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ECART TECHNOLOGIQUE ET CONVERGENCE LOCALE Version provisoire Par Rafik BOUKLIA-HASSANE Faculté des Sciences Economiques d’Oran et CREAD -Alger

Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

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Le document traite des conditions de rattrapage technologique d'une économie en transition. Il montre que suivant ses conditions initiales, une économie peut converger vers la frontière technologique ou être bloquée dans une trappe de sous développement.

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Page 1: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

ECART TECHNOLOGIQUE ET CONVERGENCE

LOCALE Version provisoire

Par Rafik BOUKLIA-HASSANE

Faculté des Sciences Economiques d’Oran et CREAD -Alger

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2

I- I N T R O D U C T I O N

Une question importante posée à l’économie de développement est de savoir, à l’instar de Lucas (1993), pourquoi certains pays s’enrichissent au moment où d’autres pays continent à s’appauvrir. Quelles explications les économistes peuvent-ils apporter à ces inégalités de croissance quand le drame africain côtoie de façon persistante le miracle chinois ou asiatique ?

S’agit-il de différence d’intensité dans l’accumulation du capital physique comme l’ont cru des pays comme l’Union soviétique des années 30 et, plus proche de nous, l’Algérie durant la décennie 70 où la croissance était perçue à maints égards comme une « reproduction élargie » du capital physique?

S’agit-il plutôt de différences dans le régime d’accumulation du capital humain comme cela apparaît, parmi d’autres, dans Galor et Moav (2000) pour qui l’accumulation de capital humain s’est substituée comme source de la croissance à l’accumulation du capital physique ?

Ou s’agit-il, enfin, et de façon plus plausible selon nous, d’une insuffisante accumulation de technologie ?

A ces questions sur les déterminants des inégalités de croissance s’ajoutent celles relatives au degré de persistance de celles-ci. Certes, la perspective solowienne d’une convergence absolue entre nations est aujourd’hui largement rejetée tant d’un point de vue théorique (par les nouvelles théories de la croissance) que par les données d’observation (W.J Baumol (1986)). Aussi, le conditionnement de la convergence aux différences structurelles entre économies (en particulier au taux d’investissement en capital physique et humain) s’est voulu être une autre interprétation de la convergence, plus proche de l’évidence empirique. Mais, cette approche (par la β -convergence suivant la terminologie de R.Barro (1991)) constitue-t-elle une alternative lorsqu’on sait que, dans ces constructions, les différences dans les conditions initiales des économies s’estompent à long terme et n’ont d’influence que durant la phase de transition ? En fait, on peut tout autant considérer que les conditions initiales persistent et ont des effets sur le long terme de l’économie de sorte qu’une « accumulation primitive » inachevée piège durablement, par un effet d’hystérésis, l’économie dans une trappe de non convergence et de sous développement (C. Azariadis et A. Drazen (1990), A. d’Autume et P. Michel (1993), F. Zilibotti (1995)). C’est d’ailleurs dans cette perspective que nous nous plaçons dans ce travail.

Ce papier étudie la dynamique de rattrapage d’une économie où l’accumulation de la technologie constitue le moteur de la croissance. L’économie considérée croit parce qu’elle adopte et adapte des technologies plus productives et non pas, de façon primordiale, parce qu’elle investit en capital physique. Se focaliser sur l’accumulation du capital physique ou humain et considérer, comme dans Mankiw Romer et Weil (1992)) (MRW dans la suite), que

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3

la technologie internationale est un bien totalement public de sorte que l’ensemble des économies connaissent la même croissance technologique (exogène) ne relève pas de l’évidence1. En effet, on peut difficilement soutenir, comme le relèvent Gene M. Grossman et Elhanan Helpman2, que le rythme de croissance de la technologie au Japon sera identique sur longue période à un pays comme le Tchad par le simple fait de croire que la technologie est un bien public. Pourtant, c’est de cette hypothèse que se prévalent les régressions à la MRW, les premiers modèles de R.Barro et X. Sala-i-Martin et, de façon générale, le courant des nouvelles approches empiriques de la croissance. L’idée principale de ce travail est que, à contrario, les disparités dans les conditions initiales de développement technologique et dans l’appropriation du savoir entraînent des dynamiques qui contribuent à une bi (multi) polarisation de l’espace économique global. Par cela, on établit un lien entre le niveau de développement technologique inégal et la formation de ‘clubs de convergence’.

Nous construisons un modèle de croissance semi endogène en exploitant une double dimension du progrès technologique.

D’un côté, le PVD exploite son retard technologique en bénéficiant de spillovers technologiques du reste du monde (advantage of backwardness selon l’expression de Gerschenkron ou Nelson et Winter (1966)). Plus le pays est en retard, et plus il peut puiser (par imitation, reverse engineering, adaptation, learning …) dans un pool plus important de technologies développées par ailleurs et non encore utilisé localement par le PVD. Le problème, si on s’arrête à ce seul aspect, est qu’une telle formulation prédit une convergence technologique absolue de l’ensemble des économies vers la frontière technologique .

En fait, la croissance technologique est, d’un autre côté, contrainte par la capacité d’absorption de la technologie internationale, celle ci dépendant des compétences nationales et des institutions supportant l’activité de recherches et d’innovation. Si on admet qu’une partie des connaissances est largement tacite et non codifiée, on conçoit alors que plus le retard technologique est grand et plus il sera difficile, voire impossible, au PVD d’acquérir et d’assimiler ce type de connaissance largement spécifique et préalable à la diffusion de la technologie transférée. Ainsi, au même moment où le pays retardataire bénéficie, sans avoir à ‘réinventer la roue’, de la technologie des pays innovants, il pâtit, d’un autre côté, de sa plus ou moins faible capacité d’absorption de ces technologiques qui ont été produites par et pour les pays développés.

Nous formalisons cette double ‘temporalité’ en supposant que la technologie est localisée et que celle ci ne se diffuse qu’au voisinage (au sens d’une distance technologique à définir) du pays innovant3. Le concept de localisation technologique trouve son fondement dans l’article pionnier de Atkinson et Stiglitz (1969) et signifie qu’une innovation technologique qui améliore une technique de production (définie par l’intensité capitalistique du procédé par exemple) n’a pas d’effet sur les autres techniques de production (moins

1 Islam (1995), en réexaminant sur données en panel les résultats de MRW, relativisent le rôle du capital humain tel que construit par MRW tout autant que la précision des régressions effectués par ces auteurs. Cf également P.J. Knelow et A. Rodriguez-Clara (1997). 2 Grossman G.M et E. Helpman (1993) pp 10. 3 Sur les propriétés de la localisation de la diffusion technologique cf C. Antonelli (1995).

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4

capitalistique par exemple). Cette approche a été reprise sous une forme moins extrême par Basu et Weil (1998) dans un modèle où l’innovation dans un pays améliore également, par un effet de spillover, la productivité des économies ‘similaires’, cette proximité entre les économies étant évaluée par le rapport de leur intensité capitalistique globale.

Notre modèle s’inspire également de Howitt et Mayer (2002) (HM dans la suite) qui, constitue, à notre connaissance, l’une des premières tentatives d’intégrer explicitement la distance technologique comme argument de la capacité d’absorption des économies. Cette formulation de leur modèle résulte de l’hypothèse que la qualité du capital humain est une fonction croissante du niveau technologique atteint (le système d’éducation est d’autant plus performant en termes de formation de capital humain que le pays est technologiquement développé) d’une part et, d’autre part, de l’hypothèse selon laquelle l’innovation est d’autant plus ardue que la technologie internationale est développée et complexe4.

Notre modèle diffère cependant de celui de HM en ce que le régime de ‘stagnation’ que ces auteurs mettent en évidence est, dans leur construction, une solution ‘en coin’. Leur modèle prédit alors que, quelque soit le niveau d’engagement (positif strictement mais aussi petit soit-il) dans le secteur de R&D, l’économie finit, à terme, par croître au taux international. C’est seulement lorsque le salaire dans le secteur n’est pas incitatif et que toute la main d’œuvre tend à être allouée au secteur manufacturier (disparition totale du secteur de la R&D) que le taux de croissance de la technologie se fixe au dessous du taux international. Dans cette situation, la fréquence des innovations tend vers zéro (érosion totale de la capacité d’absorption) tandis que la taille de l’innovation devient infinie5 (advantage of backwardness absolu) et cette indétermination permet à HM de préserver, même en l’absence de technologie locale, un taux de croissance non nul pour le PVD. L’hypothèse contestable, on le voit, est que quelque soit le gap technologique fini (de long terme), il existera toujours une trajectoire convergente vers le taux de croissance mondiale. Dans l’analyse proposée ici, la capacité d’absorption des technologies étrangères, par contre, s’inhibe totalement au delà d’un seuil fini du gap technologique où le PVD sort du rayon d’attraction vers les technologies des pays innovants. Dans ce cas, le secteur de production de la technologie ne disparaît pas mais se développe sur une base strictement locale, de façon ‘autarcique’, c’est-à-dire sans bénéficier des technologies étrangères qui, certes, peuvent toujours être transférées mais sans qu’elles ne se disséminent au sein du PVD faute de compétences locales et d’une matrice institutionnelle efficiente.

Formellement, le modèle proposé est proche de celui de Zilibotti (1994) en ce qu’il met en évidence des trajectoires convergentes vers l’équilibre fort même en dehors des zones intermédiaires. Il en diffère toutefois en ce que dans Zilibotti l’externalité affectant la

4 La fréquence d’innovation µ dans HM est une fonction croissante du travail )(NlN affecté au secteur de la

recherche et décroissante par rapport au niveau de la technologie mondiale WN :

)/()(/)( WWN NNfNgNl ==µ . HM supposent que 0→µ quand 0→WNN , c’est-à-dire

quand le gap technologique NNW / devient infini. 5 Dans HM, toute innovation porte la technologie à son niveau maximal de sorte que la taille de l’innovation (dans la terminologie des auteurs) se confond avec la distance technologique.

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5

productivité provient de l’accumulation du capital physique alors que dans notre modèle, l’externalité a sa source dans la diffusion potentielle de la technologie mondiale.

II- UN MODELE DE CROISSANCE BASEE SUR LE DEVELOPPEMENT DE LA TECHNOLOGIE

Le modèle utilisée possède la structure standard des modèles à trois secteurs de type Grossman et Helpman (1991), Romer (1990), Aghion et Howitt (1992). Il s’en distingue toutefois par la spécificité de la dynamique technologique qui est postulée. Quelques caractéristiques générales méritent, à ce niveau, d’être relevées :

• La différentiation des biens intermédiaires est de type horizontal: le progrès technologique prend la forme d’une augmentation du nombre de variétés de biens intermédiaires utilisés traduisant, par cela, un approfondissement de la division de travail et une spécialisation dans une perspective smithienne (Romer 90),

• La croissance, en régime autarcique, est de type semi endogène (Jones 95) afin d’éviter un effet d’échelle,

• Le modèle distingue le développement technologique sur une base locale de celui résultant de l’adoption et la diffusion de technologies étrangères,

• Le modèle introduit, enfin, un effet de seuil (C. Azariadis et A. Drazen (1991)) et on suppose que celui ci porte sur le niveau de la technologie.

On décrit ci dessous brièvement le modèle.

A. Le Secteur du bien final

Ce secteur produit un bien de consommation indifférencié Y à l’aide de travail non qualifié

disponible en quantité fixe _

l et de biens intermédiaires )(ix suivant:

diixlAYN

∫−

=0

1_

)( αα

10 << α

où A est un paramètre de productivité fixe dépendant de caractéristique spécifiques au pays et N le nombre de variétés de biens intermédiaires entrant dans le processus de production.

Page 6: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

6

Ce bien est produit dans un environnement concurrentiel où les facteurs sont rémunérés à leur produit marginal et où le profit est nul. Si Yp désigne le prix du bien final Y , l’égalité entre )(ixp , le prix du bien intermédiaire i , et sa productivité marginale )( ixY Yp ′

conduit à :

1_

1)( )( −−= ααα ixlApp nYix pour tout i compris entre 0 et N . (1)

B. Le Secteur de Biens Intermédiaires

L’économie dispose de travail qualifié _

sL qui croît au taux exogène Lg et dont une partie xL est allouée au secteur des biens intermédiaires. On adopte une spécification simple

où la quantité de bien intermédiaire i produite est, comme dans Grossman et Helpman (1991), proportionnelle à la quantité de travail qualifié engagée dans le processus de production :

)(1

)( ila

ix xx

= (2)

Les entreprises dans ce secteur subissent un coût fixe lié, dans ce contexte, au coût d’acquisition de la technologie de production du bien intermédiaire. Elles sont ainsi en concurrence monopolistique et optimisent, de ce fait, sur la courbe de réaction (1). Si ω est le taux de salaire du travail qualifié, cette règle conduit alors les N entreprises à appliquer le prix de monopole :

)(1

)( ωα xix ap = (3)

et à produire, chacune, la quantité :

11

0)( )()(

=

∫ αα

α Yp

diixpix

Y

N

ix. (4)

Le profit réalisé à chaque période et par chaque entreprise sera alors :

( )1

1

20

1)(

)(1−

=Π∫ αα

αα

αω

αα

Yp

diixa

Y

N

xix (5)

On constate que tant le prix, le profit que les quantités produites sont indépendantes du type de bien intermédiaire i considéré. L’équilibre est donc symétrique. En utilisant les relations (2), (3) et (4), la quantité de biens intermédiaires produite par chaque entreprise x , à l’échelle

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7

global de l’économie X ainsi que le profit individuel réalisé xΠ peuvent alors se réécrire

respectivement :

NaYp

xx

Y

ωα 2

= (6a) x

Y

aYp

iNxXω

α 2

)( == (6b) et N

YpYx )1( αα −=Π (6c)

Enfin, la demande globale de travail qualifié par les entreprises du secteur sera :

ωα Yp

XaL Yxx

2

== (6d)

Lorsque les entreprises exploitent indéfiniment la technologie et le savoir faire acquis (et qu’il n’y a pas d’obsolescence), la condition usuelle de non arbitrage égalise le coût d’acquisition de cette technologie locale Np à la somme actualisée des flux de profit futurs

anticipés et donc à la valeur de marché de la firme produisant le bien intermédiaire.

Cette condition peut également se formuler ainsi 6 :

N

N

N

x

pp

pr

.

= (7)

Elle exprime alors l’égalité, à chaque date, entre le taux d’intérêt et le profit (augmenté des plus ou moins values).

C. Le Secteur de Production de la Technologie

On suppose que le flux de technologie produite dépend linéairement, à chaque date, de la quantité de travail spécialisé (capital humain) employé dans la recherche scientifique et technique NL et qui permet la découverte de nouvelles technologies localement opératoires.

Ainsi, le capital humain dont dispose l’économie peut être alloué à la production de biens intermédiaires ou à la production de nouveaux procédés de production (ou à l’amélioration de ces derniers) et cette allocation intersectorielle du capital humain détermine les performances du système national d’innovation.

6 Une variable surmontée d’un point désigne sa dérivée par rapport au temps.

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8

Si Np désigne le prix de l’innovation, on retiendra comme condition de normalisation l’égalité, à chaque date, 1=Np . L’hypothèse d’un libre accès à ce secteur en entraînant la

nullité du profit nΠ permet d’écrire : 0.

=−=Π NN LN ω et donc :

ω

.

NLn = (7-a)

D. L’Equilibre du Modèle

Une première équation d’évolution du système peut être obtenue en écrivant

l’équilibre sur le marché de l’emploi : NXs LLL +=_

, soit, en utilisant (6-d) et (7-a) ainsi que

la condition de normalisation :

SY LYpN−

=+ ωα 2.

(8)

Cette équation différentielle constitue la relation fondamentale qui régit la dynamique de l’économie.

Une deuxième équation dynamique s’obtient en considérant le côté ménage du modèle. On suppose que ceux-ci possèdent un horizon de vie infini, forment des anticipations parfaites des prix futurs et choisissent leur consommation et le niveau de leurs actifs financiers de façon à maximiser sous la contrainte budgétaire une fonction standard d’utilité inter temporelle séparable et iso élastique7 :

dtc

ecU ttt σ

σρ

−=

−∞−∫ 1

)(1

0

où ρ et σ

θ1

= représentent respectivement le taux d’escompte psychologique et

l’élasticité de substitution inter temporelle. Les ménages ont une prévision parfaite des prix, du taux d’intérêt et de leurs revenus futurs. La résolution de ce problème conduit à la condition usuelle de Ramsey-Keynes8;

σρ−

= t

tY

tY rCpCp.

(9)

7 On suppose que le temps dont disposent les ménages est alloué uniquement à la production de biens intermédiaires ou de procédés innovateurs ou permettant d’améliorer les techniques de production existantes. Un prolongement serait de considérer que les ménages consacrent également une partie de leur temps à leur éducation (Lucas (1988)) et doivent donc arbitrer entre le travail salarié et la formation. Ceci permet d’endogénéiser la dynamique du capital humain qui est supposée ici exogène par simplification. 8 Cf annexe .

Page 9: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

9

qui caractérise le profil d’évolution de la consommation du ménage représentatif au cours du temps.

A l’équilibre, d’une part, la production tY est, à chaque date, égale à la demande de

consommation des ménages :

tYttYtt YpCpE == (9a)

et, d’autre part, le taux d’intérêt s’exprime, en utilisant (6c) et (7), par:

NYp

r Yx )1( αα −=Π=

ce qui, en reportant dans les équations (9) et (9a), permet d’obtenir la deuxième relation dynamique décrivant l’évolution du produit (ou des dépenses) dans le temps:

σρ

σαα

−−

=N

YpYpYp Y

Y

Y )1(.

(10)

Le système d’équations différentielles (8) et (10) caractérise la dynamique de l’économie. Celle-ci, on le voit, dépend de l’évolution du taux de salaire. Dans ce cadre, on suppose que le taux de salaire dépend du régime technologique dans lequel se trouve l’économie, notamment de la présence éventuelle de spillovers technologiques internationaux. Plus précisément, on suppose que plus le pool de technologies étrangères auquel le PVD peut accéder est grand et plus la productivité du travail qualifié dans le secteur de production de la technologie s’accroît, ce qui, de ce fait, relève le taux de salaire.

La section suivante présente séparément la dynamique locale dans le cas autarcique puis dans le cas d’une économie bénéficiant de spillovers internationaux avant d’étudier la dynamique globale du modèle.

III. LA DYNAMIQUE DE LA TECHNOLOGIE

A. La Dynamique Locale :

1) Dynamique en régime autarcique : Du fait d’un gap technologique important, le

PVD ne bénéficie pas, dans ce cas, des technologies étrangères et l’évolution de sa technologie se fait sur une base strictement locale. On adopte la spécification de Jones (1995) où la production de la technologie se fait suivant:

Φ= NLa

N NN

1. et 10 <Φ≤ (10)

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10

où na

1 est un paramètre de productivité représentant les facteurs idiosyncrasiques propres à

chaque pays. Le flux de technologie .

N sur la période dépend ainsi linéairement du travail qualifié affecté au secteur . Il dépend également d’une externalité technologique positive

représentant les spillovers inter temporels de sorte que l’évolution de la technologie )(.N est

affectée positivement à chaque date par le stock de technologie préexistant dans le pays9.

Comme l’innovation est considérée comme numéraire, la condition de libre entrée dans le secteur détermine le taux de salaire :

NaN ω=Φ (11)

On remarque que si 0=Φ , le taux de salaire est constant en termes du numéraire choisi. En utilisant les relations (2), (6a), (10) et (11), la dynamique du système autarcique dans le plan ( ), YpN Y s’écrit alors :

_2

.

sY

nn LN

Ypa

NN

a =+ΦΦ

α (12-a)

YpNYp

Yp YY

Y σρ

σαα

−−

=2. )1(

(12-b)

L’état stationnaire : A l’état stationnaire, les variables du modèle croissent à un taux constant. On voit, dans ce cas, que le produit YpY et la technologie N croissent à un taux

identique LN ggΦ−

=1

1 où Lg est le taux de croissance exogène du travail spécialisé et

10 <≤ φ lorsqu’on se restreint aux croissances positives10.

Il est utile, à ce niveau, d’introduire les variables « réduites » qui seront constantes en croissance équilibrée:

tgst

tgtt

tgYY

LNN eLleNneYpyp −−− === 0

La dynamique du modèle en variables réduites s’écrit alors :

+−−=

−−= Φ

ypgnyp

yp

ypanganlna

YNY

Y

YnNnn

)()1(2.

20

.

σραασ

α (13-a) (13-b)

de sorte que les valeurs stationnaires autarciques du modèle sous forme réduite sont, pour 1≠Φ :11

9 Par contre, la croissance technologique )(

.NN est négativement reliée au stock de technologies )10( <Φ≤ .

Toutes choses égales d’ailleurs, un PVD disposant d’un faible stock initial de connaissances croîtra plus vite qu’une économie avancée et rattrapera, à terme celle-ci. 10 Un deuxième état stationnaire existe mais correspond à une consommation nulle. 11 Le cas contraire )1( =Φ entraîne une croissance endogène mais correspond à la présence d’effet d’échelle à

la Jones dans l’évolution de la technologie. Il faut bien voir que cette situation entraîne une dynamique instable.

Page 11: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

11

11

0

* )1

)((

−Φ

−+

+=ασρα N

Nn g

gla

n

et )1(

)(**

αασρ−

+= N

Y

gnyp

La dynamique transitoire : Pour simplifier l’analyse de la phase transitoire, on utilise la représentation familière par le diagramme de phases en se restreignant au cas où 0=Φ 12 .

Les ‘null clines’ 0.

=n (représentée par NN) et 0.

=ypY (représentée par YY) sont des droites dont les équations sont (en omettant l’indice t):

ng

al

yp N

nY 22

0

αα−=

ng

yp NY

+=

)1( αασρ

tandis que l’équilibre E est stable au sens du point selle généralisé.

ypY

Y N S E S Y N

0 Figure 1 P tn E est stable a sens du point selle. P est un état globalement stable dont le bassin d’attraction est situé

sous SS.

12 Une simulation réalisée pour 21=Φ montre que le diagramme de phases dans ce cas n’est pas qualitativement différent.

Page 12: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

12

On constate que l’accumulation de la technologie (au delà de son trend de long terme) s’accompagne, en croissance équilibrée, d’une augmentation des dépenses de consommation

ypE Yt = . En revenant à l’équation (13a), cela signifie qu’une augmentation de n entraîne

une diminution de .n . A terme, la croissance technologique est égale à la croissance (exogène

ici) du capital humain Lg . Ainsi :

PROPOSITION 1a : Lorsque le PVD dispose d’un stock de connaissances initial faible, l’augmentation du stock de technologie (au delà de son trend) s’accompagne d’une diminution de son taux de croissance (et d’une réallocation relative du travail au détriment du secteur de la recherche).

Il serait également utile de voir comment évolue la technologie de l’économie autarcique relativement à la frontière internationale. L’évolution de la technologie locale normalisée WNN (l’inverse de la distance technologique entre le PVD et les pays leaders)

dépend positivement de l’effort consacré au développement de la recherche locale et négativement du taux de croissance technologique internationale.

PROPOSITION 1b: Si la croissance technologique initiale du PVD est supérieure au taux international, la technologie normalisée a une dynamique non monotone. Elle est d’abord croissante puis décroît en tendant vers 013.

Cette propriété du modèle résulte de l’hypothèse –réaliste- selon laquelle le taux de croissance du capital humain dans le PVD est inférieur au taux de croissance technologique international. Ainsi, en l’absence de spillovers internationaux, et bien que le pays dispose d’un secteur local de production technologique le gap technologique du PVD devient, à long terme, infini.

b) Dynamique en présence de spillovers technologiques internationaux : La présence de spillovers internationaux modifie la dynamique de l’économie. La

technologie internationale est transférée au PVD par de multiples canaux : par achat de licences, par les IDE (M. Blomström et A. Kokko (1997)), par les échanges extérieurs principalement l’importation des biens intermédiaires et d’équipement (Levine et De Long, Coe et Helpman ). Cette technologie transférée est disséminée au sein du PVD à travers le copiage et reverse engineering de procédés technologiques importés ainsi que l’imitation des pratiques managériales et des choix technologiques des FMN, à travers le turn over entre FMN et entreprises locales et, d’une façon générales à travers les multiples liaisons en amont et en aval entre FMN et firmes domestiques. Cette diffusion est permise, dans ce cas, par l’existence de capacités d’absorption suffisantes et se réalise à un rythme dépendant, dans Benhabib et Spiegel (1994), du niveau du stock de capital humain. Le PVD bénéficie ainsi de son retard en s’appropriant la technologie étrangère à un coût inférieur à celui qu’il subirait s’il devait lui-même produire ces innovations.

Ce cas a fait l’objet d’un grand nombre d’études (Barro et X.Sala-I-Martin (1997) entre autres) qui, partant de la notion d’ « advantage of backwardness » de A. Gerschenkron (1952) et de l’approche de Nelson et Phelps (1966), concluent à la convergence

13 Une condition nécessaire pour avoir ce type de dynamique sur le sentier stationnaire est donnée en annexe (relation A5 ).

Page 13: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

13

technologique des économies. Nous allons retrouver synthétiquement ce résultat dans un cas plus général où le PVD dispose d’un secteur local de recherches tout en bénéficiant de spillovers technologiques internationaux. Pour cela, on suppose que la diffusion technologique se réalise suivant :

NN

L

LN

aL

NN W

s

n

n

n−

−Φ += β1

.

où WN est le pool des technologies étrangères auquel le PVD peut accéder et qui n’ont pas encore été transférées dans le PVD. On reconnaît dans le premier terme la spécification retenue dans le cas autarcique tandis que le second terme représente l’influence du retard -mesuré par le rapport du niveau de la technologie internationale à celui de la technologie locale- sur la croissance technologique. Comme l’objet de l’étude concerne les économies en développement, nous supposons que la technologie internationale croit à un taux exogène et constant Wg . On retiendra également que W

L ggs

< . Cette dernière hypothèse, qui indique

qu’à long terme le taux de croissance du travail spécialisé dans le PVD est inférieur à celui de la frontière technologique, nous semble caractériser naturellement l’évolution de la technologie locale des PVD. Enfin, notons que, dans ce régime, le taux de salaire est supérieur au taux autarcique :

St

Wt

N

tt L

NaN

w β+=Φ

(14)

PROPOSITION 2 : En croissance équilibrée, la technologie du PVD qui bénéficie de spillovers internationaux croit au taux international.

Preuve : Si WN gg < alors ∞→

NN W

et donc ∞→NN.

, ce qui contredit l’hypothèse de

croissance équilibrée.

Alternativement, supposons que WN gg > . Alors 0>>>

SLW

N ggg .

WN gg > implique que 0→

NN W

et SLN gg > entraîne que 0→

Nln car nl croit, à long

terme, au maximum au taux sLg . Ceci contredit le fait que .0>Ng

Cette propriété conclue à la convergence technologique (absolue) des économies et ceci indépendamment du niveau initial de leur technologie notamment. Cependant, l’observation ne semble pas étayer indubitablement ce résultat. Notre approche, dans la suite, consiste à conditionner la diffusion de la technologie transférée à la proximité du PVD de la frontière technologique internationale.

Page 14: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

14

B. Dynamique Globale De l’Economie :

On introduit maintenant l’hypothèse centrale de cette construction. Pour cela, on définit la distance technologique d’une économie comme la différence entre le niveau de sa technologie et celui du niveau international (pays ou groupe de pays leader) soit :

)( tWt LogNLogNd −= . Lorsque la distance technologique est inférieure à un seuil donné

µ , la technologie croît comme dans les modèles usuels de croissance avec spillovers

internationaux : l’économie croit plus vite que les pays innovant car la possibilité d’accéder à la technologie internationale non encore disponible localement accroît les potentialités de rattrapage du PVD. Par contre, lorsque l’écart technologique est supérieur à µ , l’économie est trop éloignée de la frontière internationale pour pouvoir absorber la technologie des pays leaders. Dans ce cas, même si le pays transfère les technologies internationales par le canal de l’IDE ou de l’importation de biens intermédiaires et d’équipement, celles-ci, faute de capacité d’absorption suffisante, se résolvent en poches de productivité sans impact significatif sur l’économie globale.

Soit W t

tt N

Na = le niveau technologique normalisée du PVD.

taLog 1 représente

également la distance technologique du PVD par rapport au pays leader. L’approche qu’on retient revient à incorporer un effet de seuil dans le processus de diffusion de la technologie internationale :

≥+

<=

Φ−

Φ−

µβ

µ

W t

t

W t

t

St

Nt

t

Nt

n

W t

t

t

Nt

n

t

t

NN

siNN

LL

NL

a

NN

siNL

aNN

1

1.

1

1

On voit que, en deçà du seuil µ , l’évolution technologique est similaire à celle de l’économie autarcique étudiée précédemment. Dans ce cas, l’économie peut être piégée dans une ‘trappe de pauvreté’ où le taux de croissance, déterminé par celui de l’emploi qualifié, est inférieur au taux international . Lorsque, par contre, le niveau technologique du PVD est suffisamment proche de la frontière internationale et que la technologie normalisée est plus grande que µ , le PVD bénéficie de transferts technologiques qui se résolvent en une diffusion de la technologie internationale à l’échelle globale de l’économie. Dans ce cas, l’économie évolue comme dans le modèle avec spillovers analysé précédemment et converge, en croissance, vers le taux international (Proposition 2).

Le décollage de l’économie se produit à la date T où µ=Wtt NN et où doivent se

raccorder les trajectoires des deux régimes de croissance. Au moment du changement de régime, l’allocation du travail qualifié entre le secteur de la recherche et celui de la production du capital physique (biens intermédiaires) ‘saute’ au profit du secteur de la recherche. Le taux

Page 15: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

15

de croissance de la technologie saute également au moment du choc. Par contre, les dépenses de consommation tytt YpE = se raccordent continûment en T sur la trajectoire optimale14.

La figure suivante donne une interprétation intuitive qui met en évidence la dynamique de décollage de l’économie :

Ng 1S S Wg S 1S fortE faibleE

Lg

0 µ ( )*WNN WNN

Figure 2

Lorsque la croissance technologique est initialement faible et est située à un taux compris entre Lg et Wg , l’économie est prise irrémédiablement dans une trappe de stagnation

(SS) sans qu’elle ne tire un quelconque avantage de son retard.

Par contre, dans le cas où le taux de croissance initial de la technologie est supérieur au taux international, la dynamique de l’économie dépend de l’importance de ce différentiel de croissance initial ainsi que du temps durant lequel la croissance technologique du PVD reste supérieure à celle de la technologie internationale. Toute chose égale par ailleurs, plus cette période favorable est longue, et plus le gap technologique WNN se réduit et se rapproche du seuil µ . La figure 2 reproduit alors deux cas possibles : dans le premier, le taux de croissance de la technologie ‘tombe’ au dessous de Wg avant que l’économie ne se soit

suffisamment rapprochée des conditions internationales de production. De ce fait, le pays échappe irrémédiablement à la zone d’attraction vers le club de convergence des pays ‘riches’. La technologie croît alors sur une base exclusivement locale et tend, à long terme vers le taux autarcique Lg ( faibleE ). Bien que le taux de croissance de long terme soit positif,

le retard technologique, dans ce cas, croît indéfiniment et l’économie est prise dans la trappe de sous développement. Le deuxième cas est celui d’une économie dont le taux de croissance

14 La démonstration de ces résultats est reportée en annexe.

A

Page 16: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

16

autarcique est suffisamment élevé et qui maintient cet avantage sur une période suffisamment longue pour lui permettre de porter sa proximité technologique au delà du seuil µ . Ce cas s’obtient lorsque la trajectoire du taux de croissance technologique coupe la droite

µ=WNN en un point A situé au dessus de la droite horizontale WN gg = . Il existera

généralement dans ce cas une trajectoire faisant converger la technologie du PVD vers la frontière internationale (point fortE ).

D. Une Sortie de la Trappe de Sous Développement

Peut on mettre en évidence, lorsque l’économie est prise dans une trappe de sous développement, des politiques permettant à celle-ci d’échapper à l’état de stagnation et d’évoluer dans les zones élevées de croissance technologique ? On voit, sur la figure 2, qu’une augmentation de la productivité dans le secteur produisant les connaissances

technologiques (l’augmentation de na

1, le paramètre de productivité dans ce secteur et

englobant l’ensemble des déterminants non pris en compte) déplace la courbe SS vers le haut ( 11SS ) et peut être à l’origine d’un changement de régime de croissance. La valorisation de la de recherche scientifique et technique, la promotion de laboratoires de R&D dans les entreprises contribuent précisément à l’amélioration de la productivité globale du processus de production des connaissances.

On voit également qu’une augmentation de la croissance du travail spécialisé par une accumulation plus soutenue de capital humain offre une autre possibilité de décollage économique. Keller (1996) aboutit également à cette conclusion dans un modèle endogénéisant l’accumulation du capital humain. Une amélioration de la qualité du système d’éducation et de formation professionnelle trouve un fondement dans ce cadre, d’autant plus que ces mêmes facteurs permettront ultérieurement une diffusion plus rapide des technologies importées du reste du monde. L’implémentation des politique économique est, dans ce cadre, d’autant plus aisément réalisable qu’une large partie du processus d’accumulation des connaissances est supportée sous diverses formes par les pouvoirs publics.

Une autre direction de la politique économique, lorsque l’économie est en situation d’indétermination de l’équilibre vers lequel elle est susceptible de converger, a trait à la coordination des anticipations des agents autour de l’équilibre fort. La mise en place d’institutions de qualité ainsi que la crédibilité de l’engagement des pouvoirs publics influencent favorablement les croyances des agents (qui sont dans ce cas autoréalisantes) sur l’occurrence d’un décollage économique.

Page 17: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

17

IV . C O N C L U S I O N

Ce papier part de l’idée que la technologie est un facteur d’une part accumulable et d’autre part, dont la diffusion est partiellement localisée pour étudier, dans la tradition de Rostow, les conditions d’un décollage économique. Pour cela, on a tenté de conditionner la convergence en taux de croissance des économies à une proximité de leur niveau technologique. Ce conditionnement permet de mettre en évidence un premier groupe d’économies (pauvres) où la croissance de long terme est déconnectée des conditions internationales de production. Les économies (riches) dont les conditions technologiques initiales et/ou les anticipations des agents sont compatibles avec un équilibre fort convergent, par contre, vers un même taux de croissance égal au taux de croissance international. Cette notion de clubs de convergence a fait l’objet de tentatives de validation empirique initialement entreprises par W.J. Baumol (1986) . Celles ci ont concerné le taux de croissance du PIB sur longue période. Dans ce travail, on s’est inscrit dans cette même approche mais dans une perspective portant sur le taux de croissance de la technologie15.

D’un autre côté, au sein même des modèles à équilibres multiples, la trappe de sous-développement apparaît souvent lorsque les agents décident de ne plus allouer de travail dans le secteur de la recherche qui tendra alors à disparaître (Howitt et Mayer). Cette trappe apparaît ainsi comme une solution ‘en coin’. Ces modèles prédisent, par conséquent, que le moindre embryon d’un secteur de recherche enclenche une dynamique de convergence. Il s’agit d’un résultat contre intuitif. L’alternative que nous avons proposée fait dépendre le processus de rattrapage non pas simplement de l’existence ou non d’un secteur local de production des connaissances technologiques mais du niveau de développement relatif de celui-ci.

Enfin, cette construction montre que la relation entre l’ouverture économique et la croissance dépend des différentes phases de l’évolution technologique. Lorsque le PVD est loin de l’état de l’art de la technologie, l’ouverture économique n’aura qu’un effet peu significatif sur la croissance. A l’inverse, lorsque le PVD s’est construit des capacités technologiques endogènes et s’est rapproché de la frontière internationale, l’ouverture, en exposant son économie aux technologies des pays leaders est un canal privilégié par lequel se réalise le transfert puis la diffusion des technologies étrangères. Cette proximité technologique est cependant datée car elle est mesurée relativement à une cible mouvante à savoir la frontière technologique internationale. Ainsi, l’avantage en terme de croissance initial du PVD ouvre seulement une ‘fenêtre’ d’opportunité suivant l’expression de Howitt. Faute de s’ouvrir selon le timing adéquat, le PVD risque de voir ses capacités d’absorption s’éroder et de perdre ainsi le bénéfice de la proximité technologique qu’il s’est construite (Cf la trajectoire 11SS de la figure 2). Il s’agit bien d’une alternative au fétichisme de l’ouverture

économique puisqu’il est montré, d’une part, que l’efficacité d’une politique d’ouverture est

15 L’analyse empirique du modèle est un travail en cours et repose sur les méthodes d’estimation et de test des seuils de discrimination développées par B.E. Hansen (2000).

Page 18: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

18

assujettie au préalable d’une politique favorisant la productivité dans le secteur local de production des technologies mais que, d’autre part, tout retard dans la mise en œuvre de stratégies appropriées d’ouverture éloignerait de nouveau les perspectives de rattrapage de l’économie.

Page 19: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

19

A N N E X E

On adopte la structure de financement suivante :on suppose que les ménages financent, à chaque date, le coût fixe -- net des profits de rente -- lié à l’achat de brevets (et d’une façon générale, à la mise en œuvre de l’innovation produite dans le secteur de la recherche) par le secteur des biens intermédiaires. L’évolution de l’actif des ménages sera :

tYtSttttt CpLwBrB −+=

. où la chronique des prix )( tr , )( tw et )( tYp est une donnée pour

les ménages. Le secteur des biens intermédiaires s’endette pour financer ses coûts fixes et son

endettement évolue suivant : txttNtttt NNpArA π−+=..

. A l’équilibre, on a tt BA = . Du fait de notre procédure de normalisation 1=Ntp , alors ttr π= et on en déduit que

tYtSttttt CpLwNN −=− π

. qui indique que, à chaque date, l’épargne des ménages doit être

égale au besoin de financement du secteur des biens intermédiaires16.

Dans ce cadre, le problème du consommateur s’écrit :

∫∞

0)( )(

)()exp( dttptEUtMax

YtEρ

slc )()()()()()(.

tEtLtwtBtrtB S −+=

)0()0( NB = ; 0).)(exp(lim0

=−∫∞→

t

ttBdssr

Proposition A1 : En cas de changement de régimes, la trajectoire optimale des dépenses de consommation )(tE reste continue à la date T du choc.

Ce résultat provient du fait que les ménages sont indifférents à la structure de leur revenu. Seule compte la somme anticipée des flux de revenus actualisés même si leur salaire subit un saut au moment du changement de régimes17. Par contre, si l’environnement institutionnelle imposait une contrainte à l’évolution de l’actif des ménage de type µ=TB ,

16 Ceci entraîne également que

nttVNB = (car =

Np 1=

nV ) qui indique qu’à l’équilibre l’actif des ménages

doit être égal à la valeur de marché n

V des t

N entreprises . 17 Cf A. d’Autume et P. Michel (1995).

Page 20: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

20

alors la consommation pourrait sauter à l’instant du choc de l’ouverture et entraîner une transition discontinue entre les régimes18.

Par contre, la productivité du travail dans le secteur de la recherche augmente en présence de spillovers internationaux . On s’attend donc à une réallocation du travail qualifié au profit de ce secteur :

Proposition A2 : Le travail alloué à la recherche augmente instantanément au moment du choc au détriment de celui alloué au secteur de production des biens capitaux.

N est continu en T et (11) et (14) montrent que )()( +− < TwTw . Comme

ωα YpL YX

2= , XL diminue d’après (A1) et donc NL ‘saute’ à un niveau supérieur.

Simulation de la dynamique globale : Les simulations numériques sont réalisées afin

de mettre en évidence les différentes configurations de la dynamique de rattrapage suivant les conditions initiales de l’économie et les valeurs de ses paramètres. Pour cela, on doit d’abord exprimer les équations d’évolution à l’aide de mêmes variables réduites dans les deux régimes. Une correction naturelle est de détrender les variables par le taux de croissance (exogène) de la technologie mondiale car cette réduction permet de rendre constant le seuil entre les deux régimes et de traiter celui-ci comme une cible fixe.

18 De façon formelle, le plan de consommation des ménages peut se décomposer, en suivant M. Kejak (1998), comme suit :

(P1)

[ ]

∈==−+=

Φ+−∫

libreTTTeNTBdonnéNBtEtLtwtBtrtBslc

TTBdttptEUtMax

TWgW

S

T

YtE

21

.

0)(

,)0()(;)0()0()()()()()()(

)),(())()(()exp(

µ

ρ

avec :

∫∞

−=ΦT YtE

dttptEUtMaxTTB ))()(()exp()),((

)(ρ

(P2) )()()()()()()(.

TttEtLtwtBtrtB S ≥−+=

;)exp()0()( TgNTB WWµ= 0).)(exp(lim

0

=−∫∞→

t

ttBdssr

Sous cette forme, l’objectif intègre une valeur résiduelle (scrap value) à savoir le terme )),(( TTBΦ qui représente la valeur de l’état terminal. P(1) est un programme à horizon fini avec une éventuelle contrainte terminale sur la variable d’état. La condition de transversalité s’écrit dans ces conditions (Seierstad et Sydsaeter

pp 181) : γλ +∂

Φ∂= −−

− BTTB

T)),((

)(*

(1) où )(tλ est la variable adjointe associée à l’équation d’évolution de

l’actif des ménages. P2) est un programme standard en horizon infini avec T comme date initiale. L’interprétation usuelle de la

variable adjointe permet d’écrire : B

TTBT

∂Φ∂

= +++

)),(()(

**

λ (2). Comme l’état du système )(tB reste continu

en T , on a )()( ***+− = TBTB . (1) et (2) montrent alors que, en l’absence de contrainte

sur ))1(0()( dansieTB =γ , λ est continu en T . Il en sera de même pour les dépenses de consommation d’après les équations d’Euler.

Page 21: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

21

Soit :

)exp(0

tgNN

NN

a WWt

Wt

tt −== (A1) et )exp(

0

tgN

Yp

NYp

yp WW

ty

Wt

tYtY −== A(2)

L’équilibre dynamique sera avec ces nouvelles variables :

[ ]

[ ]

−++−=

=+−Φ+=++ Φ

)3()1(1

0))1((exp

2.

_

0

_0

02

.

Aa

ypg

ypyp

ailleursasi

avecNtggaL

aNypaga

t

tYW

tYtY

tWWL

nt

WtYtWt

αασ

ρσσ

µβββα

Il s’agit d’un système d’EDO non autonome dont la résolution ne relève pas généralement de méthodes standards. Le système (A3) dépend, en effet explicitement du temps et non plus indirectement seulement à travers les variables )(ta et )(typY .Une façon d’exprimer ce système sous une forme autonome est d’introduire une nouvelle variable )(tz

représentant le temps : ttz =)( et 1)(.

=tz . Mais, ce faisant, le système sera d’ordre trois et ne se prêtera pas en conséquence à un traitement par le diagramme de phases.

La simulation de systèmes non autonomes est difficile car dans ce cas, la fonction de décision ),( tafypY = dépend du temps rendant alors inopérante la procédure de résolution numérique par élimination du temps de Mulligan et X.Sala-i-Martin .

Cependant, en régime autarcique et lorsque les trajectoires n’atteignent pas le seuil µ , cette difficulté peut être résolue en simulant la dynamique du gap technologique d’abord dans le système ),( tg

Ytg LL eYpeN −− --où les trajectoires sont convergentes -- par des méthodes

usuelles à partir desquelles seront ensuite recalculées les trajectoires en ),( ypa Y à l’aide des relations (A1) et (A2).

Par contre, en présence de changement de régimes, cette procédure n’est plus valable. On a alors supposé, à titre de simplification, que l’évolution technologique, en économie ouverte sur les technologies étrangères (régime II ), résulte uniquement des spillovers internationaux ( )01 →na . La première équation de ( 3A ) se simplifie dans ce cas et devient, pour µ≥ta :

)1(2.

ttYtWt aypaga −=++ βα si µ≥ta (A4)

Moyennant cette hypothèse, on a adapté la méthode de tir backward (Judd 1998) de la façon suivante :on détermine la trajectoire optimale du régime de croissance avec absorption technologique )(II et ses conditions initiales )(0 µ=IIa et 0

IIY Yp . On fixe ensuite T la durée du régime autarcique )(II et on raccorde les trajectoires en posant 0

IITI aa = et

0IIY

TIY YpYp = où T

Ia et TIY Yp sont les conditions prévalant à la date T dans le régime I .

On intègre avec ces conditions terminales le système d’équations différentielles (A3)

backward entre T et 0 (avec 0_

=β ). Si ( )Ta I0 est le niveau initial de technologie calculé,

la méthode consiste à itérer sur T de façon à minimiser l’écart à la cible 00 )( II aTa − .

Page 22: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

22

Il faut toutefois noter que si on relâche la simplification (A4), la méthode devient inopérante car les conditions initiales du régime )(II dépendront de nouveau de la date du choc T .

a) En régime autarcique ( I ), toutes les trajectoires situées au-dessous du bras stable tendent, à long terme, vers l’origine. Ce n’est pas cependant un cas de multiplicité d’équilibres car seule la trajectoire tangente à l’origine au vecteur propre du système autarcique linéarisé vérifie la condition de transversalité.

b) Le régime de diffusion technologique ( II ) possède les propriétés usuelles d’une dynamique de type point-selle. Il existe un deuxième point stationnaire (attracteur) correspondant à une consommation nulle et dont le bassin d’attraction est situé sous le bras stable du point-selle.

c) dynamique globale : Selon les paramètres du modèle et les conditions initiales, il peut exister ou non de trajectoires du régime autarcique atteignant le seuil µ et se raccordant continûment à la trajectoire de croissance équilibrée du régime de diffusion technologique. Une condition nécessaire (mais non suffisante) est que :

−< WWWn

Y gN

N

Na

Lyp

0

0

0

02

1)0(

α (A5)

Cette condition impose un seuil maximum à la dépense initiale pour permettre à la croissance de la technologie d’être initialement supérieure au taux international Wg 19.

Le tableau suivant reporte les valeurs des paramètres utilisées dans les simulations et les états stationnaires impliqués:

na α σ ρ Lgσρ + Lg Wg Φ β µ WN 0 0L 0a 0N

2 0,33 1 0,04 0,05 0,01 0.03 Variable 0,03 0.353 150 10 0.353 Variable

Valeurs stationnaires impliquées [* )exp( tgNn Lt −=

[ ]** )exp( tgpYpy Lt −=

[ ]** Wtt NNa = [ ]** W

ttY NpYyp =

Régime autarcique 144.3965 32.6541 0 0

Régime de diffusion technol.

0.4652 0.1473

On considère plusieurs situations suivant le niveau initial de la technologie considéré :

1) le niveau initial de la technologie normalisée est faible :

La figure (3) reproduit le cas où le sentier stationnaire n’atteint pas le seuil critique µ . Il existe une seule trajectoire d’équilibre et celle ci converge vers un équilibre de sous 19 Cette condition empêche que la dynamique du gap technologique ne soit, dès la date initiale, monotone et croissante

Page 23: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

23

développement. La croissance de la technologie reste positive (1%) et égale à la croissance, supposée exogène, du travail qualifié mais le gap technologie entre le PVD et les pays leaders devient infini.

2) La trajectoire stationnaire atteint le seuil critique :

Plusieurs configurations sont dans ce cas possibles. Les simulations (4) et (5) reproduisent une économie où la trajectoire d’équilibre autarcique atteint le seuil µ avec un

niveau du produit suffisamment ‘proche’ du niveau initial requis pour une croissance avec diffusion technologique. Dans ce cas, l’économie s’installe initialement sur une trajectoire divergente pour se raccorder continûment à la date T au sentier de croissance équilibrée du régime (II). Les conditions initiales réalisent dans ces deux cas le décollage de l’économie. Par contre, l’équilibre peut ne pas exister si le niveau du produit (et des dépenses de consommation) est trop faible au regard de celui requis initialement pour une croissance équilibrée forte comme cela apparaît dans la figure (6). Cette situation est due fait qu’on a retenu l’hypothèse d’une transition discontinue entre les régimes20.

20 L’alternative serait de supposer l’existence d’une zone intermédiaire où la diffusion technologique suit une fonction logistique qui raccorde continûment les étapes de développement. Cette zone contiendra un état stationnaire instable qui peut conduire à une indétermination de la trajectoire d’équilibre (Cf d’Autume et Michel (1995).

Page 24: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

24

TRAPPE DE SOUS DEVELOPPEMENT

S'

S'

0

0,04

0,08

0,12

0,16

0,2

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5S.DIVERGENT S.DIVERGENT S.STABLE_II

Mu S.STABLE_II

Figure 3 ( 0150 =Φ= etN )

TRANSITION ENTRE LES REGIMES_I

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5

S.STABLE_I S.DIVERGENT S.STABLE_II Mu

Figure 4 ( 07.0400 =Φ= etN )

Page 25: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

25

TRANSITION ENTRE LES REGIMES_II

S

S

S'

D

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 0,5

S.STABLE_I S.STABLE_II Mu S.DIVERGENT

Figure 5 ( 0500 =Φ= etN )

INEXISTENCE D'EQUILIBRE

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0,25

0,3

0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6S.DIVERGENT S.STABLE_I S.STABLE_II

Mu S.DIVERGENT

Figure 6 ( 0350 =Φ= etN )

Page 26: Ecart Technologique Et Clubs de Convergence

26

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