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N o 182 Février 2015 Note d’information sur la jurisprudence de la Cour

echr.coe.int/Documents/CLIN_2015_02_182_FRA.pdf · Refus de permettre à un enfant de voyager pour rejoindre sa mère sans le ... détenu mis à sa disposition pour se doucher et

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  • No 182 Fvrier 2015

    Note dinformation sur la jurisprudence de la Cour

  • Les rsums juridiques publis dans les Notes dinformation sont aussi disponibles dans la base de donnes HUDOC sous Rsums juridiques.

    Cette Note dinformation, tablie par la Division des publications et de linformation sur la jurisprudence, contient les rsums daffaires dont le greffe de la Cour a indiqu quelles prsentaient un intrt particulier. Les rsums ne lient pas la Cour. Dans la version provisoire, les rsums sont en principe rdigs dans la langue de laffaire en cause ; la version unilingue de la note parat ultrieurement en franais et en anglais et peut tre tlcharge ladresse suivante : . Un abonnement annuel la version papier comprenant un index est disponible pour 30euros (EUR) ou 45 dollars amricains (USD) en contactant .

    La base de donnes HUDOC disponible gratuitement sur le site internet de la Cour () vous permettra daccder la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme (arrts de Grande Chambre, de chambre et de comit, dcisions, affaires communiques, avis consultatifs et rsums juridiques extraits de la Note dinformation sur la jurisprudence), de la Commission europenne des droits de lhomme (dcisions et rapports) et du Comit des Ministres (rsolutions).

    Cour europenne des droits de lhomme (Conseil de lEurope) 67075 Strasbourg Cedex France Tl. : 00 33 (0)3 88 41 20 18 Fax : 00 33 (0)3 88 41 27 30 [email protected] www.echr.coe.int

    ISSN 1814-6511

    Conseil de lEurope / Cour europenne des droits de lhomme, 2015 Photos: Conseil de l'Europe

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#{"sort":["kpdate Descending"],"documentcollectionid2":["CLIN"]}http://www.echr.coe.int/NoteInformation/frmailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspxmailto:publishing%40echr.coe.int?subject=Information%20Note%20/%20Note%20d%27informationhttp://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=home&c=fra

  • 3

    TABLE DES MATIRES

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant Enqute effective

    Mesure de contrainte physique non ncessaire exerce pendant 15heures dans un hpital psychiatrique et absence denqute sur les allgations de mauvais traitement : violation

    M.S. c. Croatie (n2) - 75450/12 .......................................................................................... 7

    Traitement dgradant

    Absence de rducation et inadaptation de laccs aux sanitaires un prisonnier gravement handicap : violation

    Helhal c. France - 10401/12 ................................................................................................... 7

    Peine inhumaine ou dgradante

    Maintien en dtention dans le cadre dune peine de perptuit relle, aprs clarification du pouvoir du ministre dordonner une remise en libert : non-violation

    Hutchinson c. Royaume-Uni - 57592/08 ................................................................................. 8

    Enqute effective

    Refus de rouvrir une procdure pnale au sujet de laquelle le Gouvernement a soumis une dclaration unilatrale : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Jeronovis c. Lettonie - 44898/10 ............................................................................................ 9

    Expulsion

    Menace dexpulsion vers lItalie, en vertu du Rglement DublinII, dun jeune homme sans personne charge : irrecevable

    A.M.E. c. Pays-Bas (dc.) - 51428/10 ..................................................................................... 9

    ARTICLE 5

    Article 5 1 (e)

    Alins

    Absence de reprsentation en justice effective lors dune procdure relative linternement psychiatrique de la requrante : violation

    M.S. c. Croatie (n2) - 75450/12 ........................................................................................ 10

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Droits et obligations de caractre civil Procs quitable

    Interprtation manifestement arbitraire dun arrt de la Cour europenne lors du rejet par la Cour suprme dun pourvoi exceptionnel : article 6 1 applicable ; violation

    Bochan c. Ukraine (n2) [GC] - 22251/08 .......................................................................... 11

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 175 Juin 2014

    4

    Article 6 1 (pnal)

    Procs quitable

    Impossibilit dobtenir un nouveau procs aprs une condamnation par contumace : violation

    Sanader c. Croatie - 66408/12 ............................................................................................. 13

    ARTICLE 7

    Article 7 1

    Nulla poena sine lege

    Confiscation de biens malgr le prononc de non-lieux en raison de la prescription ou en labsence de toute accusation : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Hotel Promotion Bureau s.r.l. et RITA Sarda s.r.l. c. Italie - 34163/07 Falgest s.r.l. et Gironda c. Italie - 19029/11 G.I.E.M. c. Italie - 1828/06 ................................................................................................. 14

    ARTICLE 8

    Respect de la vie prive

    Divulgation la presse dlments dun dossier dinstruction : violation

    Apostu c. Roumanie - 22765/12 ........................................................................................... 14

    Respect de la vie prive

    Obligations positives

    Utilisation non consentie du prnom dune personnalit publique dans une publicit satirique : non-violation

    Bohlen c. Allemagne - 53495/09 ........................................................................................... 14

    Respect de la vie familiale

    Refus de permettre un enfant de voyager pour rejoindre sa mre sans le consentement du pre : violation

    Penchevi c. Bulgarie - 77818/12 ........................................................................................... 16

    ARTICLE 9

    Libert de religion

    Obligations positives

    Absence de mesures adquates pour empcher, ou enquter sur, les troubles la prire musulmane causs par des manifestants injurieux et violents : violation

    Karaahmed c. Bulgarie - 30587/13 ....................................................................................... 17

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 175 Juin 2014

    5

    ARTICLE 10

    Libert dexpression

    Imposition damendes des parlementaires de lopposition condamns pour avoir montr des affiches pendant des votes : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Karcsony et autres c. Hongrie - 42461/13 ............................................................................ 18

    Libert dexpression Libert de communiquer des informations

    Condamnation de journalistes pour avoir enregistr et diffus, dans un but dintrt public, un entretien avec un courtier en assurances : violation

    Haldimann et autres c. Suisse - 21830/09 ............................................................................. 18

    Libert dexpression

    Sanctions pnale et disciplinaire infliges au requrant, avocat, pour diffamation dun expert cit par laccusation : irrecevable

    Fuchs c. Allemagne - 29222/11 et 64345/11 ......................................................................... 19

    Libert de recevoir des informations Libert de communiquer des informations

    Non-obtempration dun maire des dcisions de justice dfinitives ayant accord la requrante le droit daccs des informations : violation

    Guseva c. Bulgarie - 6987/07 ............................................................................................... 20

    ARTICLE 34

    Victime

    Qualit de victime dun requrant ayant obtenu rparation auprs des tribunaux civils pour des actes de torture mais dont la plainte pnale na pas donn lieu une enqute effective : qualit de victime reconnue

    Razzakov c. Russie - 57519/09 ............................................................................................. 21

    ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N 1

    Respect des biens

    Perte de prestations dinvalidit suite lintroduction de nouveaux critres doctroi : violationBln Nagy c. Hongrie - 53080/13 ...................................................................................... 22

    RENVOI DEVANT LAGRANDE CHAMBRE.................................................................................. 23

    DESSAISISSEMENT AU PROFIT DE LA GRANDE CHAMBRE .................................................. 23

    DERNIRES NOUVELLES ............................................................................................................... 23

    Abonnement au fil RSS de la Note dinformation

    Lancement de deux nouvelles bases HUDOC (CPT et ESC)

    Sminaire en lhonneur de Michael OBoyle

    Concours europen de plaidoiries

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 175 Juin 2014

    6

    PUBLICATIONS RCENTES............................................................................................................ 24

    La Cour en faits et chiffres 2014

    Aperu 1959-2014

    Guides sur la jurisprudence : versions russes

    Manuel de droit europen en matire dasile, de frontires et dimmigration : version portugaise

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    7Article 3

    ARTICLE 3

    Traitement inhumain ou dgradant Enqute effective

    Mesure de contrainte physique non ncessaire exerce pendant 15heures dans un hpital psychiatrique et absence denqute sur les allgations de mauvais traitement : violation

    M.S. c. Croatie (n2) - 75450/12Arrt 19.2.2015 [Section I]

    (Voir larticle 5 ci-dessous, page 10)

    Traitement dgradant

    Absence de rducation et inadaptation de laccs aux sanitaires un prisonnier gravement handicap : violation

    Helhal c. France - 10401/12Arrt 19.2.2015 [Section V]

    En fait Le requrant souffrant depuis 2006 duneparaplgie des membres infrieurs et dune incontinence urinaire et anale purge actuellement une peine de trente ans de rclusion criminelle. En aot 2010, il demanda une suspension de peine pour raison mdicale au juge de lapplication des peines. Il allgua que les locaux taient inadapts son handicap qui lobligeait se dplacer en fauteuil roulant, quil devait se faire assister dun dtenu mis sa disposition pour se doucher et que les soins de kinsithrapie qui lui taient prodigus taient insuffisants. En fvrier 2011, le tribunal de lapplication des peines rejeta sa demande et estima que ltat de sant du requrant tait compatible avec son incarcration faisant suite aux valuations mdicales concordantes de deux experts. Le tri-bunal prcisa cependant que le centre de dtention ntait pas adapt au requrant et quil existait des tablissements mieux quips pour laccueillir. Les recours du requrant contre cette dcision naboutirent pas.

    En droit Article 3 : Le requrant prsentant un handicap qui le contraint se dplacer principale-ment en chaise roulante mme sil semble quil puisse parfois se dplacer avec des cannes ou un dambu-lateur, ses griefs sont examins la lumire des principes rgissant les obligations de soins de ltat

    lgard des personnes handicapes, eu gard leur vulnrabilit face aux difficults de la dtention.

    Concernant la qualit des soins dispenss au requ-rant lors de sa dtention, et notamment la question de savoir si les autorits nationales ont fait ce quon pouvait raisonnablement exiger delles pour lui prodiguer la rducation dont il avait besoin et lui offrir une chance de voir son tat samliorer, aucun kinsithrapeute nest intervenu au sein du centre de dtention durant trois ans. Aucune mesure sp-cifique na t prise pendant tout ce laps de temps et aucune solution na t cherche pour que le requrant puisse bnficier de sances de kinsi-thrapie adaptes son tat, malgr les recom-mandations rptes des mdecins de le prendre en charge dans un environnement spcialis. Le seul comportement du requrant, qui semble avoir t rticent un ventuel transfert, en raison notam-ment de lloignement familial, ne saurait justifier linertie des autorits pnitentiaires et sanitaires.

    Concernant les conditions de dtention, et sagis-sant de laccs aux sanitaires, et plus prcisment aux douches, celles-ci ne se situant pas dans la cellule, le requrant ne peut sy rendre seul et elles ne sont pas amnages pour tre accessibles aux personnes mobilit rduite en fauteuil roulant. En outre, vu ltat du requrant, le dtenu en charge de lassister quotidiennement doit laider raliser sa toilette. Cette situation a t juge inacceptable par le contrleur gnral des lieux de privation de libert. Par ailleurs, si le lgislateur a ouvert en2009 la possibilit toute personne dtenue se trouvant dans une situation de handicap de dsigner un aidant de son choix, une telle mesure, supposer que les conditions de ce choix aient t remplies en lespce, nest pas suffisante pour r-pondre aux besoins du requrant qui vit diffici-lement le moment de la douche, compte tenu de son incontinence, du manque dintimit et du rle dassistance confi au codtenu. En effet, cette aidene constitue pas un complment la prise en charge du requrant par des professionnels de sant et le dtenu dsign pour lassister na pas reu la formation ncessaire la pratique des gestes requis pour une personne invalide. cet gard, la Cour a plusieurs reprises estim que lassistance dun codtenu, mme volontaire, ne signifie pas que les besoins spciaux du requrant sont satisfaits et que ltat sest acquitt cet gard des obligations lui incombant au titre de larticle3 de la Convention.

    En dfinitive, le maintien en dtention du requ-rant nest pas incompatible en soi avec larticle3 de la Convention mais les autorits nationales ne lui ont pas assur une prise en charge propre lui

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152257

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    Article 38

    pargner des traitements contraires cette dis-position. Compte tenu de son grave handicap, et du fait quil souffre dincontinence urinaire et anale, la priode de dtention quil a vcue sans pouvoir bnficier daucun traitement de rdu-cation, et dans un tablissement o il ne peut prendre des douches que grce laide dun co-dtenu, a soumis lintress une preuve dune intensit qui a dpass le niveau invitable de souf-frances inhrentes une privation de libert. Ces circonstances constituent un traitement dgradant prohib par larticle3. Labsence dlments laissant penser que les autorits aient agi dans le but dhumi-lier ou de rabaisser le requrant ne change en rien ce constat.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 7000 EUR pour prjudice moral.

    Peine inhumaine ou dgradante

    Maintien en dtention dans le cadre dune peine de perptuit relle, aprs clarification du pouvoir du ministre dordonner une remise en libert : non-violation

    Hutchinson c. Royaume-Uni - 57592/08Arrt 3.2.2015 [Section IV]

    En fait Reconnu coupable en septembre 1984 decambriolage aggrav, de viol et de trois chefs demeurtre, le requrant fut condamn la rclu-sion perptuit avec 18ans demprisonnement comme peine punitive minimale recommande. En dcembre 1994, le ministre lui fit savoir quil avait dcid dimposer la perptuit relle. la suite de lentre en vigueur de la loi de 2003 sur la justice pnale, le requrant demanda le rexamen de sa peine demprisonnement minimale. En mai 2008, la High Court jugea quil ny avait aucune raison de scarter de cette dcision compte tenu de la gravit des infractions. Le requrant forma un recours devant la Cour dappel mais il fut d-bout en octobre 2008.

    Devant la Cour europenne, le requrant voit dans la perptuit relle inflige lui en labsence de tout espoir de libration une violation de larticle3 de la Convention.

    En droit Article 3 : La question principale qui se pose en lespce est de savoir si le pouvoir accord au ministre par larticle30 de la loi de 2003 sur la justice pnale lui permettant de librer les dtenus perptuit suffisait rendre compressible de jure et de facto la peine de perptuit relle inflige au

    requrant. Dans son arrt en laffaire Vinter et autres c.Royaume-Uni, la Grande Chambre avait conclu un manque de clart dans la loi car le chapitre12 du manuel sur les peines dure indtermine (qui prvoit que la libration ne peut tre ordonne que si le dtenu est atteint dune maladie mortelle en phase terminale ou physiquement handicap) tait source dincertitude quant savoir si le pouvoir confr par larticle30 serait exerc dune manire conforme larticle3 de la Convention. En outre, le manuel nayant pas t modifi, les dtenus perptuit relle ne pouvaient en tirer quun tableau partiel des conditions exceptionnelles susceptibles de donner lieu lexercice par le ministre du pou-voir prvu larticle30 de la loi de 2003.

    La Cour dappel a toutefois rendu depuis lors un arrt rpondant expressment aux proccupations exprimes dans larrt Vinter et autres. Dans son arrt R c. Newell; R c. McLoughlin1 elle a dit quil tait indiffrent que le manuel net pas t modifi puisquil tait clairement tabli en droit interne que le ministre tait tenu dexercer le pouvoir confr par larticle30 de la oi de 2003 de manire compatible avec larticle3 de la Convention. Si un dtenu condamn la perptuit peut tablir que des circonstances exceptionnelles sont apparues postrieurement limposition de sa peine, le mi-nistre doit examiner si ces circonstances justifient la mise en libert pour des motifs humanitaires. Quelles que soient les rgles nonces dans le ma-nuel, il doit tenir compte de toutes circonstances pertinentes, dune manire compatible avec ar-ticle3. Toute dcision rendue par lui devra alors tre motive par les circonstances de la cause et pourra tre attaque devant le juge, ce qui permettra de prciser le sens de lexpression circonstances exceptionnelles et motifs humanitaires , ce qui est le processus habituel en common law. Daprs la Cour dappel, le droit interne offre donc aux personnes condamnes la perptuit relle un espoir et une possibilit de libration si des cir-constances exceptionnelles font que la peine nest plus justifie.

    L o, comme en lespce, le juge national rpond expressment aux doutes exprims par la Cour quant la clart du droit interne et offre un expos sans quivoque de ltat du droit, la Cour doit faire sienne linterprtation par lui du droit interne.

    Conclusion : non-violation (six voix contre une).

    (Voir Vinter et autres c. Royaume-Uni [GC], 66069/09, 130/10 et 3896/10, 9juillet 2013, Note dinformation165)

    1. R c. Newell ; R c. McLoughlin [2014] EWCA Crim 188.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-150778http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7687http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-7687

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    9Article 3

    Enqute effective

    Refus de rouvrir une procdure pnale au sujet de laquelle le Gouvernement a soumis une dclaration unilatrale : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Jeronovis c. Lettonie - 44898/10[Section IV]

    En 1998, le requrant engagea une procdure p-nale concernant les mauvais traitements que lui auraient infligs des policiers en vue de lui soutirer des aveux. Cette procdure se termina finalement par un non-lieu. En 2001, le requrant saisit la Cour dune requte (no547/02), dans laquelle il se plaignait notamment des mauvais traitements et de labsence denqute effective. Eu gard ce grief, le Gouvernement prsenta une dclaration uni-latrale reconnaissant une violation de larticle3 et octroyant une indemnit au requrant. La requte fut en consquence raye du rle dans la mesure o elle concernait les griefs viss par ladite. En 2010, les autorits refusrent la demande de rou-ver ture de la procdure pnale prsente par le requrant relativement ses allgations de mauvais traitements par la police, aprs avoir constat que la dclaration unilatrale du Gouvernement ne pou-vait pas tre considre comme un lment nou-veau au sens de la lgislation nationale pertinente.

    Dans la prsente requte la Cour, le requrant se plaint en substance que, malgr la reconnaissance par le Gouvernement dune violation de ses droits au titre de larticle3 de la Convention, les autorits de ltat ont failli mener une enqute convenable sur les mauvais traitements que lui aurait infligs des policiers.

    Laffaire a t communique sous langle des ar-ticles3 et 13 de la Convention. Le 3fvrier 2015, une chambre de la Cour a dcid de se dessaisir en faveur de la Grande Chambre.

    Expulsion

    Menace dexpulsion vers lItalie, en vertu du Rglement DublinII, dun jeune homme sans personne charge : irrecevable

    A.M.E. c. Pays-Bas - 51428/10Dcision 13.1.2015 [Section III]

    En fait Le requrant, qui allgue avoir la natio-nalit somalienne, arriva en Italie en avril 2009, parmi un groupe denviron 200personnes. Le len-

    demain, la police prit ses empreintes et lenregistra comme ayant pntr illgalement sur le territoire de lUnion europenne. Il fut ensuite transfr dans un centre de rtention pour demandeurs dasile, o il demanda la protection internationale et se vit accorder un permis de sjour pour protection sub-si diaire valable trois ans. En mai 2009, il quitta le centre de rtention pour une destination inconnue avant de demander lasile aux Pays-Bas en octobre 2009. En avril 2010, les autorits nerlandaises demandrent lItalie de reprendre le requrant en charge en vertu du rglement DublinII1. Les auto-rits italiennes nayant pas ragi cette demande dans les deux semaines, elles furent prsumes avoir laccept implicitement.

    En droit Article 3 : Contrairement aux requrants dans laffaire Tarakhel c.Suisse, qui formaient une famille avec six enfants mineurs, le requrant est un jeune homme en pleine possession de ses moyens, sans personne charge. Par ailleurs, les dispositions concernant les transferts vers lItalie en vertu du rglement de Dublin ont t dfinies par les auto-rits nerlandaises en consultation avec leurs homo-logues italiens, et en principe un pravis de trois jours tait de mise. De plus, la situation actuelle en Italie pour les demandeurs dasile ne peut en aucun cas se comparer la situation en Grce lpoque o larrt dans laffaire M.S.S. c.Belgique et Grce a t rendu. La structure et la situation gnrale quant aux dispositions prises pour laccueil des demandeurs dasile en Italie ne peuvent en soi passer pour des obstacles empchant le renvoi de tout demandeur dasile vers ce pays. Ds lors, eu gard la faon dont il a t trait par les autorits italiennes aprs son arrive en Italie, le requrant na pas tabli que, sil tait renvoy vers lItalie, il courrait, dun point de vue matriel, physique ou psychologique, un risque suffisamment rel et im-minent de subir des preuves revtant le degr de gravit requis pour tomber sous lempire de lar-ticle3. Rien nindique que lintress ne pourrait pas bnficier des ressources disponibles en Italie pour les demandeurs dasile ou que, en cas de dif-ficults, les autorits italiennes ne ragiraient pas de manire approprie.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    1. Rglement (CE) no 343/2003 du Conseil du 18fvrier 2003 tablissant les critres et mca nismes de dtermination de ltat membre respon sable de lexamen dune demande dasile prsente dans lun des tats membres par un ressortissant dun pays tiers.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-114288http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-95964http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152295http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32003R0343

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    10 Article 3 Article 5 1 (e)

    (Tarakhel c. Suisse [GC], 29217/12, 4novembre 2014, Note dinformation179, et M.S.S. c.Belgique et Grce [GC], 30696/09, 20janvier 2011, Note dinformation137 ; voir galement la fiche thma-tique sur les affaires Dublin )

    ARTICLE 5

    Article 5 1 (e)

    Alins

    Absence de reprsentation en justice effective lors dune procdure relative linternement psychiatrique de la requrante : violation

    M.S. c. Croatie (n2) - 75450/12Arrt 19.2.2015 [Section I]

    En fait La requrante se rendit la salle durgence dun hpital, se plaignant de fortes douleurs au bas du dos. On diagnostiqua chez elle un lumbago et des troubles psychiatriques, et elle fut interne doffice dans une clinique psychiatrique o elle fut attache de force un lit dans une chambre isole et maintenue dans cette position jusquau len-demain matin. Dans une dcision confirme par un collge de trois juges, un tribunal de comt autorisa par la suite son maintien en internement, alors que la requrante sy tait oppose et se disait victime de mauvais traitement la clinique. La requrante fut autorise sortir un mois aprs son internement forc.

    En droit Article 3

    a) Volet procdural La requrante et sa sur se sont toutes deux plaintes par crit ladministra tion de lhpital dun mauvais traitement au cours de lin-ternement forc de la requrante et ont donn des informations dtailles sur le traitement et les dou-leurs subies en raison de sa mise sous contrainte physique pendant 15heures. Leurs allgations, tayes par des documents mdicaux, ont fait natre un grief dfendable de mauvais traitement, qui a lui-mme engendr lobligation pour les autorits de conduire une enqute officielle effective. Or les griefs nont pas t examins par les juridictions internes ni signals aux autres autorits comp-tentes pour un complment denqute.

    Conclusion : violation (unanimit).

    b) Volet matriel Lvolution des standards juri-diques contemporains concernant lisolement etdautres formes de mesures coercitives et non

    voulues imposes des patients atteints de pro-blmes psychologiques ou intellectuels au sein des hpitaux et de tous les autres lieux de privation de libert impose que les mesures de ce type ne soient employes quen dernier ressort et lorsquil sagit du seul moyen existant dempcher un dommage immdiat ou imminent au patient ou autrui. Le recours de telles mesures doit saccompagner de garanties adquates contre les abus, prvoir des garanties procdurales suffisantes et pouvoir repo-ser sur des lments montrant de manire suffisante que les impratifs de ncessit ultime et de propor-tionnalit ont t respects et quaucune autre solution raisonnable ne permettait de pallier de manire satisfaisante le risque de dommage au patient ou autrui. Il faut aussi dmontrer que la mesure ne sest pas prolonge au-del de la dure strictement ncessaire sa finalit.

    En lespce, rien dans le dossier mdical de la requ-rante nindique quelle eut pos le moindre danger immdiat ou imminent de dommage pour elle-mme ou pour autrui ni quelle se ft montre agressive dune quelconque manire. Le fait quelle ait pu livrer des informations incohrentes sur ses problmes de sant ne pouvait en lui-mme justifier le recours des mesures de contrainte physique. Il na pas non plus t dmontr quune quelconque autre mesure et t essaye, que la contrainte physique et t employe en dernier ressort ni quela mesure et t ncessaire et proportionne au vu des circonstances. Enfin, la Cour nest pas convaincue que ltat de la requrante alors quelle tait en isolement ait t surveill de manire ef-fective et adquate. Le mauvais traitement subi parla requrante sanalyse donc en un traitement inhumain et dgradant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 5 1 e) : Le tribunal de comt a commis doffice un avocat pour reprsenter la requrante dans la procdure forme par elle contre son inter-nement forc. Cependant, cet avocat ne sest pas entretenu avec elle, ne lui a fourni aucun conseil juridique et na rendu aucune conclusion en son nom : il a fait fonction dobservateur passif au cours du procs. La seule dsignation dun avocat, sans que celui-ci fournisse la moindre assistance juri-dique relle, ne peut satisfaire aux exigences de l assistance juridique ncessaire aux personnes internes en tant qu alins . La reprsentation en justice effective des alins appelle une obliga-tion de contrle plus pousse de leurs reprsentants par les autorits internes comptentes. Bien que conscientes des carences de lavocat, les autorits croates nont pas pris les mesures qui simposaient

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-10182http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-629http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-629http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Dublin_FRA.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152259

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    11Article 5 1 (e) Article 6 1 (civil)

    pour garantir la reprsentation en justice effective de la requrante. De plus, bien quil se soit rendu auprs de la requrante lhpital, le juge devant lequel la procdure fut conduite na pas pris les dispositions appropries pour assurer son accs effectif la justice, en linformant par exemple de ses droits ou en envisageant la possibilit pour ellede comparatre laudience. Compte tenu des multiples dfaillances qui ont entach la proc-dure dinternement forc de la requrante, la Cour conclut que les autorits internes nont pas satisfait aux exigences procdurales impratives de larticle5 de la Convention.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : aucune demande formule pour dom-mage.

    (Voir aussi M.S. c. Croatie, 36337/10, 25avril 2013 ; Bure c. Rpublique tchque, 37679/08, 18octobre 2012. Voir galement les fiches th-matiques sur la sant mentale et les personnes handicapes.)

    ARTICLE 6

    Article 6 1 (civil)

    Droits et obligations de caractre civil Procs quitable

    Interprtation manifestement arbitraire dun arrt de la Cour europenne lors du rejet par la Cour suprme dun pourvoi exceptionnel : article 6 1 applicable ; violation

    Bochan c. Ukraine (n2) - 22251/08Arrt 5.2.2015 [GC]

    En fait La requrante fut partie devant les juri-dictions internes un litige ancien mais finalement perdu concernant la proprit dun terrain. En 2001, elle introduisit devant la Cour europenne une requte, se plaignant dun manque dquit de la procdure interne. Dans un arrt rendu le3mai 2007 (Bochan c.Ukraine, 7577/02), la Cour constata une violation de larticle 6 1 de la Conven tion au motif que les dcisions des juri-dictions internes avaient t rendues lissue dune instance non conforme aux garanties procdurales, dcoulant de larticle 6 1, tenant lindpendance et limpartialit du procs, la scurit juridique et la motivation suffisante des jugements. Elle

    alloua la requrante 2000EUR pour prjudice moral.

    Sappuyant sur larrt de la Cour europenne, la requrante forma ensuite un pourvoi la lumire de circonstances exceptionnelles ( pourvoi excep-tionnel ), dans lequel elle priait la Cour suprme ukrainienne dannuler les dcisions des juridictions internes dans son procs et de faire droit toutes ses prtentions. En mars 2008, la Cour suprme rejeta son pourvoi aprs avoir conclu que les dci-sions internes taient correctes et fondes. En juin 2008, elle dclara irrecevable un nouveau pourvoi exceptionnel form par la requrante.

    Dans la requte dont elle a saisi la Cour europenne en lespce, la requrante, invoquant larticle 6 1 de la Convention et larticle1 du Protocole no1, estime que, en rejetant son pourvoi exceptionnel, la Cour suprme na pas tenu compte des conclu-sions de la Cour europenne dans son arrt du 3mai 2007.

    En droit Article 6 1 : La Cour doit se prononcer sur trois questions : a)larticle46 de la Convention fait-il obstacle ce quelle connaisse des griefs de la requrante, tant donn que le Comit des Ministres du Conseil de lEurope surveille toujours lexcution de larrt du 3mai 2007 ? b)les garan-ties de la Convention devaient-elles sappliquer la pro cdure interne conduite dans le cadre du pourvoi exceptionnel de la requrante ? c)dans laffirmative, les exigences de larticle 6 1 ont-elles t respectes ?

    a) Larticle 46 fait-il obstacle ce que la Cour connaisse des griefs de la requrante ? La Grande Chambre rappelle que le rle que joue le Comit des Ministres dans le cadre de lexcution des arrts de la Cour nempche pas celle-ci dexaminer une nouvelle requte portant sur des mesures prises par un tat dfendeur en excution de lun de ses arrts si cette requte renferme des lments pertinents nouveaux touchant des questions non tranches dans larrt initial.

    On peut voir dans certaines des observations de la requrante un grief de dfaut de bonne excution de larrt rendu par la Cour le 3mai 2007. Or tout grief tir soit dune inexcution dun arrt de la Cour soit dun dfaut de redressement dune vio-lation dj constate par elle chappe sa comp-tence. Les griefs que la requrante tire dun dfaut de redressement de la violation de larticle 6 1 dans laffaire prcdente sont donc irrecevables.

    La requrante soulve toutefois aussi un grief nou-veau, concernant la conduite et lquit de la pro-cdure tranche par la Cour suprme en 2008.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-118736http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-113812http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Mental_health_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Disabled_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Disabled_FRA.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152332http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-80456http://www.coe.int/t/cm/home_FR.asp?http://www.coe.int/t/cm/home_FR.asp?

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    12 Article 6 1 (civil)

    Ellesoutient en particulier que le raisonnement suivi par la Cour suprme dans sa dcision contre-dit manifestement les constats pertinents oprs par la Cour europenne dans son arrt de 2007. Ce grief nouveau est donc tir non pas de lissue proprement dite de la procdure suivie dans le cadre du pourvoi exceptionnel form par la requ-rante ni dune ineffectivit de lexcution de larrt de la Cour par les juridictions nationales, mais de la manire dont la Cour suprme est parvenue ladcision de mars 2008 lissue du pourvoi excep-tionnel. Il a ds lors trait une situation distincte de celle examine dans larrt de 2007 et renferme des lments nouveaux se rapportant des ques-tions non tranches par lui. Partant, larticle46 de la Convention ne fait pas obstacle lexamen par la Cour du grief nouveau tir par la requrante dun manque dquit de la procdure qui sest conclue par la dcision de la Cour suprme du 14mars 2008.

    b) Applicabilit de larticle 6 la procdure conduite dans le cadre du pourvoi exceptionnel de la requrante Si larticle 6 1 nest en principe pas applicable aux recours extraordinaires permettant de solliciter la rouverture dune procdure termine, la nature, la porte et les particularits de pareille procdure dans tel ou tel ordre juridique peuvent tre propres la faire tomber dans le champ dapplication de larticle 6 1 et des garanties dquit du procs que cette disposition accorde au justiciable. Aussi la Cour doit-elle examiner la nature, la porte et les particularits du recours extraordinaire dont il est question en lespce.

    Le cadre juridique en vigueur en Ukraine ouvrait la requrante un recours permettant le rexamen de son litige civil par la Cour suprme la lumire du constat de la Cour jugeant vicies les dcisions internes initiales. Compte tenu du type de rexa-men prvu, le pourvoi exceptionnel form par la requrante peut passer pour un prolongement de la procdure civile (close), assimilable au pourvoi en cassation tel que dfini par le droit ukrainien. Dans ces conditions, la Cour estime que, ds lin-stant o les caractristiques de cette procdure assimilable la cassation peuvent avoir une inci-dence sur la manire dont jouent les garanties pro-cdurales figurant larticle 6 1, celles-ci doivent lui tre applicables de la mme faon quelles le sont gnralement la procdure de cassation en matire civile.

    Cette conclusion, qui dcoule du droit ukrainien applicable, est confirme par la porte et la nature de l examen concrtement opr en lespce par la Cour suprme en mars 2008, avant quelle ne

    rejette le pourvoi exceptionnel de la requrante en laissant inchanges les dcisions attaques. La Cour suprme a reconsidr, la lumire des nouvelles observations de la requrante principalement fon-des sur larrt de la Cour europenne du 3mai 2007, les pices du dossier et les dcisions de justice rendues lors de la procdure initiale.

    Ds lors, compte tenu tant des dispositions per-tinentes de la lgislation ukrainienne que de la nature et de la porte de la procdure lorigine de la dcision rendue par la Cour suprme en mars 2008 sur le pourvoi exceptionnel form par la requrante, confirme ensuite par la haute juridic-tion dans sa dcision de juin 2008, la Cour consi-dre que cette procdure tait dterminante pour les droits et obligations de caractre civil de la requ-rante. Par consquent, les garanties perti nentes de larticle 6 1 sappliquaient cette procdure.

    Conclusion : exception prliminaire rejete (una-nimit).

    c) Respect de larticle 6 1 La Cour rappelle quelle na pas tenir lieu de juge de quatrime instance ni remettre en cause sous langle de larticle 6 1 lapprciation des tribunaux nationaux, sauf si leursconclusions peuvent passer pour arbitraires ou manifestement draisonnables.

    En lespce, la Cour suprme, dans sa dcision de mars 2008, a grossirement dnatur les constats oprs par la Cour europenne dans son arrt du 3mai 2007. Elle a notamment expliqu que cette dernire avait conclu que les dcisions rendues en lespce par les tribunaux nationaux taient licites et fondes et que la requrante avait obtenu une satisfaction quitable pour le manquement la garantie de dlai raisonnable (alors quen ralit ce grief avait t rejet pour dfaut manifeste de fondement). Ces affirmations sont totalement errones. Le raisonnement de la Cour suprme ne se rduit pas simplement une lecture diffrente dun texte juridique. Il ne peut tre regard que comme tant manifestement arbitraire ou comme emportant un dni de justice , la dnaturation de larrt rendu en 2007 ayant eu pour effet de faire chouer la dmarche de la requrante tendant voir examiner sa demande la lumire de cet arrt dans le cadre de la procdure de type cassation prvue par le droit interne. La procdure dnonce na donc pas satisfait aux exigences dun procs quitable nonces larticle 6 1 de la Convention.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 10000 EUR pour prjudice moral.

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    13Article 6 1 (pnal)

    Article 6 1 (pnal)

    Procs quitable

    Impossibilit dobtenir un nouveau procs aprs une condamnation par contumace : violation

    Sanader c. Croatie - 66408/12Arrt 12.2.2015 [Section I]

    En fait En 1992, alors quil vivait dans la partie occupe de la Croatie, les autorits de poursuite croates accusrent le requrant de crimes de guerre contre des prisonniers de guerre. Lintress fut jug par contumace et condamn pour les faits qui lui taient reprochs une peine de 20ans dempri-sonnement. Le jugement fut confirm par la Cour suprme en 2000 et un mandat darrt fut mis contre le requrant. En 2009, aprs avoir eu connais-sance de sa condamnation, celui-ci demanda aux tribunaux croates de rouvrir la procdure, mais sa demande fut rejete au motif quil rsidait prsent en Serbie et ntait donc pas la disposition des autorits croates.

    En droit Article 6 1 : Au moment o la premire ordonnance de mise en dtention contre le requ-rant a t mise et o louverture de son procs par contumace a t autorise, le requrant ne pouvait pas tre retrouv. Compte tenu de lintensification de la guerre en Croatie et du fait que lintress rsidait dans la partie alors occupe du territoire croate, qui chappait au contrle des autorits, il tait impossible celles-ci de lui notifier la pro-cdure pnale ni dassurer sa prsence. Dans ces conditions, il est improbable que le requrant ait pu avoir connaissance de la procdure ou que son absence lpoque ait t motive par son souhait dchapper au procs. Les procs par contumace sont tenus dans lintrt gnral pour assurer que les crimes de guerre soient effectivement poursuivis, ce qui, en vertu de la jurisprudence de la Cour, nest pas en soi incompatible avec larticle6, sous rserve que la personne concerne ait la possibilit, une fois informe de la procdure, de bnficier dun nouveau procs. Le Gouvernement a soutenu que le requrant avait sa disposition deux recours qui lui auraient permis dobtenir le rexamen par un tribunal des accusations portes contre lui, dans le respect total de ses droits de la dfense.

    Le premier recours consistait en une rouverture automatique de la procdure mene en labsence de la personne condamne la demande de celle-ci et en fonction de la possibilit dun nouveau

    procs en la prsence [de la personne condamne] . Selon la jurisprudence des tribunaux nationaux relative ce recours, les personnes souhaitant senprvaloir ont lobligation de se prsenter aux auto rits nationales et dindiquer un lieu de rsi-dence en Croatie pendant la procdure pnale. linverse, une demande prsente par une per-sonne condamne rsidant en dehors de la Croatie et ne relevant donc pas de la comptence des auto-rits croates ne peut pas conduire la rouverture du procs, et les juridictions internes ne sont pas disposes accepter des promesses ou des assu-rances de personnes rsidant en dehors de la Croatie quant leur participation des audiences. Les obstacles poss lusage de ce recours apparaissent donc disproportionns. Dune part, cela aboutit dordinaire lincarcration de la personne concer-ne sur le fondement de la condamnation par contumace, ce qui est contraire au principe selon lequel il ne peut tre question quun accus soit tenu de se rendre pour pouvoir demander faire rexaminer sa cause dans des conditions conformes larticle6. Dautre part, cette mesure navait aucun sens dun point de vue procdural en ce quune dcision des tribunaux nationaux ordon-nant la rouverture de la procdure naurait eu aucun effet sur la condamnation du requrant.

    La deuxime voie de recours voque par le Gouver-nement est un recours gnral permettant de demander la rouverture dune procdure une fois que le jugement est devenu dfinitif et excutoire. Toutefois, ce recours revt un caractre secondaire et subsidiaire, et est applicable uniquement une catgorie restreinte daffaires juges en labsence de la personne condamne, savoir lorsque celle-ci est en mesure de prsenter de nouveaux faits de nature donner lieu un acquittement ou un allgement de peine. Or le requrant na pas pu avoir recours cette possibilit puisquil a t jug par contumace et na donc eu aucune possibilit de contester les constatations factuelles exposes dans le jugement par lequel il a t condamn. Pareille exigence apparat disproportionne par rapport la condition essentielle pose par lar-ticle6 selon laquelle un dfendeur doit avoir la possibilit de comparatre son procs et bnficier dune audience au cours de laquelle il a la possibilit de contester les lments charge.

    En somme, le requrant ne sest pas vu offrir une possibilit suffisamment certaine dobtenir une nouvelle dcision dun tribunal sur les charges portes contre lui, dans le respect de ses droits de la dfense.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-151039

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    14 Article 6 1 (pnal) Article 8

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 4000 EUR pour prjudice moral.

    (Voir aussi Sejdovic c. Italie [GC], 56581/00, 1ermars 2006, Note dinformation 84 ; and Krombach c.France, 29731/96, 13fvrier 2001)

    ARTICLE 7

    Article 7 1

    Nulla poena sine lege

    Confiscation de biens malgr le prononc de non-lieux en raison de la prescription ou en labsence de toute accusation : dessaisissement au profit de la Grande Chambre

    Hotel Promotion Bureau s.r.l. et RITA Sarda s.r.l. c. Italie - 34163/07

    Falgest s.r.l. et Gironda c. Italie - 19029/11 G.I.E.M. c. Italie - 1828/06

    Les requrants sont des socits de droit italien et certains de leurs reprsentants. Devant la Cour, ils se plaignent de la confiscation prvue par larticle19 de la loi no47 de 1985 en cas de lotissement abusif, qui a t applique malgr une dcision de non-lieu en raison de la prescription prononce lissue dun procs pnal ou, dans une affaire, malgr labsence de toute accusation leur encontre.

    Ces affaires ont t communiques sous langle des articles 6 1 et 2, 7 et 13 de la Convention et de larticle1 du Protocole no1. Le 17fvrier 2015, une chambre de la Cour a dcid de sen dessaisir au profit de la Grande Chambre.

    (Voir aussi Sud Fondi srl et autres c. Italie, 75909/01, 20 janvier 2009, Note dinformation 115, et Varvara c.Italie, 17475/09, 29octobre 2013, Note dinformation167)

    ARTICLE 8

    Respect de la vie prive

    Divulgation la presse dlments dun dossier dinstruction : violation

    Apostu c. Roumanie - 22765/12Arrt 3.2.2015 [Section III]

    En fait En 2011, le requrant, un ancien maire, fut mis en dtention provisoire parce quil tait souponn de corruption et de faux. Avant quil

    ne passe en jugement, plusieurs journaux publirent des informations et pices du dossier denqute, citant des extraits de conversations tlphoniques sur coute et voquant aussi des lments de la vie prive du requrant sans rapport avec le procs. La procdure pnale dirige contre le requrant tait toujours en cours la date de larrt rendu par la Cour europenne.

    En droit Article 8 : Des extraits du dossier daccu-sation concernant le procs taient devenus publics avant lentame de la phase accusatoire de la pro-cdure et dnigraient le requrant, donnant lim-pression quil avait commis des dlits. De plus, certaines des conversations tlphoniques taient dordre strictement priv et navaient pas t retenues charge ; leur publication ne correspondait pas un besoin social imprieux. La fuite de ces infor-mations par les autorits sanalyse donc en une ingrence dans le droit du requrant au respect de sa vie prive.En droit interne, laccs public aux lments dun dossier pnal nest possible quune fois le tribunal saisi de laffaire mais, mme en pareil cas, il est limit et soumis au contrle du juge. Or, en les pce, la possibilit quun juge apprcie lopportunit de la divulgation au public dun lment du dossier at entrave parce que celui-ci avait dj fait lobjet de fuites la presse. Ltat dfendeur a donc manqu conserver en lieu sr les informations en sa possession de manire garantir le droit du requrant au respect de sa vie prive ou lui offrir un quelconque moyen de redressement une fois survenue la violation de ses droits.Conclusion : violation (unanimit).

    La Cour constate galement une violation de lar-ticle3 sous son volet matriel raison des condi-tions de dtention provisoire du requrant.

    Article 41 : demande tardive.

    (Voir aussi Craxi c. Italie (n2), 25337/94, 17juil-let 2003, et la fiche dinformation sur le droit la protection de limage)

    Respect de la vie prive Obligations positives

    Utilisation non consentie du prnom dune personnalit publique dans une publicit satirique : non-violation

    Bohlen c. Allemagne - 53495/09Arrt 19.2.2015 [Section V]

    En fait Le requrant, musicien et producteur artistique, publia un livre dont certains passages

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-3441http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-59211http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-111542http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-111542http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-120031http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-153140http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-1733http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-8943http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-8943http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-150781http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-61229http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Own_image_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Own_image_FRA.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152646

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    15Article 8

    furent supprims par dcisions de justice. En oc-tobre 2003, une socit de tabac lana une publicit faisant rfrence ces vnements et contenant le prnom du requrant. la demande du requrant, la socit sengagea par crit ne plus diffuser la publicit en cause avec le titre le mentionnant, maisrefusa de lui payer les ddommagements quil rclamait au titre dune licence fictive. Le requrant saisit alors le tribunal rgional qui fit droit sa demande. La cour dappel confirma pour lessentiel les dcisions du tribunal rgional, rduisant cepen-dant le montant de la licence fictive. En revanche, la Cour fdrale de justice cassa en juin 2008 larrt de la cour dappel, estimant entre autres que lin-trt du requrant de ne pas tre mentionn dans la publicit sans son consentement pesait moins lourd que le droit la libert dexpression de la compagnie de tabac.

    En droit Article 8 : Le requrant se plaint du manquement de ltat le protger contre luti-lisation non-consentie de son prnom par la socit de tabac. La prsente requte appelle un examen du juste quilibre mnager entre le droit du requ-rant au respect de sa vie prive sous langle des obligations positives qui incombent ltat au regard de larticle8 de la Convention, et la libert dexpression de la socit, garanti par larticle10.

    La mise en balance du droit au respect de la vie prive et du droit la libert dexpression se fait auregard de la contribution un dbat dintrt gnral, la notorit de la personne vise, lobjet du reportage, le comportement antrieure de la personne concerne, et le contenu, la forme et les rpercussions de la publication1. Ainsi, en lespce, la publicit litigieuse avait trait un thme dintrt public traitant de faon humoristique et satirique de la publication du livre du requrant et du litige qui sen suivit, et ceci dans un laps de temps proche de ces affaires. Le requrant est un personnage public ne pouvant prtendre la mme protection de leur droit au respect de leur vie prive que des personnes prives inconnues du public. La publi-cit litigieuse faisait uniquement allusion un vnement public qui avait t comment dans les mdias sans rapporter des dtails de la vie prive du requrant. Et en publiant son livre, ce dernier stait lui-mme projet au-devant de la scne pu-blique. Ainsi l esprance lgitime du requrant de voir sa vie prive effectivement protge ntait plus que limite. Enfin, la publicit ne contenait pas dlments dgradants ou ngatifs lgard du

    1. Voir Axel Springer AG c. Allemagne [GC], 39954/08, 7fvrier 2012, Note dinformation149.

    requrant non-fumeur, et ne suggrait pas que ce dernier sidentifit dune manire quelconque avec le produit prsent.

    La mise en relation du nom dune personnalit avec un produit commercialis sans son consentement peut soulever des questions au regard de larticle8 de la Convention. Mais la publicit en cause avait un caractre humoristique sachant que la socit cherchait faire un lien humoristique entre la repr-sentation dun paquet de sa marque de cigarettes et un vnement dactualit impliquant une per-sonne connue du public. Par ailleurs, il ny avait quun nombre restreint de personnes qui avaient t en mesure de faire le lien entre la publicit et le requrant, puisque ni le nom de famille ni une photo du requrant ne figuraient sur la publicit. Seules les personnes qui taient au courant des litiges judiciaires concernant la parution du livre pouvaient comprendre la publicit.

    Le requrant affirme en particulier que la Cour fdrale de justice la dbout de sa demande avant tout parce que la libert dexpression de la socit jouissait dune protection juridique plus leve que son droit au respect de la vie prive. Certains pas-sages de larrt en question semblent suggrer que, du seul fait de son ancrage dans le droit constitu-tionnel, la libert dexpression de la socit revtait dans la prsente affaire plus de poids que le droit la protection de la personnalit et le droit au nom du requrant qui ntaient protgs que par une loi ordinaire. Or la Cour fdrale de justice a prcis que seules les composantes patrimoniales du droit la personnalit jouissaient dune protection par la loi ordinaire alors que les droits la protection de la personnalit faisaient partie des droits fonda-mentaux garantis par le droit constitutionnel dans la mesure o ils protgeaient des intrts moraux. En outre elle a pris en considration les circons-tances de laffaire pour procder une mise en balance circonstancie des droits concurrents en jeu et a ainsi conclu quil y avait lieu daccorder la priorit la libert dexpression de la socit et de refuser doctroyer une licence fictive au requrant qui avait dj obtenu lengagement de la socit de ne plus diffuser la publicit. Dans ces conditions, et eu gard lample marge dapprciation dont lesjuridictions nationales disposent en la matire lorsquelles mettent en balance des intrts diver-gents, la Cour fdrale de justice na pas manqu ses obligations positives lgard du requrant au titre de larticle8 de la Convention.

    Conclusion : non-violation (six voix contre une).

    (Pour une conclusion similaire, voir laffaire Ernst August von Hannover c.Allemagne (53649/09,

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-107http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-152254

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    Article 816

    19fvrier 2015), dans laquelle une socit de tabac lana une publicit faisant rfrence aux empoi-gnades publiques du requrant et contenant les prnoms de ce dernier. Voir aussi Von Hannover c. Allemagne (n 2), 40660/08 et 60641/08, 7fvrier 2012, Note dinformation149.)

    Respect de la vie familiale

    Refus de permettre un enfant de voyager pour rejoindre sa mre sans le consentement du pre : violation

    Penchevi c. Bulgarie - 77818/12Arrt 10.2.2015 [Section IV]

    En fait La premire requrante est la mre du second requrant, un enfant mineur. En 2010, la suite de lchec du mariage de la premire requ-rante avec le pre de lenfant, les requrants quit-trent le domicile familial en Bulgarie. La premire requrante demanda par la suite au pre de donner son consentement pour que leur fils puisse voyager avec elle de Bulgarie en Allemagne o elle terminait des tudes universitaires, mais elle se heurta un refus. Elle sollicita alors une dcision judiciaire, mais la procdure, qui dura prs de deux ans et deux mois pour trois degrs de juridiction, se ter-mina avec le refus de la Cour suprme de cassation dautoriser lenfant sortir de Bulgarie avec sa seule mre. En juillet 2012, les requrants engagrent une nouvelle procdure qui aboutit en dcembre 2012 une dcision autorisant lenfant voyager avec sa mre.

    En droit Article 8 : Pour les requrants, qui sont une mre et son enfant, la possibilit de continuer vivre ensemble est un lment fondamental qui relve lvidence de leur vie familiale au sens de larticle8 de la Convention. Le refus de la Cour suprme de cassation, et le temps mis par les tribu-naux pour se prononcer sur laffaire, a empch lesrequrants de vivre ensemble pendant que la premire requrante poursuivait ses tudes en Allemagne. Il y donc eu une ingrence dans lexer-cice par les deux requrants de leur droit la pro-tection de leur vie familiale. Lingrence tait pr-vue par la loi , tant donn que le consentement des deux parents tait requis pour toute question lie lexercice des droits parentaux, notamment les voyages de lenfant ltranger, et a poursuivi le but lgitime de la protection des droits du pre de lenfant.

    Le fait que les deux parents doivent donner leur consentement pour les voyages ltranger dun

    enfant, quels quen soient le type et la dure, ne semble pas imposer une restriction draisonnable ou disproportionne au droit des requrants au respect de leur vie familiale, ltat tant appel mnager un juste quilibre entre les intrts concurrents en jeu ceux de lenfant, ceux des deux parents et ceux de lordre public. Pour des parents et leur enfant, tre ensemble reprsente un lment fondamental de la vie familiale protge par lar-ticle8, mme lorsque la relation entre les parents sest rompue.

    En lespce, les deux juridictions infrieures ont autoris lenfant voyager ltranger sans le consen-tement du pre, aprs avoir procd une analyse dtaille de la situation familiale et tabli que le voyage serait dans lintrt de lenfant. Toutefois, la Cour suprme de cassation infirma leurs dci-sions sur la base de sa jurisprudence constante selon laquelle on ne pouvait accorder une autorisation donnant un enfant un droit illimit de voyager ltranger avec un seul parent. La Cour suprme na cependant pas pris en compte les circonstances de laffaire, par exemple laptitude du pre et de la mre soccuper de lenfant, les lments de nature psychologique, affective, matrielle ou mdicale ou le point de savoir si lenfant serait expos un risque rel et spcifique sil voyageait avec sa mre ltranger. En outre, la Cour suprme de cassation a fond son refus sur une erreur technique faite par la mre lorsquelle avait soumis sa demande, et plus prcisment son oubli dindiquer par crit que le pays de destination tait lAllemagne. Enfin, en dpit de la demande de la premire requrante, la Cour suprme de cassation a refus de dfinir dof-fice les limites concrtes dans lesquelles un voyage pourrait tre autoris. Ces facteurs, combins, font douter du caractre adquat de lapprciation par la Cour suprme des intrts suprieurs de lenfant. Ds lors, cette juridiction na pas procd une analyse suffisamment approfondie et a adopt une approche excessivement formaliste.

    En outre, la procdure interne a dur plus de deux ans et huit mois. Tout au long de cette priode, lenfant na pas pu voyager pour rejoindre sa mre. tant donn que cette procdure tait dcisive pour le droit des deux requrants au respect de leur vie familiale dcoulant de larticle8 et, en particulier, pour la possibilit des intresss de continuer vivre ensemble et de ne pas tre spars, elle aurait d tre mene avec une diligence particulire. Eu gard au trs jeune ge du second requrant et son attachement la premire requrante, le traite ment par les autorits nationales de la demande de la premire requrante prsentait une certaine urgence.

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-99http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-150999

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    17Article 8 Article 9

    En rsum, le processus dcisionnel au niveau interne tait entach derreurs, la Cour suprme ayant rejet la demande dautorisation de voyage sur la base de motifs qui semblent formalistes, sans avoir procd une vritable analyse des intrts suprieurs de lenfant, et la procdure ayant connu une dure excessive.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 7500 EUR conjointement pour pr-judice moral ; 1101EUR conjointement pour dommage matriel.

    ARTICLE 9

    Libert de religion Obligations positives

    Absence de mesures adquates pour empcher, ou enquter sur, les troubles la prire musulmane causs par des manifestants injurieux et violents : violation

    Karaahmed c. Bulgarie - 30587/13Arrt 24.2.2015 [Section IV]

    En fait Un vendredi de mai 2011, vers midi, le requrant se rendit la mosque de Sofia pour participer la prire. Le mme jour, quelque 150dirigeants et sympathisants dun parti poli-tique de droite se rassemblrent pour protester contre le bruit qui manait des haut-parleurs de lamosque lors des appels la prire. Le parti enquestion avait inform les autorits de ce rassem-blement la veille, et plusieurs policiers spcialiss avaient t dpchs sur les lieux. Cet vnement fit lobjet dun enregistrement vido qui fut diffus la tlvision bulgare. On y voyait les manifestants, pour la plupart vtus de noir, insulter lassemble des fidles et leur jeter des ufs et des pierres. Une chauffoure clata entre des manifestants et des fidles aprs que les premiers eurent install leurs propres haut-parleurs sur le toit de la mosque pour couvrir le son des prires et que les seconds eurent essay de les enlever. Des policiers tentrent de sparer les combattants et procdrent trois arres-tations. Dautres tentrent dencercler les autres manifestants pour les isoler du lieu de prire des fidles. Lincident se termina vers 14heures, mo-ment o les manifestants quittrent les lieux. Deux enqutes parallles furent ouvertes sur ces v-nements. La premire, mene par la police, ne semble pas avoir abouti la moindre condam-

    nation. La seconde, ouverte par le parquet, tait toujours pendante au moment o la Cour a rendu son arrt et navait donn lieu aucune inculpation.

    En droit Article 9 : Laffaire met en cause deux liberts concurrentes, savoir, dune part, la libert dexpression et de runion pacifique des membres dun parti politique et, dautre part, la libert reli-gieuse des fidles musulmans. Les liberts en question mritent le mme respect et leur mise en balance doit tre effectue dune manire qui tienne compte de leur importance dans une socit carac-trise par le pluralisme, la tolrance et lesprit douverture. Il incombe aux tats de garantir la protection de ces deux liberts en mettant en place un cadre juridique adquat et en prenant des mesures effectives pour assurer quelles soient res-pectes en pratique. Une fois informes de la tenue de la manifestation, les autorits auraient pu prendre des mesures visant empcher que les tensions entre les manifestants et les fidles ne dgnrent en violences et permettre lexercice par les uns et par les autres de leurs droits fon-damentaux. Toutefois, il ressort clairement de lenregistrement vido que, loin de russir assurer le respect des droits en question, la police na mme pas examin srieusement la manire dy parvenir. Plusieurs centaines de manifestants et de fidles ntaient spars que par une douzaine de policiers formant un cordon improvis et manifestement insuffisant. La situation ne sest apaise que lorsque les manifestants ont quitt le secteur de la mosque aprs avoir incendi les tapis de prire de certains fidles. Laction de la police na pas empch une foule de manifestants de se masser devant la mos-que, dinsulter des fidles en prires et de leur jeter des objets avant de parvenir pntrer dans la moque et perturber loffice. Les manifestants ont pu exercer de manire presque absolue leur droit de manifester tandis que lexercice de leur culte par le requrant et les autres fidles a t totalement perturb. La police sest borne limiter les violences et na accord aucune attention la question de savoir comment un quilibre pouvait tre mnag entre les droits respectifs des mani-festants et des fidles. Bien que le prsident et le Parlement eussent par la suite condamn publi-quement les actes des manifestants et exhort les autorits comptentes prendre des mesures ad-quates, les vnements litigieux nont pas reu de rponse approprie. la suite de lenqute mene par la police, sept individus ont t inculps de hooliganisme, mais seulement pour des violences physiques commises alors quils se trouvaient sur le toit de la mosque. Lenqute mene par le par-quet sur latteinte aux liberts religieuses na d-

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  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    18 Article 9 Article 10

    bouch sur aucun rsultat tangible. Aucun progrs na t fait en ce qui concerne lidentification et linculpation des auteurs des provocations les plus graves et presque aucun des principaux prota-gonistes na t interrog. Dans ces conditions, force est de constater que ltat a manqu ses obli gations positives au titre de larticle9 de la Convention.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 3000 EUR pour prjudice moral.

    (Voir aussi Begheluri c. Gorgie, 28490/02, 7octobre 2014, et Membres de la Congrgation des tmoins de Jhovah de Gldani et autres c.Gorgie, 71156/01, 3mai 2007, Note dinformation97)

    ARTICLE 10

    Libert dexpression

    Imposition damendes des parlementaires de lopposition condamns pour avoir montr des affiches pendant des votes : affaire renvoye devant la Grande Chambre

    Karcsony et autres c. Hongrie - 42461/13Arrt 16.9.2014 [Section II]

    lpoque des faits, les requrants taient tous les quatre des membres de lopposition au sein du Parlement hongrois. la demande du prsident de ce dernier, des amendes dun montant allant de 170 600EUR leur furent infliges pour avoir gravement perturb la procdure lgislative aprs quils avaient brandi des panneaux accusant le gouvernement de corruption. Les amendes furent imposes par le Parlement en sance plnire sans dbat.

    Dans un arrt rendu le 16 septembre 2014 (voir la Note dinformation177), une chambre de la Cour a conclu lunanimit une violation de la libert dexpression des requrants garantie par larticle10 de la Convention.

    Le 16 fvrier 2015, cette affaire ainsi que laffaire Szl et autres c.Hongrie (44357/13), portant sur des faits similaires, ont t renvoyes devant la Grande Chambre la demande du Gouvernement

    Libert dexpression Libert de communiquer des informations

    Condamnation de journalistes pour avoir enregistr et diffus, dans un but dintrt public, un entretien avec un courtier en assurances : violation

    Haldimann et autres c. Suisse - 21830/09Arrt 24.2.2015 [Section II]

    En fait Les quatre requrants sont journalistes. En 2003, la quatrime requrante organisa un entretien avec un courtier en assurances lors duquel elle prtendit tre une potentielle cliente. Cet entretien fut enregistr linsu du courtier. Ayant t inform de lenregistrement a posteriori, lint-ress refusa de sexprimer sur son contenu. Aprs que son visage eut t pixlis et sa voix modifie, lentretien fut en partie diffus dans le cadre dun reportage tlvis sur les pratiques dans le domaine de la vente des produits dassurance-vie. Tous les quatre requrants prirent part la prparation et la diffusion de ce reportage.

    Les requrants furent condamns pour, respec-tivement, enregistrement de conversations dautres personnes et enregistrement non autoris de conver-sations. Ils se virent infliger des peines pcuniaires de douze jours-amendes allant denviron 80 290 EUR le jour et, concernant la quatrime requrante, une peine de quatre jours-amendes environ 30EUR le jour avec sursis et une priode probatoire de deux ans.

    En droit Article 10 : Lingrence dans le droit des requrants leur libert dexpression tait prvue par la loi et pouvait viser le but lgitime quest la protection des droits et de la rputation dautrui, savoir le droit du courtier sa propre image, sa propre parole ainsi que sa rputation.

    La Cour a dj eu traiter daffaires concernant des atteintes la rputation personnelle de per-sonnages publics dans lesquelles elle a tabli six critres analyser en cas de la mise en balance du droit la libert dexpression et du droit au respect de la vie prive : la contribution un dbat dintrt gnral, la notorit de la personne vise et lobjet du reportage, le comportement antrieur de la personne concerne, le mode dobtention des in-formations et leur vracit, le contenu, la forme et les rpercussions de la publication et la gravit de la sanction impose. La Cour sest galement pro-nonce sur des cas de diffamation ayant un rapport avec lexercice professionnel dun individu. Toute-fois, la prsente espce se distingue de ces prcdents

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  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    19Article 10

    dans la mesure o, dune part, le courtier ntait pas un personnage public bnficiant dune noto-rit particulire et, dautre part, le reportage litigieux ne cherchait pas critiquer le courtier personnellement, mais visait certaines pratiques commerciales mises en uvre au sein de la cat-gorie professionnelle laquelle il appartenait. Limpact du reportage sur la rputation personnelle du courtier tait par consquent limit et cet aspect particulier doit tre pris en compte dans lappli-cation des critres susmentionns.

    Le thme du reportage ralis savoir la mauvaise qualit du conseil dlivr par des courtiers en assu-rances prives, et donc une question de protec tion du droit des consommateurs en dcoulant concer-nait un dbat qui tait dun intrt public trs important. Certes, le courtier film son insu ntait pas un personnage public. Il navait pas donn son consentement tre film et pouvait donc raisonnablement croire au caractre priv de cet entretien. Cependant, le reportage litigieux ntait pas focalis sur sa personne mais sur cer-taines pratiques commerciales mises en uvre au sein dune catgorie professionnelle. En outre, len-tretien ne stait pas droul dans les bureaux du courtier ou autre local professionnel. Par cons-quent, latteinte la vie prive du courtier est moins importante que si le courtier avait t vis en personne et exclusivement par le reportage.

    Lutilisation de la camra cache ntait pas prohi-be de manire absolue en droit interne mais pou-vait tre autorise des conditions strictes. Si le courtier peut lgitimement stre senti leurr par les requrants, on ne peut cependant leur reprocher un comportement dlibrment contraire aux rgles dontologiques. Ces derniers nont en effet pas ignor les rgles journalistiques telles que d-finies par le Conseil suisse de la presse limitant lusage de la camra cache mais ont plutt conclu que lobjet de leur reportage devait les autoriser faire usage de la camra cache. Cette question na pas fait lunanimit au sein mme des juridictions suisses. Partant, les requrants doivent bnficier du doute quant leur volont de respecter les rgles dontologiques applicables au cas despce, sagis-sant du mode dobtention des informations.

    Sagissant des faits prsents, leur vracit na jamais t conteste.

    Lenregistrement en lui-mme na port quune atteinte limite aux intrts du courtier, puisque seul un cercle restreint de personnes a eu accs audit enregistrement. Il est dterminant en lespce que les requrants ont pixlis le visage du courtier dune faon telle que seule la couleur de ses cheveux

    et de sa peau transparaissait encore aprs cette transformation de limage et que sa voix a elle aussi t modifie. De la mme manire, si ses vtements taient visibles, ceux-ci ne prsentaient pas non plus de signe distinctif et lentretien ne sest pas droul dans des locaux que le courtier frquente habituellement.

    Ds lors, lingrence dans la vie prive du courtier nest pas dune gravit telle quelle doive occulter lintrt public linformation des malfaons all-gues en matire de courtage en assurances. Or, bien que les peines pcuniaires soient dune relative lgret, la sanction prononce peut tendre inciter la presse sabstenir dexprimer des critiques, et ce, mme si les requrants nont pas t privs de la possibilit de diffuser leur reportage.

    Conclusion : violation (six voix contre une).

    Article41 : aucune demande formule pour dom-mage.

    (Voir aussi Axel Springer AG c. Allemagne [GC], 39954/08, 7fvrier 2012, Note dinformation149)

    Libert dexpression

    Sanctions pnale et disciplinaire infliges au requrant, avocat, pour diffamation dun expert cit par laccusation : irrecevable

    Fuchs c. Allemagne - 29222/11 et 64345/11Dcision 27.1.2015 [Section V]

    En fait Le requrant est avocat de profession. Alors quil reprsentait un client accus davoir tlcharg du matriel de pornographie infantile sur son ordinateur, il allgua par crit devant un tribunal national quun expert priv charg par le ministre public de dcrypter les fichiers de donnes avait manipul les dossiers afin dobtenir le rsultat recherch par le parquet et avait un intrt per-sonnel falsifier les preuves. Lexpert avait prt serment alors quil prsentait ses rsultats au tri-bunal. Il porta plainte contre le requrant, qui fut condamn une amende pour diffamation. Dans une procdure disciplinaire ultrieure, le requrant se vit infliger un blme et une amende.

    Devant la Cour europenne, le requrant allgue notamment que les mesures diriges contre lui ontemport violation de ses droits au titre de larticle10 de la Convention.

    En droit Article 10 : La Cour conclut que les sanctions taient ncessaires dans une socit dmocratique. Quant au caractre pertinent et

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  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    Article 1020

    suffisant des motifs avancs par les tribunaux allemands, elle estime linstar des juridictions pnales que le requrant ne pouvait pas, au nom de la dfense des intrts de son client, insinuer de manire gnrale que lexpert pourrait falsifier des preuves. Elle estime linstar de la commission dans le cadre de la procdure disciplinaire, que les dclarations litigieuses ne contenaient aucune cri-tique objective relative au travail de lexpert dans laffaire du client du requrant, mais visaient dprcier son travail de manire gnrale et d-crter que ses conclusions taient inutilisables. LaCour fait donc siennes les conclusions des juri-dictions allemandes selon lesquelles les propos qui ont fait lobjet des procdures pnale et disciplinaire ntaient pas justifis par la poursuite lgitime des intrts du client.

    Quant la question de la proportionnalit, la Cour relve que la juridiction pnale, pour dterminer la sanction imposer au requrant, a pris en compte les lments suivants : lintress navait pas tenu les propos litigieux publiquement, les experts asser-ments doivent tre en mesure daccomplir leurs tches sans subir des perturbations indues et il peut donc tre ncessaire de les protger contre des at-taques verbales agressives et abusives, et les amendes imposes dans le cadre des procdures pnale et disciplinaire navaient pas t disproportionnes.

    Conclusion : irrecevable (dfaut manifeste de fon-dement).

    Libert de recevoir des informations Libert de communiquer des informations

    Non-obtempration dun maire des dcisions de justice dfinitives ayant accord la requrante le droit daccs des informations : violation

    Guseva c. Bulgarie - 6987/07Arrt 17.2.2015 [Section IV]

    En fait La requrante, membre et reprsentante dune association active dans le domaine de la pro-tection des droits des animaux, obtint trois arrts dfinitifs de la Cour administrative suprme en-joignant un maire de communiquer des infor-mations sur le traitement des animaux sauvages trouvs dans les rues de la ville o il officiait. Le maire ne sy conforma pas. Dans sa requte devant la Cour europenne, la requrante voit dans le comportement du maire une violation de son droit

    recevoir et diffuser des informations, garanti par larticle10 de la Convention.

    En droit Article 10 : La requrante a demand laccs des informations sur le traitement des animaux dans lexercice de son droit dinformer le public sur cette question dintrt gnral et de contribuer un dbat public. Lexistence de son droit daccs aux informations de ce type tait reconnue tant par la lgislation interne que par trois arrts dfinitifs de la Cour administrative suprme. Ds lors, la collecte dinformations envue de les diffuser au public relevait du champ dappli-cation de la libert dexpression de la requrante.

    Bien que la requrante ait introduit la requte en son nom propre et non pour le compte de lasso-ciation quelle reprsente, les informations quelle cherchait obtenir taient directement en rapport avec son travail pour lassociation. Par consquent, elle uvrait la collecte dinformations dintrt gnral aux fins de contribuer un dbat public. Aussi, le non-respect par le maire des dcisions de justice dfinitives et la non-communication des in-formations sanalysaient en une ingrence directe dans son droit recevoir et diffuser des informations.

    lpoque des faits, les arrts taient dfinitifs et excutoires au regard du droit interne et leur inex-cution par le maire tait donc illicite. Or la pratique judiciaire nationale reconnaissait que le droit in-terne lui-mme ne prvoyait aucun dlai dex-cution clair, sen remettant donc la bonne volont de lorgane administratif responsable de lexcution de larrt. Cette absence de dlai dexcution prcis fait natre une imprvisibilit quant lchance dexcution probable, laquelle ne sest jamais ma-trialise dans le cas de la requrante. La lgislation interne applicable navait donc pas la prvisibilit voulue, ce qui fait que lingrence dans les droits garantis la requrante par larticle10 ntait pas prvue par la loi .

    Conclusion : violation (cinq voix contre deux).

    La Cour conclut galement une violation de larticle13 combin avec larticle 10 pour dfaut de recours effectif mme doffrir un redressement pour le grief de la requrante et des perspectives raisonnables de succs.

    Article 41 : 5000 EUR pour prjudice moral.

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  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    21Article 34

    ARTICLE 34

    Victime

    Qualit de victime dun requrant ayant obtenu rparation auprs des tribunaux civils pour des actes de torture mais dont la plainte pnale na pas donn lieu une enqute effective : qualit de victime reconnue

    Razzakov c. Russie - 57519/09Arrt 5.2.2015 [Section I]

    En fait En 2009, le requrant passa trois jours en garde vue et fit lobjet de mauvais traitements graves visant le faire avouer un meurtre. Aucune poursuite pnale ne fut jamais engage contre lui. Aprs avoir tout dabord refus denquter sur la plainte forme par le requrant pour mauvais trai-tements, les autorits ouvrirent finalement une procdure pnale mais celle-ci ne permit pas diden-tifier les responsables. Paralllement, le requrant fut indemnis au civil.

    En droit Article 34 : La Cour souligne que la juridiction civile nationale a dment examin le cas du requrant, tabli la responsabilit de ltat pour ces mauvais traitements et indemnis lint-ress pour le prjudice caus lui par sa dtention irrgulire et ses mauvais traitements. Elle rappelle cependant que, en cas de mauvais traitements d-librment infligs par des agents de ltat, il ne peut tre remdi une violation de larticle3 par le seul versement dune indemnit la victime. Si les autorits pouvaient ragir aux incidents de ce type en se contentant de ne verser quune indem-nit, sans prendre de mesures suffisantes pour poursuivre et punir les responsables, les agents de ltat seraient libres denfreindre les droits des per-sonnes sous leur contrle dans une impunit quasi-totale. Lobligation juridique gnrale inter disant toute torture et tout traitement inhumain et d-gradant sen trouverait ineffective en pratique. Ds lors, en lespce, le requrant peut toujours se pr-tendre victime dune violation de larticle3 raison des mauvais traitements quil allgue.

    Conclusion : qualit de victime reconnue (una-nimit).

    Article 3

    a) Volet matriel Compte tenu de la reconnais-sance par ltat dune violation de larticle3 et des dcisions rendues par les autorits internes dans les procs civil et pnal, la Cour juge tablies les all-

    gations formules par le requrant sur ce qui lui est arriv. Durant sa dtention arbitraire, ce dernier a t victime dune srie dactes ignobles et pro-longs de violence physique et psychologique. Les policiers ont agi dlibrment afin que le requrant, qui se trouvait dans une situation trs vulnrable et connaissait mal la langue russe, avoue un meurtre. Le traitement subi par lui sanalyse donc en un acte de torture.

    Conclusion : violation (unanimit).

    b) Volet procdural Ltat dfendeur a reconnu labsence denqute officielle effective sur les all-gations crdibles de mauvais traitements formules par le requrant. Constatant que lautorit en-qutrice na ouvert une procdure pnale que cinq mois aprs le signalement du mauvais traitement allgu, la Cour rappelle que, en cas dallgation crdible de traitement proscrit par larticle3, une simple enqute pralable une instruction nest pas mme de satisfaire aux exigences dune enqute effective sur le terrain de cette disposition. En effet, le seul refus douverture par lautorit enqutrice dune procdure pnale sur des all-gations crdibles de mauvais traitements graves en garde vue atteste du manquement par ltat son obligation de conduire une enqute effective. De plus, alors que les preuves recueillies au cours de lenqute prliminaire ont t juges suffisantes aux yeux du juge civil pour tablir la responsabilit de ltat raison de laction des policiers et pour indemniser le requrant, le comit dinvestigation les a estimes insuffisantes louverture de pour-suites. cet gard, il ressort dailleurs des pices du dossier que les conclusions de lenqute ntaient pas fondes sur une analyse complte, objective et impartiale de tous les lments pertinents. La Cour en conclut que les autorits internes nont pas conduit denqute effective sur les allgations de mauvais traitements en garde vue formules par le requrant.

    Conclusion : violation (unanimit).

    Article 41 : 20000 EUR pour prjudice moral.

    La Cour juge galement que le requrant ne peut plus se prtendre victime dune violation de lar-ticle5, lindemnit alloue devant le juge interne lui ayant offert un redressement appropri et suffisant.

    (Voir aussi Lyapin c. Russie, 46956/09, 24juil let 2014, Note dinformation176 ; Gfgen c.Allemagne [GC], 22978/05, 1er juin 2010, Note dinfor-mation131)

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-150790http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-9947http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-907http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=002-907

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    22 Article 1 du Protocole N 1

    ARTICLE 1 DU PROTOCOLE N 1

    Respect des biens

    Perte de prestations dinvalidit suite lintroduction de nouveaux critres doctroi : violation

    Bln Nagy c. Hongrie - 53080/13Arrt 10.2.2015 [Section II]

    En fait En 2001, la requrante obtint une pension dinvalidit, qui lui fut retire en 2010 aprs que son taux dinvalidit fut rvalu un pourcentage infrieur laide dune diffrente mthodologie. Elle subit des examens supplmentaires au cours des annes suivantes et son taux dinvalidit fut finalement valu un degr justifiant loctroi dune pension. Toutefois, une nouvelle loi, entre en vigueur en 2012, introduisit des critres doctroi supplmentaires lis la dure de la couverture de scurit sociale. La requrante ne remplissait pas ces critres. En consquence, mme si son taux dinvalidit lui aurait donn droit une pension dinvalidit en vertu du nouveau systme, ses demandes furent rejetes.

    En droit Article 1 du Protocole no1 : Les modi-fications dans lvaluation du taux dinvalidit de la requrante rsultent uniquement des change-ments successifs de la mthodologie utilise et non dune quelconque amlioration de ltat de sant de lintresse, lequel est demeur inchang. En 2012, le systme de pension dinvalidit fut rem-plac par un systme dallocation, qui introduisit un nouveau critre dattribution. Il fut jug que la requrante ne remplissait pas les conditions doctroi de cette allocation, non pas parce quelle ne pr-sentait pas le taux dinvalidit requis, mais parce quelle ne pouvait se prvaloir dune dure suffi-sante de couverture sociale comme lexigeaient les nouvelles dispositions. Il tait quasiment impos-sible la requrante de remplir cette condition puisquelle ntait plus en mesure daccumuler le nombre de jours requis. Toutefois, pendant sa priode demploi, la requrante a cotis au rgime de scurit sociale ainsi que lexigeait la loi, ce qui a dclench pour ltat une obligation fonde surla solidarit sociale de pourvoir lventualit dune situation dinvalidit. La Cour estime comme la Cour constitutionnelle que les allocations acquises par le paiement de cotisations obligatoires au r-gime de scurit sociale peuvent en partie tre considres comme des droits achets . La pen-sion/allocation dinvalidit est donc un droit une

    prestation sociale reconnu en droit interne de sorte que larticle1 du Protocole no1 trouve sappliquer. Cette esprance lgitime reconnue et les intrts patrimoniaux gnrs par la lgislation de ltat contractant en vigueur lpoque o la requrante pouvait prtendre au bnfice de la pension ne peuvent tre considrs comme teints du fait que, en vertu dune nouvelle mthodologie, le taux dinvalidit de la requrante avait t considra-blement revu la baisse sans changement important dans son tat de sant. cet gard, le fait que le taux dinvalidit de la requrante a t lobjet de contrles priodiques dmontre que celle-ci avait une esprance lgitime continue et reconnue dob-tenir une prise en charge de son invalidit. Ind-pendamment de la perte par la requrante de sa pension dinvalidit en 2010, lesprance de lint-resse tait donc lgitime et continue. Quant la question de savoir si lesprance lgitime dobtenir la prise en charge dune invalidit entrane le droit de ne pas voir les critres doctroi modifis, la Cour note que les directives thiques nonces dans la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la sant mise par lOrganisation mondiale de la sant (OMS) ne doivent pas tre utilises pour nier des droits tablis ou restreindre des droits lgitimes des prestations. En outre, lerespect de ltat de droit exige des tats quils assurent, sur la base de la solidarit sociale, un certain revenu ceux dont la capacit de travail est infrieure au niveau lgal, sous rserve quils aient suffisamment cotis au rgime.

    En ce qui concerne la proportionnalit, bien que les tats disposent dune certaine marge dappr-ciation pour rglementer laccs laide en matire dinvalidit, une fois cette aide octroye, ils ne peuvent pas aller jusqu priver le droit de son essence mme. cet gard, la Cour note que la requrante a t entirement prive de sa pension dinvalidit au lieu de se voir appliquer une rduc-tion raisonnable et proportionne de celle-ci. La Cour estime que cette faon de procder a constitu un changement drastique et imprvisible des condi-tions daccs de la requrante aux prestations dinvalidit. La requrante a donc d supporter une charge individuelle excessive et dispropor-tionne dans les circonstances de lespce.

    Conclusion : vi Conclusion olation (quatre voix contre trois).

    Article 41 : 5000 EUR pour prjudice moral et 5000 EUR pour dommage matriel.

    (Voir la fiche thmatique sur les personnes handicapes)

    http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-150998http://www.who.int/fr/http://www.echr.coe.int/Documents/FS_Disabled_FRA.pdfhttp://www.echr.coe.int/Documents/FS_Disabled_FRA.pdf

  • Cour europenne des droits de lhomme / Note dinformation 182 Fvrier 2015

    23Dernires nouvelles

    RENVOI DEVANT LAGRANDE CHAMBRE

    Article 43 2

    Karcsony et autres c. Hongrie - 42461/13Arrt 16.9.2014 [Section II]

    (Voir larticle10 ci-dessus, page 18)

    DESSAISISSEMENT AU PROFIT DE LA GRANDE CHAMBRE

    Article 30

    Jeronovis c. Lettonie - 44898/10[Section IV]

    (Voir larticle 3 ci-dessus, page 9)

    Hotel Promotion Bureau s.r.l. et RITA Sarda s.r.l. c. Italie - 34163/07 Falgest s.r.l. et Gironda c. Italie - 19029/11 G.I.E.M . c. Italie - 1828/06(Voir larticle 7 1 ci-dessus, page 14)

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    Deux nouveaux moteurs de recherche ont r-cemment t lancs : HUDOC CPT (pour des

    recherches concernant le Comit europen pour la prvention de la torture et des peines ou traite-ments inhumains ou dgradants) et HUDOC ESC (pour des recherches concernant la Charte sociale europenne). Ces sites sont fonds sur la mme base que HUDOC ECH