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Ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas ISSN: 0757-2395 MENSUEL ÉDITÉ PAR L’U.J.R.E. PNM n° 349 - Octobre 2017 - 35 e annĂ©e Union des Juifs pour la RĂ©sistance et l’Entraide Le N° 6,00 € La PNM aborde de maniĂšre critique les problĂšmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse Ă  toute diabolisation et combat rĂ©solument toutes les manifestations d’antisĂ©- mitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient, basĂ©e sur le droit de l’État d’IsraĂ«l Ă  la sĂ©curitĂ© et celui du peuple palestinien Ă  un État. L a sociĂ©tĂ© française est l’objet d’un « choc », celui des ordonnances rĂ©for- mant le Code du travail. Il s’agit, car Ă  coup sĂ»r ce n’est lĂ  qu’un premier pas, de vider ce code de sa substance relative aux garanties dont disposent les salariĂ©s, elles-mĂȘmes fruits de dĂ©cennies de luttes pour les conquĂ©rir. Il s’agit, au fond, d’instituer pour le plus grand profit du patronat et, parmi celui-ci, de la frac- tion la plus liĂ©e au capital financier, la concur- rence de chaque salariĂ© contre tous les autres salariĂ©s. Cependant, le pouvoir macronien n’est pas au bout de ses peines sur ce chemin. D’une part, sa trĂšs brusque et rapide chute de popularitĂ© dans les sondages est un signe de faiblesse politique. D’autre part, au moment oĂč nous Ă©crivons ces lignes, plusieurs journĂ©es de pro- testation et d’action sont dĂ©jĂ  programmĂ©es par des forces politiques ou syndicales. Par ailleurs, Ă  l’occasion de la prĂ©paration du budget, une refonte importante de la fiscalitĂ© se profile Ă  l’horizon, sur laquelle nous reve- nons en page 4. Celle-ci est profondĂ©ment marquĂ©e par une aggravation des inĂ©galitĂ©s. Au fond, la question qui est posĂ©e est celle de savoir de quelle politique notre sociĂ©tĂ© fran- çaise a besoin. PlutĂŽt qu’une flexibilitĂ© de l’emploi source de prĂ©caritĂ©, qu’un abaissement de charges socia- les sans efficacitĂ© sur le niveau de l’emploi, il faut libĂ©rer l’économie des pressions que le capital financier exerce sur elle par l’applica- tion de normes de rentabilitĂ© insensĂ©es tant elles sont exorbitantes. PlutĂŽt que de rĂ©duire le rĂŽle des instances reprĂ©sentatives des salariĂ©s dans les entrepri- ses, il faut instituer une vĂ©ritable dĂ©mocratie sociale dans les lieux oĂč l’on produit la richesse. PlutĂŽt que la nomination d’une « personnalitĂ© Ă©cologique », il faut un ambitieux programme de dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. PlutĂŽt qu’un recours systĂ©matique aux mar- chĂ©s et au secteur privĂ© , embourbĂ©s dans leur logique de rentabilitĂ© financiĂšre, il faut insti- tuer une logique de service public au profit du plus grand nombre concernant, notamment, la santĂ©, la culture et l’éducation. PlutĂŽt qu’une soumission au diktat europĂ©en en matiĂšre de dĂ©ficit budgĂ©taire, il faut refon- der l’Europe pour la rendre plus solidaire, plus sociale et plus dĂ©mocratique. PlutĂŽt que d’envoyer les troupes françaises guerroyer tous azimuts Ă  travers le monde, il faut une vĂ©ritable politique de coopĂ©ration et de paix entre les nations qui composent ce monde. Et qu’on ne vienne pas nous dire que la poli- tique du gouvernement a Ă©tĂ© approuvĂ©e par une majoritĂ© de Français lors des derniĂšres Ă©lections. Car il faut rappeler que c’est moins du quart de l’électorat qui, par son vote au pre- mier tour de la prĂ©sidentielle, a approuvĂ© le programme d’Emmanuel Macron. Dans ces conditions, il n’est d’autre voie que l’engage- ment dans le mouvement social pour contre- carrer cette politique nĂ©faste aux intĂ©rĂȘts de ceux qui ne vivent que de leur travail. Aucun doute : tous les lecteurs de la PNM auront Ă  cƓur d’y contribuer. < 18/09/2017 Jacques Lewkowicz Graves menaces sur la paix Lire en p.4 Lire en p.8 Boris Taslitzky au MAHJ Boris Taslitzky A guit your ! ! Ś Ś’Ś•Ś˜ Ś™Ś•ŚšĂ  l’occasion de Roch Hachana, la PNM prĂ©sente ses meilleurs vƓux Ă  ses lecteurs.

e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

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Page 1: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

Ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas

ISSN: 0757-2395 MENSUEL ÉDITÉ PAR L’U.J.R.E.PNM n° 349 - Octobre 2017 - 35e annĂ©e Union des Juifs pour la RĂ©sistance et l’Entraide Le N° 6,00 €

La PNM aborde de maniĂšre critique les problĂšmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse Ă  toute diabolisation et combat rĂ©solument toutes les manifestations d’antisĂ©-mitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient, basĂ©e sur le droit de l’État d’IsraĂ«l Ă  la sĂ©curitĂ© et celui du peuple palestinien Ă  un État.

La sociĂ©tĂ© française est l’objet d’un« choc », celui des ordonnances rĂ©for-mant le Code du travail. Il s’agit, car Ă 

coup sĂ»r ce n’est lĂ  qu’un premier pas, de viderce code de sa substance relative aux garantiesdont disposent les salariĂ©s, elles-mĂȘmes fruitsde dĂ©cennies de luttes pour les conquĂ©rir. Il s’agit, au fond, d’instituer pour le plus grandprofit du patronat et, parmi celui-ci, de la frac-tion la plus liĂ©e au capital financier, la concur-rence de chaque salariĂ© contre tous les autressalariĂ©s. Cependant, le pouvoir macronien n’est pas aubout de ses peines sur ce chemin. D’une part,sa trĂšs brusque et rapide chute de popularitĂ©dans les sondages est un signe de faiblessepolitique. D’autre part, au moment oĂč nousĂ©crivons ces lignes, plusieurs journĂ©es de pro-testation et d’action sont dĂ©jĂ  programmĂ©espar des forces politiques ou syndicales.Par ailleurs, Ă  l’occasion de la prĂ©paration dubudget, une refonte importante de la fiscalitĂ©se profile Ă  l’horizon, sur laquelle nous reve-nons en page 4.

Celle-ci est profondĂ©ment marquĂ©e par uneaggravation des inĂ©galitĂ©s.Au fond, la question qui est posĂ©e est celle desavoir de quelle politique notre sociĂ©tĂ© fran-çaise a besoin. PlutĂŽt qu’une flexibilitĂ© de l’emploi source deprĂ©caritĂ©, qu’un abaissement de charges socia-les sans efficacitĂ© sur le niveau de l’emploi, ilfaut libĂ©rer l’économie des pressions que lecapital financier exerce sur elle par l’applica-tion de normes de rentabilitĂ© insensĂ©es tantelles sont exorbitantes. PlutĂŽt que de rĂ©duire le rĂŽle des instancesreprĂ©sentatives des salariĂ©s dans les entrepri-ses, il faut instituer une vĂ©ritable dĂ©mocratiesociale dans les lieux oĂč l’on produit larichesse. PlutĂŽt que la nomination d’une « personnalitĂ©Ă©cologique », il faut un ambitieux programmede dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. PlutĂŽt qu’un recours systĂ©matique aux mar-chĂ©s et au secteur privĂ© , embourbĂ©s dans leurlogique de rentabilitĂ© financiĂšre, il faut insti-tuer une logique de service public au profit du

plus grand nombre concernant, notamment, la santĂ©, la culture et l’éducation. PlutĂŽt qu’une soumission au diktat europĂ©enen matiĂšre de dĂ©ficit budgĂ©taire, il faut refon-der l’Europe pour la rendre plus solidaire, plussociale et plus dĂ©mocratique. PlutĂŽt que d’envoyer les troupes françaisesguerroyer tous azimuts Ă  travers le monde, il faut une vĂ©ritable politique de coopĂ©ration etde paix entre les nations qui composent cemonde.Et qu’on ne vienne pas nous dire que la poli-tique du gouvernement a Ă©tĂ© approuvĂ©e parune majoritĂ© de Français lors des derniĂšresĂ©lections. Car il faut rappeler que c’est moinsdu quart de l’électorat qui, par son vote au pre-mier tour de la prĂ©sidentielle, a approuvĂ© leprogramme d’Emmanuel Macron. Dans cesconditions, il n’est d’autre voie que l’engage-ment dans le mouvement social pour contre-carrer cette politique nĂ©faste aux intĂ©rĂȘts deceux qui ne vivent que de leur travail. Aucun doute : tous les lecteurs de la PNMauront Ă  cƓur d’y contribuer. < 18/09/2017

Jacques Lewkowicz

Graves menaces sur la paix

Lire en p.4

Lire en p.8 Boris Taslitzky au MAHJ

Boris Taslitzky

A guit your ! ! Ś Ś’Ś•Ś˜ Ś™Ś•ŚšĂ  l’occasion de Roch Hachana,

la PNM prĂ©sente ses meilleurs vƓuxĂ  ses lecteurs.

Page 2: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

FĂ©licitations

Paula Paumond, nĂ©e Goldfingernous a quittĂ©s le 21 septembre 2017 Ă  l’ñge de 80 ans.

Il y a quelques annĂ©es, nous nous Ă©tions rĂ©jouis de l’amĂ©lioration de lasantĂ© de notre amie. La maladie aura eu raison de la combativitĂ©, de l’al-

lant, de l’humour de cette femme de conviction. Paulette, une habituĂ©e du« 14 » et de la « rue juive » ne manquait pas l’occasion d’honorer lamĂ©moire de ses parents, Elie et Gitla Goldfinger. Nous transmettons nos plussincĂšres condolĂ©ances Ă  son fils Fabrice ainsi qu’à ses proches. < PNM

2 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017L a

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– I S S N : 0 7 5 7 - 2 3 5

LA P R E S S E NO U V E L LE

Magazine Progressiste Juiffondé en 1934Editions :

1934-1993 : quotidienne en yiddish, NaĂŻe Presse(clandestine de 1940 Ă  1944)

1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM

Ă©ditĂ©es par l’U.J.R.EN° de commission paritaire 061 9 G 89897

Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ

RĂ©dacteur en chefBernard Frederick

Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,Nicole Mokobodzki, Roland Wlos

Administration - AbonnementsSecrétaire de rédaction

Tauba AlmanRĂ©daction – Administration

14, rue de Paradis75010 PARIS

Tel : 01 47 70 62 1 6Fax : 01 45 23 00 96

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Le 29 août, la maire de Paris, AnneHidalgo, a inauguré dans le 12e

arrondissement, Ă  l’intersection duboulevard Poniatowski, de l’avenuede la Porte de Charenton et de la rueFerdinand-de-BĂ©hagle, la nouvellePlace Lise et Artur London, en prĂ©-sence notamment de Catherine Vieu-Charier, adjointe Ă  la Maire de Paris,chargĂ©e de la mĂ©moire et du mondecombattant, correspondant DĂ©fense,de Catherine Baratti-Elbaz, maire du12e arrondissement et de GĂ©rardLondon. Militants communistes, engagĂ©s tousles deux dans les Brigades Internatio-

nales en Espagne, rĂ©sistants de la pre-miĂšre heure, Artur London est arrĂȘtĂ© en1940, Lise London, en 1942.Ils sont dĂ©portĂ©s, lui Ă  Mauthausen,elle Ă  RavensbrĂŒck puis Ă  Buchen-wald.Artur, nĂ© dans une famille juive, futl’un des dirigeants de la RĂ©sistancede la MOI. AprĂšs la guerre, de retour enTchĂ©coslovaquie, son pays d’ori-gine, il fut injustement condamnĂ©*puis libĂ©rĂ© sur l’intervention duPCF. Lise Ă©tait une marraine de MRJ-MOI. <

* Artur et Lise London, L'aveu : dansl'engrenage du procĂšs de Prague,Gallimard, rĂ©Ă©d.1986, 640 p., 11,90 €

C’est peu de dire que la familleSteinberg nous est chùre. L’UJRE a

eu l’honneur d’avoir pour prĂ©sidentLucien Steinberg dont tous nos lecteursconnaissent la contribution Ă  l’histoire dela RĂ©sistance juive. Son Ă©pouse HĂ©lĂšnequi nous quittait il y a peu a jouĂ© un rĂŽled’animation apprĂ©ciable en faisant vivresa librairie, notre voisine, La Balustrade.C’est dire qu’Henriette a de qui tenir.Aussi avons-nous appris avec un peu defiertĂ© sa promotion au grade d’officier de la LĂ©gion d’honneur. Distinction qui lui aĂ©tĂ© remise le 22 septembre par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Secours populaire français,Julien LauprĂȘtre. Henriette est en effet SecrĂ©taire nationale et SecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale duConseil d’administration de cette association dont nous rappelons le mot d’ordremagnifique que lui trouva Jean Cocteau, « Tout ce qui est humain est nĂŽtre ». Le nouvel officier, qui est aussi notre abonnĂ©e, a droit aux chaleureuses fĂ©licitationsde la PNM. <

Un appel Ă  collaboration

La PNM recherche des collaboratrices / collaborateurs bénévoles pourrejoindre son équipe de rédaction.

Vous maĂźtrisez le français, vous avez de l’intĂ©rĂȘt pour la politique, la viesociale, l’histoire, la langue et la culture yiddish, les arts, le cinĂ©ma, le thĂ©Ăątre.Vous avez des disponibilitĂ©s pour rĂ©aliser des interviews de personnalitĂ©s,artistes, chercheurs...Vous ou l’un de vos proches peuvent ĂȘtre d’une grande aide Ă  la PNM.N’hĂ©sitez pas Ă  nous contacter ([email protected]) <

Place Lise et Artur London Ă  Paris

CARNET

MĂ©moire

L’UJRE invite sesadhĂ©rents Ă  partici-

per Ă  l'AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale qui setiendra le samedi 21 octobre, Ă  15h,au 14 rue de paradis, Paris 10°.La vie de toute association est ponc-tuĂ©e par son AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale :rĂ©union des adhĂ©rents, cet incontour-nable moment de rencontre et dedĂ©bat, essentiel pour la vie de l'asso-ciation, leur permet d'ĂȘtre informĂ©s sursa gestion annuelle, de se prononcersur les activitĂ©s passĂ©es, de dĂ©finir etorienter celles Ă  venir. Comme tou-jours, notre rĂ©union se terminera par letraditionnel pot de l'amitiĂ©. Nous vousespĂ©rons nombreux ! <Rappel Ne peuvent participer auxvotes que les adhĂ©rents Ă  jour de leurcotisation

AssembléeGénérale

Chers lecteurs, nous avions annoncĂ© dans notre derniernumĂ©ro que le film Brooklyn yiddish sortirait ce 13/09. Sa sortie a finalementĂ©tĂ© repoussĂ©e au 25/10. Occasion pour nous de vous annoncer qu’il vient deremporter au Festival du cinĂ©ma amĂ©ricain de Deauville le Prix du Jury.Raison de plus d’aller le voir, c’est un bon film ! <

Erratum

Roland Rappaport est mort en juin à l’ñge de 83 ans.

Issu d’une famille juive polonaise qui a Ă©chappĂ© Ă  l’ex-termination, il a passĂ© Ă  plusieurs reprises des vacances

dans les colonies de la Commission Centrale de l’EnfanceauprĂšs de l’UJRE, qu’il Ă©voquait avec joie et Ă©motion. Avocat au barreau de Paris depuis 1956, cofondateur du Syndicat des avocatsde France, il fut, tout jeune, membre du collectif d’avocats constituĂ© par leParti communiste français pour dĂ©fendre les militants du FLN et du Particommuniste algĂ©rien. Il fut l’un des avocats de Maurice Audin et contribuaavec d’autres Ă  faire parvenir en France le manuscrit de La question d’HenriAlleg. Il plaida Ă©galement au procĂšs Barbie pour faire entendre la voix desenfants d’Izieu. Parrain de MRJ-MOI, il lui accorda, peu de temps avant samort, un entretien filmĂ© passionnant sur la notion de crime contre l’humanitĂ©.Ce document sera accessible dans le parcours libre du MusĂ©e virtuel de MRJ-MOI. Roland Rappaport restera pour nous une figure inoubliable. < PNM

Un monument à la mémoire des 11 450 enfants juifs dépor-tés de France a été érigé au cimetiÚre du PÚre Lachaise.

Ă  l’invitation* de la maire de Paris, Anne Hidalgo, de Catherine Vieu-Charier,son adjointe chargĂ©e de la mĂ©moire et du monde combattant, correspondantDĂ©fense, de FrĂ©dĂ©rique Calandra, maire du 20e arrondissement et d’HenriPanczer, prĂ©sident du Conseil National pour la MĂ©moire des Enfants JuifsDĂ©portĂ©s, son inauguration aura lieu au cours d’une cĂ©rĂ©monie leJeudi 12 octobre 2017 Ă  14h30 dans le carrĂ© de la DĂ©portation, Ă  cotĂ© dumur des FĂ©dĂ©rĂ©s. EntrĂ©e par la rue des Rondeaux – MĂ©tro Gambetta.

* Inscription impĂ©rative avant le 10 octobre 2017 Ă  [email protected]

Page 3: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

pratique prise dans l’intĂ©rĂȘt d’une cause commune. »L’ambition du Royaume-Uni va au-delĂ  de laguerre. ObsĂ©dĂ© par la sĂ©curitĂ© de son systĂšme colo-nial, il redoute la concurrence de la France. Le pro-jet sioniste lui paraĂźt d’autant plus intĂ©ressant queWeizmann le prĂ©sente habilement : « Une Palestinejuive serait une sauvegarde pour l’Angleterre, par-ticuliĂšrement en ce qui concerne le canal de Suez. »Les espoirs que placent les sionistes dans le mandatbritannique ne seront pas déçus. Entre 1917 et 1948,le Yichouv (la communautĂ© juive de Palestine avantla crĂ©ation d’IsraĂ«l) passe de 10 % Ă  30 % de lapopulation, sa superficie agricole est multipliĂ©e par3, le nombre de ses colonies par 10 et sa productionindustrielle par 50.Le calcul est moins bon du cĂŽtĂ© britannique.Londres a sous-estimĂ© la rĂ©sistance des Arabes, quimultiplient les rĂ©voltes. AprĂšs celles de 1920 et de1929 Ă©clate, en 1936, une vĂ©ritable insurrection quidurera prĂšs de trois ans. L’ayant rĂ©primĂ©e durement,Londres en tire les leçons.Ă  dĂ©faut du (premier) partage de la Palestine refusĂ©par les intĂ©ressĂ©s, Sa MajestĂ©, inquiĂšte d’un possibleretournement d’alliances des pays arabes, fait volte-face. Le Livre blanc du 17 mai 1939 rĂ©duit l’immi-gration juive et les achats de terre, et promet doncd’ici Ă  dix ans l’indĂ©pendance Ă  une Palestine majo-ritairement arabe.

29 novembre 1947 : le plan de partage de l’ONU

La Seconde Guerre mondiale et le gĂ©nocide nazibouleversent cette perspective.Jusque-lĂ  minoritaire parmi les communautĂ©s jui-ves, le mouvement sioniste organise l’immigrationillĂ©gale vers la Palestine car des centaines demilliers de survivants ne peuvent pas ou ne veulentpas rentrer chez eux et se voient refuser toute immi-gration vers les États-Unis.Il a aussi acquis une lĂ©gitimation tragique aux yeuxde consciences occidentales travaillĂ©es par la culpa-bilitĂ© et qui ignorent tout des Arabes palestiniens.David Ben Gourion, qui le sait, dĂ©clare devant lacommission d’enquĂȘte des Nations unies : « Quiveut et peut garantir que ce qui nous est arrivĂ© enEurope ne se reproduira pas ? (...) Il n’y a qu’unesauvegarde : une patrie et un État. »Londres va passer la main sous les pressions conju-guĂ©es du mouvement sioniste, qui recourt au terro-risme, de l’opinion britannique, qui veut sortir d’unbourbier ruineux, et enfin du Kremlin et de laMaison-Blanche, qui entendent Ă©carter lesBritanniques du Proche-Orient.Le 29 novembre 1947, l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale desNations Unies adopte donc la rĂ©solution 181, quicrĂ©e un État juif sur 56 % de la Palestine (dont lesJuifs reprĂ©sentent Ă  l’époque 32 % de la populationet dĂ©tiennent 7 % des terres), un État arabe sur les44 % restants et un rĂ©gime international pourJĂ©rusalem.D’abord judĂ©o-palestinienne, puis israĂ©lo-arabe, laguerre qui Ă©clate aussitĂŽt tourne Ă  l’avantage desforces juives, financĂ©es par les États-Unis et armĂ©espar l’URSS. L’État juif augmente d’un tiers son ter-ritoire, l’État arabe est mort-nĂ© et 800 000 Arabesont dĂ» prendre le chemin de l’exil.

Juin 1967 : la guerre des Six-JoursJusqu’en 1967, le reste de la Palestine Ă©tait demeurĂ©dans des mains arabes : la Cisjordanie et JĂ©rusalem-Est annexĂ©es par la Jordanie, la bande de Gaza occu-pĂ©e par l’Égypte. Avec la guerre des Six-Jours,IsraĂ«l s’en empare.Au dĂ©but, il les prĂ©sente comme une carte Ă  jouerdans les nĂ©gociations. Mais lorsque, le 22 novembre1967, la rĂ©solution 242 du Conseil de sĂ©curitĂ© prĂŽnel’échange des territoires contre la paix, c’est troptard : IsraĂ«l a annexĂ© JĂ©rusalem-Est dĂšs juillet 1967 ;et le plan Allon a lancĂ© la colonisation de laCisjordanie. D’abord prĂ©sentĂ©e comme sĂ©curitaire,celle-ci va bientĂŽt s’accĂ©lĂ©rer.

17 mai 1977 : victoire de la droiteLa droite, conduite par Menahem Begin, remportepour la premiĂšre fois les Ă©lections. Elle intensifie lacolonisation de JĂ©rusalem-Est et de la Cisjordanie,annexe le Golan et multiplie les opĂ©rations militai-res contre le Liban.Mais elle sait aussi faire preuve de diplomatie : elleprofite du voyage d’Anouar Al-Sadate Ă  JĂ©rusalempour entraĂźner l’Égypte dans une paix sĂ©parĂ©e. EnĂ©change du SinaĂŻ, secondaire pour IsraĂ«l, Beginobtiendra quelque chose d’essentiel pour lui : la finde tout risque de guerre sur plusieurs fronts.Un mois et demi aprĂšs la normalisation Ă©gypto-israĂ©lienne, Tsahal se lance dans une nouvelleguerre : contre le Liban.

7 décembre 1987 : le déclenchementde la premiÚre Intifada

C’est un accident de la circulation Ă  Gaza qui pro-voque la premiĂšre Intifada, un mouvement popu-laire durable, massif et non armĂ©, dont les effets sefont sentir :‱ sur l’opinion israĂ©lienne, dont une majoritĂ©, com-prenant que le statu quo n’est pas durable, se prĂ©pareĂ  une paix de compromis ;‱ sur la stratĂ©gie de la Jordanie, dont le roi, Hussein,renonce Ă  rĂ©cupĂ©rer la Cisjordanie ;‱ sur l’opinion internationale, choquĂ©e par le specta-cle d’une puissante armĂ©e rĂ©primant des jeunes nelançant – Ă  l’époque – que des pierres ;‱ sur l’Organisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP)ainsi transformĂ©e en interlocuteur incontournable.Ă  Alger, en novembre 1988, le Conseil nationalpalestinien donne un dĂ©bouchĂ© au mouvement : ilproclame l’indĂ©pendance de la Palestine, reconnaĂźtles rĂ©solutions de l’ONU fondant le droit Ă  l’exis-tence d’IsraĂ«l et condamne explicitement touteforme de terrorisme. C’est le dĂ©but d’un « processusde paix » qui mĂšnera, en 1993, aux accords d’Oslo.La suite est connue
 <* Journaliste et historien, co-directeur avec Bertrand Badie deL’État du monde 2018. En quĂȘte d’alternatives, La DĂ©couverte.

C’est une curiositĂ© : six dates essentielles duconflit israĂ©lo-palestinien se terminent en 7 etpermettent un survol de cette histoire tragique.

29-31 aoĂ»t 1897 : Ă  BĂąle, le premierCongrĂšs sioniste mondial « s’efforce d’ob-tenir pour le peuple juif en Palestine un foyerreconnu publiquement et garanti juridiquement. »

Et pourtant, Theodor Herzl, comme la plupart desintellectuels juifs, croit d’abord Ă  l’assimilation desJuifs. Mais il devient correspondant de presse Ă Paris lorsqu’éclate l’affaire Dreyfus : il y voit, aprĂšsles pogroms de Russie, le signe que les Juifs s’avĂš-rent inassimilables, mĂȘme par cette France qui, lapremiĂšre, les Ă©mancipa.« À BĂąle, Ă©crit-il dans son Journal, j’ai crĂ©Ă© l’Étatjuif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, unrire universel serait la rĂ©ponse. Dans cinq ans peut-ĂȘtre, dans cinquante sĂ»rement, tout le monde com-prendra. » Cinquante ans plus tard, l’État d’IsraĂ«lverra le jour
Sa vie durant, il rencontrera des personnalitĂ©s sus-ceptibles d’appuyer son projet : le sultan turc, lesministres du Tsar, le Kaiser, etc. Toutefois sa prĂ©fĂ©-rence va au Royaume-Uni. Herzl meurt en 1904sans avoir obtenu le soutien britannique, mais sonsuccesseur HaĂŻm Weizmann rĂ©ussit treize ans plustard.

2 novembre 1917 : la DĂ©claration Balfour

Ce jour-lĂ , le secrĂ©taire au Foreign Office, LordArthur Balfour, Ă©crit que son gouvernement « envi-sage favorablement l’établissement en Palestined’un Foyer national pour le peuple juif et emploieratous ses efforts pour faciliter la rĂ©alisation de cetobjectif, Ă©tant clairement entendu que rien ne serafait qui puisse porter atteinte aux droits civils et reli-gieux des collectivitĂ©s non-juives existant enPalestine, ou aux droits et statut politiques dont lesJuifs jouissent dans tout autre pays ».Cette dĂ©claration bafoue deux engagements duRoyaume-Uni : d’abord la promesse faite au chĂ©rifHussein comme Ă  Ibn Saoud de « reconnaĂźtre et sou-tenir l’indĂ©pendance des Arabes » ; ensuite lesaccords Sykes-Picot avec Paris, qui internationali-sent la Palestine sans y prĂ©voir de Foyer nationaljuif. RĂ©sumĂ© d’Arthur Koestler : « Une nation asolennellement promis Ă  une seconde le territoired’une troisiĂšme. »Alors ministre de l’Armement, Winston Churchillexpliquera : « Les Juifs ont ƓuvrĂ© pour le succĂšs dela Grande-Bretagne (
). La DĂ©claration Balfour nedoit donc pas ĂȘtre regardĂ©e comme une promessefaite pour des motifs sentimentaux, c’était une mesure

3Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017

Proche-Orient

Israël-Palestine : six dates en « 7 » par Dominique Vidal*

Centenaire de la déclaration Balfour

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Social

4 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017

La politique fiscale de l’Étatconsiste Ă  dĂ©terminer quellescatĂ©gories sociales verront le

poids de l’impĂŽt s’allĂ©ger ou s’alourdir.La prĂ©sidence Macron envisage denombreuses modifications de la fisca-litĂ©, dont il semble difficile, de saisir, apriori, quel sera l’effet final tant ellesmĂ©langent des mesures dont le sens estcontradictoire.Dans une trĂšs utile Ă©tude, l’OFCE [1] aprocĂ©dĂ© Ă  une Ă©valuation de leursconsĂ©quences [2]. Sont envisagĂ©es : lasuppression de la taxe d’habitation pourles mĂ©nages Ă  l’exception des 20 %disposant des meilleurs revenus, larĂ©duction de la fiscalitĂ© sur les revenusdu capital Ă  une taxe unique de 30 %(sans prendre en compte l’ensemble desrevenus), la restriction de l’impĂŽt sur lafortune Ă  un impĂŽt sur l’immobilier,l’exonĂ©ration de cotisations sociales dessalariĂ©s sur les heures supplĂ©mentaires,la hausse de la CSG, la baisse des coti-sations sociales santĂ© et chĂŽmage dessalariĂ©s, la hausse du prix du tabac, la

baisse Ă  25 % du taux d’imposition surle bĂ©nĂ©fice des sociĂ©tĂ©s, la poursuite duCICE en baisse de cotisations socialespatronales, la suppression des cotisa-tions sur les salaires au SMIC, l’exonĂ©-ration des cotisations sociales patrona-les sur les heures supplĂ©mentaires. PourdĂ©terminer l’impact de ces diffĂ©rentesmesures, on partage l’ensemble desmĂ©nages en dix segments (appelĂ©s dĂ©ci-les) dont les effectifs sont Ă©gaux maisdont les revenus sont rangĂ©s par ordrecroissant. On peut ainsi Ă©valuer l’impactdes mesures fiscales envisagĂ©es surchaque dĂ©cile et donc sur chaque niveaude revenu.Tous calculs faits quant aux consĂ©quen-ces des changements envisagĂ©s, il appa-raĂźt une diminution des prĂ©lĂšvementsobligatoires – impĂŽts et cotisationssociales. Mais, on observe surtout que46 % de cette baisse bĂ©nĂ©ficieront aux10 % des mĂ©nages les plus riches. MaismĂȘme parmi ceux-ci, c’est le 1 % leplus riche qui en profitera le plus. Il s’a-git donc bien de prendre aux pauvres

pour donner aux riches.Comment justifier ce qui apparaĂźt auxyeux de chacun comme une injusticesociale ? Les propagandistes du libĂ©ra-lisme ont inventĂ© un gadget idĂ©ologiqueĂ  cet effet. Il s’agit de la thĂ©orie du ruis-sellement. Selon celle-ci, il est de l’intĂ©-rĂȘt de tous d’amĂ©liorer le sort des plusriches. En effet, ces derniers consom-ment et investissent plus que les pauv-res. En consĂ©quence, ils favorisent lacroissance de l’économie. Et cette crois-sance bĂ©nĂ©ficie Ă  tous en crĂ©ant desemplois. Les plus pauvres verraient,ainsi, « ruisseler » vers eux, le supplĂ©-ment de revenu accordĂ© aux plus richespar les baisses d’impĂŽt dont ils bĂ©nĂ©fi-cient.Le problĂšme avec cette thĂ©orie, c’estqu’elle a Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©e, notammentaux USA depuis la prĂ©sidence deReagan (annĂ©es 1980) et qu’elle n’a pasdu tout donnĂ© les rĂ©sultats attendus maisplutĂŽt l’inverse. Les riches se sont bienenrichis, mais les plus pauvres ont vuleurs emplois prĂ©carisĂ©s, tandis que le

revenu mĂ©dian (celui qui partage l’en-semble des contribuables en deux par-ties Ă©gales lorsqu’on les range par ordrecroissant) est restĂ© absolument stablesur toute la pĂ©riode jusqu’à nos jours,tandis que pourtant, l’économie amĂ©ri-caine a crĂ» fortement dans son ensem-ble et a produit des richesses supplĂ©-mentaires sous l’effet du dĂ©veloppe-ment technologique [3].Il est vrai que le prĂ©sident Macron faitdes efforts pour rĂ©tablir la justicesociale. Ainsi, pour compenser la baissedes allocations logement de 5 euros a-t-il demandĂ© aux propriĂ©taires de loge-ment d’opĂ©rer sur les loyers qu’ils per-çoivent une baisse identique : naĂŻvetĂ© ouhypocrisie ? <[1] Office français de conjoncture Ă©cono-mique, Laboratoire de recherche en Ă©conomiede Sciences Po[2]https://www.ofce.sciencespo.fr/pdf/pbrief/2017/pbrief25.pdf[3] Voir Daniel Cohen : https://www.france-culture.fr/emissions/linvite-des-matins-2eme-partie/travail-des-ordonnances-capitales

Prendre aux pauvres pour donner aux richespar Jacques Lewkowicz

On ne peut plus l’ignorer : degraves menaces pùsent sur lapaix ; partout l’on entend des

bruits de bottes ; la course aux arme-ments est relancĂ©e ; la dissĂ©minationdes armes de destruction massive meten danger la planĂšte.L’escalade verbale entre la CorĂ©e duNord et les États-Unis peut Ă  toutmoment dĂ©boucher sur une conflagra-tion mondiale. Si les essais de missileset de bombes atomiques rĂ©alisĂ©s enCorĂ©e du Nord doivent ĂȘtre condamnĂ©savec la plus grande fermetĂ©, ils ne sau-raient ĂȘtre le prĂ©texte Ă  l’aventure mili-taire que Trump dĂ©clare prĂ©parer. Or,chacun le sait : toute attaque contre

Pyongyang sera considĂ©rĂ©e par la Chineet la Russie comme une attaque contreleur pays. D’autant plus que la politiquede l’Otan d’encerclement de la Russie– dont la France hĂ©las ! est partie pre-nante – attise les tensions. Ă  ses frontiĂšres et avec la participationde l’armĂ©e amĂ©ricaine, des manƓuvresont lieu en Ukraine alors que ce paysn’est pas (encore !?) membre de l’Otan.D’autres exercices ont lieu en SuĂšdevisant explicitement la Russie. MoscourĂ©plique par d’autres manƓuvres enBiĂ©lorussie aux limites de la Pologne.Au Proche-Orient, la guerre continuede faire rage en Syrie, en Irak, auYĂ©men, ainsi que le jeu trouble des

Occidentaux Ă  l’égard des terroristesde Daech et autres. Trump multiplie les dĂ©cisionsirresponsables. Les États-Unis, acculĂ©spar leur perte d’influence sur la marchedu monde, menacĂ©s par la dĂ©-dollarisa-tion des Ă©changes que Chine et Russieengagent avec d’autres États, notam-ment l’Iran et les Brics, crĂ©ent un cli-mat de peur et de tensions qui leur per-met de justifier des augmentationscolossales de leur budget militaire,source de profits pour le complexemilitaro-industriel : 600 milliards dedollars en 2018 (+ 54 milliards). Face Ă  cette situation, l’adoption, le 7juillet dernier Ă  l’ONU d’un traitĂ© surl’interdiction des armes nuclĂ©airesmontre que les solutions politiques sontpossibles et que rien n’est irrĂ©versible.Mais comme le disait Jean JaurĂšs, « lecapitalisme porte en lui la guerrecomme une nuĂ©e porte l’orage ». LamĂȘme logique porte les mĂȘmes effets.Ainsi, l’ÉlysĂ©e s’oppose-t-il au textevotĂ© Ă  l’ONU, au prĂ©texte de moderni-ser la force de frappe nuclĂ©aire. Alorsqu’il impose l’austĂ©ritĂ© aux Français, Ă leurs services publics et Ă  leurs com-munes, le gouvernement prĂ©voit dedoubler le montant des crĂ©dits annuelsconsacrĂ©s aux armes nuclĂ©aires quidevraient passer de 3,5 Ă  6 milliardspar an d’ici Ă  2020). L’objectif est derenouveler en totalitĂ© la flotte de sous-marins nuclĂ©aires lanceurs d’engins(SNLE) dont le dernier exemplaire a

Ă©tĂ© livrĂ© en 2010. Le budget militaireglobal de la France doit passer lui ausside 31,6 milliards en 2016 Ă  41milliards d’euros dĂšs 2020, pour attein-dre les 2 % du PIB exigĂ©s par l’Otan.Une convergence mondiale de forcespour la paix n’a jamais Ă©tĂ© aussi nĂ©ces-saire ; aussi urgente. Elle se rĂ©alise peuĂ  peu. En France, un collectif « Enmarche pour la paix » s’est constituĂ©rassemblant plus de 120 organisationsdiverses qui agissent pour les droitshumains, contre le racisme et la xĂ©no-phobie, pour l’égalitĂ© hommes-fem-mes, pour la diminution des dĂ©pensesd’armement, pour l’éducation Ă  lapaix, pour faire face Ă  l’urgence clima-tique. Cinquante-trois de ces organisa-tions ont publiĂ© « Le livre blanc pour lapaix ». Le collectif En marche pour lapaix souligne « qu’aucune de nos diffĂ©-rences de convictions, d’appartenanceou de sensibilitĂ©s philosophiques, poli-tiques, religieuses, syndicales ou aut-res ne doit faire obstacle Ă  l’expressionde notre volontĂ© commune de vivre enpaix dans un monde de solidaritĂ©, dejustice et de fraternité».C’est Ă  l’appel de ce collectif de 120organisations, que, dans le cadre de laJournĂ©e internationale de la paix, ontĂ©tĂ© organisĂ©es partout en France, lesamedi 23 septembre, des marchespour la paix pour exprimer la volontĂ©commune qui a prĂ©sidĂ© Ă  « la vaguemondiale pour la paix », lancĂ©e le 6aoĂ»t 2017 Ă  Hiroshima. < Ch. N.

La politique de l’OTAN et des AmĂ©ricains attise les tensionsen Europe, au Proche-orient et en Asie

Paix Graves menaces sur la paix

Page 5: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017 5Histoire

sins qu’il envoie Ă  la cĂ©lĂšbre revuesatirique allemande Simplicissimus.La vie parisienne l’exalte, notammentles milieux artistiques. SĂ©duit untemps par les Fauves et les Cubistes,

il n’adhĂšre finalement Ă  aucun groupeou mouvement. Comme Modigliani,il veut faire cavalier seul et travaillerĂ  sa maniĂšre. BientĂŽt la chance luisourit : en 1907, l’annĂ©e oĂč il rencon-tre sa future Ă©pouse, Hermine David,il expose Ă  Berlin, dans la galerie PaulCassirer. Il s’installe rue Gabriellepuis rue Joseph-Bara et prend un ate-lier Ă  Montparnasse, Ă  cĂŽtĂ© de celui deVan Dongen. Il commence alors Ă  frĂ©-quenter les cafĂ©s du carrefour Vavin.On le voit parfois Ă  La Rotonde maisle plus souvent Ă  la terrasse du DĂŽme: ses confrĂšres et ses amis le qualifientde DĂŽmier ad hoc ! Il fait partie dĂ©s-ormais de la faune pittoresque maistalentueuse des artistes Ă©trangers quihantent ces lieux et vont constituerl’essentiel de ce qu’on appellera l’É-cole de Paris.

Las, celui que l’on nomme le Princede Montmartre, le Magicien du RĂ©el,doit s’exiler en 1914, la guerre ayantfait de sa Bulgarie natale un pays hos-

tile. Il abandonne tout, y compris samaĂźtresse, un modĂšle qu’il partageaitavec Matisse. Il gagne la Belgique,avec le peintre tchĂšque Georges Kars,puis Londres et New York. Aux États-Unis, oĂč il avait exposĂ© dans le cadrede l’exposition internationale d’Artmoderne de 1912, il jouit d’une cer-taine notoriĂ©tĂ©. En 1915, il Ă©pouseHermine et prend la nationalitĂ© amĂ©ri-caine. Il se lie d’amitiĂ© avec le photo-graphe et galeriste Alfred Stieglitz. Ilvoyage au Texas, en Floride, Ă  Cuba.De retour Ă  Paris, il change sans cessede logement, d’atelier, de maĂźtresse,et continue Ă  voyager. Mais il restefidĂšle aux thĂšmes qui ont caractĂ©risĂ©sa peinture dĂšs le dĂ©but : les nuits,mondaines ou non, les parties fines, lavie dans les clubs et les cafĂ©s.

L’érotisme le passionne et le purita-nisme qui rĂšgne y compris dans lesmilieux cultivĂ©s et d’avant-garde lescandalise. Pascin voit le mondecomme un bordel luxuriant (et forcĂ©-ment luxurieux !), avec beaucoup debeautĂ© et beaucoup de laideur, l’unen’allant pas sans l’autre. Sa peinture,son dessin, ne sont pas simples Ă dĂ©finir, c’est quelque chose entre une

interprĂ©tation trĂšs libre du baroque(par l’amour du nombre des figures)et une trĂšs lointaine rĂ©miniscence etde James Ensor, mais en moins gro-tesque, et de Toulouse-Lautrec. Il apassionnĂ©ment aimĂ© dĂ©crire le vice etune sorte de dĂ©cadence, le dĂ©sir leplus extrĂȘme et le plus interlope. Iln’en est pas moins un magicien del’art car ses compositions sont desmerveilles oĂč la lascivitĂ© et les mau-vaises mƓurs vont de pair avec lascience de l’expression des corps etde l’agencement des scĂšnes, toujoursavec un dĂ©sĂ©quilibre recherchĂ©. Cecitoyen amĂ©ricain nĂ© Bulgare est unefigure emblĂ©matique du Paris de l’en-tre-deux-guerres. Y compris par letragique. Quand il met volontaire-ment fin Ă  sacourte vie,en 1930, iln’a que 45ans. <* L’ƒil dePascin, GalerieAlain Le Gail-lard, Le Mino-taure, Paris, jus-qu’au 28/10.Catalogue parMaria Tyl.

Julius Mordecai Pincas est né en1885 à Vidin, une petite localitébulgare, dans famille sépharade

de onze enfants. Sa mĂšre est d’ori-gine italienne, son pĂšre d’origineespagnole. Adolescent dĂ©sespĂ©rĂ© dene pouvoir s’adonner Ă  sa passion,l’art, Pascin se lance dans une vie dedĂ©bauche. En 1901, au grand dam desa famille installĂ©e Ă  Bucarest, il frĂ©-quente une courtisane. Son destin estscellĂ© : il ne cessera plus de frĂ©quen-ter les mauvais lieux ni de peindre. Il va Ă©tudier Ă  Vienne et Ă  Budapest,en 1902, puis Ă  Berlin et Ă  Munich, en1903. Et c’est enfin Paris oĂč il arriveen 1905 la veille de NoĂ«l. Il loge Ă Montparnasse, au Grand HĂŽtel desÉcoles, rue Delambre, avant degagner Montmartre oĂč il habitera Ă l’hĂŽtel BeausĂ©jour, rue Lepic. Lemoment est-il venu de franciser sonnom ? Une anagramme fait l’affaire :adieu Pincas, vive Pascin ! Il vit, demieux en mieux, du revenu des des-

Pascin, peintre emblĂ©matique de l’École de Paris entre les deux guerres

par GĂ©rard-Georges Lemaire

Octobre 1937, exĂ©cution Ă  Minsk de MoĂŻche KulbakLa mort d’un poĂšte romantique

par Bernard FrederickpoĂšte romantique. Pendant la PremiĂšre Guerre mon-diale, il vivait Ă  Kovno (Kaunas) oĂč il commença Ă Ă©crire en hĂ©breu. Il fit ses dĂ©buts en yiddish en 1916avec un poĂšme qui sera mis en musique et deviendratrĂšs populaire. En 1918, Kulbak s’installa une pre-miĂšre fois Ă  Minsk, oĂč il enseigna et Ă©crivit de la poĂ©-sie. Puis il dĂ©mĂ©nagea Ă  Wilno oĂč, en 1920, il a publiĂ©son premier livre, Shirim (PoĂšmes), qui a confirmĂ© saplace de poĂšte dans la tradition romantique yiddish deDovid Eynhorn. Plus tard, Ă  Berlin, oĂč il demeura trois ans, Kulbak sefamiliarise avec les courants contemporains de la littĂ©-rature europĂ©enne, en particulier avec l’expression-nisme qui devait avoir une influence significative surson travail ultĂ©rieur. Il a contribuĂ© aux pĂ©riodiques yid-dish Ă  Berlin, en Pologne, et surtout dans Di Tsukunftde New-York, qui publia son Ă©pique Raysn(BiĂ©lorussie en yiddish) et son drame Yankev Frank.Le Tsukunft Ă©tait plutĂŽt bundiste. Ça ne faisait pas dupoĂšte un « Ă©lĂ©ment socialement dangereux ». A Wilno, oĂč il revient en 1923, Kulbak sera prĂ©sidentdu nouveau Pen Club Yiddish. Au cours de cettepĂ©riode, il a Ă©crit les longs poĂšmes Vilne (1926), despoĂšmes lyriques et son deuxiĂšme roman important,Montig (Lundi -1926).Comme tous les romantiques, Kulbak fait de la natureune maniĂšre de panthĂ©isme. Dans Raysn, par exemple,il met en scĂšne une famille en relation intime avec lanature, mĂ©lange les sources stylistiques des chansons

folkloriques yiddish et slaves avec des allusionsbibliques. Mais, Montig, Ă  l’opposĂ©, sous-titrĂ© « Unpetit roman », dĂ©peint la ferveur rĂ©volutionnaire aprĂšs1917 dans une ville juive sans nom. S’y lit uncontraste ambigu entre la tendance dĂ©clarĂ©e Ă  la passi-vitĂ© chez le protagoniste, un professeur d’hĂ©breu, unintellectuel « sans racines », et l’atmosphĂšre d’activitĂ©rĂ©volutionnaire et de combativitĂ© autour de lui. Le principal roman de sa pĂ©riode soviĂ©tique,Zelmenyaner est l’une des Ɠuvres les plus importan-tes de la prose yiddish soviĂ©tique. Kulbak y racontel’histoire d’une famille juive Ă  Minsk, sur deux gĂ©nĂ©-rations, face aux changements qui s’opĂšrent en UnionsoviĂ©tique. Le roman parut en 1935. Il n’avait pas pluaux autoritĂ©s
 <

À lire‱ Le Messie Fils d’Ephraïm (roman, trad. CaroleKsiazenicer-Matheron), ImprimerieNationale - Actes Sud, Paris, 1995,196 p., 24,80 €

‱ Les Zelminiens (roman, trad. RĂ©gineRobin), Seuil, Paris, 1988, 332 p.,35,80 €. Aussi dans l’ouvrage deRachel Ertel, Ed. Royaumes Juifs(TrĂ©sors de la littĂ©rature yiddish), Vol.II, Robert Laffont, Paris, 2009

‱ Lundi (trad. Bernard Vaisbrot),L’Âge d’homme, Lausanne, 1982

PoÚte yiddish, romancier etdramaturge, né à SmorgonprÚs de Vilna, en 1896,

MoĂŻche Kulbak est une des victi-mes des purges staliniennes de laterrible annĂ©e 1937. Il est arrĂȘtĂ© Ă Minsk (BiĂ©lorussie) en septembreet exĂ©cutĂ© le 29 octobre. Pour quelle raison ? En ce temps lĂ , Ă  l’époque de laIejovschina, du nom de IĂ©jov, le chef du NKVD (lapolice politique), il n’y avait pas besoin de raison.L’ordre opĂ©rationnel n° 00447 du 31 juillet 1937,ordonnait de rĂ©primer les « Ă©lĂ©ments antisoviĂ©tiques etsocialement dangereux ». Kulbak Ă©tait-il un « Ă©lĂ©mentantisoviĂ©tique » ? C’est de lui-mĂȘme, qu’il avait en 1928 quittĂ© Wilno(Vilna), annexĂ©e en 1922 Ă  la Pologne, pour s’installerĂ  Minsk, capitale de la BiĂ©lorussie soviĂ©tique. Lacroissance des institutions culturelles yiddish enUnion soviĂ©tique, d’une part, et l’atmosphĂšre enPologne pour les Juifs d’autre part. le poussĂšrent Ă faire ce choix. Ă  Minsk, Kulbak avait Ă©crit le longpoĂšme Disner Tshayld-Harold (1933), deux drames,Boytre (1936) et Benyomin Magidov et surtout unroman Zelmenyaner, sur le sort d’une famille juive tra-ditionnelle dans les nouvelles conditions de l’UnionsoviĂ©tique (1931 -1935). Rien qui ne pouvait fĂącher lacensure. Rien qui puisse relever de l’antisoviĂ©tisme.Alors Ă©tait-il « socialement dangereux » ? C’était un

Jules Pascin - 1930

Art

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l’argent ? Ils n’en sont pas Ă  une compromission prĂšs.D’ailleurs « compromission » semble le mot clĂ© de cechantage. Il s’agit maintenant de « convaincre » lechancelier Schuschnigg. La scĂšne qui dĂ©crit lemoment de la compromission, au cours de laquelle lepetit dictateur autrichien affolĂ© livre l’Autriche, nousplonge dans une atmosphĂšre de cauchemar, de folie.On est Ă  la fois dans le tragique – Schuschnigg, blĂȘmeet mort de peur va signer la fin de l’Autriche, les pos-tes importants seront occupĂ©s par des nazis – et dans legrotesque puisqu’au mĂȘme moment se dĂ©roule le car-naval de Vienne et que l’on danse et chante dans lesrues : « les dates les plus joyeuses chevauchent ainsi lesrendez-vous sinistres de l’Histoire. » Le grotesque dansce mĂȘme chapitre, c’est aussi l’évocation inattendue deLouis Soutter (1871-1942), peintre, dessinateurmĂ©connu enfermĂ© dans un asile et qui, lorsque sesmains ne lui obĂ©irent plus, peignit avec ses doigts sespetits bonshommes noirs tordus, « pantins hideux etterribles » comme un prĂ©sage sinistre.Reste la compromission, l’inertie de l’Europe. Cettefois, la scĂšne se passe lors d’un dĂźner mondain Ă Londres. Ribbentrop fait durer le repas par le rĂ©cit deses prouesses pour que l’annonce de l’invasion del’Autriche soit retardĂ©e. Le ton du rĂ©cit se fait moinsironique et c’est un accusateur qui parle dans l’interro-gation qui se rĂ©pĂšte, de rappels en rappels, « et on ne

savait pas ». On ne savait pas l’annexion de la Sarre,on ne savait pas le bombardement de Guernica 
 Sixmois aprĂšs l’Anschluss, Ă  Munich, la France etl’Angleterre, Daladier et Chamberlain, « entre deuxrangĂ©es de soldats nazis », sont acclamĂ©s par les salutsnazis d’une foule en dĂ©lire. Fin.En fait, ce n’est pas un cours d’histoire pour classe de1e, la littĂ©rature est passĂ©e par lĂ  dans un mĂ©lange derĂ©el et de thĂ©Ăątral qui nous fait entrer dans les coulissesde l’Histoire. De façon mĂ©taphorique, le magasin hol-lywoodien des accessoires du cinĂ©ma entasse objets,costumes, toutes Ă©poques confondues, dĂ©froques del’Histoire.Les derniers chapitres ne sont plus que tristesse, hor-reurs et rĂ©alitĂ©. Les suicides, les Juifs traĂźnĂ©s dans lesrues, contraints de se mettre Ă  genoux pour nettoyer lestrottoirs, le sourire des passants qui regardent
 Il yaura les camps dont certains de nos vingt-quatre baronsont tirĂ© force profit. Ils sont toujours lĂ , mais sousforme de choses, ils s’appellent BASF, Bayer, Opel, ilssont nos voitures, nos machines Ă  laver
 la pile denotre montre, notre quotidien.Le rĂ©cit s’achĂšve, presque brechtien : « on ne tombejamais deux fois dans le mĂȘme abĂźme. Mais on tombetoujours de la mĂȘme maniĂšre, dans un mĂ©lange deridicule et d’effroi ». <Éric Vuillard, L’Ordre du Jour, Éd. Actes Sud, 2017, 160 p., 16 €

DĂ©jĂ , le point de vue, trĂšsaffirmĂ©, est celui d’unnarrateur (l’auteur lui-

mĂȘme), glacial, sarcastique qui,dĂšs le premier chapitre, avanceses pions : 20 fĂ©vrier 1933 : les« barons de l’industrie alle-

mande » sont convoquĂ©s par Hitler. Dans la brume del’hiver, on les devine descendant de leurs berlines noi-res, complĂštement dĂ©shumanisĂ©s, sans visages, dĂ©si-gnĂ©s par des objets, les habits de leur fonction, « vingt-quatre pardessus
 vingt-quatre paires d’épaules rem-bourrĂ©es de laine
, vingt-quatre pantalons Ă  pinces,vingt-quatre chapeaux de feutre qu’ils enlĂšvent deleurs crĂąnes chauves. Leurs noms n’apparaissent queplus tard et nous les reconnaissons, les Krupp, lesOpel, les Siemens. Le spectacle mis en scĂšne par lenarrateur commence. Goering d’abord, puis l’acteurprincipal, Hitler, peut facilement les convaincre : sesmots sont façonnĂ©s pour eux. Ne s’agit-il pas d’en finiravec la menace communiste, les syndicats, de « per-mettre Ă  chaque patron d’ĂȘtre un fĂŒhrer dans sonentreprise ». Les Ă©lections approchent. Pour que leparti nazi triomphe, que son armĂ©e soit la plus puis-sante, il faut de l’argent. Ce n’est pas le peuple quiporte Hitler au pouvoir, c’est l’argent, ce sont les pos-sĂ©dants. PrĂ©cieuse obole, voilĂ  les patrons rassurĂ©s,

Littérature

6 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017

L’Ordre du Jour d’Éric Vuillardpar Jeanne Lafon Galili

La question que me suggĂšre ce rĂ©cit serait : qu’est-ce qui fait qu’un moment historique – ici l’avĂšnement d’Hitler, les quelquesjours qui prĂ©cĂ©dĂšrent l’invasion de l’Autriche – devient, investi par l’écrivain, son imagination, ce pouvoir des mots, une fictionvraie et par sa lecture, une autre façon, passionnante, d’ĂȘtre confrontĂ© Ă  l’Histoire.

dehors, et dont il va dĂ©nouer les fils pour se retrouver Ă dĂ©couvert, sans filet de protection sous la lumiĂšre cruedes projecteurs.DovadĂ© se raconte, nous raconte, et ce sont des instantspoignants et pathĂ©tiques du spectacle, avec cependantdes moments de douceur.Il raconte comment le principal souci de l’enfant Ă©tait defaire rire sa mĂšre,comment celle-ci lui avait racontĂ© que, fillette, pendantla Shoah, elle avait Ă©tĂ© cachĂ©e dans un wagon et sauvĂ©e,oui, sauvĂ©e par deux cheminots polonais mais aussi vio-lĂ©e quotidiennement par l’un et l’autre pendant six moiset puis jetĂ©e hors du wagon comme un sac aprĂšs qu’ilseurent abusĂ© d’elle Ă  satiĂ©tĂ© et s’en furent lassĂ©s, comment
comment sa mĂšre lui chantait une chanson yiddish,« J’ai oubliĂ© cette berceuse yiddish. Elle me la chantaitquand je ne rĂ©ussissais pas Ă  m’endormir, ou quand j’é-tais malade. Elle me prenait dans ses bras et me ber-çait : Ay lou-lou, shlof mayn kind, shlof mayn tayere,mayn shepsele, makh tsou di klayne oygelekh....... »Et puis, dans le dĂ©sordre de la narration on revient auprĂ©sent, Ă  une autre rĂ©alitĂ©, une autre douloureuse his-toire, celle de l’occupation par IsraĂ«l des Territoires,celle de la haine et de la violence. Deux soldats enten-dent par haut-parleur l’ordre de couvre-feu pour lesArabes. Ces derniers n’ont que cinq minutes pour ren-trer chez eux. L’un des soldats aperçoit un Arabe, le viseavec son fusil et le tue. Son ami lui demande les raisonsde son geste, et l’autre rĂ©pond qu’il l’a tuĂ© parce quecelui-ci n’aurait de toute façon pas pu rentrer chez lui Ă temps.C’est lĂ  l’un des traits d’humour noir, grinçant, de

David Grossman, un humour qui dĂ©range, qui ques-tionne. L’auteur fait partie du camp de la paix, militepour la fin des violences entre les deux peuples israĂ©lienet palestinien, pour un traitement juste de la questionpalestinienne. Sujet douloureux pour l’écrivain qui aperdu son fils, tuĂ© lors du conflit israĂ©lo-libanais en2006. Depuis longtemps, la mort le hante, la violence lehante, l’indiffĂ©rence le hante.« Quand on enlĂšve son armure on peut facilement pas-ser d’homme Ă  femme, de jeune Ă  vieux, d’IsraĂ©lien Ă Palestinien et on se rend compte que l’on peut faire unbrassage de toutes ces identitĂ©s », dĂ©clare-t-il.Le passage du livre Ă  la lecture mise en espace dans lecadre de l’enregistrement radiophonique en public,rĂ©alisĂ© par Blandine Masson, est une grande rĂ©ussite. Lechoix des deux principaux comĂ©diens-lecteurs, JĂ©rĂŽmeKircher (DovalĂ©) et Wajdi Mouawad (AvishaĂŻ Lazar)est rĂ©vĂ©lateur du dĂ©sir de rapprochement des peuples encette pĂ©riode de grande intolĂ©rance, de susciter un dia-logue entre eux, de le crĂ©er et le prolonger Ă  travers lalittĂ©rature, la crĂ©ation artistique
 <

[1] Enregistrement en public de l’adaptationradiophonique du roman Un cheval entre dansun bar, traduit de l’hĂ©breu par Nicolas Weill etpubliĂ© au Seuil, avec JĂ©rĂŽme Kircher (DovalĂ©),Wajdi Mouawad (AvishaĂŻ Lazar) et les acteursdu Groupe 43 de l’école du TNS. MusiqueSylvain Cartigny, Joseph Dahan et ColinRusseil. Adaptation et rĂ©alisation : BlandineMasson. Ă  rĂ©Ă©couter sur https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=436ccd04-a90a-4f08-955a-4ef2ddaee74a

[2] cf. article de Jeanne Lafon Galili consacré au roman in PNM n°331

Ce qui nous vient d’IsraĂ«l, en la personne de l’écrivain David Grossman, est essentiel. Danscette Ɠuvre majeure qu’est Un cheval entre

dans un bar [2], l’écrivain nous confronte Ă  une durerĂ©alitĂ© en s’appuyant sur un humour fĂ©roce pour unedescente aux enfers.L’histoire : dans un bar d’une ville d’IsraĂ«l, Netanya, unhumoriste, DovadĂ©, fait son show en prenant Ă  partie lepublic jusqu’à l’injurier, l’entraĂźne dans une sorte deronde infernale Ă  travers des plaisanteries douteuses,entre autres sur la Shoah, pour ensuite Ă©voquer dans unerage et un dĂ©sespoir croissants son passĂ© d’enfant soli-taire et traumatisĂ©. Il a conviĂ© pour ce show son amid’enfance, le juge AvishaĂŻ Lazar, qui sera tĂ©moin decette mise Ă  nu.Nous sommes le public au thĂ©Ăątre de la Colline et res-tons clouĂ©s Ă  nos fauteuils tandis que sur la scĂšne unautre public déçu, voire Ă©cƓurĂ© abandonne peu Ă  peu ceclown plein d’agressivitĂ© et d’amertume Ă  ses turpitu-des, Ă  ses cauchemars. Nous rions et sommes pĂ©trifiĂ©spar les paroles de DovadĂ© qui va s’enfoncer et nousenfoncer dans les mĂ©andres d’un passĂ© tortueux et tor-turĂ© et du prĂ©sent d’un pays dĂ©chirĂ© par le conflitisraĂ©lo-palestinien.DovadĂ©, l’enfant devenu l’adulte de 58 ans, l’adulte de58 ans redevenu l’enfant, avec ses plaintes, sa fureur, satristesse, son dĂ©sespoir, sa solitude, prisonnier de la toiled’araignĂ©e qu’il a tissĂ©e lui-mĂȘme pour se protĂ©ger du

Un cheval entre dans un bar de David GrossmanCréation radiophonique lecture concert [1]

vue parBĂ©atrice CourraudLes 8, 9 et 10 septembre 2017, La Colline – thĂ©Ăątre national – a proposĂ©, avec France Culture et le Festival Lettresd’IsraĂ«l, trois jours consacrĂ©s Ă  l’auteur David Grossman, laurĂ©at du Man Booker International Prize 2017.

Page 7: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

L’acteur-cinĂ©asteMathieu Amalric

joue Yves Zand, rĂ©ali-sateur filmant le per-sonnage de Brigitte,une actrice qui doitinterprĂ©ter le rĂŽle de lachanteuse Barbara,Jeanne Balibar incar-nant les personnagesde Brigitte et deBarbara ! Le film donne le vertigepar ses jeux multiplessur les rĂŽles, lieux etactions. Sommes-nous avec Brigittesur le tournage du film de Zand, sur lascĂšne d’un music-hall avec Barbara ouavec Jeanne Balibar ? Le film, multi-pliant illusion et confusion, crĂ©e unevĂ©ritĂ© sur la chanteuse et sur les ques-tions qui se posent Ă  la crĂ©ation par lefilm dans le film : un ensemble, fruitdu regard et de l’imagination deMathieu Amalric et du jeu d’une pro-digieuse comĂ©dienne, Jeanne Balibar.

PNM n°327 - Septembre 2015 11Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017 7

Spectacle inclassable d’une grandetenue, LibertĂ©s ! part de petits riens

qui se transforment Ă  l’aune de l’absurdeet du jeu de mots, de la poĂ©sie,en grandes pensĂ©es philoso-phiques, sur soi, sur le monde.Le seul en scĂšne commence parune chanson de Moustaki sur lalibertĂ©. Un gars gentiment, faus-sement dĂ©glinguĂ©, lunaire, dĂ©sarticulĂ©sort de nulle part, d’une malle, d’un coind’enfance, et nous raconte des histoiresgrosses comme l’Univers. PoĂ©sie,Histoire, philosophie, politique, sociĂ©tĂ©,ode Ă  l’amour fusent Ă  travers des histoi-res de guingois. Les mots se tordent,dĂ©tonnent, pour donner des sens pluriels.Avec Gauthier Fourcade, auteur etacteur, les paroles ne s’envolent pas, saufquand elles ouvrent vers le firmament,qu’elles scintillent comme des Ă©toiles.Les mots se font concrets, concrets, plu-riels, empruntant les doubles sens etmĂȘme les sens interdits. Les mots tra-quent des vĂ©ritĂ©s, des interrogations, ilss’entrechoquent pour mieux rebondir.LibertĂ©s ! est un voyage au cƓur de situa-tions concrĂštes, imagĂ©es, qui bousculentle politique, la vie Ă  deux, l’Europe, lesmultinationales, la religion, la psychana-lyse
 La libertĂ© c’est peut-ĂȘtre la possi-bilitĂ© de faire des choix mais peut-onfaire des choix sans se contraindre ?Devoir faire des choix n’est-ce pas alorsune absence de libertĂ© ? Et si la libertĂ©

c’était justement aller jusqu’au bout desoi et savoir se poser des questions ? Est-on vraiment libre dans une dĂ©mocratie ?

Et qu’en est-il quand ce sont lesmultinationales qui ont pris lepouvoir ? « Nous ne sommes passeulement nos actes, mais aussinos rĂȘves ». Il y a aussi la magiede l’amour, de la crĂ©ativitĂ©.

Un spectacle qui sent bon les cheminsde traverse, la poĂ©sie, la crĂ©ativitĂ©, toutce qui ne va pas de soi. Un spectacle trĂšsprofond. Nous ne pouvons pas tout vousdire, il faut y aller pour le voir. GauthierFourcade est un ovni de la scĂšne thĂ©Ăą-trale. Seul en scĂšne, des dizaines de per-sonnages imaginaires l’entourent. Tousvivent Ă  180 Ă  l’heure. L’énergumĂšne,haut de taille, Ă  la voix forte, vive etposĂ©e Ă  la fois, prend une dimensionphĂ©nomĂ©nale sur le plateau.Inventif et unique, il l’est dans son Ă©cri-ture comme dans son jeu thĂ©Ăątral.N’oublions pas le metteur en scĂšneWilliam Mesguich qui a rĂ©glĂ© au cou-teau la mise en scĂšne, la mise en espaceet en jeu. Il a su apporter une esthĂ©tiquenouvelle et le cĂŽtĂ© DiogĂšne du person-nage. On applaudit, on rit, et on en rede-mande. <* La Manufacture des Abbesses, 7 rue VĂ©ronParis 18° jusqu’au 5 novembre (J, V, S 21h,D 17h), rĂ©s. en ligne (http://www.manufactu-redesabbesses.com/reservations/liberte-avec-un-point-dexclamation/) ou par tel.(01 42 33 42 03)

Théùtre La chronique de Simone Endewelt

Libertés ! de Gauthier Fourcade

Cinéma La chronique de Laura Laufer

« C’est un film surBarbara ou sur vous ? »lance Brigitte Ă  Zand,question qui se retourneaussi sur Jeanne Balibar etMathieu Amalric, ici enbelle complicitĂ© – n’ou-blions pas qu’ils vĂ©curentensemble. Loin du fauxsemblant du biopic, l’ima-gination ouvre Ă  la vraievie de Barbara : la petitefille juive cachĂ©e durant laguerre, la victime de l’in-ceste, la chanteuse qui se

produit au cabaret de L’Écluse, celle quichante dans les prisons pour les maladesdu Sida, la bonne cuisiniĂšre et la divaavec ses gestes, ses caprices, ses colĂšres.Dans l’époque qui a vu aussi Brassens etBrel, cette Barbara vit concrĂšte. Ce filmne ressemble Ă  aucun autre et invente uneforme troublante. Il invite le spectateur Ă rĂȘver, dans cette aventure entre fiction,rĂ©el, passĂ©, prĂ©sent, cette Barbaramythique et vraie. <

Le jeune Karl Marx de Raoul Peck avec August Diehl, Stefan Konarske

On pouvait espĂ©rerqu’un cinĂ©aste

intĂ©ressĂ© par la figuredu jeune Marx trans-mettrait, Ă  l’instar del’auteur du Manifestedu parti communiste,le dĂ©sir de changer lemonde. Pour cela, il aurait fallu que dans cefilm le monde existe et que Marx etEngels entretiennent avec lui unerelation vivante. Ce biopic, ni pire, ni meilleur qu’unautre, est typique d’un film acadĂ©-mique et naturaliste. EntiĂšrement placĂ©sous le signe de la vraisemblance, onn’y trouve pas de grosse erreur dechronologie sur les faits et la vie pri-vĂ©e : Engels, fils de bonne famille de labourgeoisie industrielle insurgĂ© contreson pĂšre ; Marx et Jenny souvent victi-mes d’expulsions pour loyer impayĂ©ou raisons politiques : de quoi nourrirl’émotion du spectateur. Mais Marx et Engels ne dĂ©passentguĂšre ici les figures de deux jeunesgens bohĂšmes, au demeurant sympa-thiques, qui Ă©crivent ou palabrent dansles chambres ou les salons en chapeauou tĂȘte nue, en redingote ou en robe dechambre. Les acteurs ne sont pas mau-vais – le choix de A. Diehl pour le rĂŽlede Karl Marx Ă©tait judicieux –, maistous figurent plus qu’ils ne jouent.

Avec « Pasteur »,Sacha Guitry,amÚne le specta-teur à croire auxbienfaits desdécouvertes deson héros. Avec« Les Raisins dela colÚre », JohnFord convainc de

la nĂ©cessitĂ© de lutter pour changer lemonde.Dans plus d’un western, l’action dupersonnage impose la loi contre labarbarie et les meilleurs filmsd’espionnage antinazis montrent lavoie de la rĂ©sistance.La modernitĂ© au cinĂ©ma, Ă  traversl’aventure singuliĂšre d’une action oud’une pensĂ©e, a pu offrir au specta-teur de se situer, de penser l’Hommedans l’Histoire et le Monde : ainsi« Descartes », « Pascal » ou « LeMessie » de Roberto Rossellini, quin’a pu tourner son « Karl Marx »auquel il a tant travaillĂ© avant demourir. Alexander Kluge, avec sonfilm-fleuve « Le Capital » inspirĂ© duprojet d’Eisenstein, sur le texte deKarl Marx, a fait Ɠuvre de poĂ©sie etde pensĂ©e, rejoignant un processusactif qui fonctionne Ă  la lecture deMarx. La vision du film « Le JeuneKarl Marx » n’engendre ni passion,ni rĂ©flexion. C’est triste. <

RenĂ© Loyon a remis Ă  l’honneurl’auteur italien Ruzante en por-

tant Ă  la scĂšne son texte « Les nocesde BetĂŹa ». Peu montĂ©, c’est pourtantun texte qui se prĂȘte Ă  une grandethĂ©ĂątralitĂ©, puise ses racines dans lapaysannerie, contient la rĂ©flexiond’une sociĂ©tĂ© sur elle-mĂȘme. Letalent d’écriture de Ruzante dont lathĂ©ĂątralitĂ© du texte est servie Ă  mer-veille par le metteur en scĂšne RenĂ©Loyon et par des comĂ©diens aguerris,dĂ©gage d’une simple intrigue amou-reuse, un apport philosophique etsociĂ©tal monumental.

Angelo Beolco dit Ruzante (1502-1542), contemporain de Shakespeare,vit dans la campagne de Padoue dansune famille proche de la paysannerie.Les noces de BetĂŹa est sa deuxiĂšmepiĂšce, une piĂšce de jeunesse qu’ilĂ©crit en vers et en padouan, dialectedĂ©rivĂ© de la langue vĂ©nitienne. La tra-duction en vers irrĂ©guliers de ClaudePerrus [2] s’inspire du parler de

Rabelais, met l’accent sur le gro-tesque, le familier, et le carnava-lesque. L’espace scĂ©nique est quasinu. Tout repose sur le jeu dramatiqueet corporel des acteurs qui prend unedimension exemplaire. Du thĂ©Ăątrehaut de gamme comme on n’en faitplus beaucoup. On vous le recom-mande. <[1] Vu au ThĂ©Ăątre de l’ÉpĂ©e de Bois(Cartoucherie). Jusqu’au 15 octobre, du jeudiau dimanche. RĂ©s : 06 61 96 62 52

[2] Les noces de BetÏa de Ruzante trad. deClaude Perrus, éditions Circé.

Les noces de BetĂŹa [1]

Culture

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Barbara de Mathieu Amalric avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Aurore Clément

Jeanne Balibar, Mathieu Amalric© Waiting For Cinéma 2017 / Roger Arpajou

Les Noces de BetÏa, mise en scÚne René Loyon© Nathalie Hernieux

Page 8: e Boris Taslitzky Graves menaces sur la paix

Boris Taslitzky : cet artiste antifasciste de la pre-miĂšre heure, nos lecteurs le connaissent bien [1].

DĂšs 1946 Aragon rĂ©unissait en un premier album,indispensable Ă  l’histoire et Ă  la connaissance de ladĂ©portation les Cent onze dessins faits Ă  Buchenwald.Boris, le MAHJ, qui lui a consacrĂ© en 2006 l’expo-

sition « Buchenwald : l’arme du dessin », le met cette fois-ciĂ  l’honneur avec l’exposition « Si je vais en enfer, j’y ferai descroquis ! » grĂące Ă  la donation d’Évelyne Taslitzky. Boris, enfin, Patrick Balkany, l’ancien maire de Levallois-Perret, a lui aussi mis son Ɠuvre Ă  l’ordre du jour quand en 2015il a dĂ©cidĂ© de dĂ©molir la crĂšche Louise Michel, magnifiquementornĂ©e de fresques qui, dĂ©diĂ©es Ă  « Louise Michel et aux enfantsde NoumĂ©a », offraient aux enfants de Levallois des imagesd’une fraĂźcheur paradisiaque [2]. OĂč l’on voit que, dans unesociĂ©tĂ© malade du profit, le prix du mÂČ immobilier menace d’ĂȘ-tre mortel pour l’art. Car des lits de crĂšche, il n’y en a pas detrop, Ă  Levallois, oĂč l’on compte 850 demandes insatisfaites ! L’action du ComitĂ© Boris [3] et des Levalloisiens a dans un pre-mier temps empĂȘchĂ© la destruction d’Ɠuvres dont la perteserait irrĂ©parable sur les plans artistique, historique et mĂ©moriel.

Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a Ă©tĂ© saisi,n’a pas encore tranchĂ©. La demande de classement des Ɠu-vres au titre des Monuments historiques est en cours. Ce 13 septembre, la municipalitĂ© a fait apposer Ă  cĂŽtĂ© du per-mis initial un permis modificatif oĂč il n’est pas fait Ă©tat desƓuvres de Boris Taslitzky. Les Levalloisiens vont devoirdĂ©poser un nouveau recours et donc encourir des frais supplĂ©-mentaires. Nous recourons donc une nouvelle fois Ă  votre gĂ©nĂ©rositĂ© [4]et vous invitons Ă  faire connaĂźtre notre cause. L’engagementest plus impĂ©ratif que jamais ! Soyons encore une fois solidai-res, apportons notre soutien : pour l’art, pour l’enfance,contre la spĂ©culation< PNM

[1] cf. entretien « Taslitzky, tĂ©moin de l’avenir» recueilli par HĂ©lĂšne Amblard etpubliĂ© dans les PNM n° 332 Ă  335 (dĂ©cembre 2015 Ă  avril 2016). [2] CrĂšche Louise Michel, 13 rue Vergniaud, Levallois-Perret - Panneaux : 9m x 3m avec un retour de 2m x 3m pour l'un, 5m x 3m pour un autreet 3m x 2,25 pour les trois plus petits.[3] cf. PNM n° 328 Hors sĂ©rie (Appel de l’UJRE – Son Ɠuvre doit ĂȘtre sauvĂ©e)[4] http://comiteboris.wordpress.com/2015/11/25/soutien-financier ouchĂšque rĂ©digĂ© Ă  l’ordre de UJRE/PNM – soutien au ComitĂ© Boris Ă adresser Ă  l’UJRE/PNM (ComitĂ© Boris) – 14 rue de Paradis – 75010 Paris

Exposition

8 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017

Boris Taslitzky au MAHJ(Chronique du quotidien Ă  Buchenwald)

En 2016, la fille du peintre Boris Taslitzky, Évelyne Taslitzky, faisait donation au MusĂ©e d’art et d’histoire duJudaĂŻsme (MAHJ) d’un ensemble d’Ɠuvres de son pĂšre comprenant deux tableaux datant de 1927, un autoportraitĂ  l’ñge de seize ans et un portrait de sa mĂšre, assassinĂ©e Ă  Auschwitz, et dix dessins rĂ©alisĂ©s Ă  Buchenwald, de 1944 Ă 1945. Le MusĂ©e en organise l’exposition du 27 septembre 2017 au 22 avril 2018. Ă  voir impĂ©rativement !

Fils de Smerko Taslitzky, un ingĂ©-nieur, et d’Anna Riback, coutu-riĂšre et fille de rabbin, tous deux

immigrĂ©s de Russie, Boris naĂźt Ă  Parisen 1911. Ă  quinze ans, il frĂ©quente dĂ©jĂ les acadĂ©mies de Montparnasse, puisl’École nationale des beaux-arts deParis. Son atelier devient vite un lieu derencontre oĂč se retrouvent des Ă©crivainscomme George Besson, FrancisJourdain, Louis Aragon et les peintresGromaire, Lurçat, Gimond, Giacometti,Picasso
La mort de son pĂšre, tuĂ© au front en1915, lui inspire une haine de la guerre.En 1933, il rejoint l’Association desĂ©crivains et artistes rĂ©volutionnaires(AEAR) qui s’élĂšve contre la montĂ©edu fascisme. Il sera le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ralde sa section des Peintres et Sculpteurs.Deux ans plus tard, en 1935, il adhĂšreau Parti communiste. Le Front popu-laire le mobilise.

En 1936, lors de la prĂ©sentation deQuatorze Juillet, une piĂšce de RomainRolland, il participe Ă  l’exposition qui

réunit notamment Picasso, Léger,Matisse, Braque, Jean Lurçat, Henri

Laurens et Pignon dansle hall du thĂ©Ăątre del’Alhambra. En 1937,il dessine pour le jour-nal progressiste Cesoir d’Aragon et Jean-Richard Bloch. Ildevient en 1938, secrĂ©-taire gĂ©nĂ©ral desPeintres et Sculpteursde la Maison de laCulture de Paris.Arrive la guerre.MobilisĂ©, BorisTaslitzky est fait pri-

sonnier en juin 1940. Il s’évade en aoĂ»t,rentre Ă  Paris et s’engage dans laRĂ©sistance au sein du Front national de

lutte pour la libĂ©ration et l’indĂ©pen-dance de la France. ArrĂȘtĂ© en novem-bre 1941, condamnĂ© Ă  deux ans d’incar-cĂ©ration, il connaĂźt les prisons de Riomet de Mauzac avant d’ĂȘtre internĂ© aucentre de Saint-Sulpice-la-Pointe en1943. Francis CrĂ©mieux, un grand jour-naliste et Ă©crivain racontait : « Un jourde novembre 1943, nous avons vu arri-ver Ă  Saint-Sulpice un grand garçonaux cheveux noirs filĂ©s de blanc. [
] Ilavait un nom trĂšs difficile Ă  prononcer ;on ne l’appelait que par son prĂ©nom. IlĂ©tait peintre, dessinateur, on ne savaitpas trĂšs bien. Tout de suite, on luidemanda de peindre des dĂ©cors de thĂ©Ăą-tre [
] avec de la peinture Ă  l’eau,arrachĂ©e aux griffes de l’administrationdu camp, sur de la toile depaillasse
 ».C’est ainsi que Boris Taslitzky peint unensemble de fresques gigantesque dansles baraquements du camp. Au dĂ©but del’annĂ©e 1945, Aragon le qualifiera de« MaĂźtre de Saint-Sulpice » dans larevue de sensibilitĂ© communisteRegards : « Extraordinaires fresquesĂ©normes [elles mesurent cinq mĂštres delong sur trois mĂštres de haut NDR]. Lespersonnages en sont presque deux foisgrandeur nature. Calmement, devantles G.M.R., les miliciens, les Boches,celui que nous appellerons donc leMaĂźtre de Saint-Sulpice les peignitcomme un dĂ©fi, incomprĂ©hensiblementsupportĂ© par les geĂŽliers ». Le 31 juillet 1944, Boris est dĂ©portĂ© Ă Buchenwald. Il y rejoint la RĂ©sistanceintĂ©rieure et participera Ă  l’insurrectionde 1945. Mais surtout, il se fait tĂ©moinde l’univers concentrationnaire nazi en

rĂ©alisant, clandestinement, prĂšs de deuxcents croquis et dessins, et cinq aquarel-les. Aragon en tirera, en 1946, un albumintitulĂ© Cent dessins faits Ă Buchenwald. L’album sera rĂ©Ă©ditĂ© en1978 par l’Association Buchenwald-Dora, l’ensemble trĂšs largement enrichiest paru ensuite en avril 2009 chez BiroÉditeur. Le MusĂ©e d’Art et d’Histoire duJudaĂŻsme a consacrĂ© Ă  ce tĂ©moignagegraphique une exposition en 2006.AprĂšs la guerre, Boris Taslitzky, dont lamĂšre a Ă©tĂ© assassinĂ©e Ă  Auschwitz, s’en-gage dans la lutte anticolonialiste,consacrant une sĂ©rie de dessins et depeintures Ă  l’AlgĂ©rie et Ă  son peuplesous tutelle française. Ils seront prĂ©sen-tĂ©s Ă  la galerie parisienne AndrĂ© Weil enjanvier 1953.« Si je vais en enfer, disait-il, j’y feraides croquis. D’ailleurs, j’ai l’expĂ©-rience, j’y suis dĂ©jĂ  allĂ© et j’y ai dessinĂ© ! ». < BF

* Faites entrer l’infini, n° 17, juin 1994

Les 5 ans de Drancy

Le MĂ©morial de la Shoah deDrancy a cinq ans. Ă  cette occa-

sion, une exposition « Drancy, auseuil de l’enfer, dessins de GeorgesHoran-Koiransky »* y est organisĂ©een partenariat avec le dĂ©partement dela Seine-Saint-Denis, du 17 septem-bre 2017 au 15 avril 2018. <*http://drancy.memorialdelashoah.org

* Georges Horan fut un témoin bien particu-lier du plus grand camp de transit des Juifs enFrance : Drancy. Tout au long de son interne-ment, il a su observer et croquer le quotidiende « la cité de la Muette ... »

À voir

Le vous informe - Retour sur l’affaire de la crùche de Levallois