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SOMMAIRELISTE DES TABLEAUX p. 4LISTE DES GRAPHIQUES p. 4INTRODUCTION p. 5PREMIÈRE PARTIE : AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SURLES PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIREp. 71. De l’utilisation du paravent dans les concours p. 71. 1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire p. 71. 2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres p. 91. 3 Le temps d’uniformisation des procédures p. 102. Les recherches sur les discriminations à l’embauche p. 112.1 Mettre au jour la discrimination p. 112.2 Mesurer l’impact du paravent p. 123. Méthodologie et terrain de l’enquête p. 133.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France p. 133.2 Accès au terrain p. 163.3 Présentation du matériau de l’étude p. 17DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES p. 191. Les orchestres du panel étudié p. 191.1 La profession de musicien-ne d’orchestre p. 191.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque orchestre p. 252. Le paravent dans les concours p. 312.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement p. 312.2 Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours p. 342.3 Le paravent et la question des discriminations à l’embauche p. 39TROISIEME PARTIE : ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS p. 431. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique p. 431.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux p. 431.2 Les contraintes imposées par la base de données p. 441.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s p. 441.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la périodeobservée p. 451.2.3 Données manquantes sur l’âge p. 462. Exploration préliminaire de la base de données Ardis-Orchestres p. 462.1 Description des orchestres et des profils des candidats p. 4632.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés p. 462.1.2 Le profil des candidat-e-s p. 512.2 Analyse du processus de sélection durant les concours p. 582.2.1 Un effet « virtuose » et/ou effet « disponibilité » p. 582.2.2 Un processus d’élimination des femmes p. 612.2.3 Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination p. 68Les méthodes quantitatives possibles p. 68Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ? p. 71CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES p. 74BIBLIOGRAPHIE p. 77ANNEXES p. 79
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Recherche!réalisée!avec!le!soutien!de!!
!!!! ! !!!Reguina HATZIPETROU-
ANDRONIKOU Centre Maurice Halbwachs
Hélène PÉRIVIER OFCE-PRESAGE Sciences Po
Chiara NOE OFCE-PRESAGE Sciences Po
Hyacinthe RAVET
IREMUS Université Paris-Sorbonne
1
Aide au financement du projet : Alliance de Recherche sur les Discriminations-Domaine d’intérêt majeur « Genre, inégalités, discriminations », Région Ile-de-France Institution porteuse du projet :
OFCE-PRESAGE- Sciences Po
Responsables scientifiques :
Hyacinthe RAVET Université Paris Sorbonne Centre universitaire Clignancourt 2 rue Francis de Croisset 75018 Paris [email protected]
Hélène PÉRIVIER PRESAGE, OFCE, Sciences Po 69, quai d’Orsay, 75007, Paris Tél.:01.44.18.54.92 [email protected]
Composition de l’équipe:
Reguina HATZIPETROU-ANDRONIKOU Centre Maurice Halbwachs
Chiara NOE PRESAGE, OFCE
Hélène PÉRIVIER PRESAGE, OFCE
Hyacinthe RAVET Université Paris Sorbonne Amaia CARDIEL Sciences Po, en stage à l’OFCE
2
SOMMAIRE LISTE DES TABLEAUX p. 4
LISTE DES GRAPHIQUES p. 4
INTRODUCTION p. 5
PREMIÈRE PARTIE : AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SUR LES PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIRE
p. 7
1. De l’utilisation du paravent dans les concours p. 7
1. 1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire p. 7
1. 2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres p. 9
1. 3 Le temps d’uniformisation des procédures p. 10
2. Les recherches sur les discriminations à l’embauche p. 11 2.1 Mettre au jour la discrimination p. 11
2.2 Mesurer l’impact du paravent p. 12
3. Méthodologie et terrain de l’enquête p. 13
3.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France p. 13
3.2 Accès au terrain p. 16
3.3 Présentation du matériau de l’étude p. 17
DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES p. 19
1. Les orchestres du panel étudié p. 19
1.1 La profession de musicien-ne d’orchestre p. 19
1.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque orchestre p. 25
2. Le paravent dans les concours p. 31
2.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement p. 31
2.2 Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours p. 34
2.3 Le paravent et la question des discriminations à l’embauche p. 39
TROISIEME PARTIE : ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS p. 43 1. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique p. 43 1.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux p. 43
1.2 Les contraintes imposées par la base de données p. 44
1.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s p. 44
1.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la période observée p. 45
1.2.3 Données manquantes sur l’âge p. 46
2. Exploration préliminaire de la base de données Ardis-Orchestres p. 46
2.1 Description des orchestres et des profils des candidats p. 46
3
2.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés p. 46
2.1.2 Le profil des candidat-e-s p. 51
2.2 Analyse du processus de sélection durant les concours p. 58
2.2.1 Un effet « virtuose » et/ou effet « disponibilité » p. 58
2.2.2 Un processus d’élimination des femmes p. 61
2.2.3 Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination p. 68
Les méthodes quantitatives possibles p. 68
Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ? p. 71
CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES p. 74
BIBLIOGRAPHIE p. 77
ANNEXES p. 79
4
LISTE DES TABLEAUX
TABLEAU 1 : Récapitulatif de la saisie de données p. 18
TABLEAU 2 : Répartition par sexe pour chaque pupitre d’instrument dans les orchestres permanents français
p. 24
TABLEAU 3 : Récapitulatif des résultats à l’ensemble des 94 concours (105 postes) de la période observée
p. 25
TABLEAU 4 : Les lauréat-e-s par instrument et par sexe pour les 74 postes effectivement pourvus
p. 28
TABLEAU 5 : Récapitulatif des résultats aux concours inclus dans la base de données
p. 30
TABLEAU 6 : Récapitulatif de l’usage du paravent dans les orchestres étudiés p. 35
TABLEAU 7 : Description de 5 concours pour lesquels l’information est incomplète dans la base Ardis-Orchestres
p. 45
TABLEAU 8 : Récapitulatif des concours et des recrutements p. 54
TABLEAU 9 : Proportion de chaque sexe à différents stades du processus de recrutement
p. 67
LISTE DES GRAPHIQUES GRAPHIQUE 1 : Répartition des hommes par instrument en fonction de celle
des femmes pour deux groupes d’orchestres p. 21 GRAPHIQUE 2 : Evolution des taux de féminisation dans les orchestres
membres AFO entre 2001 et 2009 p. 23 GRAPHIQUE 3 : Taux de féminisation dans les orchestres de Paris et d’Ile-de-
France et ceux du panel Ardis-Orchestres en 2014 p. 23 GRAPHIQUE 4 : Nombre de candidat-e-s au 1er tour par instrument pour
chaque orchestre p. 48 GRAPHIQUE 5 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par
instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres p. 50 GRAPHIQUE 6 : Distribution des âges des candidat-e-s au 1er tour pour les
orchestres utilisant le paravent et ceux qui ne l’utilisent pas p. 52 GRAPHIQUE 7 : Répartition par sexe des niveaux d’éducation pour tous les
orchestres et tous les instruments p. 53 GRAPHIQUE 8 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par
instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres (solistes) p. 56 GRAPHIQUE 9 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par
instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres (tuttistes) p. 57 GRAPHIQUE 10 : Répartition des candidat-e-s selon la nationalité et taux de
féminisation de chaque nationalité pour l’ensemble des orchestres p. 58 GRAPHIQUE 11 : Nombre de candidat-e-s par tour et par sexe, pour tous les
orchestres du panel et tous les instruments p. 60 GRAPHIQUE 12 : Effectifs d’hommes pour chaque tour, par instrument, pour
tous les orchestres p. 63 GRAPHIQUE 13 : Effectifs de femmes pour chaque tour, par instrument, pour
tous les orchestres p. 64 GRAPHIQUE 14 : Evolution du taux de féminisation entre les différents tours
des concours pour l’ensemble des orchestres p. 66
5
INTRODUCTION
Le « paravent » est-il un outil de lutte contre les discriminations sociales,
sexuées ou ethniques ? Les auditions « à l’aveugle » sont-elles possibles de bout en
bout des procédures de recrutements et sont-elles efficaces lors du recrutement de
musicien-ne-s dans les orchestres professionnels ? L’utilisation du paravent a-t-elle
permis d’élargir le profil des musicien-ne-s recruté-e-s ? L’aide au financement de la
recherche par l’ARDIS, financée par la Région Île-de-France dans le cadre du
Domaine d’intérêt majeur « Genre, inégalités, discriminations », a permis d’explorer
des réponses possibles à cet ensemble de questions. Cette recherche s’appuie sur
une analyse qualitative et une analyse statistique des concours de recrutement dans
les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France. Combinant approche
sociologique et approche économique des discriminations, elle vise à montrer
l’impact de l’instauration de procédures « à l’aveugle » lors des recrutements et à
décrypter les discours et perceptions autour de la mobilisation éventuelle du
« paravent ». Elle interroge essentiellement la dimension sexuée du recrutement des
musicien-ne-s, mais ouvre également des pistes pour intégrer des dimensions
reposant sur d’autres critères de possibles discriminations (âge, origine ethnique,
handicap …).
Ce rapport s’appuie sur les données collectées de décembre 2013 à septembre
2014, dans le but d’évaluer l’impact du paravent dans les recrutements des musicien-
ne-s. Pour cela, nous avons construit une base de données à partir des informations
dont disposent les orchestres, ce qui n’a pas été sans difficulté, nous nous en
expliquerons. Le travail d’analyse quantitative se concentre sur les données des
concours de recrutement de cinq orchestres de Paris et d’Ile-de-France depuis les
années 2000 et jusqu’en 2014. L’analyse qualitative, quant à elle, mobilise des
données de type ethnographique et des données issues d’entretiens menés avec des
responsables et administratifs des orchestres. Nous remercions les équipes de ces
orchestres qui nous ont aidées à réaliser ce travail. Le rapport présente ainsi le
contexte et les enjeux des recrutements dans les orchestres permanents de Paris et
d’Ile-de-France considérés aux yeux des acteurs concernés par la mise en place de ce
type de dispositif, ainsi qu’une première salve de résultats quant à l’apport des
procédures « à l’aveugle » en matière de discrimination lors des recrutements des
quinze dernières années.
6
Construite en trois temps, la réflexion porte tout d’abord sur la manière dont
cette étude s’inscrit dans le paysage des recherches sur les professions musicales et
sur les procédures de recrutement discriminatoires (I). Elle aborde ensuite la
problématique de l’introduction du paravent au travers des caractéristiques propres à
ce type d’institution culturelle et des spécificités de chacune d’entre elles. Elle précise
ainsi les modalités concrètes de concours pour chacun des orchestres considérés (II).
Enfin, elle se concentre sur les données collectées afin d’envisager l’impact possible
d’un tel dispositif sur les recrutements et montre les pistes possibles
d’approfondissement de la recherche (III).
7
PREMIERE PARTIE :
AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SUR LES
PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIRE
1. De l’utilisation du paravent dans les concours
1.1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire
Les travaux sur les musicien-ne-s et en particulier sur les femmes et la
musique montrent que la mixité femmes-hommes est une réalité ancienne (Launay,
2008). Hommes et femmes professionnel-le-s se partagent les scènes lyriques en
France depuis la création de l’opéra au début du XVIIe siècle, par exemple. La
musique est également l’un des domaines où les femmes ont été parmi les premières
diplômées de l’enseignement supérieur (le Conservatoire de Paris étant mixte dans
son recrutement depuis sa fondation dans le sillage de la Révolution Française). Les
musiciennes se sont aussi illustrées dans l’enseignement (comme professeures de
piano et de chant, notamment) et ont été et restent très nombreuses parmi les
amateurs. Elles représentent aujourd’hui 55 % des élèves des écoles de musique et
conservatoires agréés par l’Etat (DEPS, 2010). Toutefois, l’accès des femmes à toutes
les professions musicales a été difficile (Buscatto, 2007 ; Launay, 2008 ; Ravet, 2011 ;
Hatzipetrou-Andronikou, 2012) – et demeure problématique pour certains postes
comme celui de chef d’orchestre.
Les instrumentistes, en particulier, ont peiné à être admises dans les classes
d’instrument des conservatoires, à jouer dans l’espace public en tant que
professionnelles et à intégrer les orchestres (Ravet, 2011). Mise à part « la » harpiste,
voire quelques violonistes à la fin du XIXe siècle, ces ensembles professionnels ont
longtemps été réfractaires à l’engagement de femmes dans leurs rangs. Des
polémiques ont surgi en France jusque dans les années 1970, le refus de l’accès des
femmes s’appuyant sur des arguments, comme la maternité, déjà mis en avant pour
d’autres professions. Mais d’autres arguments sont aussi développés. D’une part,
l’exposition du corps féminin sur une scène a longtemps paru indécente. D’autres
part, jouer « comme une femme » ne s’apparenterait pas à « jouer comme un
homme », selon certains réfractaires à l’entrée des femmes dans les orchestres. La
différenciation sexuée jouerait ici à plein, la sonorité des instrumentistes femmes
étant supposée – selon eux – de moindre puissance de projection et être marquée par
8
la « faiblesse ». Le son d’un orchestre recrutant des musiciennes risquerait donc de
perdre de sa « couleur » et de son « homogénéité ». Egalement, les femmes seraient
sujettes à une moindre résistance à la fatigue et à la pression du jeu scénique.
D’autres arguments négatifs encore tiennent à la perturbation de l’entre-soi masculin
créée par la présence des femmes dans l’orchestre, lesquelles seraient supposées ne
pas partager tout à fait les mêmes intérêts que leurs collègues hommes et susceptibles
de semer la « zizanie » au sein d’un ensemble. L’Orchestre philharmonique de Vienne
n’a ainsi accepté de titulariser une femme – une harpiste – en son sein qu’en 1997 et
reste célèbre pour sa misogynie. Les normes de genre appliquées à la pratique d’un
instrument de musique contribuent à expliquer le caractère sexué des recrutements
et des processus discriminatoires dans l’accès des femmes aux orchestres
professionnels.
En France, depuis les années 1970, s’opère une réelle ouverture des orchestres
aux femmes : de l’éventuelle harpiste à un tiers de femmes dans leurs rangs
actuellement (AFO, 2010), on observe une véritable mutation. Les femmes occupent
cependant encore une place spécifique : elles restent absentes de certains pupitres et
de certains postes. Davantage présentes dans les instruments à cordes que parmi les
cuivres, elles sont aussi plus rarement solistes que leurs collègues masculins (huit
solistes sur dix sont des hommes) (Ravet, 2011). Il y a là une variation notable selon
l’instrument et les représentations – mouvantes – qui lui sont associées. Selon des
observateurs de la profession (comme les musiciens et les régisseurs d’orchestre), ces
recrutements ont bénéficié en grande partie de la présence d’un paravent masquant
le / la candidat-e lors des auditions de recrutement. Un élément tangible confortant
cette hypothèse réside dans le recrutement des orchestres d’harmonie militaires.
Paradoxalement, les femmes instrumentistes à vent, telles que des clarinettistes, sont
entrées d’abord dans ces ensembles de tradition masculine, où un paravent était
présent de bout en bout du concours. Elles ont été recrutées ensuite dans des
orchestres civils.
9
1.2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres1
Historiquement, la présence d’un « paravent » pour masquer le / la candidat-e
s’inscrivait dans un souci d’ouverture du recrutement au-delà de la cooptation parmi
le cercle des (ancien-ne-s) élèves et des connaissances du chef de pupitre et / ou du
chef d’orchestre.
Objet de revendications féministes dans les années 1970, la présence d’un
« paravent » lors des concours demeure, pour les femmes mais aussi les non-Blanc-
he-s ou les personnes en situation de handicap, un véritable enjeu. Au début des
années 1980, plusieurs femmes instrumentistes à vent sont ainsi admises dans des
orchestres militaires ou assimilés, profitant de l’opportunité de l’ouverture statutaire
de l’Armée aux femmes pour la majorité des fonctions militaires et ce, au même titre
que les hommes. La Garde Républicaine, par exemple, est tenue de recruter de
manière mixte, obligation qui s’applique aussi à la Musique (les orchestres). Une
première femme clarinettiste y entre en 1985. C’est l’époque du « paravent » qui,
paradoxalement compte tenu du contexte militaire, ouvre de nouvelles possibilités
aux femmes : lors des auditions de recrutement, un rideau ou un véritable paravent
cache le / la candidat-e aux yeux du jury, censé évaluer à l’oreille uniquement, et ce,
de bout en bout du concours. L’exemple de l’orchestre de la Garde Républicaine est
particulièrement éclairant dans la mesure où, comme le montre la troisième partie du
rapport, c’est l’ensemble du processus de recrutement qu’il convient d’interroger et
non pas seulement le tour durant lequel le paravent est utilisé.
Dans ces orchestres, la question est cruciale. En effet, ces concours sont
souvent assortis de l’usage du paravent de bout en bout de la procédure. Or certains
musiciens sont réticents au recrutement de femmes notamment parce que, lorsque
ces dernières « tombent enceintes », elles ne peuvent se faire remplacer, en raison du
statut militaire (ou assimilé) de l’orchestre, donc non ouvert aux civils. Ce sont alors
les autres personnes du pupitre qui doivent s’arranger entre elles. Aussi,
régulièrement, ressurgissent des débats autour de l’usage du paravent, certains
désirant le supprimer.
Même avec un paravent ou un rideau masquant le / la candidat-e, certains
membres de jury essaient de deviner qui, d’une femme ou d’un homme, se trouve
1 Cette sous-partie, comme la précédente à propos des instrumentistes d’orchestre, s’appuie sur les travaux de l’une des membres de l’équipe, Hyacinthe Ravet, synthétisés dans Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique (Paris, Autrement, 2011) que nous ne mentionnerons donc pas systématiquement.
10
caché-e (ce qui a le mérite d’obliger à écouter attentivement le / la candidat-e
potentiel-le et non à juger du premier coup d’œil), en essayant de le déceler à la
respiration (censée être « plus aiguë » pour une femme) ou croyant parfois
reconnaître une « finesse d’exécution » (qualifiée alors de « féminine »). D’où un
ensemble de stratégies déployées par les pionnières, parfois conseillées par leurs
professeurs (hommes) pour dissimuler leur identité : « ne pas répondre » (à un
éventuel « bonjour »), « ne pas porter de talons », voire « marcher d’un pas lourd »…
Une soliste longtemps responsable d’un pupitre de cordes dans un orchestre
permanent parisien raconte qu’elle a « mis des gros godillots » et a volontairement
« marché d’un pas pesant » lors de l’audition. Le jury n’a pas deviné que le candidat
retenu était une femme. Lorsqu’ils l’ont découvert, certains musiciens de l’orchestre
ont regimbé et tenté de faire pression pour que le concours soit annulé. Elle a été
finalement la première femme soliste recrutée dans cet orchestre où elle a mené toute
sa carrière.
1.3. Le temps d’uniformisation des procédures
Aujourd’hui, lors du recrutement de musicien-ne-s titulaires de leur poste
(qu’il / elle soit violoniste du rang ou première flûte solo, par exemple), nombreux
sont les orchestres civils permanents français qui pratiquent des auditions « à
l’aveugle », au moins pour le premier tour. L’objectif consiste à éviter les procédures
discriminatoires tant à l’égard des femmes que des individus non blancs, mais
également à préserver l’anonymat des candidat-e-s.
Cette procédure de recrutement concerne tout particulièrement les orchestres
permanents, civils et militaires qui recrutent des titulaires affectés à un poste bien
défini. Les ensembles intermittents fonctionnent différemment. Ils comportent
souvent en leur sein un noyau dur de musiciens « quasi-permanents » et des
musiciens appelés selon les projets. Le recrutement de ces instrumentistes freelance
– le plus souvent intermittent-e-s du spectacle2 – se fait généralement par cooptation,
mais certains ensembles auditionnent également.
2 Qu’il ne faut pas confondre avec les musicien-ne-s « supplémentaires », dont nous évoquerons le cas par la suite. Ces musicien-ne-s freelance ne sont pas rattaché-e-s en particulier à un orchestre par contrat à durée indéterminée. Ils travaillent précisément « au cachet », production par production. Certains d’entre ces musicien-ne-s se présentent parfois aux concours d’orchestre, mais le plus souvent ils / elles sont spécialistes d’autres répertoires (musique ancienne, en particulier, musique contemporaine…).
11
2. Les recherches sur les discriminations à l’embauche
2.1. Mettre au jour la discrimination
Dans un contexte d’égalité formelle, les inégalités de traitement des individus
en raison de caractéristiques personnelles comme le sexe, l’origine ethnique ou
raciale, l’orientation sexuelle, l’âge ou le handicap3, tant au moment du recrutement
que tout le long de la carrière, sont assez présentes dans le monde du travail
(Milewski et Périvier, 2011).
Mesurer la discrimination et ses effets exige de pouvoir isoler l’effet des
facteurs discriminatoires (sexe, origine ethnique, âge, handicap…) de l’effet des
différences de caractéristiques individuelles (diplôme, expérience, talent…). Notons
que derrières les différences de caractéristiques individuelles peuvent se cacher des
processus discriminatoires. La littérature concernant la mesure des discriminations
est vaste : s’agissant des salaires, de nombreux travaux s’appuyant sur les
décompositions de l’écart de rémunération selon la méthode d’Oaxaca-Blinder ont
pointé l’ampleur des discriminations salariales (voir notamment Meurs et Ponthieux,
2000) ; s’agissant de l’accès à des postes à responsabilité, on recherche à mesurer
toute choses égales par ailleurs la moindre probabilité des femmes d’accéder à des
promotions (voir notamment Gobillot, Meurs et Roux, 2015).
Pour mesurer la discrimination, on peut aussi s’appuyer sur des techniques
visant à masquer le critère sur lequel repose la discrimination. Les données
mobilisées doivent permettre d’observer une sélection de candidat-e-s réalisée à
partir d’un groupe d’individus selon deux procédures, l’une ouverte et l’autre
masquant la caractéristique sujette à discrimination (sexe, origine ethnique...). Or ces
données sont rarement disponibles.
Pour contourner ce point, les économistes procèdent souvent à des expériences
contrôlées en utilisant par exemple la méthode du testing. Dans ce cas, une base de
données est constituée par des réponses fictives à des offres d’emploi réelles ; les
réponses sont construites par paire, les candidatures dans chaque paire ne différant
que par la caractéristique dont on cherche à isoler l’effet sur la probabilité
d’embauche de la personne (Newmark et al., 1996). Plusieurs études portant sur la
discrimination sur la base du sexe fait avec l’envoi de CV anonymes (Levinson, 1975 ;
3 D’un point de vue juridique l’article 225-1 du code pénal défini et reconnait dix-huit motifs de discrimination liés à des caractéristiques personnelles. Par ailleurs, d’autres paramètres, comme par exemple le lieu de résidence, peuvent être des motifs de discrimination à l’embauche notamment.
12
Riach, Rich, 1987 en Australie ; Weichselbaumer, 2004 en Autriche ; Petit, 2004 pour
la France ; Riach, and Rich, 2006 en Angleterre et Carlsson et Rooth, 2008 en Suède ;
Behagel et al., 2011).
2.2. Mesurer l’impact du paravent
Le cas du recrutement des musicien-ne-s d’orchestre « à l’aveugle », c’est-à-
dire avec l’utilisation d’un paravent au moment de l’audition, présente des similarités
avec le cv anonyme, notamment le fait de rendre invisible la ou les caractéristiques
pouvant induire une inégalité de traitement. Cependant, à l’inverse du CV anonyme,
il constitue une épreuve de sélection fondée sur la mise en pratique de la compétence
principale demandée : la performance musicale.
Toutefois, le recours à une évaluation multicritères de la qualité de chaque
candidature constitue un obstacle pour isoler les facteurs conduisant à l’embauche ou
non d’une personne. Le recrutement de musicien-ne-s a ceci de spécifique – a priori,
car cela fait débat au sein des professions orchestrales, nous allons précisément y
revenir en deuxième partie de ce rapport – que l’on peut apprécier la qualité de la
candidature sans avoir d’information sur son sexe ou son origine ethnique puisque
l’évaluation de la candidature n’exige ni de voir ni d’entendre la voix de la personne,
au moins dans un premier temps. La mise en place d’un paravent dans le recrutement
des musicien-ne-s d’orchestre à certains moments de la procédure de recrutement
et/ou dans certains orchestres seulement semble permettre la production de données
permettant d’estimer le processus de discrimination.
L’étude de Goldin et Rouse (2000) repose sur l’exploitation de ce type de
données. Elle est fondée sur une quasi-expérience naturelle appliquant la méthode
des doubles différences. Les auteures ont analysé l’effet de l’introduction d’un
paravent dans le recrutement des musicien-ne-s dans les grands orchestres
américains. Ces grands ensembles musicaux américains ont opté, à des moments
différents, pour un recrutement à l’aveugle en faisant passer les auditions derrière un
paravent afin de masquer les candidat-e-s aux membres du jury. Parmi ces
orchestres, certains utilisent le paravent de bout en bout du processus de
recrutement, d’autres seulement lors de la première étape. L’analyse repose sur les
différences entre orchestres et aussi sur le fait que le paravent n’est pas
nécessairement maintenu à tous les stades du recrutement dans un même orchestre.
Les auteures concluent que les musiciennes ont une probabilité d’avancer dans le
13
processus de recrutement et / ou d’être embauchées plus importante quand l’audition
se fait à l’aveugle : la probabilité d’être retenue au tour suivant est accrue de 50 % et
celle d’être recrutée de 30 %. Finalement, un quart de l’accroissement du taux de
féminisation des orchestres américains constaté entre 1970 et 1996 serait dû au
paravent. Cette étude pionnière permet non seulement de mettre au jour le processus
discriminatoire qui s’exerçait à l’encontre des femmes, mais également le rôle central
de ce dispositif pour corriger le déficit de représentation des femmes dans le secteur
artistique de la musique classique. L’étude de Goldin et Rouse se concentre sur la
discrimination fondée sur la base du sexe mais n’explore pas les autres formes
possibles de discrimination (origine ethnique, âge ou encore handicap).
3. Méthodologie et terrain de l’enquête
3.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France Au nombre de sept, les orchestres civils permanents de Paris et d’Ile-de-
France couvrent une large palette d’activités, de genres et d’esthétiques, de la
musique d’opéra et de ballets aux productions radiophoniques, en passant par le
répertoire en formation « Mozart », le répertoire en grande formation symphonique,
les musiques contemporaines, etc. Ces ensembles ne fonctionnent pas tous avec le
même statut, qui dépend notamment de leurs missions et du type de subvention
qu’ils reçoivent. Il s’agit, par ordre alphabétique4, de :
- l’Ensemble intercontemporain (EIC) : cette formation se consacre à la musique
contemporaine et comprend 31 musicien-ne-s 5 , dont 6 femmes (19 %), tou-te-s
solistes. Dans les concours de recrutement de l’Ensemble intercontemporain, le
paravent est utilisé sauf en finale. En effet, les concours de recrutement comportaient
deux tours jusqu’en 2005 (tour éliminatoire derrière paravent, finale sans paravent),
puis, à partir de 2006, ils comportent trois tours, les premier et deuxième étant
derrière paravent.
Créé par Pierre Boulez en 1976, cet orchestre est spécifique en raison de son
répertoire, de sa taille et de ses effectifs : ces derniers sont composés uniquement de
solistes et comprennent des instrumentistes à vent en plus grande proportion que
dans les autres ensembles, ainsi que trois pianistes. Il est l’un des rares orchestres
4 Les propos cités entre guillemets proviennent des sites internet de chacun des orchestres. 5 Les chiffres concernant chaque orchestre présenté concernent les postes réellement occupés en 2014 et non le nombre de postes titulaires de chaque orchestre.
14
permanents français à proposer des postes permanents de pianiste et / ou claviériste.
Les missions de l’orchestre consistent en la « diffusion, la transmission et la
création » de la musique du vingtième siècle à aujourd’hui.
Cet orchestre est majoritairement financé par l’Etat.
- l’Orchestre de chambre de Paris (OCP) : cette formation est constituée de 43
musicien-ne-s, dont 11 femmes (25,5 %) qui se produisent en formation orchestrale,
en solistes ou en petits effectifs de musique de chambre. Le paravent est utilisé lors
de la première (sur trois) épreuve, depuis 2010.
Cet ensemble est également spécifique en raison de sa taille et de ses missions. Il se
définit notamment comme un « orchestre citoyen » qui revendique un engagement
dans la Cité. Notons que l’ensemble se nommait auparavant l’Ensemble orchestral de
Paris, un orchestre fondé en 1978 par Jean-Pierre Wallez6.
Cet orchestre est majoritairement financé par la Ville de Paris.
- l’Orchestre national d’Ile-de-France (ONDIF) : cet orchestre symphonique
comprend 95 musicien-ne-s, dont 38 femmes (40 %). Dans les concours de
recrutement de l’Orchestre national d’Ile-de-France, le paravent est utilisé au premier
tour (sur trois).
Créé en 1974 à l’initiative de Marcel Landowski, cet ensemble a pour « mission
principale de diffuser l’art symphonique sur l’ensemble du territoire régional et tout
particulièrement auprès de nouveaux publics ». Il développe ainsi une riche action
culturelle sur le territoire francilien.
Il est majoritairement financé par la Région Ile-de-France.
- l’Orchestre national de l’Opéra de Paris : cet orchestre lyrique est composé de 163
musicien-ne-s dont 62 femmes (38 %) et décliné en deux formations qui
interviennent pour l’une à l’opéra Garnier, pour l’autre à l’opéra Bastille. Le paravent
peut être utilisé ou non lors des concours de recrutement actuellement pour « tout ou
partie des épreuves ».
Doyen des orchestres permanents français, l’Orchestre national de l’Opéra de Paris
est héritier de l’Académie royale de musique de l’Ancien Régime. Il assure « presque
6 Dont les propos à la création de l’ensemble avaient créé un tollé, ce chef ayant explicitement déclaré ne pas souhaiter recruter de femmes au sein de l’ensemble (Ravet, 2011).
15
la totalité des productions des deux théâtres de l’Opéra de Paris, Garnier et Bastille,
soit 280 représentations par an ».
Il est majoritairement financé par l’Etat.
- l’Orchestre de Paris : cette formation symphonique est composée de 119 musicien-
ne-s, dont 38 femmes (32 %). Le paravent n’est actuellement pas utilisé lors des
concours de recrutement.
Créé en 1967, l’Orchestre de Paris est l’héritier de la Société des concerts du
Conservatoire fondée en 1828. Il a pour mission d’œuvrer au rayonnement de la
musique symphonique au plus haut niveau international.
Il est majoritairement financé par l’Etat.
Les orchestres de Radio France constituent deux des quatre formations permanentes
de Radio France avec le Chœur de Radio France et la Maîtrise de Radio France. Ces
deux ensembles sont héritiers des orchestres de radio fondés dans les années 1930,
puis de l’ORTF. Ils participent aujourd’hui toujours aux activités de diffusion télé- et
radiophonique, mais aussi de création et d’enregistrement notament de musique
contemporaine. L’Orchestre national de France a aussi pour mission la diffusion de la
musique française, quand l’Orchestre philharmonique de Radio France trouve sa
spécificité en tant qu’ensemble « à géomêtrie variable » :
- l’Orchestre national de France (ONF) : cette formation symphonique se compose de
112 musicien-ne-s, dont 36 femmes (32 %). Le paravent n’est pas utilisé lors des
concours de recrutement.
Il est majoritairement financé par l’Etat.
- l’Orchestre philharmonique de Radio France (ORPF) : cette formation
symphonique est composée de 127 musicien-ne-s dont 44 femmes (34,5 %) évoluant
dans des formats variés. Le paravent n’est pas utilisé lors des concours de
recrutement.
Il est majoritairement financé par l’Etat.
16
3.2 Accès au terrain
Six de ces orchestres sont adhérents de l’Association Française des Orchestres,
seul l’Orchestre national de l’Opéra de Paris n’y adhère pas. Les contacts avec
l’Association Française des Orchestres (AFO) ont permis, dès les débuts de la
recherche, de s’assurer du soutien informel de cette association, tout en évitant que
les démarches propres à l’AFO et les nôtres ne soient confondues. En effet, les
orchestres sont régulièrement sollicités par diverses instances, dont l’AFO. Le
courrier envoyé aux orchestres pour leur présenter l’étude et notre demande de
collaboration, précisait ainsi que l’AFO était prévenue de nos démarches.
Par ailleurs, l’AFO a été d’une grande aide en nous fournissant les contacts des
responsables des six orchestres de Paris et d’Ile-de-France adhérents de l’association.
Nous avons ainsi rédigé un courrier accompagné d’un résumé de présentation de
l’enquête (annexe 1) afin de demander un rendez-vous avec les responsables
administratifs et les personnes responsables des concours de recrutement pour
présenter notre démarche, faire un état des lieux de l’utilisation ou non du paravent
dans chaque orchestre, ainsi qu’un état des lieux des données disponibles concernant
les concours de recrutement passés en vue de la constitution d’une base de données.
Les six orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France contactés par
courriel électronique le 11 décembre 2013 ont répondu positivement à notre demande
selon des délais différents ; le processus de prise de rendez-vous et d’organisation de
ces réunions a été relativement long étant donné les emplois du temps chargés des
administrations des orchestres. Cinq réunions ont eu lieu entre décembre 2013 et
février 2014 avec les directions de ces orchestres (annexe 2). Les deux orchestres de
Radio France (ONF et OPRF) étant administrativement gérés par une seule équipe, la
direction musique de Radio France, une seule réunion a été organisée.
L’Orchestre national de l’Opéra de Paris n’a pas donné suite à nos demandes
de prises de contact. Plusieurs tentatives avec le régisseur de l’orchestre suivies de
l’envoi d’un courrier papier à la direction de l’Opéra de Paris se sont révélées
infructueuses.
Quant à l’Orchestre de Paris, si la direction a donné un accord de principe pour
la collecte de données sous réserve de confidentialité, il n’a pas été fait suite aux
demandes qui en ont découlé pour le moment.
17
3.3 Présentation du matériau de l’étude
Les données qualitatives récoltées lors de l’étude sont diverses. En premier lieu
les comptes-rendus des cinq réunions avec les responsables des orchestres ont permis
d’identifier des axes importants pour l’étude des procédures de recrutement. Ensuite,
des notes éthnographiques ont été prises lors de la saisie de données effectuée sur
place, pour deux orchestres. Des entretiens ont été réalisés avec des responsables
d’orchestres afin de mieux saisir le déroulement des concours et les enjeux qui les
entourent. Enfin, des documents communiqués par les orchestres ou consultés en
ligne, tels que certains procès-verbaux de concours, des conventions collectives, les
annonces de certains concours ou encore les listes de composition des orchestres ont
complété le corpus de matériau de l’enquête.
Afin de réaliser une évaluation quantitative de l’impact du paravent dans les
recrutements des musicien-ne-s, nous avons construit une base constituée de
données individuelles à partir des informations dont disposent les orchestres. Cette
phase a constitué une première difficulté majeure dans la mesure où aucun des
orchestres de l’étude ne disposait de données informatisées permettant de conduire
des évaluations contrôlées robustes. Après avoir rencontré des responsables de six
des sept orchestres permanents civils de Paris et d’Ile-de-France (hors Opéra de
Paris), l’équipe a établi un état des lieux des ressources disponibles. L’accès aux
données disponibles de ces orchestres a été dans certains cas plus long que dans
d’autres, le temps de mettre en place un accord de confidentialité des données
personnelles communiquées accepté par les deux parties (l’équipe de recherche et
l’orchestre concerné) pour trois des orchestres. Enfin, l’accès aux données de cinq
orchestres a révélé une difficulté en termes de calendrier de l’enquête. En effet, 1553
fiches de candidat-e-s à des concours de recrutement ont dû être saisies
manuellement afin de constituer la base de données à exploiter, puisque aucun
orchestre n’a de fichier déjà établi pour les recrutements. Cependant 340 d’entre elles
ne peuvent être exploitées puisqu’il manque, dans les archives de l’un des orchestres,
les données concernant le passage des candidat-e-s au deuxième tour et en finale
pour neuf concours. Il manque également la liste des candidats effectivement
présents lors du premier tour pour cinq concours de l’un des ensembles, même si
nous disposons de la liste des inscrits au concours (dont un petit nombre ne s’est
effectivement pas présenté). Finalement, 1244 fiches ont été intégrées dans la base de
18
données, avec une information incomplète pour 213 d’entre elles7. Ainsi, pour cinq
concours concernant la petite clarinette, la contrebasse (deux concours), le
violoncelle, les timbales, 213 personnes se sont inscrites et trente-deux ne se sont pas
présentées à l’audition du 1er tour (soit 15 %). Mais nous ne disposons pas de
l’information permettant de savoir quel candidat-e ne s’est finalement pas présenté-e
au premier tour.
En outre, comme nous le préciserons dans les parties suivantes, l’hétérogénéité
des données est importante : certains orchestres n’utilisent pas le paravent, et pour
ceux qui l’utilisent nous ne disposons a priori pas des données faisant état des
recrutements avant la mise en place du paravent. Cependant, cette base est riche en
matière d’informations disponibles sur les candidatures (formation générale et
musicale, postes antérieurs occupés, le cas échéant…).
Tableau 1 : Récapitulatif de la saisie de données
Orchestre Période de saisie
Nombre de concours disponibles
Nombre de fiches saisies
Conditions d’accès
EIC avril-juin 2014 14 281 Sur place
OCP juillet-août 2014 1[+ 9 incomplets] 31[+ 340
incomplètes] Documents
électroniques
ONDIF juin-août 2014 10 411 Documents
électroniques
ORPF mai-août 8 283 Sur place
ONF 2014 8 246 Sur place
Total 41 1244
Source : Ardis-Orchestres
7 Information que nous avons toutefois codée.
19
DEUXIEME PARTIE :
LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES
1. Les orchestres du panel étudié
1.1 La profession de musicien-ne d’orchestre8
Les orchestres permanents recrutent par concours leurs membres en contrat à
durée indéterminée. Ce recrutement est lié à une catégorie de postes, lesquels se
distribuent selon deux grandes fonctions, celle de tuttiste et celle de soliste. Les
premiers correspondant aux musicien-ne-s du rang ne jouent jamais une note en
solo, quand les seconds sont responsables des interventions spécifiques de leur
instrument. Les postes de soliste se déclinent eux-mêmes selon plusieurs catégories
qui correspondent au degré de responsabilité dans l’orchestre : outre le violon solo
(deuxième chef de l’orchestre), les super-solistes (ou premiers solistes) sont chefs de
pupitre ; puis viennent les seconds et troisièmes solistes, chaque orchestre déclinant
ces catégories selon sa nomenclature propre. Les fonctions de solistes (et leurs sous-
catégories) et de tuttistes correspondent à des statuts professionnels définis par les
conventions de chaque orchestre. Ces statuts se reflètent aussi en termes de
rémunération, les « super-solistes » percevant les plus hauts salaires et les musicien-
ne-s du rang, les plus bas.
Selon les instruments, les fonctions de tuttiste et de soliste se distinguent.
Dans les orchestres civils, par définition des postes, les instruments à vent sont tous
solistes (il n’y a pas de bassonistes tuttistes, par exemple). En revanche, les cordes
comportent des solistes et chefs de pupitres, ainsi que de nombreux tuttistes. Les
orchestres symphoniques comportent ainsi de 40 % à 50 % de tuttistes. Dans les
orchestres militaires formés en harmonie, où donc il n’y a pas de cordes, les vents
comportent des solistes et des tuttistes. Il existe également des orchestres civils de
taille plus réduite qu’une formation symphonique, tels que l’Ensemble
intercontemporain ou l’Orchestre de chambre de Paris qui présentent des
caractéristiques propres. L’Ensemble intercontemporain est uniquement composé de
solistes. Dans l’Orchestre de chambre de Paris, les tuttistes représentent la même
proportion de musicien-ne-s que dans les orchestres symphoniques.
8 Voir notamment Bernard Lehmann, L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, 2011 et Hyacinthe Ravet, Musiciennes, op. cit.
20
Cette distinction est fondamentale, car elle corrobore une féminisation
différenciée des instruments (les cordes sont plus féminisées que les vents) et des
fonctions (les femmes sont plus souvent tuttistes que solistes). Si les femmes
constituent un tiers des effectifs orchestraux en 2009, elles représentent 43 % des
cordes, mais seulement deux solistes sur dix (Ravet, 2011). Cette répartition renvoie à
des différences observables lors de la formation des musicien-ne-s, liées à l’origine
sociale et à l’appartenance sexuée, exacerbées dans les ensembles professionnels. (En
termes de nationalité, on trouve également plus de musicien-ne-s étrangers-ères
parmi les cordes que les vents dans ces ensembles.) Les femmes se présentent moins
nombreuses à un poste de trombone solo, par exemple. Mais, lors des décennies
passées, elles avaient aussi proportionnellement moins de chance d’être recrutée
qu’un homme à ce type de poste, perçus comme « masculins » (et dont elles ont pu
être explicitement exclues).
Actuellement, on observe que la répartition sexuée selon les instruments est
approximativement la même pour les orchestres du panel étudié que pour l’ensemble
des orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France (graphique et tableau ci-
dessous) : les musiciennes sont plus présentes dans les pupitres des cordes, en
particulier le violon et sauf pour la contrebasse, alors que leurs collègues hommes se
répartissent plus uniformément entre les différents instruments (25 % d’entre eux
sont violonistes et 10 % contrebassistes ou violoncellistes). Les femmes sont moins
nombreuses parmi les bois et quasi-absentes des pupitres de cuivres.
21
Graphique 1
22
Le taux de féminisation des orchestres permanents français est passé de 32 %
en 2001 à 33 % 2009 (graphiques ci-dessous). Ainsi, en dix ans le taux de
féminisation des orchestres membres de l’AFO a augmenté d’un point au total. Par
ailleurs le graphique ci-dessous indique que cette faible augmentation du taux de
féminisation se concentre sur des instruments particuliers : la clarinette, le basson et
le cor d’harmonie. On constate de même que le taux de féminisation de la harpe a
baissé de plus de 2 points sur la même période. Certes, les effectifs de ces instruments
sont faibles. Néanmoins, on peut conclure que, sur cette période, la représentation
des femmes dans ces orchestres est restée globalement stable, même si on perçoit des
évolutions pour des instruments considérés traditionnellement comme
« masculins ». La situation a pu évoluer à nouveau depuis 2009. Dans l’ensemble des
orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France le taux de féminisation en 2014
s’élève à 35 %, très proche donc de celui observé pour les orchestres du panel Ardis-
Orchestres la même année (34 %). Il est sensiblement supérieur par rapport à
l’ensemble des orchestres membres de l’AFO en 2009 pour le hautbois, l’alto et le
violoncelle.
Les orchestres du panel étudié présentent des taux de féminisation par
instrument relativement similaires à ceux observés pour l’ensemble des orchestres de
Paris et d’Ile-de-France, à l’exception de la harpe pour laquelle le taux de
féminisation est plus élevé pour le panel Ardis-Orchestres (80 %) que pour
l’ensemble des orchestres de Paris et d’Ile-de-France (67 %).
23
Graphiques 2 et 3
24
Tableau 2 : Répartition par sexe pour chaque pupitre d’instrument dans les orchestres permanents français
Données AFO 2001 Données AFO 2009 Données orchestres Paris/Ile-de-France
2014
Données orchestres de l’enquête 2014
Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes
Violon 45,5 % 54,5 % 46,4 % 53,6 % 45 % 55 % 46,8 % 53,2 %
Alto 57,1 % 42,9 % 57,9 % 42,1 % 52 % 48 % 49 % 51 %
Violoncelle 67 % 33 % 67,6 % 32,4 % 63 % 37 % 61,9 % 38,1 %
Contrebasse 88,5 % 11,5 % 82,6 % 17,4 % 85 % 15 % 90 % 10 %
Flûte traversière 53,5 % 46,5 % 48,2 % 51,8 % 48 % 52 % 52,9 % 47,7 %
Hautbois 92,3 % 7,7 % 91,1 % 8,9 % 73 % 27 % 68,8 % 31,3 %
Clarinette 96,2 % 3,8 % 86,4 % 13,6 % 87 % 13 % 84,2 % 15,8 %
Basson 93,2 % 6,8 % 88 % 12 % 79 % 21 % 87,5 % 12,5 %
Cor d’harmonie 97,2 % 2,8 % 91,5 % 8,5 % 90 % 10 % 87,5 % 12,5 %
Trompette 98,5 % 1,5 % 96,5 % 3,5 % 96 % 4 % 93,8 % 6,3 %
Trombone 98,4 % 1,6 % 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 %
Tuba 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 % Percussions et claviers 87,7 % 12,3 % 90 % 10 % 89 % 11 % 92,9 % 7,1 %
Harpe 12,5 % 87,5 % 17,5 % 82,5 % 33 % 67 % 20 % 80 %
Total 68,1 % 31,9 % 66,9 % 33,1 % 65 % 35 % 66 % 34 %
Sources : données de l’AFO (2001, 2009) et données des orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France en 2014 (présente enquête). Document issu de Ravet H., Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique, Paris, Autrement, 2011, p. 291, complété par la présente enquête.
25
1.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque
orchestre
Dans le cadre de cette étude, via les archives des orchestres, nous avons eu
accès à des informations concernant les lauréat-e-s de 94 concours correspondant à
105 postes, certains concours ayant été ouverts pour deux postes en même temps.
Nous disposons donc de davantage d’informations sur l’issue du concours (et sur la
totalité de lauréat-e-s pour la période considérée), que sur l’ensemble du déroulement
du concours avec toutes ses étapes. Dit autrement, le développement qui suit porte
sur un nombre plus important de concours que ceux réellement intégrés dans la base
Ardis-Orchestres, en raison des informations manquantes. L’ensemble de ces
concours a eu lieu entre 2001 et début 2014 dans les cinq orchestres de l’enquête,
sauf pour les deux orchestres de Radio France pour lesquels nous ne disposons des
résultats des concours que depuis 2012 (cf. tableau ci-dessous).
Tableau 3 : Récapitulatif des résultats à l’ensemble des 94 concours (105 postes) de la période observée
Orchestre Dates Nb de postes
Non pourvu
Hommes solistes
Hommes tuttistes
Femmes solistes
Femmes tuttistes
EIC 2001-2013 14 1 13 _* 0 _*
OCP 2005-2013 17 6 4 3 3 1
ONDIF 2004-2014 56 19 11 11 9 6
ONF 2012-2014 8 2 3 0 2 1
OPRF 2012-2013 10 3 3 2 1 1
Total 105 31 34 16 15 9 * Il n’y a pas de postes de tuttistes à l’EIC. Source : Archives des orchestres. Champ : concours pour lesquels l’information « lauréat-e » est disponible.
La première remarque concernant ces données est que, dans tous les
orchestres, certains de ces concours n’ont pas été pourvus et ont fait l’objet de
plusieurs concours successifs. Durant la période considérée, environ un tiers des
concours n’a pas conduit à un recrutement. A l’exception de l’EIC où un seul concours
n’a pas été pourvu en quatorze ans, ce taux est constant dans les autres ensembles.
Les instruments concernés par ces concours infructueux sont le violon, l’alto, le
violoncelle, la contrebasse, le cor, la trompette, le contrebasson, la petite clarinette et
26
le piano (le concours non pourvu de l’EIC). Pour un tiers de ces concours, ce sont des
postes de tuttistes, où le niveau des candidats n’était « pas suffisant », d’après les
propos des responsables des orchestres rencontrés9. En outre, selon eux, les autres
concours concernés sont des postes « difficiles à pourvoir » et exigeants comme les
postes de super-solistes au violon ou de chef d’attaque des contrebasses, qui sont des
postes pour lesquels « un très haut niveau est attendu ». L’un des responsables
d’orchestre précise : « Là, effectivement, on a dû faire quatre ou cinq concours avant
de pourvoir le poste ». Ensuite il s’agit des postes de cor solo et de trompette solo,
particulièrement délicats :
« Ce sont des postes très difficiles à pourvoir dans énormément d’orchestres, les postes de cor
solo. Ce sont des postes très très exposés, très délicats qui demandent un sang-froid à toute
épreuve, enfin c’est vraiment… très très difficile à recruter. »
« Le concours de trompette solo, qui est un poste clé, est un poste fragile. Un poste très exposé.
Donc il faut quelqu’un d’archi-performant, évidemment. Ce sont d’ailleurs des postes de super-
soliste, bien rémunérés. Et là, pour diverses raisons, il a fallu six éditions de ce concours pour
trouver un recrutement. »
Enfin, sont cités des instruments qualifiés de « spécifiques » comme le contrebasson
et la petite clarinette. Ces spécialités sont plus rares et font souvent l’objet de
plusieurs éditions du même concours. La difficulté à recruter réside ainsi dans la
fonction de certains postes dans un orchestre symphonique. Les enjeux peuvent être
ainsi différents selon les concours et sont corrélés à la hiérarchie des postes.
Qu’observe-t-on en matière de féminisation des recrutements au sein des
orchestres enquêtés ? Nous mettons ici de côté les recrutements de l’EIC : d’une part,
l’orchestre est doté d’un statut particulier (puisque les musicien-ne-s sont tou-te-s
solistes et jouent d’un répertoire spécifique) ; d’autre part, aucune femme n’a été
recrutée entre 2001 et 2013. Mécaniquement, l’EIC tire vers le bas le taux de
féminisation moyen des recrutements sur la période pour l’ensemble des orchestres
(donc uniquement pour les lauréat-e-s aux concours), laquelle se situe alors, en
moyenne, à 32 %. Cela représente l’équivalent de la moyenne actuelle des effectifs de
femmes dans les orchestres permanents français en 2009, qui est de 33 %, mais un
9 Pour des raisons d’anonymat, il ne sera pas fait mention du nom de la personne qui a tenu les propos cités entre guillemets, ni de son statut précis, ni de l’orchestre auquel cette personne appartient.
27
petit peu moins que leur part dans les sept orchestres de Paris et d’Ile-de-France en
2014, de l’ordre de 35 % (cf. tableau ci-dessus). Si l’on considère uniquement les
quatre autres orchestres, le taux de féminisation du recrutement est, en moyenne, de
39 %, soit un taux de féminisation des recrutements plus élevé sur la période que leur
part dans les effectifs actuels dans les ensembles permanents. Ce résultat va dans le
sens de la féminisation accrue des recrutements, soulignée par les divers
interlecteurs/trices rencontré-e-s, ainsi que des observateurs/trices de la profession.
Par ailleurs, parmi les lauréates, on observe un plus grand nombre de solistes
que de tuttistes. Sur la période, les femmes représentent 30 % des solistes recrutés.
Ce flux de femmes entrantes se traduit-il (ou va-t-il se traduire) par un renforcement
de leur présence au sein des orchestres considérés aux postes de soliste, sachant que
la part qu’elles occupent dans les orchestres permanents français dans leur ensemble
- pour ces postes - est de l’ordre de 20 % ? Faut-il donc interpréter ces résultats par
une lente féminisation des postes de solistes au long de la période ? Un élément irait
dans ce sens : la moyenne d'âge plus élevée des hommes au sens des orchestres (AFO,
2010), et donc un plus grand nombre probable de départs en retraite des hommes sur
la période. Cela reste toutefois à nuancer puisqu’il semble dans l’échantillon qu’il y ait
un plus grand turn over des postes de super-solistes, de premiers solistes et de
solistes aux instruments spécifiques. La rareté de ces postes et leur position en haut
de la hiérarchie rencontrent ici le niveau de compétitivité des candidat-e-s, entraîné-
e-s aux concours les plus difficiles, qui bien souvent se présentent dans différents
orchestres afin de trouver la « meilleure offre ». Ils font jouer ici leur perception de la
hiérarchisation entre les orchestres, en matière de réputation et de caractéristique de
l’activité. Ainsi nous avons pu relever des cas où des solistes ou super-solistes d’un
orchestre candidatent dans un concours de recrutement d’un autre orchestre pour la
même position, ainsi qu’un poste de soliste pourvu pendant cette période et remis au
concours quelques années plus tard. De même, on relève le cas d’une personne
recrutée qui n’a finalement pas été embauchée dans l’orchestre considéré parce
qu’elle avait trouvé un « meilleur poste » dans un autre orchestre.
Par ailleurs, les femmes représentent 36 % des tuttistes recrutés 10 . Dans
l’ensemble des recrutements de musiciennes pour les quatre orchestres précisément
étudiés (donc hors EIC), il est donc frappant d’observer que les femmes recrutées
l’ont été pour près des deux tiers d’entre elles en tant que solistes, alors que les 10 Sachant que ces chiffres sont à prendre avec précaution, compte tenu des faibles effectifs.
28
musiciennes en poste dans l’ensemble des orchestres permanents français en 2009 le
sont, pour les deux tiers d’entre elles, en tant que tuttistes. Il semble y avoir là une
inversion de tendance (ou un rééquilibrage) qui mériterait cependant d’être
confirmée par de plus amples observations.
Enfin, concernant le type d’instrument concerné, le tableau suivant suggère les
mêmes tendances que dans l’ensemble des orchestres permanents français (données
AFO 2009) avec la confirmation de la dynamique progressive de féminisation des
pupitres de cor et de basson/contrebasson. Il s’agit toutefois d’une observation toute
relative étant donné le nombre de postes considérés.
Tableau 4 : Les lauréat-e-s par instrument et par sexe pour les 74 postes
effectivement pourvus
Hommes Femmes
Violon 9 9
Alto 5 4
Violoncelle 7 1
Contrebasse 6 1
Flûte traversière 0 2
Hautbois 1 1 Clarinettes (y compris clarinette basse et petite clarinette) 5 2
Basson (et contrebasson) 2 2
Cor d’harmonie 2 1
Trompette 4 0 Trombone (y compris trombone basse) 1 0
Tuba 1 0
Percussions et claviers 7 0
Harpe 0 1
Total 50 24 Source : Archives des orchestres. Champ : concours pour lesquels l’information « lauréat-e » est disponible.
29
Prenons le temps de préciser les particularités des recrutements à l’EIC.
Aucune femme n’a été lauréate des concours sur la période considérée. C’est aussi
l’orchestre du panel qui comprend le moins de musiciennes dans ses rangs. D’autres
caractéristiques s’y ajoutent. Cet ensemble est celui qui compte le moins de candidat-
e-s lors des concours. Le milieu de la musique contemporaine est un milieu plus
restreint que celui de la musique symphonique, sur le plan national et international.
Même s’il existe des passerelles entre les deux univers, le plus souvent les musicien-
ne-s en viennent à se spécialiser dans ce répertoire très exigeant et qui demande de
maîtriser des techniques particulières de jeu instrumental. Parallèlement, il existe
très peu d’ensembles permanents de musique contemporaine (un seul en France, les
autres ensembles professionnels étant intermittents). Le recrutement se fait ici au
niveau international, les concours de l’EIC comportant beaucoup de candidat-e-s
étrangers-ères. Mais il comporte aussi un plus haut degré d’interconnaissance, ce qui
– aux yeux de responsables des orchestres avec lesquels ce point a été évoqué –
permet de saisir l’intérêt de la présence d’un paravent au deuxième tour. Reste qu’il
est difficile de statuer sur l’articulation sur ces deux données : un recrutement
masculin sur la période, l’usage du paravent sur deux tours.
Pour finir, l’analyse du degré de féminisation des recrutements ne peut être
menée à son terme. Les données individuelles par candidat-e-s, puis tour après tour
pour chacun des concours ne sont pas toujours disponibles. Ainsi, les concours pour
lesquels nous avons pu avoir l’ensemble des données – soit 41 concours – ne sont pas
représentatifs des 94 concours auxquels on a eu accès pour 105 postes dans les
orchestres de Paris et d’Ile-de-France de l’échantillon lors de la période considérée.
En particulier, les postes de tuttistes sont largement sous-représentés parmi les
recrutements analysables statistiquement, mais aussi le nombre de lauréates. Les
femmes ne représentent, en effet, plus que 18 % des lauréat-e-s pour les concours
présents dans la base, contre 39 % pour l’ensemble des recrutements de la période.
Ceci constitue un obstacle majeur au traitement et à l’analyse de la base de données
constituée avec l’ensemble des informations disponibles.
30
Tableau 5 : Récapitulatif des résultats aux concours inclus dans la base de données
Orchestre Dates Nb de postes Non pourvus Hommes solistes
Hommes tuttistes
Femmes solistes
Femmes tuttistes
EIC 2001-2013 14 1 13 _* 0 _*
OCP 2012 1 0 1 0 0 0
ONDIF 2012-2014 11 4 3 3 0 1
ONF 2012-2014 8 2 3 0 2 1
OPRF 2012-2013 10 3 3 2 1 1
Total 44 10 23 5 3 3
* Il n’y a pas de postes de tuttistes à l’Ensemble intercontemporain. Source : Ardis-Orchestres Champ : les orchestres du panel Ardis-Orchestres, concours pour lesquels on dispose d’une information précise sur le profil des candidat-e-s et le déroulement du concours.
31
2. Le paravent dans les concours
2.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement
Les concours de recrutement des orchestres étudiés comportent trois tours11.
Les épreuves pour chaque concours sont analogues, mais pas identiques. Lors des
épreuves, chaque candidat-e joue devant un jury (avec ou sans paravent selon le tour
et selon les orchestres) des extraits d’un programme prédéfini (annexe 3). Souvent
aux tours pré-éliminatoires et éliminatoires, l’épreuve comporte des extraits d’« un
grand concerto du répertoire ou une sonate pour instrument seul qui démontre les
difficultés et les qualités de l’instrument » (avec accompagnement au piano) ou
plusieurs d’entre eux parmi une liste d’œuvres imposées, puis des traits d’orchestre.
Le concerto et la sonate mettent en valeur particulièrement la virtuosité de
l’instrumentiste et sa sonorité. Quant aux traits d’orchestre, ce sont des passages
d’une partition orchestrale, particulièrement difficiles ou délicats en termes
d’exécution ; ils demandent une grande réactivité de l’instrumentiste. Lors de la
finale, le / la candidat-e joue uniquement en solo des traits d’orchestre et des solos
d’orchestre, en particulier pour les postes de soliste, où l’instrument en question fait
particulièrement entendre sa voix. Chaque épreuve d’audition dure entre trois et cinq
minutes environ.
Le jury du concours comprend généralement huit à douze personnes12. Il est
composé de manière paritaire, c’est-à-dire comportant pour moitié des membres du
personnel (musicien-ne-s de l’orchestre) et pour moitié des membres de la direction
(artistique et administrative), parmi lesquels il peut y avoir des membres extérieurs
invités. Les musicien-ne-s membres de l’orchestre présent-e-s au jury sont le / la
chef-fe du pupitre concerné, souvent le / la super-soliste de l’orchestre et des chef-fe-
s de pupitres d’instruments en lien avec celui mis en concours (voire du groupe
instrumental « opposé », c’est-à-dire un représentant des vents pour un poste de
cordes, et vice versa). Les membres extérieurs, lorsqu’il y en a, sont soit des chef-fe-s
de pupitre d’autres orchestres jouant de l’instrument dont le poste est au concours,
soit des concertistes reconnus jouant du même instrument (pas nécessairement dans
un orchestre permanent). Dans tous les règlements (annexe 4) des concours
consultés figure une mention similaire précisant que :
11 L’Ensemble intercontemporain organisait des concours à deux tours jusqu’en 2005, puis à trois tours de 2006 jusqu’à aujourd’hui (en 2014). 12 Selon le règlement de chaque orchestre, les concours de premiers soliste, ou super-solistes comportent un jury un peu plus étoffé que les autres postes avec dix à douze membres.
32
« Quelle que soit l’épreuve en cours d’exécution, le jury se réserve le droit d’interrompre le
candidat. Au contraire, s’il le juge utile, il pourra procéder à une nouvelle audition. A chaque
étape du concours, le jury se réserve la possibilité de réentendre un candidat dans l’un des
concertos demandés. Toutes les épreuves sont éliminatoires. Les décisions du jury sont sans
appel. »13
Au terme de la première épreuve, la plupart du temps, le jury vote sans
délibération et les candidat-e-s qui ont reçu un nombre prédéfini de voix passent au
deuxième tour. Dans l’un des orchestres, par exemple, les membres du jury peuvent
indiquer autant de noms qu’ils souhaitent entendre au second tour. Les candidat-e-s
retenu-e-s sont ceux/celles qui ont obtenu la moitié des voix plus une. Lors du
deuxième tour, le jury vote après des délibérations. Lors de la finale, les délibérations
sont plus longues : après un tour de table indicatif, le jury délibère et désigne le ou la
lauréat-e, le cas échéant. Le passage à la finale, puis le choix du ou de la lauréat-e se
font à la majorité absolue des membres du jury. En cas de « ballotage », d’égalité
entre deux candidat-e-s, le ou la président-e du jury – en règle générale, il s’agit du
directeur artistique de l’orchestre – peut avoir une voix prépondérante qui permet de
trancher et de déterminer un résultat (lauréat-e ou non). Lors de la finale, les modes
de scrutin peuvent varier selon les orchestres et les concours : il peut être procédé ou
non à plusieurs votes successifs à bulletins secrets, par exemple.
Parmi les enjeux importants et les problèmes qui se posent lors de
l’organisation des concours, les responsables des orchestres rencontré-e-s
mentionnent plusieurs points. Spontanément, il ne s’agit pas pour eux de se situer
par rapport à la question des discriminations, mais plutôt de réfléchir à une
amélioration des procédures pour recruter les plus talentueux/euses.
La durée de la période d’essai leur paraît aujourd’hui trop courte (un mois
renouvelable pour les orchestres ayant signé la convention collective signés par
plusieurs orchestres permanents). Cette courte durée engendre davantage de
pression au moment du concours pour choisir « le bon candidat ». Cela exige
également une organisation serrée avec le directeur musical en matière de
13 Extrait du règlement d’un concours de recrutement de l’ONDIF.
33
programmation de l’orchestre, afin que ce dernier puisse tester les capacités du ou de
la lauréat-e pendant cette période requise (en particulier pour des instruments rares).
Le contenu des épreuves est également évoqué. Certains responsables
évoquent la possibilité de modifier le type d’épreuves, en ajoutant par exemple le jeu
en petite formation (trio, quatuor) afin d’être en mesure non seulement de tester la
virtuosité des candidat-e-s mais aussi d’évaluer leurs compétences en termes de jeu
en groupe, ce qui n’est pas le cas actuellement. Une autre proposition a été soulevée
(et a été parfois depuis mise en place) : ne pas avoir d’épreuve avec accompagnement
au premier tour, afin d’alléger l’organisation du concours et son coût. En effet, les
orchestres mettent à disposition des candidat-e-s des pianistes accompagnateurs et
des salles de répétitions (moyennant parfois une participation financière), ce qui –
lors des concours avec un grand nombre de candidat-e-s – rend l’organisation
compliquée et généralement coûteuse. En outre, une proportion non négligeable de
candidat-e-s s’inscrit au concours et aux répétitions, mais ne se présente finalement
pas, sans prévenir de leur désistement.
Un autre point concerne l’introduction du paravent au premier tour pour les
orchestres qui ne l’utilisent pas. Nous développons ce point plus bas.
Enfin, la pertinence même de l’organisation de concours de recrutement, en
général ou sous leur forme actuelle, est également questionnée. Durant les entretiens
les responsables se sont demandé-e-s si, par certains aspects, il ne serait pas mieux de
recruter des stagiaires qui pourraient être ensuite titularisé-e-s après avoir fait leurs
preuves en action, cela afin de recruter des musicien-ne-s qui puissent vraiment
s’insérer au sein du collectif. Là encore, la réflexion ne porte pas directement sur des
questions de discrimination, mais elle peut y être associée, comme nous le verrons
lorsque sera discutée la question de la nécessité ou non de procédures à l’aveugle.
Estimant que l’audition ne permet pas d’appréhender réellement les compétences
d’un-e musicien-ne au sein de l’orchestre, les responsables des ensembles se
questionnent sur l’adoption de procédures plus proches de celles du système
allemand. Dans une bonne partie des orchestres germaniques, en effet, les musicien-
ne-s sont davantage impliqué-e-s dans la vie de l’orchestre, par exemple le
recrutement des chefs qui les dirigent. Le recrutement des musicien-ne-s est aussi
beaucoup plus long puisqu’ils/elles peuvent rester à l’essai pendant un an, voire deux
34
si la période est renouvelée14. La procédure de recrutement ne représente alors plus
du tout le même type d’épreuves, puisqu’elle s’insère dans le temps long. Parmi les
autres idées pour rendre le recrutement plus efficient, la réalisation d’auditions
délocalisées lors des tournées des orchestres, le repérage de jeunes musicien-ne-s lors
de concours d’interprétation ou d’examens de diplôme, ont été notamment évoqués.
Si des interrogations sont formulées, le principe même d’un concours de
recrutement ne semble toutefois pas remis en question, de manière globale. Lors des
entretiens et des rencontres avec les responsables, les suggestions portaient surtout
sur la mise en place de changements qui pourraient permettre leur amélioration en
termes de simplification de l’organisation et d’efficience pour les orchestres, voire en
termes de justice et de transparence… mais pas de lutte contre les discriminations
possibles quel qu’en soit le ressort (sexe, âge, handicap, origine ethnique…).
2.2. Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours
Parmi les orchestres permanents français mettant en place des auditions à
l’aveugle, beaucoup retirent le paravent dès le deuxième ou au dernier tour du
concours (pour l’EIC seulement). Notons qu’aucun orchestre ne mobilise le paravent
de bout en bout de la procédure de recrutement. Les arguments sont multiples, allant
de la présence scénique sans gestuelle démesurée au désir de connaître le / la
candidat-e avec lequel / laquelle les musicien-ne-s seront amené-e-s à partager la vie
au pupitre, etc. Les débats ne sont pas tranchés entre les orchestres : certains
rejettent cet usage, d’autres l’ont adopté à une certaine époque et supprimé ensuite,
ou encore utilisent un paravent pour les premiers tours mais pas pour la finale.
D’incessants débats demeurent ainsi sur son utilité et ses inconvénients.
Parmi les cinq orchestres de l’étude, trois d’entre eux utilisent le paravent au
moins au premier tour. Ils sont tous trois signataires de la Convention collective
nationale des entreprises artistiques et culturelles de 2011 (annexe 5), où il est précisé
dans l’article XV-1.1 relatif au recrutement que « le concours comporte plusieurs
épreuves dont la première a lieu obligatoirement derrière paravent ».
14 La collégialité du recrutement n’a pas été forcément favorable au recrutement de femmes lorsqu’une forte tradition « masculine » gouvernait certains orchestres, tels que le Philharmonique de Berlin.
35
Tableau 6 : Récapitulatif de l’usage du paravent dans les orchestres
étudiés
Orchestre Utilisation
paravent
Nombre d’étapes de
recrutement
Nombre
d’étapes avec
paravent
EIC Oui 2 (jusqu’à en 2005)
3 depuis 2006 2
OCP Oui 3 1
ONDIF Oui 3 1
OPRF Non 3 0
ONF Non 3 0
Lors de nos rencontres avec les directions des trois orchestres utilisant le
paravent, puis ensuite lors d’entretiens effectués avec l’administration des orchestres,
nos interlocuteurs-trices étaient tou-te-s convaincu-e-s de l’intérêt de la mise en place
du dispositif d’audition à l’aveugle lors du tour pré-éliminatoire.
« On n’a pas le support visuel, pour voir l’expression de la personne. Je trouve que c’est plutôt
extrêmement... je trouve que c’est très sécurisant, on juge sur la capacité. […] On juge sur la
capacité du musicien à réaliser ce qu’on lui demande ».
Que les orchestres aient mis en place ou non une procédure de recrutement à
l’aveugle, leurs responsables ont ainsi mobilisé plusieurs arguments en faveur de
l’usage du paravent. Nous allons évoquer dans cette section les arguments
spontanément développés.
Tout d’abord, le paravent empêche les situations d’interconnaissance de
certain-e-s candidat-e-s avec des membres du jury et limite ainsi les possibilités de
favoritisme ou de collusion avec un membre du jury au premier tour. Il s’agit
d’ailleurs là de la raison historique de l’introduction du paravent dans les concours
d’orchestre. En effet, des membres du jury peuvent être (ou avoir été) des professeur-
e-s de certain-e-s candidat-e-s ou reconnaître l’élève de « l’un de leurs pires
ennemis » dans la profession. Cela s’avère également « injuste » pour les candidat-e-s
étrangers-ères qui, souvent, n’ont pas reçu l’enseignement de ces professeur-e-s.
36
« J’estime qu’il est très difficile pour [les membres du jury] d’être à la fois le professeur et le
juge… Ça leur donne des atouts, bien sûr, parce qu’ils savent exactement quelles sont les
qualités du candidat mais c’est un préjugé favorable. Ça, on peut pas le nier. C’est un
mouvement naturel. Et donc je trouve que ce n’est pas très juste par rapport aux autres
candidats. Si on fait un recrutement à l’international, il faut l’accepter. Les candidats étrangers
n’auront peut-être pas les mêmes connections que ceux qui ont travaillé avec ces gens-là, c’est
une petite injustice de départ. C’est un handicap de départ pour eux. »
Le jugement peut aussi connaître des influences non négligeables lorsqu’il
s’agit de membres de leur famille élargie ou de leur cercle de connaissances. L’un des
responsables des orchestres souligne ainsi le degré d’interconnaissance au sein de la
profession, en particulier la force des liens familiaux dans ce milieu où les enfants de
musiciens sont nombreux.
« Il y a aussi les liens de famille, plus ou moins distendus, mais qui explosent avec les familles
recomposées. Il y a énormément de gens qui sont beaux-frères, belles-sœurs, familles
recomposées, neveux, nièces, c’est incroyable. Forcément, c’est un tout petit monde. »
Dans le même ordre d’idée, certain-e-s candidat-e-s peuvent avoir joué en tant
que musicien-ne-s supplémentaires dans l’orchestre en question. Ces
« supplémentaires » effectuent des remplacements ou sont appelé-e-s en renfort dans
l’orchestre (congés, départs, besoin d’instruments spéciaux, etc.). Ils sont ainsi
susceptibles de connaître une grande partie des membres du jury lors d’un concours.
Parmi les arguments en faveur du dispositif, plusieurs responsables ont mentionné le
fait qu’il arrivait souvent que ces musiciens, même apprécié-e-s par l’orchestre, ne
réussissent pas à dépasser l’épreuve du premier tour, lorsqu’il y a paravent. Si ce
dispositif à l’aveugle ne permet pas de rattraper des musicien-ne-s qui ont pu faire de
très bonnes finales lors des concours précédents, cela a le mérité de « remettre les
compteurs à zéro », explique un-e responsable d’orchestre. Comme la présence de
membres externes à l’orchestre dans le jury, cela permet d’éviter le caractère
« consanguin » du recrutement, ajoute cette personne. Notons que, dans le cas de
membres de l’orchestre qui se présentent à un nouveau poste au sein du même
orchestre, cette question pourrait être soulevée, mais qu’elle ne l’est pas. En effet,
ceux-ci n’ont pas à se présenter au premier tour. Ils passent directement les épreuves
du deuxième tour, donc sans paravent (sauf pour l’EIC où tous les postes sont des
postes de soliste de la même catégorie). Dans la base Ardis-Orchestres, nous pouvons
37
identifier ces candidat-e-s qui n’ont pas eu à passer le premier tour : on en compte six
au total (cinq femmes et un homme), dont trois seront finalement recruté-e-s (deux
femmes et un homme). Le fait d’être membre de l’orchestre est valorisé ici comme
gage de compétences.
L’impartialité semble donc valorisée dans le cadre de ces questions
d’interconnaissance, mais la question de possibles discriminations liées à des
caractéristiques extramusicales n’est pas évoquée spontanément. Nous reviendrons
sur les arguments échangés à ce propos lors des rencontres à la section suivante.
Dans les arguments contre le paravent, nous avons surtout entendu des
arguments sur l’inefficacité d’un tel dispositif et les nombreuses manières de
contourner l’audition à l’aveugle en donnant des signaux non visuels aux membres du
jury. Une anecdote est revenue à deux reprises et semble avoir forgé (ou conforté)
une opposition au paravent de certains membres des orchestres qui n’ont pas
systématiquement mis en place de procédure à l’aveugle. Lors d’un concours pour
lequel une épreuve derrière paravent avait alors été introduite, les membres du jury
se sont aperçus pendant l’épreuve qu’il y avait des panneaux réfléchissants au plafond
et que le jury pouvait ainsi voir les candidat-e-s. Ce problème technique – qui aurait
pu être (aisément) contourné – semble être devenu une référence sur l’impossibilité
d’introduire le paravent dans l’orchestre en question.
Mais l’histoire de la mise en place du paravent n’est pas linéaire et diffère selon
les orchestres. Certains orchestres permanents français l’ont essayé à une certaine
époque, puis abandonné, puis parfois repris. Le récit de ces tentatives – selon la
personne qui le relate et de la position qu’elle occupe dans l’orchestre – permet
d’éclairer les enjeux du recrutement au sein de ce type d’ensemble.
Ainsi, parmi les orchestres étudiés qui ne mettent habituellement pas en place
d’auditions à l’aveugle, l’un des deux ensembles de Radio France a expérimenté un
concours avec une première épreuve derrière paravent en 2014. Il semblerait que le
jury ait été convaincu de l’intérêt de la procédure, puisque ses membres se sont
aperçu-e-s qu’ils / elles distinguaient mieux et plus rapidement la qualité de la
performance musicale des candidat-e-s. En particulier, explique l’une des
responsables, l’« empathie » qui faisait que l’on n’osait pas interrompre un « mauvais
candidat » directement sous le regard du jury, ne fonctionnait plus dans ce cadre. Par
ailleurs, l’argument concernant les supplémentaires est également réapparu à cette
38
occasion, car les membres de l’orchestre présents au jury « se sont rendus compte
qu’ils avaient entendu derrière le paravent des personnes qu’ils avaient recrutées en
tant que supplémentaires et qu’ils les avaient éliminés au premier tour ».
L’analyse des données issues de la base Ardis-Orchestres est instructive sur ce
point. Les deux orchestres de Radio France (lesquels n’utilisent pas de paravent au
premier tour pour ces concours) sont ceux qui ont proportionnellement le plus de
candidat-e-s et le plus de lauréat-e-s ayant déjà travaillé comme supplémentaires
dans l’orchestre concerné par le concours. Ce constat peut éventuellement s’expliquer
par un recours plus fréquent à des supplémentaires que d’autres orchestres, puisque
la taille de ces orchestres est plus grande et qu’ils ont également des besoins
saisonniers importants lors des tournées et des enregistrements. Mais l’absence de
paravent pourrait constituer une explication complémentaire à ce recrutement accru
de supplémentaires, relativement au degré probable d’interconnaissance lors du
premier tour.
Les positions des un-e-s et des autres quant à l’intérêt ou non d’utiliser le
paravent lors des concours de recrutement diffèrent sur plusieurs points, mais toutes
et tous s’accordent sur un point précis : il n’est pas souhaitable d’introduire le
paravent de bout en bout des concours, pour toutes leurs étapes. Lorsque nous leur
avons posé la question de l’éventuelle utilisation du paravent au second tour ou de
bout en bout du concours, les responsables des orchestres ont tou-te-s exprimé leur
désaccord face à une telle éventualité, que ces responsables soient des hommes ou
des femmes. En effet, certain-e-s d’entre eux/elles – mais également des musiciens –
pensent que le paravent masque une dimension d’appréciation pourtant importante
du métier : la présence scénique des candidat-e-s, a minima leur façon de bouger
lorsqu’ils / elles jouent, voire leur « aura » ou leur « charisme ». Plusieurs
interlocuteurs ont évoqué le fait que le métier de musicien-ne-s d’orchestre est un
métier de scène. Il est important de voir la personne jouer pour évaluer cette présence
scénique. La manière dont il / elle se meut en jouant, par exemple, peut devenir un
obstacle lorsqu’il /elle « bouge trop ». Cela corrobore aussi l’idée d’une évolution du
métier de musicien-ne d’orchestre, qui passe, par exemple, par l’implication dans des
activités pédagogiques et culturelles (où le / la musicien-ne se fait « passeur » auprès
de publics souvent peu familiers de l’orchestre). Egalement, une dimension humaine
intervient quant au choix de celui ou de celle qui sera amené-e à partager la vie de
39
l’orchestre probablement pour plusieurs dizaines d’années, et parfois aux côtés des
mêmes musicien-ne-s au sein d’un pupitre partagé. Enfin, l’éventualité d’un paravent
de bout en bout du concours pose pour certain-e-s responsables la question de la
nécessité éventuelle d’un entretien d’embauche qui permettrait d’évaluer la
motivation et l’attitude du/de la candidat-e. Ce qui fait dire aux un-e-s et aux autres
que, finalement, le visuel ne peut être absent des concours d’orchestre.
« Il y a un aspect quand même démocratique qui me plaît beaucoup dans ce choix : "on va
t’adopter parce qu’on t’apprécie artistiquement, humainement". Bon, parce que, qu’on le
veuille ou non, ça rentre en ligne de compte. Au 2e et au 3e tour, c’est sans paravent, donc on
le voit. On voit cet humain, son expression, sa faculté de donner quelque chose visuellement,
de soutenir ce qu’il fait à l’instrument. C’est terriblement important, sa position humaine, ce
qu’il va dégager de sympathique, d’ouvert... qu’on le veuille ou non. Et là j’insiste, on ne peut
pas être neutre à cet effet-là. »
Cette dimension humaine du recrutement peut aussi avoir son revers quand
le / la candidat-e recruté-e l’est en raison de son capital sympathie, plutôt que ses
compétences musicales. La réputation de l’orchestre peut en ressortir amoindrie,
explique un-e observateur/trice de la profession qui a pu assister à une telle situation.
Cette personne explique que ce type de recrutement trouve son principe dans les
« capacités humaines » du / de la lauréat-e et la valorisation de la « cohésion du
groupe ». Mais, ajoute-t-elle, ce fonctionnement est « préjudiciable » à l’orchestre,
voire « nuisible », les candidat-e-s finalistes n’étant pas dupes du résultat.
2.3. Le paravent et la question des discriminations à
l’embauche
La question de la lutte contre les discriminations à l’embauche selon les
procédures de recrutement n’apparaît pas spontanément dans les discours, que ce
soit à l’encontre des femmes, des personnes non blanches, des personnes en situation
de handicap, ou tout autre caractéristique pouvant potentiellement faire l’objet d’une
discrimination (l’âge, dans un sens ou dans l’autre, l’appartenance sociale, etc.).
Concernant les femmes plus particulièrement, l’existence de processus
discriminatoires à leur encontre n’est pas explicitement questionnée. Les personnes
rencontrées disent qu’il en a « de plus en plus de femmes » dans les orchestres et que
leur présence ne pose « pas de problème ».
40
« On a de plus en plus de candidates féminines. Il y a aussi des pupitres qui se féminisent pas
mal. Les cors, qui étaient très masculins avant, se féminisent énormément. Mais ça, c’est une
tendance depuis longtemps. Et les candidats contrebasses femmes sont de plus en plus
présentes. Violoncelle c’est très équilibré, c’est très très équilibré. Mais il y a un vrai
déséquilibre dans le violon. Il y en a qui avancent que… […] les filles sont plus travailleuses… ».
Concernant le nombre de candidates présentes lors des concours ainsi que de
la proportion de musiciennes au sein des orchestres, plusieurs interlocuteurs
mentionnent ainsi le fait qu’aujourd’hui cette proportion est plutôt « équilibrée »
entre les deux sexes et / ou qu’elle l’est davantage qu’auparavant. Très vite, ils / elles
évoquent les instruments qui sont le plus féminisés dans les concours ou qui se
féminisent le plus rapidement, selon eux, comme le violoncelle. Lorsqu’on cherche à
en savoir davantage en prolongeant l’interrogation sur ce que représente cette
féminisation des recrutements et ses conséquences, deux types de développement se
font jour. D’un côté, le caractère supposé plus travailleur des femmes est mentionné
lorsque le nombre de candidates dépasse largement celui des candidats, précisément
pour certains instruments à cordes comme le violon réputé particulièrement pour
être « un instrument exigeant, difficile ». Notons que la situation inverse (lorsque les
candidats hommes sont nettement plus nombreux que les candidates) ne fait pas,
quant à elle, l’objet d’investigations ou de réflexions. D’un autre côté, l’augmentation
numérique des congés de maternité est parfois mentionnée, comme un fait lié à la
féminisation des ensembles et donc au titre d’une situation – parfois complexe – à
gérer pour les orchestres.
L’origine ethno-raciale et le handicap ont été parfois évoqués par les personnes
avec lesquelles nous avons pu dialoguer, mais le plus souvent très furtivement. Avec
l’une d’entre elles, le cas du potentiel recrutement d’une personne en situation de
handicap a été envisagé comme une difficulté éventuelle posée par le paravent : la
présence d’un-e musicien-ne dans cette situation était pensée comme un problème
pour l’organisation et le fonctionnement de l’orchestre, ce qui fait que ce-tte
candidat-e ne pouvait pas in fine être choisie. En revanche, la question de l’origine
ethno-raciale est appréhendée – lorsqu’elle l’est – sous un autre angle : le paravent
apparaît ici en tant qu’outil permettant d’ouvrir les recrutements, ce que certains
interlocuteurs-trices ont appelé de leurs vœux. L’une des personnes interviewées
estime que le paravent peut permettre « d’évacuer toutes ces questions [relatives à
41
l’origine ethno-raciale] et de ne faire foi qu’à ses oreilles ». Cette même personne
pointe du doigt la norme – de fait – des interprètes blancs au sein de la musique
« classique », en expliquant que « c’est quand même relativement récent de voir des
personnes d’origine africaine ou maghrébine dans les conservatoires, mais ça
arrive ». Elle suggère le fait que les jurys auraient des « a priori » envers ces
musicien-ne-s, en raison du manque d’habitude. Cette observation est également
présente dans le discours d’un-e autre responsable, qui explique le rôle de modèle
que des musicien-ne-s d’origine africaine ou maghrébine peuvent jouer pour les
publics, notamment les plus jeunes, en citant une anecdote survenue lors d’une
intervention de l’orchestre dans une cité de la banlieue parisienne. Elle rapporte des
réactions du jeune public envers les musicien-ne-s de l’orchestre :
« "Ah je savais pas qu’un monsieur comme moi, tout noir, pouvait jouer d’un instrument" [a
dit une personne du public]. Il y a aussi ce regard direct avec la société qui est là. [J’ai vu] une
petite fille qui pleurait en disant : "Mais je ne savais pas que je pouvais faire de cet
instrument". »
Cette expérience la conduit à penser que l’orchestre doit être « à l’image de la
société » et qu’il est donc important qu’il y ait non seulement des femmes, mais aussi
des non-Blanc-he-s au sein de l’orchestre.
Ces quelques réflexions ne font cependant pas partie d’un questionnement
concret en matière de processus discriminatoire lors des recrutements. L’effet de
l’utilisation ou non du paravent sur le profil des personnes recrutées ne fait pas
davantage l’objet d’interrogations.
Parmi les ensembles de l’étude, seul l’Orchestre de chambre de Paris met en
avant l’utilisation du paravent comme dispositif de recrutement non discriminatoire
envers les femmes. Le paravent est utilisé lors du premier tour dans l’orchestre
depuis 2010. En 2011, spécifiquement au sein de cet orchestre, un accord collectif sur
l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (annexe 6) a été signé par les
partenaires sociaux et l’administration de l’orchestre. Dans cet accord, l’article 4.1
précise les conditions d’embauche de la sorte :
42
« Il est convenu de :
- constituer des jurys de recrutement mixtes,
- établir des épreuves de sélection incluant une ou deux épreuves derrière paravent,
- introduire dans le règlement des concours une clause de non-discrimination ».
Par ailleurs le respect de ces engagements est retenu comme un indicateur de l’égalité
entre femmes et hommes dans cet orchestre. L’article précise que ces objectifs ne
pourront pas être légitimement atteints dans le cas de « circonstances extérieures
justificatives ». Il peut s’agir de l’« absence ou [l’] indisponibilité de personnalités
féminines spécialistes dans le domaine requis » lors de la constitution de jurys
mixtes. Ou encore, la clause peut être suspendue à la « décision du jury, pour des
raisons légitimes et argumentées, de restreindre le nombre d’épreuves derrière
paravent ». Dans son accord collectif d’entreprise (annexe 7) signé un an et demi plus
tard, en mai 2012, ce même orchestre précise : « Le concours comporte trois
épreuves. La première épreuve est derrière paravent ». La direction de l’orchestre
s’est donc alignée sur la Convention collective nationale des entreprises artistiques et
culturelles de 2011, signée par différents orchestres permanents, et n’a ainsi pas suivi
les recommandations de son propre accord d’égalité professionnelle plus incitatif.
43
TROISIEME PARTIE :
ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS
Cette partie se concentre sur une exploration de la base Ardis-Orchestres
constituée lors de cette recherche. Alors que dans la partie précédente, nous avons
conduit un travail sur les 94 concours correspondant à 105 postes, l’analyse
statistique présentée dans la troisième partie s’appuie sur les 41 concours observés
dans la base de données, et pour lesquels nous disposons de données suffisantes pour
conduire une exploration plus poussée.
Il ne s’agit ici que d’une première exploration qui vise à dégager les principaux
enseignements que nous pouvons retirer de façon robuste après une première année
de travail de recherche.
1. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique
1.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux
Comme l’a montré la première partie du rapport, la base de données « Ardis-
Orchestres » a été constituée dans le cadre de cette recherche portant sur l’impact du
paravent sur le recrutement des musicien-ne-s dans les orchestres permanents de
Paris et d’Ile-de-France. Elle est le résultat de plusieurs mois de travail rythmés par
quatre grandes étapes, qui reflètent les problèmes rencontrés. Ces difficultés
conduisent à des obstacles méthodologiques qui limitent la portée d’une analyse
statistique poussée :
1. Prises de contact et présentation de l’étude auprès des orchestres partenaires.
Les sept orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France ont été contactés.
Parmi ceux-ci, cinq ont répondu positivement et dans un délai raisonnable au
regard de la mise en œuvre du projet de recherche et de la remise du rapport final.
2. Accès aux données et utilisation des informations relatives aux candidat-e-s et
au déroulement des concours. Un contrat de confidentialité permettant une
utilisation anonymisée des données a été signé entre l’équipe de recherche et les
orchestres participant à l’étude. Nous ne sommes donc pas en mesure de
présenter des données détaillées par orchestre. A la suite de cet accord, les
44
personnes en charge de la gestion des concours ont pu accueillir l’équipe de
recherche pour accéder sur place aux données pour chaque orchestre.
3. Saisie de données. La plupart des données disponibles ont été fournies soit sous
format papier (auxquelles nous n’avons eu accès que sur place), soit sous la forme
de fiches d’inscription et / ou de CV scannés. Un travail long et fastidieux de saisie
de données a donc dû être réalisé. Plusieurs réunions de calage concernant le
codage des données et le traitement de l’hétérogénéité des profils de candidat-e-s,
ainsi que des différences entre orchestres ont été nécessaires afin de permettre la
constitution de cette base. Le manque de clarté de certains CV et l’impossibilité
d’une harmonisation parfaite des informations ont conduit nécessairement à des
arbitrages entre perte d’information et possibilité de comparer les profils des
différents candidat-e-s. En particulier, le codage de diplôme des CV de candidat-e-
s français-e-s et étranger-ère-s a été problématique dans la mesure où il n’existe
pas d’équivalence entre certains diplômes et / ou dans la façon de présenter son
parcours (mise en valeur de certains aspects, par exemple, qui diffère selon
l’origine des candidat-e-s).
4. Traitement et nettoyage de la base Ardis-Orchestres. Une fois la base constituée,
une phase préliminaire de mise en forme de la base a été nécessaire avant
l’exploitation statistique. Un recodage plus fin de certaines variables a été réalisé.
Par ailleurs des imperfections de la base de données ont impliqué des arbitrages
méthodologiques importants.
1.2. Les contraintes imposées par la base de données
L’hétérogénéité des orchestres et le caractère non systématique de nos
observations soulèvent un certain nombre de problèmes méthodologiques importants
et de plusieurs ordres.
1.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s
Pour cinq concours, le nombre de candidat-e-s inscrit-e-s diffère du nombre de
candidat-e-s qui se sont effectivement présenté-e-s au premier tour. Etant donné la
taille réduite de l’échantillon, ces concours ont été intégrés en considérant que tou-te-
s les inscrit-e-s s’étaient présenté-e-s au concours. Une variable a été introduite de
45
sorte à pouvoir identifier les individus sur lesquels pèse cette incertitude. Nous avons
mené plusieurs types d’estimations et d’explorations préliminaires avec et sans ces
cinq concours. Au total 213 personnes se sont inscrites à ces cinq concours, 15 % n’ont
pas passé l’audition du premier tour. Le tableau ci-dessous décrit ces cinq concours.
Tableau 7 : Description de cinq concours pour lesquels l’information est
incomplète dans la base Ardis-Orchestres
Inscrit-e-s % de non-
auditionné-e-s Taux de féminisation Embauché-e-s Poste
Petite clarinette 39 13 % 38 % homme soliste
Contrebasse 28 21 % 32 % homme soliste
Contrebasse 18 17 % 22 % non soliste
Violoncelle 90 14 % 59 % femme tuttiste
Timbales 37 11 % 8 % homme soliste Source : Ardis-Orchestres
En outre, 1244 candidat-e-s dans la base se présentent au premier tour, mais
six candidat-e-s ont été directement auditionné-e-s au deuxième tour sans avoir
passé le premier tour, car ils / elles étaient déjà employé-e-s de façon permanente
dans l’orchestre en question. Parmi ces six personnes, on compte cinq femmes et un
homme. Il s’agit de postes de solistes dans les six cas : pour les femmes, cela concerne
une harpiste, deux violonistes, une alto et une contrebassiste ; pour l’homme présent,
il s’agit d’un contrebassiste.
1.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la période observée
Les concours organisés par l’EIC ne comportaient jusqu’en 2006 que deux
tours avant le recrutement. Le paravent était utilisé au premier tour et le second tour
correspondait donc à la finale. À partir de 2006, un tour a été ajouté, comme dans les
procédures telles qu’elles existent dans les autres orchestres (premier tour, deuxième
tour, finale et embauche). Dans ce nouveau parcours de recrutement, le paravent est
utilisé au premier et au deuxième tour. Ce changement de procédure doit être pris en
compte dans la mesure où les décisions du jury (en nombre de candidat-e-s retenu-e-
s au premier tour par exemple) sont influencées par le nombre total de tours. Les
membres du jury retiennent davantage de candidats au premier tour sachant qu’un
46
tour supplémentaire a été introduit. Ainsi le mode de recrutement mobilisé dans cet
orchestre a profondément changé durant la période observée.
1.2.3 Données manquantes sur l’âge
Pour moins de 5 % de l’échantillon, l’âge n’est pas renseigné. Afin de ne pas
réduire davantage la taille de la base de données, il est possible d’attribuer l’âge
moyen par sexe aux personnes pour lesquelles la variable « âge » n’est pas
renseignée. Une méthode plus précise consisterait à reconstruire des cas-types en
fonction des caractéristiques pour chaque tranche d’âge par sexe. Ceci requiert un
échantillon plus large, et pourra être appliqué avec l’extension de la base de données
dans le futur.
Au total dans la base, nous observons 41 concours qui conduisent, au terme du
processus de sélection, au recrutement de 34 personnes, dont trois personnes qui
n’ont pas passé le premier tour (deux femmes et un homme). Ainsi, sur les 1244
candidat-e-s se présentant au premier tour, on observe 31 embauches. Pour certains
concours aucune embauche n’est réalisée faute de candidat-e-s jugé-e-s satisfaisant-
e-s. Pour certains concours, deux candidat-e-s sont recruté-e-s simultanément. Pour
l’ensemble des instruments et des orchestres étudiés, nous disposons donc de 1244
fiches de candidat-e-s au premier tour, dont 41 % de femmes ; s’y ajoutent au
deuxième tour six candidat-e-s, dont cinq femmes et un homme.
Le travail accompli pour construire cette base de données unique constitue la
première étape d’un travail de recherche original, sur un sujet qui précisément
manquait de données statistiques cohérentes et précises.
2. Exploration de la base de données Ardis-Orchestres
2.1 Description des orchestres et des profils des candidat-e-s
2.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés
Le travail présenté dans la deuxième partie du rapport a montré que les
orchestres étudiés étaient très différents en ce qui concerne leur mode de
fonctionnement, leur positionnement artistique, la représentation des instruments en
leur sein et le type de postes ouverts (par exemple postes de « tuttiste » versus poste
de « soliste »). L’EIC ne mobilise que des postes de solistes pour jouer un répertoire
particulier centré sur la musique contemporaine. Dans les quatre autres orchestres,
47
des postes de soliste et de tuttiste sont ouverts au recrutement et leur répertoire est
relativement plus homogène, en tout cas en ce qui concerne le répertoire
symphonique. Cette différence implique que le profil des candidat-e-s qui se
présentent au concours de l’EIC diffère de celui des candidat-e-s se présentant aux
concours organisés par les quatre autres orchestres. Pour compléter les observations
mentionnées précédemment dans le rapport, l’EIC est l’orchestre le moins féminisé
des orchestres du panel (comme on l’a montré en deuxième partie du rapport), les
musiciennes n’y représentent que 19 % de l’ensemble de l’orchestre. Les personnes
qui se présentent au concours de l’EIC sont plus diplômé-e-s que pour les autres
orchestres de la base Ardis-Orchestres en moyenne. Ainsi cet orchestre présente des
caractéristiques particulières qui fragilisent la comparabilité de son mode de
recrutement avec celui des autres orchestres du panel.
Parmi les concours pour lesquels nous disposons des informations nécessaires
à la constitution de la base de données individuelles, nous n’observons pas de
recrutement pour chaque instrument et pour chaque orchestre, le renouvellement des
postes permanents de musicien-ne-s s’effectuant lentement, au rythme des départs
(les musicien-ne-s peuvent parfois rester une quarantaine d’années dans le même
ensemble). Cela explique le degré élevé de concurrence des concours. Ainsi entre
2001 et 2014, nous disposons de données concernant les recrutements réalisés par
chaque orchestre, selon ses propres besoins et à son propre rythme. Les données de
chaque concours ne sont pas donc parfaitement comparables, dans la mesure où
chaque instrument présente des spécificités en termes de profil des candidat-e-s et de
degré de féminisation notamment.
Le graphique ci-dessous indique la diversité des types d’instrument pour
lesquels nous observons les concours par orchestre en fonction de l’effectif total au
premier tour :
48
Graphique 4
49
Par exemple, pour les timbales, nous n’observons qu’un seul concours pour
l’orchestre 4, aucun pour les autres orchestres. L’alto, le violon, la clarinette, la
contrebasse sont les seuls instruments pour lesquels nous observons des concours
dans trois (ou quatre pour la contrebasse) orchestres différents. Il peut s’agir de
concours de solistes ou de tuttistes pour les cordes, ce qui fait varier (sensiblement) le
nombre moyen de candidat-e-s au premier tour.
Le graphique suivant montre le taux de féminisation au premier tour pour
chaque instrument, pour tous les concours observés et pour l’ensemble des orchestres
du panel, ainsi que le nombre total de candidat-e-s observé-e-s par instrument au
premier tour. On constate que la taille du vivier total (femmes et hommes) est
variable selon les instruments : alors que l’on observe 198 candidat-e-s pour le violon
(pour l’ensemble des orchestres et l’ensemble des concours observés), seule huit
personnes, dont aucune femme, se présentent au concours de tuba. Inversement, les
candidates représentent 89 % des candidats pour la harpe pour 35 candidat-e-s au
premier tour.
50
Graphique 5
51
Les différences importantes dans les taux de féminisation par instrument
devront être intégrées dans une analyse statistique plus poussée. En effet,
statistiquement, les chances qu’une femme soit présente au second tour sont d’autant
plus importantes relativement à celles d’un homme que le nombre de candidates est
grand.
Ainsi, chaque instrument et chaque type de concours est particulier et soulève
une difficulté de comparabilité de l’ensemble sur un échantillon total qui reste faible
(1244 candidat-e-s au total au premier tour) au regard de cette hétérogénéité.
2.1.2 Le profil des candidat-e-s
Les différences sexuées dans la composition des « viviers » de départ peuvent
se croiser avec d’autres types de caractéristiques qui pèsent sur la probabilité d’être
embauché-e au terme du processus de recrutement. Le niveau d’éducation,
l’expérience, l’âge, la nationalité sont des caractéristiques individuelles qui peuvent
expliquer le passage d’un tour à l’autre.
En moyenne, pour l’ensemble des orchestres, les candidats sont âgés de 30,7
ans contre 30,9 ans pour les candidates. La distribution des âges par sexe parmi les
candidat-e-s montre que les profils sont assez proches, comme l’indique le graphique
suivant. Seules les femmes candidates au concours pour lesquels le paravent n’est pas
utilisé semblent plus âgées que les autres catégories. En moyenne, les hommes et les
femmes qui concourent devant paravent ont un âge moyen de 30 ans et demi environ.
En revanche, les femmes qui se présentent dans les concours pour lesquels le
paravent est utilisé sont sensiblement plus âgées (entre 31 et 32 ans). Il est difficile à
ce stade d’interpréter cette différence. Cela peut être dû au type d’instruments pour
lesquels les concours ont été organisés et aux taux de féminisation de ces concours.
52
Graphique 6
53
De même, les profils d’éducation (mesurés par le diplôme d’études
instrumentales15 obtenu le plus élevé) des candidates et des candidats sont similaires
en moyenne pour l’ensemble des personnes qui présentent les concours observés.
Graphique 7
Deux types de postes sont ouverts dans les différents orchestres, des postes de
solistes et des postes de tuttistes. Le tableau ci-dessous décrit les différences
importantes entre les deux types de recrutement : sur les 41 concours observés, 32
visent le recrutement de solistes. En revanche, en moyenne, les candidat-e-s se
présentant à un concours pour un poste de tuttiste sont presque deux fois plus
nombreux que ceux se présentant à un concours pour un poste de soliste. Ce résultat
15 Les diplômes pris en compte dans la base sont les diplômes musicaux et plus particulièrement ceux qui concernent l’instrument joué. Sont donc mis de côté des diplômes en musique de chambre, composition ou musicologie, par exemple. Il s’agît de diplômes des deux Conservatoires nationaux supérieurs de musique pour la France, des Hochschule für Musik des pays germanophones, des Académies Royales anglaise, belge et néerlandaises, ainsi que des universités américaines, etc. Le niveau « bac+3 / 4 », selon les pays et les institutions, correspond au premier niveau d’études supérieures en musique instrumentale, puis le « master » aux diplômes de perfectionnement et/ou de soliste. Enfin, ont également été pris en compte les doctorats de performance / exécution qui sont délivrés par certaines de ces institutions. Pour le cas français, les diplômes et dénominations ont évolué au fil du temps, mais les équivalences ont été prises en compte également. Par exemple, les CNSMD de Paris et de Lyon délivraient jusqu’au milieu des années 1990 des « Premiers prix », puis des Diplômes de formation supérieure (DFS), puis enfin depuis la fin des années 2000 le Diplôme national supérieur professionnel du musicien (DNSPM). Malgré des différences, ces diplômes correspondent au premier niveau de diplôme décerné par les CNSMD et ont donc été regroupés comme tels (dans la base, ces différences correspondent aux différentes générations de candidat-e-s et non pas à des niveaux de diplômes distincts).
54
est cohérent avec le fait que le niveau d’exigence dans le recrutement d’un ou d’une
soliste est plus élevé que pour un poste de tuttiste : les concours n’aboutissant pas à
une embauche (10 au total) concernent davantage les concours de recrutement de
solistes (8 sur les 10).
Enfin, comme nous l’avons précisé précédemment, six personnes (cinq
femmes et un homme) n’ont pas passé le premier tour, car elles travaillaient déjà en
tant que titulaires pour l’orchestre. Il s’agit de postes de soliste uniquement, ce qui
s’explique par le fait qu’il s’agit le plus souvent de personnes qui candidatent pour un
poste plus élevé que le poste qu’elles occupent, et de facto il s’agit de poste de solistes.
Sur ces six personnes, trois ont été finalement embauchées (deux femmes et un
homme). Dans ce cas, ces trois recrutements s’apparentent davantage à une
promotion de poste ou à une mobilité interne, plutôt qu’à une embauche stricto
sensu.
Tableau 8 : Récapitulatif des concours et des recrutements
Source : Ardis-Orchestres (n = 1224)
Les femmes sont plus nombreuses à se présenter au concours concernant des
postes de tuttiste : le taux de féminisation des candidat-e-s au premier tour est deux
fois plus élevé pour les concours de tuttiste que de soliste. Ceci pourrait s’expliquer
par un phénomène d’autocensure qui impliquerait que les femmes se présenteraient
moins facilement aux postes de solistes que les hommes. Historiquement, les femmes
ont en effet parfois anticipé des difficultés de recrutement aux postes les plus élevés.
Elles se sont alors présentées sur des postes de seconds solistes, plutôt que de
Tuttistes Solistes Total Nombre de concours 9 32 41
Nombre de postes ouverts 11 33 44
Effectif total de candidat-e-s au tour 1 428 816 1244
Nombre moyen de candidat-e-s par concours 48 26 Taux de féminisation 61 % 30 % Nombre femmes embauchées
dont mobilité interne 3
3 2
6 2
Nombre hommes embauchés dont mobilité interne
6
22 1
28 1
Nombre de non embauche 2 8 10
55
premiers solistes, par exemple, ou n’ont pas tenté certains concours pour lesquelles
elles ne pensaient pas « avoir les épaules pour ce poste », tout comme on ne les en
voyait guère capables.
Toutefois, il convient de nuancer ce point car dans la base Ardis-Orchestres,
nous observons peu de concours de tuttistes relativement aux concours de solistes,
notamment en raison des caractéristiques particulières de l’EIC, qui n’offre que des
postes de soliste.
Par ailleurs, la deuxième partie du rapport a montré que les femmes
représentaient un tiers des lauréates tuttistes, pour deux tiers des candidates donc,
parmi l’ensemble des 94 concours pour 105 postes (donc une observation plus large
que celle menée sur la base). Cela témoigne d’une forte disparition au long du
concours, qui mérite d’être explorée. En revanche, chez les solistes, la proportion de
candidates et de lauréates est du même ordre pour l’ensemble des 94 concours,
moindre pour les lauréates pour les 41 concours de la base. Faut-il le traduire comme
une possible conséquence d’un sentiment de (trop) grande féminisation des pupitres
de cordes (en particulier des violons), qui a pu conduire certaines des personnes
interrogées à mentionner la nécessité de « faire attention à ne pas recruter que des
femmes » dans ces postes de tuttiste ? Sur les embauches de tuttiste précisément, il
est difficile de conclure au regard de peu de nombre de concours observés dans la
base Ardis-Orchestres. Si on exclut les mobilités internes, les 31 embauches
concernent quatre femmes et pour les postes de soliste, une femme seulement est
embauchée contre 21 hommes.
Les différences observées entre effectif total et taux de féminisation par
instrument sur l’ensemble des concours ne se recoupent pas entre les concours de
soliste, d’une part, et de tuttiste, d’autre part, comme le montrent les deux graphiques
suivants. Chez les solistes, pour certains concours, le nombre de candidat-e-s est
important, mais le taux de féminisation est faible (comme par exemple pour la
trompette) ; pour d’autres, le taux de féminisation est élevé, mais le nombre de
candidat-e-s faible (comme pour la harpe).
56
Graphique 8
57
Graphique 9
On observe également des différences sensibles relatives à la nationalité entre
femmes et hommes. Les personnes de nationalité française représentent 58 % des
candidat-e-s. Par ailleurs, 18 % des candidat-e-s proviennent du reste de l’Europe de
l’Ouest. Le graphique suivant résume les écarts entre les sexes concernant la
nationalité des candidat-e-s.
58
Graphique 10
Les femmes sont moins représentées parmi les candidates françaises que ne le
sont leurs homologues hommes. En revanche, elles sont plus nombreuses à venir du
reste de l’Europe de l’Ouest, que ne le sont les hommes. Notons que la faiblesse des
effectifs ne permet pas de commenter les écarts pour les autres nationalités.
2.2. Analyse du processus de sélection durant les concours
2.2.1. Un effet « virtuose » et / ou un effet « disponibilité »
Pour résumer, la base Ardis-Orchestres comprend au total 41 concours,
auxquels se sont présenté 1244 candidat-e-s, dont 41 % de femmes. Ces concours
conduisent, au terme du processus de sélection, au recrutement de 34 personnes dont
six femmes, soit moins de 18 %. Rappelons que sur ces 34 embauches, trois
concernent des personnes qui n’ont pas eu à passer le premier tour.
Une première exploration indique que les candidat-e-s plus jeunes semblent
avoir davantage de chance de passer les différents tours du processus de recrutement.
Dans le milieu de la musique « classique », les postes de musicien-ne-s d’orchestre
représentent aujourd’hui des postes très convoités aux côtés des carrières de
concertistes, très rares, et souvent davantage que les postes d’enseignement seul.
L’une des situations relevées comme « idéales » par les impétrant-e-s est celle du / de
59
la musicien-ne d’orchestre permanent-e qui enseigne parallèlement en conservatoire.
Par ailleurs, le fort niveau de compétition des concours d’orchestre conduit les
candidat-e-s à s’y préparer intensivement durant leurs (dernières) années d’études
supérieures de musique, notamment au sein des conservatoires nationaux supérieurs
de Paris ou de Lyon ou des conservatoires à rayonnement régional réputés.
Les données disponibles dans la base vont dans le sens d’effets « virtuose » et
« disponibilité » que l’on peut dégager. En effet les candidat-e-s plus jeunes sont
doté-e-s d’un très haut niveau de compétences techniques et potentiellement
identifié-e-s comme ayant une marge de progression plus importante (le niveau
atteint au moment du concours ne serait que le point bas de la maîtrise de leur
instrument, soit un effet « virtuose »). Par ailleurs, les candidat-e-s plus jeunes se
consacrent de façon intensive à la préparation du concours (effet « disponibilité ») et
passent plusieurs concours dans la même période, comme le prix d’instrument dans
les conservatoires supérieurs ou des prix d’interprétation (effet « entraînement »).
Les candidat-s-s plus âgé-e-s déjà membres d’orchestres peuvent bénéficier d’un
temps de congés (non rémunéré) pour préparer un concours, mais leur disponibilité
est moindre durant la période précédant le concours du fait de leur activité
professionnelle.
60
Graphique 11
61
2.2.2. Un processus d’élimination des femmes
Si l’on exclut les recrutements qui concernent des personnes qui occupaient
déjà un poste permanent dans l’orchestre et qui n’ont pas passé le premier tour, on
compte 16 % de femmes parmi les personnes recrutées, contre 41 % parmi les
candidat-e-s au départ. La proportion de femmes recrutées au regard du vivier de
femmes qui se présentent chute donc de façon significative. Le processus qui conduit
à ce résultat marqué mérite une attention particulière. Ces chiffres moyens cachent
de grandes disparités selon les instruments, les orchestres, le type de poste sur lequel
la personne est embauchée.
Sur les six femmes embauchées au total, trois le sont sur un poste de soliste,
mais deux travaillaient déjà pour l’orchestre qui les a recrutées et, de fait, n’ont pas
passé le premier tour. Parmi les six femmes recrutées, deux l’ont été en binôme avec
un homme. Un de ces binômes correspond à deux postes de contrebassiste, qui
étaient déjà présents (donc un homme et une femme) dans l’orchestre au moment du
concours. Ils ont été recrutés ensemble, sans avoir passé le premier tour. On peut
donc penser que ce concours de contrebasse s’apparente davantage une mobilité
interne qu’à un recrutement stricto sensu.
Les instruments concernés par les six recrutements de femmes dans la base
sont le violoncelle (sur un poste de tuttiste), l’alto (sur un poste de tuttiste), le violon
(sur un poste de tuttiste), le contrebasson et basson (sur un seul et même poste de
soliste), la contrebasse (sur un poste de soliste) et la harpe (sur un poste de soliste). A
l’exception des postes de contrebasse et contrebasson/basson, il s’agit des
instruments dans lesquels le vivier de candidates au départ est le plus élevé et pour
lesquels le taux de féminisation des pupitres au sein des orchestres est également le
plus important.
Comment expliquer le peu de recrutements de femmes au regard du vivier de
départ ou le phénomène de « disparition » relevé à plusieurs reprises ? La base de
données Ardis-Orchestres ne permet pas d’expliquer de façon précise les causes de ce
phénomène, mais nous pouvons néanmoins dégager la dynamique à l’œuvre qui
conduit à l’élimination progressive des femmes durant le processus de recrutement.
Les graphiques suivants indiquent, par instrument, le nombre de femmes et
d’hommes pour chaque tour, en mettant ensemble tous les 41 concours disponibles
pour tous les orchestres du panel. Certains instruments sont féminisés, comme la
harpe, alors que d’autres, comme le tuba, ne voient aucune femme se présenter aux
62
concours. Certains instruments sont relativement mixtes comme le violon, l’alto, le
violoncelle. Pour ce type d’instruments « mixtes », le vivier de départ est équivalent
pour les femmes et pour les hommes. Au deuxième tour, on observe un maintien
équivalent des deux sexes. En revanche, lors de la sélection pour la finale, le nombre
de femmes chute brutalement et, finalement, c’est le plus souvent un homme qui est
recruté.
Quelques instruments sont emblématiques de ce processus d’écrémage (si l’on
ne compte pas les personnes qui n’ont pas eu à passer le premier tour). Pour
l’ensemble des concours de violon, on compte 124 femmes candidates (74 hommes).
Le deuxième tour ne compte plus que 24 femmes16 (16 hommes). À la finale, seules
cinq femmes (six hommes) sont présentes. Finalement, aucune femme n’est
embauchée contre cinq hommes. Pour le violoncelle, on retrouve une dynamique
similaire : au premier tour, on compte 79 femmes candidates (77 hommes) ; au
deuxième, 20 femmes (20 hommes) ; à la finale, seules deux femmes sont présentes
(huit hommes). Finalement, une seule femme est embauchée contre trois hommes.
16 On ne compte pas les personnes présentes au deuxième tour mais qui n’ont pas eu à passer le premier tour.
63
Graphique 12
64
Graphique 13
65
Pour explorer davantage ce processus de sélection, nous avons tenté de
représenter la dynamique qui s’opère entre les différents tours. Le graphique suivant
confirme bien que l’élimination des femmes se produit entre le deuxième tour et la
finale, puis lors de l’embauche.
Les bulles roses représentent la proportion de femmes à chaque instrument
pour l’ensemble des orchestres au premier tour relativement à celle du deuxième
tour. Les bulles violettes représentent la proportion de femmes présente au deuxième
tour relativement à celles présentes à la finale. Les bulles grises indiquent la
proportion de femmes présentes à la finale relativement à celle des femmes
embauchées. La taille des bulles donne l’importance du nombre de candidat-e-s total
pour chaque instrument. Les bulles se situant sur la bissectrice montrent que la
proportion de femmes se maintient entre les différents tours. En revanche, toutes les
bulles se situant en dessous signalent que la proportion de femmes se réduit
fortement entre les deux tours considérés.
Alors que les bulles roses sont approximativement réparties sur la ligne
bissectrice, ce qui indique qu’entre le premier et le deuxième tour la proportion de
femmes par instrument se maintient, en revanche, les bulles violettes se situent
sensiblement en-dessous de cette ligne, ce qui montre que la proportion de femmes
se réduit fortement entre le deuxième tour et la finale. Finalement, les bulles grises
sont situées encore en-dessous, ce qui signale que les femmes sont moins
embauchées que les hommes in fine. Ce graphique confirme donc le constat qu’un
processus sélectif à l’encontre des femmes se joue entre le deuxième tour et la finale,
alors qu’entre le premier et le deuxième tour, le nombre de candidates se maintient à
hauteur du vivier initial.
66
Graphique 14
67
Ce phénomène est statistiquement significatif comme le montre le tableau
suivant. Au premier tour, sur les 1244 candidat-e-s, 1147 candidat-e-s sont éliminé-e-
s. Parmi les candidat-e-s non retenu-e-s à cette étape, on trouve 58 % d’hommes.
Cette surreprésentation des hommes parmi les personnes non retenues pour le
deuxième tour est significative au seuil de 1 % (les personnes qui n’ont pas eu à passer
le premier tour n’étant pas intégrées dans les calculs). En revanche, seules 66
personnes arrivent jusqu’en finale et cette fois ci la proportion d’hommes est de 68 %.
La surreprésentation des hommes parmi les personnes sélectionnées au fil du
processus est significative au seuil de 5 %. Enfin, parmi les personnes finalement
embauchées, on trouve 87 % d’hommes. Cette surreprésentation des hommes parmi
les personnes finalement recrutées est significative au seuil de 1 %. Le processus
d’élimination des femmes se produit à partir du deuxième tour et s’accélère au fil du
recrutement.
Tableau 9: Proportion de chaque sexe à différents stades du processus de
recrutement
Hommes Femmes Total éliminé-e lors des auditions Effectif 667 480 1147
% ligne 58 % 42 % 100 %
Résidu ajusté -3,1 3,1
Seuil de significativité : 1 %
a réussi les auditions et se présente en finale Effectif 45 21 66
% ligne 68 % 32 % 100 %
Résidu ajusté 1,5 -1,5
Seuil de significativité : 5 %
est embauché-e Effectif 27 4 31
% ligne 87 % 13 % 100 %
Résidu ajusté 3,2 -3,2
Seuil de significativité : 5 %
Total Effectif 739 505 1244
% ligne 59 % 41 % 100 %
Source : Ardis-Orchestres ; n = 1244 ; ne sont pas pris en compte les six candidat-e-s qui n’ont pas passé le premier tour.
Ce constat n’est pas en lui-même la preuve d’un processus discriminatoire qui
s’exercerait à l’encontre des femmes, car il est possible que les caractéristiques des
candidates soient moins favorables que celles des hommes et que cette dynamique
qui conduit à une embauche significativement plus faible de femmes ne soit que le
reflet de leur moindre « talent » et / ou « qualification ». Mais la proportion de
68
femmes embauchées parmi les candidates (0,8 %) est presque cinq fois plus faible
que celle des hommes (4 %), ce qui tend à montrer qu’un processus plus complexe se
joue durant la totalité du concours dans le parcours de sélection des embauches dans
les orchestres étudiés. En outre, le processus de sélection sexuée n’est pas linéaire au
cours du concours. Ce point mérite donc d’être davantage analysé, même si le
manque de données limite à ce stade les possibilités d’exploration.
Le processus dynamique, qui conduit à une sous-représentation des femmes
parmi les personnes embauchées dans les orchestres étudiés, se produit après le
deuxième tour. Entre le premier et le deuxième tour, le taux de féminisation s’accroît.
L’« élimination » des femmes se produit entre le deuxième tour et la finale, puis de
façon accélérée au moment de l’embauche. Or, c’est précisément entre les deux
premiers tours que le paravent est utilisé par les orchestres qui l’utilisent ; même si
l’EIC l’utilise également lors du deuxième tour. Pour autant, il n’est pas possible à ce
stade de l’étude d’attribuer le maintien des femmes entre le premier et le deuxième
tour à l’utilisation du paravent. Les premières analyses exploratoires de l’effet du
paravent soulèvent des problèmes méthodologiques qui, étant donné la taille de la
base Ardis-Orchestres, ne peuvent pas être surmontés.
2.2.3. Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination
Dans l’esprit de l’étude de Goldin et Rouse (2000), notre objectif initial était
d’évaluer l’effet de l’introduction du paravent sur la probabilité de succès des femmes
au regard de celle des hommes pour les concours de recrutement dans les orchestres
sous revue. Quelles sont les chances de succès des femmes lors d’une audition aveugle
par rapport à une audition non-aveugle ?
Les méthodes quantitatives possibles
Pour mesurer la discrimination qui s’exerce à l’encontre des femmes lors des
recrutements, il est nécessaire de contrôler l’ensemble des caractéristiques propres à
chaque individu, de sorte à construire un contrefactuel permettant de répondre à la
question : que ce serait-il passé si cette femme avait été un homme ? En théorie, il
faudrait disposer d’une base de données dans laquelle on suivrait des individus
identiques en tout point, à l’exception du sexe, et qui passeraient le même concours.
Si les femmes sont moins recrutées que les hommes, on pourrait conclure à une
discrimination à leur encontre. Cette expérience n’étant pas réalisable stricto sensu,
69
les méthodes de CV fictifs offrent une alternative permettant de reproduire ce type
d’expérience.
Une autre façon de mesurer la discrimination consiste à procéder à des
recrutements « à l’aveugle », c’est ce que permet le paravent dans les recrutements
des musicien-ne-s. On tente de mesurer l’effet du traitement, ici « avoir été
auditionné-e » derrière un paravent, sur la probabilité d’être recruté-e. On parlera
alors d’individus « traités » pour les personnes ayant été auditionnées derrière
paravent et individus non traités pour celles ayant été de auditionnées de façon
ouverte.
Dans ce cas identifier une discrimination revient à mesurer l’impact du
paravent sur le sexe des lauréats. Le contrefactuel à construire doit permettre de
répondre à la question : quel aurait été le sexe des personnes recrutées en l’absence
de paravent ? Pour cela, trois défis méthodologiques doivent être relevés :
1/ Pour mesurer l’impact du paravent sur le sexe des personnes recrutées, il
convient d’isoler cet effet propre au paravent des multiples autres facteurs pouvant
jouer sur le recrutement, comme l’expérience, la formation initiale, l’instrument joué,
mais aussi le talent, le type d’orchestre, l’instrument, le répertoire mobilisé, etc. La
méthode doit donc permettre d’approcher au plus près l’effet du paravent en
contrôlant les caractéristiques observables disponibles dans la base de données. Il
s’agit ici de répondre à la question : que ce serait-il passé si le paravent n’avait pas été
installé ?
2/ Pour garantir la qualité du contrefactuel, il faudrait pouvoir tenir des effets
d’auto-sélection qui peuvent influencer le type de candidat-e-s se présentant à un
concours. Il importe que les musicien-ne-s qui se présentent aux concours avec et
sans paravent possèdent des caractéristiques observables et non observables
systématiquement similaires. Il est possible que les femmes les plus compétentes ne
se présentent qu’aux concours mobilisant le paravent, anticipant par exemple leur
chance plus élevée d’être recrutées (indépendamment du caractère avéré de cette
hypothèse), l’effet du paravent serait ici d’attirer en amont les femmes les plus
compétentes et non pas de contrôler à compétences égales le sexe des candidats. De
70
fait, l’effet du paravent serait donc surestimé. Le phénomène d’auto-sélection masque
ou exagère l’effet du paravent.
3/ Pour bien mesurer l’effet causal, la variable à expliquer (ici la probabilité
d’être retenu-e à une épreuve du concours) doit être indépendante de la variable
d’accès au traitement (ici l’introduction du paravent dans le concours). Dans le cas
contraire, l’estimation serait biaisée. L’introduction du paravent doit être exogène,
c’est-à-dire indépendante de la volonté explicite d’un orchestre de vouloir recruter
des femmes (ou d’autres catégories discriminées). Il ressort de l’analyse qualitative
que l’instauration du paravent dans les concours tient surtout à la volonté d’assurer le
caractère méritocratique de la procédure en éliminant les effets de cooptation
(favoriser le recrutement de l’élève d’un collègue par exemple).
L’analyse de Goldin et Rouse (2000) repose sur une technique de différence de
différences qui consiste à comparer l’évolution avant et après la mise en place du
traitement (ici l’utilisation du paravent) de la différence de probabilité d’être retenu
entre les femmes et les hommes. Pour notre étude, l’estimateur porterait sur la
comparaison de l’évolution des probabilités de succès des femmes par rapport à celles
des hommes pour un même orchestre avant et après l’introduction du paravent, ceci
pour plusieurs orchestres.
La base de données dont nous disposons ne présente pas un nombre d’années
aussi important que celles utilisées par Goldin et Rouse : nous disposons d’un recul
de 14 années au maximum contre 48 années au maximum pour Goldin et Rouse. De
même, nous disposons de 41 concours observés sur la période étudiée contre 254
pour l’étude américaine. Ainsi la base de données Ardis-Orchestres présente moins
d’observations que celle mobilisée par Goldin et Rouse. Enfin et surtout, la base de
donnée Ardis-Orchestres ne permet pas d’observer une modification de procédure :
chaque orchestre utilise ou non le paravent, mais pour ceux qui l’utilisent, nous
n’observons pas de concours ayant lieu avant l’introduction de la procédure de
recrutement à l’aveugle. De fait, il est impossible de mobiliser le même type de
méthode que celle utilisée par Goldin et Rouse. En revanche, la base de données
Ardis-Orchestres présente l’avantage de comporter des renseignements sur :
- les orchestres : composition, historique….
71
- les concours : paravent, étape, modification de procédure, nombre de
candidat-e-s, parfois la composition du jury
- les candidat-e-s : âge, instrument, sexe, nationalité, diplôme, expérience
professionnelle (dont la possibilité d’identifier les musicien-ne-s qui ont
participé à plusieurs concours de la base de données).
Les précisions relatives aux caractéristiques des candidat-e-s constituent l’atout
majeur de notre base de données.
Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ?
La méthode mobilisée par Goldin et Rouse s’appuie sur la modification des
procédures de recrutement, via l’introduction du paravent, dans les orchestres en
comparant les chances d’être retenues des femmes avant et après l’introduction du
paravent. Cette méthode ne peut pas être appliquée comme telle dans la base Ardis-
Orchestres. En effet, les orchestres du panel n’ont pas changé de procédure de
recrutement entre 2000 et 2014. L’un des orchestres de Radio France a changé sa
procédure pour un seul concours (en mettant le paravent au premier tour), mais nous
ne disposons pas de ces dernières données. L’EIC a également changé sa procédure
de recrutement en passant de deux à trois tours en 2006 et en introduisant le
paravent lors de ce tour supplémentaire (le paravent était déjà utilisé au premier
tour). Seul l’EIC pourrait permettre de mesurer l’effet du paravent en s’appuyant sur
ce changement de procédure. Mais la base Ardis-Orchestres ne comporte pas assez
d’observations sur ce seul orchestre pour reproduire l’étude de Goldin et Rouse sur
l’EIC et nous avons montré que cet ensemble présente des caractéristiques
spécifiques par rapport à un orchestre symphonique, à plusieurs niveaux.
Une adaptation de la méthode de différence de différences consisterait non pas
à s’appuyer sur la modification de procédure dans les orchestres, mais sur la
différence de procédure entre orchestres. On compare alors les écarts de probabilité
de succès entre femmes et hommes toutes choses égales par ailleurs dans les
orchestres mobilisant le paravent aux écarts de probabilité de succès entre femmes et
hommes dans les orchestres n’utilisant pas le paravent. Si la probabilité de succès des
femmes relativement à celles des hommes est plus importante dans les orchestres
utilisant le paravent, on pourra conclure que le paravent a un effet positif sur le
recrutement des femmes et que de fait les femmes sont discriminées dans les
72
recrutements dans les orchestres sans paravent. On estime alors un modèle probit
dont la variable à expliquer serait la probabilité de succès d’un individu lors d’une
épreuve d’un concours. L’introduction d’une variable « paravent » et son croisement
avec une variable « sexe » permet d’évaluer l’impact du paravent sur la probabilité de
succès de l’individu.
Cette méthode n’est pas robuste au regard de l’état de la base. Elle ne peut pas
permettre une mesure de l’effet du paravent et in fine conduire à une analyse d’une
potentielle discrimination à l’encontre des femmes pour plusieurs raisons.
Cette méthode requiert que les orchestres ne diffèrent que sur l’utilisation ou
non du paravent, mais ils doivent être identiques concernant toutes les autres
caractéristiques. Or, comme cela a été montré, les orchestres se distinguent au regard
de leur fonctionnement, des postes qu’ils proposent (soliste versus tuttiste), des
concours par instrument que nous observons, et de leur positionnement artistique, ce
qui induit des différences de profils des candidat-e-s qu’ils attirent. Ainsi, tout écart
observé peut être due à l’hétérogénéité des orchestres et non pas à l’utilisation du
paravent. Les taux de féminisation des instruments représentés dans les différents
concours observés sont inégaux et nous observons peu de concours pour des effectifs
faibles, ce qui limite les possibilités de contrôler la taille du vivier pour chaque
instrument. Le flux de candidat-e-s qui se présente aux concours de l’EIC a des
caractéristiques particulières (postes de soliste uniquement). Par ailleurs, le taux de
féminisation de cet orchestre est le plus faible du panel (moins de 20 % de femmes),
ce qui peut décourager des musiciennes de s’y présenter.
L’utilisation du paravent n’est pas exogène au processus de recrutement.
Contrairement à l’étude de Goldin, qui observe une période longue (40 ans), nous
observons les orchestres sur une période courte (14 ans), période durant laquelle la
question du paravent a été soulevée, discutée, voir testée (comme cela a été le cas
pour un concours de Radio France). L’analyse qualitative a montré que la question de
la discrimination ne faisait pas l’objet d’une réflexion dans tous les orchestres. En
revanche, celle du bien-fondé de l’utilisation du paravent était débattue, y compris
par ceux qui n’utilisent pas ou plus le paravent. Il est possible que les procédures de
recrutement dans les orchestres qui ne mobilisent pas le paravent aient été
influencées par les questions se posant autour de son usage. Les membres des jurys
73
évoluant dans un environnement où les questions de parité en culture sont soulevées
ces dernières années, peuvent peut-être être attentifs à ne pas défavoriser les femmes
et, de fait, à faire passer davantage d’entre elles entre les deux premiers tours. On
observe en effet un accroissement du taux de féminisation entre ces deux tours dans
les orchestres sans paravent.
Une hypothèse de travail pourrait être que l’introduction du paravent
s’inscrive dans un discours ambiant autour du déficit historique de représentation
des femmes dans les orchestres, et aujourd’hui encore aux postes de solistes. Aucun
orchestre à ce jour ne mobilise le paravent de bout en bout de la procédure. Il est
donc possible qu’un processus plus favorable aux femmes soit en place aux premières
épreuves mais qu’un processus de rattrapage en faveur des hommes se mette en place
par la suite, ce qui pourrait expliquer le processus inégalitaire montré dans la section
précédente. Ceci conduirait à l’écrémage observé qui conduit de passe d’un vivier de
41 % de candidates à seulement 16 % de femmes recrutées (pour les candidat-e-s
présent-e-s lors du premier tour). On peut aussi le comprendre comme la résultante
classique des effets de « plafond de verre », ainsi que la résistance des
représentations sexuées attachées à certains postes et à certains instruments. Pour
ces postes convoités en musique, la question de la présence de femmes n’est censée
pas (ou plus) se poser ouvertement, selon les responsables des orchestres, sauf à
parler de la direction d’orchestre… Le processus doit donc être analysé dans sa
globalité, il n’est pas pertinent de se concentrer sur les épreuves pour lesquelles le
paravent est mobilisé.
L’évaluation du paravent en s’appuyant sur une comparaison « orchestres avec
paravent » versus « orchestres sans paravent» est donc – en l’état actuel des données
– peu robuste au regard de la taille de l’échantillon, du caractère spécifique des
orchestres qui ont opté pour le paravent, de la diversité instrumentale et du contexte
dans lequel s’insère l’introduction du paravent.
74
CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES
Cette première exploration systématique des recrutements dans les orchestres
de Paris et d’Ile-de-France a apporté de riches enseignements. Nous sommes
davantage en mesure de comparer les procédures de recrutement dans les différents
ensembles, leurs différences et les tentatives d’homogénéisation pour certains d’entre
eux. L’analyse de l’ensemble des recrutements réalisés sur la période montre aussi
une tendance à l’accroissement du nombre de femmes solistes recrutées dans ces
ensembles, même si le taux de féminisation des orchestres de Paris et d’Ile-de-France
reste relativement stable – et plutôt en légère hausse –comparativement à celui des
orchestres permanents français dans leur ensemble depuis une quinzaine d’année.
Par ailleurs, nous avons dressé un panorama des arguments actuels pour ou
contre l’introduction d’un paravent lors de certaines étapes du processus de
recrutement. Ces discours portent essentiellement sur la justice du concours, plutôt
qu’ils ne tendent à questionner d’éventuels processus discriminatoires, voire à lutter
contre. Cela s’articule d’ailleurs très précisément avec des interrogations sur
l’efficacité du concours et les manières de les rendre plus efficients, moins coûteux et
plus pertinents face à la réalité du travail orchestral, fondé sur le collectif.
Nous avons également élaboré une première base de données individuelles
concernant 41 concours sur cinq orchestres et rassemblant 1244 candidatures.
L’analyse des 94 concours pour 105 postes et surtout l’exploration systématique de la
base a ainsi montré un phénomène de « disparition » des candidates au long des
diverses étapes du processus de recrutement, ou plus exactement une sous-
représentation de leur embauche comparativement au vivier de candidates.
Toutefois, de fortes contraintes méthodologiques liées à l’hétérogénéité des
orchestres et des concours, ainsi qu’au nombre restreint d’observations disponibles,
ne permet pas de mesurer de manière solide l’effet du paravent lors des procédures
de recrutement.
La base Ardis-Orchestres doit ainsi être élargie de sorte à accroître le nombre
de concours observés. Cela peut être rendu possible par l’accroissement du nombre
d’orchestres mobilisés. Cet élargissement permettra de contrôler de façon robuste des
particularités des concours, des instruments, des orchestres. Malgré ces limites, la
base Ardis-Orchestres est un outil novateur qui permet d’approfondir nos
75
connaissances concernant les processus discriminatoires qui se fondent sur les
critères tels que le sexe, l’âge, l’origine ethnique. Ce dernier point ne peut s’appuyer
uniquement sur la nationalité (variable renseignée dans la base de données), mais
exige de travailler sur la consonance des noms de famille ; une variable pourrait être
construite de sorte à identifier les personnes susceptibles d’être discriminées au
regard de leur origine ethnique. La taille actuelle de notre échantillon ne permet pas
d’étudier ce point.
Concernant une mesure de l’effet du paravent, deux orientations sont possibles
pour la suite.
1/ La méthode de l’appariement pourrait permettre de contourner la difficulté
méthodologique posée par notre base qui ne permet pas d’observer un même
orchestre avant et après l’introduction du paravent. Cette méthode consiste à
construire des paires composées d’un individu traité (ici passant un concours avec
paravent) et d’un individu non traité (ici passant un concours sans paravent), les
individus composant la paire étant identiques au regard de leurs caractéristiques.
Ainsi il serait possible de comparer les chances qu’aurait une femme
comparativement à homme de passer au tour suivant quand le paravent est utilisé. Ce
type de méthode ne permet toutefois pas d’intégrer l’EIC, orchestre de solistes
uniquement, dont le positionnement artistique spécifique empêche une comparaison
directe avec les autres orchestres du panel, ce qui limiterait donc d’autant le champ
de l’analyse.
En revanche, l’effet du paravent pourrait être étudié sur ce seul orchestre en
mobilisant le changement de procédure dans le processus de recrutement opéré en
2006 et qui a conduit à ajouter un tour entre le premier tour et la finale, ce deuxième
tour complémentaire étant lui aussi réalisé derrière paravent. Pour réaliser cette
étude spécifique, il conviendrait alors d’élargir la base en ajoutant des concours à
venir.
2/ Une autre possibilité pour mesurer l’effet du paravent serait de s’appuyer
sur les candidat-e-s qui se présentent à plusieurs concours pour constituer une sorte
de panel. Cette méthode requiert d’avoir un nombre suffisant de personnes, avec une
représentation équilibrée des deux sexes, qui se présentent à des concours avec et
sans paravent.
76
Une autre piste d’étude du recrutement porte sur les jurys. Au-delà de l’effet
propre au paravent, nous disposons pour certains orchestres de la composition et la
taille de ces jurys. Nous pourrions, après saisie de ces données, chercher à évaluer
l’impact des caractéristiques du jury sur le profil des personnes recrutées. L’analyse
qualitative a montré que parmi les orchestres qui n’utilisent pas le paravent, certains
envisagent de travailler sur la composition du jury pour mieux éviter les effets de
collusion et / ou de discrimination. Cette analyse pourrait faire écho à des travaux de
recherche portant sur l’effet de la composition du jury sur le profil des personnes
retenues dans d’autres contextes (Zinovyeva, Bagues, 2011 ; Backouche, Godechot,
Naudier, 2009).
77
BIBLIOGRAPHIE
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79
ANNEXES
80
LISTE DES ANNEXES
ANNEXE 1 Lettre aux responsables des orchestres
ANNEXE 2 Tableau récapitulatif des réunions avec les responsables des
orchestres
ANNEXE 3 Exemples de programmes de concours
ANNEXE 4 Exemples de règlements de concours
ANNEXE 5 Extrait de la Convention collective nationale des entreprises
artistiques et culturelles de 2011 relatif à l’organisation des
concours de recrutement
ANNEXE 6 Extrait de l’accord collectif sur l’égalité professionnelle entre
les femmes et les hommes de l’OCP relatif à l’organisation des
concours de recrutement (2011)
ANNEXE 7 Extrait de l’accord collectif d’entreprise de l’OCP (2012)
81
ANNEXE 1 :
Equipe de recherche : Reguina HATZIPETROU-ANDRONIKOU, sociologue, Centre Maurice Halbwachs Chiara NOE, économiste, PRESAGE, OFCE Hélène PERIVIER, économiste, PRESAGE, OFCE Hyacinthe RAVET, sociologue et musicologue, Université Paris-Sorbonne Contact : Hyacinthe Ravet Université Paris-Sorbonne, UFR de Musique et Musicologie Centre Clignancourt, 2 rue Francis de Croisset,75018 Paris [email protected] 06 98 11 03 41
Noms Adresse
Copie à : Nom(s)
Paris, le 10 décembre 2013
Cher Monsieur,
Nous menons actuellement une recherche financée par la Région Ile-de-France à travers l’ARDIS (Alliance de recherche sur les discriminations) sur « Procédures d’embauche et réduction des discriminations : le cas des musiciens d’orchestre en Ile-de-France ». Les orchestres français se sont profondément renouvelés ces dernières années et ils font face aujourd’hui à des défis majeurs. L’Association Française des Orchestres est informée de notre étude qui contribue à une meilleure connaissance des orchestres et de leurs transformations.
Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons notamment aux modes de recrutement actuellement à l’œuvre et à leurs évolutions dans le temps. Pour mesurer et montrer les changements de manière systématique, nous souhaitons nous appuyer sur une analyse chronologique des concours pour chaque orchestre, ainsi que sur une comparaison entre plusieurs orchestres permanents franciliens. Nous espérons réaliser un travail de collecte des données pionnier en France, mais déjà effectué dans d’autres pays à grande tradition symphonique comme l’Allemagne ou les Etats-Unis, sur les profils des candidats aux concours et ainsi contribuer à mieux connaître les musiciens et musiciennes d’orchestre.
Une attention particulière sera portée à l’évaluation de l’utilisation des auditions « à l’aveugle » dans certaines étapes des concours (voir le résumé ci-joint). Cette étude permettra notamment de voir les effets du « paravent » sur le type de candidats retenus, au regard de leur âge, leur sexe, leur nationalité et leur formation. Nous prendrons soin également d’étudier qualitativement et quantitativement les avantages et les inconvénients associés aux différentes procédures de recrutement.
82
Afin de pouvoir effectuer cette recherche, il nous faut évaluer avec vous les possibilités d’accès aux données et aux archives concernant les concours d’entrée au sein de votre ensemble. Nous nous engagerions à traiter ces données nous-mêmes, de manière anonyme et confidentielle. Nous vous serions reconnaissantes de bien vouloir nous accorder un entretien durant lequel nous pourrions vous exposer plus longuement cette recherche. L’idéal serait de se rencontrer au plus tôt, car nous avons des contraintes temporelles pour la réalisation de l’étude.
Dans l’attente de votre réponse que nous espérons positive, nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire.
Nous vous prions d’agréer, cher Monsieur Le Pavec, l’expression de nos salutations distinguées.
Reguina Hatzipetrou-Andronikou Chiara Noe
Hélène Périvier Hyacinthe Ravet
83
ANNEXE 2 :
Orchestre Personnes
Contactées
1er contact email
Réponse Rendez-vous
2eme rappel
Rendez vous
Personnes présentes au rendez-vous.
Ensemble Intercontemporain
Mme Quéré Oui, 11/12/2013
Oui 19/12/2013 Sophie Quéré , Directrice administrative
Orchestre de chambre de Paris
Mme Deporcq
Oui, 11/12/2013i
Oui 16/01/2014 Stéphanie Deporcq, Directrice administrative et financière.
Morel, Directeur de production
Orchestre de Paris M. Hamard Oui, 11/12/2013
Non Oui 30/01/2014 annulé ;
26/02/2014
Didier de Cottignies, Directeur artistique
Orchestre National d'Ile de France
Mme Voisin Oui, 11/12/2013
Oui 31/01/2014 Fabienne Voisin, Directrice générale
Catherine Delcroix, Administratrice
Alexis Labat, Administrateur adjoint
Direction de la musique de Radio France
(ONF et OPRF)
M. David Oui, 11/12/2013
Oui 14/01/2014 Marie Boyer, Chargée des concours
Eric Montalbetti, Directeur artistique
Roland David, Directeur adjoint de la direction de la musique
Stéphane Spada, Délégué général du chœur
Pierrette Maugey, Déléguée Ressources Humaines gestion de la musique
Marine Depaillerets, Directrice adjointe
n° de Siret : 300 513 132 00054 - APE 90.01Z
Concours Alto 2e soliste 1 poste (2e catégorie) Lundi 19 janvier 2015 Prise de fonction : le 17 mars 2015
PROGRAMME 1er tour (avec accompagnement) Stamitz : Concerto en ré majeur, 1er mouvement jusqu’à la mes. 200 ou Hoffmeister : Concerto en ré majeur, 1er mouvement jusqu’à la mes. 152 (NB. Editions au choix du candidat) Trait d’orchestre : Mahler : Symphonie n° 10 2e tour (avec accompagnement) Bartók : Concerto, 1er mouvement jusqu’à la mes. 125 ou Walton : Concerto, 1er mouvement sans la cadence
Traits d’orchestre : Beethoven : Symphonie n° 3 Chostakovitch : Symphonie n° 5 Mozart : Symphonie n° 41 3e tour Solos d’orchestre : Kodaly : Hary Janos Suite Puccini : Manon Lescaut, intermezzo Ravel : Ma mère l’Oye Traits d’orchestre : Berlioz : Le carnaval romain Prokofiev : Symphonie n° 1 Ravel : Daphnis et Chloé, suite n° 2 (ligne du dessus) Rossini : La pie voleuse, ouverture
1
ANNEXE I
CONCOURS DE DEUXIEME TROMPETTE SOLO, Jouant la 4ème et la 3ème trompette
Jouant le 2ème cornet solo
POUR L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
Du 29 novembre au 1er décembre 2014
EMPLOIS OFFERTS
Un poste de deuxième trompette solo, jouant la 4ème et la 3ème trompette, jouant le 2ème cornet solo
(catégorie B)
DATE LIMITE DE DEPOT DES CANDIDATURES :
Lundi 10 novembre 2014 (Cachet de la poste faisant foi)
REMUNERATION ANNUELLE BRUTE
51088,19 €
EMPLOI DISPONIBLE Immédiatement
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ANNEXE II-PROGRAMME
CONCOURS DE DEUXIEME TROMPETTE SOLO ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE
1er tour Georges Enesco : Légende Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) -Trompette : Bartok, concerto pour orchestre Schumann, symphonie n°2 -Cornet et trompette : Stravinsky, Petroushka (version 1911 et 1947) 2éme tour Sur trompette en Ut à pistons Haydn : concerto en mib majeur, premier mouvement Traits d’orchestre ( extraits des œuvres suivantes) -Trompette à palettes : Beethoven, Leonore 2 et 3 -Trompette en sib : Chostakovich, symphonie n°5 -Trompette : Debussy, Nocturnes -Cornet : Bizet, Carmen Finale Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) -Trompette : Dutilleux, Métaboles
Messiaen, l’Ascension Ravel, Alborada del Gracioso Bartok, concerto pour orchestre
-Trompette à palettes : Mahler, symphonie n°6
Mahler, symphonie n°2 Mahler, symphonie n°5 Bruckner, symphonie n°4
-Trompette : Strauss, ein Heldenleben (2 parties) (Trompette à palettes ou piston) -Cornet : Debussy, la Mer Le jury pourra vous demander de rejouer les traits d’orchestre du premier ou du deuxième tour
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ANNEXE I
CONCOURS DE VIOLON DU RANG ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
Les 16, 17 ET 18 NOVEMBRE 2014
EMPLOI OFFERT :
Un poste de VIOLON DU RANG (Catégorie D)
DATE LIMITE DE DEPOT DES CANDIDATURES :
Mercredi 29 octobre 2014 (Cachet de la poste faisant foi)
REMUNERATION ANNUELLE BRUTE : (Barème au 01/01/2014)
44664,43€
CET EMPLOI SERA DISPONIBLE : Immédiatement
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ANNEXE II Orchestre National de France
Programme violon du rang 16 au 18 novembre 2014
1er Tour Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) SCHUMANN, Symphonie no 2, Scherzo BEETHOVEN, Symphonie no 9, Scherzo BRAHMS, Symphonie no 4, Finale 2ème Tour MOZART, Premier mouvement au choix des troisième ou quatrième ou cinquième concertos (du début à la réexposition) ET au choix : SIBELIUS, Premier mouvement du début jusqu’à la fin de la cadence OU BRAHMS, Finale du concerto en ré majeur Finale Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) STRAUSS, Don Juan MENDELSSOHN, Songe d’une nuit d’été, Ouverture MAHLER, 1ère Symphonie, Finale DEBUSSY, La mer, Jeux de vagues BERG, Trois pièces de la suite lyrique Déchiffrage NB : Les traits d’orchestres proposés aux épreuves éliminatoires pourront être redemandés aux candidats en finale.
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Rappels importants :
-Seuls les livrets de traits d’orchestre sont fournis par le bureau des concours. Chaque candidat doit donc apporter le jour des répétitions et du concours ses partitions et celles de l’accompagnement au piano des œuvres programmées. Les livrets seront disponibles et envoyés à partir du :15 septembre 2014 -Les livrets seront envoyés uniquement aux candidats ayant fourni au Bureau des Concours leur dossier d’inscription COMPLET (fiche d’inscription dûment remplie + CV) avant la date limite de dépôt des candidatures fixée au : 29 octobre 2014 -Les répétitions avec pianiste (le cas échéant) sont organisées par Radio France : pour ce concours, les répétitions sont organisées pour les demi-finalistes seulement, le lundi 17 novembre. 2014. Le planning des répétitions sera établi après la proclamation des résultats du premier tour. -Vous pouvez également, si vous le désirez, vous faire accompagner par votre pianiste personnel. Dans ce cas, Radio France ne met pas de studio à disposition. -Les candidats déjà titulaires d’une des formations de Radio France doivent fournir fiche d’inscription et CV. Ils devront préciser s’ils se présentent au premier tour, ou directement au second tour. -Toute personne inscrite au concours s’engage à se présenter pour les épreuves à l’heure de la convocation. En cas de désistement, le candidat devra OBLIGATOIREMENT en aviser le Bureau des Concours par mail dans les meilleurs délais.
Coordonnées :
Bureau des concours :
+33 (0)1 56 40 37 25 [email protected] +33(0)1 56 36 30 60 [email protected]
Site radio France : www.concert.radiofrance.fr/ les concours.
Courriel inscriptions : [email protected]
Concours d’alto 2ème soliste (2ème catégorie), 1 poste.
Lundi 19 janvier 2015
Prise de fonction le 17 mars 2015
n° de Siret : 300 513 132 00054 - APE 90.01Z
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RÈGLEMENT Le concours se déroulera à la Maison de l’Orchestre national d’Île-de-France au 19, rue des Écoles à Alfortville (94140) le lundi 19 janvier. L’ordre de passage et les noms des candidats ne seront pas communiqués aux membres du jury avant l’issue de la première épreuve. L’accusé de réception de la candidature et un plan d’accès seront joints aux traits d’orchestre et envoyés dès réception de l’inscription.
ÉPREUVES
Quelle que soit l’épreuve en cours d’exécution, le jury se réserve le droit d’interrompre le candidat. Au contraire, s’il le juge utile, il pourra procéder à une nouvelle audition. A chaque étape du concours, le jury se réserve la possibilité de réentendre un candidat dans l’un des concertos demandés. Toutes les épreuves sont éliminatoires. Les décisions du jury sont sans appel. Les épreuves se dérouleront de la manière suivante :
x 1ère épreuve derrière paravent avec pianiste, x 2ème épreuve sans paravent avec pianiste x 3ème épreuve sans paravent et sans pianiste
Les candidats pourront être accompagnés au piano par la personne de leur choix ou par le(la) pianiste désigné(e) par l’Orchestre. Répétitions avec pianiste : Les répétitions avec le (la) pianiste désigné(e) par l’Orchestre sont prévues à la Maison de l’Orchestre, 19, rue des Écoles – 94140 Alfortville le dimanche 18 janvier 2015, dans la limite des places disponibles. La date limite des inscriptions aux répétitions est fixée au vendredi 9 janvier. Le montant de la participation financière pour chaque candidat inscrit aux répétitions est fixé à 25 € pour une durée de 30 minutes. Les candidats adresseront leur règlement par chèque libellé à l’ordre de l’Orchestre national d’Île-de-France lors de leur inscription (Orchestre national d’Île-de-France – 19, rue des Ecoles – 94140 Alfortville). Toute inscription est définitive. L’inscription est validée uniquement à la réception du règlement. Exceptionnellement, les candidats étrangers auront la possibilité de régler leur répétition en espèces, avant leur passage, à la personne chargée de l’accueil. ATTENTION ! Nous ne communiquerons qu’à partir du mardi 13 janvier votre horaire de répétition par e-mail. Cette date et cet horaire vous seront imposés sans aucune possibilité de modification.
RÈGLEMENT DU CONCOURS
Date limite d’inscription : 9 janvier 2015
S’inscrire par e-mail en envoyant la fiche d’inscription à : [email protected] (date de réception faisant foi)
Possibilité d’inscription par courrier adressé à l’administration de l’Orchestre national d’Île-de-France, service concours au 19, rue des Écoles 94140 Alfortville au moyen du formulaire joint (cachet de la poste faisant foi). Conditions générales d’inscription : Les candidats doivent satisfaire aux lois et règlements en vigueur notamment pour les ressortissants des pays non membres de l’Union Européenne, et jouir de leurs droits civiques. En cas de réussite au concours d’un candidat étranger à l’Union Européenne, l’embauche sera soumise à l’obtention du permis de travail ; l’Orchestre s’engage à effectuer toutes les démarches nécessaires auprès de l’administration. Si ce permis n’est pas accordé au candidat retenu, l’Orchestre peut :
x Proposer le poste devenu libre au candidat arrivé second à l’issue de la troisième épreuve, selon l’avis émis par le Jury du concours,
x Déclarer le poste vacant et organiser un nouveau concours. Les frais de séjour et de déplacement sont à la charge du candidat. CONDITIONS D’ENGAGEMENT Le candidat reçu au concours devra fournir à l’administration avant sa prise de fonction le 17 mars 2015 :
o 1 fiche d’État Civil ; o 1 pièce justifiant la nationalité ; o 1 estimation fournie par un luthier de la valeur du ou des instruments et archets utilisés
lors de la prise de fonction. A l’issue du concours, l’artiste musicien est engagé sous contrat à durée indéterminée assorti d’une période d’essai de 1 mois renouvelable. Cette période d’essai sera éventuellement prorogée d’une durée égale à celle des absences cumulées pour maladie dépassant six jours ouvrables et des périodes de congés payés annuels d’été. Au cours de cette période, le titulaire du contrat peut, sur notification écrite, donner son congé sans indemnité et moyennant le respect d’un préavis de 7 jours ouvrables. Durant cette même période, la direction peut, sur notification écrite, lui signifier son congé, sans indemnité et moyennant le respect d’un préavis d’un mois. L’Orchestre national d’Île-de France sera, en tout état de cause, considéré comme employeur principal. Les activités à caractère régulier, notamment d’enseignement, devront faire l’objet d’une information préalable à l’administration de l’Orchestre.
CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION La rémunération mensuelle de base actuelle (brute) d’un musicien (2ème catégorie) est de 3331,61 € au 01/01/13 à laquelle s’ajoute une indemnité de résidence de 3% et, éventuellement, un supplément familial. Le nombre d’heures de travail est de 102 heures par mois. Les artistes sont affiliés à un régime de retraite complémentaire (AUDIENS), à un régime obligatoire de prévoyance spécialement adapté à leur métier et à une mutuelle-santé obligatoire. Les heures de travail de chaque artiste musicien peuvent être assurées en scène, en fosse, en coulisse, pour concerts, spectacles lyriques et chorégraphiques, séances d’animation concerts scolaires et pédagogiques et toutes répétitions. La demande d’inscription au concours implique de la part du candidat l’acceptation sans réserve du présent règlement. Pour tout renseignement complémentaire, s’adresser à
Service concours Orchestre national d’Île-de-France 19 rue des Ecoles 94140 Alfortville
Tél : 0033 (0) 1 41 79 39 39 Fax : 0033 (0) 1 41 79 03 50
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CONCOURS - FICHE D’INSCRIPTION Pour vous inscrire au présent concours, vous devez remplir cette fiche d’inscription et la renvoyer :
- impérativement avant la date limite des inscriptions - obligatoirement accompagnée d’un curriculum vitae
Soit par mail à l’adresse suivante : [email protected] Soit par courrier (le cachet de la poste faisant foi) Madeleine Jalbert-Marie Boyer Direction de la Musique Bureau des concours – Pièce 10459 Dès réception des documents par nos services, vous êtes considéré comme inscrit et : - nous vous envoyons le livret de traits d’orchestre par mail (au plus tard 4 semaines avant le concours) - nous vous envoyons votre convocation (1 à 2 semaines avant le concours)
A remplir distinctement :
Vous désirez postuler pour le concours de (instrument) : ___________________________________ Le (date) ____________________ à Radio France, et acceptez donc les conditions mentionnées dans le règlement du concours ci-joint. Pour le (ou les postes) de : _________________________________________________________________________________ ! Orchestre Philharmonique ! Orchestre National NOM : ______________________________________ Prénom : ________________________________________ Nationalité : _______________________________ Date et lieu de naissance : le ______ /______/___________ à ________________________________________________ Adresse : _____________________________________________________________________________________________________ Code Postal : ________________________________ Ville : _____________________________________________ Pays : _________________________________________ Téléphone fixe : ______________________________ Téléphone portable : ___________________________________ Adresse e-mail : __________________________________________________________ Etes-vous déjà titulaire d’un poste à Radio France : oui non (Réservé aux candidats titulaires : vous présentez-vous au premier tour ? oui non
Jouerez-vous avec le/la pianiste de Radio France : oui non
(NB : répétitions généralement les deux jours précédant le concours)
Viendrez-vous avec votre pianiste ? oui non Comment avez-vous pris connaissance du concours ?
Presse+internet : La lettre du Musicien Diapason Autres Site internet : Radio France AFO Cité de la Musique
Musicalchairs Vioworld Autre site Presse (précisez) ________________ Affichage (précisez) ________________ Autres (précisez) _______________ A________________________ le____________________ Signature* : (*si vous répondez par mail, inscrivez simplement vos nom et prénom en toutes lettres)
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Direction Générale Adjointe Développement Social et Ressources Humaines
CONCOURS POUR LE RECRUTEMENT D’UN MUSICIEN AU SEIN DES ORCHESTRES PERMANENTS DE RADIO FRANCE
« REGLEMENT DE CONCOURS » I – CONDITIONS GENERALES Pour être admis à concourir, les candidats doivent être âgés de 18 ans révolus à la date de prise de fonction du poste pour lequel ils postulent. Le concours est ouvert aux candidats de toute nationalité. Sont précisés en annexe I au présent règlement : - les définitions des emplois à pourvoir ; - les rémunérations correspondantes ; - les différentes dates de prises de fonction ; - les dates des épreuves ; - les dates de dépôt des candidatures. En annexe II, les candidats trouveront, pour chaque épreuve les concernant, les titres des morceaux imposés. Les partitions des traits d’orchestre ne seront envoyées qu’aux seuls candidats inscrits. Une convocation sera adressée à chaque candidat préalablement au déroulement des épreuves. La demande d’inscription au concours implique, de la part des candidats, l’acceptation sans réserve des conditions du présent règlement. II – FICHE D’INSCRIPTION – DEPOT DES CANDIDATURES Pour s’inscrire à un concours, les candidats doivent remplir la fiche d’inscription prévue à cet effet. La fiche d’inscription doit être renvoyée, accompagnée d’un curriculum vitae, au plus tard avant la date de clôture des inscriptions, au bureau de l’Administration des Concours :
" par e-mail à l’adresse suivante : [email protected] ; " par courrier à l’adresse suivante (le cachet de la poste faisant foi) :
Madeleine Jalbert-Marie Boyer
Direction de la Musique Bureau des Concours – pièce 10459
Maison de Radio France 116 avenue du Président Kennedy
75220 PARIS CEDEX 16
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La fiche d’inscription doit comporter les renseignements suivants : - NOM et prénoms - Date et lieu de naissance - Nationalité - Adresse et numéro de téléphone
Les candidats déjà titulaires d’un poste au sein d’une des formations musicales de Radio France seront admis d’office au second tour, mais peuvent se présenter au premier s’ils le souhaitent (cf note directeur de la Musique, Thierry Beauvert, du 28 novembre 2008).
Ces candidats sont priés de procéder à leur inscription dans les délais prévus par le bureau des concours en répondant au questions prévues pour leur cas. III – PRISE DE FONCTION Le candidat reçu au concours devra fournir à l’Administration des concours, au moment de sa prise de fonction, une pièce justifiant sa nationalité. IV – REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DE CANDIDATS DE NATIONALITE ETRANGERE Pour les lauréats de nationalité étrangère, les dates de prise de fonction des postes mis au concours seront suspendues à la réunion des deux conditions suivantes : - être en règle avec la législation française en vigueur sur l’emploi des ressortissants étrangers :
" titre de séjour en cours de validité ; " autorisation de travail.
(Radio France pourra assister les lauréats dans ces démarches) - être définitivement dégagés de toutes obligations nationales et militaires (justificatifs à fournir). V – DEROULEMENT DES EPREUVES Le concours est constitué de trois à quatre épreuves devant un jury. Une des épreuves pourra se dérouler avec orchestre ou en formation de musique de chambre. Le lieu des épreuves est précisé dans la convocation. VI – FRAIS DE TRANSPORT Les frais de transport et de séjour seront à la charge des candidats. Cependant, Radio France remboursera le coût du transport aux candidats finalistes sur un poste de super-soliste (catégorie A) sur présentation du justificatif original : - pour un musicien résidant en France (hors Ile-de-France) :
- remboursement sur la base d’un trajet en train en 1ère classe ; - pour un musicien résidant à l’étranger :
- pour un déplacement en avion, remboursement sur la base d’un trajet en classe économique ; - pour un déplacement en train, remboursement sur la base d’un trajet en 1ère classe.
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VI – RESULTATS – DISPOSITIONS PARTICULIERES Le jury du concours se réserve le droit, en fonction des résultats obtenus, de ne pas pourvoir les emplois offerts. Au cas où l’emploi proposé par le jury serait refusé par le lauréat le jour du concours, aucune autre proposition ne pourra lui être faite et il perdra le bénéfice du résultat obtenu. VII – CONDITIONS D’ENGAGEMENT Les lauréats seront soumis aux dispositions de la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles et de son annexe 11 concernant les artistes musiciens et choristes des formations permanentes de Radio France.
La visite médicale d’embauche est obligatoire et l’établissement du contrat des lauréats sera subordonné au certificat d’aptitude délivré par le médecin du travail de la Société.
Conformément aux dispositions de l’article 22 de l’annexe 11 à la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles, les lauréats seront soumis à une période probatoire de six mois. La durée de cette période probatoire peut éventuellement être prolongée une fois, sans que cette prolongation puisse excéder la durée initiale. En outre s’il est constaté que l’engagement définitif doit être subordonné à l’acquisition d’une plus grande maîtrise exigée par le poste, il pourra être procédé à une audition de fin de période probatoire.
Les lauréats déjà titulaires d’un poste au sein d’une des deux formations musicales permanentes de Radio France (Orchestre National de France et Orchestre Philharmonique de Radio France) seront soumis à une période probatoire de six mois (renouvelable une fois pour six mois maximum). Sur proposition du jury, un musicien déjà titulaire obtenant par concours une promotion dans sa formation peut être dispensé de la période probatoire. Les musiciens des Orchestres et du Chœur accordent une priorité absolue de travail à Radio France. Ils sont appelés à accomplir 1110h de travail par an.
Convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles – version applicable au 7 avril 2011
CCN EAC
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TITRE XV : DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES À L’EMPLOI DES ARTISTES MUSICIENS Ce titre vient annuler et remplacer le texte de l’ANNEXE intitulée : « rapports entre les directeurs de entreprises artistiques et culturelles, les centres dramatiques et les artistes musiciens du 7 mai 1985». Préambule L’emploi des artistes musiciens est caractérisée par des situations contractuelles et d’organisation du travail différentes selon qu’ils sont employés au sein d’ensembles musicaux à nomenclature, d’ensembles musicaux sans nomenclature, dans le secteur des musiques actuelles, et au sein d’entreprises de création dramatique. Orchestres à nomenclature Les orchestres à nomenclature sont des ensembles de toutes esthétiques musicales dont l’accomplissement des missions pour lesquelles ils sont financés nécessite le recours récurrent pour leur programmation à un effectif minimal constant d’instrumentistes. La nomenclature de ces emplois est fixée par le C.A., et/ou par l’administration, de ces orchestres. Elle détermine le nombre, les fonctions et les rémunérations des emplois nécessaires à l'activité normale de ces ensembles dans le respect des grilles de classification de la présente convention. La nomenclature doit permettre de répondre aux missions de service public assignées par les tutelles, au travers des cahiers des charges lorsqu’ils existent. Cette adéquation doit être garantie par la diversité des familles d’instruments et par un nombre de musiciens adapté au répertoire et aux activités régulières de l’orchestre. Cet effectif doit satisfaire aux exigences de qualité artistique dans le respect de la réglementation en matière d’organisation du temps de travail prévue par la convention collective et/ou par accord d’entreprise. Les orchestres à nomenclature sont caractérisés par:
• des séries de représentations préparées par plusieurs répétitions ; • une organisation du travail en services, dont le nombre et le volume d’heures concernés sont
limités par jour, semaine, trimestre et année. • Une formalisation du rapport entre le travail effectif et le travail au pupitre ou musical.
Ces orchestres comprennent :
Les orchestres dont l’activité requiert des emplois artistiques équivalents-temps-complet, qui relèvent du CDI, et dont le mode de recrutement est le concours. La nomenclature est l’organigramme de référence pour l’organisation des concours de recrutement ou pour le remplacement temporaire de musiciens. Tous les deux ans, le C.E. ou le C.E. conventionnel procède à une évaluation de cette nomenclature au regard de l’évolution des missions, du volume d’emploi sous CDD pour surcroît d’activité ou d’usage et du nombre d’heures supplémentaires rémunérées au cours de la période étudiée. Le C.E. ou le C.E. conventionnel peut proposer au CA et/ou à l’administration de faire évoluer la nomenclature s’il considère que la nomenclature en vigueur est inadaptée.
• Les orchestres dont la pratique d’emploi recourt au CDD, et : • Qui font appel de manière récurrente à un effectif minimal constant de 25 instrumentistes, et
qui sont dirigés ;
• et qui ont pour mission principale la diffusion sur un territoire clairement délimité, ce qui implique un recours exceptionnel aux tournées en dehors de ce territoire.
Orchestres sans nomenclature Ce sont des orchestres ne répondant pas aux critères définis pour les orchestres à nomenclature.
Convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles – version applicable au 7 avril 2011
CCN EAC
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Article XV- 1 Dispositions relatives à l’emploi et à l’engagement des artistes
XV- 1.1 Recrutement a) Modes de recrutement Les artistes-musiciens sont recrutés par concours, par audition ou de gré à gré. b) Concours Le concours est le mode normal de recrutement en CDI, lorsqu’il existe une vacance ou une création d’emploi dans la nomenclature d’une formation orchestrale. Le concours de recrutement est ouvert sur les plans européen et international selon les dispositions propres à chaque formation instrumentale, et bénéficie d'une large publicité. Sous réserve du respect des principes énoncés ci-après, les règles relatives à l’organisation des concours sont fixées par accord d'entreprise. Le jury est composé paritairement, d’une part de représentants des artistes de la formation instrumentale, formant le collège des musiciens, d’autre part, de représentants de la direction, dont le Directeur musical, président du jury, formant le collège de la direction. Le mode de scrutin des concours est le vote à bulletin secret et à majorité simple, avec voix prépondérante du président du jury en cas de partage égal des voix. Les accords d’entreprise pourront prévoir un mode de scrutin différent. Il appartient à la direction de chaque formation instrumentale, lors de toute procédure de recrutement, de communiquer aux candidats les modalités de déroulement du concours. Le concours comporte plusieurs épreuves dont la première a lieu obligatoirement derrière paravent. Le choix des œuvres inscrites aux épreuves du concours est établi par la direction après consultation du Directeur musical, des chefs de pupitre concernés et, éventuellement, de toute autre personne désignée par accord d’entreprise. Outre les délégués syndicaux, au maximum deux représentants élus peuvent assister au déroulement des concours à titre d’observateurs. Les modalités d’établissement du procès-verbal du concours sont définies par accord d’entreprise. Vacance d’emploi et délai de concours Toute vacance d’emploi doit donner lieu à un concours de recrutement dans un délai de 6 mois à compter de la vacance du poste. Dès lors que ce délai est écoulé, elle fait l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour d’une réunion du comité d’entreprise, ou à défaut des délégués du personnel. Vacance d’emploi et promotion interne Tout artiste qui justifie d’une ancienneté d’au moins 12 mois consécutifs au sein de la formation instrumentale, dès lors qu’il se présente à un concours organisé par celle-ci est exempté, s’il le désire, de la première épreuve. La date du concours est arrêtée en fonction du calendrier de la formation afin de permettre à l’intéressé de s’y préparer sans devoir s’absenter. Elle fait l’objet d’une information auprès des représentants élus du personnel. A défaut, et sans préjudice de dispositions plus favorables prévues dans les accords d’entreprise, un congé de 7 jours calendaires consécutifs précédant immédiatement le concours lui sera accordé, dont 3 jours rémunérés. Afin de préserver le bon fonctionnement de l’activité de la formation, le nombre d’artistes pouvant bénéficier de ce congé se situe, dans chaque pupitre concerné par le poste mis au concours, dans une limite maximum de 25 % de l’effectif de ce pupitre et d’un minimum d’une personne. Au cas où cette limite serait atteinte :
• l’artiste à qui un ou plusieurs refus ont été opposés lors de précédentes demandes est prioritaire pour bénéficier de cette mesure.
• le Comité d’Entreprise, ou à défaut les représentants élus du personnel, détermine la liste des artistes pouvant obtenir ce congé, selon les critères suivants :
• l’ancienneté de l’artiste au sein de la formation, du plus ancien au plus récemment recruté, • les congés déjà obtenus pour la promotion interne ; priorité étant donnée aux artistes n’ayant
jamais bénéficié de ce congé. Toute nouvelle demande effectuée après un congé obtenu est soumise à un délai de carence de deux ans.
Convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles – version applicable au 7 avril 2011
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En cas de réussite au concours, l’artiste effectue une période d'essai de six mois. A l'issue de celle-ci, l’artiste est, soit confirmé dans ses nouvelles fonctions, soit réintégré dans son poste précédent. Reclassement Un artiste peut à tout moment demander à être reclassé dans un emploi d’une catégorie inférieure, avec maintien de sa rémunération, au sein de la formation instrumentale. La Direction fera droit à cette demande sous réserve des nécessités liées au bon fonctionnement de la formation. Concours externes Afin de favoriser la promotion professionnelle et la mobilité reconnues aux artistes, la Direction accorde un congé non rémunéré à l’artiste qui en ferait la demande afin de pouvoir se présenter à un concours de recrutement d’une autre formation instrumentale. Sans préjudice de dispositions plus favorables des accords d’entreprise, et afin de préserver le bon fonctionnement de l’activité de la formation, le nombre d’artistes pouvant bénéficier de ce congé est limité à un salarié de l’effectif du pupitre concerné. Dans le cas d’une pluralité de demandes :
• l’artiste à qui un ou plusieurs refus ont été opposés lors de précédentes demandes est prioritaire pour bénéficier de cette mesure. • le Comité d’Entreprise, ou à défaut les représentants élus du personnel, détermine la liste des artistes pouvant obtenir ce congé, selon les critères suivants : • l’ancienneté de l’artiste au sein de la formation, du plus ancien au plus récemment recruté, • les congés déjà obtenus pour la promotion externe ; priorité étant donnée aux artistes n’ayant jamais bénéficié de ce congé.
Toute nouvelle demande effectuée après un congé obtenu, peut être soumise au droit, par la direction, de ne l’accorder qu’après un délai de carence de deux ans. La perte de salaire consécutive à ces absences n’est pas prise en charge directement par la Direction, mais pourra être compensée par une indemnité spécifique déterminée et attribuée par le Comité d’Entreprise de chaque formation instrumentale. c) Audition L’audition est annoncée par voie de presse ou tout autre moyen de communication. L’audition se déroule devant un minimum de deux personnes choisies par l’employeur, qui retiendront l’artiste-musicien le mieux adapté au poste à pourvoir. Au moins l’un des deux auditeurs est un artiste musicien. Cet artiste peut être le directeur artistique ou musical dès lors que celui-ci justifie d’une pratique d’artiste interprète. d) Gré à gré Le recrutement de gré à gré se fait sur expérience professionnelle reconnue, sur réputation ou sur titre. XV- 1.2 Contrats a) Signature des contrats Le contrat doit être établi au minimum en 2 exemplaires, datés, paraphés et signés par les deux parties.
Lorsque le contrat de travail est un contrat à durée déterminée, les deux exemplaires doivent être transmis au salarié au plus tard 15 jours ouvrables précédant l’engagement.
Si le contrat est envoyé par l'employeur au minimum 1 mois avant la date de l'engagement, l'artiste devra renvoyer son contrat au plus tard 15 jours après réception. Si le délai de prévenance est inférieur à 1 mois, l'artiste - interprète devra renvoyer son contrat dans les 8 jours. Si les délais ci-dessus n'étaient pas respectés par l'une ou l'autre partie, la partie qui n'aura pas reçu le contrat signé de son cocontractant pourrait se considérer comme déliée de tout engagement.
A défaut de remise en main propre, la pratique habituelle est l’envoi par courrier simple sauf demande expresse d’une des parties, que les envois soient effectués de part et d'autre, en recommandé avec