Développement des marchés de titres et financement de l ... · PDF filemarché et l’efficacité du système financier. ANDRE ICARD FRANÇOISE DRUMETZ Direction générale des Études

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    DVELOPPEMENTDES MARCHSDE TITRESET FINANCEMENT DEL'CONOMIE FRANAISELa priorit donne partir de 1983 la lutte contre les tensionsinflationnistes et la conduite dune politique montaire nonaccommodante a rendu possible et ncessaire la mise en uvre derformes structurelles visant accrotre le rle des mcanismes demarch et lefficacit du systme financier.

    ANDRE ICARDFRANOISE DRUMETZ

    Direction gnrale des tudes 1

    Caractristique de la France des annes soixante et soixante-dix, le systme d' conomied'endettement [1] 2 a progressivement disparu au cours des annes quatre-vingt au profit d'unenouvelle intermdiation financire et d'une nouvelle rgulation montaire, plus comparable au modleanglo-saxon d'conomie de marchs de capitaux. La drglementation des marchs de capitaux franaisa en effet t plus tardive qu'aux tats-Unis ou au Royaume-Uni. En revanche, l'Allemagne, dont lasituation conomique a t longtemps caractrise par une faible inflation ainsi que par des excdentsextrieurs substantiels, ce qui rendait l'innovation financire moins utile, n'a connu un processuscomparable qu' partir du dbut des annes quatre-vingt-dix [2].

    1 Communication prsente au colloque Banques et financement de la croissance organis par le Centre dconomie et

    de finances internationales Lisbonne les 26 et 27 avril 1994.2 Les chiffres entre crochets renvoient aux rfrences bibliographiques situes en fin de texte.

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    Ce systme d' conomie d'endettement prsentait trois traits principaux :

    la prdominance de l'intermdiation bancaire : en raison du faible taux d'autofinancement desentreprises rsultant d'un partage de la valeur ajoute qui leur tait dfavorable, celles-ci devaientmassivement recourir des financements externes, essentiellement bancaires du fait de l'troitesse desmarchs de capitaux franais ;

    une concurrence insuffisante entre institutions financires : les circuits de financement et decollecte de l'pargne taient troitement cloisonns et spcialiss ;

    un strict contrle par les autorits montaires de la distribution du crdit et des oprationsfinancires avec l'tranger.

    Les inconvnients de ce rgime de financements administrs sont devenus de plus en plusapparents [3] : permissivit l'gard de l'inflation, cot excessif de l'intermdiation, faible efficacitdans l'allocation des ressources financires. Les marchs financiers ne rpondaient plus aux besoinsgrandissants d'emprunt de l'tat et des entreprises. Un assouplissement de la rglementation et uneouverture des marchs taient ncessaires.

    La priorit donne partir de 1983 la lutte contre les tensions inflationnistes et la conduite d'unepolitique montaire non accommodante a rendu possible et ncessaire la mise en uvre de rformesstructurelles visant accrotre le rle des mcanismes de march et l'efficacit du systme financier :

    la rorientation de la politique montaire, matrialise par l'ancrage du franc sa parit avec ledeutschemark, a conduit une hausse des taux d'intrt nominaux et rels ; l'conomie franaise s'estprogressivement adapte cette situation durable : grce la dsindexation relative des salaires et desgains de productivit, le partage de la valeur ajoute s'est dplac en faveur des entreprises [4],permettant d'envisager un dmantlement des nombreux dispositifs de financement taux privilgis ;

    ce dmantlement constituait une condition pralable l'adoption de nouvelles techniques dergulation montaire par les taux d'intrt et l'abandon de l'encadrement du crdit ;

    le changement d'orientation de la politique montaire a, en outre, incit l'tat uvrer en faveurdes innovations financires afin d'accrotre le financement par mission de titres du dficit budgtaire(ces titres devant tre susceptibles d'attirer les investisseurs rsidents et non rsidents) et de limiterl'alourdissement du cot de gestion de la dette rsultant de la hausse des taux d'intrt.

    La drglementation et l'ouverture des marchs de capitaux franais se sont ainsi insres dans unchamp de mesures beaucoup plus vaste visant accrotre la concurrence entre tablissements et entreproduits. On citera notamment [5] :

    l'unification du march du crdit : les conditions de collecte de l'pargne liquide ont tpartiellement banalises ds 1982 avec la possibilit offerte aux banques de proposer des produitsdfiscaliss leur clientle (livret dpargne populaire, Codevi, etc.) ; en 1984, la nouvelle loi bancairea supprim toute restriction la nature des activits des tablissements de crdit et a unifi leur mode derglementation et de surveillance ; la pratique de la bonification des taux d'intrt a t progressivementrduite partir de 1985 ; allg en 1986, l'encadrement du crdit, qui limitait depuis 1973 le volume desprts distribus par le systme bancaire et qui restreignait fortement la concurrence entre lestablissements de crdit, a t dfinitivement supprim en 1987 ;

    l'ouverture sur l'extrieur : le contrle des changes qui existait, avec des contraintes variables,depuis prs de 50 ans a t graduellement lev partir de 1985 puis abrog en janvier 1990.

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    Deux points seront successivement abords :

    les tapes et les caractristiques de la drglementation et du dveloppement des marchs de titresen France ;

    les consquences de ce dveloppement pour les agents (financiers et non financiers) ainsi que pourla politique montaire.

    1. La drglementation et le dveloppement des marchs de titres franaisSi les pouvoirs publics ont trs largement dtermin le calendrier de la drglementation, sa mise en

    uvre, chelonne sur prs de dix ans, s'est effectue de manire progressive, en troite concertationavec les professionnels concerns, et son succs s'explique principalement par la demande des agentsconomiques privs.

    1.1. La rforme du cadre rglementaire

    1.1.1. Les trois objectifs principaux de la drglementation

    Au dbut des annes quatre-vingt, l'organisation cloisonne des marchs de capitaux franais nepermettait pas une confrontation globale de l'offre et de la demande de capitaux. Seules les banquespouvaient procder des arbitrages de portefeuille instantans entre titres courts et titres longs.

    Afin de remdier cette situation, il a t dcid de dvelopper la concurrence par une vastedrglementation, en supprimant les multiples contraintes qui pesaient sur la dfinition des instruments,les caractristiques des oprations, la fixation des tarifs, la nature des intervenants :

    il s'agissait de crer un march de capitaux unifi, allant du jour le jour au trs long terme, ouvert tous les agents conomiques, au comptant, terme et avec possibilit d'options ;

    en outre, alors que les autres marchs se mondialisaient, les pouvoirs publics ont souhait accrotrela comptitivit de la place de Paris en permettant que s'y ralise l'ensemble des oprations pratiquessur les principales places financires trangres et en modernisant les systmes technologiques ;

    il fallait enfin garantir aux investisseurs la scurit la plus grande ainsi que des normesdontologiques irrprochables.

    Cette rforme, qui s'est accompagne d'incitations fiscales (allgements de la fiscalit des revenusdes placements en titres et en produits d'assurance), a suivi trois axes principaux : le dveloppement desmarchs financiers, la cration d'un march montaire et la mise en place d'instruments de couverture.Elle a ainsi favoris l'mergence d'une nouvelle intermdiation.

    1.1.2. Mesures en faveur du dveloppement des marchs des actions et des obligations

    Les innovations financires et la rforme technique et rglementaire de l'organisation de la Bourse deParis ont contribu l'essor des marchs [6] :

    en 1983, une loi a libralis les conditions d'mission des valeurs mobilires et a permis lelancement de nouveau types d'instruments sur le march des actions (certificats d'investissement,prioritaires ou non, titres participatifs) et, surtout, sur le march des obligations (obligations bons desouscription d'actions, obligations remboursables en actions, titres subordonns dureindtermine...) ;

    l'tat a profondment rform partir de 1986 ses mthodes d'mission afin de rendre attrayantsles instruments de la dette publique franaise et d'en diminuer le cot [7] : produits d'emprunt ennombre restreint et dfinis selon les usages du march ; missions ralises selon un calendrier dfini

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    lavance ; recours la technique de l'assimilation ( la fois pour les obligations et pour les bons duTrsor) pour constituer des gisements importants sur les diffrentes chances ; nomination despcialistes en valeurs du trsor (SVT) auxquels est dvolu un rle privilgi dans la souscription et leplacement des valeurs du Trsor et dans l'animation de leur march secondaire ; missions ralises,pour l'essentiel, par adjudication au prix de soumission ;

    les conditions d'accs aux marchs ont t amliores plusieurs reprises, notamment parl'ouverture internationale du march primaire obligataire partir de 1984, l'instauration de la libert dengociation pour les courtages sur actions et obligations et pour les commissions prleves par lesbanques sur les missions d'obligations, la cration du second march en 1982 ;

    les marchs ont t eux-mmes rforms : instauration d'un march continu, cration d'un marchunique rglement mensuel, mise en place du systme Relit en 1991... ;

    en 1988, l'organisation de la bourse, caractrise jusqu'alors par le monopole de membres agrspour la ngociation de valeurs mobilires, a