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Ce quâil faut et ce quâil ne faut pas
ISSN: 0757-2395 MENSUEL ĂDITĂ PAR LâU.J.R.E.PNM n° 349 - Octobre 2017 - 35e annĂ©e Union des Juifs pour la RĂ©sistance et lâEntraide Le N° 6,00 âŹ
La PNM aborde de maniĂšre critique les problĂšmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse Ă toute diabolisation et combat rĂ©solument toutes les manifestations dâantisĂ©-mitisme et de racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Proche-Orient, basĂ©e sur le droit de lâĂtat dâIsraĂ«l Ă la sĂ©curitĂ© et celui du peuple palestinien Ă un Ătat.
La sociĂ©tĂ© française est lâobjet dâun« choc », celui des ordonnances rĂ©for-mant le Code du travail. Il sâagit, car Ă
coup sĂ»r ce nâest lĂ quâun premier pas, de viderce code de sa substance relative aux garantiesdont disposent les salariĂ©s, elles-mĂȘmes fruitsde dĂ©cennies de luttes pour les conquĂ©rir. Il sâagit, au fond, dâinstituer pour le plus grandprofit du patronat et, parmi celui-ci, de la frac-tion la plus liĂ©e au capital financier, la concur-rence de chaque salariĂ© contre tous les autressalariĂ©s. Cependant, le pouvoir macronien nâest pas aubout de ses peines sur ce chemin. Dâune part,sa trĂšs brusque et rapide chute de popularitĂ©dans les sondages est un signe de faiblessepolitique. Dâautre part, au moment oĂč nousĂ©crivons ces lignes, plusieurs journĂ©es de pro-testation et dâaction sont dĂ©jĂ programmĂ©espar des forces politiques ou syndicales.Par ailleurs, Ă lâoccasion de la prĂ©paration dubudget, une refonte importante de la fiscalitĂ©se profile Ă lâhorizon, sur laquelle nous reve-nons en page 4.
Celle-ci est profondĂ©ment marquĂ©e par uneaggravation des inĂ©galitĂ©s.Au fond, la question qui est posĂ©e est celle desavoir de quelle politique notre sociĂ©tĂ© fran-çaise a besoin. PlutĂŽt quâune flexibilitĂ© de lâemploi source deprĂ©caritĂ©, quâun abaissement de charges socia-les sans efficacitĂ© sur le niveau de lâemploi, ilfaut libĂ©rer lâĂ©conomie des pressions que lecapital financier exerce sur elle par lâapplica-tion de normes de rentabilitĂ© insensĂ©es tantelles sont exorbitantes. PlutĂŽt que de rĂ©duire le rĂŽle des instancesreprĂ©sentatives des salariĂ©s dans les entrepri-ses, il faut instituer une vĂ©ritable dĂ©mocratiesociale dans les lieux oĂč lâon produit larichesse. PlutĂŽt que la nomination dâune « personnalitĂ©Ă©cologique », il faut un ambitieux programmede dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables. PlutĂŽt quâun recours systĂ©matique aux mar-chĂ©s et au secteur privĂ© , embourbĂ©s dans leurlogique de rentabilitĂ© financiĂšre, il faut insti-tuer une logique de service public au profit du
plus grand nombre concernant, notamment, la santĂ©, la culture et lâĂ©ducation. PlutĂŽt quâune soumission au diktat europĂ©enen matiĂšre de dĂ©ficit budgĂ©taire, il faut refon-der lâEurope pour la rendre plus solidaire, plussociale et plus dĂ©mocratique. PlutĂŽt que dâenvoyer les troupes françaisesguerroyer tous azimuts Ă travers le monde, il faut une vĂ©ritable politique de coopĂ©ration etde paix entre les nations qui composent cemonde.Et quâon ne vienne pas nous dire que la poli-tique du gouvernement a Ă©tĂ© approuvĂ©e parune majoritĂ© de Français lors des derniĂšresĂ©lections. Car il faut rappeler que câest moinsdu quart de lâĂ©lectorat qui, par son vote au pre-mier tour de la prĂ©sidentielle, a approuvĂ© leprogramme dâEmmanuel Macron. Dans cesconditions, il nâest dâautre voie que lâengage-ment dans le mouvement social pour contre-carrer cette politique nĂ©faste aux intĂ©rĂȘts deceux qui ne vivent que de leur travail. Aucun doute : tous les lecteurs de la PNMauront Ă cĆur dây contribuer. < 18/09/2017
Jacques Lewkowicz
Graves menaces sur la paix
Lire en p.4
Lire en p.8 Boris Taslitzky au MAHJ
Boris Taslitzky
A guit your ! ! Ś ŚŚŚ ŚŚŚšĂ lâoccasion de Roch Hachana,
la PNM prĂ©sente ses meilleurs vĆuxĂ ses lecteurs.
FĂ©licitations
Paula Paumond, nĂ©e Goldfingernous a quittĂ©s le 21 septembre 2017 Ă lâĂąge de 80 ans.
Il y a quelques annĂ©es, nous nous Ă©tions rĂ©jouis de lâamĂ©lioration de lasantĂ© de notre amie. La maladie aura eu raison de la combativitĂ©, de lâal-
lant, de lâhumour de cette femme de conviction. Paulette, une habituĂ©e du« 14 » et de la « rue juive » ne manquait pas lâoccasion dâhonorer lamĂ©moire de ses parents, Elie et Gitla Goldfinger. Nous transmettons nos plussincĂšres condolĂ©ances Ă son fils Fabrice ainsi quâĂ ses proches. < PNM
2 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017L a
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â I S S N : 0 7 5 7 - 2 3 5
LA P R E S S E NO U V E L LE
Magazine Progressiste Juiffondé en 1934Editions :
1934-1993 : quotidienne en yiddish, NaĂŻe Presse(clandestine de 1940 Ă 1944)
1965-1982: hebdomadaire en français, PNHdepuis 1982 : mensuelle en français, PNM
Ă©ditĂ©es par lâU.J.R.EN° de commission paritaire 061 9 G 89897
Directeur de la publicationJacques LEWKOWICZ
RĂ©dacteur en chefBernard Frederick
Conseil de rédactionClaudie Bassi-Lederman, Jacques Dimet,Jeannette Galili-Lafon, Patrick Kamenka,Nicole Mokobodzki, Roland Wlos
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Le 29 août, la maire de Paris, AnneHidalgo, a inauguré dans le 12e
arrondissement, Ă lâintersection duboulevard Poniatowski, de lâavenuede la Porte de Charenton et de la rueFerdinand-de-BĂ©hagle, la nouvellePlace Lise et Artur London, en prĂ©-sence notamment de Catherine Vieu-Charier, adjointe Ă la Maire de Paris,chargĂ©e de la mĂ©moire et du mondecombattant, correspondant DĂ©fense,de Catherine Baratti-Elbaz, maire du12e arrondissement et de GĂ©rardLondon. Militants communistes, engagĂ©s tousles deux dans les Brigades Internatio-
nales en Espagne, rĂ©sistants de la pre-miĂšre heure, Artur London est arrĂȘtĂ© en1940, Lise London, en 1942.Ils sont dĂ©portĂ©s, lui Ă Mauthausen,elle Ă RavensbrĂŒck puis Ă Buchen-wald.Artur, nĂ© dans une famille juive, futlâun des dirigeants de la RĂ©sistancede la MOI. AprĂšs la guerre, de retour enTchĂ©coslovaquie, son pays dâori-gine, il fut injustement condamnĂ©*puis libĂ©rĂ© sur lâintervention duPCF. Lise Ă©tait une marraine de MRJ-MOI. <
* Artur et Lise London, L'aveu : dansl'engrenage du procĂšs de Prague,Gallimard, rĂ©Ă©d.1986, 640 p., 11,90 âŹ
Câest peu de dire que la familleSteinberg nous est chĂšre. LâUJRE a
eu lâhonneur dâavoir pour prĂ©sidentLucien Steinberg dont tous nos lecteursconnaissent la contribution Ă lâhistoire dela RĂ©sistance juive. Son Ă©pouse HĂ©lĂšnequi nous quittait il y a peu a jouĂ© un rĂŽledâanimation apprĂ©ciable en faisant vivresa librairie, notre voisine, La Balustrade.Câest dire quâHenriette a de qui tenir.Aussi avons-nous appris avec un peu defiertĂ© sa promotion au grade dâofficier de la LĂ©gion dâhonneur. Distinction qui lui aĂ©tĂ© remise le 22 septembre par le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Secours populaire français,Julien LauprĂȘtre. Henriette est en effet SecrĂ©taire nationale et SecrĂ©taire gĂ©nĂ©rale duConseil dâadministration de cette association dont nous rappelons le mot dâordremagnifique que lui trouva Jean Cocteau, « Tout ce qui est humain est nĂŽtre ». Le nouvel officier, qui est aussi notre abonnĂ©e, a droit aux chaleureuses fĂ©licitationsde la PNM. <
Un appel Ă collaboration
La PNM recherche des collaboratrices / collaborateurs bénévoles pourrejoindre son équipe de rédaction.
Vous maĂźtrisez le français, vous avez de lâintĂ©rĂȘt pour la politique, la viesociale, lâhistoire, la langue et la culture yiddish, les arts, le cinĂ©ma, le thĂ©Ăątre.Vous avez des disponibilitĂ©s pour rĂ©aliser des interviews de personnalitĂ©s,artistes, chercheurs...Vous ou lâun de vos proches peuvent ĂȘtre dâune grande aide Ă la PNM.NâhĂ©sitez pas Ă nous contacter ([email protected]) <
Place Lise et Artur London Ă Paris
CARNET
MĂ©moire
LâUJRE invite sesadhĂ©rents Ă partici-
per Ă l'AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale qui setiendra le samedi 21 octobre, Ă 15h,au 14 rue de paradis, Paris 10°.La vie de toute association est ponc-tuĂ©e par son AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale :rĂ©union des adhĂ©rents, cet incontour-nable moment de rencontre et dedĂ©bat, essentiel pour la vie de l'asso-ciation, leur permet d'ĂȘtre informĂ©s sursa gestion annuelle, de se prononcersur les activitĂ©s passĂ©es, de dĂ©finir etorienter celles Ă venir. Comme tou-jours, notre rĂ©union se terminera par letraditionnel pot de l'amitiĂ©. Nous vousespĂ©rons nombreux ! <Rappel Ne peuvent participer auxvotes que les adhĂ©rents Ă jour de leurcotisation
AssembléeGénérale
Chers lecteurs, nous avions annoncĂ© dans notre derniernumĂ©ro que le film Brooklyn yiddish sortirait ce 13/09. Sa sortie a finalementĂ©tĂ© repoussĂ©e au 25/10. Occasion pour nous de vous annoncer quâil vient deremporter au Festival du cinĂ©ma amĂ©ricain de Deauville le Prix du Jury.Raison de plus dâaller le voir, câest un bon film ! <
Erratum
Roland Rappaport est mort en juin Ă lâĂąge de 83 ans.
Issu dâune famille juive polonaise qui a Ă©chappĂ© Ă lâex-termination, il a passĂ© Ă plusieurs reprises des vacances
dans les colonies de la Commission Centrale de lâEnfanceauprĂšs de lâUJRE, quâil Ă©voquait avec joie et Ă©motion. Avocat au barreau de Paris depuis 1956, cofondateur du Syndicat des avocatsde France, il fut, tout jeune, membre du collectif dâavocats constituĂ© par leParti communiste français pour dĂ©fendre les militants du FLN et du Particommuniste algĂ©rien. Il fut lâun des avocats de Maurice Audin et contribuaavec dâautres Ă faire parvenir en France le manuscrit de La question dâHenriAlleg. Il plaida Ă©galement au procĂšs Barbie pour faire entendre la voix desenfants dâIzieu. Parrain de MRJ-MOI, il lui accorda, peu de temps avant samort, un entretien filmĂ© passionnant sur la notion de crime contre lâhumanitĂ©.Ce document sera accessible dans le parcours libre du MusĂ©e virtuel de MRJ-MOI. Roland Rappaport restera pour nous une figure inoubliable. < PNM
Un monument à la mémoire des 11 450 enfants juifs dépor-tés de France a été érigé au cimetiÚre du PÚre Lachaise.
Ă lâinvitation* de la maire de Paris, Anne Hidalgo, de Catherine Vieu-Charier,son adjointe chargĂ©e de la mĂ©moire et du monde combattant, correspondantDĂ©fense, de FrĂ©dĂ©rique Calandra, maire du 20e arrondissement et dâHenriPanczer, prĂ©sident du Conseil National pour la MĂ©moire des Enfants JuifsDĂ©portĂ©s, son inauguration aura lieu au cours dâune cĂ©rĂ©monie leJeudi 12 octobre 2017 Ă 14h30 dans le carrĂ© de la DĂ©portation, Ă cotĂ© dumur des FĂ©dĂ©rĂ©s. EntrĂ©e par la rue des Rondeaux â MĂ©tro Gambetta.
* Inscription impérative avant le 10 octobre 2017 à [email protected]
pratique prise dans lâintĂ©rĂȘt dâune cause commune. »Lâambition du Royaume-Uni va au-delĂ de laguerre. ObsĂ©dĂ© par la sĂ©curitĂ© de son systĂšme colo-nial, il redoute la concurrence de la France. Le pro-jet sioniste lui paraĂźt dâautant plus intĂ©ressant queWeizmann le prĂ©sente habilement : « Une Palestinejuive serait une sauvegarde pour lâAngleterre, par-ticuliĂšrement en ce qui concerne le canal de Suez. »Les espoirs que placent les sionistes dans le mandatbritannique ne seront pas déçus. Entre 1917 et 1948,le Yichouv (la communautĂ© juive de Palestine avantla crĂ©ation dâIsraĂ«l) passe de 10 % Ă 30 % de lapopulation, sa superficie agricole est multipliĂ©e par3, le nombre de ses colonies par 10 et sa productionindustrielle par 50.Le calcul est moins bon du cĂŽtĂ© britannique.Londres a sous-estimĂ© la rĂ©sistance des Arabes, quimultiplient les rĂ©voltes. AprĂšs celles de 1920 et de1929 Ă©clate, en 1936, une vĂ©ritable insurrection quidurera prĂšs de trois ans. Lâayant rĂ©primĂ©e durement,Londres en tire les leçons.Ă dĂ©faut du (premier) partage de la Palestine refusĂ©par les intĂ©ressĂ©s, Sa MajestĂ©, inquiĂšte dâun possibleretournement dâalliances des pays arabes, fait volte-face. Le Livre blanc du 17 mai 1939 rĂ©duit lâimmi-gration juive et les achats de terre, et promet doncdâici Ă dix ans lâindĂ©pendance Ă une Palestine majo-ritairement arabe.
29 novembre 1947 : le plan de partage de lâONU
La Seconde Guerre mondiale et le gĂ©nocide nazibouleversent cette perspective.Jusque-lĂ minoritaire parmi les communautĂ©s jui-ves, le mouvement sioniste organise lâimmigrationillĂ©gale vers la Palestine car des centaines demilliers de survivants ne peuvent pas ou ne veulentpas rentrer chez eux et se voient refuser toute immi-gration vers les Ătats-Unis.Il a aussi acquis une lĂ©gitimation tragique aux yeuxde consciences occidentales travaillĂ©es par la culpa-bilitĂ© et qui ignorent tout des Arabes palestiniens.David Ben Gourion, qui le sait, dĂ©clare devant lacommission dâenquĂȘte des Nations unies : « Quiveut et peut garantir que ce qui nous est arrivĂ© enEurope ne se reproduira pas ? (...) Il nây a quâunesauvegarde : une patrie et un Ătat. »Londres va passer la main sous les pressions conju-guĂ©es du mouvement sioniste, qui recourt au terro-risme, de lâopinion britannique, qui veut sortir dâunbourbier ruineux, et enfin du Kremlin et de laMaison-Blanche, qui entendent Ă©carter lesBritanniques du Proche-Orient.Le 29 novembre 1947, lâAssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale desNations Unies adopte donc la rĂ©solution 181, quicrĂ©e un Ătat juif sur 56 % de la Palestine (dont lesJuifs reprĂ©sentent Ă lâĂ©poque 32 % de la populationet dĂ©tiennent 7 % des terres), un Ătat arabe sur les44 % restants et un rĂ©gime international pourJĂ©rusalem.Dâabord judĂ©o-palestinienne, puis israĂ©lo-arabe, laguerre qui Ă©clate aussitĂŽt tourne Ă lâavantage desforces juives, financĂ©es par les Ătats-Unis et armĂ©espar lâURSS. LâĂtat juif augmente dâun tiers son ter-ritoire, lâĂtat arabe est mort-nĂ© et 800 000 Arabesont dĂ» prendre le chemin de lâexil.
Juin 1967 : la guerre des Six-JoursJusquâen 1967, le reste de la Palestine Ă©tait demeurĂ©dans des mains arabes : la Cisjordanie et JĂ©rusalem-Est annexĂ©es par la Jordanie, la bande de Gaza occu-pĂ©e par lâĂgypte. Avec la guerre des Six-Jours,IsraĂ«l sâen empare.Au dĂ©but, il les prĂ©sente comme une carte Ă jouerdans les nĂ©gociations. Mais lorsque, le 22 novembre1967, la rĂ©solution 242 du Conseil de sĂ©curitĂ© prĂŽnelâĂ©change des territoires contre la paix, câest troptard : IsraĂ«l a annexĂ© JĂ©rusalem-Est dĂšs juillet 1967 ;et le plan Allon a lancĂ© la colonisation de laCisjordanie. Dâabord prĂ©sentĂ©e comme sĂ©curitaire,celle-ci va bientĂŽt sâaccĂ©lĂ©rer.
17 mai 1977 : victoire de la droiteLa droite, conduite par Menahem Begin, remportepour la premiĂšre fois les Ă©lections. Elle intensifie lacolonisation de JĂ©rusalem-Est et de la Cisjordanie,annexe le Golan et multiplie les opĂ©rations militai-res contre le Liban.Mais elle sait aussi faire preuve de diplomatie : elleprofite du voyage dâAnouar Al-Sadate Ă JĂ©rusalempour entraĂźner lâĂgypte dans une paix sĂ©parĂ©e. EnĂ©change du SinaĂŻ, secondaire pour IsraĂ«l, Beginobtiendra quelque chose dâessentiel pour lui : la finde tout risque de guerre sur plusieurs fronts.Un mois et demi aprĂšs la normalisation Ă©gypto-israĂ©lienne, Tsahal se lance dans une nouvelleguerre : contre le Liban.
7 décembre 1987 : le déclenchementde la premiÚre Intifada
Câest un accident de la circulation Ă Gaza qui pro-voque la premiĂšre Intifada, un mouvement popu-laire durable, massif et non armĂ©, dont les effets sefont sentir :âą sur lâopinion israĂ©lienne, dont une majoritĂ©, com-prenant que le statu quo nâest pas durable, se prĂ©pareĂ une paix de compromis ;âą sur la stratĂ©gie de la Jordanie, dont le roi, Hussein,renonce Ă rĂ©cupĂ©rer la Cisjordanie ;âą sur lâopinion internationale, choquĂ©e par le specta-cle dâune puissante armĂ©e rĂ©primant des jeunes nelançant â Ă lâĂ©poque â que des pierres ;âą sur lâOrganisation de libĂ©ration de la Palestine (OLP)ainsi transformĂ©e en interlocuteur incontournable.Ă Alger, en novembre 1988, le Conseil nationalpalestinien donne un dĂ©bouchĂ© au mouvement : ilproclame lâindĂ©pendance de la Palestine, reconnaĂźtles rĂ©solutions de lâONU fondant le droit Ă lâexis-tence dâIsraĂ«l et condamne explicitement touteforme de terrorisme. Câest le dĂ©but dâun « processusde paix » qui mĂšnera, en 1993, aux accords dâOslo.La suite est connue⊠<* Journaliste et historien, co-directeur avec Bertrand Badie deLâĂtat du monde 2018. En quĂȘte dâalternatives, La DĂ©couverte.
Câest une curiositĂ© : six dates essentielles duconflit israĂ©lo-palestinien se terminent en 7 etpermettent un survol de cette histoire tragique.
29-31 aoĂ»t 1897 : Ă BĂąle, le premierCongrĂšs sioniste mondial « sâefforce dâob-tenir pour le peuple juif en Palestine un foyerreconnu publiquement et garanti juridiquement. »
Et pourtant, Theodor Herzl, comme la plupart desintellectuels juifs, croit dâabord Ă lâassimilation desJuifs. Mais il devient correspondant de presse Ă Paris lorsquâĂ©clate lâaffaire Dreyfus : il y voit, aprĂšsles pogroms de Russie, le signe que les Juifs sâavĂš-rent inassimilables, mĂȘme par cette France qui, lapremiĂšre, les Ă©mancipa.« Ă BĂąle, Ă©crit-il dans son Journal, jâai crĂ©Ă© lâĂtatjuif. Si je disais cela aujourdâhui publiquement, unrire universel serait la rĂ©ponse. Dans cinq ans peut-ĂȘtre, dans cinquante sĂ»rement, tout le monde com-prendra. » Cinquante ans plus tard, lâĂtat dâIsraĂ«lverra le jourâŠSa vie durant, il rencontrera des personnalitĂ©s sus-ceptibles dâappuyer son projet : le sultan turc, lesministres du Tsar, le Kaiser, etc. Toutefois sa prĂ©fĂ©-rence va au Royaume-Uni. Herzl meurt en 1904sans avoir obtenu le soutien britannique, mais sonsuccesseur HaĂŻm Weizmann rĂ©ussit treize ans plustard.
2 novembre 1917 : la DĂ©claration Balfour
Ce jour-lĂ , le secrĂ©taire au Foreign Office, LordArthur Balfour, Ă©crit que son gouvernement « envi-sage favorablement lâĂ©tablissement en Palestinedâun Foyer national pour le peuple juif et emploieratous ses efforts pour faciliter la rĂ©alisation de cetobjectif, Ă©tant clairement entendu que rien ne serafait qui puisse porter atteinte aux droits civils et reli-gieux des collectivitĂ©s non-juives existant enPalestine, ou aux droits et statut politiques dont lesJuifs jouissent dans tout autre pays ».Cette dĂ©claration bafoue deux engagements duRoyaume-Uni : dâabord la promesse faite au chĂ©rifHussein comme Ă Ibn Saoud de « reconnaĂźtre et sou-tenir lâindĂ©pendance des Arabes » ; ensuite lesaccords Sykes-Picot avec Paris, qui internationali-sent la Palestine sans y prĂ©voir de Foyer nationaljuif. RĂ©sumĂ© dâArthur Koestler : « Une nation asolennellement promis Ă une seconde le territoiredâune troisiĂšme. »Alors ministre de lâArmement, Winston Churchillexpliquera : « Les Juifs ont ĆuvrĂ© pour le succĂšs dela Grande-Bretagne (âŠ). La DĂ©claration Balfour nedoit donc pas ĂȘtre regardĂ©e comme une promessefaite pour des motifs sentimentaux, câĂ©tait une mesure
3Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017
Proche-Orient
Israël-Palestine : six dates en « 7 » par Dominique Vidal*
Centenaire de la déclaration Balfour
Social
4 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017
La politique fiscale de lâĂtatconsiste Ă dĂ©terminer quellescatĂ©gories sociales verront le
poids de lâimpĂŽt sâallĂ©ger ou sâalourdir.La prĂ©sidence Macron envisage denombreuses modifications de la fisca-litĂ©, dont il semble difficile, de saisir, apriori, quel sera lâeffet final tant ellesmĂ©langent des mesures dont le sens estcontradictoire.Dans une trĂšs utile Ă©tude, lâOFCE [1] aprocĂ©dĂ© Ă une Ă©valuation de leursconsĂ©quences [2]. Sont envisagĂ©es : lasuppression de la taxe dâhabitation pourles mĂ©nages Ă lâexception des 20 %disposant des meilleurs revenus, larĂ©duction de la fiscalitĂ© sur les revenusdu capital Ă une taxe unique de 30 %(sans prendre en compte lâensemble desrevenus), la restriction de lâimpĂŽt sur lafortune Ă un impĂŽt sur lâimmobilier,lâexonĂ©ration de cotisations sociales dessalariĂ©s sur les heures supplĂ©mentaires,la hausse de la CSG, la baisse des coti-sations sociales santĂ© et chĂŽmage dessalariĂ©s, la hausse du prix du tabac, la
baisse Ă 25 % du taux dâimposition surle bĂ©nĂ©fice des sociĂ©tĂ©s, la poursuite duCICE en baisse de cotisations socialespatronales, la suppression des cotisa-tions sur les salaires au SMIC, lâexonĂ©-ration des cotisations sociales patrona-les sur les heures supplĂ©mentaires. PourdĂ©terminer lâimpact de ces diffĂ©rentesmesures, on partage lâensemble desmĂ©nages en dix segments (appelĂ©s dĂ©ci-les) dont les effectifs sont Ă©gaux maisdont les revenus sont rangĂ©s par ordrecroissant. On peut ainsi Ă©valuer lâimpactdes mesures fiscales envisagĂ©es surchaque dĂ©cile et donc sur chaque niveaude revenu.Tous calculs faits quant aux consĂ©quen-ces des changements envisagĂ©s, il appa-raĂźt une diminution des prĂ©lĂšvementsobligatoires â impĂŽts et cotisationssociales. Mais, on observe surtout que46 % de cette baisse bĂ©nĂ©ficieront aux10 % des mĂ©nages les plus riches. MaismĂȘme parmi ceux-ci, câest le 1 % leplus riche qui en profitera le plus. Il sâa-git donc bien de prendre aux pauvres
pour donner aux riches.Comment justifier ce qui apparaĂźt auxyeux de chacun comme une injusticesociale ? Les propagandistes du libĂ©ra-lisme ont inventĂ© un gadget idĂ©ologiqueĂ cet effet. Il sâagit de la thĂ©orie du ruis-sellement. Selon celle-ci, il est de lâintĂ©-rĂȘt de tous dâamĂ©liorer le sort des plusriches. En effet, ces derniers consom-ment et investissent plus que les pauv-res. En consĂ©quence, ils favorisent lacroissance de lâĂ©conomie. Et cette crois-sance bĂ©nĂ©ficie Ă tous en crĂ©ant desemplois. Les plus pauvres verraient,ainsi, « ruisseler » vers eux, le supplĂ©-ment de revenu accordĂ© aux plus richespar les baisses dâimpĂŽt dont ils bĂ©nĂ©fi-cient.Le problĂšme avec cette thĂ©orie, câestquâelle a Ă©tĂ© expĂ©rimentĂ©e, notammentaux USA depuis la prĂ©sidence deReagan (annĂ©es 1980) et quâelle nâa pasdu tout donnĂ© les rĂ©sultats attendus maisplutĂŽt lâinverse. Les riches se sont bienenrichis, mais les plus pauvres ont vuleurs emplois prĂ©carisĂ©s, tandis que le
revenu mĂ©dian (celui qui partage lâen-semble des contribuables en deux par-ties Ă©gales lorsquâon les range par ordrecroissant) est restĂ© absolument stablesur toute la pĂ©riode jusquâĂ nos jours,tandis que pourtant, lâĂ©conomie amĂ©ri-caine a crĂ» fortement dans son ensem-ble et a produit des richesses supplĂ©-mentaires sous lâeffet du dĂ©veloppe-ment technologique [3].Il est vrai que le prĂ©sident Macron faitdes efforts pour rĂ©tablir la justicesociale. Ainsi, pour compenser la baissedes allocations logement de 5 euros a-t-il demandĂ© aux propriĂ©taires de loge-ment dâopĂ©rer sur les loyers quâils per-çoivent une baisse identique : naĂŻvetĂ© ouhypocrisie ? <[1] Office français de conjoncture Ă©cono-mique, Laboratoire de recherche en Ă©conomiede Sciences Po[2]https://www.ofce.sciencespo.fr/pdf/pbrief/2017/pbrief25.pdf[3] Voir Daniel Cohen : https://www.france-culture.fr/emissions/linvite-des-matins-2eme-partie/travail-des-ordonnances-capitales
Prendre aux pauvres pour donner aux richespar Jacques Lewkowicz
On ne peut plus lâignorer : degraves menaces pĂšsent sur lapaix ; partout lâon entend des
bruits de bottes ; la course aux arme-ments est relancĂ©e ; la dissĂ©minationdes armes de destruction massive meten danger la planĂšte.Lâescalade verbale entre la CorĂ©e duNord et les Ătats-Unis peut Ă toutmoment dĂ©boucher sur une conflagra-tion mondiale. Si les essais de missileset de bombes atomiques rĂ©alisĂ©s enCorĂ©e du Nord doivent ĂȘtre condamnĂ©savec la plus grande fermetĂ©, ils ne sau-raient ĂȘtre le prĂ©texte Ă lâaventure mili-taire que Trump dĂ©clare prĂ©parer. Or,chacun le sait : toute attaque contre
Pyongyang sera considĂ©rĂ©e par la Chineet la Russie comme une attaque contreleur pays. Dâautant plus que la politiquede lâOtan dâencerclement de la Russieâ dont la France hĂ©las ! est partie pre-nante â attise les tensions. Ă ses frontiĂšres et avec la participationde lâarmĂ©e amĂ©ricaine, des manĆuvresont lieu en Ukraine alors que ce paysnâest pas (encore !?) membre de lâOtan.Dâautres exercices ont lieu en SuĂšdevisant explicitement la Russie. MoscourĂ©plique par dâautres manĆuvres enBiĂ©lorussie aux limites de la Pologne.Au Proche-Orient, la guerre continuede faire rage en Syrie, en Irak, auYĂ©men, ainsi que le jeu trouble des
Occidentaux Ă lâĂ©gard des terroristesde Daech et autres. Trump multiplie les dĂ©cisionsirresponsables. Les Ătats-Unis, acculĂ©spar leur perte dâinfluence sur la marchedu monde, menacĂ©s par la dĂ©-dollarisa-tion des Ă©changes que Chine et Russieengagent avec dâautres Ătats, notam-ment lâIran et les Brics, crĂ©ent un cli-mat de peur et de tensions qui leur per-met de justifier des augmentationscolossales de leur budget militaire,source de profits pour le complexemilitaro-industriel : 600 milliards dedollars en 2018 (+ 54 milliards). Face Ă cette situation, lâadoption, le 7juillet dernier Ă lâONU dâun traitĂ© surlâinterdiction des armes nuclĂ©airesmontre que les solutions politiques sontpossibles et que rien nâest irrĂ©versible.Mais comme le disait Jean JaurĂšs, « lecapitalisme porte en lui la guerrecomme une nuĂ©e porte lâorage ». LamĂȘme logique porte les mĂȘmes effets.Ainsi, lâĂlysĂ©e sâoppose-t-il au textevotĂ© Ă lâONU, au prĂ©texte de moderni-ser la force de frappe nuclĂ©aire. Alorsquâil impose lâaustĂ©ritĂ© aux Français, Ă leurs services publics et Ă leurs com-munes, le gouvernement prĂ©voit dedoubler le montant des crĂ©dits annuelsconsacrĂ©s aux armes nuclĂ©aires quidevraient passer de 3,5 Ă 6 milliardspar an dâici Ă 2020). Lâobjectif est derenouveler en totalitĂ© la flotte de sous-marins nuclĂ©aires lanceurs dâengins(SNLE) dont le dernier exemplaire a
Ă©tĂ© livrĂ© en 2010. Le budget militaireglobal de la France doit passer lui ausside 31,6 milliards en 2016 Ă 41milliards dâeuros dĂšs 2020, pour attein-dre les 2 % du PIB exigĂ©s par lâOtan.Une convergence mondiale de forcespour la paix nâa jamais Ă©tĂ© aussi nĂ©ces-saire ; aussi urgente. Elle se rĂ©alise peuĂ peu. En France, un collectif « Enmarche pour la paix » sâest constituĂ©rassemblant plus de 120 organisationsdiverses qui agissent pour les droitshumains, contre le racisme et la xĂ©no-phobie, pour lâĂ©galitĂ© hommes-fem-mes, pour la diminution des dĂ©pensesdâarmement, pour lâĂ©ducation Ă lapaix, pour faire face Ă lâurgence clima-tique. Cinquante-trois de ces organisa-tions ont publiĂ© « Le livre blanc pour lapaix ». Le collectif En marche pour lapaix souligne « quâaucune de nos diffĂ©-rences de convictions, dâappartenanceou de sensibilitĂ©s philosophiques, poli-tiques, religieuses, syndicales ou aut-res ne doit faire obstacle Ă lâexpressionde notre volontĂ© commune de vivre enpaix dans un monde de solidaritĂ©, dejustice et de fraternité».Câest Ă lâappel de ce collectif de 120organisations, que, dans le cadre de laJournĂ©e internationale de la paix, ontĂ©tĂ© organisĂ©es partout en France, lesamedi 23 septembre, des marchespour la paix pour exprimer la volontĂ©commune qui a prĂ©sidĂ© à « la vaguemondiale pour la paix », lancĂ©e le 6aoĂ»t 2017 Ă Hiroshima. < Ch. N.
La politique de lâOTAN et des AmĂ©ricains attise les tensionsen Europe, au Proche-orient et en Asie
Paix Graves menaces sur la paix
Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017 5Histoire
sins quâil envoie Ă la cĂ©lĂšbre revuesatirique allemande Simplicissimus.La vie parisienne lâexalte, notammentles milieux artistiques. SĂ©duit untemps par les Fauves et les Cubistes,
il nâadhĂšre finalement Ă aucun groupeou mouvement. Comme Modigliani,il veut faire cavalier seul et travaillerĂ sa maniĂšre. BientĂŽt la chance luisourit : en 1907, lâannĂ©e oĂč il rencon-tre sa future Ă©pouse, Hermine David,il expose Ă Berlin, dans la galerie PaulCassirer. Il sâinstalle rue Gabriellepuis rue Joseph-Bara et prend un ate-lier Ă Montparnasse, Ă cĂŽtĂ© de celui deVan Dongen. Il commence alors Ă frĂ©-quenter les cafĂ©s du carrefour Vavin.On le voit parfois Ă La Rotonde maisle plus souvent Ă la terrasse du DĂŽme: ses confrĂšres et ses amis le qualifientde DĂŽmier ad hoc ! Il fait partie dĂ©s-ormais de la faune pittoresque maistalentueuse des artistes Ă©trangers quihantent ces lieux et vont constituerlâessentiel de ce quâon appellera lâĂ-cole de Paris.
Las, celui que lâon nomme le Princede Montmartre, le Magicien du RĂ©el,doit sâexiler en 1914, la guerre ayantfait de sa Bulgarie natale un pays hos-
tile. Il abandonne tout, y compris samaĂźtresse, un modĂšle quâil partageaitavec Matisse. Il gagne la Belgique,avec le peintre tchĂšque Georges Kars,puis Londres et New York. Aux Ătats-Unis, oĂč il avait exposĂ© dans le cadrede lâexposition internationale dâArtmoderne de 1912, il jouit dâune cer-taine notoriĂ©tĂ©. En 1915, il Ă©pouseHermine et prend la nationalitĂ© amĂ©ri-caine. Il se lie dâamitiĂ© avec le photo-graphe et galeriste Alfred Stieglitz. Ilvoyage au Texas, en Floride, Ă Cuba.De retour Ă Paris, il change sans cessede logement, dâatelier, de maĂźtresse,et continue Ă voyager. Mais il restefidĂšle aux thĂšmes qui ont caractĂ©risĂ©sa peinture dĂšs le dĂ©but : les nuits,mondaines ou non, les parties fines, lavie dans les clubs et les cafĂ©s.
LâĂ©rotisme le passionne et le purita-nisme qui rĂšgne y compris dans lesmilieux cultivĂ©s et dâavant-garde lescandalise. Pascin voit le mondecomme un bordel luxuriant (et forcĂ©-ment luxurieux !), avec beaucoup debeautĂ© et beaucoup de laideur, lâunenâallant pas sans lâautre. Sa peinture,son dessin, ne sont pas simples Ă dĂ©finir, câest quelque chose entre une
interprĂ©tation trĂšs libre du baroque(par lâamour du nombre des figures)et une trĂšs lointaine rĂ©miniscence etde James Ensor, mais en moins gro-tesque, et de Toulouse-Lautrec. Il apassionnĂ©ment aimĂ© dĂ©crire le vice etune sorte de dĂ©cadence, le dĂ©sir leplus extrĂȘme et le plus interlope. Ilnâen est pas moins un magicien delâart car ses compositions sont desmerveilles oĂč la lascivitĂ© et les mau-vaises mĆurs vont de pair avec lascience de lâexpression des corps etde lâagencement des scĂšnes, toujoursavec un dĂ©sĂ©quilibre recherchĂ©. Cecitoyen amĂ©ricain nĂ© Bulgare est unefigure emblĂ©matique du Paris de lâen-tre-deux-guerres. Y compris par letragique. Quand il met volontaire-ment fin Ă sacourte vie,en 1930, ilnâa que 45ans. <* LâĆil dePascin, GalerieAlain Le Gail-lard, Le Mino-taure, Paris, jus-quâau 28/10.Catalogue parMaria Tyl.
Julius Mordecai Pincas est né en1885 à Vidin, une petite localitébulgare, dans famille sépharade
de onze enfants. Sa mĂšre est dâori-gine italienne, son pĂšre dâorigineespagnole. Adolescent dĂ©sespĂ©rĂ© dene pouvoir sâadonner Ă sa passion,lâart, Pascin se lance dans une vie dedĂ©bauche. En 1901, au grand dam desa famille installĂ©e Ă Bucarest, il frĂ©-quente une courtisane. Son destin estscellĂ© : il ne cessera plus de frĂ©quen-ter les mauvais lieux ni de peindre. Il va Ă©tudier Ă Vienne et Ă Budapest,en 1902, puis Ă Berlin et Ă Munich, en1903. Et câest enfin Paris oĂč il arriveen 1905 la veille de NoĂ«l. Il loge Ă Montparnasse, au Grand HĂŽtel desĂcoles, rue Delambre, avant degagner Montmartre oĂč il habitera Ă lâhĂŽtel BeausĂ©jour, rue Lepic. Lemoment est-il venu de franciser sonnom ? Une anagramme fait lâaffaire :adieu Pincas, vive Pascin ! Il vit, demieux en mieux, du revenu des des-
Pascin, peintre emblĂ©matique de lâĂcole de Paris entre les deux guerres
par GĂ©rard-Georges Lemaire
Octobre 1937, exĂ©cution Ă Minsk de MoĂŻche KulbakLa mort dâun poĂšte romantique
par Bernard FrederickpoĂšte romantique. Pendant la PremiĂšre Guerre mon-diale, il vivait Ă Kovno (Kaunas) oĂč il commença Ă Ă©crire en hĂ©breu. Il fit ses dĂ©buts en yiddish en 1916avec un poĂšme qui sera mis en musique et deviendratrĂšs populaire. En 1918, Kulbak sâinstalla une pre-miĂšre fois Ă Minsk, oĂč il enseigna et Ă©crivit de la poĂ©-sie. Puis il dĂ©mĂ©nagea Ă Wilno oĂč, en 1920, il a publiĂ©son premier livre, Shirim (PoĂšmes), qui a confirmĂ© saplace de poĂšte dans la tradition romantique yiddish deDovid Eynhorn. Plus tard, Ă Berlin, oĂč il demeura trois ans, Kulbak sefamiliarise avec les courants contemporains de la littĂ©-rature europĂ©enne, en particulier avec lâexpression-nisme qui devait avoir une influence significative surson travail ultĂ©rieur. Il a contribuĂ© aux pĂ©riodiques yid-dish Ă Berlin, en Pologne, et surtout dans Di Tsukunftde New-York, qui publia son Ă©pique Raysn(BiĂ©lorussie en yiddish) et son drame Yankev Frank.Le Tsukunft Ă©tait plutĂŽt bundiste. Ăa ne faisait pas dupoĂšte un « Ă©lĂ©ment socialement dangereux ». A Wilno, oĂč il revient en 1923, Kulbak sera prĂ©sidentdu nouveau Pen Club Yiddish. Au cours de cettepĂ©riode, il a Ă©crit les longs poĂšmes Vilne (1926), despoĂšmes lyriques et son deuxiĂšme roman important,Montig (Lundi -1926).Comme tous les romantiques, Kulbak fait de la natureune maniĂšre de panthĂ©isme. Dans Raysn, par exemple,il met en scĂšne une famille en relation intime avec lanature, mĂ©lange les sources stylistiques des chansons
folkloriques yiddish et slaves avec des allusionsbibliques. Mais, Montig, Ă lâopposĂ©, sous-titrĂ© « Unpetit roman », dĂ©peint la ferveur rĂ©volutionnaire aprĂšs1917 dans une ville juive sans nom. Sây lit uncontraste ambigu entre la tendance dĂ©clarĂ©e Ă la passi-vitĂ© chez le protagoniste, un professeur dâhĂ©breu, unintellectuel « sans racines », et lâatmosphĂšre dâactivitĂ©rĂ©volutionnaire et de combativitĂ© autour de lui. Le principal roman de sa pĂ©riode soviĂ©tique,Zelmenyaner est lâune des Ćuvres les plus importan-tes de la prose yiddish soviĂ©tique. Kulbak y racontelâhistoire dâune famille juive Ă Minsk, sur deux gĂ©nĂ©-rations, face aux changements qui sâopĂšrent en UnionsoviĂ©tique. Le roman parut en 1935. Il nâavait pas pluaux autoritĂ©s⊠<
Ă lireâą Le Messie Fils dâEphraĂŻm (roman, trad. CaroleKsiazenicer-Matheron), ImprimerieNationale - Actes Sud, Paris, 1995,196 p., 24,80 âŹ
âą Les Zelminiens (roman, trad. RĂ©gineRobin), Seuil, Paris, 1988, 332 p.,35,80 âŹ. Aussi dans lâouvrage deRachel Ertel, Ed. Royaumes Juifs(TrĂ©sors de la littĂ©rature yiddish), Vol.II, Robert Laffont, Paris, 2009
âą Lundi (trad. Bernard Vaisbrot),LâĂge dâhomme, Lausanne, 1982
PoÚte yiddish, romancier etdramaturge, né à SmorgonprÚs de Vilna, en 1896,
MoĂŻche Kulbak est une des victi-mes des purges staliniennes de laterrible annĂ©e 1937. Il est arrĂȘtĂ© Ă Minsk (BiĂ©lorussie) en septembreet exĂ©cutĂ© le 29 octobre. Pour quelle raison ? En ce temps lĂ , Ă lâĂ©poque de laIejovschina, du nom de IĂ©jov, le chef du NKVD (lapolice politique), il nây avait pas besoin de raison.Lâordre opĂ©rationnel n° 00447 du 31 juillet 1937,ordonnait de rĂ©primer les « Ă©lĂ©ments antisoviĂ©tiques etsocialement dangereux ». Kulbak Ă©tait-il un « Ă©lĂ©mentantisoviĂ©tique » ? Câest de lui-mĂȘme, quâil avait en 1928 quittĂ© Wilno(Vilna), annexĂ©e en 1922 Ă la Pologne, pour sâinstallerĂ Minsk, capitale de la BiĂ©lorussie soviĂ©tique. Lacroissance des institutions culturelles yiddish enUnion soviĂ©tique, dâune part, et lâatmosphĂšre enPologne pour les Juifs dâautre part. le poussĂšrent Ă faire ce choix. Ă Minsk, Kulbak avait Ă©crit le longpoĂšme Disner Tshayld-Harold (1933), deux drames,Boytre (1936) et Benyomin Magidov et surtout unroman Zelmenyaner, sur le sort dâune famille juive tra-ditionnelle dans les nouvelles conditions de lâUnionsoviĂ©tique (1931 -1935). Rien qui ne pouvait fĂącher lacensure. Rien qui puisse relever de lâantisoviĂ©tisme.Alors Ă©tait-il « socialement dangereux » ? CâĂ©tait un
Jules Pascin - 1930
Art
lâargent ? Ils nâen sont pas Ă une compromission prĂšs.Dâailleurs « compromission » semble le mot clĂ© de cechantage. Il sâagit maintenant de « convaincre » lechancelier Schuschnigg. La scĂšne qui dĂ©crit lemoment de la compromission, au cours de laquelle lepetit dictateur autrichien affolĂ© livre lâAutriche, nousplonge dans une atmosphĂšre de cauchemar, de folie.On est Ă la fois dans le tragique â Schuschnigg, blĂȘmeet mort de peur va signer la fin de lâAutriche, les pos-tes importants seront occupĂ©s par des nazis â et dans legrotesque puisquâau mĂȘme moment se dĂ©roule le car-naval de Vienne et que lâon danse et chante dans lesrues : « les dates les plus joyeuses chevauchent ainsi lesrendez-vous sinistres de lâHistoire. » Le grotesque dansce mĂȘme chapitre, câest aussi lâĂ©vocation inattendue deLouis Soutter (1871-1942), peintre, dessinateurmĂ©connu enfermĂ© dans un asile et qui, lorsque sesmains ne lui obĂ©irent plus, peignit avec ses doigts sespetits bonshommes noirs tordus, « pantins hideux etterribles » comme un prĂ©sage sinistre.Reste la compromission, lâinertie de lâEurope. Cettefois, la scĂšne se passe lors dâun dĂźner mondain Ă Londres. Ribbentrop fait durer le repas par le rĂ©cit deses prouesses pour que lâannonce de lâinvasion delâAutriche soit retardĂ©e. Le ton du rĂ©cit se fait moinsironique et câest un accusateur qui parle dans lâinterro-gation qui se rĂ©pĂšte, de rappels en rappels, « et on ne
savait pas ». On ne savait pas lâannexion de la Sarre,on ne savait pas le bombardement de Guernica ⊠Sixmois aprĂšs lâAnschluss, Ă Munich, la France etlâAngleterre, Daladier et Chamberlain, « entre deuxrangĂ©es de soldats nazis », sont acclamĂ©s par les salutsnazis dâune foule en dĂ©lire. Fin.En fait, ce nâest pas un cours dâhistoire pour classe de1e, la littĂ©rature est passĂ©e par lĂ dans un mĂ©lange derĂ©el et de thĂ©Ăątral qui nous fait entrer dans les coulissesde lâHistoire. De façon mĂ©taphorique, le magasin hol-lywoodien des accessoires du cinĂ©ma entasse objets,costumes, toutes Ă©poques confondues, dĂ©froques delâHistoire.Les derniers chapitres ne sont plus que tristesse, hor-reurs et rĂ©alitĂ©. Les suicides, les Juifs traĂźnĂ©s dans lesrues, contraints de se mettre Ă genoux pour nettoyer lestrottoirs, le sourire des passants qui regardent⊠Il yaura les camps dont certains de nos vingt-quatre baronsont tirĂ© force profit. Ils sont toujours lĂ , mais sousforme de choses, ils sâappellent BASF, Bayer, Opel, ilssont nos voitures, nos machines Ă laver⊠la pile denotre montre, notre quotidien.Le rĂ©cit sâachĂšve, presque brechtien : « on ne tombejamais deux fois dans le mĂȘme abĂźme. Mais on tombetoujours de la mĂȘme maniĂšre, dans un mĂ©lange deridicule et dâeffroi ». <Ăric Vuillard, LâOrdre du Jour, Ăd. Actes Sud, 2017, 160 p., 16 âŹ
DĂ©jĂ , le point de vue, trĂšsaffirmĂ©, est celui dâunnarrateur (lâauteur lui-
mĂȘme), glacial, sarcastique qui,dĂšs le premier chapitre, avanceses pions : 20 fĂ©vrier 1933 : les« barons de lâindustrie alle-
mande » sont convoquĂ©s par Hitler. Dans la brume delâhiver, on les devine descendant de leurs berlines noi-res, complĂštement dĂ©shumanisĂ©s, sans visages, dĂ©si-gnĂ©s par des objets, les habits de leur fonction, « vingt-quatre pardessus⊠vingt-quatre paires dâĂ©paules rem-bourrĂ©es de laineâŠ, vingt-quatre pantalons Ă pinces,vingt-quatre chapeaux de feutre quâils enlĂšvent deleurs crĂąnes chauves. Leurs noms nâapparaissent queplus tard et nous les reconnaissons, les Krupp, lesOpel, les Siemens. Le spectacle mis en scĂšne par lenarrateur commence. Goering dâabord, puis lâacteurprincipal, Hitler, peut facilement les convaincre : sesmots sont façonnĂ©s pour eux. Ne sâagit-il pas dâen finiravec la menace communiste, les syndicats, de « per-mettre Ă chaque patron dâĂȘtre un fĂŒhrer dans sonentreprise ». Les Ă©lections approchent. Pour que leparti nazi triomphe, que son armĂ©e soit la plus puis-sante, il faut de lâargent. Ce nâest pas le peuple quiporte Hitler au pouvoir, câest lâargent, ce sont les pos-sĂ©dants. PrĂ©cieuse obole, voilĂ les patrons rassurĂ©s,
Littérature
6 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017
LâOrdre du Jour dâĂric Vuillardpar Jeanne Lafon Galili
La question que me suggĂšre ce rĂ©cit serait : quâest-ce qui fait quâun moment historique â ici lâavĂšnement dâHitler, les quelquesjours qui prĂ©cĂ©dĂšrent lâinvasion de lâAutriche â devient, investi par lâĂ©crivain, son imagination, ce pouvoir des mots, une fictionvraie et par sa lecture, une autre façon, passionnante, dâĂȘtre confrontĂ© Ă lâHistoire.
dehors, et dont il va dĂ©nouer les fils pour se retrouver Ă dĂ©couvert, sans filet de protection sous la lumiĂšre cruedes projecteurs.DovadĂ© se raconte, nous raconte, et ce sont des instantspoignants et pathĂ©tiques du spectacle, avec cependantdes moments de douceur.Il raconte comment le principal souci de lâenfant Ă©tait defaire rire sa mĂšre,comment celle-ci lui avait racontĂ© que, fillette, pendantla Shoah, elle avait Ă©tĂ© cachĂ©e dans un wagon et sauvĂ©e,oui, sauvĂ©e par deux cheminots polonais mais aussi vio-lĂ©e quotidiennement par lâun et lâautre pendant six moiset puis jetĂ©e hors du wagon comme un sac aprĂšs quâilseurent abusĂ© dâelle Ă satiĂ©tĂ© et sâen furent lassĂ©s, commentâŠcomment sa mĂšre lui chantait une chanson yiddish,« Jâai oubliĂ© cette berceuse yiddish. Elle me la chantaitquand je ne rĂ©ussissais pas Ă mâendormir, ou quand jâĂ©-tais malade. Elle me prenait dans ses bras et me ber-çait : Ay lou-lou, shlof mayn kind, shlof mayn tayere,mayn shepsele, makh tsou di klayne oygelekh....... »Et puis, dans le dĂ©sordre de la narration on revient auprĂ©sent, Ă une autre rĂ©alitĂ©, une autre douloureuse his-toire, celle de lâoccupation par IsraĂ«l des Territoires,celle de la haine et de la violence. Deux soldats enten-dent par haut-parleur lâordre de couvre-feu pour lesArabes. Ces derniers nâont que cinq minutes pour ren-trer chez eux. Lâun des soldats aperçoit un Arabe, le viseavec son fusil et le tue. Son ami lui demande les raisonsde son geste, et lâautre rĂ©pond quâil lâa tuĂ© parce quecelui-ci nâaurait de toute façon pas pu rentrer chez lui Ă temps.Câest lĂ lâun des traits dâhumour noir, grinçant, de
David Grossman, un humour qui dĂ©range, qui ques-tionne. Lâauteur fait partie du camp de la paix, militepour la fin des violences entre les deux peuples israĂ©lienet palestinien, pour un traitement juste de la questionpalestinienne. Sujet douloureux pour lâĂ©crivain qui aperdu son fils, tuĂ© lors du conflit israĂ©lo-libanais en2006. Depuis longtemps, la mort le hante, la violence lehante, lâindiffĂ©rence le hante.« Quand on enlĂšve son armure on peut facilement pas-ser dâhomme Ă femme, de jeune Ă vieux, dâIsraĂ©lien Ă Palestinien et on se rend compte que lâon peut faire unbrassage de toutes ces identitĂ©s », dĂ©clare-t-il.Le passage du livre Ă la lecture mise en espace dans lecadre de lâenregistrement radiophonique en public,rĂ©alisĂ© par Blandine Masson, est une grande rĂ©ussite. Lechoix des deux principaux comĂ©diens-lecteurs, JĂ©rĂŽmeKircher (DovalĂ©) et Wajdi Mouawad (AvishaĂŻ Lazar)est rĂ©vĂ©lateur du dĂ©sir de rapprochement des peuples encette pĂ©riode de grande intolĂ©rance, de susciter un dia-logue entre eux, de le crĂ©er et le prolonger Ă travers lalittĂ©rature, la crĂ©ation artistique⊠<
[1] Enregistrement en public de lâadaptationradiophonique du roman Un cheval entre dansun bar, traduit de lâhĂ©breu par Nicolas Weill etpubliĂ© au Seuil, avec JĂ©rĂŽme Kircher (DovalĂ©),Wajdi Mouawad (AvishaĂŻ Lazar) et les acteursdu Groupe 43 de lâĂ©cole du TNS. MusiqueSylvain Cartigny, Joseph Dahan et ColinRusseil. Adaptation et rĂ©alisation : BlandineMasson. Ă rĂ©Ă©couter sur https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=436ccd04-a90a-4f08-955a-4ef2ddaee74a
[2] cf. article de Jeanne Lafon Galili consacré au roman in PNM n°331
Ce qui nous vient dâIsraĂ«l, en la personne de lâĂ©crivain David Grossman, est essentiel. Danscette Ćuvre majeure quâest Un cheval entre
dans un bar [2], lâĂ©crivain nous confronte Ă une durerĂ©alitĂ© en sâappuyant sur un humour fĂ©roce pour unedescente aux enfers.Lâhistoire : dans un bar dâune ville dâIsraĂ«l, Netanya, unhumoriste, DovadĂ©, fait son show en prenant Ă partie lepublic jusquâĂ lâinjurier, lâentraĂźne dans une sorte deronde infernale Ă travers des plaisanteries douteuses,entre autres sur la Shoah, pour ensuite Ă©voquer dans unerage et un dĂ©sespoir croissants son passĂ© dâenfant soli-taire et traumatisĂ©. Il a conviĂ© pour ce show son amidâenfance, le juge AvishaĂŻ Lazar, qui sera tĂ©moin decette mise Ă nu.Nous sommes le public au thĂ©Ăątre de la Colline et res-tons clouĂ©s Ă nos fauteuils tandis que sur la scĂšne unautre public déçu, voire Ă©cĆurĂ© abandonne peu Ă peu ceclown plein dâagressivitĂ© et dâamertume Ă ses turpitu-des, Ă ses cauchemars. Nous rions et sommes pĂ©trifiĂ©spar les paroles de DovadĂ© qui va sâenfoncer et nousenfoncer dans les mĂ©andres dâun passĂ© tortueux et tor-turĂ© et du prĂ©sent dâun pays dĂ©chirĂ© par le conflitisraĂ©lo-palestinien.DovadĂ©, lâenfant devenu lâadulte de 58 ans, lâadulte de58 ans redevenu lâenfant, avec ses plaintes, sa fureur, satristesse, son dĂ©sespoir, sa solitude, prisonnier de la toiledâaraignĂ©e quâil a tissĂ©e lui-mĂȘme pour se protĂ©ger du
Un cheval entre dans un bar de David GrossmanCréation radiophonique lecture concert [1]
vue parBĂ©atrice CourraudLes 8, 9 et 10 septembre 2017, La Colline â thĂ©Ăątre national â a proposĂ©, avec France Culture et le Festival LettresdâIsraĂ«l, trois jours consacrĂ©s Ă lâauteur David Grossman, laurĂ©at du Man Booker International Prize 2017.
Lâacteur-cinĂ©asteMathieu Amalric
joue Yves Zand, rĂ©ali-sateur filmant le per-sonnage de Brigitte,une actrice qui doitinterprĂ©ter le rĂŽle de lachanteuse Barbara,Jeanne Balibar incar-nant les personnagesde Brigitte et deBarbara ! Le film donne le vertigepar ses jeux multiplessur les rĂŽles, lieux etactions. Sommes-nous avec Brigittesur le tournage du film de Zand, sur lascĂšne dâun music-hall avec Barbara ouavec Jeanne Balibar ? Le film, multi-pliant illusion et confusion, crĂ©e unevĂ©ritĂ© sur la chanteuse et sur les ques-tions qui se posent Ă la crĂ©ation par lefilm dans le film : un ensemble, fruitdu regard et de lâimagination deMathieu Amalric et du jeu dâune pro-digieuse comĂ©dienne, Jeanne Balibar.
PNM n°327 - Septembre 2015 11Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017 7
Spectacle inclassable dâune grandetenue, LibertĂ©s ! part de petits riens
qui se transforment Ă lâaune de lâabsurdeet du jeu de mots, de la poĂ©sie,en grandes pensĂ©es philoso-phiques, sur soi, sur le monde.Le seul en scĂšne commence parune chanson de Moustaki sur lalibertĂ©. Un gars gentiment, faus-sement dĂ©glinguĂ©, lunaire, dĂ©sarticulĂ©sort de nulle part, dâune malle, dâun coindâenfance, et nous raconte des histoiresgrosses comme lâUnivers. PoĂ©sie,Histoire, philosophie, politique, sociĂ©tĂ©,ode Ă lâamour fusent Ă travers des histoi-res de guingois. Les mots se tordent,dĂ©tonnent, pour donner des sens pluriels.Avec Gauthier Fourcade, auteur etacteur, les paroles ne sâenvolent pas, saufquand elles ouvrent vers le firmament,quâelles scintillent comme des Ă©toiles.Les mots se font concrets, concrets, plu-riels, empruntant les doubles sens etmĂȘme les sens interdits. Les mots tra-quent des vĂ©ritĂ©s, des interrogations, ilssâentrechoquent pour mieux rebondir.LibertĂ©s ! est un voyage au cĆur de situa-tions concrĂštes, imagĂ©es, qui bousculentle politique, la vie Ă deux, lâEurope, lesmultinationales, la religion, la psychana-lyse⊠La libertĂ© câest peut-ĂȘtre la possi-bilitĂ© de faire des choix mais peut-onfaire des choix sans se contraindre ?Devoir faire des choix nâest-ce pas alorsune absence de libertĂ© ? Et si la libertĂ©
câĂ©tait justement aller jusquâau bout desoi et savoir se poser des questions ? Est-on vraiment libre dans une dĂ©mocratie ?
Et quâen est-il quand ce sont lesmultinationales qui ont pris lepouvoir ? « Nous ne sommes passeulement nos actes, mais aussinos rĂȘves ». Il y a aussi la magiede lâamour, de la crĂ©ativitĂ©.
Un spectacle qui sent bon les cheminsde traverse, la poĂ©sie, la crĂ©ativitĂ©, toutce qui ne va pas de soi. Un spectacle trĂšsprofond. Nous ne pouvons pas tout vousdire, il faut y aller pour le voir. GauthierFourcade est un ovni de la scĂšne thĂ©Ăą-trale. Seul en scĂšne, des dizaines de per-sonnages imaginaires lâentourent. Tousvivent Ă 180 Ă lâheure. LâĂ©nergumĂšne,haut de taille, Ă la voix forte, vive etposĂ©e Ă la fois, prend une dimensionphĂ©nomĂ©nale sur le plateau.Inventif et unique, il lâest dans son Ă©cri-ture comme dans son jeu thĂ©Ăątral.Nâoublions pas le metteur en scĂšneWilliam Mesguich qui a rĂ©glĂ© au cou-teau la mise en scĂšne, la mise en espaceet en jeu. Il a su apporter une esthĂ©tiquenouvelle et le cĂŽtĂ© DiogĂšne du person-nage. On applaudit, on rit, et on en rede-mande. <* La Manufacture des Abbesses, 7 rue VĂ©ronParis 18° jusquâau 5 novembre (J, V, S 21h,D 17h), rĂ©s. en ligne (http://www.manufactu-redesabbesses.com/reservations/liberte-avec-un-point-dexclamation/) ou par tel.(01 42 33 42 03)
Théùtre La chronique de Simone Endewelt
Libertés ! de Gauthier Fourcade
Cinéma La chronique de Laura Laufer
« Câest un film surBarbara ou sur vous ? »lance Brigitte Ă Zand,question qui se retourneaussi sur Jeanne Balibar etMathieu Amalric, ici enbelle complicitĂ© â nâou-blions pas quâils vĂ©curentensemble. Loin du fauxsemblant du biopic, lâima-gination ouvre Ă la vraievie de Barbara : la petitefille juive cachĂ©e durant laguerre, la victime de lâin-ceste, la chanteuse qui se
produit au cabaret de LâĂcluse, celle quichante dans les prisons pour les maladesdu Sida, la bonne cuisiniĂšre et la divaavec ses gestes, ses caprices, ses colĂšres.Dans lâĂ©poque qui a vu aussi Brassens etBrel, cette Barbara vit concrĂšte. Ce filmne ressemble Ă aucun autre et invente uneforme troublante. Il invite le spectateur Ă rĂȘver, dans cette aventure entre fiction,rĂ©el, passĂ©, prĂ©sent, cette Barbaramythique et vraie. <
Le jeune Karl Marx de Raoul Peck avec August Diehl, Stefan Konarske
On pouvait espĂ©rerquâun cinĂ©aste
intĂ©ressĂ© par la figuredu jeune Marx trans-mettrait, Ă lâinstar delâauteur du Manifestedu parti communiste,le dĂ©sir de changer lemonde. Pour cela, il aurait fallu que dans cefilm le monde existe et que Marx etEngels entretiennent avec lui unerelation vivante. Ce biopic, ni pire, ni meilleur quâunautre, est typique dâun film acadĂ©-mique et naturaliste. EntiĂšrement placĂ©sous le signe de la vraisemblance, onnây trouve pas de grosse erreur dechronologie sur les faits et la vie pri-vĂ©e : Engels, fils de bonne famille de labourgeoisie industrielle insurgĂ© contreson pĂšre ; Marx et Jenny souvent victi-mes dâexpulsions pour loyer impayĂ©ou raisons politiques : de quoi nourrirlâĂ©motion du spectateur. Mais Marx et Engels ne dĂ©passentguĂšre ici les figures de deux jeunesgens bohĂšmes, au demeurant sympa-thiques, qui Ă©crivent ou palabrent dansles chambres ou les salons en chapeauou tĂȘte nue, en redingote ou en robe dechambre. Les acteurs ne sont pas mau-vais â le choix de A. Diehl pour le rĂŽlede Karl Marx Ă©tait judicieux â, maistous figurent plus quâils ne jouent.
Avec « Pasteur »,Sacha Guitry,amÚne le specta-teur à croire auxbienfaits desdécouvertes deson héros. Avec« Les Raisins dela colÚre », JohnFord convainc de
la nĂ©cessitĂ© de lutter pour changer lemonde.Dans plus dâun western, lâaction dupersonnage impose la loi contre labarbarie et les meilleurs filmsdâespionnage antinazis montrent lavoie de la rĂ©sistance.La modernitĂ© au cinĂ©ma, Ă traverslâaventure singuliĂšre dâune action oudâune pensĂ©e, a pu offrir au specta-teur de se situer, de penser lâHommedans lâHistoire et le Monde : ainsi« Descartes », « Pascal » ou « LeMessie » de Roberto Rossellini, quinâa pu tourner son « Karl Marx »auquel il a tant travaillĂ© avant demourir. Alexander Kluge, avec sonfilm-fleuve « Le Capital » inspirĂ© duprojet dâEisenstein, sur le texte deKarl Marx, a fait Ćuvre de poĂ©sie etde pensĂ©e, rejoignant un processusactif qui fonctionne Ă la lecture deMarx. La vision du film « Le JeuneKarl Marx » nâengendre ni passion,ni rĂ©flexion. Câest triste. <
RenĂ© Loyon a remis Ă lâhonneurlâauteur italien Ruzante en por-
tant Ă la scĂšne son texte « Les nocesde BetĂŹa ». Peu montĂ©, câest pourtantun texte qui se prĂȘte Ă une grandethĂ©ĂątralitĂ©, puise ses racines dans lapaysannerie, contient la rĂ©flexiondâune sociĂ©tĂ© sur elle-mĂȘme. Letalent dâĂ©criture de Ruzante dont lathĂ©ĂątralitĂ© du texte est servie Ă mer-veille par le metteur en scĂšne RenĂ©Loyon et par des comĂ©diens aguerris,dĂ©gage dâune simple intrigue amou-reuse, un apport philosophique etsociĂ©tal monumental.
Angelo Beolco dit Ruzante (1502-1542), contemporain de Shakespeare,vit dans la campagne de Padoue dansune famille proche de la paysannerie.Les noces de BetĂŹa est sa deuxiĂšmepiĂšce, une piĂšce de jeunesse quâilĂ©crit en vers et en padouan, dialectedĂ©rivĂ© de la langue vĂ©nitienne. La tra-duction en vers irrĂ©guliers de ClaudePerrus [2] sâinspire du parler de
Rabelais, met lâaccent sur le gro-tesque, le familier, et le carnava-lesque. Lâespace scĂ©nique est quasinu. Tout repose sur le jeu dramatiqueet corporel des acteurs qui prend unedimension exemplaire. Du thĂ©Ăątrehaut de gamme comme on nâen faitplus beaucoup. On vous le recom-mande. <[1] Vu au ThĂ©Ăątre de lâĂpĂ©e de Bois(Cartoucherie). Jusquâau 15 octobre, du jeudiau dimanche. RĂ©s : 06 61 96 62 52
[2] Les noces de BetÏa de Ruzante trad. deClaude Perrus, éditions Circé.
Les noces de BetĂŹa [1]
Culture
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Barbara de Mathieu Amalric avec Jeanne Balibar, Mathieu Amalric, Aurore Clément
Jeanne Balibar, Mathieu Amalric© Waiting For Cinéma 2017 / Roger Arpajou
Les Noces de BetÏa, mise en scÚne René Loyon© Nathalie Hernieux
Boris Taslitzky : cet artiste antifasciste de la pre-miĂšre heure, nos lecteurs le connaissent bien [1].
DĂšs 1946 Aragon rĂ©unissait en un premier album,indispensable Ă lâhistoire et Ă la connaissance de ladĂ©portation les Cent onze dessins faits Ă Buchenwald.Boris, le MAHJ, qui lui a consacrĂ© en 2006 lâexpo-
sition « Buchenwald : lâarme du dessin », le met cette fois-ciĂ lâhonneur avec lâexposition « Si je vais en enfer, jây ferai descroquis ! » grĂące Ă la donation dâĂvelyne Taslitzky. Boris, enfin, Patrick Balkany, lâancien maire de Levallois-Perret, a lui aussi mis son Ćuvre Ă lâordre du jour quand en 2015il a dĂ©cidĂ© de dĂ©molir la crĂšche Louise Michel, magnifiquementornĂ©e de fresques qui, dĂ©diĂ©es à « Louise Michel et aux enfantsde NoumĂ©a », offraient aux enfants de Levallois des imagesdâune fraĂźcheur paradisiaque [2]. OĂč lâon voit que, dans unesociĂ©tĂ© malade du profit, le prix du mÂČ immobilier menace dâĂȘ-tre mortel pour lâart. Car des lits de crĂšche, il nây en a pas detrop, Ă Levallois, oĂč lâon compte 850 demandes insatisfaites ! Lâaction du ComitĂ© Boris [3] et des Levalloisiens a dans un pre-mier temps empĂȘchĂ© la destruction dâĆuvres dont la perteserait irrĂ©parable sur les plans artistique, historique et mĂ©moriel.
Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a Ă©tĂ© saisi,nâa pas encore tranchĂ©. La demande de classement des Ću-vres au titre des Monuments historiques est en cours. Ce 13 septembre, la municipalitĂ© a fait apposer Ă cĂŽtĂ© du per-mis initial un permis modificatif oĂč il nâest pas fait Ă©tat desĆuvres de Boris Taslitzky. Les Levalloisiens vont devoirdĂ©poser un nouveau recours et donc encourir des frais supplĂ©-mentaires. Nous recourons donc une nouvelle fois Ă votre gĂ©nĂ©rositĂ© [4]et vous invitons Ă faire connaĂźtre notre cause. Lâengagementest plus impĂ©ratif que jamais ! Soyons encore une fois solidai-res, apportons notre soutien : pour lâart, pour lâenfance,contre la spĂ©culation< PNM
[1] cf. entretien « Taslitzky, tĂ©moin de lâavenir» recueilli par HĂ©lĂšne Amblard etpubliĂ© dans les PNM n° 332 Ă 335 (dĂ©cembre 2015 Ă avril 2016). [2] CrĂšche Louise Michel, 13 rue Vergniaud, Levallois-Perret - Panneaux : 9m x 3m avec un retour de 2m x 3m pour l'un, 5m x 3m pour un autreet 3m x 2,25 pour les trois plus petits.[3] cf. PNM n° 328 Hors sĂ©rie (Appel de lâUJRE â Son Ćuvre doit ĂȘtre sauvĂ©e)[4] http://comiteboris.wordpress.com/2015/11/25/soutien-financier ouchĂšque rĂ©digĂ© Ă lâordre de UJRE/PNM â soutien au ComitĂ© Boris Ă adresser Ă lâUJRE/PNM (ComitĂ© Boris) â 14 rue de Paradis â 75010 Paris
Exposition
8 Presse Nouvelle Magazine n°349 - Octobre 2017
Boris Taslitzky au MAHJ(Chronique du quotidien Ă Buchenwald)
En 2016, la fille du peintre Boris Taslitzky, Ăvelyne Taslitzky, faisait donation au MusĂ©e dâart et dâhistoire duJudaĂŻsme (MAHJ) dâun ensemble dâĆuvres de son pĂšre comprenant deux tableaux datant de 1927, un autoportraitĂ lâĂąge de seize ans et un portrait de sa mĂšre, assassinĂ©e Ă Auschwitz, et dix dessins rĂ©alisĂ©s Ă Buchenwald, de 1944 Ă 1945. Le MusĂ©e en organise lâexposition du 27 septembre 2017 au 22 avril 2018. Ă voir impĂ©rativement !
Fils de Smerko Taslitzky, un ingĂ©-nieur, et dâAnna Riback, coutu-riĂšre et fille de rabbin, tous deux
immigrĂ©s de Russie, Boris naĂźt Ă Parisen 1911. Ă quinze ans, il frĂ©quente dĂ©jĂ les acadĂ©mies de Montparnasse, puislâĂcole nationale des beaux-arts deParis. Son atelier devient vite un lieu derencontre oĂč se retrouvent des Ă©crivainscomme George Besson, FrancisJourdain, Louis Aragon et les peintresGromaire, Lurçat, Gimond, Giacometti,PicassoâŠLa mort de son pĂšre, tuĂ© au front en1915, lui inspire une haine de la guerre.En 1933, il rejoint lâAssociation desĂ©crivains et artistes rĂ©volutionnaires(AEAR) qui sâĂ©lĂšve contre la montĂ©edu fascisme. Il sera le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ralde sa section des Peintres et Sculpteurs.Deux ans plus tard, en 1935, il adhĂšreau Parti communiste. Le Front popu-laire le mobilise.
En 1936, lors de la prĂ©sentation deQuatorze Juillet, une piĂšce de RomainRolland, il participe Ă lâexposition qui
réunit notamment Picasso, Léger,Matisse, Braque, Jean Lurçat, Henri
Laurens et Pignon dansle hall du thĂ©Ăątre delâAlhambra. En 1937,il dessine pour le jour-nal progressiste Cesoir dâAragon et Jean-Richard Bloch. Ildevient en 1938, secrĂ©-taire gĂ©nĂ©ral desPeintres et Sculpteursde la Maison de laCulture de Paris.Arrive la guerre.MobilisĂ©, BorisTaslitzky est fait pri-
sonnier en juin 1940. Il sâĂ©vade en aoĂ»t,rentre Ă Paris et sâengage dans laRĂ©sistance au sein du Front national de
lutte pour la libĂ©ration et lâindĂ©pen-dance de la France. ArrĂȘtĂ© en novem-bre 1941, condamnĂ© Ă deux ans dâincar-cĂ©ration, il connaĂźt les prisons de Riomet de Mauzac avant dâĂȘtre internĂ© aucentre de Saint-Sulpice-la-Pointe en1943. Francis CrĂ©mieux, un grand jour-naliste et Ă©crivain racontait : « Un jourde novembre 1943, nous avons vu arri-ver Ă Saint-Sulpice un grand garçonaux cheveux noirs filĂ©s de blanc. [âŠ] Ilavait un nom trĂšs difficile Ă prononcer ;on ne lâappelait que par son prĂ©nom. IlĂ©tait peintre, dessinateur, on ne savaitpas trĂšs bien. Tout de suite, on luidemanda de peindre des dĂ©cors de thĂ©Ăą-tre [âŠ] avec de la peinture Ă lâeau,arrachĂ©e aux griffes de lâadministrationdu camp, sur de la toile depaillasse⊠».Câest ainsi que Boris Taslitzky peint unensemble de fresques gigantesque dansles baraquements du camp. Au dĂ©but delâannĂ©e 1945, Aragon le qualifiera de« MaĂźtre de Saint-Sulpice » dans larevue de sensibilitĂ© communisteRegards : « Extraordinaires fresquesĂ©normes [elles mesurent cinq mĂštres delong sur trois mĂštres de haut NDR]. Lespersonnages en sont presque deux foisgrandeur nature. Calmement, devantles G.M.R., les miliciens, les Boches,celui que nous appellerons donc leMaĂźtre de Saint-Sulpice les peignitcomme un dĂ©fi, incomprĂ©hensiblementsupportĂ© par les geĂŽliers ». Le 31 juillet 1944, Boris est dĂ©portĂ© Ă Buchenwald. Il y rejoint la RĂ©sistanceintĂ©rieure et participera Ă lâinsurrectionde 1945. Mais surtout, il se fait tĂ©moinde lâunivers concentrationnaire nazi en
rĂ©alisant, clandestinement, prĂšs de deuxcents croquis et dessins, et cinq aquarel-les. Aragon en tirera, en 1946, un albumintitulĂ© Cent dessins faits Ă Buchenwald. Lâalbum sera rĂ©Ă©ditĂ© en1978 par lâAssociation Buchenwald-Dora, lâensemble trĂšs largement enrichiest paru ensuite en avril 2009 chez BiroĂditeur. Le MusĂ©e dâArt et dâHistoire duJudaĂŻsme a consacrĂ© Ă ce tĂ©moignagegraphique une exposition en 2006.AprĂšs la guerre, Boris Taslitzky, dont lamĂšre a Ă©tĂ© assassinĂ©e Ă Auschwitz, sâen-gage dans la lutte anticolonialiste,consacrant une sĂ©rie de dessins et depeintures Ă lâAlgĂ©rie et Ă son peuplesous tutelle française. Ils seront prĂ©sen-tĂ©s Ă la galerie parisienne AndrĂ© Weil enjanvier 1953.« Si je vais en enfer, disait-il, jây feraides croquis. Dâailleurs, jâai lâexpĂ©-rience, jây suis dĂ©jĂ allĂ© et jây ai dessinĂ© ! ». < BF
* Faites entrer lâinfini, n° 17, juin 1994
Les 5 ans de Drancy
Le MĂ©morial de la Shoah deDrancy a cinq ans. Ă cette occa-
sion, une exposition « Drancy, auseuil de lâenfer, dessins de GeorgesHoran-Koiransky »* y est organisĂ©een partenariat avec le dĂ©partement dela Seine-Saint-Denis, du 17 septem-bre 2017 au 15 avril 2018. <*http://drancy.memorialdelashoah.org
* Georges Horan fut un témoin bien particu-lier du plus grand camp de transit des Juifs enFrance : Drancy. Tout au long de son interne-ment, il a su observer et croquer le quotidiende « la cité de la Muette ... »
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Le vous informe - Retour sur lâaffaire de la crĂšche de Levallois