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BENOIT BROSSIER DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE PETITE TAILLE, RADISSON, QUÉBEC Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Sciences géographiques pour l'obtention du grade de Maître en Sciences géographiques (M. Se. Géogr.) DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIE FACULTÉ DE FORESTERIE ET DE GÉOMATIQUE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2007 Benoît Brossier, 2007

DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

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Page 1: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

BENOIT BROSSIER

DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINEDES LACS BORÉAUX DE PETITE TAILLE,

RADISSON, QUÉBEC

Mémoire présentéà la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Sciences géographiquespour l'obtention du grade de Maître en Sciences géographiques (M. Se. Géogr.)

DEPARTEMENT DE GEOGRAPHIEFACULTÉ DE FORESTERIE ET DE GÉOMATIQUE

UNIVERSITÉ LAVALQUÉBEC

2007

Benoît Brossier, 2007

Page 2: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

RESUME

En milieu lacustre, les rivages sont des entités dynamiques qui répondent à des agents

géomorphologiques animés par le climat et à des facteurs statiques régis par la structure du

bassin lacustre. Les formes riveraines sont le résultat de processus d'érosion, de transport et

de sédimentation, contrôlés par un grand nombre de variables climatiques,

morphométriques et environnementales. L'objectif principal de cette étude est de définir les

caractéristiques morphométriques lacustres favorisant la dynamique sédimentaire des petits

lacs boréaux. La présence de plages sur une ou plusieurs parties du rivage a été prise

comme témoin d'une activité riveraine suffisamment puissante pour former une

accumulation sédimentaire. Cette étude est réalisée au moyen de la photointerprétation

validée par des travaux sur le terrain. Les résultats montrent une généralisation de la

présence de plages sur les lacs de plus de 1 km2. Cependant, même si la taille semble

expliquer la présence de nombreuses plages, d'autres caractéristiques comme l'orientation

ou l'environnement sédimentaire dans lequel est installé le lac semblent jouer un rôle

majeur dans la présence de plages sur les lacs inférieurs à 1 km2. Les résultats de cette

recherche permettront de mesurer l'influence des caractéristiques propres de chaque lac sur

l'intensité de leur activité sédimentaire riveraine.

Mots clés : Lac, dérive sédimentaire, morphométrie lacustre, plage, photo-

interprétation.

Page 3: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

Il

REMERCIEMENTS

Je tiens à saluer les nombreuses personnes qui ont aidé à la réalisation de ce mémoire

de maîtrise. Dans un premier temps, je voudrais remercier mon directeur de recherche,

Monsieur Yves Bégin, qui m'a permis de mener à bout cette étude.

Merci aux membres de mon jury, Messieurs Laurent Astrade et Yves Brousseau pour

avoir accepté d'évaluer mon mémoire. Leurs commentaires et suggestions ont contribué à

l'élaboration et à l'amélioration de ce travail.

Je tiens également à remercier Melissa Larochelle et Majorie Leblanc, qui ont été

d'une aide très précieuse lors de ma campagne de terrain.

Un grand merci aux personnes qui m'ont apporté une aide technique dans la

réalisation de cette recherche : Donald Cayer et Luc Cournoyer.

Cette étude a été financée par différents organismes : le CRSNG, Ouranos-Hydro-

Québec, Arcticnet, le FQRNT et le Centre d'études nordiques.

Un grand merci aux étudiants du Centre d'études nordiques qui ont été d'une aide

technique et d'un soutien moral très apprécié : Etienne Boucher, Fabrice Calmels, Mickaël

Lemay, Céline Meunier, Lydia Querrec et Dominique Todisco.

Enfin, un éternel merci à mes parents qui m'ont permis de venir réaliser des études au

Canada. Leur soutien moral et leur encouragement ont sans aucun doute permis la

conclusion de ce mémoire.

Page 4: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

TABLE DES MATIERES

RÉSUMÉ. /

REMERCIEMENTS. ii

TABLE DES MA TIÈRES iii

LISTE DES FIGURES iv

LISTE DES TABLEAUX vi

INTRODUCTION. 1

RÉGION D'ETUDE 7

2.1 Physiographie 7

2.2 Géologie et géomorphologie 8

2.3 Climat 9

2.4 Végétation 11

2.5 Site d'étude 12

MÉTHODES 15

3.1 Choix du site 15

3.2 Analyse des photographies aériennes 15

3.3 Analyse statistique 18

RÉSULTATS 20

4.1 Échelle des Lacs 20.1. Caractéristiques morphométriques des lacs 20.2. Superficie des lacs 21.3.Fetch 23.4. Forme des lacs 26.5. Environnements sédimentaires lacustres 26

4. 2 Échelle des cellules sédimentaires 294.2.1. Caractéristiques morphométriques des cellules sédimentaires 294.2.2. Longueur de rivage des cellules sédimentaires 304.2.3. Fetch 304.2.4. Caractéristiques environnementales des cellules sédimentaires 334.2.5. Substrat supra riverain 334.2.6. Fetch des cellules héritées 35

DISCUSSION 37

5.1 Rôle de la morphométrie lacustre dans l'activité sédimentaire 37

5.2 Influence de l'héritage post glaciaire 38

5.3 Seuils de mise en activité 40

CONCLUSION 42

RÉFÉRENCES CITÉES. 45

Page 5: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

IV

LISTE DES FIGURES

Figure 1. Topographie de la région d'étude 7

Figure 2. Climatogramme de la Jamésie (La Grande Aéroport) 10

Figure 3. Localisation du site d'étude 12

Figure 4 Site d'étude, mosaïque de photographies aériennes 13

Figure 5. Délimitation des cellules sédimentaires Cl à C6 du lac Kamamachisikamach... 17

Figure 6. Sous-parties de cellules sédimentaires riveraines, Cl.l (droite), Cl.2 (fond) et

Cl.3 (gauche) du lac Kamamachisikamach 18

Figure 7. Distribution de fréquence des lacs selon leur superficie 20

Figure 8. Estimation de l'activité sédimentaire selon la superficie des lacs 22

Figure 9. Probabilité d'occurrence de plage en fonction de la superficie des lacs 22

Figure 10. Orientation moyenne annuelle des vents (a), période d'eau libre (c), période de

gel (e) et vitesse moyenne annuelle (b), période d'eau libre (d), période de gel (f) 24

Figure 11. Estimation de l'activité sédimentaire en fonction des longueurs de fetch est-

ouest 25

Figure 12. Probabilité d'occurrence de plage en fonction du fetch est-ouest 26

Figure 13. Répartition des différents types de substrats riverains en fonction des différentes

classes 28

Figure 14. Répartition des différents types de substrats riverains des lacs de classe 2 29

Figure 15. Estimation de l'activité sédimentaire de cellules sédimentaire en fonction de

leur longueur de rivage 30

Page 6: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

V

Figure 16. Répartition des cellules sédimentaires avec plage et sans plage en fonction de

leur exposition 31

Figure 17. Longueur de fetch des cellules sédimentaires avec plage et sans plage en

fonction de leur exposition 32

Figure 18. Répartition des différents types de substrats riverains dans les cellules avec

plage et sans plage 33

Figure 19. Taille moyenne des lacs en fonction du substrat supra-riverain des plages 34

Figure 20. Longueur moyenne des fetch Est ouest en fonction du substrat supra riverain

des plages 35

Page 7: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

VI

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Traitements statistiques à l'échelle des lacs et des cellules sédimentaires 19

Tableau 2. Orientation générale des lacs avec et sans plage 23

Tableau 3. Occupation des types de substrats riverains 27

Tableau 4. a) Nombre de plages en fonction du type de substrat supra-riverain etde leur exposition, b) Longueur moyenne de fetch en fonction du typede substrat et de l'exposition des plages 36

Page 8: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

INTRODUCTION

Cette recherche porte sur la dynamique sédimentaire des lacs boréaux de petite et de

moyenne taille dans le moyen Nord du Québec. Elle est concentrée sur l'interface riveraine.

Les formes riveraines sont le résultat de processus d'érosion, de transport et de

sédimentation, contrôlées par un grand nombre de variables climatiques, morphométriques,

environnementales des lacs et de leur bassin versant (Hakanson, 1982 ; Meadows et al,

1997 ; Pierce, 2004). La présence de plages sur une ou plusieurs parties du rivage sera prise

comme témoin d'une activité riveraine suffisamment puissante pour former une

accumulation sédimentaire. Afin de couvrir un territoire suffisamment vaste et d'étudier un

nombre maximal de lacs, la photo-interprétation constituera la méthode d'analyse

privilégiée de cette étude.

Les écosystèmes riverains des grands lacs du Québec nordique ont fait l'objet de

nombreuses études, tant sur le plan biologique (Bégin et Payette, 1988, 1989 ; Payette et

Filion, 1993) que géomorphologique (Dionne, 1979). Les processus qui affectent les

rivages de ces grands lacs sont très bien documentés (Dionne, 1979; Touchait, 1998 ;

Bégin, 2000a ; Schofield et al, 2004). Cependant, à ce jour, aucune étude des processus

riverains n'a été menée ou publiée sur les lacs de petite taille. Cette recherche vise donc à

combler cette lacune et à montrer si les processus qui agissent sur l'activité sédimentaire

riveraine des grands lacs exercent également une influence sur les plus petits.

Au cours d'une année, l'activité sédimentaire des grands lacs est régie par la houle

durant la période estivale et par l'activité glacielle au printemps (Dionne, 1979 ; Allen et

Kirk, 2000). L'intensité de ces phénomènes est directement liée aux caractéristiques

physiques de chaque lac et de leur bassin versant. L'étude des lacs de petite taille permettra

de montrer si ceux-ci sont affectés par ces mêmes processus.

Page 9: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

L'homogénéité des variables géologiques, morphométriques et climatiques, dans la

zone d'étude permet ainsi d'isoler un certain nombre d'autres facteurs locaux. L'échelle

utilisée pour cette recherche offre la possibilité d'analyser un grand territoire recouvert d'un

nombre imposant de lacs. Par conséquent, les diverses mesures, telles que leur taille, leur

orientation et leurs multiples longueurs de fetch, permettront de caractériser les lacs dont

une partie du rivage est constituée de plages. Cette diversité va mettre en lumière les

caractéristiques des lacs de petite et de moyenne taille et leur environnement ; afin de

déceler la mise en action de processus assez puissants pour créer une dynamique

sédimentaire. Les différents types de plages observées offriront la possibilité de déterminer

le seuil à partir duquel les différentes variables morphométriques entraînent une dynamique

sédimentaire conduisant à la formation de plages. De plus, elle montrera si la présence de

plages sur le rivage de lacs de petite taille est la preuve d'une activité sédimentaire ou si

elle est simplement issue d'un héritage géologique.

L'écotone riverain des lacs connaît de grandes perturbations dues principalement aux

fluctuations à court et à long terme du niveau des eaux. Au Québec nordique, les

fluctuations du niveau des lacs ont fait l'objet de plusieurs études qui ont montré une

tendance à la hausse des niveaux d'eau au cours du dernier siècle (Bégin et al, 1989 ;

Bégin, 1992 ; Bégin et Payette, 1989 ; Bégin, 2000a, 2000c). Toutefois, les deux dernières

décennies font exception puisqu'une légère tendance à la baisse des niveaux d'eau a été

mise en évidence (Bégin, 2000b ; Bégin et al, 2003). Ainsi, les décennies 1930, 1950 et

1970 ont été identifiées comme des périodes de plus grande hydraulicité, alors que les

décennies 1910, 1920, 1940, 1960 et 1980 à 2000 correspondent à des périodes

d'hydraulicité plus faible (Bégin et Filion, 1995 ; Bégin, 2000a). Ces changements ont été

attribués au déplacement du front polaire et au blocage de l'anticyclone arctique à des

latitudes plus nordiques, permettant à de nombreuses perturbations de venir décharger leurs

précipitations sur des régions jusqu'alors plus sèches (Barry, 1967 ; Bégin, 2000a). Durant

les hivers humides, les mois de novembre à janvier sont marqués par des précipitations

solides abondantes. Au printemps, la fonte du couvert nival entraîne une hausse importante

du niveau lacustre qui favorise l'immersion des rivages. De ce fait, une augmentation de

l'épaisseur du couvert nival favorise une hausse des apports en eau. Si la fonte de la neige

Page 10: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

est rapide, des phénomènes de grandes crues (hausse du niveau d'eau) apparaissent au

printemps et les eaux (et les glaces) viennent perturber les rivages. Ils sont donc soumis à

des processus géomorphologiques qui modifient leur morphologie. Cette hausse séculaire

est susceptible d'avoir contribué à l'augmentation de l'intensité des processus d'érosion et

de transport, le long des rives au cours des deux derniers siècles.

Le climat froid du Québec divise l'année en deux périodes bien distinctes ; une

période d'eau libre durant l'été et une période dominée par les glaces pendant l'hiver. Ce

phénomène saisonnier influence donc la nature des processus riverains. Les vagues

constituent la principale source d'énergie contribuant à l'activité sédimentaire des lacs.

Elles se créent sous l'influence du vent qui, suivant sa vitesse et sa durée fait varier

l'ampleur de la houle. Lorsque cette houle s'approche du rivage, la friction sur le fond

entraîne le déferlement d'une onde sur les rivages, créant des vagues. La puissance érosive

des vagues s'exerce sur tout le rivage, mais elle est maximale sur les rivages les plus

abrupts comme les microfalaises. Les vagues agissent également comme agent de transport

de sédiment. Ainsi, les parties des rivages les plus exposées, comme les pointes, sont

soumises à l'érosion, alors que le fond des baies va être soumis à la sédimentation du fait de

la dérive littorale. Cette dernière est le principal agent de transport des sédiments lacustres.

Le transport des sédiments se fait au sein de zones riveraines appelées cellules, délimitées

par deux caps. Les sédiments présents dans ces cellules vont être progressivement déplacés

vers le fond de la cellule et y demeurent piégés. Le fond de ces cellules peut être occupé par

une plage si les processus d'érosion, de transport et de sédimentation le permettent.

Les glaces qui recouvrent les lacs durant l'hiver interrompent l'action des vagues

(Dionne, 1979). Néanmoins, elles jouent une part importante dans la dynamique

sédimentaire. Les actions d'érosion, de transport et d'accumulation des glaces flottantes

entraînent des processus glaciels (Dionne, 1978 ; Paskoff, 1994). Au printemps, la fonte du

couvert nival présent dans le bassin versant des lacs entraîne l'augmentation de leur niveau

(Bernard, 1972 ; Church, 1988) en même temps que leur couvert de glace diminue. Il se

crée donc un espace d'eau libre entre la rive et le couvert de glace. Si l'activité éolienne est

suffisante, les radeaux de glace vont venir racler le fond des zones peu profondes pour

Page 11: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

remanier les sédiments et/ou les blocs (Michel, 1972 ; Lepage et Bégin 1996). Ce

mouvement porte le nom de poussée glacielle et peut contribuer à ériger des crêtes de blocs,

de plus de 7 m de haut sur certains grands lacs (Dionne, 1979). Les glaces flottantes

viennent également heurter le rivage ; leur texture beaucoup plus abrasive que les vagues

exacerbe l'érosion. Si les processus ont le même fonctionnement sur tous les lacs, leur

intensité varie beaucoup d'un lac à l'autre. Il semble que les conditions de site jouent un

rôle dans l'activation et la force de ces phénomènes.

Les lacs subissent de nombreux phénomènes, tel que l'activité éolienne, la fluctuation

de leur niveau et les courants, dont l'intensité est directement liée aux caractéristiques de

leur bassin versant (surface, forme, pente, occupation de la végétation) et à leur

morphométrie (superficie, orientation, forme, etc.) (Laird et al., 2003).

La dimension, la forme, la pente de leur bassin versant, de même que la superficie

couverte par la végétation jouent un rôle essentiel en ce qui concerne l'apport en eau. En

particulier, la taille du bassin versant a un effet important. Plus il est grand, plus l'apport en

eau du lac sera important (Touchart, 2000). La forme du bassin versant influence le temps

d'écoulement ou le temps de réponse suite à des précipitations ou à la fonte du couvert

nival. Plus un bassin est de forme allongée, plus le temps de réponse sera long. Au

contraire, dans un bassin versant rond dans lequel le temps de réponse est court, la hausse

du niveau des eaux sera beaucoup plus rapide. Ainsi, la topographie influence le temps de

résidence de l'eau dans le bassin versant. Plus la pente est forte, plus l'écoulement est

rapide. Par ailleurs, l'écoulement est ralenti par une végétation dense qui contribue au

phénomène d'évapotranspiration et au contrôle du débit hydrologique (Me Glynn et al.,

2003).

La morphométrie de chaque lac exerce donc une action prépondérante dans la

dynamique lacustre et dans les divers processus écologiques (colonisation végétale,

basculement, mortalité) qui s'y rattachent. Des travaux préliminaires montrent que les

processus de sédimentation sont moins actifs sur les petits lacs (Brossier, 2004 ; Hakanson,

2005). La principale caractéristique de cette dynamique est la taille des lacs. En effet, les

Page 12: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

grands lacs ont de plus grands fetchs qui favorisent l'activité éolienne. Les lacs sont

conséquemment affectés par un grand nombre d'événements géomorphologiques (Brossier,

2004). La forme de la cuvette lacustre influence également la dynamique riveraine. Les lacs

de forme allongée présentent de grandes longueurs de fetch sur l'axe dominant. À l'inverse,

les formes circulaires entraînent une homogénéisation des longueurs de fetch. Par

conséquent, deux lacs de même superficie, mais de forme différente ne seront pas soumis à

une même activité éolienne. L'orientation générale du lac est aussi un facteur prépondérant,

puisque si l'axe principal correspond à la direction des vents dominants, l'activité éolienne

sera favorisée (Maleval et Astrade, 2003). La sinuosité du rivage influence de manière

évidente cette dynamique. L'apport sédimentaire principal des plages vient de la cellule

sédimentaire qui entoure cette plage. Ainsi, le rivage des lacs sinueux possède des zones

protégées des vents, qui diminuent la capacité de transport des sédiments. C'est tout le

contraire dans les lacs ayant une sinuosité moindre qui permet le transport de sédiments sur

de plus grandes distances. Ainsi, les apports sédimentaires se situent sur une seule partie du

rivage dans des quantités plus importantes. Le substrat (dépôts meubles, tourbe, roc, etc.)

sur lequel le lac s'est installé a aussi une grande importance, puisque suivant sa nature, il va

plus ou moins favoriser l'érosion des berges et donc l'apport sédimentaire. La résistance

des rives aux processus d'érosion varie aussi suivant le type de substrat. Bien évidemment,

les rives rocheuses sont beaucoup moins affectées par l'érosion, que celles formées par des

dépôts meubles.

D'après quelques études préliminaires, il semble que les processus d'érosion, de

transport et de sédimentation soient plus importants sur les lacs de grande taille, que sur les

petits lacs. Il semble que la taille soit la variable expliquant le mieux l'intensité des

processus affectant les rivages lacustres (Dionne, 1979). Cependant, elle n'explique pas à

elle seule la présence de plage sur l'ensemble des lacs. L'intensité des processus d'érosion,

de transport et de sédimentation permettant la formation de plage, semble donc être

dépendante des variables physiques des lacs et de leur bassin versant. Nous émettons

l'hypothèse que les plages sont le résultat de combinaisons de variables morphométriques

et environnementales dont l'intensité rend les conditions de sites propices à l'établissement

d'une dynamique sédimentaire.

Page 13: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

L'objectif principal de cette étude est de déterminer si le dynamisme sédimentaire des

lacs boréaux de petite et de moyenne taille est affecté par les mêmes processus que les

grands lacs. La mise en action des processus permettant une activité sédimentaire dépend

de nombreuses variables. Les objectifs spécifiques sont donc : (1) d'identifier les

différentes variables morphométriques pouvant générer une dynamique sédimentaire sur les

rivages lacustres de plus petite étendue ; et (2) de déterminer, pour ces variables, leurs

valeurs minimales et les combinaisons permettant la prise en charge, le transport et le dépôt

de sédiments servant à ériger des plages.

Page 14: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

REGION D'ETUDE

2.1 Physiographie

Le territoire de la Jamésie se divise en trois zones physiographiques. Dans la partie

est, bordant les côtes de la baie de James, s'étend une plaine côtière d'une largeur d'environ

160 km. Cette plaine est recouverte d'une couche argilo-sableuse entraînant un mauvais

drainage. Son réseau hydrographique est composé de petits et de moyens cours d'eau et de

nombreuses tourbières qui occupent des dépressions topographiques. Le nombre de lacs

tend à diminuer vers l'ouest de la plaine (Société d'énergie de la Baie James, 1978). Les

côtes bordant la baie de James sont formées de nombreuses baies dont la morphologie est

influencée par les apports sédimentaires des nombreux cours d'eau qui s'y jettent ainsi que

par les marées dont l'amplitude peut atteindre 1,8 m à Fort Georges (Société d'énergie de la

Baie James, 1987).

Baied'Hudson

Baie

~~] 200-5001

S00m.lt

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' Cours d'uau

Figure 1. Topographie de la région d'étude

Page 15: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

8

Un plateau moutonné occupe la partie centrale du territoire. Son altitude croit

légèrement vers l'est pour atteindre une altitude de 400 m à 500 m à l'intérieure des terres

(Figure 1). La déglaciation a dégagé de nombreux affleurements rocheux qui constituent

aujourd'hui le sommet des collines dont la base est recouverte de dépôts glaciaires.

L'aspect moutonné du plateau explique la faible amplitude des reliefs (15 à 60 m). Le

plateau est sillonné par un réseau hydrographique avec d'importantes rivières comme la

Grande Rivière et de nombreux lacs de grande superficie (Lac Sakami).

Le troisième ensemble physiographique, le plus à l'est de la Jamésie est composé de

monts dont l'altitude varie entre 900 et 1100 m. C'est dans ces monts que la Grande Rivière

prend sa source. Leur proéminence est accentuée par la présence d'une faille située à leur

limite nord, ainsi que par la différence de dureté des roches, soit de la quartzite rouge ou

blanche, un conglomérat et un peu de schiste ardoisier (Société d'énergie de la Baie James,

1987).

2.2 Géologie et géomorphologie

La Jamésie s'inscrit dans le bouclier canadien et est presque totalement comprise dans

la province géologique du lac Supérieur. Son sous-sol est composé principalement de

roches métamorphiques et ignées datant du Précambrien. Au Quaternaire, l'avancé des

glaciers a érodé le socle rocheux à plusieurs reprises, dénudant les reliefs. Le roc nu

recouvre environ 20% de la surface totale de la région (Vincent et Hardy, 1977). Les

différents matériaux meubles rencontrés sur le territoire sont du till basai, des matériaux de

lessivage, des alluvions fluvio-glaciaires et des formations marines et lacustres. Les

glaciations ont laissé de nombreuses marques au cours de leurs différents mouvements. Les

formes qui traduisent l'avancée des glaces sont des drumlins, des roches moutonnées, des

stries, des cannelures et des moraines de Roggan. Le recul de ces masses glaciaires a laissé

des moraines de décrépitude, des moraines de DeGeer, des deltas, des eskers, des plaines

d'épandage et des deltas glacio-marins et glacio-lacustres.

Page 16: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

La déglaciation de la région s'est produite entre 8000 et 7000 ans avant l'actuel. La

fonte des glaces a entraîné un relèvement isostatique majeur (environ 250 m en 8000 ans).

Ce réajustement a décéléré avec le temps, passant de 14 m par siècle environ à un taux

actuel de 1 à 1,5 m par siècle, ce qui en fait l'un des plus rapides au monde (Société

d'énergie de la Baie James, 1987). En bordure des masses glaciaires, le lac Ojibway-

Barlow s'est créé. Ce lac a laissé d'importants sédiments lacustres constitués de couches

alternées de silt et d'argile avant de se vidanger dans la mer de Tyrrell. Cette mer a

immergé une grande partie de la Baie de James et d'Hudson, dont la limite d'expansion a

été établie à 250 km à l'est des côtes actuelles (Veillette, 1994). La mer de Tyrrell a permis

le dépôt de sédiments marins constitués d'argile silteuse et de sable fin. La plaine côtière

est dominée par des argiles profondes (60 m) et la tourbe en recouvre 75 % avec une

épaisseur moyenne de 1 à 1,5 m. Ainsi, à l'emplacement du réservoir LG1, une couche de

50 m d'argile a été mesurée, alors que l'on ne retrouve qu'une couche de 20 et 10 m à

l'emplacement des réservoirs Robert-Bourassa et LG3.

2.3 Climat

Le territoire de la Grande Rivière est sous l'influence d'un climat continental froid de

type subarctique. La proximité des baies de James et d'Hudson influence de manière

significative cette région. Le contrôle qu'elles exercent sur cette région diffère des autres

mers de régions nordiques du monde. En effet, durant l'hiver, les deux baies sont

recouvertes d'un couvert de glace qui vient prolonger les surfaces continentales, permettant

ainsi aux conditions polaires de s'étendre (Société d'énergie de la Baie James, 1978). En

été, la présence de courants d'eau froide et de glace dans les mers périphériques retarde le

réchauffement du climat sur la côte. De plus, le relief peu accentué de la région, facilite le

libre passage des masses d'air arctique ; celles-ci sont à l'origine du froid intense qui sévit,

pendant de longs mois et contribuent à prolonger la période de gel jusque très tard au

printemps.

Page 17: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

10

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O

J F M A M J J A S O N D

• Neige (équivalent en eau) i i PluieSource : Bégin et al. (1998)

Figure 2. Climatogramme de la Jamésie (La Grande Aéroport)

Les températures de cette région sont marquées par d'importantes fluctuations

intersaisonnières, ainsi que des extrêmes très marqués (Figure 2). La température moyenne

du mois le plus froid (janvier) est de -23,3 °C (station La grande A, Aéroport Radisson),

mais les températures peuvent atteindre -50°. La présence du couvert de glace sur les deux

grandes étendues formées par les baies de James et d'Hudson, retarde la venue du

printemps et des gelées peuvent encore se produire entre le 15 et le 30 juin. Le mois le plus

chaud (juillet) atteint une température moyenne de 13,4 °C. La période sans gel,

relativement courte dans cette région, est d'environ 100 jours. Les premières gelées

automnales apparaissent dès la mi-septembre. La formation du couvert de glace sur les

deux baies commence à la fin de décembre ou au début de janvier, ce qui a une influence

sur les précipitations du début de l'hiver. L'englacement de ces grands plans d'eau a pour

effet de diminuer l'humidité, ainsi que les précipitations durant ces périodes.

La quantité moyenne des précipitations est de 765 mm dont le tiers tombe sous forme

de neige. En moyenne, les précipitations entre le 1er avril et le 30 septembre sont pluviales

Page 18: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

11

et totalisent 477 mm, alors que du 1er octobre au 31 mars les précipitations tombent sous

forme de neige. À noter que la région de Fort George est la seule à avoir trois mois sans

neige. L'hiver est la période la plus ensoleillée, malgré les conditions rigoureuses du climat

(Société d'énergie de la Baie James, 1987 ; Bégin et al, 1998).

Le vent, souffle à une vitesse moyenne de 16 km/h durant l'année. Les vents soufflent

dans deux directions principales, entraînant deux phénomènes opposés. En provenance

nord-ouest, ils accentuent la rigueur de l'hiver en venant joindre leur effet à celui des basses

températures, mais venant du sud-ouest, ils apportent de l'air doux des grands lacs canado-

américain, ce qui adoucit le climat (Société d'énergie de la Baie James, 1987).

2.4 Végétation

Le territoire de la Jamésie se trouve dans la zone nord de la forêt boréale dominée par

la pessière à lichens. Malgré la localisation de la zone d'étude en forêt boréale ouverte, il

n'est pas rare d'observer des peuplements denses d'épinettes, donnant l'apparence d'une

forêt fermée à de nombreux endroits. L'espèce dominante est l'épinette noire (Picea

mariana (Mill) BSPJ. On observe également de nombreux peuplements mixtes d'épinette

noire et de pin gris {Pinus banksiana Lamb) qui résultent d'épisodes de feu récurrents dans

cette région. Les autres espèces d'arbres sont représentées par le sapin (Abies balsamea

(Linn.) Miller.) qui y atteint sa limite nord de répartition, des clones de peuplier faux-

tremble (Populus tremuloides Michx), le peuplier baumier {Populus balsamifera L.) qui

colonise les versants sud, le bouleau blanc {Betula papyrifera March), ainsi que le mélèze

(Larix lancina (Du Roi) K. Koch). On retrouve aussi de nombreuses espèces d'arbustes

comme l'aulne crispé {Alnus crispa Aiton), le saule à feuilles planes (Salix planifolia

Pursh) et le bouleau glanduleux (Betula glandulosa Michx) (Bégin et al., 1998).

Page 19: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

12

2.5 Site d'étude

Le choix de travailler dans la partie nord-ouest de la Jamésie afin d'étudier la

dynamique sédimentaire des lacs de petite taille présente plusieurs avantages. D'une part,

cette région bien qu'éloignée, reste très accessible par la route. La faible densité de

population a épargné les écosystèmes de l'impact de l'anthropisation. Le site d'étude se

situe à proximité du village de Radisson et couvre un territoire d'environ 3000 km2, entre

les latitudes 53°28' et 53°43' nord, et les longitudes 78°20' et 77°30' ouest. Ces limites

physiques sont formées du nord au sud, par la rivière La Grande et le lac Duncan et d'est en

ouest, par le réservoir Robert Bourassa et la limite ouest du bassin versant de la rivière

Nécopastic.

Figure 3. Localisation du site d'étude

Ce territoire est occupé par plus de 150 étendues d'eau dont les tailles varient entre

cinq kilomètres carrés pour le lac Kauskatikakamaw à quelques dizaines de mètres carrés

pour des marres tourbeuses. La topographie est représentative de la région avec des

altitudes faibles ne dépassant pas les 175 m.

Page 20: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

Figure 4. Site d'étude, mosaïque de photographies aériennes

Page 21: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

14

Le territoire couvre entièrement le bassin versant de la rivière Nécopastic, qui est un sous

bassin de la rivière La Grande. La partie nord-est du site d'étude est occupée par une partie

du bassin de cette rivière, tandis que la partie sud du territoire recouvre le nord-ouest du

bassin versant du lac Duncan (Figure 3). Les cours d'eau de ce territoire sont de taille

modeste, la Nécopastic étant la rivière la plus importante par la superficie de son bassin

versant. Le site d'étude présente une importante diversité sur le plan géologique et des

dépôts de surface. L'inlandsis Laurentidien a modelé le paysage, dont la principale

empreinte est la moraine de Sakami qui suit le tracé actuel de la route du Nord et sur

laquelle viennent s'appuyer plusieurs lacs (Hardy, 1982). Par la suite, l'invasion de la mer

de Tyrrell a laissé beaucoup de silt argileux, ainsi que des dépôts littoraux et prélittoraux

composés de sable, de gravier et d'autres éléments grossiers.

Page 22: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

MÉTHODES

Plusieurs techniques permettant de traiter l'aspect spatial et dynamique des rivages

lacustres. Ce travail repose principalement sur la photo-interprétation. Cet outil offre la

possibilité d'analyser de grands espaces avec précision. Une analyse statistique a ensuite

permis de quantifier les données obtenues et aidée à répondre aux hypothèses formulées

précédemment.

3.1 Choix du site

La dynamique sédimentaire des lacs de petites tailles a été étudiée sur un site situé à

proximité du village de Radisson, car il répond à plusieurs exigences. Afin d'obtenir un

poids statistique important, il a fallu rechercher un territoire occupé par de nombreux lacs,

dont les caractéristiques physiques étaient variées. Dans le but d'obtenir le plus

d'information possible, ce territoire devait être couvert par des photographies aériennes

assez récentes afin de montrer les conditions actuelles. L'accessibilité de certains lacs

possédant une plage était un critère important afin de pouvoir observer en détail ces sites.

La route de la Baie de James offrait également la possibilité de répondre à cette exigence.

La superficie des lacs devait aussi rester dans un écart permettant l'étude de petite et

moyenne étendues d'eau. Les lacs retenus n'étaient que peu ou pas affectés par une

anthropisation, afin d'éliminer les perturbations non naturelles.

3.2 Analyse des photographies aériennes

Le choix d'utiliser des photographies aériennes comme support s'est effectué dans le

but d'obtenir le maximum d'informations sur le territoire d'étude. Ces photographies nous

renseignent sur les caractéristiques lacustres, sur les dépôts de surface, sur la nature et la

Page 23: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

16

densité de végétation, ainsi que sur la topographie (Paine, 2003). Cet outil combine donc

l'information contenue sur plusieurs cartes. Afin de couvrir tout le territoire d'étude, une

mosaïque de photographies aériennes a été réalisée. Au total, 256 photographies aériennes à

une échelle de 1 : 20 000 ont été numérisées puis géoréférencées au moyen du logiciel Arc

GIS. Les fonds de cartes numériques du Lac Vion, de la Rivière Achazi, du lac du Vaulx et

du lac Esprit toutes aux 1 : 50 000, ont permis de géoréférencer les photographies

aériennes. Cette mosaïque recouvre un territoire de plus de 3200 km2 où l'on dénombre

plus de 200 étendues d'eau de taille variée. Seuls les lacs dont la taille est supérieure à 25

000 m2 ont été retenus dans cette étude. La taille minimale d'un lac permettant de le

démarquer des mares et des étangs n'est certes pas définie clairement dans la littérature

(Touchart, 2000). Ainsi, la taille minimale de 25 000 m2 correspond, d'après nos

observations dans la région d'étude, à la superficie maximale des mares, dont le dynamisme

riverain est faible, voire nul.

Au total, 155 lacs dont la taille est supérieure ou égale à 25 000 m2 ont été étudiés.

Les cartes numériques n'étant pas assez précises, le pourtour des lacs a été retracé grâce au

logiciel ARC GIS. Plusieurs paramètres ont été relevés. Tout d'abord, on a considéré la

taille ainsi que le périmètre pour obtenir l'indice de sinuosité, ainsi que la forme générale

des lacs (ronde, allongée, etc.). Deux longueurs de fetch ont été mesurées, la longueur du

fetch du plus grand axe de chaque lac, ainsi que le plus grand fetch d'orientation est-ouest.

Cette dernière mesure correspond à la direction des vents dominants dans la région

(Dionne, 1979).

Page 24: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

17

Figure 5. Délimitation des cellules sédimentaires Cl à C6 du lac Kamamachisikamach

Parmi les 155 lacs étudiés, 28 lacs présentent une plage, et ont fait l'objet de mesures

plus détaillées. Au total, plus de 70 plages ont été référencées sur ces rivages lacustres.

Dans un premier temps, les contours de ces 28 lacs ont été délimités en cellules. Ces

cellules ont ensuite été mesurées de la même manière. La cellule d'alimentation en

sédiments a été délimitée et mesurée pour chacune des plages des différents lacs. Ces

cellules correspondent à la longueur entre deux sommets de cap (avancée terrestre dans le

lac) (Figure 4). Ces mesures nous permettent de nous renseigner sur la longueur de rivage

pouvant alimenter le fond de la cellule en sédiments. Chacune de ces cellules, occupées par

une plage sauf quelques exceptions, ont été divisées en trois zones, Cl.l et Cl.3 étant

respectivement les parties de cellules placées à droite et à gauche de la plage et Cl.2 étant

la plage (Figure 5). Cette délimitation s'est faite dans le but de mesurer la force de la houle

sur ces sous-parties. Les longueurs de fetch perpendiculaires à chaque zone, ainsi que celles

d'orientation est-ouest, ont été mesurées. Ces distances peuvent expliquer des vitesses et

des intensités de vents favorisant une dynamique sédimentaire. Comme la nature du

substrat riverain joue un rôle important sur l'érosion et l'apport sédimentaire, les types de

rivages ont été identifiés pour chaque sous-partie de cellules. Ainsi, plusieurs types de

rivages ont été identifiés, tels que les rivages rocheux, tourbeux, sédimentaires et sableux.

Page 25: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

18

V .C1.1

C1.3

à G5u c i1

f •̂•< •

Fond

C1.2

y

'0 50 m

Figure 6. Sous-parties de cellules sédimentaires riveraines, Cl . l (droite), Cl.2 (fond) etCl.3 (gauche) du lac Kamamachisikamach

3.3 Analyse statistique

Les données ont été récoltées grâce au logiciel ARC GIS et transmises dans un tableur

afin de créer une base de données. Le tableau ci-dessous montre les différentes variables

qui ont été analysées, ainsi que les divers tests statistiques utilisés. La matrice « Lacs » dans

le tableau 1 montre une première analyse permettant de caractériser l'ensemble des 155 lacs

à l'étude. Ensuite, nous avons concentré l'analyse sur les lacs possédant une ou plusieurs

plages, ce qui correspond à la matrice « Cellule » du tableau.

Plusieurs tests comparatifs ont été effectués entre les lacs qui possèdent des plages et

ceux qui n'en ont pas, afin d'expliquer les variables communes à ces deux catégories de

lacs (Dumolard et al, 2003).

Page 26: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

19

Tableau 1. Traitements statistiques à l'échelle des lacs et des cellules sédimentaires

Matrice

Lacs

CellulesSédimentaire

Type de variables

Variable dépendante

Absence Présence deplage; Nombre de plage

Présence de plage: Oui ouNon

Variable indépendante

• superficie• périmètre• orientation générale• forme• longueur de fetch maximale• longueur de fetch maximale

d'orientation est-ouest• présence et nombre de plage• nombre et taille des

d'exutoires,• type d'environnement

sédimentaire• longueur• type de substrat• orientation• longueur de fetch maximal

perpendiculaire au rivage• fetch maximal d'orientation

est-ouest

Test

• Test de /• Régression

logistique

• Test de /

Les régressions multiples ont été employées pour éliminer les variables produisant des

informations redondantes. La régression linéaire simple ordinaire (Moindre Carré

Ordinaire) a pour but de modéliser la relation entre une variable dépendante quantitative et

une variable explicative quantitative. Lorsque la variable à expliquer est binaire (oui/non,

présence/absence), il faut avoir recours à la régression logistique (Ter Braak et Tongeren

1995 ; Bernard, 2003). La régression logistique permet de calculer la probabilité de

présence de plage pour une valeur de donnée, de superficie ou de longueur de fetch.

Page 27: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

20

RESULTATS

4.1 Échelle des Lacs

4.1.1. Caractéristiques morphométriques des lacs

L'analyse des photographies aériennes a permis d'identifier 200 étendues d'eau, mais

155 d'entre elles dont la taille était supérieure à 0,025 km2 ont été retenus. En deçà de cette

limite seule la présence de marres tourbeuses a été observée, dont l'activité sédimentaire est

faible, voire nulle. Toutefois, deux lacs (1,3 %) d'une superficie inférieure à cette

dimension ont été retenus dans l'échantillon, afin de montrer l'inactivité sédimentaire des

lacs sous le seuil dimensionnel de 0,025 km2. Ainsi, les pourtours des 155 lacs présents sur

le territoire d'étude ont permis d'étudier plus de 360 km de rivage lacustre. La taille

moyenne des lacs est de 0,253 km2 et varie entre 0,010 km2 (LR073) et 5,17 km2 (LR086).

65% (n=102) d'entre eux sont des lacs de tête.

100 -

CD

iÔ-a0o0)

g. 40-CD

20 -

0 -\

n = 155

0,245 2 fiSuperficie (km2)

Figure 7. Distribution de fréquence des lacs selon leur superficie

Page 28: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

21

Les lacs de petite taille sont les plus nombreux, puisque 80 % (n=124) ont une

superficie inférieure à 0,25 km2 (Figure 6). Au total, 28 lacs (18 %) présentent au moins

une plage sur une partie de leur rivage (Figure 7). La majorité des lacs avec plage (n=19) ne

possèdent qu'une seule plage. Les lacs se situent sur un territoire recouvert par neuf types

de substrats différents, où la tourbe et le roc sont les dépôts dominants. On retrouve des

dépôts datant du Wisconsinien supérieur (dépôts glaciaires) et de l'Holocène (dépôts

postglaciaires) (Hardy, 1982; Vincent, 1986).

4.1.2. Superficie des lacs

La répartition des lacs en fonction de leur taille permet de mettre en évidence trois

classes. Les lacs de classe 1 (inactive) possèdent une stabilité de rivage caractérisée par

l'absence totale de plage. 43 lacs (27,74 %) composent cette classe, dont la superficie

moyenne est de 0,46 km2. Leur superficie varie de 0,01 km2 (LR073) à 0,65 km2 (LR023).

La classe 2 (probablement actifs) regroupe le plus grand nombre de lacs (107) où l'activité

sédimentaire est possible. En effet, cette classe est composée de 23 lacs avec plage (21,5 %)

et 84 libres de toute plage (78,5 %). Leur superficie s'échelonne entre 0,06 km2 (LR117) et

1,05 km2 (LR135) avec une moyenne de 0,19 km2 pour les lacs sans plage et de 0,31 km2

pour les lacs avec plage. La classe 3 (active) est composée de cinq lacs possédant tous au

moins une plage et dont les superficies sont toutes supérieures à 1,06 km2, la superficie

moyenne des lacs de cette classe est de 2,28 km2.

Un test de / a montré qu'il existe une relation significative entre la présence de plage

et la taille des lacs. La régression logistique confirme que la probabilité qu'un lac possède

une plage augmente en fonction de sa taille. Le modèle utilisé, prédit à 71,4% la présence

plage, à 76,4% l'absence de plage pour un total de prédiction de 75,5%.

Page 29: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

22

10,00 !

1,00 i

Superflce(en km2)

0,10 -

0,01 -

0,00

• Lacs sans plage (n » 127)v Lacs avec plage (n - 28)

n=155

Superfice moyenne :0,0462 km'

Superficie moyenne des lacs sans plage: 0,186 km1

Superficie moyenne des lacs avec plage : 0,314 km1

^Superficie maximaleo poujj'absence de plage

Superficie minimale_pourja_présence de plage

Superficie moyenne : 2,89 km2

Inactive(Lacs sans plage)

Probablement active(Laos «ans plage et avec plage)

Active(Lace avec plage)

Activité sédimentaire estimée

Figure 8. Estimation de l'activité sédimentaire selon la superficie des lacs

©-—-o-

00,066 1 1,06 22,06Superficie (km2)

O Lacs avec plage (n = 127)• Lacs sans plage (n = 28)

Figure 9. Probabilité d'occurrence de plage en fonction de la superficie des lacs

Page 30: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

La probabilité d'occurrence de plage varie pour les trois classes (Figure 8). Ainsi, la

superficie des lacs de la classe 1 (inactive) présente une probabilité de présence de plage

variant entre 6,4 et 8,3%. La probabilité de présence de plage pour les lacs de la seconde

classe (probablement active) varie de 8,3 à 92,8 %. Les plus grands lacs qui composent la

classe 3 (active) ont entre 92,8 et 100 % de chance d'avoir au moins une plage. D'après le

modèle, la superficie lacustre à partir de laquelle tous les lacs ont une plage est de 2,528

km2.

4.1.3. Fetch

Le fetch est une variable qui regroupe à la fois l'orientation et la longueur d'eau libre

devant un point du rivage (Tableau 2). On retrouve des lacs dans les quatre orientations

principales. Cependant, on peut noter une différence de répartition entre les lacs avec et

sans plage. Si les lacs sans plage s'orientent principalement dans trois directions, est-ouest,

nord-est ; sud-ouest et nord-ouest ; et sud-est, les lacs avec plage sont majoritairement

orientés suivant deux directions qui sont est-ouest et nord-est ; sud-ouest. C'est d'ailleurs

dans cette dernière orientation que l'on retrouve le plus grand nombre de lacs avec plage

(13 lacs, 46, 4 %). Les lacs d'orientation est-ouest (n=10) représentent 35,7 % des lacs qui

possèdent au moins une plage. Ces deux orientations correspondent aux directions des

vents dominants de cette région (Figure 8).

Tableau 2. Orientation générale des lacs avec et sans plage

Orientation du fetchmaximal

est ; ouestnord-est ; sud -ouestnord-ouest ; sud-est

nord ; sudTotal

Lacssansplage

474633

1127

Lacs avecplage

101350

28

Total delacs

575938

1155

Part des lacs avecplage (%)

35,746,417,90,0

100,0

Page 31: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

24

Malgré une légère différence dans l'orientation des vents dominants entre la période

d'eau libre et la période glacielle, les vents d'ouest restent les plus fréquents avec 20,6 %.

Les vents du sud-ouest qui sont les seconds par leur fréquence, soufflent durant 16,7 % du

temps. La vitesse moyenne des vents est assez homogène dans toutes les directions, sauf

pour les vents venant du nord-est (2,8 m/s). Les vents les plus rapides viennent du sud-

ouest avec une vitesse moyenne de 4,69 m/s. Les vitesses dans les autres directions varient

entre 4,64 et 3,84 m/s (Figure 9).

a)

Ouest

c)

Ouest

e)

Ouest

b)

Est Ouest Est

Sud Sud

d) Nord5 m/8

Est Ouest Est

Sud Sud

f) NordS m/s

Est Ouest Est

Sud Sud

Figure 10. Orientation moyenne annuelle des vents (a), période d'eau libre (c), période degel (e) et vitesse moyenne annuelle (b), période d'eau libre (d), période de gel (f)

Page 32: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

25

5000

1000 -

Lacs sans plage (n = 127)Lacs avec plage (n = 28)

100

n« 155

r = 0,53p < 0,05

Stabto(Lactsanspltg*}

Probjtltmèn! art va(Lacs nnc plaga el avac plage)

Activité sédimentaire

Activa

(Lacs avac plagt)

Figure 11. Estimation de l'activité sédimentaire en fonction des longueurs de fetch est-ouest

Un test de t montre qu'il existe une relation significative entre la longueur du fetch

est-ouest et la présence de plages. La répartition des lacs suivant leur longueur de fetch est-

ouest permet de montrer trois classes de lacs. La première regroupe les lacs ayant une

activité sédimentaire stable et caractérisé par un fetch est-ouest trop faible pour avoir une

plage. La longueur maximale de fetch mesurée pour cette classe est de 215 m (LR034). Le

plus faible fetch est-ouest mesuré sur un lac possédant une plage est de 230 m (LR126)

(Figure 10). Les lacs qui appartiennent à la deuxième classe sont des lacs ayant une

possibilité d'activité sédimentaire et dont les longueurs de fetch varient entre 230 m

(LR126) et 1353 m (LR135). Cette classe est composée de 141 lacs dont 25 (17,7 %)

possèdent une plage et 116 (82,3 %) n'en ont pas. Les lacs de classe 3 possèdent tous une

plage et ont des fetch est-ouest supérieurs à 2000 m. D'après les observations, une longueur

de fetch supérieure à 2000 m semble assurer la présence d'une plage, alors que le modèle

de régression logistique estime la probabilité à 5 % de ne pas avoir de plage avec cette

même longueur de fetch (Figure 11). En effet, le modèle estime qu'un lac doit posséder un

fetch est-ouest d'au moins 3500 m pour assurer qu'une partie de son rivage soit occupée

par une plage.

Page 33: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

26

0 1000 2000 2300 3000 3500 4000

Longueur de fetch est-ouest (m)

• Lacs sans plage (n = 127)O Lacs avec plage (n = 28)

Figure 12. Probabilité d'occurrence de plage en fonction du fetch est-ouest

4.1.4. Forme des lacs

Quatre types de formes lacustres ont été recensés, les lacs longiformes, ronds, en

croissant et les lacs de formes diverses. Un test de chi deux montre qu'il existe une relation

entre la forme et la présence de plage. Malgré cela, aucun test statistique ne permet de

déterminer les formes favorisant ou pas la présence de plages.

4.1.5. Environnements sédimentaires lacustres

Quatre types de substrats composent principalement les rivages lacustres,

principalement le roc, suivent la tourbe et le till de fond sablonneux et enfin les dépôts

Page 34: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

27

d'eau profonde. Ils représentent en terme d'occupation riveraine, 32, 28,3, 18 et 12,4 %

respectivement.

Tableau 3. Occupation des types de substrats riverains

Types de dépôts

Till

Dépôt fluviatile

Dépôt littoral et prélittoral

Moraine de Sakami

Esker

Dépôt d'eau profonde

Till de fond sablonneux

Tourbe

RocTotal

Longueurriveraine (km)

1,2

2,02

8,53

8,K4

12,42

45,07

66,69

102,94

116,54364,25

Longueurriveraine (%)

0,3

0,6

2,3

2,4

3,4

12,4

18,3

28,3

32100

Au sein des trois classes (inactive, probablement active et active), des différences

significatives quant à la proportion des substrats riverains ont été observées (Figure 7). Les

quatre principaux types de substrats présents dans ces trois catégories montrent que les lacs

de classe 1 ont une part importante de leur rivage occupée par de la tourbe (45 %). Le roc

(18,5%) et les dépôts de till de fond sablonneux (10,6 %) sont aussi présents en assez

grande proportion. Le substrat le plus fréquent sur le rivage des lacs de classe 2 est le roc

(32,8 %), un peu plus de 25 % de leur rivage sont occupés par de la tourbe et 16,8 % par

des dépôts de till de fond sablonneux. Le rivage des lacs de classe 3 est formé de roc (36,4

%) et de manière égale par la tourbe et les dépôts de till de fond sablonneux qui recouvre

respectivement 28 %. Un test de / confirme, que seuls les dépôts de till de fonds

sablonneux, ainsi que le roc, influencent de façon significative la présence de plages. Le

rivage des lacs de classe 1, qui n'ont aucune plage, ne sont occupés qu'à 10,6 % par du till

de fonds sablonneux, alors que les lacs de classe 3 le sont à près de 30 %.

Page 35: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

2 S

Tourbe

Roc

Till de fond sablonneux

Dépôt d'eau profonde

Dépôt d'esker -

Dépôt littoral et prélittoral

Moraine de Sakami -

Dépôt fluviatile -

Dépôt de till -

LacsLacsLacs

actifs n = 5probablement anactifs n = 43

:tifs n = 107

10 20 30

Proportion de rivage (%)

40 50

Figure 13. Répartition des différents types de substrats riverains en fonction des différentesclasses

Pour les lacs de classe 2, une différence notoire existe entre les lacs sans plage et

ceux avec plage. Ces derniers ont une proportion plus importante de rivages occupés par du

till de fond sablonneux à 23,4 %, comparativement à 14,5 % pour les lacs sans plage. Les

proportions de tourbe et de roc sont, par ailleurs, plus importantes sur les lacs sans plage

(respectivement 21 % et 30,6%) que sur les lacs avec plage (respectivement 26,6 % et 34

Page 36: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

Roc -

Tourbe

Till de fond sablonneux -

Dépôt d'eau profonde -

Dépôt d'esker -

Dépôt littoral et prélittoral -

Moraine de Sakami -

Dépôt fluviatile -

Dépôt de till -.acs sans plageLacs avec plage

10 20 30

Proportion de rivage (%)

40

Figure 14. Répartition des différents types de substrats riverains des lacs de classe 2

4. 2 Échelle des cellules sédimentaires

4.2.1. Caractéristiques morphométriques des cellules sédimentaires.

L'analyse riveraine des 28 lacs possédant une plage a permis de diviser ces lacs en

212 cellules sédimentaires. Le nombre de cellule par lac varie de trois (LR028, LR030,

LR121) à 23 (LR086). En moyenne, le rivage de ces lacs est découpé en 7,7 cellules dont

les longueurs de rivage s'échelonnent entre 47 m (LR045, C08) et 3692,6 m (LR079, COI),

pour une moyenne de 625 m. Parmi celles-ci, 160 (75,5 %) n'ont pas leur fond occupées

par une plage et 52 en possèdent une (24,5 %).

Page 37: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

30

4.2.2. Longueur de rivage des cellules sédimentaires

Trois classes de cellules se distinguent, la première est constituée de cellules dont les

longueurs de rivages varient entre 47 m (LR045, C07) et 207,5 m (LR027, C03). Aucune

de ces cellules ne possèdent une plage. La deuxième classe est constituée de cellules

sédimentaires avec plage et sans plage. Les longueurs de rivage s'échelonnent entre 213,8

m (LR138, CIO) qui est la cellule sédimentaire la plus petite occupée par une plage, et

1467,9 m (LR086, Cl5). La classe 3 regroupe des cellules de grande taille allant de 1502,8

m (LR086, Cl 1) à 3692,6 m (LR079, COI), aucune de ces cellules ne possède de plage.

5000

E

g J 1000"É Q)

a> ES- >Q)

yC 3O SB

•° 100

• Cellules^ Cellules

S0

»

sans plage (navec plage (n

s**r

= 160)= 52)

r = 0,05p > 0,05

S*

•••/•

Classe 1 Classe 2

Classes des cellules sédimentairesClasse 3

Figure 15. Estimation de l'activité sédimentaire de cellules sédimentaire en fonction deleur longueur de rivage

4.2.3. Fetch

La totalité du rivage lacustre appartenant à une cellule sédimentaire, on retrouve ainsi

des cellules sédimentaires exposées dans toutes les directions nord, est, sud et ouest. Les

Page 38: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

31

cellules sédimentaires sans plage se répartissent de manière équilibrée, contrairement à

celles avec plage qui s'orientent principalement dans trois directions (Figure 15). Parmi les

cellules sans plage, celles d'exposition sud sont les moins fréquentes avec 6,1 % (n = 10).

Les cellules exposées sud-ouest et nord englobent chacune 9,2 % (n = 15) et les cellules

sédimentaires d'exposition nord-ouest représentent 9,8 % (n = 16). Celles d'exposition

nord-est, sud-est, ouest sont les plus présentes et regroupent respectivement 15,3 % (n =

25), 16,5 % (n = 26), 16,5 % (n = 26), 17,2 % (n = 27). Toutefois, la répartition des cellules

avec plage est beaucoup plus variable. En effet, les plages se localisent principalement au

sud-ouest (32,7 %) et à l'ouest (26,9 %). À elles seules, ces deux expositions rassemblent

31 cellules sédimentaires (59,6 %) occupées par une plage. On observe également 15, 4 %

(n = 8) des plages dans des cellules d'exposition sud-est et 7, 7 % (n = 4) dans des cellules

d'exposition nord-ouest.

35

£B

dim

eiIu

les

sede

s ce

l

g

30 -

25 -

20-

15 -

10-

2 H

Cellules sans plage (n = 160)Cellules avec plage (n • 52)Fréquence des vents

, \

I

r = 0,73p < 0,05

r 3 5

30

25 -s-

20

15 8

10 "t

Nord Nord-est Est Sud-est Sud Sud-ouest Ou est Nord-ouest

Exposition du fond de la cellule sédimentaire

Figure 16. Répartition des cellules sédimentaires avec plage et sans plage en fonction deleur exposition

Page 39: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

Pour les longueurs de fetch, les cellules avec plage possèdent en général des

longueurs de fetch plus importantes. Le fetch faisant face aux cellules sédimentaires sans

plage est relativement uniforme et ne varie qu'entre 553,4 m (nord-ouest) et 826,9 m (est).

Les cellules sédimentaires avec plage ont en moyenne des longueurs de fetch de 200 m

supérieures aux cellules sans plage, leurs longueurs variant entre 400,3 m (nord) et 1979,1

m (est). La comparaison de l'exposition des cellules avec la fréquence des vents (Figure

16), permet de remarquer que le fetch des cellules sédimentaires avec plage est plus long

dans la direction des vents les moins fréquents. Ainsi, les conditions de site influencent

grandement la présence de plage avec cette direction de vent. Les plages ayant une

exposition aux vents d'est nécessitent des longueurs de fetch beaucoup plus importantes

puisqu'ils sont des vents peu fréquents (10,4%) (Figure 16).

2500 - - 25

Cellule sans plage (n = 160)Cellule avec plage (n = 52)Fréquence des vents

Nord Nord-est Sud-est Sud Sud-ouest Ouest Nord-ouest

Exposition du fond de la cellule sédimentaire

Figure 17. Longueur de fetch des cellules sédimentaires avec plage et sans plage enfonction de leur exposition

Page 40: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

33

4.2.4. Caractéristiques environnementales des cellules sédimentaires

Tous les substrats, à l'exception du till, sont présents dans les différentes cellules avec

plage. Les proportions entre les deux types de cellules restent généralement équivalents

(Figure 17). Avec 35 % pour les cellules avec plage et 32,2 % pour les cellules sans plage,

le roc est le substrat le plus couramment rencontré. Le till de fond sablonneux occupe en

moyenne 31 % des cellules avec plage et 24,1 % des cellules sans plage. Contrairement au

roc et au till sablonneux, la tourbe est moins présente dans les cellules avec plage (16,6 %)

que dans les cellules sans plage (25,9 %).

Roc -

Till de fond sablonneux -

Tourbe -

Dépôts d'eau profonde -

Dépôts d'esker

Dépôts littoraux et prélittoraux -

Moraine de Sakami -

Dépôts fluviatiles -^ M Cellules sans plage (n = 160)l l Cellules avec plage (n = 52)

0,0 0,1 0,2 0,3

Pourcentage riverain (%)

0,4

Figure 18. Répartition des différents types de substrats riverains dans les cellules avecplage et sans plage

4.2.5. Substrat supra riverain

L'analyse des photographies aériennes a permis d'observer que les cellules présentent

deux types de plages différents. Le premier regroupe les plages héritées, qui se forme sur

un substrat meuble constitué d'une large part de sédiments fins tel que le sable. Le

Page 41: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

34

deuxième type de plage sont les plages de « poche », qui viennent s'appuyer sur un substrat

comme le roc ou la tourbe, dont la teneur en sédiments meubles est faible, voire nulle. Ces

dernières sont la preuve de la présence de processus suffisamment puissants pour permettre

l'érosion et le transport de sédiments. Ces plages se retrouvent principalement sur des lacs

de plus grande taille dont la superficie moyenne est de 2,98 km et varie de 0,77 km2

(LR021) à 5,17 km2 (LR086) (Figure 18). Les plages accolées à de la tourbe, sont des

phénomène qui se retrouvent aussi sur les lacs de grande taille avec en moyenne une

superficie de 1,62 km2, cependant un seul lac de seulement 0,13 km2 de superficie (LR030)

possède une plage de ce type.

Roc -

Tourbe -

Till de fond sablonneux -

Dépôts d'eau profonde -

Moraine de Sakami -

Dépôts d'esker -

Dépôts littoraux et prélittoraux -

0,0 0,5

n = 52

1,0 1,5 2,0 2,5

Superficie moyenne des lacs (Km2)

3,5

Figure 19. Taille moyenne des lacs en fonction du substrat supra-riverain des plages

Les plages formées au contact des différents substrats supra-riverains composés de

dépôts meubles, se localisent sur des lacs de taille moindre. La superficie moyenne varie

entre 1,13 km2 pour les plages formées sur des dépôts de till de fond sablonneux et 0,066

km2 pour les plages formées sur des dépôts littoraux et prélittoraux.

Page 42: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

4.2.6. Fetch des cellules héritées

La subdivision des plages ne doit pas être effectué en fonction du substrat supra-

riverain des lacs, puisque le nombre d'individus n'est pas suffisamment élevé pour être

représentatif (Figure 19). Ainsi, seuls les substrats riverains regroupant au moins 10 % (n =

5) des cellules avec plage peuvent être considérés comme représentatif. Quatre types de

substrats regroupent un minimum de cinq plages. Même si les écarts restent limités, on

observe que les longueurs de fetch sont plus importantes devant les plages appuyées à des

substrats rocheux ou organiques.

Moraine de Sakami -

Tourbe -

Roc -

Dépôts d'esker -

Dépôts d'eau profonde -

Till de fond sablonneux -

Dépôts littoraux et prélittoraux -

n = 1

n = 14

n = 14

n = 2

n = 5

n = 15

n = 1

n = 52

200 400 600 800 1000 1200

Longeur de fetch est ouest moyen (m)

1400

Figure 20. Longueur moyenne des fetch Est ouest en fonction du substrat supra riveraindes plages

Le till de fond sablonneux est le substrat où sont présentes le plus de plage (n =15)

avec des longueurs de fetch de 377,7 m, en moyenne. Les deux substrats non composés de

sédiments meubles ont des longueurs moyennes de fetch de 437,7 m pour le roc et 466,8 m

pour la tourbe. Les dépôts sédimentaires caractérisés par la moraine de Sakami, les dépôts

d'esker et les dépôts littoraux et prélittoraux ne possèdent pas un nombre de plage

suffisamment élevé pour estimer des longueurs de fetch représentatif pour l'établissement

Page 43: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

36

de plages. Cependant la plage formée sur des dépôts littoraux et prélittoraux est la plage

ayant le plus petit fetch est-ouest (149,1 m).

La subdivision des plages en fonction du type de substrat supra-riverain et de leur

exposition, entraîne la formation de classes, dont le nombre de plage ne permet pas de

constituer des regroupements significatifs à leur analyse. Malgré cela, plusieurs

regroupements appuient les résultats précédant et montrent que pour les mêmes expositions,

les longueurs de fetch sont plus courtes pour les plages positionnées sur des dépôts

meubles.

Tableau 4. a) Nombre de plages en fonction du type de substrat supra-riverain et de leurexposition, b) Longueur moyenne de fetch en fonction du type de substrat et de l'expositiondes plages

a) Type de substratsupra-riverain

Till de fondsablonneux

Roc

Tourbe

Dépôt d'eau profonde

Dépôt d'eskerDépôt littoral et

prélittoralMoraine de Sakami

Exposition

N

0

1

0

0

0

0

0

NE

0

0

1

0

1

0

0

E

2

1

0

0

0

0

0

SE

2

1

4

2

0

0

0

S

0

3

0

0

0

0

0

SO

5

2

3

3

0

1

0

0

4

4

6

0

1

0

1

NO

2

2

0

0

0

0

0

Total

15

14

14

5

2

1

1

b)

Type de substratsupra-riverain

Till de fondsablonneux

RocTourbe

Dépôt d'eauprofonde

Dépôt d'eskerDépôt littoral et

prélittoralMoraine de

Sakami

Longueur moyenne de fetch (m)N0,0

400,4

0,0

0,0

0,0

0,0

NE0,0

0,0

2045,60,0

570,10,0

0,0

E2122,6

1544,40,0

0,0

0,0

0,0

0,0

SE1043,3

1402,4398,9558,8

0,0

0,0

0,0

S0,0

580,70,0

0,0

0,0

0,0

0,0

SO278,7

760,2611,5466,0

323,2

0,0

O521,0

284,9723,9

0,0

952,10,0

1231,6

NO334,4

518,20,0

0,0

0,0

0,0

0,0

TotalTotal

278,728

400,354398,946465,987

570,115323,178

1231,612

Page 44: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

37

DISCUSSION

5.1 Rôle de la morphométrie lacustre dans l'activité sédimentaire

La diversité morphométrique des lacs de la région (superficie, orientation, fetchs,

substrat riverain) a permis de mettre en évidence le rôle important joué par les facteurs

permanents du lac sur son activité sédimentaire riveraine. Parmi ces facteurs, la superficie

apparaît comme étant la variable la plus significative. En effet, une occurrence plus

importante de la présence de plage est constatée à mesure que la superficie des lacs

augmente (Figure 2). Cette remarque est appuyée par un modèle statistique réalisé au

moyen d'une régression logistique confirmant une occurrence de la présence de plage sur

les lacs de plus grande taille. Les rivages et formes peu découpés des lacs entraînent une

autocorrélation liant les différents facteurs permanents (superficie, fetch est-ouest, fetch

maximal). Ainsi, les lacs de plus grande superficie présentent des conditions plus

favorables à l'établissement de plages, telles que des longueurs de fetch plus importantes.

Les différentes longueurs de fetch (est-ouest et maximale) montrent l'influence des

vents dominants venant de l'ouest. En effet, les lacs dont l'orientation générale correspond

à celle de ces vents, sont ceux regroupant le nombre de plages le plus important (est-ouest,

nord-est et sud-ouest). Comme pour la superficie, cette observation est étayée par un

modèle statistique, réalisé lui aussi à l'aide d'une régression logistique, qui témoigne d'une

occurrence de plages plus grande sur les lacs ayant le fetch est-ouest le plus long. La

présence de longs fetch dans les directions des vents dominants favorisent la mise en action

de processus pouvant générer une dynamique sédimentaire.

Les processus qui affectent l'activité sédimentaire en milieu lacustre sont de deux

types, d'une part, les processus glaciels (Dionne, 1979 ; Shoiry, 1983) et d'autre part, les

processus de houle (Hakânson et Jansson, 1983, Allan et Kirk, 2000 ; Schofield et al,

2004). L'absence de galets ou de blocs, ainsi que la présence d'une stratification sableuse

Page 45: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

hétérogène, montrent des processus de faible intensité. La superficie des lacs étudiés ne

permet pas la mise en action de processus glaciels. De même, l'absence de cicatrices sur les

arbres riverains permet d'appuyer ce résultat qui concorde avec ceux proposés par Michel

(1972). En effet, lors de la fonte du couvert de glace des lacs de petite taille, ce dernier ne,

se morcelle pas, mais fond avant la crue des eaux (Bernard, 1972 ; Adam et Roulet, 1980).

L'activité sédimentaire riveraine des lacs de petite taille est ainsi mise en mouvement grâce

à la houle, venant remanier les sédiments riverains (Maleval et Astrade, 2003 ; Papon et al.,

2006).

L'activité sédimentaire riveraine dépend des facteurs permanents du lacs. Ceux-ci

sont d'ailleurs en ordre hiérarchique selon leur influence. À l'échelle des lacs, la superficie

est la variable la plus explicative de la présence de plages. L'orientation générale de la

plage, sa longueur de fetch maximale et le substrat dans lequel elle s'est implantée,

affectent également de manière évidente son activité sédimentaire riveraine. Les cellules

sédimentaires ont, en outre, une autre hiérarchisation. En effet, contrairement aux lacs,

l'augmentation de leur taille ou la longueur du rivage n'explique pas la présence de plage.

La variable affectant le plus leur activité est leur exposition. Les cellules exposées aux

vents les plus fréquents (est-ouest, nord-est ; sud-ouest) ont des conditions de site favorisant

cette dynamique qui, sous l'action de la houle, tend à déplacer les sédiments jusque dans le

fond des cellules. Ce dynamisme n'est possible que si les sédiments sont présents dans la

cellule. Par conséquent, en vue de la faible puissance des différents processus évoqués, il

est essentiel que le substrat constituant le rivage de la cellule soit meuble. Les longueurs de

fetch faisant face à ces cellules, ainsi que leur longueur de rivage, jouent aussi un rôle

majeur dans l'activité sédimentaire de ces cellules.

5.2 Influence de l'héritage post glaciaire

Différents événements géomorphologiques majeurs ont modelé le paysage du Nord

québécois. La déglaciation qui s'est produite entre 12 000 et 8000 ans BP, ainsi que

l'invasion marine qui a suivi vers 8000 et 7000 ans BP, ont laissé des marques et des dépôts

Page 46: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

39

bien visibles dans le paysage (Hardy, 1982 ; Veillette, 1994). Les dépôts meubles, tels que

les dépôts de till de fond sablonneux ou les dépôts littoraux et prélittoraux, sont des dépôts

facilement remaniables par des processus subactuels ou actuels comme l'activité riveraine

pour les milieux lacustres. À l'inverse, les substrats organiques (tourbe) et rocheux ne vont

pas favoriser l'activité sédimentaire, puisqu'ils sont pauvres en sédiments meubles.

Le type de substrat riverain va donc être déterminant dans l'éventuel remaniement

sédimentaire. En effet, les caractéristiques physiques des lacs prises en compte dans cette

étude engendrent des processus de faible intensité dans la dynamique sédimentaire. Ainsi,

les substrats meubles et riches en sédiments fins, tels que le till de fond sablonneux ou les

dépôts littoraux et prélittoraux, vont pouvoir être érodés par la houle et être une source de

sédiments. Les plus petits lacs possédant une plage sont installés dans des dépôts littoraux

et prélittoraux, dont le rivage est composé essentiellement de sables hérités d'anciennes

plages formées par la mer de Tyrrell (Vincent et Hardy, 1977 ; Bilodeau et al, 1990).

L'abondance des dépôts littoraux et prélittoraux, ainsi que la faible cohésion de ce type de

dépôt, permettent un remaniement des sédiments par des processus peu actifs. Par

conséquent, la présence d'une grande longueur de rivage composée de dépôts meubles au

sein des cellules sédimentaires va favoriser la formation de plages dans leur fond, sous

l'action de l'activité sédimentaire riveraine.

Étant donné que les plages s'adossent à différents types de substrat, il a été possible

de distinguer deux types de plages. Tout d'abord, les plages héritées, viennent s'appuyer

sur des substrats meubles déposés par le glacier laurentien ou par la mer de Tyrrell. Leur

formation peut ne pas résulter d'une dérive sédimentaire, mais plutôt d'un remaniement du

dépôt en place sous l'action des vagues, ainsi que de la fluctuation saisonnière du niveau

lacustre (Bégin et Filion, 1995). De ce fait, la dynamique et le brassage des sédiments ne

permettent pas l'établissement et la colonisation végétale, laissant donc apparaître sur les

photographies aériennes une bande sableuse entre le niveau d'eau du lac et la végétation

riveraine. Dans ces circonstances, les plages visibles au moyen des photographies aériennes

ne sont pas toutes liées à une accumulation sédimentaire. L'intensité des processus érosifs

étant plus faible sur les rivages moins exposés, la végétation peut s'implanter et venir

Page 47: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

40

stabiliser le rivage grâce entre autres à leur appareil racinaire (Bergeron et Roy, 1985). Sur

ces rivages, il se crée un abrupt qui reste toujours inondé, où les sédiments ne peuvent pas

se déposer, puisque la topographie et la dérive riveraine ne le permettent pas.

Ensuite, le deuxième type de plage résulte, de manière évidente, d'une dynamique

riveraine, puisque ces plages s'adossent sur des substrats non composés de sédiments. Les

apports sédimentaires permettant la formation de ce type de plage ne peuvent donc venir du

substrat en place derrière la plage, mais des rivages juxtaposés aux plages. Ces plages se

positionnent donc dans des sites où les conditions physiques (fetch, exposition) permettent

aux processus régissant l'activité sédimentaire d'être suffisamment puissants pour entraîner

le transport de sédiments sur de longues distances. La formation de ces plages montre que

les processus riverains subactuels et actuels remanient les dépôts hérités des événements

géomorphologiques passés. Les facteurs permanents des plus grands lacs de cette étude,

tendent à montrer que la présence de plages sur une partie de leur rivage n'est plus

dépendante des dépôts hérités (Figure 13). De ce fait, les processus générant cette

dynamique sédimentaire sont suffisamment puissants pour permettre la formation de plages

dans de nombreux sites et cela de manière indépendante de l'héritage géomorphologique.

5.3 Seuils de mise en activité

La comparaison des lacs avec et sans activité sédimentaire a rendu possible la

détermination de différents seuils à partir desquels ce dynamique a lieu. Tout d'abord, pour

la variable « superficie », deux seuils sont observés, la superficie de 0,066 km2 apparaît

comme étant la taille minimale des lacs ayant des plages (Figure 2). Les processus régissant

l'activité sédimentaire de ces lacs sont de faible puissance et ne peuvent générer une

dynamique sédimentaire à moins que le substrat riverain ne soit de type meuble et riche en

sédiments fins. Le deuxième seuil correspond à la superficie à partir de laquelle tous les

lacs de l'étude ont une plage. Cette généralisation d'occurrence des plages est observée sur

des lacs de plus de 1,06 km2. Ces observations sont corroborées par un modèle qui prédit

pour la même superficie, une occurrence de plage de 92,8 % (Figure 3). Le modèle estime

Page 48: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

41

avec certitude que pour qu'un lac ait une plage, il faut qu'il possède une superficie

supérieure à 2,06 km2. L'écart entre les observations et le modèle peut s'expliquer par un

nombre de lac peu élevé, ne permettant pas d'avoir une bonne représentativité des lacs de

cette superficie.

Comme mentionné précédemment, l'intensité des vents ainsi que leur direction,

jouent un rôle très important dans l'activité sédimentaire. Dans ce contexte, les faibles

vitesses et fréquences de vent de la région font que seuls les vents dominants venant de

l'ouest ont une influence majeure sur cette mise en action. La longueur minimale à partir de

laquelle un lac peut posséder une plage est de 230 m (Figure 5). Cette longueur permet la

mise en action de processus capables de venir générer un dynamisme sédimentaire, mais

dont la force ne permet pas le transport de sédiments sur de longues distances. En

conséquence, l'activité sédimentaire des lacs reste dépendante de l'héritage des dépôts de

surface en place. Les lacs dont les fetchs est-ouest sont supérieurs à 2000 m, possèdent tous

au moins une plage, ces longueurs permettent la présence de processus suffisamment

puissants pour transporter des sédiments sur de plus grandes distances. De ce fait,

contrairement aux lacs ayant des fetchs plus courts, les plages peuvent se former

indépendamment du substrat sur lequel elles viennent s'adosser.

Page 49: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

42

CONCLUSION

La détermination des facteurs régissant la dynamique sédimentaire riveraine des lacs

boréaux de petite taille a été rendue possible grâce à une méthode innovatrice reposant sur

la photo-interprétation (Gagnon, 1999). Cette méthode a permis, à l'aide de photographies

aériennes géoréférencées, la création d'une mosaïque aérienne couvrant un grand territoire

(3200 km2) et ainsi l'analyse d'un nombre de lacs conséquent (n=155). L'utilisation de

photographies à l'échelle du 1 : 20 000 a facilité la localisation de plage sur le rivage

lacustre, principal indicateur d'une dynamique riveraine (Paskoff, 1994). Les multiples

positions des plages sur le rivage, mettent en évidence des conditions de site (exposition,

fetch) favorisant l'établissement de ces formes. Ainsi, nous avons pu montrer l'influence

jouée par le vent sur la mise en action de processus contrôlant l'activité riveraine. La

fréquence des plages, ainsi que leur nombre par lac, augmentent au fur et à mesure que la

superficie du lac croît. Quant au type de processus régissant l'activité sédimentaire des lacs

de petite taille, des observations dendrochronologiques de terrain montrent l'absence totale

de cicatrices glacielles. Ces dernières fournissent l'indice précieux que la mise en action

d'un dynamisme sédimentaire est produite par la houle sur ce type de lac.

L'utilisation de cette méthode pour déterminer les facteurs régissant l'activité

sédimentaire des milieux lacustres mérite une attention particulière, car elle offre des

possibilités que ne peuvent offrir des études sur des terrains difficilement accessibles. Une

telle analyse permet de couvrir et de mettre en évidence des phénomènes à grande échelle

sur des territoires éloignés. Toutefois, pour confirmer les observations, il serait judicieux de

faire une étude sédimentologique sur plusieurs plages, sur des lacs de taille variée, de façon

à observer si la taille des dépôts sédimentaires dépend de la taille des lacs et donc de la

puissance des processus. Il serait également envisageable de faire une même étude près de

la Baie de James où les vents sont plus violents, et une autre localisée à la limite marine de

la mer de Tyrrell, où la continentalité entraîne une diminution de l'activité éolienne. Ainsi,

Page 50: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

un lien entre l'intensité, la fréquence des vents et les longueurs de fetch favorisant une

dynamique sédimentaire pourrait être mis en exergue.

Cette étude a donc permis de montrer que les plages visibles à l'aide des

photographies aériennes peuvent être issues d'un héritage sédimentologique ou d'une

dynamique sédimentaire. Une généralisation de la présence de plage est observée sur les

lacs de plus de 1 km2. Cette présence est essentiellement dû aux facteurs permanents

(superficie, fetch, orientation) qui permettent une action des vents plus importante et ainsi

favorisent la présence de processus plus puissants. La position de 86 % des plages dans des

cellules sédimentaires exposées aux vents dominants (ouest ; nord est- sud ouest), met en

évidence l'importance de la fréquence des vents dans la mise en activité de la dérive

sédimentaire riveraine. En effet, la petite taille des lacs entraîne une intensité de processus

faible où seuls les vents dominants sont assez puissants pour générer un remaniement du

substrat riverain. L'apport sédimentaire des plages venant de ce dernier et le type de

substrat dans lequel s'est installé le lac est essentiel. Les substrats meubles vont être plus

facilement remaniables par les processus de faible intensité et permettre un apport

sédimentaire pour les plages. Les processus de houle plus puissants sur les lacs de plus

grande taille donnent une indépendance au positionnement des plages par rapport à

l'héritage des dépôts de surface. Ainsi, sur les plus grands lacs, certaines plages sont

adossées au roc.

L'activité sédimentaire riveraine lacustre tend à être plus forte sur les lacs de grande

superficie. En effet, les processus plus puissants qui ont cours sur ces lacs permettent le

remaniement d'un volume sédimentaire conséquent. De la sorte, leur activité sédimentaire

riveraine apparaît moins dépendante de l'héritage sédimentologique, contrairement aux lacs

de petite taille dont la formation de plages est souvent expliquée par la présence de dépôts

meubles à l'endroit même ou se situe la plage. Dans une tendance au réchauffement

climatique et à la hausse des niveaux d'eau depuis deux siècles dans les régions nordiques,

les périodes d'eau libre vont être plus longues, permettant aux vents de générer des

processus de houle sur une bonne partie de l'année (Bégin et Payette, 1988 ; Payette et

Page 51: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

44

Filion 1993). Ainsi, va-t-on pouvoir observer la formation de nouvelles plages ou

l'augmentation du volume sédimentaire sur celles déjà en place.

Page 52: DYNAMIQUE SEDIMENTAIRE RIVERAINE DES LACS BORÉAUX DE

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