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VISION SINDICALE #06 1 ISRAEL & PALESTINE 2 G7 3 NEPAL, BURMA 4 WORKERS’RIGHTS & GSP, WOMEN’S DAY 5 CAMBODIAN TEXTILE 6 G8 7 CHINA & HONG KONG 8 INTERNATIONAL COMMEMORATION DAY FOR DEAD AND INJURED WORKERS Jacky Delorme Guinée: Le mouvement syndical moteur du changement En réussissant à mobiliser les forces vives du pays au début 2007, les syndicats ont fait naître un immense espoir parmi une population privée depuis toujours de démocratie. Plus de huit mois après la grève générale marquée par une répression sanglante, le défi pour les syndicats est aujourd’hui de rester soudés et de capitaliser sur cette popularité pour faire avancer le pays au plus vite sur la voie des réformes. Reportage. VISION SYNDICALE #06 CSI Confédération syndicale internationale Octobre 2007

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➔ Jacky Delorme

Guinée: Le mouvement syndicalmoteur du changementEn réussissant à mobiliser les forces vives du pays au début 2007, les syndicatsont fait naître un immense espoir parmi une population privée depuis toujoursde démocratie. Plus de huit mois après la grève générale marquée par unerépression sanglante, le défi pour les syndicats est aujourd’hui de rester soudéset de capitaliser sur cette popularité pour faire avancer le pays au plus vite surla voie des réformes.

Reportage.

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d’ailleurs dans ce secteur que les progrès les plusimportants ont été engrangés. Dans les entreprises dugroupe RUSAL souvent montré du doigt pour ses pratiquesabusives, les salaires ont été revus à la hausse (+ 50%) etles conventions collectives sont mieux respectées. Pour lessyndicats des mines, ce changement d’attitude dumanagement est directement lié aux événements du débutd’année et à la légitimité accrue des organisations detravailleurs. Dans l’administration, les effectifs pléthoriques

Le changement est-il en routeou bien le pays continue-t-il à

glisser vers les ténèbres? En toutcas, à Conakry qui a la réputationd’être la capitale d’Afrique la plusobscure, et dans les localitésdesservies par le réseauélectrique, les coupures sontmoins fréquentes. La fournitureen eau – quand les réseauxexistent- semble égalementmeilleure. Le prix du carburant estredescendu à 4.300 francsguinéens le litre (1). Les prix desdenrées de première nécessitécontinuent à fluctuer fortement.Début octobre, le prix du riz,véritable baromètre pour mesurerle pouvoir d’achat des Guinéens,variait du simple au double.Tandis que l’approvisionnementen riz subventionné à 80.000 FGle sac de 50 kilos permettait desoulager quelque peu lapopulation de Conakry, les prixrestaient très élevés dans lesrégions les plus enclavées dupays (jusqu’à 150.000 FG).L’interdiction d’exportation desproduits agricoles, halieutiques etforestiers qui court jusque fin2007, est globalement respectée.La disponibilité de ces produitsest meilleure et à des prixgénéralement inférieurs à 2006.Malgré ces mesures jugées“improductives” par la Banquemondiale et le FMI, les principauxbailleurs de fonds ont convenud’aider le pays en dégageant desaides urgentes et en réactivantdes programmes d’assistance àplus long terme.

Les principaux indicateursmacroéconomiques s’améliorent:le taux d’inflation qui était de38% en mars est retombé à 18 %en septembre. La monnaie s’estraffermie et les avoirs extérieursnets de la Banque centrale de laRépublique de Guinée ont été légèrement reconstitués.Priorité des priorités pour permettre le décollage économiquedu pays, la refonte du code minier et des conventionsminières avance enfin. En ligne de mire, les malversations,les pots de vins, ainsi que les exonérations fiscales etdouanières qui ont, jusqu’à présent, annihilé toute possibilitéde redistribution équitable et transparente des revenuspotentiellement très importants de l’industrie minière. Sur leplan des conditions de travail et des libertés syndicales, c’est

Sur la voie du changement? premier bilantimide Les premiers progrès sociaux sont visibles mais la corruption et l’insécurité pèsent sur l’avenir.

Chronologie des événements

● 5 janvier 2005: création del’Intercentrale CNTG-USTG. LaConfédération nationale destravailleurs guinéens (l’anciennecentrale unique) et l’Unionsyndicale des travailleurs deGuinée sont les deux plusimportantes centrales du pays.

● Mai 2005: la CNTG adresse uncahier de revendications augouvernement, principalementsur le contrôle des prix et lahausse des salaires.

● 15 novembre: après l’échecdes négociations, la CNTG lanceune première grève généraled’avertissement de 48 heures.

● 10 février 2006: l’IntercentraleCNTG-USTG adresse une autreplate-forme de revendications augouvernement, sur le soutien aupouvoir d’achat, la promotion del’emploi et de la protectionsociale, le renforcement dudialogue social et le respect deslibertés syndicales.

● 27 février: l’Intercentraleentame une grève générale de 5jours.

● 3 mars: protocole d’accordsigné par le gouvernement, lepatronat et l’Intercentrale.

● 8 juin: Devant le non-respectdu protocole d’accord etl’augmentation du prix ducarburant, l’Intercentrale lanceune nouvelle grève générale, quiconduit à des violences (11morts). l’Intercentrale la suspendaprès avoir reçu de nouvellesassurances du gouvernement.

● 10 janvier 2007: nouvellegrève générale et illimitée àl’appel de l’Intercentrale CNTG-USTG élargie à l’ONSLG et àl’UDTG, pour non-application duprotocole d’accord. Les syndicatsdénoncent aussi la libération le16 décembre par le chef de l’Etatde deux représentants du secteurprivé accusés de corruption;

● 14 janvier : après unerencontre avec le chef de l’Etat,l’Intercentrale élargie lui transmetses propositions de sortie decrise, parmi lesquelles son départde la présidence en raison de sesproblèmes de santé;

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des avocats (six avocats font partie de cette commission)lancée pour protester contre des violences policièresexercées sur l’un d’entre eux.

Un profond sentiment d’insécurité persiste aujourd’hui enGuinée. Début mai, les militaires sont sortis de leurscasernes pour protester contre des arriérés de salaire. Leurscoups de feu ont tué deux personnes et ont fait plusieursblessés. La vie des leaders syndicaux continue à êtremenacée. En avril, la plantation de Rabiatou Diallo, lasecrétaire générale de la CNTG, a été incendiée. En juillet, ledomicile d’Ibrahima Fofana, le secrétaire général de l’USTG,a été saccagé. Enfin, les discordes entre partis politiques àpropos de la composition de la Commission électoralenationale indépendante ont entraîné un nouveau report desélections législatives.(1) En octobre 2007, un euro valait environ 6.000 FG.(2) La libération fin 2006 par le président Conté du patron des patrons Mamadou Syllasoupçonné de détournements de fonds publics avait été l’une des causes de la grève généraledéclenchée en janvier.

et parfois virtuels (abandons de poste, fonctionnaires“détachés”, salaires parfois versés malgré le décès, etc.)sont en passe d’être “toilettés” pour reprendre l’expressiondu nouveau ministre de l’Emploi, de la Fonction publique etde la Réforme de l’Administration qui, par ailleurs, aannoncé le recrutement imminent de 9.705 fonctionnaireset de 6.705 policiers. Le dialogue social est réamorcé auniveau national avec un patronat redevenu plusfréquentable après le départ de son ancien présidentsoupçonné de corruption et un gouvernement de consensusqui garde la confiance des syndicats malgré la lenteur desréformes et un cadre existant (Conseil économique etsocial, Commission consultative du travail et des loissociales, comités paritaires, etc.) peu opérationnel. Dans lesecteur de l’éducation, si les résultats fin août des examenspour le baccalauréat (20% reçus sur 45.545 candidats) sesont révélés catastrophiques (faillite de l’enseignement,désarroi des jeunes), ils témoignent cependant de la volontédes nouvelles autorités de mettre un terme à la tricherie quigangrenait le système par une évaluation aussi sérieuseque possible.

Leaders syndicaux toujours menacés

La persistance de la corruption à tous les échelons inquièteles syndicats et les autres organisations de la société civile.Elle est le principal obstacle au changement à tous lesniveaux: du petit fonctionnaire mal payé qui cherche uncomplément de revenu au richissime homme d’affairemalhonnête mais bénéficiant de protections en haut lieu (2).Elle est aussi entretenue par les anciens dignitaires durégime qui continuent à graviter autour du chef de l’Etat, lessyndicats parlant à leurs propos de “gouvernementparallèle” et de “forces rétrogrades”. Les blocages portentaussi sur les décrets relatifs à la nomination des membresdes cabinets ministériels qui doivent être approuvés par leprésident. Les ministres actuels doivent s’accommoder dehauts cadres qu’ils n’ont pas choisis et en qui ils n’ont quepeu confiance. L’impunité reste totale concernant les crimescommis. La Commission d’enquête sur les violations desdroits humains durant les grèves n’avait pas encorecommencé ses travaux à la fin septembre et il y a peu dechance qu’elle le fasse en octobre en raison d’une grève

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● Pauvreté: 40% de la population (qui totalise 9,2millions) vit en dessous du seuil de pauvreté. LaGuinée est au 160ième rang (sur 177 pays) de l’indicede développement humain.

● Objectifs du millénaire: La Guinée affiche desperformances au-dessous des moyennescontinentales pour les principaux indicateurs liés àl’atteinte des Objectifs de développement du millénaire(santé, scolarité, etc.). Pire, la Banque mondiale noteune tendance à l’augmentation de la pauvreté et de lamalnutrition, alors qu’elle recule au niveau continental.En cause, l’insuffisance des ressources publiquesallouées à l’accès à l’éducation, à la santé et auxdenrées alimentaires de première nécessité.

● Corruption: Selon Transparency International, laGuinée était en 2006 le pays le plus corrompud’Afrique.(sources: Banque mondiale, PNUD et www.irinnews.org)

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L’agenda chargé de l’IntercentraleVitres brisées, portes et armoires défoncées, éclats de balles dans les murs, la Bourse du travail, siège de la CNTG,l’ancienne centrale unique, porte encore les stigmates de la répression de début 2007. Mais plus que jamais, c’estvers ce bâtiment que convergent quotidiennement un grand nombre de travailleurs guinéens et de visiteursétrangers. Récit d’une journée ordinaire d’une intersyndicale sollicitée de toutes parts.

“Rabiatou a montré qu’elle est une femme trèscourageuse. Tout le peuple guinéen lui fait

confiance”, lance Alima Camara. La présidente del’Association guinéenne des femmes et orphelins infectés etaffectés par le VIH/sida attend depuis deux heures unerencontre avec la dirigeante charismatique de la CNTG. Dansle passé, elle a participé à des séances de sensibilisation desyndicalistes et elle aimerait convaincre celle-ci de lancer unnouveau programme de prévention. Mais l’entrevue a peu dechance de survenir aujourd’hui. Rabiatou Diallo, tout commeles principaux responsables syndicaux du pays, ont unagenda surchargé.

Actuellement, ils sont tous réunis dans la salle de

conférence de la Bourse du travail avec une délégation de laBanque mondiale et du FMI. Depuis quelques mois,l’Intercentrale CNTG-USTG élargie à l’ONSLG et à l’UDTG estconsultée très régulièrement par les deux institutionsfinancières internationales. Leurs représentants se disentglobalement d’accord avec les revendications syndicales quifigurent sur la feuille de route (1) et avec le contenu duProtocole d’accord tripartite signé en janvier 2007 qui doitêtre mis en œuvre par le gouvernement de consensus. Maisils critiquent les subventions sur le riz “qui devront êtrefinancées en sabrant dans les dépenses et la suspension desexportations des denrées alimentaires et des produitsforestiers “qui ne va pas dans la bonne direction et qui prive

● 17 janvier: devant l’absence derésultats tangibles, desmanifestations pacifiques sontorganisées dans tout le pays. ÀConakry, la répression des forcesde l’ordre fait de nombreuxblessés. Les jours suivants, lespremières victimes tombent.

● 22 janvier: l’Intersyndicale etles coalitions de la société civilemobilisent à Conakry des dizainesde milliers de manifestants. Lesforces de l’ordre répliquent entuant plus de 40 personnes. LaBourse du travail est saccagée.Les syndicalistes sont durementfrappés, en particulier I. Fofana,secrétaire général de l’USTG. Ilssont arrêtés, puis relâchés dansla soirée.

● 27 janvier: la grève estsuspendue après que lessyndicats se soient vus promettrela nomination d’un Premierministre de consensus auxpouvoirs élargis, lesrevendications socialesdemandées de longue date et lamise en place d’une commissiond’enquête sur les exactionscommises pendant les grèves.

● 9 février: le président Contédésigne son bras droit, E.Camara, au poste de Premierministre. Les manifestationsreprennent aussitôt, des émeutesfont de nouvelles victimes. L’étatde siège est proclamé et lesperquisitions sont souventprétextes à de nouvellesexactions (vols, coups, viols etmeurtres).

● 22 février: le président finit paraccepter de nommer un nouveauPremier ministre issu d’une listede cinq candidats présentés parles syndicats et par la sociétécivile.

● 25 février: suspension de lagrève. Selon les chiffres officiels,la répression aurait fait au moins129 morts et plus de 1.700blessés, beaucoup plus selon lessyndicats.

● 26 février: L. Kouyaté, l’un descandidats présentés par lessyndicats, est désigné Premierministre et le 28 mars, legouvernement de consensus estmis en place.

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le pays de rentrées importantes.” Après quelques échangespolicés, le ton monte. Louis M’Bemba Soumah de l’USTGdemande aux représentants de la BM et du FMI ce qu’ils vontfaire concrètement pour aider le pays à se relever “parce quedans le passé, vos interventions en Afrique se sont révéléesdésastreuses.” Rabiatou Diallo se veut apaisante endemandant davantage de concertation “pour éviter denouvelles réalisations malheureuses de la Banque mondialecomme ces kiosques sur les marchés censés protéger lesvendeuses de la pluie et du soleil, mais qui sont mal conçuset dès lors abandonnés par les femmes qui vendent mieux endehors.”

Sollicités de toutes part

Après la réunion, les responsables syndicaux se concertent etajustent leurs rendez-vous. Une délégation officielle del’Union européenne se déplacera demain à la Bourse dutravail. Le ministre du Commerce a demandé à rencontrer lesleaders syndicaux pour discuter des décisions à prendreconcernant les stocks de bois bloqués au port de Conakry.Les sonneries des téléphones portables laissent présagerd’autres rendez-vous urgents. Les sollicitations sontinnombrables. Elles émanent de la presse, d’ambassades,d’employeurs, d’organisations de la société civile, mais ausside simples quidams convaincus que leur salut passenécessairement par les syndicats. Ibrahima Fofana, secrétairegénéral de l’USTG, convient que les attentes de la population

sont très lourdes à porter par les syndicats: “Tous lesGuinéens sont prêts à adhérer à nos organisations. Ils setournent vers nous pour tous leurs problèmes. Même desmilitaires et des douaniers viennent nous trouver pour nousexposer leurs doléances. La corruption est telle que chaquedécision de justice a un prix. Nous, nous parvenons à faireannuler des décisions de la Cour suprême, alors c’est vrai,nous sommes fort sollicités.” Et Ibrahima Fofana de déplorer“l’incompétence des parlementaires, l’absence d’une forced’opposition digne de ce nom et la non-implication desintellectuels dans la vie politique du pays.”

Besoin de compétences pointues

Pour Dilé Diallo, formateur syndical et haut fonctionnaire auministère de l’Emploi, de la Fonction publique et de laRéforme de l’administration publique, il est toutefois crucialde capitaliser sans tarder sur cette dynamique dechangement que le mouvement syndical a enclenché: “Lesmeilleures intentions du monde ne suffisent pas. Il y a ungrand besoin de professionnaliser nos organisations et de lesrendre autonomes. Elles ont besoin de compétencesendogènes. Il faut poursuivre la formation de formateurssyndicaux et surtout former des spécialistes en économie, endroit, en négociation, en communication, etc. Autant despécialistes qui manquent aujourd’hui et dont l’absence seressent dans les négociations avec les employeurs”.(1) En mai dernier, la CSI et l’Intercentrale élargie ont organisé une conférence internationale surles thèmes de la démocratie et dudéveloppement durable. A cette occasion, une feuille de routea été remis aux autorités.

“ Tous les Guinéenssont prêts àadhérer à nosorganisations. Ilsse tournent versnous pour tousleurs problèmes

Ibrahima Fofana,USTG.

Fondeurs (ferblantiers) dans le quartier de Matoto à Conakry, octobre 2007.

L’informel majoritaire

L’informel concerne entre 65 et80% de la population etreprésente économiquemententre 45 et 65% du PIB.

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“Quand il y a eu cet appel à la grève générale, nous n’avons pas hésité un seul instant. Pourtant, c’était une première.Jusque-là, nous pensions que la grève, cela ne concernait que les fonctionnaires, les enseignants et les transporteurs.Mais il y avait un tel ras-le-bol face à la pauvreté, à la corruption. Ici aussi, loin de la capitale, c’était perceptible dansla population. C’est la grève, cette solidarité entre tous ceux qui souffrent, qui nous a ouvert les yeux. Rendez-vouscompte: même notre imam nous a encouragées à poursuivre la grève, tant la population est accablée par la pauvreté.

Ensuite, la CNTG au travers de ses structures locales nous a invitées à des réunions de sensibilisation. Le syndicatnous a contactées alors que nous étions déjà bien organisées, nous sommes par exemple déjà représentées à lachambre de commerce locale. Mais cela ne suffit pas. Nous en sommes bien conscientes maintenant, tant au niveaulocal que national, le syndicat est mieux armé pour défendre nos intérêts.”

“Le syndicat est mieux armé pour défendrenos intérêts”, Mariama (Union des teinturièresde Moyenne-Guinée)

Plongée au cœur de Matoto l’informelleA l’Union locale des travailleurs de la commune de Matoto, cinq travailleurs affiliés sur six sont actifs dansl’économie informelle. Une force vive qui participe pleinement au changement… et donc aux syndicats.

Matoto, la commune la plus peuplée de Conakry(450.000 habitants environ), déborde d’un trop plein de

vie. Tous les petits métiers s’y pratiquent avec d’autant plusd’intensité que les gains sont souvent dérisoires et que lesbouches à nourrir sont nombreuses. Dans une baraque entôle ondulée, des femmes fabriquent du savon. L’huile rougeest versée dans de grands fûts et mélangée avec de la soudecaustique, du colorant jaune et du parfum. La pâte obtenueest malaxée et transformée en boules rondes. La coopérativede saponification de Matoto est affiliée à la CNTG. C’est uneaffaire de femmes … et d’enfants. Fanta Diallo, secrétairegénérale de l’Union locale des travailleurs de la commune deMatoto, l’une des 3 seules femmes qui occupent ce niveaude responsabilité à la CNTG: “La plupart de ces femmes sonttrès pauvres. Elles sont veuves, divorcées ou à la retraite. Lesbénéfices? Négligeables. Mais au moins, elles ne doiventplus acheter leur savon et leur détergent. Elles peuvent aussiles distribuer à leurs proches. Pour elles, c’est une façon dese sentir utile et de retrouver un peu de dignité.” Autour deleurs mains et de leurs bras, elles ont enroulé des vieillesfripes et par-dessus quelques bouts de plastique retenus pardes élastiques.

De l’autre côté de l’autoroute, le bruit des fondeurs(ferblantiers) couvre celui des véhicules. Ils sont près de 900à travailler là, dans un dédale de cours et d’ateliers. Lamatière première, ce sont les tôles abîmées qu’une usineproche accepte de leur vendre à prix réduit. Au moyen de cequ’ils appellent avec indulgence des cisailles et des masses,ils fabriquent des seaux, des entonnoirs, des fourneaux…Les prospecteurs qui partent tenter leur chance à larecherche d’un filon d’or sont leurs principaux clients. Lavente de leurs produits est assurée par leurs femmes. Letranchant des tôles cause beaucoup de blessures. Lamoyenne d’âge est très basse.

Mamadou Dioulde Diallo a 10 ans. Il vient de la ville de Labédans le Fouta-Djalon. Ses parents l’ont confié à un maître quitravaille ici. C’était il y a 3 ans. L’enfant ne reçoit pasd’argent, mais il est “nourri et pris en charge”. En réalité,

Mamadou dort sur place, comme d’autres enfantsabandonnés ou mis à disposition. Le jour, ils travaillent et lesoir, ils gardent les ateliers et la marchandise. Bien sûr, celan’empêche pas les raids de voleurs souvent à peine plusâgés qu’eux qui les dépouillent et les battent. Eradiquer letravail des enfants et assurer l’éducation pour tous, c’estl’objectif universel du mouvement syndical. Un objectifencore très loin des réalités guinéennes, où “il y a tellementd’enfants qui trâinent dans les rues”, se désole Sara DioumaDiallo, secrétaire général de l’Union des fondeurs de Matotoqui comme beaucoup ici pensent “qu’au moins dans lesateliers, ils apprennent un métier”.

Fabricants de savon, fondeurs, cordonniers, bouchers,menuisiers, etc. Toutes ces occupations liées à l’informelforment le gros des troupes de Fanta Diallo: “sur 6.000adhérents, moins d’un millier est actif dans le secteur formel!Je suis sans arrêt appelée par des travailleurs informels pourun problème à régler avec des propriétaires, des riverains, lamairie, un service de taxation… Maintenant, c’est lacoopérative de l’abattoir qui m’appelle parce que le Premierministre veut le fermer. Sa résidence n’est pas très loin. Maisoù iront-ils s’ils doivent partir?”

“Beaucoup de coopératives sont affiliées aux syndicats

Ces dernières années, un grand nombre de coopératives sesont affiliées aux centrales syndicales, surtout à la CNTG. Etle mouvement se poursuit. Madeleine Tounkara, responsabledu secteur informel à la CNTG: “L’an dernier, les travailleursde l’informel ont été les premières victimes de la hausseincontrôlée des prix et de la baisse du pouvoir d’achat. Ceshommes et ces femmes vivent au jour le jour. Quand lamaladie survient, c’est un drame pour eux et pour leursfamilles. Le point positif, c’est qu’ils sont souvent organisésen coopératives, tant dans les villes que dans lescampagnes. Nous essayons de monter des mutuelles desanté. Nous les aidons du mieux que nous pouvons. Ils leperçoivent et nous rejoignent. L’Etat ne fait strictement rienpour ces coopératives. Il leur prend un peu d’argent sousforme de taxes et les laisse travailler”.

C’est la grève,cette solidaritéentre tous ceux quisouffrent, qui nousa ouvert les yeux.

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La CNTG, la première centrale du pays est dirigée par unefemme, Rabiatou Diallo. L’ONSLG compte un grand

nombre de femmes dans son bureau exécutif. L’USTG aussiavec notamment deux femmes secrétaires généralesadjointes. Les femmes guinéennes ont, il est vrai beaucoupde revendications à faire entendre et les syndicats comptentindéniablement parmi les structures les plus appropriéesdans la Guinée actuelle pour défendre leurs droits si souventbafoués. Mais ces femmes ont dû faire preuve d’opiniâtretépour en arriver là. Comme en témoigne Taïbou Diallo,secrétaire générale adjointe de l’USTG (1): “Lorsque j’aicommencé à militer, nous n’étions que des faire-valoir dansles syndicats, juste bonnes pour des fonctions subalternes.La création de départements “genre” a été une premièreétape. Aujourd’hui, nous sommes 11 femmes sur 21 siègesau bureau exécutif!”

Lors des premières campagnes de recrutement de l’USTG,Taïbou avait remarqué que les femmes avaient peur des’affilier. En marge de la commission technique des femmestravailleuses de l’USTG, Taïbou décida dès lors de créer en1997 l’Association pour la défense des droits des enfants etdes femmes (ADDEF), pour sensibiliser la population à cesdeux questions si étroitement liées.

La Guinée a ratifié un grand nombre de conventions etd’instruments juridiques internationaux qui portent sur laprotection des femmes et des enfants, mais, dans lapratique, elles sont rarement appliquées. Résolus à luttercontre cet immobilisme, les militantes d’ADDEF ont cherché àinformer les femmes sur leurs droits légaux en formant des

auxiliaires juristes dans les principales langues du payschargées ensuite de se déployer dans toutes les régions.Grâce à cette initiative relayée ensuite par d’autres ONG, ungrand nombre de femmes ont été sensibilisées, despratiques abusives ont changé dans les communautéstouchées et des décisions de justice plus équitables ont étéenregistrées. Mais la législation guinéenne reste incomplète.C’est pourquoi par exemple l’ADDEF exerce un lobbyingacharné pour la ratification de la convention n°183 de l’OITsur la protection de la maternité.

L’éducation au centre de la promotion des droitsdes femmes

D’autres membres de l’USTG se sont intéressés à l’approche“genre”. On les retrouve en force au sein du Syndicat libredes enseignants et chercheurs de Guinée (SLECG).L’éducation est, bien entendu, au centre des préoccupationsquand il s’agit de promouvoir les droits des femmes. Lesfilles y ont un accès limité (voir page 12) et cela se répercutesur la parité homme-femme dans le personnel enseignantdu primaire (30% de femmes) et plus encore du secondaire(4% de femmes). Malgré ou plutôt à cause de cela, le SLECGa initié ces dernières années deux activités trèsintéressantes avec l’aide de la coopération canadienne. Lepremier programme était destiné à combattre lesstéréotypes discriminatoires et les préjugés socioculturelsnéfastes aux filles et aux femmes. Pour transmettre cesmessages (aux enfants, aux parents, mais aussi auxenseignants eux-mêmes), divers moyens ont été utilisés :des dossiers pédagogiques, des bandes dessinées, desaffiches ainsi qu’une pièce de théâtre. Un secondprogramme portait sur la prévention des violences faites auxfilles en milieu scolaire (2).

Car les principaux obstacles tiennent dans la persistance despréjugés sociaux-culturels, des croyances religieuses et detraditions rétrogrades. Aujourd’hui encore, le droit coutumierprédomine bien souvent face au droit civil. “Ce qui me fait leplus mal, explique Taïbou, ce sont les mariages précoces.Quel fléau! La loi fixe à 18 ans pour les hommes et à 17 anspour les femmes l’âge requis pour le mariage, mais ce n’estabsolument pas respecté. Beaucoup de jeunes filles sontdonnées en mariage à 12 ou 13 ans. Les syndicats et lesorganisations de la société civile dénoncent cela. Mais lesfamilles trichent sur les déclarations et présentent de fauxactes de naissance. Ou bien elles se contentent d’unmariage religieux ou traditionnel.”

L’excision, le mariage forcé, le lévirat sont d’autres violationsdu droit civil largement répandues. Tout comme la polygamiequi est la pratique la plus courante en matière d’union danstoute la Guinée, y compris, confirme Taïbou, “… parmi lesresponsables syndicaux.”(1) Mariama Penda B. Diallo occupe également le poste de secrétaire générale adjointe del’USTG.(2) Le SLECG et l’ADDEF sont membres de la Coalition nationale de Guinée pour les droits et lacitoyenneté des femmes (CONAG-DCF).

Rabiatou, Taïbou, Mariama et toutes lesautres… la force opiniâtre des femmes dans les syndicatsOutre qu’il transcende les différences ethniques, le mouvement syndical guinéen a une autre particularité qui est àla base de sa popularité : il doit beaucoup aux femmes qui y sont bien mieux représentées que dans le reste de lasociété guinéenne.

Combattre lapersistance despréjugés sociaux-culturels, descroyancesreligieuses et detraditionsrétrogradesnéfastes auxfemmes

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Rabiatou Diallo, SG de la CNTG en visite à l’intérieur du pays en octobre 2007.

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Mines: un trésor à décadenasserCodes miniers inéquitables, conditions de travail déplorables, le secteur minier guinéen n’a pas bonne réputation.Depuis quelques mois, des progrès sensibles sont toutefois enregistrés grâce notamment à l’action des syndicats.

Deux tiers des réserves mondiales de bauxite, d’énormesquantités de minerai de fer à très haute teneur, des

gisements de diamant d’où sont sortis quelques-unes desplus grosses pierres au monde, de l’or, du nickel et aussi,depuis peu, de l’uranium et du pétrole, le sous-sol de laGuinée regorge de richesses peu et surtout très malexploitées. En 2005, le secteur minier a contribué à 80% desrecettes extérieures du pays, mais il n’a procuré que 130millions de dollars US au Trésor public. Un chiffre dérisoire quijustifie que la Guinée, à l’instar de quelques autres pays trèspauvres mais au riche potentiel minier important soit qualifiéede “scandale géologique”.

La mauvaise gouvernance est directement en cause, àtravers surtout un cadre légal déficient. D’importantesexemptions fiscales et douanières sont octroyées auxentreprises minières étrangères et ces dernières ont la facultéde conclure toutes sortes d’arrangements spéciaux avecl’Etat guinéen qui figurent dans des annexes “protected bybusiness secrecy”. En 2005 et 2006, des contrats portant surdes mégaprojets ont encore été conclus sur ces basesopaques, en violation des principes de “l’Initiative sur latransparence des industries extractives”, une coalitioninternationale regroupant des gouvernements, des industrielset des organisations de la société civile.

“La population et les travailleurs guinéens n’ont jusqu’ici reçuque les miettes. Mais le contexte a changé depuis lesévénements de début 2007. L’Intercentrale est à présentétroitement associée aux travaux du Comité interministériel

de renégociation des conventions et accords miniers et l’oncommence à obtenir des résultats”, explique MamadoubaSoumah, secrétaire général de la Fédération syndicaleprofessionnelle des mines, carrières, industries chimiques etassimilées (FSPMCICA, affiliée à la CNTG). Récemment, desmalversations des compagnies Hyperdynamics(hydrocarbures) et Aredor (diamant) ont été découvertes. Lacompagnie américaine qui s’apprêtait à exploiter à très boncompte le pétrole guinéen off-shore devra revoir sa copie defond en comble, quant à Aredor, ses exportations ont étégelées en raison des irrégularités financières commises cesdernières années. “Toutes les compagnies qui sont activesdans le secteur doivent s’attendre à de profondschangements” ajoute Mamadouba Soumah. “Avec Rusal parexemple, tout est à refaire.”

Salaires augmentés de 50%: des premières victoiresencourageantes

Ce groupe russe présent sur plusieurs sites en Guinée estdans le collimateur du syndicat minier depuis des années, enraison d’une convention qui lui est outrageusementfavorable, mais aussi parce que le premier employeurétranger du pays n’a pas la réputation de ménager sestravailleurs et encore moins les syndicats dont plusieursmilitants ayant été licenciés ces dernières années. Etpourtant, même dans le groupe Rusal, la situation s’estconsidérablement améliorée ces derniers mois comme leconfirme Kalil Dombouya, responsable du syndicat au port

Terminal portuaire pour l’exportation de bauxite, Conakry, octobre 2007.

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minier de Conakry: “Plusieurs de nos revendications ont étésatisfaites en juin dernier. Les salaires ont été augmentés de50%, l’ancienneté est mieux prise en compte, les négociationssont devenues plus franches depuis le changement politique.Mais la convention collective est loin d’être respectée.” Sur lesautres sites, à Debele notamment, les responsables syndicauxont enregistré les mêmes progrès. Mais ils restent prudents etsavent que beaucoup reste à faire concernant les logementsdes travailleurs, les soins médicaux, le recours important à lasous-traitance, etc. Ils déplorent aussi l’absence de Guinéensdans le management (un seul directeur guinéen au terminalminier du port de Conakry).

En outre, les dégâts causés à l’environnement par RUSAL etles autres groupes miniers sont innombrables comme l’affirmeMamadouba Soumah: “Les populations riveraines souffrent dela pollution. Les villages et les champs sont recouverts d’unepoussière rougeâtre. Les eaux chargées de silice ruissellentdans les bas-fonds, gâtant le riz qui y est cultivé. Et les plaintesdes villageois ne sont jamais entendues. Ils ne reçoiventaucune indemnisation.” Des cas de pollution accidentellesurviennent régulièrement. En septembre, un train minier adéraillé, déversant de grandes quantités de produits toxiquesdans la nature. En octobre, une coulée de soude provenantd’une usine à Fria (Basse-Guinée) et se jetant dans une rivièrea blessé une quinzaine de riverains.

Plus puissants que n’importe quel organe de presseindépendant local, les départements de communication desgroupes miniers essaiment leur propagande sur l’importancede leurs réalisations sociales. Mais même la Banque mondialerelativise cet apport, estimé à 20 millions de dollars US depuis1987, estimant que “Le secteur aurait pu davantage contribuerau développement communautaire et à l’amélioration du cadrede vie d’un nombre plus important de Guinéens. Bref, lesecteur aurait pu être un moteur de croissance et de réductionde la pauvreté.” Comme l’explique un Guinéen, “La populationn’est pas dupe. Elle sait que les inaugurations d’écoles

construites par les compagnies minières qu’on montre à latélévision ne sont pas suivies d’effet, qu’il n’y a pasd’enseignants et que, tôt ou tard, ces classes serviront d’abripour les chèvres.”

Pour devenir une locomotive du développement du pays, lesecteur devrait aussi investir dans la transformation desminerais sur place. La bauxite, de loin la principale source derevenus pour le pays, est exportée brute dans sa presquetotalité. La seule unité de production d’alumine (le produitdérivé de la bauxite servant à la production de l’aluminium)est de faible capacité. Le nouveau gouvernement est biendécidé à inverser cette tendance en n’accordant plus depermis d’exploitation pour la seule extraction de la bauxite,mais seulement si des investissements sont faits en matièrede raffinage. “À dire vrai, confiait un cadre syndical, lescompagnies minières sont un peu trop vite montrées du doigt.La mauvaise gouvernance, le climat des affaires etl’insécurité ont aussi un impact ravageur sur le secteur.Pourquoi ces compagnies auraient-elles investi à long termesans plus de garanties? Et pourquoi Rusal n’accepterait-ilpas de s’asseoir autour de la table avec le gouvernement etles syndicats? Après tout, une convention minière, ça lie lesdeux parties.”

Tout porte à croire que la volonté du pays de se réapproprierses ressources n’est en rien contradictoire avec l’ambition dedévelopper ce secteur industriel (1). Plus que jamais, desgroupes étrangers se bousculent pour obtenir des permisd’exploration et d’exploitation. Des investissements colossauxsont programmés dans les prochaines années. Le nombreactuel de travailleurs employés (guère plus de 10.000) par lescompagnies minières pourrait alors rapidement doubler outripler, sans compter les nombreux emplois induits.(1) Comme le déclare Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie 2001 et ancien chef économiste dela BM, “l’Etat bolivien vient de renégocier ses contrats pétroliers avec les compagniesproductrices. Auparavant, le pays ne recevait en retour que 18% des revenus. Après cetterenégociation, il en reçoit 82%. Et pourtant, les groupes pétroliers sont restés.” (Le Soir, 16octobre 2007).

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La population et lestravailleursguinéens n’ontjamais reçu quedes miettes…maisces derniers mois,on progresse.

MamadoubaSoumah,FSPMCICA.

“ Terminal portuaire pour l’exportation de bauxite, Conakry, octobre 2007.

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Les forçats de la routeConfrontés aux pires difficultés, les chauffeurs et les transporteurs de Nzérékoré, dans la région enclavée deGuinée forestière, se serrent les coudes.

Àmille kilomètres de Conakry, la gare routière deNzérékoré a fière allure. Le syndicat des transporteurs

routiers et celui des chauffeurs prennent soin de leursclients. Ici, les taxis-brousse ne se disputent pas les gens enpartance, de vrais guichets ont été aménagés et il y a desbancs pour s’asseoir en attendant que le véhicule ait atteintson quota de passagers. Comme s’il fallait fournir aux clientsune compensation pour les souffrances et les incertitudes dela route. À quelques mètres des bureaux des deux syndicats,une grande salle a été aménagée pour les réunionsimportantes. “Lors du déclenchement de la grève généraledébut 2007, on y était à l’étroit, se rappelle Sékou Souare,président de l’Union des transporteurs routiers. C’est là qu’aeu lieu la mobilisation. Chauffeurs, transporteurs, on a tousadhéré à 200%. Ensemble, on a vidé la gare routière detoute activité”.

Pour le reste, dans le chef-lieu de la Guinée forestièrecomme dans l’ensemble du pays, les syndicats de la routeont joué un rôle essentiel dans la réussite de la grèvegénérale de début 2007. En quelques heures, ils sontparvenus à paralyser les villes et la capitale. Plusd’approvisionnement, des rues quasi désertes et des milliersde travailleurs prêts à défiler au premier mot d’ordre. Carplus que tous, les transporteurs sont directement confrontésdepuis des années à tous les fléaux qui frappent la Guinée:l’insécurité liée aux barrages des “coupeurs de route” qui

attaquent les voyageurs et des “forces de l’ordre” qui lesrançonnent, la corruption généralisée qui “gâte” les routesparce qu’une partie du gravier ou du ciment requis dans lecahier des charges a été détournée, ainsi quel’effondrement du pouvoir d’achat.

Depuis que le gouvernement de consensus est entré enfonction, la situation s’est sensiblement améliorée sur tousces points, mais l’éloignement de la capitale continue àhandicaper la population locale. Suite au protocole d’accordsigné avec les syndicats en janvier 2007, le prix du carburanta été fixé à 4.300 FG (un peu moins d’un euro) le litre, maisl’approvisionnement n’est pas garanti dans cette région etquand les camions-citernes sont bloqués sur la route, le prixau litre peut monter jusqu’à 10.000 FG. Cet isolement aaussi un impact sur le prix du riz qui a été ramené à 80.000FG le sac de 50 kg à Conakry seulement, car à l’intérieur dupays, le coût du transport implique des majorationssubstantielles.

Pallier les carences des pouvoirs publics

Dans cette région où la saison des pluies dure trèslongtemps, les forçats de la route jouent une nouvelle partiede poker à chaque départ. Voitures, minibus ou camions sontdans un état aussi lamentable que les routes. “Comme lesbanques ne nous font pas confiance, nous sommes obligés

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Le mauvais état des routes, en particulier durant la saison des pluies cause d’énormes préjudices à la population et à l’économie guinéenne, octobre 2007.

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Gare routière de Nzérékoré en Guinée forestière, octobre 2007.

d’acheter des véhicules usagés importés d’Europe oud’ailleurs”, déplore Sékou Souare. Les nombreuses épaves aubord des routes témoignent des risques pris pour rejoindrecoûte que coûte la ville voisine ou une destination pluslointaine. Les immobilisations dues à des pannes ou à despassages trop difficiles sont innombrables. Quand celasurvient, les chauffeurs, les passagers et les cargaisonspeuvent rester bloqués au même endroit pendant plusieursheures voire plusieurs jours, dans l’attente d’une aide, d’unepièce de rechange ou d’un bulldozer.

“Nous en avons loué un pour la route de Beyla, il aréaménagé tous les points noirs, où même les 4x4 calaient.Nous pallions les carences des pouvoir publics. Les 682transporteurs de Nzérékoré, tous membres du syndicat, seserrent les coudes. Nous avons une caisse commune danslaquelle on puise lors des coups durs: les grosses pannes, lesaccidents… Si l’un des nôtres est immobilisé au Libéria sansplus aucune ressource, on lui envoie une assistance”,explique Sékou Souare. Concernant le transport demarchandises, le syndicat centralise les commandes et utiliseune clé de répartition jugée équitable par tous les membres.

Solidarité et sensibilisation contre le VIH-Sida.

La solidarité joue aussi à plein avec les simples chauffeurs. Ladistinction n’est d’ailleurs pas évidente entre les deuxsyndicats. Maurice Mensare, trésorier du syndicat deschauffeurs qui compte plus de 1.000 adhérents: “Lestransporteurs ont tous commencé derrière un volant, commenous. Certains roulent encore d’ailleurs. Quant à nous, nousespérons aussi un jour devenir patron. C’est pourquoi nosrelations sont aussi bonnes. Il n’y a pas encore de contrat detravail, mais des règles tacites existent et sont respectées en

général par les deux parties. Pas question par exemple pourun transporteur de renvoyer arbitrairement l’un des nôtres.Nous avons aussi une caisse sociale pour aider leschauffeurs quand ils tombent malades”. Les réunionssyndicales sont nombreuses. Chaque vendredi, le syndicatdes chauffeurs rassemble les membres disponibles pour desséances d’information sur toutes sortes de thématiquescomme la santé, les maladies sexuellement transmissibles,etc. “C’est une profession à risques, confirme MauriceMansare. Les chauffeurs sont souvent absents plusieursjours. Les tentations sont grandes. Avec les grandes vaguesde réfugiés fuyant la guerre civile dans les pays voisins, c’estd’ailleurs toute la région qui était à risque. Aujourd’hui, le picde l’épidémie semble passé, mais nous restons vigilants.Plusieurs d’entre nous ont reçu une formation du Comiténational de lutte contre le VIH/sida. Nous sommes deséducateurs par les pairs.”

Bonne nouvelle pour tous, un gros volet de l’aide de l’Unioneuropéenne qui a été réactivée au cours de ces derniersmois, porte sur la réhabilitation d’un axe routier régionalaussi important qu’en mauvais état. Mais ce n’est qu’unpetit pas vers le désenclavement complet de la Guinéeforestière et de toutes les régions difficilement accessibles.Aujourd’hui, les quelques centaines de kilomètres de rail quiexistent dans le pays ne servent qu’à transporter la bauxitevers les ports miniers. Pareillement, le projet de traintransguinéen (1) ne prévoit pas le transport des passagers etles seuls avions qui atterrissent sur les aérodromes locauxsont affrétés par des compagnies minières ou par leProgramme alimentaire mondial.(1) Une liaison ferroviaire entre un terminal portuaire et les Monts Nimba à l’est de Nzérékoré oùdevrait commencer dans quelques années l’extraction de minerai de fer.

Les syndicats de laroute ont joué unrôle essentiel dansla réussite de lagrève générale de2007

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1Les petites ombres 73% des enfants guinéens travaillent. Trop souvent dans les pires formes de travail des enfants, notamment dansles mines. Difficile pour les syndicats de sensibiliser contre un fléau si partie prenante de l’informalisation del’économie.

I ls se fondent dans le paysage guinéen, du bout de lapresqu’île de Conakry au fond de la Guinée forestière. Ils

et elles font tous les métiers, sauf ceux qui rapportent dessalaires fixes et qui relèvent du travail décent. “Ils et elles”,ce sont les enfants qui travaillent. Qui les remarque encore?Pour la plupart des familles guinéennes, il est normal que lesenfants contribuent à la survie au jour le jour. Dans lesvilles, beaucoup de ménages un peu mieux nantis ont“oublié” qu’ils avaient promis de “bien s’occuper” de leursjeunes domestiques aux parents de ceux-ci.

L’Etat? Un projet de loi portant sur un Code de l’enfant vientd’être transmis à l’Assemblée nationale. Mais la direction del’enfance du ministère des Affaires sociales est une coquillevide. Restent quelques ONG qui tentent de pallier lescarences de l’Etat au sujet des “EJT”, c’est-à-dire “enfantsjeunes travailleurs”, une abréviation qui en dit long sur labanalisation de ce fléau. En ce début octobre, tous lesenfants sont dans la rue. La rentrée des classes a été unenouvelle fois postposée de plusieurs semaines et il estlogique qu’entre deux parties de football, beaucoupd’enfants aident leurs parents ou s’occupent à des activitésqui leur permettent de ramener quelques billets à la maison.“C’est bientôt la fin du Ramadan, la préparation des repascoûte cher et les fournitures scolaires sont hors de prix”,explique ce fonctionnaire de la direction nationale del’Inspection du travail à Conakry, comme pour justifier le faitqu’un enfant soit en train de lui cirer les chaussures.

L’école? “Des progrès ont été enregistrés, note BambaCamara, secrétaire général du Syndicat libre des enseignantset des chercheurs de Guinée (SLECG). Le taux descolarisation pour l’enseignement primaire est passé de 30%à 80%. Pour l’enseignement secondaire, c’est beaucoupmoins brillant: 30% des enfants y ont accès, et très peu defilles (1). Et puis, les conditions sont exécrables tant pour lesenseignants que pour les élèves. Dans l’enseignementpublic, les classes de 150 et plus sont fréquentes.” En 2006,la montée de l’inflation et la dégradation du pouvoir d’achatauraient entraîné une baisse sensible de la fréquentationscolaire (2) dans la capitale Conakry. Ensuite, il y a eu lesévénements dramatiques de janvier et février 2007, avantqu’une lente normalisation politique ne ramène une partiedes enfants à l’école.

Quelques sacs de riz contre le travail d’un enfant

Qu’ils fréquentent l’école, un peu ou pas du tout, 73% desenfants travaillent, selon les chiffres du BIT. Pour Jean-LouisMaomy, responsable de l’Association guinéenne derecherche-action et d’alphabétisation (AGRAAD), lephénomène du travail des enfants est clairement lié à latradition africaine, les enfants étant perçus comme desopérateurs économiques pour aider les parents. “Les enfantsconfiés à des connaissances de la ville pour pouvoir aller àl’école ou apprendre un métier en échange de quelquestâches domestiques, les petits vendeurs dans les villes, les

Jeunes vendeurs déscolarisés à la gare routière de Mamou, Guinée, octobre 2007.

“ L’apprentissage etla solidarité àl’africaine nefonctionnent pluscomme avant

Jean-Louis Maomy,de l’Association derecherche-action etd’alphabétisationAGRAAD.

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enfants qui aident leurs parents dans les champs et lesplantations, cela a toujours existé. Mais l’apprentissage et lasolidarité à l’africaine ne fonctionnent plus comme avant. Lamisère dans laquelle se débattent beaucoup de familles esten cause. Dans les villages, il y a par exemple un pic dansl’utilisation des enfants pendant les périodes dites de“soudure”, quand les réserves de riz sont épuisées et que leriz qui a été semé n’est pas encore à maturité. Beaucoup deparents retirent alors leurs enfants de l’école pour entreteniret surveiller les rizières. Les plus pauvres vont jusqu’à“troquer” les prestations de leurs enfants dans les rizièresd’un voisin contre la promesse de quelques sacs.”

Pour Alpha M. Diallo, directeur de Sabou-Guinée, il estessentiel de se focaliser sur les pires formes du travail desenfants: “Il y a les grands principes et la réalité du terrain.Les conditions de développement nous imposent des choix.Franchement, pour moi aujourd’hui, le fait de placer unenfant de 12 ans chez un patron à un poste de travail pastrop pénible, je ne considère pas ça comme un échec. Lerisque est trop grand de le voir basculer dans la délinquancequi survient aussi quand il n’y a plus de perspectives. Etc’est souvent le cas aujourd’hui.” “Sabou” se traduit parespoir, cause ou relais dans plusieurs langues du pays. Et del’espoir il faut sans doute beaucoup à Alpha M. Diallo et à lavingtaine de travailleurs sociaux pour garder confiance jouraprès jour, malgré l’ampleur de la tâche et les budgetsétriqués. Disposant de plusieurs antennes dans le pays etd’un centre d’accueil provisoire, Sabou-Guinée s’occupenotamment des enfants des rues et fait de la médiationpour les jeunes délinquants. Ses travailleurs sociauxsillonnent le pays, les quartiers difficiles des grandesvilles et les postes de police. Son expertise estunanimement reconnue par l’Administration, lessyndicats et les partenaires internationaux. Mais l’ONGsouffre malgré tout de la mauvaise réputation de lamajorité des ONG du pays. “C’est clair que c’est un vraibusiness et que beaucoup d’entre elles sontcorrompues ou incompétentes. La plupart des anciensministres et des anciens directeurs généraux ontd’ailleurs leurs propres ONG qu’ils font tourner grâce àleurs carnets d’adresses. Mais les grandes ONGinternationales courent aussi après les financements etse livrent une compétition féroce, quitte ensuite, quandils ont remporté le “marché”, à travailler avec des ONGlocales qui n’ont aucune crédibilité. C’est souventn’importe quoi. Ces grandes ONG n’ont qu’à faire le tri.Pour ma part, j’en ai marre de m’entendre dire par des“experts” blancs qu’on va me former “sur lerenforcement de mes capacités”, surtout si l’expert enquestion a clairement moins de qualification et moinsd’expérience que moi”.

Difficulté pour les syndicats de sensibiliser la base

Et les syndicats? Après avoir lutté pour la ratificationdes principales conventions internationales, ils sontconscients que la mise en application même partiellede ces instruments juridiques n’a jamais vraimentconstitué une priorité pour les précédentsgouvernements. S’ils sont associés à beaucoup deréunions et de projets sur cette question, ils éprouventaussi bien des difficultés à diffuser les informations etles ressources jusqu’aux organisations de base. AMatoto, à 20 minutes à peine des sièges centraux de laCNTG et de l’USTG, les responsables des coopératives

de l’économie informelle ne savent pas toujours quoirépondre quand on leur demande leur nombre de membres,tant la main-d’œuvre enfantine est abondamment utiliséedans ces structures affiliées aux syndicats.

L’informalisation de pans entiers de l’économie nationale aaussi entraîné un recours massif aux enfants pour desactivités extrêmement pénibles et dangereuses comme dansle secteur des mines et des carrières. A Maneah en Basse-Guinée, sur la route entre Conakry et Kindia, un panneaupublicitaire vante “les graviers de qualité de la sociétéSomiag pour construire la Guinée de demain”. “Mais,explique Mamadouba Soumah, secrétaire général de laFédération syndicale professionnelle des mines, carrières,industries chimiques et assimilées (FSPMCICA, affiliée à laCNTG), c’est une entreprise à la dérive, extrêmement malgérée et qui a abandonné plusieurs sites. Alors, des pauvresdes villages voisins ont commencé à exploiter à leur compteces carrières en s’aidant de leurs enfants.” Ce samedi soir-là,on pensait trouver le site désert, d’autant que la fin duramadan était proche, et pourtant une dizaine d’enfants sousla supervision d’un adulte étaient encore occupés àconcasser le granit. Le plus jeune avait 8 ans. Il travaillaitdepuis l’aube et n’avait encore rien mangé de la journée. “Laprochaine fois, nous irons à Siguiri, conclut Soumah, là-bas,ce sont des milliers de femmes et d’enfants qui travaillentdans les mines d’or.”(1) La prise en compte du genre révèle une grande disparité: 87% de garçons fréquententl’enseignement primaire pour 71% de filles; 34% de garçons et 17% de filles le secondaire.(2) http://www.irinnews.org/PrintReport.aspx?ReportId=61512

“ A l’école, lesconditions sontexécrables tantpour lesenseignants quepour les élèves

Bamba Camara,secrétaire généraldu Syndicat desenseignantsSLECG.

Enfant à la carrière de granit de Manéah, Guinée, octobre 2007.