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ÉCOUTER SANS VOIR : L’IMPACT DU PARAVENT SUR LE RECRUTEMENT DES MUSICIEN4NE4S DES ORCHESTRES DE PARIS ET D’ÎLE4DE4FRANCE Rapport final Janvier 2015 Recherche réalisée avec le soutien de Reguina HATZIPETROU- ANDRONIKOU Centre Maurice Halbwachs Hélène PÉRIVIER OFCE-PRESAGE Sciences Po Chiara NOE OFCE-PRESAGE Sciences Po Hyacinthe RAVET IREMUS Université Paris-Sorbonne

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SOMMAIRELISTE DES TABLEAUX p. 4LISTE DES GRAPHIQUES p. 4INTRODUCTION p. 5PREMIÈRE PARTIE : AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SURLES PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIREp. 71. De l’utilisation du paravent dans les concours p. 71. 1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire p. 71. 2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres p. 91. 3 Le temps d’uniformisation des procédures p. 102. Les recherches sur les discriminations à l’embauche p. 112.1 Mettre au jour la discrimination p. 112.2 Mesurer l’impact du paravent p. 123. Méthodologie et terrain de l’enquête p. 133.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France p. 133.2 Accès au terrain p. 163.3 Présentation du matériau de l’étude p. 17DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES p. 191. Les orchestres du panel étudié p. 191.1 La profession de musicien-ne d’orchestre p. 191.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque orchestre p. 252. Le paravent dans les concours p. 312.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement p. 312.2 Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours p. 342.3 Le paravent et la question des discriminations à l’embauche p. 39TROISIEME PARTIE : ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS p. 431. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique p. 431.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux p. 431.2 Les contraintes imposées par la base de données p. 441.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s p. 441.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la périodeobservée p. 451.2.3 Données manquantes sur l’âge p. 462. Exploration préliminaire de la base de données Ardis-Orchestres p. 462.1 Description des orchestres et des profils des candidats p. 4632.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés p. 462.1.2 Le profil des candidat-e-s p. 512.2 Analyse du processus de sélection durant les concours p. 582.2.1 Un effet « virtuose » et/ou effet « disponibilité » p. 582.2.2 Un processus d’élimination des femmes p. 612.2.3 Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination p. 68Les méthodes quantitatives possibles p. 68Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ? p. 71CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES p. 74BIBLIOGRAPHIE p. 77ANNEXES p. 79

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IREMUS Université Paris-Sorbonne

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Aide au financement du projet : Alliance de Recherche sur les Discriminations-Domaine d’intérêt majeur « Genre, inégalités, discriminations », Région Ile-de-France Institution porteuse du projet :

OFCE-PRESAGE- Sciences Po

Responsables scientifiques :

Hyacinthe RAVET Université Paris Sorbonne Centre universitaire Clignancourt 2 rue Francis de Croisset 75018 Paris [email protected]

Hélène PÉRIVIER PRESAGE, OFCE, Sciences Po 69, quai d’Orsay, 75007, Paris Tél.:01.44.18.54.92 [email protected]

Composition de l’équipe:

Reguina HATZIPETROU-ANDRONIKOU Centre Maurice Halbwachs

Chiara NOE PRESAGE, OFCE

Hélène PÉRIVIER PRESAGE, OFCE

Hyacinthe RAVET Université Paris Sorbonne Amaia CARDIEL Sciences Po, en stage à l’OFCE

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SOMMAIRE LISTE DES TABLEAUX p. 4

LISTE DES GRAPHIQUES p. 4

INTRODUCTION p. 5

PREMIÈRE PARTIE : AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SUR LES PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIRE

p. 7

1. De l’utilisation du paravent dans les concours p. 7

1. 1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire p. 7

1. 2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres p. 9

1. 3 Le temps d’uniformisation des procédures p. 10

2. Les recherches sur les discriminations à l’embauche p. 11 2.1 Mettre au jour la discrimination p. 11

2.2 Mesurer l’impact du paravent p. 12

3. Méthodologie et terrain de l’enquête p. 13

3.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France p. 13

3.2 Accès au terrain p. 16

3.3 Présentation du matériau de l’étude p. 17

DEUXIEME PARTIE : LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES p. 19

1. Les orchestres du panel étudié p. 19

1.1 La profession de musicien-ne d’orchestre p. 19

1.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque orchestre p. 25

2. Le paravent dans les concours p. 31

2.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement p. 31

2.2 Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours p. 34

2.3 Le paravent et la question des discriminations à l’embauche p. 39

TROISIEME PARTIE : ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS p. 43 1. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique p. 43 1.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux p. 43

1.2 Les contraintes imposées par la base de données p. 44

1.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s p. 44

1.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la période observée p. 45

1.2.3 Données manquantes sur l’âge p. 46

2. Exploration préliminaire de la base de données Ardis-Orchestres p. 46

2.1 Description des orchestres et des profils des candidats p. 46

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2.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés p. 46

2.1.2 Le profil des candidat-e-s p. 51

2.2 Analyse du processus de sélection durant les concours p. 58

2.2.1 Un effet « virtuose » et/ou effet « disponibilité » p. 58

2.2.2 Un processus d’élimination des femmes p. 61

2.2.3 Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination p. 68

Les méthodes quantitatives possibles p. 68

Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ? p. 71

CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES p. 74

BIBLIOGRAPHIE p. 77

ANNEXES p. 79

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LISTE DES TABLEAUX

TABLEAU 1 : Récapitulatif de la saisie de données p. 18

TABLEAU 2 : Répartition par sexe pour chaque pupitre d’instrument dans les orchestres permanents français

p. 24

TABLEAU 3 : Récapitulatif des résultats à l’ensemble des 94 concours (105 postes) de la période observée

p. 25

TABLEAU 4 : Les lauréat-e-s par instrument et par sexe pour les 74 postes effectivement pourvus

p. 28

TABLEAU 5 : Récapitulatif des résultats aux concours inclus dans la base de données

p. 30

TABLEAU 6 : Récapitulatif de l’usage du paravent dans les orchestres étudiés p. 35

TABLEAU 7 : Description de 5 concours pour lesquels l’information est incomplète dans la base Ardis-Orchestres

p. 45

TABLEAU 8 : Récapitulatif des concours et des recrutements p. 54

TABLEAU 9 : Proportion de chaque sexe à différents stades du processus de recrutement

p. 67

LISTE DES GRAPHIQUES GRAPHIQUE 1 : Répartition des hommes par instrument en fonction de celle

des femmes pour deux groupes d’orchestres p. 21 GRAPHIQUE 2 : Evolution des taux de féminisation dans les orchestres

membres AFO entre 2001 et 2009 p. 23 GRAPHIQUE 3 : Taux de féminisation dans les orchestres de Paris et d’Ile-de-

France et ceux du panel Ardis-Orchestres en 2014 p. 23 GRAPHIQUE 4 : Nombre de candidat-e-s au 1er tour par instrument pour

chaque orchestre p. 48 GRAPHIQUE 5 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par

instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres p. 50 GRAPHIQUE 6 : Distribution des âges des candidat-e-s au 1er tour pour les

orchestres utilisant le paravent et ceux qui ne l’utilisent pas p. 52 GRAPHIQUE 7 : Répartition par sexe des niveaux d’éducation pour tous les

orchestres et tous les instruments p. 53 GRAPHIQUE 8 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par

instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres (solistes) p. 56 GRAPHIQUE 9 : Taux de féminisation et effectif total au 1er tour par

instrument, pour tous les concours et pour tous les orchestres (tuttistes) p. 57 GRAPHIQUE 10 : Répartition des candidat-e-s selon la nationalité et taux de

féminisation de chaque nationalité pour l’ensemble des orchestres p. 58 GRAPHIQUE 11 : Nombre de candidat-e-s par tour et par sexe, pour tous les

orchestres du panel et tous les instruments p. 60 GRAPHIQUE 12 : Effectifs d’hommes pour chaque tour, par instrument, pour

tous les orchestres p. 63 GRAPHIQUE 13 : Effectifs de femmes pour chaque tour, par instrument, pour

tous les orchestres p. 64 GRAPHIQUE 14 : Evolution du taux de féminisation entre les différents tours

des concours pour l’ensemble des orchestres p. 66

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INTRODUCTION

Le « paravent » est-il un outil de lutte contre les discriminations sociales,

sexuées ou ethniques ? Les auditions « à l’aveugle » sont-elles possibles de bout en

bout des procédures de recrutements et sont-elles efficaces lors du recrutement de

musicien-ne-s dans les orchestres professionnels ? L’utilisation du paravent a-t-elle

permis d’élargir le profil des musicien-ne-s recruté-e-s ? L’aide au financement de la

recherche par l’ARDIS, financée par la Région Île-de-France dans le cadre du

Domaine d’intérêt majeur « Genre, inégalités, discriminations », a permis d’explorer

des réponses possibles à cet ensemble de questions. Cette recherche s’appuie sur

une analyse qualitative et une analyse statistique des concours de recrutement dans

les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France. Combinant approche

sociologique et approche économique des discriminations, elle vise à montrer

l’impact de l’instauration de procédures « à l’aveugle » lors des recrutements et à

décrypter les discours et perceptions autour de la mobilisation éventuelle du

« paravent ». Elle interroge essentiellement la dimension sexuée du recrutement des

musicien-ne-s, mais ouvre également des pistes pour intégrer des dimensions

reposant sur d’autres critères de possibles discriminations (âge, origine ethnique,

handicap …).

Ce rapport s’appuie sur les données collectées de décembre 2013 à septembre

2014, dans le but d’évaluer l’impact du paravent dans les recrutements des musicien-

ne-s. Pour cela, nous avons construit une base de données à partir des informations

dont disposent les orchestres, ce qui n’a pas été sans difficulté, nous nous en

expliquerons. Le travail d’analyse quantitative se concentre sur les données des

concours de recrutement de cinq orchestres de Paris et d’Ile-de-France depuis les

années 2000 et jusqu’en 2014. L’analyse qualitative, quant à elle, mobilise des

données de type ethnographique et des données issues d’entretiens menés avec des

responsables et administratifs des orchestres. Nous remercions les équipes de ces

orchestres qui nous ont aidées à réaliser ce travail. Le rapport présente ainsi le

contexte et les enjeux des recrutements dans les orchestres permanents de Paris et

d’Ile-de-France considérés aux yeux des acteurs concernés par la mise en place de ce

type de dispositif, ainsi qu’une première salve de résultats quant à l’apport des

procédures « à l’aveugle » en matière de discrimination lors des recrutements des

quinze dernières années.

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Construite en trois temps, la réflexion porte tout d’abord sur la manière dont

cette étude s’inscrit dans le paysage des recherches sur les professions musicales et

sur les procédures de recrutement discriminatoires (I). Elle aborde ensuite la

problématique de l’introduction du paravent au travers des caractéristiques propres à

ce type d’institution culturelle et des spécificités de chacune d’entre elles. Elle précise

ainsi les modalités concrètes de concours pour chacun des orchestres considérés (II).

Enfin, elle se concentre sur les données collectées afin d’envisager l’impact possible

d’un tel dispositif sur les recrutements et montre les pistes possibles

d’approfondissement de la recherche (III).

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PREMIERE PARTIE :

AU CROISEMENT DES TRAVAUX SUR LES MUSICIEN-NE-S ET SUR LES

PROCEDURES D’EMBAUCHE ANTIDISCRIMINATOIRE

1. De l’utilisation du paravent dans les concours

1.1 La place des femmes dans les orchestres : retour sur l’Histoire

Les travaux sur les musicien-ne-s et en particulier sur les femmes et la

musique montrent que la mixité femmes-hommes est une réalité ancienne (Launay,

2008). Hommes et femmes professionnel-le-s se partagent les scènes lyriques en

France depuis la création de l’opéra au début du XVIIe siècle, par exemple. La

musique est également l’un des domaines où les femmes ont été parmi les premières

diplômées de l’enseignement supérieur (le Conservatoire de Paris étant mixte dans

son recrutement depuis sa fondation dans le sillage de la Révolution Française). Les

musiciennes se sont aussi illustrées dans l’enseignement (comme professeures de

piano et de chant, notamment) et ont été et restent très nombreuses parmi les

amateurs. Elles représentent aujourd’hui 55 % des élèves des écoles de musique et

conservatoires agréés par l’Etat (DEPS, 2010). Toutefois, l’accès des femmes à toutes

les professions musicales a été difficile (Buscatto, 2007 ; Launay, 2008 ; Ravet, 2011 ;

Hatzipetrou-Andronikou, 2012) – et demeure problématique pour certains postes

comme celui de chef d’orchestre.

Les instrumentistes, en particulier, ont peiné à être admises dans les classes

d’instrument des conservatoires, à jouer dans l’espace public en tant que

professionnelles et à intégrer les orchestres (Ravet, 2011). Mise à part « la » harpiste,

voire quelques violonistes à la fin du XIXe siècle, ces ensembles professionnels ont

longtemps été réfractaires à l’engagement de femmes dans leurs rangs. Des

polémiques ont surgi en France jusque dans les années 1970, le refus de l’accès des

femmes s’appuyant sur des arguments, comme la maternité, déjà mis en avant pour

d’autres professions. Mais d’autres arguments sont aussi développés. D’une part,

l’exposition du corps féminin sur une scène a longtemps paru indécente. D’autres

part, jouer « comme une femme » ne s’apparenterait pas à « jouer comme un

homme », selon certains réfractaires à l’entrée des femmes dans les orchestres. La

différenciation sexuée jouerait ici à plein, la sonorité des instrumentistes femmes

étant supposée – selon eux – de moindre puissance de projection et être marquée par

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la « faiblesse ». Le son d’un orchestre recrutant des musiciennes risquerait donc de

perdre de sa « couleur » et de son « homogénéité ». Egalement, les femmes seraient

sujettes à une moindre résistance à la fatigue et à la pression du jeu scénique.

D’autres arguments négatifs encore tiennent à la perturbation de l’entre-soi masculin

créée par la présence des femmes dans l’orchestre, lesquelles seraient supposées ne

pas partager tout à fait les mêmes intérêts que leurs collègues hommes et susceptibles

de semer la « zizanie » au sein d’un ensemble. L’Orchestre philharmonique de Vienne

n’a ainsi accepté de titulariser une femme – une harpiste – en son sein qu’en 1997 et

reste célèbre pour sa misogynie. Les normes de genre appliquées à la pratique d’un

instrument de musique contribuent à expliquer le caractère sexué des recrutements

et des processus discriminatoires dans l’accès des femmes aux orchestres

professionnels.

En France, depuis les années 1970, s’opère une réelle ouverture des orchestres

aux femmes : de l’éventuelle harpiste à un tiers de femmes dans leurs rangs

actuellement (AFO, 2010), on observe une véritable mutation. Les femmes occupent

cependant encore une place spécifique : elles restent absentes de certains pupitres et

de certains postes. Davantage présentes dans les instruments à cordes que parmi les

cuivres, elles sont aussi plus rarement solistes que leurs collègues masculins (huit

solistes sur dix sont des hommes) (Ravet, 2011). Il y a là une variation notable selon

l’instrument et les représentations – mouvantes – qui lui sont associées. Selon des

observateurs de la profession (comme les musiciens et les régisseurs d’orchestre), ces

recrutements ont bénéficié en grande partie de la présence d’un paravent masquant

le / la candidat-e lors des auditions de recrutement. Un élément tangible confortant

cette hypothèse réside dans le recrutement des orchestres d’harmonie militaires.

Paradoxalement, les femmes instrumentistes à vent, telles que des clarinettistes, sont

entrées d’abord dans ces ensembles de tradition masculine, où un paravent était

présent de bout en bout du concours. Elles ont été recrutées ensuite dans des

orchestres civils.

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1.2 Contexte historique du recrutement dans les orchestres1

Historiquement, la présence d’un « paravent » pour masquer le / la candidat-e

s’inscrivait dans un souci d’ouverture du recrutement au-delà de la cooptation parmi

le cercle des (ancien-ne-s) élèves et des connaissances du chef de pupitre et / ou du

chef d’orchestre.

Objet de revendications féministes dans les années 1970, la présence d’un

« paravent » lors des concours demeure, pour les femmes mais aussi les non-Blanc-

he-s ou les personnes en situation de handicap, un véritable enjeu. Au début des

années 1980, plusieurs femmes instrumentistes à vent sont ainsi admises dans des

orchestres militaires ou assimilés, profitant de l’opportunité de l’ouverture statutaire

de l’Armée aux femmes pour la majorité des fonctions militaires et ce, au même titre

que les hommes. La Garde Républicaine, par exemple, est tenue de recruter de

manière mixte, obligation qui s’applique aussi à la Musique (les orchestres). Une

première femme clarinettiste y entre en 1985. C’est l’époque du « paravent » qui,

paradoxalement compte tenu du contexte militaire, ouvre de nouvelles possibilités

aux femmes : lors des auditions de recrutement, un rideau ou un véritable paravent

cache le / la candidat-e aux yeux du jury, censé évaluer à l’oreille uniquement, et ce,

de bout en bout du concours. L’exemple de l’orchestre de la Garde Républicaine est

particulièrement éclairant dans la mesure où, comme le montre la troisième partie du

rapport, c’est l’ensemble du processus de recrutement qu’il convient d’interroger et

non pas seulement le tour durant lequel le paravent est utilisé.

Dans ces orchestres, la question est cruciale. En effet, ces concours sont

souvent assortis de l’usage du paravent de bout en bout de la procédure. Or certains

musiciens sont réticents au recrutement de femmes notamment parce que, lorsque

ces dernières « tombent enceintes », elles ne peuvent se faire remplacer, en raison du

statut militaire (ou assimilé) de l’orchestre, donc non ouvert aux civils. Ce sont alors

les autres personnes du pupitre qui doivent s’arranger entre elles. Aussi,

régulièrement, ressurgissent des débats autour de l’usage du paravent, certains

désirant le supprimer.

Même avec un paravent ou un rideau masquant le / la candidat-e, certains

membres de jury essaient de deviner qui, d’une femme ou d’un homme, se trouve

1 Cette sous-partie, comme la précédente à propos des instrumentistes d’orchestre, s’appuie sur les travaux de l’une des membres de l’équipe, Hyacinthe Ravet, synthétisés dans Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique (Paris, Autrement, 2011) que nous ne mentionnerons donc pas systématiquement.

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caché-e (ce qui a le mérite d’obliger à écouter attentivement le / la candidat-e

potentiel-le et non à juger du premier coup d’œil), en essayant de le déceler à la

respiration (censée être « plus aiguë » pour une femme) ou croyant parfois

reconnaître une « finesse d’exécution » (qualifiée alors de « féminine »). D’où un

ensemble de stratégies déployées par les pionnières, parfois conseillées par leurs

professeurs (hommes) pour dissimuler leur identité : « ne pas répondre » (à un

éventuel « bonjour »), « ne pas porter de talons », voire « marcher d’un pas lourd »…

Une soliste longtemps responsable d’un pupitre de cordes dans un orchestre

permanent parisien raconte qu’elle a « mis des gros godillots » et a volontairement

« marché d’un pas pesant » lors de l’audition. Le jury n’a pas deviné que le candidat

retenu était une femme. Lorsqu’ils l’ont découvert, certains musiciens de l’orchestre

ont regimbé et tenté de faire pression pour que le concours soit annulé. Elle a été

finalement la première femme soliste recrutée dans cet orchestre où elle a mené toute

sa carrière.

1.3. Le temps d’uniformisation des procédures

Aujourd’hui, lors du recrutement de musicien-ne-s titulaires de leur poste

(qu’il / elle soit violoniste du rang ou première flûte solo, par exemple), nombreux

sont les orchestres civils permanents français qui pratiquent des auditions « à

l’aveugle », au moins pour le premier tour. L’objectif consiste à éviter les procédures

discriminatoires tant à l’égard des femmes que des individus non blancs, mais

également à préserver l’anonymat des candidat-e-s.

Cette procédure de recrutement concerne tout particulièrement les orchestres

permanents, civils et militaires qui recrutent des titulaires affectés à un poste bien

défini. Les ensembles intermittents fonctionnent différemment. Ils comportent

souvent en leur sein un noyau dur de musiciens « quasi-permanents » et des

musiciens appelés selon les projets. Le recrutement de ces instrumentistes freelance

– le plus souvent intermittent-e-s du spectacle2 – se fait généralement par cooptation,

mais certains ensembles auditionnent également.

2 Qu’il ne faut pas confondre avec les musicien-ne-s « supplémentaires », dont nous évoquerons le cas par la suite. Ces musicien-ne-s freelance ne sont pas rattaché-e-s en particulier à un orchestre par contrat à durée indéterminée. Ils travaillent précisément « au cachet », production par production. Certains d’entre ces musicien-ne-s se présentent parfois aux concours d’orchestre, mais le plus souvent ils / elles sont spécialistes d’autres répertoires (musique ancienne, en particulier, musique contemporaine…).

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2. Les recherches sur les discriminations à l’embauche

2.1. Mettre au jour la discrimination

Dans un contexte d’égalité formelle, les inégalités de traitement des individus

en raison de caractéristiques personnelles comme le sexe, l’origine ethnique ou

raciale, l’orientation sexuelle, l’âge ou le handicap3, tant au moment du recrutement

que tout le long de la carrière, sont assez présentes dans le monde du travail

(Milewski et Périvier, 2011).

Mesurer la discrimination et ses effets exige de pouvoir isoler l’effet des

facteurs discriminatoires (sexe, origine ethnique, âge, handicap…) de l’effet des

différences de caractéristiques individuelles (diplôme, expérience, talent…). Notons

que derrières les différences de caractéristiques individuelles peuvent se cacher des

processus discriminatoires. La littérature concernant la mesure des discriminations

est vaste : s’agissant des salaires, de nombreux travaux s’appuyant sur les

décompositions de l’écart de rémunération selon la méthode d’Oaxaca-Blinder ont

pointé l’ampleur des discriminations salariales (voir notamment Meurs et Ponthieux,

2000) ; s’agissant de l’accès à des postes à responsabilité, on recherche à mesurer

toute choses égales par ailleurs la moindre probabilité des femmes d’accéder à des

promotions (voir notamment Gobillot, Meurs et Roux, 2015).

Pour mesurer la discrimination, on peut aussi s’appuyer sur des techniques

visant à masquer le critère sur lequel repose la discrimination. Les données

mobilisées doivent permettre d’observer une sélection de candidat-e-s réalisée à

partir d’un groupe d’individus selon deux procédures, l’une ouverte et l’autre

masquant la caractéristique sujette à discrimination (sexe, origine ethnique...). Or ces

données sont rarement disponibles.

Pour contourner ce point, les économistes procèdent souvent à des expériences

contrôlées en utilisant par exemple la méthode du testing. Dans ce cas, une base de

données est constituée par des réponses fictives à des offres d’emploi réelles ; les

réponses sont construites par paire, les candidatures dans chaque paire ne différant

que par la caractéristique dont on cherche à isoler l’effet sur la probabilité

d’embauche de la personne (Newmark et al., 1996). Plusieurs études portant sur la

discrimination sur la base du sexe fait avec l’envoi de CV anonymes (Levinson, 1975 ;

3 D’un point de vue juridique l’article 225-1 du code pénal défini et reconnait dix-huit motifs de discrimination liés à des caractéristiques personnelles. Par ailleurs, d’autres paramètres, comme par exemple le lieu de résidence, peuvent être des motifs de discrimination à l’embauche notamment.

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Riach, Rich, 1987 en Australie ; Weichselbaumer, 2004 en Autriche ; Petit, 2004 pour

la France ; Riach, and Rich, 2006 en Angleterre et Carlsson et Rooth, 2008 en Suède ;

Behagel et al., 2011).

2.2. Mesurer l’impact du paravent

Le cas du recrutement des musicien-ne-s d’orchestre « à l’aveugle », c’est-à-

dire avec l’utilisation d’un paravent au moment de l’audition, présente des similarités

avec le cv anonyme, notamment le fait de rendre invisible la ou les caractéristiques

pouvant induire une inégalité de traitement. Cependant, à l’inverse du CV anonyme,

il constitue une épreuve de sélection fondée sur la mise en pratique de la compétence

principale demandée : la performance musicale.

Toutefois, le recours à une évaluation multicritères de la qualité de chaque

candidature constitue un obstacle pour isoler les facteurs conduisant à l’embauche ou

non d’une personne. Le recrutement de musicien-ne-s a ceci de spécifique – a priori,

car cela fait débat au sein des professions orchestrales, nous allons précisément y

revenir en deuxième partie de ce rapport – que l’on peut apprécier la qualité de la

candidature sans avoir d’information sur son sexe ou son origine ethnique puisque

l’évaluation de la candidature n’exige ni de voir ni d’entendre la voix de la personne,

au moins dans un premier temps. La mise en place d’un paravent dans le recrutement

des musicien-ne-s d’orchestre à certains moments de la procédure de recrutement

et/ou dans certains orchestres seulement semble permettre la production de données

permettant d’estimer le processus de discrimination.

L’étude de Goldin et Rouse (2000) repose sur l’exploitation de ce type de

données. Elle est fondée sur une quasi-expérience naturelle appliquant la méthode

des doubles différences. Les auteures ont analysé l’effet de l’introduction d’un

paravent dans le recrutement des musicien-ne-s dans les grands orchestres

américains. Ces grands ensembles musicaux américains ont opté, à des moments

différents, pour un recrutement à l’aveugle en faisant passer les auditions derrière un

paravent afin de masquer les candidat-e-s aux membres du jury. Parmi ces

orchestres, certains utilisent le paravent de bout en bout du processus de

recrutement, d’autres seulement lors de la première étape. L’analyse repose sur les

différences entre orchestres et aussi sur le fait que le paravent n’est pas

nécessairement maintenu à tous les stades du recrutement dans un même orchestre.

Les auteures concluent que les musiciennes ont une probabilité d’avancer dans le

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13

processus de recrutement et / ou d’être embauchées plus importante quand l’audition

se fait à l’aveugle : la probabilité d’être retenue au tour suivant est accrue de 50 % et

celle d’être recrutée de 30 %. Finalement, un quart de l’accroissement du taux de

féminisation des orchestres américains constaté entre 1970 et 1996 serait dû au

paravent. Cette étude pionnière permet non seulement de mettre au jour le processus

discriminatoire qui s’exerçait à l’encontre des femmes, mais également le rôle central

de ce dispositif pour corriger le déficit de représentation des femmes dans le secteur

artistique de la musique classique. L’étude de Goldin et Rouse se concentre sur la

discrimination fondée sur la base du sexe mais n’explore pas les autres formes

possibles de discrimination (origine ethnique, âge ou encore handicap).

3. Méthodologie et terrain de l’enquête

3.1 Les orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France Au nombre de sept, les orchestres civils permanents de Paris et d’Ile-de-

France couvrent une large palette d’activités, de genres et d’esthétiques, de la

musique d’opéra et de ballets aux productions radiophoniques, en passant par le

répertoire en formation « Mozart », le répertoire en grande formation symphonique,

les musiques contemporaines, etc. Ces ensembles ne fonctionnent pas tous avec le

même statut, qui dépend notamment de leurs missions et du type de subvention

qu’ils reçoivent. Il s’agit, par ordre alphabétique4, de :

- l’Ensemble intercontemporain (EIC) : cette formation se consacre à la musique

contemporaine et comprend 31 musicien-ne-s 5 , dont 6 femmes (19 %), tou-te-s

solistes. Dans les concours de recrutement de l’Ensemble intercontemporain, le

paravent est utilisé sauf en finale. En effet, les concours de recrutement comportaient

deux tours jusqu’en 2005 (tour éliminatoire derrière paravent, finale sans paravent),

puis, à partir de 2006, ils comportent trois tours, les premier et deuxième étant

derrière paravent.

Créé par Pierre Boulez en 1976, cet orchestre est spécifique en raison de son

répertoire, de sa taille et de ses effectifs : ces derniers sont composés uniquement de

solistes et comprennent des instrumentistes à vent en plus grande proportion que

dans les autres ensembles, ainsi que trois pianistes. Il est l’un des rares orchestres

4 Les propos cités entre guillemets proviennent des sites internet de chacun des orchestres. 5 Les chiffres concernant chaque orchestre présenté concernent les postes réellement occupés en 2014 et non le nombre de postes titulaires de chaque orchestre.

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14

permanents français à proposer des postes permanents de pianiste et / ou claviériste.

Les missions de l’orchestre consistent en la « diffusion, la transmission et la

création » de la musique du vingtième siècle à aujourd’hui.

Cet orchestre est majoritairement financé par l’Etat.

- l’Orchestre de chambre de Paris (OCP) : cette formation est constituée de 43

musicien-ne-s, dont 11 femmes (25,5 %) qui se produisent en formation orchestrale,

en solistes ou en petits effectifs de musique de chambre. Le paravent est utilisé lors

de la première (sur trois) épreuve, depuis 2010.

Cet ensemble est également spécifique en raison de sa taille et de ses missions. Il se

définit notamment comme un « orchestre citoyen » qui revendique un engagement

dans la Cité. Notons que l’ensemble se nommait auparavant l’Ensemble orchestral de

Paris, un orchestre fondé en 1978 par Jean-Pierre Wallez6.

Cet orchestre est majoritairement financé par la Ville de Paris.

- l’Orchestre national d’Ile-de-France (ONDIF) : cet orchestre symphonique

comprend 95 musicien-ne-s, dont 38 femmes (40 %). Dans les concours de

recrutement de l’Orchestre national d’Ile-de-France, le paravent est utilisé au premier

tour (sur trois).

Créé en 1974 à l’initiative de Marcel Landowski, cet ensemble a pour « mission

principale de diffuser l’art symphonique sur l’ensemble du territoire régional et tout

particulièrement auprès de nouveaux publics ». Il développe ainsi une riche action

culturelle sur le territoire francilien.

Il est majoritairement financé par la Région Ile-de-France.

- l’Orchestre national de l’Opéra de Paris : cet orchestre lyrique est composé de 163

musicien-ne-s dont 62 femmes (38 %) et décliné en deux formations qui

interviennent pour l’une à l’opéra Garnier, pour l’autre à l’opéra Bastille. Le paravent

peut être utilisé ou non lors des concours de recrutement actuellement pour « tout ou

partie des épreuves ».

Doyen des orchestres permanents français, l’Orchestre national de l’Opéra de Paris

est héritier de l’Académie royale de musique de l’Ancien Régime. Il assure « presque

6 Dont les propos à la création de l’ensemble avaient créé un tollé, ce chef ayant explicitement déclaré ne pas souhaiter recruter de femmes au sein de l’ensemble (Ravet, 2011).

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15

la totalité des productions des deux théâtres de l’Opéra de Paris, Garnier et Bastille,

soit 280 représentations par an ».

Il est majoritairement financé par l’Etat.

- l’Orchestre de Paris : cette formation symphonique est composée de 119 musicien-

ne-s, dont 38 femmes (32 %). Le paravent n’est actuellement pas utilisé lors des

concours de recrutement.

Créé en 1967, l’Orchestre de Paris est l’héritier de la Société des concerts du

Conservatoire fondée en 1828. Il a pour mission d’œuvrer au rayonnement de la

musique symphonique au plus haut niveau international.

Il est majoritairement financé par l’Etat.

Les orchestres de Radio France constituent deux des quatre formations permanentes

de Radio France avec le Chœur de Radio France et la Maîtrise de Radio France. Ces

deux ensembles sont héritiers des orchestres de radio fondés dans les années 1930,

puis de l’ORTF. Ils participent aujourd’hui toujours aux activités de diffusion télé- et

radiophonique, mais aussi de création et d’enregistrement notament de musique

contemporaine. L’Orchestre national de France a aussi pour mission la diffusion de la

musique française, quand l’Orchestre philharmonique de Radio France trouve sa

spécificité en tant qu’ensemble « à géomêtrie variable » :

- l’Orchestre national de France (ONF) : cette formation symphonique se compose de

112 musicien-ne-s, dont 36 femmes (32 %). Le paravent n’est pas utilisé lors des

concours de recrutement.

Il est majoritairement financé par l’Etat.

- l’Orchestre philharmonique de Radio France (ORPF) : cette formation

symphonique est composée de 127 musicien-ne-s dont 44 femmes (34,5 %) évoluant

dans des formats variés. Le paravent n’est pas utilisé lors des concours de

recrutement.

Il est majoritairement financé par l’Etat.

Page 17: ÉCOUTER SANS VOIR : L’IMPACT DU PARAVENT SUR LE RECRUTEMENT DES MUSICIENNES DES ORCHESTRES DE PARIS ET D’ÎLE DE FRANCE

16

3.2 Accès au terrain

Six de ces orchestres sont adhérents de l’Association Française des Orchestres,

seul l’Orchestre national de l’Opéra de Paris n’y adhère pas. Les contacts avec

l’Association Française des Orchestres (AFO) ont permis, dès les débuts de la

recherche, de s’assurer du soutien informel de cette association, tout en évitant que

les démarches propres à l’AFO et les nôtres ne soient confondues. En effet, les

orchestres sont régulièrement sollicités par diverses instances, dont l’AFO. Le

courrier envoyé aux orchestres pour leur présenter l’étude et notre demande de

collaboration, précisait ainsi que l’AFO était prévenue de nos démarches.

Par ailleurs, l’AFO a été d’une grande aide en nous fournissant les contacts des

responsables des six orchestres de Paris et d’Ile-de-France adhérents de l’association.

Nous avons ainsi rédigé un courrier accompagné d’un résumé de présentation de

l’enquête (annexe 1) afin de demander un rendez-vous avec les responsables

administratifs et les personnes responsables des concours de recrutement pour

présenter notre démarche, faire un état des lieux de l’utilisation ou non du paravent

dans chaque orchestre, ainsi qu’un état des lieux des données disponibles concernant

les concours de recrutement passés en vue de la constitution d’une base de données.

Les six orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France contactés par

courriel électronique le 11 décembre 2013 ont répondu positivement à notre demande

selon des délais différents ; le processus de prise de rendez-vous et d’organisation de

ces réunions a été relativement long étant donné les emplois du temps chargés des

administrations des orchestres. Cinq réunions ont eu lieu entre décembre 2013 et

février 2014 avec les directions de ces orchestres (annexe 2). Les deux orchestres de

Radio France (ONF et OPRF) étant administrativement gérés par une seule équipe, la

direction musique de Radio France, une seule réunion a été organisée.

L’Orchestre national de l’Opéra de Paris n’a pas donné suite à nos demandes

de prises de contact. Plusieurs tentatives avec le régisseur de l’orchestre suivies de

l’envoi d’un courrier papier à la direction de l’Opéra de Paris se sont révélées

infructueuses.

Quant à l’Orchestre de Paris, si la direction a donné un accord de principe pour

la collecte de données sous réserve de confidentialité, il n’a pas été fait suite aux

demandes qui en ont découlé pour le moment.

Page 18: ÉCOUTER SANS VOIR : L’IMPACT DU PARAVENT SUR LE RECRUTEMENT DES MUSICIENNES DES ORCHESTRES DE PARIS ET D’ÎLE DE FRANCE

17

3.3 Présentation du matériau de l’étude

Les données qualitatives récoltées lors de l’étude sont diverses. En premier lieu

les comptes-rendus des cinq réunions avec les responsables des orchestres ont permis

d’identifier des axes importants pour l’étude des procédures de recrutement. Ensuite,

des notes éthnographiques ont été prises lors de la saisie de données effectuée sur

place, pour deux orchestres. Des entretiens ont été réalisés avec des responsables

d’orchestres afin de mieux saisir le déroulement des concours et les enjeux qui les

entourent. Enfin, des documents communiqués par les orchestres ou consultés en

ligne, tels que certains procès-verbaux de concours, des conventions collectives, les

annonces de certains concours ou encore les listes de composition des orchestres ont

complété le corpus de matériau de l’enquête.

Afin de réaliser une évaluation quantitative de l’impact du paravent dans les

recrutements des musicien-ne-s, nous avons construit une base constituée de

données individuelles à partir des informations dont disposent les orchestres. Cette

phase a constitué une première difficulté majeure dans la mesure où aucun des

orchestres de l’étude ne disposait de données informatisées permettant de conduire

des évaluations contrôlées robustes. Après avoir rencontré des responsables de six

des sept orchestres permanents civils de Paris et d’Ile-de-France (hors Opéra de

Paris), l’équipe a établi un état des lieux des ressources disponibles. L’accès aux

données disponibles de ces orchestres a été dans certains cas plus long que dans

d’autres, le temps de mettre en place un accord de confidentialité des données

personnelles communiquées accepté par les deux parties (l’équipe de recherche et

l’orchestre concerné) pour trois des orchestres. Enfin, l’accès aux données de cinq

orchestres a révélé une difficulté en termes de calendrier de l’enquête. En effet, 1553

fiches de candidat-e-s à des concours de recrutement ont dû être saisies

manuellement afin de constituer la base de données à exploiter, puisque aucun

orchestre n’a de fichier déjà établi pour les recrutements. Cependant 340 d’entre elles

ne peuvent être exploitées puisqu’il manque, dans les archives de l’un des orchestres,

les données concernant le passage des candidat-e-s au deuxième tour et en finale

pour neuf concours. Il manque également la liste des candidats effectivement

présents lors du premier tour pour cinq concours de l’un des ensembles, même si

nous disposons de la liste des inscrits au concours (dont un petit nombre ne s’est

effectivement pas présenté). Finalement, 1244 fiches ont été intégrées dans la base de

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18

données, avec une information incomplète pour 213 d’entre elles7. Ainsi, pour cinq

concours concernant la petite clarinette, la contrebasse (deux concours), le

violoncelle, les timbales, 213 personnes se sont inscrites et trente-deux ne se sont pas

présentées à l’audition du 1er tour (soit 15 %). Mais nous ne disposons pas de

l’information permettant de savoir quel candidat-e ne s’est finalement pas présenté-e

au premier tour.

En outre, comme nous le préciserons dans les parties suivantes, l’hétérogénéité

des données est importante : certains orchestres n’utilisent pas le paravent, et pour

ceux qui l’utilisent nous ne disposons a priori pas des données faisant état des

recrutements avant la mise en place du paravent. Cependant, cette base est riche en

matière d’informations disponibles sur les candidatures (formation générale et

musicale, postes antérieurs occupés, le cas échéant…).

Tableau 1 : Récapitulatif de la saisie de données

Orchestre Période de saisie

Nombre de concours disponibles

Nombre de fiches saisies

Conditions d’accès

EIC avril-juin 2014 14 281 Sur place

OCP juillet-août 2014 1[+ 9 incomplets] 31[+ 340

incomplètes] Documents

électroniques

ONDIF juin-août 2014 10 411 Documents

électroniques

ORPF mai-août 8 283 Sur place

ONF 2014 8 246 Sur place

Total 41 1244

Source : Ardis-Orchestres

7 Information que nous avons toutefois codée.

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DEUXIEME PARTIE :

LES ENJEUX DU RECRUTEMENT DANS LES ORCHESTRES

1. Les orchestres du panel étudié

1.1 La profession de musicien-ne d’orchestre8

Les orchestres permanents recrutent par concours leurs membres en contrat à

durée indéterminée. Ce recrutement est lié à une catégorie de postes, lesquels se

distribuent selon deux grandes fonctions, celle de tuttiste et celle de soliste. Les

premiers correspondant aux musicien-ne-s du rang ne jouent jamais une note en

solo, quand les seconds sont responsables des interventions spécifiques de leur

instrument. Les postes de soliste se déclinent eux-mêmes selon plusieurs catégories

qui correspondent au degré de responsabilité dans l’orchestre : outre le violon solo

(deuxième chef de l’orchestre), les super-solistes (ou premiers solistes) sont chefs de

pupitre ; puis viennent les seconds et troisièmes solistes, chaque orchestre déclinant

ces catégories selon sa nomenclature propre. Les fonctions de solistes (et leurs sous-

catégories) et de tuttistes correspondent à des statuts professionnels définis par les

conventions de chaque orchestre. Ces statuts se reflètent aussi en termes de

rémunération, les « super-solistes » percevant les plus hauts salaires et les musicien-

ne-s du rang, les plus bas.

Selon les instruments, les fonctions de tuttiste et de soliste se distinguent.

Dans les orchestres civils, par définition des postes, les instruments à vent sont tous

solistes (il n’y a pas de bassonistes tuttistes, par exemple). En revanche, les cordes

comportent des solistes et chefs de pupitres, ainsi que de nombreux tuttistes. Les

orchestres symphoniques comportent ainsi de 40 % à 50 % de tuttistes. Dans les

orchestres militaires formés en harmonie, où donc il n’y a pas de cordes, les vents

comportent des solistes et des tuttistes. Il existe également des orchestres civils de

taille plus réduite qu’une formation symphonique, tels que l’Ensemble

intercontemporain ou l’Orchestre de chambre de Paris qui présentent des

caractéristiques propres. L’Ensemble intercontemporain est uniquement composé de

solistes. Dans l’Orchestre de chambre de Paris, les tuttistes représentent la même

proportion de musicien-ne-s que dans les orchestres symphoniques.

8 Voir notamment Bernard Lehmann, L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, 2011 et Hyacinthe Ravet, Musiciennes, op. cit.

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Cette distinction est fondamentale, car elle corrobore une féminisation

différenciée des instruments (les cordes sont plus féminisées que les vents) et des

fonctions (les femmes sont plus souvent tuttistes que solistes). Si les femmes

constituent un tiers des effectifs orchestraux en 2009, elles représentent 43 % des

cordes, mais seulement deux solistes sur dix (Ravet, 2011). Cette répartition renvoie à

des différences observables lors de la formation des musicien-ne-s, liées à l’origine

sociale et à l’appartenance sexuée, exacerbées dans les ensembles professionnels. (En

termes de nationalité, on trouve également plus de musicien-ne-s étrangers-ères

parmi les cordes que les vents dans ces ensembles.) Les femmes se présentent moins

nombreuses à un poste de trombone solo, par exemple. Mais, lors des décennies

passées, elles avaient aussi proportionnellement moins de chance d’être recrutée

qu’un homme à ce type de poste, perçus comme « masculins » (et dont elles ont pu

être explicitement exclues).

Actuellement, on observe que la répartition sexuée selon les instruments est

approximativement la même pour les orchestres du panel étudié que pour l’ensemble

des orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France (graphique et tableau ci-

dessous) : les musiciennes sont plus présentes dans les pupitres des cordes, en

particulier le violon et sauf pour la contrebasse, alors que leurs collègues hommes se

répartissent plus uniformément entre les différents instruments (25 % d’entre eux

sont violonistes et 10 % contrebassistes ou violoncellistes). Les femmes sont moins

nombreuses parmi les bois et quasi-absentes des pupitres de cuivres.

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Graphique 1

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22

Le taux de féminisation des orchestres permanents français est passé de 32 %

en 2001 à 33 % 2009 (graphiques ci-dessous). Ainsi, en dix ans le taux de

féminisation des orchestres membres de l’AFO a augmenté d’un point au total. Par

ailleurs le graphique ci-dessous indique que cette faible augmentation du taux de

féminisation se concentre sur des instruments particuliers : la clarinette, le basson et

le cor d’harmonie. On constate de même que le taux de féminisation de la harpe a

baissé de plus de 2 points sur la même période. Certes, les effectifs de ces instruments

sont faibles. Néanmoins, on peut conclure que, sur cette période, la représentation

des femmes dans ces orchestres est restée globalement stable, même si on perçoit des

évolutions pour des instruments considérés traditionnellement comme

« masculins ». La situation a pu évoluer à nouveau depuis 2009. Dans l’ensemble des

orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France le taux de féminisation en 2014

s’élève à 35 %, très proche donc de celui observé pour les orchestres du panel Ardis-

Orchestres la même année (34 %). Il est sensiblement supérieur par rapport à

l’ensemble des orchestres membres de l’AFO en 2009 pour le hautbois, l’alto et le

violoncelle.

Les orchestres du panel étudié présentent des taux de féminisation par

instrument relativement similaires à ceux observés pour l’ensemble des orchestres de

Paris et d’Ile-de-France, à l’exception de la harpe pour laquelle le taux de

féminisation est plus élevé pour le panel Ardis-Orchestres (80 %) que pour

l’ensemble des orchestres de Paris et d’Ile-de-France (67 %).

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Graphiques 2 et 3

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24

Tableau 2 : Répartition par sexe pour chaque pupitre d’instrument dans les orchestres permanents français

Données AFO 2001 Données AFO 2009 Données orchestres Paris/Ile-de-France

2014

Données orchestres de l’enquête 2014

Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes Hommes Femmes

Violon 45,5 % 54,5 % 46,4 % 53,6 % 45 % 55 % 46,8 % 53,2 %

Alto 57,1 % 42,9 % 57,9 % 42,1 % 52 % 48 % 49 % 51 %

Violoncelle 67 % 33 % 67,6 % 32,4 % 63 % 37 % 61,9 % 38,1 %

Contrebasse 88,5 % 11,5 % 82,6 % 17,4 % 85 % 15 % 90 % 10 %

Flûte traversière 53,5 % 46,5 % 48,2 % 51,8 % 48 % 52 % 52,9 % 47,7 %

Hautbois 92,3 % 7,7 % 91,1 % 8,9 % 73 % 27 % 68,8 % 31,3 %

Clarinette 96,2 % 3,8 % 86,4 % 13,6 % 87 % 13 % 84,2 % 15,8 %

Basson 93,2 % 6,8 % 88 % 12 % 79 % 21 % 87,5 % 12,5 %

Cor d’harmonie 97,2 % 2,8 % 91,5 % 8,5 % 90 % 10 % 87,5 % 12,5 %

Trompette 98,5 % 1,5 % 96,5 % 3,5 % 96 % 4 % 93,8 % 6,3 %

Trombone 98,4 % 1,6 % 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 %

Tuba 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 % 100 % 0 % Percussions et claviers 87,7 % 12,3 % 90 % 10 % 89 % 11 % 92,9 % 7,1 %

Harpe 12,5 % 87,5 % 17,5 % 82,5 % 33 % 67 % 20 % 80 %

Total 68,1 % 31,9 % 66,9 % 33,1 % 65 % 35 % 66 % 34 %

Sources : données de l’AFO (2001, 2009) et données des orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France en 2014 (présente enquête). Document issu de Ravet H., Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique, Paris, Autrement, 2011, p. 291, complété par la présente enquête.

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1.2 Caractéristiques des recrutements et spécificités de chaque

orchestre

Dans le cadre de cette étude, via les archives des orchestres, nous avons eu

accès à des informations concernant les lauréat-e-s de 94 concours correspondant à

105 postes, certains concours ayant été ouverts pour deux postes en même temps.

Nous disposons donc de davantage d’informations sur l’issue du concours (et sur la

totalité de lauréat-e-s pour la période considérée), que sur l’ensemble du déroulement

du concours avec toutes ses étapes. Dit autrement, le développement qui suit porte

sur un nombre plus important de concours que ceux réellement intégrés dans la base

Ardis-Orchestres, en raison des informations manquantes. L’ensemble de ces

concours a eu lieu entre 2001 et début 2014 dans les cinq orchestres de l’enquête,

sauf pour les deux orchestres de Radio France pour lesquels nous ne disposons des

résultats des concours que depuis 2012 (cf. tableau ci-dessous).

Tableau 3 : Récapitulatif des résultats à l’ensemble des 94 concours (105 postes) de la période observée

Orchestre Dates Nb de postes

Non pourvu

Hommes solistes

Hommes tuttistes

Femmes solistes

Femmes tuttistes

EIC 2001-2013 14 1 13 _* 0 _*

OCP 2005-2013 17 6 4 3 3 1

ONDIF 2004-2014 56 19 11 11 9 6

ONF 2012-2014 8 2 3 0 2 1

OPRF 2012-2013 10 3 3 2 1 1

Total 105 31 34 16 15 9 * Il n’y a pas de postes de tuttistes à l’EIC. Source : Archives des orchestres. Champ : concours pour lesquels l’information « lauréat-e » est disponible.

La première remarque concernant ces données est que, dans tous les

orchestres, certains de ces concours n’ont pas été pourvus et ont fait l’objet de

plusieurs concours successifs. Durant la période considérée, environ un tiers des

concours n’a pas conduit à un recrutement. A l’exception de l’EIC où un seul concours

n’a pas été pourvu en quatorze ans, ce taux est constant dans les autres ensembles.

Les instruments concernés par ces concours infructueux sont le violon, l’alto, le

violoncelle, la contrebasse, le cor, la trompette, le contrebasson, la petite clarinette et

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le piano (le concours non pourvu de l’EIC). Pour un tiers de ces concours, ce sont des

postes de tuttistes, où le niveau des candidats n’était « pas suffisant », d’après les

propos des responsables des orchestres rencontrés9. En outre, selon eux, les autres

concours concernés sont des postes « difficiles à pourvoir » et exigeants comme les

postes de super-solistes au violon ou de chef d’attaque des contrebasses, qui sont des

postes pour lesquels « un très haut niveau est attendu ». L’un des responsables

d’orchestre précise : « Là, effectivement, on a dû faire quatre ou cinq concours avant

de pourvoir le poste ». Ensuite il s’agit des postes de cor solo et de trompette solo,

particulièrement délicats :

« Ce sont des postes très difficiles à pourvoir dans énormément d’orchestres, les postes de cor

solo. Ce sont des postes très très exposés, très délicats qui demandent un sang-froid à toute

épreuve, enfin c’est vraiment… très très difficile à recruter. »

« Le concours de trompette solo, qui est un poste clé, est un poste fragile. Un poste très exposé.

Donc il faut quelqu’un d’archi-performant, évidemment. Ce sont d’ailleurs des postes de super-

soliste, bien rémunérés. Et là, pour diverses raisons, il a fallu six éditions de ce concours pour

trouver un recrutement. »

Enfin, sont cités des instruments qualifiés de « spécifiques » comme le contrebasson

et la petite clarinette. Ces spécialités sont plus rares et font souvent l’objet de

plusieurs éditions du même concours. La difficulté à recruter réside ainsi dans la

fonction de certains postes dans un orchestre symphonique. Les enjeux peuvent être

ainsi différents selon les concours et sont corrélés à la hiérarchie des postes.

Qu’observe-t-on en matière de féminisation des recrutements au sein des

orchestres enquêtés ? Nous mettons ici de côté les recrutements de l’EIC : d’une part,

l’orchestre est doté d’un statut particulier (puisque les musicien-ne-s sont tou-te-s

solistes et jouent d’un répertoire spécifique) ; d’autre part, aucune femme n’a été

recrutée entre 2001 et 2013. Mécaniquement, l’EIC tire vers le bas le taux de

féminisation moyen des recrutements sur la période pour l’ensemble des orchestres

(donc uniquement pour les lauréat-e-s aux concours), laquelle se situe alors, en

moyenne, à 32 %. Cela représente l’équivalent de la moyenne actuelle des effectifs de

femmes dans les orchestres permanents français en 2009, qui est de 33 %, mais un

9 Pour des raisons d’anonymat, il ne sera pas fait mention du nom de la personne qui a tenu les propos cités entre guillemets, ni de son statut précis, ni de l’orchestre auquel cette personne appartient.

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petit peu moins que leur part dans les sept orchestres de Paris et d’Ile-de-France en

2014, de l’ordre de 35 % (cf. tableau ci-dessus). Si l’on considère uniquement les

quatre autres orchestres, le taux de féminisation du recrutement est, en moyenne, de

39 %, soit un taux de féminisation des recrutements plus élevé sur la période que leur

part dans les effectifs actuels dans les ensembles permanents. Ce résultat va dans le

sens de la féminisation accrue des recrutements, soulignée par les divers

interlecteurs/trices rencontré-e-s, ainsi que des observateurs/trices de la profession.

Par ailleurs, parmi les lauréates, on observe un plus grand nombre de solistes

que de tuttistes. Sur la période, les femmes représentent 30 % des solistes recrutés.

Ce flux de femmes entrantes se traduit-il (ou va-t-il se traduire) par un renforcement

de leur présence au sein des orchestres considérés aux postes de soliste, sachant que

la part qu’elles occupent dans les orchestres permanents français dans leur ensemble

- pour ces postes - est de l’ordre de 20 % ? Faut-il donc interpréter ces résultats par

une lente féminisation des postes de solistes au long de la période ? Un élément irait

dans ce sens : la moyenne d'âge plus élevée des hommes au sens des orchestres (AFO,

2010), et donc un plus grand nombre probable de départs en retraite des hommes sur

la période. Cela reste toutefois à nuancer puisqu’il semble dans l’échantillon qu’il y ait

un plus grand turn over des postes de super-solistes, de premiers solistes et de

solistes aux instruments spécifiques. La rareté de ces postes et leur position en haut

de la hiérarchie rencontrent ici le niveau de compétitivité des candidat-e-s, entraîné-

e-s aux concours les plus difficiles, qui bien souvent se présentent dans différents

orchestres afin de trouver la « meilleure offre ». Ils font jouer ici leur perception de la

hiérarchisation entre les orchestres, en matière de réputation et de caractéristique de

l’activité. Ainsi nous avons pu relever des cas où des solistes ou super-solistes d’un

orchestre candidatent dans un concours de recrutement d’un autre orchestre pour la

même position, ainsi qu’un poste de soliste pourvu pendant cette période et remis au

concours quelques années plus tard. De même, on relève le cas d’une personne

recrutée qui n’a finalement pas été embauchée dans l’orchestre considéré parce

qu’elle avait trouvé un « meilleur poste » dans un autre orchestre.

Par ailleurs, les femmes représentent 36 % des tuttistes recrutés 10 . Dans

l’ensemble des recrutements de musiciennes pour les quatre orchestres précisément

étudiés (donc hors EIC), il est donc frappant d’observer que les femmes recrutées

l’ont été pour près des deux tiers d’entre elles en tant que solistes, alors que les 10 Sachant que ces chiffres sont à prendre avec précaution, compte tenu des faibles effectifs.

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musiciennes en poste dans l’ensemble des orchestres permanents français en 2009 le

sont, pour les deux tiers d’entre elles, en tant que tuttistes. Il semble y avoir là une

inversion de tendance (ou un rééquilibrage) qui mériterait cependant d’être

confirmée par de plus amples observations.

Enfin, concernant le type d’instrument concerné, le tableau suivant suggère les

mêmes tendances que dans l’ensemble des orchestres permanents français (données

AFO 2009) avec la confirmation de la dynamique progressive de féminisation des

pupitres de cor et de basson/contrebasson. Il s’agit toutefois d’une observation toute

relative étant donné le nombre de postes considérés.

Tableau 4 : Les lauréat-e-s par instrument et par sexe pour les 74 postes

effectivement pourvus

Hommes Femmes

Violon 9 9

Alto 5 4

Violoncelle 7 1

Contrebasse 6 1

Flûte traversière 0 2

Hautbois 1 1 Clarinettes (y compris clarinette basse et petite clarinette) 5 2

Basson (et contrebasson) 2 2

Cor d’harmonie 2 1

Trompette 4 0 Trombone (y compris trombone basse) 1 0

Tuba 1 0

Percussions et claviers 7 0

Harpe 0 1

Total 50 24 Source : Archives des orchestres. Champ : concours pour lesquels l’information « lauréat-e » est disponible.

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29

Prenons le temps de préciser les particularités des recrutements à l’EIC.

Aucune femme n’a été lauréate des concours sur la période considérée. C’est aussi

l’orchestre du panel qui comprend le moins de musiciennes dans ses rangs. D’autres

caractéristiques s’y ajoutent. Cet ensemble est celui qui compte le moins de candidat-

e-s lors des concours. Le milieu de la musique contemporaine est un milieu plus

restreint que celui de la musique symphonique, sur le plan national et international.

Même s’il existe des passerelles entre les deux univers, le plus souvent les musicien-

ne-s en viennent à se spécialiser dans ce répertoire très exigeant et qui demande de

maîtriser des techniques particulières de jeu instrumental. Parallèlement, il existe

très peu d’ensembles permanents de musique contemporaine (un seul en France, les

autres ensembles professionnels étant intermittents). Le recrutement se fait ici au

niveau international, les concours de l’EIC comportant beaucoup de candidat-e-s

étrangers-ères. Mais il comporte aussi un plus haut degré d’interconnaissance, ce qui

– aux yeux de responsables des orchestres avec lesquels ce point a été évoqué –

permet de saisir l’intérêt de la présence d’un paravent au deuxième tour. Reste qu’il

est difficile de statuer sur l’articulation sur ces deux données : un recrutement

masculin sur la période, l’usage du paravent sur deux tours.

Pour finir, l’analyse du degré de féminisation des recrutements ne peut être

menée à son terme. Les données individuelles par candidat-e-s, puis tour après tour

pour chacun des concours ne sont pas toujours disponibles. Ainsi, les concours pour

lesquels nous avons pu avoir l’ensemble des données – soit 41 concours – ne sont pas

représentatifs des 94 concours auxquels on a eu accès pour 105 postes dans les

orchestres de Paris et d’Ile-de-France de l’échantillon lors de la période considérée.

En particulier, les postes de tuttistes sont largement sous-représentés parmi les

recrutements analysables statistiquement, mais aussi le nombre de lauréates. Les

femmes ne représentent, en effet, plus que 18 % des lauréat-e-s pour les concours

présents dans la base, contre 39 % pour l’ensemble des recrutements de la période.

Ceci constitue un obstacle majeur au traitement et à l’analyse de la base de données

constituée avec l’ensemble des informations disponibles.

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Tableau 5 : Récapitulatif des résultats aux concours inclus dans la base de données

Orchestre Dates Nb de postes Non pourvus Hommes solistes

Hommes tuttistes

Femmes solistes

Femmes tuttistes

EIC 2001-2013 14 1 13 _* 0 _*

OCP 2012 1 0 1 0 0 0

ONDIF 2012-2014 11 4 3 3 0 1

ONF 2012-2014 8 2 3 0 2 1

OPRF 2012-2013 10 3 3 2 1 1

Total 44 10 23 5 3 3

* Il n’y a pas de postes de tuttistes à l’Ensemble intercontemporain. Source : Ardis-Orchestres Champ : les orchestres du panel Ardis-Orchestres, concours pour lesquels on dispose d’une information précise sur le profil des candidat-e-s et le déroulement du concours.

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2. Le paravent dans les concours

2.1 Organisation et enjeux des concours de recrutement

Les concours de recrutement des orchestres étudiés comportent trois tours11.

Les épreuves pour chaque concours sont analogues, mais pas identiques. Lors des

épreuves, chaque candidat-e joue devant un jury (avec ou sans paravent selon le tour

et selon les orchestres) des extraits d’un programme prédéfini (annexe 3). Souvent

aux tours pré-éliminatoires et éliminatoires, l’épreuve comporte des extraits d’« un

grand concerto du répertoire ou une sonate pour instrument seul qui démontre les

difficultés et les qualités de l’instrument » (avec accompagnement au piano) ou

plusieurs d’entre eux parmi une liste d’œuvres imposées, puis des traits d’orchestre.

Le concerto et la sonate mettent en valeur particulièrement la virtuosité de

l’instrumentiste et sa sonorité. Quant aux traits d’orchestre, ce sont des passages

d’une partition orchestrale, particulièrement difficiles ou délicats en termes

d’exécution ; ils demandent une grande réactivité de l’instrumentiste. Lors de la

finale, le / la candidat-e joue uniquement en solo des traits d’orchestre et des solos

d’orchestre, en particulier pour les postes de soliste, où l’instrument en question fait

particulièrement entendre sa voix. Chaque épreuve d’audition dure entre trois et cinq

minutes environ.

Le jury du concours comprend généralement huit à douze personnes12. Il est

composé de manière paritaire, c’est-à-dire comportant pour moitié des membres du

personnel (musicien-ne-s de l’orchestre) et pour moitié des membres de la direction

(artistique et administrative), parmi lesquels il peut y avoir des membres extérieurs

invités. Les musicien-ne-s membres de l’orchestre présent-e-s au jury sont le / la

chef-fe du pupitre concerné, souvent le / la super-soliste de l’orchestre et des chef-fe-

s de pupitres d’instruments en lien avec celui mis en concours (voire du groupe

instrumental « opposé », c’est-à-dire un représentant des vents pour un poste de

cordes, et vice versa). Les membres extérieurs, lorsqu’il y en a, sont soit des chef-fe-s

de pupitre d’autres orchestres jouant de l’instrument dont le poste est au concours,

soit des concertistes reconnus jouant du même instrument (pas nécessairement dans

un orchestre permanent). Dans tous les règlements (annexe 4) des concours

consultés figure une mention similaire précisant que :

11 L’Ensemble intercontemporain organisait des concours à deux tours jusqu’en 2005, puis à trois tours de 2006 jusqu’à aujourd’hui (en 2014). 12 Selon le règlement de chaque orchestre, les concours de premiers soliste, ou super-solistes comportent un jury un peu plus étoffé que les autres postes avec dix à douze membres.

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« Quelle que soit l’épreuve en cours d’exécution, le jury se réserve le droit d’interrompre le

candidat. Au contraire, s’il le juge utile, il pourra procéder à une nouvelle audition. A chaque

étape du concours, le jury se réserve la possibilité de réentendre un candidat dans l’un des

concertos demandés. Toutes les épreuves sont éliminatoires. Les décisions du jury sont sans

appel. »13

Au terme de la première épreuve, la plupart du temps, le jury vote sans

délibération et les candidat-e-s qui ont reçu un nombre prédéfini de voix passent au

deuxième tour. Dans l’un des orchestres, par exemple, les membres du jury peuvent

indiquer autant de noms qu’ils souhaitent entendre au second tour. Les candidat-e-s

retenu-e-s sont ceux/celles qui ont obtenu la moitié des voix plus une. Lors du

deuxième tour, le jury vote après des délibérations. Lors de la finale, les délibérations

sont plus longues : après un tour de table indicatif, le jury délibère et désigne le ou la

lauréat-e, le cas échéant. Le passage à la finale, puis le choix du ou de la lauréat-e se

font à la majorité absolue des membres du jury. En cas de « ballotage », d’égalité

entre deux candidat-e-s, le ou la président-e du jury – en règle générale, il s’agit du

directeur artistique de l’orchestre – peut avoir une voix prépondérante qui permet de

trancher et de déterminer un résultat (lauréat-e ou non). Lors de la finale, les modes

de scrutin peuvent varier selon les orchestres et les concours : il peut être procédé ou

non à plusieurs votes successifs à bulletins secrets, par exemple.

Parmi les enjeux importants et les problèmes qui se posent lors de

l’organisation des concours, les responsables des orchestres rencontré-e-s

mentionnent plusieurs points. Spontanément, il ne s’agit pas pour eux de se situer

par rapport à la question des discriminations, mais plutôt de réfléchir à une

amélioration des procédures pour recruter les plus talentueux/euses.

La durée de la période d’essai leur paraît aujourd’hui trop courte (un mois

renouvelable pour les orchestres ayant signé la convention collective signés par

plusieurs orchestres permanents). Cette courte durée engendre davantage de

pression au moment du concours pour choisir « le bon candidat ». Cela exige

également une organisation serrée avec le directeur musical en matière de

13 Extrait du règlement d’un concours de recrutement de l’ONDIF.

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programmation de l’orchestre, afin que ce dernier puisse tester les capacités du ou de

la lauréat-e pendant cette période requise (en particulier pour des instruments rares).

Le contenu des épreuves est également évoqué. Certains responsables

évoquent la possibilité de modifier le type d’épreuves, en ajoutant par exemple le jeu

en petite formation (trio, quatuor) afin d’être en mesure non seulement de tester la

virtuosité des candidat-e-s mais aussi d’évaluer leurs compétences en termes de jeu

en groupe, ce qui n’est pas le cas actuellement. Une autre proposition a été soulevée

(et a été parfois depuis mise en place) : ne pas avoir d’épreuve avec accompagnement

au premier tour, afin d’alléger l’organisation du concours et son coût. En effet, les

orchestres mettent à disposition des candidat-e-s des pianistes accompagnateurs et

des salles de répétitions (moyennant parfois une participation financière), ce qui –

lors des concours avec un grand nombre de candidat-e-s – rend l’organisation

compliquée et généralement coûteuse. En outre, une proportion non négligeable de

candidat-e-s s’inscrit au concours et aux répétitions, mais ne se présente finalement

pas, sans prévenir de leur désistement.

Un autre point concerne l’introduction du paravent au premier tour pour les

orchestres qui ne l’utilisent pas. Nous développons ce point plus bas.

Enfin, la pertinence même de l’organisation de concours de recrutement, en

général ou sous leur forme actuelle, est également questionnée. Durant les entretiens

les responsables se sont demandé-e-s si, par certains aspects, il ne serait pas mieux de

recruter des stagiaires qui pourraient être ensuite titularisé-e-s après avoir fait leurs

preuves en action, cela afin de recruter des musicien-ne-s qui puissent vraiment

s’insérer au sein du collectif. Là encore, la réflexion ne porte pas directement sur des

questions de discrimination, mais elle peut y être associée, comme nous le verrons

lorsque sera discutée la question de la nécessité ou non de procédures à l’aveugle.

Estimant que l’audition ne permet pas d’appréhender réellement les compétences

d’un-e musicien-ne au sein de l’orchestre, les responsables des ensembles se

questionnent sur l’adoption de procédures plus proches de celles du système

allemand. Dans une bonne partie des orchestres germaniques, en effet, les musicien-

ne-s sont davantage impliqué-e-s dans la vie de l’orchestre, par exemple le

recrutement des chefs qui les dirigent. Le recrutement des musicien-ne-s est aussi

beaucoup plus long puisqu’ils/elles peuvent rester à l’essai pendant un an, voire deux

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si la période est renouvelée14. La procédure de recrutement ne représente alors plus

du tout le même type d’épreuves, puisqu’elle s’insère dans le temps long. Parmi les

autres idées pour rendre le recrutement plus efficient, la réalisation d’auditions

délocalisées lors des tournées des orchestres, le repérage de jeunes musicien-ne-s lors

de concours d’interprétation ou d’examens de diplôme, ont été notamment évoqués.

Si des interrogations sont formulées, le principe même d’un concours de

recrutement ne semble toutefois pas remis en question, de manière globale. Lors des

entretiens et des rencontres avec les responsables, les suggestions portaient surtout

sur la mise en place de changements qui pourraient permettre leur amélioration en

termes de simplification de l’organisation et d’efficience pour les orchestres, voire en

termes de justice et de transparence… mais pas de lutte contre les discriminations

possibles quel qu’en soit le ressort (sexe, âge, handicap, origine ethnique…).

2.2. Ce que « révèle » la question du paravent sur les concours

Parmi les orchestres permanents français mettant en place des auditions à

l’aveugle, beaucoup retirent le paravent dès le deuxième ou au dernier tour du

concours (pour l’EIC seulement). Notons qu’aucun orchestre ne mobilise le paravent

de bout en bout de la procédure de recrutement. Les arguments sont multiples, allant

de la présence scénique sans gestuelle démesurée au désir de connaître le / la

candidat-e avec lequel / laquelle les musicien-ne-s seront amené-e-s à partager la vie

au pupitre, etc. Les débats ne sont pas tranchés entre les orchestres : certains

rejettent cet usage, d’autres l’ont adopté à une certaine époque et supprimé ensuite,

ou encore utilisent un paravent pour les premiers tours mais pas pour la finale.

D’incessants débats demeurent ainsi sur son utilité et ses inconvénients.

Parmi les cinq orchestres de l’étude, trois d’entre eux utilisent le paravent au

moins au premier tour. Ils sont tous trois signataires de la Convention collective

nationale des entreprises artistiques et culturelles de 2011 (annexe 5), où il est précisé

dans l’article XV-1.1 relatif au recrutement que « le concours comporte plusieurs

épreuves dont la première a lieu obligatoirement derrière paravent ».

14 La collégialité du recrutement n’a pas été forcément favorable au recrutement de femmes lorsqu’une forte tradition « masculine » gouvernait certains orchestres, tels que le Philharmonique de Berlin.

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Tableau 6 : Récapitulatif de l’usage du paravent dans les orchestres

étudiés

Orchestre Utilisation

paravent

Nombre d’étapes de

recrutement

Nombre

d’étapes avec

paravent

EIC Oui 2 (jusqu’à en 2005)

3 depuis 2006 2

OCP Oui 3 1

ONDIF Oui 3 1

OPRF Non 3 0

ONF Non 3 0

Lors de nos rencontres avec les directions des trois orchestres utilisant le

paravent, puis ensuite lors d’entretiens effectués avec l’administration des orchestres,

nos interlocuteurs-trices étaient tou-te-s convaincu-e-s de l’intérêt de la mise en place

du dispositif d’audition à l’aveugle lors du tour pré-éliminatoire.

« On n’a pas le support visuel, pour voir l’expression de la personne. Je trouve que c’est plutôt

extrêmement... je trouve que c’est très sécurisant, on juge sur la capacité. […] On juge sur la

capacité du musicien à réaliser ce qu’on lui demande ».

Que les orchestres aient mis en place ou non une procédure de recrutement à

l’aveugle, leurs responsables ont ainsi mobilisé plusieurs arguments en faveur de

l’usage du paravent. Nous allons évoquer dans cette section les arguments

spontanément développés.

Tout d’abord, le paravent empêche les situations d’interconnaissance de

certain-e-s candidat-e-s avec des membres du jury et limite ainsi les possibilités de

favoritisme ou de collusion avec un membre du jury au premier tour. Il s’agit

d’ailleurs là de la raison historique de l’introduction du paravent dans les concours

d’orchestre. En effet, des membres du jury peuvent être (ou avoir été) des professeur-

e-s de certain-e-s candidat-e-s ou reconnaître l’élève de « l’un de leurs pires

ennemis » dans la profession. Cela s’avère également « injuste » pour les candidat-e-s

étrangers-ères qui, souvent, n’ont pas reçu l’enseignement de ces professeur-e-s.

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« J’estime qu’il est très difficile pour [les membres du jury] d’être à la fois le professeur et le

juge… Ça leur donne des atouts, bien sûr, parce qu’ils savent exactement quelles sont les

qualités du candidat mais c’est un préjugé favorable. Ça, on peut pas le nier. C’est un

mouvement naturel. Et donc je trouve que ce n’est pas très juste par rapport aux autres

candidats. Si on fait un recrutement à l’international, il faut l’accepter. Les candidats étrangers

n’auront peut-être pas les mêmes connections que ceux qui ont travaillé avec ces gens-là, c’est

une petite injustice de départ. C’est un handicap de départ pour eux. »

Le jugement peut aussi connaître des influences non négligeables lorsqu’il

s’agit de membres de leur famille élargie ou de leur cercle de connaissances. L’un des

responsables des orchestres souligne ainsi le degré d’interconnaissance au sein de la

profession, en particulier la force des liens familiaux dans ce milieu où les enfants de

musiciens sont nombreux.

« Il y a aussi les liens de famille, plus ou moins distendus, mais qui explosent avec les familles

recomposées. Il y a énormément de gens qui sont beaux-frères, belles-sœurs, familles

recomposées, neveux, nièces, c’est incroyable. Forcément, c’est un tout petit monde. »

Dans le même ordre d’idée, certain-e-s candidat-e-s peuvent avoir joué en tant

que musicien-ne-s supplémentaires dans l’orchestre en question. Ces

« supplémentaires » effectuent des remplacements ou sont appelé-e-s en renfort dans

l’orchestre (congés, départs, besoin d’instruments spéciaux, etc.). Ils sont ainsi

susceptibles de connaître une grande partie des membres du jury lors d’un concours.

Parmi les arguments en faveur du dispositif, plusieurs responsables ont mentionné le

fait qu’il arrivait souvent que ces musiciens, même apprécié-e-s par l’orchestre, ne

réussissent pas à dépasser l’épreuve du premier tour, lorsqu’il y a paravent. Si ce

dispositif à l’aveugle ne permet pas de rattraper des musicien-ne-s qui ont pu faire de

très bonnes finales lors des concours précédents, cela a le mérité de « remettre les

compteurs à zéro », explique un-e responsable d’orchestre. Comme la présence de

membres externes à l’orchestre dans le jury, cela permet d’éviter le caractère

« consanguin » du recrutement, ajoute cette personne. Notons que, dans le cas de

membres de l’orchestre qui se présentent à un nouveau poste au sein du même

orchestre, cette question pourrait être soulevée, mais qu’elle ne l’est pas. En effet,

ceux-ci n’ont pas à se présenter au premier tour. Ils passent directement les épreuves

du deuxième tour, donc sans paravent (sauf pour l’EIC où tous les postes sont des

postes de soliste de la même catégorie). Dans la base Ardis-Orchestres, nous pouvons

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identifier ces candidat-e-s qui n’ont pas eu à passer le premier tour : on en compte six

au total (cinq femmes et un homme), dont trois seront finalement recruté-e-s (deux

femmes et un homme). Le fait d’être membre de l’orchestre est valorisé ici comme

gage de compétences.

L’impartialité semble donc valorisée dans le cadre de ces questions

d’interconnaissance, mais la question de possibles discriminations liées à des

caractéristiques extramusicales n’est pas évoquée spontanément. Nous reviendrons

sur les arguments échangés à ce propos lors des rencontres à la section suivante.

Dans les arguments contre le paravent, nous avons surtout entendu des

arguments sur l’inefficacité d’un tel dispositif et les nombreuses manières de

contourner l’audition à l’aveugle en donnant des signaux non visuels aux membres du

jury. Une anecdote est revenue à deux reprises et semble avoir forgé (ou conforté)

une opposition au paravent de certains membres des orchestres qui n’ont pas

systématiquement mis en place de procédure à l’aveugle. Lors d’un concours pour

lequel une épreuve derrière paravent avait alors été introduite, les membres du jury

se sont aperçus pendant l’épreuve qu’il y avait des panneaux réfléchissants au plafond

et que le jury pouvait ainsi voir les candidat-e-s. Ce problème technique – qui aurait

pu être (aisément) contourné – semble être devenu une référence sur l’impossibilité

d’introduire le paravent dans l’orchestre en question.

Mais l’histoire de la mise en place du paravent n’est pas linéaire et diffère selon

les orchestres. Certains orchestres permanents français l’ont essayé à une certaine

époque, puis abandonné, puis parfois repris. Le récit de ces tentatives – selon la

personne qui le relate et de la position qu’elle occupe dans l’orchestre – permet

d’éclairer les enjeux du recrutement au sein de ce type d’ensemble.

Ainsi, parmi les orchestres étudiés qui ne mettent habituellement pas en place

d’auditions à l’aveugle, l’un des deux ensembles de Radio France a expérimenté un

concours avec une première épreuve derrière paravent en 2014. Il semblerait que le

jury ait été convaincu de l’intérêt de la procédure, puisque ses membres se sont

aperçu-e-s qu’ils / elles distinguaient mieux et plus rapidement la qualité de la

performance musicale des candidat-e-s. En particulier, explique l’une des

responsables, l’« empathie » qui faisait que l’on n’osait pas interrompre un « mauvais

candidat » directement sous le regard du jury, ne fonctionnait plus dans ce cadre. Par

ailleurs, l’argument concernant les supplémentaires est également réapparu à cette

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38

occasion, car les membres de l’orchestre présents au jury « se sont rendus compte

qu’ils avaient entendu derrière le paravent des personnes qu’ils avaient recrutées en

tant que supplémentaires et qu’ils les avaient éliminés au premier tour ».

L’analyse des données issues de la base Ardis-Orchestres est instructive sur ce

point. Les deux orchestres de Radio France (lesquels n’utilisent pas de paravent au

premier tour pour ces concours) sont ceux qui ont proportionnellement le plus de

candidat-e-s et le plus de lauréat-e-s ayant déjà travaillé comme supplémentaires

dans l’orchestre concerné par le concours. Ce constat peut éventuellement s’expliquer

par un recours plus fréquent à des supplémentaires que d’autres orchestres, puisque

la taille de ces orchestres est plus grande et qu’ils ont également des besoins

saisonniers importants lors des tournées et des enregistrements. Mais l’absence de

paravent pourrait constituer une explication complémentaire à ce recrutement accru

de supplémentaires, relativement au degré probable d’interconnaissance lors du

premier tour.

Les positions des un-e-s et des autres quant à l’intérêt ou non d’utiliser le

paravent lors des concours de recrutement diffèrent sur plusieurs points, mais toutes

et tous s’accordent sur un point précis : il n’est pas souhaitable d’introduire le

paravent de bout en bout des concours, pour toutes leurs étapes. Lorsque nous leur

avons posé la question de l’éventuelle utilisation du paravent au second tour ou de

bout en bout du concours, les responsables des orchestres ont tou-te-s exprimé leur

désaccord face à une telle éventualité, que ces responsables soient des hommes ou

des femmes. En effet, certain-e-s d’entre eux/elles – mais également des musiciens –

pensent que le paravent masque une dimension d’appréciation pourtant importante

du métier : la présence scénique des candidat-e-s, a minima leur façon de bouger

lorsqu’ils / elles jouent, voire leur « aura » ou leur « charisme ». Plusieurs

interlocuteurs ont évoqué le fait que le métier de musicien-ne-s d’orchestre est un

métier de scène. Il est important de voir la personne jouer pour évaluer cette présence

scénique. La manière dont il / elle se meut en jouant, par exemple, peut devenir un

obstacle lorsqu’il /elle « bouge trop ». Cela corrobore aussi l’idée d’une évolution du

métier de musicien-ne d’orchestre, qui passe, par exemple, par l’implication dans des

activités pédagogiques et culturelles (où le / la musicien-ne se fait « passeur » auprès

de publics souvent peu familiers de l’orchestre). Egalement, une dimension humaine

intervient quant au choix de celui ou de celle qui sera amené-e à partager la vie de

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l’orchestre probablement pour plusieurs dizaines d’années, et parfois aux côtés des

mêmes musicien-ne-s au sein d’un pupitre partagé. Enfin, l’éventualité d’un paravent

de bout en bout du concours pose pour certain-e-s responsables la question de la

nécessité éventuelle d’un entretien d’embauche qui permettrait d’évaluer la

motivation et l’attitude du/de la candidat-e. Ce qui fait dire aux un-e-s et aux autres

que, finalement, le visuel ne peut être absent des concours d’orchestre.

« Il y a un aspect quand même démocratique qui me plaît beaucoup dans ce choix : "on va

t’adopter parce qu’on t’apprécie artistiquement, humainement". Bon, parce que, qu’on le

veuille ou non, ça rentre en ligne de compte. Au 2e et au 3e tour, c’est sans paravent, donc on

le voit. On voit cet humain, son expression, sa faculté de donner quelque chose visuellement,

de soutenir ce qu’il fait à l’instrument. C’est terriblement important, sa position humaine, ce

qu’il va dégager de sympathique, d’ouvert... qu’on le veuille ou non. Et là j’insiste, on ne peut

pas être neutre à cet effet-là. »

Cette dimension humaine du recrutement peut aussi avoir son revers quand

le / la candidat-e recruté-e l’est en raison de son capital sympathie, plutôt que ses

compétences musicales. La réputation de l’orchestre peut en ressortir amoindrie,

explique un-e observateur/trice de la profession qui a pu assister à une telle situation.

Cette personne explique que ce type de recrutement trouve son principe dans les

« capacités humaines » du / de la lauréat-e et la valorisation de la « cohésion du

groupe ». Mais, ajoute-t-elle, ce fonctionnement est « préjudiciable » à l’orchestre,

voire « nuisible », les candidat-e-s finalistes n’étant pas dupes du résultat.

2.3. Le paravent et la question des discriminations à

l’embauche

La question de la lutte contre les discriminations à l’embauche selon les

procédures de recrutement n’apparaît pas spontanément dans les discours, que ce

soit à l’encontre des femmes, des personnes non blanches, des personnes en situation

de handicap, ou tout autre caractéristique pouvant potentiellement faire l’objet d’une

discrimination (l’âge, dans un sens ou dans l’autre, l’appartenance sociale, etc.).

Concernant les femmes plus particulièrement, l’existence de processus

discriminatoires à leur encontre n’est pas explicitement questionnée. Les personnes

rencontrées disent qu’il en a « de plus en plus de femmes » dans les orchestres et que

leur présence ne pose « pas de problème ».

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40

« On a de plus en plus de candidates féminines. Il y a aussi des pupitres qui se féminisent pas

mal. Les cors, qui étaient très masculins avant, se féminisent énormément. Mais ça, c’est une

tendance depuis longtemps. Et les candidats contrebasses femmes sont de plus en plus

présentes. Violoncelle c’est très équilibré, c’est très très équilibré. Mais il y a un vrai

déséquilibre dans le violon. Il y en a qui avancent que… […] les filles sont plus travailleuses… ».

Concernant le nombre de candidates présentes lors des concours ainsi que de

la proportion de musiciennes au sein des orchestres, plusieurs interlocuteurs

mentionnent ainsi le fait qu’aujourd’hui cette proportion est plutôt « équilibrée »

entre les deux sexes et / ou qu’elle l’est davantage qu’auparavant. Très vite, ils / elles

évoquent les instruments qui sont le plus féminisés dans les concours ou qui se

féminisent le plus rapidement, selon eux, comme le violoncelle. Lorsqu’on cherche à

en savoir davantage en prolongeant l’interrogation sur ce que représente cette

féminisation des recrutements et ses conséquences, deux types de développement se

font jour. D’un côté, le caractère supposé plus travailleur des femmes est mentionné

lorsque le nombre de candidates dépasse largement celui des candidats, précisément

pour certains instruments à cordes comme le violon réputé particulièrement pour

être « un instrument exigeant, difficile ». Notons que la situation inverse (lorsque les

candidats hommes sont nettement plus nombreux que les candidates) ne fait pas,

quant à elle, l’objet d’investigations ou de réflexions. D’un autre côté, l’augmentation

numérique des congés de maternité est parfois mentionnée, comme un fait lié à la

féminisation des ensembles et donc au titre d’une situation – parfois complexe – à

gérer pour les orchestres.

L’origine ethno-raciale et le handicap ont été parfois évoqués par les personnes

avec lesquelles nous avons pu dialoguer, mais le plus souvent très furtivement. Avec

l’une d’entre elles, le cas du potentiel recrutement d’une personne en situation de

handicap a été envisagé comme une difficulté éventuelle posée par le paravent : la

présence d’un-e musicien-ne dans cette situation était pensée comme un problème

pour l’organisation et le fonctionnement de l’orchestre, ce qui fait que ce-tte

candidat-e ne pouvait pas in fine être choisie. En revanche, la question de l’origine

ethno-raciale est appréhendée – lorsqu’elle l’est – sous un autre angle : le paravent

apparaît ici en tant qu’outil permettant d’ouvrir les recrutements, ce que certains

interlocuteurs-trices ont appelé de leurs vœux. L’une des personnes interviewées

estime que le paravent peut permettre « d’évacuer toutes ces questions [relatives à

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41

l’origine ethno-raciale] et de ne faire foi qu’à ses oreilles ». Cette même personne

pointe du doigt la norme – de fait – des interprètes blancs au sein de la musique

« classique », en expliquant que « c’est quand même relativement récent de voir des

personnes d’origine africaine ou maghrébine dans les conservatoires, mais ça

arrive ». Elle suggère le fait que les jurys auraient des « a priori » envers ces

musicien-ne-s, en raison du manque d’habitude. Cette observation est également

présente dans le discours d’un-e autre responsable, qui explique le rôle de modèle

que des musicien-ne-s d’origine africaine ou maghrébine peuvent jouer pour les

publics, notamment les plus jeunes, en citant une anecdote survenue lors d’une

intervention de l’orchestre dans une cité de la banlieue parisienne. Elle rapporte des

réactions du jeune public envers les musicien-ne-s de l’orchestre :

« "Ah je savais pas qu’un monsieur comme moi, tout noir, pouvait jouer d’un instrument" [a

dit une personne du public]. Il y a aussi ce regard direct avec la société qui est là. [J’ai vu] une

petite fille qui pleurait en disant : "Mais je ne savais pas que je pouvais faire de cet

instrument". »

Cette expérience la conduit à penser que l’orchestre doit être « à l’image de la

société » et qu’il est donc important qu’il y ait non seulement des femmes, mais aussi

des non-Blanc-he-s au sein de l’orchestre.

Ces quelques réflexions ne font cependant pas partie d’un questionnement

concret en matière de processus discriminatoire lors des recrutements. L’effet de

l’utilisation ou non du paravent sur le profil des personnes recrutées ne fait pas

davantage l’objet d’interrogations.

Parmi les ensembles de l’étude, seul l’Orchestre de chambre de Paris met en

avant l’utilisation du paravent comme dispositif de recrutement non discriminatoire

envers les femmes. Le paravent est utilisé lors du premier tour dans l’orchestre

depuis 2010. En 2011, spécifiquement au sein de cet orchestre, un accord collectif sur

l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (annexe 6) a été signé par les

partenaires sociaux et l’administration de l’orchestre. Dans cet accord, l’article 4.1

précise les conditions d’embauche de la sorte :

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42

« Il est convenu de :

- constituer des jurys de recrutement mixtes,

- établir des épreuves de sélection incluant une ou deux épreuves derrière paravent,

- introduire dans le règlement des concours une clause de non-discrimination ».

Par ailleurs le respect de ces engagements est retenu comme un indicateur de l’égalité

entre femmes et hommes dans cet orchestre. L’article précise que ces objectifs ne

pourront pas être légitimement atteints dans le cas de « circonstances extérieures

justificatives ». Il peut s’agir de l’« absence ou [l’] indisponibilité de personnalités

féminines spécialistes dans le domaine requis » lors de la constitution de jurys

mixtes. Ou encore, la clause peut être suspendue à la « décision du jury, pour des

raisons légitimes et argumentées, de restreindre le nombre d’épreuves derrière

paravent ». Dans son accord collectif d’entreprise (annexe 7) signé un an et demi plus

tard, en mai 2012, ce même orchestre précise : « Le concours comporte trois

épreuves. La première épreuve est derrière paravent ». La direction de l’orchestre

s’est donc alignée sur la Convention collective nationale des entreprises artistiques et

culturelles de 2011, signée par différents orchestres permanents, et n’a ainsi pas suivi

les recommandations de son propre accord d’égalité professionnelle plus incitatif.

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43

TROISIEME PARTIE :

ANALYSE STATISTIQUE DU DEROULEMENT DES CONCOURS

Cette partie se concentre sur une exploration de la base Ardis-Orchestres

constituée lors de cette recherche. Alors que dans la partie précédente, nous avons

conduit un travail sur les 94 concours correspondant à 105 postes, l’analyse

statistique présentée dans la troisième partie s’appuie sur les 41 concours observés

dans la base de données, et pour lesquels nous disposons de données suffisantes pour

conduire une exploration plus poussée.

Il ne s’agit ici que d’une première exploration qui vise à dégager les principaux

enseignements que nous pouvons retirer de façon robuste après une première année

de travail de recherche.

1. La base de données Ardis-Orchestres : une base de données unique

1.1 La constitution de la base : un défi à plusieurs niveaux

Comme l’a montré la première partie du rapport, la base de données « Ardis-

Orchestres » a été constituée dans le cadre de cette recherche portant sur l’impact du

paravent sur le recrutement des musicien-ne-s dans les orchestres permanents de

Paris et d’Ile-de-France. Elle est le résultat de plusieurs mois de travail rythmés par

quatre grandes étapes, qui reflètent les problèmes rencontrés. Ces difficultés

conduisent à des obstacles méthodologiques qui limitent la portée d’une analyse

statistique poussée :

1. Prises de contact et présentation de l’étude auprès des orchestres partenaires.

Les sept orchestres permanents de Paris et d’Ile-de-France ont été contactés.

Parmi ceux-ci, cinq ont répondu positivement et dans un délai raisonnable au

regard de la mise en œuvre du projet de recherche et de la remise du rapport final.

2. Accès aux données et utilisation des informations relatives aux candidat-e-s et

au déroulement des concours. Un contrat de confidentialité permettant une

utilisation anonymisée des données a été signé entre l’équipe de recherche et les

orchestres participant à l’étude. Nous ne sommes donc pas en mesure de

présenter des données détaillées par orchestre. A la suite de cet accord, les

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44

personnes en charge de la gestion des concours ont pu accueillir l’équipe de

recherche pour accéder sur place aux données pour chaque orchestre.

3. Saisie de données. La plupart des données disponibles ont été fournies soit sous

format papier (auxquelles nous n’avons eu accès que sur place), soit sous la forme

de fiches d’inscription et / ou de CV scannés. Un travail long et fastidieux de saisie

de données a donc dû être réalisé. Plusieurs réunions de calage concernant le

codage des données et le traitement de l’hétérogénéité des profils de candidat-e-s,

ainsi que des différences entre orchestres ont été nécessaires afin de permettre la

constitution de cette base. Le manque de clarté de certains CV et l’impossibilité

d’une harmonisation parfaite des informations ont conduit nécessairement à des

arbitrages entre perte d’information et possibilité de comparer les profils des

différents candidat-e-s. En particulier, le codage de diplôme des CV de candidat-e-

s français-e-s et étranger-ère-s a été problématique dans la mesure où il n’existe

pas d’équivalence entre certains diplômes et / ou dans la façon de présenter son

parcours (mise en valeur de certains aspects, par exemple, qui diffère selon

l’origine des candidat-e-s).

4. Traitement et nettoyage de la base Ardis-Orchestres. Une fois la base constituée,

une phase préliminaire de mise en forme de la base a été nécessaire avant

l’exploitation statistique. Un recodage plus fin de certaines variables a été réalisé.

Par ailleurs des imperfections de la base de données ont impliqué des arbitrages

méthodologiques importants.

1.2. Les contraintes imposées par la base de données

L’hétérogénéité des orchestres et le caractère non systématique de nos

observations soulèvent un certain nombre de problèmes méthodologiques importants

et de plusieurs ordres.

1.2.1 Candidat-e-s inscrit-e-s versus candidat-e-s auditionné-e-s

Pour cinq concours, le nombre de candidat-e-s inscrit-e-s diffère du nombre de

candidat-e-s qui se sont effectivement présenté-e-s au premier tour. Etant donné la

taille réduite de l’échantillon, ces concours ont été intégrés en considérant que tou-te-

s les inscrit-e-s s’étaient présenté-e-s au concours. Une variable a été introduite de

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sorte à pouvoir identifier les individus sur lesquels pèse cette incertitude. Nous avons

mené plusieurs types d’estimations et d’explorations préliminaires avec et sans ces

cinq concours. Au total 213 personnes se sont inscrites à ces cinq concours, 15 % n’ont

pas passé l’audition du premier tour. Le tableau ci-dessous décrit ces cinq concours.

Tableau 7 : Description de cinq concours pour lesquels l’information est

incomplète dans la base Ardis-Orchestres

Inscrit-e-s % de non-

auditionné-e-s Taux de féminisation Embauché-e-s Poste

Petite clarinette 39 13 % 38 % homme soliste

Contrebasse 28 21 % 32 % homme soliste

Contrebasse 18 17 % 22 % non soliste

Violoncelle 90 14 % 59 % femme tuttiste

Timbales 37 11 % 8 % homme soliste Source : Ardis-Orchestres

En outre, 1244 candidat-e-s dans la base se présentent au premier tour, mais

six candidat-e-s ont été directement auditionné-e-s au deuxième tour sans avoir

passé le premier tour, car ils / elles étaient déjà employé-e-s de façon permanente

dans l’orchestre en question. Parmi ces six personnes, on compte cinq femmes et un

homme. Il s’agit de postes de solistes dans les six cas : pour les femmes, cela concerne

une harpiste, deux violonistes, une alto et une contrebassiste ; pour l’homme présent,

il s’agit d’un contrebassiste.

1.2.2 Modifications des procédures de recrutement pendant la période observée

Les concours organisés par l’EIC ne comportaient jusqu’en 2006 que deux

tours avant le recrutement. Le paravent était utilisé au premier tour et le second tour

correspondait donc à la finale. À partir de 2006, un tour a été ajouté, comme dans les

procédures telles qu’elles existent dans les autres orchestres (premier tour, deuxième

tour, finale et embauche). Dans ce nouveau parcours de recrutement, le paravent est

utilisé au premier et au deuxième tour. Ce changement de procédure doit être pris en

compte dans la mesure où les décisions du jury (en nombre de candidat-e-s retenu-e-

s au premier tour par exemple) sont influencées par le nombre total de tours. Les

membres du jury retiennent davantage de candidats au premier tour sachant qu’un

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46

tour supplémentaire a été introduit. Ainsi le mode de recrutement mobilisé dans cet

orchestre a profondément changé durant la période observée.

1.2.3 Données manquantes sur l’âge

Pour moins de 5 % de l’échantillon, l’âge n’est pas renseigné. Afin de ne pas

réduire davantage la taille de la base de données, il est possible d’attribuer l’âge

moyen par sexe aux personnes pour lesquelles la variable « âge » n’est pas

renseignée. Une méthode plus précise consisterait à reconstruire des cas-types en

fonction des caractéristiques pour chaque tranche d’âge par sexe. Ceci requiert un

échantillon plus large, et pourra être appliqué avec l’extension de la base de données

dans le futur.

Au total dans la base, nous observons 41 concours qui conduisent, au terme du

processus de sélection, au recrutement de 34 personnes, dont trois personnes qui

n’ont pas passé le premier tour (deux femmes et un homme). Ainsi, sur les 1244

candidat-e-s se présentant au premier tour, on observe 31 embauches. Pour certains

concours aucune embauche n’est réalisée faute de candidat-e-s jugé-e-s satisfaisant-

e-s. Pour certains concours, deux candidat-e-s sont recruté-e-s simultanément. Pour

l’ensemble des instruments et des orchestres étudiés, nous disposons donc de 1244

fiches de candidat-e-s au premier tour, dont 41 % de femmes ; s’y ajoutent au

deuxième tour six candidat-e-s, dont cinq femmes et un homme.

Le travail accompli pour construire cette base de données unique constitue la

première étape d’un travail de recherche original, sur un sujet qui précisément

manquait de données statistiques cohérentes et précises.

2. Exploration de la base de données Ardis-Orchestres

2.1 Description des orchestres et des profils des candidat-e-s

2.1.1 Hétérogénéité des types de concours observés

Le travail présenté dans la deuxième partie du rapport a montré que les

orchestres étudiés étaient très différents en ce qui concerne leur mode de

fonctionnement, leur positionnement artistique, la représentation des instruments en

leur sein et le type de postes ouverts (par exemple postes de « tuttiste » versus poste

de « soliste »). L’EIC ne mobilise que des postes de solistes pour jouer un répertoire

particulier centré sur la musique contemporaine. Dans les quatre autres orchestres,

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des postes de soliste et de tuttiste sont ouverts au recrutement et leur répertoire est

relativement plus homogène, en tout cas en ce qui concerne le répertoire

symphonique. Cette différence implique que le profil des candidat-e-s qui se

présentent au concours de l’EIC diffère de celui des candidat-e-s se présentant aux

concours organisés par les quatre autres orchestres. Pour compléter les observations

mentionnées précédemment dans le rapport, l’EIC est l’orchestre le moins féminisé

des orchestres du panel (comme on l’a montré en deuxième partie du rapport), les

musiciennes n’y représentent que 19 % de l’ensemble de l’orchestre. Les personnes

qui se présentent au concours de l’EIC sont plus diplômé-e-s que pour les autres

orchestres de la base Ardis-Orchestres en moyenne. Ainsi cet orchestre présente des

caractéristiques particulières qui fragilisent la comparabilité de son mode de

recrutement avec celui des autres orchestres du panel.

Parmi les concours pour lesquels nous disposons des informations nécessaires

à la constitution de la base de données individuelles, nous n’observons pas de

recrutement pour chaque instrument et pour chaque orchestre, le renouvellement des

postes permanents de musicien-ne-s s’effectuant lentement, au rythme des départs

(les musicien-ne-s peuvent parfois rester une quarantaine d’années dans le même

ensemble). Cela explique le degré élevé de concurrence des concours. Ainsi entre

2001 et 2014, nous disposons de données concernant les recrutements réalisés par

chaque orchestre, selon ses propres besoins et à son propre rythme. Les données de

chaque concours ne sont pas donc parfaitement comparables, dans la mesure où

chaque instrument présente des spécificités en termes de profil des candidat-e-s et de

degré de féminisation notamment.

Le graphique ci-dessous indique la diversité des types d’instrument pour

lesquels nous observons les concours par orchestre en fonction de l’effectif total au

premier tour :

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Graphique 4

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49

Par exemple, pour les timbales, nous n’observons qu’un seul concours pour

l’orchestre 4, aucun pour les autres orchestres. L’alto, le violon, la clarinette, la

contrebasse sont les seuls instruments pour lesquels nous observons des concours

dans trois (ou quatre pour la contrebasse) orchestres différents. Il peut s’agir de

concours de solistes ou de tuttistes pour les cordes, ce qui fait varier (sensiblement) le

nombre moyen de candidat-e-s au premier tour.

Le graphique suivant montre le taux de féminisation au premier tour pour

chaque instrument, pour tous les concours observés et pour l’ensemble des orchestres

du panel, ainsi que le nombre total de candidat-e-s observé-e-s par instrument au

premier tour. On constate que la taille du vivier total (femmes et hommes) est

variable selon les instruments : alors que l’on observe 198 candidat-e-s pour le violon

(pour l’ensemble des orchestres et l’ensemble des concours observés), seule huit

personnes, dont aucune femme, se présentent au concours de tuba. Inversement, les

candidates représentent 89 % des candidats pour la harpe pour 35 candidat-e-s au

premier tour.

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Graphique 5

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Les différences importantes dans les taux de féminisation par instrument

devront être intégrées dans une analyse statistique plus poussée. En effet,

statistiquement, les chances qu’une femme soit présente au second tour sont d’autant

plus importantes relativement à celles d’un homme que le nombre de candidates est

grand.

Ainsi, chaque instrument et chaque type de concours est particulier et soulève

une difficulté de comparabilité de l’ensemble sur un échantillon total qui reste faible

(1244 candidat-e-s au total au premier tour) au regard de cette hétérogénéité.

2.1.2 Le profil des candidat-e-s

Les différences sexuées dans la composition des « viviers » de départ peuvent

se croiser avec d’autres types de caractéristiques qui pèsent sur la probabilité d’être

embauché-e au terme du processus de recrutement. Le niveau d’éducation,

l’expérience, l’âge, la nationalité sont des caractéristiques individuelles qui peuvent

expliquer le passage d’un tour à l’autre.

En moyenne, pour l’ensemble des orchestres, les candidats sont âgés de 30,7

ans contre 30,9 ans pour les candidates. La distribution des âges par sexe parmi les

candidat-e-s montre que les profils sont assez proches, comme l’indique le graphique

suivant. Seules les femmes candidates au concours pour lesquels le paravent n’est pas

utilisé semblent plus âgées que les autres catégories. En moyenne, les hommes et les

femmes qui concourent devant paravent ont un âge moyen de 30 ans et demi environ.

En revanche, les femmes qui se présentent dans les concours pour lesquels le

paravent est utilisé sont sensiblement plus âgées (entre 31 et 32 ans). Il est difficile à

ce stade d’interpréter cette différence. Cela peut être dû au type d’instruments pour

lesquels les concours ont été organisés et aux taux de féminisation de ces concours.

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Graphique 6

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De même, les profils d’éducation (mesurés par le diplôme d’études

instrumentales15 obtenu le plus élevé) des candidates et des candidats sont similaires

en moyenne pour l’ensemble des personnes qui présentent les concours observés.

Graphique 7

Deux types de postes sont ouverts dans les différents orchestres, des postes de

solistes et des postes de tuttistes. Le tableau ci-dessous décrit les différences

importantes entre les deux types de recrutement : sur les 41 concours observés, 32

visent le recrutement de solistes. En revanche, en moyenne, les candidat-e-s se

présentant à un concours pour un poste de tuttiste sont presque deux fois plus

nombreux que ceux se présentant à un concours pour un poste de soliste. Ce résultat

15 Les diplômes pris en compte dans la base sont les diplômes musicaux et plus particulièrement ceux qui concernent l’instrument joué. Sont donc mis de côté des diplômes en musique de chambre, composition ou musicologie, par exemple. Il s’agît de diplômes des deux Conservatoires nationaux supérieurs de musique pour la France, des Hochschule für Musik des pays germanophones, des Académies Royales anglaise, belge et néerlandaises, ainsi que des universités américaines, etc. Le niveau « bac+3 / 4 », selon les pays et les institutions, correspond au premier niveau d’études supérieures en musique instrumentale, puis le « master » aux diplômes de perfectionnement et/ou de soliste. Enfin, ont également été pris en compte les doctorats de performance / exécution qui sont délivrés par certaines de ces institutions. Pour le cas français, les diplômes et dénominations ont évolué au fil du temps, mais les équivalences ont été prises en compte également. Par exemple, les CNSMD de Paris et de Lyon délivraient jusqu’au milieu des années 1990 des « Premiers prix », puis des Diplômes de formation supérieure (DFS), puis enfin depuis la fin des années 2000 le Diplôme national supérieur professionnel du musicien (DNSPM). Malgré des différences, ces diplômes correspondent au premier niveau de diplôme décerné par les CNSMD et ont donc été regroupés comme tels (dans la base, ces différences correspondent aux différentes générations de candidat-e-s et non pas à des niveaux de diplômes distincts).

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est cohérent avec le fait que le niveau d’exigence dans le recrutement d’un ou d’une

soliste est plus élevé que pour un poste de tuttiste : les concours n’aboutissant pas à

une embauche (10 au total) concernent davantage les concours de recrutement de

solistes (8 sur les 10).

Enfin, comme nous l’avons précisé précédemment, six personnes (cinq

femmes et un homme) n’ont pas passé le premier tour, car elles travaillaient déjà en

tant que titulaires pour l’orchestre. Il s’agit de postes de soliste uniquement, ce qui

s’explique par le fait qu’il s’agit le plus souvent de personnes qui candidatent pour un

poste plus élevé que le poste qu’elles occupent, et de facto il s’agit de poste de solistes.

Sur ces six personnes, trois ont été finalement embauchées (deux femmes et un

homme). Dans ce cas, ces trois recrutements s’apparentent davantage à une

promotion de poste ou à une mobilité interne, plutôt qu’à une embauche stricto

sensu.

Tableau 8 : Récapitulatif des concours et des recrutements

Source : Ardis-Orchestres (n = 1224)

Les femmes sont plus nombreuses à se présenter au concours concernant des

postes de tuttiste : le taux de féminisation des candidat-e-s au premier tour est deux

fois plus élevé pour les concours de tuttiste que de soliste. Ceci pourrait s’expliquer

par un phénomène d’autocensure qui impliquerait que les femmes se présenteraient

moins facilement aux postes de solistes que les hommes. Historiquement, les femmes

ont en effet parfois anticipé des difficultés de recrutement aux postes les plus élevés.

Elles se sont alors présentées sur des postes de seconds solistes, plutôt que de

Tuttistes Solistes Total Nombre de concours 9 32 41

Nombre de postes ouverts 11 33 44

Effectif total de candidat-e-s au tour 1 428 816 1244

Nombre moyen de candidat-e-s par concours 48 26 Taux de féminisation 61 % 30 % Nombre femmes embauchées

dont mobilité interne 3

3 2

6 2

Nombre hommes embauchés dont mobilité interne

6

22 1

28 1

Nombre de non embauche 2 8 10

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premiers solistes, par exemple, ou n’ont pas tenté certains concours pour lesquelles

elles ne pensaient pas « avoir les épaules pour ce poste », tout comme on ne les en

voyait guère capables.

Toutefois, il convient de nuancer ce point car dans la base Ardis-Orchestres,

nous observons peu de concours de tuttistes relativement aux concours de solistes,

notamment en raison des caractéristiques particulières de l’EIC, qui n’offre que des

postes de soliste.

Par ailleurs, la deuxième partie du rapport a montré que les femmes

représentaient un tiers des lauréates tuttistes, pour deux tiers des candidates donc,

parmi l’ensemble des 94 concours pour 105 postes (donc une observation plus large

que celle menée sur la base). Cela témoigne d’une forte disparition au long du

concours, qui mérite d’être explorée. En revanche, chez les solistes, la proportion de

candidates et de lauréates est du même ordre pour l’ensemble des 94 concours,

moindre pour les lauréates pour les 41 concours de la base. Faut-il le traduire comme

une possible conséquence d’un sentiment de (trop) grande féminisation des pupitres

de cordes (en particulier des violons), qui a pu conduire certaines des personnes

interrogées à mentionner la nécessité de « faire attention à ne pas recruter que des

femmes » dans ces postes de tuttiste ? Sur les embauches de tuttiste précisément, il

est difficile de conclure au regard de peu de nombre de concours observés dans la

base Ardis-Orchestres. Si on exclut les mobilités internes, les 31 embauches

concernent quatre femmes et pour les postes de soliste, une femme seulement est

embauchée contre 21 hommes.

Les différences observées entre effectif total et taux de féminisation par

instrument sur l’ensemble des concours ne se recoupent pas entre les concours de

soliste, d’une part, et de tuttiste, d’autre part, comme le montrent les deux graphiques

suivants. Chez les solistes, pour certains concours, le nombre de candidat-e-s est

important, mais le taux de féminisation est faible (comme par exemple pour la

trompette) ; pour d’autres, le taux de féminisation est élevé, mais le nombre de

candidat-e-s faible (comme pour la harpe).

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Graphique 8

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57

Graphique 9

On observe également des différences sensibles relatives à la nationalité entre

femmes et hommes. Les personnes de nationalité française représentent 58 % des

candidat-e-s. Par ailleurs, 18 % des candidat-e-s proviennent du reste de l’Europe de

l’Ouest. Le graphique suivant résume les écarts entre les sexes concernant la

nationalité des candidat-e-s.

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Graphique 10

Les femmes sont moins représentées parmi les candidates françaises que ne le

sont leurs homologues hommes. En revanche, elles sont plus nombreuses à venir du

reste de l’Europe de l’Ouest, que ne le sont les hommes. Notons que la faiblesse des

effectifs ne permet pas de commenter les écarts pour les autres nationalités.

2.2. Analyse du processus de sélection durant les concours

2.2.1. Un effet « virtuose » et / ou un effet « disponibilité »

Pour résumer, la base Ardis-Orchestres comprend au total 41 concours,

auxquels se sont présenté 1244 candidat-e-s, dont 41 % de femmes. Ces concours

conduisent, au terme du processus de sélection, au recrutement de 34 personnes dont

six femmes, soit moins de 18 %. Rappelons que sur ces 34 embauches, trois

concernent des personnes qui n’ont pas eu à passer le premier tour.

Une première exploration indique que les candidat-e-s plus jeunes semblent

avoir davantage de chance de passer les différents tours du processus de recrutement.

Dans le milieu de la musique « classique », les postes de musicien-ne-s d’orchestre

représentent aujourd’hui des postes très convoités aux côtés des carrières de

concertistes, très rares, et souvent davantage que les postes d’enseignement seul.

L’une des situations relevées comme « idéales » par les impétrant-e-s est celle du / de

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la musicien-ne d’orchestre permanent-e qui enseigne parallèlement en conservatoire.

Par ailleurs, le fort niveau de compétition des concours d’orchestre conduit les

candidat-e-s à s’y préparer intensivement durant leurs (dernières) années d’études

supérieures de musique, notamment au sein des conservatoires nationaux supérieurs

de Paris ou de Lyon ou des conservatoires à rayonnement régional réputés.

Les données disponibles dans la base vont dans le sens d’effets « virtuose » et

« disponibilité » que l’on peut dégager. En effet les candidat-e-s plus jeunes sont

doté-e-s d’un très haut niveau de compétences techniques et potentiellement

identifié-e-s comme ayant une marge de progression plus importante (le niveau

atteint au moment du concours ne serait que le point bas de la maîtrise de leur

instrument, soit un effet « virtuose »). Par ailleurs, les candidat-e-s plus jeunes se

consacrent de façon intensive à la préparation du concours (effet « disponibilité ») et

passent plusieurs concours dans la même période, comme le prix d’instrument dans

les conservatoires supérieurs ou des prix d’interprétation (effet « entraînement »).

Les candidat-s-s plus âgé-e-s déjà membres d’orchestres peuvent bénéficier d’un

temps de congés (non rémunéré) pour préparer un concours, mais leur disponibilité

est moindre durant la période précédant le concours du fait de leur activité

professionnelle.

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Graphique 11

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61

2.2.2. Un processus d’élimination des femmes

Si l’on exclut les recrutements qui concernent des personnes qui occupaient

déjà un poste permanent dans l’orchestre et qui n’ont pas passé le premier tour, on

compte 16 % de femmes parmi les personnes recrutées, contre 41 % parmi les

candidat-e-s au départ. La proportion de femmes recrutées au regard du vivier de

femmes qui se présentent chute donc de façon significative. Le processus qui conduit

à ce résultat marqué mérite une attention particulière. Ces chiffres moyens cachent

de grandes disparités selon les instruments, les orchestres, le type de poste sur lequel

la personne est embauchée.

Sur les six femmes embauchées au total, trois le sont sur un poste de soliste,

mais deux travaillaient déjà pour l’orchestre qui les a recrutées et, de fait, n’ont pas

passé le premier tour. Parmi les six femmes recrutées, deux l’ont été en binôme avec

un homme. Un de ces binômes correspond à deux postes de contrebassiste, qui

étaient déjà présents (donc un homme et une femme) dans l’orchestre au moment du

concours. Ils ont été recrutés ensemble, sans avoir passé le premier tour. On peut

donc penser que ce concours de contrebasse s’apparente davantage une mobilité

interne qu’à un recrutement stricto sensu.

Les instruments concernés par les six recrutements de femmes dans la base

sont le violoncelle (sur un poste de tuttiste), l’alto (sur un poste de tuttiste), le violon

(sur un poste de tuttiste), le contrebasson et basson (sur un seul et même poste de

soliste), la contrebasse (sur un poste de soliste) et la harpe (sur un poste de soliste). A

l’exception des postes de contrebasse et contrebasson/basson, il s’agit des

instruments dans lesquels le vivier de candidates au départ est le plus élevé et pour

lesquels le taux de féminisation des pupitres au sein des orchestres est également le

plus important.

Comment expliquer le peu de recrutements de femmes au regard du vivier de

départ ou le phénomène de « disparition » relevé à plusieurs reprises ? La base de

données Ardis-Orchestres ne permet pas d’expliquer de façon précise les causes de ce

phénomène, mais nous pouvons néanmoins dégager la dynamique à l’œuvre qui

conduit à l’élimination progressive des femmes durant le processus de recrutement.

Les graphiques suivants indiquent, par instrument, le nombre de femmes et

d’hommes pour chaque tour, en mettant ensemble tous les 41 concours disponibles

pour tous les orchestres du panel. Certains instruments sont féminisés, comme la

harpe, alors que d’autres, comme le tuba, ne voient aucune femme se présenter aux

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concours. Certains instruments sont relativement mixtes comme le violon, l’alto, le

violoncelle. Pour ce type d’instruments « mixtes », le vivier de départ est équivalent

pour les femmes et pour les hommes. Au deuxième tour, on observe un maintien

équivalent des deux sexes. En revanche, lors de la sélection pour la finale, le nombre

de femmes chute brutalement et, finalement, c’est le plus souvent un homme qui est

recruté.

Quelques instruments sont emblématiques de ce processus d’écrémage (si l’on

ne compte pas les personnes qui n’ont pas eu à passer le premier tour). Pour

l’ensemble des concours de violon, on compte 124 femmes candidates (74 hommes).

Le deuxième tour ne compte plus que 24 femmes16 (16 hommes). À la finale, seules

cinq femmes (six hommes) sont présentes. Finalement, aucune femme n’est

embauchée contre cinq hommes. Pour le violoncelle, on retrouve une dynamique

similaire : au premier tour, on compte 79 femmes candidates (77 hommes) ; au

deuxième, 20 femmes (20 hommes) ; à la finale, seules deux femmes sont présentes

(huit hommes). Finalement, une seule femme est embauchée contre trois hommes.

16 On ne compte pas les personnes présentes au deuxième tour mais qui n’ont pas eu à passer le premier tour.

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Graphique 12

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Graphique 13

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Pour explorer davantage ce processus de sélection, nous avons tenté de

représenter la dynamique qui s’opère entre les différents tours. Le graphique suivant

confirme bien que l’élimination des femmes se produit entre le deuxième tour et la

finale, puis lors de l’embauche.

Les bulles roses représentent la proportion de femmes à chaque instrument

pour l’ensemble des orchestres au premier tour relativement à celle du deuxième

tour. Les bulles violettes représentent la proportion de femmes présente au deuxième

tour relativement à celles présentes à la finale. Les bulles grises indiquent la

proportion de femmes présentes à la finale relativement à celle des femmes

embauchées. La taille des bulles donne l’importance du nombre de candidat-e-s total

pour chaque instrument. Les bulles se situant sur la bissectrice montrent que la

proportion de femmes se maintient entre les différents tours. En revanche, toutes les

bulles se situant en dessous signalent que la proportion de femmes se réduit

fortement entre les deux tours considérés.

Alors que les bulles roses sont approximativement réparties sur la ligne

bissectrice, ce qui indique qu’entre le premier et le deuxième tour la proportion de

femmes par instrument se maintient, en revanche, les bulles violettes se situent

sensiblement en-dessous de cette ligne, ce qui montre que la proportion de femmes

se réduit fortement entre le deuxième tour et la finale. Finalement, les bulles grises

sont situées encore en-dessous, ce qui signale que les femmes sont moins

embauchées que les hommes in fine. Ce graphique confirme donc le constat qu’un

processus sélectif à l’encontre des femmes se joue entre le deuxième tour et la finale,

alors qu’entre le premier et le deuxième tour, le nombre de candidates se maintient à

hauteur du vivier initial.

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Graphique 14

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67

Ce phénomène est statistiquement significatif comme le montre le tableau

suivant. Au premier tour, sur les 1244 candidat-e-s, 1147 candidat-e-s sont éliminé-e-

s. Parmi les candidat-e-s non retenu-e-s à cette étape, on trouve 58 % d’hommes.

Cette surreprésentation des hommes parmi les personnes non retenues pour le

deuxième tour est significative au seuil de 1 % (les personnes qui n’ont pas eu à passer

le premier tour n’étant pas intégrées dans les calculs). En revanche, seules 66

personnes arrivent jusqu’en finale et cette fois ci la proportion d’hommes est de 68 %.

La surreprésentation des hommes parmi les personnes sélectionnées au fil du

processus est significative au seuil de 5 %. Enfin, parmi les personnes finalement

embauchées, on trouve 87 % d’hommes. Cette surreprésentation des hommes parmi

les personnes finalement recrutées est significative au seuil de 1 %. Le processus

d’élimination des femmes se produit à partir du deuxième tour et s’accélère au fil du

recrutement.

Tableau 9: Proportion de chaque sexe à différents stades du processus de

recrutement

Hommes Femmes Total éliminé-e lors des auditions Effectif 667 480 1147

% ligne 58 % 42 % 100 %

Résidu ajusté -3,1 3,1

Seuil de significativité : 1 %

a réussi les auditions et se présente en finale Effectif 45 21 66

% ligne 68 % 32 % 100 %

Résidu ajusté 1,5 -1,5

Seuil de significativité : 5 %

est embauché-e Effectif 27 4 31

% ligne 87 % 13 % 100 %

Résidu ajusté 3,2 -3,2

Seuil de significativité : 5 %

Total Effectif 739 505 1244

% ligne 59 % 41 % 100 %

Source : Ardis-Orchestres ; n = 1244 ; ne sont pas pris en compte les six candidat-e-s qui n’ont pas passé le premier tour.

Ce constat n’est pas en lui-même la preuve d’un processus discriminatoire qui

s’exercerait à l’encontre des femmes, car il est possible que les caractéristiques des

candidates soient moins favorables que celles des hommes et que cette dynamique

qui conduit à une embauche significativement plus faible de femmes ne soit que le

reflet de leur moindre « talent » et / ou « qualification ». Mais la proportion de

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femmes embauchées parmi les candidates (0,8 %) est presque cinq fois plus faible

que celle des hommes (4 %), ce qui tend à montrer qu’un processus plus complexe se

joue durant la totalité du concours dans le parcours de sélection des embauches dans

les orchestres étudiés. En outre, le processus de sélection sexuée n’est pas linéaire au

cours du concours. Ce point mérite donc d’être davantage analysé, même si le

manque de données limite à ce stade les possibilités d’exploration.

Le processus dynamique, qui conduit à une sous-représentation des femmes

parmi les personnes embauchées dans les orchestres étudiés, se produit après le

deuxième tour. Entre le premier et le deuxième tour, le taux de féminisation s’accroît.

L’« élimination » des femmes se produit entre le deuxième tour et la finale, puis de

façon accélérée au moment de l’embauche. Or, c’est précisément entre les deux

premiers tours que le paravent est utilisé par les orchestres qui l’utilisent ; même si

l’EIC l’utilise également lors du deuxième tour. Pour autant, il n’est pas possible à ce

stade de l’étude d’attribuer le maintien des femmes entre le premier et le deuxième

tour à l’utilisation du paravent. Les premières analyses exploratoires de l’effet du

paravent soulèvent des problèmes méthodologiques qui, étant donné la taille de la

base Ardis-Orchestres, ne peuvent pas être surmontés.

2.2.3. Ecouter sans voir : une mesure de la discrimination

Dans l’esprit de l’étude de Goldin et Rouse (2000), notre objectif initial était

d’évaluer l’effet de l’introduction du paravent sur la probabilité de succès des femmes

au regard de celle des hommes pour les concours de recrutement dans les orchestres

sous revue. Quelles sont les chances de succès des femmes lors d’une audition aveugle

par rapport à une audition non-aveugle ?

Les méthodes quantitatives possibles

Pour mesurer la discrimination qui s’exerce à l’encontre des femmes lors des

recrutements, il est nécessaire de contrôler l’ensemble des caractéristiques propres à

chaque individu, de sorte à construire un contrefactuel permettant de répondre à la

question : que ce serait-il passé si cette femme avait été un homme ? En théorie, il

faudrait disposer d’une base de données dans laquelle on suivrait des individus

identiques en tout point, à l’exception du sexe, et qui passeraient le même concours.

Si les femmes sont moins recrutées que les hommes, on pourrait conclure à une

discrimination à leur encontre. Cette expérience n’étant pas réalisable stricto sensu,

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les méthodes de CV fictifs offrent une alternative permettant de reproduire ce type

d’expérience.

Une autre façon de mesurer la discrimination consiste à procéder à des

recrutements « à l’aveugle », c’est ce que permet le paravent dans les recrutements

des musicien-ne-s. On tente de mesurer l’effet du traitement, ici « avoir été

auditionné-e » derrière un paravent, sur la probabilité d’être recruté-e. On parlera

alors d’individus « traités » pour les personnes ayant été auditionnées derrière

paravent et individus non traités pour celles ayant été de auditionnées de façon

ouverte.

Dans ce cas identifier une discrimination revient à mesurer l’impact du

paravent sur le sexe des lauréats. Le contrefactuel à construire doit permettre de

répondre à la question : quel aurait été le sexe des personnes recrutées en l’absence

de paravent ? Pour cela, trois défis méthodologiques doivent être relevés :

1/ Pour mesurer l’impact du paravent sur le sexe des personnes recrutées, il

convient d’isoler cet effet propre au paravent des multiples autres facteurs pouvant

jouer sur le recrutement, comme l’expérience, la formation initiale, l’instrument joué,

mais aussi le talent, le type d’orchestre, l’instrument, le répertoire mobilisé, etc. La

méthode doit donc permettre d’approcher au plus près l’effet du paravent en

contrôlant les caractéristiques observables disponibles dans la base de données. Il

s’agit ici de répondre à la question : que ce serait-il passé si le paravent n’avait pas été

installé ?

2/ Pour garantir la qualité du contrefactuel, il faudrait pouvoir tenir des effets

d’auto-sélection qui peuvent influencer le type de candidat-e-s se présentant à un

concours. Il importe que les musicien-ne-s qui se présentent aux concours avec et

sans paravent possèdent des caractéristiques observables et non observables

systématiquement similaires. Il est possible que les femmes les plus compétentes ne

se présentent qu’aux concours mobilisant le paravent, anticipant par exemple leur

chance plus élevée d’être recrutées (indépendamment du caractère avéré de cette

hypothèse), l’effet du paravent serait ici d’attirer en amont les femmes les plus

compétentes et non pas de contrôler à compétences égales le sexe des candidats. De

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fait, l’effet du paravent serait donc surestimé. Le phénomène d’auto-sélection masque

ou exagère l’effet du paravent.

3/ Pour bien mesurer l’effet causal, la variable à expliquer (ici la probabilité

d’être retenu-e à une épreuve du concours) doit être indépendante de la variable

d’accès au traitement (ici l’introduction du paravent dans le concours). Dans le cas

contraire, l’estimation serait biaisée. L’introduction du paravent doit être exogène,

c’est-à-dire indépendante de la volonté explicite d’un orchestre de vouloir recruter

des femmes (ou d’autres catégories discriminées). Il ressort de l’analyse qualitative

que l’instauration du paravent dans les concours tient surtout à la volonté d’assurer le

caractère méritocratique de la procédure en éliminant les effets de cooptation

(favoriser le recrutement de l’élève d’un collègue par exemple).

L’analyse de Goldin et Rouse (2000) repose sur une technique de différence de

différences qui consiste à comparer l’évolution avant et après la mise en place du

traitement (ici l’utilisation du paravent) de la différence de probabilité d’être retenu

entre les femmes et les hommes. Pour notre étude, l’estimateur porterait sur la

comparaison de l’évolution des probabilités de succès des femmes par rapport à celles

des hommes pour un même orchestre avant et après l’introduction du paravent, ceci

pour plusieurs orchestres.

La base de données dont nous disposons ne présente pas un nombre d’années

aussi important que celles utilisées par Goldin et Rouse : nous disposons d’un recul

de 14 années au maximum contre 48 années au maximum pour Goldin et Rouse. De

même, nous disposons de 41 concours observés sur la période étudiée contre 254

pour l’étude américaine. Ainsi la base de données Ardis-Orchestres présente moins

d’observations que celle mobilisée par Goldin et Rouse. Enfin et surtout, la base de

donnée Ardis-Orchestres ne permet pas d’observer une modification de procédure :

chaque orchestre utilise ou non le paravent, mais pour ceux qui l’utilisent, nous

n’observons pas de concours ayant lieu avant l’introduction de la procédure de

recrutement à l’aveugle. De fait, il est impossible de mobiliser le même type de

méthode que celle utilisée par Goldin et Rouse. En revanche, la base de données

Ardis-Orchestres présente l’avantage de comporter des renseignements sur :

- les orchestres : composition, historique….

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- les concours : paravent, étape, modification de procédure, nombre de

candidat-e-s, parfois la composition du jury

- les candidat-e-s : âge, instrument, sexe, nationalité, diplôme, expérience

professionnelle (dont la possibilité d’identifier les musicien-ne-s qui ont

participé à plusieurs concours de la base de données).

Les précisions relatives aux caractéristiques des candidat-e-s constituent l’atout

majeur de notre base de données.

Une adaptation de la méthode de Goldin et Rouse ?

La méthode mobilisée par Goldin et Rouse s’appuie sur la modification des

procédures de recrutement, via l’introduction du paravent, dans les orchestres en

comparant les chances d’être retenues des femmes avant et après l’introduction du

paravent. Cette méthode ne peut pas être appliquée comme telle dans la base Ardis-

Orchestres. En effet, les orchestres du panel n’ont pas changé de procédure de

recrutement entre 2000 et 2014. L’un des orchestres de Radio France a changé sa

procédure pour un seul concours (en mettant le paravent au premier tour), mais nous

ne disposons pas de ces dernières données. L’EIC a également changé sa procédure

de recrutement en passant de deux à trois tours en 2006 et en introduisant le

paravent lors de ce tour supplémentaire (le paravent était déjà utilisé au premier

tour). Seul l’EIC pourrait permettre de mesurer l’effet du paravent en s’appuyant sur

ce changement de procédure. Mais la base Ardis-Orchestres ne comporte pas assez

d’observations sur ce seul orchestre pour reproduire l’étude de Goldin et Rouse sur

l’EIC et nous avons montré que cet ensemble présente des caractéristiques

spécifiques par rapport à un orchestre symphonique, à plusieurs niveaux.

Une adaptation de la méthode de différence de différences consisterait non pas

à s’appuyer sur la modification de procédure dans les orchestres, mais sur la

différence de procédure entre orchestres. On compare alors les écarts de probabilité

de succès entre femmes et hommes toutes choses égales par ailleurs dans les

orchestres mobilisant le paravent aux écarts de probabilité de succès entre femmes et

hommes dans les orchestres n’utilisant pas le paravent. Si la probabilité de succès des

femmes relativement à celles des hommes est plus importante dans les orchestres

utilisant le paravent, on pourra conclure que le paravent a un effet positif sur le

recrutement des femmes et que de fait les femmes sont discriminées dans les

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recrutements dans les orchestres sans paravent. On estime alors un modèle probit

dont la variable à expliquer serait la probabilité de succès d’un individu lors d’une

épreuve d’un concours. L’introduction d’une variable « paravent » et son croisement

avec une variable « sexe » permet d’évaluer l’impact du paravent sur la probabilité de

succès de l’individu.

Cette méthode n’est pas robuste au regard de l’état de la base. Elle ne peut pas

permettre une mesure de l’effet du paravent et in fine conduire à une analyse d’une

potentielle discrimination à l’encontre des femmes pour plusieurs raisons.

Cette méthode requiert que les orchestres ne diffèrent que sur l’utilisation ou

non du paravent, mais ils doivent être identiques concernant toutes les autres

caractéristiques. Or, comme cela a été montré, les orchestres se distinguent au regard

de leur fonctionnement, des postes qu’ils proposent (soliste versus tuttiste), des

concours par instrument que nous observons, et de leur positionnement artistique, ce

qui induit des différences de profils des candidat-e-s qu’ils attirent. Ainsi, tout écart

observé peut être due à l’hétérogénéité des orchestres et non pas à l’utilisation du

paravent. Les taux de féminisation des instruments représentés dans les différents

concours observés sont inégaux et nous observons peu de concours pour des effectifs

faibles, ce qui limite les possibilités de contrôler la taille du vivier pour chaque

instrument. Le flux de candidat-e-s qui se présente aux concours de l’EIC a des

caractéristiques particulières (postes de soliste uniquement). Par ailleurs, le taux de

féminisation de cet orchestre est le plus faible du panel (moins de 20 % de femmes),

ce qui peut décourager des musiciennes de s’y présenter.

L’utilisation du paravent n’est pas exogène au processus de recrutement.

Contrairement à l’étude de Goldin, qui observe une période longue (40 ans), nous

observons les orchestres sur une période courte (14 ans), période durant laquelle la

question du paravent a été soulevée, discutée, voir testée (comme cela a été le cas

pour un concours de Radio France). L’analyse qualitative a montré que la question de

la discrimination ne faisait pas l’objet d’une réflexion dans tous les orchestres. En

revanche, celle du bien-fondé de l’utilisation du paravent était débattue, y compris

par ceux qui n’utilisent pas ou plus le paravent. Il est possible que les procédures de

recrutement dans les orchestres qui ne mobilisent pas le paravent aient été

influencées par les questions se posant autour de son usage. Les membres des jurys

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évoluant dans un environnement où les questions de parité en culture sont soulevées

ces dernières années, peuvent peut-être être attentifs à ne pas défavoriser les femmes

et, de fait, à faire passer davantage d’entre elles entre les deux premiers tours. On

observe en effet un accroissement du taux de féminisation entre ces deux tours dans

les orchestres sans paravent.

Une hypothèse de travail pourrait être que l’introduction du paravent

s’inscrive dans un discours ambiant autour du déficit historique de représentation

des femmes dans les orchestres, et aujourd’hui encore aux postes de solistes. Aucun

orchestre à ce jour ne mobilise le paravent de bout en bout de la procédure. Il est

donc possible qu’un processus plus favorable aux femmes soit en place aux premières

épreuves mais qu’un processus de rattrapage en faveur des hommes se mette en place

par la suite, ce qui pourrait expliquer le processus inégalitaire montré dans la section

précédente. Ceci conduirait à l’écrémage observé qui conduit de passe d’un vivier de

41 % de candidates à seulement 16 % de femmes recrutées (pour les candidat-e-s

présent-e-s lors du premier tour). On peut aussi le comprendre comme la résultante

classique des effets de « plafond de verre », ainsi que la résistance des

représentations sexuées attachées à certains postes et à certains instruments. Pour

ces postes convoités en musique, la question de la présence de femmes n’est censée

pas (ou plus) se poser ouvertement, selon les responsables des orchestres, sauf à

parler de la direction d’orchestre… Le processus doit donc être analysé dans sa

globalité, il n’est pas pertinent de se concentrer sur les épreuves pour lesquelles le

paravent est mobilisé.

L’évaluation du paravent en s’appuyant sur une comparaison « orchestres avec

paravent » versus « orchestres sans paravent» est donc – en l’état actuel des données

– peu robuste au regard de la taille de l’échantillon, du caractère spécifique des

orchestres qui ont opté pour le paravent, de la diversité instrumentale et du contexte

dans lequel s’insère l’introduction du paravent.

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CONCLUSION : LES PISTES DE RECHERCHE FUTURES

Cette première exploration systématique des recrutements dans les orchestres

de Paris et d’Ile-de-France a apporté de riches enseignements. Nous sommes

davantage en mesure de comparer les procédures de recrutement dans les différents

ensembles, leurs différences et les tentatives d’homogénéisation pour certains d’entre

eux. L’analyse de l’ensemble des recrutements réalisés sur la période montre aussi

une tendance à l’accroissement du nombre de femmes solistes recrutées dans ces

ensembles, même si le taux de féminisation des orchestres de Paris et d’Ile-de-France

reste relativement stable – et plutôt en légère hausse –comparativement à celui des

orchestres permanents français dans leur ensemble depuis une quinzaine d’année.

Par ailleurs, nous avons dressé un panorama des arguments actuels pour ou

contre l’introduction d’un paravent lors de certaines étapes du processus de

recrutement. Ces discours portent essentiellement sur la justice du concours, plutôt

qu’ils ne tendent à questionner d’éventuels processus discriminatoires, voire à lutter

contre. Cela s’articule d’ailleurs très précisément avec des interrogations sur

l’efficacité du concours et les manières de les rendre plus efficients, moins coûteux et

plus pertinents face à la réalité du travail orchestral, fondé sur le collectif.

Nous avons également élaboré une première base de données individuelles

concernant 41 concours sur cinq orchestres et rassemblant 1244 candidatures.

L’analyse des 94 concours pour 105 postes et surtout l’exploration systématique de la

base a ainsi montré un phénomène de « disparition » des candidates au long des

diverses étapes du processus de recrutement, ou plus exactement une sous-

représentation de leur embauche comparativement au vivier de candidates.

Toutefois, de fortes contraintes méthodologiques liées à l’hétérogénéité des

orchestres et des concours, ainsi qu’au nombre restreint d’observations disponibles,

ne permet pas de mesurer de manière solide l’effet du paravent lors des procédures

de recrutement.

La base Ardis-Orchestres doit ainsi être élargie de sorte à accroître le nombre

de concours observés. Cela peut être rendu possible par l’accroissement du nombre

d’orchestres mobilisés. Cet élargissement permettra de contrôler de façon robuste des

particularités des concours, des instruments, des orchestres. Malgré ces limites, la

base Ardis-Orchestres est un outil novateur qui permet d’approfondir nos

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connaissances concernant les processus discriminatoires qui se fondent sur les

critères tels que le sexe, l’âge, l’origine ethnique. Ce dernier point ne peut s’appuyer

uniquement sur la nationalité (variable renseignée dans la base de données), mais

exige de travailler sur la consonance des noms de famille ; une variable pourrait être

construite de sorte à identifier les personnes susceptibles d’être discriminées au

regard de leur origine ethnique. La taille actuelle de notre échantillon ne permet pas

d’étudier ce point.

Concernant une mesure de l’effet du paravent, deux orientations sont possibles

pour la suite.

1/ La méthode de l’appariement pourrait permettre de contourner la difficulté

méthodologique posée par notre base qui ne permet pas d’observer un même

orchestre avant et après l’introduction du paravent. Cette méthode consiste à

construire des paires composées d’un individu traité (ici passant un concours avec

paravent) et d’un individu non traité (ici passant un concours sans paravent), les

individus composant la paire étant identiques au regard de leurs caractéristiques.

Ainsi il serait possible de comparer les chances qu’aurait une femme

comparativement à homme de passer au tour suivant quand le paravent est utilisé. Ce

type de méthode ne permet toutefois pas d’intégrer l’EIC, orchestre de solistes

uniquement, dont le positionnement artistique spécifique empêche une comparaison

directe avec les autres orchestres du panel, ce qui limiterait donc d’autant le champ

de l’analyse.

En revanche, l’effet du paravent pourrait être étudié sur ce seul orchestre en

mobilisant le changement de procédure dans le processus de recrutement opéré en

2006 et qui a conduit à ajouter un tour entre le premier tour et la finale, ce deuxième

tour complémentaire étant lui aussi réalisé derrière paravent. Pour réaliser cette

étude spécifique, il conviendrait alors d’élargir la base en ajoutant des concours à

venir.

2/ Une autre possibilité pour mesurer l’effet du paravent serait de s’appuyer

sur les candidat-e-s qui se présentent à plusieurs concours pour constituer une sorte

de panel. Cette méthode requiert d’avoir un nombre suffisant de personnes, avec une

représentation équilibrée des deux sexes, qui se présentent à des concours avec et

sans paravent.

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Une autre piste d’étude du recrutement porte sur les jurys. Au-delà de l’effet

propre au paravent, nous disposons pour certains orchestres de la composition et la

taille de ces jurys. Nous pourrions, après saisie de ces données, chercher à évaluer

l’impact des caractéristiques du jury sur le profil des personnes recrutées. L’analyse

qualitative a montré que parmi les orchestres qui n’utilisent pas le paravent, certains

envisagent de travailler sur la composition du jury pour mieux éviter les effets de

collusion et / ou de discrimination. Cette analyse pourrait faire écho à des travaux de

recherche portant sur l’effet de la composition du jury sur le profil des personnes

retenues dans d’autres contextes (Zinovyeva, Bagues, 2011 ; Backouche, Godechot,

Naudier, 2009).

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BIBLIOGRAPHIE

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BACKOUCHE, Isabelle, GODECHOT, Olivier, NAUDIER, Delphine, « Un plafond à caissons : les femmes à l’EHESS », Sociologie du travail, 51/2, 2009, p. 253-274.

BEHAGEL, Luc, CREPON, Bruno, LE BARBANCHON, Thomas, « Évaluation de l’impact du CV anonyme », 2011, http://www.crest.fr/images/CVanonyme/rapport.pdf.

BUSCATTO, Marie, Femmes du jazz. Musicalités, féminités, marginalisations, Paris, CNRS Editions, 2007.

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DIETSCH, Bruno, SOTTO, Marie-Françoise, « L’enseignement spécialisé de la musique, de la danse et de l’art dramatique en 2008-2009 », Culture chiffres, DEPS, ministère de la Culture, 2010.

GOBILLON, Laurent, ROUX, Sébastien, MEURS, Dominique, « Estimating Gender Differences in Access to Jobs , Journal of Labor Economics, 2015 (à paraître).

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HATZIPETROU-ANDRONIKOU, Reguina, « Le renouveau de la musique traditionnelle grecque au prisme du genre », in BRANDL, Emmanuel, PREVOST-THOMAS, Cécile, RAVET, Hyacinthe, 25 ans de sociologie de la musique en France. Tome 2. Pratiques, œuvres, interdisciplinarité, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 89-103.

LAUNAY, Florence, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref historique d’une longue professionnalisation », Travail, Genre et Sociétés, 19, 2008, p. 41-63.

LEHMANN, Bernard, L’orchestre dans tous ses éclats. Ethnographie des formations symphoniques, Paris, La Découverte, 2011.

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MILEWSKI, Françoise, PERIVIER, Hélène, Les discriminations entre les femmes et les hommes, Paris, Presses de Sciences po, 2011.

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PETIT, Pascale, « Discrimination à l’embauche : une étude d’audit par couples dans le secteur financier », Revue Economique, 55 (3), 2004, p. 611-621.

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RAVET, Hyacinthe, Les musiciennes d’orchestre. Interactions entre représentations sociales et itinéraires, Thèse de Doctorat en sociologie, Université Paris Ouest-Nanterre La Défense, 2000.

RAVET, Hyacinthe, Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique, Paris, Autrement, 2011.

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ZINOVYEVA, Natalia, BAGUES, Manuel, "Does Gender Matter for Academic Promotion? Evidence from a Randomized Natural Experiment," IZA Discussion Papers n°5537, 2011.

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ANNEXES

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LISTE DES ANNEXES

ANNEXE 1 Lettre aux responsables des orchestres

ANNEXE 2 Tableau récapitulatif des réunions avec les responsables des

orchestres

ANNEXE 3 Exemples de programmes de concours

ANNEXE 4 Exemples de règlements de concours

ANNEXE 5 Extrait de la Convention collective nationale des entreprises

artistiques et culturelles de 2011 relatif à l’organisation des

concours de recrutement

ANNEXE 6 Extrait de l’accord collectif sur l’égalité professionnelle entre

les femmes et les hommes de l’OCP relatif à l’organisation des

concours de recrutement (2011)

ANNEXE 7 Extrait de l’accord collectif d’entreprise de l’OCP (2012)

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ANNEXE 1 :

Equipe de recherche : Reguina HATZIPETROU-ANDRONIKOU, sociologue, Centre Maurice Halbwachs Chiara NOE, économiste, PRESAGE, OFCE Hélène PERIVIER, économiste, PRESAGE, OFCE Hyacinthe RAVET, sociologue et musicologue, Université Paris-Sorbonne Contact : Hyacinthe Ravet Université Paris-Sorbonne, UFR de Musique et Musicologie Centre Clignancourt, 2 rue Francis de Croisset,75018 Paris [email protected] 06 98 11 03 41

Noms Adresse

Copie à : Nom(s)

Paris, le 10 décembre 2013

Cher Monsieur,

Nous menons actuellement une recherche financée par la Région Ile-de-France à travers l’ARDIS (Alliance de recherche sur les discriminations) sur « Procédures d’embauche et réduction des discriminations : le cas des musiciens d’orchestre en Ile-de-France ». Les orchestres français se sont profondément renouvelés ces dernières années et ils font face aujourd’hui à des défis majeurs. L’Association Française des Orchestres est informée de notre étude qui contribue à une meilleure connaissance des orchestres et de leurs transformations.

Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons notamment aux modes de recrutement actuellement à l’œuvre et à leurs évolutions dans le temps. Pour mesurer et montrer les changements de manière systématique, nous souhaitons nous appuyer sur une analyse chronologique des concours pour chaque orchestre, ainsi que sur une comparaison entre plusieurs orchestres permanents franciliens. Nous espérons réaliser un travail de collecte des données pionnier en France, mais déjà effectué dans d’autres pays à grande tradition symphonique comme l’Allemagne ou les Etats-Unis, sur les profils des candidats aux concours et ainsi contribuer à mieux connaître les musiciens et musiciennes d’orchestre.

Une attention particulière sera portée à l’évaluation de l’utilisation des auditions « à l’aveugle » dans certaines étapes des concours (voir le résumé ci-joint). Cette étude permettra notamment de voir les effets du « paravent » sur le type de candidats retenus, au regard de leur âge, leur sexe, leur nationalité et leur formation. Nous prendrons soin également d’étudier qualitativement et quantitativement les avantages et les inconvénients associés aux différentes procédures de recrutement.

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Afin de pouvoir effectuer cette recherche, il nous faut évaluer avec vous les possibilités d’accès aux données et aux archives concernant les concours d’entrée au sein de votre ensemble. Nous nous engagerions à traiter ces données nous-mêmes, de manière anonyme et confidentielle. Nous vous serions reconnaissantes de bien vouloir nous accorder un entretien durant lequel nous pourrions vous exposer plus longuement cette recherche. L’idéal serait de se rencontrer au plus tôt, car nous avons des contraintes temporelles pour la réalisation de l’étude.

Dans l’attente de votre réponse que nous espérons positive, nous restons à votre disposition pour toute information complémentaire.

Nous vous prions d’agréer, cher Monsieur Le Pavec, l’expression de nos salutations distinguées.

Reguina Hatzipetrou-Andronikou Chiara Noe

Hélène Périvier Hyacinthe Ravet

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ANNEXE 2 :

Orchestre Personnes

Contactées

1er contact email

Réponse Rendez-vous

2eme rappel

Rendez vous

Personnes présentes au rendez-vous.

Ensemble Intercontemporain

Mme Quéré Oui, 11/12/2013

Oui 19/12/2013 Sophie Quéré , Directrice administrative

Orchestre de chambre de Paris

Mme Deporcq

Oui, 11/12/2013i

Oui 16/01/2014 Stéphanie Deporcq, Directrice administrative et financière.

Morel, Directeur de production

Orchestre de Paris M. Hamard Oui, 11/12/2013

Non Oui 30/01/2014 annulé ;

26/02/2014

Didier de Cottignies, Directeur artistique

Orchestre National d'Ile de France

Mme Voisin Oui, 11/12/2013

Oui 31/01/2014 Fabienne Voisin, Directrice générale

Catherine Delcroix, Administratrice

Alexis Labat, Administrateur adjoint

Direction de la musique de Radio France

(ONF et OPRF)

M. David Oui, 11/12/2013

Oui 14/01/2014 Marie Boyer, Chargée des concours

Eric Montalbetti, Directeur artistique

Roland David, Directeur adjoint de la direction de la musique

Stéphane Spada, Délégué général du chœur

Pierrette Maugey, Déléguée Ressources Humaines gestion de la musique

Marine Depaillerets, Directrice adjointe

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n° de Siret : 300 513 132 00054 - APE 90.01Z

Concours Alto 2e soliste 1 poste (2e catégorie) Lundi 19 janvier 2015 Prise de fonction : le 17 mars 2015

PROGRAMME 1er tour (avec accompagnement) Stamitz : Concerto en ré majeur, 1er mouvement jusqu’à la mes. 200 ou Hoffmeister : Concerto en ré majeur, 1er mouvement jusqu’à la mes. 152 (NB. Editions au choix du candidat) Trait d’orchestre : Mahler : Symphonie n° 10 2e tour (avec accompagnement) Bartók : Concerto, 1er mouvement jusqu’à la mes. 125 ou Walton : Concerto, 1er mouvement sans la cadence

Traits d’orchestre : Beethoven : Symphonie n° 3 Chostakovitch : Symphonie n° 5 Mozart : Symphonie n° 41 3e tour Solos d’orchestre : Kodaly : Hary Janos Suite Puccini : Manon Lescaut, intermezzo Ravel : Ma mère l’Oye Traits d’orchestre : Berlioz : Le carnaval romain Prokofiev : Symphonie n° 1 Ravel : Daphnis et Chloé, suite n° 2 (ligne du dessus) Rossini : La pie voleuse, ouverture

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1

ANNEXE I

CONCOURS DE DEUXIEME TROMPETTE SOLO, Jouant la 4ème et la 3ème trompette

Jouant le 2ème cornet solo

POUR L’ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE

Du 29 novembre au 1er décembre 2014

EMPLOIS OFFERTS

Un poste de deuxième trompette solo, jouant la 4ème et la 3ème trompette, jouant le 2ème cornet solo

(catégorie B)

DATE LIMITE DE DEPOT DES CANDIDATURES :

Lundi 10 novembre 2014 (Cachet de la poste faisant foi)

REMUNERATION ANNUELLE BRUTE

51088,19 €

EMPLOI DISPONIBLE Immédiatement

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2

ANNEXE II-PROGRAMME

CONCOURS DE DEUXIEME TROMPETTE SOLO ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE RADIO FRANCE

1er tour Georges Enesco : Légende Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) -Trompette : Bartok, concerto pour orchestre Schumann, symphonie n°2 -Cornet et trompette : Stravinsky, Petroushka (version 1911 et 1947) 2éme tour Sur trompette en Ut à pistons Haydn : concerto en mib majeur, premier mouvement Traits d’orchestre ( extraits des œuvres suivantes) -Trompette à palettes : Beethoven, Leonore 2 et 3 -Trompette en sib : Chostakovich, symphonie n°5 -Trompette : Debussy, Nocturnes -Cornet : Bizet, Carmen Finale Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) -Trompette : Dutilleux, Métaboles

Messiaen, l’Ascension Ravel, Alborada del Gracioso Bartok, concerto pour orchestre

-Trompette à palettes : Mahler, symphonie n°6

Mahler, symphonie n°2 Mahler, symphonie n°5 Bruckner, symphonie n°4

-Trompette : Strauss, ein Heldenleben (2 parties) (Trompette à palettes ou piston) -Cornet : Debussy, la Mer Le jury pourra vous demander de rejouer les traits d’orchestre du premier ou du deuxième tour

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1

ANNEXE I

CONCOURS DE VIOLON DU RANG ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE

Les 16, 17 ET 18 NOVEMBRE 2014

EMPLOI OFFERT :

Un poste de VIOLON DU RANG (Catégorie D)

DATE LIMITE DE DEPOT DES CANDIDATURES :

Mercredi 29 octobre 2014 (Cachet de la poste faisant foi)

REMUNERATION ANNUELLE BRUTE : (Barème au 01/01/2014)

44664,43€

CET EMPLOI SERA DISPONIBLE : Immédiatement

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2

ANNEXE II Orchestre National de France

Programme violon du rang 16 au 18 novembre 2014

1er Tour Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) SCHUMANN, Symphonie no 2, Scherzo BEETHOVEN, Symphonie no 9, Scherzo BRAHMS, Symphonie no 4, Finale 2ème Tour MOZART, Premier mouvement au choix des troisième ou quatrième ou cinquième concertos (du début à la réexposition) ET au choix : SIBELIUS, Premier mouvement du début jusqu’à la fin de la cadence OU BRAHMS, Finale du concerto en ré majeur Finale Traits d’orchestre (extraits des œuvres suivantes) STRAUSS, Don Juan MENDELSSOHN, Songe d’une nuit d’été, Ouverture MAHLER, 1ère Symphonie, Finale DEBUSSY, La mer, Jeux de vagues BERG, Trois pièces de la suite lyrique Déchiffrage NB : Les traits d’orchestres proposés aux épreuves éliminatoires pourront être redemandés aux candidats en finale.

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3

Rappels importants :

-Seuls les livrets de traits d’orchestre sont fournis par le bureau des concours. Chaque candidat doit donc apporter le jour des répétitions et du concours ses partitions et celles de l’accompagnement au piano des œuvres programmées. Les livrets seront disponibles et envoyés à partir du :15 septembre 2014 -Les livrets seront envoyés uniquement aux candidats ayant fourni au Bureau des Concours leur dossier d’inscription COMPLET (fiche d’inscription dûment remplie + CV) avant la date limite de dépôt des candidatures fixée au : 29 octobre 2014 -Les répétitions avec pianiste (le cas échéant) sont organisées par Radio France : pour ce concours, les répétitions sont organisées pour les demi-finalistes seulement, le lundi 17 novembre. 2014. Le planning des répétitions sera établi après la proclamation des résultats du premier tour. -Vous pouvez également, si vous le désirez, vous faire accompagner par votre pianiste personnel. Dans ce cas, Radio France ne met pas de studio à disposition. -Les candidats déjà titulaires d’une des formations de Radio France doivent fournir fiche d’inscription et CV. Ils devront préciser s’ils se présentent au premier tour, ou directement au second tour. -Toute personne inscrite au concours s’engage à se présenter pour les épreuves à l’heure de la convocation. En cas de désistement, le candidat devra OBLIGATOIREMENT en aviser le Bureau des Concours par mail dans les meilleurs délais.

Coordonnées :

Bureau des concours :

+33 (0)1 56 40 37 25 [email protected] +33(0)1 56 36 30 60 [email protected]

Site radio France : www.concert.radiofrance.fr/ les concours.

Courriel inscriptions : [email protected]

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Concours d’alto 2ème soliste (2ème catégorie), 1 poste.

Lundi 19 janvier 2015

Prise de fonction le 17 mars 2015

n° de Siret : 300 513 132 00054 - APE 90.01Z

.

RÈGLEMENT Le concours se déroulera à la Maison de l’Orchestre national d’Île-de-France au 19, rue des Écoles à Alfortville (94140) le lundi 19 janvier. L’ordre de passage et les noms des candidats ne seront pas communiqués aux membres du jury avant l’issue de la première épreuve. L’accusé de réception de la candidature et un plan d’accès seront joints aux traits d’orchestre et envoyés dès réception de l’inscription.

ÉPREUVES

Quelle que soit l’épreuve en cours d’exécution, le jury se réserve le droit d’interrompre le candidat. Au contraire, s’il le juge utile, il pourra procéder à une nouvelle audition. A chaque étape du concours, le jury se réserve la possibilité de réentendre un candidat dans l’un des concertos demandés. Toutes les épreuves sont éliminatoires. Les décisions du jury sont sans appel. Les épreuves se dérouleront de la manière suivante :

x 1ère épreuve derrière paravent avec pianiste, x 2ème épreuve sans paravent avec pianiste x 3ème épreuve sans paravent et sans pianiste

Les candidats pourront être accompagnés au piano par la personne de leur choix ou par le(la) pianiste désigné(e) par l’Orchestre. Répétitions avec pianiste : Les répétitions avec le (la) pianiste désigné(e) par l’Orchestre sont prévues à la Maison de l’Orchestre, 19, rue des Écoles – 94140 Alfortville le dimanche 18 janvier 2015, dans la limite des places disponibles. La date limite des inscriptions aux répétitions est fixée au vendredi 9 janvier. Le montant de la participation financière pour chaque candidat inscrit aux répétitions est fixé à 25 € pour une durée de 30 minutes. Les candidats adresseront leur règlement par chèque libellé à l’ordre de l’Orchestre national d’Île-de-France lors de leur inscription (Orchestre national d’Île-de-France – 19, rue des Ecoles – 94140 Alfortville). Toute inscription est définitive. L’inscription est validée uniquement à la réception du règlement. Exceptionnellement, les candidats étrangers auront la possibilité de régler leur répétition en espèces, avant leur passage, à la personne chargée de l’accueil. ATTENTION ! Nous ne communiquerons qu’à partir du mardi 13 janvier votre horaire de répétition par e-mail. Cette date et cet horaire vous seront imposés sans aucune possibilité de modification.

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RÈGLEMENT DU CONCOURS

Date limite d’inscription : 9 janvier 2015

S’inscrire par e-mail en envoyant la fiche d’inscription à : [email protected] (date de réception faisant foi)

Possibilité d’inscription par courrier adressé à l’administration de l’Orchestre national d’Île-de-France, service concours au 19, rue des Écoles 94140 Alfortville au moyen du formulaire joint (cachet de la poste faisant foi). Conditions générales d’inscription : Les candidats doivent satisfaire aux lois et règlements en vigueur notamment pour les ressortissants des pays non membres de l’Union Européenne, et jouir de leurs droits civiques. En cas de réussite au concours d’un candidat étranger à l’Union Européenne, l’embauche sera soumise à l’obtention du permis de travail ; l’Orchestre s’engage à effectuer toutes les démarches nécessaires auprès de l’administration. Si ce permis n’est pas accordé au candidat retenu, l’Orchestre peut :

x Proposer le poste devenu libre au candidat arrivé second à l’issue de la troisième épreuve, selon l’avis émis par le Jury du concours,

x Déclarer le poste vacant et organiser un nouveau concours. Les frais de séjour et de déplacement sont à la charge du candidat. CONDITIONS D’ENGAGEMENT Le candidat reçu au concours devra fournir à l’administration avant sa prise de fonction le 17 mars 2015 :

o 1 fiche d’État Civil ; o 1 pièce justifiant la nationalité ; o 1 estimation fournie par un luthier de la valeur du ou des instruments et archets utilisés

lors de la prise de fonction. A l’issue du concours, l’artiste musicien est engagé sous contrat à durée indéterminée assorti d’une période d’essai de 1 mois renouvelable. Cette période d’essai sera éventuellement prorogée d’une durée égale à celle des absences cumulées pour maladie dépassant six jours ouvrables et des périodes de congés payés annuels d’été. Au cours de cette période, le titulaire du contrat peut, sur notification écrite, donner son congé sans indemnité et moyennant le respect d’un préavis de 7 jours ouvrables. Durant cette même période, la direction peut, sur notification écrite, lui signifier son congé, sans indemnité et moyennant le respect d’un préavis d’un mois. L’Orchestre national d’Île-de France sera, en tout état de cause, considéré comme employeur principal. Les activités à caractère régulier, notamment d’enseignement, devront faire l’objet d’une information préalable à l’administration de l’Orchestre.

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CONDITIONS DE RÉMUNÉRATION La rémunération mensuelle de base actuelle (brute) d’un musicien (2ème catégorie) est de 3331,61 € au 01/01/13 à laquelle s’ajoute une indemnité de résidence de 3% et, éventuellement, un supplément familial. Le nombre d’heures de travail est de 102 heures par mois. Les artistes sont affiliés à un régime de retraite complémentaire (AUDIENS), à un régime obligatoire de prévoyance spécialement adapté à leur métier et à une mutuelle-santé obligatoire. Les heures de travail de chaque artiste musicien peuvent être assurées en scène, en fosse, en coulisse, pour concerts, spectacles lyriques et chorégraphiques, séances d’animation concerts scolaires et pédagogiques et toutes répétitions. La demande d’inscription au concours implique de la part du candidat l’acceptation sans réserve du présent règlement. Pour tout renseignement complémentaire, s’adresser à

Service concours Orchestre national d’Île-de-France 19 rue des Ecoles 94140 Alfortville

[email protected]

Tél : 0033 (0) 1 41 79 39 39 Fax : 0033 (0) 1 41 79 03 50

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1

CONCOURS - FICHE D’INSCRIPTION Pour vous inscrire au présent concours, vous devez remplir cette fiche d’inscription et la renvoyer :

- impérativement avant la date limite des inscriptions - obligatoirement accompagnée d’un curriculum vitae

Soit par mail à l’adresse suivante : [email protected] Soit par courrier (le cachet de la poste faisant foi) Madeleine Jalbert-Marie Boyer Direction de la Musique Bureau des concours – Pièce 10459 Dès réception des documents par nos services, vous êtes considéré comme inscrit et : - nous vous envoyons le livret de traits d’orchestre par mail (au plus tard 4 semaines avant le concours) - nous vous envoyons votre convocation (1 à 2 semaines avant le concours)

A remplir distinctement :

Vous désirez postuler pour le concours de (instrument) : ___________________________________ Le (date) ____________________ à Radio France, et acceptez donc les conditions mentionnées dans le règlement du concours ci-joint. Pour le (ou les postes) de : _________________________________________________________________________________ ! Orchestre Philharmonique ! Orchestre National NOM : ______________________________________ Prénom : ________________________________________ Nationalité : _______________________________ Date et lieu de naissance : le ______ /______/___________ à ________________________________________________ Adresse : _____________________________________________________________________________________________________ Code Postal : ________________________________ Ville : _____________________________________________ Pays : _________________________________________ Téléphone fixe : ______________________________ Téléphone portable : ___________________________________ Adresse e-mail : __________________________________________________________ Etes-vous déjà titulaire d’un poste à Radio France : oui non (Réservé aux candidats titulaires : vous présentez-vous au premier tour ? oui non

Jouerez-vous avec le/la pianiste de Radio France : oui non

(NB : répétitions généralement les deux jours précédant le concours)

Viendrez-vous avec votre pianiste ? oui non Comment avez-vous pris connaissance du concours ?

Presse+internet : La lettre du Musicien Diapason Autres Site internet : Radio France AFO Cité de la Musique

Musicalchairs Vioworld Autre site Presse (précisez) ________________ Affichage (précisez) ________________ Autres (précisez) _______________ A________________________ le____________________ Signature* : (*si vous répondez par mail, inscrivez simplement vos nom et prénom en toutes lettres)

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2

Direction Générale Adjointe Développement Social et Ressources Humaines

CONCOURS POUR LE RECRUTEMENT D’UN MUSICIEN AU SEIN DES ORCHESTRES PERMANENTS DE RADIO FRANCE

« REGLEMENT DE CONCOURS » I – CONDITIONS GENERALES Pour être admis à concourir, les candidats doivent être âgés de 18 ans révolus à la date de prise de fonction du poste pour lequel ils postulent. Le concours est ouvert aux candidats de toute nationalité. Sont précisés en annexe I au présent règlement : - les définitions des emplois à pourvoir ; - les rémunérations correspondantes ; - les différentes dates de prises de fonction ; - les dates des épreuves ; - les dates de dépôt des candidatures. En annexe II, les candidats trouveront, pour chaque épreuve les concernant, les titres des morceaux imposés. Les partitions des traits d’orchestre ne seront envoyées qu’aux seuls candidats inscrits. Une convocation sera adressée à chaque candidat préalablement au déroulement des épreuves. La demande d’inscription au concours implique, de la part des candidats, l’acceptation sans réserve des conditions du présent règlement. II – FICHE D’INSCRIPTION – DEPOT DES CANDIDATURES Pour s’inscrire à un concours, les candidats doivent remplir la fiche d’inscription prévue à cet effet. La fiche d’inscription doit être renvoyée, accompagnée d’un curriculum vitae, au plus tard avant la date de clôture des inscriptions, au bureau de l’Administration des Concours :

" par e-mail à l’adresse suivante : [email protected] ; " par courrier à l’adresse suivante (le cachet de la poste faisant foi) :

Madeleine Jalbert-Marie Boyer

Direction de la Musique Bureau des Concours – pièce 10459

Maison de Radio France 116 avenue du Président Kennedy

75220 PARIS CEDEX 16

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La fiche d’inscription doit comporter les renseignements suivants : - NOM et prénoms - Date et lieu de naissance - Nationalité - Adresse et numéro de téléphone

Les candidats déjà titulaires d’un poste au sein d’une des formations musicales de Radio France seront admis d’office au second tour, mais peuvent se présenter au premier s’ils le souhaitent (cf note directeur de la Musique, Thierry Beauvert, du 28 novembre 2008).

Ces candidats sont priés de procéder à leur inscription dans les délais prévus par le bureau des concours en répondant au questions prévues pour leur cas. III – PRISE DE FONCTION Le candidat reçu au concours devra fournir à l’Administration des concours, au moment de sa prise de fonction, une pièce justifiant sa nationalité. IV – REGLEMENTATION DE L’EMPLOI DE CANDIDATS DE NATIONALITE ETRANGERE Pour les lauréats de nationalité étrangère, les dates de prise de fonction des postes mis au concours seront suspendues à la réunion des deux conditions suivantes : - être en règle avec la législation française en vigueur sur l’emploi des ressortissants étrangers :

" titre de séjour en cours de validité ; " autorisation de travail.

(Radio France pourra assister les lauréats dans ces démarches) - être définitivement dégagés de toutes obligations nationales et militaires (justificatifs à fournir). V – DEROULEMENT DES EPREUVES Le concours est constitué de trois à quatre épreuves devant un jury. Une des épreuves pourra se dérouler avec orchestre ou en formation de musique de chambre. Le lieu des épreuves est précisé dans la convocation. VI – FRAIS DE TRANSPORT Les frais de transport et de séjour seront à la charge des candidats. Cependant, Radio France remboursera le coût du transport aux candidats finalistes sur un poste de super-soliste (catégorie A) sur présentation du justificatif original : - pour un musicien résidant en France (hors Ile-de-France) :

- remboursement sur la base d’un trajet en train en 1ère classe ; - pour un musicien résidant à l’étranger :

- pour un déplacement en avion, remboursement sur la base d’un trajet en classe économique ; - pour un déplacement en train, remboursement sur la base d’un trajet en 1ère classe.

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VI – RESULTATS – DISPOSITIONS PARTICULIERES Le jury du concours se réserve le droit, en fonction des résultats obtenus, de ne pas pourvoir les emplois offerts. Au cas où l’emploi proposé par le jury serait refusé par le lauréat le jour du concours, aucune autre proposition ne pourra lui être faite et il perdra le bénéfice du résultat obtenu. VII – CONDITIONS D’ENGAGEMENT Les lauréats seront soumis aux dispositions de la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles et de son annexe 11 concernant les artistes musiciens et choristes des formations permanentes de Radio France.

La visite médicale d’embauche est obligatoire et l’établissement du contrat des lauréats sera subordonné au certificat d’aptitude délivré par le médecin du travail de la Société.

Conformément aux dispositions de l’article 22 de l’annexe 11 à la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles, les lauréats seront soumis à une période probatoire de six mois. La durée de cette période probatoire peut éventuellement être prolongée une fois, sans que cette prolongation puisse excéder la durée initiale. En outre s’il est constaté que l’engagement définitif doit être subordonné à l’acquisition d’une plus grande maîtrise exigée par le poste, il pourra être procédé à une audition de fin de période probatoire.

Les lauréats déjà titulaires d’un poste au sein d’une des deux formations musicales permanentes de Radio France (Orchestre National de France et Orchestre Philharmonique de Radio France) seront soumis à une période probatoire de six mois (renouvelable une fois pour six mois maximum). Sur proposition du jury, un musicien déjà titulaire obtenant par concours une promotion dans sa formation peut être dispensé de la période probatoire. Les musiciens des Orchestres et du Chœur accordent une priorité absolue de travail à Radio France. Ils sont appelés à accomplir 1110h de travail par an.

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TITRE XV : DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES À L’EMPLOI DES ARTISTES MUSICIENS Ce titre vient annuler et remplacer le texte de l’ANNEXE intitulée : « rapports entre les directeurs de entreprises artistiques et culturelles, les centres dramatiques et les artistes musiciens du 7 mai 1985». Préambule L’emploi des artistes musiciens est caractérisée par des situations contractuelles et d’organisation du travail différentes selon qu’ils sont employés au sein d’ensembles musicaux à nomenclature, d’ensembles musicaux sans nomenclature, dans le secteur des musiques actuelles, et au sein d’entreprises de création dramatique. Orchestres à nomenclature Les orchestres à nomenclature sont des ensembles de toutes esthétiques musicales dont l’accomplissement des missions pour lesquelles ils sont financés nécessite le recours récurrent pour leur programmation à un effectif minimal constant d’instrumentistes. La nomenclature de ces emplois est fixée par le C.A., et/ou par l’administration, de ces orchestres. Elle détermine le nombre, les fonctions et les rémunérations des emplois nécessaires à l'activité normale de ces ensembles dans le respect des grilles de classification de la présente convention. La nomenclature doit permettre de répondre aux missions de service public assignées par les tutelles, au travers des cahiers des charges lorsqu’ils existent. Cette adéquation doit être garantie par la diversité des familles d’instruments et par un nombre de musiciens adapté au répertoire et aux activités régulières de l’orchestre. Cet effectif doit satisfaire aux exigences de qualité artistique dans le respect de la réglementation en matière d’organisation du temps de travail prévue par la convention collective et/ou par accord d’entreprise. Les orchestres à nomenclature sont caractérisés par:

• des séries de représentations préparées par plusieurs répétitions ; • une organisation du travail en services, dont le nombre et le volume d’heures concernés sont

limités par jour, semaine, trimestre et année. • Une formalisation du rapport entre le travail effectif et le travail au pupitre ou musical.

Ces orchestres comprennent :

Les orchestres dont l’activité requiert des emplois artistiques équivalents-temps-complet, qui relèvent du CDI, et dont le mode de recrutement est le concours. La nomenclature est l’organigramme de référence pour l’organisation des concours de recrutement ou pour le remplacement temporaire de musiciens. Tous les deux ans, le C.E. ou le C.E. conventionnel procède à une évaluation de cette nomenclature au regard de l’évolution des missions, du volume d’emploi sous CDD pour surcroît d’activité ou d’usage et du nombre d’heures supplémentaires rémunérées au cours de la période étudiée. Le C.E. ou le C.E. conventionnel peut proposer au CA et/ou à l’administration de faire évoluer la nomenclature s’il considère que la nomenclature en vigueur est inadaptée.

• Les orchestres dont la pratique d’emploi recourt au CDD, et : • Qui font appel de manière récurrente à un effectif minimal constant de 25 instrumentistes, et

qui sont dirigés ;

• et qui ont pour mission principale la diffusion sur un territoire clairement délimité, ce qui implique un recours exceptionnel aux tournées en dehors de ce territoire.

Orchestres sans nomenclature Ce sont des orchestres ne répondant pas aux critères définis pour les orchestres à nomenclature.

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Article XV- 1 Dispositions relatives à l’emploi et à l’engagement des artistes

XV- 1.1 Recrutement a) Modes de recrutement Les artistes-musiciens sont recrutés par concours, par audition ou de gré à gré. b) Concours Le concours est le mode normal de recrutement en CDI, lorsqu’il existe une vacance ou une création d’emploi dans la nomenclature d’une formation orchestrale. Le concours de recrutement est ouvert sur les plans européen et international selon les dispositions propres à chaque formation instrumentale, et bénéficie d'une large publicité. Sous réserve du respect des principes énoncés ci-après, les règles relatives à l’organisation des concours sont fixées par accord d'entreprise. Le jury est composé paritairement, d’une part de représentants des artistes de la formation instrumentale, formant le collège des musiciens, d’autre part, de représentants de la direction, dont le Directeur musical, président du jury, formant le collège de la direction. Le mode de scrutin des concours est le vote à bulletin secret et à majorité simple, avec voix prépondérante du président du jury en cas de partage égal des voix. Les accords d’entreprise pourront prévoir un mode de scrutin différent. Il appartient à la direction de chaque formation instrumentale, lors de toute procédure de recrutement, de communiquer aux candidats les modalités de déroulement du concours. Le concours comporte plusieurs épreuves dont la première a lieu obligatoirement derrière paravent. Le choix des œuvres inscrites aux épreuves du concours est établi par la direction après consultation du Directeur musical, des chefs de pupitre concernés et, éventuellement, de toute autre personne désignée par accord d’entreprise. Outre les délégués syndicaux, au maximum deux représentants élus peuvent assister au déroulement des concours à titre d’observateurs. Les modalités d’établissement du procès-verbal du concours sont définies par accord d’entreprise. Vacance d’emploi et délai de concours Toute vacance d’emploi doit donner lieu à un concours de recrutement dans un délai de 6 mois à compter de la vacance du poste. Dès lors que ce délai est écoulé, elle fait l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour d’une réunion du comité d’entreprise, ou à défaut des délégués du personnel. Vacance d’emploi et promotion interne Tout artiste qui justifie d’une ancienneté d’au moins 12 mois consécutifs au sein de la formation instrumentale, dès lors qu’il se présente à un concours organisé par celle-ci est exempté, s’il le désire, de la première épreuve. La date du concours est arrêtée en fonction du calendrier de la formation afin de permettre à l’intéressé de s’y préparer sans devoir s’absenter. Elle fait l’objet d’une information auprès des représentants élus du personnel. A défaut, et sans préjudice de dispositions plus favorables prévues dans les accords d’entreprise, un congé de 7 jours calendaires consécutifs précédant immédiatement le concours lui sera accordé, dont 3 jours rémunérés. Afin de préserver le bon fonctionnement de l’activité de la formation, le nombre d’artistes pouvant bénéficier de ce congé se situe, dans chaque pupitre concerné par le poste mis au concours, dans une limite maximum de 25 % de l’effectif de ce pupitre et d’un minimum d’une personne. Au cas où cette limite serait atteinte :

• l’artiste à qui un ou plusieurs refus ont été opposés lors de précédentes demandes est prioritaire pour bénéficier de cette mesure.

• le Comité d’Entreprise, ou à défaut les représentants élus du personnel, détermine la liste des artistes pouvant obtenir ce congé, selon les critères suivants :

• l’ancienneté de l’artiste au sein de la formation, du plus ancien au plus récemment recruté, • les congés déjà obtenus pour la promotion interne ; priorité étant donnée aux artistes n’ayant

jamais bénéficié de ce congé. Toute nouvelle demande effectuée après un congé obtenu est soumise à un délai de carence de deux ans.

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En cas de réussite au concours, l’artiste effectue une période d'essai de six mois. A l'issue de celle-ci, l’artiste est, soit confirmé dans ses nouvelles fonctions, soit réintégré dans son poste précédent. Reclassement Un artiste peut à tout moment demander à être reclassé dans un emploi d’une catégorie inférieure, avec maintien de sa rémunération, au sein de la formation instrumentale. La Direction fera droit à cette demande sous réserve des nécessités liées au bon fonctionnement de la formation. Concours externes Afin de favoriser la promotion professionnelle et la mobilité reconnues aux artistes, la Direction accorde un congé non rémunéré à l’artiste qui en ferait la demande afin de pouvoir se présenter à un concours de recrutement d’une autre formation instrumentale. Sans préjudice de dispositions plus favorables des accords d’entreprise, et afin de préserver le bon fonctionnement de l’activité de la formation, le nombre d’artistes pouvant bénéficier de ce congé est limité à un salarié de l’effectif du pupitre concerné. Dans le cas d’une pluralité de demandes :

• l’artiste à qui un ou plusieurs refus ont été opposés lors de précédentes demandes est prioritaire pour bénéficier de cette mesure. • le Comité d’Entreprise, ou à défaut les représentants élus du personnel, détermine la liste des artistes pouvant obtenir ce congé, selon les critères suivants : • l’ancienneté de l’artiste au sein de la formation, du plus ancien au plus récemment recruté, • les congés déjà obtenus pour la promotion externe ; priorité étant donnée aux artistes n’ayant jamais bénéficié de ce congé.

Toute nouvelle demande effectuée après un congé obtenu, peut être soumise au droit, par la direction, de ne l’accorder qu’après un délai de carence de deux ans. La perte de salaire consécutive à ces absences n’est pas prise en charge directement par la Direction, mais pourra être compensée par une indemnité spécifique déterminée et attribuée par le Comité d’Entreprise de chaque formation instrumentale. c) Audition L’audition est annoncée par voie de presse ou tout autre moyen de communication. L’audition se déroule devant un minimum de deux personnes choisies par l’employeur, qui retiendront l’artiste-musicien le mieux adapté au poste à pourvoir. Au moins l’un des deux auditeurs est un artiste musicien. Cet artiste peut être le directeur artistique ou musical dès lors que celui-ci justifie d’une pratique d’artiste interprète. d) Gré à gré Le recrutement de gré à gré se fait sur expérience professionnelle reconnue, sur réputation ou sur titre. XV- 1.2 Contrats a) Signature des contrats Le contrat doit être établi au minimum en 2 exemplaires, datés, paraphés et signés par les deux parties.

Lorsque le contrat de travail est un contrat à durée déterminée, les deux exemplaires doivent être transmis au salarié au plus tard 15 jours ouvrables précédant l’engagement.

Si le contrat est envoyé par l'employeur au minimum 1 mois avant la date de l'engagement, l'artiste devra renvoyer son contrat au plus tard 15 jours après réception. Si le délai de prévenance est inférieur à 1 mois, l'artiste - interprète devra renvoyer son contrat dans les 8 jours. Si les délais ci-dessus n'étaient pas respectés par l'une ou l'autre partie, la partie qui n'aura pas reçu le contrat signé de son cocontractant pourrait se considérer comme déliée de tout engagement.

A défaut de remise en main propre, la pratique habituelle est l’envoi par courrier simple sauf demande expresse d’une des parties, que les envois soient effectués de part et d'autre, en recommandé avec

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