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L es récents propos de Nicolas Sarkozy quant à sa volonté de réformer en profondeur la fiscalité française d’ici la fin du premier trimestre 2011, constituent l’un des points d’attention de l’actualité éco- nomique de ce début d’année. De même, la diffusion du rapport Chartier sur le thème d’une convergence fiscale franco-allemande illustre la recherche de nouvelles pistes de réflexion. Un groupe de travail parlemen- taire a été chargé par le ministère du Bud- get de plancher sur le sujet, le gouverne- ment envisageant en effet d’ici fin avril prochain le dépôt d’un projet de loi de finances rectificative. Les dispositions fis- cales figurant dans la loi de finances rec- tificative 2010 et la loi de finances 2011 doi- vent donc être appréhendées dans ce contexte politique particulier. La nécessité de redresser les finances publiques, fortement dégradées suite à la crise économique et financière de 2008, les besoins de financement du système de protection sociale et du régime réformé des retraites ont fortement inspiré le légis- lateur dans son travail rédactionnel. Au- delà du désormais fameux « coup de rabot » sur les niches fiscales, la loi de finances 2011 comporte également des mesures sen- sibles en matière de fiscalité des entre- prises. Des exonérations fiscales recentrées et limitées pour les créations / reprises d’entreprises Les entreprises nouvelles implantées dans des zones d’aide à finalité régionale (ZAFR), zones de revitalisation rurale (ZRR) et dans des zones de revitalisation urbaine (ZRU) bénéficiaient jusqu’à présent d’une exonération totale ou partielle d’impôt sur les bénéfices (IR ou IS). Depuis le 1 er janvier, seules les créations d’entreprises nouvelles réalisées dans les ZRU auront droit à un régime d’exonération pour une période de 3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2013. Pour les entreprises qui s’installent en ZRR, un nouveau dispositif autonome d’exo- nération est mis en place à compter de 2011. Ce dernier concerne désormais aussi bien les créations que les reprises d’entreprises exerçant une activité professionnelle de nature industrielle, commerciale ou arti- sanale. Le régime est de plus recentré sur les très petites entreprises (moins de 10 salariés) et la durée de la période de sor- tie progressive d’exonération est rame- née de 9 ans à 3 ans. Le dispositif du Crédit Impôt Recherche conservé mais aménagé Les PME peuvent bénéficier sur 2011 du remboursement immédiat par l’Etat des créances d’impôt nées sur 2010 au titre du Crédit Impôt Recherche (CIR). Cette moda- lité, initiée l’an dernier, notamment afin de préserver la trésorerie de ces entreprises, est donc reconduite cette année. Cependant, les dépenses de fonction- nement qui seront dorénavant à prendre en compte afin de déterminer le montant du CIR ont été revues à la baisse. Ces dernières sont en effet désormais égales à 50% des dépenses de personnel et à 75% des dota- tions aux amortissements constituées au titre des immobilisations affectées à des opérations de recherche. Jusqu’à présent, les dépenses de fonc- tionnement étaient évaluées forfaitairement à 75% des dépenses de personnel, quels que soient les lieux d’implantation des cher- cheurs et techniciens. Globalement, cet amé- nagement vise à favoriser les entreprises industrielles par rapport aux entreprises de services, plus susceptibles d’employer des personnels en dehors de France. De manière identique, afin d’éviter la création en France par des entreprises, notamment étrangères, de filiales ayant pour unique objet l’optimisation fiscale du CIR, les dépenses de recherche « sous-trai- tées » à l’extérieur du territoire sont rete- nues dans la limite d’un plafond maximum de 3 fois le montant total des autres dépenses de recherche. D’autre part, pour les entreprises qui réalisent pour la première fois des dépenses de recherche sur 2011, le taux de CIR appli- cable est fixé à 40% la première année (contre 50% jusqu’à présent) et à 35% la seconde année (au lieu de 40%). En dernier lieu, les obligations décla- ratives applicables au CIR 2011 ont été ren- forcées. Ainsi, les entreprises créées depuis moins de deux ans doivent désormais join- dre à l’appui de leur demande les pièces justificatives nécessaires attestant de la réalité des dépenses de recherche effec- tuées (contrats, factures, feuilles de paie, etc…). Jeunes Entreprises Innovantes... un statut condamné ? Depuis la loi de finances 2004, les entre- prises bénéficiant du statut de Jeunes Entre- prises Innovantes (JEI) sont exonérées de charges sociales patronales sur les rému- nérations versées aux chercheurs, techni- ciens, gestionnaires de projets et de déve- loppement, sans limites, ni plafonds pendant les sept premières années suivant celle de leur création. La mise en place de ce dispositif répondait à une volonté forte d’encourager, au cœur même des PME, l’in- novation technique et scientifique, la recherche/développement et ainsi d’accroî- tre leurs facteurs de réussite. A compter du 1 er janvier 2011, le dispo- sitif est nettement moins encourageant et incitatif car il institue un double plafond très restrictif quant à ces exonérations. D’une part, l’exonération de charges ne sera accordée, par salarié, que pour les seules cotisations sociales assises sur une rémunération brute individuelle ne dépas- sant pas 4,5 fois le SMIC (soit un salaire brut mensuel de 6 142,64 €). D’autre part, une JEI ne pourra pas bénéficier, sur l’en- semble de l’année 2011, d’un montant d’exonérations de charges sociales supé- rieur à 106 056 €… En synthèse, ces dispositions relatives aux entreprises illustrent les orientations complexes de la loi de finances 2011 : réa- liser des économies budgétaires, recher- cher une meilleure efficacité des disposi- tifs fiscaux de faveur ou incitatifs… sans toutefois ne pas pénaliser les entreprises, notamment les PME, ni mettre en péril une activité économique encore fragile. Difficile exercice d’équilibriste en réa- lité qui laisse un goût d’inachevé. La loi de finances 2011 n’a en effet pas été le théâ- tre du « Big Bang » fiscal annoncé au prin- temps 2010. Est-ce que ce « Big Bang » interviendra au final sur 2011 ? Conduire au préalable une réflexion de fond sur un modèle fiscal français global et stable, articulé autour d’objectifs définis et lisibles, construit pour durer sur les vingt prochaines années, constitue avant cela une condition nécessaire. Cela permettra ensuite la mise en œuvre d’une politique fiscale à long terme cohérente et efficace, au service du développement économique et de l’intérêt général. ECO PLUS 21 -14- N°310 du 24 au 30 mars 2011 Analyse d’expert sur la loi de finances 2011 Entreprendre au quotidien JEAN-LUC THEURET Membre du groupement Différence, expert-comptable et dirigeant du cabinet CAPEC. ECP310 - 14 - EQ - NICHES FISCALES:Mise en page 1 22/03/2011 08:38 Page 14

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Les récents propos de Nicolas Sarkozyquant à sa volonté de réformer enprofondeur la fiscalité française d’ici

la fin du premier trimestre 2011, constituentl’un des points d’attention de l’actualité éco-nomique de ce début d’année. De même, ladiffusion du rapport Chartier sur le thèmed’une convergence fiscale franco-allemandeillustre la recherche de nouvelles pistes deréflexion. Un groupe de travail parlemen-taire a été chargé par le ministère du Bud-get de plancher sur le sujet, le gouverne-ment envisageant en effet d’ici fin avrilprochain le dépôt d’un projet de loi definances rectificative. Les dispositions fis-cales figurant dans la loi de finances rec-tificative 2010 et la loi de finances 2011 doi-vent donc être appréhendées dans cecontexte politique particulier.

La nécessité de redresser les financespubliques, fortement dégradées suite à lacrise économique et financière de 2008,les besoins de financement du système deprotection sociale et du régime réformédes retraites ont fortement inspiré le légis-lateur dans son travail rédactionnel. Au-delà du désormais fameux « coup de rabot» sur les niches fiscales, la loi de finances2011 comporte également des mesures sen-sibles en matière de fiscalité des entre-prises.

Des exonérations fiscales recentréeset limitées pour les créations /reprises d’entreprises

Les entreprises nouvelles implantéesdans des zones d’aide à finalité régionale(ZAFR), zones de revitalisation rurale (ZRR)et dans des zones de revitalisation urbaine(ZRU) bénéficiaient jusqu’à présent d’uneexonération totale ou partielle d’impôt surles bénéfices (IR ou IS). Depuis le 1er janvier,

seules les créations d’entreprises nouvellesréalisées dans les ZRU auront droit à unrégime d’exonération pour une période de3 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2013.

Pour les entreprises qui s’installent enZRR, un nouveau dispositif autonome d’exo-nération est mis en place à compter de 2011.Ce dernier concerne désormais aussi bienles créations que les reprises d’entreprisesexerçant une activité professionnelle denature industrielle, commerciale ou arti-sanale. Le régime est de plus recentré surles très petites entreprises (moins de 10salariés) et la durée de la période de sor-tie progressive d’exonération est rame-née de 9 ans à 3 ans.

Le dispositif du Crédit ImpôtRecherche conservé mais aménagé

Les PME peuvent bénéficier sur 2011 duremboursement immédiat par l’Etat descréances d’impôt nées sur 2010 au titre duCrédit Impôt Recherche (CIR). Cette moda-lité, initiée l’an dernier, notamment afinde préserver la trésorerie de ces entreprises,est donc reconduite cette année.

Cependant, les dépenses de fonction-nement qui seront dorénavant à prendre encompte afin de déterminer le montant duCIR ont été revues à la baisse. Ces dernièressont en effet désormais égales à 50% desdépenses de personnel et à 75% des dota-tions aux amortissements constituées autitre des immobilisations affectées à desopérations de recherche.

Jusqu’à présent, les dépenses de fonc-tionnement étaient évaluées forfaitairementà 75% des dépenses de personnel, quels quesoient les lieux d’implantation des cher-cheurs et techniciens. Globalement, cet amé-nagement vise à favoriser les entreprisesindustrielles par rapport aux entreprises deservices, plus susceptibles d’employer despersonnels en dehors de France.

De manière identique, afin d’éviter lacréation en France par des entreprises,notamment étrangères, de filiales ayantpour unique objet l’optimisation fiscale duCIR, les dépenses de recherche « sous-trai-tées » à l’extérieur du territoire sont rete-nues dans la limite d’un plafond maximumde 3 fois le montant total des autresdépenses de recherche.

D’autre part, pour les entreprises quiréalisent pour la première fois des dépensesde recherche sur 2011, le taux de CIR appli-cable est fixé à 40% la première année(contre 50% jusqu’à présent) et à 35% laseconde année (au lieu de 40%).

En dernier lieu, les obligations décla-ratives applicables au CIR 2011 ont été ren-forcées. Ainsi, les entreprises créées depuismoins de deux ans doivent désormais join-

dre à l’appui de leur demande les piècesjustificatives nécessaires attestant de laréalité des dépenses de recherche effec-tuées (contrats, factures, feuilles de paie,etc…).

Jeunes Entreprises Innovantes...un statut condamné ?

Depuis la loi de finances 2004, les entre-prises bénéficiant du statut de Jeunes Entre-prises Innovantes (JEI) sont exonérées decharges sociales patronales sur les rému-nérations versées aux chercheurs, techni-ciens, gestionnaires de projets et de déve-loppement, sans limites, ni plafondspendant les sept premières années suivantcelle de leur création. La mise en place dece dispositif répondait à une volonté forted’encourager, au cœur même des PME, l’in-novation technique et scientifique, larecherche/développement et ainsi d’accroî-tre leurs facteurs de réussite.

A compter du 1er janvier 2011, le dispo-sitif est nettement moins encourageant etincitatif car il institue un double plafondtrès restrictif quant à ces exonérations.D’une part, l’exonération de charges nesera accordée, par salarié, que pour lesseules cotisations sociales assises sur unerémunération brute individuelle ne dépas-sant pas 4,5 fois le SMIC (soit un salairebrut mensuel de 6 142,64 €). D’autre part,une JEI ne pourra pas bénéficier, sur l’en-semble de l’année 2011, d’un montantd’exonérations de charges sociales supé-rieur à 106 056 €…

En synthèse, ces dispositions relativesaux entreprises illustrent les orientationscomplexes de la loi de finances 2011 : réa-liser des économies budgétaires, recher-cher une meilleure efficacité des disposi-tifs fiscaux de faveur ou incitatifs… sanstoutefois ne pas pénaliser les entreprises,notamment les PME, ni mettre en péril uneactivité économique encore fragile.

Difficile exercice d’équilibriste en réa-lité qui laisse un goût d’inachevé. La loide finances 2011 n’a en effet pas été le théâ-tre du « Big Bang » fiscal annoncé au prin-temps 2010.

Est-ce que ce « Big Bang » interviendraau final sur 2011 ?

Conduire au préalable une réflexion defond sur un modèle fiscal français global etstable, articulé autour d’objectifs définis etlisibles, construit pour durer sur les vingtprochaines années, constitue avant celaune condition nécessaire. Cela permettraensuite la mise en œuvre d’une politiquefiscale à long terme cohérente et efficace,au service du développement économiqueet de l’intérêt général. �

ECO PLUS 21 - 14 - N°310 du 24 au 30 mars 2011

Analyse d’expertsur la loi de finances 2011

Entreprendre au quotidien

JEAN-LUC THEURET Membre du groupementDifférence, expert-comptable et dirigeant ducabinet CAPEC.

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