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DUALITÉ 1. Formes linéaires et hyperplans. 2. Crochet de dualité, bases duales. 3. Orthogonalité. 4. Transposition. 5. Orthogonalité et transposition. à la mémoire de Daniel Guérin Pierre-Jean Hormière ____________ « Le dual reste loin, solitaire et plaintif, Cherchant l'isomorphie et la trouvant rebelle. » André Weil Introduction . 1. Dualité en algèbre linéaire . La théorie de la dualité a mauvaise presse auprès des élèves : elle semble très abstraite, et aussi mystérieuse que les Barricades de François Couperin. Essayons d’y voir clair. Soit E un espace vectoriel de dimension n. Pour définir un sous-espace L de dimension p de E, il y a deux méthodes : la première consiste à se donner une base (a 1 , ..., a p ) de L. Alors : x L 5(λ 1 , ..., λ p ) K p x = λ 1 .a 1 + ... + λ p .a p . Les coordonnées λ i de x sont les paramètres définissant le sous-espace, ou les degrés de liberté de x. Si on rapporte les vecteurs à une base B = (e 1 , ..., e n ) de E, on obtient en effet les équations paramétriques de L. Si l’on se donne, non plus une base de L, mais une famille génératrice (a 1 , ..., a p ), alors on obtient encore une description paramétrée de L, mais la dimension de L est le rang r de la famille : le «nombre de degrés de liberté» définissant L n’est plus p, mais r, car les a i sont déjà liés entre eux. la seconde approche consiste à définir L par ses équations cartésiennes dans la base B : f 1 (x) α 11 .x 1 + ... + α 1n .x n = 0 . . . . . . . . . . . . . f q (x) α q1 .x 1 + ... + α qn .x n = 0 x L f 1 (x) = ... = f q (x) = 0 . L est défini par q équations, ou contraintes linéaires. Si ces contraintes linéaires sont indépendantes, nous montrerons que L est de dimension n - q. Sinon, L est de dimension n - s, où s est le nombre maximum de contraintes indépendantes, c’est-à-dire le rang des formes f j . La relation fondamentale reliant ces deux approches est donc celle-ci : nombre de degrés de liberté + nombre de contraintes linéaires = dimension de E , que nous traduirons de manière plus abstraite ainsi : dim L + dim L° = dim E . Ainsi, dans un espace à 3 dimensions, on peut définir un plan, soit par deux vecteurs libres, soit au moyen d’une équation du plan, et une droite, soit au moyen d’un vecteur directeur, soit comme intersection de deux plans. Ces deux approches sont dites duales l’une de l’autre. La théorie de la dualité approfondit cette idée, et montre que toute notion, tout problème d’algèbre linéaire en dimension finie a un "dual".

Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

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Page 1: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

DUALITÉ 1. Formes linéaires et hyperplans.

2. Crochet de dualité, bases duales.

3. Orthogonalité.

4. Transposition.

5. Orthogonalité et transposition.

à la mémoire de Daniel Guérin

Pierre-Jean Hormière

____________ « Le dual reste loin, solitaire et plaintif, Cherchant l'isomorphie et la trouvant rebelle. »

André Weil

Introduction .

1. Dualité en algèbre linéaire.

La théorie de la dualité a mauvaise presse auprès des élèves : elle semble très abstraite, et aussi mystérieuse que les Barricades de François Couperin. Essayons d’y voir clair. Soit E un espace vectoriel de dimension n. Pour définir un sous-espace L de dimension p de E, il y a deux méthodes :

la première consiste à se donner une base (a1, ..., ap) de L. Alors : x ∈ L ⇔ ∃(λ1, ..., λp) ∈ Kp x = λ1.a1 + ... + λp.ap . Les coordonnées λi de x sont les paramètres définissant le sous-espace, ou les degrés de liberté de x. Si on rapporte les vecteurs à une base BBBB = (e1, ..., en) de E, on obtient en effet les équations paramétriques de L. Si l’on se donne, non plus une base de L, mais une famille génératrice (a1, ..., ap), alors on obtient encore une description paramétrée de L, mais la dimension de L est le rang r de la famille : le «nombre de degrés de liberté» définissant L n’est plus p, mais r, car les ai sont déjà liés entre eux.

la seconde approche consiste à définir L par ses équations cartésiennes dans la base BBBB : f1(x) ≡ α11.x1 + ... + α1n.xn = 0 . . . . . . . . . . . . . fq(x) ≡ αq1.x1 + ... + αqn.xn = 0

x ∈ L ⇔ f1(x) = ... = fq(x) = 0 . L est défini par q équations, ou contraintes linéaires. Si ces contraintes linéaires sont indépendantes, nous montrerons que L est de dimension n − q. Sinon, L est de dimension n − s, où s est le nombre maximum de contraintes indépendantes, c’est-à-dire le rang des formes fj.

La relation fondamentale reliant ces deux approches est donc celle-ci : nombre de degrés de liberté + nombre de contraintes linéaires = dimension de E , que nous traduirons de manière plus abstraite ainsi : dim L + dim L° = dim E . Ainsi, dans un espace à 3 dimensions, on peut définir un plan, soit par deux vecteurs libres, soit au moyen d’une équation du plan, et une droite, soit au moyen d’un vecteur directeur, soit comme intersection de deux plans. Ces deux approches sont dites duales l’une de l’autre. La théorie de la dualité approfondit cette idée, et montre que toute notion, tout problème d’algèbre linéaire en dimension finie a un "dual".

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2. Théories de la dualité.

Cependant, il faut savoir que la notion de dualité se rencontre, bien loin de l’algèbre linéaire, dans de nombreuses autres branches des mathématiques. Qu’ont en commun ces différentes théories de la dualité ? Elles mettent en involution une certaine classe de problèmes et une autre. Soit à résoudre un problème : si le problème "dual" est plus facile à résoudre, on résoudra celui-ci, et l’on reviendra au problème initial par la transformation inverse, méthode à la fois puissante et élégante.

Les premières théories de la dualité sont apparues en géométrie : transformation par polaires réciproques étudiée par Poncelet, et transformation par inversion découverte par Steiner en 1824. Le Traité des propriétés projectives des figures (1822) de Jean-Victor Poncelet (1788-1867), et le Développement systématique de la dépendance des formes géométriques l’une de l’autre (1832) de Jacob Steiner (1796-1863) contiennent une discussion approfondie du principe de dualité, principe de géométrie affirmant que, si l’une de deux théories duales est vraie, l’autre aussi. Ainsi, la transformation par polaires réciproques permet d’associer à un point une droite, à une droite un point, à des points alignés des droites concourantes, et à la droite passant par deux points le point d’intersection des droites correspondantes. L’axiome « par deux points distincts passe une droite » a pour dual l’axiome « deux droites distinctes se coupent en un point unique » (en géométrie projective), et tout théorème de géométrie projective a un dual, qui s’obtient par simple échange de mots. Ainsi, le théorème de Pappus : « Soient D1 et D2 deux droites, A1, B1 et C1 trois points situés sur D1, A2, B2 et C2 trois points situés sur D2 . Les points M1 = (B1C2) ∩ (C1B2) , M2 = (A1C2) ∩ (C1B2) et M3 = (A1B2) ∩ (A2B1) sont alignés » a pour dual l’énoncé suivant : « Soient d1 et d2 deux points, a1, b1 et c1 trois droites coucourantes en d1, a2, b2 et c2 trois droites concourantes en d2 . Si A = a1 ∩ b2 , B = b1 ∩ a2 , C = a1 ∩ c2 , D = c1 ∩ a2 , E = b1 ∩ c2 , F = b1 ∩ c2 , les droites (AB), (BC) et (CA) sont concourantes ». De même, le théorème de Menelaüs a pour dual celui de Ceva, le théorème de Pascal (1640) celui de Brianchon (1806), etc. L’inversion permet elle aussi de résoudre des problèmes : pour chercher les cercles tangents à 3 cercles donnés et tangents entre eux, il est habile de transformer le problème par une inversion convenable : le problème revient alors à chercher un cercle tangent à deux droites, et à un cercle qui leur est tangent. Ce problème une fois résolu, on revient au problème initial.

Ce n’est que plus tard que furent élaborées des théories de la dualité en algèbre. La théorie de Galois est la plus célèbre, puisqu’elle met en involution les sous-corps d’un corps de nombres et les sous-groupes de son groupe de Galois : les propriétés du sous-corps se lisent sur celles du groupe associé. De même, les groupes finis commutatifs ont leurs duaux, qui sont leurs groupes de caractères : ceux-ci permettent d’élucider la structure des groupes finis commutatifs.

En algèbre linéaire de dim infinie, la théorie de la dualité s’étend mal, mais si l’on associe à tout espace vectoriel normé E son dual topologique, c’est-à-dire l’espace des formes linéaires continues sur E, alors on obtient une théorie riche et profonde. La théorie de la mesure et de l’intégration en est un cas particulier, car une mesure ou "intégrale", est une forme linéaire continue sur l’espace C([a, b], R) des fonctions continues sur [a, b]. L’analyse harmonique généralise aux groupes localement compacts commutatifs et à leurs duaux, les propriétés des groupes abéliens finis (théorie de Pontriaguine).

En géométrie différentielle, on rencontre encore des idées de dualité : une courbe de R2 peut être définie, soit par des équations paramétriques, soit par une équation cartésienne, soit par une équation tangentielle, une courbe de R3 peut être définie, soit par des équations paramétriques utilisant un paramètre, soit comme intersection de deux surfaces ; de même, une surface peut être définie, soit comme nappe paramétrée au moyen de 2 paramètres, soit au moyen d’une équation implicite. Ici encore se rencontre la formule :

nombre de degrés de liberté + nombre de contraintes = dimension de E .

Par ailleurs, la théorie des groupes et algèbres de Lie permet de traduire les propriétés d'un groupe de Lie sur son algèbre de Lie, et inversement : en cela elle rappelle la théorie de Galois.

Enfin, la formule de Stokes établit une dualité entre bords et cobords : la formule ∫K dω = ∫∂K ω ressemble fort à une transposition.

La dualité se rencontre également dans la théorie de la convexité (polyèdres et cônes polaires) et en programmations linéaire et convexe. Ainsi, le cube et l’octaèdre sont duaux l’un de l’autre, ainsi que l’icosaèdre et le dodécaèdre ; les cônes polyédraux coïncident avec les cônes à génération finie, qui sont en même temps leurs polaires, et tout programme linéaire a un programme dual.

Dans le langage des catégories, on définirait sans doute une (bonne) théorie de la dualité comme la donnée d’un isomorphisme fonctoriel contravariant entre deux catégories (éventuellement confondues), ou d’une correspondance de Galois générale. Mais cette définition est trop abstraite : mieux vaut concevoir la dualité comme une méthode. Cette méthode consiste à mettre en dualité une classe d’objets mathématiques et la classe

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de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures, et vice versa.

En physique se rencontrent aussi de beaux exemples de dualités : la dualité onde-corpuscule en mécanique ondulatoire, la dualité matière-antimatière en mécanique quantique, dualité de Maldacena qui rapproche relativité générale et physique quantique. Et l’on pourrait trouver des dualités en chimie, biologie, économie1, psychanalyse2, théologie3, mythologie4, musique5, littérature6, histoire7, géographie8, voire même dans la vie9. Car si les mathématiques sont la science conceptuelle par excellence, il est bon de rappeler que les autres sciences sont aussi conceptuelles : aucune science n’est purement expérimentale.

En fin de chapitre, j’ai indiqué quelques problèmes mathématiques relevant de ces idées de dualité, pour montrer leur parenté philosophique.

1. Formes linéaires et hyperplans.

1.1. Formes linéaires, espace dual.

Définition 1 : Soit E un K -espace vectoriel. On appelle forme linéaire 10 sur E toute application linéaire f : E → K . L’ensemble LLLL(E, K ) des formes linéaires sur E est un sous-espace vectoriel de FFFF(E, K ), noté E* et appelé dual de E.

Exemples de formes linéaires :

Soit E = Kn. Pour tout (α1, ..., αn) ∈ Kn, l’application f : x = (x1, ..., xn) ∈ Kn → ∑=

n

iii x

1

.α est

une forme linéaire sur E. Si (e1, ..., en) est la base canonique de Kn, on a f(ei) = αi , et f est l’unique forme linéaire vérifiant cela. Matriciellement, si X est le vecteur-colonne des xi et L = (α1, ..., αn) le vecteur-ligne des αi, on a : f(x) = L.X. Une forme linéaire est donc représentée par une matrice-ligne.

1 Valeur d’usage et valeur d’échange d’une marchandise, etc. 2 Le sexe et la mort, Eros et Thanatos ; voir l’extraordinaire Madeleine de Guido Cagnacci… 3 « Deux amours ont donc bâti deux cités : celle de la terre par l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, celle du ciel par l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi. » (Saint Augustin, La Cité de Dieu, XIV, 28). Le bogomilisme et la religion cathare sont des hérésies dualistes. 4 Apollon et Dionysos, Odin et Thor, Caïn et Abel, Dieu et Satan… 5 Ainsi, le 4ème concerto pour piano de Beethoven est la version féminine de sa 5ème symphonie ; ils furent composés en même temps… Autodual, Robert Schumann l’était aussi, mi Florestan, mi Eusebius… « Personne ne se connaît, tant qu’il n’est que lui-même, et non pas en même temps lui et un autre », a écrit Novalis, préfigurant le « Je est un autre » de Rimbaud, et Baudelaire : « L’artiste n’est artiste qu’à la condition d’être double et de n’ignorer aucun phénomène de sa double nature ». « Qu’y puis-je ? En moi, il y a deux moitiés de moi. Je ne puis me résoudre à les dissocier », écrit Daniel Guérin au début de son autobiographie politique et charnelle, Le feu du sang. 6 Don Quichotte et Sancho Pança, David Séchard et Lucien Chardon dans les Illusions perdues de Balzac, Quasimodo et Esmeralda, Jean Valjean et Javert, Dr. Jekyll et M. Hyde, Le Chat Murr d’Hoffmann, le Doppelgänger (Double) de Heine… 7 L’histoire, du moins l’histoire bien comprise, est une science duale, les analyses historiques dépendent autant des événements étudiés que de la période d’étude, des partis-pris de l’historien, etc. La monumentale Histoire des croisades de René Grousset, qui date des années 1930, en est un bel exemple, et que dire des Histoires de la Révolution française ! 8 Paul Vidal de La Blache et Elisée Reclus. 9 Sans remonter à Caïn et Abel, citons Saint-Louis et Frédéric II de Hohenstaufen, Leonard de Vinci et Michel Ange, Descartes et Desargues, Hugo et Rimbaud, Hugo et Pasteur, Liszt et Alkan, Maxime du Camp et Flaubert, Proust et Gide, Malraux et Herbart, Jaurès et Bergson, Jaurès et Clemenceau, Jaurès et Lénine, Staline et Trotski, Simone et André Weil, Karajan et Bernstein, Gainsbourg et Gainsbar… J’eus moi-même un dual, du temps de ma jeunesse folle, en la personne d’un quidam, depuis couvert de décorations tel un maréchal de l’Union soviétique. 10 Une forme linéaire s’appelle parfois covecteur. La cathédrale de Sisteron a une cocathédrale, sise à Forcalquier.

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Soient E un K -ev de dimension n, BBBB = (e1, ..., en) une base de E ; l’application :

f : x =∑=

n

iii ex

1

→∑=

n

iii x

1

α est une forme linéaire sur E , et l’on obtient ainsi toutes les formes linéaires

sur E. Ici aussi, on peut écrire f(x) = L.X.

Soient E un K -ev, BBBB = (ei)i∈I une base de E, et (αi)i∈I une famille de scalaires indéxée par I.

L’application f : x = ∑∈Ii

ii ex → ∑∈Ii

ii xα est bien définie car les coordonnées xi de x sont toutes nulles

sauf un nombre fini d’entre elles, et sont uniques. f est de plus une forme linéaire sur E, telle que f(ei) = αi, et l’on obtient ainsi toutes les formes linéaires sur E.

Soit E = K [X] l’espace vectoriel des polynômes à une indéterminée sur K .

Chacune des applications ϕn : P = ∑≥0n

nnXa → an est une forme linéaire sur E.

Il en est de même de P → P(α), P → P'(α), P → P''(α), etc., et de P → ∫1

0).( dxxP (si K = R ou C) .

Exercice : 1) Reconnaître les formes linéaires P → !

1n

P(n)(0) et P → nrπ21 θ

πθθ dereP ini .)(

2

0∫− .

2) La forme P → P(1) = ∑≥0n

na est-elle combinaison linéaire des ϕn ?

3) Soit (αn)n∈N une suite quelconque de scalaires ; montrer que P → ∑≥0n

nnaα définit une forme

linéaire sur K [X], et qu’on obtient ainsi toutes les formes linéaires sur K [X].

Soit E = CCCC([a, b], R). Chaque forme d’évaluation εc : f → f(c), c ∈ [a, b], est une forme linéaire sur E. Il en est de même de :

Rn− : f →

nab− ∑

=−+

1

0

)).((n

k

abnkaf ( rectangles à gauche )

Rn+ : f →

nab− ∑

=−+

n

k

abnkaf

1

)).(( ( rectangles à droite )

Tn : f → nab

2− [ f(a) + 2 f(a +

n1 (b−a)) + ... + 2 f(a +

nn 1− (b−a)) + f(b) ] ( trapèzes ) .

A noter que Tn(f) = 21 [ Rn

+( f ) + Rn−( f ) ] .

f → ∫b

adxxf ).( est aussi une forme linéaire, limite des précédentes lorsque n → +∞.

Soit E l’espace RN des suites numériques. Chacune des applications u → un est une forme linéaire sur E. Sur le sous-espace F des suites convergentes, u → lim un est aussi une forme linéaire.

Soit E un espace vectoriel normé sur R ou C, on appelle E* le « dual algébrique », par opposition à son « dual topologique », qui est le sous-espace E' des formes linéaires continues. On peut montrer qu’une forme linéaire discontinue est discontinue en tout point de E, et n’est même bornée au voisinage d’aucun point.

Exercice 1 : Soient E et F deux espaces vectoriels. Montrer que (E × F)* et E*×F* sont isomorphes. 1.2. Crochet de dualité.

Définition 2 : Soit E un K -espace vectoriel. On appelle crochet de dualité l’application :

( f , x ) ∈ E* × E → < f , x > ≡ f(x) ∈ K .

C’est une forme bilinéaire sur E*×E canonique, en ce sens qu’elle est définie intrinsèquement, sans recourir à des bases. La notation < f , x > met l’accent sur la double dépendance de f(x) par rapport à f et x : f « mesure » x, mais inversement x « mesure » f.

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1.3. Hyperplans de E.

Définition 3 : On dit qu’un sous-espace vectoriel H de E est un hyperplan s’il existe une droite vectorielle D telle que E = H ⊕ D . Notons HHHH(E) l’ensemble des hyperplans de E.

Proposition : Soit H un hyperplan de E ; toute droite vectorielle est, soit incluse dans H, soit supplémentaire de H. Tout sous-espace contenant H est, soit H, soit E.

Preuve : Ecrivons E = H ⊕ D , où D = K .x , x ≠ 0. Soit D’ = K .x’, x’ ≠ 0. Si x’∈ H, D’ ⊂ H et c’est fini. Si x’ ∉ H, H ∩ D’ = 0, car c’est un sous-espace de D’ distinct de D’.

Ecrivons alors x’ = h + α.x, où h ∈ H. Alors ∀z ∈ E z = zH + λ.x = zH +αλ ( x’ − h ),

d’où E = H + D’. La seconde assertion découle aussitôt de la première.

Exemples :

Si E est un K -ev de dimension n, les hyperplans de E sont les sous-espaces de dimension n − 1.

Soit E l’espace vectoriel des suites convergentes ; le sous-espace H des suites tendant vers 0 est un hyperplan de E.

Soit E = CCCC([a, b], R) l’espace vectoriel des fonctions numériques continues sur [a, b] ; le sous-espace des fonctions d’intégrale nulle est un hyperplan de E.

Soient I un intervalle non trivial de R, c un point de I, D la dérivation

D : f ∈ E = CCCC1(I, R) → f’ ∈ CCCC

0(I, R).

D est linéaire ; son noyau est la droite des fonctions constantes. Il a pour supplémentaire l’hyperplan

H des fonctions f ∈ CCCC1(I, R) nulles en c. D est surjective, car toute fonction continue g est dérivée

d’une fonction de classe C1, f(x) = ∫

x

cdttg ).( + cte. Par conséquent, D induit un isomorphisme de H

sur CCCC0(I, R). Ainsi, on aboutit à ce paradoxe que CCCC

0(I, R) contient CCCC

1(I, R), tout en étant isomorphe à

un hyperplan de CCCC1(I, R) ! Plus généralement, CCCC

k(I, R) contient CCCC

k+1(I, R), tout en étant isomorphe à

un hyperplan de CCCCk+1

(I, R), et CCCC∞

(I, R) est isomorphe à un de ses hyperplans.

Remarques et compléments : 1) Un sous-espace H de E est un hyperplan ssi l’espace quotient E/H est une droite vectorielle. 2) Les hyperplans de E sont les sous-espaces ≠ E et maximaux pour l’inclusion. 1.4. Hyperplans et formes linéaires.

Théorème : 1) Soit f une forme linéaire non nulle sur E ; alors Ker f est un hyperplan de E. 2) Réciproquement, tout hyperplan H de E s’écrit H = Ker f, où f est une forme linéaire non nulle. De plus, on a : (∀g ∈ E*) H ⊂ Ker g ⇔ (∃λ ∈ K ) g = λ.f et : (∀g ∈ E*) H = Ker g ⇔ (∃λ ∈ K*) g = λ.f . On dit alors que « f(x) = 0 » est une équation de H ; les autres lui sont proportionnelles.

Preuve : 1) Soit x0 un vecteur tel que f(x0) ≠ 0, D la droite Kx0. Je dis que E = ( Ker f ) ⊕ D.

En effet : Ker f ∩ D = 0 car f(λx0) = 0 ⇔ λ.f(x0) = 0 ⇔ λ = 0.

Si x ∈ E, cherchons λ tel que x = y + λ.x0 , où f(y) = 0.

Calculant f(x), on obtient λ = )()(

0xfxf

, d’où y = x − )()(

0xfxf

x0 ; donc E = Ker f + D. cqfd.

2) Soit H un hyperplan de E, E = H ⊕ D, où D = Kx0.

Tout vecteur x s’écrit de façon unique x = xH + λ.x0, où λ ∈ K .

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L’application x → λ est une forme linéaire sur E, de noyau H. Notons-là f. Soit g une forme linéaire s’annulant aussi sur H.

On a g(x) = g(xH) + λ.g(x0) = λ.g(x0) = f(x).g(x0), donc g = g(x0).f. Ainsi g est proportionnelle à f. Réciproque facile.

En termes abstraits, l’application f ∈ E*−0 → Ker f ∈ HHHH(E) est surjective ; chaque hyperplan H a pour antécédants une droite vectorielle de E* privée de 0. On en déduit une bijection canonique de l’ensemble PPPP(E*) = GGGG1(E*) des droites vectorielles de E* (appelé aussi espace projectif associé à E*), sur l’ensemble HHHH(E) des hyperplans de E.

Exercice 2 : Soit B une matrice de Mn(K ) vérifiant ∀A ∈ Mn(K ) tr A = 0 ⇒ tr(A.B) = 0. Montrer que B est une matrice scalaire.

Exercice 3 : Soient E = CCCC([a, b], R), g un élément de E vérifiant :

(∀f ∈ E) ∫b

adxxf ).( = 0 ⇒ ∫

b

adxxgxf ).().( = 0 .

Montrer que g est constante. 1.5. Sous-espaces de codimension finie.

La notion de codimension a été inscrite au programme par pur pédantisme : simple effet des rivalités de clans entre archéo-bourbakistes et néo-cliqueurs-de-souris (les mêmes, souvent). Elle n’a d’intérêt véritable qu’en dimension infinie. Elle sert alors à aborder les femmes mûres dans les cocktails du Club Méditérranée : il paraît qu’aucune ne résiste à une entrée en matière aussi torride... Mis à part ce genre d’occasions, la notion de codimension doit être réservée aux purs matheux, lesquels, comme on sait, ne passent pas leurs vacances au Club méd.

Définition 4 : Un sous-espace vectoriel F de E est dit de codimension finie s’il admet un supplé-mentaire G de dimension finie ; tous les supplémentaires de F ont même dimension que G, et cette dimension est appelée codimension de F : on la note codim F.

Conséquences :

1) Les hyperplans de E sont les sous-espaces de codimension 1.

2) Si E est de dimension finie, tout sous-espace F de E est bien sûr de codimension finie, et égale à dim E − dim F.

3) Tout sous-espace F' contenant un sous-espace F de codimension finie est de codimension finie et codim F' ≤ codim F.

Preuve : Si E = F ⊕ G, on a F' = F ⊕ ( F' ∩ G ) : égalité laissée en exercice. Attention, l’intersection n’est en général pas distributive par rapport à la somme, mais l’égalité est vraie ici car elle découle des identités modulaires.

Théorème du rang : Soit u∈ LLLL(E, F). Im u est de dimension finie ssi Ker u est de codimension finie, et alors dim Im u = codim Ker u, c’est-à-dire rg u = codim Ker u. En particulier : • si E est de dimension finie, u est de rang fini, et dim Im u = dim E – dim Ker u. • si F est de dimension finie, u est de rang fini, Ker u est un sous-espace de codimension finie, et rg u = codim Ker u.

Preuve : 1) Supposons Im u de dimension fnine, c’est-à-dire u de rang fini. Soit (b1, ..., br) une base de Im u. Pour chaque indice i choisissons ai tel que u(ai) = bi. Alors (a1, ..., ar) est une famille libre, et : E = Ker u ⊕ Vect(a1, ..., ar).

2) Supposons Ker u de codimension finie. Soient E1 un supplémentaire de Ker u dans E, et (a1, a2,

…, ar) une base de E1. Alors (u(a1), …, u(ar)) est une base de Im u.

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Théorème : Un sous-espace de E est de codimension finie ss’il est intersection d’un nombre fini

d’hyperplans, i.e. ss’il existe des formes linéaires f1, …, fk telles que F = Iki

ifKer≤≤1

)( .

Preuve : Soient F un sev de codimension k, G un supplémentaire de F, (a1, …, ak) une base de G.

Tout vecteur x de E s’écrit de façon unique x = xF + λ1.a1 + … + λk.ak.

Je dis que les fi : x → λi sont des formes linéaires indépendantes sur E, telles que F = Iki

ifKer≤≤1

)( .

Réciproquement, soient f1, …, fk des formes linéaires indépendantes sur E.

Considérons l’application u : x ∈ E → ( f1(x), …, fk(x) ) ∈ Kk

.

u est linéaire, de rang fini, et F = Iki

ifKer≤≤1

)( = Ker u est de codimension finie dans E.

Corollaire : Toute intersection finie de sev de codimension finie est un sev de codimension finie.

Exemples : 1) Soit B ∈ K [X]. L’espace vectoriel (B.K [X]) des multiples de B est un sev de K [X] de codimension deg(B).

2) Soit E = CCCC([a, b], R). F = f ∈ E ; f(a) = f(b) = 0 est un sous-espace vectoriel de codimension 2 de E, et W = f ∈ E ; f(a) = α et f(b) = β est un sous-espace affine de codimension 2 de E, de direction F.

Exercice 4 : Soient E = CCCC([a, b], R) et σ = (a = a0 < a1 < … < an = b) une subdivision de [a, b].

Codimension de F = f ∈ E ; f(a0) = f(a1) = … = f(an) = 0 ? Indiquer un supplémentaire de F.

Exercice 5 : Soient E = C2(R, R), F = g ∈ E ; g(0) = g(1) = 0 , G = h ∈ E ; h’’ = h .

Montrer que E = F ⊕ G. Que dire de G ? de F ?

Exercice 6 : « co-formule de Grassmann ».

Si F et G sont deux sev de codimension finie de E, alors F ∩ G et F + G aussi, et l’on a : codim( F ∩ G ) + codim( F + G ) = codim(F) + codim(G). [ Indication : raisonner directement, ou construire une suite exacte : 0 → E / (F ∩ G) → (E/F) ⊕ (E/G) → E / (F + G) → 0. ]

Dans la suite du chapitre, nous nous limitons aux espaces vectoriels de dimension finie.11

2. Crochet de dualité, bases duales. 2.1. Propriétés du crochet de dualité.

Proposition : Le crochet de dualité ( f , x) ∈ E*×E → < f , x > ≡ f(x) ∈ K est une forme bilinéaire

séparante, en ce sens que : ∀(x, y) ∈ E2 x ≠ y ⇒ ∃f ∈ E* f(x) ≠ f(y) ;

∀(f, g) ∈ E*2 f ≠ g ⇒ ∃x ∈ E f(x) ≠ g(x) .

Preuve : La seconde assertion est immédiate : deux formes linéaires distinctes ne peuvent prendre toujours les mêmes valeurs. La première l’est moins : soit z = x − y ≠ 0, H un hyperplan ne contenant pas z ; il existe une forme linéaire nulle sur H, et prenant en z la valeur 1. 2.2. Bases duales.

Théorème : Soient E un K -espace vectoriel de dimension n, BBBB = (e1, ..., en) une base de E.

11 Certains résultats restent vrais en dimension infinie. Ils seront indiqués dans un problème final.

Page 8: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

8

1) Tout vecteur x ∈ E s’écrit de façon unique sous la forme x = ∑=

n

iii ex

1

; chacune des applications

ei* : x → xi est une forme linéaire sur E, appelée i-ème forme coordonnée dans la base BBBB. 2) Les formes linéaires (e1*, ..., en*) forment une base de E*, dite duale de BBBB et notée BBBB*. 3) Toute base BBBB' = ( f1, ..., fn ) de E* est la duale d’une base de E, dite duale ou préduale de BBBB'.

Preuve : 1) est immédiat ; 2) (e1*, ... , en*) est génératrice : soit en effet f une forme linéaire sur E ; posons f(ei) = αi. Alors :

f(x) = ∑=

n

iii x

1

.α , i.e. f = ∑=

∗n

iii e

1

.α .

(e1*, ..., en*) est libre car ∑=

∗n

iii e

1

.α = 0 implique, si on l’applique au vecteur ej : αj = 0.

3) Soit BBBB' = ( f1, ... , fn) une base de E*. Montrons qu’il existe une base BBBB = (a1, ... , an) de E dont BBBB' est la duale.

1ère méthode : considérons l’application u : x ∈ E → ( f1(x), ... , fn(x) ) ∈ Kn. Elle est linéaire et injective, car x ∈ Ker u ⇔ toutes les fi s’annulent en x ; comme (f1, ..., fn) est génératrice, toute forme linéaire s’annule en x ; cela implique x = 0, le crochet de dualité étant séparant à gauche. Du coup, u est un isomorphisme, et, pour tout j

∃! aj u(aj) = ( f1(aj), ... , fn(aj) ) = (0,... , 0, 1, 0, ... , 0) ∈ Kn ( 1 à la j-ème place ). (a1, ..., an) est une base de E, en tant qu’image réciproque de la base canonique de Kn par l’isomorphisme u. On a ∀(i, j) < fj , ai > = δij , donc (a1, ..., an) a pour duale (f1, ..., fn) .

2ème méthode : matricielle.

Soit (e1, ..., en) une base quelconque de E. Si x = ∑=

n

iii ex

1

, on peut écrire :

f1(x) ≡ α11.x1 + ... + α1n.xn . . . . . . . . . . . fn(x) ≡ αn1.x1 + ... + αnn.xn

La matrice A = (αij ) est inversible, car sa transposée est la matrice de passage de la base duale (e1*, ..., en*) à la base (f1, ... , fn). On voudrait que les fi(x) soient les coordonnées de x dans une nouvelle

base (a1, ..., an) . Or la formule de changement de base s’écrit : X = P.X'. Soit P = A−1, (a1, ..., an)

la base telle que P soit matrice de passage de (e1, ..., en) à (a1, ..., an). On a bien X' = P−1.X = A.X.

Relations entre bases duales

Relations d’orthogonalité de Kronecker : ∀(i, j) < ej* , ei > = δij .

Expressions d’un vecteur dans la base BBBB : x = ∑=

><n

ii xe

1

*, .ei

d’une forme linéaire dans la base duale : f = ∑=

><n

iief

1

, .ei*

du crochet : < f , x > = ∑=

><><n

iii xeef

1

*,., = [ )(...)()( 21 nefefef ].

nx

xx

...2

1

Remarque : Attention ! La notation (e1*, ..., en*) pour désigner la base duale de (e1, ..., en) est trompeuse. Elle peut laisser croire que e1* ne dépend que de e1, ..., en* que de en. Or il n’en est rien : e1* dépend de toute la base (e1, ..., en) , car si une autre base (e1, e2', ..., en') a même premier vecteur, la 1ère forme coordonnée ne sera pas la même.

Page 9: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

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2.3. Bidualité.

La bidualité permet de retrouver élégamment la bijectivité de la correspondance BBBB → BBBB* entre bases de E et bases de E*. Cependant, comme elle est abstraite, nous l’introduisons ici sans insister. E a un dual E* ; mais celui-ci a aussi un dual E**, et ainsi de suite : on définit ainsi une suite d’espaces vectoriels E, E*, E**, E***, ... dont chacun est le dual du précédent. Cependant, en dimension finie, cette construction tourne court, pour la raison suivante.

Tout vecteur x de E définit naturellement une forme linéaire sur E*, à savoir εx : f → < f , x >, forme d’évaluation en x. Autrement dit, si une forme linéaire permet d’évaluer ou mesurer les vecteurs, un vecteur permet d’évaluer les formes linéaires.

Proposition : L’application ε : x ∈ E → εx ∈ E** ainsi définie est linéaire, et bijective : c’est un iso-morphisme canonique de E sur son bidual.

Preuve : ε est linéaire (facile), et injective, car εx = 0 ssi toutes les formes linéaires f sur E s’annulent sur x. Or cela ne se produit que si x = 0. En effet, si x est un vecteur non nul, il existe une forme linéaire f sur E telle que f(x) = 1. Comme E, E* et E** sont de dimensions finies et égales, ε est un isomorphisme.

Ce résultat a deux conséquences fondamentales :

On peut identifier naturellement E et son bidual E**, autrement dit, considérer E comme dual de E*. L’application BBBB → BBBB* est bijective, car si BBBB' est une base de E*, la duale BBBB'* = (ϕ1, ... , ϕn) est une base de E**, laquelle a pour image réciproque par ε une base BBBB = (e1, ..., en) de E. Les formules < ϕi , fj > = δij s’écrivent < fj , ei > = δij ; elles signifient que BBBB' est duale de BBBB. On retrouve ainsi la 3ème assertion du théorème vu en 2.2.

Remarque fondamentale : Si E s’identifie canoniquement à son bidual E**, en revanche, il n’y a pas d’identification naturelle, i.e. d’isomorphisme canonique, entre E et son dual E*. Certes, ils ont mêmes dimensions, donc sont isomorphes, mais en général il n’y a pas de moyen naturel d’associer une forme linéaire à un vecteur ; cela est établi rigoureusement dans un problème en fin de chapitre. Il faut donc imaginer E et E* comme deux espaces se regardant en chiens de fayence, chacun étant à la fois le ciel et la terre de l’autre. Bourbaki note qu’ « il semble hors de doute que la distinction entre un espace et son dual ne s’est définitivement établie qu’à la suite des travaux de Banach et de son école ; ce sont aussi ces travaux qui ont fait apparaître l’intérêt de la notion de codimension.» En revanche, si l’on munit E d’une structure additionnelle, par exemple un produit scalaire euclidien si K = R, ou plus généralement une forme bilinéaire non dégénérée B, alors, il y a une identification naturelle de E et son dual, via la correspondance x → B(x , •). Mais c’est une autre histoire...

Remarque : L’application ε : x ∈ E → εx ∈ E** est toujours linéaire et injective (mais jamais surjective en dim. infinie). Cela montre au passage le théorème de représentation suivant (dans lequel il suffit de prendre X = E*) :

Proposition : Tout espace vectoriel abstrait E est isomorphe à un sous-espace d’un espace fonctionnel FFFF(X, K ). 2.4. Exemples de formes linéaires et de bases duales.

Exercice 1 : Soit E = R3. Déterminer la forme linéaire f sur E telle que : f(4, 2, 0) = 2 , f(1, 2, −3) = −7 , f(0, 2, 5) = −1.

Exercice 2 : Soit E = R4, f la forme linéaire : X = (x, y, z, t) → 3.x − 5.y + z − 2.t. Comment s’exprime f dans la base a1 = (2 , 1, 0, 4), a2 = (1, 0, 3, 2), a3 = (0, 1, −3, 2), a4 = (1, 1, 2, 2) ?

Exercice 3 : Soit E = R3. Montrer que les formes linéaires, où X = (x, y, z) : f1(X) = 2.x + 4.y + 3.z , f2(X) = y + z , f3(X) = 2.x + 2.y − z

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forment une base de E* ; quelle est la base duale ?

Exercice 3 : Soit K de car. 0, E = Kn[X], et ∆ l’endomorphisme : P(X) → P(X + 1) − P(X).

1) Montrer que les polynômes de Newton N0(X) = 1, Nk(X) = !

1k

X(X − 1)...(X − k + 1), 1≤ k ≤ n,

forment une base de E. Calculer ∆Nk.

2) Montrer la formule (∀P∈E) P(X) = P(0) + ∆P(0).N1(X) + ∆2P(0).N2(X) + ... + ∆nP(0).Nn(X).

3) En déduire un algorithme de calcul du polynôme P ∈ E tel que P(k) = λk pour 0 ≤ k ≤ n. 4) Comment s’interprète la formule de 2) en termes de bases duales ?

Exercice 4 : Soit E = Kn[X], α1, ..., αn+1 n + 1 scalaires distincts. 1) Montrer que les formes d’évaluation εi : P → P(αi) forment une base de E*.

2) De quelle base de E, (ε1, , ... , εn+1) est-elle la duale ?

3) Application 1 : formule des trois niveaux.

i ) Montrer que si a < b, ∀P ∈ R2[X] ∫b

adttP ).( =

6ab− [ P(a) + 4.P(

2ba+ ) + P(b) ].

ii) Montrer que cette formule reste vraie pour tout P ∈ R3[X] .

4) Application 2 : Vandermonde et Lagrange.

Quel lien y a-t-il entre la matrice de Vandermonde V(α1, ..., αn+1) et la matrice de passage de la

base canonique (1, X, ... , Xn) à la base de Lagrange (L1, ... , Ln+1) ?

Exercice 5 : Soient K un corps de caractéristique 0, α ∈ K .

Montrer que ( 1 , X − α , ... , (X − α)n ) est une base de E = Kn[X] ; quelle est sa base duale ?

Exercice 6 : Soient α0, ... , αn n + 1 scalaires, distincts ou non, de K . 1) Montrer que P → P(α0) , P → P'(α1) , ... , P → P(n)(αn) sont n formes linéaires indépendantes sur E = Rn[X].

2) On suppose α0 = 0 , ..., αn = n. Montrer la formule d'Abel (1826) : ∀P ∈ Rn[X]

P(X) = P(0) + P'(1)!1

X + P"(2)!2

)2( −XX + P'''(3)

!3)²3( −XX

+ ... + P(n)(n)!

)( 1

nnXX n−−

.

3) Interprétation en terme de dualité ?

Exercice 7 : Soient a0, ... , an n + 1 réels distincts et non nuls.

1) Montrer que les fi : P → ∫ia

dttP0

).( sont des formes linéaires indépendantes sur Rn[X].

2) Trouver la base duale.

Exercice 8 : Soient α1, ..., αn n scalaires distincts de K = R ou C. Soit E = K2n−1[X] .

1) Montrer que u : P ∈ K2n−1[X] → (P(α1), P'(α1), ... , P(αn), P'(αn)) ∈K2n est un isomorphisme. Qu’en déduire pour les formes linéaires P → P(α1), P → P'(α1), ... , P → P(αn), P → P'(αn) sur E ?

2) Résoudre dans E : ( P(α1), P'(α1), ... , P(αn), P'(αn) ) = (0, 1, 0, 0, ... , 0, 0) ( P(α1), P'(α1), ... , P(αn), P'(αn) ) = (1, 0, 0, 0, ... , 0, 0).

On exprimera les polynômes obtenus à l’aide de L1(X) = ∏≠ −

−1 1j j

jXααα

.

3) Exprimer au moyen d’une formule le polynôme P tel que : ( P(α1) , P'(α1) , ... , P(αn) , P'(αn) ) = ( λ1 , µ1 , ... , λn , µn ) (Interpolation d’Hermite ). Interprétation en terme de dualité.

4) Retrouver le résultat précédent en décomposant en éléments simples la fraction ∏ − )²()(

jXXP

α.

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11

Exercice 9 : 1) Montrer que les formes linéaires fk : P → ∫−1

1).(. dttPtk , 0 ≤ k ≤ n, forment une base

du dual de Rn[X]. 2) Dans le cas n = 3, déterminer la base duale ; coordonnées de f4 dans la base ( f0 , f1 , f2 , f3) ?

3. Orthogonalité.

Définition : Soit E un K -espace vectoriel de dimension n. Un vecteur x et une forme linéaire f sont dits orthogonales si < f , x > = 0 ; Une partie A de E et une partie B de E* sont dites orthogonales si ∀(x, f) ∈ A×B < f , x > = 0 ; Soit A une partie de E ; on appelle orthogonal de A l’ensemble A° = f ∈ E* ; ∀x ∈ A < f , x > = 0 ; Soit B une partie de E* ; on appelle orthogonal de B l’ensemble °B = x ∈ E ; ∀f ∈ B < f , x > = 0 .

Remarque importante : Il s’agit d’une orthogonalité externe entre un vecteur et une forme. Il n’y a pas d’orthogonalité interne dans E, à moins de munir E d’une forme bilinéaire B : E×E → K , c’est-à-dire d’une structure additionnelle. Or nous faisons pour l’instant de l’algèbre linéaire, et non bilinéaire.

Proposition 1 : i) Pour toute A ⊂ E, A° est un sous-espace de E*, et A° = ( Vect A )° ; ii) Pour toute B ⊂ E*, °B est un sous-espace de E, et °B = °( Vect B ).

On peut donc se limiter à considérer les orthogonaux de sous-espaces vectoriels.

Soient L un sous-espace de dimension p de E, (a1, ..., ap) une base de L. Complétons-là en une base BBBB = (a1, ..., an) de E. Soit BBBB* = (a1* , ..., an*) la base duale. On a aussitôt l’équivalence des propriétés : i) x est un vecteur de L ; ii) x est combinaison linéaire de a1, ..., ap ; iii) les coordonnées de x d’indices p + 1, ... , n dans la base BBBB sont nulles. On dit que < ap+1* , x > = ... = < ap* , x > = 0 est un système d’équations de L.

En termes d’orthogonalité : L = Vect(a1, ..., ap) = ° ap+1*, ..., an* = ° Vect( ap+1*, ..., an* ). De plus, pour qu’une forme linéaire f s’annule sur L, il faut et il suffit qu’elle soit combinaison

linéaire de ap+1* ..., an*. Cela découle de l’expression de f = ∑≤≤<ni

f1

, a >.ai* dans la base duale.

Conséquence : dim L + dim L° = dim E.

Réciproquement, donnons-nous q formes linéaires indépendantes f1, ..., fq sur E, et considérons le sous-espace vectoriel L défini par les équations fi(x) = 0 , 1 ≤ i ≤ q.

On a donc : L = Iq

iifKer

1

)(=

= ° f1, ... , fq = ° Vect( f1, ... , fq ) ≡ °M.

Je dis que L est de dimension p = n − q. En effet, complétons f1, ..., fq en une base BBBB' = (f1, ..., fn) de E*, et introduisons la base duale BBBB = (e1, ..., en) de BBBB' ; alors L est l’ensemble des vecteurs donc les q premières coordonnées sont nulles : L = Vect( eq+1, ..., en ).

Conséquence : dim M + dim °M = dim E.

Plus généralement, supposons données k formes linéaires quelconques f1, ..., fk sur E, et consi-dérons le sous-espace vectoriel L défini par les équations fi(x) = 0 , 1 ≤ i ≤ k.

Comme ci-dessus on a : L = Ik

iifKer

1

)(=

= ° f1, ..., fk = ° Vect( f1, ..., fk ) ≡ °M,

mais L n’est pas de dimension n − k en général : il est de dimension n − q, où q est le rang des formes linéaires fi .

Page 12: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

12

En effet, supposons f1, ..., fq libres, et fq+1, ..., fk combinaisons linéaires de f1, ..., fq. Les équations fi(x) = 0 , 1 ≤ i ≤ q sont dites principales, les équations fi(x) = 0 , q+1 ≤ i ≤ k sont dites redondantes, on peut donc les enlever, et l’on est ramené à la situation précédemment décrite.12

Proposition 2 : Soient V(E), resp. V(E*), l’ensemble des sev de E, resp. E*. Les applications :

L ∈ V(E) → L° ∈ V(E*) et M ∈ V(E*) → °M ∈ V(E) vérifient : 1) 0° = E* et °0 = E ; E° = 0 et °E* = E ;

2) décroissance pour l’inclusion : L ⊂ L' ⇒ L° ⊃ L'° et M ⊂ M' ⇒ °M ⊃ °M' ; 3) compatibilité avec la structure de treillis : ( L + L' )° = L° ∩ L'° et °( M + M' ) = °M ∩ °M' ( L ∩ L' )° = L° + L'° et °( M ∩ M' ) = °M + °M' 4) involution : °( L° ) = L et ( °M )° = M .

Remarque : En vérité, un sous-espace M de E* a deux orthogonaux, l’un, °M, est inclus dans E, l’autre, M°, est inclus dans le bidual E**. Mais l’identification canonique de E et E** permet aussitôt d’identifier °M et M°.

Comment agir, ô cœur volé ?…

Soient E un K -espace vectoriel de dimension n, BBBB = (e1, …, en) une base de E. Nous allons indiquer des méthodes concrètes pour passer de la description paramétrée d’un sous-espaces à ses équations cartésiennes, et vice versa.

1) Soit L = Vect(a1, …, ap) un sous-espace donné par une famille génératrice, de rang r.

Soit A =

npn

p

αα

αα

............

...

1

111

∈ MK(n, p) la matrice des coordonnées des vecteurs aj dans la base BBBB.

Un vecteur y appartient à L ssi le vecteur Y de ses coordonnées dans la base BBBB vérifie :

∃X ∈ Kp Y = A.X.

Il s’agit de trouver une matrice B =

−− nrnrn

n

,1,

111

............

...

ββ

ββ∈ MK(n−r, n) telle que y ∈ L ⇔ B.Y = 0.

Ainsi, les lignes de B fourniront n − r formes linéaires indépendantes f1, …, fn−r telles que

L = y ∈ E ; < f1 , y > = … = < fn−r , y > = 0 On peut faire cela mécaniquement en appliquant la méthode du pivot de Gauss à la matrice A :

Soient Q ∈ Gln(K ) et P ∈ Glp(K ) telles que Q−1

.A.P =

OOOI r = Jr.

∃X ∈ Kp

Y = A.X ⇔ ∃X ∈ Kp Y = Q.Jr.P

−1.X

⇔ ∃X ∈ Kp Q

−1.Y = Jr.P

−1.X

⇔ ∃X’ ∈ Kp Q

−1.Y = Jr.X’

⇔ Q−1

.Y a ses coordonnées d’indices r+1, …, n nulles

⇔ ( O | In−r ).Q−1

.Y = 0 ⇔ B.Y = 0

où B = ( O | In−r ).Q−1

est la matrice formée des n−r dernières lignes de Q−1

.

2) Réciproquement, donnons-nous q formes linéaires f1, …, fq sur E, et donnons-nous le sous-espace

M par ses équations : M = x ∈ E ; < f1, x > = … = < fq, x > = 0 .

12 Attention, une équation n’est pas redondante en soi ; elle l’est une fois choisi un système d’équations principales ; or il y a en général plusieurs façons de choisir un tel système.

Page 13: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

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Notons < f1 , x > = β11.x1 + ... + β1n.xn . . . . . . . . . . . . . < fq , x > = βq1.x1 + ... + βqn.xn

et B =

nqq

n

,1,

111

............

...

ββ

ββ ∈ MK(q, n) telle que x ∈ M ⇔ B.X = 0.

On cherche une base de M. Bien entendu dim M = n − s, où s = rg(f1, …, fq) = rg B.

Soient Q ∈ Glq(K ) et P ∈ Gln(K ) telles que Q−1

.B.P =

OOOI s = Js .

B.X = 0 ⇔ Q.Js.P−1

.X = 0 ⇔ Js.P−1

.X = 0

⇔ Les coordonnées d’indices 1, …, s de P−1

.X sont nulles

⇔ ∃Y ∈ Kn−s

P−1

.X =

−snIO .Y

⇔ ∃Y ∈ Kn−s

X = P.

−snIO .Y ⇔ ∃Y ∈ K

n−s X = A.Y,

où A = P.

−snIO ∈ MK(n, n−s). Les colonnes de A, qui ne sont autres que les n−s dernières colonnes

de P, forment une base de M.

4. Transposition. « Je t'envie humblement le merveilleux poème Où, pour douer l'esprit d'un infaillible essor, L'algèbre, les yeux clos, transposant le problème, Aux secrets de l'espace ajuste sa clé d'or. »

Sully Prudhomme

Définition : Soit u ∈ LLLL(E, F). On appelle transposée de u l’application, notée tu, de F* dans E*, définie par : ∀g ∈ F* tu(g) = g o u , ou encore par : ∀(x, g) ∈ E×F* < tu(g) , x > = < u(x) , g >.

Proposition 1 : i) La transposée de u est linéaire de F* dans E* : tu ∈ LLLL(F*, E*). ii) L’application u → tu est un isomorphisme canonique de LLLL(E, F) sur LLLL(F*, E*). iii) On a tidE = idE* et si v ∈ LLLL(F, G), on a : t( v o u ) = tu o tv . iv) Si u est un isomorphisme de E sur F, alors tu est un isomorphisme de F* sur E* et :

( t u )−1 = t(u−1) .

Proposition 2 : Si l’on rapporte E à la base BBBBE = (a1, ..., ap), F à la base BBBBF = (b1, ..., bn), et leurs duaux respectifs E* et F* aux bases duales BBBBE* = (a1*, ..., ap*) et BBBBF* = (b1*, ..., bn*) , alors la matrice de la transposée de u ∈ LLLL(E, F) est la transposée de la matrice de u :

Mat( u, BBBBE , BBBBF ) = Mat ( tu , BBBBF* , BBBBE* ) .

Remarque : Du temps où la théorie des catégories était à la mode Ah ! l’heureux temps des Beatles et de la guerre du Vietnam ! , on résumait les propriétés i) et iii) de la prop. 1 en disant que la correspondance qui à un espace vectoriel associe son dual, et à une application linéaire sa transposée, est un foncteur contravariant de la catégorie des espaces vectoriels (de dim. finie) dans elle-même : le foncteur de dualité. On rencontre d’autres foncteurs contravariants en mathé-matiques.

Exercice : Soient F un sev de E, i l’injection canonique F → E, et s la surjection canonique E → E/F. Reconnaître leurs transposées.

Page 14: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

14

5. Orthogonalité et transposition. Théorème : Soient u ∈ LLLL(E, F), tu l’application transposée tu ∈ LLLL(F*, E*). Alors :

Ker tu = ( Im u )° et Im tu = ° ( Ker u ) .

Preuve : Soit g ∈ F* ; g ∈ Ker(tu) ⇔ tu(g) = 0 ⇔ g o u = 0

⇔ (∀x ∈ E) < g , u(x) > = 0 ⇔ g ∈ ( Im u )°.

L’inclusion Im tu ⊂ °Ker u est facile : soit f ∈ Im tu ; écrivons f = tu(g) = g o u.

Alors ∀x ∈ Ker u < f , x > = < g o u , x > = < g , u(x) > = 0. D’où f ∈ °Ker(u). De plus, il y a égalité des dimensions, en vertu de la première égalité.

On peut aussi déduire la deuxième égalité de la première par bidualité : Im( tu ) = ° Ker( ttu ) = ° Ker(u).

Preuve matricielle : Soient BBBBE et BBBBF des bases de E et F telles que Mat(u ; BBBBE , BBBBF) =

OOOI r .

Alors Mat ( tu , BBBBF* , BBBBE* ) =

OOOI r , et la vérification des égalités est laissée au lecteur.

Corollaire 1 : u et tu ont même rang.

Corollaire 2 : u est injective ⇔ tu est surjective ; u est surjective ⇔ tu est injective.

Exercice : Généralisation. Soient L un sous-espace de E, M un sous-espace de F. Montrer que :

1) Dans F* on a l’égalité : u(L)° = ( tu )−1(L°) ;

2) Dans E*, on a l’égalité : [ u−1(M) ]° = tu(M) .

Exercice : Soient u ∈ LLLL(E), F un sous-espace de E. Montrer l’équivalence : F est u-stable ⇔ F° est tu-stable. ___________

Exercices Exercice 1 : Soit E un K -ev de dimension n. La donnée d’une famille (a1, a2, ... , ap) de vecteurs de E définit une application linéaire : u : f ∈ E* → (f(a1), f(a2), ... , f(ap)) ∈ Kp. Montrer (a1, a2, ... , ap) est libre ⇔ u est surjective ; (a1, a2, ... , ap) est génératrice ⇔ u est injective ; (a1, a2, ... , ap) est une base ⇔ u est un isomorphisme .

Exercice 2 : Soit E un K -ev de dimension n. La donnée d’une famille (f1, f2, ... , fp) de formes linéaires sur E définit une application linéaire v : x ∈ E → (f1(x), f2(x), ... , fp(x)) ∈ Kp. Montrer ( f1, f2, ... , fp) est libre ⇔ v est surjective ; ( f1, f2, ... , fp) est génératrice ⇔ v est injective ; ( f1, f2, ... , fp) est une base ⇔ v est un isomorphisme .

Exercice 3 : systèmes linéaires.

Soient A ∈ MK (n, p), b ∈ Kn. Montrer l’équivalence des propriétés : i) Il existe x ∈ Kp tel que A.x = b ; ii) Pour tout y ∈ Kn, on a l’implication ty.A = 0 ⇒ ty.b = 0.

Exercice 4 : matrices génératrices, matrices de contrôle.

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15

Soit A ∈ MK (n, p) une matrice n×p, de rang r, identifée par exemple à l’application linéaire Kp →

Kn canoniquement associée. Ecrivons A =

43

21

AAAA , où A1 ∈ Glr(K ).

1) Montrer que A4 = A3.A1−1

.A2 .

2) Im A est un sous-espace de dimension r de Kn. En indiquer une base.

Indiquer une matrice B ∈ MK(n−r , n) telle que : Y ∈ Im A ⇔ B.Y = 0.

2) Ker A est un sous-espace de dimension p − r de Kp. En indiquer une base.

Indiquer une matrice C ∈ MK(n−r, p) telle que : X ∈ Ker A ⇔ C.X = 0.

3) Exemple : A = (i + j − 1) ∈ MR(3, 4) .

Exercice 5. Soient I1, …, In n segments de R, deux à deux disjoints, et non réduits à un point.

a) Soit P ∈ Rn−1[X] tel que (∀k) ∫kI

dxxP ).( = 0. Montrer que P = 0.

b) Soit (a1, …, an) ∈ Rn. Existe-t-il P ∈ Rn−1[X] tel que (∀k) ∫

kIdxxP ).( = ak ?

Exercice 6 : Polygones réguliers.

1) Soient ω = expniπ2 , Ω = (ωpq

)0≤p,q≤n−1 la matrice de Vandermonde associée. Calculer Ω .Ω.

Conséquences ?

2) Montrer qu’un n-uplet (a0, a1, …, an−1) de complexes est un polygone régulier (convexe direct)

ss’il existe un couple (a, b)∈C×C tel que (∀k) ak = a.ωk + b.

3) Montrer que (a0, a1, …, an−1) est un polygone régulier ssi :

a0 + ωp.a1 + … + ω(n−1)p

.an−1 = 0 pour 1 ≤ p ≤ n − 2.

4) Traiter les cas n = 3 et n = 4.

Exercice 7 : Soient E et F des espaces vectoriels de dim. resp. p et n, u ∈ LLLL(E, F). Montrer que u est de rang r si et seulement s’il existe r vecteurs libres de E (a1, ..., ar), et r formes

linéaires libres ( f1, ... , fr ) sur E tels que : (∀x ∈ E) u(x) = ∑=

r

i 1

< fi , x >.ai .

Exercice 8 : Trace d’un endomorphisme.

Soient E et F deux K -ev de dimensions respectives p et n, rapportés aux bases BBBBE = (a1, ..., ap) et BBBBF = (b1, ..., bn). On note (a1*, ..., ap*) et (b1*, ..., bn*) les bases duales.

1) Soient u ∈ LLLL(E, F) et v ∈ LLLL(F, E). Montrer (∀x ∈ E) u(x) = ∑=

n

i 1

< bi* , u(x) >.bi ,

et : ∑=

p

j 1

< aj* , (v o u)(aj) > = ∑=

n

i 1

< bi* , (u o v)(bi) > (1)

2) En considérant le cas particulier E = F , V = idE, montrer que le scalaire ∑=

p

j 1

< aj* , u(aj) > ne

dépend pas de la base (a1, ..., ap) de E. On l’appelle trace de u et on le note tr u.

3) En revenant à (1), montrer que tr(u o v) = tr(v o u), et plus généralement : tr( u1 o u2 o...o uk ) = tr( u2 o...o uk o u1 ) ( invariance circulaire de la trace ).

Exercice 9 : Formes linéaires sur Mn(K ).

1) Montrer que toute forme linéaire f sur Mn(K ) s’écrit de façon unique M → tr(A.M), où A ∈ Mn(K ).

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2) Soit Λ une forme linéaire sur Mn(K ) telle que Λ(AB) = Λ(BA) ∀(A, B). Montrer qu’elle est proportionnelle à la trace. 3) Montrer que tout hyperplan H de Mn(K ) contient un élément de Gln(K ).

Exercice 10 : Soient E un K -espace vectoriel de dimension n, f1, ..., fn n formes linéaires s’annulant en un même vecteur x ≠ 0 ; montrer qu’elles sont dépendantes.

Exercice 11 : Soient E un K -espace vectoriel de dimension n, E* son dual, BBBB = (e1, ..., en) un n-uplet de vecteurs de E, BBBB' = (f1, ..., fn) un n-uplet de formes linéaires sur E. Montrer l’équivalence : det(< fi , ej >) ≠ 0 ⇔ BBBB est une base de E et BBBB' est une base de E*. Déterminer alors les bases duales de BBBB et BBBB' .

Exercice 12 : Condition de Haar.

Soient X un ensemble, K un corps commutatif, E un sous-espace de dimension n de F(X, K ). Pour tout x ∈ X on note δx la forme d’évaluation : f ∈ E → f(x).

1) Montrer que ∆ = δx ; x ∈ X est une partie génératrice de E*.

2) Montrer qu’il existe des n-uplets (x1, ..., xn) et (f1, ..., fn) de Xn et En resp. tels que fi(xj) = δij .

Exercice 13 : Multiplicateurs de Lagrange.

Soient E un K -ev de dimension n, f1, ..., fp et f des formes linéaires sur E. Pour que tout vecteur annulant f1, ..., fp annule aussi f, il faut et il suffit que f soit combinaison linéaire de f1, ..., fp : f = λ1.f1 + ... + λp.fp . Les λi s’appellent multiplicateurs de Lagrange.

NB : On rencontre aussi les multiplicateurs de Lagrange dans la théorie des extrema liés.

Exercice 14 : Parties séparantes.

Soit E un K -espace vectoriel de dimension finie.

1) Une partie M de E* est dite séparante si ∀(x, y) ∈ E2 x ≠ y ⇒ ∃f ∈ M f(x) ≠ f(y).

Montrer l’équivalence : M est séparante ⇔ Vect(M) = E*.

2) Une partie L de E est dite séparante si ∀(f, g) ∈ E*2 f ≠ g ⇒ ∃x ∈ L f(x) ≠ g(x).

Montrer l’équivalence : L est séparante ⇔ Vect(L) = E. 3) Montrer que ces résultats ne subsistent pas en dimension infinie.

Exercice 15 : Factorisations à gauche et à droite.

Soient E, F, G trois K -ev de dimensions finies. On considère les deux énoncés suivants : (I) Soient u∈LLLL(F, E) et v∈LLLL(G, E). On a l’équivalence : ∃w ∈ LLLL(F, G) u = v o w ⇔ Im u ⊂ Im v . (II) Soient u∈LLLL(E, F) et v∈LLLL(E, G). On a l’équivalence : ∃w ∈ LLLL(G, F) u = w o v ⇔ Ker v ⊂ Ker u

Montrer que chaque énoncé implique l’autre. Montrer l’un des deux, et en déduire l’autre.

Exercice 16 : Soit E un K -espace vectoriel de dimension finie n, u, v, w ∈ LLLL(E).

1) Montrer que Im(w) ⊂ Im(u) + Im(v) ⇔ ∃(a, b) ∈ LLLL(E)2 w = u o a + v o b.

2) Montrer que Ker(u) ∩ Ker(v) ⊂ Ker(w) ⇔ ∃(a, b) ∈ LLLL(E)2 w = a o u + b o v.

3) Généraliser ces résultats à Im(w) ⊂ ∑ Im(ui) et ∩ Ker(ui) ⊂ Im(w) , pour u1, ... , up ∈ LLLL(E).

NB : On s’est limité à des endomorphismes par commodité. Ces résultats restent vrais pour des applications linéaires convenablement définies. Ils impliquent alors le résultat relatif aux multipli-cateurs de Lagrange.

Exercice 17 : On se propose de montrer que si E est un K -espace vectoriel de dimension n, il n’existe pas d’isomorphisme canonique de E sur son dual, sauf dans le cas où K = Z/2Z et n = 2. On rappelle qu’un isomorphisme canonique ne doit dépendre que de la structure d’espace vectoriel, et aucunement d’un choix de bases.

1) Montrer que si ϕ était un tel isomorphisme, on aurait pour tout automorphisme u de E :

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∀(x, y) ∈ E2 < ϕ(x) , y > = < (ϕ o u)(x) , u(y) > (1)

2) Si n > 1 et K ≠ Z/2Z, démontrer qu’il existe un automorphisme u de E ne vérifiant pas (1). [ Prendre u tel que u(x) = λ.x , λ ≠ 0 , λ ≠ 1 et u(y) = y ].

3) Si n > 2 et K quelconque, démontrer qu’il existe un automorphisme u de E ne vérifiant pas (1). [ y étant non nul et désignant par F le sous-espace de E orthogonal à ϕ(y), montrer que l’on peut prendre x ∉ F , u(x) ∈ F , u(y) = y. ]

4) Étudier le cas où n = 2 et K = Z/2Z.

Exercice 18 : Espaces vectoriels en dualité.

Deux K -espaces vectoriels E et F sont dits en dualité s’il existe une forme bilinéaire B sur E×F

séparante, en ce sens que : • ∀(x, x') ∈ E2 x ≠ x' ⇒ (∃y ∈ F) B(x , y) ≠ B(x' , y)

• ∀(y, y') ∈ F2 y ≠ y' ⇒ (∃x ∈ E) B(x , y) ≠ B(x , y').

1) Soit B une forme bilinéaire séparante. Montrer que x → B(x, .) est linéaire injective de E dans F*, et y → B(. , y) est linéaire injective de F dans E*. Réciproque ?

2) Soient E et F deux espaces en dualité. Montrer que si l’un est de dimension finie, l’autre aussi, et qu’alors ils ont même dimension. Les vecteurs x de E et y de F sont dits orthogonaux si B(x, y) = 0. Étendre à cette notion les résultats du §3.

3) Application : Soient A, B ∈ Mn(K ). Montrer l’équivalence des propriétés :

i) ∃X ∈ Mn(K ) A.X + X.A = B ;

ii) ∀C ∈ Mn(K ) A.C + C.A = 0 ⇒ tr(B.C) = 0 . ___________ Problème : Dualité en dimension infinie

Dans ce problème, E désigne un K -espace vectoriel de dimension infinie. Nous nous proposons de montrer que certaines propriétés de dualité établies en dimension finie subsistent, et d’autres pas.

Rappels : i) Tout K -espace vectoriel E admet au moins un base ; deux bases sont équipotentes, et l’on appelle dimension de E le cardinal d’une quelconque de ses bases. Toute famille libre peut être complétée en une base. ii) Le cardinal ℵ1 est strictement inférieur au cardinal ℵ2 s’il existe une injection de tout ensemble de cardinal ℵ1 dans tout ensemble de cardinal ℵ2 , et non l’inverse.

A. Dimensions.

1) Soit BBBB = (ei)i∈I une base de E. Tout vecteur x s’écrit de façon unique x = ∑i∈I xi.ei , où les scalaires xi sont nuls sauf un nombre fini d’entre eux. Montrer que les formes coordonnées ei* : x → xi forment une famille libre de E*, mais non une base de E* (considérer la forme linéaire f telle que f(ei) = 1 pour tout i).

2) Montrer que l’homomorphisme ε : x ∈ E → εx ∈ E** est injectif mais non surjectif.

3) Pour toute partie J de I, on note fJ la forme linéaire telle que fJ(ei) = 1 si i ∈ J , 0 sinon. Montrer que (fJ)J∈ (I) est une famille libre de E* et en déduire que dim(E) < dim(E*) puis que :

dim(E) < dim(E*) < dim (E**) < dim(E***) < ... 13 B. Sous-espaces de codimension finie, orthogonalité.

13 La situation en dimension infinie est donc sur ce point très différente de celle qui prévaut en dimension finie. Un spectaculaire théorème d’Erdös-Kaplansky établit que si E est de dimension infinie, E* a pour dimension card(E*). Cela ne signifie pas que E* est une base de lui-même, mais que toute base de E* est équipotente à E*; c’est dire qu’elle est très grande ! Ce théorème est établi dans le cours de taupe de Gostiaux, t. 1, p. 221.

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4) Montrer que le crochet de dualité (f , x) → < f , x > = f(x) est une forme bilinéaire séparante, en

ce sens que : ∀(x, y) ∈ E2 x ≠ y ⇒ ∃f ∈ E* f(x) ≠ f(y) ;

∀(f, g) ∈ E*2 f ≠ g ⇒ ∃x ∈ E f(x) ≠ g(x).

5) Soit F un sous-espace de E. Montrer l’équivalence des propriétés : i) F est un sous-espace de codimension p ;

ii) il existe p formes linéaires indépendantes f1, ..., fp telles que F = ∩ Ker(fi) ; iii) F est l’orthogonal d’un sous-espace M de dimension p de E* : F = °M ; iv) E/F est un espace de dimension p.

6) Étude des correspondances L ∈ V(E) → L° ∈ V(E*) et M ∈ V(E*) → °M ∈ V(E). i) 0° = E* et E° = 0 ; °0 = E et °E* = 0 ;

ii) décroissance pour l’inclusion : L ⊂ L' ⇒ L° ⊃ L'° et M ⊂ M' ⇒ °M ⊃ °M' ; iii) compatibilité avec la structure de treillis : ( L + L' )° = L° ∩ L'° et °( M + M' ) = °M ∩ °M' ( L ∩ L' )° = L° + L'° et °( M ∩ M' ) = °M + °M'

iv) involution : °( L° ) = L et M ⊂ ( °M )° . Montrer que si M est de dimension finie, alors M = ( °M )° .

Donner un exemple de sous-espace M de E* tel que M ≠ ( °M )°.

7) Transposition : Soit u ∈ LLLL(E, F), tu l’application transposée tu ∈ LLLL(F*, E*). i) Montrer que Ker(tu) = Im(u)° et Im(tu) = ° Ker(u) . ii) Montrer que u est injective ⇔ tu est surjective ; u est surjective ⇔ tu est injective. iii) Montrer que u est de rang fini ⇔ tu est de rang fini , et alors rg u = rg tu. _________

Problème : Dualité des groupes commutatifs

Soit G un groupe fini, noté multiplicativement, d’élément neutre e. On appelle caractère de G tout homomorphisme χ de G dans le groupe multiplicatif C*.

1) Montrer que les caractères de G forment un groupe multiplicatif, noté G et appelé dual de G.

2) Exemples : i) Déterminer les caractères du groupe symétrique SSSSn. ii) Montrer que si G est cyclique d’ordre N, G a N éléments et est également cyclique.

Dans les questions 3) à 7), G est un groupe fini commutatif d’ordre N.

3) Soit H un sous-groupe de G, χ un caractère de H, x un élement de G, H' le sous-groupe de G engendré par H et x. a) Montrer qu’il existe un plus petit entier q > 0 tel que xq ∈ H , et que (∀k∈Z) xk∈H ⇔ q | k ; b) Montrer que l’on peut prolonger χ en un caractère de H' .

4) Montrer que tout caractère de H peut se prolonger d’au moins une façon en un caractère de G.

5) Soit χ0 : g → 1 le caractère trivial de G.

i) Soient χ' ∈ G , x ∈ G ; comparer les sommes ∑χ∈G χ(x) et ∑χ∈G (χχ')(x) .

ii) En choisissant χ' convenablement, montrer ∑χ∈G χ(x) = card G si x = e , 0 si x ≠ e .

iii) Montrer de même ∑x∈G χ(x) = card G si χ = χ0 , 0 sinon.

6) En considérant la somme double ∑x∈G,χ∈G χ(x) , montrer que card G = card G.

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7) À tout élément x ∈ G on associe εx : χ → χ(x) . Montrer que εx appartient au bidual G^^ de G. Que dire de x → εx ?

8) On revient au cas général d’un groupe fini quelconque G d’ordre N. a) Montrer que les caractères de G sont des fonctions linéairement indépendantes de G dans C ; en déduire card G^ ≤ card G.

b) Deux éléments x et y de G sont dits conjugués si (∃g ∈ G) y = g−1.x.g. Une fonction f : G →

C est dite centrale si ∀(x, y) ∈ G2 f(x.y) = f(y.x). Montrer que les fonctions centrales forment un

espace vectoriel ayant pour dimension le nombre de classes de conjugaison de G.

c) Déduire des résultats précédents l’équivalence : card G = card G ⇔ G est commutatif. __________

Problème : Transformation par polaires réciproques

Le plan euclidien EEEE est rapporté à un repère orthonormé xOy. Les parties I et II sont indépendantes.

Première partie : Enveloppes de droites.

On appelle famille régulière de droites de classe Ck (1 ≤ k ≤ +∞), et l’on note (D(t))t∈I , la donnée, d’un intervalle I de R, et pour chaque t ∈ I, d’une droite D(t) d’équation : a(t).x + b(t).y + c(t) = 0 , où a , b , c sont trois fonctions de classe Ck de I dans R vérifiant :

(∀t ∈ I) a2(t) + b

2(t) ≠ 0 et a(t).b'(t) − a'(t).b(t) ≠ 0 .

On note D'(t) la droite d’équation : a'(t).x + b'(t).y + c'(t) = 0 .

1) Montrer que les droites D(t) et D'(t) se coupent en un point unique M(t), et que D(t) est la tangente en M(t) à l’arc paramétré Γ : t → M(t). Cet arc est appelé enveloppe de la famille (D(t))t∈I , et M(t) est appelé point caractéristique de D(t).

2) Soit t ∈ I. Montrer que, pour h assez petit en valeur absolue, la droite D(t + h) coupe D(t) en un unique point A(h), et que A(h) tend vers M(t) quand h tend vers 0. En déduire un procédé approché de construction de l’enveloppe d’une famille de droites.

3) Cas particulier. Soit p : I → R une fonction de classe Ck, et pour tout θ ∈ I, soit D(θ) la droite d’équation : cos θ.x + sin θ.y = p(θ). Montrer que (D(θ))θ∈I est une famille régulière de droites. Quelle sont les coordonnées du point

caractéristique M(θ) dans le repère radial ( )(θu , )(θv ), puis dans le repère initial ? Reconnaître la

droite D'(θ).

4) Exemple 1 : Un rayon lumineux parallèle à x'O vient toucher le demi cercle d’équation x2 + y

2

= 4a2 , x > 0, au point Q(2a.cosθ , 2a.sinθ). Quelle est l’équation du rayon réfléchi ? Montrer que le

point caractéristique M de l’enveloppe a pour coordonnées 2a (cos(3θ) − 3.cos θ , sin(3θ) − 3.sin θ).

Étudier et tracer l’arc paramétré correspondant (néphroïde).

5) Exemple 2 : Une règle AB de longueur constante a se déplace de manière que A reste sur x'Ox, et B sur y'Oy. Enveloppe de cette règle ?

6) Exemple 3 : Un point M décrit le cercle (C) de centre O et de rayon R. Soit Ω le point (c, 0). Enveloppe de la perpendiculaire en M à ΩM ? Deuxième partie : Théorème de Pascal.

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Dans son Essai sur les coniques, Blaise Pascal (1623-1662) énonça à 17 ans le théorème dit de l’hexagramme mystique : Si A, B, C, D, E, F sont six points d’une conique, les intersections des droites (AB) et (DE), (BC) et (EF), (DC) et (AF) sont trois points alignés. On se propose de montrer ce théorème dans le cas où la conique est un cercle.

On note C(A, R) le cercle de centre A et de rayon R, et (MN) la droite passant par M et N.

1) Puissance d’un point par rapport à un cercle.

Une sécante issue de P coupe le cercle C(O, R) en A et B. Soit I le milieu de la corde AB. Montrer

que PBPA. = PO2 − R

2. En déduire que le produit PBPA. est indépendant de la sécante choisie :

on l’appelle puissance du point P par rapport au cercle C(O, R).

2) Théorème de Ménélaüs. Une droite ∆, dite transversale, coupe les côtés BC, CA et AB du triangle ABC resp. en α, β et γ.

Montrer qu’en mesures algébriques : CB

αα .

AC

ββ

.BA

γγ

= 1 (1)

[ Indication : Soit D une droite non parallèle à ∆. Projeter la figure sur D parallélement à ∆, et appliquer Thalès. ] Réciproquement, soient α, β et γ des points situés sur BC, CA et AB, vérifiant (1) ; montrer qu’ils sont alignés.

3) Soit ABCDEF un hexagone inscrit dans le cercle (C). Les côtés opposés (AB) et (DE), (BC) et (EF), (DC) et (AF) se recoupent resp. en α, β et γ . On note (CD) ∩ (EF) = a , (AB) ∩ (CD) = b et (EF) ∩ (AB) = c. En appliquant 2) aux transversales βCB, αDE et γFA du triangle abc, et en utilisant 1), montrer que α, β et γ sont alignés.

4) Établir le théorème de Pascal dans le cas de l’ellipse. Troisième partie : Transformation par polaires réciproques.

1) On dit que les deux cercles C(O, R) et C(O', R') sont orthogonaux s’ils se coupent à angle

droit. Montrer que cette condition équivaut à : || 'OO ||2 = R2 + R'

2 .

Dans toute la suite du problème, on note (C) le cercle C(O, R).

2) Deux points M et P sont dits conjugués par rapport à (C) si le cercle de diamètre MP est

orthogonal à (C). Montrer que cette condition équivaut à : OPOM. = R2.

On suppose que la droite MP recoupe (C) en A et B. Soit I le milieu de MP. Montrer que :

IM2 = IBIA. ; en déduire que la division ABMP est harmonique, en ce sens que

PBPA = −

MBMA .

3) Soit P un point ≠ O. On appelle polaire de P par rapport à (C) l’ensemble des conjugués de P. a) Montrer que la polaire de P est une droite ne passant pas par O ; on la note ∆(P). b) Si P est extérieur à (C), montrer que ∆(P) est la droite TT' passant par les deux points de contact des tangentes à (C) issues de P. Si P ∈ (C), montrer que ∆(P) est la tangente à (C) menée de P. Si P est intérieur à (C), décrire géométriquement ∆(P).

c) Soient PAB et PCD deux sécantes à (C) issues de P. Si M = (AC)∩(BD) et N = (AD)∩(BC), montrer que ∆(P) = (MN). En déduire une construction de ∆(P) à la règle seule.

4) Montrer que toute droite ∆ ne passant pas par O est la polaire d’un point P, appelé pôle de ∆.

5) Montrer que des points alignés sur une droite ne passant pas par O ont des polaires concourantes; que se passe-t-il si la droite passe par O ? Montrer que des droites concourantes ou parallèles ont des pôles alignés.

6) On considère les deux énoncés suivants :

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i) Théorème de Pappus : Soient D1 et D2 deux droites, A1, B1 et C1 trois points situés sur D1,

A2, B2 et C2 trois points situés sur D2. Les points M1 = (B1C2) ∩ ( C1B2) , M2 = (A1C2) ∩ ( C1B2)

et M3 = (A1B2) ∩ ( A2B1) sont alignés.

ii) Soient d1 et d2 deux points, a1, b1 et c1 trois droites coucourantes en d1, a2, b2 et c2 trois

droites concourantes en d2 . Si A = a1 ∩ b2 , B = b1 ∩ a2 , C = a1 ∩ c2 , D = c1 ∩ a2 , E = b1 ∩ c2 ,

F = b1 ∩ c2, les droites (AB), (BC) et (CA) sont concourantes.

Montrer que ces deux théorèmes sont corrélatifs, i.e. se déduisent l’un de l’autre par polarité. Démontrer le premier ; en déduire le second.

7) On considère les deux énoncés suivants :

i) On considère un triangle ABC et une transversale ∆ rencontrant BC en α, CA en β, et AB en γ. Soient A', B', C' les points (Bβ) ∩ (Cγ), (Cγ) ∩ (Aα) et (Aα) ∩ (Bβ). Les droites (A'α), (B'β) et (CC') sont concourantes.

ii) On considère un triangle abc et un point o. Les droites (oa), (ob) et (oc) coupent resp. (bc), (ca) et (ab) aux points a1, b1 et c1. Les points a2 = (oa) ∩ (b1c1), b2 = (ob) ∩ (c1a1) et c2 = (ab) ∩ (a1b1), sont alignés.

Montrer que ces deux théorèmes sont corrélatifs. Démontrer le premier, et en déduire le second.

7) Soit Γ un arc paramétré t ∈ I → P(t) de classe Ck ( k ≥ 2 ) ne passant pas par O. Quand la famille (∆(P(t))) est-elle régulière? On appelle alors transformée par polaires réci-proques de Γ, l’enveloppe Γ' de la famille ∆(P(t)). Montrer que, sous des hypothèses à préciser, la transformée par polaires réciproques de Γ' est Γ.

8) Démontrer le théorème de Brianchon : Si un hexagone ABCDEF est circonscrit à un cercle (C), les droites (AD), (BE) et (CF) sont concourantes.

Quatrième partie : Interprétation projective .

On munit l’espace E = R3 de la forme bilinéaire symétrique B(X, X') = x.x' + y.y' − R2.t.t'.

Pour tout sous-espace vectoriel F, on note F⊥ l’orthogonal de F pour B.

1) a) Montrer que dim F⊥ = 3 − dim F , et que F⊥⊥ = F .

b) Montrer que F⊥ + F'⊥ = ( F ∩ F' )⊥ et que F⊥ ∩ F'⊥ = ( F + F' )⊥ .

2) On appelle plan projectif associé à E l’ensemble des droites vectorielles de E ; on le note EEEE = PPPP (E). Un point M de EEEE est donc, par définition, une droite vectorielle D de E : si D = R(x, y, t), (x, y, t) est appelé un système de coordonnées projectives de M. Relier la polarité par rapport au cercle (C) à l’orthogonalité relativement à B, et réinterpréter les résultats précédents.

Page 22: Dualité...3 de leurs mesures, ces mesures étant elles-mêmes mesurées par les objets en question. La dualité est bonne si deux objets distincts sont séparés par deux mesures,

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Angles et rondeurs. « Un nouvel exemple de ma thématique appliquée. » P. Gallais ___________

Arnold Schoenberg, « forme-miroir » dans Quintette pour instruments à vent, opus 26. _____________

Bibliographie N. Bourbaki : Algèbre (Hermann, Masson) M. Queysanne : Cours d’algèbre (A. Colin) R. Godement : Cours d’algèbre (Hermann) B. Gostiaux : Cours de math spé, t.1 (Puf)

D. Guérin : Le Feu du sang, autobiographie politique et charnelle (Grasset) R. Greslou : Contribution à l’étude de la multiplicité de Moi B. François-Sappey : Robert Schumann (Fayard) M. Roquebert : Histoire des Cathares (Perrin)

Encyclopedia Universalis : dualité : Algèbre linéaire et multilinéaire Espaces vectoriels topologiques Programmation mathématique Analyse harmonique Poncelet, Steiner, Galois, Banach, Pontriaguine, Weil dualité onde-corpuscule

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dualisme, dialectique ___________