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ESSAI D’ESSAIS de théorie du design 2011 Design objet 3e année

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E s s a i d ’ E s s a i s

de théorie du design

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Design objet

3e année

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E s s a i d ’ E s s a i s

de théorie du design

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Design objet

3e année

École nationale supérieure des arts décoratifs31 rue d’Ulm75240 Paris Cedex 05Téléphone : + 33 (0)1 42 34 97 00http://www.ensad.fr

directeur de la publication :Geneviève Gallot

direction de l’ouvrage :Anna Bernagozzi

Coordonnateur du secteur design objet :Patrick Renaud

Coordination éditoriale :Vincent Bouvet

Conception et mise en page :Mathieu Briand

impression :BSR, Paris

achevé d’imprimer :Janvier 2011

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AvAnt-propos

“ Nous pouvons seulement indiquer qu’il faudrait changer de voie, que la voie nouvelle pourrait émerger, et que c’est la voie de l’espérance “ Edgar Morin ( L’an 1 de l’ère écologique ).

Face à la globalisation et aux urgences de la planète, à l’apogée de la société de consommation et du spectacle, la pédagogie du secteur design objet propose aux futurs designers de repérer et d’anticiper les enjeux majeurs du XXie siécle pour la pratique de leur métier.

Elle renoue avec les enjeux historiques et intemporels de l’École qui, dès son origine “ fruit de l’idéalisme des lumières “, permit de relier les créateurs aux manufactures, lieux de production. La pédagogie associe l’art, les sciences et les techniques, l’économie et le social pour affirmer le développement durable et pour ouvrir la réflexion de l’élève aux nouveaux champs opérationnels du design.

Elle intègre les différentes pratiques contemporaines du design (design produit, mobilier pour l’habitat et la collectivité, design de services…).

Elle propose aux élèves une réflexion et des projets sur les nouveaux enjeux pour le design et pour les designers de demain dans leur approche des problématiques suivantes :

Patrick Renaud

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la ville et la mobilité, les système d’objets et de services pour la santé dans la vie quotidienne, la conception des objets issus des coopératives, des manufactures ou des entreprises… Elle favorise la recherche, l’innovation, la prospective, l’expérimentation échelle 1, la connaissance des processus de fabrication et des milieux de distribution. Elle sensibilise l’élève à acquérir pour le développement du projet une dimension humaniste et écologique.

La relation entre pratique et théorie doit permettre à nos élèves d’acquérir une véritable autonomie dans le développement des projets en symbiose avec des entreprises, des spécialistes, des chercheurs, des collectivités, des distributeurs ou des éditeurs.

Ce nouveau dessein propose une vision de la modernité alliant “ hieraujourd’huietdemain “.

Patrick Renaud Coordonnateur design objet

ESSAI D’ESSAIS

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Le cours “théorie du design“

dans cette période de flux, les nouvelles technologies et toutes les approches marketing post-industrielles continuent d’imposer leurs règles. Celles-ci jouent de plus en plus avec les émotions des consommateurs tandis que les objets paraissent succomber davantage à tous les désirs et même se plier à la volonté des hommes. En même temps, l’absence d’une véritable avant-garde contemporaine semble imposer aux designers une sorte de veto moral quand ils choisissent d’employer des modèles de production non industriels comme les arts appliqués ou l’artisanat.

L’objectif du cours théorique est de former des étudiants capables de s’opposer à ce veto moral, de comprendre le système hybride d’interactions qui nous entoure et de développer par la suite de façon stratégique des produits et/ou des services qui constituent une sorte de système intermédiaire entre homme et objet industriel. il devra les aider à comprendre le contexte social et économique dans lequel ils travailleront en leur suggérant de préserver et de développer une relation plus souple, durable, personnalisée et diversifiée avec les futurs usagers de leurs créations.

En s’appuyant sur des concepts, relations, idées, processus et en tenant compte des développements parallèles des sciences humaines, cognitives et sociales, le “ bon design “ s’inscrit toujours

anna Bernagozzi

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dans une action sur notre environnement et une recherche certaine d’empathie. L’objet “ durable “ de demain devient alors vecteur d’innovation sociale et sujet d’une économie universelle nouvelle qui privilégie le lien social, l’échange, le partage de l’expérience et une plus grande prise de conscience des ressources naturelles environnantes.

À partir d’études de cas, d’analyses de textes théoriques, de l’actualité du secteur et d’éventuelles visites critiques d’expositions, le cours montre comment la discipline ne concerne pas uniquement la matérialité des objets mais aussi toute l’intelligence dynamique et proactive capable d’améliorer la valeur et la qualité de tout être humain.

Les écrits qui composent cet ouvrage montrent la réflexion et la prise de conscience du contexte socio-économique des élèves de 3e année du secteur design objet de l’École nationale supérieure des arts décoratifs. Le contenu du cours change avec l’évolution de notre société et donc les thématiques de réflexion évoluent d‘année en année. il ne s’agit que d’une partie des textes que les étudiants doivent fournir régulièrement, à partir de la 2e année, en vue de la préparation au mémoire en 4e année.

anna Bernagozzi

ESSAI D’ESSAIS

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sommAire

01. Être designer pour un monde réel aujourd’hui, par Edouard Fabre

02. Slow (Design), par Amandine Lagut

03. Design et éthique, aujourd’hui et demain, par Sébastien Tardif

04. On tourne en rond, par Juliette Lefort

05. La consommation collaborative, une alternative à l’hyperconsommation, par Edouard Fabre

06. Le passage à l’échelle dans les projets d’innovation sociale est-elle une problématique de design ?, par Julie Terzakis

07. Maitrise énergétique et surconsommation, par Mathieu Corticchiato

08. Less and More, par Romée Guignard de la Bigne et Sandrine Mazan

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09. Décroissance, l’objection de croissance... , par Floriane Piat

10. Design et Utopies , par Charlotte Thon

11. Le Design Thinking dans un contexte de décroissance, par Karouna Chanyudhakorn et Mathieu Briand

12. Design d’objet pour les services : utilités et artifices, par Cyrille Blanchard

13. Les frontières du design culinaire, par Barbara Balland

14. Besoin de changement, décroissance et résilience, par Nicolas Patrix

15. Le design messianique ou comment la synthèse de nos avancées enfantera le bon design, par Lucas Dauvergne

Bibliographie générale du cours

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01. Être designer pour un monde réeL Aujourd’hui

Edouard Fabre

Edouard Fabre

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à un besoin “ authentique “. Le designer ne doit pas se cantonner à la simple création mais jouer un rôle charnière dans la société, en cherchant à démocratiser les technologies, les techniques, les savoir-faire et les matériaux.aujourd’hui ce besoin de démocratisation est réel. Beaucoup d’avancées techniques gagneraient à être mieux connues pour contribuer à résoudre de nombreux problèmes. Peu d’activités ont autant d’impact sur la vie des personnes et sur leur environnement que le design. La décision de produire tel objet de telle manière plutôt qu’une autre va avoir un poids économique, peser sur les ressources primaires et ainsi conditionner le quotidien de chacun.La possibilité de créer/penser des objets donne au designer un certaine forme de puissance : en imposant un objet à la société, il exerce un pouvoir sur celle-ci. ses choix ont des conséquences sur “ l’environnement “, au sens global. il assume donc une grande responsabilité.Le designer doit se sentir profondément concernés par le destin de la société dans laquelle nous vivons. Une prise de conscience majeure des défis écologiques et sociaux, qui se posent à l’échelle planétaire a déjà commencé. Et il est de notre responsabilité de relayer ces efforts de sensibilisation dans nos productions et nos activités.C’est là qu’intervient la notion de “ design communautaire “ : la production du designer doit être pédagogique et participative ! Une des définitions de la pédagogie est d’apprendre aux autres à apprendre par soi-même. Un bon pédagogue transmet un savoir, des connaissances et le goût d’apprendre, d’évoluer, etc. Cette manière de passer le relais est une réponse durable, efficace et locale aux problèmes. “ donne à une personne un poisson, elle se nourrira pendant un jour. apprends-lui à pêcher, elle se nourrira toute sa vie “ (KUaN-TsEU).“ il existe une certaine proximité étymologique entre construire et instruire. instruire, signifie mettre de la structure dans. structurer signifie empiler, agencer, assembler, arranger

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“ On “ imagine souvent le designer comme celui qui est capable de créer tout simplement des objets. Mais son rôle va bien au-delà car, avant tout, le design s’inscrit dans une véritable capacité de réflexion et d’analyse du contexte pour élaborer des réponses les plus adéquates. “ Le design c’est composer un poème épique, réaliser une fresque, peindre un chef d’oeuvre, écrire un concerto “ (Victor Papanek).

La démarche du design est inhérente à la faculté de l’homme à chercher des solutions, résoudre des problèmes et améliorer l’environnement qui l’entoure.dès l’ère préhistorique, les premiers hommes avaient une démarche de “ designers “ : ils ont su développer un outillage complexe pour manger et survivre À force de persévérance, ces outils sont devenus si performants qu’ils leur ont permis d’optimiser et de rentabiliser leur utilisation au quotidien. aujourd’hui, le rôle du design et du designer n’a pas changé.il doit, selon moi, toujours répondre d’une certaine manière à un ou à des besoins essentiels. “ Le designer doit trouver des solutions efficaces qui soient immédiatement applicables aux problèmes du monde réel “ (Victor Papanek).Mais certains se sont éloignés de cette idée, lorsque l’innovation et la production à tout prix perdent le contact avec l’homme qui se trouve à l’autre bout de la chaîne. avant de mettre un nouvel objet en circulation, le designer doit s’assurer qu’il répond

ESSAI D’ESSAIS

01. Être designer pour un monde réeL Aujourd’hui

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et d’ainsi contribuer à l’alphabétisation des populations en marge.Les travaux d’Enzo Mari et de Victor Papanek montrent que la finalité de tout projet de design industriel est la création d’un outil plutôt qu’un produit.dans le sens où l’outil est social car il induit la création (le marteau ne sert à rien en lui même mais il permet de créer tout un tas d’objets) et augmente alors la valeur d’usage, en opposition au produit dit figé qui se limite souvent à des valeurs de communication, d’usure et de consommation.En résumé, ces deux exemples illustrent la vision d’un design dont le but n’est plus seulement la réponse à un besoins esthétique ou/et fonctionnel, puisqu’ils proposent chacun à leur manière une “pédagogie“ à l’utilisateur. Naît alors une réelle “collaboration“ entre les divers individus dans le sens où il y a création de dialogues et donc transmission de connaissances.avec l’avènement de l’outil informatique gratuit,des open sources et des plateformes participatives, qui sont des exemples de démocratisation, cette vision ne peut pas être plus actuelle et pertinente. Le rôle du designer est aussi, je crois, la mise en place de plateformes et réseaux (virtuels ou non) visant à faciliter et à démocratiser l’acte créateur participatif au sein d’une communauté. La puissance de l’outil informatique démultiplie les possibilités du designer d’aujourd’hui. Car la rapidité de transfert, les flux perpétuels et la fiabilité des systèmes mathématiques utilisés peuvent enfin assurer la cohésion d’un point de vue technique et social.Le “ design communautaire “ peut donc ne plus être qu’une jolie utopie.

Edouard Fabre

ESSAI N° 01

des éléments. instruire correspond donc aussi bien à la définition du design que construire “ (Victor Papanek). il s’agit de transmettre aux autres et aux générations qui nous succèdent les valeurs qui nous sont chères et que nous respectons, de leur donner le goût d’attacher eux-aussi de la valeur à la vie et des valeurs à leur vie.Pour illustrer mon propos d’un design communautaire, j’utiliserai les travaux d’Enzo Mari d’une part et de Victor Papanek d’autre part.“ Le projet, la créativité sont des actes de guerre “ disait le designer italien Enzo Mari. Celui-ci développa dans les années 1950 une réflexion autour d’un design social, communautaire et participatif. il proposa un regard contemporain sur l’environnement industriel, culturel et sociétal de son époque. Porteur d’une pensée dite radicale contre la société consumériste (qui tend à dégrader l’estime que les individus ont d’eux-mêmes), il consacra ses recherches à des travaux dans lesquels humanisme et socialisme s’exprimèrent à travers des idées de projet et des réalisations. il dira d’ailleurs que le design est avant tout un projet, et non une discipline apparentée aux arts décoratifs. il publia dans les années 1970 autoprogettazione, véritable manifeste de l’anti consommation qui regroupait toute une série de dessins et de plans de mobilier. L’objectif de cette démarche politiquement engagée était de redonner aux usagers une autonomie en construisant à partir de ses plans et suggestions, mis gratuitement à la disposition de tous. L’interaction suivante cet échange s’inscrit dans une idée participative et communautaire du design. Le designer doit alors “ jouer le rôle d’une graine et se montrer toujours opérationnel “ disait Victor Papanek qui, à peu près à la même période, développa avec ses étudiants de nombreux projets visant eux aussi à offrir aux populations une réelle “ éducation “. Le projet qui contribua fortement à la médiatisation de son travail et de sa pensée fut la conception d’une radio, fabriquée à partir d’une boite de conserve, destinée le Tiers Monde et aisément reproductible par les autochtones à un moindre coût. Cette radio permettait potentiellement de démocratiser ce médium

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• John Thackara, In the Bubble• Victor Papanek, Design pour un monde réel

• http://www.consommationcollaborative.com/• http://www.lemonde.fr/• http://www.internetactu.net/2010/09/22/la-montee-de-la-consommation-collaborative/• http://lestudioblog.blogspot.com/2008/03/autoprogettazione.html• http://www.designboom.com/weblog/cat/8/view/9756/enzo-mari-autoprogettazione-for-artek.html

BiBLiogrAphie 01. Être designer pour un monde réel aujourd’hui

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02. sLow (design). À lire lentement, pour bien s’imprégner de l’essence de cette mouvance !

amandine Lagut

http://www.signals.fr/index.php/nos-produits/signalisation-de-securite/panneaux-pvc-et-

autocollants/circulation-industrielle.html?format=157&limit=30

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apprécié et vécu.

Prendre le temps de produire, prendre le temps de consommer, redécouvrir le plaisir de “ donner du temps au temps “, a inspiré depuis l’émergence d’autres mouvements slow dans bien d’autres disciplines, de la politique… jusqu’au sexe. ainsi, après la slow Food, voici le slow Travel pour voyager en prenant son temps. Vous voici à l’étranger pour quelques semaines de vacances. À la place du train, faites du stop ! Bien sûr, le train vous emmènerai directement à votre destination, mais le stop vous offrira de l’étonnant, du surprenant, de l’insolite, de l’original, de l’inédit ! avec le stop, vous serez vite surpris par les rencontres et découvertes de lieux inattendus que vous ferez en cours de route. Bannissez également les agences de voyages qui vous offrent toutes les coutumes locales sur un plateau ; laissez-vous plutôt guider par l’autochtone qui connaît la région mieux que votre carte touristique ! La difficulté dans le slow Travel réside sans doute dans une seule chose : savoir faire confiance et savoir improviser.

Le mouvement slow, c’est l’art de prendre son temps. Et dans un monde où tout doit aller très vite, cela est devenuun luxe !

Le mouvement slow a aussi, depuis peu, imprégné la sphère du design, au point d’influencer parfois radicalement le point de vue de certains designers dans leur pratique.En 2004, alastair Fuad-Luke, universitaire anglais, repère et théorise le slow design. Le bilan qu’il fait sur l’état du monde n’est pas nouveau, ayant déjà été théorisé dans d’autres champs : développement durable (rapport Brundtland) et décroissance (Nicholas Georgescu-Roegen). Mais le principal mérite d’alastair Fuad-Luke est d’adresser ce discours aux designers, qui ont été pendant si longtemps les alliés naturels de l’industrie et de la société de consommation. alastair Fuad-Luke pointe le rôle prééminent que joue encore aujourd’hui l’esthétique dans le design et rappelle

ESSAI N° 02

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En 1986, à Rome, un énième Mcdonald tenta de s’implanter sur la place d’Espagne, au cœur du centre historique. devant ce qu’il considéra comme une avancée agressive de la malbouffe en terre d’italie, le chroniqueur gastronomique Carlo Petrini et ses collègues de la société gastronomique italienne arcigola jetèrent alors les bases du mouvement slow Food. Le concept du mouvement était de redonner la priorité au goût sans homogénéiser les saveurs et prendre le temps d’apprécier son repas… d’abord pris comme une boutade, un clin d’oeil philosophique puis, l’idée faisant si bien son chemin, slow Food devint en 1989 une organisation internationale à but non lucratif.

ses activités sont variées : soutien aux petits producteurs et développement d’une agriculture durable, implication dans les décisions politiques agricoles, promotion et sauvegarde des traditions culinaires et des produits locaux, mise en place de réseaux de distribution courts, communication et formation auprès du public et des institutions, etc. Mais surtout, slow Food est une véritable invitation à prendre son temps pour préparer, vivre et partager ses repas. Redonner aux consommateurs le goût du plaisir de manger, eux qui se sont habitués à expédier en quelques minutes leur repas, le percevant uniquement comme un acte naturel et non plus comme un ensemble complexe de composantes physiologiques, sociales, relationnelles et symboliques nécessitant du temps pour être

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02. sLow (design). À lire lentement, pour bien s’imprégner de l’essence de cette mouvance !

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même si il n’en avait pas besoin. L’achat pour le beau. aujourd’hui, le designer doit penser autrement. C’est lui qui pourra œuvrer à modifier les rapports sociaux, réapprendre à partager, à prendre le temps d’apprécier les belles choses, à lâcher prise. Le designer doit se forcer à sortir de son rôle d’expert artiste technicien pour occuper une position politique décisive permettant une nouvelle intelligence collective. Ou, a minima, il doit s’autoriser à imaginer un avenir aux objets au-delà du système économique, technologique et politique actuel pour sortir de la crise de sens que traverse la société.ainsi se positionnèrent les 5.5 designers, cinq jeunes gens impertinents qui, en août 2003, fraîchement diplômés, décidèrent de se réunir autour d’un projet commun. Leur idée : prêter mains fortes et belle attention aux objets malades, vieillis, usés, abandonnés et en passe de finir à la casse ou au recyclage… un hôpital. Oui, il est question de s’occuper de la destinée de ces objets négligés, délaissés. il est question de prolonger la vie d’objets décrétés inaptes et inutiles. La problématique est donc d’aider à poursuivre la vie de l’objet : sa forme, sa symbolique, sa fonction, son histoire…

Loin d’être réactionnaire, le mouvement slow se fonde sur une observation des formes de vie traditionnelles, antérieures ou étrangères à la société de consommation, car elles sont nécessaires à notre bien être. il faut désapprendre ce que le capitalisme nous a inculqué : un homme dans un parc un après-midi de semaine n’est pas forcément un chômeur ou un étudiant. Les entreprises qui instaurent la sieste au travail ne sont pas composées de paresseux ! Cela a été prouvé : un peu de repos rapporte beaucoup en termes de productivité, de bonne humeur et diminue le stress.C’est ainsi qu’un programme pilote a été mis en place par le maire de New York. son but : contrôler les flux de la circulation à Times square. En envahissant la rue de chaises de jardin, il ferme Broadway à la circulation. Les gens peuvent enfin profiter de tout

ESSAI N° 02

qu’il se traduit le plus souvent par une stratégie d’obsolescence esthétique programmée... appelée mode. au contraire, le slow design, précise-t-il, met au centre l’équilibre de l’homme et de son environnement et rompt avec la consommation de masse. il s’inscrit dans la perspective du long terme et privilégie la durabilité, la qualité, la satisfaction d’un besoin réel et, bien sûr, l’attitude contemplative devant un objet.

Car, en effet, à quoi sert de créer un objet de plus ? Un nouveau produit doit-il radicalement se différencier des autres ? Et, plus globalement, à quoi sert le design en définitive ? Pour caricaturer quelque peu, disons que nous vivons constamment entre deux mondes de design. Le premier permet de modifier son environnement comme bon nous semble, avec des objets de courte vie et donc un intérieur changeant au fur et à mesure du temps. des objets peu chers (petites chaises rouges en PVC avec table basse en contreplaqué laqué noir) qui pourront facilement être remplacés par un autre mobilier à l’occasion du prochain déménagement. Nouvel appartement, nouveaux meubles, nouvelle déco ! Le second est celui du rétro, ou plutôt du rustique : commode en beau bois légèrement abîmé, lampe métallique usée qui rappelle l’esthétique des usines, tous objets fabriqués aujourd’hui en Chine, mais dont la patine artificielle donne inconsciemment l’impression au consommateur que ces objets ont défié le temps grâce à la qualité de leurs matériaux et de leur fabrication. Car chacun a un rapport affectif avec les objets qu’il possède. On aime qu’ils aient une histoire, ou qu’ils nous rappellent un souvenir, par sa texture, son odeur ou son motif.

Nous ne sommes plus dans les années 1930 où le designer “relookait“ les objets pour lancer la consommation. après la crise de 1929, les gens n’achetaient plus, il fallait profiter des progrès techniques et scientifiques pour redonner l’envie au consommateur d’acheter

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Travailler plus pour gagner plus ! “. L’innovation de mon projet se situe donc au niveau de la démarche, et je pense que le design de cet objet doit faire appel à l’inconscient collectif. Ce hamac, situé au cœur de Paris, sur les quais du Louvre, devrait être accessible à tous les travailleurs du centre ville. Entre le bruit de la circulation, la surpopulation, le surplus d’images et de sollicitations et… la douceur de la seine, qui coule lentement, et sur laquelle les bateaux circulent avec lenteur.

Le slow design n’est pas une utopie. il ne propose pas un futur alternatif, mais un contrepoids nécessaire à la vitesse qui caractérise nos sociétés. La lenteur n’ayant de sens que par rapport à la vitesse et vice-versa, la “ slow life “ ne saurait se substituer complètement au rythme du progrès. Le slow design demande simplement à coexister avec les formes de vies actuelles, car nous avons besoin “ d’îles de lenteur dans un océan de vitesse “ selon les mots de Ezio Manzini.

amandine Lagut

ESSAI N° 02

ce qui les entoure, les passants peuvent s’arrêter et se détendre, la surprise de voir la rue la plus embouteillé de Manhattan se transformer en gigantesque terrasse fait que les gens en parlent et se socialise davantage. Notre société occidentale ne deviendra durable que si elle arrive à nous restituer le temps…

influencé par le Mouvement slow, j’ai moi-même travaillé l’an passé au concept d’un hamac urbain. En m’inspirant de l’omniprésence du hamac au Vietnam, j’ai imaginé apporter dans notre société occidentale, en France, à Paris, un peu de cette culture. Les hamacs sont en effet omniprésents dans la société vietnamienne : dans l’espace public, dans les foyers comme les cafés ou les entreprises. Pour nous Européens, le hamac fait référence aux vacances. alors pourquoi ne pas proposer le hamac dans nos espaces publics…Ce hamac urbain, je le conçois comme un objet politique qui dénonce notre mode de vie à grande vitesse et prône les vertus du repos, à l’image du mouvement slow, que Carl Honoré, journaliste canadien et écrivain de L’Éloge de la lenteur définit ainsi : “ après cent cinquante années d’accélération, nous sommes arrivés à un point où la vitesse fait plus de mal que de bien. Je pense que cette culture de la vitesse porte préjudice à notre santé, à notre alimentation, à nos relations sociales, à la qualité de notre travail, à notre environnement, et à notre créativité. On se rend compte que notre société a créé un tabou très puissant autour de l’idée de la lenteur. Le mot “ lent “ est devenu un mot sale dans notre culture. il est associé à la fainéantise, au manque de productivité. Mais le mouvement slow est tout à fait à l’opposé de ces qualificatifs. Car quand vous ralentissez au bon moment, vous êtes à l’opposé de la fainéantise, vous avez plus d’énergie, vous êtes plus précis et plus productif. En fait, c’est être plus efficace sur le long terme. “Le designer doit imaginer des objets en lien avec son époque et je trouve important, actuellement, de créer un objet pour lutter contre cette société qui prône le travail comme unique valeur. “

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• http://www.passeportsante.net/fr/Actualites/Dossiers/articleComplementaire.aspx?doc=slow_food_def_do• http://slowmouvement.wordpress.com/slow-sexe/• http://slowmouvement.wordpress.com/slow-travel/• http://lestudioblog.blogspot.com/2008/03/slow-design.html• http://lucileee.blog.lemonde.fr/2007/03/13/les-55-designers-durabilite-programmee-des-objets/• http://ny.20minutes-blogs.fr/archive/2009/07/02/times-square-zone-pieton.html• http://www.ddmagazine.com/333-Eloge-de-la-lenteur-slow-movement.html

BiBLiogrAphie 02. slow (design).

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03. design et éthique, Aujourd’hui et demAin

sébastien Tardif

http://acai-berry-product.com/blog/wp-content/uploads/2008/10/supermarket.jpg

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Celui ci serait, selon des recherches scientifiques récentes, saturé de gaz toxiques. Lehanneur a créé un dispositif qui enferme la plante dans une bulle ouverte à moitié. Cela sert selon lui à mieux aérer la plante et ainsi à augmenter sa capacité à nettoyer l’air de ces gaz nocifs. autre exemple, l’“effet feuille de lotus“, cette plante arrivant à repousser l’eau et n’être jamais “mouillée“. Cette particularité a longtemps intrigué nombre de scientifiques, et ce depuis l’antiquité. La recherche sur la nanotechnologie a découvert, il y a une dizaine d’années, que sa surface était en fait couverte de nano structures repoussant l’eau. Ceci permettant au lotus de nettoyer constamment la surface de ses feuilles et d’augmenter sa capacité de photosynthèse. On trouve aujourd’hui, dans les nouvelles technologies du bâtiment, des matériaux ou des peintures hydrophobes qui reproduisent cette capacité de la feuille de lotus. Ces peintures et matériaux servent notamment en architecture pour réaliser des surfaces murales d’extérieur ne se salissant jamais. On la retrouve également appliquée dans le domaine du textile pour des tentures ou des vêtements. Elle pourrait même bientôt être appliquée sur des éléments de mobilier urbain, les protégeant ainsi de toute humidité ou saleté. Cette manière de créer en se basant sur la science est extrêmement efficace et l’utopie d’un carrefour des connaissances est plus que jamais attendue aussi bien par la communauté scientifique que par les industriels, les créatifs ou les ingénieurs. Heureusement, cette idée n’a pas été abandonnée pour autant, bien au contraire. Nombreux sont ceux qui veulent donner l’exemple de ce que pourrait être la science, l’art, la société de demain si les savoirs convergeaient. Gunter Pauli, dans la recherche qu’il a fait effectuer à un groupe de chercheurs, illustre parfaitement cette idée de convergence. il a demandé à ses chercheurs de trouver des connaissances sur la nature pouvant amener à des applications ou à des mécanismes simples. Le résultat de cette recherche est qu’il a pu, très rapidement, tirer cent applications potentielles de recherches effectuées sur la faune ou la flore. Par exemple, le fait qu’un zèbre est en fait rayé de blanc et de noir dans l’unique

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il existe nombre de solutions potentielles pour résoudre les problèmes d’aujourd’hui. Le réel problème est plutôt d’arriver à mettre en relation la personne en difficulté avec celle ayant la solution. L’apparition d’internet, il y a maintenant presque vingt ans, est une bonne chose pour régler une fois pour toute la question de la communication à l’échelle mondiale.

Cependant, la toile a elle aussi son défaut. Elle ne permet pas seulement aux détenteurs de savoir ou d’information de s’exprimer en particulier mais offre aussi à tout le monde de le faire, et ce sans aucun mal. Lorsqu’on cherche une réponse, on se retrouve aujourd’hui face à une multitude de réponses parmi lesquelles on ne sait pas forcément trier le vrai du faux, la fiction du réel. internet, qui était le vecteur potentiel le plus fort et le plus efficace d’une communication à grande échelle, est ainsi devenu le colporteur d’avis innombrables mais d’une crédibilité incontrôlable.

Les questions auxquelles le design d’aujourd’hui est confronté, qu’elles soient économiques ou écologiques, trouvent souvent écho dans les recherches scientifiques présentes ou passées.ainsi le jeune designer Mathieu Lehanneur est-il un exemple assez connu qui illustre bien cette méthodologie. il a travaillé en partenariat avec un laboratoire de recherche afin de concevoir ces plantes objets “ dépolluantes “ qui nettoient l’air de nos maisons.

ESSAI D’ESSAIS

03. design et éthique, Aujourd’hui et demAin

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les yeux sur leur responsabilité vis à vis de l’environnement, qu’il soit naturel ou non. Le designer de demain devra être conscient de ces impératifs et se devra d’être l’ambassadeur de cette évolution, quel que soit son statut. Encore aujourd’hui, le design a souvent du mal à se faire connaître du monde de l’entreprise, la nécessité de communiquer sur ce dernier est donc toujours un impératif. il faut en plus sortir du contexte actuel ou le design est, trop souvent hélas, utilisé et considéré uniquement comme un élément de pur marketing. Cette importance de la communication a toujours été inhérente au design. Raymond Loewy, dans les années 50, a fait découvrir a nombre d’entreprises l’existence mais aussi la nécessité de la profession de designer dans un monde ou naissait la consommation. Encore aujourd’hui, le design doit être en perpétuelle communication sur son éthique, son utilité, ses qualités, non pas pour se faire une place dans le monde du travail mais pour exprimer la réelle finalité de son action, sur le plan social, éducatif, écologique… de nombreuses organisations, associations, ou même les designers eux-même tentent de faire connaître et de communiquer leur positionnement sur la condition du design à l’heure actuelle. C’est le cas de l’Human Centered design institute de Boston qui communique une idée positive de ce que peut être le design aujourd’hui aux entreprises. Leur philosophie est que le design est un art social qui doit servir à résoudre toute sorte de problème, en tenant compte d’un maximum de paramètres afin d’offrir, à l’homme, la meilleur réponse possible à chaque fois. ils ont ainsi développé un réseau efficace et mondial qui profite à l’ensemble du milieu du design. Le designer ne doit cependant pas s’enfermer dans un axe de recherche ou dans un idéal de ce qu’estle design et ne communiquer que sur ces derniers. il doit constamment faire évoluer son point de vue et son positionnement par rapport à la société s’il veut réellement arriver à se rendre utile à celle ci. dans le cas contraire, son positionnement, vu la vitesse à laquelle évolue notre société, deviendrait très rapidement obsolète. Par exemple, de nombreuses personnes

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but de se réchauffer. Les bandes noires chauffant plus que les blanches, un courant d’air se créé et le zèbre gagne 9° C sur ses homologues de la savane. a première vue, l’idée paraît fantasque, mais ce type de détail pourrait bien faire partie de ceux qui nous permettrons plus tard de consommer moins d’énergie et ainsi de réduire notre impact sur l’environnement. dans le même ordre d’idée, le scientifique alain Berthoz voit en notre conception de la science un défi à relever. il est vrai que, parfois, la science, tous domaines de recherches confondus, a tendance, par le vocabulaire spécifique ou les méthodes de représentations qu’elle utilise, à rendre les choses plus compliquées à comprendre qu’elles ne le sont réellement. C’est en prêtant un regard attentif au monde qui l’entoure, aussi bien l’infiniment petit que l’infiniment grand, que Berthoz a mi au point sa théorie de la simplexité. il a identifié, a différentes échelles, des systèmes très simples qui sont pourtant les bases du fonctionnement de la mémoire, de la construction atomique, de la capacité du cerveau humain à apprendre, analyser, réagir, commander, créer. ainsi, avec cette théorie, il arrive à ouvrir les esprits sur le monde dans lequel ils évoluent tout en leur apprenant à le comprendre. son but n’est pas spécialement de trouver des applications à ses théories mais plus de remettre en question la science et la manière de l’enseigner, de la partager, afin de faciliter sa communication, sa compréhension. ainsi, il espère voir fleurir les nouveaux concepts et applications issus de cette vision sans précédent de la science. Les conférences et l’exemplaire éthique de l’entreprise de Gunther Paoli, qu’il ne se lasse de faire partager, font également parti de ces actions de communication nécessaires aujourd’hui. On n’en perçoit pas toujours encore la finalité ou l’utilité, mais ces bases auront demain une importance non négligeable dans l’ensemble de notre société. L’écologie est une notion très jeune dans le monde et nombreux sont ceux qui n’en comprennent pas la réelle importance encore aujourd’hui. il est donc logique, pour les personnes cherchant à améliorer le monde qui les entoure, de tenter d’instruire ceux qui ferment

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C’est donc au designer que revient la tache d’amorcer cette évolution, ce changement des modes de consommation et de production. sa position ambivalente, au carrefour des compétences et des connaissances, lui permet d’avoir un regard global sur les problématiques qui l’entourent. il pourra ainsi créer des liens entre différents corps de métiers, revaloriser des pratiques ou des artisanat en déclin voire oubliés, amener l’industrie à avoir une éthique au niveau de sa production… En bref, dans un futur proche, le designer, de par son statut et ses connaissances (aussi bien techniques, que sociologiques), occupera une position centrale dans cette évolution vers une consommation plus responsable.

sébastien Tardif

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ont entrepris, dans le but de réduire leur impact écologique, de se limiter a n’utiliser qu’une certaine quantité d’objet (souvent une centaine). ils tiennent, en ligne via un blog, un journal de bord de leur expérience de vie au travers de ce challenge et communiquent ainsi leur démarche et leur opinion sur la question du surnombre d’objet qui inonde notre société, suite à un demi siècle d’habitude à une consommation sans grande responsabilité. Cette initiative très récente soulève nombre de questions qui remettent clairement en question le design d’aujourd’hui : le design a en effet longtemps été une discipline visant à inventer de nouveaux objets, à parfois, même souvent, créer de nouveaux besoins ou donner une énième réponse à a un problème sans qu’elle soit réellement plus pertinente que la précédente. Le design doit remettre son statut et son utilité en question réfléchir a l’utilité et la pertinence qu’aura sa création par rapport à celles déjà existantes. C’est aussi important d’un point de vue écologique, que le choix des matériaux qu’il emploie, leur durabilité, ou l’impact environnemental de cet objet. Un objet peut-être entièrement “bio“ dans sa fabrication et sa composition, il ne sera pas pour autant écologique si il n’est pas réellement indispensable à notre vie. il est important de comprendre qu’ajouter un objet sur le marché implique invariablement la responsabilité de l’impact que celui ci aura, tant sur l’environnement que sur le consommateur. au vu de la position centrale qu’occupe le designer dans le processus de création d’objet, qu’il soit industriel ou non, cela ajouté au contexte actuel, qui tend vers une responsabilisation de la production, le designer va de plus en plus avoir une éthique stricte et exigeante envers les objets qu’il créé. il va de soi que le designer devra aussi savoir choisir avec intelligence les partenaires avec qui il travaille. Cela fera, et fait même déjà, parti de son travail et de son rôle de moteur dans l’évolution des processus industriels. On peut voir dans des initiatives comme le partage d’objets comme les outils de jardin entre voisins ou le co-voiturage que la population attend cette évolution et cherche des solutions pour économiser de l’argent tout en se montrant moins polluant.

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• La laideur se vend mal, Raymond Loewy, Gallimard• La simplexité, alain Berthoz, Paris,

• www.mathieulehanneur.com • fr.wikipedia.org/wiki/Effet_lotus • Conférences de Gunter Paoli

BiBLiogrAphie 03. design et éthique, aujourd’hui et demain

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04. on tourne en rond

Juliette Lefort

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On peut, à l’image de cette déconvenue arrivée à notre ami Pauli, dire que trouver une solution écologique crée de nouveaux problèmes ! Toujours à propos de l’huile de palme, on peut penser que la catastrophe écologique sans précédent qui accompagne sa production massive s’aggravera certainement avec le développement des biocarburants. Ceux-ci ne sont-ils pas au départ une initiative tout à fait louable pour réduire les émissions de CO2, tout comme les produits verts de Gunther Pauli ? On voit bien ici que ces initiatives, comme beaucoup d’autres, tirent juste une couverture trop courte sur un coté du problème écologique pour en découvrir un autre. Tout comme une des solutions proposées par Pauli pour supprimer l’utilisation de certains polymères : utiliser la soie de l’araignée à des fins médicales et chirurgicales, notamment au niveau de réparations nerveuses et osseuses. L’araignée tisse neuf sortes de soie, ayant des propriétés mécaniques toutes différentes en fonction de l’eau qu’elle y incorpore. Mais comment peut-on être sur que ce procédé respectera la “ condition de vie “ de l’araignée, n’entraînera pas la disparition de certaines espèces ou la perturbation des écosystèmes de par la raréfaction de telle ou telle sorte d’araignée ? Car on se doute que si le filon devient juteux, les lois du marché pousseront les producteurs à en faire une production massive, faisant fi de tous les problèmes d’ordre écologique qui en auront cependant motivé l’initiative. Le serpent se mord la queue dans ces questions et la complexité de tous les procèdes de fabrication, la spécialisation accrue de tous les domaines de production, a peu à peu tissé une toile de laquelle il est difficile de s’extraire ; pire encore, qui se resserre autour de nous lorsque l’on se débat trop !

On sait bien que les États, quels qu’ils soient, ne prennent pas les mesures suffisantes pour protéger nos écosystèmes : un article dans un gratuit du matin parlait de l’État français, blâmé par l’Europe a propos d’un sujet polémique dans le monde entier : autoriser ou en tout cas fermer les yeux sur les quotas largement dépassés par les pécheurs de thon, espèce menacée et protégée aujourd’hui mais toujours sur pêchée en France.

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“ aujourd’hui on donne des prix aux hommes d’affaire qui annoncent qu’ils vont polluer un peu moins. Mais il ne faut pas polluer un peu moins : il faut arrêter de polluer “. Cette phrase de Gunther Pauli, industriel belge écologiste révolutionnaire, est devenue son leitmotiv. Elle ouvre sur une réflexion portant sur le développement durable que l’on peut étayer avec différents exemples de la vie quotidienne, des réflexions que l’on peut se faire si l’on regarde le monde qui nous entoure.

dans les années 1990, Pauli lance fièrement sa marque de lessive Ecovert, convaincu de son innocuité sur l’environnement, avant de revendre son usine quelques années plus tard après avoir découvert que l’un des principaux ingrédients de sa formule, l’huile de palme, était produit au détriment de la forêt indonésienne et de tout son écosystème. Cette huile, à la base alimentaire au même titre que la margarine ou l’huile de tournesol, est tellement utilisée dans l’industrie agro-alimentaire aujourd’hui que celle ci en est devenue complètement dépendante. Un nombre faramineux de produits alimentaires d’usage courant en contient. Mais d’autres débouchés pour cette huile, facile à extraire des noix rouges des palmiers à huile, ont aggravé le problème : elle est aussi utilisée dans certaines peintures et entre dans la composition de nombreux produits cosmétiques, gels de douche, savons, produits vaisselle ; bref, elle se retrouve partout !

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végétales pour regagner sur le toit tout l’espace vert perdu au sol ? il est étrange et a la fois banal de se poser toutes ces questions auxquelles on ne peut pas donner d’élément de réponse clair.

Un autre projet de Gunther Pauli est de remplacer nos lames de rasoir jetables, utilisant a peu près 100 000 tonnes d’acier, par de la soie qui pourrait permettre en outre un rasage protégeant la peau. il faudrait pour cela planter des mûriers, qui de plus aident à reconquérir des sols arides et contribueraient à créer des emplois. Mais comment faire pour que cette production ne provoque pas le même genre de catastrophe écologique que huile de palme ? Peut être Gunther Pauli connaît-il la solution et tirera-t-il profit de ses désillusions du passé s’il approfondit ce projet.

Quant aux designers, on ne sait pas toujours très bien s’ils participent vraiment à l’amélioration de l’environnement ou s’ils surfent uniquement sur la vague écologique par opportunisme. Matthieu Lehanneur est exemplaire pour son implication : dans son livre paru en 2008 dans une collection sur l’habitat écologique intitulée “ déco bio et éco design “, on peut lire : “ Parmi les plantes championnes de l’assainissement, le chlorophytum figure dans le peloton de tête : il absorbe l’un des polluants les plus envahissants de nos intérieurs, le formaldéhyde. Cette plante pourra donc être placée à proximité de bois agglomérés ou encore de certaines moquettes, en particulier lorsqu’elles viennent d’être collées. Pour une lutte plus importante encore contre le formaldéhyde, ajoutez une autre plante : le ficus benjamia, petit bambou d’intérieur qui peut apporter davantage de volume encore. [...] de même certaines plantes, en plus d’assainir l’air, captent de grandes quantités de CO2, comme l’aloé vera. Connue pour ses vertus thérapeutiques, cette plante absorbe 90 % de monoxyde de carbone. Les services rendus par ces plantes dépolluantes n’ont rien d’hypothétique : grâce à leurs feuilles, puis à leurs racines, ces végétaux digèrent littéralement les substances toxiques. Ce phénomène a été mis en évidence dans les années 1980 par un chercheur américain de la Nasa, le professeur Wolverton.

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au quotidien, on s’aperçoit aussi qu’en voulant bien faire, en essayant d’être un citoyen responsable, on peut commettre des erreurs pénalisantes pour l’écologie. Par exemple, concernant le tri des déchets, on jette beaucoup de choses dans la poubelle jaune, destinée au recyclage, qui en réalité ne devraient pas y aller. Certains emballages plastiques, barquettes alimentaires vont-elles ou ne vont-elles pas dans la poubelle jaune ? si on ne les met pas on contribue à la pollution et si on les met alors qu’elles n’y vont pas, on expose la poubelle entière à un non recyclage. Pour citer une expérience personnelle ou je pensais bien faire, j’achète un iMac l’année dernière : dernier modèle, certifié conçu pour être démonté entièrement au moment du recyclage, ne contenant aucun produit toxique dans son écran, l’arsenic y étant supprimé et ayant un éclairage sans mercure, utilisant des LEd. L’écran est en verre, recyclable, tout comme l’aluminium de la coque. Tous ces éléments ont été pour moi le déclencheur immédiat de mon achat, alors que j’hésitais depuis quelque temps entre acquérir un Mac ou un PC. À la réception de mon iMac, je constate que le clavier mais aussi la souris sont sans fil, mais utilisent des piles… Quatre en tout. Certes cela offre plus de confort dans le travail de bureau mais n’y avait-il pas d’alternative aux piles ? Bref, le problème est que l’on progresse sur un tableau tout en régressant sur un autre.

Pourquoi a-t-on choisi à un moment donné les voies les plus polluantes, les plus énergétivores alors que des tas de solutions existent, qui ne posent pas tous ces problèmes ? Les déchets organiques que l’on jette tous les jours dans nos poubelles devraient être les premiers a être récupérés, traités, valorisés. ils sont les plus simples a recycler : il suffit de les incorporer au sol et d’en faire du compost... Un procédé se faisant tout seul, grâce a la dégradation organique. Toutes nos épluchures, sachets de thés, marc de café, en clair tout les restes d’origine organique (sauf la viande) que nous jetons dans la poubelle sans tri et qui en constitue au bas mot 20 %, contribue à augmenter la pollution pour rien. Pourquoi n’avons-nous pas pensé plus tôt et de manière systématique à poser des toitures

ESSAI D’ESSAIS

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• Croissance sans limites, Objectif zéro pollution, Gunter Pauli, 2007

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Ce dernier a mis quarante plantes en présence de gaz toxiques, que les végétaux ont tout simplement absorbés. “ Lorsque Mathieu Lehanneur certifie que sans le système apporté par son purificateur d’air Bel-air les plantes d’intérieur n’ont aucune action dépolluante, on ne sait plus a quel saint se vouer.

Un autre débat serait de se demander si le design et la création en général tels que le préconise Gunther Pauli pourraient se passer en totalité du plastique, des résines et colles, etc., tout en continuant à exister, si tout cela conduirait à leur mort ou au contraire à un avenir plus prometteur ? Les créateurs auraient-ils envie (car ceci fait aussi partie du problème) de ne plus utiliser le plastique, y parviendraient-ils ? Un designer aujourd’hui renoncerait-il à être édité chez Kartell pour ne pas que ses chaises en polycarbonate inondent le marché avec les conséquences que l’on connaît ? serai-ce lui le responsable de ces conséquences ? À suivre...

Juliette Lefort

ESSAI D’ESSAIS

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05. LA consommAtion coLLABorAtive, une ALternAtive À L’hyperconsommAtion

Edouard Fabre

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http://www.voiturelib.com/page/a-propos-de-la-location-de-voitures-de-particulier-a-par-

ticulier

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Par conséquent, nous devons faire du XXie celui de la modération, de la raison et du raisonnement.il devient donc essentiel de réinventer non seulement ce que nous consommons, mais encore plus comment nous consommons, si nous voulons espérer sortir de cette dictature du profit et du toujours plus. afin de nous remettre à “ vivre “ en réel adéquation avec nos besoins.

Les systèmes d’échanges et de collaboration, qui sont nés parallèlement à l’avènement d’internet, me semblent donc être une alternative intéressante et viable car ils ont su engendrer de nouveaux comportements, ou le partage est roi, comme en témoigne la réussite de nombreux sites de partages tels que covoiturage.fr, etc.Ces nouveaux comportements dus à cette consommation collaborative tendent à modifier les façons de faire des affaires et réinventent non seulement ce que nous consommons, mais également comment nous consommons. Car la croissance que nous avons connue n’est plus soutenable, ni souhaitable, ni durable, tant socialement qu’écologiquement.ils nous permettent de capitaliser nos efforts, en partageant nos biens et nos savoirs. Nous obtenons la force de construire un monde durable capable de concurrencer le modèle consumériste actuel.Car cela bouleverse, voire modifie le cycle de vie des nos objets, et donc notre manière de consommer. Fini le temps où celui-ci (le cycle de vie des objets) était linéaire (c’est-à-dire que le cycle s’organisait de la manière suivante : production/achat/utilisation/destruction). désormais par un système d’entraides, d’échanges et de partages, il devient circulaire, assurant de ce fait une certaine pérennité aux objets (il n’est pas détruit mais est réintégré dans les processus d’utilisation). On assiste à une évolution significative de notre façon de penser la consommation.Les biens et les connaissances ne sont donc plus la propriété d’un seul individu mais, au contraire, la résultante d’un grand réseau d’entraides et de partages. L’on assiste donc à une métamorphose

ESSAI N° 05

“ il faut changer fondamentalement nos façons de penser. Nous devons créer des chemins pour que nos enfants imaginent un futur différent afin qu’ils ne répètent pas nos erreurs “ (Gunter Pauli).

aujourd’hui, nous sommes entrés dans une nouvelle phase du capitalisme : la société d’hyperconsommation. L’homme n’est plus homme mais avant tout un consommateur affamé, décalé, mobile, flexible, à l’affût d’expériences émotionnelles et de mieux-être, de qualité de vie et de santé, d’immédiateté et de communication. il s’épanouit donc dans le profit et la possession.

Cet esprit d’hyperconsommation a réussi à gangrener la société et à s’infiltrer jusque dans le rapport à la famille et à la religion, à la politique et au syndicalisme, à la culture et au temps disponible. il est dorénavant omniprésent et érigé en tant que dieu tout-puissant.Tout se passe comme si, dorénavant, la consommation fonctionnait en flux tendu sans aucun temps mort, telle une locomotive sans personne aux commandes avalant sans fin les kilomètres. Mais ces plaisirs exclusivement privés tendent, je pense, à déboucher sur un bonheur blessé : “ Jamais l’individu contemporain n’a atteint un tel degré de sentiment d’abandon et de solitude “ (Gilles Lipovetsky). Quelles sont donc les alternatives qui s’offrent à nous pour lutter contre cette hyperconsommation qui tend à nous déshumaniser ?

Le XXe siècle fut celui de l’hyperconsommation et de la croissance.

05. LA consommAtion coLLABorAtive, une ALternAtive À L’hyperconsommAtion

ESSAI D’ESSAIS

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de la relation possessive qui lie l’individu à ses l’objets vers une libéralisation de ceux-ci. Les gens désormais n’hésitent plus à louer un nécessaire de camping pour un voyage, plutôt que de l’acheter, à passer la nuit chez d’autres habitants plutôt qu’à l’hôtel… La preuve de la viabilité de ces systèmes de collaboration est le succès rencontré par des sites de partage tels que couchsurfing.com qui offre gratuitement à ses utilisateurs la possibilité d’héberger et d’être accueilli partout sur la planète tout en partageant une réelle aventure humaine. Ou bien le site français peuplade.fr qui offre une plateforme d’échange de biens et de services entre voisins.Ces types de comportements confirment le fait que nous ne sommes pas toujours heureux d’hyper consommer et la notion de propriété demeure obsolète.Le temps de l’appropriation et de la possession est désormais derrière nous. Bienvenue à celui de l’échange, du partage de films (likestreaming), de musiques (deezer), de voitures (covoiturage.fr), etc.

il existe plusieurs formes de consommation collaborative : les plateformes d’achat en commun de biens ou de services ou les plateformes où les gens se prêtent, se donnent ou s’échangent des biens et services plutôt que de les acheter. Mais ce n’est pas pour les économies qu’ils permettent de réaliser que tous ces services devraient gagner en popularité, mais plutôt parce qu’ils renforcent le sens de la communauté et le lien social.Les systèmes collaboratifs transforment les biens de consommation en un moyen de rencontrer ses voisins. ils apportent une réelle valeur ajoutée aux objets, rendant ceux-ci sensiblement plus “ humains “. La solution me semble donc de sortir de cette addiction héritée d’une consommation massive et reposer le problème de ce que devrait être une société humaine conviviale et non pas une société du toujours plus.Mais pour cela, me semble-t-il, la première des conditions est de croire sincèrement en l’être et au genre humain. de rêver d’un monde en réelle adéquation avec nos réels besoins et ou les hommes

soient capable de s’entraider si nous espérons un jour rétablir un équilibre durable.

Edouard Fabre

ESSAI D’ESSAIS ESSAI N° 05

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BiBLiogrAphie 05. La consommation collaborative, une alternative à l’hyperconsommation

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• John Takara, In the Bubble• Victor Papanek, Design pour un monde réel

• http://www.consommationcollaborative.com/• http://www.lemonde.fr/• http://www.internetactu.net/2010/09/22/la-montee-de-la-consommation-collaborative/• http://lestudioblog.blogspot.com/2008/03/autoprogettazione.html• http://www.designboom.com/weblog/cat/8/view/9756/enzo-mari-autoprogettazione-for-artek.html

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06. Le pAssAge À L’écheLLe dAns Les projets d’innovAtion sociALe est-eLLe une proBLémAtique de design ?

Julie Terzakis

http://www.liverpoolairport.com/press-office/-love-is-in-the-air-as-new-car-share-scheme-

takes-off-at-jla.html

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À l’heure où l’engagement social des designers se multiplie, sous de multiples formes (sociétés à but non lucratif, initiatives sociales d’entreprises, mobilisation étudiante, partenariat avec des ONG, compétitions de design, etc.) et de multiples sujets (depuis la conception d’abris d’urgence jusqu’aux purificateurs d’eau ou au four solaire, etc.), nombreux sont ceux qui jugent ces travaux certes bien intentionnés mais pas nécessairement concrets. Car le succès est différent selon le point de vue qu’on envisage : celui du designer, du financeur ou du destinataire. “ La moitié du succès est ficelé avant que quiconque n’ait saisi un crayon pour dessiner la solution “, estime Mariana amatullo, directrice de design-Matters , qui entreprend des initiatives de changement social, en faisant référence à la difficulté qu’il y a de monter des projets avec un réseau de partenaires multiples. david stairs, directeur des designers sans frontières (dWB: designers Without Borders), estime que son taux de réussite sur les projets est de l’ordre de 10 %, la conception sociale est un secteur qui ressemble à l’industrie des services alimentaires : il est facile d’y entrer, mais difficile d’y réussir. Le secteur est devenu extrêmement concurrentiel et il n’est pas facile pour les concepteurs de gagner la confiance des financeurs qui ont déjà souvent de nombreux programmes autonomes. Pour stairs, le soutien apporté aux projets ambitieux est insuffisant.Le milieu préfère souvent soutenir des projets modestes, qui ont certes plus de chance de réussir, mais dont le succès est bien difficile

06. Le pAssAge À L’écheLLe dAns Les projets d’innovAtion sociALe est-eLLe une proBLémAtique de design ?

ESSAI D’ESSAIS

à évaluer. L’état d’avancement des projets d’innovation social demeure en conséquence souvent sous-estimé, suggère Cameron sinclair, co-fondateur d’architecture pour l’humanité (aFH) qui développe quelques 40 projets dans 16 pays.Mariana amatullo convient que le secteur manque de méthodologie dans l’évaluation des projets et d’un archivage de projets pas efficace. “ il y a beaucoup de réussites qui restent isolées. Et mêmes quand les projets réussissent, il y a un manque d’infrastructures et de financement pour permettre de reproduire ces bonnes pratiques. Le passage à l’échelle est difficile. “Car le passage à l’échelle est le saint Graal de l’innovation sociale. Les financeurs, comme les médias, ont tendance à juger le succès d’un projet non pas sur le confort qu’il apporte à quelques personnes, mais par le nombre d’existences que le projet touche. Pourtant, estime Lee davis, président de NEsst (NonProfit Enterprise and self-sustainability Team), une association qui aide les organisations travaillant dans le domaine de l’innovation sociale à trouver des financements, “ certains projets ont besoin d’être petits “, de reposer sur l’artisanat local par exemple, qui suivant des contextes variables et propres à chaque situation géographique ou politico-économiques ne s’ajuste pas toujours au marché mondial.selon plusieurs observateurs, c’est le passage à l’échelle qui a condamné PlayPump, une pompe à eau qui fonctionne grâce à l’énergie déployée par les enfants jouant sur un tourniquet. PlayPump a longtemps été le chouchou des médias. Malgré les 16 millions de dollars investis par le gouvernement américain et le déploiement de quelque 4000 pompes, celles-ci se sont avérées finalement difficiles à faire fonctionner. “ au moment où ils sont passés à l’échelle, la pompe aurait du en être à sa sixième version, mais en fait, ils ont utilisé le prototype original “, explique Cameron sinclair. Un prototype qui n’était pas adapté à toutes les situations et qui n’offrait pas de solution de secours pour pomper de l’eau quand les enfants n’étaient pas là : les femmes avaient du mal à jouer au tourniquet pour pomper l’eau… Forcément, sans amélioration de la conception avec les utilisateurs finaux, le projet ne pouvait pas

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passer à l’échelle.Car contrairement à ce qu’on pourrait penser, même dans le design social, la communauté ciblée est encore trop souvent absente de la conception. Et même les efforts les plus assidus de collaborations avec les pouvoirs locaux, les chefs d’entreprises et les utilisateurs finaux ne sont pas une garantie de succès dans la compréhension des écosystèmes complexes dans lesquels ces innovations s’introduisent, estime david stairs, en rappelant que les puits artésiens creusés dans les années 1980 en somalie avaient contribué à une vaste guerre de clans. Un programme de l’aFH par exemple a consisté à développer une coopérative de cuisson organisée par des veuves victimes du tsunami au sri Lanka. Le programme a travaillé avec ces femmes pour les aider à concevoir le business plan, le financement, trouver l’équipement… Mais il a été contraint à l’abandon quand elles ont commencé à recevoir des menaces de mort d’un gangster qui avait le monopole des cuissons locales.Emeka Okafor, un entrepreneur qui a fondé Maker Faire africa en 2009, lieu de rencontre pour les innovateurs du continent, fait remarquer que le simple fait de rechercher des informations sur l’innovation dans le monde en développement est difficile.Bien sûr, il y a des success-stories comme safe agua, un programme de designMatters pour faciliter le stockage, l’utilisation, le transport et la conservation d’eau pour les habitants de bidonvilles du Chili. Le programme consistait en une mise en place des systèmes simples pour l’acheminement de l’eau, sa conservation, ainsi que des systèmes de laveries et de douches communautaires grâce au travail des étudiants du Centre d’art local et une institution de bienfaisance de santiago.“ Les gens ont de grandes intentions, mais ils ne réalisent pas combien ce travail est difficile et la somme de choses qu’il faut gérer pour réaliser un succès. il ne suffit pas d’avoir une idée brillante et concevoir un bon produit ou un bon service, il faut aussi être présent à chaque étape, évaluer et tester le projet constamment pour être sûr qu’il va prendre son envol et être adopté par la communauté “, affirme Mariana amatullo.

ESSAI D’ESSAIS

Selon le designer Françoit Jégou, qui avec le designer Ezio Manzini est à l’origine de la plateforme sustainable Everyday Project (qui réunit plus de 300 cas) et du réseau desis (design for social innovation et sustainability) : “ Le niveau local est certainement le bon niveau pour faire levier sur des transformations globales “. Pour lui, l’hypothèse d’un processus de transition systémique à l’échelle urbaine ou régionale se fonde sur un réseau de projets localisés, liés entre eux, en synergie, mais autonomes et soutenus par une approche fondée sur le design, explique-t-il. Et son constat est clair, en observant par exemple les groupements d’achats de nourritures (style aMaP) à travers le monde, on se rend compte que les bonnes idées deviennent mondiales et s’adaptent à des cultures différentes.“ Les communautés créatives résolvent les problèmes qui concernent les classes moyennes émergentes ou les classes les plus pauvres de la société. Elles ne résolvent pas des problèmes particulièrement dramatiques, mais apportent toujours une vision positive sur de nouvelles façons de vivre. Les communautés créatives ne sont pas des communautés traditionnelles, elles sont des communautés de choix, renouvelées par le contexte de l’action qu’elles mènent. souvent, les choses fonctionnent mieux en étant fondées sur un principe de réciprocité que sur un principe de charité “. “ Le but “, rappelle-t-il, “ est de parvenir à une dynamique permanente de transformations portées par les usages, stimulant en continu les possibilités plutôt que de recourir à des vagues successives de grands programmes de développement “. Cette posture de l’activation des forces vives, de l’énergie vitale d’un lieu, met l’accent sur le maintien d’une situation sociale saine plutôt que sur la guérison de problèmes lourds, à la manière de l’acupuncture en médecine traditionnelle chinoise.

Pour conclure, le design pour l’innovation sociale est un formidable secteur de recherche pour les designers. il permet de concevoir une nouvelle façon de vivre et de consommer. Je pense que nous sommes entourés de suffisamment de produits pour vivre, la vrai difficulté est de les utiliser de façon intelligente et durable.

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Le design social doit jouer également, selon moi, un rôle de prévention et éducatif, pour apprendre aux gens les bons gestes de consommation. il doit aussi se pencher sur la valorisation de ces méthodes pour les faire connaître au grand public ou divulguer les nouveaux réseaux de partage qui se créent. dans les prochaines années, le rôle du designer sera bien plus compliqué que de créer de nouveaux objets, car il devra aussi créer de nouveaux comportements d’utilisation et les faire adopter par la population. Utilisons notre savoir, notre sensibilité artistique et notre générosité, pour devenir les constructeurs d’une société de consommation plus saine, plus respectueuse de l’environnement et des individus...

Julie Terzakis

ESSAI D’ESSAIS

BiBLiogrAphie 06. Le passage à l’échelle dans les projets d’innovation sociale est-elle une problématique de design ?

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• www.la27eregion.fr• www.designmatters.artcenter.edu• www.nesst.org• www.internetactu.net

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07. mAitrise énergétique et surconsommAtion.

Mathieu Corticchiato

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Tout est parti d’une discussion avec un ami de longue date lors d’une soirée plus que tardive. Cela fait maintenant 4 ans qu’il travaille dans le bâtiment. Par un biais plus ou moins détourné, nous en venons à parler de l’adEME (agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie). il me confie qu’il aimerait y travailler afin d’évoluer dans une formation écologie/environnement. suite à cet aveu, nous débattons de l’énergie et de sa consommation par la société actuelle.

Nous passons du pétrole à l’électricité puis au nucléaire. Pour moi, il ne fait aucun doute que le nucléaire n’est pas une solution durable. Même s’il est vrai qu’aujourd’hui en terme de rendement à la production ce moyen reste le plus avantageux, la quantité de déchets générés par cette technique et l’incapacité totale de les recycler en font une des activités les plus polluantes. À ma grande surprise, mon ami m’explique qu’on lui enseigne l’exact contraire. il est convaincu que le nucléaire est aujourd’hui la manière la moins polluante de produire de l’énergie. J’essaie de lui expliquer que les déchets radioactifs ont une durée de vie plus longue que trois générations et que nous en produisons plus vite qu’il n’en peut se dégrader. si l’actuelle génération ne trouve pas le nucléaire polluant, c’est uniquement parce que nous n’avons pas les moyens ni le recul pour juger de cette pollution. Le débat se prolonge tard dans la nuit mais je ne parviens pas à le faire changer d’avis.

Le lendemain, le débat de la veille continue à piquer ma

07. mAitrise énergétique et surconsommAtion.

ESSAI D’ESSAIS

curiosité. Je me rends compte avec effrois qu’au sein même de l’éducation supérieure, qui plus est dans une branche qualifiée “ d’environnementale “, on apprend aux étudiants que le nucléaire ne pollue pas. En admettant que mon ami rentre à l’adEME avec de telles idées, comment ne pas se poser des questions quand à notre avenir ?Bien que ma réaction ait été un peu excessive, elle m’a amené à formuler une problématique de design volontairement radicale : l’énergie et son utilisation au quotidien à travers n’importe quel objet est-elle réellement nécessaire? À l’heure des énergies “ renouvelables “, pourquoi ne pas réintroduire l’énergie humaine, la seule réellement inépuisable ?

La source du problème aujourd’hui est que nous n’avons eu de cesse d’augmenter le niveau de confort, lequel est en grande partie fondé sur l’utilisation d’énergie (fossile et depuis peu “ verte “) afin d’économiser l’énergie humaine : automatisation, propulsion...Le dilemme auquel nous nous confrontons est de sauvegarder, voire de continuer à augmenter, le niveau de confort et son accessibilité tout en changeant le système de consommation et de production. Néanmoins ces nouveaux moyens de production restent encore minoritaires et quasi au stade expérimentale. Leur utilisation reste donc hésitante et les agences comme l’adEME qui promeuvent certaines initiatives restent assez frileuses. son action demeure cependant essentielle dans un contexte de transition obligatoire.

Un autre facteur à tenir présent à l’esprit est que l’on considère la problématique du confort comme étant toujours fondé sur le concept d’innovation dans un contexte de grande consommation. La plupart du temps, un nouveau projet n’est plus jugé sur son bien-fondé mais uniquement du fait de sa nouveauté. Cela touche particulièrement les objets universels ayant très peu évolué comme les brosses à dents à multiples gadgets ou les rasoirs à lames multiples, vibrantes, lubrifiées… et que sais-je encore !

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Un autre exemple est l’iPhone©, exemple parfait de l’effet dit “ couteau suisse “. Ne pouvant innover sans cesse sur l’utilisation elle-même de l’objet (demandant bien plus de réflexion), ses concepteurs ont accumulé services et “ utilités “ au sein d’un seul objet. La mise à disposition de tous ces services donne à l’utilisateur une impression de confort et de pouvoir. Bien qu’une étude récente prouve que 80 % des utilisateurs n’utilisent que 20 % des fonctions de leur téléphone, cette concentration provoque une véritable addiction chez l’utilisateur. Le phénomène de mode accentue cette frustration qui, dès qu’elle est comblée, se fixe sur un autre objet. serge Latouche, économiste et penseur de la décroissance, pense que de cette manière les pays dits du “ Tiers Monde “ sont passés du niveau de pauvreté à celui de la misère, en leur vendant du rêve occidental tout en leur expliquant qu’ils ne pourront jamais le posséder.

de fait, je m’aperçois que j’évoque la décroissance. Pourquoi donc ne pas ouvrir une parenthèse sur ce phénomène ? Le mot décroissance est plus un slogan qu’un véritable message. Pour être tout a fait correct, il faudrait utiliser le terme d’ “ accroissance “ avec un “ a “ privatif. Le principe derrière ce mot part du constat que la planète possède des ressources limitées et que nous en consommons plus vite qu’elles ne se régénèrent. souvenons-nous de l’enquête menée il y a quelques années montrant que si la population mondiale vivait comme un Français, il faudrait l’équivalent de 3 ou 4 terres ! Par conséquent un changement s’impose dans notre manière de vivre et de consommer et, peut être encore plus important, au niveau des systèmes de production.

Un des problèmes majeurs de la société dans laquelle nous vivons est son système de valeurs incohérent. L’humain ne se trouve plus au cœur de la société mais travaille pour ne pas perdre son emploi, tributaire malgré lui d’un système qui le maltraite. Parallèlement à la confiscation des pouvoirs par une élite, l’objectif assigné à l’individu est de s’enrichir. Le but de cette accumulation est uniquement d’auto entretenir tout un processus de confiscation au dépend du plus

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grand nombre.

serge Latouche explique dans sa théorisation de la décroissance que dans une vision de mise en application, il faudrait réduire le temps de travail de moitié pour à la fois multiplier les emplois mais, surtout, laisser à tous le temps de se consacrer à l’épanouissement personnel. il ne faut pas oublier de rajouter à tout cela le retour à une vraie citoyenneté au sens antique du terme. Une implication de chacun dans la vie de la cité correspond à une vraie implication politique.

Tel est le principe, qu’en est-il de la réalité ? Notre système capitaliste/consumériste a pour principale qualité de pouvoir se schématiser sous forme de cercle ou de boucle. Par conséquent comment l’attaquer ? Tout ce qui est créé en son sein est absorbé et tout ce qui tente à le changer devient source immédiate de blocage. dans une volonté de transition, plus réaliste, le système s’auto protège.

Ce fait n’est pas le seul obstacle au changement. Nous avons aujourd’hui des capacités exceptionnelles pour anticiper les catastrophes et la dégradation de l’écosystème. Néanmoins l’homme aujourd’hui (mais peut être durant toute l’Histoire) n’est capable d’agir que directement à l’échelle de son existence. autrement dit, prendre des décisions de transition qui n’auraient de sens qu’au titre de première étape d’une série ; d’autres seraient plus difficiles à faire accepter, surtout dans un environnement politique où la règle est de critiquer plutôt que proposer et donc de prendre des risques .

Le mouvement de décroissance a pour fondement l’être humain alors que l’évolution de la société ne lui est profitable en rien, qu’il n’en tire aucun bonheur. On peut espérer que tous s’en rendent compte, encore faut-il avoir une vraie connaissance des enjeux et un véritable avis dans un monde où la personnalité tend à être de plus en plus annihilée.

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Le salut pourrait venir d’un nouveau mode de consommation fondé sur l’échange (de biens comme de connaissances) et l’humain. sortir d’un modèle mondial pour redonner toute sa valeur au savoir-faire et aux qualités personnelles de chaque individu. Chacun s’ouvrirait à tout type de créativité, mentale ou physique (design ou artistique).Permettre à tous de connaître ce qu’ils achètent, d’échanger toutes ces connaissances pour redécouvrir son voisin, son immeuble, son quartier, sa ville. Ce changement doit également passer par la manière de penser le design. Ne plus essayer de réduire à zéro tout effort et infantiliser l’utilisateur. Redonner tant que possible à chaque objet une gestuelle d’utilisation me semble essentiel ; qui ne soit pas “ gratuite “ mais, au contraire, conduire l’utilisateur à mieux comprendre son objet, l’apprécier davantage et le conserver plus longtemps. Utiliser la main plutôt que l’électricité sans rendre l’effort insurmontable ajoute également une plus-value au résultat final.

Mieux connaître pour mieux vivre son objet me semble être un aspect important d’une évolution qui va de paire avec l’amélioration de la société. Redonner à l’utilisateur la volonté d’apprendre et comprendre passe par le fait de recréer un rituel d’utilisation. simplifier les systèmes tout en gardant la même efficacité pour faire sortir le design de sa dimension élitiste et ne pas avoir peur de montrer le comment à l’utilisateur me semble être un “ challenge “ plus qu’intéressant.Pour arriver à un changement radical des mœurs, il faut procéder par étapes et celle ci pourrait être de responsabiliser l’utilisateur pour lui rendre son autonomie vis-à-vis de l’objet. Cette idée est nouvelle pour moi comme elle semble l’être aussi pour la société ; telle est la raison pour laquelle je me l’approprie comme ligne directrice.

Mathieu Corticchiato

ESSAI D’ESSAIS

BiBLiogrAphie 07. maitrise énergétique et surconsommation.

• Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, Edward Bernays, avec une préface de Normand Baillargeon, Paris, La découverte, 2007. • Survivre au développement : De la décolonisation de l’imaginaire économique à la construction d’une société alternative, serge Latouche, Paris, Mille et Une Nuits, 2004.

• La décroissance par Serge Latouche. Qu’est ce que la décroissance, serge Latouche s’entretient avec la rédaction de CinéHebdo.

• Chris Jordan, Intolerable Beauty : portraits of American Mass Consumption.

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08. Less And more

Romée Guignard de la Bignesandrine Mazan

Romée Guignard de la Bigne

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L’idéologie de Less is More, dogme émérite dont les origines ne se présentent plus1, peut se rapprocher de la démarche absolue de Kasimir Malevitch (1878-1935) avec son Carré blanc sur fond blanc. Chercher un état zéro, une table rase, réaction impulsive au constat du “ trop d’art dans l’art “. Y aurait il de même trop de design dans le design ?

d’avantage qu’une simple épuration des lignes, Less is More vise à se débarrasser du surplus de forme, d’apparences et d’ornementation afin de laisser s’exprimer pleinement l’essence d’un objet. Cet éloge du moins est alors sans appel : “ La forme suit la fonction“, l’une découlant logiquement, techniquement et légitimement de l’autre.Ce paradigme, largement accepté comme d’utilité publique dans la production artistique de la seconde moitié du XXe siècle, a pour conséquence notable, notamment dans le design, que les avancées esthétiques dépendent de moins en moins des bouleversements culturels et sociaux mais toujours plus directement des progrès techniques de leur temps.Pendant les années 60, on assiste malgré tout à un certains retour de l’importance de la forme comme entité d’expression libre. Nos meubles laissent alors refléter une certaine idée du bonheur, plus adéquate avec la prospérité économique et sociale émergente des fameuses “ Trente glorieuses “.

Less is Bore, sorti à cette époque de la bouche attentive de

08. Less And more

ESSAI D’ESSAIS

l’architecte américain Robert Venturi (1925• ), prône un intérêt nouveau pour le “ prosaïque “ des goûts de la culture de masse. En 1972, dans son ouvrage Learning from Las Vegas, il soulève le problème d’un design trop lissé, dénué d’ “ aspérité “ où les symboles et les émotions humaines ne peuvent plus adhérer.La culture nippone est un bon exemple de ce besoin d’anecdotique, de signes et de symboles. Le minimalisme japonais, toujours d’une pureté et d’un ordre déconcertant, est un maître incontestable et incontesté aux yeux du monde. Ce fondement culturel laisse en contrepartie un besoin paradoxal d’expression humaine et pulsionnel qui se manifeste par une exubérance de gadget, de kitsch et de folie.selon Paul Valéry, “ L’humanité ne s’est lentement élevée que sur le tas de ce qui dure “. La création stylistique est, comme toute création, réaction ou renforcement, une réappropriation du passé de par ses codes, ses signes et ses maladresses. si Less is More et l’éradication de sa liberté formelle était amené à se généraliser, comment son absence radicale de symboles nous permettrait d’assurer une évolution saine et finalement humaine d’une force stylistique a part entière ? Est-ce une des causes qui poussent beaucoup de créateurs d’aujourd’hui à préférer se réapproprier les “ sixties “ et le Vintage plutôt que les années 90 ? Pour construire demain pourquoi partir d’hier plutôt que d’aujourd’hui ?

de l’académisme au Modernisme, du dadaïsme à l’abstraction, l’histoire de l’art regorge d’opposition idéologique constante entre les signes et l’essence. Certains prônent l’expression de l’objet quand les autres revendiquent en face le ressentit du regardeur. Rien d’inquiétant, c’est un poncif réactionnel qui réchauffe les débats depuis que l’homme s’est nommé créateur.Par ailleurs, Less is More est tout à fait à-propos avec nos préoccupations environnementales. L’écologie et la recherche d’une certaine pérennité dans nos objets, tant matérielle qu’esthétique, dote effectivement le dogme du “ Moins c’est plus “ d’une éthique des plus légitimes. On le voit alors émerger dans l’esprit de designers qui jouent le rôle de gourou et s’acharnent, depuis Good Goods2, à

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évincer de notre habitat tous les objets dits “ inutiles “ pour tenter tant bien que mal de soulager notre chère planète.Certains d’entres eux, comme Jaime Hayon, personnalité ibérique émergente, “ créateur de l’année 2010 “ au salon Maison & Objet, conçoivent des objets autant éco-friendly que néo-pop, jouant sur les codes de l’enfance, du rêve et de la générosité. il excelle dans la création d’un univers où il fait bon vivre tant pour nous que pour nos amis les Verts.

Car les résultantes matérielles du Less is More, comme pour la quasi totalité des créations de Jasper Morrison, voit leur minimalisme prendre la forme d’une certaine austérité. On peut effectivement percevoir le jansénisme de ces chaises, pour ne citer qu’elles, avec une certaine culpabilité, accablée d’un discours accusateur qui pourrait sonné comme : “ Tu as bien profité et pollué pendant des décennies, maintenant contente-toi d’un simple angle droit peint en blanc. “ dur !En totale opposition à ces principes, demeure l’objet œuvre d’art, dont Ron arad (1951-) s’est imposé, par certaine de ses créations comme la très connue Paperdelle Bronze, comme le grand représentant à notre époque. Entre un objet fonctionnel et une oeuvre d’art, l’objet vacille entre réponse à un besoin humain (s’asseoir) et la mise à distance d’un objet, désormais sacralisé. L’utilisateur, désormais simple spectateur, regarde, observe, que dis-je admire, un objet qu’il s’interdit de s’approprier, en raison de son exposition non plus en magasin mais en galerie d’art et, éventuellement, du prix atteignant plusieurs milliers d’euros. il n’est plus question de fonction mais de l’impact d’une forme indépendante.

Bernard stiegler (1952-), lors de sa conférence à la Maison de l’Europe de Paris (“ Changer de modèle industriel “, 6 mars 2007) parlait de redesigner le design, c’est-à-dire de l’émanciper du marketing avec sa manie de “ diviser pour mieux régner “. il s’est soucié de l’intérêt, voire de la nécessité, d’assembler le design, de se rassembler autour

ESSAI D’ESSAIS

du design. Le penseur revendiquait effectivement le besoin de lier directement le designer à l’utilisateur, afin d’éradiquer l’incongruité d’un public qui se détache fatalement d’un design qui tend ironiquement à systématiser le concept de démocratisation. santé !idéologiquement parlant, la préoccupation du designer doit avant tout se focaliser sur le lien qui existe entre l’objet et son utilisateur. Ce lien fut sans aucun doute initié par Less is more, qui idéalise et libère le potentiel d’appropriation de l’homme face aux objets. Citons Le Corbusier (1887-1965) avec sa Cité radieuse à Marseille, exemple d’architecture et d’utopie pour classes moyennes. Lieu d’osmose, d’harmonie et de vie communautaire, le “ village vertical “ est proclamé par ses habitants comme étant “ extraordinaire, impressionnant, génial “. Voilà un magnifique exemple d’un souci du besoin des destinataires qui se sépara en 1954 de ses “ prolétaire “ par sa passation à la propriété privée.stark nous dit quarante ans après : “ On ne peut plus faire d’objets inutiles “. Cette maxime est lourde de sens à une époque où il devient facile de produire des objets gratuits, qui ont une durée de vie aussi éphémère que leur intérêt à nos yeux. Le designer doit aujourd’hui penser l’objet, évidemment, mais aussi sa durée de vie et son recyclage en fonction de l’environnement dans lequel il va vivre et s’user. Le rôle et la responsabilité de l’usager deviennent ainsi des conditions sine qua non.On note ainsi l’explosion du diY (do it Yourself ou “ Faîtes le vous-même “) où soit par de simples instructions soit par la vente de kit, le consommateur finalise l’objet désiré. Créateur, concepteur ou simple monteur, il devient partie intégrante de la chaîne de production et se dote ainsi de la force conceptrice de passer “ d’un objet “ à “ son objet “. Ce n’est qu’un pronom possessif, mais qui fait toute la différence.Le marketing, ne se laissant jamais doubler, s’est bien vite emparé de ce nouveau besoin en créant dans les années 90 le “1 to 1“ (à prononcer one to one). Le marketing one-to-one cherche à “ analyser au niveau de chaque client ou prospect, les prix, les produits, les moyens de communication et de vente afin de s’adresser d’une

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manière individualisée, spécifique et différenciée à chaque client ou prospect (client potentiel), en tenant compte de ses particularités “ (Wikipédia). La stratégie consumériste s’est rapprochée d’un besoin naturel de l’homme moderne sans réellement en saisir l’essence.Cette tendance vise d’avantage à feindre de renouer avec la conception et l’utilisation que de développer “ l’humanisation “ de l’usager. Ce dernier cultive ainsi sa personnalité et son droit de parole dans un sentier pré établi que le marketing idéalisera à bas prix. On vend du rêve préconçu, accessible à un prix abordable.

Romée Guignard de la Bignesandrine Mazan

ESSAI D’ESSAIS

1. Citation de Ludwig Mies van der Rohe (1886-1969) pour formaliser ce

qu’était l’architecture minimaliste, reprise d’un poème de Robert Browning écrit en

1855. Mies van der Rohe utilisait aussi la formule Gott steckt im Detail (“ Dieu se

retrouve dans le détail “).

2. Catalogue de vente par correspondance, réalisé par Philippe Starck

(1949-) pour La Redoute, lancé en 1998, proposant des “ non objets pour des non

consommateurs “.

BiBLiogrAphie 08. Less and more

ESSAI N° 08

• Learning from Las Vegas, Revised Edition : The Forgotten Symbolism of Architectural Form, Venturi et Brown• Regards sur le monde actuel, Paul valéry• Economie de l’hypermatériel et psychopouvoir,Bernard stiegler

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09. décroissAnce, L’oBjection de croissAnce...

Floriane Piat

http://www.partipourladecroissance.net/?p=4516

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La “ décroissance “ est un mouvement récent qui tente d’inverser le postulat des économistes classiques, tenants de la société de consommation. du moment où le consommateur choisit et demande, il commande la production. On consomme pour produire, on produit pour consommer toujours plus. Le gaspillage, la publicité, la pollution, la pauvreté, l’insatisfaction sont les fruits de cet engrenage. Ce nouveau mouvement de décroissance vise à une réorganisation de notre modèle de société, au service des “ besoins “ des consommateurs et d’un mieux vivre…

Examinons les différentes définitions du mot “ décroissance “.

au sens étymologique…Dans décroissance, le préfixe dé• exprime privation ou inversion. Croissance, nom féminin singulier, faire croître, accroissement simultané dans de nombreux domaines économiques.décroissance, nom féminin singulier, diminution, état résultant de cette diminution. action de décroître. affaiblissement progressif.

au sens historique...Le mot décroissance a été employé pour la première fois par Jacques Grinevald, traducteur, disciple et ami du père de la bio économie, Nicholas Georgescu-Roegen. Jacques Grinevald a fait paraître en 1979 en français son livre intitulé demain la décroissance : entropie-écologie-économie

09. décroissAnce, L’oBjection de croissAnce...

ESSAI D’ESSAIS

Toutefois, le terme décroissance est le produit d’une longue histoire : celle de la pensée marxiste, celle de la critique de la société de consommation, celle de l’économie politique, mais aussi l’histoire de mouvements sociaux (luddisme, féminisme, anti-Mc do, anti pub, etc.).aujourd’hui, la décroissance est une pensée vivante en perpétuelle évolution. La question essentielle n’est pas la paternité du terme mais ce que nous en faisons, et quel sens prend progressivement ce mot.

au sens idéologique...“ La décroissance n’est pas un concept mais un “mot-obus ” pour mettre à bas l’idéologie de la croissance pour la croissance. Cependant la décroissance n’est pas le contraire de la croissance économique, elle n’est donc pas la récession, car il n’y a rien de pire que l’inverse de la croissance dans une société de croissance. La décroissance n’est donc pas un autre modèle économique, ni même une politique économique alternative. Pour mieux comprendre la signification du mot d’ordre de “décroissance”, on devrait même parler d’ “a-croissance ” comme on parle d’athéisme. La mouvance de la décroissance entend ainsi faire décroître l’empreinte écologique de nos sociétés, tout en remettant en cause l’économisme qui empreint nos imaginaires collectifs et individuels. C’est-à-dire qu’il faut par la décolonisation de notre propre imaginaire “sortir de l’Economie” pour la remettre à sa place, c’est-à-dire la ré enchâsser dans le social et le politique, et plus largement dans nos vies. Pour une société où il y ait “plus de liens et moins de biens ! ” C’est aussi l’idée de ne produire que ce qui est vraiment utile et de trouver des modes de productions cohérents avec des besoins cernés. Nous voulons être responsables et gagner notre autonomie. C’est enfin, maintenant que nous approchons sensiblement des limites de notre écosystème, l’idée d’apprendre à vivre avec lui au lieu de le détruire. “

Voilà comment se définit ce mouvement par lui-même. On peut

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comprendre qu’il ne s’agit pas de rester dans une idéologie de vie mais bien de l’appliquer au plus concret. dans le domaine de la politique, la philosophie écologiste est devenue un parti comptant dans notre société avec plus de 10 % aux élections présidentielles en 2007. Mais cette vision est plutôt futuriste. de nos jours, la décroissance n’est qu’à son essor, et n’est qu’un “ thème “ plus ou moins mis en avant dans différents partis politiques. au quotidien, nous pouvons mettre en place quelques applications concrètes, qui s’apparentent à ce mouvement. Nous pouvons faire partie d’une aMaP (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) telle que “ les paniers BiO “ ou encore “ l’abeille gasconne “ qui propose un système ingénieux de “banque du miel“. La banque du miel est un bel exemple d’anticapitalisme, celle-ci est installée juste en face de la bourse de Paris. En achetant des actions à la banque du miel, vous investissez de l’argent contre du bien. ainsi, cette ruche fait le pied de nez à notre système économique qui spécule sur des valeurs virtuelles et non réelles. L’artiste montre ainsi qu’on se mord la queue, car les abeilles disparaissent et l’homme s’en fout. autant investir dans du concret qui “ sauvera “ notre futur plutôt que dans l’impalpable. La décroissance peut être aussi dans notre quotidien, un comportement à adopter; ne pas gaspiller, préférer la réutilisation plutôt que l’achat...Certains designers, tels Kazutoshi amano et shinichi sasaki et leur Mould Chair, ont même “ surfé “ sur cette tendance afin de créer des produits réduisant l’impact écologique par sa matière (comparativement à l’impact que certaines fabrications ont sur la planète). Mais ils sont loin d’être les seuls, nombreux sont les sites internet proposant des produits “ éco design “. On trouve fréquemment des objets créés en bois français et 100 % recyclables. des éco produits qui ne contribuent pas à la déforestation mondiale et réduisent ainsi l’impact écologique du consommateur. des entreprises comme idEO proposent sur leur site des vidéos de scénarii de vie du futur, dans lesquels ils imaginent que nous nous préoccuperions plus de nos ressources grâce à des services ou des

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produits astucieux.il reste encore bien d’autres choses à faire dans ce domaine ; le plus dangereux dans ce type d’engouement est de ne pas tomber dans un phénomène de “ mode “, où l’objet en question ne serait plus porteur d’un message salutaire mais d’un message publicitaire, où une fois de plus l’argent et le gain se retrouveraient de nouveau au milieu du système et prédominerait l’idée initiale. Nous pourrions aussi assister à quelques dérives...“ Mes chers compatriotes, l’heure est grave, très grave. C’est aujourd’hui l’existence même de la nation qui est en péril. Vous le savez, la croissance économique mène notre monde au suicide écologique. En effet, plus de croissance, c’est inéluctablement plus de pollutions et moins de ressources naturelles. aujourd’hui, la pollution a atteint un seuil critique pour notre planète. Évidemment, la planète détruite, ce serait la fin de la France ! il faut donc sauver le monde pour sauver la France. Le niveau moyen de consommation des Français est devenu insupportable pour la Terre et seule la décroissance économique permettra de réduire la pression que nous exerçons sur la nature. ainsi, fidèle à sa vocation universelle et humaniste, la France, qui a éclairé le monde avec les Lumières, sera de nouveau exemplaire : elle montrera aux pays riches le chemin de la justice en réduisant de manière drastique sa consommation, ceci afin de partager avec les bientôt 7 milliards de Terriens des ressources planétaires qui ne sont pas extensibles. aussi, je vous engage dès aujourd’hui, solennellement, à réduire, et ceci de la façon la plus radicale qui soit, votre consommation. Chers compatriotes, gageons que nous serons plus épanouis, dans une France et sur une planète qui ne verra plus jamais l’Humain seulement dans sa dimension marchande, c’est-à-dire de consommateur “.Vive la République, Vive la France, vive la Terre et vive la décroissance ! Le Président.

Les dix premiers conseils pour rentrer en résistance par la

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décroissancese libérer de la télévision ; de l’automobile, du téléphone portable ; refuser de prendre l’avion ; boycotter la grande distribution ; manger peu de viande ; consommer local ; se politiser ; développement personnel ; cohérence. “ il faut comprendre que ce mouvement se veut également salutaire pour notre planète. Néanmoins, il ne faut pas le voir comme une doctrine de vie mais plus comme une ligne de conduite à façonner en fonction de notre mode de vie. Tous ces conseils cités plus haut ne peuvent pas être pris à leur sens premier. dans notre société, il semble très difficile de ne plus utiliser ni voiture, ni téléphones portables, de consommer local lorsque l’on vit en grande agglomération... Mais il nous est possible par contre de réduire nos utilisations afin de réduire ainsi considérablement notre impact écologique et économique. Par exemple, pour les transports, le covoiturage reste une alternative raisonnable pour la planète. Le but étant de se façonner une vie moins compliquée, avec moins de biens, moins d’obligations ; ce qui nous déchargera de nombreux stress et angoisses du quotidien.il faut donc trier, analyser ces informations et réfléchir sur notre façon de vivre. Chaque individu peut suivre ce mouvement sans nécessairement réduire sa qualité de vie. il n’existe pas de mode de vie “ pur “ mais chaque compromis que nous ferons sera un pas en avant pour notre planète. Prendre ce mouvement comme philosophie, d’où résulte peut-être une certaine éducation semble plus progressiste que de l’imposer à l’échelle d’un état dans le milieu politique.

L’essentiel...En tant qu’étudiante en design d’objet, il me semble important de réfléchir sur ces sujets. Nous devons mettre en perspective les grands enjeux et les exigences de notre société, pour être capables d’apporter demain des réponses nouvelles. il faut réinventer nos modèles, penser développement durable et éco design. sans tomber dans le radicalisme des commandements énoncés ci-dessus, nous

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devons obligatoirement tenir compte de l’impact écologique de nos créations sur l’environnement et penser l’ “objet “ du concept à la réalisation, de l’interaction avec notre santé dans le choix des matériaux et aussi à sa dégradation.L’objet n’est pas nécessairement une création de besoins donc une envie de consommer, le but premier d’un “ objet “ est de répondre à une demande de la vie courante, une nécessité de “ confort “… Toute production n’est pas à mettre à la poubelle, la production n’est plus synonyme d’inutilité. Le monde de la création a réellement pris conscience de cette nécessité. il appartient à notre génération de la mettre au mieux en application.

Floriane Piat

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• La décroissance : entropie-écologie-économie, Jacques Grinevald, Nicholas Georgescu-Roegen, ed . revue et augmentée, 1979.

• http://www.decroissance.info/• http://www.casseursdepub.org/

BiBLiogrAphie 09. décroissance, l’objection de croissance...

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10. design et utopies

Charlotte Thon

Oogst 1000 de Tjep (Frank Tjepkema)

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fait difficile à situer. Cela s’avère d’autant plus téméraire que l’époque, dépourvue d’innocence et de naïveté, semble peu encline à se laisser séduire par ses chants de sirène. artistes, philosophes et mêmes révolutionnaires se sont attachés à en débusquer les ambivalences. Une suspicion pèse sur elle que pourrait résumer la formule paraphrasant Saint-Just : “ Le désordre d’aujourd’hui et l’ordre de demain “. de fait, “ à peine née, l’utopie se voit doublée de son envers, la contre utopie, qui se moque des prétentions à vouloir organiser le bonheur des hommes. “

Design, utopie et science fiction

Une tendance du design commençait à poindre dans les années 1950 : celle de la science-fiction. Cette tendance va s’amplifier pour finir par s’abâtardir avec archigram, archizoom ou superstudio. Le design se découvre de nouveaux terrains d’investigation. On relie l’imaginaire et l’imagerie de la science-fiction de façon plus libre, non sans un certain kitsch. C’est un véritable engouement pour la science-fiction qui s’affirme dans les années 1960 ; la tendance touche alors tous les domaines, le design industriel, l’architecture, la littérature, le cinéma…

En automne 1964, archigram publie dans sa revue un numéro consacré au thème de Métropolis. Y sont représentés des projets comme Plug-in City (archigram), New Babylon de Constant Nieuwenhuys ou encore La Ville spatiale de Yona Friedman. Même si on y décèle une multitude d’influences (avant-garde, Pop art, situationnisme…), et qu’il est difficile de leur trouver un style bien défini, il est clair que ces œuvres affichent certaines sympathies avec la science-fiction. Les projets d’architecture laissent transparaître une fascination pour les utopies, et quand on parle d’utopie, la science-fiction n’est jamais très loin. Encore aujourd’hui, on peut s’étonner des inventions urbanistiques ou architecturales des années 1960, inventions qui rivalisent dans

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Le design entretient des relations privilégiées avec l’utopie. Parce qu’il a véhiculé et véhicule encore toutes sortes d’espoirs, dans le progrès de la technique, dans celui de la démocratie, dans un avenir “ meilleur “. de fait, le design a largement relayé les utopies industrielles qui prétendaient mettre à portée de tous le progrès, “ le beau, le bon, l’utile “1.

Nombreux sont ceux, designers ou industriels, qui poursuivent ces objectifs. Le sens de l’utopie semble toutefois s’être déplacé, les nouvelles générations étant moins enclines à transposer dans l’avenir un ailleurs utopique. Nombreux sont ceux qui semblent avoir fait leur le fameux slogan de Mai 68 : “ ici et maintenant “. Être capable d’intervenir sur la réalité est devenu l’enjeu majeur, le comble de l’utopie.

désormais, les projets utopiques se mesurent moins à l’aune du temps qu’à celle de l’espace. “ Les pieds par terre, c’est où? “, interroge Enzo Mari, l’un des maîtres du design italien, comme si l’utopie n’était plus à venir mais déjà là sous nos pieds, n’ayant plus qu’un rapport incertain au sol. “ Les pieds par terre, c’est où, à l’heure de la globalisation, de la délocalisation, de la réalité virtuelle, de la mobilité obligatoire? “

il y a une témérité certaine à affronter le terme d’utopie, dont l’étymologie signifie “ nulle part “, l’utopie se trouve de

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monde peut s’acheter une swatch. “

L’objet d’utopie est celui qui rassemble et met en accord le plus grand nombre de de consommateurs, un objet qui soit accessible à tous. C’est également un objet de partage : c’est pour cela que la notion de service entre de plus en plus en compte dans le développement du design contemporain. Le design utopique ne se contente pas de résoudre un problème de confort matériel, depuis l’apparition d’internet, il devient nécessaire d’agir dans le domaine du virtuel et du service, pour favoriser la communication, les liens sociaux, le partage, et donc un nouveau confort qui apparaît dans ce nouveau mode de vie.

La notion qui entre également en compte dans “ le design pour tous “ est comment vivre ensemble. Le design n’est plus seulement un questionnement de l’objet : l’industrialisation, qui a développé le design, a fait apparaître de nouveaux problèmes : surproduction et consommation de masse ont entraîné dérèglement climatique, épuisement des ressources… de sorte que la terre est à présent trop petite pour “ encaisser “ toutes les dépenses énergétiques nécessaires aux hommes pour vivre de cette manière. Le design doit dorénavant s’intéresser au mode de vie de l’homme, l’éduquer à moins et mieux consommer. Pour cela, il est nécessaire de développer la pensée écologique et collective dans les projets à venir: “ il ne faut pas polluer moins, il faut arrêter de polluer “ explique Gunter Pauli, théoricien belge de la méthodologie de la “ pollution zéro “ et directeur de l’institut de recherche ZERi (Zero Emission Research institute). ainsi, la nouvelle utopie du design, c’est aussi de développer un monde où l’on vivrait ensemble et non plus chacun de son côté, pour optimiser le bien-être de tous et de la terre. Cette volonté du design apparaît déjà à travers, par exemple, la conception des éco quartiers.

Les éco quartiers : utopie, marketing ou bonnes pratiques ?

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leur invraisemblance, leur impertinence et parfois leur sens du comique. Que dire par exemple du projet The Walking City de Ron Herron, qui donne à voir des cités mouvantes dotées de pattes télescopiques pour pouvoir sillonner le monde ?

Du design pour tous : une utopie ?

Prenons pour exemple l’entreprise suisse d’horlogerie swacht qui souhaite démocratiser la montre. Le mot d’ordre de l’entreprise est de décloisonner les relations de travail entre les techniciens et les designers pour arriver à créer des objets fiables et utiles aux consommateurs. L’ambition de swatch n’est donc pas de créer un nouvel objet, difficilement compatible avec un processus industriel, sur le marché étroit d’une clientèle de luxe. au contraire, de son point de vue, un objet de design qui n’est pas utilisé par le consommateur n’existe pas. Leur vision d’un design utopique revient à créer une montre qui sera porté par un cadre supérieur aussi bien qu’un ouvrier ; cette montre devra plaire et être accessible à tous. d’après swatch, la maladie de l’industrie contemporaine réside dans l’idée que l’innovation ne peut concerner que les produits hauts de gamme, que l’on déclinera en version économique. Nicolas Hayek, directeur général des montres swatch, explique : “ il faut construire en repartant de zéro pour les besoins de masse, avec un esprit innovateur et le souci de la qualité et trouver de nouvelles solutions. [...] On fait rêver. Mais pas en disant aux gens que c’est trop cher et qu’ils n’y ont pas accès. On fait rêver parce qu’on propose des séries limitées au même prix que les montres de série. [...] Nous sommes pour le rêve, pour la séduction, accessible à tous. Nous ne basons pas le rêve sur l’apparence parce que si vous basez vos rêves sur quelque chose de riche ou quelque chose de cher, quel est le message? Que vous avez suffisamment d’argent pour vous permettre de l’acheter? de quelle valeur s’agit-il? Est-ce une valeur? Pas pour moi. swatch, c’est le contraire. il s’agit de donner du rêve aux gens, même si tout le

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gestion des déchets de chantier, réutilisation d’éléments dans le cadre d’une réhabilitation...).

dans un éco quartier, les habitants seraient impliqués dès la conception du quartier ou au démarrage du projet de réhabilitation. Fidèle aux principes de “ développement durable “ qui place la concertation au cœur du processus, la conception de tels quartiers attache une importance particulière à la mixité socio-économique, culturelle et générationnelle. Le quartier durable promeut un accès plus facile à des activités sportives et culturelles. du point de vue économique, les services et les commerces se voudront multi• fonctionnels.Enfin, un accompagnement est souvent mis en place tout au long de la vie de l’éco quartier pour éduquer les nouveaux arrivants et faciliter leur intégration en fonction des objectifs de développement durable.

d’une manière générale, les éco quartiers entretiennent un rapport complexe et parfois problématique avec l’utopie. En premier lieu en raison de leur insularité : tout a commencé par un récit de Thomas Moore autour d’une île dénommée Utopia. Une société idéale, placée dans un non-lieu imaginaire. L’utopie est donc de pouvoir trouver le monde idéal. Compacte, multifonctionnelle et organisée autour d’un vide central, Utopia n’était-elle pas déjà un éco quartier ? Cette insularité, cet isolement spatial, on cherche dès lors à le moduler pour éviter la parcellisation du territoire et la mise en autarcie d’espaces désignés comme étant des éco quartiers. seraient-ils les espaces témoins de nos “ petits nous “ contemporains, éléments de distinction et de singularisation de nouveaux modes de vie ? Un éco quartier qui oblige à garer son 4X4 dans le bon vieux quartier d’à côté ?

Les éco quartiers sont l’innovation urbaine la plus visible des années 2000. Mais faut-il les considérer comme un aboutissement

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Ce terme est promu par le ministère français de l’Écologie, de l’Énergie, du développement durable et de la Mer pour désigner un projet d’aménagement urbain visant à intégrer des objectifs de développement durable et à réduire l’empreinte écologique du projet. Cette notion insiste sur la prise en compte de l’ensemble des enjeux environnementaux en leur attribuant des niveaux d’exigence ambitieux.

selon les promoteurs de ce terme, un éco quartier concilierait autant que possible les différents enjeux environnementaux dans le but de réduire l’impact du bâti sur la nature :• - Réduction des consommations énergétiques : les bâtiments, notamment, répondent à des exigences très strictes avec des consommations au m² aussi faibles que possible. Les éco quartiers remarquables recourent tous aux énergies renouvelables (solaire, le plus souvent).• - Meilleure gestion des déplacements avec limitation de la voiture et incitation à l’utilisation de transports doux (transports en commun, vélo, marche à pied) : les éco quartiers favorisent l’usage du vélo grâce à des pistes cyclables, la présence de parkings à vélo sécurisés, des voies piétonnes pour circuler en toute sécurité, des arrêts de bus bien répartis, etc.• - Réduction de la consommation d’eau : les eaux pluviales sont récupérées et utilisées pour arroser les espaces verts, nettoyer la voie publique ou alimenter l’eau des toilettes.• - Limitation de la production de déchets : le tri sélectif est de rigueur, mais les déchets verts peuvent également être facilement compostés grâce à des emplacements prévus à cet effet ; le compost peut ensuite être utilisé pour les jardins et espaces verts.• - Favoriser la bio diversité : selon les éco quartiers, des mesures peuvent être prises ou encouragées pour permettre à une flore et à une faune locale de s’épanouir.• - Les chantiers et matériaux de construction peuvent faire l’objet d’une attention particulière (meilleure

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Cependant, comme nous le disions, l’utopie du design est de changer les moeurs pour adopter de nouvelles habitudes meilleures pour l’environnement : les premiers retours sont essentiellement à l’échelle du bâtiment et montrent des résistances culturelles et sociales importantes de la part des habitants. L’ouverture des fenêtres reste très ancrée dans l’usage quotidien et la culture latine, pour faire entrer le soleil, entendre les bruits de la ville, discuter, s’accouder, aérer. Le besoin d’aération ressenti par les usagers s’oppose alors à la ventilation technique du bâtiment. Les habitants des éco quartiers reconstituent aussi les frontières de leur espace privé et installent des canisses, plantes ou voilages sur les balcons au vis-à-vis menaçant, afin de se protéger du regard des autres. d’autres abandonnent leur terrasse au profit du stockage ou encore d’un espace purement décoratif. La distance constatée entre les attentes sur les comportements et la réalité des habitudes, culturelles ou sociales, renvoie historiquement les éco quartiers aux utopies urbaines et questionne ainsi leur pérennité.

Charlotte Thon

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1. les trois notions essentielles enseignées par Socrate, d’où découle la devise de l’

Union centrale des arts décoratifs : “ Le Beau dans l’utile “.

ou comme une étape vers la ville de demain ? Moteurs de changements, ils pourraient rebattre les cartes de manière surprenante, et pas forcément souhaitée par les promoteurs originels de cette fabrique de la ville environnementale. Un million six cent quarante mille occurrences sur Google, des médias à l’écoute, des élus concernés, des acteurs impliqués, sans oublier un public impatient et de multiples sources de subventions : les éco quartier ont le vent en poupe, et malheur à la ZaC (zone d’aménagement concerté) qui n’afficherait pas d’ambitions environnementales exemplaires. Venant à la suite des grands engagement internationaux – charte d’aalborg (1994), appel de Hanovre (2000) et charte de Leipzig (2007) –, ils suscitent un engouement qui semble aller au-delà des mécanismes de communication qu’ils mettent aussi en jeu. s’ils plaisent autant, c’est qu’ils sont d’abord vus comme des briques de la ville durable. “ Un éco quartier est ainsi autant un lieu pilote qu’un aboutissement : il tire la ville vers le durable autant que la politique de durabilité de la ville et la pousse à éclore “, rappelait la revue durable (n°28, dossier L’éco quartier, brique d’une société durable). En somme, le première vertu de l’éco quartier est de faire avancer “ le schmilblick “ autour d’un projet réunissant différents acteurs de la ville : habitants, maire, architecte, constructeurs, promoteurs. incarnation des bonnes pratiques, les éco quartiers suscitent au passage un intérêt renouvelé pour l’urbanisme, sa rédemption auprès d’un grand public n’étant pas la moindre des utopies.

ainsi, à la fois vitrine, symbole et manifestation concrète d’avancées de la politique écologique et durable globale de la ville, l’éco quartier rend visible une intention, attire le regard des citadins sur les mutations urbaines amorcées pour négocier le virage de la durabilité. En outre, le chantier d’un éco quartier offre l’opportunité de former ou de renforcer la formation des professionnels du bâtiment aux nouvelles pratiques.

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• Design et utopies, industries Françaises de l’ameublement • Les villages 2000• L’objet créé par l’homme, dir. Gyorgy Kepes, revue durable, n°28, février 2008, dossier “ L’éco quartier, brique d’une société durable “. • Revue D’Architecture, n° 195, novembre 2010, dossier “ Éco quartier : de l’angélisme à l’expectative “.`

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11. Le design thinking dAns un contexte de décroissAnce

Karouna ChanyudhakornMathieu Briand

Titom, Creative Commons

http://www.partipourladecroissance.net/?page_id=4764

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d’évident, de familier. L’innovation, le développement sont les maîtres mots de notre pensée. Le règne du toujours plus, du toujours mieux pour surpasser les générations précédentes semble un mouvement inexorable. Pourtant ce concept aliénant est exceptionnel si on le compare aux différentes sociétés non occidentales. C’est un concept récent âgé seulement de trois siècles qui a émergé, selon serge Latouche, avec la révolution industrielle anglaise. La notion d’innovation est d’ailleurs intraduisible dans les autres sociétés de langue non européenne. Ces sociétés n’imaginaient pas que demain devait être forcement “mieux“ qu’aujourd’hui. Pour eux, l’essentiel étaient d’arriver à un niveau de satisfaction suffisant pour permettre le bien commun, pas de solutionner de faux problèmes ou de créer de nouveaux besoins et ainsi donc d’innover dans l’inutilité. serge Latouche critique la perversité de ce concept attractif. La “ croissance “ quasi polythéiste du tout est pour tout et même du n’importe quoi. Cette démarche aliénante et illimitée est pourtant totalement inconcevable. “ Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste “ (Kenneth Boulding).

L’absurdité de cette démarche est évidente dans les codes d’identification occidentaux de satisfaction des pays. Par exemple, le PIB • indice statistique d’évaluation des richesses • est censé mesurer le niveau de “bonheur“ de “bien-être“ des pays en se basant sur le “niveau de richesse économique du pays“. Cet indice forge ce mythe de croissance dans la conscience collective à travers la consommation de masse. Une classification hiérarchique de chaque pays en fonction de cet indice de mesure mathématique accentue la quête d’acheminement des nations dans une lutte de chiffre et de croissance illimité.

Les occidentaux justifient cette ligne de conduite à travers l’analyse biologique. L’évolutionnisme darwinien nous a montré que tous être vivant est conduit vers la croissance. La graine quand elle est

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Nous avons choisi de nous intéresser parallèlement à deux théories actuelles : La théorie de la décroissance à travers le regard de l’économiste et philosophe serge Latouche et la théorie du design Thinking développé par l’entrepreneur Tim Brown.L’une remet en cause notre surconsommation et l’autre soulève la question de la place du design dans le monde, de son rôle et de son fonctionnement tout en cherchant à anticiper une nouvelle structure de travail plus participative. Nous étudierons comment ces deux théories, qui peuvent paraître éloignées l’une de l’autre, ont un seul but commun : proposer une alternative au système productif actuel avec pour objectif une croissance plus sociale, écologique et qualitative.

I. La décroissance. Est-elle une utopie ?

serge Latouche remet en question le mythe occidental à travers une analyse des paramètres actuels : climatique, social, et psychologique. son point de départ se base sur le dérèglement climatique et la multiplication des catastrophes naturelles. La planète est usée et de moins en moins vivable. Elle est abîmée, épuisée et l’homme est le seul responsable de ce dérèglement. L’originalité de son analyse porte sur l’identification du leitmotiv idéologique occidental de “la croissance“ comme responsable de cette crise planétaire.

Nous, occidentaux, vivons “la croissance“ comme quelque chose

11. Le design thinking dAns un contexte de décroissAnce

ESSAI D’ESSAIS

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catastrophes à effet pédagogique ont marqué l’histoire. Ce n’est seulement après l’explosion du quatrième réacteur nucléaire de Tchernobyl, en avril 1986, que de nombreux pays comme l’italie ont refusés le nucléaire. La crise de la vache folle à elle aussi engendré un changement de mentalité des consommateurs vis à vis des OGM.

Pour serge Latouche, une conséquence de ce dérèglement est la déterritorialisation des produits de consommation. Tous produit que nous achetons, mangeons, buvons, à parcouru en moyenne 5000 Km avant de nous atteindre. Ce système est la conséquence des baisses des coûts de transport qui représentent une infime partie du coût total d’achat. Ce système a été engendré par le modèle américain d’après guerre. après la seconde guerre mondiale, avec seulement 6% de la population mondiale, les américains produisent la moitié des biens de consommation manufacturée en circulation sur la planète. issu de l’aide américaine pour empêcher la propagation communiste, les États Unies ont engendré la mondialisation, l’uniformisation planétaire ainsi que l’occidentalisation du monde avec ses mythes productifs et ses croyances économiques inéluctable. Cette destruction des particularités géographiques a pour moteur l’artificialisation des coûts de transports des biens de consommations. Pour serge Latouche, il serait raisonnable de multiplier par 10 ou 20 le coût de ces transports. a partir de ce moment il sera possible de redécouvrir la richesse des produits de proximités et de recréer un nouveau système productif. Un nouveau mode de vie en mimétisme avec les systèmes productifs du passé, pour une croissance social et écologique.

Mais de telles solutions sont-elle viables? La facilité de circulation des matières et des hommes à travers le monde a permit, malgré sont impact écologique, une grande liberté et une grande richesse d’échange. si aujourd’hui on multipliait par 10 le coût des transports, on verra certainement se multiplier par 10 les problèmes sociaux. Car seul une classe de la population pourrait voyager. de plus qui

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plantée pousse et ce développe. Mais elle fini par mourir, tandis que le développement économique, lui, est illimité.

serge Latouche cherche par son slogan à casser ce mythe dominant. La décroissance n’est pas une théorie, mais une analyse provocatrice, un constat évident de notre société mise sous œillères. Notre culte, notre croyance dans l’infinité de la croissance n’est pas possible dans une planète finie. Une société de décroissance à pour objectif de changer d’imaginaire, de vision, de mentalité. Le but est d’effectuer une réévaluation de la “richesse“ au travers le relationnel. Vivre mieux, pas en fonction des nouveaux biens de consommations, mais à travers une restructuration sociale par une nouvelle forme d’appareil productif.

À l’heure actuelle, l’empreinte écologique, la quantité d’espace bio-productif que nous consommons à l’échelle mondiale est de l’ordre de 1 hectare 8 par habitant. si on devait être dans une situation durable il faudrait que l’on soit à 1 hectares 4 par habitant, soit 30% en moins de la situation actuelle. Un français pour exemple à lui seul consomme 4 hectares d’espace bio-productif. si toute la planète consommait comme nous il faudrait 3 planètes terre pour combler notre rythme de consommation. Nous consommons en quelque décennies ce que la planète à accumulé pendant des milliers d’années. Globalement la ressource énergétique naturelle, “le pétrole“ n’apparait pas comme une bénédiction du créateur pour l’humanité. Bien au contraire ce cadeau empoisonné a provoqué autant de guerres, que de désastres écologiques et climatiques.

Le seul moyen pour l’occident de se réveiller c’est d’attendre ce qu’appelle serge Latouche des “catastrophes pédagogiques“. On a du attendre les premiers accidents de voiture avant de penser à inventer le code de la route, à l’échelle mondiale c’est le même système : ce sera seulement après des catastrophes suffisamment graves que la planète se réveillera. des exemples significatifs de

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II. Le “ Design Thinking “ est-il si innovant ?

Tim Brown (PdG de la célèbre agence de design idEO) explique sa théorie du ‘design Thinking’ dans son livre intitulé ‘Changes by design’. dans ce livre, il met en avant le fait que le design façonne le monde tout en argumentant en faveur d’une nouvelle typologie de design.sa théorie semble fondée sur un changement de positionnement afin de gagner en sens, en champs d’application et en ‘résonnance’. Par ‘résonnance’ l’on fait référence à ce qui fait qu’un objet dure dans le temps et qu’il reste désiré et admiré. L’objet devient une sorte de marqueur temporel, une référence historique et/ou sociale. Tim Brown insiste justement sur le fait que le design est petit à petit passé du design du monde à un design d’objets focalisé soit sur le créateur de cet objet, soit sur l’objet en lui même : un objet désirable, étonnant mais finalement absolument pas important ni dans son sens ni dans son utilité. L’objet devient alors rapidement ‘à la mode’ et perd son impact. Or, selon Tim Brown l’objet ne doit pas se limiter à une belle forme que l’on apprécie ou convoite, il se doit de transcender la simple esthétique pour questionner, interroger, faire réfléchir et surtout répondre à un besoin.

Le premier point important est celui de changer de point de vue. Ne plus focaliser sur l’objet en tant que tel mais plutôt sur le besoin de l’homme. Ne plus créer une image et un désir mais s’intéresser aux besoins de l’homme dans un pays, dans un contexte, une culture donnée. Résultant alors sur une création ayant un véritable impact. d’où l’expression ‘Human centered design’. Tim Brown propose donc de changer de stratégie : au lieu de penser à ‘quoi construire’, il suggère de construire afin de penser et d’apprendre par la construction, en passant à la phase de prototypage au plus vite afin de se rendre tout de suite compte de ce que nous faisons. il incite à expérimenter, ce qui peut être aussi apparenté à une certaine ‘philosophie de création’. il éloigne alors le design de l’industrialisation et le rapproche de certains domaines artistiques ce

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dit baisse de la croissance dit baisse de la productivité, donc baisse du travail et donc croissance du chômage. L’impact sur les personnes aux revenus modestes serait alors considérable. La décroissance deviendrait alors moteur de la décroissance sociale?

La problématique ne trouvera jamais de réponse dans des systèmes radicaux. Les solutions à trouver sont dans l’émergence douce de systèmes locaux. il faut réapprendre à vivre avec les biens de proximités et réapprendre à consommer. Mettre en place un véritable esprit critique autour des produits que nous utilisons aux jours le jours. Cette théorie de la décroissance pose donc un bilan actuel et réinterroge sur les pratiques quotidiennes de conception design. Le design est par nature en quête d’innovation, de renouveau, de recherche. La décroissance en elle-même apparaît comme antithétique au design. Cette théorie dans l’absolu place donc le design comme un des responsables de cette croissance illimitée, déraisonnée. “ Quatre-vingts pour cent de l’impact environnemental des produits, services et infrastructures proviennent de décisions prises durant le processus d’élaboration en design “ nous indique John Thackara.

Comment alors le design peut-il apporter des solutions à cette question de croissance déraisonnée ? Nous devons remettre en question notre pratique du design. L’innovation ne doit pas y être placée dans une quête technologique ou seulement esthétique. Tout le cycle de vie des produits de sa fabrication à son utilisation doit être questionné. Nous devons élargir le champ du design : de l’objet industriel à la réflexion autour du service, de l’organisation, des infrastructures, des systèmes numériques …La place de l’innovation dans le design doit se modifier afin de changer les mentalités. Le design Thinking apporte-t-il une alternative?

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• Change by Design, Tim Brown, édition Harper Collins• In the Bubble, de la complexité au design durable, John Thackara, cité du design éditions

• http://www.ted.com/talks/tim_brown_urges_designers_to_think_big.html• http://www.ted.com/talks/tim_brown_on_creativity_and_play.html• http://www.dailymotion.com/video/xbltf2_les-entretiens-du-design-5_creation#from=embed• Serge Latouche interview sur “ la décroissance “ http://www.dailymotion.com/video/x1ho9e_serge-latouche-la-decroissance

• Le bureau Google à Zurich : http://www.lepost.fr/portfolio/2008/04/14/1180735_petite-visite-dans-les-bureaux-de-google-a-zurich.html#images• http://www.designutility.com/

BiBLiogrAphie 11. Le design thinking dans un contexte de décroissance

ESSAI N° 11

qui semble être une qualité d’authenticité à ne pas négliger.dans ce sens, il cherche à intégrer l’utilisateur en amont de la ‘méthodologie de projet’, la technologie ou le rendement n’étant plus au premier plan mais se retrouvant détrôné par l’analyse des besoins de l’utilisateur. Le terme ‘consommation’ se retrouve alors en péril puisqu’un véritable rôle est donné au consommateur, il n’est plus passif mais actif et participant, il se retrouve directement impliqué (ce qui change beaucoup de choses !). alors le terme ‘consommation’ ne semble plus être adéquat : si le consommateur n’est plus ‘consommateur’ alors la consommation n’est plus non plus ‘consommation’…un autre débat linguistique pourrait débuter ici et en découlerait une nouvelle économie aux allures ‘plus humaine’.

Conclusion

Compte tenu de la situation actuelle où une certaine désillusion se fait sentir face à un modèle d’économie (basé sur la croissance et la consommation à outrance) en parfait échec, le ‘design thinking’ pourrait être une des théories sur lesquelles se fonder pour contrer ce malaise social : chercher à responsabiliser pour avancer ensemble vers un équilibre global…il semble alors innovant justement dans sa proposition d’ouverture et de restructuration des modèles existants fondée sur une véritable étude de cas et un souci d’échange et de créativité.La décroissance, quant à elle, semble donner des réponses radicales sans doute difficilement applicables à notre monde en mouvement, car peut être trop axées sur un mimétisme du passé bien entendu révolu…

Nous tenterons toutefois de rester optimistes en ne considérant pas le ‘design thinking’ comme une théorie utopique et terminerons par une phrase que Tim Brown utilise souvent dans ses interviews: ‘le plus important est de se poser les bonnes questions’.

Karouna ChanyudhakornMathieu Briand

ESSAI D’ESSAIS

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12. design d’oBjet pour Les services : utiLités et Artifices

Cyrille Blanchard

http://www.lejournaldusmartphone.fr/smartphone/qui-ne-prend-pas-bien-soin-de-son-

smartphone.html

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disposition de l’utilisateur une technologie nouvelle, c’est le rendre dépendant de ce dont il pouvait aisément se passer autrefois.Par exemple, l’iPhone d’apple, icône du design de service dans le secteur de la téléphonie mobile, symbolise perfectionnement technologique et praticité quotidienne. Toutefois, “ perfection et utilité “ ne riment-t-elles pas avec superficialité ? Certaines applications facilitent toujours plus le gain de temps, l’accessibilité la plus totale, mais ceci banalise en quelque sorte nos actions. Tout est rendu si accessible que cela en devient presque insipide. Parfois l’homme aime, inconsciemment ou non, avoir du mal à réaliser quelque chose pour en retirer plus de mérite, mieux valoriser son travail, pour donner plus de sens à l’existence.

Le design de service ne se contente pas que de créer des technologies innovatrices, il s’affaire également à optimiser des services déjà existants. Le concept des Vélib’ parisiens en est un bon exemple. Nous n’achetons ni ne louons plus notre vélo mais en payons ponctuellement l’usage, limité dans le temps, d’un moyen de transport disponible à toute heure là où l’on en a besoin. il s’agit d’un très bon exemple de consommation collaborative, qui consiste à prêter, donner, louer, échanger des objets via les technologies et les communautés des pairs.

À mon sens, le design d’objet pour les services possède ses propres limites. En effet, l’innovation de service pour tous n’est malheureusement pas modulable et encore moins personnalisable. ainsi de Vélib’’ pour lequel, en dépit d’un concept ingénieux et pratique, un même vélo pour tous pourra être idéal pour l’un mais s’avèrera trop lourd et encombrant voire parfois pas assez accessible pour l’autre. de plus, il est tout de même très onéreux pour la Ville de Paris de mettre à disposition des vélos – d’une valeur de 2 500 € pièce – à une population souvent peu respectueuse, pour ne pas dire plus. La pérennité du système à long terme est donc remise en cause, et ce depuis son début. Les coûts exorbitants liés aux réparations et même au vandalisme – 334 millions d’euros sur 10 ans, soit 1621€ par

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Le concept de design de service est fondé sur la compréhension du comportement des usagers pour favoriser l’optimisation ou l’innovation des produits et des services. il s’appuie essentiellement sur l’utilisateur plutôt que sur la production en masse d’objets.Mais les nouveaux services créés ne remplacent-ils pas des actions que l’on pouvait déjà réaliser auparavant, d’une toute autre manière?

de plus en plus, les designers collaborent avec des entreprises de marketing, des sociologues, voire des philosophes, pour se rapprocher de la façon de penser des consommateurs afin de toujours mieux comprendre et anticiper leurs comportements, d’où découlera un besoin auquel il faudra savoir répondre de la meilleure façon. Ce faisant, nous assistons à la dématérialisation des objets devenus services. En effet, une décennie plus tôt, lorsque nous avions besoin de nous rendre quelque part, une simple carte routière nous était nécessaire alors qu’aujourd’hui, les nouvelles technologies nous dirigent expressément dans la bonne direction, lorsque nous lui donnons simplement notre destination finale, rendant alors obsolète les objets que nous utilisions précédemment.

seulement, à vouloir trop anticiper les futurs besoins des consommateurs, les leaders du marché technologique – apple, Orange ou même Google – développent en nous une appétence qui n’est pourtant pas à confondre avec un besoin vital. Mettre à

12. design d’oBjet pour Les services : utiLités et Artifices

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à palier l’inefficacité d’un produit déjà existant, non pas seulement dans l’objectif de susciter un besoin nouveau.

Cyrille Blanchard

ESSAI N° 12

an et par vélo – ne sont en effet pas négligeables.

Par conséquent, tout mène à penser que la faille majeure dans ce design d’objets pour les services aura été de proposer un produit trop généralisé. Chaque utilisateur peut avoir un besoin spécifique comme, pour une femme, un vélo plus léger et plus petit que celui d’un homme. ainsi la normalisation du produit l’empêche-t-elle de s’adapter aux besoins parfois spécifiques de l’usager, et gêne ce dernier quant à s’approprier le bien dont il dispose. appropriation de laquelle aurait probablement découlé un respect naturel évitant vandalisme et dégradation.

dans mon analyse je ne voudrais pas négliger le débat actuel sur l’internet des objets. “ il y a une ambition dans l’internet des objets aujourd’hui comparable à celle qui a animé l’imaginaire d’internet dans les 15 derniers années “ rappelle daniel Kaplan, le délégué général de la FiNG (Fondation internet Nouvelle Génération). En transformant le rôle des objets à travers l’internet, on transforme aussi notre rapport vis-à-vis d’eux. L’objet devient communicant, en réseau, développe de nouvelles qualités sensorielles, réagit à son environnement.

En conclusion, se concentrer uniquement sur l’utilisateur et le mettre au centre de la production de service revient, en quelque sorte, à négliger la force pragmatique d’un objet. Les objets offrent déjà de nombreux services conçus avec des matériaux concrets et palpables. En effet, les services et le virtuel ne sont pas les seules données à prendre en compte pour améliorer notre société. il ne faut pas oublier la capacité des objets à offrir des services instinctifs et primaires de notre quotidien, dont on ne se rend parfois même plus compte, comme la chaise qui permet de s’asseoir. En améliorant la chaise, nous améliorons son confort et son ergonomie qui ajoute une qualité de service aux consommateurs.Le bon service réside dans les qualités intrinsèques de la conception de l’objet, et non pas dans la création d’un service lambda tendant

ESSAI D’ESSAIS

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• Christophe Tallec, sous la direction d’Anna Bernagozzi et Brigitte Borja de Mozota, Le design de service, vecteur de changement dans une économie de la transition.http://christophe-tallec.tumblr.com/page/2

• Le Figaro Magazine via http://www.lefigaro.fr/ : article sur le Vélib’.• http://www.lelieududesign.com/le-design-de-service

BiBLiogrAphie 12. design d’objet pour les services : utilités et artifices

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13. Les frontières du design cuLinAire

Barbara Balland

"Les partitions gourmandes de Guilhem" de Guilhem Chéron, ed. Solar

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travail sur l’image publicitaire de l’aliment, puis l’utilisation même de cet aliment. Emballages, présentoirs, ustensiles, en bref tous les instruments capables de se mettre au service de la nourriture entrent en jeu. Le design culinaire va donc au-delà de la forme et du goût de l’aliment. La première question est peut-être de savoir pourquoi la gastronomie doit-elle faire appel au design ? selon Marc Brétillot, pionnier et spécialiste du design culinaire, c’est “ tout à fait naturel “. La cuisine est, effectivement, la dernière discipline à ne pas avoir eu accès au design. il affirme que l’on “ ne se pose pas la question quand un éditeur de meubles fait appel à un designer pour concevoir une chaise. dans les métiers de bouche, ce n’est pas encore vraiment accepté même si cela suscite beaucoup de curiosité chez les grands chefs. Cela est dû au corporatisme et au poids de la tradition. “ La cuisine doit être re-codifiée par le designer qui doit l’analyser différemment du principe traditionnel des recettes. L’enjeu ? Tout doit devenir possible. L’intérêt est d’avoir des visions et des positionnements différents, créer de nouvelles façons de voir les choses. Le design culinaire permet un renouveau, dit nécessaire, en apportant un esprit d’ouverture. Précisons, alors qu’il ne s’agit pas seulement de mise en forme plastique, que cela peut être une gestuelle, une mise en scène, un concept, de la narration écrite ou verbale. Le stylisme culinaire est toutefois à différencier du design culinaire. En effet, le premier concerne essentiellement l’aspect esthétique, quand le second s’intéresse à la forme, l’usage, la fonction et la valeur. Le stylisme permettra donc une présentation, une représentation du produit, mis en valeur par le biais d’une mise en scène, pour une promotion du produit sous différentes formes : livre de recettes, magazine, emballage... il saisit notre attention et rend le plat plus appétissant qu’il ne l’est déjà. Un exemple très simple permet de distinguer design et stylisme culinaire : l’affiche d’un hamburger appétissant. aucune feuille de salade ne dépasse et le steak est parfaitement cuit. L’image nous met alors l’eau à la bouche : “ J’en veux “. La réalité est bien différente, un hamburger qui ne se tient pas, de la sauce qui coule partout et pour couronner le tout une cuisson carbonisée. il s’agit donc ici de

ESSAI N° 13

il s’agit de s’intéresser de près à cette discipline. En effet, quelques mots ne suffisent pas à expliquer en quoi consiste le design culinaire : “ Je ne connais toujours pas la définition du design culinaire. En tant que designer, il est compliqué de définir le design culinaire “ (Emmanuelle Becquemin, designer). ainsi, la première partie s’intéressera-t-elle à la notion de design culinaire, sous ses divers aspects ; la deuxième à ce qui a motivé l’apparition de cette pratique et, à travers les facteurs déclencheurs, les enjeux qui sont les siens. Y a-t-il un réel besoin caché derrière son caractère premier : luxueux et superflu ? Enfin, nous tâcherons de dégager du sens à travers un aperçu des différentes mises en oeuvres du design culinaire.

Omniprésent dans notre vie quotidienne et célébré sur tous les fronts, le design s’est depuis longtemps mis à la cuisine. Casseroles revisitées, robots surdoués, tout est fait pour simplifier le geste et soigner la présentation. il manquait cependant le génie des fourneaux pour faire monter la sauce et associer la poésie à la technologie, la saveur d’une recette à l’intelligence d’un plat. C’est là qu’intervient le designer, qui ne se transforme pas en cuisinier, mais collabore avec des acteurs des métiers de bouche. ils peuvent ainsi allier leur savoir-faire pour mieux répondre aux problématiques, qu’elles soient formelles, fonctionnelles, nutritionnelles ou encore comportementales. dès lors, il y a plusieurs directives de travail : une recherche des objets et accessoires entourant le plat, un

13. Les frontières du design cuLinAire

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blanche. • Tu n’ignoreras pas la diététique. • Tu ne truqueras pas tes présentations. • Tu seras inventif. “ • N’y retrouve-t-on pas certains principes du design culinaire ? La presse publie à l’envie des dossiers consacrés à la minceur qui est devenue un diktat. Le vrai problème n’est pas tant comment perdre du poids mais que comment bien manger, une des problématiques à laquelle le design culinaire répond. Régimes, mais aussi surpoids. En effet, la population occidentale connaît le problème de l’obésité ; 4 Français sur 10 doivent perdre du poids, dont plus de 11 % d’obèses, et 1 enfant sur 5 est trop gros en CM2. il s’agit alors de donner l’envie de se mettre à table, de manger équilibré pour préserver sa santé, de redonner du sens au goût ; le design culinaire s’imposant une fois de plus comme réponse naturelle. des habitudes simples, et pourtant rompues par l’arrivée massive des fast foods : il faut manger vite, finie l’époque où les consommateurs prenaient une heure pour manger. Le design culinaire est apparu afin de se poser à l’encontre de ces mauvaises habitudes, dans le but de retrouver une bonne hygiène de vie.Le mangeur moderne est devenu un “ zappeur alimentaire “, métaphore issue du livre de Jean-Marcel Bouguereau, rédacteur en chef au Nouvel Observateur et promoteur de la nouvelle nouvelle cuisine : “ Et si c’était bon ? “ (Paris, éd. Chiflet & Cie, 2006). L’appétit de nouveautés et de qualité, un besoin d’évasion et un désir de fantaisie naissent en l’individu. Effectivement, cuisiner devient un hobby en vogue, comme en témoigne le succès des cours et des livres de cuisine. En dix ans, la consommation de sandwiches a doublé, mais le repas traditionnel se porte encore bien ; une enquête du CREdOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) montre que 88 % des adultes dînent chez eux. La nourriture conserve donc sa place et, qui plus est, elle l’améliore : nous sommes de plus en plus intéressés par la cuisine, ce qui va pousser le design culinaire à se développer plus rapidement. Une autre étude a été réalisée auprès de jeunes citoyens, qui sont le plus souvent les victimes des déséquilibres alimentaires entraînés par les fast foods. Toutefois une nouvelle génération juvénile apprécie la cuisine grâce à des émissions télévisées du type “ Chef la recette

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stylisme, et même d’un marketing de base. Le design culinaire, à proprement parler, est bien conscient qu’un plat se sublime grâce à son contexte. Marc Brétillot affirmera ainsi que “ l’espace environnement est très important dans l’appréciation d’un mets “. de la même manière, si le premier aspect du design culinaire est son angle publicitaire, purement esthétique, il va plus loin et s’intéresse tout autant, et peut-être même tout d’abord, à l’aliment lui-même. il doit mener par l’originalité des formes, des goûts et des couleurs, à être comestible. au-delà d’être une sorte de décoration de nos assiettes, le design culinaire implique avant tout une nouvelle façon de travailler les produits. Les designers doivent donc apprendre les caractéristiques physiques des produits, et les chefs tenter d’adapter les modèles qui leur sont proposés. Un réel compromis doit intervenir entre les deux parties afin d’obtenir un résultat satisfaisant, à l’ œil et au goût. Pourquoi maintenant et comment ? Comment peut-on expliquer l’apparition du design culinaire, et quels sont les facteurs qui ont permis à celui-ci de se manifester et d’apparaître telle une évidence ? avant tout, un changement des moeurs alimentaires motive l’apparition de cette pratique. En 30 ans, la société française a connu de profonds bouleversements : les “ Trente Glorieuses “ ont fait oublier la guerre, et le progrès technique devient une véritable religion. Les fruits exotiques ne sont plus des produits de luxe, et les légumes traditionnels comme les topinambours, potirons, orties et autres rutabagas tendent à disparaître des tables (ils reviennent aujourd’hui en force via l’agriculture bio). Les premiers restaurants orientaux ouvrent dans les grandes villes, le culte de la minceur prend le pas sur l’embonpoint des gourmets, lequel devient emblématique de la “ malbouffe “.Le chef Michel Guérard parle alors des “10 commandements de la nouvelle cuisine “ : “ Tu ne cuiras pas trop. • Tu utiliseras des produits frais et de qualité. • Tu allégeras ta carte. • Tu ne seras pas systématiquement modernisé. • Tu rechercheras cependant ce que t’apportent les nouvelles technologies. • Tu éviteras marinades, faisandages et fermentations. • Tu élimineras sauce brune et

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duquel on ne jette rien, cela vous paraît inconcevable, n’est ce pas ? Et pourtant, Martine Camillieri crée des pailles en paille, des assiettes en pain ou en feuille de chou, des picots en branches aromatiques. Elle exploite le domaine du “ savoir mangé “ écolo, zéro déchet. Épatante par sa créativité alliée à une délicieuse association des saveurs, ses créations invitent chaque convive à réaliser de petits actes poétiques individuels pour l’environnement. À l’heure où les apéritifs dînatoires et “ petites cuillères “ font fureur, cette invention permet d’y associer le défi de l’écologie. Le design culinaire est apparu suite à l’intérêt grandissant de la population pour la question écologique. il répond aux attentes actuelles et à l’envie de faire un geste pour l’environnement. ainsi, le design est-il un outil permettant de remédier aux problèmes posés par la rationalisation de la production industrielle. La création artistique, dont il est issu, interroge les univers des produits, en passant par les espaces où l’on se restaure, les objets et les arts de la table, en cherchant parfois à réactiver leur imaginaire. Ces créations, qui questionnent les usages et les représentations de la société, peuvent doter les produits d’une touche de poésie, éveiller nos sens, grâce à l’alliance de la couleur et de la forme, de l’idée et de la technique. dans le domaine de l’alimentation, le design peut ainsi permettre de réaliser des innovations formelles, gustatives, de faire réfléchir aux questions liées à la nutrition et ouvrir l’industrie agroalimentaire vers l’évocation de nouveaux univers, plus sensibles, afin que la société progresse. art et design visent à libérer les consommateurs, les producteurs et les acteurs des marchés, en promouvant la diversité culturelle face au phénomène de mondialisation, et favorisent alors une cohésion sociale. Le design culinaire s’instaure donc en réponse, de façon naturelle, à ces phénomènes divers qui sont venus s’entrechoquer les uns à la suite des autres. La conception ne se fait pas seulement sur le visuel, le résultat final, mais en tenant compte, dès le début du projet, de notions plus globales, de la fabrication de la matière première en passant par l’acheminement et la distribution, pour arriver jusqu’au mangeur.

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“ ou encore “ Un dîner presque parfait “, qui l’ont sensibilisée aux bienfaits des aliments frais ; Cependant la connaissance des produits se perd, et c’est là que peut intervenir le design culinaire, afin de redonner à la population ce savoir. L’avènement technologique, avec sa tendance au spectaculaire, a donné au design culinaire l’occasion de se manifester, telle la cuisine conceptuelle de Ferran adrià. Ne vous attendez pas à un dîner original, le terme est bien trop faible. Ne demandez pas la carte, mais le scénario, vous n’allez pas manger, mais tester des sensations, non pas des plats, mais des propositions tactiles, gustatives et visuelles. Ou encore Pierre Gagnaire qui, lui, est dans “ une cuisine de la virtuosité ; chaque fois dans un geste impossible “. L’on constate alors que ces nouvelles cuisines, moléculaire entre autre, sont celles du design culinaire, entre recherche, innovation, forme, usage et fonction. afin d’illustrer cela, présentons alors “ Whif “, le chocolat par aérosol ! La gastronomie contemporaine se veut ainsi plus légère et aérienne, emplie de nouvelles émotions, d’instants magiques et de redécouverte du goût … “Whiffer“ ou l’art de se régaler par inhalation est un nouveau mode de dégustation du chocolat développé par david Edwards et Thierry Marx. Le “ Whif “ (whiff signifie “ bouffée “ ou “ odeur “ en anglais) se présente comme un petit cigare en plastique. il suffit de placer l’embout dans la bouche et d’inspirer doucement. Une “ délicieuse sensation de chocolat “ doit venir tapisser notre palais. il se déguste à tout moment de la journée. Utilisable de six à huit fois, il est le successeur du classique carré de chocolat avec notre café. Qui plus est, nous nous trouvons actuellement dans l’ère de l’écologie, du développement durable ; bref de la thématique de l’environnement précieux, à préserver. dans cette optique, le design culinaire et ses principes sont également apparus en réponse à ce phénomène. En effet, le design culinaire se propose de repenser le repas, dans le but d’irradier un maximum de déchets après avoir mangé. Martine Camillieri est connue pour ses créations culinaires, et notamment ses pique-niques écologiques. Zoomons donc sur ses “ Petits rien du tout “, comme elle nomme elle-même ses performances de design éphémère culinaire. Concevoir un buffet pour 300 personnes à la fin

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BiBLiogrAphie 13. Les frontières du design culinaire

ESSAI N° 13

Le devenir

En travaillant sur l’apparence de l’aliment, le design culinaire suscite en nous un nouveau désir, une nouvelle relation à la nourriture. En effet c’est bien une relation à l’aliment que développe le Food design. En mangeant bien, beau et bon, le design culinaire incite à manger mieux, à travers une meilleure connaissance des aliments, de la chaîne alimentaire... de plus, le design culinaire, fort de travailler cette relation à la nourriture, joue de l’interactivité pour nous éduquer au delà de la nourriture, à préserver notre santé et celle de notre environnement. Le design culinaire, malgré des fonctions clairement énoncées , reste une forme d’art, quelque chose dont, a priori, nous pourrions nous passer. Or nous avons ce désir de fantaisie, d’évasion, ce besoin de trouver de l’amusement où que cela soit. Le design culinaire est fonctionnel, ses créations étant comestibles et servant à satisfaire nos besoins directs. Mais il faut reconnaître que s’il ne s’agissait que de cela, nous pourrions très bien aller nous cuire un oeuf sans recherche supplémentaire. Comme l’énonçait Blaise Pascal dans ses Pensées, l’Homme est en recherche constante d’un divertissement pour échapper à sa destinée malheureuse. La création artistique culinaire en est une réponse moderne ; c’est par l’acte de générosité que le travail du designer doit s’exprimer sans discontinuer. C’est en reconnaissant la démarche que le design parviendra à ne plus être perçu comme un indigeste “ presse méninge “ ou du narcissisme de concepteur mais comme un acte de générosité destiné au plus grand nombre.

Barbara Balland

ESSAI D’ESSAIS

• Les partitions gourmandes de Guilhem, Livre de cuisine de Guilhem Chéron, éditions solar • Gourmandise, histoire d’un péché capital, de Florent Quellier , éditions armand Colin 2010 • La table des Français. Une histoire culturelle (XV-début XIXème), de Florent Quellier. Presses Universitaires de Rennes 2007 • La Gourmandises, Freud aux Fourneaux, de Patrick avrane. éditions du seuil 2007 • Change By Design de Tim Brown, editions Harper Business.

• La Gourmandise de Boileau à Colette : célébrée ou fustigée? Emission France Culture, par Jean-Noël Jeannenet , diffusée le 01/01/2011.

• Site de l’institut européen de l’histoire des cultures de l’alimentation, directeur Francis Chevrier

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14. Besoin de chAngement décroissance et résilience

Nicolas Patrix

http://griffith-kingsley.blogspot.com/

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en ascenseur pour aller en sérigraphie où j’utilise de l’encre et des feuilles comme bon me semble, j’ai poursuivi mon travail puis retrouvé mon scooter, dépensant à nouveau quelques centimes d’euros, pour aller au « macdo » avec mes amis. Une fois rentré chez moi, j’ai pensé que je vivais plus ou moins dans cette société de consommation depuis que j’étais né, il y a vingt deux ans de ça, bien que mon éducation n’ait pas penchée en faveur du capitalisme, bien au contraire.

Parmi toutes ces futilités, certaines activités me plaisent comme manger de la viande plusieurs fois par semaine, prendre des bains de temps en temps, voyager par avion, gâcher du papier quand j’imprime, parce que j’ai été habitué à vivre comme cela. Et bien que je possède le désir de changer, je ne suis pas pour autant prêt à revenir en arrière. Bien qu’ayant beaucoup voyagé - Chine, Cambodge, Brésil, États-Unis, afrique, inde- et en dépit de profondes différences culturelles, je n’ai pas vu d’autre modèle, toutes ces sociétés vivant autour de l’argent avec le profit pour corollaire.J’ai vu que même dans les endroits les plus reculés, les enfants portaient un T-shirt où figure une fameuse virgule, parce que le capitalisme nous montre un exemple de réussite que l’on applique aveuglement et qu’en sortir ferait de nous des inutiles, des marginaux. L’ argent sépare les gens, les conditionnent à vivre dans un quartier, à se rendre dans un certain type de restaurant et à prendre un certain choix de menus, à aller dans un certain type de magasins pour leurs vêtements, leurs courses.

On considère généralement que l’homme qui ne travaille pas est inutile à la société, surtout si il est pauvre. Par contre, s’il est oisif parce que riche, on le considère comme chanceux. Pourtant chaque être humain est semblable.

Et il faut que cela change, il faut tout reconsidérer, tout analyser,

ESSAI N° 14

aujourd’hui, moi, parisien de vingt-deux ans, je me suis réveillé grâce à l’alarme de mon téléphone posée à côté du lit. Je me suis rendu dans la douche que j’ai fait couler une minute avant d’obtenir de l’eau chaude. J’y suis resté environ 4 minutes puis ai pris ma serviette chauffée par le radiateur. J’ai ouvert le frigo, d’où j’ai tiré un jus dont les fruits proviennent du Brésil. Puis je me suis habillé de vêtements confectionnés par centaines de milliers, importés de je ne sais où. Je suis descendu dans la rue, ai allumé mon scooter et consommé environ 40 centimes d’essence pour arriver l’école.

Je suis allé à la cafétéria, ai pris un café et un pain au chocolat qui n’a jamais vu de boulangerie. après avoir monté les trois étages en ascenseur, une fois arrivé en classe, j’ai allumé un ordinateur, imprime des pages tests sur des feuilles qui étaient autrefois des forêts. descendu une heure et demi après pour fumer une cigarette dans la cour, je suis remonté en ascenseur, ai mis de la musique, suis parti au bout d’une heure pour aller manger pour 3 euros au restaurant universitaire où, chaque jour, depuis trois ans que je viens, il servent les mêmes pâtes, frites, poulets, steaks, pommes, tartes... et cela à des milliers d’étudiants. Nous mangeons très vite, en vingt minutes environ, puis d’autres nous remplacent, soulagés d’avoir trouvé une place parmi tous les assaillants. En sortant, on a déposé nos plateaux encore pleins de nourriture, direction le vide-ordure. On a allumé une cigarette, qui diffère en rien de toutes les autres, puis sommes retournés à l’école prendre un café. Remonté

14. Besoin de chAngement décroissance et résilience

ESSAI D’ESSAIS

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de penser à demain, sinon l’homme devra se trouver 7 autres planètes afin que chacun survivent. il n’y a donc plus d’autres choix pour les 20% des plus riches que de réduire leur production et leur consommation. Cette décroissance allant inéluctablement s’imposer par la raréfaction des ressources naturelles, l’humanité à tout intérêt à anticiper la crise.

Bien qu’un autre courant de penser admet que l’homme n’est apte a réagir que face aux catastrophes. La résilience est à l’origine un phénomène psychologique qui consiste, pour un individu affecté par un traumatisme, à prendre acte de l’événement traumatique pour ne plus vivre dans la dépression. La résilience serait rendue possible grâce à la réflexion, à la parole. Ce phénomène s’est étendu à différents domaines. La résilience communautaire part du principe que l’homme est un être social qui se construit avec/contre son environnement (médias, famille, travail). ainsi, nous créons la société mais c’est surtout la société qui nous crée. dès le plus jeune âge, nous sommes conditionnés par des milliers de facteurs différents, plus ou moins évidents. L’exemple parfait est celui de la cellule familiale dans laquelle on grandit, à travers le schéma classique, où papa et maman nous apprendront à manger, marcher, nous inculquerons les règles de politesse, etc. Mais, indirectement, ils nous apprendront aussi à penser, à interpréter, à communiquer. dans la majeure partie des cas, l’enfant aura le même point de vue politique que ses parents, il va donc se créer dans une première société qui est celle de la cellule familiale pour ensuite entrer dans une société plus ouverte des amis, de l’école. La vie qu’il va mener, dès sa plus tendre enfance, va définir l’ensemble de son avenir. Ma société est donc complètement différente de celle de mon voisin et elle l’est encore plus de celle de ma voisine, car nos sociétés différencient aussi les sexes pour qu’une fille rêve de mariage et de poupées tandis qu’un garçon rêve de pistolet et de cow-boys. Mais ne nous attardons pas sur tous les points négatifs de notre société car une vie ne suffirait pas à les définir.Ces exemples existent par milliers et font que l’on se construit

ESSAI N° 14

tout repenser ensemble pour que l’homme vive en harmonie avec sa planète et ses congénères, pour que nos vies se centrent autour de l’humain et non plus autour de l’argent et du profit. Pour que les 80 % des ressources planétaires n’aillent plus aux seuls 20 % de privilégiés que nous sommes.il faut donc « décroître », mais je dirais surtout qu’il faut se rapproprier nos vies et retrouver un équilibre entre le progrès, l’évolution de la planète et de ses habitants, la monnaie, le dialogue, le partage.

Jean-Claude Besson-Girard nous dit: « La décroissance est d’abord une expression provocante. Elle s’oppose directement au dogme quasi religieux de la croissance. Mais, pour commencer à comprendre le sens de cette provocation, il faut aussitôt affirmer que la décroissance n’est pas une idée économique mais relève d’une représentation du monde où l’économie n’aurait plus le dernier mot. »Cependant, j’ai pu remarquer suite à mes recherches multiples sur la décroissance, que nombreuses étaient les critiques mais rares les solutions concrètes et qu’un appel à un retour dans le passé serait préférable.Personnellement, je pense qu’il faut proposer des solutions à une société nouvelle où chacun prend conscience de son existence parmi les autres.

La décroissance est donc un concept à la fois économique, politique et social, qui se situe à l’inverse du consensus économique et politique actuel, qui place le profit au-dessus de tout autres domaines physique, mental ... Par exemple, la « décroissance économique » cherchent à faire prendre conscience aux individus et à la collectivité que, dans les pays riches, l’empreinte écologique de l’homme a atteint un seuil où la croissance, même « durable » n’est plus possible. Le développement humain passe alors par une décroissance qui doit être pensée et organisée pour qu’elle soit soutenable. Mais il faut surtout dire qu’il est aujourd’hui nécessaire

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choses pour se reconstruire véritablement autour de valeurs plus communautaires que les nôtres, car nous vivons aujourd’hui, non plus dans une ville ou un pays mais sur une planète qui appartient à tous et dont nous sommes tous responsable. il faudrait donc faire le sacrifice de détruire ce que l’on croit être pour devenir ce que l’on est.En tant qu’étudiant en design objets, je me suis interrogé sur différent moyens pour y parvenir.

aujourd’hui, les biens sont uniquement considérés en fonction de leur valeur pécuniaire alors que de nombreux autres facteurs sont a prendre en compte lors de l’achat de ceux-ci. il faut donc redéfinir la notion de prix et de coût de l’objet comme du service. Par exemple, l’acheteur devrait toujours connaître l’origine du produit, son coût de production, le bénéfice produit par l’entreprise, son impact écologique, les conditions de travail ... ainsi l’acheteur aurait le choix parmi un produit respectueux de sa planète et un autre meilleur marché dont la colle est nocive pour ses poumons; en ce cas, je doute que l’argent reste un facteur important dans la décision d’achat. il faut donc ajouter aux euros un autre système comme, pourquoi pas, les « heureux » qui définiraient le bonheur que produit l’objet sur son concepteur, la planète, les autres...

Je crois qu’une des solutions serait de créer un exemple, une entité nouvelle sur un territoire vide où tout serait à construire. Montrer au monde que le bonheur est accessible à travers d’autres idéaux, redevenons sauvages, cherchons au plus profond de nous même ce qui nous fait vivre, ce qui est réel. Cessons de vivre dans l’illusion de faire partie d’un ensemble où chacun est seul.

Nicolas Patrix

ESSAI N° 14

mentalement sur du vent, du moins sur des choses qui auraient pu être complètement différentes en ne changeant qu’un petit élément du passé.Notre monde actuel est la résultante de milliers d’actions passées et n’est de fait qu’une réponse hasardeuse. La résilience intervient donc maintenant afin de repenser la définition même de « société » et sur ce que cela engendre sur l’homme. Parce qu’aujourd’hui notre planète va mal, notre système économique est un désastre et nos valeurs superficielles, nous regardons vers le futur et tentons de reconstruire le monde sur des bases plus humaines, en accord avec nos ressources, nos besoins et sans pour autant rejeter les progrès accomplis. Mais pour cela, il faut se poser les bonnes questions afin d’analyser ce que l’on a construit pour en tirer des leçons sur ce que l’on va entreprendre.

Par qui sommes nous dirigés ? Pourquoi ? Comment ? Vers quoi ? a ces questions, je ne répondrai aujourd’hui qu’un mot, l’ aRGENT. Le monétaire a pris le pas sur tout le reste; par attrait du profit, l’homme serait prêt à tout alors qu’aujourd’hui, des millions de gens meurent de faim. L’homme a perdu de son humanité, pour devenir le plus fort, il écrase ses semblables. On ne vit pas ensemble mais les uns contre les autres. L’individualisme atteint son apogée. Et c’est pour ces raisons, parce que nous subissons en ce moment ces traumatismes, parce que nous sommes allés au bord de la falaise, nous allons changer, prendre une autre direction. Parce que nous allons nous éveiller afin de ne plus survivre, nous allons chercher au plus profond de nous mêmes nos motivations véritables, nous allons enfin vivre en réfléchissant d’avantage avec notre cœur plutôt qu’avec notre tête pleine de « conneries » qu’on nous fait « bouffer » dès qu’on sort la patte de l’œuf ! Mais, la pensée est une chose, l’action en est une autre. Comment peut-on agir pour changer ?

On est tenté bien souvent de penser que retourner dans le passé serait une solution alors que c’est notre passé qui nous fait ce que l’on est aujourd’hui. il faudrait donc revenir à l’origine même des

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BiBLiogrAphie 14. Besoin de changement

• Journal La Décroissance• Institut d’études économiques et Sociales pour la décroissance ...• Décroissance.info• Décroissance - Wikipédia• Qu’est ce que la décroissance? de Serge Latouche

• Borys Cyrulnik, La Résilience, [Entretien]• Résilience - Wikipédia• La résilience Marc Nadeau

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15. Le design messiAniqueou comment la synthèse de nos avancées enfantera le bon design

Lucas dauvergne

http://www.planet-techno-science.com/mathematiques/le-rubik%E2%80%99s-cube-en-

sept-lecons-euh-secondes/

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entraînant la baisse continue du prix de revient des produits, de rendre accessible le design au plus grand nombre. Ce au détriment, envisagé sciemment, de la qualité de vie des ouvriers. Nos objets ont même une durée de vie calculée, destinée au rachat d’une gamme plus récente du même modèle, seule la série ayant changée. Nous n’achetons plus un produit mais un concept, un modèle propagé par la publicité et l’image de marque, sans avoir conscience des réalités de la production en série.

dans le domaine de l’agriculture, cette construction fondée sur une consommation fantasmatique, s’applique aussi ; on essaye de nous vendre un fruit parfait, sans aucune détérioration animale, aux couleurs sublimes et au parfum évocateur… Mais il ne s’agit que du modèle, dans la série, si le fruit est beau, il contient nombre de composants chimiques impressionnant. À tel titre que des scientifiques se demandent s’il ne vaudrait mieux pas pour la santé manger un bol de pâtes plutôt qu’une tranche de saumon : le blé ne contient presque aucun résidu chimique, alors qu’un saumon ingurgite toute sa vie des poissons déjà intoxiqués, ou a reçu une quantité impressionnante d’antibiotiques et d’aliments transgéniques. La laitue n’a pas le goût d’une salade, mais l’image d’un produit sain, bien qu’il en soit tout autrement… Et pour réduire plus encore les coûts, que nos agriculteurs nationaux puissent vivre correctement, nous les subventionnons, à tel point qu’il vaut mieux, en Europe, via la PaC, faire pousser une plante très demandeuse en eau dans une région aride, à grand renfort d’eau courante et d’engrais puissant, plutôt que des tubercules s’adaptant aux pires des conditions.

dans le domaine de l’économie, pire encore, la finance semble évoluer dans une même illusion, avec des conséquences pour le moins dévastatrices : plus des deux tiers du mouvement monétaire mondiale ne se fait pas dans les échanges de biens mais dans ceux d’actions ! Je n’irais pas jusqu’à dire que la spéculation boursière ne serait que du vent sans intérêt, comme l’est le modèle face à la série,

de 1890 aux années 1970, un nouveau grand courant du design apparaissait pratiquement chaque décennie. Puis beaucoup de mouvements vinrent alimenter notre quête du bon objet design, le plus célèbre d’entre eux étant sans conteste le design émotionnel soutenu par Philipe stark. il serait dommage par ailleurs d’oublier le minimalisme et le design écologique, reflétant les désirs de notre civilisation, entre demande de confort, de modernité, de sensibilité, mais aussi du respect de notre environnement.Mais le design, par définition, ne devrait-il pas répondre à toutes les exigences de notre société à la fois ? Comment explique-t-on le manque d’engouement et le manque d’unité dans les concepts, comme l’absence d’une réelle vision d’ensemble sur se que devrait être le design contemporain ?

Prise de conscience

Nous voilà entré depuis dix ans dans le troisième millénaire ; le moins que on puisse dire est que cette première décennie fut le théâtre d’une prise de conscience planétaire, d’un bon nombre de remise en questions. Nous sommes en train de réfléchir au nouveau paradigme qui sera celui du XXi° siècle.

dans le domaine de l’industrie, depuis l’invention du taylorisme, nous nous sommes efforcés de multiplier notre productivité,

15. Le design messiAniqueou comment la synthèse de nos avancées enfantera le bon design

ESSAI N° 15ESSAI D’ESSAIS

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Changer de paradigme

Et si notre problème n’était-il pas tout simplement de devoir redéfinir des concepts socialement admis mais devenu aujourd’hui nocifs ?

Penser progrès et non évolution Le premier d’entre tous ne pouvant plus perdurer me semble être celui de l’évolution. Nous fondons nos créations sur cette idée de (re)nouveau, de changement permanent et non plus de progrès. Toute évolution est bonne à prendre pour vendre le maximum d’un produit sans le modifier à grands frais : une simple signature d’artiste, un coloris inédit… Et si le but d’une entreprise était non pas d’évoluer, par une hausse du cours de l’action ou une recapitalisation, mais de progresser, d’offrir de nouvelles perspectives à notre société, de voir le revenu des employés augmenter ; quelle est son influence auprès des autres acteurs du marché ? L’actionnariat étant plus une charge pour une compagnie qu’un véritable avantage, le mieux serait de s’en dispenser. si l’on prend l’exemple d’apple, l’action ne valait il y a cinq ans qu’une vingtaine d’euros, alors que l’iPod, l’iPhone et le Mac intel étaient déjà présents dans le marché. Mais les investisseurs ont attendu la première crise boursière du nouveau millénaire pour investir dans “ la pomme “, dès lors considérée comme une valeur sûre. L’action passa à 80$ puis, lors du second choc, à 190 $, pour enfin dépasser, depuis les déboires de la Grèce, au-dessus des 300 $. Ces fluctuations n’ont pas vraiment partie liée avec la sortie d’un nouveau produit/concept, mais plus avec la fluctuation boursière mondiale. C’est pourquoi qu’apple n’a jamais versé de dividendes aux actionnaires ; son but est avant tout d’ investir dans le progrès, pour renforcer sa notoriété et, du coup, forcer les traders à investir. L’entreprise maîtrise le marché, proposant du progrès quand les autres parlent d’évolution, ce qui lui permet de ne pas tomber sous le dictat de l’évolution permanente ; ce qui permet, par exemple,

mais sa valeur à été au cours du temps décuplée, jusqu’à devenir absurde. s’il faut certainement récompenser la prise de risque, elle est aujourd’hui minime dans le monde spéculatif, les prêts de capitaux sont en effet orchestrés par ceux là même qui profitent des mouvements boursiers. alors que le capital des entreprises devient toujours plus virtuel, le risque pour les employés de subir la baisse voire chuter leur niveau de vie grandit d’autant. au gré des crises récentes, la finance a parfaitement étendu son emprise sur les nations.

La santé est une autre victime du concept illusoire de modernité. L’allégorie en serait une femme, blanche, excessivement mince, aux cheveux auburn, cadre supérieure, pratiquant le yoga, mangeant des yaourts natures 0 %, et suivant un régime aux céréales… Quelle est la réalité derrière cette image de magazine ? après avoir défini des critères de beauté et de santé, nous avons, afin de dynamiser le secteur de la santé, donné des clefs pour les atteindre : manger moins gras, moins salé, moins sucré, bio, dix fruits et légumes par jours, s’inscrire dans un club de gym. de fait, le sucre et le gras sont des carburants essentiels, mais peut être s’en sert-on de moins en moins et avons-nous oublié comment le faire. La masse musculaire de l’être humain diminue d’année en année : les américains n’effectuent plus que 650 mètres de marche par jours ! Nous prenons la voiture, l’ascenseur et le métro dés que possible et restons assis toute la journée. Les clubs de gymnastique ne servent en réalité qu’à détenir une carte de membre pour se déculpabiliser, au détriment du porte-monnaie ; il n’y a aucune raison pour qu’un tel lieu change en quoi que ce soit notre comportement qui vise au moindre effort.

Une telle prise de conscience est récente : à force de segmenter les corps de métiers, de spécialiser les savoirs, nous avons perdu la vision globale des choses. il nous faut un médiateur, cet épistémologue devra faire ce qui relève déjà du design, à savoir synthétiser la sociologie, la technique, l’économie, le sens et le sensible pour en faire un tout simplexe.

ESSAI N° 15ESSAI D’ESSAIS

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Bien entendu, notre planète se porterait mieux si nous limitions le renouvellement d’objets, nous affranchissant de fait d’un certain nombre de problèmes écologiques. de plus, les productions durables peuvent remettre au goût du jour le marché déprécié de l’occasion ; si nous voulons renouveler notre intérieur, il nous suffirait alors de “ troquer “ nos meubles par de nouveaux.

L’écologie

Nous gérons mal nos ressources naturelles ; des signes montrent l’aggravation constante de l’état de notre écosystème. Mais n’oublions pas une chose essentielle : “ rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme “ (antoine Lavoisier). il ne faut pas, dans le mot “ écologie “ ne retenir que “ éco “ mais plutôt, à mon sens, se concentrer sur la logique. Je vais donc, par des exemples, essayer de tracer quelques pistes pouvant nous mener vers une meilleure gestion de nos ressources.Mon père me fit état récemment de la réaction perplexe qu’avait eu le fermier de son village d’enfance lorsqu’il apprit que l’on élevait aux États-Unis des centaines de bovins en même temps, nourris aux céréales : “ Mais comment espèrent-ils gagner de l’argent avec toutes ses installations, alors que nos prairies satisfont toutes nos attentes en matière d’infrastructure ? “Une vingtaine d’années plus tard, de grands agronomes se demandent si ce fermier n’avait finalement pas raison. Qui dit agriculture intensive de bovins dit aussi grands locaux, vitamines et antibiotiques coûteux pour combler à la faiblesse des animaux en surnombre, forte mortalité et besoins en eau et en céréale phénoménaux. si l’on revenait à des exploitations plus modestes, nous supprimerions nos besoins en locaux techniques, en eau et électricité, en céréales, antibiotiques et compléments alimentaires : un boeuf issu d’une agriculture plus raisonnée serait ainsi bien plus rentable que celui issu d’une filière classique.

Comme pour les bovins, qui dit agriculture intensive, dit moyens

de ne rien sortir de nouveau pendant plusieurs mois, alors qu’un concurrent sortira une création toutes les semaines. apple profite des évolutions technologiques bien après les autres, préférant attendre que celles-ci permettent un progrès et non une simple évolution technologique sans applications cohérentes. Les actions ne sont utiles lorsqu’il s’agit de lever des fonds pour la création ou la refonte d’une entreprise, mais ne doit pas devenir une fin en soi. Peut-être vaudrait-il mieux ne pas rentrer dans les mœurs de la finance, et garder les dividendes au sein de l’entreprise, au risque de se faire mal voir des investisseurs, jusqu’au moment où la cohérence des productions de la société finit par séduire les investisseurs.

Penser durable

il semble que nous n’avons pas pris la définition de durable dans le bon sens, plus dans le sens de la résistance à l’usure et aux changements de mœurs que d’une approche écologique. On nous répète sans cesse qu’il faut économiser l’eau domestique, l’éclairage, acheter un meuble en aggloméré plutôt qu’en bois exotique. Mais sachons-le, la part de la consommation en eau par le particulier et sa municipalité ne représente que 10% de la consommation mondiale, contre 21 % dans l’industrie, et 69 % dans l’agriculture. Les mêmes disparités concernent la consommation d’électricité.On nous sensibilisera aussi sur l’économie du bois mais, si nous avons tendance à acheter un meuble en kit plutôt qu’en bois brut, nous nous retrouvons obligés à le changer tous les trois ans, le meuble ayant vieilli prématurément, alors qu’il y a à peine un siècle une table de campagne pouvait perdurer des dizaines de générations. Nous ne consommons pas forcément trop mais surtout mal ! si nous réduisions la fréquence de nos achats sporadiques au bénéfice d’objets conçus pour durer à un prix conséquent, nous nous dirigerions peut-être vers une voie plus pérenne économiquement, parce que fondée sur la qualité et le progrès, et sociologiquement, sur la sauvegarde de savoirs artisanaux et une valorisation du travail de l’ouvrier.

ESSAI N° 15ESSAI D’ESSAIS

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soumettre trop facilement.Le “ Less is more “ caractérise le design de ces dernières décennies, toujours plus épuré, à tel point qu’une mode du “ personnalisable “ prend de l’ampleur chez les consommateur. il est certes très important, et notre prise de conscience écologique nous y encourage, de penser à l’économie de moyens, de ne pas tomber dans la décoration excessive et de prendre en compte l’esthétique des consommateurs mais, à force d’épurer la forme, la matière et la couleur, afin de plaire au plus grand monde, à force d’acculturer la forme, nous tombons dans des styles neutres, sans intérêt, peut être sympathique au début, mais si pauvre qu’ils finissent par se faire oublier, il nous faut vite personnaliser l’objet en question, ou même en acquérir un autre. Le problème ne tient pas tant à la sophistication de la forme qu’au “ caractère “ de l’objet. Nous ne comprenons pas entièrement les éléments naturels, si nous apprécions l’esthétique d’un paysage, nous ne l’expliquons pas entièrement, et c’est sûrement l’une des raisons qui fait que nous pouvons difficilement nous en lasser. Le fait de rendre une esthétique trop évidente tend à appauvrir le rapport que l’utilisateur entretient avec son objet. si l’on fait un inventaire des courants du design qui ont du succès encore aujourd’hui, tous ont un parti pris fort, les designers ont donné une forte personnalité à leur objet, ce qui les a rendu indémodables et respectables. aujourd’hui la tendance est plutôt au dépouillement de la forme et à la monochromie, alors que les magasins parisiens de design contemporain ferment, et que des antiquaires spécialisés dans le design des années 1920 à 1970 fleurissent dans tout Paris. Faut-il y voir un lien ?

Le design de demain

Nous avons fondé notre civilisation sur la technique de la taille : celle de la pierre afin de bâtir des églises, celle de l’animal pour nous procurer de la viande. Nous avons découvert plus récemment

déployés pour fortifier l’élément cultivé, largement fragilisé par le surnombre. Lorsque l’on souhaite développer la viticulture, il faut utiliser des désherbants, des fongicides, des insecticides, exploiter un terrain pendant une durée limitée, celui-ci devenant rapidement stérile. Le terrain étant débarrassé de toutes vie extra viticole, il ne peut s’aérer naturellement, la terre est si dense que l’eau n’arrive plus à y pénétrer, ravinant le sol, en entraînant avec elle le peu de minéraux encore contenu dans le sol, transformant le terreau de l’exploitation en matière sablonneuse. Lorsque les plantes ne trouvent pas les éléments nécessaires à leur survie, il faut leur donner des compléments artificiels faisant adaptés et les surprotéger contre les insectes. alors qu’en agriculture raisonnée, le désherbage est mécanique et non chimique, les lombrics et autres aérant la terre et transformant les déchets organiques en composte. Les besoins en eau sont bien moins importants en raison de la perméabilité du sol, tandis que les insecticides peuvent se limiter au simple sulfate de cuivre, les plants étant nettement plus résistant qu’en agriculture intensive.depuis le début de l’industrialisation, nous nous sommes efforcés de segmenter nos domaines de compétence, pour en approfondir le contenu, résoudre nos problèmes de façon plus pointue. Mais il existe un revers à la médaille, si l’on reprend les exemples juste ci-dessus ; une chose est remarquable : nous voulions un meilleur rendement, l’industrialisation nous a apporté les infrastructures nécessaire. Cette densité de production fragilise les plantes, les agronomes ont apporté la chimie nécessaire à leur survie. Les productions sont toxiques, les médecins soignent nos cancers. À chaque problème, sa solution. Mais les secteurs étant totalement segmentés, chacun apporte sa solution dans son domaine, rarement avec une vue globale du problème. Nous sommes dans un immeuble en feu : les scientifiques tentent de nous rendre insensible au feu, les ingénieurs réfléchissent à comment solidifier la structure pour l’immufigée, mais personne ne pense à éteindre les flammes. il faudrait peut être d’abord penser à l’éradication du problème plus qu’aux solutions de colmatage auquel nous avons tendance à nous

ESSAI N° 15ESSAI D’ESSAIS

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Les traitements de surface connaissent une véritable révolution même s’il existe depuis plusieurs décennies déjà des verres qui peuvent, selon un champ électrique, devenir soit transparent, soit opaque, voire réfléchissant. Nous savons aussi, grâce aux oxydes de titane, créer des surfaces autonettoyantes, du moins lorsqu’elles sont exposées à un ensoleillement correct.Nous commençons à chercher à agir directement sur le matériau pour qu’il puisse acquérir des fonctions supplémentaires, simplifiant les infrastructures, comme avec l’effet lotus : lorsqu’une feuille de lotus, de capucine, de chou, et bien d’autres, sont en contact avec de l’eau, celle-ci ne peut que ruisseler sur la plante, de microscopiques poils de cire recouvrant la feuille, la rendant super hydrophobique, une couche d’air se formera donc toujours entre la surface de la plante et l’eau qui la recouvre, emmenant avec elle toutes les saletés. si tous nos revêtements recréaient l’effet lotus, nous n’aurions pratiquement jamais besoin de les nettoyer, celles-ci étant presque insalissables.Nous sommes aussi capables de créer des matières changeant de couleur en fonction de la chaleur, d’autres antimicrobiennes ou supraconductrices : nous approchons de la logique du vivant, chaque élément composant un objet sera peut-être en mesure à l’avenir de se modifier, de s’adapter par lui-même à son milieu.

si nous passons en revue tout ce que nous venons de voir, il apparaît que pratiquement tous nos problèmes peuvent se résoudre par la mise en place d’une éthique forte, accompagnée d’une vision d’ensemble, sensible et conceptuelle. Ces qualités caractérisent le design qui, à mes yeux, deviendra primordial parce qu’il ne se cantonnera pas au design de produit mais, comme il le fait déjà, s’orientera aussi vers le service. Le design va remplacer, ou tout du moins s’intégrer aux services marketing, d’urbanistes, etc. Le design va s’imposer comme le “ métier de synthèse “. Nous avons compris que la croissance ne se fait pas sur une évolution du capital, mais plus sur un progrès, une avancée qui se vendra bien parce qu’elle est utile et esthétique. il va devenir de plus en plus difficile de communiquer

ESSAI N° 15

la mécanique qui, associée à la chimie, nous permet d’accéder à l’automatisation.depuis quelques décennies, nous apprivoisons le modulable, la logique automatisée, en soit, l’informatique. Mais nous entrons dans un univers bien plus passionnant, celui du biologique. Nous n’allons plus couper des arbres pour en débiter des planches et faire des meuble, mais construire ceux-ci par assemblage savant de molécules, agglutinées les unes aux autres jusqu’à former un ensemble cohérent. Nous n’aurons plus besoin de motoriser un objet pour que celui-ci puisse se mouvoir, les matériaux qui le composeront se déformeront à façon, à la manière d’une cellule musculaire. si nous savons transformer tous nos matériaux, et cela au niveau moléculaire, nous pourrions accéder à une gestion bien plus évidente de nos ressources. Tout ceci peut sembler un peu abstrait et optimiste, mais l’ère biologique, ou l’ère nano technologique, est déjà en marche, comme on peut voir ci-dessous quelques applications pionnières :

En alliant du nickel et du titane, et par un procédé spécifique de fonderie, nous sommes capables aujourd’hui de fabriquer des alliages à mémoire de forme, avec des métaux capables de se déformer puis de reprendre leur forme initiale par une légère augmentation de température, ou un faible courant électrique, tout en dégageant une force considérable pour retrouver sa forme de fonderie. Nous utilisons déjà ces alliages dans la fabrication de relais, de vérins et d’agrafes chirurgicale se serrant lorsqu’elles sont fixés à un os, atteignant dés lors plus de 35 °, température à laquelle elle retrouve sa forme de fonderie.

Une entreprise américaine produit chaque jour dans ses laboratoires plusieurs centaines de milliers de véhicules de taille nano scopique qui, à terme, pourront suivre des marqueurs radioactifs qui les emmèneront à l’emplacement exacte d’une tumeur, d’un caillot dans une artère, pour ne détruire que l’élément problématique.

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BiBLiogrAphie 15. Le design messianique

• Voyage aux pays du coton, d’Erik Orsenna• Le Système des objets, de Jean Baudrillard• Raisons pratiques, de Pierre Bourdieu• Mythologies, de Roland Barthes• Peinture photographie film, de Lázlò Moholy-Nagy • Nos enfants nous accuseront, de Jean-Paul Jaud

• Le monde selon Monsanto, arte Vidéo• Design saison 1 et 2, arte Vidéo• Les nanotechnologies, arte Vidéo

sur un objet ou un service incomplet car le consommateur tend à devenir de plus en plus expert. Grâce à la démocratisation d’internet, les nouvelles générations ont accès à un savoir inégalé jusqu’à présent, de façon quasi immédiate, depuis son téléphone ou son ordinateur. si nous segmentons et spécialisons nos corps de métiers, nous évoluons parallèlement vers les “ amateurs experts “. L’accès immédiat au savoir nous permet de déjouer les pièges des spécialistes, détenant nous même une partie du fonctionnement de ses techniques.Le marketing de demain s’oriente déjà vers de nouveaux supports, la publicité traditionnelle étant d’un moindre impact et bien plus coûteuse qu’une performance sensible dans un lieu publique. Les retombées seront bien plus importantes, et l’image de la marque se verra renforcée. si cela reste un peu à la marge aujourd’hui, ce phénomène va devoir se démocratiser. durant les années 1990, la finance était reine, le trader sublimé, le design émotionnel et le marketing adulé. aujourd’hui, la tendance s’inverse : nous voyons de plus en plus les logiques marchandes de manière péjorative, les écologistes gagnent en notoriété : il y a vingt ans, la personnalité favorite des Français était Bernard Tapie, aujourd’hui Nicolas Hulot. Toutes ces nouvelles technologies et prises de conscience devraient permettre aux designers de mener à bien nos aspirations, par une gestion plus adaptée de nos ressources, un choix de matériaux adaptés et une esthétique significative.

Notre rôle de futur designer est peut-être d’imposer nos idées, notre vision globale, à l’instar de Philippe stark, en servant de précurseur, “ d’influenceur “, et si nos idées sont appréciées, peut-être d’aider à l’élaboration de notre nouveau millénaire.

Lucas dauvergne

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BiBLiogrAphie générALe du cours

Les basiques

• “Da così a così.Industrial design: teoria ed esperienze”, Giuseppe Chigiotti, , Maschietto e Musolino, Firenze-siena.• “I pionieri dell’architettura moderna”, Nikalaus Pevsner, Garzanti, Milano.• “Disegno Industriale: un riesame, la speranza progettuale“, Thomas Maldonado, 1970/1992Feltrinelli, Milano• “Industrial Design”, John Heskett, Rusconi, Milano.• “Design a concise history”, Thomas Hauffe, Laurence King, London (Barron’s).

Histoire

• “100 objets du design“, Raymond Guidot, Hazan.• “Storia dell’Architettura Moderna”, Kenneth Frampton, Zanichelli, Bologna.• “Storia del Disegno Industriale, vol. 1,2,3”, Enrico Castelnuovo, Electa, Milano.• “Storia del Design”, Renato de Fusco, , Laterza, Bari. • “Storia della tecnologia, vol. 1,2,3,4,5,6,7,8”, Charles singer, Bollati Boringhieri, Torino.• “Il design italiano 1964-1990”, andrea Branzi, Baldini &Castoldi, Milano

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• “Being Digital”, Nicholas Negroponte, New York, MiT Press.• “Reality Check”, Bruce sterling, Wieners & Pescovitz, Hardwired• “Autrement qu’être ou au–delà de l’essence“, Emanuel Levinas, La Haye, Nijhoff • “Das Schweigen der Wörter. über Terror und Krieg”, Ulrich Beck, Frankfurt am Main, suhrkamp Verlag• “Popper e Benetton. Epistemologia per gli imprenditori e gli economisti”, Massimo Baldini, Roma, armando• “Le rapport Popcorn, Clicking, Eveolution”, Faith Popcorn Les Editions de l’hommedouglas Ruhkoff Cyberia, • “High tech, high touch”, John Naisbitt Megatrends, Broadway• “Trendbuch 1, 2, das Zukunftmanifest”, Matthias Horx, Kultmarketing, Econ Verlag• “Future Schock, The third Wave”, alvin Toffler, Powershift• “Facts+ Thoughts”, Marzano, Philips design• “Scanning the future”, Yorick Blumenfeld, Themes & Hudson• “Socio Styles Système“, Bernard Cathelat, Les editions d’organisation.• “Lifestyle“, Bruce Mau, Phaidon.

Environnement :

• “Du bon usage de la nature : pour une philosophie de l’environnement“, de Catherine Larrère, Raphaël Larrère (Catherine Larrère est professeur à l’université de Paris i Panthéon-sorbonne, spécialiste de philosophie morale et politique. Ingénieur agronome et sociologue, Raphaël Larrère est directeur de recherches à l’iNRa.).

BIBLIoGRAPhIE GéNéRALE DU CoURS

• “La Casa Calda“, andrea Branzi, Editions de L’Equerre. 1985.• “La matière de l’invention“, Ezio ManziniEditions du Centre Georges Pompidou. 1989.• “La laideur se vend mal“, Raymond Loewy, Gallimard• “DESIGN. Storia, teoria e prassi del Disegno Industriale”, Bernhard Burdek, Mondadori, Milano• “Teoria e pratica del Disegno Industriale”, Gui Bonsiepe, Feltrinelli, Milano

Sémiologie

• “Il sistema degli oggetti”, Jean Baudrillard, Bompiani, Milano• “Miti d’oggi”, Roland Barthes, Einaudi, Torino• “La caffettiera del masochista”, donald a. Norman, Giunti, Milano• “Design, percorsi e trascorsi”, Gillo dorfles, Lupetti, Milano

Sciences humaines, technologie

• “Die Zukunft der menschlichen Natur. Auf dem Wege zur liberalen Eugenetik Jürgen Habermas”, Frankfurt am Main, suhrkamp Verlag• “L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberspace“, Pierre Levy, , Paris, La découverte• “Qu’est-ce que le virtuel ?“, Pierre Levy, Paris, La découverte• “Homo technologicus”, Giuseppe O Longo, Roma-Bari, Laterza• “The Gutenberg Galaxy. The Making of Typographic man”, Herbert Marshall McLuhan, Toronto, University of Toronto Press

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• “The Transition Handbook: From Oil Dependency to Local Resilience“, Rob Hopkins, Green Books, 2008• “Ecological Intelligence“, daniel Coleman, allen Lane Ed., 2009

BIBLIoGRAPhIE GéNéRALE DU CoURS

• “Design pour un monde réel“, Victor Papanek, éditions Mercure de France, 1974.• “Le principe responsabilité“, Hans Jonas, éditions Flammarion, 1979.• “So lasst uns denn ein Apfelbaeumchen pflanzen“, Hoimar von ditfurth, droemersche Verlagsanstalt, 1981• “Almanach d’un comte des sables“, suivi de quelques croquis de aldo Leopold, aubier 1995• “Eternally yours, time in design“, Ed. Ed Van Hinte, 2000• “Towards Sustainable House-hold Consumption? Trends and Policies in OECD Countries“, OECd(Organisation for Economic Cooperation and development) (2002). • “Get ready for a new economic era“ de Paul saffo (revue “What matters“, 26/02/2009).• “Cradle to cradle : remaking the way we make things“, McdONOUGH, William et Michael BRaUNGaRT, New York, North Point Press, 2002.• “Slow design: eco-efficiency“, de Fuad-Luke, alastair, The Eco-design Handbook, Thames & Hudson, 2002• “Il y aura l’âge des choses légères“, Thierry Kazazian, Victoires Editions, 2003.• “Biomimicry“, Janine Benyus, Edition Perennial, 2002• “In the bubble, designing in a complex world“, John Thackara, MiT press, 2005.• “Emotionally Durable Design, Objects, Experiences &AEmpathy“, Jonathan Chapman, Earthscan, 2005• “Worldchanging: A User’s Guide for the 21st Century“, de alex steffen, Bruce sterling (introduction), al Gore (Foreword), Harry N. abrams, inc, 2006• “Croissance Sans Limites • Objectif Zéro Pollution • Croissance Économique Et Régénération De La Nature“, Pauli Gunter, Quintessence, 2007

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