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Erreur ! Argument de commutateur inconnu. Muriel BUSUTTIL – DESAUBLIAUX (Pédiatre-Néonatologiste- CHU Nord Marseille) Sandrine QUIBEL (Orthophoniste- CMPP Ajaccio) Dysphasie ou retard : pas si simple !... Mémoire pour le Diplôme Universitaire : Approche neurologique, linguistique et cognitive des troubles d’apprentissage. Année 2006/2007

Dysphasie ou retard : pas si simple - · PDF fileNotre observation illustre un trouble du langage oral chez un enfant de 5 ans, Quentin, n

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Muriel BUSUTTIL – DESAUBLIAUX (Pédiatre-Néonatologiste- CHU Nord Marseille)

Sandrine QUIBEL (Orthophoniste- CMPP Ajaccio)

Dysphasie ou retard : pas si simple !...

Mémoire pour le Diplôme Universitaire :Approche neurologique, linguistique et cognitive des troubles d’apprentissage.

Année 2006/2007

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Plan du mémoire

PLAN DU MÉMOIRE ...................................................................................................................................................... 1

INTRODUCTION ............................................................................................................................................................. 4

OBSERVATION .............................................................................................................................................................. 5

DISCUSSION................................................................................................................................................................... 9

Prématurité  et hypotrophie : facteurs de risque de troubles cognitifs ...............................................................................9

Le profil cognitif de Quentin.......................................................................................................................................................10

L’évaluation par la BREV .............................................................................................................................................................11

La dysphasie : développement normal du langage et signes d’alerte. ..............................................................................12

Définition de la dysphasie ...........................................................................................................................................................13

Dysphasie et pathologies associées............................................................................................................................................14

QU’EN PENSE NOTRE ORTHOPHONISTE ?............................................................................................................ 14

Dépistage des troubles du langage ............................................................................................................................................14

Analyse des résultats de Quentin aux épreuves de la BREV et suggestions d’épreuves complémentaires àeffectuer lors du bilan orthophonique ......................................................................................................................................15

Rappel sur la dysphasie phonologique-syntaxique...............................................................................................................20

Différence entre retard de langage et dysphasie de développement.................................................................................21

Epreuves complémentaires nécessaires.....................................................................................................................................21

Prise en charge.................................................................................................................................................................................24

Perspectives de rééducation orthophonique............................................................................................................................25

Partenariat avec l’école, création de mesures adaptatives ....................................................................................................28

CONCLUSION............................................................................................................................................................... 31

BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................................................................... 32

ANNEXE 1 : COURRIER DE L’INSTITUTRICE.......................................................................................................... 34

ANNEXE 2 : PROFIL DE LA BREV DE QUENTIN..................................................................................................... 35

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ANNEXE 3: SIGNES D’ALERTE DE DIFFICULTÉS LANGAGIÈRES...................................................................... 36

ANNEXE 4 : SCHÉMAS RÉCAPITULATIFS CONCERNANT LES DYSPHASIES.................................................. 37

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Introduction

En France, la prématurité concerne plus de 7% des naissances (1). Les troubles spécifiques

des apprentissages représentent, quant à eux, 5 à 10% de la population générale (2). On sait

maintenant que les grands prématurés (enfants nés avant 33SA) ont un risque accru de

troubles des fonctions cognitives (3). Il s’agit essentiellement de difficultés dyspraxiques

(4), plus rarement des troubles des fonctions verbales (5). La BREV est un outil ludique

pour le dépistage des troubles des fonctions cognitives (6).

Notre observation illustre un trouble du langage oral chez un enfant de 5 ans, Quentin, né

grand prématuré, envoyé chez son pédiatre sur les conseils de son orthophoniste pour une

suspicion de dysphasie. Le support clinique et neuropsychologique est une BREV réalisée

en consultation. Le « diagnostic orthophonique » restera ici hypothétique en absence d’un

bilan neuropsychologique complet : dysphasie ou retard : pas si simple !...

Ainsi, après l’observation clinique, nous discuterons :

- de la prématurité et des troubles des fonctions cognitives

- de l’évaluation par la BREV

- du développement normal du langage

- de quelques généralités concernant la dysphasie.

La seconde partie du travail repose sur le point de vue orthophonique :

- L’analyse de l’orthophoniste et suggestion de complément d’épreuves pour

affiner le diagnostic

- Une présentation de la dysphasie en opposition au retard simple de parole-

langage

- Les épreuves complémentaires nécessaires pour contribuer au diagnostic

différentiel

- Les perspectives de prise en charge orthophonique dans le cadre d’une

confirmation de l’hypothèse de dysphasie

- Le partenariat avec l’école.

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Observation

Quentin est né le 19/10/01, au terme de 28SA et 4 jours, hypotrophique harmonieux à 778g.

Sa maman, institutrice, âgée de 31 ans, est deuxième geste. Elle présente parmi ses

antécédents un déficit en protéine S.

Une césarienne est réalisée en urgence dans le contexte d’une toxémie gravidique maternelle,

avec retard de croissance intra-utérin (RCIU) sévère. La corticothérapie maternelle a été

incomplète.

A la naissance, Quentin a une bonne adaptation néonatale. Il présente une détresse respiratoire

à type de maladie des membranes hyalines, ayant nécessité l’administration de surfactant

artificiel. La ventilation invasive s’est prolongée pendant 1 mois. Son sevrage est enfin

possible 5 jours après une corticothérapie systémique dégressive sur 7 jours. Une dysplasie

bronchopulmonaire se constitue progressivement. Le sevrage en oxygène est réalisé

ultérieurement, en néonatologie, avec persistance d’une lésion délabrante de la columelle,

témoin de l’intubation trachéale prolongée. Son hospitalisation se complique de nombreuses

infections nosocomiales (à Enterobacter cloacae, Staphylocoque épidermidis, à Candida…)

motivant une thérapie adaptée et potentiellement ototoxique (vancomycine, amikacine),

d’évolution favorable.

Son bilan neurologique (EEG et ETF) est normal. Il n’a pas bénéficié d’une IRM cérébrale.

Son FO est normal.

Il regagne son domicile le 12/01/02 à 83 jours d’âge réel (AR) et 41SA d’âge corrigé (AC),

substitué en fer et vitamine D et avec un traitement anti-reflux gastro-oesophagien. Son

alimentation est constituée d’un hydrolysat de protéine, et non du lait de mère. Son poids de

sortie est de 2115g (<-2DS), avec PC=32cm (<-2DS).

Il est secondairement réhospitalisé pour une gastroentérite à Rotavirus, d’évolution simple.

Parmi ses antécédents, on note aussi une bronchiolite à 5 mois. Une prophylaxie par Synagis

est réalisée durant l’hiver 2002.

Un suivi CAMSP est rapidement instauré dès sa sortie de l’hôpital. Le rattrapage du périmètre

crânien se fait dans la première année de vie. Il bénéficie de psychomotricité jusqu’à 12 mois.

La marche est acquise à 16 mois d’âge réel (soit 13 mois d’AC). Les premiers mots sont notés

à 18 mois d’âge réel (15 mois d’AC). La propreté diurne est acquise à 3 ans et nocturne à 3

ans et demi.

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En novembre 2005, sa maman consulte au CAMSP pour des problèmes de langage. Quentin

est alors en moyenne section de maternelle. Il est âgé de 4 ans, il pèse 14kg et mesure 98,5cm.

Un courrier de l’institutrice précise qu’il a un langage très peu développé (courrier : annexe

1). Il n’a pas de représentation dans l’espace, la comptine numérique est pauvre et il n’a pas

de représentation numérique du nombre. Son institutrice conclut à une probable immaturité

avec un niveau d’acquisitions de petite section de maternelle. Le bilan orthophonique met en

évidence des troubles articulatoires et un retard dans la construction des phrases. Une

rééducation orthophonique est débutée. Son échelle de développement correspond alors à son

âge : il reconnaît son prénom, apparie les couleurs, fait des puzzles complexes, compte

jusqu’à 4 ; il recopie le rond, le trait. Mais il restitue peu en milieu scolaire.

Il consulte de nouveau à 5 ans (P=15,5kg, T=102cm). Il est en grande section de maternelle.

Un double discours s’instaure entre la famille, l’orthophoniste et l’école. En effet,

l’orthophoniste note un retard de langage (décalage), l’équipe rééducative souligne un « gros

retard ». A l’école, la construction de la phrase serait déficiente. Il ne retient pas les

comptines. Un RASED est mis en place. Par contre, les manipulations et les mathématiques

se déroulent sans problème. A domicile, il répète les comptines. Il compte jusqu’à 25 ; il fait

des phrases. Il est très têtu et se « braque ». Les parents sont perdus ! L’école met la pression

sur les parents : il s’agit d’un enfant très individualiste, les phrases sont peu construites ; il

compte (jusqu’à 23) et connaît les couleurs.

Un bilan neurosensoriel ainsi qu’une évaluation des fonctions cognitives sont demandés

devant la suspicion de dysphasie par l’orthophoniste.

Une BREV est réalisée le 07/12/06. Quentin a 5 ans 1 mois et 18 jours d’âge réel (soit 4 ans

10 mois d’AC). Il pèse 16kg, mesure 104cm et a un périmètre crânien de 48cm (dans la

moyenne). Il utilise plus souvent sa main gauche. Il est en grande section de maternelle, avec

une aide scolaire et des séances d’orthophonie bihebdomadaires pour favoriser la mémoire

immédiate, la construction de phrase, la phonologie. Il parle peu. La consultation

ophtalmologique est normale. Le bilan auditif n’a pas encore été réalisé. Actuellement, il ne

bénéfice pas d’un soutien psychologique. La BREV réalisée en début d’après-midi durera

entre 1heure et1 heure et demi (annexe 2). Les résultats sont :

Le score verbal obtenu est de 13,8/20 (<-2DS) avec :

- En articulation et phonologie : 17/20 (entre –1et-2DS) : « g » pour « b », oubli

d’une syllabe dans « chaloujère »

- en évocation lexicale : 20/20 (90ème percentile)

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- en expression syntaxique : 8/16 (répétition de phrases) (<-2DS) (« le garçon une

casquette verte » ; « la fille rogée robot » ; 7/12 (phrase induite) (<-2DS) (« il

range les feutres »)

- en compréhension syntaxique : 7,5/20 (<-2DS)

- De plus : en fluence verbale : 3 (entre –1et –2DS), et, en mémoire des chiffres :

8/20 (entre -1DS et moyenne).

Le score non verbal obtenu est de 11/20 (entre –1 et-2DS), avec :

- sériations de jetons : 20/20 (90ème percentile)

- graphisme : 6,66/20 (entre moyenne et –1DS)

- attention visuelle soutenue : 10,37/20 (entre moyenne et –1DS)

- planification (fonctions exécutrices) : enfant fatigué et peu concentré à ce moment

de la BREV : 8/20 (>=-2DS)

- complétion des formes : 15/20 (90ème percentile) : il participe alors pleinement à

l’épreuve

- discrimination visuelle : peu concentré : 4/20 (<-2DS)

- De plus, en attention sélective motrice: enfant de nouveau fatigué et fatigable : test

de contrôle= 8/10 difficilement (-2DS) ; test de conflit infaisable.

En ce qui concerne les troubles de l’apprentissage du langage écrit (+/- oral) et du calcul : les

épreuves ont été difficilement réalisées :

- en conscience phonologique (métaphonologie et segmentation des syllabes) : 8/10

(moyenne) dès qu’il veut participer. La soustraction des syllabes n’est pas réalisée.

- En lecture : bilan non fait car non acquis à l’école

- Calcul et traitement des nombres : 18,3/20 (entre la moyenne et 90ème percentile)

- Orthographe : épreuve non réalisée.

Au total : on note une dissociation modérée entre le score verbal et le score non verbal, en

défaveur du score verbal. Les principales difficultés se remarquent au niveau expression et

compréhension syntaxique (phrases construites sans verbes, mais sans inversions de mots ; les

phrases sont simplifiées). Des troubles attentionnels (discrimination visuelle, planification,

attention sélective motrice et comportement lors de la consultation) sont également présents,

cause ou conséquence de ce trouble du langage. Le graphisme reste correct.

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L’hypothèse d’une dysphasie ne peut pas être complètement écartée. Un bilan orthophonique

et neuropsychologique complet doivent être envisagés. Le dépistage auditif doit être contrôlé.

D’après un entretien récent avec son orthophoniste : Quentin progresse mais a un

comportement aberrant en consultation (épisodes de repli sur soi, n’intégrant plus les

consignes …), avec un manque d’attention dès que l’épreuve se prolonge. Le diagnostic de

dysphasie est difficile, peu franc devant des résultats dissociés. Peu d’information est donnée

sur les interactions sociales…

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Discussion

Prématurité  et hypotrophie : facteurs de risque de troubles cognitifs

Nous avons choisi ce cas clinique pour son atypie en ce qui concerne les enfants nés

prématurément. Sont prématurés les enfants nés avant 37 semaines d’aménorrhée (SA). On

distingue la grande prématurité (enfants nés avant 33SA) et la très grande prématurité

(enfants nés avant 28SA). Quentin est ainsi un ancien grand prématuré. En France : la

prématurité concerne plus de 7% des naissances. Durant ces dernières années, c’est surtout la

progression des grands prématurés qui s’avère préoccupante (1,4% des naissances en 2001,

1,7% en 2002) (1). Le risque de troubles cognitifs est d’autant plus important que la

prématurité est grande, en particulier chez les nouveau-nés de moins de 750g, l’incidence

d’un devenir normal sur le plan cognitif paraît directement relié au terme de naissance : 28% à

24 SA, 47% à 25 SA et 71% à 26 SA. Le devenir cognitif pauvre est corrélé à des facteurs

médicaux et sociaux (3). Sur le plan médical, Quentin a nécessité une corticothérapie post-

natale pour permettre le sevrage de la ventilation invasive, or, on connaît, depuis quelques

années, les effets néfastes d’une corticothérapie post-natale sur le développement

neurologique ultérieur (7).

La mise en évidence, chez les anciens prématurés porteurs de séquelles neuromotrices

(IMOC), de troubles spécifiques de l’apprentissage (en particulier dans le domaine graphiques

et visuospatiaux) a conduit à se poser la question des capacités d’apprentissage des enfants

nés prématurément mais ne présentant aucune séquelle apparente (8). Mellier et al ont mis en

évidence en 1999, dans une population de 51 grands prématurés (nés avant 33SA) examinés

en CP (6 ans), une différence significative d’efficience en particulier en ce qui concerne les

tâches de structuration spatiale et lexicale (8). L’étude de Sternquist prospective, sur 4 années,

regroupe 20 nouveau-nés de poids de naissance entre 500 et 900 g, nés entre 24 et 30 SA. Il

décrit 20% d’enfants ayant un désordre neurologique majeur identifié à 1 an. A 4 ans,

l’examen neurologique de ces enfants ne s’est pas modifié, sauf pour 2 cas. Le quotient de

développement (Griffith Score) est plus bas chez les nouveau-nés de très petit poids de

naissance à 4 ans (âge chronologique). En tenant compte de l’âge corrigé, les différences sont

les mêmes concernant la motricité, la coordination regard/mains, les performances, et sur le

test total. A 4 ans, les enfants de très petit poids de naissance obtiennent significativement des

scores plus élevés sur l’échelle personnelle-sociale et des scores plus bas sur la

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parole/audition, coordination regard/main et au niveau des performances, en comparaison

avec l’évaluation à 1 an. Ainsi, il semble exister des interrelations entre anomalies

neurologiques à 1 an et performances neurodéveloppementales à l’âge scolaire. Néanmoins,

quelques enfants sans anomalie neurologique à 1 an, nécessitent à 4 ans une aide

« éducative ». Le suivi développemental en âge corrigé a une grande stabilité entre 1 et 4 ans,

d’après l’auteur. Le score personnel-social dépend beaucoup de l’environnement familial. Le

comportement social semble plus immature par rapport à l’âge chronologique. En ce qui

concerne la qualité de vie, 85% des enfants ont une bonne qualité de vie à 4 ans (classification

Scheffzek). En ce qui concerne le comportement, l’étude constate une augmentation du taux

d’hyperactivité et de difficultés de concentration mais pas de déviations du comportement

général pour les enfants de très petit poids de naissance (9).

Il faut également préciser qu’il s’agit d’un enfant né hypotrophe (PN <-2DS par rapport au

poids attendu à ce terme), ce qui représente, en plus de son genre masculin, une variable de

comorbidité. En effet, ces deux paramètres sont corrélés à une baisse du quotient de

performance d’après Burguet (3). Les RCIU sont ainsi plus à risque de séquelles cognitives.

L’étude multicentrique de Vohr, entre 1993 et 1994, reprend l’évaluation

neurodéveloppementale, neurosensorielle et fonctionnelle de 18 à 22 mois d’âge corrigé, de

1151 nouveau-nés de très petit poids de naissance. Il constate entre autres choses: 25%

d’examen neurologique anormal dont 17% d’IMC, 37% de score de Bayley < 70, 29%

d’index de développement psychomoteur < 70, 11% d’anomalies auditives (seulement 3%

nécessitent un appareillage auditif à 18-22 mois), 9% d’anomalies visuelles (10).

Au total : à long terme, les prématurés, en particulier les très grands prématurés, sont à risque

de problèmes développementaux, même ceux qui ne sont pas porteurs d’une infirmité motrice

cérébrale. Les difficultés incluent les déficits neuro-sensoriels modérés, les troubles de la

sphère cognitive, de l’apprentissage et du comportement avec déficit d’attention. Tous

peuvent entraîner des difficultés scolaires. L’environnement familial, quant à lui, intervient

sur le quotient intellectuel verbal (3).

Le profil cognitif de Quentin 

Néanmoins, le profil cognitif de Quentin reste ici inhabituel. En effet, dans le contexte de la

grande prématurité, l’aspect « dysharmonieux » du profil cognitif est en relation avec la baisse

des échelles de performance et motrice, contrairement aux scores verbaux (5). Certains très

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grands prématurés présentent des difficultés scolaires avec un QI normal. Il existerait des

difficultés particulières dans des processus complexes d’information nécessitant un

raisonnement logique et des capacités d’intégration visuelle. Des troubles praxiques (de

reconnaissance des images, en particulier), une amputation du champ visuel inférieur, passent

inaperçus s’ils ne sont pas recherchés avec attention. Ceci suggère une atteinte corticale plus

diffuse (11).

Les enfants de très petit poids de naissance (< 1250g) présentent davantage d’altération de

leur habileté. La plus grande différence concerne les tests de dextérité manuelle, 35% des

enfants s’améliorent significativement entre 6 et 8 ans puis les déficits se maintiennent stables

à 12-13 ans. Aucune corrélation significative n’est retrouvée entre les scores moteurs et les

variables périnatales (4). Quentin, quant à lui, obtient un score non verbal limite, entre -1DS

et -2DS, d’où probablement présente-t-il des difficultés praxiques.

En ce qui concerne son comportement : il s’agit d’un enfant apparemment effacé, intolérant

à la frustration, « têtu », mais qui semble aussi présenter lors de la BREV un trouble de

l’attention, sans hyperactivité. Or, la littérature retrouve cette notion parmi les hypotrophes

avec des troubles du comportement très précoces ; ce sont des enfants plus passifs (3). De

plus, l’hyperactivité et les troubles de l’attention sont fréquents. Pour les parents, ces troubles

comportementaux diminueraient entre 8 et 14 ans, ce qui n’est pas toujours le cas pour les

enseignants (11).

L’étude des performances scolaires à 9 ans de très grands prématurés (66% de moins de 28

SA) et de très petit poids de naissance (55% de moins de 1250g) montre une diminution du

niveau scolaire ou le recours à une éducation spécialisée. Or, 7% des enfants issus d’un très

haut niveau socio-économique sont en éducation spécialisée, contre 35% des enfants issus

d’un faible niveau socio-économique (12). Là encore, l’environnement familial joue un rôle

primordial.

L’évaluation par la BREV

Notre équipe de pédiatres-néonatologistes (CHU Nord Marseille) utilise le score de Denver

(13) pour le suivi psychomoteur des anciens prématurés. Le dépistage des troubles cognitifs

est réalisé avec la BREV, avant l’entrée au Cours Préparatoire. Le dépistage des difficultés de

développement du langage oral et écrit est un point essentiel de la pédiatrie préventive :

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- les troubles du langage oral, parce qu’ils retentissent sur la relation des enfants et

vont mettre en péril les apprentissages ultérieurs en lecture et écriture si on ne les

prend pas en charge ;

- les troubles du langage écrit, parce qu’ils sont aujourd’hui une source d’exclusion

des enfants (6).

La batterie BREV est un outil d’examen de première intention. Elle correspond au besoin

d’un test rapide, attractif, fiable et soigneusement normé (6). Ce n’est pas une batterie de

mesure du QI mais un outil clinique permettant un examen neuropsychologique sommaire,

concernant toutes les fonctions cognitives. Elle a été conçue pour permettre l’examen de base

devant une plainte concernant les apprentissages chez l’enfant de quatre à neuf ans (6). Le

langage oral est exploré dans ses versants expressif et réceptif. Les fonctions non verbales,

graphisme et raisonnement sont explorés par cinq épreuves. Les apprentissages du langage

écrit et du calcul sont également explorés. La BREV a eu un étalonnage précis et une

validation dans la population épileptique et chez des enfants porteurs d’un trouble de

l’apprentissage (6).

La dysphasie : développement normal du langage et signes d’alerte.

En ce qui concerne le langage oral (14) : il ne s’agit pas seulement d’un apprentissage car il

se développe de manière naturelle grâce à la stimulation de l’environnement. Pour parler

correctement les enfants doivent mettre en place l’articulation (prononciation des sons

isolément), la phonologie (prononciation des séquences de sons à l’intérieur d’un mot), le

vocabulaire compris et produit, l’agencement des mots en phrases (compréhension

syntaxique ; et production de phrases), la valeur informative et communicante de ce langage.

A partir de la fin de la maternelle, l’enfant développe implicitement d’autres compétences du

langage (la capacité à discriminer les sons proches), la conscience phonologique (conscience

que la parole est découpable en unités), la métaphonologie (capacité de faire des opérations

mentales sur ces unités). D’autres compétences telles que compétences attentionnelles et

mnésiques, compétences logico-mathématiques, compétences spatio-temporelles,

compétences graphiques, compétences praxiques sont des pré requis conditionnant leur

réussite scolaire. Les habiletés de conscience phonologique sont corrélées avec la lecture :

l’étude de Hurford, Darrow et Edward (1993) montre que l’évaluation de la conscience

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phonémique en début de Cours Préparatoire prédit la réussite ultérieure en lecture et permet

donc la détection précoce des apprenti-lecteurs à risque. En 1983 déjà, Bradley et Bryant

démontraient que le niveau de conscience phonologique chez des pré-lecteurs de 4-5 ans était

le meilleur prédicteur de leur niveau de lecture 3 ans plus tard, à 8-9 ans (15). De même, la

rapidité de dénomination sont corrélés et prédictifs de la réussite ultérieure en lecture chez

l’enfant en grande section de maternelle (16).

Les troubles du langage peuvent être secondaires à une pathologie (surdité, troubles

envahissants du développement, troubles massifs du comportement et de la relation, déficit

intellectuel, carence socio-culturelle…). S’ils sont isolés et primitifs, on parle de troubles

spécifiques du langage oral qui se situent entre deux extrêmes de gravité : le retard simple,

trouble fonctionnel et transitoire, et la dysphasie, trouble sévère, durable et structurel. Les

troubles spécifiques du langage oral sont hautement prédictifs de difficultés d’acquisition du

langage écrit, d’où la nécessité de les dépister, de les traiter et de suivre les acquisitions de

lecture de ces enfants (6).

Les signes d’alerte sont dans la première année : l’absence de réaction aux bruits,

d’installation d’une communication gestuelle et de désignation, entre 6-9mois, la disparition

du gazouillis, et l’absence de « papa-maman » à 12 mois. Par la suite ; l’absence d’une parole

articulée à 18 mois ; un retard de développement du langage et des troubles du comportement

à 2 ans. Ces signes doivent faire pratiquer des explorations complémentaires : audiogramme

et bilan orthophonique (annexe 3) (14).

Définition de la dysphasie 

Il s’agit d’un trouble structurel, spécifique et sévère, de l’élaboration du langage oral, après 6

ans. Elle concerne 1% des enfants, avec une prédominance masculine. Sa définition se fait par

exclusion. On distingue les dysphasies expressives (troubles phonologiques, lexicaux,

syntaxiques ; la compréhension est relativement conservée) ou réceptives (atteinte des

capacités de décodage ; se répercutant sur les capacités expressives) (17) (annexe 4 : schémas

récapitulatifs des dysphasies) (18). La dysphasie développementale (différente de lésionnelle)

peut être : pure (déficit cognitif isolé, relative (au sein d’un déficit intellectuel), associée (à

des troubles auditifs, à des troubles du comportement….).

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Dysphasie et pathologies associées 

Il s’agit de : déficit intellectuel et dysphasie (dysphasie « relative), dans le cas d’une surdité,

en cas de troubles du comportement et de la relation (8).

Or, beaucoup d’enfants dysphasiques présentent des troubles variés du comportement, des

anomalies dans l’établissement des relations à autrui, des difficultés de structuration de leur

personnalité. La question se pose de savoir si ces troubles sont à l’origine des désordres

langagiers, en constituant la racine, ou bien si, privé (du fait de sa dysphasie) des outils

primordiaux de la communication interhumaine, base et fondement du développement

psychoaffectif et psycho-intellectuel du petit, l’enfant est empêché de construire des relations

« normales » avec son entourage, lui-même, en spirale, déstabilisé et démuni devant les

réactions inhabituelles de cet enfant (18). Quentin pourrait peut-être, dans ce cas, faire partie

de cette catégorie pathologique …. En effet, dans ce contexte de grande prématurité, les

troubles du langage oral sont rarement des retards simples de parole et de langage. Il

s’associent souvent à une apraxie et à des troubles moteurs bucco-faciaux (avec ou sans

bavage) a minima, qui relèvent d’une rééducation orthophonique prolongée (19).

Qu’en pense notre orthophoniste ?

Dépistage des troubles du langage

Les enfants sont souvent adressés en orthophonie par l’école qui a constaté des troubles

d’apprentissage ou de langage, ou directement par le médecin scolaire ou le médecin traitant.

Malheureusement, nous voyons trop souvent encore des enfants arriver dans les centres de

soin comme le C.M.P.P. ou dans les cabinets d’orthophonie tardivement, en échec scolaire

important, à un moment où se cumulent en plus des troubles du langage oral et écrit des

répercussions psycho-affectives (un désinvestissement scolaire, un manque confiance en ses

capacités, une perte de l’estime de soi...).

Les troubles effectivement peuvent être compensés et être révélés tardivement par des

performances scolaires insuffisantes. Même si les choses évoluent positivement à ce niveau,

certains professionnels manquent encore d’information sur les signes d’alertes qui nécessitent

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une consultation et prise en charge spécialisée.

Le dépistage précoce, associé à un mode de prise en charge pluridisciplinaire tel qu’il est

pratiqué dans les C.A.M.P.S, C.M.P.P., I.M.E, SESAD et autres centres de soin spécialisés,

est essentiel pour combattre les troubles à un stade où leurs conséquences demeurent plus

limitées.

Quentin est déjà pris en charge par une orthophoniste mais nous n’avons que très peu

d’éléments sur ses observations et pas de bilan détaillé du langage qui nous aurait fourni de

précieuses informations complémentaires.

Nous allons donc ici analyser les résultats de la BREV et suggérer des épreuves

complémentaires à effectuer en orthophonie, puis évoquer :

- des hypothèses de diagnostic

- les bilans complémentaires nécessaires

- la prise en charge orthophonique

- le partenariat avec l’école dans le cadre d’une dysphasie.

Analyse des résultats de Quentin aux épreuves de la BREV et

suggestions d’épreuves complémentaires à effectuer lors du bilanorthophonique 

La passation de la BREV comme outil de dépistage fournit des renseignements intéressants

qui permettent d’orienter les épreuves complémentaires à faire passer dans le cadre d’un bilan

orthophonique.

Il apparaît d’emblée un profil non homogène avec de bonnes performances sur certains items,

notamment non verbaux, et des difficultés significatives, en particulier au niveau des épreuves

phonologiques et syntaxiques.

Les épreuves explorant les fonctions exécutives, la discrimination visuelle et l’attention

sélective motrice sont également très échouées. Il faudra vérifier lors d’épreuves

complémentaires si la fatigue de l’enfant a pu fausser les résultats.

Par ailleurs, Quentin montre de très bonnes performances sur certaines épreuves : évocation

lexicale, sériation de jetons, complétion de formes.

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Je propose d’analyser plus précisément les épreuves verbales et d’évoquer au fur et à mesure

les épreuves complémentaires à faire passer pour affiner le diagnostic.

• Son score à l’épreuve de phonologie le situe entre moins 2 et moins 1 écart-type avec

une note de 17/20.

L’analyse de l’orthophoniste en ce qui concerne l’épreuve de phonologie va être tout aussi

qualitative que quantitative. Le score permet de situer l’enfant par rapport à la norme mais

l’analyse des erreurs permet d’affiner le diagnostic et d’établir en fonction le programme

de rééducation.

Dans le cas de Quentin, les types d’erreurs produits seraient très intéressants à analyser

pour l’orthophoniste mais n’ont pas toujours été notés précisément par le médecin.

L’analyse des erreurs produites dans la répétition des non-mots proposés montre que ses

difficultés se situent dans la répétition des items de 3 syllabes.

Nous remarquons que la répétition de 3 syllabes est possible, avec une élision sur un des

items.

L’item « crebospa » est répété [cregospa], cette substitution du [b] par le [g] peut

provenir d’une assimilation avec le « c » initial.

L’erreur sur l’item « stripadul » n’a pas été notée (élision de syllabe ? simplification dans

le groupe consonantique complexe ? inversion ? erreur atypique ?).

La répétition peut également être altérée en raison de problèmes auditifs.

Le trouble phonologique est commun aux Retards de Parole-Langage et aux Dysphasies

phonologiques.

Dans les Retards de Parole, les erreurs sont souvent prédictibles et obéissent à des principes

de simplification :

- « assimilation » c’est à dire production de phonèmes dont le point d’articulation est

proche

- substitutions entre phonèmes sourds/sonore qui évoquent souvent des difficultés de

discrimination auditive

- élisions de phonèmes ou de syllabes, élisions de finales

- simplification phonologique dans les groupes consonantiques complexes.

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La parole d’un enfant dysphasique est caractérisée par la production d’erreurs atypiques

évoquant une désorganisation du système phonologique. Les erreurs phonologiques ne

correspondent pas à un procédé de facilitation mais au contraire une complexification.

La passation d’une épreuve de phonologie en répétition, dénomination de mots d’épreuves et

discrimination, permettra de déterminer la nature des erreurs phonologique produites par

Quentin et affiner ainsi le diagnostic.

• A l’épreuve de métaphonologie, Quentin obtient un score conforme à la moyenne de

son âge.

Il présente effectivement de bonnes capacités de segmentation syllabique mais l’épreuve de

soustraction de syllabes n’a pas été réalisée. Elle nous aurait renseignés davantage sur ses

capacités de traitement phonologique et de mémoire de travail nécessaire pour effectuer ce

traitement. La capacité de soustraction phonémique s’installe plus progressivement avec la

lecture.

Il paraît nécessaire d’évaluer plus précisément sa conscience phonologique (épreuve de rimes,

soustractions et inversions syllabiques, identifications du phonème initial).

Quentin est actuellement en grande section maternelle et ces épreuves sont fortement

corrélées avec la réussite ultérieure de l’apprentissage de la lecture. Bradley et Bryant (1983)

ont en effet démontré que le niveau de conscience phonologique d’un pré-lecteur de 4-5 ans

est prédicteur de son niveau de lecture 3 ans après (15).

• Les épreuves syntaxiques sont très échouées. Ses difficultés d'expression ont été

repérées à l'école et Quentin est suivi depuis novembre 2005 en orthophonie.

L’épreuve d’expression syntaxique consiste en la répétition de 2 phrases comprenant

des structures syntaxiques complexes (voie passive, relative circonstancielle) et la

génération par l’enfant d’une phrase induite à partir d’une scène.

Une remarque à propos, de la première phrase « il y a un garçon dont la casquette est verte » :

l’expression du « dont » dans le langage spontané implique la maîtrise de la structure logique

sous-jacente de l’inclusion. Cette structure n’est acquise que très tardivement.

L’utilisation de la répétition de phrase pour tester l’expression syntaxique repose sur le

principe qu’un enfant ne peut restituer une structure syntaxique non acquise.

Cette épreuve est également couramment utilisée pour tester la mémoire verbale (ex : dans le

test de la batterie NEEL, la même épreuve renseigne à la fois sur la performance de l’enfant

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en mémoire verbale et en syntaxe).

Quentin est très en difficulté dans cette épreuve, son score le situe en dessous de moins 2

écarts-types. Non seulement il ne parvient pas à répéter les phrases de l’épreuve, mais il ne

reformule pas non plus avec une structure plus simple.

« il y a un garçon dont la casquette est verte » est répété « le garçon une casquette verte »,

« la fille a été interrogé par le robot » est répété « la fille rogé robot »

Ses productions sont ici dyssyntaxiques avec élisions du verbe et petits mots.

En complément, il serait utile de tester ses capacités de mémoire verbale pour vérifier

que Quentin n’a pas été également gêné dans cette épreuve par des difficultés de

mémorisation des phrases (13 syllabes chacune). Nous savons que la mémoire immédiate est

travaillée lors de ses séances bihebdomadaires avec son orthophoniste mais nous ne savons

pas qu’elle est sa progression à ce niveau. Un léger déficit auditif peut également être

suspecté.

A l’épreuve de « phrase induite », Quentin produit une phrase simple mais correcte

syntaxiquement : « il range les feutres ». La structure de la phrase, sujet / verbe / complément,

est bien respectée, le verbe est conjugué, il n’y a pas d’élision de petits mots.

Cependant, la phrase suggérée pas l’image est « le robot donne des crayons au garçon » dont

la structure est syntaxiquement plus complexe. Il est possible que Quentin ait contourné la

difficulté en raison de difficultés d’expression.

L’évaluation de ses productions en langage dirigé (récit sur images), ainsi qu’un test

d’expression syntaxique permettrait d’évaluer plus exactement ses capacités syntaxiques et

ses difficultés. Le recueils du langage spontané est également très intéressant en comparaison

avec le langage dirigé (récit sur images) : on observe souvent des difficultés d’expression

accrues lors des situation de langage dirigé qui demandent une meilleure maîtrise de la

syntaxe pour se conformer à ce que les images induisent. Dans les deux cas, on notera

l’informativité du discours et la qualité de la syntaxe employée.

L’épreuve de compréhension syntaxique est également très échouée (score inférieur

à -2 écart-type). Il s’agit ici d’exécuter des ordres sur consignes orales.

Quentin ne prend souvent qu’une partie de l’information en compte (il n’obtient sur plusieurs

items qu’un point sur deux dans la cotation). La compréhension des consignes peut être

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altérée également par une mauvaise intégration des concepts temporo-spatiaux énoncés, la

longueur des énoncés ou des difficultés d’attention.

La passation complémentaire du test L’ECOSSE de Pierre Lecocq permettrait de définir plus

précisément ses capacités et difficultés de compréhension verbale. Ce test, étalonné de 4 à 12

ans, évalue la compréhension des énoncés par ordre de complexité.

Le test d’évaluation des capacités syntaxiques en situation orale O-52 de Khomsy est

également très intéressant car il permet, avec le test T.C.G-R de Deltour d’expression

syntaxique, d’effectuer un parallèle entre les capacités d’expression et de compréhension de

l’enfant.

• L’épreuve d’évocation lexicale est parfaitement réussie (score 10/10).

• Lors de l’épreuve des fluences verbales, Quentin obtient un score faible mais non

pathologique (-1 écart-type par rapport à la moyenne de son âge).

Ces résultats suggèrent un niveau de vocabulaire et d’évocation correct.

Il faudrait compléter cette épreuve par un test de vocabulaire plus précis :

Les épreuves du NEEL testent le stock lexical versant compréhension et expression.

La comparaison entre les épreuves de dénomination et de désignation permet :

- de mettre en évidence les éventuelles dissociations entre le vocabulaire

compris et dénommé. Quand le vocabulaire est connu (bien désigné) mais ne peut être

dénommé, cela évoquera des difficultés d’accès au lexique. De même, la facilitation par

l’ébauche orale du mot nous renseignera sur ses difficultés d’évocation. L’orthophoniste

notera également la qualité de l’évocation du mot, rapide ou hésitante, avec éventuellement

des latences ou des stratégies d’approche avec des essais incorrects préalables à la production

du mot.

- de constater une pauvreté du lexique si les deux épreuves montrent des

résultats homogènes (il ne peut dénommer ce qu’il ne connaît pas).

L'épreuve de vocabulaire 2 du NEEL teste l'acquisition des concepts de base (couleurs,

formes, termes du schéma corporel) qui sont souvent difficiles à intégrer pour les enfants

dysphasiques (20).

Le test TVAP étalonné pour les enfants de 3-5 ans et 5-8 ans apporte en plus des

indications sur les stratégies définitoires employées (par l’usage, par l’exemple…) qui

nous montre le niveau d’élaboration du langage de l’enfant, ses capacités de

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catégorisation…

Le test de dénomination rapide d’images nous renseignera sur une éventuelle lenteur

d’évocation et sur la capacité d'accès à la forme phonologique des mots stockés en

mémoire à long terme.

Ce test est également corrélé avec la réussite ultérieure de l’apprentissage de la lecture en

permettant de prédire l'apparition d'une dyslexie (16).

En conclusion, le profil de la BREV évoque un Retard de Parole Langage mais nous ne

pouvons exclure la possibilité d’une dysphasie de développement de type phonologique-

syntaxique (la plus fréquemment rencontrée). En effet, Quentin échoue sur les épreuves

phonologique et syntaxique. Une hypospontanéité est par ailleurs évoquée dans l’anamnèse.

Les éléments du bilan ne permettent pas de poser un diagnostic différentiel. Celui-ci pourra

être effectué à la suite d’un bilan pluridisciplinaire. Un compte-rendu de l’orthophoniste qui le

suit permettra également d’obtenir des informations sur sa progression depuis le début de sa

prise en charge, sachant que l’évolution favorable dans le cadre d’un déficit fonctionnel est

plus rapide que s’il s’agit d’un trouble structurel de nature dysphasique.

Rappel sur la dysphasie phonologique-syntaxique 

La programmation de la chaîne verbale est atteinte ce qui génère un trouble au niveau des

capacités expressives. L’enfant présente à la fois des difficultés d’analyse et de

programmation des séquences (21).

Elle se caractérise par une réduction verbale (hypospontanéité), un trouble phonologique

important, peu amélioré par la répétition, un trouble de l’encodage syntaxique(difficulté à

utiliser les déterminants, les marqueurs morphosyntaxique, les marqueurs temporels…), une

réduction lexicale, des troubles praxiques oro-faciaux, une compréhension bien préservée

dans l’ensemble, un langage tout à fait pragmatique (l’enfant est informatif, il utilise si besoin

des gestes pour se faire comprendre). Un trouble de la rétention immédiate est souvent

associé, ainsi que des difficultés dans les domaines visuo-constrictifs.

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Différence entre retard de langage et dysphasie de développement

Retard simple de langage Dysphasie

- Décalage chronologique, trouble fonctionnel- Trouble phonologique qui obéit au principede facilitation, simplification de la parole- Lexique réduit

- trouble syntaxique : syntaxe maladroite

- Atteinte homogène de la phonologie, dulexique et de la syntaxe- amélioration avant 6 ans

- Trouble primaire, trouble structurel- Déviances phonologiques, erreurs atypiques,complexifications- Troubles d’évocation (manque du mot,conduites d’approches, paraphasiesémantiques et phonétiques)- Dyssyntaxie, agrammatisme, caractèredéviant du trouble d’encodage syntaxique- écarts de performance entre les différentsniveaux linguistiques- déficit durable

Epreuves complémentaires nécessaires

Dans le doute d’un diagnostic de dysphasie, plusieurs bilans seront nécessaires pour infirmer

ou confirmer cette hypothèse. Ils vont permettre de faire le point sur le trouble de l’enfant et

ses compétences.

Le diagnostic de dysphasie s’effectue de plus par exclusion :

- d’un déficit auditif

- d’une malformation des organes phonatoires

- d’une insuffisance intellectuelle

- d’une lésion cérébrale

- d’un trouble envahissant du développement ou de carence affective ou éducative.

Un bilan orthophonique : Il explore les différents domaines du langage pour évaluer les

capacités linguistiques et langagières préservées et déficitaires.

Tous les renseignements récoltés auprès du médecin, des parents et autres intervenants

proches de l’enfant sont précieux pour mieux comprendre ses difficultés et orienter les

épreuves du bilan à explorer prioritairement.

Il se compose de différentes épreuves : praxies bucco-faciales, articulation, phonologie,

conscience phonologique, expression lexicale et syntaxique, récit sur images,

compréhension lexicale et syntaxique, compréhension aux questions verbales, mémoire

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verbale et auditivo-verbale, gnosies auditives, langage écrit à partir du CP.

Il peut être complété par l’évaluation des capacités logico-mathématiques. Le repérage

dans le temps et les capacités visuo-attentionnelles seront également explorées.

L’observation de l’enfant lors du bilan, son appétence à la communication, sa réaction

face aux difficultés, son informativité lors de discours spontané fournissent également de

précieuses indications.

Les résultats des différents tests permettront de contribuer au diagnostic et d’établir un

projet thérapeutique de prise en charge.

Dans le cas d’une dysphasie, le bilan devra mettre en évidence l’existence d’au moins

trois marqueurs de déviance caractéristiques :

Un trouble de l’évocation lexicale : l’enfant à des difficultés à accéder aux mots qui font

pourtant partie de son lexique.

Une hypospontanéité verbale : il parle peu et difficilement, il a besoin d’être sollicité pour

s’exprimer.

Un trouble de l’encodage syntaxique : il a des difficultés à produire des phrases correctes,

élude des petits mots (articles, prépositions), il ne conjugue pas les verbes…

(agrammatisme ou dyssyntaxie).

Un trouble de l’informativité : il ne parvient pas à expliquer des choses simples.

Un trouble de la compréhension verbale.

Une dissociation automatico-volontaire : il produit des mots spontanément mais ne sait

plus les répéter ou les redire lorsqu’on lui demande de le faire. Ce trouble peut se

retrouver dans l’exécution de praxies bucco-faciales.

L’analyse des résultats de Quentin aux épreuves de la BREV, va permettre à l’orthophoniste

d’orienter les épreuves à faire passer prioritairement lors du bilan et de les compléter.

L’évaluation des praxies bucco-faciales (qui permettra de repérer une éventuelle dissociation

automatico-volontaire) et de l’articulation (troubles articulatoires évoqués à l’anamnèse)

s’ajoutera aux épreuves déjà suggérées lors de l’analyse des résultats.

Nous n’avons pas non plus d’indication sur ses capacités de repérage temporo-spatial.

La rétention verbale n’est pas testée dans la BREV.

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• Un bilan neuropsychologique : bilan psychométrique, mémoire, attention,

fonctions exécutives.

On note dans la BREV des difficultés de planification lors de l’épreuve du labyrinthe mais

l’enfant était fatigué lors de l’épreuve et la fiabilité des résultats est alors remise en question.

Il en est de même pour l’épreuve de l’attention sélective motrice et il est important de faire le

point sur ses capacités ou difficultés à ce niveau.

L’anamnèse précise par ailleurs d’éventuelles difficultés de mémorisation des comptines mais

il semble réussir à la maison ce qu’il ne restitue pas en classe.

Même s’il n’y a à priori pas d’inquiétude à avoir au sujet de ses capacités intellectuelles en

regard de ses bonnes performances lors de certaines épreuves non verbales (complétion de

formes, sériation de jetons qui met en jeu des compétences logique, calculs et traitement des

nombres, bonnes capacités lors des manipulations mathématiques en classe…), la passation

d’une évaluation psychométrique peut confirmer si besoin le diagnostic de dysphasie (en

exclusion d’un déficit intellectuel) et faire le point plus précisément sur ses compétences et

ses difficultés au niveau non-verbal. Elle permettra de repérer d’éventuelles dissociations, une

hétérogénéité des performances.

• Un bilan psychologique : entretien, histoire familiale, comportement.

Visiblement, Quentin semble se comporter de façon différente en fonction des différents lieux

dans lesquels il évolue : chez l’orthophoniste, à l’école, à la maison. Il semble être plus à

l’aise pour exprimer ses compétences à la maison (répète les comptines, compte jusqu’à 25,

fait des phrases) alors que l’équipe éducative dont son institutrice s’inquiète, le trouve

immature, font état d’un « gros retard ». A la maison, il « se braque ». L’orthophoniste parle

de phases de repli sur soi…

Cet enfant présente t-il des problèmes de communication qui engendrent des troubles du

comportement lorsqu’il ne parvient pas à exprimer ce qu’il veut ?

Est-il sensible à l’échec, au regard des autres ? Subit-il ou a t-il subit des moqueries de la part

des autres ? Quelles ont été les séquelles affectives engendrées par son histoire médicale

(prématurité, hospitalisation…) ?

• Un bilan psychomoteur : évaluation du tonus, de la motricité, des praxies, du

graphisme, du schéma corporel, de l’organisation perceptive, de l’organisation

temporo-spatiale.

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Quentin utilise plus souvent sa main gauche, est-il gaucher ou mal latéralisé encore ?

L’institutrice précise qu’il n’a pas de représentation dans l’espace.

Son graphisme est mal assuré dans l’épreuve de reproduction de forme.

Nous ne savons pas comment in se situe dans le temps et l’espace.

Nous savons également que l'enfant dysphasique présente des difficultés de repérage

temporo-spatiale (20).

• Un bilan neuropédiatrique (EEG de sieste, IRM, avis Génétique) pourra également

être proposé.

Dans le cas de Quentin, un EEG, pratiqué en période périnatale, s’avère normal.

• Le bilan auditif n’a pas encore été effectué et reste indispensable en raison des

troubles phonologiques constatés.

Prise en charge

La prise en charge dans un centre pluridisciplinaire est idéale pour construire un projet

personnalisé, en tenant compte des différents facteurs qui interagissent sur le trouble présenté

qu’ils soient biologiques, neurodéveloppementaux, environnementaux, psycho-affectifs ou

sociaux. De nombreux auteurs, comme Damasio, ont montré l’étroite intrication des sphères

affectives et cognitives. Dans notre pratique quotidienne, nous essayons de ne pas nous

attacher au seul symptôme mais, autant que possible, d’appréhender l’enfant dans sa globalité

et sa complexité, avec sa personnalité et son histoire. Ainsi, le trouble de langage dont souffre

l’enfant ne peut être pris en compte isolément.

Plus concrètement, nous disposons au C.M.P.P d’une équipe pluri-disciplinaire composée

d’un pédopsychiatre, de psychologues, de psychomotriciens et orthophonistes, de

rééducateurs psycho-pédagogiques issus du corps enseignant et d’une assistante sociale. Le

projet de chaque enfant est discuté et réactualisé lors des réunions de synthèse. Nous nous

déplaçons régulièrement dans les écoles pour faire des liaisons avec les enseignants et

participer aux équipes éducatives.

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Perspectives de rééducation orthophonique

Au stade actuel des consultations, nous ne pouvons nous prononcer entre le diagnostic de

retard de langage simple et celui de dysphasie.

Dans le cas d’un retard de langage :

Si, comme nous pouvons l’espérer, les différents bilans complémentaires infirment le

diagnostic de dysphasie, Quentin devrait pouvoir récupérer son retard au niveau du langage

avant son entrée au CP, aidé par la rééducation orthophonique (déjà mise en place depuis

novembre 2005), associée si besoin à une prise en charge psychologique et/ou psycho-

motrice.

L’objectif de la rééducation orthophonique classique pour ce trouble, chez un enfant de

grande section maternelle comme Quentin, est de travailler à la fois l’articulation, la

phonologie, les gnosies auditives, l’enrichissement et la structuration du lexique et de la

syntaxe, l’acquisition des concepts de base, la mémoire verbale, auditive et visuelle,

l’attention, tout en développant les pré-requis nécessaires au langage écrit, et particulièrement

la conscience phonologique.

Les études prospectives de Bishop et Adams (22) montrent en effet que les troubles de parole

et langage représentent un risque important pour les difficultés d’acquisition du langage écrit

lorsqu’ils ne sont pas compensés à 5 ans.

Dans le cas d’une confirmation de l’hypothèse de dysphasie :

La rééducation d’un enfant dysphasique doit être précoce et intensive. Le trouble étant

durable, elle est à prévoir sur une longue durée pour accompagner l’enfant au long de sa

scolarité. Il est important de diversifier le matériel et les supports proposés pour maintenir son

intérêt et sa motivation.

La prise en charge va s’attacher à améliorer les domaines où ses compétences sont

déficitaires, tout en s’appuyant sur ceux où ses performances sont préservées. La rééducation

reste palliative, pour tenter de compenser les déficits structurels à l’aide de stimulations

diverses et développer des stratégies de compensation. L’objectif est à la fois de permettre à

l’enfant d’accéder à un langage oral fonctionnel et de développer parallèlement le langage

écrit. Contrairement à la rééducation d’un retard simple de langage, chaque notion abordée ne

sera pas travaillée en opposition car l’enfant dysphasique aura tendance à confondre les

notions.

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Le bilan complet pluridisciplinaire permettra d’établir le profil de l’enfant, mettant en

évidence à la fois ses difficultés et ses capacités. Ces informations vont servir de base de

travail pour définir un programme de rééducation personnalisé, qui sera modifiable au fur et à

mesure de l’évolution. Ceci demande souvent beaucoup de souplesse et de créativité.

D’autres éléments interviennent généralement lors de la prise en charge, en rapport avec ses

motivations, ses blocages, les aspects psycho-affectifs, son attitude face aux apprentissages…

L’établissement d’une bonne qualité de relation et de communication avec l’enfant est

essentiel dans le déroulement de la rééducation.

La rééducation s’attachera à :

• Développer des compétences phonologiques et auditivo-verbales :

Les exercices de segmentation et de discrimination représentent la base de ce travail .

Les exercices de segmentation syllabique et de manipulation sur les syllabes des mots :

inversions syllabiques, rimes, recherche d’intrus… vont permettre de développer la

conscience phonologique. Les orthophonistes disposent à ce niveau de nombreux jeux très

appréciés des enfants (saute grenouille, saute planète…).

Les jeux de rythme, les jeux d’écoute, de discrimination auditive aideront l’enfant à

développer ses compétences auditivo-verbales.

Dans la dysphasie phonologique-syntaxique, le décodage phonologique est déficitaire et il

faudra donc aider l’enfant à suppléer à ce déficit en développant des stratégies de

compensation (utilisation des afférences visuelles et kinesthésiques). Ainsi, l’utilisation des

gestes phonétique de Mme Borel Maisonny (ou français signé, LPC…), du support de l’écrit

présenté précocement, permettront à l’enfant de mieux repérer la phonologie de la langue en

s’appuyant sur le canal visuel et moteur.

• Développer ses compétences syntaxiques, versant compréhension et expression

Les enfants dysphasiques ont tendance souvent à fonctionner « à l’économie », et masquer

leurs difficultés en utilisant des phrases minimales.

Les différentes structures syntaxiques seront abordées par ordre de complexité, de façon

répétitive en multipliant les situations et en lui offrant un repérage visuel.

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Les exercices seront adaptés en fonction de la progression normale d’acquisition du langage,

en veillant à ne proposer qu’une difficulté à la fois.

Le travail d’expression peut être mené à partir de différents jeux, images, mises en situations,

créations de petits personnages, mimes…

Les pictogrammes servent de support à la rééducation. Ils favorisent l’évocation visuelle et la

mémorisation du lexique et des structures syntaxiques et permettent également d’introduire la

lecture. Ils peuvent constituer également un moyen de communication pour un enfant ayant

très peu de langage. De même, la méthode des jetons, qui consiste à composer une phrase

avec des pions ou évoquer une phrase à partir d’une série de pions proposés, permet de

travailler simultanément la mémoire verbale, la segmentation en mot et la construction

syntaxique en visualisant les productions. Le langage écrit peut rapidement y être associé en

remplaçant peu à peu les pions par des mots écrits.

Il est toujours important de varier les supports et d’éveiller l’intérêt de l’enfant.

• Développer le lexique :

Il n’a pas été mis en évidence de trouble d’évocation lexicale chez Quentin , mais les

informations restent incomplètes à ce niveau et devront être complétées par les données des

tests de vocabulaire (lenteur d’évocation ? Présence ou non de « manques du mot » ?

Réduction du lexique ? Difficulté d’organisation du lexique (catégorisation…) ? ).

D’une façon générale, l’enrichissement lexical est travaillé en orthophonie dans les cas de

retard de langage et de dysphasie. Cependant, les troubles d’évocation relevés chez les enfants

dysphasiques va conduire l’orthophoniste à insister plus particulièrement sur l’organisation du

lexique, la constitution de réseaux sémantiques qui vont l’aider à mieux accéder aux mots.

Les exercices de dénomination d’images, désignation, définition et évocation sur définition

seront proposés à partir de jeux et supports divers (images, objets, jeux…).

Nous pouvons proposer également des jeux de classements sémantiques, recherche d’intrus,

fluences par catégories chacun son tour, travail d’expression sur des thèmes, jeu des

devinettes, antonymies et synonymie avec des lotos, des cartes…(23).

• Trouble de la compréhension verbale

Dans le cas d’une dysphasie phonologique-syntaxique, la compréhension est généralement

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bien préservée, le trouble touche davantage le versant expressif. On observe cependant

souvent des difficultés de compréhension fine de structures syntaxiques.

Le travail au niveau du lexique et de la syntaxe va permettre d’améliorer la compréhension

verbale. Le travail d’expression et de compréhension est mené simultanément. La

compréhension peut également être altérée en raison des difficultés de mémoire verbale,

l’enfant sera alors gêné par des phrases plus longues.

• Des troubles de la mémoire (verbale, auditive, visuelle, visuo-spatiale, tactile /

Mémoire immédiate, à long terme, de travail) et de l’attention sont souvent associés

aux troubles du langage de l’enfant dysphasique et seront travaillés avec beaucoup

d’insistance à l’aide jeux divers :

Jeux de kim, mémory, lotos, comptines, reproductions de rythmes, travail des

représentations mentales, restitution d’histoires, jeux d’observations visuelles, jeux

d’attention auditive, logiciels Gérip...).

• Le langage écrit devra être abordé précocement, il servira de support pour structurer le

langage oral. Suivant les cas, dans le but de faciliter cet apprentissage grâce à un support

visuel, l’orthophoniste pourra introduire la méthode phonético-gestuelle de Mme Borel

Maisonny, la méthode d’imprégnation syllabique de Mme Lasek, les pictogrammes du

MAKATON pourront progressivement être remplacés par des mots écrits... Dans tous les

cas, il faut chercher au cas par cas avec l’enfant ce qu’il lui convient le mieux.

Partenariat avec l’école, création de mesures adaptatives

Les mesures adaptatives mises en place dés la maternelle en partenariat avec l’école

permettent à l’enfant dysphasique, par la prise en compte de ses difficultés, de mieux vivre

son intégration en milieu scolaire et de faciliter les apprentissages.

En fonction des troubles présentés par ces enfants, nous pouvons citer quelques mesures

conseillées dans leur prise en charge (24).

Hypospontanéité, trouble de l’encodage syntaxique, trouble de l’évocation lexicale,

trouble phonologique, trouble de l’informativité :

favoriser la communication de l’enfant en partant de ses centres d’intérêt, développer

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son plaisir de communiquer, encourager ses productions

l’inciter à mimer ce qu’il veut dire et illustrer son message

faciliter son expression par l’intermédiaire de l’ébauche orale

apprendre le vocabulaire par champ sémantique pour favoriser l’organisation et la

structuration du lexique

développer la conscience phonologique

favoriser les exercices de rythme, les comptines, rythmer les mots en frappant les

syllabes…

Trouble de la compréhension orale :

utiliser des phrases courtes et simples et parler lentement

ne donner qu’une consigne à la fois avec un support visuel, re-verbaliser la consigne et

lui refaire verbaliser pour vérifier qu’il l’ait bien comprise

lui laisser le temps d’intégrer le message

utiliser le canal visuel : utilisation de pictogramme, gestes (ex : méthode phonético-

gestuelle de MmeBorel-Maisonny, méthode Macaton…), mimes, livres, mots écrits,

ordinateur

faciliter l’acquisition du concept de temps (repérage temporel généralement difficile)

en lui permettant de s’en faire une représentation visuelle

travailler le langage à partir des contes et autre récits, mimer, mettre en scène l’histoire

avec son corps pour favoriser le plaisir de communiquer et la mémorisation.

Difficulté d’attention et de mémorisation :

d’éliminer au maximum les distracteurs et stimulations extérieures qui vont le

déconcentrer : l’enfant dysphasique a souvent des troubles de l’attention car il n’arrive

pas à inhiber les bruits et sollicitations extérieurs

placer l’enfant de telle façon qu’il puisse regarder son interlocuteur bien en face pour

l’aider à être plus attentif et s’aider de la lecture labiale

prévoir des activités de courte durée avec alternance d’activité verbale et manuelle

répéter souvent pour ancrer le modèle.

Au C.P., la collaboration avec l’enseignant pour l’apprentissage de lecture est essentielle.

Par exemple, la méthode phonético-gestuelle sera plus efficace si elle suit la progression des

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graphèmes vus en classe. De même, les thèmes abordés à l’école pourront être repris lors des

séances individuelles pour renforcer le travail stock lexical.

Un cahier de liaison peut être instauré entre l’enseignant et l’orthophoniste. Chacun y

indiquera les notions abordées et les difficultés de l’enfant sur tel ou tel apprentissage. Cela

permettra à l’orthophoniste par exemple de reprendre en individuel d’une façon différente les

notions difficiles abordées en classe, ou de proposer des techniques qui se sont avérées

efficaces avec l’enfant.

Toutes ces mesures ne sont pas exhaustives et chaque projet devra être travaillé de façon

individualisée.

Les réunions en équipes éducatives permettent également de réunir régulièrement les

différents intervenants, le médecin scolaire et les parents. Celles-ci sont nécessaires pour faire

le point sur l’évolution et les difficultés de l’enfant dans les différents lieux, s’informer, et

réactualiser le projet personnalisé.

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Conclusion 

L’histoire de Quentin est inhabituelle chez les anciens grands prématurés pourtant bien plus à

risque de troubles cognitifs, à type de dyspraxie. En effet, son trouble du langage et la plainte,

issue essentiellement du milieu scolaire, n’ont pas pu être encore bien définis. Le diagnostic

reste incertain… probablement plus complexe que prévu ! Au moment de la BREV, il a alors

4 ans et 10 mois d’âge corrigé, et son langage? Ce cas clinique montre que l’orientation

diagnostique n’est parfois pas évidente à partir d’une BREV, même si elle permet le dépistage

de troubles cognitifs. Le bilan complémentaire reste alors essentiel.

La complémentarité entre les professionnels de l’enfance (médecins, para-médicaux,

enseignants…) est essentielle comme nous avons pu le voir à travers cette étude. Elle

commence dés le dépistage du trouble et se poursuit pour affiner et poser un diagnostic, puis

lors de la prise en charge de l’enfant et le partenariat entre l’école et les différents

intervenants. Dans cette dynamique, les parents sont les premiers acteurs puisqu’ils

garantissent le lien entre tous.

Une meilleure connaissance du travail et du rôle de chacun permet d’agir plus efficacement

auprès des enfants. La communication et l’échange d’informations entre tous favorisent la

prise en compte de l’enfant dans son individualité et sa globalité.

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Bibliographie

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9. K. Stjernqvist and N.W. Svenningsen. Extremely low-birth-weight infants less than 901 g: developmentand behaviour after 4 years of life. Acta Paediatr-1995, vol. 84 : pages 500-506.

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11. D. Valleur-Masson. Le développement normal des très grands prématurés : les troubles transitoires.Médecine thérapeutique pédiatrie-août 2000, vol. 3 : pages 244-249.

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13. M. Tardieu. Développement psychomoteur de l’enfant. Eléments d’évaluation. Rev Prat. 1992, 42 (1) :113-7.

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17. J. Mancini. Dysphasie : aspects neuropédiatriques. Cours Diplôme Universitaire 2007.

18. M. Mazeau. Neuropsychologie et troubles des apprentissages. Du symptôme à la rééducation. Masson2005. Chapitre 3; 102-152.

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19. C. Jeannin-Carvajal. Suivi du prématuré et de sa famille : modalités de dépistage et de rééducation.mtpédiatrie 2000, vol 3 (4) ; 267-272.

20. C.L. Gérard. L'enfant Dysphasique : chapitre « «troubles associés ». Ed De Boeck Université : page 56.

21. C. L. Gérard. Place des syndromes dysphasiques parmi les troubles du développement du langage chezl’enfant. Masson.

22. DVM Bishop, C.A Adams. Prospective study of the relationship between specific language impairment,phonological disorders and reading retardation. Journal of child psychologie and psychiatry 1990.

23. D. Potier. La rééducation de l’enfant dysphasique. C. Gérard / V. Brun. Les dysphasies - Ed Masson :page 105.

24. Dominique-Anne Romagny. Repérer et accompagner les troubles du langage : chapitre « les mesuresadaptatives » - Ed Chronique Sociale page 119.

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Annexe 1 : Courrier de l’institutrice

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Annexe 2 : Profil de la BREV de Quentin

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Annexe 3: Signes d’alerte de difficultés langagières :

Indices de difficultés langagières :(Association Avenir Dysphasie Nord, plaquette réalisée à partir du mémoire d’orthophonie de C. Ammeux et M.

Bertrande avec Mmes le Docteur F.Boidein et A.Taillant)

Enfant silencieux avant 1 an, babille peu

Entre 18 et 24 mois, l’enfant ne dit pas ses premiers mots

Entre 24 et 30 mois, l’enfant ne produit pas de petites phrases (ex : « papa pati »)

A 3 ans, l’enfant parle, mais est difficilement compris. Il ne pose pas de questions

comme « pourquoi… ? », « c’est quoi… ? »)

Très tôt, l’enfant utilise des gestes pour se faire comprendre ou demander des choses.

Quel que soit son âge, l’enfant ne semble pas comprendre ce qu’on lui dit sauf si l’on

fait des gestes en parlant

L’enfant est maladroit.

Il a des difficultés de graphisme :

- à 3-4 ans, il ne peut pas dessiner un cercle

- à 4 ans, il ne commence pas à dessiner un bonhomme

Il se repère mal dans le temps et dans l’espace :

- à 3 ans, il ne distingue pas le jour et la nuit

- à 4 ans, il ne reconnaît pas les moments de la journée

- à 6 ans, il n’a pas la notion d’hier et de demain

Il est renfermé ou au contraire trop instable.

Age items du langage à surveiller

3 mois Gazouillis- voyelles

6 mois Babillages- consonnes

8 mois Papa-maman non spécifiques

10 mois Papa-maman appropriés

14-15 mois Jargon abondant/ 3 mots

18 mois 5 parties du corps

2 ans Vocabulaire d’environ 50 mots

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Annexe 4 : Schémas récapitulatifs concernant les dysphasies(M. Mazeau. Neuropsychologie et troubles des apprentissages. Du symptôme à larééducation. Masson (18))