9
Introduction générale L’économie informelle est une réalité massive à l’échelle du monde. « Malgré les difficultés à la mesurer, on estime qu’elle emploie 60 à 70% de la population active en Afrique, 50% en Asie, autour de 35% en Amérique latine, 20 à 30% en Europe de l’Est et 5 à 10% en Europe occidentale et en Amérique du Nord. » (Lautier, 2006). Sa thématique est donc particulièrement importante dans les pays du Sud, d’une part parce que c’est là qu’elle est le plus massivement présente ; d’autre part parce que cette économie s’est vue, depuis une quinzaine d’années, assigné une fonction sociale par les institutions nationales ou internationales : créer des emplois, lutter contre la pauvreté ; enfin parce que certaines de ses activités tendent à former une économie populaire solidaire porteuse d’un développement économique alternatif. Cela n’empêche pas qu’elle existe également dans les pays du Nord, d’une part, du fait de la tolérance des pouvoirs publics face au non-respect du droit par les employeurs de certaines branches (bâtiment, restauration...) 1 ; et d’autre part, du fait que certaines activités illicites sont par nature 1 En France, par exemple, les employeurs qui transgressent les dispositifs du code du travail sont rarement sanctionnés : en 1996 il y a eu 805 568 infractions constatées par l’inspection du travail ; 19 551 d’entre elles ont fait l’objet de procès-verbaux transmis au parquet. Toujours pour la même année sur les 2456 décisions de justice, le nombre de condamnations comportant une peine de prison ferme ou avec sursis a été de 515 et les amendes prononcées sont en moyennes de 5500 francs (950 euros). (Laacher, 2000) Année universitaire 2012/2013 2

économie sociale et secteur informel

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: économie sociale et secteur informel

Introduction générale

L’économie informelle est une réalité massive à l’échelle du monde. « Malgré les

difficultés à la mesurer, on estime qu’elle emploie 60 à 70% de la population active en

Afrique, 50% en Asie, autour de 35% en Amérique latine, 20 à 30% en Europe de

l’Est et 5 à 10% en Europe occidentale et en Amérique du Nord. » (Lautier, 2006). Sa

thématique est donc particulièrement importante dans les pays du Sud, d’une part

parce que c’est là qu’elle est le plus massivement présente ; d’autre part parce que

cette économie s’est vue, depuis une quinzaine d’années, assigné une fonction sociale

par les institutions nationales ou internationales : créer des emplois, lutter contre la

pauvreté ; enfin parce que certaines de ses activités tendent à former une économie

populaire solidaire porteuse d’un développement économique alternatif. Cela

n’empêche pas qu’elle existe également dans les pays du Nord, d’une part, du fait de la

tolérance des pouvoirs publics face au non-respect du droit par les employeurs de

certaines branches (bâtiment, restauration...)1 ; et d’autre part, du fait que certaines

activités illicites sont par nature informelles, au Nord comme au Sud (trafic de drogue,

contrebande...).

La formalisation ou la structuration des activités informelles dans un pays

comme le Maroc est cruciale du point de vue de développement économique. En effet,

le secteur informel est un pourvoyeur d'emploi par excellence (2,2 millions d'emplois

en 2007) et une principale source de revenu au Maroc. De ce fait, le positionnement

des différentes formes de l'entreprise de l'économie sociale (coopérative, association et

mutuelle) dans un processus de réhabilitation des activités informelles peut faire de ce

secteur un vrai levier de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

L’appellation « économie sociale au juste » désigne l’ensemble d’initiatives

économiques à finalité sociale qui participent à la construction d’une nouvelle façon de

vivre et de penser l’économie. Elles placent la personne humaine au centre du

1 En France, par exemple, les employeurs qui transgressent les dispositifs du code du travail sont rarement sanctionnés : en 1996 il y a eu 805 568 infractions constatées par l’inspection du travail ; 19 551 d’entre elles ont fait l’objet de procès-verbaux transmis au parquet. Toujours pour la même année sur les 2456 décisions de justice, le nombre de condamnations comportant une peine de prison ferme ou avec sursis a été de 515 et les amendes prononcées sont en moyennes de 5500 francs (950 euros). (Laacher, 2000)

Année universitaire 2012/2013 2

Page 2: économie sociale et secteur informel

développement économique et social ». Définition arrêtée lors de la deuxième

rencontre sur la globalisation de la solidarité au Québec, en 2001.

Sont dites organismes d’économie sociale, les coopératives, associations,

mutuelles et plus généralement toute organisation ayant un objectif similaire

permettant le groupement de moyens de production au service de ses membres dans le

respect des principes généraux de l’économie sociale.

Il convient alors d’élaborer un projet qui vise à instaurer les bases d'une action

de plaidoyer à mener en faveur des petits producteurs afin de les structurer, renforcer

leurs capacités et leur assurer une protection sociale adaptée.

Cette action, ne sera efficace que par la multiplication des efforts et la

concertation entre les acteurs publics, la société civile et la population elle-même pour

réussir à susciter une plus grande prise de conscience à l'égard du sujet de l'informel.

Problématique   :

Dans un contexte où nous devons faire face à un accroissement des inégalités

entre les êtres humains, à une crise économique et financière et à un défi

environnemental de plus en plus urgent, l’économie sociale nous offrent un vocable

permettant de regrouper sous ces concepts, les solutions aux enjeux de la société.

Toutefois, les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire ont été amenés à

apporter des réponses innovantes dans des secteurs variés tels que l’agriculture, la

mobilité, le logement... bien avant que l’alarme du développement durable ait

sonné.

Pour de nombreux auteurs, dans le système économique, la raison d’être de

l’économie sociale serait de pallier les défaillances des activités capitalistes et des

activités étatiques : « une telle expression désigne les pratiques socio-économiques

dont la finalité n’est pas la maximisation du profit, mais la réponse à des besoins tant

sociaux qu’environnementaux non satisfaits par le marché ou la puissance publique »2;

« Face à ce double échec - du marché et de l’état – on peut alors expliquer la présence

d’organisations privées sans but lucratif »3.

2 JEAN-PAUL Maréchal, 2001, p.1733 Marthe Nyssens, 2008, p : 29-51

Année universitaire 2012/2013 3

Page 3: économie sociale et secteur informel

Dans le même ordre d’idées, les politiques publiques lancées ces dernières années

visent tout d’abord à encourager la création des coopératives en leur fournissant un

accompagnement post-création, dans le cadre du programme Mourafaka ; et à faciliter

la commercialisation des produits grâce à l’organisation de salons et à la création

d’espaces dédiés dans les aéroports et les supermarchés.

La question posée est alors de savoir quel rôle l’économie sociale peut –elle

jouer dans le développement économique d’un pays. Comment les organisations

de l’économie sociale permettent-elles de contribuer à la formalisation des

activités informelles ?

L’objectif de ce travail est d’étudier les différentes approches théoriques de

l’économie sociale afin de voir dans quelle mesure elle permet de contribuer à la lutte

contre la pauvreté et l’exclusion. On pourrait approfondir la question en se demandant

si les organisations qui apparaissent sont des solutions temporaires à la crise sociale ou

l’amorce de nouvelles modalités de régulation

Présentation de la méthodologie   :

Deux niveaux d’analyse (empirique et théorique) et deux enjeux de l’analyse

(positif et normatif) peuvent être soulignés à propos d’un travail de recherche en

science sociale. Notre travail est une articulation empirique théorique. Au plan de

l’enjeu de l’analyse, nous avons la préoccupation d’établir un savoir relativement à ce

qui est. Toutefois cette articulation n’est pas une simple juxtaposition. La production

d’un savoir positif n’est pas un travail qui se limite à établir distinctement (si ce n’est

indépendamment l’une de l’autre) une composante empirique et une composante

théorique. Il est nécessaire de rapporter ces deux composantes l’une à l’autre.

Nous commençons par l’établissement de la composante théorique ( les

propositions théoriques observables issues des différents courants théoriques), puis de

la composante empirique (les propositions théoriques observables issues des différents

courants théoriques).

Dans le cadre de ce travail, il est prévu la réalisation d’une analyse comparative

internationale. Cette analyse doit avoir pour objectif d’identifier les meilleures

pratiques internationales et d’en évaluer la pertinence et la faisabilité au Maroc. En

effet, la méthode comparative est fortement développée en sciences politiques. Cette

Année universitaire 2012/2013 4

Page 4: économie sociale et secteur informel

approche comparative est de plus en plus retenue comme nécessaire en sciences

économiques par de nombreux auteurs (Frey 1990 ; Boyer 2001 ; Aoki 2004).

Les axes de la recherche   :

Ce travail comportera quatre axes principaux de nature et d’ambitions différentes.

Axe I   : Les grandes lignes de l’économie sociale   : Au niveau de ce point, on étudiera le poids et l’ampleur de l’économie sociale.

Axe II   : Etat des lieux sur les débats relatifs au concept d’économie informelle dans l’économie de développement   : on étudiera les apports des différentes approches théoriques de l’économie informelle, pour ensuite dresser un rapide aperçu de l’évolution des thèmes de recherche sur l’économie informelle.

Axe III   : les innovations de l’économie sociale en faveur de l’appui à la création d’entreprises   : ici on analysera, à travers des expériences internationales, l’effet de l’économie sociale sur la réduction de la pauvreté et la réduction des activités informelles.

Références bibliographiques

Année universitaire 2012/2013 5

Page 5: économie sociale et secteur informel

1. Amable B. (2000) “Institutional Complementarity and Diversity of

Social Systems of Innovation and Production”, Review of International

Political Economy, 7(4), p 645-87.

2. Adair P. (1985), L'économie informelle : figures et discours, Éditions

anthropos, paris, 180p.

3. Archambault E., et Greffe X. (1984), Les économies non officielles, La

découverte, Paris, 248p.

4. Aoki M. (2004) “Comparative Institutional Analysis of Corporate

Governance” in Grandori A. (ed.) Corporate Governance and Firm

Organization, Oxford, Oxford University Press, 31-44.

5. Arrow K. (1998) “Foreword” in Weisbrod B. (ed.), To Profit or Not to

Profit, Cambridge, Cambridge University Press, ix-x.

6. Billaudot B. (2004) “Institutionnalisme(s), rationalisme et

structuralisme en science sociale”, Economie et Institutions, n°4,

1semestre, 5-50.

7. Bourdieu P. (2001) Science de la science et réflexivité, Paris, Editions

Raisons d’agir, Cours et Travaux.

8. Boyer R. (2001) “L’économiste face aux innovations qui font époque,

les relations entre histoire et théorie”, Revue économique, 52(5), 1065-15.

9. BOUCHARD M. et Bénoît Lévesque , les cahiers de recherche en

économie sociale, collection RECHERCHE.

10. Bureau International du Travail (2004) : « Méthodes et instruments

d’appui au secteur informel en Afrique francophone », SEED Document

de Travail 24, Genève.

11. Bureau International du Travail (2002): « Le secteur informel en

Afrique Subsaharienne francophone : vers la promotion d’un travail

décent », Document de Travail du Secteur de l’emploi 2002/15, Genève.

12. Frey B. (2001) Inspiring Economics, Human Motivation in Political

Economy, Cheltenham, Edward Elgar.

13. Gardin L et Laville J-L (2009), Entreprises sociales et nouvelles

solidarités en Europe, in J-L Laville et P. Glémain, « L’économie sociale

Année universitaire 2012/2013 6

Page 6: économie sociale et secteur informel

et solidaire aux prises avec la gestion », Desclée De Brouwer, Paris, pp.

291-376.

Année universitaire 2012/2013 7