, ce qui invalide radicalement leleitmotiv ministériel du “on ne peut plus forcerles gens à rester mariés”, sous peine de légiférerpour 1,6% des demandeurs au divorce, ce qui,pour le moins suppose un raisonnement à lamarge, si souvent et à juste titre fustigé par laChancellerie.

a) L’économie de la réforme :• Seul le divorce sur requête conjointe, rebaptisédivorce par consentement mutuel est maintenu.• TOUTES les autres formes de divorce sontbalayées, au profit d’une seule et uniqueprocédure : celle du divorce pour rupture irrémé-diable du lien conjugal tendant à l’instaurationd’un divorce “pour cause objective”.• Ce divorce présente un caractère déclaratif : lejuge n’a pas à apprécier le caractère irrémé-diable ou non de la rupture du lien conjugal,mais est tenu de prononcer le divorce et de

statuer sur ses conséquences dès lors que ledemandeur persiste dans son intention dedivorcer à l’issue de la “procédure préalable àl’assignation”.• C’est un véritable droit au divorce.• Pour ne pas être assimilé à une répudiation,l’institution de ce droit se doit cependant derespecter les droits du défendeur, ce qui est faità l’aide de trois dispositions :

1. la phase préliminaire est aménagée auprofit du défendeur, qui peut contester le caractèreirrémédiable de la rupture du lien conjugal,auquel cas la cause est automatiquementrenvoyée entre 4 et 8 mois, délai éventuellementrenouvelable de quatre mois ;

2. le juge peut ordonner une médiation, laquelleprendra alors un caractère obligatoire, le deman-deur n’étant autorisé à poursuivre la procédureque s’il s’est présenté au premier rendez-vous ;

3. l’action en dommages-intérêts lui est ouvertedans le cadre de la procédure en divorce, lorsquela dissolution du mariage a pour lui des consé-quences d’une exceptionnelle gravité, distinctesde celles concernant son niveau de vie, lesquellespeuvent être réparées par l’attribution d’uneprestation compensatoire.

Ce droit au divorce est donc clairement eten premier lieu un droit unilatéral, et sansconditions.Le rapprocher d’un divorce dit “pour causeobjective” relève tout de même de la perfor-mance sémantique. C’est un droit purementsubjectif : c’est la volonté du demandeur quifait ou défait le caractère irrémédiable de larupture. Elle s’impose au Juge, et à l’épouxdéfendeur. �

17

Page 18: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

18

“Le juge n’est plusadossé à la loi,

qui n’institue et nesymbolise plus, mais à

une volonté individuellesouveraine, face à

laquelle l’autre n’a qu’àaccepter ou se taire”

� b) La proposition Colcombet est auxantipodes de la loi de 1975 :

La proposition Colcombet fait clairementpasser la “séparation sans rupture” de l’idéal àl’idéologie.

Irène Théry, se demandant pourquoi nousavons si facilement tendance à penser que lavie privée est un espace où la loi doit se taire etgérer, pointait l’interprétation sociologiquedominante des vingt dernières années, selonlaquelle les mœurs elles-mêmes auraientévolué, la vie privée devenant un espace oùl’individu ne veut plus rendre de comptesqu’à lui-même.

Le droit civil, nous dit-elle, serait donccondamné à disparaître, pour n’être plusprescription, mais gestion, sous peine d’atteinteà la liberté de chacun.

Or, la distinction du privé et du public est aucœur de la démocratie, parce qu’elle préservede l’enrégimentement politique et assure auxliens familiaux leur indépendance par rapport àla raison d’État.

Mais la notion de “droit à la vie privée” estd’autant plus malaisée à définir (droit d’êtreintime et seul contre les intrusions de l’État etd’autrui) que son extension récente l’obscurcit,lorsque le privé devient la sphère d’autodéter-mination absolue de l’individu…

…Et que l’hyper individualisme apparaîtalors comme un danger pour les libertés, en cesens qu’atomiser la société en autant d’indi-vidus, c’est ne plus dire les principes quifondent le lien social, mais laisser le champlibre à l’affrontement, droits contre droits, desindividus entre eux (…).

Ainsi la justice de la famille et de la vieprivée s’en est allée, perdant les repères luipermettant de penser sa spécificité, dévalorisée,comme le droit, dans sa signification et surva-

symbolise plus, mais à une volonté individuellesouveraine, face à laquelle l’autre n’a qu’àaccepter ou se taire.

L’accord est la règle à tout prix, au besoin àcoup de médiation forcée, tout échec à la miseen place du modèle idéal (du couple parentalcoopératif) renvoyant inéluctablement les person-nes à une culpabilité insupportable et une miseà l’index discriminatoire, et qu’il s’agit doncbien de faire le bonheur des gens malgré eux,au nom d’un modèle idéal qui n’est plus négocié.

Nous sommes aux antipodes du démariageà deux.

lorisée dans son pouvoir : on lui demande den’être rien (parce qu’aucun tiers ne peut dire ledroit inter individuel) et d’être tout (en trans-formant par son action les divorcés en confliten couples parentaux coopératifs). L’absence derituel judiciaire, vécue comme une humanisationest théorisée comme un bien, et la médiationjudiciaire renvoyée à l’expertise.

Mais l’émergence du “savoir expert”, traduc-tion inévitable de la délégitimation de la loicivile, aboutit à une véritable défaite de laconnaissance, lorsque le savoir expert, disanttoujours plus et autre chose que ce qui est de sacompétence, ne cautionne plus que le mora-lisme et laisse croire qu’il faut savoir, alors qu’ils’agit de choisir, c’est à dire de se déterminer selondes valeurs. (I. Théry. Le Démariage. Conclusion).

Combien la proposition Colcombet entre enétrange résonance avec ces quelques lignesrésumées…

Philosophiquement parlant, la propositionColcombet est un pur produit de l’hyperindividualisme et de ses dérives : le juge n’estplus adossé à la loi, qui n’institue et ne

Page 19: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

c) La proposition Colcombet aboutit à l’exactcontraire de l’objectif de pacification desdivorces qu’elle poursuivait parce qu’elle nese cale pas sur la recherche d’un accordmutuel, mais sur la seule gestion du désirunilatéral de rupture de l’un des époux :

L’instauration d’un droit au divorce unilatéralest intrinsèquement contradictoire avec larecherche de pacification des rapports entre lesépoux, en ce sens que cette recherche de paci-fication est impossible, si les deux époux nesont pas également acteurs de leur séparation.

Or, par définition, la proposition Colcombetfait du défendeur un sujet passif et subissant.

Le désarroi d’un époux qui doit accepter dene plus être aimé par son conjoint, qui doitconstater son échec personnel, risque de sedoubler de l’amertume de subir un divorce danslequel il perd toute maîtrise. Espérer pacifier lesdivorces suppose que chacun des époux se senterespecté et pris en compte. Mais, par définition,la volonté unilatérale de l’un des époux commevaleur imposée brutalement est délétère.

Le défendeur ne peut, en contestant lecaractère irrémédiable de la rupture dulien conjugal, qu’obtenir que la cause soit �

Page 20: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

20

contestation impossible n’est pas le rejet de lademande, mais sa retenue dans le temps.

Pour le juge, il s’agit d’une mission impossible.Quelle est sa légitimité à retenir ou non le

temps du divorce ? Et au nom de quel principe eten fonction de quels critères objectifs le jugeappréciera-t-il le bien fondé ou le mal fondé de lacontestation élevée… sinon au nom de son opinionou de sa morale personnelle… ? (quel danger etn’est-ce pas déjà que trop souvent le cas ?!)

Il est ici dans un rôle qu’il ne peut pasassumer.

Le défendeur peut ensuite jeter en travers duparcours de son conjoint la médiation commeun obstacle, qu’il sera aisé, au demandeur, decontourner en s’y conformant comme à unesimple formalité :

…puisque le législateur ne soumet pas lapoursuite de la procédure au succès de lamédiation imposée, mais demande simplementaux parties de s’y être présentées.

Et comment imaginer qu’une médiationengagée dans ces conditions aurait unequelconque chance d’aboutir, à supposerqu’elle soit utile à quelque chose puisqu’elleintervient alors que le principe du divorceest d’ores et déjà acquis au demandeuret que les conditions de la séparation onttoutes les chances d’avoir été décidées parle juge…

Sauf à ce que le juge retienne la fixation deces mesures jusqu’après l’audience de renvoien les soumettant au crible de la médiation ?

L’hypothèse n’est pas interdite par la loi etpourrait présenter une certaine logique.Mais comment justifier l’insécurité juridiquefondamentale qu’elle comporterait alors, …sinonpar le déni du juge et la disparition du droitdevant une norme technique incertaine.

Le défendeur peut enfin se placer sur leterrain des dommages-intérêts, à raison dupréjudice que la rupture du lien conjugal luiprocure.

Ce qui signifie, non seulement que la fautene disparaît pas de la Loi Colcombet, maisencore qu’elle est l’objet d’une véritable“rétrogradation promotionnelle”.

d) La proposition Colcombet aboutit à l’exactcontraire de l’objectif de pacification desdivorces qu’elle poursuivait parce qu’elleconfère à la faute la pire des places.

L’idée initiale de la proposition Colcombetd’interdire tout débat judiciaire sur les causes etsur les fautes n’a pu être tenue, la faute revenanten force au fil des débats, pour justifier desmesures urgentes, donner acte à l’épouxvictime, pour des actions en indemnisation dupréjudice subi.

L’action en dommages-intérêt est doncouverte au défendeur, lorsque la dissolutiondu mariage a pour lui des conséquencesd’une exceptionnelle gravité, distinctes decelles concernant son niveau de vie, lesquellespeuvent être réparées par l’attribution d’uneprestation compensatoire. �

� automatiquement renvoyée entre 4 et 8,éventuellement 12 mois.

Mais quel est le sens, pour le conjoint défen-deur et pour le juge, de cette retenue du divorcedans le temps ?

Pour le conjoint, en pratique aucun, sinoncelui d’accepter à terme de se soumettre.

L’idée que le défendeur pourrait s’opposerà la demande de son conjoint en “contestantle caractère irrémédiable de la rupture” estun leurre :

D’une part, parce que l’on voit mal commentcontester objectivement un sentiment d’irrémé-diable par définition purement subjectif. Dèslors que la rupture irrémédiable du lien conjugalest la conséquence exclusive de l’intention dedivorcer du demandeur, on voit mal commentle défendeur pourrait venir instaurer une contes-tation, sauf à considérer son conjoint commejuridiquement incapable de prendre sa décision.

D’autre part parce que la sanction de cette

“Au nom de quel principeet en fonction de quelscritères objectifs le juge

appréciera-t’il le bienfondé ou le mal fondé

de la contestation élevée...sinon au nom de son

opinion ou de sa moralepersonnelle... ?”

Page 21: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

Doc

umen

t no

n cr

ontr

actu

el,

prix

ind

icat

ifs.

Valid

ité 3

0 ju

in 2

002.

Tou

s le

s p

rix in

clue

nt u

ne T

.V.A

. à

19,6

% -

Réa

lisat

ion

CO

MIM

A T

él.

04 7

4 53

76

90

❒ son épitoge assortie, un rang de fourrure (40 €)

❒ son épitoge assortie sans fourrure (31 €)

❒ sa bavette plissée en coton suisse (11 €)

❒ sa bavette plissée en polyester (11 €)

❒ un sachet de 10 boutons (2 €)

❒ sa housse de transport (35 €)

Nom à broder sur la robe et le sac ..............................................................................................

Coordonnés ........................................................................................................................................

..........................................................................................................................................................................

..........................................................................................................................................................................

Taille normalisée ou tour de poitrine : .............. Taille de chemise ou tour de cou : .............. Hauteur totale de la personne : ..............

❒ Je souhaite recevoir les échantillons des tissus.

❒ Je souhaite passer commande de la robe cochée ci-dessus (j’ai coché les options choisies).

Tél. .............................................................. Fax ..................................................................

Livraison urgente pour ............................................................................................

Frais d’envoi (13 €)

❒ chèque ci-joint ❒ chèque à réception de facture

FACTURATION

VOS MESURES

Un

atout

majeur

La Classiqueen 98% laine et 2% lycra

❒ Option revers soie (supplément de 39 €)❒ Option boutons recouverts (supplément de 31 €)

La robe seule... 370 €. T.T.C.

La tradition vous tient à ?Misez sur la laine, le confort du lycra, le noir profond d’une fibre naturelle

pour un grand classique du Barreau.

La Futéeen microfibre 100% polyester

❒ Option fermeture par pressions

boutons apparents (sans supplément)

❒ Option sans traine (sans supplément)

La robe et son sac...

290 €. T.T.C.

Comme un à 4 feuilles, ses atouts sont Maîtres !

Livrée dans son petit sac imperméable, elle vous

suivra sans prendre de place, et sans se froisser !

Proposée avec de judicieuses options pour une

simplicité d’utilisation optimum.

L’Economiqueen 80% tergal 20% viscose

❒ Option revers soie (supplément de 39 €)❒ Option fermeture par pressions (sans supplément)❒ Option sans traine (sans supplément)

La robe seule... 230 €. T.T.C.

Aussi légère à porter que son coût ! Pour s’adapter à tous les budgetsson prix se tient à ...

L’Eléganteen microfibre 100% polyester

❒ Option tissu très léger (sans supplément)

❒ Option tissu lourd (supplément de 15 €)

❒ Option revers soie (supplément de 39 €)

❒ Option boutons recouverts (supplément de 31 €)

La robe seule...

370 €. T.T.C.

La fluidité, le grand confort et la respirabilité

d’une gamme infroissable au tombé impeccable, dans

une version tres légère ou une version plus lourde.

Prenez garde qu’on ne vous la !

Votre

robe à

la carte

Votre

robe à

la carte

Un

atout

majeur

Page 22: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

22

� Que le législateur n’ait pas ici pu “interdiretout débat sur la faute” a un sens, et ce sens estprécisément qu’“interdire tout débat sur lafaute” n’en a tout simplement pas.

Fallait-il pour autant, contraints et forcés deconserver cette faute si agaçante, lui donner laplace d’honneur ?

Coincée entre la déclaration de volontéqu’elle énonce et l’impossibilité d’y parvenir,la proposition Colcombet situe en effet la fauteà la pire des places, parce qu’elle cantonne ledébat sur les causes de la séparation à celuisur la seule faute, la plus classique et la plusjudéo-chrétienne et moraliste, celle quientraîne la sacro-sainte sanction.

En contrepoint, le glissement du fondementde la réparation de l’article 266 à l’article 1382est ici symptomatique, comme s’il n’existaitplus d’obligations et de devoirs particuliers aumariage, dont la dissolution ne relèverait plusque du quasi-délit… au lieu d’ouvrir, précisément,le débat sur, non pas seulement la “faute”, maisles causes de la séparation, dont le simple énoncépeut également avoir du sens, sans qu’ils’agisse pour autant de stigmatiser un compor-tement, lorsque l’énoncé de cette cause est pourl’un des époux le moyen de se situer et de sedire, dans la séparation.

L’énoncé de la cause, voire son examen, n’estpas en soi illégitime ni inutile, s’il permet àl’époux de la dépasser.

C’est parce qu’il aura pu s’exprimer librement,contradictoirement, que le justiciable pourracomprendre la décision motivée imposant lasolution du litige et éventuellement l’accepter : lapacification est à ce prix.

Parce qu’elle n’en fait plus que LE SEULMOYEN, pour le défendeur, de tenter deretrouver un semblant de place d’acteur dans laprocédure qui lui est imposée.

L’époux abandonné ne peut plus s’opposer àla demande.

Il ne peut plus dire : “j’accepte, mais c’est toiqui demande” (demande acceptée).

Il ne peut plus dire : “j’accepte, mais c’est toiqui a tort” (demande reconventionnelle).

Il ne peut même plus dire : “au fond, tu asraison”, puisque par définition on ne le luidemande même pas : il peut le penser, mais ilne peut plus le dire dans la procédure, commesi le rituel judiciaire et la posture judiciairen’avait pas d’intérêt.

Il perd totalement toute cette richesse dechoix, il ne peut plus QUE se positionner sur leterrain de la victime, s’il veut répliquer.Parce qu’elle le contraint enfin à inévita-blement se situer sur le terrain, le plussulfureux et délétère qui soit : la réparationfinancière du préjudice, soit… l’argent.

Ce qui est à contre courant total du mouvementjurisprudentiel général de ces dernières années,qui très raisonnablement ne sanctionnait finan-cièrement la faute que très exceptionnellement.

Qui plus est, la rédaction de l’article 259-5 esttelle, que la promesse de réparation financièrerisque de s’avérer une véritable supercherie, sil’on considère que la réparation des “conséquencesd’une exceptionnelle gravité qu’entraîne ladissolution du mariage” est assez radicalementdifférente de celle du préjudice subi du fait d’unépoux qui trahit l’une des obligations du mariage :on voit assez mal comment l’épouse défenderesse,battue par son mari viendra obtenir réparation dufait d’une rupture qui est plus une bénédiction

qu’elle n’entraîne de conséquences d’une excep-tionnelle gravité.

De toute évidence, l’article 259-5, très contrairedans sa rédaction à la façon dont il est présentédans le rapport Colcombet, ne devrait avoircomme vocation que de compenser le préjudicemoral subi par l’époux qui ne voulait pasdivorcer. Et bien malin qui dira ici les contoursdes circonstances d’une exceptionnelle gravité.

e) La proposition Colcombet va inévitablemententraîner un recul du divorce amiable.

Pour toutes les raisons qui précèdent, lastructure du divorce pour rupture irrémédiabledu lien conjugal, parce qu’elle n’est pas arti-culée autour de la recherche d’un accord, maisqu’elle consacre la volonté du plus fort, estprofondément guerrière.

Aucune des personnes qui antérieurement àla loi Colcombet n’étaient prêtes à accepter dèsle début de la procédure un accord total ne vontle devenir aujourd’hui… Et il sera plus simple àl’époux qui souhaite le divorce d’engager laprocédure sur le terrain de la “rupture irrémé-diable du lien conjugal” plutôt que de recher-cher un accord complet, équilibré sur celui duconsentement mutuel.

Vous avez dit “pacification” ?Il est donc urgent de débattre vraiment :

les rapports Théry, Dekeuwer Defossez nousen donnent les bases et les moyens ; au gouver-nement et aux parlementaires de remettre surle métier leur ouvrage ! ■

“La structuredu divorce pour rupture

irrémédiable du lienconjugal, parce qu’elle

n’est pas articuléeautour de la recherched’un accord, mais qu’elle

consacre la volontédu plus fort,

est profondémentguerrière”

Page 23: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

Bulletin d’adhésion auSyndicat des Avocats de France

Nom, Prénom : ................................................................................

Adresse : ...............................................................................................

.......................................................................................................................

Tél. : .........................................................................................................

Fax : ..........................................................................................................

Barreau : ...............................................................................................

N° Toque : ...........................................................................................

Spécialités obtenues : ................................................................

❏ J’adhère au SAF, ci-joint un chèque à l'ordre

du SAF d'un montant de : ...........................................€

❏ Je désire figurer dans l'annuaireSignature obligatoire :

À découper et à retourner au SAF, 21 bis, rue Victor Massé 75009 PARISTél. : 01 42 82 01 26 - Fax : 01 45 26 01 55E-mail : [email protected]

CotisationsÉlève-Avocat : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . de 8 à 15 €

1ère et 2ème année d'inscription : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 €

3ème année d'inscription : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 €

4ème année et jusqu'à 13 720 € de bénéfice annuel : . . . . . . . . . . . 122 €

de 13 720 € à 22 867 € : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 €

de 22 867 € à 30 489 € : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 267 €

de 30 489 € à 38 112 € : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335 €

de 38 112 € à 45 734 € : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 457 €

de 45 734 € de bénéfice annuel et au-delà : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 534 €

SAF

Page 24: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

24

D R O I T D E S É T R A N G E R S

DROIT D’ASILE

Les demandeurs d’asileseraient-ils des sous-hommes ?

Par Pascale TAELMAN, SAF Créteil

LE JUGE JUDICIAIRE GARANT DES LIBERTÉS INDIVIDUELLES

Faut-il rappeler que le juge judiciaire intervenantobligatoirement, au terme de notre législation,au bout de quatre jours de rétention dans la zoned’attente, est avant tout un garant des libertésindividuelles. À ce titre et contrairement à cequ’affirme M. Lafon il ne lui appartient certai-nement pas de se “borner à vérifier si lesconditions hôtelières de l’hébergement sontrespectées”, alors surtout que dans nombre decas elles ne le sont pas (ainsi que s’en est faitmaintes fois l’échos la presse, suite à desdécisions judiciaires constatant les conditionslamentables de rétention des demandeurs d’asileà la frontière et en particulier à ROISSY). Ilappartient en outre au juge judiciaire de s’assurerque la procédure a bien été respectée dans toutesses composantes et garanties. il est pour le moinschoquant de lire sous la plume du Président duConseil d’Administration de l’organisme de“protection des réfugiés”, que les garantiesprocédurales, pourtant encore insuffisantes,seraient une voie ouverte à l’immigrationclandestine. Rappelons que la France a déjà étécondamnée par la Cour Européenne des Droitsde l’Homme, en raison même de l’absence derègles de procédure et de contrôle dans les zonesd’attente, avant la loi du 6 juillet 1992 (arrêtAMUUR C/ France 25 JUIN 1996).

LA COMMISSION DE RECOURS DES RÉFUGIÉS EST UNE JURIDICTION

À PART ENTIÈREIl est encore particulièrement choquant etcontraire à la réalité de lire que la Commissiondes Recours des Réfugiés, juridiction d’appel desdécisions de l’OPFRA, se soit “montrée de plusen plus exigeante pour accepter les motifs derejet présentés par le Directeur de L’OFPRA,réclamant notamment la production d’élémentssuffisamment probants et personnels. Dans ledoute la Commission a pour pratique de donnerraison aux demandeurs d’asile , même dans lescas de soupçons de crimes de droit commun,d’actes de terrorisme ou de génocide”.

Exiger d’un organisme de “protection” desréfugiés, qui prend la plupart de ses décisions derejet sans même avoir entendu les requérants,qu'il respecte un tant soit peu le principe ducontradictoire est sans doute aux yeux deM. LAFON une exigence excessive. Que cesdécisions de rejet prises à la chaîne, puissentfaire l’objet d’un recours suspensif permettantaux requérants de se présenter devant leursjuges pour y faire valoir leurs drames et leurspoints de vue par rapport à leur besoin deprotection au regard d’une convention ratifiéepar la France , est sans doute tout à faitscandaleux au yeux du Directeur du Conseild’Administration de l’Office Français de

Protection des Réfugiés et Apatrides. C’estcependant la simple application d’uneConvention signée voici 50 ans.

Mais bien évidemment si cette juridictiond’appel se permet de réformer des décisionsprises dans l’arbitraire le plus absolu, il s’agitsans aucun doute d’un laxisme inadmissible“les statuts ayant été souvent obtenus à lafaveur de déclarations frauduleuses”. Mais ne serait-il pas plus simple de renier laConvention de Genève et de fermer nosfrontières avec de hauts barbelés, pour ce quiest de la circulation des hommes, tout enlaissant bien évidemment la porte ouverte pourles biens et capitaux ?

■ ■ ■

Ce texte intervient alors que la Commissiondes Recours semble être sur le point d’obtenir dene plus être sous la tutelle budgétaire del’OFPRA et de se voir rattachée au Ministère dela Justice. Ces déclarations sont énoncées lors dela passation des pouvoirs entre MonsieurCOMBARNOUS, Président qui a su marquerclairement la vie de la Commission des Recourspar sa rigueur et son indépendance, et MonsieurMASSAU qui saura travailler dans la droite lignede son prédécesseur.

Le SAF ne peut que s’indigner des affirma-tions contenues dans ces articles. ■

Le SAF est particulièrement choqué de lire dans la presse (l’EXPRESS du 10 janvier 2002 et le Monde du 15 janvier 2002) les propos scandaleux et mensongers tenus par Monsieur Lafon,Directeur des étrangers en France et Président du Conseild’Administration de l’OFPRA. À en croire M. Lafon, la croissance des demandes d’asiles en France neserait pas due à une situation de plus en plus critique dans le monde,mais à une fraude systématique et organisée avec la complicité desmagistrats, qui ne se contentent pas d’entériner l’avis du Ministère del’Intérieur, celle de la Commission des Recours des Réfugiés, qui sepermet de réformer des décisions de rejet de l’OFPRA prises pourtantle plus souvent sans le moindre entretien avec les demandeurs d’asile, etenfin en raison de ce que notre procédure serait trop protectrice et nepermettrait pas l’utilisation de moyens de contraintes physiques pouréloigner les indésirables.

Page 25: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

25

A u cours de cette mission, nous nous sommesrendus à Medellin, Barranquilla, Cartagène,

Bogota, Cali où nous avons rencontré des confrèresexerçant seuls ou dans le cadre d’ONG, desassociations de magistrats, d’avocats, des syndi-calistes, des organisations populaires, des prochesde confrères assassinés et des représentants desautorités nationales et régionales, notamment lesautorités judiciaires.

Si d’une manière générale, les colombiensvivent une situation de grave insécurité du faitde la guerre qui frappe le pays depuis plusieursdizaines d’années et dans laquelle interviennentde nombreux acteurs armés1 (trois importantsmouvements de guerrilla outre des groupuscules,des milices urbaines, les groupes para militaires,les forces armées, des réseaux de sicaires etd’escadrons de la mort, les narco trafiquants etla délinquance de droit de commun elle-mêmeliée à une grande misère…), les confrères consti-tuent une population particulièrement exposéedu fait même de leur activité professionnelle.

Qu’il s’agisse d’avocats des victimes de cesgroupes armés (appelés “avocats des Droits del’Homme”), de défenseurs de prisonniers poli-tiques, de guerrilleros, de para militaires, ou dedélinquants de droit commun, tous se retrouventmenacés de mort par le groupe opposé, voire parleurs propres clients mécontents du résultat.

L’assimilation systématique de l’avocat à lacause de son client place les confrères dans dessituations extrêmement périlleuses, alors que lerecours à l’assassinat politique et l’embauche detueurs à gages sont banals (le coût d’unassassinat étant, par exemple à Cali, de 50 000pesos, soit 300 €).

Bien sûr, les confrères les plus exposés sontceux qui défendent des prisonniers politiques,des syndicalistes, des membres de la guerrilla oudes victimes de la stratégie paramilitaire,

La situation des avocats colombiens

Des avocats faceà l’isolement

et à la violence politique

I N T E R N A T I O N A L

Pascale Taelman, membre du SAF, avocate à Créteil, a séjourné en Colombie du 10 au 24 août 2001,en compagnie de Jean-Éric Malabre, avocat à Limoges, dans le cadre du programme de “défense de la défense”

qu’Avocats sans Frontières France a mis en place dans ce pays. Huit équipes, de deux à trois avocats,vont se succéder chaque année pour des missions de quinze jours chacune, soit une présence sur place

de quatre mois à l’année, pendant au moins trois ans. De juillet à décembre 2001, quatre équipes se sont renduesen Colombie et les deux premières de 2002 sont déjà prévues pour février et avril.

Ils peuvent, lorsqu’ils sont membres d’uneONG (cette possibilité n’est pas offerte aux avocatsexerçant à titre individuel), solliciter la protectiondu Ministère de l’Intérieur dont le “Comité d’éva-luation des risques” évalue le degré de danger,analyse les conditions de vie tant privée queprofessionnelle et ensuite propose une protectionplus ou moins renforcée, allant de la fourniturede gilets pare balles, de blindage, de téléphonepar satellite, de circuits de télésurveillance, decours d’autodéfense jusqu’à la propositiond’escortes armées… �

car ils sont aussitôt inscrits sur la liste des“objectifs militaires” des para militaires ou desréseaux de sicaires recrutés par les secteurs ausein des forces armées qui promeuvent cettestratégie et dont la responsabilité est mise enévidence par le travail de ces avocats2. Ils sontnombreux à ne sortir que vêtus de gilets pare-balles, dans des voitures blindées, travaillantdans des cabinets aux portes blindées, vivantdans des maisons aux portes et fenêtres blindées,et parfois accompagnés de membres des Brigadesde Paix3 dans tous leurs déplacements.

Bogota, capitale de la Colombie et cité de la peur.

Page 26: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

26

� Cependant, un grand nombre de nos confrèresrefusent cette protection car, d’une part, ellecompromet toute confidentialité professionnelleou privée, d’autre part et surtout, le degré decompromission de la force publique dont lesservices sont chargés de cette vigilante “protec-tion” avec le para militarisme est tel que cesmécanismes peuvent être un facteur de dangersupplémentaire.

VERS LA SOLIDARITÉPROFESSIONNELLE

C’est pour tenter de remédier à cette situationqu’ASF France, à travers ses contacts avec des confrères colombiens,

a élaboré un programme de “défense de la défense” dans ce pays(et, de façon moins systématique, au Pérou).

Ce programme a pour objectif de :� recenser dans tout le pays les confrères faisant l’objet de menaces en raison même de leursactivités professionnelles et mettre en place avec eux un accompagnement par le suivi commun dedossiers sensibles ou de certaines audiences, des interventions auprès des autorités, des séjoursdans leurs cabinets ou toute autre mesure susceptible d’être efficace, selon la nature de leuractivité et le risque encouru.

C’est en effet le paradoxe de ce pays que d’attacher le plus grand prix aux réactions de lasociété internationale, ce qui confère une relative efficacité (et sécurité…) aux intervenantsinternationaux.� recenser les confrères assassinés, séquestrés ou disparus en raison de leurs activitésprofessionnelles ; prendre contact avec les familles (dans la mesure du possible) et intervenirdans les procédures judiciaires et auprès des autorités pour tenter d’éviter l’impunité et, à tout lemoins, récupérer la mémoire de ces événements, probablement à travers une publication.

Ce n’est pas la moindre difficulté pour nous que d’évaluer le risque couru par les familles et lestémoins après notre départ du fait même de notre intervention et de l’incitation à déposer enjustice.� ouvrir des espaces de dialogue pour permettre aux confrères colombiens de se connaître, departager leurs expériences et d’envisager la création d’institutions professionnelles (il n’existepas actuellement d’ordres professionnels) à l’égard desquelles persistent des résistances, demanière à être moins isolés et pouvoir opposer un contre pouvoir institutionnel aux persécutionsdont ils sont l’objet.

Ce programme se réalisera, dès le mois d’avril 2002, dans le cadre d’un séminaire organisé àBogota, auquel participeront les avocats colombiens avec lesquels nous avons eu des contactsmais encore des confrères venus d’Europe ou de la région andine afin de partager les expériencesde fonctionnement des institutions ordinales, dans les pays où elles existent et du rôle qu’ellespeuvent remplir en situation de conflit.

Dans le contexte de guerre civile que traverse le pays, nul ne peut prétendre détenir dessolutions qui garantissent la sécurité de tel ou tel secteur de la société. Par ailleurs, nous avonspris plus de leçons de courage, de compétence auprès de nos confrères que nous n’avonsprétendu en donner.

Néanmoins notre présence apporte un soutien apprécié, et cela justifie la poursuite de cesmissions à l’occasion desquelles nous espérons être les “facilitations” d’un dialogue difficile, destémoins dérangeants et, par là-même des obstacles à de nouvelles agressions. ■

“Les confrères sontassassinés d’une balle

dans la tête, le plussouvent au détour d’une

rue,ou bien dans leurcabinet par un “client”qui a pris rendez-vous

sous un prétextequelconque”

La plupart des confrères rencontrésdéplorent le fait que les avocats ne soient pasorganisés en Ordres, qui leur permettraient debénéficier d’un soutien institutionnel et d’unoutil de promotion de la légitimité de la défenseet du concept de “droit à la défense pour tous”qui permettrait une stigmatisation moins fortede chaque défenseur. Un projet de loi créant unordre d’avocats obligatoire a été voté par leCongrès en 1992, mais jamais ratifié par lePrésident de la République, sous des prétextestotalement fantaisistes, tel que le fait que celaserait contraire au principe de la libertéd’association.

DES AVOCATS ASSASSINÉS, ENLEVÉSET DES AUTORITÉS PASSIVES

OU COMPLAISANTESNous avons également rencontré des familles deconfrères assassinés, disparus ou séquestrés etles membres du parquet chargés de certains deces dossiers.

Le tableau est terrible. Dans les villes, lesconfrères sont assassinés d’une balle dans latête, le plus souvent au détour d’une rue, oubien dans leur cabinet par un “client” qui a prisrendez-vous sous un prétexte quelconque ;d’autres sont enlevés et disparaissent, ce qui faitprésumer la torture et génère une horribleincertitude dans l’esprit de leurs proches et laterreur dans celui de leurs collègues.

Dans les zones rurales, la situation est plusterrible encore car les modes d’exécution sontparticulièrement barbares (à l’arme blanche, à latronçonneuse…).

Ces crimes restent généralement impunis, carmême si tout le monde sait le plus souvent quiles a commis et pour le compte de qui, ni lestémoins, ni parfois même les proches n’osentdéposer de crainte de subir le même sort.

Les autorités judiciaires peuvent ainsi direrejeter sur les témoins, voire sur les prochesdes victimes, la responsabilité de l’impunité.Souvent aussi, les juges et les procureurssont paralysés par la menace de représaillespossibles. Et il est vrai que les magistratsfournissent également un lourd tribut à laviolence politique.

Ainsi, tous les magistrats du parquet qui,successivement, ont tenté de faire avancerl’enquête sur l’assassinat de Jesus Maria Valle,avocat assassiné en 1998 à Medellin, ont-ils dûquitter leurs fonctions ou parfois même le payspour ne pas connaître le même sort.

� Alma Rosa Jaramillo : Avocate à Morales, elle continuait à exercer“normalement” son activité dans une zone ruraledésormais totalement sous contrôle paramilitaire.Le 29 juin 2001, elle a été enlevée par plusieurshommes armés. Deux jours plus tard, desmembres de sa famille, accompagnés par deshabitants du village partaient à sa recherche etdécouvraient au bord de la rivière des resteslaissant présumer une exécution atroce.

À ce jour, aucune mesure d’enquête n’asérieusement été entreprise.

Encore, l’estime dont elle jouissait parmi euxa-t-elle conduit les villageois à se risquer àrechercher ses restes, alors qu’ils avaientcoutume, terrorisés, de rester passifs face auxnombreux assassinats commis, vraisembla-blement par les paramilitaires, depuis plusieursmois dans le village.

Page 27: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

� Fernando Cruz :Il a été enlevé, en plein jour, au mois dedécembre 2000, à Cali, où il était avocat, àquelques mètres d’un commissariat de police,par des hommes habillés en policiers, sousprétexte de vérifier sa carte professionnelle qu’ilsprétendaient fausse. Il n’a jamais reparu. Celafait des mois que sa famille remue ciel et terrevainement et l’enquête piétine.

� Alirio de Jesus Pedraza :Disparu en 1990 à Bogota, il n’a jamais réapparuaprès son interpellation réalisée, selon lestémoins, par des membres de la police judiciaire.Les deux enquêteurs du parquet et le policier quiavaient été inculpés et détenus ont bénéficié en2000 d’un non-lieu et la procédure demeureparalysée.

� Eduardo Umana Mendoza :Au mois de juillet, le tribunal de 1ère instance deBogota a acquitté cinq personnes prévenues deson assassinat. Prestigieux avocat pénaliste, il futassassiné dans son cabinet en 1998. Le parquet,qui était pourtant à l’origine des poursuites, n’apas osé faire appel de cette décision. Il est vraique, de notoriété publique, les personnesprévenues étaient en réalité victimes d’unmontage destiné à “couvrir” l’inefficacité del’enquête ; la responsabilité de cet assassinatrelève des plus hautes institutions judiciaire etmilitaire.

� Javier Barriga Vergel :Personne n’a jamais été poursuivi à la suite deson assassinat en 1995 : il a pourtant été abattuen pleine rue par des tueurs à moto. Un groupeparamilitaire avait cependant annoncé par tract

1. Dans ce pays de 42 millions d’habitants, prèsde 30 000 personnes meurent chaque année demort violente dont environ 4 000 pour des motifspolitiques, (soit plus d’assassinats politiques en uneseule année qu’au Chili pendant toute la dictature).On recense près de 400 massacres (assassinatssimultanés de plus de 4 personnes) par an. Plus dedeux millions de personnes sont déplacées par laviolence politique.

2. L’implication des forces armées dans cette stratégieest telle que le dernier rapport de Human Rigths Watchporte le titre “la sixième division”, désignant ainsi lesgroupes paramilitaires entraînés, couverts par l’arméedont elle constitue une “division” occulte chargée deréaliser les opérations les plus inavouables.

3. Les Brigades Internationales de Paix sont une ONGqui recrutent des personnes destinées à accompagnerles défenseurs des droits de l’homme menacés dansles zones de conflit les plus sensibles de la planète.

quelques semaines auparavant que les avocatsqui défendaient des guerilleros étaient consi-dérés comme des objectifs militaires. Lesautorités sont demeurées aussi passives face àces menaces qu’après leur réalisation.

� Maritza Palacios :Elle fut exécutée à son cabinet à Buga en Janvier2000 par un inconnu qui sollicitait uneconsultation. Or, elle était le conseil de commu-nautés déplacées par la violence. Cet assassinatreste également impuni.

■ ■ ■

Hélas, il faudrait citer tant d’autres noms… etencore demeurerait-on incomplet, car la simplecollecte de ces informations sommaires est unegageure tant ces assassinats sont banalisés, lesconfrères dispersés, sans qu’aucune organisationne collecte ne serait-ce que l’identité de ceux quisont assassinés ou disparaissent. ■

Massacres multipliés et juntes militairessans scrupules : un environnement

très difficile pour tous les Colombiens,et particulièrement risqué pour

les professionnels de justice.

Page 28: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

28

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

É V É N E M E N T

Le 9, 10 et 11 Novembre 2001, à l’atria de Nîmes, s’est tenu le

XXVIIIe Congrès du Syndicat des Avocats de France

Page 29: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre
Page 30: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

L A L E T T R E D U S Y N D I C AT D E S AV O C AT S D E F R A N C E - M A R S 2 0 0 2

30

SAF

M A N I F E S T A T I O N S 2 0 0 2

Samedi 9 mars 2002Colloque Droit des Etrangers

Instruments internationaux dans la défense des étrangers (hors CEDH)Faculté de droit - LILLE

Samedi 18, Dimanche 19 mai 2002Colloque de Défense pénale

Liberté et répression quotidienneMaison de l’Avocat - MARSEILLE

Samedi 21 septembre 2002Journée de formation pénale

Liberté et fichiers informatiquesMaison du Barreau - PARIS

Samedi 5 octobre 2002Journée de formation Droit des Etrangers

La nationalitéMaison de l’Avocat - GRENOBLE

Samedi 9, Dimanche 10, Lundi 11 novembre 2002XXIXe Congrès du SAF

BORDEAUX

Samedi 7 décembre 2002Colloque de Droit Social

Université Paris Dauphine - PARIS

Renseignements et inscriptions : SAF COMMUNICATION - 21 bis, rue Victor Massé - 75009 Paris

Tél. : 01 42 82 01 26 - Fax : 01 45 26 01 55 - E-mail : [email protected]

Page 31: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

Au Carrousel du LouvreParis, Les 3, 4 et 5 avril 2002

Pour éviter toute file d'attente à l'entrée du salon,retournez le bulletin d’inscription à : LEXposia SA • Service logistique • 14/30 rue Alexandre • 92230 Gennevilliers • Tél. : 01 47 90 71 20 • Fax : 01 47 90 71 21 • Email : [email protected]

❍ Je m'inscris à l’exposition ( inscription gratuite avant le 15 mars 2002 - V i l l a g e d e s e x p o s a n t s - )

❍ Je m’inscris aux conférences (accès possible dans la limite des places disponibles) en réglant par chèque à l'ordre de LEXposia SA ( avant le 15 Mars 2002 ) : PASS CONFÉRENCES POUR 3 JOURS❒ 150 € TTC (125,41 € HT) pour les professionnels du Droit.❒ 15 € TTC pour les étudiants en 3e cycle ( copie de la carte d’étudiant) et les stagiaires - professionnels du droit.PASS CONFÉRENCES POUR 1 JOURS❒ 100 € TTC (83,62 € HT) pour les professionnels du Droit.❒ 10 € TTC pour les étudiants en 3e cycle ( copie de la carte d’étudiant) et les stagiaires - professionnels du droit.

Valeur de l 'euro : 6 ,55957 FF

❍ Je souhaite recevoir un coupon de réduction SNCF

Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Raison sociale : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Activité : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Adresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Code Postal : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Pays : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tél. : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . E-mail : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les informations seront utilisées par les organisateurs du salon conformément à la loi informatique et liberté du 6/01/1978.Un droit d’accès et de rectification peut être exercé librement auprès des organisateurs.

PLUS RAPIDEAGRAFEZ VOTRECARTE DE VISITE

www.lexposia.com

ExpositionsConférencesDébats

ExpositionsConférencesDébats

MAGISTRATS,

AVOCATS, NOTAIRES,

HUISSIERS, AVOUÉS,

JURISTES D’ENTREPRISE

ET DE BANQUE,

EXPERTS COMPTABLES,

COMMISSAIRES AUX COMPTES...

3 èmeédition

Avec l’aimable partenariat de :

PARIS

L e s a l o n e u r o p é e n

du droit & du chi f f re

LEX

TH

ÉM

A 0

1 47

90

71 2

0

Page 32: du Syndicat des Avocats de Francelesaf.org/wp-content/uploads/2016/05/la-lettre-mars-2002.pdf · 2016. 5. 20. · LA LETTRE DU SYNDICAT DESAVOCATS DEFRANCE - MARS 2002 3 SAF La Lettre

PolyGestion-Avocat EVOLUTION 2 est lelogiciel de gestion intégrée pour votre cabinetqui vous permet d’assurer lagestion automatisée des dossiers,la facturation personnalisée, votre agenda etcelui du cabinet, le suivi financier et larédaction simplifiée de vos actes.Vous bénéficiez également d’uneformation, d’une assistance et d’unemise à jour régulière des données.

Le nouveau produit, entièrement refondu,propose une amélioration de toutes lesfonctions de base mais également denombreuses nouveautés et exclusivités :• Accès aux agendas électronique• Interface OUTLOOK• Système expert de rédaction d’actes• Interface complète avec PolyActe• Personnalisation de vos dossiers :

configuration juridique et/ou judiciaire• Personnalisation des états

statistiques propres à votre cabinet

❑ Oui, je souhaite bénéficier, dans meslocaux sans aucun engagement de ma part,d’une démonstration personnalisée dePolyGestion-Avocat E V O L U T I O N 2

Je bénéficierai des conditions spécialesréservées aux adhérents SAF.

❑ Je souhaite recevoir une documentationcomplète

Merci de préciser :

- le nombre d’avocats de votre cabinet _____

- le nombre de postes informatiques _______

- détenez-vous un logiciel de gestionde cabinet ?

❑ Non ❑ Oui, Lequel ? _________________

_____________________________________Conformément à la législation en vigueur, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant.

A retourner à Légisoft - 141, rue de Javel - 75747 Paris cedex 15Tél : 01 45 58 94 80 - Fax : 01 71 72 47 50 - E-mail : [email protected]

D E M A N D E D ’ I N F O R M A T I O N

❑ MME ❑ MLLE ❑ M.

NOM / PRÉNOM

SOCIÉTÉ/ORGANISME

FONCTION

ADRESSE

CODE POSTAL VILLE

TÉL. FAX.

E-MAIL

✁2B76

PolyGestion AvocatE V O L U T I O N 22

340

184

365

RCS

Paris

- Lo

gici

el fo

nctio

nnan

t sou

s w

indo

ws.

Nouvelle version

CONDITIONS SPÉCIALES

Adhérents SAF